Conférence de presse de M. Lucien Bouchard, premier ministre du Québec
Bilan de la session
Version finale
Le mercredi 20 décembre 2000, 12 h 33
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Douze heures trente-trois minutes)
M. Bouchard: Nous voici à nouveau réunis pour faire entendre le bilan de cette session parlementaire, ma 10e depuis que j'occupe les fonctions de premier ministre du Québec.
Mes premiers mots seront pour souligner le travail de Jacques Brassard, notre leader parlementaire. Ce dernier n'a pas fait mentir sa réputation de leader aguerri et respecté. J'aimerais le remercier chaleureusement.
Bien sûr, cette session qui s'achève a été marquée par le débat des fusions municipales, mais la loi la plus fondamentale que cette Assemblée a adoptée est la loi n° 99, celle sur les droits et prérogatives de l'Assemblée nationale et du peuple du Québec.
Le printemps dernier, j'avais déjà annoncé notre intention de faire en sorte qu'elle soit adoptée avant la fin de l'année 2000. Nous avions aussi souhaité jusqu'à la fin que cette loi soit appuyée par le Parti libéral. Cela n'a pas été possible. Ce parti portera le poids de cette décision. Par ailleurs, je souligne que le chef de l'Action démocratique, en défenseur des intérêts du Québec, a appuyé cette initiative déjà qualifiée de Charte des droits politiques. Le Québec a maintenant un instrument pour s'opposer à la loi fédérale dite sur la clarté et le cadenas politique qu'elle constitue. Nous détenons maintenant la clé qui nous garde l'avenir ouvert.
À l'égard des regroupements municipaux, la loi n° 170 a été adoptée ce matin. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur ce projet. Tous les quotidiens et les médias électroniques en ont parlé. La population a participé à cette discussion publique. Bien des chiffres ont été mentionnés, de multiples opinions ont été émises, bref le débat a eu lieu, il fallait décider. Depuis plus d'une génération, nos concitoyennes et concitoyens ont été confrontés périodiquement à ces débats. De multiples groupes de travail avaient produit aussi de multiples études. Aucun gouvernement n'avait eu la possibilité, et peut-être le courage, de s'attaquer au plus gros morceau: le regroupement des régions métropolitaines de Hull, Montréal et Québec, les trois plus populeuses. Nous l'avons fait à visière levée, sans détour, avec toute la solidarité de notre équipe parlementaire.
Je l'ai dit et je le répète: Cette législation comptera parmi les grandes réformes mises de l'avant par les différents gouvernements du Parti québécois. Dans le domaine municipal, je ne peux passer sous silence l'adoption de la loi n° 150, mieux connue sous le nom de pacte fiscal. Il faut souligner l'importance de cette entente entre le gouvernement du Québec et ses partenaires municipaux, une entente qui leur permettra de compter sur des revenus appréciables au cours des prochaines années.
Nous souhaitons aussi que la loi n° 164 sur la création de partenariats privé-public en transport permette la réalisation de projets importants pour le transport dans chacune des régions du Québec. Nous explorons ainsi une nouvelle façon de développer nos infrastructures tout en respectant certains principes, comme celui du maintien pour chaque projet d'une alternative gratuite et accessible.
Et s'ajoute à notre bilan législatif la Loi sur La Financière agricole, la Loi sur l'accès à l'égalité dans les organismes publics et le dépôt de la loi portant sur la réforme du Code du travail.
Au cours des derniers mois, tous ont pu remarquer les pas de géant fait par l'économie du Québec. Des périodiques d'un peu partout dans le monde parlent de notre vigueur économique. Notre taux de chômage se situe à 8,3 % alors qu'en 1993 il atteignait 13,3 %. Neuf régions du Québec, la majorité, ont un taux de chômage inférieur à notre moyenne nationale.
Depuis le début de cette année, près de 85 000 emplois ont été créés, en majorité à temps plein. Et chez les jeunes, notamment grâce à la mobilisation reliée au Sommet du Québec et de la jeunesse, la croissance de l'emploi est maintenant supérieure au Québec par rapport au Canada. Je suis aussi fier de signaler, même si beaucoup de travail reste à faire, que, depuis 1996, 209 000 personnes ont quitté la sécurité du revenu pour s'intégrer au marché du travail.
Le 20 novembre dernier, le Mouvement Desjardins, dont nous venons de célébrer le centième anniversaire de fondation, mentionnait que le Québec connaît ses meilleurs moments depuis au moins un quart de siècle et qu'une autre très bonne année est en vue pour 2001. Cette opinion est aussi partagée par la Banque Nationale, qui, dans sa toute dernière étude, précisait que la morosité et le pessimisme prévalant il y a à peine cinq ans ont fait place à un dynamisme jamais observé en 30 ans. Dynamisme, optimisme, ce sont des mots qui vont caractériser nos actions dans les prochains mois.
L'année 2001 commencera par la mise en place des comités de transition dans les cinq territoires visés par la réforme municipale. Nous recevrons aussi, au début de février, le rapport des mandataires pour les régions de Sherbrooke, Trois-Rivières et Chicoutimi, Jonquière, Lac-Saint-Jean, enfin le Saguenay, Bas-Saguenay, comme on dit chez nous.
Dans le dossier de la santé, la commission Clair déposera son rapport à la mi-janvier, ce qui amènera sûrement un débat de fond sur l'avenir de notre système public de santé, auquel les Québécoises et les Québécois sont aussi profondément attachés.
Sur le fond de l'économie, j'aurai l'occasion, à la fin du mois de janvier, de diriger une mission de prospection et d'investissement en Allemagne, en Espagne et en Italie, avec un arrêt à Bruxelles. Et je me rendrai aussi en Chine avec des dizaines de gens d'affaires du Québec, qui feront partie de la délégation de Mission Canada.
Mais notre priorité gouvernementale sera celle des régions. Nous mobiliserons à nouveau pour elles des énergies accrues, en particulier pour les régions ressources. Toutes sont essentielles à l'essor social et économique du Québec. Non seulement nous maintiendrons nos efforts de soutien envers chacune d'elles, mais nous allons les accentuer. Les libéraux devant faire le coeur de la stratégie parlementaire, ils ont créé un comité; le silence règne depuis.
J'ajouterai que la grande priorité, bien sûr, du gouvernement, comme je l'ai dit tout à l'heure à l'Assemblée nationale, continuera d'être le progrès social du Québec, donc, tout ce qui concerne la lutte contre la pauvreté et l'intensification des mesures que nous prenons pour perfectionner notre système de santé. Tout cela ne peut pas se concevoir sans le situer dans une perspective plus large, qui est celle de l'identification des moyens et des ressources grâce auxquels nous pouvons atteindre nos objectifs.
