(Dix heures deux minutes)
M. Grandmont : Bonjour, tout
le monde. Vous connaissez sans doute le fameux slogan de la saucisse Hygrade :
Plus elle est fraîche, plus le monde en mange, plus le monde en mange, plus
elle est fraîche. Mais l'inverse est vrai aussi, moins elle est fraîche, moins
on en mange. Et ça continue comme ça. Bien, c'est exactement ce que le
gouvernement est en train de faire avec le transport en commun au Québec. Et je
suis là, aujourd'hui, pour demander à Geneviève Guilbault, qui est la ministre
responsable du Transport et de la Mobilité durable, de donner un électrochoc
aux sociétés de transport pour les empêcher d'être dans une spirale de la mort.
Lundi, Gabriel, notre chef parlementaire,
a rencontré le premier ministre et lui a parlé de transport en commun, puis là
il ne lui a pas demandé d'appliquer le plan ambitieux de Québec solidaire en
transport en commun, il lui a juste demandé le strict minimum, de ne pas
réduire l'offre de service dans les sociétés de transport au Québec, bref, qu'on
ne recule pas dans le transport en commun en 2023, dans cette période post...
ou pandémique, en tout cas. C'est pourquoi on demande aujourd'hui que le
gouvernement injecte immédiatement des fonds pour maintenir le service, et
ensuite, s'asseoir avec les sociétés de transport pour revoir le mode de
financement, qui est désuet, au niveau du transport en commun au Québec. Puis d'ailleurs
le gouvernement a, en ses mains, des études, depuis 2019, qui lui donnent une
très, très large palette de solutions qui pourraient être rapidement mises en
œuvre.
L'achalandage ne revient pas au niveau
prépandémique. Il y a une baisse qui est observée dans à peu près toutes les
sociétés de transport actuellement. Puis avoir moins de passagers, ça entraîne,
évidemment, moins de revenus, et moins de revenus, bien, ça entraîne un service
qui est moins bon. Comme à Montréal, où la Société de transport de Montréal, la
STM, ne garantit plus son service 10 minutes max sur plusieurs des parcours qu'elle
avait développés en ce sens-là. Puis des passages moins fréquents, bien, ça
donne un moins bon service. Donc, évidemment, comme je l'ai dit d'entrée de
jeu, moins de gens l'utilisent. Donc, la saucisse Hygrade, moins les gens
utilisent les transports en commun, moins de revenus pour les sociétés de
transport, et on baisse le service en conséquence.
Donc, nos sociétés de transport ont besoin
d'un électrochoc. Puis de l'argent pour le transport, il y en a, il y en a, de
l'argent actuellement. Le gouvernement a déjà engagé 325 millions dans un
bureau de projet pour le troisième lien, un bureau... un projet, en fait, qui n'est
appuyé sur aucune étude actuellement. Donc, les autobus, eux, puis le métro,
actuellement, ils roulent. Il y a une pénurie d'achalandage, si on peut dire
comme ça, donc les besoins sont criants, les besoins sont maintenant, ils sont
documentés. Donc, l'argent, là, il faut qu'on le mette au bon endroit,
actuellement, au Québec.
François Bonnardel, quand il était aux
Transports — c'est le prédécesseur de Geneviève Guilbault — il
avait promis de ne pas abandonner les sociétés de transport dans ce contexte,
un peu fou, de la pandémie de COVID-19, mais, quand on parle avec la nouvelle
ministre des Transports et de la Mobilité durable, ça devient pas mal moins
clair. Au salon bleu, à l'automne dernier, j'ai posé ma première question, justement,
sur la question du financement des sociétés de transport, particulièrement de
la STM, puis Geneviève Guilbault l'avait comme rejeté du revers de la main.
Est-ce que le premier ministre François Legault trouve, lui, que c'est
acceptable de couper dans le service des sociétés de transport? Visiblement, si
sa ministre ne veut pas faire la job, est-ce que François Legault, lui, est d'accord
avec ce positionnement-là?
Donc, je le répète, le gouvernement doit
donner un électrochoc pour remettre les sociétés de transport sur les rails. Et
maintenant, bien, je vais prendre vos questions. Merci.
