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Point de presse de M. Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin, et M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le lundi 5 février 2018, 14 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Quatorze heures trente-six minutes)

M. Nadeau-Dubois : Bonjour, tout le monde. Merci d'être ici. Vous le savez, tout le monde le sait au Québec qu'il ne reste plus qu'une seule session parlementaire avant la prochaine élection. Plus que jamais, c'est l'occasion, pour les électrices, les électeurs du Québec de connaître où logent les quatre partis sur des enjeux fondamentaux pour l'avenir du Québec.

L'objectif de Québec solidaire dans ce portrait-là, il est clair, c'est changer le Québec pour vrai, changer le système dans lequel on vit. Et, pour changer le système, pas juste en surface, il faut du courage politique. À Québec solidaire, on a ce courage-là même si ça a parfois comme conséquence de bousculer certaines idées reçues, même si ça a comme conséquence parfois de bousculer des personnes qui détiennent certains privilèges au Québec.

Et justement parce que les élections approchent, tous les partis politiques commencent à faire des promesses, notamment en éducation. Après avoir coupé pendant quatre ans dans les écoles publiques, même les libéraux, aujourd'hui, promettent de réinvestir dans le réseau public d'éducation. En fait, tous les partis politiques, actuellement, promettent de réinvestir en éducation. Réinvestir en éducation, c'est un peu devenu comme la tarte aux pommes, il n'y a personne qui peut être contre.

Mais ce que personne n'ose faire, par contre, c'est de s'attaquer à une injustice qui est au coeur de notre système d'éducation, à une inéquité qui rend notre système d'éducation dysfonctionnel au Québec, c'est-à-dire le financement public des écoles privées. Au fil des années, cette question-là est devenue une véritable vache sacrée au Québec. Il n'y a aucun parti politique qui a le courage d'affronter cette injustice, d'ailleurs souvent par peur de déplaire à une certaine clientèle électorale.

Pourtant, il y a un sondage qui a paru la semaine dernière qui a démontré qu'une majorité de Québécois sont d'accord avec la position de Québec solidaire. Selon, donc, ce sondage, c'est trois Québécois sur quatre qui souhaitent qu'on mette fin au financement public des écoles privées. Pourquoi? Parce que les gens s'en rendent compte, le système actuel nous enligne droit dans un mur. Il faut absolument cesser de financer les écoles privées avec l'argent des contribuables du Québec.

La proposition que fait Québec solidaire, elle n'est pas nouvelle, c'est une proposition que nous portons depuis plusieurs années, mais aujourd'hui on veut relancer le débat et on le fait en proposant un plan concret qu'on va mettre en place, qu'on va, disons, dévoiler aujourd'hui, mais qu'on va marteler tout au long de la prochaine session parlementaire. On lance également aujourd'hui en parallèle une campagne de mobilisation citoyenne sur notre plateforme Mouvement afin que le plus possible de gens se joignent à nous pour dénoncer le système actuel, qui est un système inéquitable.

C'est quoi, le problème? Bien, le problème, c'est qu'à l'heure actuelle tout le monde au Québec finance un système d'éducation parallèle qui profite en fait à une minorité d'enfants seulement. Autrement dit, tous les parents paient, via leurs impôts, des subventions à des écoles privées dont la majorité n'a pas les moyens d'y envoyer leurs enfants.

Bref, tout le monde paie au Québec pour les écoles privées, mais seulement 12 % des enfants les fréquentent. Pendant ce temps-là, les écoles publiques se retrouvent avec tous les problèmes et moins de moyens pour y faire face. C'est un système qui ne fonctionne pas. Le Québec est d'ailleurs une anomalie en Amérique du Nord à cet égard-là, et aujourd'hui on propose un plan concret pour mettre fin à ce système inéquitable. Notre objectif, c'est que tous les enfants du Québec aient accès à la meilleure éducation possible.

Le plan qu'on propose aujourd'hui, c'est donc un plan de transition, un plan qui se déroulerait en quatre ans, pour mettre fin à ce système de financement public des écoles privées. Notre objectif, c'est de procéder, je dirais, à une transition ordonnée et planifiée vers un nouveau système d'éducation réellement équitable pour les enfants du Québec. D'abord, dans une première année, on propose la mise sur pied d'un bureau de transition, au ministère de l'Éducation, dont la mission serait de planifier la transition et d'informer les parents.

