Conférence de presse de M. Yves-François Blanchet, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration, de communautés culturelles et de langue
Cinq études dévoilées par l'Office québécois de la langue française sur la situation linguistique au Québec
Version finale
Le mardi 13 septembre 2011, 14 h
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Quatorze heures une minute)
M. Blanchet: Bien le bonjour. Quelques commentaires à formuler sur l'activité récente ou l'actualité concernant le dossier linguistique. Il serait fâcheux que soit passée sous silence une assez stupéfiante négligence de la part du gouvernement. Le premier ministre a dit, en fin de semaine, qu'il fallait que les Québécois se donnent un peu de recul et ne réagissent qu'avec prudence aux indications contenues dans les études que l'OQLF a rendues disponibles étonnamment un vendredi après-midi, en milieu d'après-midi, et auxquelles la ministre n'a répondu qu'à 17 heures ce même vendredi après-midi, suggérant qu'on souhaitait que ça passe un peu sous le radar. Et à juste titre, parce que c'est les chiffres qu'on connaît depuis cinq ans, ce sont les mêmes chiffres, et, soudainement, parce que c'est l'Office québécois de la langue française qui les reprend, qui les analyse, bien, c'est comme si ces chiffres venaient de gagner grâce aux yeux du gouvernement, qui, par contre, ne se rend pas jusqu'à prendre acte de ce que ça veut dire, ces chiffres-là.
Le plus inquiétant de ces chiffres-là, au-delà de ce qu'on peut constater si on fréquente les rues de Montréal le moindrement, là, ce que les chiffres disent, c'est que... Et le plus essentiel des chiffres, c'est sur le taux de transfert. On devrait être contents que 51 % des immigrants qui font, qui effectuent un transfert linguistique le fassent vers le français. Ça veut dire que 49 % le font vers l'anglais. On est supposés être contents de ça, on est supposés de se réjouir de ça, alors que... Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'on devrait endosser, entériner, accepter que Montréal soit une ville bilingue. Ce n'est pas l'intention à tout le moins du Parti québécois et ce n'est pas du tout l'intention ou l'impression qu'on a de ce que veulent les gens de l'ensemble du Québec.
Devant cette situation-là, inquiétante au point qu'une de leurs propres études dit que la tendance serait irréversible, ce que je ne peux pas accepter comme hypothèse... au point qu'il va falloir prendre de véritables mesures. Alors, on est présentement en train d'étudier les propositions de la ministre par rapport au seuil d'immigration. Et, alors que tout le monde ou à peu près tout le monde vient en commission parlementaire pour dire que les mesures de francisation existantes sont inopérantes, qu'au niveau qualitatif comme au niveau quantitatif ça ne fait pas le travail, on veut quand même maintenir un seuil à 50 000.
Le chiffre de 50 000 en soi n'est ni bon, ni mauvais, tout comme le chiffre tout à fait arbitraire de M. Legault à 45 000. En soi, il n'est ni bon, ni mauvais. Il y a un équilibre à établir entre l'existence, l'application de mesures efficaces de francisation des immigrants et le nombre qu'on peut accueillir. Si on veut en accueillir davantage, assurons-nous de façon vérifiable et quantifiable qu'il y a intégration réussie et harmonieuse. Et, à défaut d'être capables d'établir qu'il y a intégration réussie et harmonieuse, alors réduisons le nombre.
Ces études-là arrivent précisément au moment où on a besoin de faire des constats par rapport à une espèce de naïveté quant à nos politiques d'immigration. Et, pendant que les ministères concernés font des campagnes de publicité ou roucoulent sur des tapis rouges, Montréal s'anglicise. Et, on le sait, le jour où le recul de Montréal sera effectivement rendu irréversible, bien c'est la position du français comme langue vivante en Amérique qui, à terme, sera menacée. Voilà.
Mme Thibeault (Josée): Pourquoi avez-vous attendu aujourd'hui, vous, pour faire ce constat-là, puisque les études, vous l'avez dit, ont été déposées vendredi? On est rendus mardi après-midi.
