L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Actualités et salle de presse > Conférences et points de presse > Conférence de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier.

Recherche avancée dans la section Actualités et salle de presse

La date de début doit précéder la date de fin.

Conférence de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier.

Les modifications à la Loi électorale

Version finale

Le mardi 9 mars 2010, 11 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures quatre minutes)

Mme David (Françoise): Alors, bonjour. Merci d'être là. Françoise David, présidente et porte-parole de Québec solidaire, en compagnie d'Amir Khadir, bien sûr, notre député, que vous rencontrez souvent, et Stéphane Lessard, qui est membre de l'exécutif de Québec solidaire et responsable du dossier sur les institutions démocratiques. Alors, on va rapidement vous dire ce qu'on est venus faire ici ce matin.
On a présenté un mémoire devant la commission sur les institutions démocratiques, un mémoire sur le projet de loi n° 78 du gouvernement du Québec. D'emblée, il faut qu'on vous dise qu'on est extrêmement déçus de ce projet de loi qui ne résout en rien le déficit démocratique que nous connaissons au Québec, qui ne règle pas tous les problèmes de corruption ou d'allégations de collusion que nous connaissons, toujours pas d'enquête publique à l'horizon. Et même, les quelques mesures proposées pour améliorer le contrôle, je dirais, du financement des partis politiques sont largement insuffisantes. On n'aborde pas non plus du tout la question d'une réforme du mode de scrutin. Amir Khadir pourra vous en parler. Et ça aussi, c'est problématique. Ce n'est pas vrai que la refonte d'une carte électorale va vraiment changer quelque chose au déficit démocratique au Québec et au sentiment de la part des gens des régions d'être pris en compte. Donc, à Québec solidaire, on a plusieurs propositions qui touchent à la fois le mode de scrutin, mais aussi la décentralisation des pouvoirs vers les régions.
Sur le financement, ce que, nous, nous proposons, c'est d'abaisser la contribution annuelle permise à 500 $ par individu pour un parti politique et que les crédits d'impôt alloués pour ces contributions soient des crédits d'impôt remboursables, c'est-à-dire que tout citoyen du Québec qui contribue au financement d'un parti politique puisse bénéficier d'un crédit d'impôt, ce qui n'est pas le cas en ce moment, puisqu'on ne parle pas de crédit d'impôt remboursable. Le fait de diminuer les dons à 500 $, pour nous, contribue à élargir la participation populaire au financement des partis politiques. Les partis devront travailler encore plus fort pour aller chercher de l'argent auprès des citoyens, mais ça a aussi un autre sens, c'est que c'est tellement facile dans le fond, et on sait que ça se fait, pour une entreprise de demander à une dizaine de ses cadres de donner chacun 3 000 $, très souvent remboursés par la direction de l'entreprise, qui va faire savoir ça au gouvernement, qui va probablement obtenir des contrats juteux. C'est très facile. Depuis la commission Gomery, tout le monde le sait. À coups de 3 000 $ par cadre, ça va vite pour avoir 30 000 $ ou 40 000 $. Si la contribution maximale est à 500 $, ça va commencer à être bien compliqué pour les entreprises de trouver 10, 20, 30 ou 50 personnes pour pouvoir accoter le montant qui était donné avant. Donc, à notre avis, la diminution de 3 000 $ à 500 $, c'est vraiment une contribution à la lutte contre la corruption.
Évidemment, en contrepartie, il faut augmenter le financement public des partis politiques. Le gouvernement propose 0,82 $ par vote. Nous, nous proposons 1,50 $ se divisant ainsi: le premier 0,82 $ étant un montant forfaitaire alloué à chacun des partis politiques selon le nombre de votes obtenus, mais la différence, et ça, ce serait à travailler et à peaufiner, étant allouée à des partis politiques qui font des efforts particuliers pour, par exemple, améliorer la participation des femmes à la vie politique, des partis politiques, par exemple, qui présenteraient 40 % ou 50 % de candidates, comme Québec solidaire qui en présente à chaque fois 52 %... recevraient une allocation supplémentaire. Et la même chose pour les partis politiques qui feraient un effort du côté des minorités ethnoculturelles.
Et finalement nous proposons le gel des dépenses électorales autorisées, de façon à remplir deux objectifs: le premier, qu'il y ait moins de pressions sur les partis politiques pour aller chercher de l'argent, puisque ça coûte tellement cher maintenant, faire une campagne électorale, mais, deuxièmement, notre espoir, c'est de réduire l'empreinte écologique des campagnes électorales, puisque, comme vous le savez, la prolifération de pancartes électorales, ce n'est pas exactement écologique, là, on pourrait plutôt parler de pollution visuelle puis aussi de matériel qui est quasi non recyclable. Là-dessus, je cède la parole à Amir Khadir.