Débuterait ainsi une période de transition de trois ans, période durant laquelle les établissements privés seraient invités à intégrer le réseau public. Et, s'ils choisissent de le faire, il y aurait donc une négociation entre les établissements privés et ce bureau de transition pour s'assurer du transfert des élèves, mais aussi du personnel du réseau privé vers le réseau public. Les écoles privées qui, elles, refuseraient de s'intégrer au réseau public auraient ces trois ans, cette période de trois ans pour se doter d'un modèle d'affaires leur permettant d'opérer sans subventions, sans argent public.

À la quatrième année de ce plan, les subventions publiques aux écoles, privées, donc, s'interrompraient, et le nouveau système serait mis en place. Selon nos estimations qui sont basées sur les multiples études qui ont été faites sur le sujet, on juge qu'environ 50 % des élèves du privé, donc environ 60 000 élèves, intégreraient, avec ce plan-là, le réseau public. Le reste des élèves demeurerait, donc, dans des écoles privées, mais réellement privées, donc des établissements privés non subventionnés.

Selon nous, ce plan permettrait une économie d'environ 100 millions de dollars par année. Cet argent-là, bien sûr, serait réinvesti dans le réseau public, en y ajoutant un réinvestissement supplémentaire, bien sûr, parce que nos écoles publiques ont besoin d'argent et elles ont besoin de bien plus que ce seul 100 millions de dollars qui proviendrait du plan de transition de Québec solidaire.

Donc, au net, ce serait une économie d'argent pour les contribuables du Québec, 100 millions de dollars d'économie. Mais la véritable raison, la véritable motivation derrière ce plan-là, ce n'est pas pour sauver de l'argent, c'est pour mettre fin à une injustice qui est au coeur de notre système d'éducation et qui fait en sorte que notre système, malheureusement, ne favorise plus l'égalité des chances. Notre système d'éducation, en 2018, reproduit les inégalités sociales plus qu'il les amoindrit, et, pour nous, à Québec solidaire, c'est inacceptable.

Alors, on invite la population à se mobiliser avec nous dès aujourd'hui. Donc, sur notre plateforme Mouvement, va se mettre en branle une campagne de mobilisation citoyenne pour qu'on relance ce débat qu'il faut faire au Québec, qu'on ne peut plus éviter puis pour forcer les autres partis politiques, bien sûr, à se positionner sur cette question-là. Merci beaucoup.

Le Modérateur : On va passer à la période de questions. Patrick Bellerose, Journal de Québec.

M. Bellerose (Patrick) : Bonjour à tous les deux. M. Nadeau-Dubois, comment est-ce que votre proposition peut entraîner des économies de 100 millions? J'avais plutôt l'impression que les parents financent une partie de l'éducation de leurs enfants au privé.

M. Nadeau-Dubois : La donnée clé ici, c'est le 50 %. C'est-à-dire que, selon les études qui ont été faites sur le sujet, on peut prévoir qu'à peu près la moitié des enfants qui fréquentent aujourd'hui le privé se transférerait vers le réseau public. Il y en a donc une moitié qui resterait dans le privé, mais dont les familles financeraient complètement l'éducation. Donc, on financerait plus d'enfants dans le public, sauf qu'on n'en subventionnerait plus aucun dans le privé. Donc, au net, on parle d'une économie d'environ 100 millions de dollars par année; 98 millions, pour être exact.

M. Bellerose (Patrick) : Et vous avez parlé de 50 % d'élèves qui passeraient vers le public. Selon vous, ça donne combien d'écoles, environ, privées qui fermeraient ou qui devraient se réorienter vers le public?

M. Nadeau-Dubois : À l'heure actuelle, il y a 179 écoles privées subventionnées au Québec. Donc, on parle de 50 %, la moitié des élèves, donc la moitié des écoles à peu près transférerait vers le réseau public. Ça, c'est du personnel et des infrastructures qui ne sont pas perdus, là, qui sont intégrés au réseau public. Et notre période de trois ans, à quoi elle nous sert? Elle nous sert à planifier cette transition-là pour que ce soit ordonné. Concrètement, c'est quoi, ça? Bien, c'est arrimer les conventions collectives, par exemple, s'assurer du maintien du personnel, du maintien des services, discuter avec la commission scolaire compétente pour qu'aucun enfant ne tombe dans une craque. Ça permet aussi aux parents de planifier leur décision, à savoir où vont-ils envoyer leurs enfants.