M. Blanchet: C'est assez logistique : un ensemble de commissions parlementaires qui faisait que je n'étais pas disponible à des heures qui vous auraient convenu. Mais j'avais déjà réagi en entrevue essentiellement sur les mêmes bases.
M. Chouinard (Tommy): Vous avez parlé de la tendance... irréversible, oui, soulignée dans ces études-là, à savoir qu'au fond, là, à moins de cesser l'immigration, cesser d'accueillir des immigrants ici, c'est inéluctable, là, la proportion, par exemple, de francophones, là, ceux qui utilisent le français à la maison à Montréal, là, que ce soit en bas de 50 %...
M. Blanchet: En fait, c'est que je...
M. Chouinard (Tommy): Est-ce que c'est ce à quoi vous faisiez référence?
M. Blanchet: Oui. Je fais référence à l'étude écrite par M. Dermott qui dit qu'effectivement la tendance serait irréversible. Mais je ne crois pas que la tendance soit irréversible. Je suis convaincu qu'avant l'adoption de la Charte de la langue française en 1977, il y avait des gens pour dire que c'était illusoire et que les tendances étaient irréversibles. Or, on sait qu'aujourd'hui on peut faire quelque chose, qu'on peut agir. On ne peut pas me convaincre que les tendances sont irréversibles alors qu'on n'essaie même pas de les reverser, alors qu'on fait de la tergiversation.
Écoutez, j'entendais la ministre St-Pierre en entrevue, hier, parler de nouvelles études encore, commander des nouvelles études. Le temps des études est fini. Les chiffres qu'on analyse aujourd'hui sont des chiffres qui datent déjà de 2006. Ça fait déjà cinq ans. On peut supposer que les tendances se sont maintenues donc que c'est encore un peu pire que ce c'était il y a cinq ans.
Moi, il y a cinq ans, j'étais résident de Montréal. J'y retourne régulièrement et je peux vous le dire, pour ne plus vivre à Montréal depuis cinq ans, que c'est très sérieux comme situation. Mais là on est dans le purement subjectif. Là, on a des chiffres qui nous le confirment. On suppose que la tendance se maintient et on parle de faire encore des nouvelles études dans le seul but de ne pas de prendre de décision.
M. Chouinard (Tommy): Alors, combien d'immigrants, de nouveaux arrivants il faudrait chaque année? Là, vous dites, les chiffres, dans ces...
M. Blanchet: Je m'interdis de donner un chiffre pour la simple et bonne raison qu'on n'est pas capables d'avoir un état des lieux. On sait que les mesures existantes présentement ne marchent pas. On sait qu'on veut avoir des mesures incitatives. On veut avoir une majorité d'immigrants avec une maîtrise fonctionnelle du français. Les cours de français par la suite ne sont pas obligatoires, les gens qui arrivent ne sont pas rencontrés, le résultat étant qu'il n'y a pas d'intégration des immigrants, encore moins intégration harmonieuse des immigrants.
Faisons le constat de ce que les ressources actuelles nous permettent d'accueillir et, après qu'on a fait ce constat-là, qu'on a établi le point d'équilibre... Et je ne sais pas c'est quoi, le chiffre. Si on met plus de ressources, on accueillera davantage d'immigrants; puis, si on ne met pas plus de ressources, il faudra diminuer le nombre d'immigrants qu'on accueille. Le Québec doit demeurer une société d'accueil extrêmement ouverte, mais jamais au prix de sa propre langue, jamais en mettant en péril ses institutions et ses valeurs fondamentales.
M. Chouinard (Tommy): Et j'ai deux autres questions si mes collègues sont d'accord. Oui? Vous parlez de l'obligation de suivre des cours de francisation, donc rendre obligatoires les cours de francisation. Si ma mémoire est bonne... Est-ce que c'est toujours assorti: si les immigrants ne le font pas à l'intérieur de trois ans, ils perdent leur droit de se présenter aux élections, ce genre de choses là?
