(Neuf heures trente-sept minutes)
M. Legault
: Bonjour, tout
le monde. Je suis en compagnie de Nathalie Roy qui est notre porte-parole en
matière de culture et d’éducation.
Écoutez, nous avons eu, hier, une
discussion au caucus sur le projet de loi sur la charte de la laïcité, disons
qu’on va l’appeler comme ça pour simplifier les affaires, qui a été déposé par
le Parti québécois, et ce matin, Nathalie Roy et moi, bien, on veut lancer un
appel. On veut lancer un appel au gouvernement de Mme Marois d’entreprendre rapidement
une démarche qui soit responsable et qui défende les intérêts supérieurs du Québec.
Dans le passé, on a vu des grands premiers
ministres comme René Lévesque ou Robert Bourassa défendre des dossiers importants,
comme la protection de la langue française, en se maintenant au-dessus de la
mêlée, au-dessus des calculs partisans. Je pense que Mme Marois devrait s’en inspirer.
Je pense que la dernière chose qu’il faut faire dans le dossier de la charte,
c’est de d’abord penser aux intérêts individuels des partis politiques.
Donc, à la coalition, depuis le début, on
est pour une charte de la laïcité. Rappelez-vous la démarche rapide qu’on a
prise. Dès le mois d’août, on a déposé notre position. Par la suite, la
première journée de la session parlementaire, en septembre, on a tendu la main
à Mme Marois pour régler rapidement ce dossier important. On a ensuite déposé
un projet de loi pour mettre par écrit, donc dans un projet de loi, notre
position, et, à nouveau, j’ai tendu la main à Mme Marois pour réunir les chefs
de parti pour régler ce problème, pour avoir une charte de la laïcité, et
éviter les dérapages, et de dresser aussi les uns contre les autres, au Québec,
pendant trop longtemps.
Je rappelle que, dans notre position, d’abord,
on est d’accord avec le Parti québécois sur l’encadrement des accommodements religieux,
on est d’accord sur la primauté du principe de l’égalité entre les hommes et
les femmes, on est d’accord sur la protection du patrimoine québécois.
Essentiellement, la seule différence entre nos positions consiste… les
personnes à qui on devrait interdire le port de signes religieux. Nous, ce
qu’on dit, c’est que les signes religieux devraient être interdits aux
personnes qui sont en autorité. On inclut, dans cette définition, les juges,
les procureurs de la couronne, les policiers, les gardiens de prison et les
enseignants du primaire et du secondaire dans le réseau de l’éducation
publique.
De leur côté, bien, le Parti québécois veut
interdire les signes religieux à tout le monde, incluant les employés de bureau
qui ne sont pas en contact avec la population. Ils n’auraient pas le droit,
selon le Parti québécois, de porter une croix dans leur cou. On trouve que
c’est exagéré, et, en plus, bien, écoutez, je pense que, dans ce cas-là, on
doit, tout le monde, faire des compromis. Il n’y aura jamais, au Québec, sur ce
dossier, une position qui sera unanime.
Je rappelle aussi que le gouvernement de
Mme Marois est minoritaire. Je rappelle que la Coalition avenir Québec a la
balance du pouvoir. Donc, la balle est dans le camp de Mme Marois. Évidemment,
je déplore la démission du Parti libéral de Philippe Couillard qui refuse de
défendre l’identité québécoise, mais ça ne doit pas nous empêcher, au Québec,
de poser un geste important en adoptant une charte de la laïcité. Je crois, là,
que c’est tout à fait possible à Mme Marois d’adapter une grande partie de son
projet de loi. C’est possible, à condition, bien sûr, de vouloir choisir les
intérêts du Québec avant ceux de son parti politique.
Maintenant, sur ce, je laisse la parole à
Nathalie Roy.
Mme Roy
(Montarville)
:
Merci, M. Legault. Écoutez, je pense que je vais mettre mes lunettes… l’âge.
Vous le savez, le ministre Drainville a beaucoup, beaucoup, beaucoup parlé.
Alors, est-il prêt à écouter maintenant? Je l’espère, parce qu’il reste
beaucoup de questions, des questions auxquelles il n’a pas répondu, des
questions que vous avez posées également.
