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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le mardi 29 septembre 2015, 15 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures dix-sept minutes)

M. Khadir : Alors, j'attire votre attention sur deux questions qui ont été posées aujourd'hui en Chambre, l'une par ma collègue critique en matière santé du PQ et l'autre par moi-même, sur les frais accessoires. À chaque fois, le ministre de la Santé a prétendu, devant l'Assemblée, devant son président, devant des centaines de milliers de personnes qui vont possiblement l'écouter, que la loi permet les frais accessoires. Je crois que le ministre est dans une erreur grossière. C'est une ignorance inexcusable ou c'est un... disons, c'est une inexactitude délibérée pour induire le public en erreur.

La réalité, c'est qu'à chaque fois que des patients ont poursuivi le gouvernement du Québec pour son inaction devant des frais accessoires interdits au sens de la loi canadienne sur l'assurance maladie ces patients-là ont gagné plusieurs millions de dollars en recours collectif contre le gouvernement, dont un jugement récemment, puis l'autre remonte même au milieu des années 2000. Je prends pour preuve l'allusion qui en est faite par la longue lettre écrite par Me Ménard, avocat, Jean-Pierre Ménard, qui a écrit au ministre fédéral de la Santé pour lui demander d'agir, puisque le gouvernement québécois et la RAMQ, par complaisance, par insouciance, permettent à des médecins de contrevenir à la loi et de facturer des... en fait, ce qui est évalué aujourd'hui à quelque 50 millions de dollars en frais accessoires supplémentaires que paient les patients, les patientes québécois pour différentes choses, dont on pourrait rentrer dans le détail.

L'autre élément qui induit le public en erreur, que le ministre répète, c'est que c'est parce que les médecins doivent couvrir leurs frais en clinique. J'ai déposé en commission parlementaire ce matin une grille tarifaire de la RAMQ pour les honoraires des médecins. Ça, c'est la grille des majorations qu'on donne aux médecins qui, en cabinet privé, facturent certains actes par rapport aux mêmes actes facturés éventuellement en CLSC ou en établissement public. Et, dans la colonne ici, à gauche, j'indique, pour les bénéfices des journalistes et des parlementaires, que, comme vous voyez, systématiquement, il y a des majorations. J'ai souligné les actes les plus fréquents et importants. C'est des majorations qui vont de 20 % jusqu'à 60 %. En fait, l'essentiel... 64 %. L'essentiel des actes qu'opère un médecin, c'est vraiment aux alentours de 50 %, quand on fait une moyenne sur leur salaire.

Donc, il est inexact, erroné, ça induit la population en erreur de dire que les médecins ont besoin de ces frais accessoires pour couvrir les frais. On les majore déjà de, en moyenne, 40 % pour couvrir les frais. C'est plusieurs centaines de milliers de dollars par cabinet, quand il y a deux, trois médecins. Parfois, c'est plusieurs millions de dollars, plusieurs millions de dollars. Les cliniques d'ophtalmologie, ça se chiffre en millions. Et, au total, on estime à au-dessus de 50 millions de dollars ces frais, alors que c'est déjà couvert dans la généreuse rémunération que reçoivent les médecins et les majorations en cabinet privé.

M. Caron (Régys) : Comment se fait-il, M. Khadir, que ces frais-là soient chargés depuis 1970, depuis que la Loi sur l'assurance maladie existe? Est-ce à dire que, depuis 1970, les médecins versent dans l'illégalité?

M. Khadir : Bien, c'est le fait d'un petit nombre de gens. Ça s'est répandu dernièrement. Là, les groupes qui sont à la défense des patients dénombrent un peu plus de 150 bureaux et cliniques privés qui le pratiquent, mais ce n'est pas quelque chose qu'effectuent tous les médecins. C'est une minorité. C'est comme si le ministre... la logique du ministre, c'est de dire : On a une loi qui interdit de voler, mais, comme il y a des voleurs, bien, moi, je vais légaliser le vol pour le baliser, pour ne pas qu'il y ait de trop gros vols, qu'on ne dévalise pas les banques à plusieurs millions de dollars, mais dévaliser quelqu'un de quelques dizaines ou centaines de dollars, ce n'est pas grave. C'est une logique qui est défaillante, c'est une logique inadmissible, c'est une logique qui est immorale.

