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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de soins de fin de vie

Version finale

Le mercredi 25 mai 2022, 15 h

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures trois minutes)

Mme Hivon : Bonjour, je vais faire une courte déclaration avant de répondre à vos questions. Alors, je vis beaucoup d'émotions, aujourd'hui, avec cette nouvelle étape pour toujours plus de respect des personnes par rapport à leur fin de vie, par rapport à leurs souffrances. Je dois vous dire que, pour donner beaucoup de conférences sur le sujet de l'aide médicale à mourir, depuis quelques années, c'est le sujet qui fait l'objet du plus de questions, la question de pouvoir demander l'aide médicale à mourir de manière anticipée après avoir obtenu un diagnostic de maladie d'Alzheimer, par exemple, ou de toute autre forme de maladie neurocognitive dégénérative. C'est une question qui habite énormément les gens qui voient des proches aux prises avec cette maladie-là, de gens qui sont aux prises avec cette terrible maladie ou ce terrible type de maladie.

Alors, je veux leur dire, aujourd'hui, que je me réjouis à leur côté de voir qu'il y a une nouvelle étape. Je me réjouissais beaucoup, en décembre dernier, quand on a déposé un rapport unanime sur la question totalement de manière transpartisane à nouveau, mais c'est sûr que, d'avoir une base qui suit la démarche transpartisane, un projet de loi avec des dispositions très concrètes, ça rend les choses encore plus vraies et réelles. Donc, je suis heureuse et je porte un espoir, aujourd'hui, que l'on avance vraiment dans ce débat-là.

Je ne sais pas, aujourd'hui, si on va pouvoir y arriver, mais on a au moins une chance de pouvoir y arriver, parce que ce projet de loi, qu'on attendait depuis le mois de février, il est finalement déposé aujourd'hui, en ce 25 mai. Donc, va-t-on y arriver? C'est clair que c'est extrêmement serré, mais on a une chance d'y arriver parce qu'au moins on a une base de travail et que le gouvernement a finalement bougé. Évidemment, on aurait aimé ça que ce soit dès février. Pourquoi? Tout simplement parce que, quand on parle d'enjeux aussi sensibles, aussi importants, qui ont pris beaucoup de place, dans les dernières années, dans le débat public au Québec, l'enjeu est fondamental, mais le processus pour arriver aux meilleures dispositions, aux meilleurs changements possibles, il est aussi fondamental pour maintenir ce consensus-là qui est tellement primordial.

Alors, ça m'amène au deuxième point, qui est la déception du jour, qui est la surprise du jour, qui est le lapin sorti du chapeau. C'est qu'en fait, contrairement à ce qui avait été annoncé, le projet de loi ne fait pas que reprendre le contenu du rapport unanime qu'on a déposé, en décembre, sur la question des directives médicales anticipées, il ouvre tout un autre chantier en indiquant, maintenant, que le handicap pourra donner ouverture à l'aide médicale à mourir. Or, le handicap, c'est un enjeu dont on n'a jamais débattu au Québec. Ça n'a pas fait l'objet du dernier mandat qui était le nôtre, ce n'était pas dans ce mandat-là. Il y a un choix qui a été fait, à l'époque, quand on a déposé la loi, en 2012, en 2013, et puis ce n'est jamais revenu dans le débat public. Alors, c'est sûr que, si le ministre maintient cet alignement-là — il y a aussi d'autres changements qu'il amène dans le projet de loi qui sont de nature plus mineure, mais, quand même, il y a d'autres changements que juste la question de la demande anticipée — c'est certain que ça veut dire un changement de paradigme très important.

