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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le mercredi 27 novembre 2013, 9 h 50

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures cinquante et une minutes)

M. Khadir : Bonjour. Bonjour, tout le monde. Aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, Québec Solidaire va déposer une motion qu'on présente pour une deuxième fois — nous l'avons fait en octobre — pour demander au gouvernement d'exiger des transporteurs de pétrole, ceux qui veulent imposer au Québec le passage des sables bitumineux à travers leurs oléoducs, sachant les graves conséquences environnementales qu'un accident peut entraîner, sachant les accidents récents, comme à Kalamazoo aux États-Unis, dans la rivière Kalamazoo, un déversement de 4,3 millions de litres de mazout, dont encore tout près de 1 million n'a pas été nettoyé par la compagnie Enbridge.

Considérant donc l'expérience, en plus, récente, qu'a connue le Québec avec la tragédie du lac Mégantic et l'incapacité de la compagnie à fournir l'argent nécessaire pour nettoyer les dégâts, nous demandons au gouvernement d'être prévoyant. Nous l'avons fait en octobre, le Parti québécois l'a refusé, mais, comme, hier soir, le ministre des Affaires municipales, je pense, conscient de ce problème, avec la lucidité qu'on lui reconnaît — je parle de M. Sylvain Gaudreault — et surtout attentif aux besoins exprimés par les municipalités qui sont très, très inquiètes des conséquences que ça pourrait entraîner, le passage du pipeline d'Enbridge...

Donc, nous allons demander aux députés de l'Assemblée nationale, en toute cohérence, de faire adopter... de demander au gouvernement fédéral d'adopter rapidement des initiatives permettant de renforcer le régime de sécurité des pipelines annoncé le 3 juillet 2013 et exiger, et c'est ça la demande spécifique, que les entreprises qui exploitent les grandes conduites de pétrole brut déposent une garantie financière minimum de 1 milliard de dollars et qu'elles fournissent une preuve d'assurance suffisante pour couvrir l'intégralité des coûts de décontamination dans l'éventualité où il arrive un déversement pétrolier majeur.     Ça, c'est afin d'éviter les conséquences financières pour le public dans les cas de faillite d'entreprises, notamment.

Je vous signale qu'hier en commission parlementaire, ce qui nous a été démontré, c'est que, oui, le renversement du pétrole... de la direction du flux du pipeline d'Enbridge, ça va être à l'avantage des raffineries. Donc, les Québécois vont prendre des risques à l'avantage des compagnies de raffinerie de pétrole. Personne n'a prétendu, même les promoteurs du projet, qu'il y aura une quelconque différence pour les Québécois. Le citoyen moyen, là, il n'y aura aucune différence dans sa facture. C'est la facture des actionnaires des compagnies de raffinerie qui va baisser. C'est eux qui vont faire les profits.

Nous, on assume les... Si jamais ce coup de pouce que le gouvernement du Parti québécois veut donner au pétrole sale de l'Alberta va de l'avant, bien, c'est les Québécois qui en assument les risques, et je pense que le minimum, c'est de se faire respecter puis d'avoir des garanties financières, comme n'importe quel acquéreur de maison va devoir... doit le faire, avoir des garanties suffisantes, hein? La banque exige de n'importe quel acquéreur que, lorsque vous achetez une maison, vous ayez une assurance pour couvrir les dommages. De même, si vous êtes en copropriété, vos associés s'attendent à ce que vous ayez les assurances nécessaires. Je pense que c'est le minimum pour le faire.

Nous sommes très désolés de voir avec quelle précipitation, et insistance, et même, je dirais, un certain ridicule parce que c'est la première fois en cinq ans que je vois des ministres venir se faire les promoteurs d'un projet. Il y a eu quatre ministres qui sont venus, en commission parlementaire, parader pour faire le travail de lobbying pour l'industrie pétrolière. Je trouve ça vraiment incroyable. C'est un coup de pouce inespéré pour le pétrole le plus sale du monde, le pétrole de l'Alberta. C'est le pétrole qui est le plus dommageable pour l'environnement, c'est le pétrole qui cause le plus de gaz à effet de serre dans son cycle de vie, et le gouvernement du Parti québécois va donner un coup de pouce que même les Américains ou la Colombie-Britannique n'a pas voulu donner.

