Conférence de presse de Mme Doris Paradis, Vérificatrice générale par intérim
Dépôt du tome II du rapport du Vérificateur général du Québec pour l'année 2002-2003
Version finale
Le mardi 9 décembre 2003, 11 h 26
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Onze heures vingt-six minutes)
Mme Paradis (Doris): Mesdames et messieurs, bonjour. Plus tôt ce matin, le président de l'Assemblée nationale a remis aux députés le second tome de mon rapport pour l'année 2002-2003. J'y présente notamment les résultats de trois vérifications.
Je me suis d'abord intéressée aux services de santé mentale offerts par le réseau de la santé et des services sociaux. Mes travaux montrent que plusieurs volets de la politique gouvernementale en ce domaine ne sont pas appliqués, de sorte que la gestion du programme de santé mentale ne permet pas de répondre adéquatement aux besoins de la population. En effet, certains services ne sont pas suffisamment développés et l'accès à d'autres s'avère difficile dans plusieurs régions.
Ainsi, le ministère de la Santé et des Services sociaux n'a ni fixé ses objectifs ni élaboré de plan d'action pour la clientèle ayant des troubles transitoires, comme la dépression, qui risquent de s'aggraver si on n'y apporte pas une réponse adéquate en temps opportun. Il en est de même pour la promotion et la prévention ainsi que pour certains services spécialisés. Dans ce dernier cas, le ministère n'a pas attribué de responsabilités suprarégionales aux établissements qui offrent ces services spécialisés. Certains desservent donc presque exclusivement la clientèle de leur territoire, alors que la plupart des régions font face à des difficultés majeures d'accès à ces mêmes services spécialisés. Par ailleurs, la répartition des ressources financières s'effectue encore sur une base historique. Il en résulte des écarts importants entre les régions concernant la disponibilité des services de santé mentale. Pourtant, le ministère a souvent réitéré son adhésion au principe du financement des services sur la base du coût par habitant.
En outre, le réseau n'a pas réussi à dégager les sommes nécessaires pour opérer la transformation des services de santé mentale requise par la nouvelle approche de réadaptation et d'intégration sociale. D'ailleurs, le ministère ne fait pas un suivi rigoureux de cette transformation, même s'il la préconise.
Quant aux régies régionales, elles sont responsables de l'organisation des services de santé mentale sur leur territoire. J'y ai constaté plusieurs lacunes en cette matière qui se répercutent à leur tour sur la disponibilité et l'accessibilité des services. Ainsi, bien que l'accueil et l'évaluation dans les CLSC se fassent sans délai, le traitement commence souvent beaucoup plus tard. L'attente peut varier de un à six mois selon la région, et, pour obtenir une consultation externe auprès d'un psychiatre, le délai moyen varie de quatre à 14 mois.
J'ai profité de mes travaux pour effectuer le suivi d'une vérification réalisée en 1996 sur le même thème. Je déplore que seulement 24 % des recommandations formulées à cette époque aient été appliquées de manière satisfaisante.
Je me suis aussi penchée sur le rôle du ministère de l'Environnement par rapport à la surveillance et au contrôle de l'eau potable. Mes travaux révèlent que le ministère doit améliorer ses interventions afin de parfaire le contrôle des risques inhérents à la gestion de cette ressource vitale. En effet, même si les 3 163 réseaux de distribution sont répertoriés, le ministère estime que plus de 3 000 autres ne le sont pas, tels que des réseaux privés ou des campings. Ils échappent ainsi à sa surveillance.
Le ministère éprouve aussi de la difficulté à faire respecter le règlement sur la qualité de l'eau potable. Ce dernier oblige les réseaux de distribution desservant plus de 20 personnes à prélever chaque mois un nombre minimal d'échantillons. Sur une période de 18 mois, 18 000 dérogations à la fréquence mensuelle minimale d'échantillonnage ont été constatées, ce qui représente un peu plus du tiers des cas. Ces manquements concernent plus de 2 500 réseaux différents parmi les 3 163 recensés. Plus particulièrement les responsables de 776 d'entre eux desservant 1,1 million de personnes ont enfreint le règlement au moins neuf mois sur les 18 ayant fait l'objet de mes travaux.
