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Point de presse de M. Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale

Version finale

Le mardi 8 décembre 2020, 15 h 45

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Quinze heures quarante-quatre minutes)

La Modératrice : Bonjour. Donc, bienvenue à tous. Bienvenue à cette conférence de presse suivant le dépôt du projet de loi n° 78. Donc, je laisserais maintenant le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et ministre responsable de la région de la Mauricie, M. Jean Boulet, à prendre la parole.

M. Boulet : Merci, Maude. Bon, alors, représentants des médias, ça me fait plaisir aujourd'hui de présenter le projet de loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises.

Évidemment, ça donne suite à des travaux qui avaient été menés en collaboration avec le ministère des Finances et d'autres organisations gouvernementales. Ça touche principalement la Loi sur la publicité légale des entreprises et le Registraire des entreprises du Québec, puis c'est le reflet des discussions qui ont émergé, un, de la Commission des finances publiques sur le phénomène de recours aux paradis fiscaux, deux, de la consultation publique menée à l'automne 2019, visant l'atteinte d'une plus grande transparence corporative, puis troisièmement, des orientations proposées par mon collègue aux Finances lors du dépôt du budget de mars dernier en matière de transparence des entreprises.

Comme vous le savez, le recours aux sociétés-écrans anonymes est un stratagème utilisé par certains pour échapper à leurs obligations, qu'elles soient de nature fiscale, contractuelle envers un tiers ou autre, et ce, tant au Québec qu'à l'échelle internationale. Cette pratique encourage l'opacité en permettant de cacher la véritable identité des bénéficiaires ultimes des entreprises opérant au Québec. L'évasion fiscale, l'évitement fiscal abusif, les activités criminelles et la corruption sont des fléaux pour tous les gouvernements. Ce n'est que par la mise en commun de nos efforts que nous arriverons à mettre fin à ces pratiques dommageables qui affectent la capacité de notre gouvernement de fournir des services de qualité à nos citoyens.

Comme je vous le disais, ce projet de loi découle d'un consensus observé non seulement à l'échelle canadienne, mais également internationale, avec tout particulièrement les pays de l'Union européenne en tête de liste. Cette capacité d'établir l'identité des bénéficiaires ultimes des entreprises faisant affaire au Québec favoriserait la collaboration entre les gouvernements dans leurs efforts pour mieux lutter contre les activités illicites.

Ainsi, le projet de loi introduirait l'obligation de transmettre au Registraire des entreprises du Québec l'information relative aux bénéficiaires ultimes des entreprises et de rendre cette information publique. De plus, il permettrait également de procéder à la recherche de renseignements dans le Registre des entreprises en utilisant le nom d'une personne physique. Avec ces deux éléments, notre registre, qui était déjà un modèle de transparence au Canada, réaffirmera son statut de précurseur. Ce sera effectivement l'unique registre en Amérique du Nord qui permettra l'accès gratuit aux renseignements sur les bénéficiaires ultimes ainsi que sur l'entreprise à l'ensemble du public.

Actuellement, les renseignements sur les bénéficiaires ultimes ne sont pas recueillis ni inscrits au registre. Seuls les noms des administrateurs et principaux actionnaires sont disponibles lors d'une consultation. Les propriétaires légaux d'une société ne sont pas toujours les personnes qui détiennent ou contrôlent la société en question, soit les bénéficiaires ultimes.

La définition de bénéficiaire ultime proposée dans le projet de loi s'arrimerait donc à celle qui est ou serait utilisée ailleurs au Canada, c'est-à-dire d'avoir un seuil de possession d'au moins 25 % de la participation totale ou des titres comportant un droit de vote dans une société. Ainsi, les bénéficiaires ultimes de certaines entreprises qui sont, en réalité, des sociétés-écrans pour dissimuler des activités liées à la criminalité devraient dorénavant être inscrites au Registre des entreprises.

L'inscription dans la loi de la définition de bénéficiaire ultime a donc un effet dissuasif important sur les intentions d'utiliser une entreprise à des fins criminelles. Pour pouvoir mettre en vigueur ces deux mesures, des modifications à la Loi sur la publicité légale des entreprises sont nécessaires. Notre objectif vise à renforcer la protection du public en lui permettant d'avoir accès à davantage de renseignements contenus au registre.

Par exemple, si un individu souhaite faire affaire avec un entrepreneur général pour construire une propriété, il serait désormais possible de chercher l'entrepreneur par son nom au registre. Si, en cherchant le nom de l'entrepreneur, l'individu y trouve de nombreuses entités fermées après une brève échéance, cela pourrait l'alerter quant au fait que l'entrepreneur utilise le stratagème des coquilles vides, des entreprises éphémères créées pour éviter tout risque de recours contre l'entrepreneur. L'individu pourrait alors, en toute connaissance de cause, choisir un entrepreneur plus stable et de meilleure confiance.

