(Quinze heures trente-deux minutes)
M. Jolin-Barrette :
Bonjour, tout le monde. Donc, aujourd'hui, je souhaite réagir au déclenchement
de la commission d'enquête. C'est une commission qui n'a pas de dents, pas de
mordant, pas de dentier. On ne permet pas à la commission de faire, ultimement,
des blâmes relativement au comportement des acteurs. On se retrouve dans une situation
où le monde politique n'est pas tout à fait visé par cette commission d'enquête
là, et je pense que c'est extrêmement important que les commissaires, dans leur
interprétation du mandat, l'interprètent largement pour savoir quelles sont les
relations du politique avec le policier, notamment dans le cas des sources
journalistiques, mais il faut également faire la lumière entre la relation
privilégiée qui, semblerait-il, aurait existé entre le politique et le
policier.
L'autre élément de la commission
d'enquête, c'est qu'elle ne remonte pas suffisamment loin dans le temps. La
ministre nous a dit : 2010, il y a eu un arrêt à la Cour suprême. Soit,
mais, quand même, il y a des gestes qui ont été révélés pour des situations qui
remontent avant 2010, et je pense que la commission d'enquête aurait dû avoir
une possibilité d'enquêter sur plus longtemps que 2010, donc au moins retourner
10 ans auparavant, jusqu'en 2006.
On se retrouve dans une situation où la
commission d'enquête, c'est un exercice de relations publiques du gouvernement
libéral. Parce que, vous savez, le premier ministre s'est levé en Chambre et
nous a dit : Les oppositions seront consultées, notamment quant aux
commissaires, quant au contenu, quant au mandat de la commission d'enquête. Ce
n'est pas vrai, le gouvernement libéral n'a pas tenu sa parole. La CAQ a
proposé des commissaires, la CAQ n'a pas eu de retour. Donc, cette façon, cette
attitude libérale de regarder les Québécois de haut, de regarder les autres
parlementaires de haut également... On est à un moment où on aurait dû
travailler en collaboration tous ensemble, et le gouvernement libéral a décidé
de faire ses choses en catimini, de son propre côté. C'est déplorable d'avoir
une telle attitude du côté du gouvernement libéral.
Sur la question du blâme, dans le décret
de la commission Charbonneau et dans le décret de la commission Bastarache, il
n'en était pas question. Donc, ça aurait été possible de donner le pouvoir aux
commissaires, de leur donner l'opportunité de faire des blâmes.
L'autre élément, au niveau du passé, bien,
écoutez, pour les journalistes d'Enquête, il y a eu de l'écoute jusqu'en
2008, hein, des mandats qui ont été donnés pour écouter jusqu'en 2008. On
aurait dû permettre à la commission d'avoir une expectative de temps beaucoup
plus longue pour mener l'enquête. Dans le fond, la commission d'enquête,
présentement... les libéraux, ce qu'ils ont décidé de faire, c'est d'anesthésier
le problème et de ne pas aller au fond des choses complètement en limitant le
mandat de la commission.
Sur la question politique, l'article 1
du mandat dit : «...de porter atteinte au privilège protégeant l'identité
des sources journalistiques, y compris sur les allégations d'interventions
politiques auprès des corps de police de nature à compromettre ce privilège et
qui ont pu mener au déclenchement d'enquêtes policières.» Donc, vous voyez, on
vient restreindre uniquement au déclenchement d'enquêtes policières, on ne fait
pas le lien entre le politique et la police.
Donc, pour nous, la commission n'a pas un
mandat assez large. Il aurait fallu que les libéraux consultent les
oppositions, tel qu'il avait été annoncé par le premier ministre Couillard, ce
qui n'a pas été fait. Et je trouve ça un peu déplorable qu'on se retrouve dans
cette situation-là, où c'est une commission qui a été déclenchée
unilatéralement par le gouvernement libéral et qui, manifestement, n'a pas un
libellé qui va permettre, à regret, d'aller complètement au fond des choses.
M. Laforest (Alain) : Je ne
veux pas vous reprendre, là, mais je veux juste vous lire le libellé, quelque
chose, là : «Enquêter, faire rapport et formuler des recommandations sur
les pratiques policières en matière d'enquête, susceptibles de porter atteinte
au privilège protégeant l'identité des sources journalistiques, y compris les
allégations d'interventions politiques auprès des corps de police de nature à
compromettre ce privilège et qui ont pu mener au déclenchement d'enquêtes
policières.» Le politique est couvert.
M. Jolin-Barrette : Pas
assez largement, à notre avis, parce que, vous savez...
M. Laforest (Alain) :
Qu'est-ce que ça prend de plus?
M. Jolin-Barrette :
Bien, il aurait fallu un point séparé et distinct pour viser directement la
nature des relations politiques et policières. Parce qu'on revient à la
question aussi de la nomination des directeurs de police aussi, que ça soit
pour le SPVM, que ça soit pour le directeur de Sûreté du Québec, que ce soit
pour le directeur de l'UPAC, nous, on a demandé un deux tiers...