Par ailleurs, dans 87 % des cas examinés qui ne rencontraient pas les normes de qualité de l'eau, le ministère a réagi rapidement. Malgré ce bon résultat, il devra améliorer l'efficacité des actions qu'il entreprend pour régler les situations non conformes car, lors de notre vérification, la moitié de ces cas duraient en moyenne depuis neuf mois.
En outre, le ministère doit veiller au maintien à long terme de la qualité de l'eau et des écosystèmes aquatiques. Or, il possède une connaissance insuffisante des bassins versants qui alimentent les cours d'eau. Par exemple, le ministère n'a pas de station de mesure en continu de la qualité de l'eau pour ce qui est de neuf des 33 bassins versants prioritaires parmi les 400 que compte le Québec.
Par ailleurs, plusieurs indices témoignent du fait que les principes de la politique de la protection des rives, du littoral et des plaines inondables ne sont pas respectés. Cette politique vise à maintenir ou à améliorer la qualité des lacs et des cours d'eau. Au surplus, peu de mesures concrètes visant l'application de la politique nationale de l'eau ont été prises jusqu'à maintenant. Le ministère devra mettre au point une action détaillée qui favorisera sa mise en oeuvre.
J'ai d'autre part examiné la gestion de la conservation des ponts et des ouvrages assimilés comme les ponceaux, les viaducs et les murs de soutènement. Le ministère des Transports assume des responsabilités relativement à plus de 9 200 ponts, soit en faisant la gestion complète, soit en fournissant une aide technique financière aux municipalités comptant moins de 100 000 habitants.
La valeur à neuf de tous ces ponts est estimée à près de 8 milliards de dollars. Afin de préserver leur durée de vie utile et les maintenir dans un état satisfaisant, il est important de les inspecter régulièrement et de prévoir les interventions appropriées.
Même si rien dans mes travaux n'a indiqué que la sécurité est compromise, il font tout de même ressortir diverses carences dans les pratiques du ministère. Ainsi, pour au moins 11 % des ponts, l'inspection annuelle n'a pas été effectuée ou le ministère n'a pas l'assurance qu'elle l'a été. Il y a aussi des retards pour évaluer la capacité portante de plusieurs centaines de ponts. Ces carences ne favorisent pas l'accomplissement des bonnes interventions au bon moment. En outre, le ministère ne planifie pas adéquatement ses interventions sur les ponts dont il a la pleine responsabilité. Il s'ensuit que les réparations et réfections majeures des trois dernières années ont été insuffisantes pour combler l'ensemble des besoins prioritaires qui étaient, du reste, sous-évaluées. Il en va de même pour l'entretien préventif et courant, puisque seulement 66 % des besoins enregistrés ont été satisfaits.
Ces constats rendent la situation préoccupante quant à l'ampleur des sommes qu'il faudra débourser dans l'avenir pour préserver ces ponts, dont 64 % nécessitent des réparations ou des réfections majeures. Par ailleurs, lors de la réalisation de projets, il arrive que le ministère n'obtienne pas toutes les autorisations requises, qu'il utilise des plans et devis incomplets ou erronés et qu'il débute les travaux à un moment inopportun. Cela a notamment donné lieu à des travaux imprévus ou différents qui auraient pu être évités, à des échéances reportées et à des coûts additionnels.
La situation relative aux ponts municipaux est semblable puisque 75 % d'entre eux ont besoin de réparations ou de réfections majeures, travaux qui peuvent être subventionnés par le ministère. Je note que l'échange d'information à ce sujet entre le ministère et les municipalités est déficient, ce qui ne facilite pas la gestion de leur conservation.
Enfin, dans le rapport, j'informe les parlementaires que j'ai transmis au gouvernement des propositions de modification à la Loi sur le Vérificateur général afin qu'elle soit soumise à l'Assemblée nationale.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions en français. I would talk with the anglophone press in about 20 minutes.