M. Blanchet: Ce n'est pas assorti de ce type de mesure là d'emblée. En fait, il y a une réflexion à faire. Plus on va attendre, plus il va falloir être sévères. Et qu'est-ce que ce sera? Ça ne met pas en jeu la question de la citoyenneté sur laquelle, nous, on réfléchit. Mais, plus on va attendre, plus le type de mesures... plus l'intensité des mesures qu'il va falloir mettre en place va être importante, évidemment. Plus Montréal va être anglicisée, plus le renversement de la tendance va demander des mesures, je dirais, sévères. Plus rapidement on interviendra, et plus... plus responsable sera notre intervention, plus ça va se faire de façon harmonieuse.
M. Chouinard (Tommy): Ça n'existe plus, ça, cette idée de retirer le droit de se présenter, là, aux élections scolaires, municipales...
M. Blanchet: Je dirais que les réflexions là-dessus, compte tenu de l'importance de l'enjeu, vont se continuer. Mais il y avait la question de la citoyenneté, puis ce n'est pas un enjeu, la citoyenneté ne sera pas conditionnelle. Je pense que ce qu'on devra faire, c'est développer, réfléchir à des mesures qui ne vont - comment dire? - quasiment pas donner le choix, là.
La SSJB, par exemple, propose qu'on réponde en français seulement au niveau des services publics. Je ne suis pas convaincu de la possibilité d'application de ça. Mais, en canalisant les gens vers une obligation de maîtriser le français pour être fonctionnel dans notre société, on pose un geste qui est à la fois responsable et légitime. Et on ne rend pas service aux immigrants en ne leur faisant pas faire le choix de la langue française. On ne rend pas service à l'ensemble des communautés parce que les chiffres disent aussi qu'un Montréalais sur cinq à la maison ne parle ni français ni anglais. Contrairement à ce que des gens ont dit, c'est un indicateur, on n'intervient pas dans la langue à la maison, mais cet indicateur-là est extrêmement important. On ne rend pas service aux immigrants en ne leur donnant pas l'outil fondamental de leur intégration au Québec, et c'est une maîtrise de la langue française.
M. Chouinard (Tommy): Au congrès de 2005, vous avez voté en faveur... Au congrès de 2005, qu'est ce que je dis là! Au congrès d'avril dernier, pardon, vous avez voté en faveur du retour à l'affichage unilingue. Ça a obtenu...
M. Blanchet: On a voté... ce n'est pas moi personnellement.
M. Chouinard (Tommy): Pardon?
M. Blanchet: On a voté...
M. Chouinard (Tommy): En faveur de cette mesure-là.
M. Blanchet: Le congrès...
M. Chouinard (Tommy): Oui, oui. Vous avez d'abord voté en faveur.
M. Blanchet: La commission a voté en faveur de façon unanime, mais j'assume que vous faites allusion au fait que j'y étais.
M. Chouinard (Tommy): Oui. Mais vous avez voté aussi pour quand c'est venu sur le plancher.
M. Blanchet: Ce que j'ai expliqué, que je veux bien vous réexpliquer, si vous me le demandez...
M. Chouinard (Tommy): Mais ça a été renversé par la suite. Ce que je voudrais savoir...
M. Blanchet: ...j'ai voté pour le renversement, d'ailleurs. Et je vous explique fort simplement. Je pense que le Québec devrait être le seul à avoir juridiction sur l'ensemble de ses politiques linguistiques. Je pense que le Québec devrait être souverain, ça réglerait le cas. Je pense que le Québec devrait avoir la maîtrise d'oeuvre exclusive en matière linguistique, en matière culturelle. Si tel était le cas, les décisions de la Cour suprême, on n'aurait pas à en tenir compte.
Ce que j'ai dit en commission, c'est que toute intervention de la Cour suprême n'est pas légitime en matière linguistique, en autant que, nous, on est concernés. Maintenant, si l'esprit, la volonté de la loi 101 version 1977 est parfaitement légitime, je pense que, 34 ans plus tard, on peut réécrire et réévaluer, et c'est bien ce à quoi le parti s'est engagé.
Donc, il était incohérent de voter à la fois pour l'application de la loi 101 tel qu'elle avait été rédigée en 1977 et, en même temps, voter pour une réécriture de la loi 101. C'est une simple question de cohérence. Je pense qu'on peut s'ajuster, à 34 ans d'évolution.
