(Onze heures douze minutes)
Mme David (Gouin) : Alors, écoutez,
je vais expliquer très simplement pourquoi je n'ai pas donné mon consentement à
la motion du ministre Blais, qui fait une demande aux commissions scolaires,
n'est-ce pas, d'ouvrir les services de garde au moment des journées de grève
des enseignantes et enseignants.
Premièrement, il est assez indécent de
voir le ministre de l'Éducation, qui coupe partout, être prêt à donner de
l'argent — il en trouve subitement, là — aux services de
garde pour ouvrir lors des journées de grève à l'école. Ce n'est tellement pas
sérieux, je n'en reviens pas!
Deuxièmement, lors des journées de grève des
enseignantes et enseignants, il y aura des lignes de piquetage, comme c'est le
cas dans toutes les grèves qu'on connaît, et il est évident que les autres
personnels, c'est-à-dire... qui, eux, ne sont pas en grève cette journée-là, ne
franchiront pas les lignes de piquetage.
Donc, le ministre le sait, et tout ce qu'il
essaie de faire avec sa motion, soyons clairs, une fois de plus, s'en prendre
aux commissions scolaires. C'est la seule chose que le ministre essaie de faire
avec cette motion et pouvoir dire, encore une fois, que les commissions
scolaires, ce n'est pas bon, qu'il ne faut pas élire les gens qui dirigent les
commissions scolaires. Ça serait tellement mieux, dans le fond, si les
dirigeants des commissions scolaires étaient tous à la solde du ministre. Ça,
il aimerait ça beaucoup.
Je voudrais finalement rappeler une très
légère contradiction. Il y a des gens en Chambre, ce matin, des collègues qui
ont posé des questions sur la situation des traversiers, hein? Vous savez, bien
sûr, qu'à Lévis, vous savez qu'à Sorel les traversiers ne fonctionnent pas du tout
parce que le Conseil des services essentiels a déterminé que, dans ces cas-là,
ça n'était pas des services essentiels. Alors, il y a des collègues des
oppositions qui disent au ministre, au président du Conseil du trésor :
Vous devriez revoir ça, les services essentiels, il faut quand même les donner
aux gens. Et là la réponse gouvernementale qu'ils reçoivent, c'est : Laissons
les gens négocier, ne précipitons pas les choses, ils sont tous en train de
discuter, donc restons tranquilles.
Alors, dans un cas, on a un gouvernement
qui respecte le droit à la négociation, mais, curieusement, lorsqu'il s'agit
des enseignantes et enseignants, ah! bien là le ministre de l'Éducation veut
s'en mêler sur... il veut se mêler, en fait, de ce qui va se passer lors des
journées de grève. Contradiction flagrante.
Et voilà pourquoi, je le répète, le but
unique de cette motion, c'est vraiment, encore une fois, de placer les
commissions scolaires dans le rôle très inconfortable que le ministre veut leur
faire jouer et c'est de pouvoir, comme ministre de l'Éducation, à ses yeux, en
tout cas, justifier le changement de gouvernance à la tête des commissions
scolaires, un projet de loi qu'il veut déposer sous peu.
M. Poinlane (Pascal)
:
Est-ce qu'il pourrait y avoir des conditions qui pourraient rendre cette idée
acceptable, d'offrir des services de garde aux parents en temps de grève des
enseignants? Pas les conditions du ministre, mais, vous, est-ce qu'il y a des
conditions qui seraient acceptables?
Mme David (Gouin) : Je n'ai
pas, moi, à en décider. C'est aux syndicats, c'est aux gens qui, en ce moment,
sont en négociation et ne demandent qu'une chose, c'est d'accélérer le tempo,
de faire le moins de journées de grève possible, de régler le plus vite
possible, c'est à ces gens-là et c'est à la négociation, là, de prendre toute
sa place. Il ne me revient pas, à moi, de donner des conseils à qui que ce
soit, ni aux directions d'écoles, ni aux commissions scolaires, ni aux
syndicats. Ce que je sens, ce que je vois sur le terrain, ce que mes contacts
me disent, c'est que tout ce qu'on espère, c'est une négociation qui aboutisse
le plus vite possible. C'est ça, la meilleure solution.
Mais, tant que le gouvernement va
s'obstiner à proposer 0 % d'augmentation et un alourdissement de la charge
de travail des enseignants, vous comprenez bien qu'évidemment ça ne
fonctionnera pas. Puis, oui, il va y avoir, malheureusement, des journées de
grève. Ce n'est pas facile pour les parents, je le sais. Mon conjoint va garder
nos petits-enfants parce qu'il va y avoir des journées de grève, puis qu'il
faut que les parents s'organisent, et il y a plein de grands-parents qui vont
être mis à contribution. Je sais ça, je suis consciente de ça. Mais, si vous
saviez le nombre de parents, en ce moment, qui, dans le fond, appuient leurs
professeurs, les professeurs de leurs enfants. Les parents connaissent les demandes
patronales — ce ne sont pas des offres, ce sont des
demandes — les parents les connaissent, et les parents les trouvent
inacceptables. Alors, c'est à la négociation de jouer puis c'est au
gouvernement de faire les pas qu'il faut faire pour faire aboutir une
négociation convenable.