Si jamais on avance avec ça, il y a un minimum à respecter pour le Québec, mais je rappelle au gouvernement encore, je rappelle à la population que, quand on veut sortir du pétrole, bien, ce n'est pas ça qu'il faut faire. Quand on encourage l'exploitation du pétrole puis on en facilite l'accès, en fait, ce qu'on fait, c'est qu'on perpétue la domination du pétrole sur notre économie, on perpétue la dépendance de nos emplois au pétrole puis, en fait, on décourage toute tentative de renverser la vapeur, toute tentative de voir émerger des énergies alternatives, des modes de transport alternatifs. En fait, on est en train de se tirer dans le pied.

M. Lafille (Julien) : Est-ce que le fait, justement, qu'il y ait quatre ministres qui viennent, les uns à la suite des autres, défendre un tel projet, est-ce que ça ne montre pas qu'il y a peut-être un intérêt économique supérieur pour le Québec ?

M. Khadir : Il y a un intérêt économique inférieur, oui. Inférieur, c'est vrai, c'est le mot. Oui, il y a des emplois en jeu dans l'Est de Montréal, en jeu dans le sens que le Parti québécois, qui a les comtés de l'Est de Montréal, dans sa vision à courte vue qui le caractérise depuis quelques années, ne voit pas au-delà des nécessités immédiates de l'électoralisme aux prochaines élections. Ce n'est pas en fonction des prochaines élections qu'il faut réfléchir à l'avenir du Québec, ce n'est pas en fonction de un ou deux comtés, c'est en fonction de la pérennité des emplois pour les Québécois et la prospérité du Québec à long terme. Ce qu'un gouvernement responsable aurait fait à la place du Parti québécois, donc ce que Québec solidaire aurait fait, c'est que nous aurions empêché que notre argent soit utilisé…

Vous savez qu'actuellement les Québécois paient 350 millions de dollars par année en congé fiscal pour appuyer l'industrie pétrolière. Une partie de ces ressources-là, on l'aurait consacrée à faire la transition économique vers une autre économie où on pourrait offrir des emplois de qualité aux travailleurs et aux travailleuses de l'Est de Montréal, dans un autre secteur moins dépendant. Ça va prendre du temps, cinq ans, 10 ans, 15 ans, mais il faut commencer aujourd'hui si on veut y arriver.

C'est sûr que le Parti québécois est pris dans sa logique à courte vue électoraliste de dire : Aïe! Ne vous inquiétez pas, il n'y a rien qui va changer pour vous. Non. De manière responsable, si Québec solidaire était au pouvoir, était en commande, nous dirions à ces… Nous allons assurer la transition du secteur économique de l'Est de Montréal pour que vous ne soyez pas dépendants du pétrole et que vous ne subissiez pas le chantage du secteur pétrolier. On l'a entendu encore hier, là, des différentes manières, un discours internalisé par les ministres qui reflétait ce chantage : si vous ne faites pas ça, si vous ne nous donnez pas des bonbons, du pétrole à meilleur coût, on s'en va.

M. Lafille (Julien) : Pourtant, le porte-parole d'Enbridge vous dit, hier, que Kalamazoo l'a rendu très humble, qu'ils se sont regardés dans un miroir, dans le fond. Vous ne le croyez pas du tout?

M. Khadir : Bien, j'aimerais bien les croire, mais ils n'ont pas encore... ils contestent 750 000 barils de pétrole brut qui est dans le fond de la rivière. L'agence de protection environnementale américaine dit : Non, non, non, c'est à vous à nettoyer. Eux, refusent de le faire. Un. Radio-Canada, tout récemment, en mai dernier, rapportait qu'une quasi-totalité des stations de pompage d'Enbridge ne respectent pas les règles pourtant assez, je dirais, complaisantes, de l'office national de l'énergie canadienne, 160... les chiffres, je... 115 sur 125, quelque chose comme... je m'excuse, 117 sur 125. 117 de leurs stations de pompage n'étaient pas conformes. Plus de la moitié de leurs stations de pompage n'ont pas de bouton d'urgence encore. On fait face à une compagnie qui est encore assez irresponsable.

