Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier
Version finale
Le mercredi 18 mai 2011, 9 h 15
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Neuf heures dix-huit minutes)
M. Khadir: Alors, bonjour à toutes et à tous. Merci d'être venus. Je suis accompagné aujourd'hui par des hygiénistes dentaires, par Mme Anick Boulay, par Mme Ghislaine Clément, Mme Diane Duval et Ruth Nicole. Trois d'entre elles sont des enseignantes aussi au cégep Édouard-Montpetit où, dans le cadre du programme d'enseignement d'hygiène dentaire, on s'assure que le public a des professionnels à sa disposition. Le problème, c'est que, malgré la rigueur de cette formation, malgré le fait que le gouvernement s'est assuré, dans le cadre de la loi sur les professions, l'ordre professionnel, que cette formation est suffisamment rigoureuse pour que ces hygiénistes puissent, en toute autonomie, exercer leur profession, malheureusement le Code des professions... la loi n° 90 ne leur accorde pas encore cette pleine autonomie, on est à peu près le seul endroit au Canada avec l'Île-du-Prince-Édouard où on soumet sous tutelle des dentistes les hygiénistes dentaires. Alors, je les ai invitées ici à l'occasion du dépôt d'une pétition qu'elles ont fait circuler, qui va être déposée aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Je les ai invitées pour expliquer le sens de leur démarche et leurs attentes vis-à-vis du règlement qui est en discussion pour rencontrer leurs demandes. Mme Duval.
Mme Duval (Diane): Oui, bonjour. Mon nom est Diane Duval. Je suis enseignante au cégep de l'Outaouais. Nous, ce que nous disons, c'est que, d'abord, les hygiénistes dentaires sont tout à fait bien formées et aptes à donner des services directement à la population. Ce qui arrive dans notre profession, c'est qu'on est sous la tutelle des dentistes. On a un règlement, une délégation d'acte qui date des 40 dernières années et qu'on veut encore reproduire et reproduire. Nous, on a dit à ça: Non, on veut donner des services à la population directement.
Il y a à peu près 40 % de la population qui ne reçoivent pas, comme ils devraient le recevoir, des soins buccodentaires préventifs, des services de soins buccodentaires préventifs, et l'autonomie nécessaire pour leur donner ces services consisterait à être réglementés par la loi no 90, tout comme les autres professionnels de la santé. Parce que vous savez que, depuis que la loi n° 90 est entrée en vigueur, bien on n'a plus besoin... la population n'a plus besoin d'une prescription pour avoir accès à un physiothérapeute, ce qui était le cas il y a une dizaine d'années, ou à un acupuncteur, ou à un autre professionnel.
Ce qu'on veut, c'est que la population puisse avoir accès directement à l'hygiéniste dentaire, ce qui aurait un effet extrêmement bénéfique. On pourrait rejoindre davantage de population qui n'ont pas accès aux services d'hygiène dentaire, d'une part. Et, d'autre part, on croit que, dans le secteur privé, la concurrence pourrait s'exercer, ce qui pourrait abaisser aussi les coûts, parce que les soins de santé dentaire sont extrêmement chers et ne sont pas défrayés, évidemment, par notre santé publique. Donc, ce choix-là doit s'exercer auprès du citoyen, ce qui permettrait aux hygiénistes dentaires d'aller peut-être dans les centres d'accueil, à domicile, mais à oeuvrer aussi de façon interdisciplinaire avec les autres professionnels de la santé, y compris le dentiste, bien entendu.
Le dentiste est un pathologiste, hein? Vous savez, c'est un médecin dentiste. L'hygiéniste dentaire, c'est une formation tout autre, en prévention. Alors, on veut, nous, exercer notre champ d'exercice sans tutelle du dentiste et, si le besoin se fait sentir, comme chez des personnes âgées ou ailleurs, bien, de référer, lorsque des pathologies surviennent en bouche, certaines lésions sont dépistées grâce au travail de première ligne des hygiénistes dentaires, de les référer vers les dentistes ou les spécialistes appropriés pour leurs besoins de santé buccodentaire.
