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Point de presse de M. André Villeneuve, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture et d'alimentation, M. Guy Leclair, député de Beauharnois, et M. Alain Therrien, porte-parole de l’opposition officielle responsable de la région de Laval

Version finale

Le jeudi 5 novembre 2015, 9 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Neuf heures trente-sept minutes)

La Modératrice : Bonjour et bienvenue à ce point de presse. Prendrons la parole, d'abord, pour commencer, M. le député de Berthier, porte-parole du Parti québécois en matière d'agriculture, M. André Villeneuve; ensuite, prendra la parole le député de Beauharnois, M. Guy Leclair; sera suivi de M. Hubert Leroux, il est producteur agricole dans la municipalité des Cèdres; et Michel Proulx conclura, il est également producteur agricole. M. Villeneuve.

M. Villeneuve : Oui. Alors, je tiens à saluer tout le monde, bien sûr les gens qui nous écoutent et les journalistes présents. Je veux saluer mon collègue, M. Guy Leclair, ainsi qu'Alain Therrien, qui sont avec moi, et évidemment saluer plus de 35 personnes de la municipalité des Cèdres, donc agricultrices et agriculteurs, qui se sont déplacées ce matin à l'Assemblée nationale.

S'ils ont pris le temps de venir au Parlement du Québec et faire plus de trois heures de route, c'est que la situation qui est la leur est devenue invivable et que cette même situation, qui trouve son origine au sein du gouvernement, doit maintenant trouver une solution au sein de ce même gouvernement. Ces gens qui vivent des moments extrêmement difficiles depuis déjà trop longtemps ne demandent qu'une chose, c'est de pouvoir continuer à cultiver leurs terres comme ils le font depuis des générations. Ils auront d'ailleurs l'occasion de s'adresser à vous dans quelques instants et ainsi vous faire part de leurs vives inquiétudes et, plus largement, de ce qu'ils vivent.

Mais avant permettez-moi une mise en contexte. Comme vous le savez, le gouvernement libéral a annoncé à plusieurs reprises un pôle logistique à Vaudreuil-Soulanges, plus précisément dans les limites de la municipalité Les Cèdres. Ce projet prévoit l'expropriation de plus de 500 hectares de terres agricoles de très grande qualité. Ces terres, vous vous en doutez bien, sont la propriété d'agricultrices et d'agriculteurs. Ces mêmes terres sont cultivées depuis plusieurs générations et donnent des rendements très élevés. De plus, pour presque la totalité des fermes visées par l'expropriation, les agriculteurs peuvent compter sur une belle relève. Quand on sait à quel point la relève au Québec a de la difficulté à avoir accès à des terres agricoles, je pense que nous avons là une sérieuse réflexion à faire.

Bien évidemment, personne n'est dupe que des... qui dit expropriation dit aussi dézonage. Je tiens à rappeler au gouvernement que les élus des 82 municipalités qui composent la CMM se sont entendus en décembre 2011 sur un plan métropolitain d'aménagement et de développement qui protège les terres agricoles. Ce même plan a été approuvé par le gouvernement du Québec en mars 2012. Le message est on ne peut plus clair : les terres agricoles au Québec doivent rester pour l'agriculture.

Sur ces mots, je laisse la parole à mon collègue, M. Guy Leclair.

M. Leclair : Alors, bonjour à vous tous. Simplement rappeler les faits, que le gouvernement fait la sourde oreille aux gens des Cèdres. Agriculteurs et agricultrices sont ici présents aujourd'hui. Pour une ixième fois, nous rappelons au gouvernement que ces gens-là sont intelligents, surtout parlables, très gentils. On voit les gens de la relève qui les accompagnent.

Alors, je demande encore au gouvernement, pour une deux ou troisième fois, au minimum, ainsi que la députée de Soulanges, s'il vous plaît, on devrait jaser avec ces gens-là. Ce sont des gens de votre comté, Mme la députée. Alors, ces gens se sont déplacés à Québec puis ils veulent être entendus et veulent surtout savoir l'avenir que leur réserve le gouvernement libéral.

Alors, sur ces paroles, je laisserais la parole à M. Leroux.

M. Leroux (Hubert) : Bonjour. Je tiens d'abord à remercier le Parti québécois de nous avoir invités à Québec aujourd'hui, ainsi qu'André Villeneuve, Martine Ouellet, Guy Leclair, Alain Therrien de s'être déplacés à Les Cèdres afin de nous rencontrer et de nous écouter. Nous remercions également Sylvie D'Amours qui est venue nous rencontrer et pour son soutien à l'Assemblée nationale pour la pétition en ligne afin de nous défendre.