M. Dutrisac (Robert): M. Blanchet, bon, ce qu'on apprend ou ce qui est confirmé essentiellement, c'est le fait que les francophones ne seront plus en majorité éventuellement, et c'est dû à l'accroissement du nombre d'allophones, de gens qui parlent une autre... une tierce langue à la maison et l'anglais aussi. Comment faites-vous pour faire une adéquation directe entre cet état de fait là, puisqu'il y a des immigrants allophones qui ne parlent ni français ni anglais qui viennent grossir ce nombre-là, et l'anglicisation de Montréal? Il n'y a pas une corrélation directe, là. Ces gens-là peuvent très bien parler arabe à la maison et français au travail, ou dans la rue, ou...
M. Blanchet: Ils le peuvent, mais il n'existe pas d'indications par rapport à la langue d'usage publique. Ce qu'on sait par contre, c'est que, si les gens...
M. Dutrisac (Robert): Oui, mais...
M. Blanchet: ...si les gens étudient en français, si les gens travaillent en français, si les gens utilisent le français dans leurs échanges avec les institutions, éventuellement, à cette même génération ou à la suivante, il va y avoir adoption de la langue française comme principale langue d'usage. Et ça, la langue d'usage à la maison en est l'indicateur. Mais il n'existe pas de statistiques qui nous disent précisément quelle est la langue dans la relation avec les institutions. Donc, à ce moment-là, on est obligés de se baser sur d'autres indicateurs, et les indicateurs qu'on a, fondamentalement, c'est les transferts linguistiques. Or, les transferts linguistiques disent que, malgré une progression, c'est un immigrant sur deux parmi ceux qui en font. Donc, on est encore dans la minorité, parce qu'il y en a à peu près entre le tiers et 40 % qui ne font pas de transfert linguistique et il y a encore 20 % des foyers montréalais qui n'échangent entre eux au foyer ni en français, ni en anglais. Donc, ce transfert linguistique là de 51 % reste la part minoritaire de ce qui se produit. On ne peut pas se contenter de ça et supposer que Montréal va se franciser davantage.
Et ce que je pourrais vous dire si vous me permettez une analogie, on peut bien commencer la troisième période d'un match de hockey 2-0 pour l'autre équipe puis dire: «Too bad», la tendance est irréversible. Dans les faits, si on n'essaie pas de faire de buts, on n'en fera pas. Si on ne prend pas de mesures pour franciser les gens, ils ne se franciseront pas. Si on leur donne un message ambigu comme quoi ils ont le choix, il y a des chances qu'ils choisissent l'anglais, parce qu'encore une fois, dans les messages qu'ils ont reçus avant même d'arriver au Québec, ils s'en venaient qui en Amérique du Nord, qui au Canada pour découvrir en débarquant de l'avion, en regardant les journaux que ce n'est pas clair du tout, quelle est la langue à laquelle ils doivent s'intégrer ici. Et, à défaut d'études quantitatives claires, le Journal de Montréal en faisait état hier, il est très facile de vivre dans certains quartiers de Montréal en ne parlant pas français. Ce n'est même pas utile dans de grands quartiers de Montréal de ne pas parler français... de parler français, pardon.
M. Dutrisac (Robert): Comment, dans ce sens-là, êtes-vous sûr, s'il y a absence de données sur la langue d'usage, êtes-vous sûr que Montréal s'anglicise?
M. Blanchet: J'aurais tendance à vous dire, outre ce qu'on peut extraire des études, j'aurais tendance à vous dire: Allons voir. J'aurais tendance à vous dire: Allez demander à des gens qui vivent à Montréal, allez demander aux francophones qui vivent à Montréal, qui voient leur langue reculer, allez demander aux gens... Et tout le monde le dit tout le temps et partout, l'anglicisation, d'abord, l'Ouest, c'est clair, la rue Sainte-Catherine, où ça progresse de plus en plus vers l'Est. À défaut de données empiriques, on va devoir se fier sur ce qu'on entend, sur ce qu'on voit, sur ce que les gens disent. Moi, j'ai passablement confiance en ça. Et il y a aussi d'autres études qui nous permettent d'extraire cette information-là.
