(Onze heures vingt et une minutes)
La Modératrice : Bonjour.
Bienvenue à ce point de presse du Parti québécois. Nous avons, ce matin, M.
Pascal Bérubé, notre porte-parole en matière de langue française. Il est
accompagné des enseignants au collégial et membres du regroupement Pour le
cégep français. Et prendront la parole, Mme Caroline Hébert et M. Nicolas
Bourdon, après le député. La parole est à vous.
M. Bérubé : Bonjour. Aujourd'hui,
je suis bien accompagné de professeurs du réseau collégial regroupés au sein du
regroupement Pour le cégep français. Nous allons vous parler de l'application
de la Charte de la langue française dans le réseau collégial. Ils ont fait un
travail colossal d'éducation, de mobilisation. 34 syndicats de professeurs de
cégeps francophones appuient cette démarche qui va dans le sens de ce qu'on a
proposé. On aurait dû faire en sorte que la Charte de la langue française s'applique
au réseau collégial, comme l'a dit Guy Rocher en commission parlementaire,
comme de nombreux commentateurs spécialistes l'ont dit. C'est une occasion
manquée.
Je vous en ai beaucoup parlé, mais ils
seront beaucoup plus éloquents que moi pour vous en parler, pour vous dire
comment ça se passe pour de vrai. Alors, il y a ici des professeurs de
plusieurs collèges de plusieurs régions du Québec qui ne se connaissaient pas
et qui se sont mobilisés autour d'une cause, qui est celle du français dans ce
magnifique réseau qu'est le réseau collégial. Alors, je vais demander à deux de
leurs représentants de s'adresser à vous. Ils ont une déclaration à faire.
Alors, d'abord, Mme Caroline Hébert et ensuite M. Nicolas Bourdon. Et pour la
période des questions par la suite, ils prendront des questions, et peut-être
certains collègues, dépendamment des champs d'expertise. Alors, je laisse la
tribune à Mme Caroline Hébert.
Mme Hébert (Caroline) : Bonjour.
Alors, nous, professeurs membres du regroupement Pour le cégep français,
prenons la parole afin de rappeler à l'État québécois la nécessité d'adopter
des mesures efficaces pour que le français demeure la langue commune et le
ciment de notre société. Nous remercions Pascal Bérubé de nous ouvrir les
portes de l'Assemblée nationale et nous tendons la main à tous les partis
politiques qui ont à cœur la protection de la langue française.
Nous sommes des professeurs de diverses
tendances politiques réunis par notre amour de la langue française et par notre
volonté commune de la défendre et de la valoriser. Nous sommes portés par l'élan
de 34 assemblées syndicales de professeurs de cégep qui se sont prononcées
en faveur de l'extension des clauses scolaires de la loi 101 au collégial.
Les cégeps sont des catalyseurs sociaux et professionnels. Ce sont de
véritables milieux de vie où une partie importante de la jeunesse québécoise
prépare son avenir et, par le fait même, notre avenir collectif ainsi que celui
de nos enfants.
Mais force est de constater que, dans les
dernières décennies, certains cégeps sont devenus des pôles d'assimilation
linguistique. La loi n° 96 ne permettra pas de prévenir l'anglicisation d'une
partie importante des jeunes allophones et francophones. Rappelons d'ailleurs
que ces derniers sont déjà les plus bilingues au Canada. Pour plusieurs d'entre
eux, comme une étude récente de Statistique Canada l'a démontré, il ne s'agit
pas tant d'acquérir l'anglais comme un outil que d'assimiler l'anglosphère. Ils
poursuivront très majoritairement leurs études universitaires en anglais pour
ensuite travailler en anglais. Comme contribuables, voulons-nous vraiment
financer notre propre assimilation linguistique? Comme citoyens, y sommes-nous
tenus?
Rappelons également qu'il existe une
disproportion majeure entre le nombre de places en anglais dans le réseau
collégial et le poids démographique réel de la population anglophone. Par
exemple, dans le secteur préuniversitaire, à Montréal, les cégeps anglophones
diplôment 52 % des effectifs totaux, alors que la portion d'anglophones
qui résident sur l'île de Montréal est de 17 %. Au cours des 30 dernières
années, les cégeps anglophones de la métropole ont ainsi capté 95 % de la
hausse totale des étudiants inscrits au collégial. Si cette hausse avait été
partagée au prorata du poids démographique selon la langue maternelle, cela
correspondrait à l'équivalent d'un gros cégep francophone de plus sur l'île de
Montréal.