M. Khadir: On va prendre les questions. Juste vous mentionner qu'encore une fois on voit la trace, disons, du paternalisme de nos institutions. À chaque fois qu'il y a une profession à forte dominance féminine, au Québec on traîne encore des lois où on les met sous tutelle d'une autre profession à forte dominance masculine. On l'a vu avec les sages-femmes, avec les infirmières, avec les pharmaciens, et, encore une fois, ici, pour des intérêts économiques, il est certain, ce paternalisme traîne encore dans nos institutions.
Mme Thibeault (Josée): Mme Duval, comment se fait-il que vous n'êtes pas sous la loi n° 90? Est-ce que c'est parce que vous n'avez pas fait, au moment opportun, le lobby qu'il aurait fallu faire pour pouvoir être un peu comme d'autres professionnels que vous avez nommés?
Mme Duval (Diane): Ce qu'on a rapporté d'abord, en premier lieu, c'est qu'en 2002 on voulait régler des problèmes de santé publique avec la crise dans les hôpitaux, les centres hospitaliers, les tâches abondantes qu'on faisait faire aux infirmières, et donc élargir leur champ de pratique, l'actualiser, du moins, et l'élargir, pour la protection du public puis pour s'assurer que ces infirmières-là travaillaient dans le cadre de leur juridiction, si on peut dire, en soins infirmiers. Donc, on a comme un petit peu attendu puis on a été tablettés, je dirais, dans le secteur privé. Seuls les professionnels qui, même majoritaires, se retrouvent dans le privé, je pense aux chiros, aux acupuncteurs, mais qui peuvent avoir des liens avec le public, eux ont été sous la loi n° 90, et, donc, la réforme du Code des professions est survenue pour eux. Alors, le domaine dentaire, on devait le régler un petit peu plus tard. On a tardé tant et si longtemps que, finalement, on s'aperçoit que la profession dentaire devient de plus en plus réglementée pour empêcher, finalement, les hygiénistes dentaires d'aller offrir des services dentaires. Donc, on assiste finalement à un monopole, là, de tous les services dentaires faits par la profession de dentiste.
Mme Thibeault (Josée): Vous dites que ça coûterait moins cher. Pouvez-vous me donner un ordre de grandeur, me donner une idée?
Mme Duval (Diane): Je ne peux pas vous dire un chiffre, mais, quand vous avez un dentiste qui offre le service en même temps d'hygiène dentaire parce qu'il vient voir avant, il vient voir après ce que fait... le travail de l'hygiéniste alors qu'elle est membre d'un ordre professionnel, qu'elle est responsable, qu'elle doit répondre de ses compétences, nous, on dit que le service direct, en termes de concurrence, devrait coûter moins cher. Sinon, vous déplacez deux professionnels au lieu d'un.
Et, même dans les centres d'accueil, on nous est arrivés avec un projet, à l'automne dernier où est-ce que le dentiste devait faire un examen préalable ou, du moins, regarder le dossier médical du patient. Donc, nous, on est tout à fait formés pour prendre connaissance du dossier médical et référer, si le besoin se fait sentir, la personne vers son médecin si le cas le nécessite. Mais, la plupart du temps, l'hygiéniste dentaire peut oeuvrer dans le cadre de ses responsabilités et de ses fonctions et rendre des services très importants à la population du Québec.
M. Plouffe (Robert): Ça m'agace un peu, je vous avoue, M. Khadir, là, de vous entendre dire: La profession masculine de dentiste sur la profession féminine d'hygiéniste. Honnêtement, ça m'agace royalement parce que j'ai...
M. Khadir: Je comprends.
M. Plouffe (Robert): ...une femme dentiste, moi, puis ce que je me dis, c'est: Pourquoi vous n'êtes pas venu avec des dentistes? Pourquoi, la guerre, vous ne la faites pas avec les dentistes - ce sont eux qui vous font la tutelle - amener les dentistes à la table et dire: Regardez, les dentistes sont d'accord avec nous, on voudrait avoir une reconnaissance professionnelle?