M. Robillard (Alexandre): Pourquoi vous n'êtes pas en mesure de dire s'il faut baisser le nombre d'immigrants ou augmenter les moyens de francisation? Pourquoi vous n'êtes pas, à ce stade-ci, capable de dresser... de tirer une conclusion tout de suite?
M. Blanchet: La commission parlementaire est présentement en train d'étudier les projets de seuil d'immigration que propose la ministre; elle propose 50 000. Ce que, moi, je constate, c'est que le 50 000 est totalement arbitraire. 50 000 serait un bon chiffre si nous étions en mesure d'intégrer harmonieusement en français 50 000 immigrants. Or, les faits sont très clairs: on n'y arrive pas. Non seulement on n'y arrive pas, mais, en plus de ça, il y a des messages très ambigus qui sont donnés aux gens. Parlez-en, par exemple, aux communautés maghrébines, qui sont francophones, qui arrivent au Québec et qui se sentent lésées parce que, lorsqu'elles se cherchent un emploi, elles se font dire qu'à défaut de parler anglais, elles n'en auront pas, d'emploi. Il y a plusieurs groupes de cette communauté-là qui sont venus en commission parlementaire. On est rendus à un problème grave. Une immigration francophone qui dit qu'elle a été mal informée parce qu'à défaut de parler anglais elle ne peut pas se trouver d'emploi à Montréal? Allez me dire que Montréal ne s'anglicise pas après ça.
M. Robillard (Alexandre): Mais qu'est-ce que vous privilégieriez, vous? Est-ce que ça serait augmenter les moyens de francisation ou réduire l'immigration?
M. Blanchet: Augmenter les moyens de francisation de façon assez claire. Lorsque les milieux économiques sollicitent un nombre important d'immigrants, compte tenu de la situation... Tu sais, il y a des vertus à l'immigration, il y a des vertus économiques à l'immigration. Ce n'est pas la seule ressource, parce qu'il y a aussi des études qui disent que c'est illusoire. Je ne pense pas que ça soit illusoire. L'immigration est un des moyens pour soulager certains besoins économiques; l'immigration est un des moyens au niveau démographique; l'immigration a des vertus culturelles évidentes; et l'immigration a des obligations à caractère humanitaire. Donc, on ne préconise pas d'emblée de réduire le nombre. Ce n'est pas le nombre qui est problématique, c'est les ressources affectées à la francisation des gens qui constituent ce nombre.
Mme Lajoie (Geneviève): À la lumière de la francisation qui se fait actuellement, combien on devrait accueillir d'immigrants?
M. Blanchet: Écoutez, je comprends l'insistance à me faire dire un chiffre, mais je ne ferai pas ce que je reproche à la ministre ou ce que je reproche à M. Legault, c'est de lancer des chiffres en l'air.
Mme Lajoie (Geneviève): Mais vous dites...
M. Blanchet: À l'heure actuelle, on n'a pas les informations. Nous sommes en commission parlementaire. Les gens viennent dire: Ça ne marche pas, l'intégration ne se fait pas. C'est le rôle du gouvernement, c'est le rôle de la ministre de dire: Est-ce qu'on peut quantifier, est-ce qu'on peut identifier qu'est-ce qui ne marche pas? On ne peut pas seulement lancer des chiffres. On ne peut pas faire comme M. Legault, dire: O.K., on jette 125 millions de plus dans la mêlée, surtout que, dans les ressources existantes, on sait que, souvent, elles sont mal orientées.
Je peux donner un exemple qui est dans ma circonscription: des immigrants francophones qui doivent faire un cours de francisation avant de pouvoir occuper un emploi, lequel cours de francisation n'est pas rendu disponible pour ces gens-là pendant que des employeurs veulent les engager. Ce n'est pas seulement une question de ressources ou d'argent, c'est une question d'organisation des ressources. C'est notamment ce qui sort de la commission parlementaire.
