(Douze heures quarante-cinq minutes)
Mme De
Courcy
:
Bon. Alors, bien, bonjour, tout le monde. Vous allez dire que j’en prends
une habitude alors… mais c’était un moment important pour moi. Je dois vous
dire que je me présente devant vous en étant déçue mais pas découragée. Pas
découragée.
Alors, je vais m’expliquer au cours des
prochaines minutes. Alors, après quatre rencontres et puis 13 heures de
discussion, je constate maintenant l’échec des négociations avec la CAQ. Notre proposition
de départ était déjà modérée et, j’ajouterais, responsable alors… Mais je
refuse de vider le projet de loi n° 14 de l’essentiel.
Alors, suite à la consultation générale et
puis aux demandes exprimées par la CAQ, j’ai annoncé plusieurs ajustements dès
notre première rencontre, des choses que vous connaissez parce que je les avais
présentées à la fin de la commission parlementaire. Alors, c’était :
1° le retrait de la clause pour que les
enfants de militaires québécois, leur fratrie et leur descendance, n’aient plus
accès à l’école anglaise, je reportais le tout à une autre législation;
2° le maintien de la mise en demeure
envoyée par l’OQLF avant de déposer des poursuites. Ça avait été quelque
chose qui importait à beaucoup de gens. Même si je pensais alléger, les gens y
croyaient, alors on maintenait donc la mise en demeure;
3° des ajustements aux pouvoirs de
l’office et du ministre, donc s’assurer… avec la modernisation que j’ai
faite de l’Office québécois de la langue française, honnêtement il y avait
des pouvoirs de l’office comme des pouvoirs de saisie qui n’étaient pas
nécessaires, là, d’inclure dorénavant, et du ministre aussi, spécifiant
les champs d’action du ministre;
4° le maintien du terme «minorité
ethnique», dont le remplacement qui avait été proposé par «communauté
culturelle» avait suscité des inquiétudes qui, à mon avis, étaient démesurées.
Mais puisque ça suscitait des inquiétudes et que c’était une correction somme
toute technique, bien, on avait accepté.
J’ai donc d’emblée démontré ce que je
qualifie de ma bonne foi. Malheureusement, sur trois sujets majeurs, la CAQ a
refusé les compromis que je proposais. Ce n’étaient pas ceux-là, mais j’en
proposais d’autres. Je proposais, pour moi, cependant de… Il est important, à
ce stade-ci, avant que je poursuive sur les compromis, de souligner cependant
que la porte-parole de la coalition était, je le crois, elle aussi, de bonne
foi dans ces 13 heures de négociation. Par ailleurs, cette bonne volonté, bien,
n’a pas donné les résultats escomptés.
Alors, un gros bloc qui était la langue de
travail. Alors, sur la langue de travail, qui était le cœur du projet, le
projet de loi était déjà modéré. L’obligation faite aux entreprises de 26 à 49
employés que le français y soit la langue normale et habituelle du travail se
serait fait sans exiger qu’elles obtiennent de l’OQLF un certificat de
francisation, contrairement aux entreprises de 50 employés et plus.
J’ai en plus proposé que l’application de la
charte se fasse progressivement en commençant par les régions ou les secteurs
les plus sensibles. Vous vous rappellerez, pour ceux qui ont suivi un peu ces
débats, qu’en commission parlementaire on disait : Oui, mais Montréal,
Laval, on peut comprendre, mais, en région, voyons, Jonquière — pour
ne pas la nommer — ce n’est pas la même intensité de difficulté. Est-ce
qu’il n’y aurait pas lieu de moduler? Bien, oui, alors c’est ce que j’ai mis
sur la table. Modulons, prenons le temps et modulons. Selon les secteurs aussi,
on nous a dit : Il y a des secteurs industriels plus fragiles que d’autres
par rapport à cette anglicisation, alors, là aussi, on y allait avec la
collaboration des comités sectoriels de main-d’œuvre, bien entendu.