En plafonnant le nombre de places
disponibles dans les cégeps de langue anglaise, le gouvernement de la CAQ
contribue à alimenter le mythe de la supériorité des cégeps anglophones,
puisque ces derniers devront resserrer encore davantage leurs critères de
sélection. Les cégeps anglophones sélectionnaient déjà la crème, ils
sélectionneront dorénavant la crème de la crème.
M. Bourdon (Nicolas) : Nous
nous retrouvons donc devant un système à deux vitesses qui dévalorise les
diplômes émis par les établissements francophones et qui accentue l'élitisation
du réseau anglophone. Le gouvernement est en train de reproduire la même
dynamique que celle qui prévaut aux niveaux primaire et secondaire entre les
réseaux privés et publics, mais en fonction de la langue.
Les opposants à l'extension de la loi 101
au cégep invoquent systématiquement le libre choix pour justifier le fait que
les contribuables québécois se retrouvent à financer l'affaiblissement de la
langue française. En vérité, l'application de la loi 101 aux cégeps représenterait
un retour à la normale puisqu'aucune nation n'est tenue d'offrir à un citoyen
le droit à une éducation publique dans la langue de son choix. Ajoutons que ce
choix n'a rien de libre puisqu'il est dicté par le marché du travail,
renforçant d'autant l'injustice sociale. Dans les faits, seuls les élèves ayant
une forte moyenne générale au secondaire ont réellement la liberté de
fréquenter un cégep dans la langue de leur choix.
Comme ce fut le cas en 1977, l'extension
de la loi 101 pourrait s'appliquer progressivement dans le respect des
employés du réseau anglophone et des parcours scolaires déjà entamés. Nous ne
remettons pas en cause l'existence des cégeps anglophones, mais plutôt leur
droit à une expansion sans limites. N'oublions pas que les anglophones sont
minoritaires depuis 25 ans dans les cégeps anglophones. L'un des artisans
des cégeps et de la Révolution tranquille, M. Guy Rocher, affirmait
récemment : «Nous n'avons pas créé le réseau des cégeps pour angliciser
les francophones et les allophones.»
En 1977, les centrales syndicales ont
rendu la loi 101 possible et ont contribué à son esprit foncièrement
humaniste. En 2022, un vaste mouvement démocratique provenant de la base montre
que l'anglicisation n'est pas une fatalité et qu'il y a une autre possibilité
que la concurrence malsaine qui règne entre les cégeps. Nous tenons à dire à
nos étudiants que nous refusons qu'on fasse de leurs cégeps francophones des
établissements de seconds choix. Nous voulons rappeler que le français n'est
pas seulement la langue de l'enfance et de l'adolescence apprise au primaire et
au secondaire, mais aussi, grâce au cégep, le fondement d'une vie
professionnelle et sociale pleine d'avenir, la langue du succès et de
l'épanouissement.
Le regroupement Pour le cégep français
considère que l'adoption du projet de loi n° 96 sans étendre les clauses
scolaires de la Charte de la langue française au cégep constitue une grave
erreur. C'est pérenniser un statu quo anormal et néfaste au français, et c'est
refuser de saisir une opportunité historique, mais il ne s'agit en rien d'une
défaite. Nous persistons dans notre volonté de défendre, de promouvoir et de
valoriser le français. La solidarité syndicale dont nous faisons l'expérience
depuis plus d'un an n'est que le début d'une lutte pour le français comme
fondement du seul espace public majoritairement francophone en Amérique du Nord
et comme contribution à la diversité culturelle mondiale. Merci.
La Modératrice : On va passer
à la période de questions. On va y aller avec le micro 1. Période de
questions. M. Bourassa.