Mme Rouleau (Marie-Paul): Mme Paradis, quand on regarde les statistiques que vous publiez sur les contrôles ou, parfois, l'absence de contrôle de la qualité de l'eau, est-ce que ça vous permet de conclure que la qualité de l'eau est mauvaise au Québec ou est-ce qu'elle est en danger?
Mme Paradis (Doris): D'abord, on précise que c'est une combinaison de barrières qui font qu'on s'assure, au Québec, que la qualité de l'eau qu'on boit, elle est adéquate. Chaque fois qu'il y a une faiblesse dans une de ces barrières, bien, les risques sont plus élevés. Ça ne veut pas dire que l'eau n'est pas... qu'elle va nécessairement avoir un impact sur la santé des gens, mais ça veut dire que les risques sont plus élevés.
Donc, quand on voit qu'il y a, par exemple, 18 000 dérogations à la fréquence mensuelle, c'est tout à fait préoccupant parce que c'est un élément qui est important pour s'assurer de la qualité de l'eau.
Mme Champagne (Anne-Louise): À propos de la qualité de l'eau, Mme Paradis, vous parlez de la formation des opérateurs d'usines de traitement d'eau, et il semble y avoir un retard assez évident. Croyez-vous que l'échéance va être respectée pour juin 2004 sur la formation de tous les opérateurs?
Mme Paradis (Doris): J'espère que l'échéance pourra être respectée telle que prévue au règlement. On a constaté qu'il y avait un lent départ pour mettre en place les cours de formation qui sont requis pour permettre aux opérateurs d'obtenir une accréditation, s'assurer qu'ils ont la compétence nécessaire. C'est une des barrières qui nous permet de s'assurer de la qualité de l'eau au Québec. Donc, c'est donc important.
M. Lessard (Denis): Sur la santé mentale, je comprends que votre rapport ne porte pas spécifiquement sur des cas comme ça, mais ce qu'on a découvert récemment des psychiatrisés de l'hôpital Jean-Talon qui vivent dans des situations très difficiles ou insalubres, est-ce que vous pensez que cette situation-là est passablement répandue dans le réseau ou c'est un cas vraiment isolé?
Mme Paradis (Doris): D'abord, un mot sur la santé mentale. La vérification que j'ai effectuée, elle ne visait pas à évaluer la qualité de l'hébergement des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Par contre, j'ai tout de même constaté qu'il y avait plusieurs personnes en attente ou à la recherche d'une ressource d'hébergement qui répondait à leurs besoins.
Mais je vous rappelle qu'il y a 18 mois j'ai publié un rapport à l'Assemblée nationale portant sur l'hébergement des personnes en perte d'autonomie, et j'avais constaté plusieurs lacunes concernant l'encadrement, la supervision qui était effectuée par les régies régionales, par les établissements du réseau de la santé, pour tout ce qui était des ressources intermédiaires, les ressources de type familial, où je mentionnais, entre autres, qu'il y avait beaucoup à faire encore pour bien les encadrer, que les critères de reconnaissance qui étaient prévus, il y avait plusieurs régies régionales qui ne les avaient pas établis et qu'on n'avait pas l'assurance que ces établissements répondaient aux normes de qualité.
J'avais également constaté qu'au niveau des résidences privées il y avait également un manque de contrôle au niveau des régies régionales. D'abord, l'inventaire datait de 1994, dans plusieurs régions l'inventaire des régies régionales était aussi de longue date. Les régies n'avaient pas l'assurance que toutes les résidences privées qui offraient des services professionnels aux personnes hébergées détenaient le permis en bonne et due forme du réseau et n'avaient pas l'assurance non plus que les personnes hébergées recevaient tous les services requis selon leur condition. Donc, des constats qui étaient importants pour l'ensemble...
