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Conférence de presse de M. Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice, et Mme Kariane Bourassa, adjointe parlementaire du ministre de la Justice

Annonce pour améliorer l’accès et l’efficacité de la justice

Version finale

Le mercredi 1 février 2023, 11 h 15

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures quatorze minutes)

Mme Bourassa : Alors, bonjour. C'est un réel plaisir pour moi d'être ici. Et, avant de laisser la parole à celui que vous voulez entendre, M. le ministre, afin qu'il vous présente plus en détail le projet de loi n° 8, je tenais à rappeler dans quel contexte tout ça s'inscrit. Le système de justice est en pleine mouvance. Un important changement de culture, on le sent, s'opère. On l'a dit, et je le réitère, on veut un système de santé plus humain et plus rapide.

Au cours des deux dernières années, de nombreuses avancées ont été réalisées pour mieux répondre aux besoins des citoyens et pour rendre la justice plus accessible. Je pense aux étudiants en droit qui peuvent désormais donner des avis et des conseils juridiques gratuitement ou à peu de frais dans les cliniques universitaires et à l'École du Barreau. Il y a aussi les notaires et les avocats qui oeuvrent au sein d'organismes à but non lucratif qui peuvent eux aussi désormais donner des avis et des conseils juridiques, tout ça en représentant leurs clients à la cour de façon gratuite ou à coût modique. C'était demandé depuis longtemps, mais aucun gouvernement ne l'avait priorisé avant.

Nous avons aussi été innovants en mettant sur pied de nouvelles initiatives. L'un des meilleurs exemples est sans doute le tribunal spécialisé en matière de violence conjugale et violence sexuelle. Les personnes victimes doivent pouvoir se sentir en confiance et en sécurité tout au long du processus, des procédures qui, on le sait, sont souvent des moments pénibles et émotifs. Avec le tribunal spécialisé, elles seront accompagnées et soutenues par des intervenants spécialisés avant, pendant et après le processus judiciaire.

Rappelons aussi la ligne Rebâtir, qui offre jusqu'à quatre heures de consultation gratuite auprès d'avocats de l'aide juridique à toute personne victime de violence sexuelle ou conjugale, sans oublier la plateforme juridique qui informe les citoyens sur leurs droits, je dis même qui les guide un peu à travers leurs procédures.

Je le répète, toutes ces actions ont été guidées par un même objectif : offrir aux Québécoises et aux Québécois une justice accessible et plus humaine. Le projet de loi que nous déposons aujourd'hui s'inscrit dans cette même logique. Alors, voilà, je vous remercie de votre attention. Et, sans plus tarder, je vais laisser mon collègue Simon parler.

M. Jolin-Barrette : Merci, Kariane. Bonjour à toutes et à tous. Très heureux de vous retrouver. Alors, il me fait plaisir aujourd'hui d'annoncer le dépôt du projet de loi n° 8 visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec

Nous ne vous apprenons rien ce matin en vous disant qu'au cours des deux dernières années, durant la crise sanitaire, les délais judiciaires ont augmenté dans toutes les matières. C'est d'autant plus vrai pour les délais à la division des petites créances, qui ont été particulièrement affectés par la pandémie. Cela a d'ailleurs fait l'objet de nombreux reportages. Actuellement, les Québécoises et les Québécois qui ont un dossier aux petites créances doivent patienter en moyenne 664 jours pour obtenir une audition devant le tribunal. Cela équivaut à 22 mois d'attente, soit pratiquement deux ans. On est tous d'accord que c'est très long, et beaucoup trop long.

Depuis notre arrivée à la justice, nous ne ménagons aucun effort pour rendre la justice plus accessible, plus efficace et surtout plus humaine. Les citoyens ont droit à des services rapides, simples et peu coûteux, et c'est l'objectif principal de ce projet de loi que nous déposons aujourd'hui. Ce projet de loi vise aussi à répondre au renvoi de la Cour suprême concernant les seuils de compétence de la Cour du Québec. Il se décline en quatre grands volets.

Tout d'abord, avec ce projet de loi, nous nous donnons les moyens de mettre en œuvre de la médiation obligatoire et de l'arbitrage automatique à la division des petites créances. Au fil du temps, la médiation a fait ses preuves. En effet, dans la majorité des cas, la médiation permet aux parties de régler leur litige. Elle permet aux citoyens d'être impliqués dans la recherche de solutions et donc d'avoir plus de contrôle sur le règlement de leurs litiges. Soulignons aussi que le niveau de satisfaction des parties est souvent plus grand lorsqu'un dossier se termine par un règlement plutôt que par un jugement.