Cette période de trois ans là, elle ne sort pas de notre chapeau, là, c'est justement pour s'assurer que la transition, elle soit planifiée, puis qu'elle se fasse dans l'ordre, puis qu'aucun enfant ou aucun professeur — c'est aussi très important — ne fasse les frais de la transition vers un nouveau système.

M. Bellerose (Patrick) : Juste une précision, est-ce qu'il y a des sommes supplémentaires qui seraient investies pour rehausser le niveau du réseau public?

M. Nadeau-Dubois : Oui, bien sûr. Donc, déjà, le 100 millions de dollars d'économie serait réinvesti, mais nos écoles publiques ont besoin de bien plus que 100 millions de dollars de réinvestissement.

M. Bellerose (Patrick) : Combien?

M. Nadeau-Dubois : Bien, ça, ça sera dans nos engagements électoraux. On va faire connaître nos engagements en termes de réinvestissement dans les services publics dans les prochaines semaines, mais notre système d'éducation a besoin d'un réinvestissement massif.

M. Bellerose (Patrick) : Mais on parle de centaines de millions?

M. Nadeau-Dubois : Quoi? On va faire les engagements financiers en temps et lieu, quand on va présenter notre cadre financier. Mais Québec solidaire souhaite, oui, c'est sûr, réinvestir massivement en éducation publique. Ce 100 millions là ne fera pas de tort, mais il manque beaucoup d'autres millions de dollars dans notre système pour qu'il fonctionne.

Ceci étant dit, je me permets d'ajouter qu'un des avantages au plan qu'on propose, c'est de permettre une plus grande mixité sociale puis une plus grande mixité scolaire dans les classes. Qu'est-ce que ça veut dire, ça? Ça veut dire que, dans les classes, là, au lieu d'avoir un enfant sur cinq en difficulté d'apprentissage, le ratio va être pas mal plus bas. Donc, globalement, on économise aussi parce qu'on va rendre le travail des profs pas mal plus facile parce que le privé va arrêter d'aller écrémer puis d'aller sélectionner des éléments dans le public, donc globalement notre système d'éducation public va mieux s'en porter. Il faut aussi le refinancer, mais il faut comprendre que ce qu'on propose, oui, c'est d'arrêter un système de subvention qui est injuste, mais c'est aussi de se donner les chances d'avoir un système d'éducation public qui marche.

Le Modérateur : Merci. Patricia Chartier, Le Soleil.

Mme Cloutier (Patricia) : Cloutier.

Le Modérateur : ...

Mme Cloutier (Patricia) : Non, ça va. Je veux savoir à quel point le Mouvement L'École ensemble a fait en sorte que vous nous arrivez avec ça aujourd'hui. Parce que, bon, ils ont sorti un sondage la semaine dernière. Est-ce que vous vous inspirez beaucoup d'eux?

M. Nadeau-Dubois : Nous, on est très contents qu'enfin au Québec on l'ait, ce débat-là. La question du financement public des écoles privées, c'est un sujet tabou en politique depuis maintenant 50 ans. C'est un peu une vache sacrée, tout le monde tourne autour du pot. Tout le monde sait, au fond, que ça ne fonctionne pas. Les études le disent, les experts le disent, ça ne marche pas, ce système-là, mais les partis politiques n'osent pas s'y attaquer, ils n'ont pas le courage politique de le faire. Donc, nous, de voir des mouvements citoyens comme L'École ensemble, c'est une excellente nouvelle, ça montre que, là, c'est les parents qui commencent à prendre la parole puis à dire : Ça n'a pas d'allure, ça n'a pas d'allure d'avoir un système d'éducation à deux, trois vitesses. Il faut revenir à cette idée que l'école, ça doit servir l'égalité des chances. Et que des parents prennent la parole à l'intérieur du mouvement L'École ensemble, pour nous, c'est une excellente nouvelle, puis on invite ces gens-là, dans les prochains jours, à participer à notre mobilisation, à se faire entendre, à relancer le débat. On veut que ce soit un débat important cette session-ci puis on veut traîner ce débat-là jusque dans la prochaine campagne électorale.