M. Khadir: Bien, ce serait souhaitable que plusieurs dentistes... Moi, je suis sûr qu'il y a plein de dentistes qui sont très d'accord avec ça, mais les ordres professionnels et les syndicats, surtout médicaux - j'en connais, je suis moi-même spécialiste médecin - ne représentent pas toutes les sensibilités et toute la richesse, je dirais, de l'évolution qu'il y a dans nos professions. On traîne - ce n'est pas par volonté, nécessairement - on traîne le poids historique. Et, à une époque - je m'excuse - ce paternalisme était excessivement important. Moi, je l'ai vécu au début de ma médecine dans les hôpitaux du Québec où les médecins regardent avec, disons, une vision condescendante les autres professions alentour d'eux, alors qu'on devrait les traiter comme des pairs, qu'on devrait... Et même, dans le cas des médecins, c'est le cas entre les médecins et les dentistes ou les médecins et les pharmaciens. On devrait rompre avec, je dirais, ce poids du passé, la société a évolué. Les hygiénistes dentaires jouissent de compétences qui sont reconnues par la loi, par leur ordre, il y a un encadrement législatif. On devrait cesser ce genre de, je dirais, tutelage, qui est périmé.
Mme Thibeault (Josée): Est-ce qu'il y a une négociation actuellement?
Mme Duval (Diane): Présentement, oui, il y a une négociation en cours, il y a un projet qui nous a été présenté au mois de décembre 2010 et qui nous permettait une certaine autonomie, mais à une condition, qu'on travaille pour le compte du dentiste. Pour nous, c'était inacceptable sur le plan professionnel que les choses se passent comme ça puis que le projet... C'est un projet à saveur, là, de protection des intérêts économiques du dentiste. D'autre part, on permettait, en même temps que ce projet-là où on donnait un semblant de liberté à l'hygiéniste dentaire, on permettait, par contre, à une personne qui n'a pas la formation en hygiène dentaire, dans le cadre du cabinet dentaire, de faire les mêmes fonctions que l'hygiéniste dentaire. Alors, pour nous, c'était très clair que, depuis toujours, il y a cette espèce de protection d'un monopole sur les services dentaires, qui ne peut pas être fait autrement que par le dentiste.
Maintenant, j'ajouterais à la question qui a été demandée par rapport à la profession traditionnellement masculine et féminine. Les denturologistes ont tout à fait la même formation que nous, collégiale. Ils sont membres d'un ordre professionnel, les denturologistes sont autonomes, profession qui est fortement masculine et à tradition masculine.
Alors, comment se fait-il que les hygiénistes dentaires, elles, ne peuvent pas exercer et mettre à profit à la population... Parce que c'est la population qui est perdante là-dedans. À chaque fois qu'on crée des monopoles, on fait perdre à la population des possibilités d'obtenir des services à des coûts qui soient concurrents, ce qui n'est pas le cas, les coûts sont fixés par le dentiste. Alors, pour nous, c'est extrêmement important d'obtenir la loi n° 90, qui a aboli tout règlement et tout, je dirais, examen préalable et qui fait confiance au système professionnel québécois. Et, par tradition, les hygiénistes dentaires ont toujours, toujours référé vers le dentiste. Bien au contraire, elles n'ont jamais travaillé en îlot, seules.
M. Pelchat (Pierre): Est-ce que ça veut dire que, demain matin, il y aurait des cabinets d'hygiénistes dentaires à part d'un cabinet de dentiste dans votre... pour la population?
Mme Duval (Diane): Ça pourrait se faire, mais ce qu'on... Ça pourrait se faire. On ne dit pas que ça pourrait ne pas se faire, ça pourrait se faire. Mais on n'est plus dans cette ère-là, je pense qu'on s'en va... on ouvre beaucoup vers les coopératives de santé, on ouvre vers l'équipe multidisciplinaire. Moi, je dis: Faisons confiance aux hygiénistes dentaires, ils vont trouver des moyens de servir la population et de mettre à profit, finalement, leurs compétences à la bonne personne, au bon patron, qui est le patient, qui est le client, qui est le Québécois et la Québécoise, ce qui n'est pas le cas. L'hygiéniste dentaire, son patron, c'est le dentiste, ce qui la...