Les services de médiation et d'arbitrage s'appliqueront d'abord aux dossiers de moins de 5 000 $. Ils seront ainsi obligatoirement référés en médiation, et, dans les cas où les parties n'arrivent pas à s'entendre, leur dossier sera automatiquement référé en arbitrage. Précisons que les dossiers de moins de 5 000 $ représentent plus de la moitié, donc plus de 50 % des dossiers déposés aux petites créances, et que le taux d'entente en médiation pour ceux-ci est de plus de 60 %. Selon nos estimations, cela permettra de régler les dossiers dans un délai de trois à neuf mois, comparativement à la moyenne actuelle qui est de 22 mois simplement pour obtenir une audience. Cela signifie qu'à terme les gens pourraient sauver entre un an et demi et deux ans, en moyenne, pour que leur dossier soit réglé.

Le projet de loi prévoit aussi l'implantation d'une procédure civile simplifiée et accélérée à la Cour du Québec pour tous les dossiers entre 15 000 $ et 100 000 $. Le nouvel encadrement permettra aux citoyens de gagner du temps, mais surtout de sauver des coûts. Nous avons revu chacune des étapes de la procédure civile et avons évalué de quelle façon nous pouvions gagner en efficacité pour le citoyen et aussi pour les avocats et la magistrature. Ce que nous proposons, c'est donc une formule centrée sur les intérêts des citoyens qui pourraient faire face à la justice, mais qui sera aussi bénéfique à tous les acteurs du système de justice.

Soulignons que la Cour du Québec demeurera exclusivement compétente pour entendre les dossiers dont la valeur du litige est inférieure à 75 000 $. Et la Cour du Québec aura aussi compétence concurrente avec la Cour supérieure, au choix du demandeur, pour entendre les dossiers dont la valeur du litige se situe entre 75 000 $ et 100 000 $.

Par ailleurs, afin d'assurer une meilleure représentativité des personnes victimes au sein du Conseil de la magistrature, nous proposons d'ajouter un membre qui sera nommé après consultation d'organismes oeuvrant auprès des victimes d'infractions criminelles. Il est important pour nous de donner une voix au chapitre aux personnes victimes. Au cours des derniers mois, nous nous sommes employés à remettre les personnes victimes au cœur du processus judiciaire. C'est d'ailleurs dans cette logique que le changement que nous proposons s'inscrit.

Nous clarifions également les obligations de transparence et de reddition de comptes du Conseil de la magistrature. La confiance du public envers le système de justice est fragile au Québec, et, plus la justice est accessible, plus l'information est disponible pour le public, plus les citoyens comprennent le système et les règles qui l'encadrent, et plus ils auront confiance. Les changements que nous faisons viennent répondre à cet impératif.

Dans un souci d'assurer une plus grande diversité d'expertises dans le système de justice, les notaires ayant pratiqué au moins 10 ans auront désormais accès à la fonction de juge. Cela permettra également de valoriser la profession des notaires, qui, soulignons-le, ont la même formation en droit que les avocats et jouent déjà un rôle important à titre d'officiers publics dans notre société. Les notaires se distinguent par une approche axée d'abord sur la prévention et la conciliation. Considérant que nous souhaitons miser davantage sur la médiation et les modes de règlement alternatifs des différends, leur expertise représente assurément un atout de taille.

En terminant, nous sommes conscients que bien d'autres défis nous attendent et que d'autres actions devront être posées pour améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice au Québec. Mon rôle comme ministre de la Justice, c'est de m'assurer que le système fonctionne, que les délais sont raisonnables, et que les services que nous offrons aux citoyens sont abordables et surtout humains. Nous ne voulons plus que le passage à travers le système de justice soit vécu comme un fardeau. Nous voulons plutôt qu'il représente une solution pour pouvoir tourner la page sur un moment qui est parfois difficile. Les améliorations que nous faisons aujourd'hui avec ce projet de loi sont concrètes et y contribuent. Alors, merci de votre attention.

Le Modérateur : Merci beaucoup. Nous allons maintenant procéder à la période de questions en débutant d'abord avec les questions en français, et les questions, ensuite, en anglais. Si le temps nous le permet, on pourra faire plusieurs rondes de questions, mais limitez-vous pour l'instant à deux questions par journaliste. Et on commence aujourd'hui avec Marie-Josée Paquette-Comeau de Radio-Canada.

Mme Paquette-Comeau (Marie-Josée) : Oh! O.K. Je n'étais pas prête. Désolée. En fait, je vais passer mon tour pour l'instant, si c'est possible.