Mme Cloutier (Patricia) : Mais vous dites : Le débat n'a pas été fait, mais il est revenu souvent à travers les années, ce débat-là, sur le financement public de l'école privée, puis ça n'a jamais fonctionné peut-être parce qu'il y a des gens qui ont dit : Bien, c'est bon, la compétition entre les écoles, l'école privée a amené l'école publique un peu plus loin, à faire des différents programmes. Qu'est-ce que vous dites à ça?

M. Nadeau-Dubois : Moi, ce que je constate, c'est qu'il y a un décalage entre la population, qui le dit majoritairement, majoritairement, qu'elle trouve que le système ne fonctionne pas, et la classe politique, qui, elle, tourne autour du pot, qui, elle...

M. Khadir : Sauf Québec solidaire, bien sûr, parce que c'est dans notre plateforme depuis le début.

M. Nadeau-Dubois : Oui. À l'exception de Québec solidaire, les autres partis politiques, je veux dire, évitent cette question-là comme la peste. Pourquoi? Bien, parce que souvent les enfants des politiciens vont eux-mêmes à l'école privée, d'une part, et, d'autre part, parce que c'est un enjeu sensible.

Mme Cloutier (Patricia) : Bien, vous dites : Les enfants des politiciens y vont eux-mêmes, vous, vous y êtes allé aussi, M. Nadeau-Dubois. Est-ce que vous pensez que vos parents auraient eu les moyens d'aller... que vous alliez à l'école privée si ça avait été complètement sans financement public?

M. Khadir : Est-ce que je peux répondre à ça? Je ne connais pas les moyens de tes parents, mais ce n'est pas ça, la question. La question, c'est que, pour les enfants du Québec dans leur ensemble, que ça soit... Tu sais, hormis les cas d'exemples, les cas de figure comme les parents de Gabriel ou de moi-même, pour les enfants du Québec, comment on peut offrir une égalité des chances véritable et consacrer les ressources précieuses qu'on a dans le cadre des finances publiques actuel, les meilleures conditions d'enseignement pour nos enfants à travers le Québec, à tout le monde? Et c'est clair que le système actuel est tout à fait injuste.

Maintenant, tout ce qui relève de : Est-ce que, vous, vous auriez pu?, c'est tout à fait secondaire. Moi, je suis sûr que les parents se saignent aujourd'hui parfois pour envoyer leur enfant dans l'école privée, sachant très bien où ce système nous a menés, sachant très bien à quel point ça a fragilisé les écoles publiques secondaires, notamment, et, bon, bien, ma foi, pour donner les meilleures chances, pour essayer peut-être que leur enfant puisse jouer sur le même pied d'égalité que d'autres qui sont privilégiés, bien, se saignent pour envoyer leur enfant à l'école privée. Mais on veut que ça arrête. On veut que cette injustice fondamentale arrête, et les enfants de Gabriel... je veux dire... les enfants! Les parents de Gabriel ni Gabriel...

M. Nadeau-Dubois : ...pas d'annonce, là.

M. Khadir : ...ne doivent porter ce dossier-là, ce débat-là.

M. Nadeau-Dubois : Bien, moi, j'ajouterais deux choses en guise de réponse. D'abord, l'important, là, ce n'est pas que les choix que mes parents ont faits pour moi, c'est les choix que je vais faire pour mes enfants. Deuxièmement, il ne s'agit pas de faire le procès des parents, il faut faire le procès du système qui force les parents à faire ces choix-là, qui sont des choix déchirants. Les gens qui nous écoutent, les gens, ils le savent. À chaque année, il y a des dizaines de milliers de parents qui se retrouvent dans cette situation impossible où ils ont, d'un côté, leurs valeurs, leurs principes qui leur disent : Ah mon Dieu! J'ai envie d'envoyer mon enfant dans cette école parce que je pense que c'est la meilleure, puis... pardon, leurs principes qui leur disent : Je sais que le système ne marche pas, je sais que c'est inéquitable, mais en même temps j'ai envie de ce qu'il y a de mieux pour mon enfant, et c'est le système qui pousse les parents dans ce choix-là. Nous, on ne veut pas faire le procès des parents, on veut faire le procès du système parce que c'est lui qui ne fonctionne pas.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais, justement, dans la foulée de vos propos, en quoi le système force les parents à envoyer leur enfant à l'école privée?