Malheureusement, c’était encore trop pour
la CAQ qui, au fond, demandait le statu quo, tout en voulant de cette souplesse
que je viens de parler, mais voulait le statu quo parce que… et en vidant comme
ça le projet de loi de l’essentiel, en demandant le retrait pur et simple de
plusieurs articles, c’était, somme toute, ne rien faire, et des
articles importants, comme un article qui dit : Bien, il faut qu’il y ait
de la transparence dans l’affichage des postes où on exige de l’anglais ou pas.
C’est correct d’exiger de l’anglais, mais ce n’est pas automatique. Donc, ça,
on disait : Bien, il faut que ce soit documenté, pas lourdement, pas un
fardeau administratif trop lourd, mais quand même il faut le documenter, ne
serait-ce que pour les gens… que les gens sachent, bien, s’ils ont des
promotions, des mutations, à quoi ils doivent faire face dans l’exigence de ces
postes-là.
Autre bloc important, les cégeps. Sur la
question des cégeps, bien, nous voulons maintenir, vous le savez, un sain
équilibre entre les réseaux anglophones et francophones, tout en protégeant le
droit des anglophones d’accéder aux cégeps anglophones. Et, parce que nous voulons
maintenir cet équilibre tout en aidant les jeunes Québécois à mieux maîtriser
leur langue seconde, nous avons proposé que cet article du projet de loi
s’applique dans cinq ans. Pourquoi cinq ans? Le temps que nous
renforcions l’enseignement des langues secondes dans les deux réseaux, puisque,
nous le savons maintenant, les programmes sont les mêmes dans les réseaux, et
que le choix des jeunes représente, en fait, leur désir de maîtriser une langue
seconde, l’anglais entre autres.
Encore une fois, c’était trop pour la CAQ
qui préfère une certaine forme de laisser-aller, quitte à investir pour
agrandir des cégeps anglophones, alors que des places sont disponibles dans des
cégeps francophones tout près. Et c’est préoccupant. Puis vous avez une liste,
dans votre pochette de presse, qui est quand même assez éloquente, là,
concernant les cégeps.
Et on peut se poser la question :
Est-ce que c’est normal que le plus grand collège au Québec soit un collège
anglophone, le collège Dawson? Est-ce qu’il n’y a pas une limite que nous
devrions mettre à cette expansion? En tout respect, bien, d’un point de vue qui
me… Et c’est un point de vue qui m’apparaît tout à fait raisonnable, de dire :
Bien, il faut tenir compte des finances publiques. Et donc, à un certain
moment, il faut considérer des places disponibles, les questions
d’anglicisation, bien sûr. Alors, pour les cégeps, ça m’apparaissait donc
répondre à des désirs des citoyens de la communauté anglophone, de la communauté
francophone, qui désirent maintenir et avoir un très bon apprentissage de
l’anglais. Donc, donnons-nous cinq ans pour réussir ça, et probablement que le
mouvement aurait été moins intense, d’échanges entre les deux réseaux. Mais
c’était encore trop.
Les municipalités... une quarantaine de municipalités
ont un statut bilingue même si moins de 50 % de leur population est
anglophone. Je proposais que le gouvernement puisse retirer ce statut sans
mur-à-mur lorsque c’était requis. Pour rassurer les gens qui avaient des
craintes et qui craignent le mur-à-mur, j’ai proposé que la réflexion ne se
fasse que lorsque les citoyens de la municipalité concernée le demandent et que
le gouvernement prenne sa décision sur recommandation d’un comité d’experts sur
lequel la municipalité et la communauté anglophone auraient été représentées.
C’était encore trop pour la CAQ qui
voulait que le conseil municipal ait le droit de veto. Encore une fois, la CAQ
voulait le statu quo, parce qu’en effet ce veto est actuellement présent dans
la loi et n’a jamais été utilisé par les municipalités. Ce veto-là s’exprime
par le fait qu’un conseil municipal peut demander, quand le pourcentage descend
à 50 % et moins, peut demander une révision de son statut. Au cours des 35
dernières années, il n’y a pas un conseil municipal qui a fait cette demande-là,
et je peux le comprendre. Je peux le comprendre. C’est pour ça qu’il
m’apparaissait qu’il y avait là une mécanique respectueuse, dans le fond, de la
volonté gouvernementale, bien sûr, respectueuse de la volonté locale et puis,
en plus, des garanties avec un comité de neuf personnes puis des représentants
diversifiés.
