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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le jeudi 10 juin 2010, 12 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures quatorze minutes)

M. Khadir: Alors, merci à tout le monde d'être là. Nous avons posé une question en Chambre aujourd'hui. Québec solidaire a demandé au ministre de la Santé d'abord, M. Bolduc, de répondre à une lettre très, très importante qui lui a été écrite il y a... en fait, hier, par plus de 30 médecins de 19 pays, tous les pays occidentaux ou à peu près, plusieurs des grands pays comme l'Inde, le Brésil, le Bangladesh, dans lesquels écoule le Québec son amiante chrysotile. Ces médecins sont inquiets des conséquences que peuvent avoir les produits à base d'amiante que nous exportons. La fibre d'amiante chrysotile est utilisée dans la production de bardeaux de ciment, par exemple, qui sont destinés à des travaux d'infrastructure. Mais malheureusement, dans les pays du tiers-monde, c'est utilisé n'importe comment.
Or, l'amiante chrysotile - je voudrais attirer votre attention sur les photos que j'ai montrées au ministre - lorsque l'amiante chrysotile est mélangé au ciment ou à l'asphalte, pour le déloger ou pour le travailler, au Québec, on exige que le travailleur porte un masque à oxygène puis un vêtement spécial de protection. Ça, c'est une photo du Soleil, il y a à peine quelques jours, qui montrait des travaux dans une rue de Québec. Donc, l'ouvrier doit se prémunir d'un masque à oxygène et ensuite d'un vêtement... presque comme un astronaute, finalement. Alors que, dans les pays du tiers-monde, c'est la photo à côté, on voit un enfant dans un atelier où on est en train de sabler, au grand air, des bardeaux de ciment et d'amiante qui sont fabriqués à partir de l'amiante que nous exportons, à partir donc du cancer que nous exportons dans les pays du tiers-monde.
Pourquoi? Parce que l'amiante, qu'est-ce que ca forme, dont l'amiante chrysotile qui est, en fait, le seul amiante que nous produisons et que nous exportons, cause le cancer. Les experts partout dans le monde, dont un panel d'experts réunis en 2007 par Santé Canada, sont unanimes: l'amiante ne peut pas être utilisé de manière sécuritaire, à moins d'avoir masque à oxygène, une espèce de scaphandre, comme je vous l'ai montré tout à l'heure. Et, même au Québec, des études répétées des départements de santé publique à travers toute la province ont montré, sur plusieurs années, que 100 % des contrôles qu'on a effectués montraient qu'on ne peut pas utiliser l'amiante, même au Québec, de manière sécuritaire.
Or, le ministre s'est retranché derrière toutes sortes d'explications, alors que la lettre des médecins qui lui écrivent de partout dans le monde est explicite: il y a un code de déontologie au Québec qui lui demande, notamment, de devoir protéger et de promouvoir la santé et le bien-être à la fois des individus que des collectivités, et ensuite, le code de déontologie des médecins québécois demande à tout médecin, dont le ministre de la Santé, de s'abstenir de participer à une action concertée de nature à mettre en danger la santé ou la sécurité d'une clientèle ou d'une population.
Malheureusement, avec l'exportation de l'amiante, c'est exactement ce que fait le gouvernement du Québec. Et le gouvernement du Québec, pire que ça, il y a une action concertée lorsqu'il finance cette industrie qui est en déclin, lorsqu'il donne l'argent des contribuables à une espèce de lobby de l'amiante qui s'appelle l'Institut chrysotile, pour ensuite utiliser ces mensonges-là dans ses propres dépliants, pour prétendre que, dans 98 % des cas, l'amiante du Québec est utilisé de manière sécuritaire, même dans les pays du tiers-monde. C'est un mensonge éhonté, et, lorsque le ministre de la Santé ne se lève pas pour rappeler à l'ordre son gouvernement, malheureusement il déroge à son code de déontologie.
Mais, au-delà de ça, il y a des centaines de millions de dollars, là, depuis une vingtaine d'années, qu'on a gaspillés littéralement. Le député libéral de Frontenac, il y a déjà de cela... C'est monsieur... C'est M. Roger Lefebvre, l'ex-député, donc, libéral de cette région de L'Amiante, qui disait qu'on a déjà trop englouti: 700 millions de dollars. Ça, c'était en 1996. Dieu sait combien encore. La mine Jeffrey, cependant - c'est une mine d'amiante - a réussi à convaincre le gouvernement de lui donner une garantie de prêt encore de 58 millions, alors que cette même compagnie, qui était en quasi-faillite, n'a pas encore payé les 70 millions que la Caisse de dépôt lui a allongés, que le SOQUEM lui a allongés, autrement dit de l'argent des contribuables qu'elle n'a encore pas remboursé. La même compagnie, son dirigeant admet - M. Coulombe - que l'amiante qu'on exporte, ça sert uniquement à une chose: à fabriquer des produits bas de gamme qui sont utilisés dans la construction. Or, j'ai rappelé au ministre que, dans le tiers-monde, ce n'est pas juste la construction, là, c'est aussi des femmes, des enfants qui sont exposés. Actuellement, il doit savoir que les plaques d'amiante qui sont fabriquées à partir de... d'un produit cancérigène exporté du Québec sont utilisées dans les cuisines comme comptoirs à côté de l'endroit où les gens fabriquent leurs aliments.
C'est pour cette raison-là que les médecins demandent au Québec, les scientifiques demandent au Québec, partout dans le monde, qu'il faut mettre fin à l'exportation. Et, comme le gouvernement sème le doute, l'Institut chrysotile alimente des mensonges, on les met au défi. J'ai présenté une motion aujourd'hui à l'Assemblée nationale pour une deuxième fois - malheureusement, qui a été refusée par le gouvernement libéral - simplement pour demander l'exercice: je les mets au défi de... d'organiser une commission à l'intérieur de la Commission des... des ressources naturelles... d'instituer une commission d'étude sur l'exploration, l'exploitation, la sécurité et les conditions d'exportation de l'amiante chrysotile. Alors, tout le monde pourra faire ses preuves, parce que nous, nous sommes persuadés que les preuves scientifiques sont irréfutables: l'amiante chrysotile est un cancer.