M. Plouffe (Robert): Peut-être que je me trompe, mais le patron est le dentiste. Et j'ai cru comprendre quand même que votre profession est née justement de l'existence des dentistes, qui, à un moment donné, ont dit: Bien, regarde, il y a ce genre de tâches là qui pourraient être assumées par quelqu'un d'autre parce que, bon, j'ai d'autres patients à voir. Alors, vous êtes nées de cette profession-là. Je comprends que vous avez le goût de vous émanciper, je trouve ça très louable, mais je me dis juste... c'est vraiment juste... Tu sais, je reconnais que vous avez raison dans votre démarche. La seule chose, c'est que j'ai l'impression que c'est encore... Là, tu sais, ça mettait la faute sur le gouvernement ou le paternalisme, etc. C'est juste ça, là. Je me dis, si votre démarche est entamée, je ne vois pas qu'est-ce qui pourrait empêcher... Ce sont les dentistes qui pourraient vous empêcher d'obtenir votre reconnaissance?
Mme Duval (Diane): Présentement, oui, pour des raisons économiques. Mais la profession n'est pas née de tâches de dentistes. La profession est née de la science, et ça part de découvertes en étiologie sur les causes des pathologies. C'est un champ d'exercice qui n'était pas occupé par personne, et ça fait maintenant une centaine d'années que les hygiénistes dentaires oeuvrent du côté américain et plus de 75 ans dans l'Ouest canadien. Nous sommes un peu les plus jeunes ici en termes d'exercice. Mais ce n'est pas une profession qui est vraiment issue des dentistes. On n'est pas des pathologistes, on est des gens qui oeuvrent en prévention. On est en avant de la maladie, on travaille sur les facteurs qui causent la maladie. Et, non, c'était un champ qui n'était pas occupé, et ça vient vraiment de découverte de la plaque bactérienne, de la plaque dentaire qui a amené les pathologies pour lesquelles la formation a eu lieu en hygiène dentaire.
M. Plouffe (Robert): ...dentistes qui font de la promotion, de la publicité sur, justement, s'attaquer à la plaque dentaire, etc., donc...
Une voix: ...
M. Plouffe (Robert): Mais je comprends qu'il y ait une espèce de guerre entre vous, votre profession, et la profession de dentiste.
Mme Duval (Diane): Écoutez, nous, on ne fera jamais concurrence aux dentistes s'ils sont là pour le bien-être du public. Alors, plus on sera à parler de prévention, mieux ce sera. Le problème qui existe, c'est d'empêcher l'hygiéniste dentaire, dans le cadre de ses compétences, d'exercer et d'aller vers le public, des gens qui en ont besoin, mais sans l'attacher puis sans lui donner des conditions... qui, finalement, empêche les services ou, encore une fois, ramène les services dans le cadre du cabinet dentaire. Nous, on dit que la population ne sera jamais gagnante par rapport à ça.
M. Khadir: Je ne crois pas trahir la pensée du collectif des hygiénistes dentaires en lançant un appel aux dentistes, aux praticiens de se joindre à la demande des hygiénistes puis, disons, de reconnaître l'autonomie professionnelle des hygiénistes.
M. Pelchat (Pierre): ...bien comprendre ce que vous voulez faire pour la suite, cabinets privés peut-être, mais travailler en équipe multidisciplinaire. Mais vous pourriez sortir des cabinets de dentistes, aller dans les CHSLD, dans les maisons privées, etc., donner les services à la maison, ou quoi?