Et, je le répète, c'est le cas du Québec – c'est le cas de plusieurs provinces au Canada, c'est le cas du Québec notamment – nous sommes dans une situation de carcan fiscal qui fait que nous n'avons pas toutes les ressources fiscales requises pour satisfaire aux besoins de la population, et qu'il y a des choix collectifs importants qui devront être faits, et tout ça fait partie du débat que nous aurons l'année prochaine.
Je ne peux terminer sans dire un mot sur notre équipe de députés ministériels; leur détermination et leur solidarité n'ont pas fait défaut depuis 1996. Tout au long de la lutte au déficit et plus récemment pendant les débats entourant la réforme municipale, ils et elles ont été aux premières lignes et ont fait valoir les points de vue de leurs commettants. J'aimerais les en remercier, cela augure bien pour les années qui viennent, et surtout pour ce grand projet qui motive notre engagement politique, le leur comme le mien: donner aux Québécoises et aux Québécois un pays à la hauteur de leurs aspirations. Je vous souhaite, à toutes et à tous, de très joyeuses fêtes. Merci.
M. Grant (John): Normand.
M. Girard (Normand): M. le premier ministre, bien, vous allez me permettre, d'abord, de vous souhaiter un joyeux anniversaire, je sais que c'est ce mois-ci.
Ma première question concerne l'admonestation extrêmement sévère que vous a servie, ce matin, M. Yves Michaud. Ça fait quelques années que je côtoie les hommes politiques, je pense que je n'ai jamais vu une admonestation à l'endroit d'un chef de parti et d'un premier ministre aussi dure que celle-là. Je voudrais savoir si vous allez mettre votre leadership en jeu sur ce que vous avez déclaré hier soir, à savoir qu'il ne pouvait pas être candidat du Parti québécois dans Mercier? Lui qui dit, ce matin, qu'il n'y renoncera jamais. C'est ma première question.
Ma deuxième question, c'est: Est-ce que vous comptez faire un remaniement ministériel au retour de vacances, après les fêtes?
M. Bouchard: Je laisse à M. Michaud les expressions qu'il a utilisées pour s'adresser à un premier ministre et à un chef de parti.
Deuxièmement, je pense que sa lettre et ses propos, ses déclarations récentes, enfin, depuis quelques jours, font étrangement silence sur le mérite de la question. De quoi s'agit-il? Nous sommes interpellés, nous, comme parti, moi, comme chef de parti, par la situation qui résulte de propos que M. Michaud a tenus relativement à la question juive, les liens qu'il entretient avec le parcours souverainiste du Québec, relativement aussi à des jugements de valeur portés sur l'attitude des communautés culturelles qui n'appuient pas la souveraineté. C'est de ça qu'il est question. Et, moi, c'est de ça que je parle, et c'est ça qui me préoccupe.
Je n'ai aucun grief à l'encontre de la personne de M. Michaud. Je n'ai eu avec lui que des rapports conviviaux. Ce n'est pas un de mes intimes, ce n'est pas un des amis, mais je l'ai croisé à plusieurs occasions, au cours des récentes années, et avant même que j'entre en politique, et je n'ai eu avec lui que des rapports je dirais même plutôt agréables. Et quand on m'a dit qu'il s'intéressait à la candidature de Mercier, je n'ai posé aucun geste, je n'ai prononcé aucune parole, je n'ai donné aucune instruction qui puissent, en quelque façon que ce soit, entraver son accès à l'investiture. Au contraire, Bernard Landry, avant d'appuyer son investiture, m'en avait parlé et je lui ai dit: Il est parfaitement libre de se présenter; les militants, les militantes décideront de celui ou de celle qu'ils veulent voir tenir la bannière du Parti québécois dans ce comté. Ça, c'est la situation qui prévaut avant que M. Michaud se mette à faire des déclarations sur les Juifs, sur les jugements qualitatifs des votes des communautés culturelles et qu'il appelle ethniques, et avant qu'il, par exemple, se mette à reprocher au peuple juif de considérer être le seul à penser à avoir souffert, et que lui a ras-le-bol – et là c'est du mot à mot. Il faudrait que les gens se rappellent ce qui a été dit. C'est ça, moi, qui me – et non seulement moi – mais qui a fait sauter tout le monde à l'Assemblée nationale et dans tous les milieux. Je crois que, si les gens lisent attentivement ce qui a été dit, il y a un problème, là, nous avons un problème de société, nous avons un problème de démocratie.
Est-ce qu'on peut, par exemple, prétendre représenter le Parti québécois, devenir député et nous annoncer – parce qu'il nous a dit qu'il maintenait ses propos – continuer à dire que c'est de l'intolérance – que c'est de l'intolérance – de la part des communautés ethniques de voter contre la souveraineté? Est-ce qu'on peut? Est-ce que le Parti québécois considère que – je m'adresse aux membres du Parti québécois, là – est-ce qu'ils font de la politique et de l'engagement au sein du Parti québécois pour que ce soit ça, le genre d'argument qu'on va invoquer pour convaincre nos concitoyens et nos concitoyennes de voter pour la souveraineté? Est-ce que c'est comme ça qu'on va pouvoir jeter des ponts et obtenir des allégeances dans les communautés culturelles au soutien de la société? C'est elle, la question fondamentale. Pour moi, c'est la question fondamentale. Est-ce qu'on peut considérer, par exemple, qu'un mouvement de défense des droits et libertés qui origine des milieux juifs est assimilable à un mouvement extrémiste antiquébécois? C'est de ça qu'il est question. Et moi, comme membre du Parti québécois, comme chef du Parti québécois, je me pose la question.
Comme parlementaire, j'ai conclu avec tout le monde qu'il fallait appuyer cette résolution qu'il ne faut que personne pense que les parlementaires québécois, de quelque parti qu'ils soient, entérinent ce genre de propos. D'ailleurs, je n'ai pas entendu beaucoup de monde endosser les propos de M. Michaud. Ça a été beaucoup à la marge, les interventions qui sont venues. Je n'ai pas entendu beaucoup de monde dire avec lui, ou dire qu'il avait raison d'avoir le ras-le-bol d'entendre le peuple juif se plaindre, se targuer d'être le seul à avoir souffert. Je n'ai pas entendu beaucoup de monde l'appuyer là-dedans. Je n'en ai pas entendu, à vrai dire, même dans ceux qui l'ont supporté. Je n'ai pas entendu personne non plus l'appuyer lorsqu'il fustige l'intolérance des communautés ethniques parce qu'elles votent contre la souveraineté.