Et pourquoi ils en feraient autrement? Ils font tellement de profit que, si un accident arrive, même si ça coûte 1 milliard, comme c'est arrivé à Kalamazoo, ça ne leur pèse pas très lourd. C'est ça, la logique. Je ne dis pas qu'ils le font méchamment, mais c'est la logique avec… Ils font les calculs, ils se rendent compte qu'avec les profits qu'ils font ils n'ont pas besoin vraiment de respecter l'environnement puis ils n'ont pas besoin de prendre des précautions outre mesure. S'il arrivait un malheur, bien, ils vont payer, mais le malheur est subi par les gens. C'est notre... Regardez, Enbridge, ça passe en dessous de la rivière Outaouais. S'il arrivait un malheur, là, c'est toute l'île de Montréal et notre approvisionnement en eau qui est menacé.

M. Journet (Paul) : Mais est-ce que... Vous parlez des stations non conformes et d'un manque de collaboration, comportement critiquable d'Enbridge. Mais est-ce que la cible de vos critiques, ce devrait être Enbridge ou les réglementations en vigueur? Là, je... Par exemple, pour les stations non conformes... Je ne connais pas bien le dossier. Est-ce que c'est Enbridge qui viole le règlement ou si c'est le règlement qui est trop laxiste?

M. Khadir : Bien, le règlement n'est pas très sévère, mais même les règlements, au niveau peu sévère qu'ils sont, Enbridge ne les respecte pas, c'est-à-dire les propres réglementations de l'office national de l'énergie, actuellement, dans 117 des 125 stations de pompage, suivant le reportage de Radio-Canada, ils sont en violation, Enbridge est en violation. Donc, ils ne respectent même pas le règlement en vigueur. D'accord?

On leur a rappelé à plusieurs reprises : Écoutez, vous prétendez que, s'il arrivait un accident, on a des processus automatiques qui ferment les valves. Mais il y a plus de la moitié de leurs stations de pompage qui n'ont pas de bouton, qui n'ont pas de bouton, de valve d'urgence. Donc, il y a des problèmes, pour cette compagnie-là, à respecter les règles déjà en vigueur ou à démontrer qu'ils sont vraiment soucieux. Bon!

M. Journet (Paul) : Ils ne sont pas dignes de la confiance qu'ils demandent?

M. Khadir : Bien, je pense... Regardez, règle générale, on sait que l'industrie pétrolière, on l'a vu avec BP… Ce n'est pas juste Enbridge, là, c'est toute une culture d'une industrie qui est tellement puissante, qui a un lobby sur les politiciens, un contrôle tellement puissant qu'ils ne s'enfargent pas trop dans les détails et dans le respect des préoccupations des citoyens.

Mais c'est à nous, collectivement, maintenant qu'on le sait, maintenant qu'on a vu ce qui s'est passé au lac Mégantic, maintenant qu'on a l'expérience des États-Unis avec les déversements dans le Kalamazoo, d'être plus exigeants, exactement comme on l'a vu avec l'unique député du Parti québécois, l'unique ministre qui a vraiment démontré une attitude, je dirais, courageuse et un minimum protecteur du bien citoyen, du bien collectif. C'était le ministre Gaudreault, en fin de séance, hier, de la commission.

Il est venu dire qu'il faut absolument respecter les principes d'acceptabilité sociale, de protection de l'environnement, la sécurité des citoyens et aussi l'impact économique. Puis, d'entrée de jeu, il a affirmé qu'il faut absolument prévoir un fonds de prévoyance. C'est pour ça que nous déposons ce matin une motion pour que, si jamais le Parti québécois, malgré toute la logique et le bon sens, donne ce coup de pouce inespéré pour les sables bitumineux, un coup de pouce que les Américains n'ont pas donné, un coup de pouce que la Colombie-Britannique, là, n'a pas donné… Ça sera finalement le Parti québécois, avec toutes ses prétentions écologiques, qui va le donner, qui va renforcer la domination du pétrole sur notre économie. Bien, si ce mal-là, le Parti québécois le fait, bien, au minimum, qu'on ait un fonds de prévoyance de 1 milliard pour réparer les dégâts.