En conclusion, donc, je maintiens que je
proposais un projet de loi modéré et j’ai proposé des compromis importants à la
CAQ. C’était trop pour eux. De toute évidence, ils ont voté pour le principe de
renforcer la Charte de la langue française, mais ils s’opposent à tous les
moyens de le faire dans la réalité. Il faudra donc attendre que nous formions
un gouvernement majoritaire pour renforcer la loi n° 101. D’ici là, par
ailleurs, je continue à agir pour la langue française, comme ministre de
l’Immigration, en renforçant l’importance du français dans la sélection des
personnes immigrantes et en investissant 13,5 millions en argent neuf dans
la francisation des personnes immigrantes.
Et, comme je l’avais mentionné lors du
dépôt du projet de loi n° 14, le mandat que m’a confié... pardon, la
première ministre, soit de prendre soin de notre langue, de voir à son
développement et à son renforcement, ce mandat peut être accompli de
différentes façons par des moyens incitatifs, administratifs, réglementaires ou
législatifs. Ce matin, le moyen législatif est écarté. Il reste donc tous les
autres.
Je suis donc évidemment déçue, comme je
vous l’ai dit au départ, mais tout aussi motivée et absolument pas découragée.
Merci.
M. Ouellet (Martin)
:
Oui. Mme De Courcy, est-ce que, donc, c’en est fait, là, du projet de
loi n° 14?
Mme De
Courcy
:
Ah oui! Là, il n’y a vraiment pas d’ambiguïté.
M. Ouellet (Martin)
: Est-ce
que vous prenez une part de responsabilité dans l’échec de l’opération?
Mme De
Courcy
:
Bien, là, part de responsabilité dans l’échec de l’opération… Je pense que nous
devons tous partager, autour de la langue, une responsabilité commune au-dessus
de tout intérêt partisan à l’Assemblée nationale. Puis je crois fermement, moi,
au travail parlementaire, à la commission parlementaire, et je pense sincèrement
que ce que j’ai mis sur la table correspond à la réponse à des sensibilités qui
nous ont été exprimées.
Si je n’avais pas tenté la discussion, le
13 heures de rencontres et le silence que j’ai tenu… Vous vous souvenez
que vous m’avez souvent interrogée en me disant : Madame, le projet de loi
n° 14, où êtes-vous rendue? Qu’est-ce que je vous répondais? Je travaille,
je travaille, je travaille. Dans ce contexte, je pense sincèrement avoir fait
tout ce qu’il fallait.
Mme Roy de la CAQ, je pense, était de
bonne foi, je vous l’ai dit. Mais, manifestement, les intérêts, dans ces
cas-là, partisans dépassent. Et je ne peux pas ne pas vous parler des libéraux
qui n’ont même pas, eux, accepté le principe. Alors, les libéraux n’ont pas
accepté le principe. Pourtant, qui ne s’est pas dit d’accord avec le
renforcement du français? Dans le cas des gens de la CAQ, ils ont accepté le
principe, mais, après ça, rapidement, là, quand c’est devenu concret, ce
n’était pas possible.
M. Ouellet (Martin)
:
Mais c’est qu’on évoque souvent la théorie du blocage des projets de loi, des
documents, pour dire que, bon, ça nous prendrait maintenant un gouvernement
majoritaire pour pouvoir mettre en œuvre nos réformes. Alors, ce n’est pas une
opération de ce genre-là que vous faites ce matin?
Mme De
Courcy
:
Bien, en fait, je rends des comptes. Vous vous souvenez que, depuis un an que
je… presque que je suis dans ce projet de loi, je rends des comptes et je pense
sincèrement avoir mis tout le temps nécessaire. Rappelez-vous une commission
parlementaire longue, qui a duré de longues semaines, où on a accepté
d’entendre tous les groupes, des gens sur Internet, etc. On a même laissé
reposer, parce que vous vous souvenez que, dans les faits, la commission
parlementaire a été absente… on a terminé la commission parlementaire puis on a
laissé s’écouler plusieurs semaines, plusieurs mois, pour s’assurer de
reprendre des discussions à tête reposée.