Alors, moi, je suis dans la même situation maintenant, comme chef de parti et comme membre du Parti québécois, et je demande aux membres du Parti québécois – il y a une période de réflexion, là, les Fêtes, une sorte d'accalmie où on est davantage en présence des vraies choses – je leur demande de réfléchir: souhaitent-ils que le discours d'un député de Parti québécois soit celui-là? Parce qu'il nous dit qu'il maintient. Il va répéter! C'est elle la question...
Deuxièmement – ça, c'est la question de fond – il y a des impacts aussi. Est-ce que c'est tenable, ça, dans la vie interne du parti que de tenir ce genre de discours là? Est-ce que ça va être tenable dans la vie politique interne du Québec?
Vous avez vu ce matin, seulement qu'à la période de questions, avant même que les choses n'arrivent véritablement, le chef de l'ADQ stigmatiser le Parti québécois comme un instrument de division du peuple québécois. Vous avez vu le genre de débat auquel ça va nous exposer. Et qu'est-ce qu'on va répondre à cela? Le jour où, moi, j'endosse les propos de M. Michaud, en considérant qu'il peut les répéter sous la bannière du Parti québécois, comment je vais répondre à de pareilles accusations? Je ne pourrai pas défendre le Parti québécois dans ces conditions.
Et puis qu'est-ce qu'on va dire dans le monde, sur la scène internationale? Qu'est-ce qu'on va dire d'un parti politique porteur de la souveraineté du Québec qui veut construire un pays démocratique si dans son discours il y a attaque contre l'intolérance et les communautés ethniques québécoises – c'est des citoyens québécois – qui votent contre la souveraineté? Comme si c'était de l'intolérance que de voter contre la souveraineté. Il y a 40 % des francophones qui ont voté contre la souveraineté en 1995, est-ce qu'on a fustigé leur intolérance?
Enfin, il faut se rappeler de quoi il est question. Au-delà des mots, au-delà des citations des poèmes de Paul Valéry, il y a la réalité, la dure réalité que nous vivons. Alors, moi, comme membre du parti, est-ce que je pouvais, par exemple, laisser passer la période des fêtes, laisser durer l'incertitude quant à mon attitude vis-à-vis de la possibilité pour quelqu'un comme M. Michaud, ou pour un autre, pour n'importe qui, de tenir ce genre de discours au sein du Parti québécois, sous la bannière du Parti québécois et, dans cette Assemblée nationale, au nom du Parti québécois. Je me suis posé la question et j'ai pensé que je devais tout de suite indiquer ce que je pensais, indiquer mes couleurs.
Je sais que c'est déchirant. C'est très déchirant. Vous le savez, c'est une famille, un parti politique, une famille tissée serrée. C'est très, très déchirant. Puis, moi, j'en suis le chef et je sais très bien que la responsabilité première d'un chef, enfin une de ses responsabilités importantes, c'est d'assurer la solidarité, l'harmonie, l'intégrité du parti. Mais il y a une telle chose aussi que les valeurs pour lesquelles on se bat. On n'est pas dans un parti politique uniquement pour acheter des cartes de membre ou faire des conseils nationaux ou pour se promener. On est là pour défendre des valeurs, pour proposer des choses à la société, pour tracer des voies à la société. Et ça, c'est balisé par des valeurs.
Et moi les valeurs, enfin les propos de M. Michaud, les derniers, ils ne comptent pas au nombre de mes valeurs. Et je ne pense pas non plus que ce soit ce que René Lévesque ait voulu. René Lévesque s'est toujours battu comme un lion contre ce genre de chose. Et, quand on tient des propos comme ceux-là, et même des propos moins graves... Il y a même un premier ministre qui a dû en subir des conséquences très importantes.
M. Girard (Normand): Ma question, c'était: Est-ce que vous allez mettre votre leadership en jeu?
M. Bouchard: Ne mêlons pas les étapes, ne mêlons pas les enjeux. Il y aura un débat, c'est évident, on ne peut pas l'éviter. M. Michaud me dit: «Vous êtes négociateur, trouvez une solution. Mais par contre, moi, je vous attaque durement, je dis que vous êtes indigne de vos fonctions.» On me dit ça à moi, premier ministre. «Par contre, vous êtes un bon négociateur mais moi, je vous dis que je maintiens mes positions et que je me présente. Alors, négociez une issue.» «Négociez une issue», c'est un discours surréaliste, il aurait dû citer un poète surréaliste parce que la lettre est très surréaliste, André Breton, peut-être, ou Malarmé.
Alors, écoutez, moi, je veux être convivial, je veux être affectif avec mon parti, je veux être amical avec M. Michaud, je veux le respecter parce qu'il est respectable. C'est un homme que j'ai toujours respecté. J'ai toujours respecté M. Michaud. Je sais que... ce que je pense est que M. Michaud ne réalise pas la portée des mots qu'il a prononcés. Moi aussi, je l'invite à réfléchir durant la période des Fêtes. M. Michaud est un homme de culture, un homme de réflexion, c'est un humaniste aussi. Je suis convaincu qu'il profitera de ces journées qui viennent pour réfléchir à ce qu'il a dit. Je l'invite à prendre les dictionnaires, qu'il consulte des amis à l'étranger, qu'il consulte des gens qui sont en dehors du cercle immédiat de nos préoccupations politiques quotidiennes. Il va voir que ça ne passe pas, ses propos. Il va voir. Et s'il aime le Parti québécois, s'il aime la cause de la souveraineté, je pense qu'il va devoir tirer certaines conclusions.
Si on peut éviter un affrontement au sein du Parti québécois, je vais tout faire pour cela, je vais tout faire, mais je ne peux tout de même pas aller négocier la question des souffrances juives. Je ne peux tout de même pas négocier les mots qu'on peut employer pour fustiger l'intolérance des communautés ethniques qui votent contre nous, enfin! Et ce n'est pas moi qui ai créé la situation. Il me demande de m'excuser, imaginez... d'où le surréalisme, c'est bon... On me demande de m'excuser, mais qu'est-ce que j'ai fait, sinon que de me trouver interpellé par un problème très grave qu'a créé M. Michaud par ses propos?
M. Normand (Gilles): Et ma deuxième question concernant la possibilité d'un remaniement ministériel après les Fêtes, est-ce que vous y avez songé?
M. Bouchard: Ah! Je ne suis pas dans ces eaux-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Grant (John): Sylvain Théberge.
M. Théberge (Sylvain): Oui. M. Bouchard, il reste quand même que, sur le fond, toute l'affaire Michaud prend la forme d'une fronde actuellement, dirigée contre le chef du Parti... Est-ce que...
M. Bouchard: Croyez-vous? Contre le chef?
M. Théberge (Sylvain): Bien, si on en s'en tient à ses propos. Encore, ce midi, il en a rajouté. Moi, je voudrais savoir...