Maintenant, je me présente, Hubert Leroux, producteur agricole de la municipalité des Cèdres en Montérégie qui pourrait être touchée par le pôle logistique du gouvernement Couillard dans Vaudreuil-Soulanges. Nous sommes 22 producteurs touchés par ce projet libéral. Les fermes touchées ont toutes de la relève. Sur ces fermes, 20 jeunes veulent en faire leur futur métier. La majorité d'entre elles sont justement des fermes familiales se transmettant de génération en génération. Juste en passant, tous les jeunes qui sont ici, ils ont tous la permission de leurs professeurs. Ils ont tous demandé leur permission, puis il y en a même un qui dit à ce jeune homme là : J'aime mieux que tu manques une journée d'école que manquer ton avenir.

Nous avons besoin de votre aide pour médiatiser ce problème car c'est un drame humain qui est en présentation, comme celui de Mirabel. Cette situation dure depuis plus de 15 mois et nous laisse entrevoir des menaces d'expropriation au-dessus de nos têtes.

Serons-nous confrontés à des suicides de nos jeunes qui auront perdu leurs rêves, des pères et des mères de famille pris de désespoir et de chagrin de voir leurs fermes et leurs familles détruites? Je tiens à vous rappeler que ces situations se sont déjà produites à Mirabel voilà 50 ans.

À l'annonce de la Stratégie maritime du 29 juin 2015, M. Jean D'Amour, ministre délégué à la Stratégie maritime, a dit, à l'émission 24/60 sur les ondes de Radio-Canada, et le lendemain matin, à l'émission du matin de la première chaîne de Radio-Canada aussi, ainsi que dans LaPresse, dans le cadre d'un article de Bruno Bisson, qu'il n'y aurait aucune expropriation de terres agricoles.

Notre conseil municipal des Cèdres, le 22 septembre 2015, a adopté une résolution demandant au gouvernement de ne pas exproprier des producteurs agricoles. Toutefois, la MRC de Vaudreuil-Soulanges, le CLD ainsi que notre députée libérale, Lucie Charlebois, continuent à faire des pressions pour que ce projet se réalise avec des expropriations de 800 hectares, en plus du terrain appartenant au Canadien Pacifique faisant déjà plus de 300 hectares.

Le 7 octobre dernier, les représentants de l'Union des producteurs agricoles, l'UPA de la Montérégie, ont rencontré le ministre Jean D'Amour dans son bureau de Québec en compagnie de Lucie Charlebois, députée libérale de Vaudreuil-Soulanges. M. D'Amour n'a pas donné une réponse ferme quant à l'éventualité d'exproprier les producteurs.

Présentement, dans un rayon de 15 minutes de notre ferme, il y a 103 millions de pieds carrés en zone industrielle disponible, dont 14 millions à Beauharnois, prête à être construite. Les rues, les lampadaires, les aqueducs, tout est fait. Ces données ont été recueillies sur les sites du CLD de Vaudreuil-Soulanges et de Salaberry de Beauharnois.

Les terres des Cèdres font partie des meilleures terres du Québec, car nous avons un microclimat nous permettant d'avoir de très bonnes récoltes, une très bonne production des terres laitières et une excellente culture biologique. Avec un chiffre d'affaires annuel de 15 millions de dollars par année et la valeur de ces fermes totalisant 200 millions de dollars, nous sommes des entrepreneurs qui génèrent de l'activité économique importante dans notre région. Nous sommes une force économique.

Mais notre plus grande force, ce n'est pas ça, c'est notre capital humain, de belles fermes familiales avec une relève de 20 jeunes qui font des études dans différents domaines, dont un bon nombre en formation agricole au cégep et même à l'université en mécanique et d'autres métiers. Nous avons un slogan : le petit village gaulois. C'est de même qu'on a nommé notre petit village parce qu'on le sent bien seul contre un gouvernement, une MRC, un CLD, des journaux locaux qui sont tous contre nous. Pour eux, nous sommes une nuisance à la réalisation de leur beau projet de pôle logistique. Nous sommes le petit village d'Astérix contre César.

Nous, ce que nous demandons, c'est simplement de continuer de vivre de notre passion et de l'amour de notre terre, et ce, pour encore des générations. À cette heure qu'on a fait du blabla, on va passer aux vraies choses, les choses importantes. On va vous faire c'est quoi, l'ADN d'un producteur agricole. Moi, mon grand-père, son père est mort il avait 18 ans. Il avait des frères et soeurs. La grand-mère a dit... Sa mère à lui, mon arrière-grand-mère a dit : Je te donne la terre, tu maries tes frères et soeurs. C'était le plus vieux.

