(Dix heures deux minutes)
M. Cloutier : Alors, bonjour à
vous tous. Vous avez vu, au cours des dernières semaines, on a fait la
démonstration que les coupures du gouvernement libéral étaient bien concrètes
dans la vie des élèves au Québec et particulièrement ceux qui ont besoin d'aide
pour la persévérance scolaire.
En cette rentrée, ce sont des centaines de
spécialistes qui ont été coupés : orthophonistes, orthopédagogues,
psychoéducateurs, psychologues, éducateurs spécialisés, etc. Il y a même des
classes spécialisées qui ont été fermées. Comme si ce n'était pas assez, le gouvernement
actuel propose l'abolition de 2 000 enseignants spécialisés. Il
propose également d'augmenter le nombre d'élèves par classe et il propose également
de revoir la pondération pour les élèves en difficulté.
Mais, comme si ce n'était pas assez, dans
les derniers mois, le gouvernement libéral a laissé carrément tomber tous les
organismes qui luttent contre le décrochage scolaire partout à travers le Québec.
Sur les 20 instances régionales de concertation qui travaillent pour la
persévérance scolaire, la moitié a pratiquement cessé leurs activités et celles
qui restent sont carrément en mode survie.
Permettez-moi de faire un petit retour en
arrière avec vous. Souvenez-vous, en 1996, toute la fierté régionale des gens
du Saguenay—Lac-Saint-Jean qui s'est mobilisé pour lutter contre le décrochage
scolaire. On a cité en long et en large l'exemple du CREPAS chez nous,
l'exemple de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean qui avait un des pires taux
de réussite scolaire; aujourd'hui, une des régions qui fait le mieux. Dans
cette même foulée, en 2009, suite au rapport du groupe d'action pour la
persévérance scolaire qui était piloté, à l'époque, par Jacques Ménard, c'est
tout le Québec qui s'est pris en main et c'est là qu'on a vu apparaître la
création d'instances un peu partout à travers le Québec. On s'est donné, à ce
moment-là, l'objectif de réussite scolaire à la hauteur 80 % pour 2020.
Donc, l'exemple du CREPAS a fait boule de neige, puis là on a vu apparaître,
partout sur le territoire québécois, toutes sortes d'organismes qui se sont
pris en main pour lutter contre le décrochage. On a décidé d'agir sur tous les
déterminants liés à la persévérance, soient l'individu, les milieux de vie, la
concertation entre les acteurs, l'organisation des services et le contexte
global.
Depuis 2009, c'est plus de
100 millions qui ont été investis dans 1 600 projets à travers le
Québec. Puis là je vous donne des exemples bien concrets : des programmes
de tutorat; de l'aide au soutien aux devoirs, des projets d'entrepreneuriat au
secondaire; des activités parascolaires à caractère sportif, scientifique,
artistique, et culturel; des projets d'éveil à la lecture et à l'écriture ainsi
que des ateliers de soutien; sans compter un thème important pour les
organismes lié à la conciliation travail-études. Donc, les fonds pour ces
organismes provenaient essentiellement du programme Réunir Réussir, un
partenariat de 50 millions financé à parts égales entre la fondation
Chagnon et le gouvernement du Québec et, deuxièmement, par l'ensemble des
partenaires régionaux mobilisés, dont les CRE, les forums jeunesse, les
carrefours jeunesse-emploi, les commissions scolaires, les cégeps, les
universités.
Or, toute cette mobilisation en faveur de
la réussite de nos jeunes est carrément en train de tomber. L'organisme Réunir
Réussir va cesser ses activités mercredi prochain. Le gouvernement du Québec a
décidé, sans annonce, sans consultation, de retirer ses billes et de ne pas
renouveler sa participation au projet. Au même moment, les CRE, les forums
jeunesse, les commissions scolaires, les cégeps, les universités ont pour leur
part cessé de financer les organismes régionaux de lutte au décrochage soit parce
qu'ils sont des organismes qui ont carrément été abolis ou soit parce
qu'eux-mêmes sont victimes de coupures importantes.
Ainsi, les 20 organismes régionaux de
lutte au décrochage scolaire... près de la moitié ont pratiquement cessé leurs
activités et l'autre moitié sont en mode survie. Ceux qui restent fonctionnent
avec un budget largement réduit, en ne sachant pas s'ils pourront poursuivre
leurs activités l'année prochaine.