Le Modérateur : Pas de problème. Alors, on va commencer par Marc-André Gagnon, Le Journal de Québec.

M. Gagnon (Marc-André) : Bonjour. J'avais une question, ça adonne bien. En mai dernier, là, on rapportait donc que les délais dépassaient parfois les 1 000 jours avant d'avoir une audience. Vous avez parlé de la moyenne tout à l'heure, là, de 22 mois, mais est-ce qu'on a encore actuellement des cas comme ça, où ça dépasse le 1 000 jours, à votre connaissance?

M. Jolin-Barrette : Oui. Dans certains districts judiciaires, là, on a des dossiers que c'est plus de trois ans avant de pouvoir avoir une audition aux petites créances, puis c'est totalement inacceptable. Alors, c'est pour ça qu'avec le projet de loi, ce qu'on fait, c'est qu'on va tout d'abord débuter par des projets pilotes dans certains districts où c'est plus criant, en fonction des différentes régions, pour, justement, amener les parties en médiation obligatoire, où plus de 60 % des dossiers sont réglés. Donc, ça va faire en sorte, un, de décharger la Cour du Québec à la division des petites créances, et ensuite on va amener ça, si le dossier n'est pas réglé la médiation, vers l'arbitrage automatique pour faire en sorte que le dossier puisse être réglé beaucoup plus rapidement.

M. Gagnon (Marc-André) : O.K. Mais donc ça va prendre quand même des médiateurs. Donc, est-ce qu'on en a en nombre suffisant? Parce que, là, vous avez pointé du doigt, tout à l'heure, la pandémie, mais, encore une fois, lorsqu'on a écrit là-dessus il y a quelques mois, bien, il y avait aussi l'enjeu de la pénurie de main-d'oeuvre, là, qui ressortait beaucoup. Je pense que c'est encore le cas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, au niveau des médiateurs, on est corrects. On a 500 médiateurs qui sont accrédités au Québec présentement. Puis, dans le fond, les notaires, les avocats peuvent être médiateurs. Également, il y a d'autres instituts qui accréditent également les médiateurs. Donc, il y a les ordres professionnels qui peuvent les faire aussi, ou vous pouvez avoir la formation de médiateur agréé également.

Donc, c'est justement pour ça qu'on se donne un bassin plus large de personnes qui vont pouvoir aider en termes de médiation. Donc, à la Cour du Québec, le nombre de juges à la cour... on est environ près d'une centaine de juges à la chambre civile. Donc, notre bassin est beaucoup plus large. Puis l'idée, c'est de faire en sorte... Aux petites créances, là, les gens, lorsqu'ils se parlent, ils trouvent des solutions ensemble, et les taux de règlement, actuellement, sont de 60 %. Donc, c'est pour ça qu'on vient favoriser la médiation, pour éviter d'attendre durant des mois et des mois puis de régler rapidement le litige. Alors, c'est une voie... c'est un mode de règlement alternatif des différends qui fonctionne, la médiation, puis c'est pour ça que, désormais, ça sera obligatoire.

M. Gagnon (Marc-André) : Est-ce qu'il y aura plus de juges aussi qui vont être embauchés, juste pour préciser? Ça, c'est l'autre élément, là, qui était pointé du doigt, qui est le fait qu'il manque de juges pour traiter les dossiers.

M. Jolin-Barrette : En matière civile?

M. Gagnon (Marc-André) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Non. Bien, en fait, on n'a pas eu de demande en matière civile pour les petites créances. Puis la logique, aussi, derrière ça, c'est que le dossier ne se retrouve pas en situation judiciarisée. Donc, on est avant de se retrouver à la cour. Puis, dans le fond, la majorité des dossiers ne se retrouveront plus à la cour, parce que vous avez, dans un dans un premier temps, la médiation qui sera obligatoire. Donc, tous les dossiers devront aller en médiation aux petites créances. Si jamais ça ne fonctionne pas, ensuite, ils vont être en arbitrage automatique. Et, pour de rares exceptions, il pourrait arriver qu'ils se retrouvent à la cour, mais vous comprendrez que le volume va être de beaucoup réduit. Et, surtout, le fait que les parties doivent se parler à la médiation, bien, ça permettra de solutionner.

Et je le réitère toujours, lorsqu'on est dans une situation conflictuelle avec quelqu'un, dans un litige, bien, écoutez, le fait de pouvoir participer à la solution, le fait de pouvoir échanger, aussi, avec l'autre partie, bien, de rapprocher les parties, bien, ça règle beaucoup de litiges.

Le Modérateur : Simon Bourassa, Noovo.

