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Point de presse de Mme Diane De Courcy, ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles

Version finale

Le jeudi 14 novembre 2013, 12 h 45

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures quarante-cinq minutes)

Mme De Courcy : Bon. Alors, bien, bonjour, tout le monde. Vous allez dire que j’en prends une habitude alors… mais c’était un moment important pour moi. Je dois vous dire que je me présente devant vous en étant déçue mais pas découragée. Pas découragée.

Alors, je vais m’expliquer au cours des prochaines minutes. Alors, après quatre rencontres et puis 13 heures de discussion, je constate maintenant l’échec des négociations avec la CAQ. Notre proposition de départ était déjà modérée et, j’ajouterais, responsable alors… Mais je refuse de vider le projet de loi n° 14 de l’essentiel.

Alors, suite à la consultation générale et puis aux demandes exprimées par la CAQ, j’ai annoncé plusieurs ajustements dès notre première rencontre, des choses que vous connaissez parce que je les avais présentées à la fin de la commission parlementaire. Alors, c’était :

1° le retrait de la clause pour que les enfants de militaires québécois, leur fratrie et leur descendance, n’aient plus accès à l’école anglaise, je reportais le tout à une autre législation;

2° le maintien de la mise en demeure envoyée par l’OQLF avant de déposer des poursuites. Ça avait été quelque chose qui importait à beaucoup de gens. Même si je pensais alléger, les gens y croyaient, alors on maintenait donc la mise en demeure;

3° des ajustements aux pouvoirs de l’office et du ministre, donc s’assurer… avec la modernisation que j’ai faite de l’Office québécois de la langue française, honnêtement il y avait des pouvoirs de l’office comme des pouvoirs de saisie qui n’étaient pas nécessaires, là, d’inclure dorénavant, et du ministre aussi, spécifiant les champs d’action du ministre;

4° le maintien du terme «minorité ethnique», dont le remplacement qui avait été proposé par «communauté culturelle» avait suscité des inquiétudes qui, à mon avis, étaient démesurées. Mais puisque ça suscitait des inquiétudes et que c’était une correction somme toute technique, bien, on avait accepté.

J’ai donc d’emblée démontré ce que je qualifie de ma bonne foi. Malheureusement, sur trois sujets majeurs, la CAQ a refusé les compromis que je proposais. Ce n’étaient pas ceux-là, mais j’en proposais d’autres. Je proposais, pour moi, cependant de… Il est important, à ce stade-ci, avant que je poursuive sur les compromis, de souligner cependant que la porte-parole de la coalition était, je le crois, elle aussi, de bonne foi dans ces 13 heures de négociation. Par ailleurs, cette bonne volonté, bien, n’a pas donné les résultats escomptés.

Alors, un gros bloc qui était la langue de travail. Alors, sur la langue de travail, qui était le cœur du projet, le projet de loi était déjà modéré. L’obligation faite aux entreprises de 26 à 49 employés que le français y soit la langue normale et habituelle du travail se serait fait sans exiger qu’elles obtiennent de l’OQLF un certificat de francisation, contrairement aux entreprises de 50 employés et plus.

J’ai en plus proposé que l’application de la charte se fasse progressivement en commençant par les régions ou les secteurs les plus sensibles. Vous vous rappellerez, pour ceux qui ont suivi un peu ces débats, qu’en commission parlementaire on disait : Oui, mais Montréal, Laval, on peut comprendre, mais, en région, voyons, Jonquière — pour ne pas la nommer — ce n’est pas la même intensité de difficulté. Est-ce qu’il n’y aurait pas lieu de moduler? Bien, oui, alors c’est ce que j’ai mis sur la table. Modulons, prenons le temps et modulons. Selon les secteurs aussi, on nous a dit : Il y a des secteurs industriels plus fragiles que d’autres par rapport à cette anglicisation, alors, là aussi, on y allait avec la collaboration des comités sectoriels de main-d’œuvre, bien entendu.