M. Khadir: Une autre dimension très importante du mémoire qui a été présenté ce matin par Québec solidaire à la Commission des institutions sur le projet de loi de la réforme de la Loi électorale, c'est qu'en fait la seule manière pour le Québec de s'assurer que chaque vote compte et que le poids politique, en même temps, des régions ne soit pas affaibli davantage que ce qu'il n'est actuellement, c'est de changer le mode de scrutin, c'est d'inclure un élément de proportionnelle avec un modèle de compensation régionale tel que proposé par Québec solidaire, tel que proposé par plusieurs acteurs sociopolitiques depuis qu'on en parle, au Québec, de manière plus structurée, depuis donc une dizaine d'années.
Le gouvernement a le devoir, en plus, moral de procéder à une réforme du mode de scrutin, parce que, je le rappelle, nous nous sommes engagés, tous les membres de l'Assemblée nationale, en novembre dernier, par une motion unanime que j'avais présentée, à ce que la prochaine réforme de la Loi électorale inclue des éléments qui favorisent le pluralisme politique au Québec. Or, dans le projet de loi actuel, qui est sur la table par le gouvernement libéral, il n'y a rien qui favorise d'une quelconque manière le pluralisme dans le sens que l'on entend habituellement.
Donc, le projet de loi n° 78 échoue malheureusement à cet égard. C'est pourquoi nous demandons, pour pouvoir y voir clair, que le projet de loi soit scindé dès maintenant. On réitère la demande à peu près de tous les organismes qui sont venus, parce qu'avec toute la question sur le financement des partis, que Françoise vient d'aborder, le projet de loi actuel prévoit une refonte de la carte électorale qui semble taillée sur mesure pour répondre aux besoins du parti qui forme le gouvernement actuellement, et, pour nous, c'est tout à fait inacceptable, parce que cette refonte de la carte vient encore plus aggraver cette inégalité des votes des citoyens par des disproportions importantes dans la représentation de chaque comté. Merci de votre attention.

Le Modérateur (M. Pierre Duchesne) : Alors, pour la période des questions, Mathieu Boivin, Rue Frontenac.

M. Boivin (Mathieu): Je constate que vous voulez amenuiser significativement la contribution maximale. Vous citez aussi les ministres qui ont laissé entendre qu'il y avait du financement qui se faisait au niveau des entreprises. Hier, la vice-première ministre, Mme Normandeau, a laissé entendre que c'était tout à fait normal, à son point de vue, que des ingénieurs-conseils ou des maires, même des élus municipaux, contribuent au financement du parti libéral. Elle a dit en fait, et je la cite, que c'était «une petite tape dans le dos de la part de gens qui sont très, très satisfaits du travail du gouvernement». Est-ce que l'un de vous deux pourrait commenter?

Mme David (Françoise): Certainement. Alors de quoi sont-ils satisfaits? C'est là qu'est la grande question et c'est pour ça qu'on a besoin d'une enquête publique. Est-ce que ces gens-là sont satisfaits dans l'ensemble parce qu'ils trouvent que le gouvernement du Québec fait bien son travail ou est-ce que ces gens-là sont satisfaits parce que le gouvernement du Québec leur a donné des contrats étant donné leur contribution financière au Parti libéral du Québec? C'est là qu'est toute la question, et seule une enquête publique pourra permettre d'y répondre.

M. Boivin (Mathieu): Alors, quand Mme Normandeau dit : C'est normal et ça respecte les lois, est-ce qu'il reste autre chose à ajouter?