M. Journet (Paul) : Pardonnez-moi si je vous demande de vous répéter, mais, pour le fonds de prévoyance, vous voudriez donc qu'il soit de 1 milliard. Financé par qui, à quelle hauteur et utilisé à quelles fins et décidé par qui?

M. Khadir : Un fonds, comme les garanties qu'on exige des minières, pour réparer maintenant, là, pour réparer les dégâts de leurs projets.

Pour ce qui est d'Enbridge, ça voudrait dire, considérant ce qu'on sait... mais regardez juste ce qui s'est passé, le déversement... un déversement un tant soit peu majeur, comme aux États-Unis, c'est 1 milliard. Donc, de déposer une garantie financière de 1 milliard, une garantie financière et, ensuite, de démontrer qu'il a toutes les assurances nécessaires pour pouvoir rencontrer toutes les conséquences financières en cas de faillite de l'entreprise. D'accord? Il y a une chose que d'avoir l'argent de côté, mais on a vu avec MMA... s'ils ont des garanties financières, mais finalement ils sont en faillite puis ces garanties ne sont plus valides, bien, il faut au moins avoir des assurances pour couvrir.

M. Journet (Paul) : C'est le fédéral ou c'est… Ça ne devrait pas être le fédéral qui devrait être responsable de ça?

M. Khadir : Bien, écoutez, c'est le Québec... Le Québec a... Moi, je n'accepte pas cet aveu d'impuissance d'un gouvernement qui se dit souverainiste. Je vous ai expliqué, hier, qu'il y a toutes sortes de moyens législatifs réglementaires, y compris sur les redevances, comme le fait la Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique, c'est comme ça qu'elle dissuade le passage de Northern Gateway, pour le moment.

Mme Nadeau (Jessica) : Mais est-ce que ça pourrait donc être régi par règlement comme tel?

M. Khadir : Bien sûr.

Mme Nadeau (Jessica) : Ça pourrait être un règlement québécois qui...

M. Khadir : Ça peut être une exigence du Québec. Vous voulez avoir notre acceptabilité sociale? Déposez-le. Peu importe à quel niveau ce fonds est géré, fédéral ou provincial, ce n'est pas ça, l'important. On demande... oui, on demande au gouvernement fédéral de faire les démarches pour mieux encadrer et pour permettre aux municipalités comme au gouvernement provincial des différentes provinces de pouvoir exiger ça.

Mais, en dehors de ça, mettons qu'on ne peut pas compter sur la collaboration d'un gouvernement fédéral comme Harper, qui est vendu aux intérêts pétroliers, le Québec a des moyens. Le Québec peut dire : Écoutez, si vous voulez avoir notre appui, si vous voulez qu'on vous accompagne, notre collaboration, voici ce que vous devez faire au niveau fédéral. Allez mettre de l'argent de côté.

M. Journet (Paul) : Est-ce qu'il y a déjà eu… Une dernière vite, vite, là, oui. Est-ce qu'il y a déjà eu, à votre connaissance, des juridictions qui ont demandé et obtenu un fonds de prévoyance de la part d'une pétrolière?

M. Khadir : Je n'ai pas connaissance de ça, mais je pense que c'est tout à fait impertinent. Des accidents comme ceux de Kalamazoo puis de Lac-Mégantic, on n'en avait pas connus. Que ça n'ait pas existé... Que des choses essentielles, logiques, des mesures de prudence qui sont destinées à protéger les citoyens n'aient pas été prévues dans le passé, c'est très déplorable. On doit s'en désoler aujourd'hui. Maintenant qu'on sait, ça serait irresponsable de ne pas le faire. Puis je vous rappelle que l'industrie pétrolière a une influence sur les politiciens depuis longtemps. Leur lobby est très puissant. Cherchez un peu dans nos documents, vous allez voir.

(Fin à 10 h 5)

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