Malheureusement, c’était encore trop pour la CAQ qui, au fond, demandait le statu quo, tout en voulant de cette souplesse que je viens de parler, mais voulait le statu quo parce que… et en vidant comme ça le projet de loi de l’essentiel, en demandant le retrait pur et simple de plusieurs articles, c’était, somme toute, ne rien faire, et des articles importants, comme un article qui dit : Bien, il faut qu’il y ait de la transparence dans l’affichage des postes où on exige de l’anglais ou pas. C’est correct d’exiger de l’anglais, mais ce n’est pas automatique. Donc, ça, on disait : Bien, il faut que ce soit documenté, pas lourdement, pas un fardeau administratif trop lourd, mais quand même il faut le documenter, ne serait-ce que pour les gens… que les gens sachent, bien, s’ils ont des promotions, des mutations, à quoi ils doivent faire face dans l’exigence de ces postes-là.

Autre bloc important, les cégeps. Sur la question des cégeps, bien, nous voulons maintenir, vous le savez, un sain équilibre entre les réseaux anglophones et francophones, tout en protégeant le droit des anglophones d’accéder aux cégeps anglophones. Et, parce que nous voulons maintenir cet équilibre tout en aidant les jeunes Québécois à mieux maîtriser leur langue seconde, nous avons proposé que cet article du projet de loi s’applique dans cinq ans. Pourquoi cinq ans? Le temps que nous renforcions l’enseignement des langues secondes dans les deux réseaux, puisque, nous le savons maintenant, les programmes sont les mêmes dans les réseaux, et que le choix des jeunes représente, en fait, leur désir de maîtriser une langue seconde, l’anglais entre autres.

Encore une fois, c’était trop pour la CAQ qui préfère une certaine forme de laisser-aller, quitte à investir pour agrandir des cégeps anglophones, alors que des places sont disponibles dans des cégeps francophones tout près. Et c’est préoccupant. Puis vous avez une liste, dans votre pochette de presse, qui est quand même assez éloquente, là, concernant les cégeps.

Et on peut se poser la question : Est-ce que c’est normal que le plus grand collège au Québec soit un collège anglophone, le collège Dawson? Est-ce qu’il n’y a pas une limite que nous devrions mettre à cette expansion? En tout respect, bien, d’un point de vue qui me… Et c’est un point de vue qui m’apparaît tout à fait raisonnable, de dire : Bien, il faut tenir compte des finances publiques. Et donc, à un certain moment, il faut considérer des places disponibles, les questions d’anglicisation, bien sûr. Alors, pour les cégeps, ça m’apparaissait donc répondre à des désirs des citoyens de la communauté anglophone, de la communauté francophone, qui désirent maintenir et avoir un très bon apprentissage de l’anglais. Donc, donnons-nous cinq ans pour réussir ça, et probablement que le mouvement aurait été moins intense, d’échanges entre les deux réseaux. Mais c’était encore trop.

Les municipalités... une quarantaine de municipalités ont un statut bilingue même si moins de 50 % de leur population est anglophone. Je proposais que le gouvernement puisse retirer ce statut sans mur-à-mur lorsque c’était requis. Pour rassurer les gens qui avaient des craintes et qui craignent le mur-à-mur, j’ai proposé que la réflexion ne se fasse que lorsque les citoyens de la municipalité concernée le demandent et que le gouvernement prenne sa décision sur recommandation d’un comité d’experts sur lequel la municipalité et la communauté anglophone auraient été représentées.

C’était encore trop pour la CAQ qui voulait que le conseil municipal ait le droit de veto. Encore une fois, la CAQ voulait le statu quo, parce qu’en effet ce veto est actuellement présent dans la loi et n’a jamais été utilisé par les municipalités. Ce veto-là s’exprime par le fait qu’un conseil municipal peut demander, quand le pourcentage descend à 50 % et moins, peut demander une révision de son statut. Au cours des 35 dernières années, il n’y a pas un conseil municipal qui a fait cette demande-là, et je peux le comprendre. Je peux le comprendre. C’est pour ça qu’il m’apparaissait qu’il y avait là une mécanique respectueuse, dans le fond, de la volonté gouvernementale, bien sûr, respectueuse de la volonté locale et puis, en plus, des garanties avec un comité de neuf personnes puis des représentants diversifiés.