Mme David (Françoise): Ce qui reste à ajouter, c'est qu'il est normal, il est concevable qu'un citoyen donne, bien sûr, le maximum permis à un parti politique. Ce qui serait moins concevable, et ça ne prendrait pas beaucoup de recherche, j'imagine, pour le trouver, ce serait de se rendre compte que, dans une grande entreprise du Québec qui reçoit des contrats juteux du gouvernement du Québec, une dizaine de cadres ou d'associés, comme par hasard, contribueraient tous au financement du Parti libéral du Québec. Si quelqu'un quelque part arrivait à démontrer ça, je pense qu'on trouverait ça moins normal. Et une enquête publique, encore une fois, permettrait de faire la lumière sur ce genre de pratique, dont on est à peu près sûr qu'elle existe, là. Depuis la commission Gomery, je pense que ça a été révélé de façon extrêmement claire, pas seulement pour ce qui se passait au fédéral, mais pour ce qui se passait ici même, au Québec.

M. Boivin (Mathieu): Est-ce qu'il y a beaucoup de gens dans la société qui ont 3 000 $ à donner à un parti politique par année?

Mme David (Françoise): Pas énormément. Il y en a, bien sûr. Oui, parce qu'il y a des gens qui ont de l'argent, au Québec, il y a de très hauts salariés, il y a des cadres d'entreprise qui sont bien payés. Donc, oui, ça existe, bien sûr. Alors, la question, c'est plutôt de savoir: Est-ce que ces gens-là peuvent appartenir, à un moment donné, à la même entreprise et est-ce que cette entreprise peut, de différentes façons, les inciter fortement à donner de l'argent au parti au pouvoir? C'est là qu'est toute la question. Mais le plus important... Bon, ça, c'est un des aspects qui est très important. L'autre, c'est que la majorité des gens, l'immense majorité des gens ne donnent pas 3 000 $ par année à un parti politique. Lorsque les gens donnent, c'est des 20 $, des 50 $, des 100 $; parfois, ça va jusqu'au maximum de 400 $, étant donné le remboursement de 75 %. Mais ce n'est pas très fréquent, les 3 000 $. En tout cas, à Québec solidaire, je peux vous dire qu'il n'y en a pas énormément.

M. Khadir: Même au Parti libéral, la moyenne est en bas de 400 $, même au Parti libéral. Alors, on imagine facilement que ceux qui donnent 3 000 $, c'est une catégorie assez à part.

M. Boivin (Mathieu): Est-ce qu'on peut croire que le salaire de 75 000 $ qui est versé au premier ministre par le Parti libéral vient des coffres des entreprises de génie-conseil?

Mme David (Françoise): Évidemment, on ne peut absolument pas le démontrer au stade actuel des choses. Ça fait partie des questions qu'on pourrait poser lors d'une enquête publique, si elle avait enfin lieu.

M. Boivin (Mathieu): La poseriez-vous?

Mme David (Françoise): Pourquoi pas?

M. Duchesne (Pierre): Je vais vous demander de continuer à regarder en avant, même si c'est pour les caméras, tout simplement. Mais j'aimerais entendre à la fois M. Khadir et Mme David là-dessus. Il semble y avoir une contestation à l'intérieur même de votre parti sur les signes religieux que des gens de la fonction publique pourraient porter ou non: un groupe, d'après ce qu'on lit dans Le Devoir ce matin, d'une douzaine de circonscriptions, un collectif de gens qui, eux, ne veulent pas de signes distinctifs religieux du côté de la fonction publique. Comment vous expliquez cette contestation interne dans votre parti?

M. Khadir: Si vous permettez, M. Duchesne, nous allons noter la question, je vais vous revenir là-dessus. Je voudrais qu'on puisse terminer toute la présentation des questions... en fait liquider les questions sur la réforme du mode de scrutin et sur le financement des partis politiques. Je reviens...

M. Dougherty (Kevin): L'événement de... l'émission Enquête a parlé de ça, le... l'événement de financement de Mme Normandeau. Et il... Ce n'est pas juste les ingénieurs. Elle était présentée apparemment par le maire de Laval, la deuxième ville du Québec. Est-ce que c'est correct, ça? Elle est ministre des Affaires municipales, puis... en tout cas.