M. Bourassa (Simon) : Bonjour.
Simon Bourassa, Noovo. La supériorité dont vous parlez, des cégeps anglophones
au niveau, bon, pédagogique puis dans, on va dire, dans la croyance populaire,
est-ce que ce n'est pas anecdotique? Parce qu'il y a quand même des cégeps... en
fait, les cégeps francophones sont reconnus, le réseau collégial est quand même
reconnu comme étant à succès au Québec, là.
M. Bourdon (Nicolas) : Bien,
quand on regarde... On a beaucoup été aidés, notamment, par le livre de
Frédéric Lacroix : Pourquoi la loi 101 est un échec. Mais
quand on regarde, quand on s'intéresse vraiment aux forces des étudiants qui
rentrent dans les cégeps anglophones, on retrouve des étudiants plus forts dans
les cégeps anglais. Frédéric Lacroix a fait une étude. Il a pris les chiffres
de 2017, des chiffres assez récents, puis là il regarde les cotes R des
étudiants. Puis là il voit que les cégeps francophones ont beaucoup plus
d'étudiants à faible cote R, donc c'est prouvé, c'est montré, et tandis que les
cégeps francophones, eux... les cégeps anglophones, pardon, ont des étudiants
avec de fortes cotes R, O.K.? Si, aussi, on prend les élèves avec des
difficultés d'apprentissage, il y en a plus, en prorata, dans les cégeps
francophones que dans les cégeps anglophones. Donc, le message qu'on veut
transmettre, c'est qu'il y a une élitisation progressivement qui s'est
instaurée. Tu sais, juste vous donner des faits frappants, là, Dawson refuse
70 % de ses demandes d'admission. Donc, il a l'embarras du choix. Donc,
c'est des cégeps extrêmement populaires puis c'est des cégeps qui attirent des
étudiants très forts. Donc, il y a vraiment un écrémage qui s'est fait,
malheureusement.
M. Bourassa (Simon) : Puis en
quoi, concrètement, l'application de la loi 101 aux cégeps viendrait
inverser cette tendance-là?
M. Bourdon (Nicolas) : Bien,
en quoi elle vient inverser, c'est qu'en fait, maintenant, les cégeps
francophones retiennent enfin leurs étudiants allophones et francophones. Donc,
tu sais, on retrouve nos forts, tu sais, nos forts allophones, nos étudiants
forts allophones, on les a à Bois-de-Boulogne, à Rosemont, etc., puis nos forts
francophones aussi, on les conserve, le cégep francophone conserve ses
étudiants forts. Alors, oui, effectivement, la loi 101 mettrait un frein à
cette dynamique malsaine d'éducation à deux vitesses.
M. Bérubé : Ça va, M.
Bourassa?
M. Bourassa (Simon) : Oui,
bien, sur l'aspect... Bien, voulez-vous ajouter quelque chose, M. Bérubé?
M. Bérubé : Dépendamment de
votre question.
M. Bourassa (Simon) : Bien,
c'était surtout peut-être pour M. Bourdon, par contre.
M. Bérubé : Allez-y.
M. Bourdon (Nicolas) : ...
M. Bourassa (Simon) : Oui, ou
un de vos collègues. Sur l'aspect pédagogique, je comprends. Puis, sur l'aspect
des conditions de travail, est-ce que c'est quelque chose que vous avez comme
considération aussi? Est-ce que c'est... Et est-ce que les conditions de
travail sont meilleures dans les cégeps anglophones?
M. Bourdon (Nicolas) : Non,
non, je ne pense pas. Je ne pense pas que c'est... Non. Je pense, c'est égal,
c'est les mêmes conditions de travail. C'est les mêmes conventions collectives,
hein, qui s'appliquent dans les cégeps francophones que dans les cégeps
anglophones. Mais il y a, par contre, quelque chose, je saisis la balle au
bond, là, qui a rapport au travail des professeurs, c'est qu'on... Tu sais,
quand on s'intéresse vraiment à une cause, on l'approfondit. Là, on arrive avec
des statistiques assez frappantes, tu sais, qu'un cégep, comme ici, à Québec,
le cégep St. Lawrence, bien, qu'est-ce que c'est, le cégep St. Lawrence,
essentiellement? C'est des professeurs francophones qui enseignent en anglais à
des francophones. Donc, on a pointé, on a souligné cette absurdité-là dans
certains de nos textes comme regroupement, parce qu'on trouve ça ridicule.