M. Nadeau-Dubois : Bien, c'est-à-dire, à chaque année — il y en a eu récemment, d'ailleurs — il y a des lettres ouvertes de parents qui témoignent du choix déchirant qu'ils ont parce qu'ils savent, en leur âme et conscience, souvent que le système est inéquitable, que c'est une injustice, mais qui en même temps veulent ce qu'il y a de mieux pour leur enfant, et ils croient qu'il y a une école en particulier qui est privée qui est la meilleure pour leur enfant, et ils vont faire ce choix-là, tout en étant conscients que, socialement, ça ne fonctionne pas. Ça arrive. Je veux dire, à chaque année, il y a des lettres ouvertes dans les journaux de parents qui l'expriment, ça.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais la solution...

M. Nadeau-Dubois : Ce choix déchirant qu'ils ont et qu'ils ne devraient pas avoir... Parce que, si on avait... si on concentrait l'argent public dans les écoles publiques, si on mettait toutes nos énergies sur le système d'éducation qui est accessible à tout le monde et pas seulement à une minorité, bien, les gens, ils iraient au public, tout simplement.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais pourquoi ne pas améliorer le système public plutôt que de casser le système privé?

M. Nadeau-Dubois : Bien, d'abord, on ne veut pas casser le système privé. On veut que le système privé devienne un système réellement privé, comme en Ontario, comme dans la majorité des provinces canadiennes. On ne veut pas les fermer, les écoles privées. On veut leur dire : Si vous voulez être privées, soyez privées, mais passez-vous des subventions des contribuables québécois. C'est une anomalie totale, ce système-là. On s'y est fait au Québec, ça fait 50 ans, c'est un des éléments inachevés de la Révolution tranquille. Là, il est temps qu'on complète le processus puis qu'on l'affirme haut et fort : L'argent public, ça s'en va dans les écoles publiques.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Une question plus générale. Donc, demain, c'est le retour à l'Assemblée nationale des députés, aujourd'hui vous en profitez pour présenter une de vos promesses électorales, mais quelle sera l'utilité de, disons, ce dernier droit de la session parlementaire? Est-ce qu'il y a des projets de loi que vous souhaitez absolument voir adopter? D'autres, au contraire, que vous souhaitez voir mourir au feuilleton? Votre rôle de législateur, là...

M. Nadeau-Dubois : Bien, déjà, voyez-vous, l'engagement qu'on prend aujourd'hui, la proposition qu'on soumet aujourd'hui, comment dire, c'est une approche qu'on va avoir beaucoup dans la session, c'est-à-dire qu'on s'attaque aujourd'hui à un enjeu qui est difficile, qui est controversé, c'est une vache sacrée de la politique québécoise et c'est sur ce ton-là qu'on va être toute la session. On va s'attaquer à d'autres vaches sacrées tout au long de la session parlementaire. Et un enjeu qu'on va surveiller en particulier, c'est la réforme des normes du travail. Ça fait 30 ans que nos normes du travail n'ont pas été modernisées. Il est grand temps de le faire. Il y a bien sûr la question des agences de placement qui va nous préoccuper beaucoup, mais bien sûr les vacances, les congés, les heures supplémentaires, c'est d'actualité, tout ça et bien d'autres aussi, là, des annonces qu'on va faire dans les prochaines semaines.

M. Bovet (Sébastien) : Bonjour. Tant qu'à être égalitaires, pourquoi ne pas faire fermer les écoles privées? C'est-à-dire que, là, vous allez créer une espèce de classe d'élite de gens avec seulement des revenus très élevés qui vont pouvoir envoyer leurs enfants dans les écoles privées. Pourquoi permettre les écoles privées? Pourquoi continuer de permettre les écoles privées?