M. Lessard (Denis): Et, ce qu'on a découvert pour les gens de Jean-Talon, ce n'est pas une surprise pour vous. Est-ce qu'on peut... Vous dites: Bon. Bien, il y a tellement peu de contrôle que des événements comme ça peuvent survenir. C'est ce que vous constatez, finalement?
Mme Paradis (Doris): Effectivement, c'est désolant de voir des cas semblables être constatés. Lorsqu'on parle d'une résidence privée, comme dans le cas de Jean-Talon, on sait que les régies régionales n'ont pas une connaissance de toutes les résidences privées qui sont sur leur territoire. Donc, déjà là, bien, le contrôle...
M. Lessard (Denis): Est-ce que c'était prévisible avec le manque de contrôle que vous aviez vu?
Mme Paradis (Doris): J'avais fait des recommandations très importantes à l'ensemble du réseau. J'avais recommandé, entre autres, que le ministère et les régies régionales connaissent les résidences privées sur leur territoire, qu'ils s'assurent que seules les résidences privées avec permis offrent des services professionnels, qu'ils s'assurent que les personnes en perte d'autonomie qui sont hébergées dans les résidences privées reçoivent les services requis selon leur condition et qu'ils s'assurent que les contrôles lors de l'émission des permis garantissaient que les résidences répondaient aux normes de qualité. Donc, si le réseau n'est pas en mesure de s'assurer que ces contrôles sont effectués, bien, malheureusement, il y a des risques élevés qu'il y ait des situations déplorables qui surviennent.
M. Lessard (Denis): Mais la même situation pour les personnes âgées quand vous dites «des personnes en perte d'autonomie», est-ce que ça s'applique à la fois pour les déficients mentaux et les personnes âgées?
Mme Paradis (Doris): Effectivement, c'est le même type de ressources, donc, que ce soit une personne en perte d'autonomie ou une personne ayant des troubles mentaux, c'est des ressources intermédiaires, des ressources de type familial, des résidences privées. Pour ce qui est de la santé mentale, on voit aussi des organismes communautaires qui offrent l'hébergement.
Mme Rouleau (Marie-Paul): Mme Paradis, je ne sais pas si on se trompe mais, à lire votre rapport, on a l'impression que le gouvernement n'a pas le contrôle sur ce qui se passe sur le terrain en ce qui concerne l'hébergement pour les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale.
Mme Paradis (Doris): Il y a un problème majeur d'accessibilité pour les personnes souffrant de problèmes mentaux. D'abord, on sait que, depuis 1995, il y a de nombreux lits qui ont été fermés, de lits de soins psychiatriques et ces gens-là, ça faisait partie de la philosophie de la nouvelle politique, on voulait une intégration sociale pour ces gens-là. On voulait, dans le fond, qu'ils puissent être hébergés plus près de leur milieu de vie. On a constaté qu'il y a très peu de ressources qui sont disponibles, elles sont peu variées, elles sont mal adaptées aux nouvelles façons de faire, les ressources intermédiaires et les ressources de type familial sont presque les seules qui sont disponibles, il y a très peu de logements permanents. Donc, il y a encore beaucoup à faire pour s'assurer qu'on répond à leurs besoins.
Une voix: Vous soulignez un manque de leadership évident, madame, vous soulignez un manque de leadership évident du ministère de la Santé, vous soulignez aussi qu'il y a des grands volets de la politique de santé mentale de 1989 qui n'ont jamais été appliqués. Comment vous expliquez ça?
Mme Paradis (Doris): Je déplore d'abord que, même en 1996, le Vérificateur général avait émis des recommandations et que seulement 24 % des recommandations ont été appliquées. Effectivement, vous mentionnez que plusieurs volets de la santé mentale n'ont pas été appliqués, on constate un manque de leadership du ministère, des régies régionales, il n'y a ni objectif ni plan d'action qui ont été préparés, par exemple, pour la clientèle ayant des troubles transitoires, alors qu'on sait que c'est très important et que, si ces troubles ne sont pas soignés, ils vont devenir encore plus importants, tout le volet promotion-prévention n'a pas été développé, et il y a aussi tout l'accès à certains services spécialisés qui est très difficile dans certaines régions puisqu'il n'y a pas aucune responsabilité suprarégionale qui a été conférée à certains établissements. Donc, un problème également d'allocation des ressources, les fonds requis pour la transformation n'ont pas été dégagés par le réseau; on avait prévu trois sources pour dégager les fonds et on constate que, malheureusement, les fonds n'ont pas suivi la transformation. Donc, beaucoup de difficulté à l'implanter en bonne et due forme.
