(Treize heures trente-deux minutes)
M. Paradis (Lévis) : Bonjour
à tous. Merci d'être là. Je pense que c'est encore un moment important. Je
pense que ce matin, on a un rapport qui nous indique hors de tout doute, en
tout cas dans le dossier de la santé et bien d'autres — et on vous en
fera la nomenclature — que le ministre de la Santé et le président du
Conseil du trésor ont perdu le contrôle. Le ministre de la Santé et le président
du Conseil du trésor se sont, dirait-on, beaucoup trompés. On a tenté ce matin
de minimiser, du côté du ministre de la Santé, l'évaluation de la Vérificatrice
générale, c'est assez particulier. Le ministre a lu le rapport à sa façon, et
pourtant le rapport, il est dévastateur, la VG rapporte ce matin que les coûts
de la rémunération des médecins ont été de 416 millions plus élevés que ce
qui a été budgété dans les cinq dernières années. Alors, on comprendra tous
qu'en plus de perdre le contrôle le gouvernement a dormi, puis le réveil est
brutal, c'est le moins qu'on puisse dire.
La VG explique que, pour les cinq
prochaines années, il va y avoir des coûts additionnels qui vont s'ajouter puis
que les économies prévues ne seront pas au rendez-vous. Je pense que ça aussi,
c'est assez particulier. Elle écrit noir sur blanc que les économies ne seront
pas là, puis elle dit en plus qu'on a des objectifs, mais pas de cibles, pas
d'indicateurs de performance pour savoir si on est efficaces. Il y a un autre
problème majeur à ce chapitre-là — donc ça démontre que ça ne marche
pas — le système actuel, bien, il ne favorise pas les bonnes
pratiques médicales, il ne favorise pas la prise en charge des patients, je
pense que c'est assez clair.
Depuis déjà longtemps, depuis déjà un an,
on demande au ministre de la Santé de revoir le mode de rémunération des
médecins, et je pense qu'à travers tout ça, bien, il y a une réponse qui
s'inscrit dans cette volonté-là et cette façon de faire. La rémunération des
médecins, ça a coûté 6,2 milliards de dollars. Ça va toujours augmenter,
on le voit. Pourquoi? Parce que 77 % des paiements versés aux médecins
sont en fonction des actes posés, et ça va toujours augmenter. Depuis 40 ans — vous
le savez, je l'ai déjà dit, ce n'est pas la première fois — il y a
plusieurs commissions, il y a des rapports, des spécialistes qui ont suggéré de
revoir le mode de rémunération des médecins. Et, vous le savez, lorsqu'un acte
est posé, bien, la RAMQ n'a pas d'autre choix que de payer. Un médecin, que ça
soigne plus, c'est parfait, mais il ne faut pas non plus que ça nous réserve de
mauvaises surprises sur le plan budgétaire, et c'est ce qu'on constate
aujourd'hui.
Alors, on demande de revoir cet équilibre,
de revoir la notion de paiement à l'acte par rapport à la notion de prise en
charge. Cet équilibre-là va faire, assurément, la différence. Je pense que le
ministre le sait, le ministre ne s'ouvre pas les yeux pour l'instant. Bien, il
s'est fait réveiller brutalement ce matin. Mais manifestement, à la lumière de
ce qui est écrit là-dedans... puis je vous invite à le lire, hein, il n'y pas
une ligne là-dedans, il n'y a pas une ligne où il n'y a pas un constat d'échec,
quelque chose qui fait en sorte qu'on constate bien qu'on fait fausse route et
qu'on a fait fausse route. Alors, ça, c'est dans le domaine de la santé.
Alors, cette perte de contrôle là, bien,
elle s'évalue également dans d'autres domaines et je laisserai, à ce moment-ci,
à mon collègue de La Peltrie la possibilité de vous expliquer, dans le
domaine de l'informatique, qu'est-ce que ça peut donner. Ce n'est pas beaucoup
plus reluisant.
M.
Caire
:
Merci, François. Bonjour, tout le monde. Non, effectivement, malheureusement,
je dois dire que c'est sans surprise que la Vérificatrice générale a déposé,
sur l'aspect informatique, un autre rapport assassin. Visiblement, le domaine
de l'informatique est gangrené par la corruption, la collusion. La
Vérificatrice générale, qui nous dit que les conditions actuelles augmentent
les risques de corruption et de collusion, et, encore une fois, ce sont les
citoyens du Québec qui font les frais parce qu'on se fait voler des centaines
de millions de dollars par les firmes collusionnaires, par ceux qui sont
corrompus.