Je ne peux pas, donc, vous donner un chiffre parce qu'on n'est pas capables d'avoir un diagnostic clair, on n'est pas capables d'avoir un état des lieux clair sur comment sont affectées les ressources et pourquoi ces ressources-là s'avèrent présentement insuffisantes.
Mme Lajoie (Geneviève): Peu importent les chiffres, là, donc, il ne faudrait pas augmenter, en tout cas. Ça c'est certain que... Donc, une pause...
M. Blanchet: C'est clair, à l'heure actuelle, qu'à la lumière de l'échec des mesures existantes, le chiffre de 50 000 apparaît trop élevé.
Mme Thibeault (Josée): Qu'est-ce que vous pensez de la position du président du Conseil de la souveraineté qui, lui, dit que les études en question finalement sont optimistes et que ça va être pire que ce qui est dans ces études-là, entre autres sur les chiffres, pour en arriver à un 50 pour... 51-49, là?
M. Blanchet: Bien, je comprends son inquiétude. Lorsqu'on se voit présenter une étude quantitative et chiffrée, on est un peu obligés de le prendre à sa face même. Mais on peut avoir des doutes puis on peut avoir des inquiétudes. De la même manière que, lorsqu'on nous dit que la tendance est irréversible, pour ma part, je n'endosse pas du tout l'hypothèse à l'effet que la tendance est irréversible. Donc, je comprends que M. Larose puisse avoir des inquiétudes importantes et je dirais qu'à bien des égards je partage ses inquiétudes, parce que, manifestement, la stratégie du gouvernement est d'essayer de rendre les gens le moins inquiets possible. Je vous dirais en boutade que, si le premier ministre dit: Inquiétez-vous pas, tout va bien, c'est que tout ne va pas bien.
M. Robillard (Alexandre): Je voudrais juste avoir votre commentaire sur les propos de la présidente de l'OQLF qui, elle... De leur côté, eux, ils constatent que le nombre de plaintes est relativement stable. Puis on voyait dernièrement l'organisme Impératif Français qui semblait s'alarmer, là, même d'un recul dans le nombre de plaintes déposées à l'OQLF. Donc, compte tenu du constat que vous faites, comment vous expliquez que ça ne s'incarne pas de manière plus claire...
M. Blanchet: Vous comprendrez que ce soit difficile à expliquer, d'abord parce que, là, des plaintes à l'Office québécois de la langue française, c'est un geste citoyen. Les gens peuvent le faire. Qu'est-ce qui fait qu'ils ne le font pas? Le fait que ça les dérange moins, ou le fait qu'ils ont renoncé, ou le fait qu'ils ont l'impression que ça ne change rien, ou le fait qu'ils sont bien informés du fait que, lorsque des plaintes sont déposées, en général, ça ne donne rien? Il y a mille et une raisons possibles qui fait que les gens pourraient décider de ne pas, peu, moins se plaindre à l'office. Dans les faits, il y a un constat, et nous sommes convaincus, au moins jusqu'à avis contraire - et le contraire m'étonnerait beaucoup - nous sommes convaincus que la population du Québec souhaite que des gestes soient posés au bénéfice de la protection de la langue française.
M. Robillard (Alexandre): Donc, ça ne vous inquiète pas, vous, de voir que, malgré le constat sur le terrain que vous rapportez, dans les faits...
M. Blanchet: J'aimerais que le citoyen soit plus actif pour la protection de sa propre langue. J'ai l'impression qu'il est possible qu'au bout de huit ans d'indifférence du gouvernement le citoyen ait l'impression qu'il perd sont temps.
Mme Lajoie (Geneviève): M. Blanchet, vous étiez un des émissaires envoyés, pendant le caucus à Saguenay, à Montréal pour les états généraux sur la souveraineté. Pouvez-vous nous parler de ce qui se passe en ce moment?
M. Blanchet: En fait, je ne peux pas beaucoup vous parler de ce qui se passe parce que le but même de ça est qu'une institution qui ne soit pas partisane et qui soit crédible prenne en charge la réflexion sur les états généraux. C'est le Conseil de la souveraineté qui le fait. Et, bien que nous y participions, je ne me crois pas habilité à parler à la place de M. Larose là-dessus. Donc...