Pourquoi? Parce qu'évidemment, vous le concevez comme moi, une personne qui a un handicap ou qui devient handicapée à la suite, par exemple, d'un traumatisme neurocrânien, ce n'est pas une personne qui a une maladie grave, incurable, mortelle, qui est dans une trajectoire vers la fin de sa vie, par exemple. Donc, c'est un changement considérable. Et, au Québec, on a cette tradition, évidemment, de faire le débat avec la société, et ce débat-là n'a pas été fait. Ce qui voudrait dire, si le ministre décide de conserver ça dans le projet de loi, des consultations beaucoup plus larges que celles que j'anticipais, jusqu'à aujourd'hui, avec des experts, essentiellement, sur la question de la demande anticipée.

Alors, ce n'est pas banal comme choix du ministre. Et je dois vous dire que je me questionne à savoir, vraiment, pourquoi il est arrivé avec ça. Je peux imaginer qu'il y a eu des demandes, par exemple, du Collège des médecins. Mais, au Québec, on a une tradition qui est de débattre de ces questions-là socialement, avec la population. Donc, je demande qu'on maintienne cette tradition-là.

Mme Prince (Véronique) : Mais pourquoi vous n'en aviez pas débattu, justement, au comité transpartisan, sachant qu'au fédéral ça discutait déjà? Parce que, finalement, M. Dubé dit : On a voulu se coller sur la loi fédérale.

Mme Hivon : Oui, bien, en fait, sur le fond de ça, je suis surprise puis je suis déçue aussi. Si on voulait avoir une loi parfaitement calquée sur le fédéral, ça veut dire qu'on serait les deux pieds dans le ciment, qu'on n'aurait jamais bougé au Québec. On a été les précurseurs, on a décidé qu'on n'était pas obligés de se cantonner au fédéral quand le fédéral interdisait toute forme d'aide médicale à mourir — je vous le rappelle. Même chose pour les demandes anticipées. Est-ce que ça veut dire que, le grand chantier qu'on ouvre, avec notre rapport puis avec le projet de loi, de la demande anticipée en prévision d'inaptitude, le gouvernement baisse les bras parce que le fédéral n'est pas dans cette voie-là? Donc, de la même manière, nous, on doit faire nos propres débats au Québec, on doit pouvoir décider de ce qui est bon. Et nous, on pense que les demandes anticipées, c'est bon.

La question du handicap, ça n'a pas été débattu, je vous dis, tellement qu'il y avait deux enjeux qui nous étaient soumis, dans le comité transpartisan, le dernier, c'était la demande anticipée et les troubles mentaux. Jamais la question du handicap n'est revenue à l'avant-plan. Donc, c'est très surprenant, aujourd'hui, d'arriver avec ça sans avis préalable, sans débat préalable.

Mme Prince (Véronique) : Mais est-ce que ça remet en question la possibilité que vous votiez en faveur de l'adoption du projet de loi ou est-ce que ça remet en question le fait qu'on puisse se rendre jusqu'à l'adoption?

Mme Hivon : Oui. C'est plus la question de la faisabilité. Moi, je suis convaincue que ces enjeux-là méritent d'être débattus correctement. Ça ne veut pas dire pendant quatre ans, mais ça veut dire correctement. Et là il y a vraiment, je dirais, un décalage entre ce à quoi on s'attendait... Je veux dire, l'essentiel du rapport est dans le projet de loi, puis on s'en réjouit, là. Donc, sur la demande anticipée, c'est un moment réjouissant, aujourd'hui, mais, sur la question du handicap...

Mme Prince (Véronique) : ...l'adoption, là, juste pour être claire, ça met en péril l'adoption.

Mme Hivon : Ça complexifie énormément parce que, toutes les associations de personnes handicapées, toutes les personnes qui ne se sont jamais prononcées sur la question du handicap parce qu'on ne les a pas consultées, là, dans la dernière année, on n'a jamais fait de consultation sur cet enjeu-là, il faut les entendre. On ne peut pas décider, comme ça, d'inclure un tout nouveau champ dans l'aide médicale à mourir qui est un autre paradigme, là, ce n'est pas du tout la même chose, parce que vous pouvez avoir une personne de 20 ans mais qui n'est pas du tout, évidemment, dans une trajectoire de maladie grave et incurable, là.

