(Dix heures huit minutes)
La Modératrice
:
Bonjour à tous. Merci d'être là. Donc, M. Jean-François Roberge, député de Chambly
et porte-parole de la CAQ en matière d'éducation. Il est accompagné aujourd'hui
de trois mamans. Donc, on a Mme Woods, Mme Perreault et Mme Gingras. M. Roberge
va commencer à prendre la parole. Par la suite, mesdames vont prendre la
parole, M. Roberge va conclure, et on prendra vos questions par la suite. Donc,
si tout le monde est prêt, je laisse la parole à M. Roberge.
M. Roberge : Merci. Juste
avant de commencer, je veux remercier les trois mères qui ont fait la route jusqu'ici.
C'est un geste courageux, c'est un geste important. Vous allez l'entendre tout
à l'heure, ce n'est pas le premier qu'elles posent pour voler au secours de
leurs enfants ou pour dénoncer de manière très, très forte pour aussi en faire
bénéficier les enfants partout au Québec.
Le réseau des commissions scolaires n'a pas
que des problèmes, mais disons qu'il en a beaucoup. Problématiques en matière
de transport, de délais pour obtenir un diagnostic pour les enfants qui peuvent
éprouver des difficultés. Ensuite, pour obtenir des services adéquats, souvent,
c'est des listes d'attente sur des listes d'attente. On parle beaucoup de ce
qui se passe en santé, mais, en éducation, c'est pareil. Après ça, des fois, l'accès
aux classes spécialisées, mais ce matin, on va vous parler de l'intimidation.
Évidemment, les commissions scolaires ne
peuvent pas être responsables de chaque geste qui se passe dans chaque école,
mais la lutte à l'intimidation, c'est l'affaire de tous, et les commissions
scolaires ont une responsabilité très importante de garantir un milieu de vie
qui soit sain, sécuritaire, et quand il arrive des problèmes, parce qu'il peut
y en avoir, d'avoir un mécanisme d'appel qui soit rapide, efficace et en lequel
les gens peuvent avoir confiance.
Bien, ce n'est pas le cas en ce moment,
absolument pas. Le protecteur de l'élève, qui joue le rôle un peu d'un
mécanisme d'appel, est totalement inefficace. D'ailleurs, il est méconnu des
parents et ce n'est pas une grosse perte parce que ceux qui y font appel sont
très, très souvent déçus. J'ai de nombreux appels de partout au Québec de
parents qui sont déçus, et ça, c'est pour ceux qui y ont accès. Parce que
beaucoup ne le savent pas, mais le protecteur de l'élève ne s'occupe d'aucune
manière des jeunes qui sont dans le réseau privé. Donc, non seulement il est
inefficace dans le réseau public, mais il est inexistant dans le réseau privé.
Et les parents qui font le choix d'envoyer
leurs enfants dans une école privée ne font pas le choix de se priver d'un
recours, puis des enfants n'ont pas à payer pour ça. La plupart des écoles
privées font bien leur travail pour protéger les jeunes, interviennent
promptement, mais quand ce n'est pas le cas, que peuvent faire les parents? Pas
grand-chose.
Depuis plus d'un an que la Coalition
avenir Québec dénonce et propose. On a dénoncé l'an dernier ici, on était avec
M. Pettersen. Je me souviens, c'était très touchant, on a dénoncé le manque
d'efficacité du protecteur de l'élève. On l'a redénoncé au printemps et on a
proposé de transformer complètement le protecteur de l'élève qui, en ce moment,
est dépendant des commissions scolaires, inefficace, avec des délais de
traitement très, très longs. Nous, on veut un bureau de protecteur de l'élève
national avec des bureaux régionaux complètement indépendant des commissions
scolaires et qui prenne soin des jeunes dans leurs régions, peu importe qu'ils
soient dans une école privée ou publique.
En ce moment, dans les bureaux de
protecteur de l'élève, comme l'a dit le Protecteur du citoyen il n'y a pas très
longtemps, une plainte sur trois n'est pas traitée dans une année scolaire. Une
plainte sur trois n'est pas traitée dans une année scolaire. Ça montre la
lenteur. Et les protecteurs de l'élève sont carrément sous tutelle. Leurs
budgets même parfois sont détournés vers d'autres fins, et le mécanisme de
plainte en ce moment dans les commissions scolaires, extrait du rapport du
Protecteur du citoyen, ça ressemble à ça. Ça, c'est le parcours du combattant d'un
parent au public qui veut faire appel au protecteur de l'élève, peut-être parce
que son enfant est victime d'intimidation. Le bureau du protecteur de l'élève, il
est ici au milieu de ce cafouillis et il est inefficace. Il ne fait pas partie
de la solution, il fait partie du problème.