Je vous rappelle, les médecins, au cours des dernières années, augmentation de rémunération en moyenne de 40 %. En plus, il y a une dizaine d'années, ils ont obtenu le droit de s'incorporer, hein? S'incorporer, ça veut dire : Une partie de leur rémunération n'est taxée qu'à 50 %. On estime à au-dessus de 100 millions de dollars ce que les médecins empochent de rémunération supplémentaire, de revenus supplémentaires en raison de ça. En plus, comme je vous l'ai dit...

M. Caron (Régys) : Juste pour l'incorporation?

M. Khadir : Hein?

M. Caron (Régys) : Juste pour l'incorporation?

M. Khadir : Oui, pour l'incorporation, parce que vous savez qu'une partie de ce qui est facturé par la clinique leur est versé en dividendes et les dividendes ne sont imposés qu'à moitié. Il y a un congé de taxe de 50 % sur les dividendes. Ça, c'est plusieurs centaines de millions de dollars. Bon, les basses estimations, c'est 100 millions de dollars, mais on pourrait regarder les chiffres ensemble.

Et, en plus, il y a eu la rémunération qui a été considérablement majorée au cours des dernières années, plus les frais supplémentaires, la majoration de la rémunération pour les frais de bureau. Où est-ce que ça va finir, là? Les médecins sont amplement rémunérés, la plupart des médecins ont même horreur qu'on leur parle de ça, là. C'est le fait d'une minorité et qui est très influente dans les corporations, hein, dans les associations corporatistes qui s'adressent au gouvernement. Mais moi, là, je rencontre régulièrement des médecins sur mon lieu de travail. Ce n'est pas ça, leurs demandes. Leurs demandes, c'est leurs conditions de travail, c'est d'avoir des équipes, c'est d'avoir des infirmières, c'est d'avoir accès à la salle d'op, d'avoir accès à des spécialistes en temps utile, d'avoir du soutien dans leur travail pour passer du temps avec des patients, ne pas être pogné avec le clérical ou la bureaucratie. C'est ça que demandent les médecins.

M. Caron (Régys) : Est-ce que le ministre s'apprête à légaliser le vol? Vous avez utilisé cette expression-là.

M. Khadir : Bien, cette logique-là, c'est ça, c'est un vol. Regardez, les Québécois paient déjà deux impôts, O.K.? Un impôt au Québec au fonds de santé pour s'occuper de la santé, un autre impôt qui va au fédéral et qui revient sous forme de compensation du fédéral en santé, d'ailleurs qui pourrait nous être privé, c'est le sens de la lettre de M. Ménard. Pour forcer les gouvernements du Québec à protéger les patients, là, la population, Me Ménard demande au fédéral de dire au Québec clairement : Je ne vais plus te payer, je vais t'amputer de ces frais accessoires que tu permets qu'ils soient facturés par les médecins. Donc, les Québécois paient déjà deux fois par leurs impôts, puis là on leur demande de payer une troisième fois. C'est du vol.

M. Caron (Régys) : Mais, M. Khadir, je veux bien vous comprendre, là. Le ministre répète que ça existe depuis 1970.

M. Khadir : Ce n'est pas parce qu'il y a des gens qui...

M. Caron (Régys) : 1970, ça fait presque 50 ans, là.

M. Khadir : Oui, bien, ça fait 50 ans...

M. Caron (Régys) : Alors, comment se fait-il que, depuis 50 ans, on nous charge quelque chose d'illégal?

M. Khadir : Parce que c'était mineur encore il y a quelques années, mais, depuis une dizaine d'années, ça prend de l'ampleur sous la pression des affairistes et de la culture mercantile qui a gagné certaines cliniques privées, d'accord, les privatiseurs de tout acabit. Là, ça prend des proportions énormes. Les trucs qu'on voit aujourd'hui, là, 300 $, 400 $ pour des vasectomies ou pour des colonoscopies ou 100 $, 200 $ pour des gouttes, ça n'existait pas il y a une dizaine d'années. Il y avait des frais accessoires, mais c'était minime, ça fait que tout le monde passait par-dessus.