M. Bellerose (Patrick) : ...réfère au jugement Carter puis au jugement Truchon. Ça semble évident, découlé de ces jugements-là, qu'il faut l'ouvrir aux personnes handicapées. Parce que, là, si tout tout ce qui reste... mais tout ce qui reste, c'est : maladie grave incurable, déclin avancé irréversible puis souffrance physique et psychique constante. Donc, une personne handicapée peut répondre à ces critères-là.

Mme Hivon : En fait, si le handicap découle d'une maladie grave et incurable, ce qui est souvent le cas, hein... C'est pour ça que l'enjeu, dans plusieurs circonstances, il ne se pose pas, parce que, souvent, vous allez être handicapé à cause de votre maladie. Par exemple la SLA, par exemple l'ataxie de Friedreich vont vous mener dans un état où vous ne pouvez plus vous déplacer, vous êtes en fauteuil roulant. Mais là c'est une autre logique qui est amenée, c'est celle du handicap qui n'est pas lié à une maladie. Donc, quelqu'un, je ne sais pas, qui... en fait, il va falloir que tout ça soit précisé aussi, là, mais quelqu'un qui plonge dans sa piscine, qui a un accident, qui a un traumatisme neurocrânien, qui devient quadriplégique, qui a 18 ans, est-ce que ce débat-là a été fait au Québec? La réponse, c'est non, on ne l'a pas fait au Québec. Puis je suis retournée, là, aujourd'hui, voir à l'époque, c'était l'époque du premier rapport de la commission. Puis les taux... Évidemment, ce n'est pas des enquêtes scientifiques, mais on avait consulté, il y avait des milliers de personnes qui nous avaient répondu. Et les taux d'approbation ou, je dirais, de consensus sont significativement plus bas dans le cas du handicap que des gens qui ont une maladie grave et incurable puis qu'on sait qu'ils sont sur une trajectoire qui va les mener à la mort.

Donc, moi, je ne dis pas que ce débat-là ne doit pas se faire. Je pense que vous me connaissez, je pense que ces débats-là méritent tous d'être faits. Mais, à un moment donné, à deux semaines... le gouvernement a fait le choix de déposer ça le 25 mai, à deux semaines de la fin de la session, je pense que ça prend une dose de réalisme, à savoir ce qu'on est capable d'accomplir. Déjà, hier, je veux dire, tout le monde disait : Est-ce qu'on va réussir juste sur la question de la demande anticipée? C'est quand même un projet de loi de 50 articles, très touffu, très costaud. Donc, je pense qu'il faut mettre les chances de notre côté pour pouvoir avancer sur l'enjeu où il y a les plus grandes attentes de la population. Et, oui, il y a consensus, c'est où on a un rapport qu'on a travaillé très sérieusement pendant un an.

M. Carabin (François) : L'adoption du projet de loi, vous dites, est mis en danger, du moins, là. À quel point ça devient problématique si le projet de loi n'est pas adopté puis qu'on se ramasse à devoir le redéposer dans une prochaine législature dans six mois, huit mois?

Mme Hivon : Bien, je veux dire, quand on travaille sur quelque chose aussi sérieusement qu'on l'a fait dans le rapport, là... Puis je veux juste vous dire, ce n'est pas pour me plaindre, c'était dans le grand bonheur parce que, ce dossier-là, j'y crois profondément. Ce n'est pas un dossier, c'est un enjeu humain. On a travaillé tout l'été là-dessus, là, on a eu des dizaines, et des dizaines, et des dizaines de rencontres. Pourquoi? Parce qu'on voulait avoir une chance qu'il soit adopté pour la question des demandes anticipées en prévision d'inaptitude, qui est une demande énorme de la part des Québécois. Comme députée, je peux vous le dire, je suis interpellée à toutes les semaines sur cette question-là. Puis vous le savez comme moi comment c'est des enjeux qui touchent les gens et qui les interpellent.