M. Bouchard: Bien, ce n'est pas une fronde, ça, c'est quelqu'un qui a parlé contre le chef, ce n'est pas une fronde.
Une voix: ...
M. Bouchard: Bien, on verra tout ça, écoutez. Le Parti québécois en a vu des vagues. Écoutez, le Parti québécois en a vu des vagues et celui qui en a vu le plus, c'est M. Lévesque. M. Lévesque a passé son temps à naviguer à travers des vagues sur un frêle esquif. Alors donc, ceux qui ont suivi le parcours du Parti québécois savent bien que c'est un peu... ça fait partie de la vie du parti que d'engager des débats extrêmement difficiles et de le faire de façon décapée sans y mettre toujours les formes et de faire en sorte qu'au moins au Québec il y a un parti qui fait des débats démocratiques et qui fait des débats de fond. Alors, le Parti québécois continue dans cette auguste tradition.
M. Théberge (Sylvain): Mais, ce que je cherche à savoir: Est-ce que ça... Je voudrais savoir: Est-ce que ça pourrait aller au point où, devant vos membres vous pourriez leur dire: C'est lui ou eux ou moi.
M. Bouchard: Ne mêlez pas les enjeux, ne mêlez pas les enjeux. Il ne s'agit pas de quelqu'un contre quelqu'un, là. Ce n'est pas de ça qu'il est question. Il est question, pour le Parti québécois et pour les membres du Parti québécois, qui sont des démocrates et qui sont tous des héritiers de René Lévesque, de décider s'il y a place, au sein du Parti québécois, dans le discours public, pour des accusations d'intolérance à l'endroit des communautés culturelles qui votent contre la souveraineté, s'il y a place, dans le Parti québécois, pour des expressions d'impatience à l'endroit des Juifs et qu'ils penseraient qu'ils sont les seuls à avoir souffert dans le monde, est-ce que c'est dans l'esprit du Parti québécois, ça? C'est la question que je pose aux membres du Parti québécois et ils sont interpellés autant que moi, les membres du Parti québécois. Et M. Michaud a lancé tout un pavé dans la mare. Je ne sais pas pourquoi il l'a fait. J'arrive mal à comprendre pourquoi tout à coup, au Québec, cette planète terre, un point sur la planète, à trois, quatre jours de Noël, alors qu'on vient d'adopter une loi très importante sur la réforme municipale, alors qu'on doit travailler très fort pour redresser nos programmes de santé, alors qu'on doit gérer le Québec rigoureusement, alors qu'on est en pleine réforme de l'éducation, qu'on vient de déposer une réforme du Code du travail, que, tout à coup, on parle des Juifs. Est-ce que les Juifs ont souffert plus que d'autres?
Qui nous a mis dans cette drôle de discussion? C'est M. Michaud. Il a décidé que dorénavant, au Québec et au Parti québécois, on devrait se poser la question: Est-ce que les Juifs ont raison, dit-il? C'est ce qu'il leur impute, de se prétendre les seuls à avoir souffert dans le monde. Bien, moi, je ne suis pas entré en politique pour ça et en plus, moi, j'ai toujours admiré les Juifs. J'ai été capable d'aller sous serment devant un tribunal, avec des gens qui me connaissaient depuis longtemps, venir jurer ce que je pensais des Juifs. J'ai toujours trouvé que c'était un peuple extraordinaire. J'ai toujours admiré les Juifs: leur capacité de sortir de situations épouvantables individuellement et collectivement, de dépasser beaucoup de personnes dans le domaine des arts, de la science, des affaires, de l'entreprise. Moi, je les admire et en même temps je les plains, et j'ai vécu avec eux dans mon adolescence, puis quand j'ai appris ce qui s'était passé au XXe siècle, j'ai vécu avec eux, j'ai partagé l'indignité qui nous pèse tous comme une chape de plomb, nous de l'espèce humaine, qu'il y a eu un pareil crime de commis contre les Juifs.
Alors, que dans mon Parti québécois, dont je suis le chef, on se mette tout à coup à dire: Oui, mais ce n'est pas si vrai... bien, ce n'est pas ça qu'il a dit, mais: On en a ras-le-bol des Juifs qui prétendent êtres les seuls à avoir souffert. Moi, non, ce n'est pas pour moi, ça. Ça, ce n'est pas pour moi, et je suis convaincu que ce n'est pas non plus pour le Parti québécois, et que ce n'est pas non plus pour le Parti québécois que de stigmatiser le vote des communautés ethniques quand elles ne votent pas pour la souveraineté, et ensuite d'assimiler le B'nai Brith à un mouvement extrémiste antiquébécois. Non, non, puis je suis convaincu que les membres du Parti québécois, face à leur conscience de démocrates, malgré que, comme moi, ils aient beaucoup d'estime pour M. Michaud, pour ses états de service, malgré qu'ils sachent que c'est un démocrate, qu'on ne peut pas, à partir du moment où il maintient ses propos et annonce qu'il n'en retire rien, à mon avis, faire en sorte qu'on soit appelé à cautionner son discours, parce que c'est ce qui arrive quand on est ensemble dans un parti.
M. Grant (John): Paul Larocque.
M. Larocque (Paul): M. Bouchard, hier, vous disiez que... bon, vous rappeliez la mécanique interne au PQ, à l'Exécutif du parti, vous en appeliez, au fond, aux membres de l'Exécutif, il y a une autre étape par la suite, tout le temps, un chef de parti doit toujours signer ou contresigner la candidature d'une personne. Je comprends donc de vos propos, un, qu'il n'y a pas de place pour Yves Michaud dans votre caucus et que, deux, jamais vous ne signeriez sa mise en candidature sous la bannière péquiste?
M. Bouchard: Ce que vous devez comprendre de mes propos, et ce sont les mêmes que ceux d'hier, c'est que le Parti québécois, dont je suis membre, en application de ses statuts, va examiner la question. Donc, comme j'ai dit hier, le parti d'abord, le parti. C'est le parti qui est interpellé.
M. Larocque (Paul): Et le chef, lui, qui aura... vous avez assigné...
M. Bouchard: Moi, je suis membre du parti. Donc, j'ai dit que je siégerais au conseil exécutif national, au comité national, et j'ai annoncé quelle position j'adopterais et que je tenterais de faire partager à mes collègues. C'est ce que j'ai dit que je ferais. Je n'ai pas engagé le parti, le parti prendra sa décision, il devra la prendre sa décision.