Par ailleurs, il sera également possible, avec le projet de loi n° 78, de conclure des ententes avec les ministères et organismes du gouvernement pour permettre l'échange d'information afin de valider l'information au registre. Ainsi, une entente avec la Régie du bâtiment permettrait notamment de valider que l'information recueillie par la régie est cohérente avec l'information déclarée au registre, le tout dans le souci de rendre l'information la plus disponible au public. Rappelons que plus de 920 000 entreprises actives sont inscrites au registre et qu'environ 75 000 nouvelles entreprises s'ajoutent annuellement. De plus, près de 1,2 million de transactions sont effectuées entre le registraire et ses clientèles à chaque année.

Toutefois, les renseignements transmis par les entreprises seraient traités de manière à prendre en compte la protection des renseignements personnels. À titre d'exemple, les données relatives à la date de naissance qui seront recueillies par le registraire ne seraient pas accessibles au public. L'identité des bénéficiaires ultimes mineurs serait protégée. De même, il serait possible pour un assujetti de transmettre une adresse professionnelle pour publication au registre plutôt qu'une adresse personnelle. L'adresse personnelle continuera d'être recueillie par le registraire mais ne sera accessible qu'aux entités disposant d'un pouvoir d'enquête.

En plus d'améliorer la fiabilité des renseignements portés au registre, le projet de loi rendra possible la dispense, par règlement, du paiement des droits d'immatriculation pour les entreprises immatriculées ailleurs au Canada et faisant affaire au Québec. Cette modification législative découle de la rencontre du commerce intérieur de novembre 2018 où nous nous sommes montrés favorables à l'élimination des droits d'immatriculation pour les entreprises dites extraprovinciales. La dispense pourrait être accordée seulement sur une base de réciprocité, c'est-à-dire des entreprises provenant d'une province ou d'un territoire offrant un traitement similaire aux entreprises québécoises. Cette modification vise à réduire le fardeau administratif des entreprises et à stimuler le commerce interprovincial.

Pour mettre en place toutes ces mesures à la loi et au Registre des entreprises, notre gouvernement souhaite investir 4,9 millions de dollars sur cinq ans. Ce montant est déjà prévu au budget 2020‑2021. Avec le dépôt de ce projet de loi, le Québec s'inscrit dans la mouvance internationale pour lutter contre les paradis fiscaux, l'évasion fiscale, l'évitement fiscal abusif, les activités criminelles et la corruption. En bonifiant la quantité et la qualité de l'information au registre, en y ajoutant, entre autres, l'information sur les bénéficiaires ultimes, c'est la protection du public qui en serait améliorée.

Déjà, le Québec se montre avant-gardiste en permettant la consultation gratuite des renseignements détaillés pour plus de 920 000 entreprises faisant affaire au Québec. En rendant publiques les informations sur les bénéficiaires ultimes, cette initiative placerait le Québec, sur le plan national et international, comme une des juridictions les plus transparentes avec le Royaume-Uni et la plupart des membres de l'Union européenne. Avec ce projet de loi, le Québec pourrait s'afficher de façon significative comme une juridiction à moindres risques pour les consommateurs, les investisseurs, les institutions financières et tous les entrepreneurs voulant transiger avec une entreprise québécoise. Merci.

La Modératrice : Merci, M. Boulet. Donc, on va passer à la période de questions.

M. Larin (Vincent) : Oui, j'aurais peut-être une petite question concernant, bon, l'entrée en vigueur de ce nouveau projet de loi là. Est-ce que vous avez espoir que ça permette de récupérer peut-être des sommes chez Revenu Québec ou quoi que ce soit, encore là, des sommes liées au blanchiment d'argent ou aux paradis fiscaux?

M. Boulet : Je pense que le projet de loi, dans la mesure où il est adopté et qu'il devient une loi, va avoir un effet prospectif, donc, pour l'avenir, va forcer à beaucoup plus de transparence corporative, va rendre une information accessible sur un site unique et gratuit, comme je le mentionnais, permettant aux consommateurs, aux investisseurs de se protéger, parce qu'ultimement c'est la protection du public qui est visée par une loi de cette nature-là.

Et, M. Larin, pour lutter contre l'évasion fiscale, l'évitement, la corruption, la criminalité, je pense qu'on fait une avancée considérable et on se met dans le peloton de tête, là, des pays en matière de transparence corporative. Mais le but, c'est n'est pas d'aller chercher, d'aller faire des enquêtes... C'est sûr que dans la mesure où on peut faire des ententes avec des organismes, des ministères ou d'autres entités, ça va permettre à ces entités-là ou organismes d'approfondir leur pouvoir d'enquête et d'aller chercher de l'information, mais ce n'est pas le but du projet de loi et ce n'est pas l'objet non plus de l'existence du registre des entreprises du Québec.

M. Larin (Vincent) : Puis quand est-ce que vous espérez que ces changements législatifs là vont pouvoir entrer en vigueur?

M. Boulet : Bien, évidemment, je vais suivre le rythme du processus parlementaire. On va s'entendre éventuellement, avec les partis d'opposition, sur les groupes qui vont vouloir participer aux consultations. Après ça, il va y avoir étude article par article détaillée avec les partis d'opposition, et on verra. Moi, je souhaite que ça entre en vigueur dans les meilleurs délais possible pour les bénéfices du public, des consommateurs et des investisseurs.

M. Larin (Vincent) : Merci beaucoup.

M. Boulet : Merci, Vincent.

(Fin à 15 h 56)

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