M. Ricard-Châtelain (Baptiste): Mais est-ce que vous diriez que c'est un échec, la désins?
Mme Paradis (Doris): Pardon?
M. Ricard-Châtelain (Baptiste): La désins, est-ce que c'est un échec? D'après ce que vous nous dites aujourd'hui, il n'y a pas de ressources, il n'y a pas d'argent, il n'y a pas de services...
Mme Paradis (Doris): En santé mentale, le constat est préoccupant. Il y a beaucoup de difficultés d'accès autant aux services de base qu'aux services spécialisés, on parle de délais de un à six mois pour avoir un traitement dans un CLSC auprès, par exemple, d'un psychologue ou d'un travailleur social, on constate des délais pour rencontrer un psychiatre de 3,8 mois à 14 mois, selon les régions. Donc, des problèmes importants d'accessibilité, des problèmes pour l'hébergement des personnes et un problème majeur de planification, de coordination de l'ensemble des actions, tant au ministère qu'aux régies régionales.
M. Ricard-Châtelain (Baptiste): Donc, est-ce que, pour vous, c'est un échec, ça?
Mme Paradis (Doris): C'est un échec important sur plusieurs grands volets.
M. Lessard (Denis): Pour être clair sur Saint-Charles ou sur Jean-Talon, vous avez dit tantôt: On avait fait des recommandations il y a 18 mois précisément là-dessus, sur l'hébergement des personnes en perte d'autonomie. Mais est-ce que vous estimez que vos recommandations ont été appliquées en tout, en partie ou pas du tout?
Mme Paradis (Doris): Je n'ai pas effectué de suivi encore du mandat que j'ai publié sur la qualité de l'hébergement des personnes en perte d'autonomie. Les suivis sont prévus deux ou trois ans après l'émission d'un rapport.
Ce rapport avait été discuté en commission parlementaire avec les membres de la commission de l'administration publique qui avait demandé au ministère de produire un plan d'action pour mai 2004, pour savoir s'il donnait suite.
M. Lessard (Denis): ...cas qui sont apparus dans les médias, un peu partout, est-ce que vous avez l'impression que vos recommandations ont été suivies ou pas du tout?
Mme Paradis (Doris): Bien, je ne pourrais pas conclure que ce sont des cas qui sont généralisés. Je pense qu'il faut attendre les conclusions de l'enquête. Et je constate qu'il peut rester des faiblesses très importantes.
M. Séguin (Rhéal): Mme Paradis, en plus de la conjoncture économique, vous parlez d'une pénurie de logements à Montréal et à Québec, surtout Gatineau, et vous dites, vous concluez qu'«il est illusoire de penser que l'on peut offrir des services en milieu autonome à des personnes hébergées depuis plusieurs années dans le réseau». Est-ce donc dire que le ministère va devoir revoir tout son plan d'action?
Mme Paradis (Doris): Bien, il était prévu que les... il y a beaucoup d'organismes communautaires qui ont beaucoup d'intérêt à travailler puis à offrir des conditions de vie décentes aux personnes ayant des troubles. Et je pense que les régies régionales et les établissements doivent se mettre à l'action pour travailler davantage en collaboration avec les organismes communautaires, avec les différents acteurs, les municipalités par exemple, pour essayer d'identifier des places.
Vous avez tout à fait raison que les pénuries de logements sont préoccupantes dans toutes les grandes régions.
M. Séguin (Rhéal): ...que ce serait... Vous dites vous-même: Il est illusoire de penser qu'on peut héberger ces gens-là dans des résidences privées, même des résidences institutionnelles.