Mme Côté (Danny) : Est-ce que
Geneviève Guilbault n'a pas dit qu'il y avait de l'intérêt pour renouveler le financement,
mais peut-être sur une autre méthode? Ce n'est pas ce qu'elle a dit il y a à
peu près un mois?
M. Grandmont : Elle a dit
qu'elle était prête à s'asseoir avec les sociétés de transports pour revoir le
mode de financement. On ne sait pas quand est-ce que ce sera fait, mais il y a
un problème actuellement, il y a un problème. On coupe dans le service. On est
en train... Les sociétés de transports sont en train de baisser leur offre de
service. Et ça, là-dessus, là, Geneviève Guilbault ne veut pas y répondre, ne
veut pas aider les sociétés de transport, qui s'engagent de plus en plus. Puis
on le voit, là, c'est partout pareil, dans toutes les sociétés de transport.
Montréal est la première qui rencontre ce mur-là, mais le besoin, il est
présent. Puis cette spirale de la mort, ce cercle vicieux de la baisse des
services, on est en train de le voir à Montréal, mais on va le voir ailleurs au
Québec.
Il y a des chiffres très intéressants qui
sont sortis de l'Association du transport urbain du Québec, l'ATUQ, qui disait
que le manque à gagner, pour 2023, serait de 560 millions de dollars, que,
pour 2024, il serait de 650 millions de dollars — ça, on parle
de budget d'opération, là — et qu'en 2027... ils ont fait des
projections sur cinq ans... en 2027, il manquerait 900 millions de dollars
pour faire fonctionner nos réseaux de transport en commun. Donc, c'est bien
beau dire qu'on va s'asseoir pour essayer de trouver des solutions, mais il y a
un problème criant maintenant, et le gouvernement, actuellement, n'y répond
pas.
M. Bourassa (Simon) : Le
dossier du tramway, M. Grandmont. Le sondage SOM-Le Soleil parlait,
un peu plus tôt cette semaine... on voit que l'appui qui, bien, stagne à
44 %, diminue rapidement à 36 % dès qu'on parle de dépassement de
coûts, si minime soit-il. Le tramway doit-il se faire à tout prix?
M. Grandmont : Le tramway
doit se faire, certainement. Le tramway, c'est un projet dont on a besoin à
Québec. C'est un projet dont on discute depuis le début... au moins, le début
des années 2000. Il est passé à travers tout le processus pour... qui a permis
de démontrer que c'était un bon projet pour Québec. Maintenant, est-ce qu'il
faut être inquiets de voir des sondages qui montrent un appui qui n'est pas si
élevé que ça? Moi, je ne pense pas.
M. Bourassa (Simon) : Ça ne
vous inquiète pas...
M. Grandmont : Ça ne
m'inquiète pas, parce que, si on regarde ce qui se passe à l'étranger, toutes
les fois où on déploie une première ligne de tramway, les sondages,
l'acceptabilité sociale est, tout le temps, relativement basse. D'ailleurs, il
y a des reportages très intéressants qui étaient sortis sur un maire d'une
ancienne ville où, justement, ils avaient développé du transport en commun, puis
c'est ce qu'il disait : la première ligne, il n'y a jamais une
acceptabilité sociale très élevée. La deuxième, la troisième ligne,
généralement, le taux d'acceptabilité sociale remonte rapidement.
Puis je référerais aussi à un sondage, qui
était du Journal de Québec, je pense, en 2018 ou 2019, sur ce projet-là
de tramway, puis les gens de Montréal, qui connaissent l'avantage, les
avantages d'avoir un bon système de transport structurant dans leur ville,
souhaitaient davantage, pour Québec, un tramway que les gens de Québec
eux-mêmes. Donc, c'est normal. Quand on a connu une amélioration substantielle
du transport en commun, on est très... on est plus facilement engagés ou
prompts à être d'accord avec les nouvelles lignes.
M. Bourassa (Simon) : Mais est-ce
que les dépassements de coûts, ça menace le projet présentement? Parce que
c'est ce que certains disent.