Après ça, il s'est marié, il a eu neuf enfants. Mon grand-père a tiré les vaches jusqu'à l'âge de 80 ans. Dans les années 70, là, il n'y avait pas de salon de traite, il y avait des trayeurs puis des chars à fumier. C'était de l'ancienne méthode. Moi, mon père, à 56 ans, à l'âge de liberté 55, au lieu de mettre une pancarte au chemin, il a décidé de continuer pour nous autres. À 89 ans, il faisait récolte encore avec nous autres. Il embarquait dans son tracteur le matin, il débarquait pour le dîner puis il débarquait le soir. À 89 ans, puis il n'y a pas personne qui pouvait lui voler sa place.

Mais au mois de mars de ses 89 ans, il a eu une leucémie. Le 1er mai, la première journée des semences, on a eu un appel de l'hôpital nous disant qu'il lui restait une semaine. Le dimanche soir, on se présente aux soins palliatifs à Hudson. Quand il nous a vus arriver, la première parole qu'il nous a dite : Qu'est-ce que vous faites ici? Vous n'êtes pas dans le champ? Parce que, pour lui, c'était important.

Trois jours avant de mourir, moi, ma femme, mes deux enfants, on a jasé avec lui. De qu'est-ce qu'on a jasé, ce n'est pas du passé, on a jasé de l'avenir. Vous auriez dû voir la lumière dans ses yeux. Sa plus grande fierté, c'était de voir nos trois jeunes continuer. Ça, il était fier de ça. Mais quand on lui a... Quand le docteur nous a appelés, il dit : Il en a pour une semaine au plus. Là, pour l'encourager, il lui a dit : une semaine, peut-être deux. Mais le docteur, il disait : Une semaine, c'était le plus. Mais il est mort le 15 de mai, 15 jours plus tard, quelques heures après lui avoir dit : Papa — il dit — les semences sont finies. Si vous voulez savoir c'est quoi, de l'ADN d'un agriculteur, c'est ça. Même avant de mourir, il a attendu qu'on finisse nos semences. Merci.

M. Proulx (Michel) : Bonjour. Michel Proulx, producteur de lait dans la municipalité de Les Cèdres.

Par la présence des agriculteurs et notre relève aujourd'hui, nous voulons signifier notre désaccord face à l'implantation d'un pôle logistique non pas dans notre municipalité, mais sur des terres agricoles de grande qualité, sur les terres qui nous appartiennent depuis des générations. L'implantation de ce projet aux Cèdres sur des terres agricoles mettrait en péril la survie de huit fermes laitières, dont trois qui verraient leur superficie cultivable amputée jusque derrière l'étable. Comment une entreprise laitière peut survivre sans ces terres avec un secteur industriel comme voisin immédiat? D'un côté de la clôture, une usine, et, de l'autre côté, des vaches au pâturage. Peu de municipalités en Montérégie peuvent se vanter d'avoir encore, en 2015, huit fermes laitières d'importance sur leur territoire.

L'incertitude qui plane sur notre région actuellement a fait en sorte que plusieurs d'entre nous ont mis des projets sur la glace ou retardé des investissements. C'est l'avenir de nos jeunes en agriculture qui est en péril. La présence, en partie, de cette relève aujourd'hui témoigne de l'intérêt qu'ils portent à l'agriculture, mais surtout de leur passion pour cet honorable métier, celui de vous nourrir jour après jour.

Nos demandes sont simples et non monnayables. Aucun d'entre nous ne veut vendre ses terres en totalité ou en partie. Ce n'est pas une question de prix, nous ne sommes pas à vendre. Le secteur agroalimentaire est le secteur économique le plus important du Québec. Il ne faudrait pas l'oublier. Nos fermes génèrent des retombées financières au Québec en ce moment même. Ce ne sont pas des promesses ni des prévisions budgétaires. Nous travaillons dans le concret au quotidien.

Comme l'ont fait nos parents avant nous, nous souhaitons pouvoir léguer à notre relève cet héritage si précieux à nos yeux : la passion de la terre et de l'agriculture. Nous demandons au premier ministre de nous confirmer qu'il n'y aura aucune expropriation de notre terre agricole pour ce projet de pôle logistique dans Vaudreuil-Soulanges. Merci.

La Modératrice : Merci beaucoup.

(Fin à 9 h 51)