M. Nadeau-Dubois : Bien, d'abord, il y a un enjeu constitutionnel, tout simplement. Ce ne serait pas possible légalement d'interdire tout simplement l'existence des écoles privées. Déjà, ça donne un bon élément de réponse.

M. Khadir : Elles existent même en République française.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Donc, il y a... On ne peut pas... Non, il faut avoir des propositions quand même réalistes, pragmatiques. Puis, nous, notre proposition, je veux dire, elle est simplissime, là. L'argent public s'en va dans les écoles publiques. S'il y a des écoles privées qui veulent continuer à exister, elles peuvent le faire, mais on n'a pas, collectivement, à les subventionner, c'est une anomalie. Et, si on se fie à ce qui se fait en Ontario, on passerait à un système où il y aurait à peu près 5 %, là, environ 5 % d'enfants qui fréquenteraient le privé, et ça, pour nous, c'est déjà moins un problème que quand on envoie 12 % et qu'on finance cet argent-là avec des fonds publics, surtout dans la mesure où notre plan, il va améliorer la qualité des écoles publiques. C'est ça, le plus important, c'est qu'en ramenant la grande majorité des jeunes Québécois dans les mêmes classes, on va avoir des écoles plus mixtes, socialement puis scolairement. Ça veut dire quoi, ça? Très simplement, ça veut dire moins grande concentration des problèmes d'apprentissage puis des handicaps dans les classes publiques parce qu'on va retourner à une école plus mixte où les jeunes s'entraident au lieu de les diviser puis de les catégoriser très tôt dans leur vie. À l'heure actuelle, là, dans les écoles publiques, c'est un élève sur cinq qui est en situation de handicap ou de difficulté d'apprentissage; au privé, c'est un sur 20. C'est une concurrence qui est complètement déloyale.

M. Bovet (Sébastien) : Vous basez vos chiffres — 50 % qui feraient le saut dans les écoles publiques ou l'économie de 100 millions de dollars — sur des études, si j'ai bien compris?

M. Nadeau-Dubois : Oui.

M. Bovet (Sébastien) : Quelles sont ces études?

M. Nadeau-Dubois : Bien, il y a eu plusieurs études, au fil des années, de faites sur cette question-là. Tous les chiffres sont référencés. On pourra les donner en détail dans les prochaines minutes, mais il y en a plusieurs, là, il y a au moins une bonne dizaine d'études qui ont été consultées, puis c'est des chiffres qui ont été confirmés. Et le fameux 50 % de taux de transfert, c'est le chiffre qui est généralement admis dans la littérature en ce qui a trait, donc, au transfert du système privé subventionné vers le système public.

M. Dutrisac (Robert) : Bon, ça va occasionner, paradoxalement, la mise sur pied d'un réseau pour les très riches. Vous dites : Ça va être comme en Ontario. Je vous soumettrais que la structure salariale ou de revenus du Québec n'est pas comme l'Ontario, on est une société plus égalitaire. Donc, si vous vous fiez sur l'Ontario pour faire des projections pour le Québec, on risque de se retrouver avec très peu de gens dans ces écoles privées privées. Très peu de gens, au Québec, sont capables de payer 15 000 $ par enfant — s'ils en ont deux, c'est 30 000 $ — pour les envoyer à l'école privée. Donc, les économies que vous espérez ne seront peut-être pas là. Et je comprends l'objectif global. Je comprends, l'objectif, c'est la mixité à l'école, puis tout ça, et tous les bienfaits que ça peut apporter, mais c'est ça, paradoxalement... Puis je vous soumettrais également que, paradoxalement, le Québec est la société la plus égalitaire en Amérique du Nord, on le dit souvent, et ce, malgré son système d'éducation qui ne l'est pas.

M. Nadeau-Dubois : Voilà.

M. Dutrisac (Robert) : C'est une situation qui est un peu particulière parce que, partout en Amérique du Nord, les gens très riches maintiennent leur niveau social, justement, parce qu'ils sont les seuls à pouvoir aller dans l'école privée.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Bien, d'ailleurs, les gens qui sont déjà dans la catégorie des très riches au Québec, ils fréquentent déjà des écoles privées non subventionnées ou des écoles privées subventionnées. Alors, la réalité dont vous me parlez, elle existe déjà. Nous, ce qu'on propose, c'est de régler une grosse partie du problème.