M. Grandmont : Les
dépassements de coûts menacent à peu près tous les projets au Québec, là, je
veux dire. Ça va être vrai dans la santé, ça va être vrai sur les routes, ça
va être vrai pour le troisième lien, si jamais ce projet-là continue d'avancer.
Est-ce qu'on va s'arrêter de construire des hôpitaux au Québec parce que les
coûts augmentent? Non, parce qu'on en a besoin, d'hôpitaux au Québec. Est-ce
qu'on va s'arrêter de faire un tramway, dont on sait, très pertinemment, qu'on
en a besoin à Québec, parce que les coûts augmentent? Non, évidemment.
Il y a une surchauffe, puis ça touche à
peu près tous les secteurs d'activité. Puis, évidemment, il y aura des
corrections qui se feront, les coûts, selon ce que je comprends aussi, là, vont
éventuellement redescendre un peu, là. Mais c'est normal. Donc, il y a
l'inflation normale. L'inflation est particulièrement élevée ces temps-ci, avec
une surchauffe dans la construction, mais il ne faut pas s'empêcher, finalement,
de faire des projets dont on a vraiment besoin.
Maintenant, il y a, je le rappelle
toujours, ce besoin très important de répondre à la lutte aux changements
climatiques, puis les transports, c'est 43 % de nos émissions de gaz à
effet de serre. Ça, ça, c'est la préoccupation la plus grande qu'on devrait
avoir à l'esprit quand on pense au projet de tramway, là.
Mme Côté (Danny) : Mais vous
dites ce matin : Il faut financer les réseaux de transport. On sait que
les syndicats ont dit : On achète plus d'autobus, c'est difficile de les
entretenir. Pour la question de fiabilité aussi des véhicules, est-ce que ça va
se répéter avec un tramway, tout ça? En ce moment, on a de la difficulté avec
les autobus.
M. Grandmont : Bien, en fait,
il y a plusieurs choses, là. D'abord, là, nous, la sortie aujourd'hui, c'est
vraiment sur les budgets d'opération, c'est une chose, donc, puis il y a un
manque à gagner qui est causé par le fait qu'on a moins d'achalandage. Je le
répète, là, à Montréal, les revenus sont importants, là, c'est 50 % des
revenus de la STM qui proviennent des usagers. À Québec, c'est 33 %. Mais
quand on a une baisse d'achalandage, ça impacte directement le budget
d'opération des sociétés de transport. Donc, la sortie d'aujourd'hui porte
spécifiquement là-dessus.
Cela dit, votre question est très bonne
aussi, mais le tramway a, comme avantage, de baisser les coûts d'opération pour
une société de transport. Un tramway, c'est un chauffeur pour beaucoup plus
d'usagers qui se déplacent, à l'intérieur. Un tramway, ça veut dire aussi un
seul véhicule à traiter par un mécanicien. Bref, c'est beaucoup plus simple. Puis
ça baisse les coûts d'opération à long terme, il faut le voir à long terme, là.
Mais ça, ça présente beaucoup d'avantages, en termes de coûts d'opération, pour
une société de transport.
M. Côté (Gabriel) : Vous
l'avez rappelé, M. Nadeau-Dubois a rencontré M. Legault mardi, il lui a présenté
cette idée-là d'un financement d'urgence du transport en commun. Est-ce que
vous décidez de mettre de la pression aujourd'hui parce que M. Legault, pendant
cette rencontre-là, a fermé la porte complètement, puis donc là, vous, quelques
jours plus tard, vous êtes fâché puis vous décidez de mettre de la pression sur
le gouvernement? Ou est-ce que... Qu'est-ce que François Legault a dit à
Gabriel Nadeau-Dubois?