En conclusion, donc, je maintiens que je proposais un projet de loi modéré et j’ai proposé des compromis importants à la CAQ. C’était trop pour eux. De toute évidence, ils ont voté pour le principe de renforcer la Charte de la langue française, mais ils s’opposent à tous les moyens de le faire dans la réalité. Il faudra donc attendre que nous formions un gouvernement majoritaire pour renforcer la loi n° 101. D’ici là, par ailleurs, je continue à agir pour la langue française, comme ministre de l’Immigration, en renforçant l’importance du français dans la sélection des personnes immigrantes et en investissant 13,5 millions en argent neuf dans la francisation des personnes immigrantes.

Et, comme je l’avais mentionné lors du dépôt du projet de loi n° 14, le mandat que m’a confié... pardon, la première ministre, soit de prendre soin de notre langue, de voir à son développement et à son renforcement, ce mandat peut être accompli de différentes façons par des moyens incitatifs, administratifs, réglementaires ou législatifs. Ce matin, le moyen législatif est écarté. Il reste donc tous les autres.

Je suis donc évidemment déçue, comme je vous l’ai dit au départ, mais tout aussi motivée et absolument pas découragée. Merci.

M. Ouellet (Martin) : Oui. Mme De Courcy, est-ce que, donc, c’en est fait, là, du projet de loi n° 14?

Mme De Courcy : Ah oui! Là, il n’y a vraiment pas d’ambiguïté.

M. Ouellet (Martin) : Est-ce que vous prenez une part de responsabilité dans l’échec de l’opération?

Mme De Courcy : Bien, là, part de responsabilité dans l’échec de l’opération… Je pense que nous devons tous partager, autour de la langue, une responsabilité commune au-dessus de tout intérêt partisan à l’Assemblée nationale. Puis je crois fermement, moi, au travail parlementaire, à la commission parlementaire, et je pense sincèrement que ce que j’ai mis sur la table correspond à la réponse à des sensibilités qui nous ont été exprimées.

Si je n’avais pas tenté la discussion, le 13 heures de rencontres et le silence que j’ai tenu… Vous vous souvenez que vous m’avez souvent interrogée en me disant : Madame, le projet de loi n° 14, où êtes-vous rendue? Qu’est-ce que je vous répondais? Je travaille, je travaille, je travaille. Dans ce contexte, je pense sincèrement avoir fait tout ce qu’il fallait.

Mme Roy de la CAQ, je pense, était de bonne foi, je vous l’ai dit. Mais, manifestement, les intérêts, dans ces cas-là, partisans dépassent. Et je ne peux pas ne pas vous parler des libéraux qui n’ont même pas, eux, accepté le principe. Alors, les libéraux n’ont pas accepté le principe. Pourtant, qui ne s’est pas dit d’accord avec le renforcement du français? Dans le cas des gens de la CAQ, ils ont accepté le principe, mais, après ça, rapidement, là, quand c’est devenu concret, ce n’était pas possible. 

M. Ouellet (Martin) : Mais c’est qu’on évoque souvent la théorie du blocage des projets de loi, des documents, pour dire que, bon, ça nous prendrait maintenant un gouvernement majoritaire pour pouvoir mettre en œuvre nos réformes. Alors, ce n’est pas une opération de ce genre-là que vous faites ce matin?

Mme De Courcy : Bien, en fait, je rends des comptes. Vous vous souvenez que, depuis un an que je… presque que je suis dans ce projet de loi, je rends des comptes et je pense sincèrement avoir mis tout le temps nécessaire. Rappelez-vous une commission parlementaire longue, qui a duré de longues semaines, où on a accepté d’entendre tous les groupes, des gens sur Internet, etc. On a même laissé reposer, parce que vous vous souvenez que, dans les faits, la commission parlementaire a été absente… on a terminé la commission parlementaire puis on a laissé s’écouler plusieurs semaines, plusieurs mois, pour s’assurer de reprendre des discussions à tête reposée.