Sinon, en ce qui a trait au Québec par rapport aux autres provinces canadiennes, le Conseil supérieur de l'éducation, il y a quelques mois à peine, publiait un avis qui était dévastateur, dévastateur pour le système d'éducation québécois. Et ça devrait nous gêner, comme province qui se prétend la province la plus égalitaire au Canada, ça devrait nous importuner comme société qui croit en la justice sociale d'avoir le système d'éducation le plus inégalitaire au Canada. Et ça, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil supérieur de l'éducation.

Et un des problèmes, parce qu'il y en a plusieurs, mais un des problèmes, c'est le financement public des écoles privées, qui ne fonctionne pas. Alors, déjà, en ramenant l'argent public dans les écoles publiques, en tolérant, oui, une minorité d'écoles privées qui seront réellement privées, globalement, quand on prend les choses dans leur globalité, notre système d'éducation, il va s'améliorer parce que notre réseau public va s'améliorer.

M. Dutrisac (Robert) : Mais ça veut dire aussi éliminer, parce que vous faites référence au Conseil supérieur de l'éducation, l'écrémage au sein même de l'école publique. Vous n'en parlez pas aujourd'hui.

M. Nadeau-Dubois : Pendant nos trois ans de... pendant les trois années de transition que l'on prévoit, un chantier parallèle va devoir être mis en place justement pour faire le bilan des expériences dans l'école publique. Et là, entendez-moi bien, je ne dis pas qu'il faut qu'il n'y ait plus de programmes particuliers, il peut y en avoir, il doit y en avoir, il peut même y en avoir davantage. La question, par exemple, il faut la poser, c'est la question de la sélection dans ces programmes particuliers. Et, il y a quelques mois, on était ici avec le Mouvement L'École ensemble pour aussi critiquer cette dimension-là.

Et donc, en parallèle de la transition vers un système public financé publiquement, il faudra aussi faire le bilan de ces expériences-là, faire le portrait et corriger la situation parce que, oui, il y a des écoles publiques qui, malheureusement, se sont mises à singer les écoles privées pour pouvoir leur faire compétition, et ça, on n'avance pas, en effet, si on laisse ça, comment dire, grandir dans le réseau public.

M. Khadir : Une remarque que je sens nécessaire, M. Dutrisac, à ma connaissance, dans le bilan de ce qui a été des moteurs de l'ascension sociale des couches populaires au Québec depuis la Révolution tranquille, et de la mobilité sociale qu'on observe, qu'on y a observée, et l'égalité, dont on parle, personne n'a mentionné les écoles privées comme moteur, c'est les cégeps, c'est l'éducation qui s'est démocratisée, c'est l'Université du Québec et sa présence sur l'ensemble du territoire, c'est un ensemble d'autres facteurs. Je ne crois pas qu'aucun des spécialistes qui se sont penchés sur ces mouvements sociaux et ces transformations qu'on a connues qui a nommé même l'école privée comme un des facteurs.

Le Modérateur : Une dernière question en français.

M. Bellerose (Patrick) : Juste une petite question sur un autre sujet, s'il vous plaît. Dans le dossier des infirmières, juste savoir : Est-ce que vous appuyez la proposition de la FIQ sur les ratios infirmière-patients?

M. Khadir : Pouvez-vous répéter la question?

M. Bellerose (Patrick) : Est-ce que vous appuyez la proposition de la FIQ sur les ratios infirmière-patients?

M. Khadir : Absolument. On l'a déjà dit, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, la solution du réseau public de la santé, ça va être une solution qui ne va pas venir «top down» d'un ministre qui se donne tous les droits, tous les pouvoirs et toute la science en plus, mais ça va venir d'en bas, de ceux qui sont à l'oeuvre, à commencer par les infirmières, le personnel médical mais aussi non médical et des patients eux-mêmes, toutes choses rendues de plus en plus difficiles, pratiquement impossibles depuis que les gouvernements libéraux successifs, d'abord M. Couillard lui-même et maintenant son ministre de la Santé, ont éliminé du réseau comme lieu de concertation, lieu de décision, je pense, par exemple, aux conseils dans les établissements, où il n'y a plus personne de la part du public, etc. Donc, nous sommes tout à fait d'accord et les infirmières doivent être les premières à être consultées et à, disons, décider de faire des propositions décisives dans la manière dont on va structurer le réseau pour que ça marche.