Mme Paradis (Doris): Je mentionne qu'il est illusoire de penser qu'on va pouvoir réussir, sans faire les choses autrement, sans faire des actions spécifiques visant à identifier des logements pour ces personnes. Donc, entre autres, on mentionne qu'il n'y a pas d'ententes qui sont signées entre la régie régionale, les établissements et les organismes communautaires pour bien identifier quelles sont les attentes, quels sont les résultats qu'on s'attend et comment tout le réseau peut obtenir ces résultats.
Journaliste: Mme Paradis, j'aimerais ça aborder un autre sujet. Vous êtes en poste de façon intérimaire depuis deux ans maintenant, c'est d'ailleurs pas loin d'être un record, je voudrais savoir si le caractère intérimaire de votre nomination nuit à la bonne marche de vos travaux.
Et je voudrais également savoir si vous avez eu des informations selon lesquelles l'Assemblée nationale s'apprêterait bientôt à mettre fin à ce caractère intérimaire de votre nomination.
Mme Paradis (Doris): J'ai été nommé Vérificatrice générale par intérim en décembre 2001. Donc, effectivement, ça fera deux ans la semaine prochaine. C'est une situation tout à fait exceptionnelle qui se prolonge de façon étonnante. Je n'ai pas d'information à savoir s'il y aura une nomination effectuée par l'Assemblée nationale. Ça appartient aux membres de l'Assemblée nationale de nommer le Vérificateur général.
Journaliste: Est-ce que ça nuit à la bonne marche de vos travaux?
Mme Paradis (Doris): C'est une question d'indépendance pour le Vérificateur général. Sa nomination pour un terme de 10 ans lui assure une indépendance formelle tant auprès du gouvernement qu'auprès des entités qu'il vérifie. Personnellement, je suis dans l'organisation depuis bientôt 14 ans. Donc, je me sens tout à fait indépendante, et ça ne nuit pas, personnellement, à mes fonctions.
M. Cloutier (Mario): Petit retour sur l'eau, si vous permettez. Sur les 3 000 sites, réseaux, là, qui sont non répertoriés, vous parliez d'un risque tantôt. Comment qualifier le risque concernant la qualité de l'eau potable dans ces sites-là? Il n'y a pas du tout d'informations là-dessus.
Mme Paradis (Doris): Dans ces réseaux, compte tenu qu'ils ne sont pas répertoriés, ils échappent totalement à la surveillance du ministère de l'Environnement. Donc, on se fie à la responsabilité de l'exploitant du réseau. C'est le premier responsable, celui qui exploite un réseau, de s'assurer que l'eau potable est de bonne qualité. Mais il n'y a pas aucun contrôle qui est effectué par le ministère. Ça veut donc dire pas de résultats d'analyses d'eau qui sont transmis au ministère, pas d'inspections par le ministère. On parle surtout de petits réseaux quand on parle des 3 000 réseaux, des campings, des camps de vacances, des zecs.
M. Cloutier (Mario): Est-ce qu'il y aurait un avis à donner à la population quant à l'utilisation de l'eau faite à ces endroits-là, à ce moment-là?
Mme Paradis (Doris): Tout à fait. Je pense qu'une population bien informée pourrait prendre les décisions éclairées, et puis on déplore dans le rapport que la population elle-même soit peu informée de la qualité de l'eau dans sa région ou dans son lieu de travail.
Une voix: Vous avez souligné que le ministère... Excusez ma voix, elle est un peu polluée aujourd'hui. Vous avez souligné que le ministère avait peu de moyens ou en tout cas n'exerçait pas de discipline, ne disciplinait pas, si vous voulez, les fautifs en matière de contrôles. Comment expliquer ça?
