(Onze heures trente minutes)
M. Bonnardel : Bien, merci de
votre présence. Merci à mon collègue Christopher, ministre responsable de la Lutte
contre le racisme, d'être ici aujourd'hui. C'est un moment important, le dépôt
de ce projet de loi n° 14. Le projet de loi n° 14 est le fruit du travail de,
je vous dirais, presque plusieurs années, fruit du travail du Comité
consultatif sur la réalité policière, qui a émis, écrit plusieurs, plusieurs
dizaines de recommandations, du Groupe d'action contre le racisme, à laquelle Christopher
a nécessairement participé... plusieurs députés aussi qui y ont participé.
On a rencontré, Christopher et moi, dans
les dernières semaines, des groupes qui nous ont fait valoir certains points qu'ils
souhaitaient être revus ou améliorés dans le processus législatif que nous
avions à déposer. Puis ce qui était important pour moi, c'était d'aligner la
loi avec la nouvelle réalité policière qui a changé, vous comprendrez bien,
énormément dans les dernières années, m'assurer que les policiers soient mieux
formés, formés de façon continue mais tout au long de leur carrière afin qu'ils
s'adaptent plus rapidement, renforcer la confiance du public envers les corps
de police et leurs membres et accroître l'efficience, nécessairement, de
l'activité policière.
Vous comprenez que le travail des
policiers d'aujourd'hui est bien différent de celui des polices... des
policiers de voilà 20 ans et sera bien différent de celui d'aujourd'hui
dans les prochaines années. Et il y a trois points importants sur lesquels il
faut... je voulais m'attarder, c'est : moderniser la police et la
déontologie, je vais vous parler des personnes disparues par la suite, et la
transparence.
Quand je parle de moderniser la police et
la déontologie, un des premiers points importants pour moi, c'est d'établir, de
définir des lignes directrices sur les interpellations policières, incluant les
interceptions routières, confirmant que l'interpellation policière et
l'interception routière basées sur des motifs discriminatoires sont interdites.
Ça, c'est une recommandation... la recommandation n° 36 du comité
consultatif sur la police. Et on va s'obliger nous-mêmes, après la sanction de
la loi, deux mois après la sanction de la loi, de définir ces lignes
directrices pour accompagner le travail des policiers.
Définir aussi des pouvoirs réglementaires
qui vont permettre d'établir le contenu minimal des règlements de discipline
interne des corps de police et prévoir des obligations de formation continue
pour les policiers, recommandation n° 95 du CCRP. Pourquoi la formation
continue? Je considère important parce que le travail du policier, sur une
période de 20, 25, 30 ans, évolue, change. C'est des discussions qu'on a
eues avec les corps, Christopher et moi. Et, quand je parle de formation continue,
pour moi, c'est important qu'on puisse définir, après un certain laps de temps,
qu'un policier ait besoin de deux, trois, quatre, cinq, six heures par année ou
sur une période de deux ou trois ans, d'avoir une formation qui va l'amener à
mieux définir les nouvelles réalités de son travail.
Je veux aussi renforcer l'efficience du
système de déontologie policière. Comment on modernise la déontologie
policière? On veut, et je souhaite, ajouter une nouvelle fonction de prévention
et d'éducation pour le Commissaire à la déontologie policière, et ça, autant
auprès des policiers que des citoyens, c'est la recommandation n° 110 du
CCRP, pour être capables d'accompagner autant les citoyens que les policiers et
pour contrer l'utilisation abusive de la force ou le profilage racial et social
chez les policiers. Je veux permettre aussi au Commissaire à la déontologie de
tenir lui-même une enquête lorsqu'il l'estime nécessaire. Ça se fait du côté du
coroner. C'est la recommandation n° 101. Je veux permettre aussi aux
citoyens de faire un signalement anonyme auprès du Commissaire à la déontologie
policière, recommandation n° 97.
Une demande, un gain dans ce projet de loi :
de mettre... de permettre... de mettre en place, pardon, un accompagnement aux
différentes étapes du processus déontologique pour les plaignants alléguant un
motif de discrimination. Donc, ça, c'est un ajout dans le p.l. Un autre ajout
dans le p.l., c'est de donner le choix à ces mêmes plaignants de participer ou
non à un processus de conciliation avec le policier qui est visé par la
plainte. Donc, tout ça vise à rétablir, vous comprendrez bien, le sentiment de
confiance entre les policiers et les citoyens.