M. Laforest (Alain) :
Vous voulez qu'on inclue la nomination des chefs de police dans une enquête sur
les sources policières?
M. Jolin-Barrette : Non,
pas la nomination, mais ce qu'on...
M. Laforest (Alain) :
Mais c'est ça que vous dites, là, les deux tiers.
M. Jolin-Barrette : Non,
ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est que c'est important qu'il
n'y ait aucun lien politique avec le policier. Donc, nous, on a déjà présenté à
l'Assemblée la proposition pour les deux tiers. Pour ce qui est du mandat de
l'enquête, nous, nous croyons que ça aurait dû être plus large pour couvrir
plus largement les relations entre le politique et le policier.
M. Laforest (Alain) :
Mais comment le formuler autrement?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, on aurait pu travailler ensemble pour avoir une formulation
plus...
M. Laforest (Alain) :
C'est ça que vous déplorez, là.
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est ce qu'on déplore également. Donc, ce que nous souhaitons, c'est que
les commissaires, à la lecture de ce libellé-là, ils vont pouvoir interpréter
largement et vraiment analyser quelle est la nature des relations entre le
politique et le policier, notamment dans le cadre de la surveillance
journalistique.
M. Laforest (Alain) :
Donc, pour vous, c'est une mauvaise commission?
M. Jolin-Barrette : Ce
n'est pas une mauvaise commission...
M. Laforest (Alain) : Bien,
si je reprends ce que vous dites : Pas de dents, pas de mordant, pas de
dentier.
M. Jolin-Barrette :
...c'est une commission qui aurait pu être beaucoup mieux outillée, notamment quant
à la nature de son mandat. Parce que, vous savez, le mandat est extrêmement
important. Notamment dans le cas de la commission Charbonneau, on a eu un
exemple où la commission Charbonneau n'est pas nécessairement allée au fond de
toutes les choses parce qu'elle avait un mandat orienté. Nous, dès le départ,
lorsqu'on a demandé la création de la présente commission, on a demandé que le
mandat soit très large, de façon à ce que les commissaires puissent avoir toute
la liberté possible pour regarder les différents aspects, les sources
journalistiques, mais également la relation politique et policier, les
interventions policières.
M. Dion (Mathieu) : Là,
vous demandez un mandat extrêmement large, puis c'est en 2018 qu'on va avoir un
résultat. Pour beaucoup, c'est déjà trop loin. Je veux dire, à un moment donné,
il faut que ça arrête, là, il faut avoir un rapport, non?
M. Jolin-Barrette : Oui,
bien, en fait...
M. Dion (Mathieu) : Il
faut se donner des limites, là, tu sais, c'est plus ça.
M. Jolin-Barrette : Oui,
il faut se donner des limites, mais il faut aller au fond des choses rapidement
aussi, donc 2018, c'est assez loin. Dans notre esprit, on aurait pu faire
rapidement le travail de la commission d'enquête, entendre les témoins. On vise
deux cas particuliers, les commissaires vont sûrement élargir le processus,
l'évaluer.
Ceci étant dit, on donne déjà un an et
demi à la commission et on aurait pu y aller plus largement au niveau du libellé,
mais c'est surtout aussi... il faut laisser la liberté aux commissaires de
pouvoir mener l'enquête, de pouvoir soulever toutes les pierres qui ont à être
soulevées et non pas se limiter, ne pas dire : Écoutez, non, je ne
regarderai pas ça, ça ne rentre pas dans mon mandat. Tout ce qui touche les
interventions politiques avec le policier aurait dû se retrouver dans le
mandat.
Mme Johnson (Maya) :
Hello. Why don't you think that this commission has any teeth,
as you say? Or is it, you know, strong enough to really get to the bottom of
things?
M. Jolin-Barrette : You know, in the wording, we think that the
mandate of the commission
doesn't go enough to make his...
Mme Johnson (Maya) : It doesn't go far enough?
M. Jolin-Barrette : It doesn't go far enough for what they have to do. We really want a
mandate that can cover all the political influence on
the police force, on why they spy the journalists. And, with the wording that
we have, we don't think that the commissioners have the freedom to see
everything about that.
The other point, the
other thing is the fact that in... «dans le décret», you cannot make «un blâme»
on the actions of any person, and we do believe that the commission should have
that right. Like in the commission Charbonneau or in the Bastarache commission,
they had that right.
So, we think that's a
public-relation exercise by the Government about that commission because, you
know, the Opposition parties were not consulted on the wording of the mandate
of the commission and who will sit on that commission. And I think that, when
Premier Couillard said : Everybody is going to be consulted about that
commission, and his people didn't do that, you have a problem by the relation
that you have with people and with transparency because you cannot say
something in the Chamber and, after that, your act does not represent what you
say.
Mme Johnson (Maya) : And do you think 2018 is too long of a delay?
M. Jolin-Barrette : It's far. We would like to have it sooner, so in 2017. We know that
the commissioners have an organization to do and have a great team, but I think
we could make it shorter because that's a long time from here. And the other
fact is all the actions that were going on in the past have to be changed and
be put on the light the sooner as possible. Thank you.
(Fin à 15 h 42)