Non. Il s’avère maintenant qu’après 13 heures de travail c’est à ce moment-ci que je le dis et je… la thèse du blocage, vous comprenez que j’y contribue, veux veux pas, mais ce n’était absolument pas mon premier choix. Au contraire, j’aurais bien voulu que le projet de loi n° 14 puisse connaître un autre sort.

M. Lavallée (Hugo) : Mais c’est quoi, le problème alors, si ce n’est pas vous qui êtes à blâmer? Vous avez fait tous les efforts. C’est quoi? La CAQ sont trop mous sur la question de la langue? C’est ça? Ils n’ont pas ça à cœur?

Mme De Courcy : Bien, vous leur poserez la question à eux. Mais ce que je constate, c’est que le statu quo leur apparaît manifestement confortable, parce que tout ce que j’ai proposé, même en trouvant… je vais utiliser le terme, en ce temps de charte… en accommodements très raisonnables n’était pas suffisant.

Donner un exemple de ça, par rapport aux entreprises, écoutez, toutes les entreprises nous ont dit : Attention au mur-à-mur, attention de ne pas augmenter le fardeau. C’est exactement ce que l’on fait, là, en disant : Parfait, on va y aller par région puis on va y aller par territoire, par secteur d’activité, puis on va prendre le temps de le faire. On va s’y rendre, mais on va prendre le temps de le faire. Bien, ils ont dit à ça : Oui, oui, c’est correct, la souplesse, mais enlevez tous les articles qui donneraient des obligations. Bien oui, mais là, ça, c’est le statu quo.

M. Ouellet (Martin) : Mais, si Mme Roy était de bonne foi, qui a été de mauvaise foi là-dedans?

Mme De Courcy : Bien, vous lui poserez la question. Vous lui poserez la question.

M. Ouellet (Martin) : Ce n’est pas innocent, ce que vous dites.

Mme De Courcy : Moi, je vous donne très clairement, du début à la fin... Du début, vous vous souvenez, après la commission parlementaire, j’ai fait le point avec vous. Je vous ai dit : J’ai été sensible à ceci, ceci, cela. Après ça, on a commencé à travailler. J’ai expliqué un certain nombre de choses que je pouvais prendre en immigration, influencer, après ça travailler avec la CAQ. Avec les libéraux, je les ai mis de côté parce que c’était clair que c’était non.

M. Dutrisac (Robert) : Mais est-ce que vous n’avez pas l’impression d’avoir perdu votre temps avec la CAQ, compte tenu du fait qu’ils avaient probablement des positions, sur le plan politique, auxquelles ils n’ont pas dérogé, de toute façon?

Mme De Courcy : Non, je n’ai jamais eu l’impression de perdre du temps en faisant du travail parlementaire. Des fois, je me pose des questions sur l’issue des choses, c’est certain. Mais, non, je crois que ce que ça a permis, c’est, pour moi, de mieux comprendre où étaient ces blocages-là du côté de la coalition. D’ailleurs, si les libéraux avaient voté pour le principe, j’aurais tenté de comprendre davantage. Donc, je n’ai pas perdu de temps pour comprendre. Mais est-ce qu’on a perdu du temps pour agir par un moyen législatif qui, à mon avis, est important? Bien, on a perdu, en effet, quelques mois. On a perdu, en effet, quelques mois.

M. Dutrisac (Robert) : …est-ce que l’issue ne doit pas être nécessairement prédéterminée au début des discussions — je parle des dernières discussions — compte tenu de la position politique de la CAQ?

Mme De Courcy : Je ne peux pas, dans un contexte de gouvernement minoritaire, ne pas me positionner dans des opérations de grande écoute et de dire que... et basées sur la bonne foi que tous les parlementaires veulent faire avancer les questions sociales, qui sont très importantes, ou économiques. Alors, à ce compte-là, je ne peux pas… je n’ai pas voulu me mettre dans la position d’avoir un préjugé défavorable à leur égard, mais force est de constater que malgré la bonne foi apparente on n’est pas arrivés à…

M. Dutrisac (Robert) : Est-ce que ça va arriver avec une série de mesures, maintenant, pour le projet de loi…

Mme De Courcy : Oui, oui, oui, bien sûr.