Le problème, c'est : Est-ce qu'à trop embrasser on va mal étreindre, puis on va échapper la totale, puis on va tout échapper, alors qu'on a travaillé, depuis des années, et très intensément depuis une année, pour y arriver dans un rapport? Alors, j'entendais le ministère dire : Il y a des gens qui souffrent. C'est évident, puis je pense qu'il faut penser aux personnes qui vivent avec un handicap. Mais, vous savez, les personnes qui ont un trouble mental, aussi, elles peuvent souffrir. Et puis il y a un choix qui a été fait de ne pas inclure cet aspect-là, pour l'instant, parce qu'on voulait se concentrer, dans le projet de loi, de ce que je comprends aussi, puis c'était nos recommandations dans le rapport, sur la question de la demande anticipée, qui est beaucoup plus consensuelle.

Donc, à un moment donné, il faut faire des choix. Puis mon inconfort, il provient du fait qu'on est à deux semaines. On a comme un lapin qui est sorti du chapeau sur cette question-là, qui ne mérite pas que ce soit un lapin sorti d'un chapeau, qui mérite toute une attention et tout un débat social en conformité avec la manière dont on a toujours approché ces questions-là au Québec.

M. Carabin (François) : Vous, a priori, votre position sur le handicap, sur l'élargissement au handicap?

Mme Hivon : Ma position, c'est qu'il faut faire le débat. Puis c'est tout ce que je vais vous dire aujourd'hui. Parce qu'honnêtement il faut juste comprendre...

M. Carabin (François) : ...vous n'êtes pas encore certaine...

Mme Hivon : Bien, j'ai besoin d'un éclairage puis j'ai besoin, vraiment, d'avoir le sentiment des associations de personnes handicapées. Parce qu'à la première commission il y avait eu quelques témoignages, très peu parce que les gens avaient le sentiment qu'on n'irait jamais là, mais il y avait eu quelques témoignages, et les opinions étaient très divergentes, par des personnes qui représentaient des personnes handicapées. Certaines disaient oui, certaines disaient : Non, ça n'a aucun sens. Puis c'est toute la définition : C'est quoi, un handicap grave, handicap grave et incurable? Si c'est vos deux mains, vos deux bras, est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'il faut que ça soit votre corps au complet? Je veux dire, c'est...

M. Carabin (François) : Vous parlez de membres amputés... je n'ai pas le terme exact.

Une voix : ...

Mme Hivon : Oui. Ça, la souffrance, c'est tout un enjeu parce que c'est un des critères en soi. Mais, pour juste ouvrir la possibilité, le critère, avant, c'était maladie grave et incurable, puis là, ensuite, tu as déclin avancé irréversible, bon, tout ça. Mais, je veux dire, qu'est-ce qui peut donner ouverture dans le cadre d'un handicap neuromoteur? Est-ce que c'est d'être quadriplégique? Est-ce que c'est d'être... Donc, vous voyez l'ampleur du défi. Moi, tout ce que je veux dire, aujourd'hui, moi, je pense que tous ces sujets-là méritent le débat. Pourquoi on ne les a pas tous ouverts en même temps dans le dernier mandat? C'était justement pour focusser sur ce qui apparaissait le plus urgent à la lumière de ce que les gens nous demandent de regarder. Alors là, on arrive avec ça, on n'a pas débattu de ça, on est à deux semaines. C'est évident que ça prend beaucoup, beaucoup de consultations si on veut aller là-dessus, là.

Alors, je pense, est-ce que le ministre a bien évalué ça quand il est allé l'inclure uniquement par question d'harmonisation, si je comprends bien? Ce que je trouve assez, assez drôle aussi, mais d'un autre point de vue plus politique, là. Mais je ne suis pas... je veux dire, je ne suis pas désintéressée de la question. Je pense que c'est une question qui est vraiment sensible puis qui est vraiment importante aussi, la question du handicap, mais il faut juste procéder correctement, là.