Et là je vous donne des exemples bien
concrets. Pour la grande région de Québec, l'organisme La persévérance, c'est
Capitale!, qui a investi 3,2 millions pour la persévérance scolaire depuis
cinq ans, c'est carrément aboli, ils ont cessé leurs activités. Même chose pour
Réussite Laval qui avait vu le jour au printemps 2010 avec un budget de
plusieurs millions. Ils ont cessé leurs activités. Même chose pour Action
réussite en Abitibi qui a dû mettre la clé dans la porte il y a quelques
semaines après avoir investi 4 millions de dollars dans la communauté et
rejoint plus de 20 000 élèves qui avaient besoin des services. Le
Réseau réussite Montréal vient de passer de 12 employés à
six employés. Même chose pour le CREPAS qui a carrément dû couper le deux
tiers de ses employés, le CREPAS qui était l'exemple québécois d'un organisme
qui avait particulièrement bien réussi. Et, sur la Côte-Nord, on a réussi à
prolonger la survie de l'organisme pour un an mais avec un budget réduit de
l'ordre de 75 %.
Ce n'est pas compliqué, le ministre de
l'Éducation, responsable de la réussite scolaire, avec l'ensemble de leurs
coupures et là avec l'abandon des organismes, est carrément en train de devenir
le ministre responsable du décrochage au Québec.
Je demande aujourd'hui au premier ministre
du Québec et au ministre de l'Éducation de trouver un fonds d'urgence pour
venir sauver les organismes du milieu qui luttent pour la réussite scolaire de
nos jeunes. Vous savez que le Québec a bien fait par le passé, on était sur la
bonne voie. Il n'en demeure pas moins qu'on a encore un taux de diplomation qui
est inférieur à l'Ontario et que le décrochage a un coût social énorme au
Québec.
Je vais vous dire qu'on en a assez des
beaux discours du premier ministre. Dans le discours inaugural de M. Couillard,
il fait directement référence à la réussite scolaire observée dans les régions
du Québec, et, en campagne électorale, leur plateforme électorale, ils prennent
l'engagement de soutenir les projets issus de la communauté, et on donne
l'exemple du CREPAS au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Alors, le premier ministre fait
exactement le contraire de ce qu'il a dit durant la campagne électorale. Il
coupe en éducation, et, malheureusement, tout ça aura des conséquences néfastes
pour l'avenir de nos jeunes.
La Modératrice
: Donc,
pour la période de questions, une question, une sous-question. On va commencer
avec le micro de gauche, Jocelyne Richer, La Presse canadienne.
M. Cloutier : Bonjour.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Quel est l'intérêt du gouvernement de se priver des fonds d'expertise de la
fondation Chagnon?
M. Cloutier : Mais, en fait,
le gouvernement coupe dans la réussite scolaire. Ils ont décidé de se retirer.
On laisse carrément tomber les organismes actuels, et ils tombent un après
l'autre, là. En ce moment, là, à chaque mois qui passe, il y a des nouveaux
organismes qui sont laissés tomber. Le gouvernement n'a donné aucune
explication quant à sa participation ou non ou au renouvellement de sa
participation à la fondation Chagnon, mais, en laissant tomber toutes les
ententes spécifiques dans les régions et en coupant, comme ils le font, les
commissions scolaires, ça fait en sorte que tout le financement parallèle également
des différents organismes est en train de tomber.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Est-ce que vous en concluez que le gouvernement renonce à lutter contre le
décrochage scolaire?
M. Cloutier : Absolument, sans
aucun doute, parce qu'on ne peut pas couper dans les orthopédagogues, dans les
psychoéducateurs d'un côté, on ne peut pas vouloir augmenter le nombre d'élèves
par classe, plus couper 2 000 postes d'enseignants spécialistes, puis, en
plus de ça, couper toute la mobilisation régionale, puis prétendre qu'on fait
de la réussite scolaire un enjeu prioritaire au Québec. Ça, c'est vraiment un
double discours. Le premier ministre est démasqué, il y a des limites à tout,
là, puis c'est pour ça qu'on demande une intervention d'urgence.
La Modératrice
: Micro
de droite, Régys Caron, Journal de Québec.
M. Caron (Régys)
:
Bonjour, M. Cloutier. Quelles seront les conséquences de ça, pensez-vous?
M. Cloutier : Bien, écoutez, ce
n'est pas compliqué. Le Saguenay—Lac-Saint-Jean était une des régions qui avait
un sérieux problème de réussite. Or, il y a eu une mobilisation régionale des
intervenants avec la chambre de commerce, avec le CSSS régional, avec
l'ensemble des intervenants du milieu pour, à chaque année, réussir à augmenter
ton taux de réussite.