M. Dutrisac (Robert) : Est-ce qu’il va y avoir des mesures réglementaires, des mesures administratives?

Mme De Courcy : Ah! Bien oui, bien oui. C’est certain.

M. Dutrisac (Robert) : Donc, vous allez rajouter un pan de…

Mme De Courcy : Oui, oui. Et, je vous l’ai dit en conclusion, j’ai beau être

déçue, je ne suis pas découragée, et on dispose d’autres moyens que je n’élaborerai pas ce matin. Mais bien sûr que je vais vous revenir à chaque fois que je vais avoir des mesures. D’ailleurs, une des mesures qui a été reconduite, et j’en parlerai la semaine prochaine à la chambre de commerce de Montréal, c’est la stratégie commune sur Montréal, où là j’ai demandé qu’on inclue des choses un peu plus précises, bon, etc.

Alors donc, c’est un moyen qui actuellement va être mis de côté à cause de la condition que je viens de vous expliquer, mais c’est loin d’être la fin de l’action concernant la langue.

Mme Lajoie (Geneviève) : Donc, justement, est-ce qu’il y a beaucoup de choses, beaucoup d’articles, qui sont dans le projet de loi n° 14, qui vont se retrouver dans des prochains règlements que vous allez adopter dans les prochains mois, dans les prochaines semaines?

Mme De Courcy : Si ça avait été le cas, vous comprenez que, dans un contexte de gouvernement minoritaire, j’aurais fait des règlements plutôt qu’une loi. Alors, j’ai fait une loi. C’est donc, dans plusieurs cas, la presque totalité de ces cas-là, je ne peux pas y aller par règlement. Ce que je peux faire, cependant, c’est en utilisant, en adoptant des mesures incitatives ou administratives, en augmentant de la vigilance, en augmentant le soutien, en augmentant l’accompagnement, c’est comme ça, là, qu’on va pouvoir réussir à aller dans les sphères d’activité qui sont importantes, qui étaient visées par le projet de loi n° 14, entre autres au niveau de l’emploi.

D’ailleurs, c’est déjà commencé, parce que le projet de loi n° 14 prenait un certain temps de mûrissement, appelons ça comme ça, un certain temps de mûrissement. Quand la Commission des partenaires du marché du travail accepte, à notre demande, d’injecter, de façon significative, 1 million de plus en francisation des entreprises… en entreprise, accepte aussi de soutenir les personnes immigrantes en emploi pour favoriser cette intégration-là, bien, on agit, à ce moment-là, dans la sphère emploi.

M. Pépin (Michel) : Mme De Courcy, est-ce que l’échec, là, de ce projet de loi, est-ce que, pour reprendre l’expression d’une de vos collègues, est-ce que ce n’est pas… on n’a pas atteint les limites de ce gouvernement minoritaire? Qu’est-ce que vous en pensez?

Mme De Courcy : Bien, c’est sûr que les limites du gouvernement, non, mais les limites du gouvernement dans le dossier de la langue, oui. Ça, c’est sûr que là il y a une limite qui vient de nous être signifiée et que j’accueille avec déception, mais, en même temps, en gouvernement minoritaire, on peut s’attendre à ce genre de réaction.

J’avoue que ce qui m’a beaucoup frappée, ça a été vrai du côté des libéraux puis c’est vrai aussi du côté de la CAQ, c’est l’idée du maintien du statu quo. Et ça, je trouve que ça correspond beaucoup à un sentiment de résignation, comme s’il n’y avait pas fondamentalement, quels que soient les partis politiques, quels que soient les parlementaires, une vigilance à maintenir, en Amérique du Nord, de tous les instants, parce que c’est un îlot francophone dans une mer anglophone et que c’est important d’avoir un signal clair aussi à ceux et celles qui nous choisissent et à ceux et celles qui viennent, à mon avis, vivre et travailler en français au Québec, ce droit que je voulais inscrire dans la Charte des droits et libertés.