Deuxième point important : mieux
outiller les policiers dans le cadre de disparitions. Vous le savez, les
premières heures d'une disparition sont extrêmement importantes. On n'a qu'à
penser au propriétaire de Savoura, M. Roy, qui est disparu avec son fils
lors d'un accident d'hélicoptère. Quand je parle des premières heures, bien,
vous comprendrez que, présentement, les policiers n'avaient pas beaucoup
d'outils pour être capables rapidement d'utiliser les outils technologiques que
sont nos cellulaires ou autres renseignements, pour être capables de rapidement
trouver la trace de la personne disparue ou du mineur et de celui ou celle qui
accompagnait cette personne mineure et qui pourrait être portée disparue.
Donc, sur ordonnance d'un juge, on va
permettre aux policiers d'obtenir toutes les infos sur le cellulaire d'une
personne disparue et de celle qui pourrait l'accompagner. Par exemple, les
policiers pourraient demander une ordonnance pour accéder à des renseignements
personnels cruciaux. Puis on sait, comme je vous l'ai mentionné, qu'un accès
accéléré à ces informations peut faire la différence entre la vie et la mort.
Donc, toutes les informations disponibles sur le cellulaire d'une personne ou
de la personne qui se trouve avec elle, les transactions bancaires, les signaux
GPS... Je pourrais vous énumérer, là, plusieurs, plusieurs points spécifiques
de ces informations, mais, pour moi, il était... Puis on édicte une nouvelle
loi, là, il faut bien comprendre qu'on est allés chercher les meilleures
pratiques, autant du côté de l'Ontario que du Manitoba, pour définir et édicter
cette nouvelle loi pour outiller nos policiers puis d'être capables de répondre
le plus rapidement possible aux cas de disparition que nous pourrions avoir.
Et le dernier point : transparence. Il
est important pour moi aussi, du côté des services correctionnels, de rendre
publiques toutes les décisions des commissaires à la libération conditionnelle
de ces détenus qui obtiennent, donc, une libération. Alors, toute personne
pourra avoir accès aux décisions de ces commissaires, que les commissaires ont
établies pour la libération, donc, d'un détenu.
Alors, c'est une loi, pour moi, qui
apporte des changements importants et qui répond à plusieurs recommandations
sur la commission de la réalité policière, le comité consultatif, le CCRP, du
Groupe d'action de la lutte contre le racisme. Je pense qu'on a trouvé un
équilibre qui est intéressant pour que les policiers puissent bien faire leur
travail. Je veux les remercier parce qu'ils font un travail incroyable.
Je fais une petite parenthèse pour vous
dire jusqu'à quel point j'étais fier de voir les policiers de la Sûreté du
Québec, hier, à Amqui, au poste de commandement, plus d'une centaine d'hommes
et femmes qui sont là, qui ont à peine dormi, pour être capables d'aller
chercher le plus d'information possible pour trouver des explications et des
raisons à savoir pourquoi cet homme a décidé d'utiliser son camion comme
bélier. Donc, merci au travail des policiers qui font un travail important pour
rassurer et protéger notre population.
Christopher, à toi.
M. Skeete : Bien, merci
beaucoup, François, puis bonjour, tout le monde. La dernière fois que j'étais
sur la même tribune avec mon collègue, j'avais mentionné qu'en 2022‑2023 ce
n'est pas normal qu'un Québécois puisse être victime de profilage racial.
Aujourd'hui, je suis très satisfait du travail de notre gouvernement.
Le projet de loi que notre gouvernement
dépose aujourd'hui s'inscrit dans les démarches que nous avons entreprises au
cours des dernières années pour répondre aux recommandations du Groupe d'action
contre le racisme. C'est un projet de loi qui est le fruit de nombreuses
consultations que nous avons menées, et on en a fait plusieurs sur plusieurs
jours, et qui sont aussi le fruit de qu'est-ce qu'on avait annoncé le
24 novembre dernier pour prévenir les possibles situations de profilage
racial et social dans les différents corps de police, et on a été à l'écoute.