Donc, il faut changer ça. Il faut protéger
tous les jeunes du privé et du public. Je vais laisser maintenant Mme
Perreault, Mme Gingras, Mme Woods témoigner de leur parcours du combattant, de
ce qu'elles ont vécu, et je pense que vous allez en apprendre beaucoup ce
matin. Merci.
Mme Wood (Nancy)
: Bonjour,
tout le monde. Merci de venir nous écouter. Je dois vous dire, je suis un petit
peu nerveuse, mais je n'ai pas le choix de venir ici vous parler. On est ici,
trois mamans, parce que ça fait trois ans que l'on frappe à toutes les portes
afin que nos enfants reçoivent des excuses et qu'ils retrouvent confiance
envers les institutions.
Mon enfant a été victime d'intimidation
soutenue à l'académie des Sacrés-Coeurs. Nous avons dénoncé la situation et
l'école l'a reconnue. C'est en larmes que mon enfant exprimait des propos
suicidaires parce que l'intimidation n'a pas cessé. L'école a menti. Ils
disaient avoir informé les parents, mais les preuves démontraient le contraire.
Également, l'école a admis par écrit avoir fait une erreur d'honorer
publiquement un des intimidateurs de mon enfant lors d'une cérémonie de fin de
primaire.
Mon enfant a demandé des excuses sincères,
et la seule option de la directrice était de faire une rencontre seul à seul
dans le parc pour qu'elle lui offre ses excuses personnelles. La police m'a
recommandé de ne pas le faire. J'ai donc porté plainte au MELS, et, malgré les
preuves et les reconnaissances de tort du C.A. et de la direction, le MELS a
émis un constat de conformité à l'école.
Mme Perreault (Véronique)
:
De notre côté, c'est la même chose qui s'est passée. Donc, ma fille a été
victime d'intimidation pendant de nombreuses années. En fait, c'était rendu un
rite d'initiation dans les gangs de l'intimider. Il y avait un tourmenteur qui
était particulièrement violent à son endroit. Du moment qu'on l'a su, on en a
informé l'école. Ce n'est pas l'école qui nous en a informé, c'est des parents,
des parents qui nous ont dit : Ma fille est revenue en pleurant à la
maison en raison des coups que ta fille reçoit dans le cours d'éducation
physique. Elle a entendu son dos faire crac. Elle est tannée de la voir
recevoir des souliers dans le dos puis des coups de dictionnaire sur la tête.
C'est quand les parents nous informent de
choses comme ça, on l'apprend le lendemain puis que notre fille, elle, elle
avait tellement intériorisé cette situation-là qu'elle se disait : C'est
normal. Moi, je m'en vais à l'école puis c'est normal de recevoir des coups.
C'est normal que je sois obligée de me réfugier sur le bord de la poubelle dans
la cour de récréation parce que c'est le seul endroit où on va me laisser
tranquille. C'est normal que je me retrouve dans le local de soutien, que j'aie
des privilèges comme ça, d'être exclue des autres élèves, parce que c'est le
seul endroit où je suis en sécurité.
Donc, ma fille de 10 ans avait intériorisé
ça, et, du moment que je l'ai su, j'en ai parlé à la direction de l'école, une
réception très décevante de la direction, qui n'était pas au courant de ce qui
se passait et, du moment qu'on a demandé des interventions, c'était
négligeable, ce qu'ils avaient fait, les dossiers n'étaient pas montés. On a
demandé à être en contact avec les parents, les parents ont refusé. Donc, non
seulement on a eu un désengagement de la part de l'école, à prendre en charge
cette situation-là, mais, en plus, les parents étaient complètement désinvestis
eux aussi de leur côté.
Il y a bien eu un plan de lutte... un plan
d'intervention qui a été mis en place par l'école la session suivante. Le
garçon en question n'avait plus le droit d'approcher ma fille, mais, en fait,
il s'est mis à influencer d'autres personnes à la tourmenter. Donc, ça s'est
poursuivi pendant trois ans. Ma fille a eu des idées suicidaires. Je me suis
retrouvée à l'urgence psychiatrique de l'Hôpital Sainte‑Justine. Quand je suis
allée la chercher à l'école, le dos voûté, les cheveux dans le visage, vidée de
sa vivacité, ce n'était pas ma fille, ça.