M. Chouinard (Tommy): ...représentant du Parti québécois au sein du conseil d'administration du Conseil de la souveraineté.
M. Blanchet: Et je m'exprime au sein du conseil d'administration du Conseil de la souveraineté.
M. Chouinard (Tommy): Il se peut qu'il n'y en ait pas, dans le fond. M. Larose...
M. Blanchet: C'est possible qu'il n'y en ait pas, c'est possible qu'il y en ait. La réflexion a cours. On participe à la réflexion. On souhaite évidemment qu'il y en ait, ce qu'on ne peut pas garantir parce que nous ne sommes pas l'ensemble des autres groupes. Nous sommes un participant parmi d'autres participants, qui avons accepté de s'y inscrire à titre de groupe parmi les autres, sans davantage de poids que les autres. Et c'est au Conseil de la souveraineté de vous présenter l'évolution de ce projet.
M. Chouinard (Tommy): C'est quoi, l'écueil principal?
M. Blanchet: Ça aussi, c'est à Gérald Larose de répondre à cette question-là.
M. Chouinard (Tommy): Il est déjà acquis que ça n'aura pas lieu cet automne, là, compte tenu qu'il y a une nouvelle rencontre le 28...
M. Blanchet: Je ne sais pas où vous avez entendu ça. Moi, je crois qu'il n'y a absolument rien d'acquis. Je pense que ça devrait avoir lieu mais que ça dépend de la volonté des éventuels participants. M. Larose a dit 50 %, il n'a pas dit: Ça n'arrivera pas.
M. Chouinard (Tommy): Oui, mais c'est assez faible, compte tenu d'un optimisme... l'optimisme qu'il avait affiché au départ, là. Au lendemain, il était... il est beaucoup plus...
M. Blanchet: Je vous laisse le choix de voir le verre plus plein ou plus vide. Moi, je pense que c'est en cheminement, et que la réflexion a cours, et qu'on participe, et que les chances que ça ait lieu sont très, très, très réelles.
Mme Montgomery (Angelica): Mr Blanchet, can I ask a few questions?
M. Blanchet: Oui. And you want me to answer in English?
Mme Montgomery (Angelica): Yes.
M. Blanchet: I'll do my best, but I promise nothing.
Mme Montgomery (Angelica): I understand. Why do you think that it's necessary to lower the immigration rate in Québec?
M. Blanchet: I believe that everybody sees and everybody that came in the commission about this said that the measures actually implemented are not well implemented, first, and are not sufficient, second. So, we see that people that come in Québec and mostly in Montréal do not choose French as their most... I wouldn't know how to say it, their daily language as we want and expect them to do. Since we see that what is being done now is not sufficient, we say that the Minister should be more careful, and there should be a more precise diagnostic being offered before we go any further into keeping the levels that high.
Mme Montgomery (Angelica): If your large concern is whether French is spoken at home, what do you think could be done to get immigrants to speak French at home? Would you have to tell them to stop speaking their own language or sing something saying: You can't speak your mother tongue anymore?
M. Blanchet: That's a very good occasion to say that speaking French, or English, or whatever language at home is an indication there is no idea, no project of telling people which language they should speak at home. But, if people work in French, if people deal in French with public institutions, if people go to school in French up to the CEGEP level, we expect them naturally to choose French as their most common language on a daily basis.
Mme Montgomery (Angelica): Because Chantal Hébert says something I though was very interesting. She said if these studies were done in Toronto or Vancouver, the numbers would look even worst for the future of English, because most immigrants in those cities still speak their mother language at home. So, if we can't convince immigrants to speak English at home in the United States or Canada, how do you do that here in Québec?
M. Blanchet: Does «multiculturalisme» translate into «multiculturalism»? It is the patent proof that multiculturalism does not work. It creates communities which hardly communicate between themselves, because, in order to do that, you need a common language. Let us avoid this danger because our own language is at stake, here.
Merci beaucoup.
(Fin à 14 h 26)