M. Bellerose (Patrick) : Parfait. Merci.

Le Modérateur : En anglais, maintenant.

Mme Johnson (Maya) : Hello. You say that the question of ending public subsidies for private schools is a question of equity. If this is something that is profoundly unjust, why has it been in place for so long, in your view?

M. Nadeau-Dubois : Well, I think there is a big gap between what the majority of the population thinks of that system and what, you know, the political establishment of Québec has done in the past years. You know, there is a poll that was published a few days ago that confirmed once again that a majority of Quebeckers want to end, you know, public subsidies to private schools. Why is Québec solidaire the only party to defend such an idea? It's because, you know, the mainstream political establishment in Québec has been blind to that issue for years. You know, they've been dancing around that issue because they're scared to lose some votes in some ridings. And I think it's a chance that Québec solidaire has the political courage to address that issue and say that it's an injustice. The system is not working, someone has to say it, and the debate has to be done. And we hope that this debate will, you know, continue on until the next electoral campaign.

Mme Johnson (Maya) : So, you talk about a transition period. How would you implement the changes over that four-year period?

M. Nadeau-Dubois : Well, on the first year, you know, an office of transition would be put in place to organize and plan that transition. And, during the three years of transition, you know, private schools would be invited to join the public system. If they wish to do so, there would be a negotiation between the schools, the «commissions scolaires»…

Mme Johnson (Maya) : The school boards.

M. Nadeau-Dubois : …the school boards and the Ministry of Education, here in Québec, to negotiate for each private school a protocol of transition to integrate the staff and the children to the public system so that no child is left behind and also no teacher is left behind because we are transitioning from a private to a public system, and that's very important for us, the fact that teachers would be considered also in that transition.

What we evaluate is that after that three-year period, approximatively 50% of the private schools and of their children would be transferred into the public system, leaving so… so, after those three years, the subsidies would end and we would be into the new system, in an organized and planified way.

Mme Johnson (Maya) : Interestingly, the PQ recently talked about implementing a fixed rate for daycares across the board at $8 a day for all parents, regardless of income. And the Premier, when asked to comment on that, said, well, he didn't see that as fair because people who earn more money should pay their fair share if they have the capacity to do it. So, do you see a contradiction there in that, when it comes to daycares, there's that thinking, but when it comes to schools, they're publicly subsidized, private schools?

M. Nadeau-Dubois : Yes. Well, it's a big problem that, you know, the totality of, you know, people in Québec fund a parallel school system that only benefits to 12% of the children of Québec. That's not fair and it cannot be considered fair from any perspective. And people that have, you know, bigger incomes, they already contribute more to the education system of Québec via their taxes, if they pay them, which we wish they do.

So, the fact that, you know, all children have the same rights, they should have access to a public education, that education should be a quality education. That's a fundamental principle that we should agree on in Québec.

Mme Johnson (Maya) : But just to be clear, I want to make sure that… Do you see a contradiction? I guess it's what I'm trying to say. Is there some sort of hypocrisy in saying that…

M. Nadeau-Dubois : Oh! in the Government's position.

Mme Johnson (Maya) : Yes, in the Liberal position, when you compare daycares to public schools, for example.

M. Nadeau-Dubois : I'm not sure to really understand your question. You're saying : Is there a contradiction between their position on daycare and their position on private schools?

Mme Johnson (Maya) : Yes, because the Premier said that people with higher incomes should pay more on a daily basis for daycares because they can afford to do it. And so, when it comes to the public school system, then does it make sense to subsidize…

M. Nadeau-Dubois : Yes, it's a fair point, yes.

Mme Johnson (Maya) : …sorry, the private schools.

M. Nadeau-Dubois : So, if very rich people in Québec want to send their children to a private school, well, they have the right to do it, but they should pay it with their pockets and not, you know, ask, you know, the public money to subsidize their personal choice of sending their children to a private school.

Mme Johnson (Maya) : OK, thank you.

M. Khadir : Thank you.

(Fin à 15 h 7)

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