D’ailleurs, tout le monde est d’accord avec ça. La CAQ était d’accord avec ça, d’inscrire ça dans ce droit-là. Vous l’avez dans le tableau que je vous ai présenté. Mais, à un certain moment, la bonne volonté, l’affection, l’adhésion, toutes ces belles choses ne suffisent pas. C’est important qu’elles soient là, mais ça prend aussi des législations pour s’assurer que tout le monde suit, tout le monde suit. Et c’est à ça manifestement que les partis d’opposition, cette fois-ci je vais parler des deux, que les partis d’opposition ne veulent pas se rendre. Et, à mon avis, c’est néfaste pour la progression de la langue.

Mme Montgomery (Angelica) : Parlant de cette majorité-là, qu’est-ce que vous pourriez… feriez si vous l’avez? Est-ce que vous adopteriez le projet de loi n° 14 comme tel, ajouterait plus? Est-ce qu’il y a des choses que vous avez apprises pendant toute cette consultation-là que, finalement, vous auriez changées? C’est quoi…

Mme De Courcy : Oui, preuve en est. Ce que vous avez ce matin entre les mains, c’est un projet de loi n° 14 amélioré que… dont j’ai fait la proposition, dans les faits à ceux et celles avec… qui voulaient bien travailler avec nous. C’était la CAQ en l’occurrence. Alors, c’est un projet de loi n° 14 amélioré, amélioré par le travail parlementaire d’abord, parce que, quand on fait une commission parlementaire, je le répète, on entend beaucoup de choses, c’est intéressant, puis il faut que les consultations se révèlent, là, dans les projets de loi. Alors, c’est ce que c’est, et, si nous étions dans un autre univers, bien, ce projet de loi là amélioré, avec toute cette condition-là, à mon avis, est un très bon outil législatif pour aider à la progression du français et à…

Mme Montgomery (Angelica) : Alors, les compromis, c’est qu’est-ce que vous avancerez avec une majorité, c’est les compromis que vous avez… nous mentionnez? C’est qu’est-ce que vous avancerez si vous avez une majorité ou…

Mme De Courcy : C’est tout ce qu’il y a sur la table. Tout à fait. Ce que vous avez sur la table actuellement, là, dans ce point de presse, que vous avez entre les mains.

Mme Montgomery (Angelica) : Et  pour le projet de loi… mettre la loi  101 sur les cégeps, est-ce que c’est toujours votre intention? Parce que c’était partie de votre plateforme électorale l’année passée.

Mme De Courcy : Dans le projet que j’ai déposé, je me suis attardée à l’objectif. Je n’ai pas choisi les moyens qui étaient prévus, et ça, ça arrive souvent, on a des objectifs à atteindre. J’avais choisi d’autres moyens que vous connaissez bien parce que vous en avez largement parlé.

Alors, il n’y aurait rien de changé par rapport à l’idée de dire que cette question-là du choix de protéger les étudiants anglophones, et leurs institutions, et l’accès à leurs institutions demeure; deuxièmement, de s’assurer que les francophones qui veulent apprendre une langue seconde puissent bien l’apprendre; puis de conserver, dans la limite du financement public puis de l’équilibre entre deux réseaux, de conserver cette circulation des francophones et des anglophones. Il n’y a rien dans ça qui est... Ce matin, là, je ne suis pas en train de vous dire qu’il y a des renoncements, des nouveautés, mais il y a là l’état d’une très bonne discussion avec, à mon avis, les citoyens qui se sont présentés en commission parlementaire.

Le Modérateur : On va prendre une dernière question, s’il vous plaît.

Mme Lajoie (Geneviève) : Pourquoi ne pas avoir continué les négociations, puisque c’est si important pour vous?