Maintenant qu'elle a changé d'école, c'est
complètement différent, mais lorsqu'on a demandé au conseil d'administration...
parce qu'on a fait les mêmes démarches. Les trois mamans, on s'est adressées au
MELS, on s'est adressées au conseil d'administration de l'école. Tout le monde
s'est renvoyé la balle, et il y a un moment où on s'est retrouvées devant la
directrice de l'école, que ma fille, avec tout son courage de 10 ans, est allée
demander des excuses et, du bout des lèvres, tout ce qu'on a été capables de
recevoir, bien, c'est rien, pas d'excuses du tout.
Donc, au-delà de ça, c'était même pire,
c'est un mépris envers nos enfants, envers les parents. Ça a été une belle
séance de patinage de la part de la directrice générale de l'établissement pour
tourner autour du pot puis surtout ne pas admettre leurs torts, parce qu'ils
savaient que, ce faisant, ils allaient porter flanc des accusations. Alors là,
on a décidé d'aller plus loin, puis je vais laisser Christine poursuivre dans
les autres démarches qui sont en cours.
Mme Gingras (Christine) :
Donc, ce qu'on a fait... Moi, la même chose, j'ai une jeune fille qui avait
huit ans, neuf ans, 10 ans, 11 ans, qui a été victime d'intimidation à la même
école, et on a dénoncé, dénoncé, rien ne changeait. Le plan d'intervention
était désuet, pas adéquat par rapport à la dynamique, le niveau de la
dynamique, là, de l'intimidation que ça avait pris. Et j'ai fait une plainte au
MELS, et, même constat, le MELS nous écrivait que l'école n'avait pas enfreint
la Loi de l'enseignement privé.
Sous le choc, on est quatre mamans
qui avons vécu la même chose, on a demandé des explications, et c'est là qu'on
a reçu des courriels, courriels que je peux mettre à votre disponibilité. C'est
des écrits du ministère de l'Éducation qui nous dit qu'ils n'ont pas le pouvoir
d'enquête, ils n'ont pas de pouvoir d'évaluer la qualité des mesures. Et eux, par
contre, ce qu'ils font, c'est qu'ils vérifient s'il y a un document sur lequel
est mentionné «plan de lutte», mais ils n'ont pas le droit de poser… ils n'ont
pas de pouvoir pour poser un jugement sur la qualité des mesures. Ils voient seulement
si les mesures qui y sont inscrites ont été appliquées. Mais ça, là, ça n'a
rien à voir avec les cas d'intimidation de nos enfants. Chaque cas est unique,
chaque cas demande des mesures spécifiques ou demande des interventions qui
sont tout le temps du même registre. Mais ces genres de plans d'intervention
là, on a eu beau en faire produire, on a eu beau les présenter au ministère de
l'Éducation, ils nous répondaient : On ne peut pas poser un jugement sur
la qualité.
Donc, on se retrouve que l'école reçoit
encore un constat de conformité malgré toutes nos preuves, malgré les
témoignages qu'on a, malgré tout ce qu'on a. Et aujourd'hui, bien, c'est ça qu'on
dénonce. C'est que suite à ça, à cette faille qu'il y a dans la Loi sur
l'enseignement privé, on s'est aperçu que ce n'était pas les victimes
d'intimidation qui étaient au cœur de ces articles-là, et on se retrouve avec
des constats de conformité émis par le ministère de l'Éducation qui nous
bloquent dans nos démarches, que ce soit des démarches individuelles ou par les
spécialistes, ou à la Commission des droits de la personne. Ça nous bloque
parce que ça mentionne : L'école n'a pas enfreint la Loi de
l'enseignement privé.
Donc, on a demandé à plusieurs reprises au
ministre Proulx de… le mot m'échappe, là, de…
Une voix
: …
Mme Gingras (Christine) :
…invalider leurs constats de conformité, parce que ce ne sont pas des constats
de conformité, afin de poursuivre nos démarches.
Et ce qu'on peut déduire, c'est qu'on se
demande : Est-ce que les conseils d'administration des écoles privées ne
se retrouveraient pas, par conséquent, au-dessus de la Loi de l'enseignement
privé? Parce qu'on a des écrits qui nous renvoient la balle : Bien,
demandez à votre conseil d'administration. Même s'ils ont reconnu l'erreur de
la nomination de l'intimidateur de l'enfant de Mme Wood, le ministère de
l'Éducation ne peut rien faire. Donc, c'est leur libre arbitre, là, c'est eux
qui décident, sur une base volontaire ou non, de faire quelque chose. Bien, nos
enfants n'ont reçu aucune excuse, aucune réparation. Donc, ils n'ont rien fait.