M. Khadir: Le maire Vaillancourt, qui règne sur Laval comme un petit roitelet depuis presque 30 ans - et je ne me gênerai pas de répéter ceci - est d'ailleurs lui-même soupçonné depuis plusieurs années... Il y a eu de multiples allégations, il y a une contestation à Laval même de ces pratiques de collusion, de corruption. Alors, c'est sûr que, pour Mme Normandeau, c'est... Je crois que c'est assez imprudent d'être associée dans des événements de financement avec M. Vaillancourt. Un.
De deux. Toute cette culture qui fait dire à plusieurs ministres, comme Mme Courchesne, comme Julie Boulet, comme M. MacMillan, que c'est normal que des entreprises contribuent aux partis politiques dénote une espèce de, je dirais, de... d'absence du Parti libéral à la culture politique que nous avons mise en place depuis 40 ans au Québec, avec la réforme qu'a introduite le gouvernement... le premier gouvernement du Parti québécois pour empêcher que les entreprises, justement, à travers le financement, exercent une influence et fassent du trafic d'influence dans les contrats publics.
Autrement dit, on se rend compte... et ces gens-là parlent en toute bonne foi, semblent même parler de quelque chose qui va de soi dans la culture politique du Parti libéral. C'est là qu'il y a... qu'est le problème et c'est pour cette raison qu'il faut absolument tout revoir ça. Nous croyons qu'à travers les villes du Québec et au sein du Parti libéral, plus particulièrement au niveau provincial, il existe un grave problème. Évidemment, ce n'est pas limité au Parti libéral, parce qu'on a vu que M. Accurso avait aussi organisé un financement pour Mario Dumont en 2007. On sait que les partis, les différentes firmes d'avocats et d'ingénierie contribuent à tous les partis, sauf le nôtre pour le moment, à ce que je sache. J'espère que ça va durer. Il faut revoir ça de fond en comble de manière à assainir le financement des partis politiques.

M. Dougherty (Kevin): Mais aussi, le commissaire de lobbying, en fait par intérim, mais... a suggéré que, si ces gens veulent influencer des décisions du gouvernement, ils devaient être inscrits comme lobbyistes. Est-ce que vous pensez que ça... des ingénieurs, par exemple, le maire de Laval... il semble que non, il veut influencer le gouvernement. Il veut...

Mme David (Françoise): Bien, il me semble que, quand il s'agit d'ingénieurs, d'avocats, de comptables, etc., je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas inscrits au Registre des lobbyistes, effectivement. Pourquoi pas?

M. Dougherty (Kevin): O.K. Et... une autre question. Votre limite est 500 000 $... 500 $, pardon.

Mme David (Françoise): 500 $, oui.

M. Dougherty (Kevin): 500 $. C'était respecté à l'événement de Mme Normandeau. Malgré le fait que c'était une limite de 500 $, c'était possible de... Elle a ramassé apparemment 43 000 $, alors...

Mme David (Françoise): Il devait y avoir du monde!

M. Dougherty (Kevin): 500 $, c'était beaucoup, non?

Mme David (Françoise): Non, quand même. Je pense qu'il faut être raisonnable. Je pense qu'un montant de 500 $, c'est acceptable, parce qu'il faut quand même se rappeler que la loi sur le financement des partis politiques, bon, a été mise sur pied par René Lévesque à l'époque, qui avait vraiment à coeur l'assainissement des moeurs financières et politiques au Québec; on en est à un financement de 500 $ en 2010. Nous, ça nous paraît franchement raisonnable. Si des partis politiques, à coups de 500 $, réussissent à aller chercher pas mal d'argent, ça signifie quand même qu'il y a pas mal de gens qui sont prêts à soutenir ce parti politique. Je ne pense pas que ce soit un montant exagéré.
En fait, là où il faut aller effectuer des recherches sérieuses, ça n'est pas tant sur le montant, c'est sur la façon dont ça arrive. Si on était capable de démontrer, par exemple, que, comme par hasard, dans une même grande entreprise qui obtient régulièrement des contrats importants du gouvernement du Québec, des cadres et des dirigeants donnent tous les ans le maximum permis, il serait au moins permis de se demander qu'est-ce qui se passe. C'est là qu'est la véritable question.

M. Dougherty (Kevin): Est-ce qu'on peut peut-être changer de sujet? On voit que les CPE... on donne des cours de religion dans les CPE qui sont subventionnés par l'État. Est-ce que c'est correct, ça?