Mme De Courcy : Écoutez, à cause, justement, de la discussion de qualité que j’ai pu avoir avec la CAQ, il est très clair, très clair que — puis on en a convenu — que, sur certains points, il y avait trop d’éloignement. Un jour, on constate ça, il y a trop d’éloignement, et nous aurions perdu mutuellement un temps important, puisqu’il n’y avait plus de possibilité de rapprochement sur certains sujets. Et les sujets dont je vous ai parlé m’indiquaient clairement que, là, non, il y avait peu de points de rapprochement. Il y en a des plus faciles que d’autres, là. Il y en a des plus faciles que d’autres, mais, manifestement, entre autres au niveau des entreprises, là, ça ne se pouvait pas, là. Manifestement, on était trop éloignés.

Des voix : ...

Mme De Courcy : Excusez-moi, je n’entends pas bien. Excusez-moi.

Mme Plante (Caroline) : Est-ce que la CAQ est d’accord avec vous sur l’échec des négociations? Parce que, ce matin même...

Mme De Courcy : Vous lui poserez la question.

Mme Plante (Caroline) : Non, mais on lui a posé la question ce matin même, M. Legault, on lui a posé la question sur le projet de loi n° 14, et il disait qu’il était encore en négociation. Alors, est-ce que c’est vous qui... c’est vous...

Mme De Courcy : Oui, c’était vrai, c’était vrai. Hier soir, quand on s’est laissés, nous nous sommes dit : Nous nous donnons quelques heures, et on était rendus là et, d’un commun accord, on avait convenu de se rappeler très tôt. On s’était dit dans le 24 heures, là, parce qu’on voyait bien, là… Puis on a fait attention, vous savez, parce que les rencontres ont commencé au mois d’août, là, au mois d’août, donc on se donnait le temps de réfléchir entre les rencontres pour s’assurer qu’on pouvait progresser. Mais là, manifestement, hier, on ne progressait plus. Alors, c’est ça qui a fait...

Mme Lajoie (Geneviève) : La CAQ a annoncé ce matin qu’elle offrait un compromis sur la charte des valeurs. Est-ce que, vous, vous y voyez un lien avec, là, l’échec des négociations sur le projet de loi n° 14?

Mme De Courcy : Bien, je... Non.

Mme Lajoie (Geneviève) : D’un choix entre les deux, ils ont choisi leur bataille?

Mme De Courcy : Bien, vous leur poserez la question. Bien, j’espère bien qu’ils n’ont pas fait ce choix-là et qu’ils n’ont pas fait un calcul politique de ce type-là, parce que le dossier de la langue est un dossier tellement important et qui, à mon avis, transcende les questions des partis politiques. J’espère qu’ils n’ont pas fait ce choix-là. Vous m’en verriez très déçue, très déçue.

M. Dougherty (Kevin) : Vous avez proposé, dans le — merci — dans le projet de loi n° 14, d’amender la charte de la langue… pardon, charte des droits pour ajouter le français. Et là on voit ça dans le projet de loi n° 60. Alors, est-ce que vous êtes… c’est-à-dire que, ça, c’est avant que les négociations soient rompues, n’est-ce pas? C’est-à-dire que vous avez anticipé que… le gouvernement, en quelque part, a anticipé un problème, puis il a mis ça dans la charte des valeurs?

Mme De Courcy : Ah, mon Dieu! Si on était à ce point devins, hein, pour anticiper à ce point… Je comprends qu’il faille anticiper, mais, à ce point, non. En fait, ce qui est très clair par rapport au projet de loi n° 14, hein, c’est le droit de vivre et de travailler en français, et il y avait aussi le droit de recevoir des services en francisation. Quand on a écouté différents acteurs, on s’est tous entendus, là, pour dire : Droit de vivre et travailler en français, ça, c’est nécessaire d’être dans des articles interprétatifs, et puis, pour ce qui est des services en francisation, déplaçons, ça va faire l’affaire de tout le monde. Et ça, c’était tel quel.