Puis c'est pour ça qu'on demande
aujourd'hui l'appel, votre aide pour que le ministre Proulx réponde à notre
demande, qu'il invalide ces constats-là, qu'ultimement nos démarches à la
Commission des droits de la personne... la discrimination soit reconnue, que
l'école isolait tous nos enfants dans le local de soutien pour ne pas qu'ils
aillent dans la cour de récréation quand la violence devenait trop forte.
Et puis comme dernier point, idéalement,
bien, avec la montée de la sensibilité, je pense, là, que la société est en
train de prendre sur l'importance de protéger les victimes de l'intimidation,
bien, on tend la main à l'école pour qu'enfin l'école puisse venir vers nos
enfants pour s'excuser, parce que nos enfants ont perdu confiance dans les
adultes puis dans les institutions. Ils ont été non seulement victimes
d'intimidation, rejetés par l'école, rejetés après ça par le gouvernement.
Ça fait beaucoup pour des petits enfants,
puis c'est à nous de leur expliquer après ça, quand ils pleurent puis quand ils
disent : Mais pourquoi?, puis : Maman, ne dénonce plus
l'intimidation, regarde ce qui arrive, alors que le gouvernement se vante de
dire... fait des campagnes pour dire : Allez dénoncer, allez dénoncer, et
les témoins, allez dénoncer, allez dénoncer. Bien, nous, on est la preuve
vivante qu'on a dénoncé, et ça fait trois ans qu'on le fait, et il n'y a rien
qui a bougé. Nos enfants n'ont pas d'excuses. Ils ne comprennent pas ce qui
leur est arrivé.
Donc, c'est le but de notre présence ici
et qu'au minimum le protecteur de l'élève, bien qu'il soit imparfait, mais avec
les propositions que M. Roberge a faites, que les 107 000 élèves de
l'école privée puissent bénéficier d'un traitement de plaintes qui serait
valide, qui regarderait la qualité des mesures, qui regarderait si les plans
sont effectivement appliqués. Ce serait la moindre des choses, selon nous, que
tous les enfants du Québec bénéficient de ça, parce que là, ce n'est pas vrai
que ceux de l'école privée en bénéficient. On n'a pas recours à ça.
Et aussi, pour terminer, si le gouvernement
ne bouge pas, il y a présentement une enquête par le Protecteur du citoyen pour
évaluer comment ça se fait qu'il y a ces procédures-là qui existent et toutes
nos situations puis qu'on s'est fait répondre toutes ces explications-là par le
ministère de l'Éducation.
Mme Wood (Nancy)
: Une
dernière question : Comme société, là...
Une voix
: ...
Mme Wood (Nancy)
: Excusez-moi.
Comme société, la question que je me pose, c'est : On attend combien de
suicides d'enfants qui ont des troubles de comportement avant qu'on fasse un
changement? Il est temps, là, il faut faire un changement. Merci.
La Modératrice
: Peut-être
une petite conclusion.
M. Roberge : Très, très, très brièvement.
Si, comme société, on n'est pas capable de protéger nos enfants, c'est parce
qu'on a échoué quelque part. Vous l'avez entendu, des coups, des menaces, des
violences psychologiques, et l'isolement comme une mesure de réparation, c'est totalement
inacceptable. Il faut cesser de délivrer aux écoles privées des certificats de
conformité si on n'est pas certains que les plans d'intervention soient
appliqués puis il faut évidemment les protéger avec un mécanisme d'appel.
Donc, ce sont nos revendications ce matin
puis on est très contents de pouvoir être la voix des parents puis surtout
celle des enfants.
La Modératrice
: Merci.
On va passer à la période de questions en commençant par Patricia Cloutier, Le Soleil.
Mme Cloutier (Patricia) : Oui.
Moi, je voudrais demander aux mamans, une des trois : Est-ce que vous
pensez que la solution que la CAQ propose, dans le fond, d'avoir un protecteur
de l'élève qui est différent, est-ce que c'est la seule solution à proposer?
Qu'est-ce que ça prendrait finalement pour que vos enfants obtiennent
réparation?
Mme Gingras (Christine) : Je
pense, ça prend deux choses. La première étape, c'est que ce soit un traitement
des plaintes valable, un vrai traitement des plaintes, pas ce qui existe en ce
moment-là, qui est bidon, au ministère de l'Éducation, parce qu'ils regardent
juste : C'est-u un document qui est écrit le nom, là? Donc, un vrai traitement
de la plainte qui va regarder la qualité des mesures, qui va regarder si c'est
appliqué. Ça, un vrai protecteur de l'élève comme le décrit M. Roberge, ça
répondrait à ces besoins-là.