Non. Il s’avère maintenant qu’après
13 heures de travail c’est à ce moment-ci que je le dis et je… la thèse du
blocage, vous comprenez que j’y contribue, veux veux pas, mais ce n’était absolument
pas mon premier choix. Au contraire, j’aurais bien voulu que le projet de loi n° 14
puisse connaître un autre sort.
M. Lavallée (Hugo)
:
Mais c’est quoi, le problème alors, si ce n’est pas vous qui êtes à blâmer?
Vous avez fait tous les efforts. C’est quoi? La CAQ sont trop mous sur la
question de la langue? C’est ça? Ils n’ont pas ça à cœur?
Mme De
Courcy
:
Bien, vous leur poserez la question à eux. Mais ce que je constate, c’est que
le statu quo leur apparaît manifestement confortable, parce que tout ce que
j’ai proposé, même en trouvant… je vais utiliser le terme, en ce temps de
charte… en accommodements très raisonnables n’était pas suffisant.
Donner un exemple de ça, par rapport aux
entreprises, écoutez, toutes les entreprises nous ont dit : Attention au
mur-à-mur, attention de ne pas augmenter le fardeau. C’est exactement ce que
l’on fait, là, en disant : Parfait, on va y aller par région puis on va y
aller par territoire, par secteur d’activité, puis on va prendre le temps de le
faire. On va s’y rendre, mais on va prendre le temps de le faire. Bien, ils ont
dit à ça : Oui, oui, c’est correct, la souplesse, mais enlevez tous les
articles qui donneraient des obligations. Bien oui, mais là, ça, c’est le statu
quo.
M. Ouellet (Martin)
:
Mais, si Mme Roy était de bonne foi, qui a été de mauvaise foi là-dedans?
Mme De
Courcy
:
Bien, vous lui poserez la question. Vous lui poserez la question.
M. Ouellet (Martin)
:
Ce n’est pas innocent, ce que vous dites.
Mme De
Courcy
:
Moi, je vous donne très clairement, du début à la fin... Du début, vous vous
souvenez, après la commission parlementaire, j’ai fait le point avec vous. Je
vous ai dit : J’ai été sensible à ceci, ceci, cela. Après ça, on a
commencé à travailler. J’ai expliqué un certain nombre de choses que je pouvais
prendre en immigration, influencer, après ça travailler avec la CAQ. Avec les
libéraux, je les ai mis de côté parce que c’était clair que c’était non.
M. Dutrisac (Robert)
:
Mais est-ce que vous n’avez pas l’impression d’avoir perdu votre temps avec la
CAQ, compte tenu du fait qu’ils avaient probablement des positions, sur le plan
politique, auxquelles ils n’ont pas dérogé, de toute façon?
Mme De
Courcy
:
Non, je n’ai jamais eu l’impression de perdre du temps en faisant du travail
parlementaire. Des fois, je me pose des questions sur l’issue des choses, c’est
certain. Mais, non, je crois que ce que ça a permis, c’est, pour moi, de mieux
comprendre où étaient ces blocages-là du côté de la coalition. D’ailleurs, si
les libéraux avaient voté pour le principe, j’aurais tenté de comprendre
davantage. Donc, je n’ai pas perdu de temps pour comprendre. Mais est-ce qu’on
a perdu du temps pour agir par un moyen législatif qui, à mon avis, est
important? Bien, on a perdu, en effet, quelques mois. On a perdu, en effet,
quelques mois.
M. Dutrisac (Robert)
:
…est-ce que l’issue ne doit pas être nécessairement prédéterminée au début des
discussions — je parle des dernières discussions — compte
tenu de la position politique de la CAQ?
Mme De
Courcy
:
Je ne peux pas, dans un contexte de gouvernement minoritaire, ne pas me
positionner dans des opérations de grande écoute et de dire que... et basées
sur la bonne foi que tous les parlementaires veulent faire avancer les
questions sociales, qui sont très importantes, ou économiques. Alors, à ce
compte-là, je ne peux pas… je n’ai pas voulu me mettre dans la position d’avoir
un préjugé défavorable à leur égard, mais force est de constater que malgré la
bonne foi apparente on n’est pas arrivés à…
M. Dutrisac (Robert)
: Est-ce
que ça va arriver avec une série de mesures, maintenant, pour le projet de loi…
Mme De
Courcy
:
Oui, oui, oui, bien sûr.