Le projet passera-t-il le test des
tribunaux? On ne le sait pas, on n’a pas vu les avis légaux. Va-t-on aller
jusqu’à ouvrir la porte à l’interdiction de signes religieux pour les personnes
ou les organismes qui font affaire avec l’État? On parle ici de
sous-contractants. D’un autre côté, vous le savez, si les médecins sont des
travailleurs autonomes, comment peut-on les forcer à cette interdiction de port
de signes religieux? Va-t-on congédier les employés de l’État qui contesteront
la loi en continuant de porter des signes religieux visibles? Et combien
d’infirmières ou d’éducatrices de garderie risquent de partir à cause de ces
interdictions? Alors, vous voyez, la liste de questions est longue, et nous
avons les mêmes préoccupations que vous. Nous aimerions avoir des réponses à
ces questions, et on compte, oui, on compte sur les travaux parlementaires pour
être éclairés, pour faire la lumière sur ces questions, mais on compte aussi
sur une plus grande transparence de la part du gouvernement.
M. Legault l’a dit, nous entendons tendre
la main, une main ouverte, mais une main ferme aussi. Il faut toujours avoir du
courage pour aller au-dessus de ses propres intérêts et, dans ce dossier-ci, il
en faudra encore beaucoup pour définir cette charte et s’entendre sur les bases
de notre vie collective, de notre identité. Mais c’est une démarche qui est
nécessaire, et nous voulons une charte.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Souhaitez-vous que les élus de l’Assemblée nationale… on interdise aussi aux
élus de l’Assemblée nationale de porter des signes religieux ostentatoires?
M. Legault
: Non. Notre
position, depuis le début, c’est de dire : si un candidat se présente avec
un signe religieux, puis que les gens choisissent de l’élire, il pourra
continuer de garder ce signe religieux à l’Assemblée nationale.
M. Journet (Paul)
:
Vous seriez à l’aise à ce qu’une candidate… à ce que Mme de Santis… soit
avec la CAQ, par exemple, puis porte son crucifix ostentatoire.
M. Legault
:
Absolument, en autant que ça ne devienne pas clownesque.
M. Ouellet (Martin)
:
Un tchador, par exemple. Un tchador, on a évoqué ça cette semaine, le vêtement,
là, qui laisse voir le visage, mais qui est complètement voilé.
M. Legault
: Pas de
problème avec ça. En autant qu’on puisse reconnaître la personne, il n’y a pas
de problème avec ça.
M. Ouellet (Martin)
:
Vous seriez à l’aise avec ça?
M. Legault
: Oui.
M. Lavoie (Gilbert)
:
M. Legault, le test devant les tribunaux, est-ce qu’il ne compromet pas aussi
votre proposition concernant les professeurs au primaire et au secondaire?
M. Legault
: Bon, écoutez,
d’abord, je pense qu’il faut être prudent quand on laisse les tribunaux décider
des positions dans des dossiers importants comme ceux-là. On pense que notre
position a beaucoup plus de chance de passer le test des tribunaux que celle du
Parti québécois. Par contre, je l’ai déjà dit, si c’est nécessaire d’utiliser
la clause dérogatoire, bien, on l’utilisera.
M. Dutrisac (Robert)
:
Maintenant, puisque vous tendez la main, etc., donc c’est dans un esprit
d’ouverture, si on parle de ça, on parle de compromis. Donc, les compromis avec
le Parti québécois, ça ne peut se faire que sur les personnes touchées par
l’interdiction du port de signes religieux. Est-ce que vous êtes… justement,
vous pourriez avoir une ouverture à élargir, si on veut, les personnes qui
seraient visées par l’interdiction?
M. Legault
: Écoutez,
avant de vous dire, là, quelles personnes on pourrait ajouter à cette liste,
moi, ce que je voudrais, là, c’est de voir un pas de la part du Parti
québécois. Mais disons qu’on n’exclut pas ça, surtout dans le domaine de l’éducation.
Journaliste
: Depuis le
début, vous dites que c’est une position de compromis au sein de votre caucus
que vous présentez, donc on s’entend qu’il y a des gens chez vous qui sont plus
près du Parti québécois, de la position du Parti québécois, peut-être d’autres
plus près de la position libérale. Avez-vous l’intention de laisser le vote
libre à l’Assemblée nationale là-dessus?
M. Legault
: D’abord,
je vous dirais, là, qu’hier on a eu une bonne discussion au caucus, là. C’est
unanime, les gens, plus que jamais, appuient notre position actuelle. Ceux qui,
dans le passé, dans une autre vie ou dans un autre parti, ont déjà eu d’autres
positions, ont vu, entre autres, les impacts de la position radicale du Parti
québécois, ont cheminé, ont écouté les militants. Moi, le premier, là,
rappelez-vous, j’ai eu un autobus pendant un mois, donc j’ai vu beaucoup de
militants. Et je pense que la position fait consensus ou, dans certains cas,
n’est pas une priorité. Donc, hier, là, j’ai senti, chez chaque député de la
coalition, là, un appui à la position de la Coalition avenir Québec.