M. Grant (John): Sophie.
Mme Langlois (Sophie): J'ai parlé à des membres ordinaires du Parti québécois, ce matin, qui disaient... bon, m'ont d'abord appris qu'il y avait une forme d'appel. Si jamais l'Exécutif national rejette la candidature aux deux tiers et plus, M. Michaud pourrait en appeler, et l'étape ultime, c'est le conseil national – il y a un conseil national en février – et les gens disent: S'il y a une crise, c'est là qu'elle va se passer, c'est si ça va jusqu'au Conseil national . Et il y a beaucoup de gens au parti qui craignent cette dernière étape ultime, que ce soit là que le déchirement se passe.
Est-ce que vous, comme chef, si jamais il y a rejet au niveau de l'Exécutif et que, donc, M. Michaud en appelle au Conseil national, allez-vous, à ce moment-là, comme chef, utiliser votre prérogative et ne pas signer? Est-ce que vous allez à ce moment-là, vous... Est-ce que vous pouvez empêcher que ça se rende jusqu'au conseil national?
M. Bouchard: Non, je vous ai dit que je veux que le parti décide. je veux que le parti décide.
Mme Langlois (Sophie): Il pourrait aller jusqu'au Conseil national?
M. Bouchard: M. Michaud a décidé de créer la situation qui interpelle le parti et le parti devra décider. Si M. Michaud ne retire pas sa candidature ou s'il ne pose pas de geste qui permettrait de procéder autrement, le parti va devoir se prononcer. Que voulez-vous? Parce qu'il veut représenter le parti, alors il faut que le parti se prononce et le parti doit savoir, enfin les membres du parti doivent savoir, que ce n'est pas sur la personne de M. Michaud qu'ils devront se prononcer, ils devront dire: Est-ce que nous acceptons ses propos comme représentant l'esprit et l'engagement du parti? C'est de ça qu'il va être question.
M. Séguin (Rhéal): Si le parti va à l'encontre de ce que vous pensez...
M. Bouchard: Pardon?
M. Séguin (Rhéal): Si le parti va à l'encontre de ce que vous pensez sur ces propos-là...
M. Bouchard: Je connais le Parti québécois, c'est un parti fondamentalement démocrate. Et quand il va se pencher sur cette question, je suis convaincu qu'il ne pourra pas faire autrement que de dire: Oui, ce n'est pas le discours du parti.
M. Séguin (Rhéal): Les militants de Mercier, s'ils vont à l'encontre de votre position?
M. Bouchard: Écoutez là, vous mettez tout un paquet de si. Il arrivera peut-être ci, il arrivera peut-être ça. Prenons les étapes une par une. Je viens de vous dire, dans l'état actuel des choses, ce qu'il faut prévoir et ce qu'il faut espérer, la grande espérance que j'ai c'est qu'au terme d'une réflexion plus approfondie, M. Michaud ne décide pas de... décide d'exempter le parti d'une décision comme celle qu'il exige maintenant.
M. Grant (John): Claude Brunet.
M. Brunet (Claude): J'ai déjà entendu, M. Bouchard, depuis hier, des militants du Parti québécois dire que votre intervention est de nature à diviser plutôt qu'à rassembler. Est-ce que vous avez encore les qualités qu'il faut pour diriger le Parti québécois?
M. Bouchard: Oui, je pense. Moi, je pense ça, oui.
M. Brunet (Claude): Mais est-ce que ce n'est pas de nature à diviser?
M. Bouchard: Moi, je suis porté à penser ça, très impartialement. Écoutez, moi, je divise le parti? Qui divise le parti? Qui est pris avec une patate chaude? Qui a lancé une patate chaude sur mon bureau puis c'est sur le bureau de tous les membres? Qui? Ce n'est pas un martien. Revenons à l'essentiel. Et je pense que plus on va réfléchir, plus on va pouvoir se reposer, les esprits vont se clarifier. Je pense qu'on va se rendre compte qu'il y a l'essentiel, il y a la question à décider et c'est celle-là qui devra être tranchée si M. Michaud oblige ses collègues souverainistes à le faire.
M. Grant (John): François Cardinal.
M. Cardinal (François): M. Bouchard, vous avez adopté cette nuit un projet de loi n° 170 qui est fort important. Compte tenu du volume du projet de loi, compte tenu de l'importance de ce projet de loi là, ne considérez-vous pas que le laps de temps, qui a été alloué à la réflexion entre le dépôt du projet de loi et l'adoption du projet de loi était trop court?
M. Bouchard: Il n'y avait pas moyen de faire autrement. Il n'y a pas moyen de faire autrement à partir du moment où les débats ont duré aussi longtemps, où tellement d'études ont été faites, tellement de discussions.
M. Cardinal (François): Il y a eu, bon, 30 ans de réflexion, mais le projet de loi a été déposé quand même à la limite...
M. Bouchard: Bien, il a été déposé le 15 novembre...
M. Cardinal (François): Le 15 novembre.
M. Bouchard: ...et puis il y a eu des rapports qui l'ont annoncée, des discussions infinies, des consultations, des commissions parlementaires. Il fallait trancher. Un gouvernement, c'est élu, oui pour étudier, oui pour écouter, oui pour analyser, mais pour décider aussi, et nous devions décider.
M. Grant (John): Norman Delisle.
M. Delisle (Norman): M. Bouchard, j'aimerais revenir à la question antérieure qui était débattue. Je voudrais savoir si vous partagez l'impatience de M. Michaud quant au fait qu'en 30 ans de combat le Parti québécois a toujours été à peu près incapable d'attirer même une très mince tranche d'appui au sein des communautés culturelles.
M. Bouchard: Je ne sais pas si je peux dire que je le partage, mais j'ai toujours l'espoir que, si on leur inspire confiance par nos propos, par notre ouverture d'esprit et par le respect de leur participation à notre vie démocratique, on pourra les convaincre. C'est plus comme ça qu'on pourra les convaincre, à mon avis, que par des arguments énoncés par M. Michaud. D'autant plus que ce n'est pas vrai qu'ils n'ont jamais appuyé le parti.