Alors, c'est des professeurs de langue maternelle française qui enseignent en
anglais à des francophones. Donc, c'est un état colonisé, malheureusement.
Donc, on veut mettre fin à ça aussi. J'ai peut-être des collègues qui
voudraient rajouter quelque chose.
La Modératrice : Rapidement.
M. Vallée (Jean-François) : Alors,
oui, Jean-François Vallée, Bas-Saint-Laurent. Alors, j'ai une collègue, ici,
qui est peut-être un peu... qui hésitait à venir parler, qui enseigne au cégep
de Rosemont et qui me racontait qu'en sciences humaines et en arts, lettres et
communication, ils ont de la misère à maintenir une centaine d'étudiants par
année, même de la ville de Rosemont, parce qu'ils préfèrent... parce qu'ils
pourraient aller à pied au cégep, mais ils préfèrent prendre le métro ou leur
voiture pour aller au bout de la ligne bleue et aller à Vanier qui fait le
plein. Eux, ils sont en surplus puis ils n'ont même pas besoin de faire de
recrutement. Donc, ça, c'est des exemples très concrets. Je ne sais pas si elle
voulait en témoigner, parce que je ne vis pas cette situation-là. Mais des
exemples comme ça, c'est surtout à Montréal puis dans la couronne, mais il y a
aussi des cégeps des régions qui perdent leur élite au profit des cégeps
anglais de Montréal.
M. Bérubé : Je pense
qu'Antoine, tu es un peu pressé.
La Modératrice : Oui, on va
passer au micro 2, puis ensuite on reviendra au micro 1, au besoin.
M. Bérubé : On y reviendra,
on y reviendra, Simon.
M. Robitaille (Antoine) : Vous
avez évoqué la solidarité syndicale. Comment expliquez-vous que Québec
solidaire, qui est pourtant proche des syndicats, en tout cas, ils le
prétendent, ne soit pas, comment dire, plus attentif à votre mouvement? Je ne
sais pas qui veut répondre.
M. Coulombe (Gabriel) : Bien,
oui, Gabriel Coulombe, enseignant en économie. Évidemment, on aurait souhaité
très, très, très fortement que Québec solidaire se joigne au mouvement et
appuie l'extension de la loi 101 au collégial, parce que, bien, on sait de
source sûre qu'il y a quand même un certain nombre de députés au sein de la
députation solidaire qui sont en faveur de cette mesure-là. Ce qu'on comprend,
c'est qu'ils... Il y a la position des grandes centrales syndicales qui, eux,
parmi leurs membres, il faut comprendre, comptent un certain nombre, là, de
cégeps anglophones. C'est difficile pour tout le monde d'imaginer, là, qu'ils
puissent vouloir se joindre au mouvement. Mais évidemment dans une perspective
de protection de la langue française... Et aussi, il ne faut pas oublier que
l'extension de la loi 101 au collégial, c'est également un combat pour la
mixité et la justice sociale, parce que, ce qu'on constate, c'est que, oui,
c'est les meilleurs qui s'en vont dans les cégeps anglophones,
systématiquement, mais c'est des gens qui proviennent aussi, souvent, de
milieux socioéconomiques aisés, des parents qui ont eux-mêmes fait leurs
études. Donc, le combat pour la langue française, oui, c'est pour le français,
mais ça en est aussi un pour la mixité, la justice sociale, puis c'est en ce
sens-là que, Québec solidaire, on croit qu'ils devraient se sentir davantage interpellés.
M. Robitaille (Antoine) : Avez-vous
fait des représentations auprès des députés ou du parti Québec solidaire?
M. Coulombe (Gabriel) : Des
initiatives individuelles ont été prises, pas en tant que regroupement
directement, mais, oui, il y en a qui ont été approchés, et ce que ce qu'on
constate c'est justement que ça...
M. Bérubé : Peut-être ajouter
que c'est aussi, disons-le, c'est gênant, mais c'est gênant pour le
gouvernement. Écoutez, une des antennes collégiales, à l'Assomption, c'est dans
la circonscription du premier ministre du Québec. Mme Van Dun représente les
professeurs de ce collège. Dans tous les collèges de députés de la CAQ, leurs
professeurs leur ont dit : Il faut aller de l'avant. Aucun n'a écouté. Aucun.