Ce projet de loi, il est bien différent de
la première mouture du projet de loi n° 18 déposé par
ma collègue dans la dernière législature. Il introduit des outils et des
leviers qui permettent d'encadrer les façons de faire. Il propose des mesures
ciblées qui permettront la mise en place de changements concrets. Ce projet de
loi vient s'assurer et s'appuyer sur les recommandations émises par le Groupe
d'action contre le racisme, notamment les recommandations 1, 20 et 3. Ce
projet de loi exprime notre ferme intention de poursuivre nos actions de lutte
contre le racisme et de permettre et de renforcer la relation de confiance tant
importante entre les corps policiers et les personnes issues des communautés
diverses.
Les corps de police et leurs membres ont
un rôle unique dans la société. Ils sont les acteurs de premier plan dans la
mise en place des changements nécessaires. Ils font partie de la solution. Les
interventions policières se complexifient et exigent de mieux comprendre les
réalités des différentes personnes, des citoyens, et surtout les plus vulnérables
dans notre société. Les policiers travaillent fort pour bien arrimer leurs
interventions aux besoins des citoyens afin de leur inspirer confiance. On
vient ici aujourd'hui les appuyer.
C'est important que tout le monde ensemble
puisse bâtir la confiance nécessaire pour avancer. On est comme dans une
impasse sociétale et on doit, chacun de notre côté, agir pour aider à régler
cette impasse-là. Ce projet de loi là, la contribution du ministère de la
Sécurité publique, la contribution du bureau de la Lutte contre le racisme,
c'est justement le genre de chose qui va nous permettre d'arrimer ces
efforts-là au nom des citoyens québécois de tous les horizons.
Alors, très fier aujourd'hui d'être devant
vous, et merci beaucoup à mon collègue pour son écoute, sa présence, mais
surtout pour ce beau projet de loi qui va toucher la vie de plusieurs
Québécois. Merci, tout le monde.
La Modératrice : On va passer
à la période de questions. On va commencer par celles en français.
M. Laforest (Alain) : Je commencerai
avec M. Skeete avant M. Bonnardel. En 2023, est-ce qu'il y a encore
du profilage racial?
M. Skeete : Le profilage
racial, c'est un phénomène, je pense, qu'on trouve un peu partout dans le
monde. Il y a des gens qui se sentent victimes de profilage racial. Il y a des
gens qui sont convaincus qu'ils n'en font pas mais que, dans les faits, peut-être,
ils en font. Je pense que l'important, c'est de vraiment travailler la
confiance, le niveau de confiance qu'on peut avoir dans la société. Il y a des
gens qui, pour toutes sortes de raisons, se sentent exclus de la société, pas
écoutés par les policiers, et on doit travailler cette confiance-là. C'est
pourquoi aujourd'hui on met les mécanismes en place pour, justement, enrayer ça
et, surtout, collecter les données pour répondre à cette question-là de manière
plus conséquente.
M. Laforest (Alain) : M.
Bonnardel, au niveau de la recherche des personnes disparues, là... et vous
savez que ça va lever un tollé au niveau de la préservation, là, des renseignements
personnels, mais est-ce que ça pourrait s'appliquer sur une Alerte AMBER? On
peut penser, entre autres, à ce qui s'est passé sur la Rive-Sud, avec les
soeurs qui ont disparu, qui ont été assassinées par leur père, là. Est-ce que
vous pensez que ça, ça pourrait être utilisé rapidement par les policiers?
Est-ce que c'est votre objectif?
M. Bonnardel : C'est
l'objectif de donner les outils le plus rapidement possible à tout corps de
police sur ordonnance d'un juge, des informations pertinentes le plus
rapidement possible pour être capables de définir l'endroit précis où cette
personne pourrait avoir enlevé des enfants ou si notre fille pourrait être
disparue, notre garçon pourrait être disparu avec un cellulaire. Donc, pour
moi, c'était important d'avoir ces outils. Je pense qu'en 2023 il est important
que nos policiers puissent avoir ces informations rapidement, qui vont amener
la police à réagir et à, j'espère, sauver des vies dans le futur.
M. Carabin (François) : Bonjour,
messieurs. M. Bonnardel, vous... si je peux vous ramener devant le micro,
vous vous donnez deux mois après la sanction de la loi pour imposer des lignes
directrices quant aux interpellations policières, notamment, là. Bon, je sais
que ça ne doit pas être encore élaboré complètement, mais à quoi ça pourrait
ressembler, ces lignes directrices là aux corps policiers?