M. Delisle (Norman): ...à un paquet de monde.
M. Bouchard: D'autant plus que ça souffre nuance, tout cela, hein. Il y a beaucoup de gens des communautés ethniques et culturelles qui ont appuyé le Parti québécois. Le premier Noir qui soit entré à l'Assemblée nationale, c'est un député du Parti québécois, le premier hispanophone, je pense que dans la politique québécoise, c'est M. Nunes du Bloc québécois qui est souverainiste. Je ne veux pas faire la liste, là, elle n'est pas innombrable, mais il y a beaucoup de gens qui ont fait confiance au Parti québécois, à la souveraineté québécoise du peuple québécois. Et ce n'est pas vrai qu'il y a un mur, là, puis que les gens ne se parlent pas. Au contraire, des gens comme Bernard Landry, par exemple, qui est si déchiré aujourd'hui, Bernard, vous le savez, tout ce qu'il a fait du côté éconoethnique, c'est un homme qui pendant toute sa carrière politique s'est employé à se rapprocher d'eux, Sylvain Simard c'est la même chose, André Boulerice c'est la même chose – beaucoup d'autres, beaucoup d'autres – Matthias Rioux c'est la même chose. Je pourrais en nommer beaucoup, là, des gens qui se sont employé, dans leur vie quotidienne, dans leur vie d'homme et de femme, à essayer de les convaincre et surtout à vivre avec nos concitoyens qui sont d'origine différente. Puis, moi-même, je rencontre beaucoup de gens de nos communautés. Ma femme est anglophone. Ça m'a ouvert la porte, si on peut dire, sur des amis, de plus en plus, que j'ai dans ces milieux-là de toutes origines ethniques. Les membres du Parti québécois... M. Bouthillier, M. Guy Bouthillier – qui a refusé de signer la lettre, M. Bouthillier – est quelqu'un qui travaille avec les gens des communautés ethniques, les gens de langue anglaise. Il y a, je ne dirais pas une osmose, mais il y a un respect mutuel puis il y a un dialogue qui est en cours. Beaucoup de gens, beaucoup de souverainistes – mon frère, par exemple – s'emploient à rencontrer puis à participer à des colloques avec les gens de la communauté juive, entretient des rapports très étroits avec eux. Les gens se parlent, ils se disent des choses franches, mais enfin, il y a beaucoup de choses qui se font.
Il faut continuer comme ça, c'est ça qu'il faut, parce que, quelle que soit l'issue du projet souverainiste, quel que soit l'avenir politique du Québec, quelles que soient nos allégeances politiques, il faut qu'on vive ensemble, nous autres les Québécois. On ne peut pas se garrocher des accusations comme celles que M. Michaud a lancées sans qu'il y ait un prix à payer du côté de l'inclusion puis de l'harmonie de notre peuple.
M. Grant (John): Bernard Plante.
M. Plante (Bernard): M. Bouchard, vous avez dit en Chambre que vous vouliez relancer la question nationale sur la base du débat sur le partage de l'assiette fiscale. M. Bouchard: Entre autres, oui, entre autres.
M. Plante (Bernard): O.K. J'aimerais ça savoir si vous avez un plan de match, comment vous allez faire ça, et si ça pourrait être contenu... par exemple faire partie du contenu d'un éventuel discours inaugural qui ouvrirait la prochaine session.
M. Bouchard: D'abord, il y a une chose certaine, c'est que je sais très bien que le Parti québécois, les souverainistes, qu'ils soient dans le Parti québécois ou pas ou dans un autre parti – le Bloc québécois, qui est souverainiste aussi – et moi et toute la députation ministérielle, le cabinet, nous sommes interpellés par une situation où nous devons trouver une façon de relancer le débat sur la question nationale, c'est tellement important, c'est d'une importance, c'est d'une urgence de plus en plus immédiate. Il faut qu'on s'engage à fond dans ce débat, et oui, ce sera une ligne de force très importante de l'action du gouvernement et du Parti québécois et de l'ensemble des souverainistes au cours de l'année qui vient.
Vous me demandez: Quel moyen allez-vous prendre? Sera-ce dans un discours ici ou là? On verra. C'est une chose qu'on s'est donnée comme devoir de vacances de travailler sur des plans d'action plus immédiats et plus concrets.
M. Grant (John): Denis Lessard.
M. Lessard (Denis): Oui. M. le premier ministre, beaucoup de gens, sans cautionner ce qu'a dit M. Michaud, ont toutefois désapprouvé assez clairement ce qu'avait fait l'Assemblée nationale. Est-ce que, avec le recul, vous dites que ça aurait dû être une question réglée au sein du PQ puis entre péquistes ou que ça a été une erreur d'utiliser ce pouvoir de l'Assemblée?
M. Bouchard: Je crois que l'Assemblée nationale, institution privilégiée, si je peux dire, du droit d'expression – c'est là que les parlementaires se rencontrent, c'est là qu'on règle par la parole les problèmes et les contentieux et les débats que nous avons. Alors, c'est absolument incroyable que des gens puissent penser qu'une institution comme l'Assemblée nationale va se désintéresser des débats qui ont lieu dans notre société. C'est absolument incroyable qu'on puisse penser que les députés ne peuvent pas dire ce qu'ils pensent d'un sujet ou d'une opinion qui a été exprimée.
Les députés de l'Assemblée nationale n'ont restreint en aucune façon la liberté d'expression de M. Michaud. La preuve, c'est qu'on n'entend que lui sur les ondes. Pensez-vous que c'est quelqu'un qui s'est fait brimer dans sa liberté d'expression? Mais non. Ils ont dit: Ce qu'il dit, nous, on n'est pas d'accord. Nous, on n'est pas d'accord avec ça. Les députés se sont levés puis ont dit cela. Ils avaient raison de le faire et, je vous le dis, si c'était à refaire demain matin, je le referais parce que je considère que c'est mon devoir. Mon devoir d'homme, de personne, c'est mon devoir de citoyen, mon devoir de parlementaire et de chef du gouvernement, et je crois que le problème, c'est que les gens n'ont pas lu, ne connaissent pas assez les propos que M. Michaud a prononcés. Qu'ils lisent la lettre que M. Brassard lui a adressée et qui apparaît dans La Presse aujourd'hui, qu'ils la lisent, cette lettre, qu'ils voient ce qu'il a dit et qu'ils se posent la question: Est-ce que, moi, je suis d'accord avec ça? C'est lui, le test, il n'y en a pas d'autre, là.
Que M. Michaud soit un homme éminemment respectable, sympathique, qu'il ait droit à la reconnaissance collective pour tout ce qu'il a fait, oui, certainement, mais essayons de distinguer les choses, là. C'est que, le pouvoir de la parole, il est puissant, et on est responsable de ce qu'on dit puis il faut examiner ce qu'on dit pour savoir si c'est acceptable ou pas. C'est de ça qu'il a été question.
M. Grant (John): Francis Labbé.
M. Labbé (Francis): M. le premier ministre, dans la région de Québec – on se transporte maintenant dans le domaine municipal si vous le voulez bien – récemment, on a connu des grèves à la Société de transport en commun, puis également les cols bleus de Sainte-Foy dont on a parlé abondamment récemment. Ça ne vous fait pas peur de créer des mégasyndicats avec les regroupements municipaux?