Par contre, par la suite, il est très important
de prévoir un mécanisme que, si la conclusion de la plainte, c'est qu'il y a eu
un problème, bien, il faut tout de suite prévoir qu'est-ce qu'on va faire.
Est-ce que l'école va recevoir une amende comme on fait dans les compagnies qui
déversent du mazout dans des rivières puis qu'on protège les poissons dans les
rivières? Bon, bien là, est-ce qu'on peut protéger les enfants quand les plans
ou la situation d'intimidation n'a pas été adressée? Est-ce qu'on peut prévoir
un mécanisme de sanction, un mécanisme de réparation pour les enfants?
Donc, moi, je vois les deux choses, là. Il
faut qu'il y ait un traitement des plaintes puis il faut qu'il y ait une
conséquence. Il faut prévoir une suite à ça, là.
Mme Cloutier (Patricia) : M.
Roberge, je m'excuse, je reviens à vous. Je voudrais savoir comment vous prenez
ça, le fait... Vous l'avez demandé, vous avez déposé votre projet de loi l'an
dernier sur un protecteur de l'élève. Comment vous expliquez le fait... Puis M.
Proulx avait dit qu'il allait s'en occuper. Comment vous expliquez le fait qu'il
n'y a rien qui a bougé?
M. Roberge : Honnêtement, je
ne me l'explique pas. On ne peut pas avoir un dossier plus touchant, plus
humain que des enfants qui sont victimes d'intimidation. On le voit bien, les
conséquences sont très, très graves. Un enfant qui pleure, un enfant en
détresse psychologique, ça ne se justifie d'aucune manière.
M. Proulx a dit qu'il allait bouger comme
il le dit très souvent. Là, ça serait vraiment le temps de bouger. Mais honnêtement,
à ce moment-ci, le projet de loi devrait être adopté. Là, de savoir que peut-être
quelque chose sera déposé... Est-ce que ce sera voté avant la prochaine
élection? Tu sais, on ne devrait pas faire de politique là-dessus. Sincèrement,
là, c'est quelque chose qu'on peut régler tout le monde ensemble rapidement.
La Modératrice
: Merci.
Kathryne Lamontagne, Le Journal de Québec.
Mme Lamontagne (Kathryne) : À
quoi vous vous attendez justement de la part du ministre Proulx là-dessus?
M. Roberge : Qu'il se
réveille, qu'il arrête de nous dire qu'il va agir puis qu'il agisse. Ce n'est
pas suffisant de dire qu'il écoute, qu'il comprend, qu'il a l'intention d'agir.
Je veux dire, j'espère qu'il y a un projet de loi qui est en rédaction en ce
moment. J'espère qu'il va être déposé d'ici vendredi pour qu'on puisse le
travailler et l'adopter rapidement parce que chaque jour, en ce moment, il y a
des jeunes qui vivent toutes sortes de problèmes, de l'intimidation, mais
d'autres problèmes aussi, puis on ne peut pas les laisser tomber.
Mme Lamontagne (Kathryne) :
Qu'est-ce que vous avez comme son cloche en ce moment du côté du gouvernement
sur cette question-là?
M. Roberge : Ça arrive à
peu près une fois par mois, il nous dit que ça s'en vient et qu'il va changer
les choses. Donc, il doit le faire, un, rapidement et vite et bien parce que,
s'il nous dépose une petite modification de pacotille, ça ne sera pas
suffisant.
Puis il doit absolument inclure les élèves
du privé aussi. Ça, c'est très important. C'est très important, puis, je le
répète, je ne suis pas en train de dire que toutes les écoles privées ne prennent
pas soin de leurs jeunes puis que partout il y a des jeunes qui sont intimidés
puis qui ne sont pas aidés. Ce n'est pas ça ce que je dis. Mais partout ils
doivent être protégés puis ils doivent avoir accès à un mécanisme d'appel.
Donc, ça doit absolument être là. Il faut que ça soit indépendant des
commissions scolaires. Il faut que ça couvre le privé. Il faut que ça soit
rapide, simple, efficace.
Mme Lamontagne (Kathryne) : Et
juste pour terminer, vous êtes confiant, là, qu'un protecteur l'élève va
permettre, là, d'éviter ce genre de situation que vous traînez depuis déjà
plusieurs années?
M. Roberge : Je répète
que ce n'est pas la solution à tous les maux. Ça fait partie de la solution. Il
n'y a pas que ça, mais je peux laisser les parents compléter.
La Modératrice
:
Mme Perreault.