Mme David (Françoise): Alors, je pense que, si vous n'avez pas d'autres questions sur le mode de scrutin, on pourrait y aller là-dessus, mais on va répondre en même temps à la question de M. Duchesne.

M. Duchesne (Pierre): Bien, ça va pour Kevin. On pourrait peut-être...

Une voix: Parfait.

Mme David (Françoise): D'accord.

M. Dougherty (Kevin): Vous avez juste à...

Mme David (Françoise): ...parce qu'on est un peu dans le même esprit, finalement sur le même sujet en tout cas. Donc, écoutez, soyons très clairs: Québec solidaire dit depuis sa fondation, depuis les dernières campagnes électorales, et on n'a pas changé d'avis, que l'État doit financer des institutions scolaires... En fait, l'État ne doit pas, pardon, financer des institutions scolaires privées, et... qu'elles soient d'ailleurs religieuses ou non. Ça, c'est une chose qu'on dit depuis longtemps. Bon. Alors, ça règle la question en même temps des écoles privées religieuses. Quant aux centres à la petite enfance, s'il s'avère exact que des centres à la petite enfance donnent de l'enseignement religieux à des petits enfants, ce que nous considérons, à Québec solidaire, c'est que ce n'est pas la place, dans un CPE subventionné par le gouvernement, et que l'on doit donc exiger de ces centres à la petite enfance qu'ils retirent tout enseignement religieux. Ça n'est pas la place. C'est... l'enseignement religieux, à cet âge en particulier, doit se faire dans la famille.

M. Dougherty (Kevin): La ministre laisse croire que, bon, il y a comme des parents qui veulent ça... il y a une entente...

Mme David (Françoise): Oui, mais voilà peut-être la difficulté: les centres à la petite enfance ne sont pas à proprement parler des institutions publiques au même titre que l'école ou le cégep. Ce sont... les garderies, que j'ai bien connues beaucoup plus jeune, ont souvent été mises sur pied par les parents dans des quartiers, des villages, dans des communautés. Il n'est donc pas étonnant d'apprendre que, par exemple, une communauté de Juifs hassidiques ou, dans un autre quartier, une communauté musulmane plus conservatrice ait décidé de se donner des services de garde. Ça, ce n'est pas étonnant du tout, puisque souvent ça part d'en bas, ce genre d'initiative, et je pense que c'est un beau modèle qu'on a au Québec, qui est un peu hybride entre le public-public et le complètement communautaire. Sauf qu'à partir du moment où on a convenu qu'il s'agissait d'un réseau de services quasi-essentiels et où l'État subventionne très, très largement les centres à la petite enfance, puisqu'ils ne coûtent maintenant que - et c'est très, très bien - 7 $ par jour, là je pense que l'État est tout à fait en droit d'intervenir sur ce qui se passe dans les CPE et donc ne peut pas accepter qu'il y ait de l'enseignement religieux, de quelque confession que ce soit, d'ailleurs.

M. Duchesne (Pierre): Alors, je reprends peut-être la question, mais en plus court, Mme David, M. Khadir. Il y a des gens à l'intérieur de votre parti qui considèrent que votre concept de laïcité dite ouverte est en fait anti-laïc, parce que c'est de permettre le port de signes religieux. Comment vous expliquez cette contestation au sein même de votre parti?

Mme David (Françoise): Bien, d'abord, je veux vous dire que tout ça fait partie du débat démocratique dans un parti politique. Dans notre congrès, nous avons adopté un concept de laïcité, que nous n'avons pas qualifié, en passant, notre résolution parle de laïcité, tout simplement, qui prône évidemment la complète neutralité des institutions politiques, publiques, scolaires... - 