Alors, à la fois toutes les formations politiques qui ont refusé cette mesure,
la Coalition avenir Québec, le Parti libéral du Québec et Québec solidaire, ont
tort. Et il y a même un sondage qui a été fait qui donnait une majorité de
Québécois en faveur de cette mesure-là. Et avec tous les experts, avec Guy
Rocher, avec Christian Dufour, avec toute cette mobilisation, c'est le français
qui perd, mais ça se poursuit parce qu'on va continuer la mobilisation. Et le
Mouvement Québec français a annoncé hier que, de toutes ses forces, il allait
maintenant plaider pour une vraie loi sur la langue. Il pourra compter sur nous
en ce sens.
M. Robitaille (Antoine) : La
loi crée un poste de commissaire à la langue française. Lui, il sera nommé par
l'Assemblée nationale.
M. Bérubé : Sur
recommandation du gouvernement.
M. Robitaille (Antoine) : Oui,
mais, je veux dire... Est-ce qu'il pourra prendre position, lui, éventuellement,
face à l'évolution des choses, pour la loi 101 au cégep? Et est-ce que
vous allez faire des représentations auprès de l'éventuel commissaire pour que
ça se fasse?
M. Bérubé : Je pense qu'il va
agir en fonction de la loi, et il est rare qu'il y ait des recommandations de
création d'institutions. On le voit dans les différents rapports qui nous sont
présentés. Donc, il aurait été beaucoup plus simple d'adopter la loi et de
s'assurer que les collèges respectent la loi. Et je le dis à nouveau, quand le
gouvernement dit : On plafonne les inscriptions, en fait, il consacre
qu'on accorde le double de places que ce que représente vraiment la communauté
anglophone au Québec. Alors, c'est ce qu'il vient faire, c'est très grave.
Alors, ce n'est pas pour rien qu'on a voté contre ce projet de loi là. Ça vous
va, M. Robitaille? M. Bourassa.
La Modératrice : Est ce qu'il
y a d'autres questions?
M. Bourassa (Simon) : Une
petite dernière pour vous, M. Bérubé. Où est-ce qu'on échoue dans
l'apprentissage et la valorisation de la langue française pour que l'attrait
pour les cégeps anglophones pour les francophones soit aussi important? Puis ce
n'est pas nouveau, là, quand j'étais au cégep, à Québec, St. Lawrence, c'était
la fin du monde, là, aussi.
M. Bérubé : L'objectif, c'est
que le français apparaisse comme une langue de prestige, une langue d'avancement,
la langue de la promotion, une langue universelle également, qui est parlée par
des centaines de millions de locuteurs dans le monde et des centaines de
millions qui l'apprennent comme langue secondaire. C'est une des grandes
langues mondiales, le français. Et, au Québec, compte tenu de notre situation,
entourés d'un océan d'anglophones, de locuteurs anglophones, bien, évidemment
qu'il y a une tendance qui tend à démontrer que, pour se tourner vers
l'universel, il faut parler anglais. On encourage l'apprentissage de l'anglais,
mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit ici. L'État québécois finance, dans le
réseau collégial, sa propre assimilation. C'est aussi simple que ça.
À l'université, c'est autre chose, il y a
une indépendance à laquelle on ne touche pas. On a un débat là-dessus,
présentement, sur le projet de loi n° 32, si je ne me trompe pas. Mais au
collégial, c'est le prolongement du primaire et du secondaire, et là c'est
activité libre pour tout le monde. Toute l'énergie qu'on a consentie pour faire
en sorte que les nouveaux arrivants, les allophones soient éduqués en français,
socialisent en français au primaire puis au secondaire, on leur dit : À
partir de maintenant, c'est votre choix. À Dawson, ils sont 41 % d'allophones.
C'est plus important que le nombre d'ayants droit anglophones. Et le nombre de
francophones est élevé aussi. Alors, soit on accepte ça, et là le déclin se
poursuit, soit qu'on prend une autre direction, celle qu'on proposait, puis là
on inverse ces tendances.