M. Robillard (Alexandre): Si M. Bolduc a enfreint son code de déontologie, est-ce qu'il y a des recours possibles - je ne sais pas - auprès du Collège des médecins ou...

M. Khadir: Disons que ce n'est pas moi qui vais faire ce recours-là, mais je crois que beaucoup de médecins se posent des questions sérieusement. Je pense que la lettre des médecins de partout dans le monde, des médecins canadiens, américains, allemands, français et de plusieurs pays en développement rappelle justement à M. Bolduc un principe de base: c'est que, comme médecins, on a un code de déontologie qui est un peu l'héritage du serment d'Hippocrate. Notre code nous dit que non seulement on doit véhiculer les bonnes informations scientifiques... Or, l'information scientifique, l'OMS, l'Association médicale canadienne - je peux en nommer des dizaines - les panels d'experts réunis à de nombreuses reprises, le principal, Agence mondiale de lutte contre le cancer, tout le monde est unanime: l'amiante chrysotile, c'est cancérigène; il faut bannir son exploitation et son exportation, son utilisation.
Donc, ne serait-ce qu'à ce niveau-là, M. Bolduc, quand il se lève puis qu'il dit qu'il y a des usages sécuritaires, il est malheureusement en rupture avec... Mais peut-être qu'il n'en est pas conscient. Justement, la lettre des médecins tient à lui rappeler que, même comme ministre, il a des responsabilités, parce qu'il y a un autre élément du code qui stipule qu'il doit promouvoir et défendre la santé aussi des populations.

M. Robillard (Alexandre): Donc, il y a une contravention.

M. Khadir: Il déroge, il est en contravention. J'appelle, par exemple, le Collège des médecins, M. Lamontagne, pendant qu'il est encore en exercice, de le rappeler également au ministre.

M. Robillard (Alexandre): Puis donc qu'est-ce qui se passe du côté du PQ en ce qui concerne la motion que vous avez l'intention de présenter?

M. Khadir: Bien, malheureusement, le gouvernement s'est encore déconsidéré en essayant de dévier la réponse ou enfin... la réponse à ma question vers des attaques contre le PQ, alimentant l'idée que le PQ aurait un double discours sur la question de l'amiante. Moi, ce n'est pas ce que j'en déduis, quoique le PQ a longtemps, malheureusement, appuyé la production et l'exportation de l'amiante, qui est cancérigène. Ce que j'entends par contre de Denis Trottier, le principal porte-parole du PQ en la matière, c'est qu'il est prêt aujourd'hui à considérer la possibilité en commission parlementaire d'étudier la chose. Donc, le PQ accepte l'examen honnête de la question.

M. Robillard (Alexandre): Quand on voit que la moyenne d'âge des travailleurs... à la mine Jeffrey, je pense que c'est 57 ans. Est-ce que, pour... étant donné justement l'âge de ces travailleurs-là, ce ne serait pas plus simple de leur offrir des compensations?

M. Khadir: Des compensations, une retraite adéquate et, pour ceux et celles qui le désirent, bien, un soutien au... pour se replacer, pour avoir des alternatives. Mais ça nous coûterait moins cher, même si on accordait une retraite presque dorée à tous ces travailleurs-là. On a englouti des centaines de millions de dollars dans le passé puis on s'apprête encore à offrir une garantie de prêt...

M. Robillard (Alexandre): Ça coûterait moins cher que quoi?

M. Khadir: Que la garantie de prêt de 58 millions que le gouvernement s'apprête à offrir à la mine Jeffrey, sans parler de l'investissement qu'il fait dans l'Institut de chrysotile depuis des années, sans parler des recours maintenant qui sont possibles, des recours éventuellement de populations, de pays contre le Québec, de travailleurs, par exemple, indiens contre le Québec. Ça va nous coûter cher, ça, si on n'arrête pas de s'entêter puis de se mettre la tête dans le sable.

M. Robillard (Alexandre): Ce serait où, ces recours-là de travailleurs étrangers?

M. Khadir: Bien, il y a des travailleurs indiens qui sont en train d'envisager des recours devant les tribunaux internationaux contre le Québec. Ça pourrait nous coûter des centaines de millions de dollars. Imaginez si, comme dans le cas du tabac, là... Vous vous rappelez? Dans le cas du tabac, on a réussi, après des batailles importantes, à condamner les producteurs de tabac. Or, les producteurs de tabac sont encore solvables, c'est eux qui ont payé les milliards de dollars en compensation. Est-ce que vous imaginez ce que le Québec... Parce que la mine Jeffrey, là, ça fait plusieurs fois qu'elle a fait faillite, puis l'autre mine, ils n'ont pas les reins pour ça, là. S'il y a un recours collectif venant de travailleurs indiens, ça pourrait nous coûter, là, une somme astronomique.
Alors, moi, j'invite le gouvernement à agir en prudence devant la santé des populations, devant les données scientifiques et devant le gouffre financier que ça représente. Merci beaucoup.

(Fin à 12 h 24)

 

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