M. Bourassa (Simon) : Bonjour. Concernant l'engorgement des tribunaux, là, il y a des juristes qui mentionnent qu'au niveau des tribunaux civils il y a beaucoup d'entreprises, en fait, qui se retrouvent là et qui engorgent les tribunaux, parce qu'ils ont beaucoup de moyens, parce qu'ils y passent beaucoup de temps aussi. Est-ce qu'on pourrait en venir, M. le ministre, à obliger aussi la médiation et l'arbitrage à ce niveau-là, là, pour les entreprises qui se battent en cour, là?

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, votre question est très intéressante. Puis le projet de loi y répond également, parce que, dans le fond, le projet de loi, on vient répondre au jugement de la Cour suprême sur le seuil de compétence. Le ministre St-Arnaud, à l'époque, avait fixé ça à 85 000 $. La Cour supérieure a poursuivi la Cour du Québec, puis la Cour suprême a dit : Bien, écoutez, vous devez revoir le seuil de compétence, à la lumière des arguments qui ont été plaidés. Alors, nous, la solution avec laquelle on arrive, c'est que les dossiers entre 15 000 $ et 100 000 $ vont pouvoir être entendus à la Cour du Québec. Mais, ce qu'on fait, à cause qu'on a un objectif social important, soit l'efficacité de la justice puis l'accessibilité à la justice pour les citoyens, on fait en sorte d'avoir une procédure simplifiée à la Cour du Québec maintenant.

Donc, je donne un exemple. Désormais, lorsque vous faites une demande à la Cour du Québec, vous êtes le demandeur, bien, votre requête, votre demande va devoir tenir sur cinq pages seulement. Ensuite, la défense, ça va être uniquement deux pages. Il n'y aura plus d'interrogatoire en bas de 50 000 $ à la Cour du Québec. On va favoriser les expertises communes. Dans le fond, vous allez être obligé d'avoir une expertise commune, à moins que ce soit autorisé par le tribunal. Pour pouvoir être entendu plus rapidement à la cour, vous devrez avoir utilisé un mode alternatif de règlement des différends, donc d'avoir été en médiation. Si vous ne passez pas par la médiation, supposons, bien, vous vous retrouvez en bas de la pile pour fixer votre dossier.

Donc, ce qu'on recherche par la procédure simplifiée, c'est une justice qui est plus accessible, plus efficace, qui coûte beaucoup moins cher. On limite également les vacations à la cour, bien, le nombre de fois que les citoyens puis leurs avocats doivent aller à la cour. Donc, on limite ça à une seule fois. On fait en sorte aussi qu'il y a une conférence de règlement à l'amiable obligatoire aussi. Ça fait qu'avant de se retrouver à procès, le juge va s'asseoir avec les parties puis va voir comment est-ce qu'on peut régler le dossier aussi.

Ça fait que l'objectif de toute la procédure, de la simplification de la procédure qu'on amène à la Cour du Québec, c'est de faire en sorte que ça coûte moins cher pour les citoyens, que ça puisse aller plus rapidement, que les parties se parlent et qu'on soit davantage en contrôle du dossier. Puis, comme vous le disiez, bien, écoutez, vous avez des entreprises, supposons, qui multiplient les procédures, bien, on va gérer ça en amont beaucoup plus en limitant, notamment, les recours qui peuvent être instruits et entendus. 

M. Bourassa (Simon) : O.K. Donc, juste pour être sûr, c'est bon aussi pour les personnes de droit morales, là, les entreprises?

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, dans le fond, les personnes morales, les personnes physiques vont devoir suivre la même procédure simplifiée. Mais l'idée, c'est de faire en sorte que... Vous savez, quand vous êtes dans des litiges entre 15 000 $ puis 75 000 $ de compétence exclusive, ou 100 000 $ jusqu'à compétence concurrente, souvent, les honoraires d'avocats vont représenter quasiment le montant pour lequel vous allez en cour. Donc, on veut éviter ça aussi. Quand on parle d'accessibilité à la justice, d'efficacité, d'efficience, ça en fait partie.

M. Bourassa (Simon) : Et puis concernant la pénurie de main-d'oeuvre, là, dans le milieu de la justice, il y a des publicités qui tournent présentement, là, à la radio, en tout cas, je ne les ai pas vues à la télé, mais, bref, où on dit : Venez travailler dans notre palais de justice, on est bien. Est-ce que ça fonctionne, ça, jusqu'à date? Est-ce que les candidatures entrent?