Ça va prendre un remède de cheval. L'heure
des lunettes roses et des mesurettes est terminée. Malheureusement, le président
du Conseil du trésor n'est pas à cette enseigne. Et il va falloir qu'on
s'attaque au problème de la mauvaise gestion, de la non-imputabilité des
gestionnaires, la Vérificatrice générale le souligne aussi dans son rapport. Il
faut que les gestionnaires soient imputables de leur comportement, de leur
mauvaise gestion. Il va falloir une législation, il va falloir une loi musclée
avec des dents pour qu'on puisse congédier ces gens-là qui nous causent
tellement de tort et qui nous privent de centaines de millions dont on aurait
tellement besoin pour rendre des vrais services à la population. Et
malheureusement, depuis 10 ans, la Vérificatrice générale... bien, en fait, le
Vérificateur général répète les mêmes constats rapport après rapport, il est
temps de passer à une étape. Et, dans ce sens-là, je vous rappelle que nous
demandons depuis longtemps qu'il y ait une commission d'enquête dans le domaine
informatique. Cette commission d'enquête là, il faut la tenir parce qu'encore
une fois la Vérificatrice générale, tout comme le commissaire Lafrenière il y a
quelques semaines, nous confirme que la collusion et la corruption gangrènent
le milieu de l'informatique, et il est temps de faire quelque chose de musclé
pour que ça cesse.
Là-dessus, je voudrais passer la parole à
ma collègue, qui va vous donner un exemple de ce que ça peut donner quand on se
livre à des tractations douteuses dans le domaine informatique.
Mme Soucy : Alors, mon
collègue vient de vous parler d'une façon très imagée de ce qu'on peut
retrouver et puis de ce qui ressort également du Vérificateur général. Bien,
écoutez, vous avez entendu, comme moi, ce matin, poser la question en Chambre
au ministre de l'Énergie et puis vous avez sûrement sursauté quand vous avez
entendu le ministre Arcand dire qu'il y a des limites à la transparence pour
Hydro-Québec. Alors, c'est inacceptable parce que, dans le cas qui nous
préoccupe, il n'y a aucune raison qu'il y ait un manque de transparence. On
parle de contrats d'environ 45 millions, alors... 45 millions de
fonds publics. Hydro aurait tout intérêt à donner aux fournisseurs tout ce
qu'ils ont besoin pour les mettre en compétition et aller chercher le meilleur
prix possible pour en faire bénéficier les contribuables.
On parle d'un appel d'offres sur
invitation pour un projet de solutions de storage et de protection des données.
On ne peut pas parler de transparence chez Hydro-Québec quand Hydro ne veut pas
dévoiler aux fournisseurs la grille d'évaluation pondérée qu'ils attribuent
pour chaque critère, qu'ils ne donnent pas non plus aux soumissionnaires tout
ce qu'ils ont besoin pour remettre une soumission avec un prix le plus juste
possible. Parce que le fait de ne pas donner «up front» — pardon
l'anglicisme, là — d'avance les critères pour que le fournisseur
prévoie exactement son coût de conversion, bien, écoutez, le fournisseur qui
veut... qui voudrait baisser sa marge de profit pour obtenir le contrat, bien,
il n'a pas la marge de manoeuvre pour le faire. Alors, ça ouvre la porte à ce
que ça soit toujours le même fournisseur en place qui obtienne le contrat. Et
puis on peut voir, là, depuis à peu près un peu moins de 20 ans, c'est le
même fournisseur de «hardware» tant pour les PC que pour les serveurs, à
l'exception d'Hydro-Québec TransÉnergie parce qu'ils ne font pas partie du pool
d'informatique d'Hydro-Québec.
Alors, on peut aussi s'apercevoir que les
frais de maintenance des réseaux sont exorbitants, alors c'est plusieurs
dizaines de millions par année de frais de maintenance. Alors, le fournisseur
qui est en place a le beau jeu, quand on fait des appels de propositions sans
donner tout ce que les fournisseurs ont de besoin, pour gonfler ses prix.
Alors, c'est un exemple, là, concret, de processus qui est défaillant, qui
manque de transparence dans l'octroi des contrats, et même chez Hydro-Québec.
Alors, ce qu'on demande au ministre, en fait, c'est de nous donner la liste de
tous les contrats qui ont été donnés chez Hydro-Québec depuis les 15 dernières
années. Merci.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup, Mme Soucy, merci, M. Paradis, M. Caire. Des questions?
M. Dutrisac (Robert)
:
Moi. Juste une question concernant l'informatique. Il y a eu plusieurs — vous
l'avez mentionné, M. Caire — rapports sur les contrats
informatiques. Je n'ai pas vu grand-chose de neuf, là, peut-être, en dehors peut-être
de la référence à la collusion.
Vous, est-ce que vous avez trouvé...
est-ce qu'il y a des choses qui vous ont sauté aux yeux, là, comme étant
nouvelles?
M.
Caire
: Bien,
sur les façons de faire, vous avez raison. D'ailleurs, vous aurez remarqué que
la Vérificatrice générale met en annexe de ce rapport-ci les précédents
rapports pour bien démontrer à quel point ce qu'elle dénonce, elle le dénonce
depuis longtemps.