M. Lacroix (Louis)
:
Bien, vous dites que vous êtes ouverts, peut-être, dans le domaine de
l’éducation. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus…
M. Legault
: Bien, je veux…
non, justement…
M. Lacroix (Louis)
: …étendre
aux universités, M. Legault?
M. Legault
:
…justement, ce que je souhaite, là, c’est que le Parti québécois fasse un pas.
Pour l’instant, là, on pense que notre position de compromis est la meilleure.
Maintenant, si c’était nécessaire de faire
un petit pas de plus pour qu’on puisse s’entendre avec le Parti québécois à
adopter une charte de la laïcité puis se concentrer sur d’autres priorités
comme l’économie, bien, on serait ouverts à regarder ça. Mais on ne regardera
pas de compromis tant que le Parti québécois n’en fera pas, tant qu’il n’y aura
pas une certaine bonne foi qui soit montrée par Mme Marois, parce que
rappelez-vous qu’entre la position du Parti québécois puis son projet de loi,
ils ont durci leur position. Donc, on a des bonnes raisons de se demander si ce
n’est pas de l’électoralisme plutôt qu’une volonté de compromis. Mais je le
répète, là, si le Parti québécois est prêt à faire des compromis, on est prêts
à regarder pour faire des compromis, mais on ne viendra pas aujourd’hui
commencer à faire d’autres compromis avant d’avoir ceux du Parti québécois.
M. Lacroix (Louis)
: Je
comprends, M. Legault, mais là vous dites les enseignants. Ça, ça implique le
primaire…
M. Legault
: Je dis :
Le domaine de l’éducation.
M. Lacroix (Louis)
:
Non, mais votre position à vous, là, hein, c’est les enseignants. Donc, ça
représente le primaire, le secondaire. Bon. Si vous dites que vous êtes prêt à
élargir, vous êtes prêt à aller à l’enseignement supérieur?
M. Legault
: J’ai dit :
On est prêts à regarder la possibilité d’élargir dans le domaine de
l’éducation.
M. Lacroix (Louis)
:
Mais ça, ça implique quoi? L’éducation supérieure? Les garderies?
M. Legault
: Je ne vous
dirai pas ça ce matin. Je ne vous dirai pas ça ce matin. Je veux d’abord avoir
un signal de la part du Parti québécois, mais je tends une main à Mme Marois pour
régler le dossier. Puis là on va voir est-ce qu’elle veut défendre les intérêts
supérieurs du Québec ou si elle veut faire de la petite politique. Mais moi,
là, je souhaite avoir une charte de la laïcité. Je pense, c’est urgent
d’encadrer les accommodements religieux. Je crois que c’est important qu’on
dise aux Québécois : Voici la position pour éviter les dérapages. Puis je
m’inquiète des dérapages.
Le Modérateur
:
Dernière question en français.
Mme Prince (Véronique)
:
Mais vous dites que c’est un signal. Ça veut dire que vous n’avez pas eu de
signal depuis le dépôt du projet de loi? Il n’y a pas eu de… dans les couloirs
quand vous vous êtes croisés?
M. Legault
: Jamais,
jamais, jamais. Rien, rien, rien. C’est désolant. C’est désolant de la façon
qu’agit le Parti québécois.
M. Gentile (Davide) : Mais là
vous nous parlez en paraboles. Même moi, je suis sûr que je comprendrais, là.
M. Legault
: Oh boy! C’est
la première fois, je pense, qu’on me dit ça dans ma vie.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Gentile (Davide) :
Jusqu’où vous seriez… Je pense que le commun des mortels se pose la question :
Jusqu’où vous seriez prêt à aller pour un compromis, clairement, là?
M. Legault
: Je dis que
je suis prêt à regarder des compromis dans le domaine de l’éducation si le
Parti québécois fait des compromis et je ne dirai rien de plus que ça, O.K.?
Le Modérateur
: Une
dernière question, Louis Lacroix.
M. Lacroix (Louis)
: M.
Legault, juste sur un autre sujet. Mme Marois, au Mexique, est voisine de Paolo
Catania. Est-ce que ça vous inquiète?