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, vous savez, on n'est pas différents des autres employeurs au Québec. Nous aussi, on a des enjeux de main-d'oeuvre. Mais vous l'avez vu l'automne dernier, notamment, et puis même au printemps dernier, nous, on travaille extrêmement fort au ministère de la Justice pour faire en sorte de bien doter le ministère de la Justice, d'assurer la rétention aussi. La campagne de publicité agressive que nous avons fait justement partie de ça, pour recruter des gens, des greffiers, des techniciens juridiques.

Depuis la dernière année, on a accueilli 1 000 nouveaux employés au ministère de la Justice, mais ce n'est pas terminé. Il faut continuer à travailler à la rétention du personnel. On a des défis quotidiennement dans nos salles de cours avec les greffiers. Ça arrive parfois qu'on est dans des situations d'impondérables. On planifie, dans le fond, l'ouverture des salles de cour, mais ça peut arriver qu'il y ait une journée de maladie, la garderie est fermée, il y a une tempête de neige, tout ça. Mais je peux vous assurer que tous les efforts sont mis au ministère de la Justice pour recruter le maximum de personnel.

Le Modérateur : Caroline Plante, LaPresse canadienne.

Mme Plante (Caroline) : Bonjour. Je me demandais, ce que vous annoncez aujourd'hui, peut-être plus précisément la médiation obligatoire, est-ce que ça a fait ses preuves dans d'autres juridictions. Est-ce que vous vous êtes inspiré d'ailleurs?

M. Jolin-Barrette : Bien, nous, on avait déjà un projet pilote qu'on avait en matière de médiation aux petites créances, donc trois heures avec un médiateur pour les petites créances, puis le taux de règlement est de 60 %. Alors, notre expérience québécoise, ça a déjà fait ses preuves. Puis, quand les dossiers se retrouvent en médiation, bien, ils se règlent. C'est plus d'un dossier sur deux qui se règlent en médiation. Ça fait que l'expérience est déjà là.

Mme Plante (Caroline) : Mais, mis à part ça, avez-vous fait de la recherche sur les meilleures pratiques ailleurs?

M. Jolin-Barrette : Bien, voyez-vous, en Colombie-Britannique, ils ont créé un tribunal virtuel qui est intéressant, notamment en matière de protection du consommateur. Il y a certaines divisions. Eux, ils ont commencé beaucoup plus tôt que nous. Ils ont commencé, je pense, vers les années 2012 à développer cette solution-là, puis ça permet aux parties de régler leur litige, également, par le biais de cette plateforme-là.

D'un autre côté, on a financé aussi la plateforme Parle, ici, pour les litiges en matière de consommation, avec l'Office de la protection du consommateur puis avec M. Noreau, notamment, de l'Université de Montréal également, de la faculté de droit. Alors, on s'est inspirés des pratiques qui se font, justement, pour accélérer le règlement des dossiers.

Parce qu'il faut comprendre, lorsque vous êtes, supposons, aux petites créances, là, les citoyens veulent avoir une solution à leur litige. Puis les citoyens, ils y pensent, à leur litige, constamment. Supposons que vous avez un trouble de voisinage, là, bien, vous voulez que la situation se règle parce que vous y pensez quotidiennement. En matière de consommation, vous achetez un bien, bien, voulez que ça se règle, le bien ne fonctionne pas. Donc, c'est important que la justice soit rendue avec célérité, que ça soit rendu rapidement.

Mme Plante (Caroline) : Puis peut être juste une précision. Vous avez mentionné le tribunal virtuel, la plateforme. Est-ce que c'est quelque chose qui est envisagé au Québec?

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est quelque chose qu'on envisage dans le futur. Mais, dans un premier temps, pour moi, ce qui est important, c'est de réduire les délais à très court terme. Donc, c'est pour ça qu'on va faire en sorte d'implanter la médiation obligatoire et l'arbitrage automatique dans les différents districts.

Le Modérateur : Marco Bélair-Cirino, Le Devoir.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui. Combien de dossiers actuellement destinés à procès vont se terminer par médiation obligatoire ou arbitrage après l'adoption du projet de loi?

M. Jolin-Barrette : Bien, exemple, aux petites créances, là, en moyenne, là, annuellement, ça tourne entre 18 000 et 20 000 dossiers qui sont ouverts aux petites créances, O. K.? 50 % des dossiers aux petites créances sont des dossiers de moins de 5 000 $. Donc, on va débuter par ces dossiers-là, ça veut dire environ 10 000 dossiers par année qui vont s'en aller en médiation pour débuter. Notre objectif sur plusieurs années, dans le fond, c'est de faire en sorte d'aller couvrir tous les dossiers des petites créances jusqu'à hauteur de 15 000 $. Ça, c'est pour les petites créances.