M. Dutrisac (Robert)
: Est-ce
qu’il va y avoir des mesures réglementaires, des mesures administratives?
Mme De
Courcy
:
Ah! Bien oui, bien oui. C’est certain.
M. Dutrisac (Robert)
:
Donc, vous allez rajouter un pan de…
Mme De
Courcy
:
Oui, oui. Et, je vous l’ai dit en conclusion, j’ai beau être
déçue, je ne suis pas découragée, et on dispose
d’autres moyens que je n’élaborerai pas ce matin. Mais bien sûr que je vais
vous revenir à chaque fois que je vais avoir des mesures. D’ailleurs, une des
mesures qui a été reconduite, et j’en parlerai la semaine prochaine à la
chambre de commerce de Montréal, c’est la stratégie commune sur Montréal, où là
j’ai demandé qu’on inclue des choses un peu plus précises, bon, etc.
Alors donc, c’est un moyen qui actuellement
va être mis de côté à cause de la condition que je viens de vous expliquer,
mais c’est loin d’être la fin de l’action concernant la langue.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Donc, justement, est-ce qu’il y a beaucoup de choses, beaucoup d’articles, qui
sont dans le projet de loi n° 14, qui vont se retrouver dans des prochains
règlements que vous allez adopter dans les prochains mois, dans les prochaines
semaines?
Mme De
Courcy
:
Si ça avait été le cas, vous comprenez que, dans un contexte de gouvernement
minoritaire, j’aurais fait des règlements plutôt qu’une loi. Alors, j’ai fait
une loi. C’est donc, dans plusieurs cas, la presque totalité de ces cas-là, je
ne peux pas y aller par règlement. Ce que je peux faire, cependant, c’est en
utilisant, en adoptant des mesures incitatives ou administratives, en
augmentant de la vigilance, en augmentant le soutien, en augmentant
l’accompagnement, c’est comme ça, là, qu’on va pouvoir réussir à aller dans les
sphères d’activité qui sont importantes, qui étaient visées par le projet de
loi n° 14, entre autres au niveau de l’emploi.
D’ailleurs, c’est déjà commencé, parce que
le projet de loi n° 14 prenait un certain temps de mûrissement, appelons
ça comme ça, un certain temps de mûrissement. Quand la Commission des partenaires
du marché du travail accepte, à notre demande, d’injecter, de façon
significative, 1 million de plus en francisation des entreprises… en
entreprise, accepte aussi de soutenir les personnes immigrantes en emploi pour
favoriser cette intégration-là, bien, on agit, à ce moment-là, dans la sphère
emploi.
M. Pépin (Michel)
: Mme
De Courcy, est-ce que l’échec, là, de ce projet de loi, est-ce que, pour
reprendre l’expression d’une de vos collègues, est-ce que ce n’est pas… on n’a
pas atteint les limites de ce gouvernement minoritaire? Qu’est-ce que vous en
pensez?
Mme De
Courcy
:
Bien, c’est sûr que les limites du gouvernement, non, mais les limites du
gouvernement dans le dossier de la langue, oui. Ça, c’est sûr que là il y a une
limite qui vient de nous être signifiée et que j’accueille avec déception,
mais, en même temps, en gouvernement minoritaire, on peut s’attendre à ce genre
de réaction.
J’avoue que ce qui m’a beaucoup frappée,
ça a été vrai du côté des libéraux puis c’est vrai aussi du côté de la CAQ, c’est
l’idée du maintien du statu quo. Et ça, je trouve que ça correspond beaucoup à
un sentiment de résignation, comme s’il n’y avait pas fondamentalement, quels
que soient les partis politiques, quels que soient les parlementaires, une
vigilance à maintenir, en Amérique du Nord, de tous les instants, parce que c’est
un îlot francophone dans une mer anglophone et que c’est important d’avoir un
signal clair aussi à ceux et celles qui nous choisissent et à ceux et celles
qui viennent, à mon avis, vivre et travailler en français au Québec, ce droit
que je voulais inscrire dans la Charte des droits et libertés.