M. Duchesne (Pierre): Le voile, ça ne marche pas, hein?

Mme David (Françoise): ... - un instant - etc., et le respect des libertés religieuses individuelles. Et nous avons dit, dans une deuxième résolution, nous avons voté que nous permettions le port de signes religieux dans les services publics et la fonction publique, mais que nous devions baliser cette position, ce sur quoi un comité est en train de travailler d'ailleurs, la baliser en fonction de certains critères : la sécurité, l'absence de prosélytisme, un devoir de réserve, etc. Donc, c'est une position qui est à peaufiner. Cette résolution, elle a été adoptée par les deux tiers des délégués. Alors, évidemment, il y a un tiers des délégués qui n'est pas satisfait du résultat de la... comment je dirais, du vote démocratique du congrès. C'est tout à fait normal, donc ce n'est pas une surprise du tout. Et je dois dire que, dès le mois de janvier, par exemple, M. La Rivière, qui est cité dans l'article dont vous parlez, m'avait fait part de son intention de former un collectif sur cette question, et je l'avais encouragé à le faire. Parce que c'est ça, Québec solidaire, c'est un parti pluraliste qui permet l'expression de différentes tendances, de différents courants de pensée. Et, s'il y a des gens à Québec solidaire qui pensent que nous faisons fausse route, c'est parfaitement leur droit de s'organiser, de se rencontrer, d'écrire des textes et éventuellement, à un autre congrès, de demander une reconsidération de la position. Ça se fait dans tous les partis politiques, enfin j'espère bien, mais ça se fait chez nous. Et je trouve que c'est tout à fait normal.
Je rappelle en terminant que la question de la laïcité, ça ne se résume qu'au port de signes religieux ou non dans les services publics. Il y a beaucoup d'autres débats à faire. On le voit bien avec cette question des CPE, mais on peut parler du cours d'éthique et culture religieuse, d'une charte. Faut-il ou non la charte de la laïcité? On peut parler de l'État. Doit-il, oui ou non, accepter de donner des sous pour qu'il y ait des aumôniers dans les hôpitaux et les prisons? C'est toutes ces questions-là qu'on va aborder quand on parle de laïcité, et, là-dessus, Québec solidaire a encore du chemin à faire. Donc, tout n'est pas coulé dans le béton. On continue nos réflexions, et, moi, je trouve que c'est très, très sain que le débat démocratique se poursuivre.

M. Duchesne (Pierre): M. Khadir, le voile.

M. Khadir: Oui, oui, je suis tout à fait d'accord avec Mme David et je rappelle, pour ceux qui s'interrogent sur la laïcité, sa définition. Parce que, là, il y a des gens qui disent ouverte versus fermée ou rigide. En fait, la laïcité, celle qui s'est imposée tout au cours du XXe siècle, a deux pattes. C'est que l'État laïc a un premier devoir, c'est-à-dire de protéger la liberté de conscience, donc religieuse, de tous les individus dans la société, ne pas brimer en fonction de ça. Ne pas brimer, ça veut dire quoi? L'État ne peut pas dire: Tu ne peux pas venir travailler pour moi juste parce que tu es chrétien, que tu es musulman que tu es Juif ou que tu es athée. L'État doit être neutre. C'est ça, la neutralité de l'État, c'est-à-dire garantir à tout le monde le même accès à tous les droits.
Évidemment, comme dans tout droit en société, il y a toujours des balises, il y a toujours des exceptions, il y a des circonstances qui peuvent... qu'on peut priver quelqu'un du droit. Puis, nous, on l'a dit, par exemple, dans l'accès à certaines fonctions qui représentent l'autorité, comme juge, comme, par exemple, policière, là on peut discuter. Cependant, l'autre pendant de ça, c'est que l'État ne doit pas être instrumentalisé non plus par les religieux. Et c'est là le problème. C'est qu'au Québec on parle du premier aspect, mais on ne parle pas du second.
Il y a plein de gens actuellement qui instrumentalisent l'État pour la promotion de leurs croyances et de leur religion, à commencer par tous ces centres de pouvoir religieux confessionnels, que ce soit musulman, juif ou chrétien, qui se cachent derrière l'école privée pour obtenir de larges subventions et pour faire le prosélytisme à l'intérieur des écoles. Puis on voit même que ça s'est étendu maintenant aux CPE. Là, il y a un problème. Si on veut parler de la laïcité, commençons à être cohérents. L'État doit cesser d'encourager, de favoriser ce développement, si vous voulez... c'est-à-dire de permettre à des confessions d'utiliser des subventions de l'État pour leur propre promotion. Et il en va de même de plusieurs aspects que Mme Françoise a mentionnés.

Le Modérateur (M. Pierre Duchesne): Alors, il n'y a pas d'autre question? Merci.

(Fin à 11 h 27)

 

Participants


Document(s) associé(s)