Mais à chaque fois que c'était majeur, comme, par exemple, dans le cas des cliniques d'avortement, et que les femmes se sont regroupées puis ont fait un recours basé sur l'illégalité, elles ont gagné, ou dernièrement contre certaines cliniques d'ophtalmo, je ne me rappelle pas du détail de la... Il y a un autre recours qui a été gagné dernièrement. Malheureusement, ma mémoire fait défaut. À chaque fois, autrement dit, que devant quelque chose, une situation grave, les patients se sont regroupés et poursuivi le gouvernement, ils ont gagné parce que, précisément, c'est illégal.

Alors, prétendre, parce que c'est là depuis... Écoutez, depuis que je roule, je vois fréquemment sur la route des gens qui roulent à 130, 140, ce n'est pas une raison de légaliser 140 kilomètres à l'heure sur l'autoroute. C'est quoi, cette logique défaillante?

M. Caron (Régys) : Mais là le ministre dit qu'il veut corriger les abus. Ce n'est pas suffisant. Vous le croyez ou vous dites : Ce n'est pas suffisant?

M. Khadir : Bien, je crois qu'il veut corriger les abus, mais le connaissant, avec son attitude, très protecteur et mou vis-à-vis les médecins, c'est que ce qui va arriver, c'est qu'on va légaliser et ouvrir une brèche très grande dans quelque chose qui n'a pas lieu d'être. Je rappelle, les patients n'ont pas à payer ces frais-là, on les paie déjà à travers nos impôts. Les médecins sont déjà largement payés et ils sont compensés pour leurs frais de bureau.

Voulez-vous que je vous donne des exemples ahurissants? Je pourrais en donner, mais là je pense qu'il ne faut pas se répéter. C'est illégal, c'est scandaleux comme frais. Les médecins sont déjà payés et compensés pour les frais de bureau. Qu'est-ce qu'il attend, le ministre, de dire : Non, basta, c'est tout? On n'a pas besoin d'encadrer, on n'a pas besoin de baliser quelque chose qui est immoral, tellement immoral que le Collège des médecins, avant que le ministre change un peu de fusil d'épaule puis dise : Dans le fond, je vais le légaliser, bien, le Collège des médecins avait pris des recours puis avait inclus ça dans son code de déontologie et s'apprêtait à sévir sérieusement à partir de juillet dernier. C'est à cause du comportement et des tergiversations du ministre, que d'autres appellent du tataouinage, qu'on en est rendus là, là.

M. Caron (Régys) : Je reviens sur 1970. Ce n'est pas parce... Si je vous comprends bien, ce n'est pas parce que ça existe depuis 1970 que c'était légal,

mais ça existait dans une, comment dire, dans une proportion tellement infime que personne ne portait attention.

M. Khadir : C'était relativement modeste. Jusqu'à il y a une dizaine d'années, c'était relativement très modeste. Ça ne se chiffrait pas en cinquantaine de millions à l'échelle du Québec. Je ne le sais pas à quelle hauteur, mais ce n'était pas à tel point important. Les patients ne se faisaient pas facturer des centaines de dollars, hein? Ce phénomène de gouttes à 50 $, 100 $, 200 $, c'est récent.

Alors là, il faut que ça cesse. Et ça montre toute la complaisance de l'appareil gouvernemental envers les gens influents et riches, et, même si, moi, je suis parmi ceux-là, je suis médecin, je suis député, ça me heurte de savoir qu'on me traite différemment, que le ministre est très fort pour s'abattre contre les petits, je ne sais pas moi, les petits contracteurs, ou les petits entrepreneurs, ou le petit restaurateur qui ne paierait pas sa juste part d'impôt ou qui oublierait... qui facturerait quelque chose erronément, mais, quand il s'agit des amis médecins, ah, bien là, il faut trouver toutes sortes de moyens pour leur permettre d'atterrir doucement et qu'on ne leur reproche rien.

Et la plupart des médecins sont d'accord avec moi. On n'a pas à tolérer ça. Je vous mets au défi... Regardez, rappelez-vous ROME, c'est un regroupement spontané de 4 000, 5 000 médecins omnipraticiens du Québec qui s'étaient joints à eux pour contester la loi n° 20, puis allez voir, après trois jours de délibérations pour dire comment on va rendre le système de santé plus accessible, ils ne demandaient jamais qu'on augmente ni leur rémunération ni qu'on légalise les frais accessoires. Pourquoi? Parce qu'ils sont conscients que ça, c'est des empêchements, c'est des limitations graves à l'accessibilité. Ça fait une accessibilité à double vitesse : ceux qui peuvent payer 300 $, 400 $ et ceux qui ne peuvent pas.