Quand M. Legault m'a dit... en
commission parlementaire sur les crédits concernant la communauté anglophone,
il me dit : Vous voulez faire fermer les cégeps anglophones. Vous avez eu
la démonstration, là, où on fragilise des collèges, c'est dans le réseau francophone,
puis pas seulement dans des régions comme comme Matane avec son cégep, il y a
des cégeps montréalais, présentement, où on m'a raconté tout à l'heure que l'effectif
passait, dans certains départements, de 15 à six, par exemple, ou à quatre. Ça,
c'est réel. Quelles seront les perspectives pour les professeurs au collégial,
dans les prochaines années, pour recruter, pour en faire une belle carrière
stimulante? On va leur dire : Allez dans le réseau anglophone. Soyez des
francophones qui vont aller dans le réseau anglophone enseigner à des
francophones. Mais c'est fou raide. Pourquoi on accepte ça au Québec?
Alors, ces personnes ne l'acceptent pas.
Nous ne l'acceptons pas. Et, en ce sens, je suis obligé de dire que ce projet
de loi est une faillite, nommément, uniquement pour cet enjeu-là, et on ne
pouvait pas voter pour. Et chaque heure qui passe me conforte à l'idée que ce n'est
pas un enjeu politique, c'est un enjeu... c'est la langue, c'est ça qui devrait
être en dessus de tout. Et on est passés à côté d'une solution qui était
vraiment applicable facilement, facilement compréhensible. Et ce gouvernement n'est
pas le gouvernement du français. Et ça, c'est moi qui le dis, on est passés à
côté de quelque chose de fantastique qui aurait permis de rétablir un
équilibre, une normalité. Avez-vous d'autres questions?
La Modératrice : Un petit
ajout, en terminant.
M. Bourdon (Nicolas) : Je
veux juste rajouter quelque chose à votre question, en complémentaire. C'est qu'on
se pose la question, on se dit : Si on applique la loi 101, bon, ça
va avoir des conséquences sur les cégeps anglais, c'est vrai, mais je trouve qu'actuellement
on ne se préoccupe pas assez des milliers de places vacantes dans les cégeps de
région. Tu sais, on n'a pas ça dans la mire, on n'a pas ça dans le radar. Il y
a des places vacantes dans les cégeps de région, elles ne sont pas comblées,
puis les cégeps de région ont de la difficulté à s'en tirer avec ça. Donc, on
pense beaucoup, on se fait dire par nos adversaires : Mais ça va être très
chaotique si on applique la loi 101 dans les cégeps anglais. Nous, on
pense qu'on peut le faire progressivement. Tu sais, on n'a pas besoin de faire
ça en une année, on peut étendre ça sur cinq ans. Guy Rocher, le sociologue Guy
Rocher, nous suggérait de... avait cette idée-là d'étaler la loi 101, l'application
de la loi 101 aux cégeps sur cinq ans. Donc, il n'y a pas de raison de
croire que ça va créer des centaines de milliers de pertes d'emploi. Par
contre, on revient avec ce message-là, on a des problèmes dans les cégeps de
région. Il n'y a pas assez d'étudiants, puis ils sont capables d'en accueillir.
M. Bérubé : Tout à fait.
Vous savez — puis je termine là-dessus — le gouvernement du
Québec a annoncé une mesure que je trouve intéressante sur la régionalisation
des étudiants internationaux, qui font en sorte que le taux de scolarité va
être le même que les étudiants qui sont déjà ici. C'est une mesure qui est
favorable pour un cégep comme le cégep de Matane ou un cégep en région. Mais c'est
aussi important, ce que proposent les professeurs, ici réunis, de collège. Je
veux dire, on fait des efforts importants et souhaitables pour avoir une
clientèle internationale qualifiée, qu'on souhaite avoir, mais on souhaite
aussi avoir les meilleurs étudiants francophones dans les cégeps francophones.
Alors, il y a une logique à suivre. Et cette mesure-là est certainement
applicable, et je regrette que le gouvernement soit passé à côté. Et je vous
remercie d'avoir été là.
La Modératrice : Merci
beaucoup.
M. Bérubé : Merci.
La Modératrice : Bonne fin de
journée.
(Fin à 11 h 44)