Mme Paradis (Doris): Le ministère utilise une approche d'accompagnement avec les opérateurs des réseaux de distribution d'eau. Sans remettre en cause l'approche d'accompagnement qui est utilisée, on s'interroge, parce qu'il y a beaucoup trop de cas qui sont en dérogation. Donc, on a constaté que le ministère utilise très peu, d'un autre côté, les mesures coercitives qu'il pourrait utiliser, donc très peu d'avis d'infraction, d'avis de correction. Et les moyens du ministère sont quand même importants, ça peut même aller jusqu'à des possibilités de recours judiciaires. Donc, on recommande au ministère de revoir sa façon de réagir sur les cas de dérogation et de non-conformité.
Le Modérateur: En anglais.
M. Filion (Raymond): Mrs. Paradis, some important stories were made public in last few days concerning two long-term care facilities in Montréal, Jean-Talon and Saint-Charles-Borromée. Can we say that given the report you tabled some 18 months ago, can we say that these stories come as no surprise to you?
Mme Paradis (Doris): Well, 18 months ago, I tabled a report to the National Assembly where I said that there were short comings uncontrolled of intermediary resources of family-type resources and of private residences. There was much work to be done to get control over all these resources. There was no inventory of family-type resources, and the inventory for private residences was not up to date, it dated back to 1994.
M. Filion (Raymond): So is it fair to say that was unveiled in the last few days is not surprising to you?
Mme Paradis (Doris): Well, the control was variable and, at some places, it was almost non existent. So, it's not a surprise if a case could happen.
M. Filion (Raymond): How serious would you say the situation is right now in Québec where mental health services are concerned?
Mme Paradis (Doris): The situation is serious because the government has mental health policy and certain components, measure components of this policy are not applied. For example, there's no promotion and prevention or almost none, there is no objective or action plan for the clientele having transient disorders and there's also a problem with the financial resources. The network has not managed to assign a sum required to transform the network. There was also problem with the accessibility to psychologists and psychiatrists.
M. Filion (Raymond): How do you explain so little has been done over the years because it's not the first time you are denouncing this situation.
Mme Paradis (Doris): Well, a few reasons: Lack of leadership from the part of the department and from the part of the regional board, a planning not done the way it should have been done, the regional board don't have comprehensive organization plan, there is no «ententes de gestion» signed with the establishment, also.
M. Séguin (Rhéal): ...outright failure.
Mme Paradis (Doris): Pardon me?
M. Séguin (Rhéal): The policy has been an outright failure.
Mme Paradis (Doris): Well, some really important part of the policy were not done. So I would say a failure for those parts at least.
M. Filion (Raymond): About drinking water, should Quebecers be concerned about the quality of the water they drink?
Mme Paradis (Doris): It's a combination of several barriers that make it possible to have good drinking water and we found some weaknesses at some barriers. So we recommend to the «ministère de l'Environnement» to improve it's control over some of these barriers.
Une voix: ...is it possible that we could have then a Walkerton type situation in Quebec if this isn't fixed?
Mme Paradis (Doris): The Walkerton situation was provoked by the E. coli, so we, and we did a test of all 454 cases of E. coli in four regions and we found that for six situations, the delay for the «ministère de l'Environnement» to obtain the information showing that a notice to boil the water had been issued was late. It was from five to 17 days.
So even if these situations are limited in numbers, and even though the notice could have been issued at the time, the situation must be avoided because they could have an impact on the health of the population.
M. Séguin (Rhéal): ...is it like Walkerton where there was a shortage of inspectors or lack of control over those inspectors, that was at the source of the problem.
Mme Paradis (Doris): We could not identify exactly the reason for these six situations. Many reasons could be the explanation. It could be the lateness of the laboratory to transmit the result to the «ministère de l'Environnement», could be the lateness of the operator to issue a notice or to inform the Department that it had issued a notice or it could be the lateness of the Department to take the appropriate actions.
M. Séguin (Rhéal): ...that there are sufficient inspectors out there to ensure proper water quality?
Mme Paradis (Doris): I think the «ministère de l'Environnement» should improve its controls. I could not say about the number of inspectors but the «ministère» could use more coercive measures to give, for example, advice of... «les avis d'infractions» or advice of...
Une voix: Warning.
