(Neuf heures trente-sept minutes)
La Modératrice
:
Bonjour et bienvenue à ce point de presse. Prendrons la parole, d'abord, pour
commencer, M. le député de Berthier, porte-parole du Parti québécois en matière
d'agriculture, M. André Villeneuve; ensuite, prendra la parole le député de
Beauharnois, M. Guy Leclair; sera suivi de M. Hubert Leroux, il est producteur
agricole dans la municipalité des Cèdres; et Michel Proulx conclura, il est
également producteur agricole. M. Villeneuve.
M. Villeneuve
: Oui.
Alors, je tiens à saluer tout le monde, bien sûr les gens qui nous écoutent et
les journalistes présents. Je veux saluer mon collègue, M. Guy Leclair, ainsi
qu'Alain Therrien, qui sont avec moi, et évidemment saluer plus de 35 personnes
de la municipalité des Cèdres, donc agricultrices et agriculteurs, qui se sont
déplacées ce matin à l'Assemblée nationale.
S'ils ont pris le temps de venir au
Parlement du Québec et faire plus de trois heures de route, c'est que la
situation qui est la leur est devenue invivable et que cette même situation,
qui trouve son origine au sein du gouvernement, doit maintenant trouver une
solution au sein de ce même gouvernement. Ces gens qui vivent des moments
extrêmement difficiles depuis déjà trop longtemps ne demandent qu'une chose,
c'est de pouvoir continuer à cultiver leurs terres comme ils le font depuis des
générations. Ils auront d'ailleurs l'occasion de s'adresser à vous dans
quelques instants et ainsi vous faire part de leurs vives inquiétudes et, plus
largement, de ce qu'ils vivent.
Mais avant permettez-moi une mise en
contexte. Comme vous le savez, le gouvernement libéral a annoncé à plusieurs
reprises un pôle logistique à Vaudreuil-Soulanges, plus précisément dans les
limites de la municipalité Les Cèdres. Ce projet prévoit l'expropriation de
plus de 500 hectares de terres agricoles de très grande qualité. Ces terres,
vous vous en doutez bien, sont la propriété d'agricultrices et d'agriculteurs.
Ces mêmes terres sont cultivées depuis plusieurs générations et donnent des
rendements très élevés. De plus, pour presque la totalité des fermes visées par
l'expropriation, les agriculteurs peuvent compter sur une belle relève. Quand
on sait à quel point la relève au Québec a de la difficulté à avoir accès à des
terres agricoles, je pense que nous avons là une sérieuse réflexion à faire.
Bien évidemment, personne n'est dupe que
des... qui dit expropriation dit aussi dézonage. Je tiens à rappeler au
gouvernement que les élus des 82 municipalités qui composent la CMM se sont
entendus en décembre 2011 sur un plan métropolitain d'aménagement et de
développement qui protège les terres agricoles. Ce même plan a été approuvé par
le gouvernement du Québec en mars 2012. Le message est on ne peut plus
clair : les terres agricoles au Québec doivent rester pour l'agriculture.
Sur ces mots, je laisse la parole à mon
collègue, M. Guy Leclair.
M. Leclair
: Alors,
bonjour à vous tous. Simplement rappeler les faits, que le gouvernement fait la
sourde oreille aux gens des Cèdres. Agriculteurs et agricultrices sont ici
présents aujourd'hui. Pour une ixième fois, nous rappelons au gouvernement que
ces gens-là sont intelligents, surtout parlables, très gentils. On voit les
gens de la relève qui les accompagnent.
Alors, je demande encore au gouvernement,
pour une deux ou troisième fois, au minimum, ainsi que la députée de Soulanges,
s'il vous plaît, on devrait jaser avec ces gens-là. Ce sont des gens de votre
comté, Mme la députée. Alors, ces gens se sont déplacés à Québec puis ils
veulent être entendus et veulent surtout savoir l'avenir que leur réserve le gouvernement
libéral.
Alors, sur ces paroles, je laisserais la
parole à M. Leroux.
M. Leroux (Hubert) : Bonjour.
Je tiens d'abord à remercier le Parti québécois de nous avoir invités à Québec
aujourd'hui, ainsi qu'André Villeneuve, Martine Ouellet, Guy Leclair, Alain
Therrien de s'être déplacés à Les Cèdres afin de nous rencontrer et de nous
écouter. Nous remercions également Sylvie D'Amours qui est venue nous rencontrer
et pour son soutien à l'Assemblée nationale pour la pétition en ligne afin de
nous défendre.