Mme Duval (Diane): Oui, tout à fait. J'ai une collègue avec moi du collectif qui oeuvre dans les CHSLD ou à domicile, puis elle est confinée, malgré ses compétences, de faire le brossage de dents. Alors, ça sert qui, ça, alors qu'elle pourrait rendre davantage de services et référer en cas de pathologie? Vous savez, ça existe, des gens qui sont hospitalisés pour des lésions buccales. Ça existe, des gens qui sont hypothéqués, hospitalisés pour des lésions buccales. Alors, pourquoi ne pas aller en avant puis regarder ces lésions-là?
M. Pelchat (Pierre): Vous ne pouvez pas faire ça actuellement?
Mme Duval (Diane): Bien non, on ne peut pas le faire. C'est-à-dire qu'on ne peut pas mettre à profit, si vous voulez, toutes les compétences. Ce qu'une préposée peut faire... On veut travailler avec les gens dans les CHSLD, puis dans les centres d'accueil, et partout ailleurs, mais on est des spécialistes de notre domaine, de l'hygiène buccale. Alors, on peut rendre des services au niveau de certaines fonctions qu'on peut faire qu'une personne préposée ou autre ne peut faire. Donc, on veut travailler dans ce sens-là pour la population. Présentement, on est un petit peu mains liées, il faut que le dentiste se déplace ou il faut qu'il nous donne une autorisation. Ça n'existe plus, le médecin envers le physio qui le faisait, ça n'existe plus en acuponcture, ça n'existe plus ailleurs. À un moment donnée, il faut faire confiance aux professionnels de la santé qui sont membres d'un ordre.
M. Pelchat (Pierre): Il y en a combien d'hygiénistes dentaires au Québec?
Mme Duval (Diane): Nous sommes 5 200 hygiénistes dentaires au Québec.
Une voix: La pétition que vous avez déposée a combien de noms?
Mme Duval (Diane): De 6 000 fonctions...
Des voix: ...
Mme Duval (Diane): Ah oui! c'est ça, 5 600, pardon, c'est ça.
M. Plouffe (Robert): M. Khadir, si vous le permettez, autre sujet mordant...
M. Khadir: Est-ce que ça touche...
M. Plouffe (Robert): Oui, oui... Non, mais, justement, autre sujet mordant si vous voulez.
M. Khadir: ...
M. Plouffe (Robert): Non, mais on a fait pas mal le tour...
M. Khadir: ...ça va, tout le monde?
M. Plouffe (Robert): Rappelez-moi juste votre nom, madame... celle qui a pris le micro, là.
M. Khadir: Mme Duval, Mme Diane Duval. C'est que, dans la caméra, je ne voudrais pas les impliquer dans mes réponses sur d'autres sujets.
Une voix: Oui, d'accord.
M. Khadir: Merci. Alors, on se rejoint...
Des voix: ...
M. Plouffe (Robert): Ça pourrait faire un gros cabinet d'hygiénistes dentaires, l'amphithéâtre, hein? Qu'est-ce que vous en pensez? M. Khadir, rapidement. Demain, vous rencontrez M. le maire Labeaume. Voulez-vous me dire comment vous vous êtes préparé? Il a reproché à M. Caire de ne pas connaître le dossier, est-ce que vous avez vu tous les documents que Mme Maltais a vus?
M. Khadir: Non, personne ne m'a fourni ces documents, mais j'ai quand même... Nous avons analysé ce qui a été divulgué au public lors du lancement de cette idée, lors de l'annonce de l'entente de gestion entre la ville et Quebecor. Ensuite, il y a M. de Belleval qui a rendu public... et son équipe... Il y a une vingtaine de personnes qui se sont penchées sur le sujet, qui ont fouillé différentes informations, qui nous ont fourni des documents pour comprendre ce qu'il en est. Il y a eu d'autres aussi citoyens qui ont fait un travail de ce côté-là. On va aller rencontrer M. Labeaume, puis je vais essayer de comprendre pourquoi, lorsque nous payons, les payeurs de taxes, 100 % d'une installation, on remet 100 % du contrôle à un promoteur privé, puis ensuite, s'il y a des pertes, on l'assume à parts égales, mais, s'il y a des bénéfices, 90 % des bénéfices doivent aller au privé, puis 10 % au public. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond là-dedans.