Mme Paradis (Doris): Warnings, yes. They could send more warnings to operators who do not respect all the standards.
Une voix: ...that the people in charge of 776 of the networks serving over a million people violated the regulation at least nine months out of 18 examined, are these large populated centers like Montréal, Québec City?
Mme Paradis (Doris): No, it's mainly smaller network that do not comply to the requirements of the regulation, and we said that 18 000 departures were found over an 18 months period, and most of them were from the smaller networks. Almost no departure from the Montréal or Québec network.
Une voix: Would it be fair to say that there's a management problem both in the Environment Department and in the Transport Department when it comes to inspecting things like water systems and bridges? You almost seem to suggest that it's the management that is at fault here rather than the people on the ground, in some ways.
Mme Paradis (Doris): Well, yes, it could... we could say that it's a management problem for the water. For example, the Department has to take account that all these departures are happening, and they have to try to evaluate what actions are they doing right now and what improvement should they do to these actions. And the same thing could be said for the ministère des Transports, with the bridge inspections. We found that 11 % or 14 % over two years of the annual inspection of the bridges were not done or the department wasn't sure they were done.
Une voix: ...they are not done? What's the risks?
Mme Paradis (Doris): While the inspection is the first step to get a good evaluation of the bridge, you know how is it deteriorating and what kind of cost will it implied to repair it. So, these inspections permit to have all the information that they need to manage the conservation of the bridge. So, we found some shortcomings in this information. We also found that the activity planning process was not applied properly. Consequently, for the last three years, there was a deficit in preventive maintenance and routine maintenance. There was also a deficit for repairs and major rehabilitation work, where the work was not sufficient to cover all the priorities.
Une voix : How do caraterise the situation for people using the bridges?
Mme Paradis (Doris): While during our audit, nothing indicated that the safety was compromised. The ministère des Transports is preoccupied by the safety of the bridges and they will take steps whenever the safety may be compromised. For example, they will post signs, they will monitor the bridges, they could close it or they will repair it, in emergency.
M. Séguin (Rhéal): When you think of the problems respecting mental health or the quality of our drinking water, the safety of our roads and bridges, what do you see as the main focus point that... Is the point of deterioration of these services, is it... What I'll ask is: In your view , is it the shortage of funds, the cutbacks that we've seen here in this Province for the last ten years, are we seeing the results right now of those... the consequences of those cutbacks?
Mme Paradis (Doris): I could not say. What I found is there is weaknesses in planning in all these audits. They're really different, the subjects are really different from one to the other. But, everywhere, if the planning is not done properly, you will find weaknesses all the way down affecting the activities.
Une voix: ...water again you talk about how the department collected several indications of failure to respect the principal thought in the policy in protecting banks and watersheds and things like that. What's at stake if we don't take care of this?
Mme Paradis (Doris): The first barrier for water is the raw water, what we call «l'eau brute», and these policies are there to protect the quality of water in the lakes and rivers of Québec.
Une voix: And they're not protected?
Mme Paradis (Doris): Well, if the quality of the lakes and the rivers is not protected, then you will have to treat them more and more to get drinking water. So that's why you have to protect the first quality of raw water.
M. Filion (Raymond): ...mental health. Is there a big gap between the time it takes to have access to services, mental health services, in a city versus the time it takes to have access to those services in a region?
Mme Paradis (Doris): I could not give you the answer. I compared region by region. And there was a big variance. For example, there was one the six months for psychologist, to see a psychologist, between one region to another. It could go to 10 months in one territory. And for a psychiatrist, it was four to 14 months, and it could go to 24 months.
M. Filion (Raymond): And you don't know if this gap has to do with whether the services are provided in a urban area as opposed to a rural region?
Mme Paradis (Doris): Well, for psychiatrist, we know that they are mainly in the university region. So, this is usually bigger cities.
M. Filion (Raymond): Thank you.
Le Modérateur: Dernière question en anglais? Merci beaucoup.
Mme Paradis (Doris): Merci beaucoup.
(Fin à 12 h 5)