Maintenant, je me présente, Hubert Leroux,
producteur agricole de la municipalité des Cèdres en Montérégie qui pourrait
être touchée par le pôle logistique du gouvernement Couillard dans
Vaudreuil-Soulanges. Nous sommes 22 producteurs touchés par ce projet
libéral. Les fermes touchées ont toutes de la relève. Sur ces fermes,
20 jeunes veulent en faire leur futur métier. La majorité d'entre elles
sont justement des fermes familiales se transmettant de génération en
génération. Juste en passant, tous les jeunes qui sont ici, ils ont tous la permission
de leurs professeurs. Ils ont tous demandé leur permission, puis il y en a même
un qui dit à ce jeune homme là : J'aime mieux que tu manques une journée
d'école que manquer ton avenir.
Nous avons besoin de votre aide pour
médiatiser ce problème car c'est un drame humain qui est en présentation, comme
celui de Mirabel. Cette situation dure depuis plus de 15 mois et nous
laisse entrevoir des menaces d'expropriation au-dessus de nos têtes.
Serons-nous confrontés à des suicides de
nos jeunes qui auront perdu leurs rêves, des pères et des mères de famille pris
de désespoir et de chagrin de voir leurs fermes et leurs familles détruites? Je
tiens à vous rappeler que ces situations se sont déjà produites à Mirabel voilà
50 ans.
À l'annonce de la Stratégie maritime du
29 juin 2015, M. Jean D'Amour, ministre délégué à la Stratégie maritime, a
dit, à l'émission 24/60 sur les ondes de Radio-Canada, et le lendemain
matin, à l'émission du matin de la première chaîne de Radio-Canada aussi, ainsi
que dans LaPresse, dans le cadre d'un article de Bruno
Bisson, qu'il n'y aurait aucune expropriation de terres agricoles.
Notre conseil municipal des Cèdres, le 22
septembre 2015, a adopté une résolution demandant au gouvernement de ne pas
exproprier des producteurs agricoles. Toutefois, la MRC de Vaudreuil-Soulanges,
le CLD ainsi que notre députée libérale, Lucie Charlebois, continuent à faire
des pressions pour que ce projet se réalise avec des expropriations de 800
hectares, en plus du terrain appartenant au Canadien Pacifique faisant déjà
plus de 300 hectares.
Le 7 octobre dernier, les représentants de
l'Union des producteurs agricoles, l'UPA de la Montérégie, ont rencontré le
ministre Jean D'Amour dans son bureau de Québec en compagnie de Lucie
Charlebois, députée libérale de Vaudreuil-Soulanges. M. D'Amour n'a pas donné une
réponse ferme quant à l'éventualité d'exproprier les producteurs.
Présentement, dans un rayon de 15 minutes
de notre ferme, il y a 103 millions de pieds carrés en zone industrielle
disponible, dont 14 millions à Beauharnois, prête à être construite. Les
rues, les lampadaires, les aqueducs, tout est fait. Ces données ont été
recueillies sur les sites du CLD de Vaudreuil-Soulanges et de Salaberry de
Beauharnois.
Les terres des Cèdres font partie des
meilleures terres du Québec, car nous avons un microclimat nous permettant
d'avoir de très bonnes récoltes, une très bonne production des terres laitières
et une excellente culture biologique. Avec un chiffre d'affaires annuel de
15 millions de dollars par année et la valeur de ces fermes totalisant
200 millions de dollars, nous sommes des entrepreneurs qui génèrent de
l'activité économique importante dans notre région. Nous sommes une force
économique.
Mais notre plus grande force, ce n'est pas
ça, c'est notre capital humain, de belles fermes familiales avec une relève de
20 jeunes qui font des études dans différents domaines, dont un bon nombre en
formation agricole au cégep et même à l'université en mécanique et d'autres
métiers. Nous avons un slogan : le petit village gaulois. C'est de même
qu'on a nommé notre petit village parce qu'on le sent bien seul contre un
gouvernement, une MRC, un CLD, des journaux locaux qui sont tous contre nous.
Pour eux, nous sommes une nuisance à la réalisation de leur beau projet de pôle
logistique. Nous sommes le petit village d'Astérix contre César.
Nous, ce que nous demandons, c'est simplement
de continuer de vivre de notre passion et de l'amour de notre terre, et ce,
pour encore des générations. À cette heure qu'on a fait du blabla, on va passer
aux vraies choses, les choses importantes. On va vous faire c'est quoi, l'ADN
d'un producteur agricole. Moi, mon grand-père, son père est mort il avait 18
ans. Il avait des frères et soeurs. La grand-mère a dit... Sa mère à lui, mon
arrière-grand-mère a dit : Je te donne la terre, tu maries tes frères et
soeurs. C'était le plus vieux.