M. Bellerose (Patrick) : Juste pour être clair, c'est un handicap et aussi souffrance intolérable, c'est toujours les deux ensemble?

Mme Hivon : Oui, tout à fait.

M. Bellerose (Patrick) : Donc, la personne répond à tous les critères, c'est juste qu'en plus elle avait un handicap... ou, en fait, serait causée par son handicap, mais il faut quand même qu'il y ait la souffrance intolérable, qu'il y ait le déclin irréversible, qu'il y ait tous les autres critères qui sont toujours réunis.

Mme Hivon : Tout à fait, il faut tous les critères. Mais, je veux dire, il y a des... La condition de base, elle est importante aussi. C'est juste parce qu'on est partis d'une loi qui était sur la fin de vie avec la souffrance. Donc, c'était extrêmement limité, mais, en même temps, beaucoup de gens trouvaient que c'était une révolution. Ça en était une, aussi. Le consensus social, plus vous êtes dans les trajectoires où la fin de vie devient inévitable, il est très fort. Là, la question de la fin de vie a tombé. Donc, maladie grave et incurable, plus besoin d'être en fin de vie, mais, évidemment, il faut la souffrance.

Là, nous, on dit : On veut la même chose... Dans le fond, la demande anticipée, essentiellement, ça va être des gens qui sont en fin de vie, beaucoup. Donc, il y a une très grande acceptabilité sociale parce qu'on sait que les gens sont dans un déclin vraiment avancé, sont dans une maladie grave et incurable, il y a de la souffrance, ils sont pratiquement en fin de vie, pour la plupart. Le consensus est très fort là-dessus aussi.

Quand vous vous éloignez de ça, parce que, là, fin de vie a tombé, mais là, en plus, on change de paradigme, ce n'est plus une question de maladie grave et incurable qui va vous mener à la mort. Parce qu'à 20 ans vous pouvez avoir un traumatisme crânien, mais votre mort, elle va quand même avoir lieu à 80 ans. Donc, il faut débattre de ça avec la population, du niveau de confort. Moi, je pense qu'il faut en débattre, je pense que c'est un débat fondamental. Mais de faire ça en deux semaines, c'est irrespectueux du débat, de l'importance de ce débat-là et des gens qui sont concernés. Parce que parlez aux personnes handicapées, aux associations, ils vont avoir toutes sortes d'opinions sur la question. Alors, c'est pour ça que je suis vraiment surprise que le ministre dise que c'est une modalité ou une modulation de ce qui existe déjà.

M. Bellerose (Patrick) : ...question a été posée tantôt, mais... Donc, le ministre dit : C'est juste pour harmoniser. Mais vous, vous dites : On n'est pas obligés d'harmoniser avec le Code criminel fédéral?

Mme Hivon : C'est ce que je dis.

M. Bellerose (Patrick) : Pourquoi? Expliquez-moi...

Mme Hivon : Bien, on n'est pas obligés, dans le sens où le Québec a ses propres compétences dans le domaine, il a sa propre approche. Et puis, ce qui est assez paradoxal, c'est que le Québec a été le précurseur. On a influencé jusqu'à la Cour suprême, qui, dans l'affaire Carter, est venue calquer les critères sur la loi québécoise qui existait à l'époque, le Code criminel est venu faire ça. Le Code criminel a omis quelques éléments différents. Donc, nous, au Québec, aussi, on a déjà eu des éléments différents du Code criminel. C'est normal, on a la compétence en santé, on a la compétence en administration de la justice, on a la compétence en matière d'ordres professionnels. Donc là, sans vous faire tout un gros cours de droit constitutionnel, ça a toujours cohabité. Et notre mécanisme, notre manière de procéder a été jugée tout à fait valide, alors qu'il y en a qui disaient : Mon Dieu! vous ne pourrez pas, il y a comme un conflit, le Code criminel... Non, parce qu'on était dans nos champs de compétence.