Il y a deux éléments, je pense, qui sont
nouveaux ou en tout cas qui sont nommés de façon beaucoup plus précise dans le
rapport. D'abord, la collusion et la corruption. Clairement, là, on dit qu'il y
a des processus qui sont viciés, il y a des façons de faire qui nous amènent à
penser qu'on est dans cette dynamique-là. Ça, c'est la première étape.
La deuxième étape, elle va pointer du
doigt les gestionnaires. Elle a dit nommément que, même dans un cadre réglementaire
actuel, si les gestionnaires travaillaient de façon compétente et rigoureuse,
on réglerait une bonne partie du problème, donc... Et elle identifie clairement
le fait que ces comportements-là ne sont pas au rendez-vous de la part de nos
gestionnaires parce qu'ils ne sont pas imputables parce qu'il n'y a aucune
conséquence à ne pas bien faire leur travail. Donc, c'est la raison pour laquelle
on a demandé au ministre de bien vouloir travailler avec nous.
Je vous invite à aller lire la Loi sur
l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. Il y
a 10 articles : il y en a huit qui sont abrogés puis deux qui ne
veulent rien dire. Donc, c'est une loi... c'est la loi la plus inutile de
l'histoire de la démocratie, cette loi-là. Donc, il faut modifier cette loi-là,
il faut définir ce que c'est, l'imputabilité, il faut encadrer l'imputabilité
et il faut donner des conséquences précises à l'absence d'imputabilité ou à l'absence
de résultats de ceux qui sont imputables, et c'est l'invitation, je pense, que
j'ai faite au ministre aujourd'hui.
M. Croteau (Martin)
:
La prochaine question, sur un autre sujet. Je voudrais savoir, à qui de droit,
là, qu'est-ce que vous pensez de cet apparent déblocage dans les pourparlers
avec le secteur public. Vous êtes optimistes? Quel est votre sentiment par
rapport à ça?
M.
Caire
: Bien,
d'abord, on va évaluer l'arbre à ses fruits. Idéalement, une solution négociée,
c'est toujours mieux, mais moi, je vous rappelle... puis je vous ramène au
rapport de la Vérificatrice générale, hein, qui pointe du doigt l'absence
d'expertise comme cause des problèmes, notamment en informatique, mais aussi
dans le domaine du transport. Parce qu'il y a un volet sur le MTQ dans son
rapport où, encore une fois, on voit qu'on est à la merci des consultants, et
cette collusion-là... Écoutez, je vous lis, là : Des ressources externes
ont participé à la préparation de l'appel d'offres alors qu'elles travaillaient
pour la firme qui a obtenu le contrat.
Alors, quand on vit des situations comme
celles-là, on engage des consultants à toutes les sauces, on est complètement
dépendants, on est à la merci de ces gens-là. C'est exactement ce qui s'est
passé dans le domaine de la construction, on a vu le résultat. On a le même
phénomène en informatique.
Tout ça pour nous ramener aux
négociations, négociations sectorielles. Moi, quand le ministre dit : On a
fait un appel, là, pour 500 nouveaux informaticiens... Oui, j'ai lu les
critères. Écoutez, là, il est clairement écrit qu'un informaticien qui est en
cours d'études, qui n'aurait pas obtenu son diplôme peut appliquer sur le
poste. C'est-u ça, rebâtir l'expertise? Je pense que poser la question, c'est y
répondre.
Donc, s'il y a des négociations
sectorielles, s'il y a des mesures attractives pour des secteurs d'emploi qui
sont névralgiques, tant mieux. Mais, même si on négocie une mauvaise solution
mur à mur, bien il faudra évaluer l'arbre à son fruit.
M. Croteau (Martin)
:
Quitte à ce qu'au final ça coûte plus cher aux contribuables?
M.
Caire
: Je
vais juste vous rappeler les centaines de millions qu'on s'est... Faites juste...
SAGIR, O.K., on va parler de SAGIR, un projet, à l'origine, de 83 millions.
On est rendus à... SAGIR, qui était GIRES à l'époque, là, on s'entend, c'est
l'ancêtre de, donc, à l'origine, 83 millions; aujourd'hui, on est à 1,6 milliard.
Est-ce qu'on a vraiment économisé en étant incapables de garder nos bons
informaticiens? De 2009 à 2014, moins 3 % d'informaticiens d'expérience
dans le secteur public. On a perdu 3 %, en 2014 par rapport à 2009, de nos
informaticiens d'expérience. Le prix à payer c'est SAGIR; le prix à payer,
c'est le DSQ; le prix à payer, c'est ce qu'on voit au ministère de la Justice.
C'est ça, le prix à payer. Est-ce qu'on a économisé? Je ne pense pas.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
M. Paradis (Lévis) : Merci.
(Fin à 13
h 45)