Inévitablement, si tu coupes tout ton
soutien qui est parallèle au réseau éducatif, c'est certain que ça va avoir des
impacts majeurs sur le taux de diplomation de nos jeunes. Or, le Québec est en train
de se tirer dans le pied sur le plan économique parce qu'indirectement c'est
moins de jeunes qui vont avoir une formation de qualité en bout de course. Le
gouvernement actuel fait exactement le contraire de ce qu'il devrait faire.
M. Caron (Régys)
: Le
ministre de l'Éducation, est-ce qu'il ne se trouve pas au Conseil du trésor,
finalement, M. Cloutier?
M. Cloutier : Le ministre de
l'Éducation agit de manière irresponsable, va devenir le ministre responsable
du décrochage et se fait dicter son agenda par le président du Conseil du
trésor. Il arrive, à un moment donné, il faut être capable de mettre son pied
dans la porte et dire : Assez, c'est assez, parce que là, en bout de
course, sur le moyen et long termes, c'est l'ensemble de la société québécoise
qui va payer le prix de ces mauvaises décisions.
La Modératrice
: Micro
de gauche.
Journaliste
: Oui, bonjour.
Quelques précisions, là. On parle annuellement, là, de quelles sommes dont
on...
M. Cloutier : On a les sommes
sur cinq ans. Donc, c'est 100 millions sur cinq ans, depuis 2009, qui ont
été investis... Pardon, j'ai dit 2009, mais c'est 2010. 100 millions,
depuis 2010, qui a été investi par l'ensemble du réseau, c'est-à-dire à la fois
le programme Réunir Réussir, mais également tout le financement qui provenait
par les ententes spécifiques avec les CRE, avec les commissions scolaires, avec
les cégeps, avec les universités. C'est carrément ça qui est en train de
tomber.
Journaliste
: Il y a eu
50 millions du programme, là, donc, 25, 25 de ce côté-là...
M. Cloutier : C'est exactement
ça.
Journaliste
: Et puis il
y a eu un autre 50 millions qui a été rajouté par les CRE puis les commissions
scolaires, etc.
M. Cloutier : Exactement, puis
les universités. Puis, comme ce sont des modèles qui sont régionaux, bien, évidemment,
le pourcentage peut varier puisqu'il y a plusieurs organismes qui sont
impliqués. Mais ce qui est incroyable, c'est que tout ça tombe sans que le gouvernement
réagisse puis sans que le ministre de l'Éducation dise : Écoutez, là, on a
fait de la réussite scolaire une priorité au Québec, on a réussi tranquillement
à rattraper notre retard, mais on a encore un retard collectivement. Il faut
être fiers de ce qu'on a fait depuis le rapport Parent puis de toutes les
avancées, mais, en même temps, là, on est carrément en train de laisser tomber
le réseau, ce qui est complètement fou.
La Modératrice
: Pascal
Poinlane.
M. Poinlane (Pascal)
:
Vous demandez une intervention d'urgence. Est-ce que c'est rétablir les sommes
dont vous venez de parler ou autre chose? Qu'est-ce que vous voyez?
M. Cloutier : Bien, c'est de
sauver le réseau qui se préoccupe de la réussite de nos élèves au Québec. C'est
ça qu'on veut. Bien là, on est en train de congédier toutes les ressources,
l'expertise qu'on a réussi à définir dans les dernières années. C'est ça qui
est en train de tomber.
M. Poinlane (Pascal)
: Mais
comment précisément pensez-vous que le ministre pourrait revenir en arrière ou
corriger le tir?
M. Cloutier : Bien, qu'il
sorte l'argent nécessaire, qu'il investisse puis qu'il sauve les organismes. C'est
à lui à mettre son pied à terre puis dire : Ça n'a pas de bon sens, ce qui
est en train de se passer. Les ententes spécifiques, là, il y a une partie qui
est financée par le ministère. Ces argents-là n'arrivaient pas du régional, c'étaient
des ententes qui étaient négociées avec le gouvernement du Québec. Il y a donc
des sommes. Qu'est-ce qu'ils font avec le secrétariat à l'action jeunesse, le
25 %, là... c'est-à-dire le 25 millions dont on vient de discuter
ensemble? Cette somme-là provenait du secrétariat à l'action jeunesse. Ils font
quoi maintenant avec ces sommes-là qui allaient directement... et qui servaient
directement à financer les organismes d'un milieu qui s'était...
Puis ce n'est pas comme si, non plus, on
n'avait pas prouvé que ça fonctionnait. Le travail de ces organismes-là sur le
terrain a fait ses preuves. Évidemment, ce n'est pas juste leur travail à eux,
c'est le travail des enseignants, c'est le travail des spécialistes, etc., mais
le milieu, lorsqu'il se prend en main, par définition, ça donne aussi des bons
résultats.
