Point de presse de M. Marc Picard, député des Chutes-de-la-Chaudière et de M. Éric Caire, député de La Peltrie
Version finale
Le jeudi 12 mai 2011, 12 h 12
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Douze heures douze minutes)
M. Picard: On est ici pour dénoncer le coup de force que le gouvernement libéral veut faire avec la carte électorale qu'il avait déjà commencé il y a quelques mois. Mais là on voit de plus en plus que le jeu est clair. On vient dire qu'on va instaurer un système temporaire en ajoutant trois circonscriptions. Il faut bien comprendre que, si le gouvernement le fait... Et je pense qu'il va le faire aussi d'ici la fin du mois de juin. Moi, tantôt, j'écoutais le ministre, mais je ne suis pas certain que... Je pense que son orientation va changer avec le temps. Si on ajoute trois circonscriptions, soyez assurés qu'on ne reviendra jamais à 125. Il faut bien comprendre que la population est contre ça; on a vu lors des consultations. Puis, qu'est-ce qui est le plus triste dans toute cette démarche-là, on vient mettre encore une fois à la poubelle tout le travail qui a été fait par la Commission de la représentation électorale. Pour moi, c'est un non-sens, c'est un affront à la démocratie assez incroyable. Éric, si tu veux poursuivre.
M. Caire: Bien, écoutez, effectivement, je pense que, démocratiquement, c'est sans précédent, ce qui se passe là. On avait déjà un premier épisode malheureux au mois de décembre, où le gouvernement, avec la complicité de l'opposition officielle, avait décidé de suspendre les pouvoirs du DGE, suspendre l'application de la carte qui avait été faite dans les règles de l'art par le DGE, une deuxième mouture, hein? Il faut bien comprendre que déjà le DGE avait fait une proposition qui avait été rejetée par le gouvernement et par l'opposition officielle. Il revient avec une nouvelle proposition, et là on se sert du processus législatif pour l'écarter du processus de définition de la carte électorale, du processus démocratique. L'arbitre n'est plus sur la patinoire. Ça, c'était sans précédent.
Et là on va encore plus loin cette fois, on met carrément les deux mains dans la carte. Et que les députés se mettent les mains dans la carte électorale, c'est odieux, mais qu'un groupe parlementaire qui forme le gouvernement, qu'il se serve de sa majorité pour le faire seul, c'est encore pire. Et ça, je pense que, dans les annales de la démocratie québécoise, c'est sans précédent.
On le fait au nom de quoi? Pour sauver des circonscriptions. Est-ce qu'on en est rendu là, dans la démocratie québécoise, sauver des circonscriptions? Si vraiment on veut avoir une représentation régionale, si vraiment on veut s'assurer que tout les Québécois soient capables d'être bien représentés, c'est tout le mode de scrutin qu'il faut revoir. On en a déjà parlé. Ce n'est pas en donnant des petits nananes à chacun qu'on va s'assurer qu'il y a une démocratie qui est saine au Québec. Le processus en soi est vicié, et les objectifs ne sont pas nécessairement les bons non plus.
Et, si le système était si bon, bien pourquoi est-ce que les régions se dévitalisent, pourquoi est-ce que l'économie des régions périclite? Ce n'est certainement pas en se payant des députés supplémentaires qu'on va régler ce problème-là. Donc, pour un vrai problème, on appose une fausse solution qui est politique et qui ne vise qu'à sauver des emplois de députés. Puis ça, je pense que la population du Québec en a soupé, de ce genre de magouille là.
M. Moalla (Taïeb): Dans votre compréhension du délai qui avait été donné, là, aux parlementaires pour s'entendre sur quelque chose, est-ce que vous vous attendiez à un texte qui soit le plus consensuel possible? Est-ce que c'est ça que je dois comprendre? Vous n'attendez pas que le gouvernement dépose son projet de loi?
M. Caire: Bien, on s'attendait très certainement à ce que, suite aux déclarations qui avaient été faites par le leader du gouvernement, Jean-Marc Fournier, on s'attendait certainement à ce qu'on cherche à aller chercher dans chaque groupe parlementaire, dans chaque député une solution pour effectivement trouver un équilibre démocratique au Québec. Parce que c'est un problème qui est réel et qu'on ne nie pas. Et il y a toutes sortes de solutions qui ont été mises sur la table, le mode de scrutin proportionnel, le Parti québécois est arrivé avec sa solution. Mais ce qu'on retrouve dans le projet de loi, ce n'est que la solution du Parti libéral, qu'on nous impose, qu'on nous rentre dans la gorge par la force de la majorité libérale. Alors ça, c'est à des kilomètres du consensus nécessaire à établir des règles. Et en plus, pour une deuxième fois, on attaque directement l'institution qu'est le DGE. Alors, nous, évidemment... Moi, je... On ne peut pas...