M. Grandmont : Moi, j'aurais
vraiment aimé ça être un petit oiseau, une mouche, je ne sais pas quel animal
utiliser, mais j'aurais vraiment aimé ça pouvoir... Je pense que j'aurais payé,
même, pour assister à cette rencontre-là, ça devait être très relevé. Je n'ai
pas eu encore des échos précis, là, de ce qui s'est dit, là, dans le détail, au
niveau de la rencontre entre M. Legault et Gabriel, mais ce que j'entends, moi,
c'est qu'il y a... il semble y avoir une espèce d'incohérence. D'un côté, il y
a quelques années, en 2021, François Bonnardel, lui, disait qu'il n'y avait
aucune chance qu'on laisse tomber les sociétés de transport. Mme Guilbault
semble plutôt fermée à ça et s'en lave les mains, elle retourne la
responsabilité des choix budgétaires ou des choix de budget d'opération aux
municipalités, alors qu'ils ont un rôle puis ils ont déjà pris un engagement en
2021.
Donc, la sortie aujourd'hui, elle est
surtout motivée par le fait qu'on a un problème maintenant. La STM est en train
de couper ses services, le service 10 minutes max est en train de
disparaître, et ça, ça ne se fait pas au bénéfice des usagers, qui voient le
service diminuer, ça ne se fait pas non plus en cohérence avec l'importance
qu'on doit accorder à la lutte aux changements climatiques. On est en train
d'aller dans le mauvais sens avec ça. Donc, la sortie est essentiellement
motivée par ça, la STM a un problème urgent à régler, au bénéfice des usagers.
Puis, nous, ce qu'on voit, quand on
regarde les chiffres, là, qui ont été dévoilés par l'ATUQ, les estimations de
l'association pour les transporteurs urbains, c'est qu'on voit que le problème
va continuer d'augmenter dans les prochaines années, donc on veut essayer de le
régler rapidement, parce que c'est une très mauvaise pente qu'on est en train
de prendre, elle est très glissante.
Mme Côté (Danny) : À Québec,
je sais qu'ils avaient réussi à boucler, je pense, avec les aides d'urgence,
justement, pour la COVID, mais le président, si je me souviens bien, disait que
ça allait être des années difficiles aussi.
M. Grandmont : Absolument,
c'est la même problématique qu'on va rencontrer partout au Québec. Québec... Puis
chaque société de transport a des particularités, là, je vous invite,
évidemment, à les voir, là, à aller les rencontrer pour en discuter, là, avec
plus de détails, plus de précisions. Mais on sait comment Québec est faite
aussi, c'est une ville qui a besoin d'améliorer son service de transport en
commun. On sait aussi qu'une bonne part des usagers du transport en commun
c'est des gens qui travaillent sur la colline Parlementaire, qui sont des fonctionnaires
et qui, à terme, pourraient avoir... pourraient être incités à faire davantage
de télétravail. Ça fait que la réalité du transport en commun aussi va beaucoup
changer dans les prochaines années, ça pourrait...
Donc, il y a importance non seulement de
répondre rapidement, donner une aide d'urgence aux sociétés de transport, mais,
en même temps, je le répète, de s'asseoir pour revoir les modes de financement.
Je vous le dis, en 2019, il y avait eu une grande... 2018, 2019, j'y avais
participé dans mon ancienne vie, il y avait eu une grande consultation
organisée sur les enjeux de financement du transport en commun, parce qu'on
voyait même avant la pandémie, qu'il y avait des enjeux de financement du
transport en commun. Beaucoup de cet argent-là vient de contributions qui sont
prélevées à même, tu sais, de taxes sur l'essence, par exemple, les produits
pétroliers servent... il y a une taxe qui est là-dessus qui sert à financer le
transport en commun, puis, avec l'électrification des transports, on voyait,
éventuellement, une baisse des revenus pour financer le transport en commun. Donc,
il y avait déjà cette réflexion-là.
Et le gouvernement a, entre les mains, une
étude, depuis 2019, mais a décidé de ne rien faire, en plus, avec la pandémie
qui est venue s'ajouter. Ils n'ont rien fait avant la campagne électorale, mais
il faudra leur demander, eux, pourquoi ils décident de ne rien faire avant une
campagne électorale. Mais ils ont déjà des documents, des études qui montrent qu'il
y a un paquet de bonnes solutions à mettre en oeuvre pour s'assurer de revoir
convenablement et durablement le financement des sociétés de transport.
C'est bon pour tout le monde? Merci
beaucoup.
(Fin à 10 h 14)