M. Bouchard: Les syndicats existent déjà et ils sont déjà très organisés. Ils sont déjà organisés, la plupart du temps, dans des centrales, et les syndicats qui négocient ont derrière eux toute la force et l'appui des centrales. En réalité, nous allons rétablir un équilibre qui n'existait peut-être pas suffisamment. Trop souvent, des municipalités ont négocié devant des syndicats plus forts qu'elles et ont fait des concessions qui, étendues à d'autres municipalités, ont créé, enfin, une situation où on observe près de 30 % de rémunérations, dans le domaine municipal, supérieures à l'ensemble du marché.
Alors moi, je crois que, au contraire, c'est que la dynamique va permettre aux municipalités de négocier de façon plus adéquate, sans compter qu'on établit des centres de coordination, là, des négociations pour les municipalités qui vont leur permettre à eux aussi d'avoir plus d'harmonisation dans les négociations qu'ils vont faire.
M. Grant (John): Rick Kalb.
M. Kalb (Richard): Premier, is there a way out of the Michaud affair for you and for your party after all of the words that have gone by on TV and the newspapers and on the radio?
M. Bouchard: If there is one honorable and abiding with the democratic imperatives of the political commitment of the party, yes I will get into it, of course.
M. Kalb (Richard): What is it?
M. Bouchard: Well...
M. Kalb (Richard): What do you see as the way out?
M. Bouchard: I don't see any one right now. I don't think that Mr. Michaud was very helpful this morning with his letter. But I'll be trying hard, I'll be looking... I will be meeting people. There will be, you know, some quiet days to look into the question and, of course, I will try, I will try. But I don't think I can enter into a negotiation of what can be said about the intolerance of the... supposed intolerance of ethnic communities when they vote against the sovereignty movement. But I will try hard, of course, that's my duty, I will do it.
M. Grant (John): Stuart Greer.
M. Greer (Stuart): Premier, how is the Michaud affair over the last week affected your ability to lead the party?
M. Bouchard: In as much as I feel it, nothing, not at all. I feel as able to lead the party as ever. Actually, I think I'm now fulfilling my duties as the leader of this party. That's my duty and I'm fulfilling it.
M. Greer (Stuart): Second question, Premier. You said earlier that you want the party to decide on the candidacy. Yesterday, you maid it clear how you would vote, but you said you want the party to decide.
M. Bouchard: I will try to convince my party, yes.
M. Greer (Stuart): Whatever they decide, will you be able to live with whatever decision they make?
M. Bouchard: Well, I trust my party to be faithful the René Lévesque ideals and purposes of what a democratic party is and what are the real arguments to convince the cultural communities to support the sovereignty cause.
M. Grant (John): Elizabeth Thompson.
Mme Thompson (Elizabeth): Mr. Bouchard, in the Globe and Mail today, they quoted an inside party source saying that you are ready to put your leadership on the line to defend your principles in the Michaud affair. Is this an accurate portrayal of the situation?
M. Bouchard: I don't know where those people took their information. They would have to be more inside my head that I am myself.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: Inside sources! Inside sources! How about that! When you're in public life, there are a few words you learn, you know, when you read the newspapers: inside, anonymous inside sources or PQ strategist say. Things like that, you know. I don't read... I stop that. When I really wanna go, I don't read the rest, you know: insiders, insiders...
Mme Thompson (Elizabeth): On perhaps a more fundamental question. It's been a long time that there have been two currents of thoughts or two visions that have coexisted within the Parti québécois: the one that we are seeing you represent and the one that we are seeing people closer to M. Michaud represent. Are we watching a turning point in the evolution of the Parti québécois in your assessment?
M. Bouchard: You know what? I understand the question very well, because it puts the finger on the chore of the problem we have now. But I don't think that there is two tendencies in the party, I don't think that Mr. Michaud is representing a line of thought in the party. This party is democratic, this party has never accepted that anyone talk like this. And when the party is confronted with the reality of what Mr. Michaud said, they will have to judge on the merit of the case what did he say. Would the party support that? Is this the line that the party will use in the future to convince cultural communities to vote for sovereignty? Is it something that we have to put into the program about the level of suffering by the Jewish people? Why would the Parti québécois get involved in this? Why would the Parti québécois accept that someone, bearing its banners, would express anger because the Jewish community, the Jewish people would think that it's the only one in the world to have suffer in the past?
M. Séguin (Rhéal): He never said that.
M. Bouchard: He said that, he said that he has «ras-le-bol d'entendre que le peuple juif se pense être le seul à avoir souffert». He said that, he said that. I'm sorry, bring me the paper, because we have to be very precise, here.
M. Séguin (Rhéal): Why is it you want to distort what he says in order to make your point...
M. Bouchard: I beg your pardon, Sir, I'm not trying to distort...
M. Séguin (Rhéal): ...that you want to keep the bar of the party?
M. Bouchard: Mr. Séguin...
M. Séguin (Rhéal): What is it about Mr. Michaud and what Jacques Parizeau has stood for the last few days that make you so frustrated and so angry?
M. Bouchard: I'm not angry, I'm not angry, I'm worried. And this is not a question that a journalist would ask.
M. Séguin (Rhéal): Why not?
M. Bouchard: You're trying to qualify something that has not been expressed. I'm not angry.
M. Séguin (Rhéal): I've not qualified anything, I'm asking you a question: What is it about what they said...
M. Bouchard: Mr. Séguin, lets go to the bottom of your question. You said, you implied that I was distorting what they said
M. Séguin (Rhéal): I said it, yes.
M. Bouchard: I tried very hard to always quote exactly what was said, and this is something I would never do. I would never do that. And I said in french, I read that Mr. Michaud... M. Michaud en a ras-le-bol que les Juifs prétendent qu'ils sont les seuls à avoir souffert. Est-ce qu'il a dit ça ou non? M. Séguin. Est-ce qu'il a dit ça ou non?
M. Séguin (Rhéal): Il a dit qu'il en avait, si je me souviens bien de sa citation, qu'il en avait ras-le-bol d'entendre qu'on parle seulement des Juifs qui avaient...
M. Bouchard: Non, il y a plus que ça.
M. Séguin (Rhéal): ...je pense qu'il a mentionné les Arméniens, je pense les Rwandais, tout ça là.
M. Bouchard: Mais avant, mais la dernière phrase, c'est que... Donnez-moi le document, s'il vous plaît, on va tout de suite régler la question.
M. Séguin (Rhéal): Je ne l'ai pas devant moi là.
M. Bouchard: Non, mais ce que M. Michaud... Parce que M. Séguin, ce serait grave que vous puissiez m'accuser avec raison d'avoir déformé les propos de M. Michaud, ce que je ne ferais jamais et ce dont je m'excuserais immédiatement. Mais, comme... Je voudrais citer la phrase.