M. Poinlane (Pascal)
:
Et — désolé, une petite complémentaire — pouvez-vous
refaire pour nous le chemin de l'effet domino, là, dont vous vous avez parlé un
peu plus tôt, qui mène au manque à gagner, là? Je ne suis pas sûr que je vous
ai suivi dans… des sommes qui manquent, là.
M. Cloutier : Bien, en fait,
les sommes qui manquent, essentiellement, il y a une partie importante qui
provenait du fonds Réunir Réussir. C'était une somme, grosso modo, de 50 millions
qui était financée à même 50-50 avec le gouvernement du Québec. Mais le reste,
c'était vraiment des ententes du milieu.
Donc, par exemple, la région du
Saguenay—Lac-Saint-Jean, que je connais mieux, signait un partenariat avec les
CRE par une entente spécifique; ensuite, ils négociaient avec le forum jeunesse
ou les carrefours jeunesse-emploi et recevaient d'autres sommes; ensuite, avec
les commissions scolaires, les cégeps, les universités. Ça, ça pouvait combler
pour un autre 50 %, grosso modo, ça variait évidemment d'une région à
l'autre. Mais tout ça est en train de tomber, évidemment. Il n'y a plus de
forums jeunesse, les CRE ont été abolies, les ententes spécifiques, on leur a
mis fin. Alors, tout le financement de ces organismes-là est en train de
tomber, et, comme il tombe, bien, les organismes tombent eux aussi. Mais ce qui
est fou, c'est que tu as un ministre qui voit ça aller, là, qui reçoit ça sur
une base régulière, là, qui voit les organismes qui faisaient un excellent
travail et que son propre gouvernement vantait les mérites, mais il ne réagit pas.
C'est ça qui n'a pas de bon sens.
Journaliste
: J'aurais
une question sur un autre sujet, M. Cloutier. Est-ce qu'il n'y a pas un
problème dans le code d'éthique des députés, le fait qu'il permet, qu'il
n'interdit pas qu'ils puissent se magasiner un emploi pendant qu'ils siègent
ici, à l'Assemblée nationale, qu'ils préparent leur sortie?
M. Cloutier : Moi, j'ai vu
comme vous ce matin, là, l'article auquel vous faites référence. Moi, ce qui me
surprend surtout, c'est que tu as un député qui est... C'est vrai que c'est
surprenant. Mais l'autre élément, c'est le fait que ça soit rendu public, un
processus qui normalement est supposé être hyperconfidentiel, celui du
processus d'application pour devenir un juge, soit à la Cour du Québec ou à
la... J'imagine que, dans ce cas-là, ça devait être la Cour du Québec, mais
encore je n'ai pas l'information. Mais le simple fait que cette information-là
soit dévoilée, ça montre aussi qu'il y a un problème d'étanchéité.
Journaliste
: Est-ce
qu'il ne faudrait pas resserrer le code d'éthique?
M. Cloutier : On aura la
chance de répondre.
La Modératrice
: Une
autre question sur le sujet?
Journaliste
: Yes. You know, it's come out
in the Journal de Montréal today that there has been a significant drop, or it's been dropping
for 10 years, the number of students who are able to finish their CEGEP within
two or three years. Now, these numbers date back to 2013, so before the cuts.
What do you make of this information?
M. Cloutier : Well, what I'm saying is that there's also a problem of young
students to be able to be... to have access to that diploma in a time period
that is reasonable. I mean, that's an important subject that we need to work on
and that's very important, I think, that we increase the diploma.
Journaliste
: Why should you care whether it takes two or three years or more for
someone to get a CEGEP degree?
M. Cloutier : Well, because we don't live in an isolated planet, and everywhere
else seems to do better than here, in Québec, but, I mean, the situation is going to get worse. What we are saying right now is that there
are cuts in the services for orientation, and, of course, that will have impact on the capacity of students
to make good choice. And I'm very afraid that the situation is going to get worse because of the cut of this Government.
Journaliste
: I also have a question on another subject. The sovereignist
movement has been trying for years to deflect, to get rid of these attacks that
they've gotten from some adversaries of being racist. Now, the Bloc québécois
has had to pull a candidate because of support for the Front national, another
one supports PEGIDA. Are you worried that these kinds of incidents might tarnish
the sovereignist movement?
M. Cloutier :
Well, what I'm saying… that those comments of those approval has not its place
in our movement. It has to be condemned and it has to be fight. And there were
no hesitation with M. Duceppe taking action, and I think he has made the right
move.
La Modératrice
:
Merci beaucoup.
(Fin à 10 h 19)