M. Lecavalier (Charles)
:
Mais vous ne croyez pas... Parce que M. Blais, lui, veut permettre aux
parents de bénéficier des services de garde pour, finalement, ne pas avoir à
gérer ces inconvénients-là à la maison. Mais, à votre avis, ça...
Mme David (Gouin) : Écoutez, c'est
assez sidérant de voir M. Blais subitement se préoccuper des parents. Ça
fait des mois qu'on dit à M. Blais : Il y a plein de parents au
Québec, là, qui ont des enfants en difficulté et qui ont de moins en moins de
services pour leurs enfants. Ça, ça n'a pas l'air de le déranger du tout. Il y
a plein d'écoles qui aimeraient recevoir la visite de M. Blais. On
aimerait ça, par exemple, à Montréal, qu'il vienne visiter ne serait-ce qu'une
école, ça serait quand même assez sympathique. Non. M. Blais n'a pas le
temps. Je ne sais même pas s'il a visité une seule école au Québec, ça serait
intéressant de lui demander. Puis là, subitement, là, M. Blais s'inquiète
des parents. Ah! bien, franchement, là!
Quand M. Blais aura remis de l'argent
dans l'école publique, quand il aura permis à tous les parents d'enfants en
difficulté d'avoir les services auxquels ils ont droit, quand M. Blais et
son gouvernement auront offert des conditions de travail décentes aux
enseignantes et enseignants, ils auront le droit de parler et de s'inquiéter
des parents. D'ici ce temps-là, je leur suggère de se garder une petite gêne.
M. Lecavalier (Charles)
:
Si vous me permettez, une question sur un autre sujet... Bon, Justin Trudeau a
été élu. Une de ses promesses était de légaliser le cannabis. Alors, je me
demandais quelle était la position de Québec solidaire à ce sujet-là.
Mme David (Gouin) : Le débat n'a
pas été fait dans nos rangs. C'est tout.
M. Lecavalier (Charles)
:
Donc, vous n'avez pas encore de position à...
Mme David (Gouin) : Je n'ai
pas de mandat, à l'heure où on se parle, là, pour prendre position sur ce
sujet-là.
M. Lecavalier (Charles)
:
Et, sur la décriminalisation, est-ce qu'il y avait eu des débats sur...
Mme David (Gouin) : Non, on n'a
pas fait ce débat-là.
M. Lecavalier (Charles)
:
Non? Non plus.
Mme David (Gouin) : Alors, je
n'essaierai pas d'inventer une position de Québec solidaire, c'est un débat qui
n'a pas été fait chez nous. On s'intéresse, par contre, énormément à beaucoup
d'engagements de Justin Trudeau, celui, entre autres, de rétablir, de redonner
toutes les données du registre des armes à feu, c'est un exemple, celui de
faire enquête sur la disparition des femmes autochtones disparues, des
engagements qui touchent les familles, qui touchent les contribuables les plus
fortunés. Ça, je vous garantis qu'on va être très attentifs à ce que M. Trudeau
va faire là-dessus.
M. Poinlane (Pascal)
:
Juste une petite dernière sur cette motion. Est-ce que, dans les faits, si les services
de garde étaient ouverts pendant qu'il y avait des grèves, ça enlèverait aussi
un levier de négociation aux enseignants? Là, c'est utopique parce que ça
n'arrivera probablement pas, mais est-ce qu'il n'y a pas ce jeu-là aussi
derrière les intentions du ministre, c'est-à-dire d'enlever un pouvoir de négociation
aux enseignants?
Mme David (Gouin) : Ça se
peut, demandez-le au ministre. Moi, je pense honnêtement que l'intention du ministre,
c'est bien plus, encore une fois, de chercher par tous les moyens d'embarrasser
les commissions scolaires, et là, là, il va falloir que tout le monde, là, on
réfléchisse à ce que le ministre veut faire des commissions scolaires. Je le
dis d'emblée, là, moi, je sens poindre à l'horizon un projet de loi qui va
faire en éducation ce que le ministre Barrette a fait dans la santé, une
centralisation des pouvoirs qui, dans le fond, finit par remettre tous les
pouvoirs entre les mains du ministre. Je ne veux pas faire... Je n'ai pas de
boule de cristal. Je ne veux pas vous faire de trop grosses prédictions, mais
c'est ce que je sens poindre à l'horizon. Ça serait tellement commode pour le ministre
de l'Éducation de ne plus avoir d'élus à la tête des commissions scolaires,
d'avoir des gens nommés et redevables à lui plutôt qu'à la population. Il
refuse de tenir les élections scolaires en même temps que les élections municipales,
ce qui augmenterait de façon extraordinaire le taux de participation.
Non, ce gouvernement, dans son ensemble,
préfère les structures très centralisées; par moment municipales, surtout on
aide les grosses municipalités, mais très centralisées. On l'a vu dans la
santé, je crains fort qu'on le voie aussi en éducation. C'est ça, le véritable
enjeu derrière la motion de ce matin. Merci à vous.
(Fin à 11 h 20)