Mme Thibeault (Josée): C'est ça qui vous agace ou c'est le fait de couper...
M. Khadir: Il y a deux problèmes, il y a le fonds... Si le fonds est ça, c'est très difficile de justifier qu'on recoure à une loi d'exception. Moi, je serais, par exemple... S'il fallait une loi d'exception pour prendre des mesures pour sauver les quelques milliers de gens qui sont actuellement victimes de débordement des rivières, on comprendrait, il y va de l'intérêt public s'il faut court-circuiter des règlements que je ne peux pas imaginer maintenant. S'il y a un intérêt public majeur dans un dossier, je peux comprendre. Mais, quand c'est pour faire des passe-droits à un promoteur qui part avec le beurre et l'argent du beurre, là il y a un problème.
M. Plouffe (Robert): On a l'impression, dans votre discours, que vous en voulez déjà à Quebecor avant même que ce soit commencé. Ce n'est pas pour sauver un promoteur, ce que je comprends, c'est le maire qui fait cette démarche-là...
M. Khadir: Parce qu'il faut qu'on reste cohérents...
M. Plouffe (Robert): L'intérêt public, c'est l'intérêt de la ville de Québec, que le maire porte. C'est ça, là.
M. Khadir: Oui. Oui, mais il faut le porter de la bonne manière. D'accord? Je comprends qu'il y a un chantage émotif que tout le monde subit actuellement parce que, tout le monde, on aimerait avoir une équipe de la Ligue nationale à Québec, ça, aussi bien moi que n'importe qui, d'accord? Il y a même des gens dans Québec...C'est des intellectuels, là, de Québec solidaire qui ne comprennent pas ça, mais c'est... il y en a beaucoup au Québec, puis c'est légitime.
Maintenant, M. Bettman exerce un chantage qui est, à mon avis, assez inacceptable, mais, bon, c'est le secteur privé, que voulez-vous? C'est les droits qu'on leur a conférés, puis ils contrôlent tout. La ville, le Québec, le gouvernement fédéral ont accepté tous de se mobiliser à des hauteurs différentes. On va payer 400 millions de nos poches pour rendre disponible un amphithéâtre justement pour faciliter ça. Pourquoi, après ça, il faut laisser les autres bénéfices à un autre promoteur? Je ne comprends pas. Je comprends la démarche...
M. Plouffe (Robert): Vous connaissez les affaires, il y a des risques associés à tout ça. Donc, en raison des risques associés à tout ça...
M. Khadir: J'accepte...
M. Plouffe (Robert): ...un promoteur privé prend des risques alors que la ville dit: Moi, je ne les assumerai pas et je ne suis pas capable de gérer ce que, lui, va gérer.
M. Khadir: Non. Bon, d'autres ont dit que c'est très gérable, que c'est des risques raisonnables, qu'on peut prendre ça ensemble, puis on fait des bénéfices ensemble, un.
M. Plouffe (Robert): Qui d'autre?
M. Khadir: M. de Belleval, par exemple. D'accord?
M. Plouffe (Robert): ...nous aussi, on est capables de gérer.
M. Khadir: Regardez, c'est parce que le dossier...
M. Plouffe (Robert): ...M. Khadir, M. de Belleval, il n'en veut pas du tout.
M. Khadir: Regardez, le dossier...
M. Plouffe (Robert): Alors, vous vous appuyez sur un homme qui n'en veut pas du tout.
M. Khadir: Non, non, mais je... Non, mais c'est parce que, lui, il n'en veut pas. Mais, s'il faut le faire...
M. Plouffe (Robert): Ne venez pas dire que c'est juste de Belleval...
M. Khadir: Non, non. Un instant...
M. Plouffe (Robert): Nommez-moi autre que de Belleval qui dit que...
M. Khadir: Nous-mêmes. Nous-mêmes. Nous, on estime que les promoteurs privés, dans les 10 dernières années, au Québec, ont un très lourd passif. Regardez le PPP, hein, un partenariat entre le public et le privé pour la gestion de l'îlot Voyageur, un désastre. Pour la gestion de tout le dossier du CHUM, un désastre parce que les coûts montent, montent, montent, grimpent, grimpent, grimpent, c'est un partenariat public-privé. Un autre tout récent, s'il fallait une preuve supplémentaire, le CHSLD Saint-Lambert, c'est un PPP aussi. Sans parler de tous ces contrats octroyés au privé pour informatiser le réseau de la santé, alors qu'on aurait pu le faire à l'interne. Alors...