Pour entre 15 000 $ et 100 000 $, dans le fond, la médiation va être favorisée. Dans le fond, si vous allez en médiation, bien, votre dossier va être fixé par priorité. Donc, on veut amener les gens à aller dans un mode alternatif de règlement des différends avant de se présenter à la cour. Donc, ceux qui vont avoir été en mode alternatif de règlement vont être fixés par priorité.

Ça m'amène à vous parler de la conférence de règlement à l'amiable également, qui est incorporée désormais dans la procédure. Ça fait que, dans le fond, les parties vont s'être rencontrées. Ils n'arriveront plus devant le juge sans s'être parlé, parce que tout le monde va s'être assis ensemble, notamment en conférence de règlement à l'amiable avec le juge, dans le processus pour essayer de régler le maximum de dossiers. Parce qu'un des enjeux dans le système de justice, là, souvent, il y a des procès qui sont fixés, puis là on a des procès qui sont fixés, le temps de la cour est réservé, le temps du juge est réservé, tout le monde a regardé le dossier, puis finalement il y a des règlements, supposons, le matin même. Donc, ça arrive qu'il y ait des journées de cour, il y a des après-midis de cour qui ne sont pas utilisées. Donc, il faut changer nos façons de travailler pour avoir davantage de planification. Puis, lorsqu'on peut régler le dossier, bien, il doit être réglé rapidement.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Puis ça va libérer du temps des juges de la Cour du Québec

M. Jolin-Barrette : Beaucoup.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Combien d'heures, le savez-vous?

M. Jolin-Barrette : Beaucoup. Bien, en fait, c'est à la pratique qu'on va le voir, mais ça va libérer du temps de juges.

M. Bélair-Cirino (Marco) : O.K. Puis les médiateurs, vous dites, dans le fond, que vous avez suffisamment de médiateurs potentiels parce que vous avez élargi le bassin, ou qu'aujourd'hui il y a des...

M. Jolin-Barrette : Non, aujourd'hui. Il y en a 500 aujourd'hui.

M. Bélair-Cirino (Marco) : O.K. Puis ils acceptent les honoraires versés, ils sont...

M. Jolin-Barrette : Bien, actuellement, ce qui est offert, c'est trois heures de médiation. Puis, il faut le dire, pour les citoyens, c'est gratuit, là. Autant la médiation que l'arbitrage automatique, c'est gratuit. Au niveau de la médiation, les médiateurs sont rémunérés 114 $ de l'heure pour les trois heures.

M. Bélair-Cirino (Marco) : O.K. Puis, pour vous, les 500 vont accepter ça? Puis ils vont être capables de suffire à la tâche, là, selon vous?

M. Jolin-Barrette : Oui. Mais ça devient également un champ de pratique qui est intéressant pour d'autres membres du Barreau ou d'autres notaires qui souhaiteraient faire de la médiation aussi, là.

M. Bélair-Cirino (Marco) : À 114 $ de l'heure? Les membres du Barreau, 114 $ de l'heure?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, dans différentes régions, je ne vous cacherai pas que les gens veulent toujours plus, des honoraires plus élevés, mais, dans les différentes régions du Québec, c'est une pratique qui est intéressante aussi.

Le Modérateur : Marie-Josée Paquette-Comeau, Radio-Canada.

Mme Paquette-Comeau (Marie-Josée) : Pourquoi donner l'accès aux notaires à la fonction de juge? Quel est l'objectif?

M. Jolin-Barrette : Bien, l'important, c'est que notre système de justice soit diversifié. Puis on va pouvoir bénéficier de l'expertise des notaires. Vous savez, c'est la même formation pour un avocat et un notaire. Donc, les avocats font le Barreau, les notaires, par la suite, la Chambre des notaires, mais, dans certains domaines de droit, les notaires, ce sont vraiment des spécialistes. Ils sont habitués également d'être des personnes qui sont impartiales. Donc, les gens, quand ils vont voir les notaires... Ils sont habitués de concilier les gens également. Puis là on prend le virage vers la médiation, vers l'arbitrage, donc davantage vers la conciliation des parties. Même chose avec la nouvelle procédure à la Cour du Québec, on s'en va vers les conférences de règlement à l'amiable automatiques, donc obligatoires. Donc, le notaire est déjà habitué de concilier les parties ensemble et de trouver des solutions. Et, dans les différentes régions du Québec, aussi, ça va permettre de mettre à contribution l'expertise des notaires.

Mme Paquette-Comeau (Marie-Josée) : Vous parlez de diversifier. Est-ce qu'il y a un enjeu de pénurie? Puis est-ce que ça peut avoir aussi... En ajoutant des juges à cette cour-là, est-ce que ça peut avoir une influence sur d'autres juges ailleurs? Est-ce que c'est une question de pénurie de main-d'oeuvre, de juges, en fait?