D’ailleurs, tout le monde est d’accord
avec ça. La CAQ était d’accord avec ça, d’inscrire ça dans ce droit-là. Vous
l’avez dans le tableau que je vous ai présenté. Mais, à un certain moment, la
bonne volonté, l’affection, l’adhésion, toutes ces belles choses ne suffisent
pas. C’est important qu’elles soient là, mais ça prend aussi des législations
pour s’assurer que tout le monde suit, tout le monde suit. Et c’est à ça
manifestement que les partis d’opposition, cette fois-ci je vais parler des
deux, que les partis d’opposition ne veulent pas se rendre. Et, à mon avis, c’est
néfaste pour la progression de la langue.
Mme Montgomery (Angelica)
:
Parlant de cette majorité-là, qu’est-ce que vous pourriez… feriez si vous
l’avez? Est-ce que vous adopteriez le projet de loi n° 14 comme tel,
ajouterait plus? Est-ce qu’il y a des choses que vous avez apprises pendant
toute cette consultation-là que, finalement, vous auriez changées? C’est quoi…
Mme De
Courcy
:
Oui, preuve en est. Ce que vous avez ce matin entre les mains, c’est un projet
de loi n° 14 amélioré que… dont j’ai fait la proposition, dans les faits à
ceux et celles avec… qui voulaient bien travailler avec nous. C’était la CAQ en
l’occurrence. Alors, c’est un projet de loi n° 14 amélioré, amélioré par le
travail parlementaire d’abord, parce que, quand on fait une commission
parlementaire, je le répète, on entend beaucoup de choses, c’est intéressant, puis
il faut que les consultations se révèlent, là, dans les projets de loi. Alors,
c’est ce que c’est, et, si nous étions dans un autre univers, bien, ce projet
de loi là amélioré, avec toute cette condition-là, à mon avis, est un très bon
outil législatif pour aider à la progression du français et à…
Mme Montgomery (Angelica)
:
Alors, les compromis, c’est qu’est-ce que vous avancerez avec une majorité, c’est
les compromis que vous avez… nous mentionnez? C’est qu’est-ce que vous
avancerez si vous avez une majorité ou…
Mme De
Courcy
:
C’est tout ce qu’il y a sur la table. Tout à fait. Ce que vous avez sur la
table actuellement, là, dans ce point de presse, que vous avez entre les mains.
Mme Montgomery (Angelica)
:
Et pour le projet de loi… mettre la loi 101 sur les cégeps, est-ce que c’est
toujours votre intention? Parce que c’était partie de votre plateforme
électorale l’année passée.
Mme De
Courcy
:
Dans le projet que j’ai déposé, je me suis attardée à l’objectif. Je n’ai pas
choisi les moyens qui étaient prévus, et ça, ça arrive souvent, on a des
objectifs à atteindre. J’avais choisi d’autres moyens que vous connaissez
bien parce que vous en avez largement parlé.
Alors, il n’y aurait rien de changé par
rapport à l’idée de dire que cette question-là du choix de protéger les
étudiants anglophones, et leurs institutions, et l’accès à leurs institutions
demeure; deuxièmement, de s’assurer que les francophones qui veulent apprendre
une langue seconde puissent bien l’apprendre; puis de conserver, dans la limite
du financement public puis de l’équilibre entre deux réseaux, de conserver
cette circulation des francophones et des anglophones. Il n’y a rien dans ça
qui est... Ce matin, là, je ne suis pas en train de vous dire qu’il y a des
renoncements, des nouveautés, mais il y a là l’état d’une très bonne discussion
avec, à mon avis, les citoyens qui se sont présentés en commission
parlementaire.
Le Modérateur
: On va
prendre une dernière question, s’il vous plaît.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Pourquoi ne pas avoir continué les négociations, puisque c’est si important
pour vous?