M. Plouffe (Robert): Le PPP de la... est respecté. Il y en a d'autres...
M. Khadir: Excusez-moi, laissez-moi terminer, vous m'avez posé une question, monsieur.
M. Plouffe (Robert): C'est parce que vous prenez juste les exemples qui... O.K. Je vais...
M. Khadir: Donnez-moi d'autres exemples de partenariats public-privé qui nous ont permis de sauver quelque chose. Donnez-moi un exemple, je n'attends pas mieux que ça. Moi, je connais très bien le réseau de la santé, ça fait 10 ans que je fouille le dossier. Dans le cas du réseau de la santé britannique, par exemple, 14 ans d'expérience de PPP, ça a été une perte de qualité et 11 % de coûts supplémentaires. Alors, c'est sûr que j'ai un préjugé basé sur les faits, j'ai un préjugé très défavorable. Quand, en plus, je vois qu'une installation qu'on a payée à 100 % avec l'argent de nos taxes, on donne le contrôle 100 % à un promoteur privé, je trouve qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond et je ne suis pas mes amis du PQ, je ne peux pas comprendre pourquoi Mme Maltais fait ça. Ça fait deux ans qu'on crie sur tous les toits que les contrats publics doivent être transparents. S'ils sont défendables, s'ils sont dans l'intérêt du public, les décideurs publics doivent pouvoir nous en convaincre. Pourquoi une loi spéciale pour le cacher, pour aller rapidement, pour empêcher que ça soit contesté? Je ne comprends pas. Et je dis à Mme Maltais: Si c'est dans une stratégie indépendantiste, c'est une mauvaise stratégie. J'espère que mon amie Mme Maltais va réviser sa position parce qu'on ne fait pas l'indépendance en servant les patrons, on fait l'indépendance en servant l'intérêt public.
M. Pelchat (Pierre): Vous auriez aimé mieux que ce soit la ville ou le gouvernement qui gère le nouvel amphithéâtre?
M. Khadir: Il faut trouver un moyen. Moi, je pense qu'on a déjà de superbes gestions d'installations publiques. Je pense à nos musées, je pense à nos maisons de culture. Quand il y a un besoin public pour quelque chose, on investit, on contrôle, on en recueille les bénéfices puis on en assume les coûts. Il me semble que c'est plus digne que de tout donner puis de s'agenouiller devant des promoteurs privés. Je n'ai rien contre les promoteurs privés, mais, quand ils font la promotion eux-mêmes de la liberté de marché, des avantages qu'on doit leur donner parce qu'ils prennent des risques, bien, qu'ils prennent des risques, qu'ils ne nous refilent pas tous les risques puis garder juste pour eux les bénéfices, ça n'a pas de bon sens.
M. Plouffe (Robert): Labeaume s'agenouille devant M. Péladeau?
M. Khadir: Il y a là-dedans quelque chose de très difficile à assumer pour moi. Le fait qu'on en soit là est surtout dû... parce qu'avec les règles du marché on est obligés, en quelque sorte, pour avoir une équipe de hockey de la Ligne nationale à Québec, de s'agenouiller devant Gary Bettman. Ça, ça me choque déjà au départ Alors, si, en plus, on utilise ça pour offrir un modèle d'affaires qui protège les intérêts d'un promoteur puis qui nous met à risque, nous, les contribuables, bien je trouve que c'est une génuflexion supplémentaire. Merci.
(Fin à 9 h 41)