Mme Perreault (Véronique) :
Comme l'a dit Mme Gingras et M. Roberge, oui, il y a des sanctions qui
sont nécessaires puis il y a également un mécanisme de réparation ensuite qui
est nécessaire. Mais au-delà de tout ça, puis ça fait écho à ce qui se passe
dans l'actualité en ce moment, il y a un changement culturel qui est nécessaire
aussi. Récemment, on parlait de la culture du viol avec les déclarations qu'il
y a eu depuis la Californie, toute l'affaire Weinstein. Il y a eu une
déclaration de tout ce qui se passe en termes de harcèlement sexuel, de
harcèlement psychologique, l'intimidation. Ça revient régulièrement dans les
médias, ne serait-ce qu'avec le suicide de Simon, le jeune de 15 ans qui s'est
lancé devant le train à Saint-Bruno. La culture de l'intimidation dans les
écoles, les vices de gouvernance, c'est ce qu'ils permettent de réaliser. Donc,
lorsqu'on a un conseil d'administration qui se désengage, un gouvernement qui
se désengage puis également des directions d'école qui se désengagent, on
arrive dans ce constat-là.
Et dernièrement, ce qu'on a reçu de
l'école, c'est une lettre qui s'adresse aux parents des élèves du troisième
cycle. Dans cette lettre-là, que je pourrai vous remettre si vous voulez, on
écrit : «Nous remarquons que dernièrement plusieurs élèves perdent leurs
moyens en groupe. Ils manquent de respect entre eux, manquent de respect dans
leur environnement, manquent de respect envers les adultes qui interviennent
auprès d'eux. Plusieurs élèves n'échangent pas adéquatement entre eux.
Lorsqu'un adulte intervient en classe, au service de garde, ils n'acceptent pas
l'intervention en banalisant leurs paroles et leurs gestes.»
J'ai cette lettre-là car mon garçon est
encore à cette école-là. Vous vous demandez peut-être pourquoi mon garçon est
encore là, bien, parce qu'il serait temps que ce soit les intimidateurs et les
parents des intimidateurs qui soient concernés, qui soient responsables de
changer la situation et qu'on arrête que ce soient toujours les victimes qui
soient obligées de plier pavillon et de s'en aller.
Et la belle réponse qu'on a reçue du
directeur de l'école, c'est que c'est un problème de génération. Est-ce vraiment
un problème de génération ou c'est un problème de culture au sein de cette
école-là, qui a toujours laissé aller, pendant des années, et qui nous dit que,
récemment, il y a des problèmes dans l'école : Ah oui, récemment. Ça fait
trois ans que nos plaintes sont à la Commission des droits de la personne.
Alors, ce qu'on décrit ici, c'est un problème culturel puis il va être... C'est
le moment des cesser les faux-fuyants et de s'envelopper dans des belles valeurs.
On parle ici d'une école qui est membre du
programme de l'UNESCO, donc ils font la promotion des belles valeurs, de la citoyenneté,
de la bienveillance, mais ils ne sont pas capables de s'assurer qu'il y a une
bienveillance comme ça au sein des murs de leur école.
La Modératrice
: Merci.
Hugo Pilon-Larose, LaPresse.
M. Pilon-Larose (Hugo) : M.
Roberge, vous dites que le protecteur de l'élève est complètement inefficace en
ce moment. Vous vous basez sur quoi pour dire ça? Parce que que les cas
dramatiques quand même que vous nous soulevez aujourd'hui, ce sont des... c'est
arrivé dans une école privée, donc où ce protecteur de l'élève là n'agit pas.
Donc, sur quoi vous vous basez pour avoir cette opinion-là?
M. Roberge : Je le répète, ce
n'est pas une question de dire que les écoles privées font un mauvais travail à
la grandeur du Québec. Je n'ai pas dit ça puis je ne le dirai pas. L'an
dernier, à peu près à la même date, on était avec M. Pettersen — je
salue son courage — qui était venu ici témoigner parce que sa jeune
fille s'était suicidée et elle était dans le réseau public.
Puis, encore une fois, je ne prétends pas
que le protecteur de l'élève va sauver tout le monde partout tout le temps,
mais je peux vous dire que, dans mon bureau de Chambly, je reçois, à toutes les
semaines, il n'y a pas d'exception, à toutes les semaines, des appels de parents
à la grandeur du Québec qui ne savent plus à quel saint se vouer et qui sont
déçus des rapports, des réponses ou des non-réponses qu'ils ont reçues des
protecteurs de l'élève. Je peux vous le dire, ça, là, ça, c'est systémique.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Est-ce que vous avez évalué combien ça coûterait, établir un protecteur de
l'élève national et des bureaux régionaux, là?