M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas une question de pénurie de main-d'oeuvre, c'est une question de diversité puis de miser sur les différentes expertises qu'on a comme juristes. Donc, les notaires ont une expertise particulière, notamment, qui va pouvoir bénéficier à la Cour municipale, qui va pouvoir bénéficier à la Cour du Québec également. Alors, moi, je crois qu'en mettant en place cette accessibilité-là... Puis, tu sais, il y a des comités de sélection aussi. Il faut savoir que la procédure en matière de sélection demeure. Donc, le comité d'évaluation du comité de sélection va évaluer la candidature de chacune des personnes, mais ça amène une plus grande diversité au sein de la magistrature. Puis, surtout, les notaires ont une expertise dans certains domaines de droit qui va permettre d'enrichir l'expertise de la Cour du Québec.

Mme Paquette-Comeau (Marie-Josée) : Mais les notaires n'ont pas leur Barreau. Est-ce que vous pensez que les avocats vont voir ça comme une forme d'injustice ou de problématique?

M. Jolin-Barrette : Non, je ne pense pas. Honnêtement, les notaires sont membres de la Chambre des notaires, d'un ordre professionnel avec des obligations déontologiques, tout comme les membres du Barreau. Puis, comme je vous le dis, c'est la même formation, à l'exception du Barreau, puis les notaires font la maîtrise en droit notarial pour accéder à l'ordre professionnel, à leur permis de pratique.

Le Modérateur : Il nous reste cinq minutes en français avant de passer en anglais, et j'ai des collègues qui ont signifié leur intérêt pour une deuxième ronde de questions. On commence avec Marc-André Gagnon, le journal.

M. Gagnon (Marc-André) : Des petites précisions, là, parce qu'évidemment on a regardé tout ça en diagonale comme ça a été déposé ce matin. Les seuils aux petites créances, est-ce que ça change, pour les réclamations?

M. Jolin-Barrette : Non. Bien là, les seuils ne changent pas aujourd'hui, donc c'est maximum 15 000 $. Par contre, dans la loi, on a mis une indexation automatique. Donc, à chaque fois qu'on arrive avec un chiffre rond, ils vont pouvoir augmenter. Donc, au fur et à mesure, avec l'inflation, désormais, ils vont être indexés. On n'aura plus besoin d'un projet de loi qui va venir dire : Bien là, maintenant, on passe de 15 000 $ à 18 000 $, à 20 000 $, à 25 000 $. Maintenant, ils vont être indexés.

M. Gagnon (Marc-André) : O.K. Sur un autre sujet maintenant, il y avait encore dans les journaux, ce matin, une histoire de restaurateurs qui voient un nombre important de réservations qui n'est pas honoré, là, des clients qui ne se présentent pas, des «no-show» en bon français. L'Association des restaurateurs du Québec vous a déjà demandé de déposer un projet de loi qui leur permettrait, par exemple, de demander un numéro de carte de crédit et de charger des frais s'il y a un «no-show». Est-ce que vous avez l'intention de faire ça?

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais, j'ai reçu la demande de l'Association des restaurateurs. On est en train de l'évaluer avec l'Office de la protection du consommateur, puis on est présentement en réflexion. C'est ce que je peux vous dire pour l'instant.

M. Gagnon (Marc-André) : Vous n'êtes pas fermé, donc.

M. Jolin-Barrette : Je ne suis pas fermé.

Le Modérateur : Marco Bélair-Cirino, Le Devoir.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui. Bonjour. Rebonjour. Le Conseil de la magistrature n'a pas modifié ses codes de déontologie suite à l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État en juin 2019. Est-ce que le Conseil de la magistrature respecte, à ce moment-ci, la Loi sur la laïcité de l'État?

M. Jolin-Barrette : Bien, vous savez, c'est mon collègue qui est responsable de la laïcité de l'État

M. Bélair-Cirino (Marco) : Vous êtes ministre de la Justice.

M. Jolin-Barrette : Cependant, je dirais ça ainsi, puisque je suis l'auteur de la loi, l'intention du législateur est à l'effet que, très clairement, les personnes en situation d'autorité ainsi que les juges ne portent pas de signes religieux. C'est très clair. Alors, écoutez, j'ai pris connaissance de l'article dans Le Devoir ce matin. Très certainement, il faut que les exigences de la laïcité soient traduites par le Conseil de la magistrature envers les juges. Ça, c'est très, très clair. Donc, on invite le Conseil de la magistrature à prendre les responsabilités légales qui lui reviennent.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Un ministre de la Justice québécois peut-il nommer une personne qui porte des signes religieux à la fonction de juge?