Mme Biron (Martine) : Le ministre semble dire dans ses réponses aujourd'hui qu'il faudrait faire le tri entre ce qui est admissible et ce qui ne l'est pas. Qu'est-ce que vous comprenez de ça?

M. Khadir : Moi, je comprends simplement que le ministre essaie, par ses tergiversations, par ses manoeuvres, de justifier l'intolérable. On n'a pas à accepter, on n'a pas à faire le tri de ce qui est déjà payé. Je vous rappelle, c'est déjà payé. La grille que mon collègue vous a soumise, tous les frais de bureau sont déjà escomptés, majorés à 40 % en moyenne pour les cabinets privés. Pourquoi il faudrait que les patients en paient davantage? Pourquoi, après tous les avantages, les augmentations, les congés fiscaux déjà accordés à cette minorité de médecins qui font une si mauvaise presse à la profession, qui nuisent à la réputation du corps médical et que le ministre vient aujourd'hui, en quelque sorte, protéger par son tataouinage?

M. Caron (Régys) : Vous avez donné l'exemple de la colonoscopie. Elle ne figure pas dans la grille que vous nous avez remise.

M. Khadir : Non, parce que ça, c'est la grille des médecins généralistes; ça, c'est les omnis. Pour les colonoscopies, c'est pareil, les médecins...

M. Caron (Régys) : C'est le même principe?

M. Khadir : C'est le même principe. Quand c'est fait au bureau privé, il y a une majoration. Je ne connais pas... Je peux essayer de le demander, je pourrais les avoir facilement.

Une voix : ...

M. Khadir : Hein?

M. Caron (Régys) : On nous dit que c'est 500 $ dans un cabinet privé.

M. Khadir : Non. Les frais accessoires demandés. Là, cette grille-là, ce n'est pas les frais accessoires, c'est la majoration accordée par la RAMQ. C'est ce que la RAMQ paie au médecin en supplémentaire pour tenir compte que ça se fait en cabinet puis qu'il y a des coûts. Il faut payer pour leur location, pour les secrétaires, pour l'infirmière. Donc, c'est déjà inclus dans le coût.

M. Caron (Régys) : La rémunération...

M. Khadir : Ça, c'est la rémunération de la... ça, c'est ce que paie la RAMQ. Les frais accessoires, c'est au-dessus de ça, en sus de ça. C'est ça qui est intolérable.

M. Caron (Régys) : Est-ce que vous pensez qu'il va procéder par règlement plutôt que par amendement à la loi?

M. Khadir : Bien, c'est ce qu'il nous dit, là. Il essaie de trouver le moyen parce qu'il sait qu'il y a une forte opposition à ça. Là, il n'a pas présenté son amendement, comme c'était prévu la semaine passée, et là je ne sais pas quelle manoeuvre il fait, comment est-il en train de négocier tout ça derrière des portes closes, alors que ça concerne des centaines de milliers de patients. Ça compromet l'accessibilité à des centaines de milliers de Québécois, ceux qui n'ont pas les moyens de payer 200 $, 300 $, 400 $...

M. Caron (Régys) : S'il passait par règlement, il aurait, comment dire, un «free ride», là, il...

M. Khadir : Bien oui, il pourrait décider. Et, si on a un médecin, si on a Québec solidaire, c'est sûr qu'on... par règlement, on va arrêter tout ça. Mais, si c'est un médecin complaisant comme lui, mou avec sa profession, bien, là, on va avoir le problème qu'on a.

Puis le gouvernement précédent, malheureusement, n'a pas été mieux. M. Hébert, quand il était en dehors du pouvoir, il faisait partie, comme moi, des médecins pour la justice sociale, il se préoccupait de ça. Quand je l'ai questionné ensuite, quand on a proposé la motion, en commentaire, il a dit : Oui, il faut absolument interdire ça. D'accord, mais ils n'ont rien fait, parce que le poids, malheureusement, du lobby de cette petite minorité de médecins est très fort. Merci.

(Fin à 15 h 31)

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