M. Roberge : Nous, on est convaincus
que c'est une opération qui se fait à coût nul. C'est de l'argent, en ce
moment, qui est mal investi dans un réseau qui est inefficace, avec des gens
qui ne sont pas imputables. L'imputabilité, ça ne vient pas avec une facture,
la bonne gouvernance non plus. On est convaincus qu'en réaffectant ces sommes
d'une manière différente, on peut le faire à coût nul.
La Modératrice
: Merci.
Mathieu Boivin, Cogeco.
M. Boivin (Mathieu) : M.
Roberge, proposez-vous des sanctions concrètes pour les enfants intimidateurs?
M. Roberge : Non. Ça, ça
relève vraiment de chaque direction d'école, ultimement, même de commissions
scolaires dans le réseau public. Je ne pense pas qu'on va faire un code pénal
puis, au gouvernement... Je ne pense pas que c'est au gouvernement, ou au
ministre, ou dans un projet de loi de prévoir des sanctions comme, supposons,
un code criminel ou code de la route.
Il ne faut pas oublier qu'on est dans un
milieu éducatif, mais il faut par contre que les dirigeants soient imputables
des décisions qu'ils prennent. Il faut qu'il y ait un mécanisme d'appel quand
les parents ne sont pas satisfaits. Il faut qu'il y ait justice et apparence de
justice, mais on doit aller au cas par cas. Quand on parle des enfants de huit
ans, 12 ans, 15 ans, je ne pense pas que ce serait bien avisé, là, d'avoir un
mécanisme de sanction décidé ici, à Québec, pour ce qui va se passer dans
toutes les écoles du Québec.
M. Boivin (Mathieu) : Est-ce
qu'il est possible que le phénomène de l'intimidation soit difficile à
éradiquer, justement, parce que les intimidateurs n'ont pas vraiment peur de
conséquences, quelles qu'elles soient?
M. Roberge : Écoutez, c'est
possible, mais chaque cas est différent, je le répète encore. Pour un
intimidateur, peut-être que la sanction est importante, pour un autre, il y a
peut-être besoin de services d'accompagnement psychosocial, sans jamais oublier
la victime. On doit prendre soin de la victime en premier lieu, et je dirais,
une ligne directrice, sans en faire une loi… si quelqu'un doit changer d'école,
pour moi, c'est clair que ce n'est pas à l'intimidé de changer d'école, c'est à
l'intimidateur.
La Modératrice
: Mme
Gingras.
Mme Gingras (Christine) :
Merci. Ce que je pourrais parler, là, pour cette question-là… Il y a M.
Leclerc, qui est président de l'ordre des psychoéducateurs du Québec, qui
justement mentionnait, puis c'est ce que je voudrais vous montrer, là,
mentionnait, dans son mémoire qu'il a présenté dans le forum contre
l'intimidation, que c'était très important que les personnes qui gèrent
l'intimidation, là, ce soit des personnes habilitées à le faire. Et nous, quand
on avait eu la problématique, là, de notre enfant, bien, on avait vu le plan
qui avait été produit par l'école, qui tenait sur deux, trois pages, avec des
mesures désuètes, passées date, qui n'atteignaient pas l'objectif. C'était des
bons voeux pieux.
Et quand on a fait affaire… Parce que
l'école nous demandait de produire un document qui exprimait nos moyens et
suggestions à mettre en place, parce qu'on disait : La violence augmente
tout le temps. Donc, ils nous ont écrit un courriel nous demandant de produire
un document. Moi, je n'ai pas cette formation-là, donc j'ai engagé une
psychoéducatrice spécialisée en intimidation. Elle nous a produit un plan.
Bien, un cas d'intimidation comme celui de ma fille, ça se règle en huit
semaines. Et c'est très bien structuré, il y a des mesures à faire tout de
suite, à moyen terme puis à long terme. Puis ces enfants-là sont aussi jeunes
que les intimidés, là. Les intimidateurs ont besoin d'être éduqués là-dedans.
Mais il y a des mesures qui montrent aux deux enfants ou au groupe
d'intimidateurs à cheminer, puis il y a des interventions à faire.
M. Boivin (Mathieu) : Juste
pour parler clairement, c'est parce que vous proposez un protecteur national
qui viendrait remplacer un protecteur au cas par cas dans les… Au bout du
compte, si les intimidateurs ne se sentent pas… pas menacés, je sais qu'on
parle d'enfants, mais n'ont pas l'impression qu'il va y avoir des véritables
conséquences, on va juste changer une structure pour une autre, là.