M. Séguin (Rhéal): Écoutez, vous portez atteinte à son intégrité.
M. Bouchard: Non, mais M. Séguin, on va citer la phrase, parce que c'est grave, la question, hein?
M. Séguin (Rhéal): Mais vous portez aussi atteinte à l'intégrité de M. Parizeau.
M. Bouchard: Donnez-moi une seconde, on va prendre le temps qu'il faut. On va prendre le temps qu'il faut, on va citer les textes. Parce que, justement les textes ne sont pas assez cités.
Une voix: Mr. Bouchard, I understand the emotion in it but...
M. Bouchard: Give me a moment, I'm just trying to sort out something here.
Une voix: Oui, oui, je sais.
M. Bouchard: La lettre de M. Brassard la cite. Oui, parfait. On va le trouver.
O.K. je vous lis le passage, M. Séguin, si vous me permettez, je vais vous le lire en français, si vous voulez. C'est la fin d'un paragraphe là et... Alors, comme vous l'avez dit, dans un premier temps, il y a une comparaison avec d'autres.
Alors, je le cite: «Oui, je suis séparatiste comme tu es Juif, j'ai dit: Ça a pris à ton peuple 2 000 ans pour obtenir sa patrie en Israël. J'ai dit, moi: Que ça prenne 10 ans, 50 ans, 100 ans de plus, je peux attendre. Alors, il me dit que ce n'est pas pareil. Aie! c'est jamais pareil pour eux – pour eux, c'est nos concitoyens juifs, ça – Alors, j'ai dit: C'est pas pareil. Les Arméniens n'ont pas souffert, les Palestiniens ne souffrent pas, les Rwandais ne souffrent pas – et il ajoute, voici le passage qui fait l'objet de votre question – J'ai dit: C'est toujours vous autres. Vous êtes le seul peuple au monde qui avez souffert dans l'histoire de l'humanité. Là j'en avais un peu ras-le-bol.»
Alors, j'ai cité au texte. Vous en conviendrez, M. Séguin? Donc, vous ne m'accusez pas d'avoir déformé les propos?
M. Séguin (Rhéal): ...Alors je vous pose la question.
M. Bouchard: C'est important pour moi ça, M. Séguin, c'est la seule chose qui importe pour moi, l'intégrité, d'abord et avant tout.
M. Séguin (Rhéal): Alors, je vous pose la question: Qu'est-ce qu'il y a dans ces... What is it about those remarks that you find antisemitic and racist?
M. Bouchard: I didn't say that. I never said that. I never pronounced that word you just used. If you write it, it will be your word.
M. Séguin (Rhéal): Yes, but what's your problem with...?
M. Bouchard: Let's be very precise here.
M. Séguin (Rhéal): No, no. You're saying...
M. Bouchard: You know, people like François Mitterrand, like Mr. Jospin, like Général de Gaulle could not deal with the Jewish issue without getting trapped in very big problems. You know that. Let's be very precise.
M. Séguin (Rhéal): Are you saying that the Party was trapped into dealing with this issue?
M. Bouchard: I didn't say anything like that. I said just what I said. So, I don't want...
M. Séguin (Rhéal): ...I mean, explain to me then.
M. Bouchard: I am sorry. I am sorry. You write the article, I do my things. I am sorry. I just say what I said.
I said that, in my mind, as a member of the Parti québécois, of René Lévesque's party, it doesn't fit for the Party to use this line whereas you are angry because the Jewish people would be the only one in the world who has suffered in the history of humanity. I think that this is not appropriate in the political involvement of the Parti québécois and, I guess, in many, many democratic countries, those things cannot be said without creating problems and impacts. And I don't want, personally, the Parti québécois to get involved in these questions because it happens that I think, myself, that, yes, the Jewish people have suffered more than any people in the world. And that what they have been subjected to in the last century was the most terrible tragedy ever, ever, because it was a deliberate attempt by a State, provided with all the modern levels of a State, to destroy a people and, more than that, to deny the human quality of those entities. This is something that... You cannot play with that. You cannot try to banalize and certainly you cannot reproach the Jewish people to think that they are the only ones to have suffered in history.
I think that it's very bad that we have to discuss about that. I never thought that getting involved in politics, that, one day, I would have to discuss those things and it doesn't help the public life of Québec that, now, in the media, people look at us and see that this is what we are thinking about in Québec now, discussing about, and especially my Party, the René Lévesque's Party. Is that clear enough?
M. Séguin (Rhéal): You keep referring to René Lévesque's party, you seem to put into question or into doubt, insinuate that Jacques Parizeau is not part of that party. You point to the fact that Parizeau...
M. Bouchard: Come on, come on!
M. Séguin (Rhéal): ...is with Michaud. I mean, it's very vague, Sir, you're going from one side of the debate to the other, mixing things up and insinuating that Michaud does not recognize the Holocaust, from what you've said. I just don't quite understand where you're getting at with this.
M. Bouchard: I'm sorry, I'm very sorry. I'm sorry, very sorry about it.
M. Grant (John): Cheryl Grossman.
Mme Grossman (Cheryl): We have a lot of people in your party who are denouncing the motion, the unanimous motion, and Michaud, what he said. What do these people represent in your party? These are members.
M. Bouchard: Who?
Mme Grossman (Cheryl): Michaud, the people who back him...
M. Bouchard: What they are representing?
Mme Grossman (Cheryl): ...there's a large group. What do they represent?
M. Bouchard: I don't understand. To me?
Mme Grossman (Cheryl): Well... Yes.
M. Bouchard: Well, they are members of the party, very eminent members of the party, very eminent sovereignists or, certainly, Québec citizens for whom I have all the respect.
Mme Grossman (Cheryl): But this division over this whole issue, why is this there in the first place?
M. Bouchard: Well, I think that we should look more closely to what has been said. This is my main point. We should go to the merit of the question and carefully read what was said and decide – and this is first of all for the Parti québécois members to do – if this is the kind of discourse we want to have for the Party.
Mme Grossman (Cheryl): When(?) you look at this discourse...
M. Bouchard: Don't forget that very important consequences have resulted from something like that and less than that which was said by a Premier of Québec.
M. Grant (John): Carl Langelier, une dernière.
M. Langelier (Carl): M. Bouchard, I have the feeling in this case that, if a man excuses himself before dying, the sky doors will be open to him. Are you...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Langelier (Carl): Well, if Mr. Michaud excuses himself, are you opening the PQ door, heaven straight open to him? That's my question.
M. Bouchard: Well, it remains to be seen, specially since there is a big «if» in your question, because he said today that he wouldn't change his mind. So, we'll see. You know, time is sometimes a friend of people, sometimes of politicians, sometimes of... You know, we'll see, we'll see.
M. Grant (John): Merci.
M. Bouchard: Thank you very much.
(Fin à 13 h 27)