M. Legault
: Je pense
que Mme Marois, là, qui fait des leçons aux libéraux, devrait se regarder. Mais,
écoutez, là, ça peut arriver, le hasard.
M. Ouellet (Martin)
:
Qu’est-ce que vous voulez dire par «fait des leçons aux libéraux»? Elle devrait
regarder…
M. Legault
: Bien,
écoutez, ça arrive souvent, là, qu’elle fait des leçons aux libéraux sur leur
proximité presque physique avec certaines gens qui ont été contestés à la
commission Charbonneau, donc…
Journaliste
: …
M. Legault
: Non, non,
non. Écoutez, là, encore une fois, là, je n’ai aucune idée, moi, de… est-ce qu’elle
savait ou non que, quand elle a acheté son condo au Mexique, son voisin était
M. Catania.
M. Harrold (Max) :
Are you… Your communiqué says nothing about the exemption clause in the
charter, as proposed. Are you saying that you’re in favor of the way the PQ has
proposed?
M. Legault
:
I think that in our position in August we were very clear that, if need is, we
can use it. So it was very clear, and we haven’t changed our position.
M. Harrold (Max) :
So how you do you feel about the Jewish General Hospital saying that this is
offensive legislation and it refuses to even take part… it’s not even going to
use the exemption clause?
M. Legault
:
I agree with them. I agree with them.
M. Harrold (Max) :
You agree that it’s…
M. Legault
:
You’re not talking about the notwithstanding clause, you’re talking about…
M. Harrold (Max) :
I’m talking about the opt-out extension.
M. Legault
:
OK. No, no, no, I don’t think that we should have a two-speed way about this
subject. So I agree with the Jewish Hospital that they should not have this
kind of clause saying that some can be excluded for a certain time, not clear
about the conditions. I disagree with the Government and I agree with the
Jewish Hospital.
Mme Plante (Caroline)
:
About the notwithstanding clause, you’d be prepared to go that far?
M. Legault
:
We said if need is, because I think that we need the compromise. We need also
to protect the identity of the Québec Nation and, of course, when you look
especially in the federal charter, they talk about
multiculturism — that’s not easy, eh — so,
of course, we disagree with this position. So, if need is, we are ready to use
the notwithstanding clause, but, as you see, our
position is a good compromise. We say : The interdiction should be only
for employees in an authority position.
Mme Plante (Caroline)
: You talk about the urgency to act. I know that the Liberals are
asking for objective studies, data, back-up, this need for the charter… But
you’re prepared to say : There’s an urgency to act.
M. Legault
: Right now, since three months, we’re only talking about that. We
saw some comments that were not very funny comments from some people, so I
think that it’s for the advantage of all our society to act rapidly. But, of course, I would like to have more
information also.
Mme Plante (Caroline)
: You seem much more open to adopt the charter, a secularism charter
and then to adopt a bill on the French language. Why is that? Why are you more
opened to this case?
M. Legault
: We said that we were opened also to adopt a bill on French
language, but we had some conditions. We thought, for a certain time, that Jean-François Lisée, writing a big article
in The Gazette,
that he agreed with us. It looks like it’s not the case anymore. But we think
also that it would be important
to settle a new bill regarding protecting French.
M. Dougherty (Kevin)
: …sorry, I’ve been waiting. I’m just wondering what the timing…
cause this is the third time you’ve appealed to Mme Marois. You have a general
council meeting coming up Saturday. Is that related to what you are doing
today, making a clear stance?
M. Legault
: Not at all. The bill was tabled last week, Thursday, I think, so
the first caucus we had since then was yesterday, so that’s why we tell you
what was discussed. And, regarding the general council this week, and it’s
about families, so it’s not about the charter.
M. Lyons (Shawn) : …be clear. Then the Jewish General
Hospital, they’re saying, if this bill ever becomes law, they’re simply going
to ignore it and disobey the Law. Is that a tactic that you agree with?
M. Legault
: I think that the Bill will never be adopted if they keep on this
position anyway, because they
are in a minority position.
Mme Plante (Caroline)
: One last one. If the PQ does reach out to you, accept you’re
outstretched hand, what does that say about them, that…
M. Legault
: I think that Quebeckers will have the right to conclude that Mrs. Marois is not defending
the superior interests of Quebeckers, but she’s asking for… she’s taking decisions for the benefit of
her party.
Des voix
:Merci.
(Fin à 9 h 54)