Mme De
Courcy
:
Écoutez, à cause, justement, de la discussion de qualité que j’ai pu avoir avec
la CAQ, il est très clair, très clair que — puis on en a
convenu — que, sur certains points, il y avait trop d’éloignement. Un
jour, on constate ça, il y a trop d’éloignement, et nous aurions perdu
mutuellement un temps important, puisqu’il n’y avait plus de possibilité de rapprochement
sur certains sujets. Et les sujets dont je vous ai parlé m’indiquaient
clairement que, là, non, il y avait peu de points de rapprochement. Il y en a
des plus faciles que d’autres, là. Il y en a des plus faciles que d’autres, mais,
manifestement, entre autres au niveau des entreprises, là, ça ne se pouvait
pas, là. Manifestement, on était trop éloignés.
Des voix
: ...
Mme De
Courcy
:
Excusez-moi, je n’entends pas bien. Excusez-moi.
Mme Plante (Caroline)
:
Est-ce que la CAQ est d’accord avec vous sur l’échec des négociations? Parce
que, ce matin même...
Mme De
Courcy
:
Vous lui poserez la question.
Mme Plante (Caroline)
:
Non, mais on lui a posé la question ce matin même, M. Legault, on lui a posé la
question sur le projet de loi n° 14, et il disait qu’il était encore en négociation.
Alors, est-ce que c’est vous qui... c’est vous...
Mme De
Courcy
:
Oui, c’était vrai, c’était vrai. Hier soir, quand on s’est laissés, nous nous
sommes dit : Nous nous donnons quelques heures, et on était rendus là et,
d’un commun accord, on avait convenu de se rappeler très tôt. On s’était
dit dans le 24 heures, là, parce qu’on voyait bien, là… Puis on a fait
attention, vous savez, parce que les rencontres ont commencé au mois d’août,
là, au mois d’août, donc on se donnait le temps de réfléchir entre les
rencontres pour s’assurer qu’on pouvait progresser. Mais là, manifestement,
hier, on ne progressait plus. Alors, c’est ça qui a fait...
Mme Lajoie (Geneviève)
:
La CAQ a annoncé ce matin qu’elle offrait un compromis sur la charte des
valeurs. Est-ce que, vous, vous y voyez un lien avec, là, l’échec des négociations
sur le projet de loi n° 14?
Mme De
Courcy
:
Bien, je... Non.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
D’un choix entre les deux, ils ont choisi leur bataille?
Mme De
Courcy
:
Bien, vous leur poserez la question. Bien, j’espère bien qu’ils n’ont pas fait
ce choix-là et qu’ils n’ont pas fait un calcul politique de ce type-là, parce
que le dossier de la langue est un dossier tellement important et qui, à mon
avis, transcende les questions des partis politiques. J’espère qu’ils n’ont pas
fait ce choix-là. Vous m’en verriez très déçue, très déçue.
M. Dougherty (Kevin)
:
Vous avez proposé, dans le — merci — dans le projet de loi
n° 14, d’amender la charte de la langue… pardon, charte des droits
pour ajouter le français. Et là on voit ça dans le projet de loi n° 60.
Alors, est-ce que vous êtes… c’est-à-dire que, ça, c’est avant que les
négociations soient rompues, n’est-ce pas? C’est-à-dire que vous avez anticipé
que… le gouvernement, en quelque part, a anticipé un problème, puis il a mis ça
dans la charte des valeurs?
Mme De
Courcy
:
Ah, mon Dieu! Si on était à ce point devins, hein, pour anticiper à ce point… Je
comprends qu’il faille anticiper, mais, à ce point, non. En fait, ce qui est
très clair par rapport au projet de loi n° 14, hein, c’est le droit de
vivre et de travailler en français, et il y avait aussi le droit de recevoir
des services en francisation. Quand on a écouté différents acteurs, on s’est
tous entendus, là, pour dire : Droit de vivre et travailler en français,
ça, c’est nécessaire d’être dans des articles interprétatifs, et puis, pour ce
qui est des services en francisation, déplaçons, ça va faire l’affaire de tout
le monde. Et ça, c’était tel quel.
Admettons, dans un scénario que j’aurais
jugé idéal, qu’on puisse adopter le projet de loi n° 14 avec les
aménagements qui étaient prévus, ça ne changeait rien, parce que, dans ce qui
est dit dans la charte de la laïcité, ça fait une série… ça indique un message
pour tous de : voici une façon dont nous allons nous réguler dans la société.