Mme Gingras (Christine) : Non,
non, il y en a, des conséquences. Non, non, il y en a, des conséquences. C'est
gradué dans les plans, première offense, deuxième offense, troisième offense,
lettre aux parents. Non, c'est très bien structuré, ça. C'est parce qu'elles
n'étaient pas appliquées.
Nous, ce qu'on a vécu, l'école ne nous
appelait même pas pour nous parler des actes d'intimidation. Ils ne parlaient
pas plus aux parents des intimidateurs, là. C'est parce que ce n'était pas
appliqué. Ils ne sont redevables de rien.
M. Boivin (Mathieu) : Donc,
ça prend un guichet unique pour dire : J'appelle là, puis eux vont faire
le suivi.
Mme Gingras (Christine) : Il y
a un suivi. C'est sûr que... C'est ça que M. Leclerc de l'OPPQ, mentionnait, c'est
qu'il faut que ce soit des personnes qualifiées, des personnes qui ont une
expertise pour le faire. Puis, oui, ce n'est pas ésotérique, là, gérer
l'intimidation. Résoudre une situation, une dynamique compliquée comme celle
que ma fille vivait, c'est huit semaines. Ça se règle. Il faut arrêter de
penser qu'il n'y en a pas des solutions. Moi, je les ai, si vous voulez, là,
les voir ces plans-là, vous allez voir, c'est concret, mais il faut
l'appliquer.
M. Boivin (Mathieu) : Il n'y
a personne qui est responsable de l'appliquer actuellement. C'est ça le
problème.
Mme Gingras (Christine) :
Bien, en ce moment, il n'y a personne. Il n'y a personne qui a intérêt, tu
sais, qui est impliqué, qui est redevable devant la loi de la qualité des
mesures et de son application. C'est ça, la situation actuelle, puis moi, ça
fait trois ans, ça fait trois ans qu'on a cogné à toutes les portes, puis on
arrive vraiment à ce constat-là.
M. Boivin (Mathieu) : Le
protecteur, lui, il serait imputable.
Mme Gingras (Christine) : Bien
oui, certainement. Un vrai protecteur de l'élève, qui fait une vraie enquête
avec un droit de faire... justement d'évaluer la qualité des mesures, de voir
si c'est appliqué, avec un constat, et ce constat-là aurait force de loi, là. Il
faudrait que ce soit mis en place.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Juste une petite précision ici, Patricia Cloutier, Le Soleil.
Mme Cloutier (Patricia) : Une
petite précision, M. Roberge. J'aimerais savoir : Est-ce que vous êtes d'accord
avec ce que les dames proposaient, qu'il y ait des amendes ou qu'il y ait des
sanctions, que ce ne soit pas l'intimidateur qui soit sanctionné, mais les
adultes dans l'école qui fassent perdurer cette situation de fait? Est-ce que
vous êtes d'accord qu'on sanctionne les écoles ou les commissions scolaires?
M. Roberge : Je n'en suis pas
là. Je vais vous dire, je n'en suis pas là. Moi, ce que je demande, c'est que
le ministère fasse son travail. En ce moment, il émet des certificats de
conformité pour des plans de lutte à l'intimidation qui ne sont pas appliqués.
Et c'est le cas... exactement dans les cas dont les mamans ont dit. Peut-être
que c'est appliqué depuis, mais, au moment où ça a été appliqué, il n'y avait
aucune vérification.
Je pense que le ministère peut s'assurer
que, pour répondre à la loi, il ne faut pas simplement avoir un plan, il faut
l'appliquer. Ensuite, s'il est mal appliqué, je veux que les parents
puissent... normalement, on fait appel aux enseignants, à la direction. Mais,
quand ça ne fonctionne pas, au privé, ils doivent avoir accès au protecteur de
l'élève qui va arriver avec un regard neuf et qui va avoir un pouvoir
d'influence très, très, très important. Je ne me positionnerai pas ce matin
pour des sanctions financières.
Mme Gingras (Christine) :
Est-ce que je peux...
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Ah! oui, oui, oui.
Mme Gingras (Christine) :
...précision pour ça? Juste pour le remettre dans le contexte, je faisais
l'analogie avec une compagnie qui déverse du mazout, eux autres, ils vont en
avoir des sanctions puis ils vont réparer le dégât écologique qu'ils ont fait.
Moi, c'est un petit peu l'image que j'ai.
Pourquoi ce n'est pas la même chose? Je ne
précise pas les sanctions ou quoi que ce soit, mais pourquoi faire attention
aux poissons dans la rivière... Je conçois que c'est important, mais nos enfants,
ça l'est tout autant, là.
Des voix
: Merci.
(Fin à 10 h 39)