M. Jolin-Barrette : C'est très clair que la Loi sur la laïcité de l'État s'applique à la magistrature. Donc, dans l'exercice de ses fonctions, un juge ne peut pas porter de signes religieux. Donc, à votre question : Est ce que le ministre de la Justice peut désigner quelqu'un qui porte un signe religieux?, exemple, vous, supposons que vous portez un signe religieux, chrétien, juif ou musulman, vous pourriez accéder à la fonction de juge. Cela étant, dans l'exercice de vos fonctions, vous ne pouvez pas porter des signes religieux.

Le Modérateur : Et nous, nous passons en anglais, je crois? Oui. Donc, en anglais, on commence aujourd'hui avec Franca Mignacca, CBC.

Mme Mignacca (Franca G.) : Yes. Good morning. Can you start by explaining a bit what exactly this will change for people and how it will cut down on wait times?

M. Jolin-Barrette : Yes. So, two things that will change things for the citizen when they go in the justice system. First of all, for small claims, what we are doing is that we will have mediation for all the files that are under $5,000. So, it will be mandatory to go in mediation. And a half of the cases that go in mediation find a solution in mediation. So, that's a way that we will shorten the delay. And they will find a solution together. So, I think that's important to have that empowerment about their own case and to find solutions together.

On the other side, with the regular procedure, we made a simplification about the procedure at the Court of Québec, civil chamber of Court of Québec, to ensure the judgment of the Supreme Court and to be sure that, now, we reduce the time. But we reduce the complexity of the procedure. So, as example, you will not be able to do interrogatory under $50,000. For the expertise, it will be common expertise with both parties. After that, you will be on the top of the list if you got in mediation or by another alternative dispute resolution. So, that's... And the objective also is that the lawyers and the parties will not have to go each time to the court. We simplify that: one time. And you have also «conférence de règlement à l'amiable» with the judge to try to find solution before going in front of the judge for the trial. So, we want to have less cost for the citizen, and that it will be quicker and more easy.

Mme Mignacca (Franca G.) : Can you give some examples, though, of the types of civil cases that this might be used in, that this might help the most with?

M. Jolin-Barrette : Well, all types of cases that will go in front of the court under $100,000. So, between $50,000 and $75,000, it's exclusively in front of the Court of Québec, civil chamber. Between $70,000 and $100,00, it will be... you can choose to go in Superior Court or in Court of Québec. But if you go in Court of Québec, you have the simplification procedures. So, people will be interested of that because it cost lost...

Mme Mignacca (Franca G.) : Cost less.

M. Jolin-Barrette : ...less, that's it. So, I think it will be better for the citizen. And it's more human, it's more accessible.

Le Modérateur : Dan Spector, Global News.

M. Spector (Dan) : Do you have projections or predictions of just how much time this will save people and how much time this will save the justice system?

M. Jolin-Barrette : Yes. For example, for small claims, now, we have a delay about… the average time is 22 months. And we think that we will be able to reduce that from one year and a half to two years to have their solution between three and nine months. So, that's a big change. And, you know, and I already said that, but I will repeat, when you have a claim, small claim, people think about that each day, because that's a thing that goes in their day-to-day business or, if you have a dispute with your neighbor, you think about that. So, we need to have a justice system that goes fast. And also, the trust of the population inside the justice system will be ensured by that.

M. Spector (Dan) : And just in terms of, like… Obviously, the shortage of personnel in the justice system is an issue. How do you see this putting less pressure on the, you know, people who are overwhelmed with work?

M. Jolin-Barrette : Well, it will put less pressure because we take the cases and we take them out from the justice system by going to mediators or «arbitrage». And you have 500 mediators here, in Québec. So, these people are not in the justice system as judges or as «greffiers». So, we will have more time at the court for bigger cases or more complex cases. And the simplification, also, for the civil procedures is also helpful for the «greffiers», for the judicial employees at the court, because, before, you had to do a «protocole d'instance» and to go doing some «requêtes intérimaires» at the court. So, the lawyers will go one time at the court with the «conférence de règlement à l'amiable», and after that, if there is not an agreement, it will be the trial. But I think we will succeed, and I'm confident that we will succeed to be sure that… to have less cases in front of the court.

Le Modérateur : C'est ce qui met fin au point de presse. Merci beaucoup.

M. Jolin-Barrette : Merci beaucoup. Merci, Mme la députée.

(Fin de la séance à 11 h 48)

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