Et le fait d’indiquer, par la suite «vivre et travailler en français»,
renforce, là, dit, là, c’est vraiment au travail, pour tout le monde, que
s’inscrit notre intégration générale comme citoyen. Alors, il n’y avait pas
d’avant ou après. Il y a une continuité, c’est sûr.
Le Modérateur
:
Dernière question.
M. Lavallée (Hugo)
:
Oui. En ce qui concerne les cégeps, tout à l’heure, vous avez dit : On
peut se poser des questions sur le fait que le plus grand cégep au Québec soit
un cégep anglophone. J’aimerais vous entendre davantage là-dessus. C’est quoi?
C’est le symbole qui vous déplaît ou…
Mme De
Courcy
:
Non. Non, c’est que… c’est, à mon avis, une forme d’octroi de places, et de
façons de faire, premier arrivé, premier servi, indépendamment du choix des
personnes concernant les notes, et qu’on ne voit pas là-dedans la vision
d’ensemble. Et ce n’est pas un équilibre entre les deux réseaux. On a, vous le
savez, du primaire à l’université, des… le réseau francophone, le réseau
anglophone, et c’est anormal quand on voit une progression aussi fulgurante,
surtout quand on sait que les programmes existants dans les cégeps anglophones
sont les mêmes que les programmes existants.
Alors, il fallait trouver la raison. Moi,
je ne pense pas que personne, personne n’a un dessein, un agenda caché là-dedans,
ce n’est pas ça. Mais pourquoi les personnes font ces choix-là? Bien, la raison
était évidente. C’était que les gens veulent maîtriser une langue seconde, que
ce soit du côté anglophone, le français comme langue seconde, ils le veulent,
et ils nous l’ont dit. On a même eu des gens des collèges francophones qui sont
venus nous voir pour nous dire : L’apprentissage du français n’est pas
suffisant. Il y a eu des entreprises aussi qui nous ont dit ça. Puis, du côté
francophone, quand on traverse, après avoir fait tout son… c’est parce que
l’apprentissage de la langue seconde en anglais, soit au secondaire ou bien au
cégep, bien, manifestement, ce n’est pas ça qu’on veut.
Alors, nous, ce qu’on a dit, suite… après
avoir creusé ça, discuté ça, entendu tout le monde, on a dit : Bon, très
bien, admettons que c’est ça, notre problème, si on enrichit les cursus
scolaires ou les matières, autant du côté anglophone que du côté francophone,
normalement, d’ici cinq ans, ça devrait se réguler à nouveau, puisque, la
prémisse de base, c’est que c’est l’apprentissage ou l’enseignement qui
n’apparaît pas assez riche pour les personnes. Si on régule cela, ça devrait
fonctionner.
Et ça, ça prend à peu près cinq ans.
Ce n’est pas vrai que ça se fait du jour au lendemain. Donc, il fallait se
donner le temps, avant d’implanter cette disposition-là, d’avoir des places
réservées pour les enfants anglophones du côté anglophone et une circulation
plus modérée des francophones vers les anglophones. Il fallait donc attendre
que, dans cinq ans, on puisse voir les effets de ce dont je viens de vous
parler.
Ça m’apparaissait très raisonnable, mais
ce n’était pas assez raisonnable. L’option de ça par rapport à la CAQ, ça a été
de dire : C’est un principe, et, au-delà du principe, on ne voit plus
clair autour de ça. Ce principe-là, ce qu’il fait, par ailleurs, c’est… Puis à
la question posée, à savoir : Oui, mais quand est-ce que ça s’arrête?
Est-ce qu’à un certain moment on va se poser des questions dans cet équilibre-là?
Puis les gens, ce qu’on entendait, c’était : Oui, il va falloir. Bien oui,
mais, s’il faut… il faut prendre des moyens. Et c’est toujours là qu’on s’est
accroché les pieds, en fait, c’est, à partir du moment où on est d’accord sur
quelque chose, parfait, comment ça s’actualise? Et là c’est dans le comment ça
s’actualise que ça été difficile.
Une voix
: Merci
beaucoup.
Mme De
Courcy
:
Je vous en prie.
(Fin à 13 h 15)