Admettons, dans un scénario que j’aurais jugé idéal, qu’on puisse adopter le projet de loi n° 14 avec les aménagements qui étaient prévus, ça ne changeait rien, parce que, dans ce qui est dit dans la charte de la laïcité, ça fait une série… ça indique un message pour tous de : voici une façon dont nous allons nous réguler dans la société. Et le fait d’indiquer, par la suite «vivre et travailler en français», renforce, là, dit, là, c’est vraiment au travail, pour tout le monde, que s’inscrit notre intégration générale comme citoyen. Alors, il n’y avait pas d’avant ou après. Il y a une continuité, c’est sûr.

Le Modérateur : Dernière question.

M. Lavallée (Hugo) : Oui. En ce qui concerne les cégeps, tout à l’heure, vous avez dit : On peut se poser des questions sur le fait que le plus grand cégep au Québec soit un cégep anglophone. J’aimerais vous entendre davantage là-dessus. C’est quoi? C’est le symbole qui vous déplaît ou…

Mme De Courcy : Non. Non, c’est que… c’est, à mon avis, une forme d’octroi de places, et de façons de faire, premier arrivé, premier servi, indépendamment du choix des personnes concernant les notes, et qu’on ne voit pas là-dedans la vision d’ensemble. Et ce n’est pas un équilibre entre les deux réseaux. On a, vous le savez, du primaire à l’université, des… le réseau francophone, le réseau anglophone, et c’est anormal quand on voit une progression aussi fulgurante, surtout quand on sait que les programmes existants dans les cégeps anglophones sont les mêmes que les programmes existants.

Alors, il fallait trouver la raison. Moi, je ne pense pas que personne, personne n’a un dessein, un agenda caché là-dedans, ce n’est pas ça. Mais pourquoi les personnes font ces choix-là? Bien, la raison était évidente. C’était que les gens veulent maîtriser une langue seconde, que ce soit du côté anglophone, le français comme langue seconde, ils le veulent, et ils nous l’ont dit. On a même eu des gens des collèges francophones qui sont venus nous voir pour nous dire : L’apprentissage du français n’est pas suffisant. Il y a eu des entreprises aussi qui nous ont dit ça. Puis, du côté francophone, quand on traverse, après avoir fait tout son… c’est parce que l’apprentissage de la langue seconde en anglais, soit au secondaire ou bien au cégep, bien, manifestement, ce n’est pas ça qu’on veut.

Alors, nous, ce qu’on a dit, suite… après avoir creusé ça, discuté ça, entendu tout le monde, on a dit : Bon, très bien, admettons que c’est ça, notre problème, si on enrichit les cursus scolaires ou les matières, autant du côté anglophone que du côté francophone, normalement, d’ici cinq ans, ça devrait se réguler à nouveau, puisque, la prémisse de base, c’est que c’est l’apprentissage ou l’enseignement qui n’apparaît pas assez riche pour les personnes. Si on régule cela, ça devrait fonctionner.

Et ça, ça prend à peu près cinq ans. Ce n’est pas vrai que ça se fait du jour au lendemain. Donc, il fallait se donner le temps, avant d’implanter cette disposition-là, d’avoir des places réservées pour les enfants anglophones du côté anglophone et une circulation plus modérée des francophones vers les anglophones. Il fallait donc attendre que, dans cinq ans, on puisse voir les effets de ce dont je viens de vous parler.

Ça m’apparaissait très raisonnable, mais ce n’était pas assez raisonnable. L’option de ça par rapport à la CAQ, ça a été de dire : C’est un principe, et, au-delà du principe, on ne voit plus clair autour de ça. Ce principe-là, ce qu’il fait, par ailleurs, c’est… Puis à la question posée, à savoir : Oui, mais quand est-ce que ça s’arrête? Est-ce qu’à un certain moment on va se poser des questions dans cet équilibre-là? Puis les gens, ce qu’on entendait, c’était : Oui, il va falloir. Bien oui, mais, s’il faut… il faut prendre des moyens. Et c’est toujours là qu’on s’est accroché les pieds, en fait, c’est, à partir du moment où on est d’accord sur quelque chose, parfait, comment ça s’actualise? Et là c’est dans le comment ça s’actualise que ça été difficile.

Une voix : Merci beaucoup.

Mme De Courcy : Je vous en prie.

(Fin à 13 h 15)

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