Après ça, il s'est marié, il a eu neuf
enfants. Mon grand-père a tiré les vaches jusqu'à l'âge de 80 ans. Dans les
années 70, là, il n'y avait pas de salon de traite, il y avait des trayeurs
puis des chars à fumier. C'était de l'ancienne méthode. Moi, mon père, à 56
ans, à l'âge de liberté 55, au lieu de mettre une pancarte au chemin, il a
décidé de continuer pour nous autres. À 89 ans, il faisait récolte encore avec
nous autres. Il embarquait dans son tracteur le matin, il débarquait pour le
dîner puis il débarquait le soir. À 89 ans, puis il n'y a pas personne qui
pouvait lui voler sa place.
Mais au mois de mars de ses 89 ans, il a
eu une leucémie. Le 1er mai, la première journée des semences, on a eu un appel
de l'hôpital nous disant qu'il lui restait une semaine. Le dimanche soir, on se
présente aux soins palliatifs à Hudson. Quand il nous a vus arriver, la
première parole qu'il nous a dite : Qu'est-ce que vous faites ici? Vous
n'êtes pas dans le champ? Parce que, pour lui, c'était important.
Trois jours avant de mourir, moi, ma
femme, mes deux enfants, on a jasé avec lui. De qu'est-ce qu'on a jasé, ce
n'est pas du passé, on a jasé de l'avenir. Vous auriez dû voir la lumière dans
ses yeux. Sa plus grande fierté, c'était de voir nos trois jeunes continuer.
Ça, il était fier de ça. Mais quand on lui a... Quand le docteur nous a
appelés, il dit : Il en a pour une semaine au plus. Là, pour l'encourager,
il lui a dit : une semaine, peut-être deux. Mais le docteur, il disait :
Une semaine, c'était le plus. Mais il est mort le 15 de mai, 15 jours plus
tard, quelques heures après lui avoir dit : Papa — il
dit — les semences sont finies. Si vous voulez savoir c'est quoi, de
l'ADN d'un agriculteur, c'est ça. Même avant de mourir, il a attendu qu'on
finisse nos semences. Merci.
M. Proulx (Michel) : Bonjour.
Michel Proulx, producteur de lait dans la municipalité de Les Cèdres.
Par la présence des agriculteurs et notre
relève aujourd'hui, nous voulons signifier notre désaccord face à
l'implantation d'un pôle logistique non pas dans notre municipalité, mais sur
des terres agricoles de grande qualité, sur les terres qui nous appartiennent
depuis des générations. L'implantation de ce projet aux Cèdres sur des terres
agricoles mettrait en péril la survie de huit fermes laitières, dont trois qui
verraient leur superficie cultivable amputée jusque derrière l'étable. Comment
une entreprise laitière peut survivre sans ces terres avec un secteur industriel
comme voisin immédiat? D'un côté de la clôture, une usine, et, de l'autre côté,
des vaches au pâturage. Peu de municipalités en Montérégie peuvent se vanter
d'avoir encore, en 2015, huit fermes laitières d'importance sur leur
territoire.
L'incertitude qui plane sur notre région
actuellement a fait en sorte que plusieurs d'entre nous ont mis des projets sur
la glace ou retardé des investissements. C'est l'avenir de nos jeunes en
agriculture qui est en péril. La présence, en partie, de cette relève
aujourd'hui témoigne de l'intérêt qu'ils portent à l'agriculture, mais surtout
de leur passion pour cet honorable métier, celui de vous nourrir jour après
jour.
Nos demandes sont simples et non
monnayables. Aucun d'entre nous ne veut vendre ses terres en totalité ou en
partie. Ce n'est pas une question de prix, nous ne sommes pas à vendre. Le
secteur agroalimentaire est le secteur économique le plus important du Québec.
Il ne faudrait pas l'oublier. Nos fermes génèrent des retombées financières au
Québec en ce moment même. Ce ne sont pas des promesses ni des prévisions
budgétaires. Nous travaillons dans le concret au quotidien.
Comme l'ont fait nos parents avant nous,
nous souhaitons pouvoir léguer à notre relève cet héritage si précieux à nos
yeux : la passion de la terre et de l'agriculture. Nous demandons au
premier ministre de nous confirmer qu'il n'y aura aucune expropriation de notre
terre agricole pour ce projet de pôle logistique dans Vaudreuil-Soulanges.
Merci.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 9 h 51)