M. Picard: Mais, minimalement, il aurait dû au moins y avoir des discussions. On n'a reçu aucun appel pour discuter d'avenues possibles, là. À la lecture du projet de loi, on reprend la proposition libérale, tout simplement.
M. Moalla (Taïeb): Maintenant que le projet de loi a été... le dépôt a été voté majoritairement par les députés, vous demandez quoi, et précisément, au président de l'Assemblée nationale? Parce qu'il doit trancher mardi prochain, là.
Une voix: Oui.
M. Moalla (Taïeb): Vous demandez quoi de... Parce que ça a été voté, là...
M. Caire: La question, qui a été soulevée d'ailleurs par le leader de l'opposition officielle, est sur la légitimité du gouvernement à poser un geste comme celui-là. Il faut bien comprendre que le gouvernement, par législation, donc en se servant de sa majorité, est en train de vicier tout le processus démocratique de détermination des règles démocratiques, dont la carte électorale. Et, si tant est que le président décidait que c'était légitime pour le gouvernement de le faire, ça signifie qu'un groupe parlementaire qui a la majorité à l'Assemblée nationale peut faire ce qu'il veut avec nos institutions démocratiques, alors que, dans le passé, notre tradition en matière de réforme des lois électorales, de la carte, de toutes nos institutions démocratiques, notre tradition était dans le sens du consensus d'une large majorité des élus à l'Assemblée nationale. Et on va briser cette tradition-là.
M. Nagata (Kai): M. Caire, est-ce que vous pouvez expliquer de façon très simple comment ça sert aux intérêts du Parti libéral, ce qu'on vient de voir?
M. Caire: Bien, écoutez, rapidement, là, on est en train de sauver huit circonscriptions libérales sur l'ensemble de celles qui sont définies, on est en train d'en créer trois nouvelles. Je n'ai pas fait la démographie des nouvelles circonscriptions. Mais on est très certainement en train de ménager la chèvre et le chou. Ça, pour moi, c'est assez évident. Et, au lieu de se lancer...
Et, souvenez-vous, hein, le Parti libéral avait mis de l'avant, sous Benoît Pelletier, une réforme du mode de scrutin qui visait un mode de scrutin proportionnel qui tenait compte de l'obligation d'avoir une représentation régionale. Puis, à l'époque où il était ministre, Pelletier était arrivé avec quelque chose d'intéressant qui avait été rejeté par le caucus.
Alors là, on revient à notre bonne vielle tradition. On augmente le nombre de circonscriptions et on s'assure de rester dans nos vices démocratiques qui, dans les années précédentes, ont bien servi, de un, le bipartisme et, de deux, le Parti libéral du Québec.
M. Moalla (Taïeb): Pourquoi vous parlez de huit circonscriptions, là?
M. Caire: Si vous faites la liste, là, celles qui sont actuellement libérales versus celles qui ne sont pas détenues par...
M. Moalla (Taïeb): O.K. Cela en rajouterait trois...
M. Caire: Non. Non, non, à l'exclusion, à l'exclusion des trois. Les trois n'existant pas, on ne peut pas vraiment présumer quel sera le choix des électeurs si...
M. Moalla (Taïeb): O.K. Mais vous pouvez être plus clair pour le huit qui serait comme plus...
M. Caire: Bien, oui.
M. Moalla (Taïeb): Ça profiterait aux...
M. Caire: Écoutez, là, vous avez Beauce-Sud, c'est libéral, Bellechasse, c'est libéral, Bonaventure, c'est libéral, Frontenac, Gaspé, c'est libéral, Lévis, c'est libéral, Montmagny-L'Islet, c'est libéral, Rivière-du-Loup, c'est libéral. On est en train de sauver des circonscriptions... Puis, soit dit en passant, on met là-dedans aussi Chutes-de-la-Chaudière. Je ne me souviens pas que mon collègue des Chutes-de-la-Chaudière ait demandé à ce qu'on sauve la circonscription des Chutes-de-la-Chaudière. Puis c'est la même chose pour la circonscription de Lotbinière. Vous avez entendu Sylvie Roy dire: Écoutez, moi, s'il faut que ma circonscription change, bien elle changera. Personnellement, ma circonscription de La Peltrie, dans la nouvelle mouture, change aussi, les frontières changent. Est-ce que ça fait mon affaire à moi, Éric Caire? Ça n'a aucune importance parce que, si le DGE juge que la représentation doit se faire dans ce sens-là, bien je m'adapterai à la décision du DGE. Et il n'est pas question qu'on fasse le contraire. Merci beaucoup.
M. Picard: Merci.
(Fin à 12 h 19)