Là, c'est la même chose pour les directives anticipées. Si on dit ça, je trouve que le ministre est en train de s'affaiblir lui-même. Je veux dire, est-ce que le fédéral va dire : Vous ne pouvez pas faire les demandes anticipées en prévision d'inaptitude parce qu'au fédéral on n'a pas fait ça? Bien non, on peut, c'est du droit civil. Compétences en droit civil, toute la question du consentement, l'inaptitude, c'est dans notre Code civil. Je suis convaincue, moi, je n'ai aucun doute sur nos compétences. Donc, pourquoi, à l'inverse, il faudrait absolument se calquer? Donc, c'est sûr que je pense qu'aujourd'hui, là, il ouvre un tout autre débat, constitutionnel si vous voulez, mais surtout sur le fond des choses.

M. Carabin (François) : Là, je nous transporte peut-être un peu dans l'avenir, mais est-ce que vous vous attendez à ce qu'au Québec le débat sur les troubles mentaux ait lieu un jour ou l'autre?

Mme Hivon : Oui, je pense que c'est un débat qui va revenir. Ce qui était très difficile, c'était que le consensus n'était pas là, je dirais, y compris dans les experts et y compris dans les groupes communautaires. Donc, ça a été très, très difficile, hein, de prendre cette décision-là parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de souffrance. Mais c'est un peu la même chose, c'est-à-dire que, pour avoir le niveau de confort d'aller là... Puis, au moins, là, on a fait le débat, on a entendu énormément de groupes. Le handicap, on n'a pas fait ça, là. Mais, pour les troubles mentaux, c'est qu'au bout du compte il n'y avait pas un confort assez grand de la part de l'ensemble des élus. On avait le sentiment qu'on n'avait pas tout l'éclairage et que, je dirais, les scientifiques et les groupes communautaires n'avaient pas un assez grand consensus pour que nous, on ait le degré de certitude.

Mais c'est évident que c'est un débat qui est extrêmement important parce qu'il y a de la souffrance très grande qui provient de troubles mentaux incurables. Mais vous savez tous les débats : Jusqu'où l'incurabilité? Jusqu'où le désir de mort peut faire partie de la maladie versus être objectivable? Extrêmement complexe. On a débroussaillé énormément, on a eu des présentations extraordinaires, mais, au bout du compte, il n'y avait pas le niveau de confort pour y aller.

Mais, si on était juste sur le critère de la souffrance, là, je veux juste qu'on soit clairs là-dessus, ce serait de l'aide médicale à mourir sur demande en toutes circonstances pour toute personne, là. Une personne qui est tannée de vivre, est-ce qu'on... Ça fait que, vous voyez, c'est pour ça qu'il faut quand même être très prudents quand on élargit. Qu'est-ce qu'on veut atteindre avec ça puis où est le consensus social? Hello.

Mme O'Malley (Olivia) : Hi. So, you would like to see severely handicaped be added to Bill 28?

Mme Hivon : No. What I'm saying is that this needs a debate on its own, because it's a totally new issue. It wasn't debated in the report that we tabled back in December. It was not in the mandate, even, that the committee had. So, we had to focus on advanced requests in cases of inability to consent and on health... on «troubles mentaux», mental health issues. But this wasn't an issue that had to be debated. So, the surprise, today, is that it's included in the bill. And what we want is this to be able to have its' own debate. And if we have it in the course of this bill, we're really worried that we won't be able to make it, because it needs a whole new set of debates with people, with experts, with community groups that represent handicaped people.

Mme O'Malley (Olivia) : Do you think it'll be a deal breaker for you or your party to going into two weeks from now in its vote?

Mme Hivon : It's not a question of a deal breaker, it's a question of being realistic and do we really want to achieve what we worked on so hard in this report that we tabled with a lot of serious work and 11 recommendations. I think this is the focus we have to have when there is only two weeks left.

(Fin à 15 h 23)

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