M. Bonnardel : Bien, écoutez,
c'est ça, là, c'est difficile de définir exactement, là, de quelle façon. Le
motif derrière tout ça, c'est qu'il ne doit pas y avoir d'interpellation ou
d'interception avec des motifs discriminatoires, c'est ça qui est le principe
même. Ce qu'il est important aussi de vous mentionner en ajout, c'est qu'on va
colliger ces informations. Ce que je vais demander aux corps de police, c'est
de nous donner des informations, c'est de colliger les informations sur les
interpellations et les interceptions, et, à chaque 1er avril, on va
avoir... obtenir ces informations de la part des différents corps de police
pour avoir des informations additionnelles qui vont nous permettre de prendre
des décisions futures qui vont être nécessaires sur la suite des choses.
M. Carabin (François) : Puis,
M. Skeete, si je peux vous poser une question aussi, vous avez parlé du Groupe
d'action contre le racisme, plus précisément la recommandation 20, qui
demandait la fin des interpellations policières aléatoires. J'aimerais juste
savoir, comprendre qu'est-ce qui a changé entre... c'est décembre 2020 et
aujourd'hui, qui a fait que vous avez abandonné cette recommandation-là plus
précise sur les interpellations aléatoires.
M. Skeete : Bien, en fait, je
ne suis pas d'accord que c'est un abandon du principe. Ce qu'on vient dire ici,
dans le projet de loi, c'est qu'on vient interdire les interpellations
aléatoires pour des motifs discriminatoires, ce qui est essentiellement le
problème. Les gens se sentent visés par leurs races, par leurs différences, et
là on vient dire précisément, supporté par une directive qui va suivre,
assujetti à des sanctions, que ça, ce n'est pas acceptable.
M. Carabin (François) : O.K.
Puis, juste rapidement, sur la ville de Montréal, les allégations de racisme,
là, de climat toxique, raciste, est-ce que la ville doit rendre des comptes?
M. Skeete : Bien, j'ai lu
l'article du Devoir et, je dois vous dire, j'ai trouvé ce que j'ai lu
dégueulasse. Le mot, c'est «dégueulasse». On n'a pas à subir un climat de
travail comme ça, et c'est très inquiétant. J'ai une rencontre prochainement
avec la commissaire pour la lutte au racisme à Montréal. Très hâte de discuter
avec elle. Je pense qu'il faut travailler ensemble de toutes les manières puis
j'ai très hâte de collaborer avec elle pour l'aider à ma manière et peut-être
recevoir de l'aide de sa part aussi pour travailler ce problème-là.
M. Carabin (François) : Merci.
M. Skeete : Merci.
M. Bourassa (Simon) : Bonjour,
messieurs. M. Bonnardel pour commencer. Il y a le Tribunal des droits de
la personne, là, qui a sommé la ville de Longueuil, l'an dernier, à mettre en
place, là, des mesures de formation contre le profilage racial. À l'époque,
M. Dagher, qui était à la tête du service de police de la ville de
Longueuil, avait fait fi de cet ordre du tribunal. D'ailleurs, la ville de
Longueuil est citée pour outrage au tribunal, là, dans cette affaire-là. Tu
sais, si un chef de police peut faire fi d'un jugement du tribunal pour
l'obliger à faire de la formation sur le profilage racial, qu'est-ce que votre
projet de loi peut venir changer?
M. Bonnardel : Bien, c'est un
projet de loi qui va écraser toute autre forme de formation. Il y a des corps
de police qui font de la formation en continu présentement, il y en a qui le
font, là, mais, pour moi, ce qui est important, c'est de définir, en termes de
formation continue, ce qui peut être utile dans le travail des policiers. Puis,
je le disais d'entrée de jeu, le travail du policier voilà 20 ans versus
aujourd'hui... Juste les appels au 9-1-1 à Montréal, présentement, c'est
80 % des appels qui sont reliés à la santé mentale. On ne voyait pas ça
voilà 20 ans, là. C'est presque 50 % des appels partout sur le
territoire québécois.
Donc, ce qui est important pour
Christopher et moi, c'est qu'on soit capables de définir des lignes directrices
qui vont empêcher ces interpellations avec des motifs discriminatoires. Ça, ce
n'est pas négociable, pas négociable. Donc, je reste persuadé qu'avec
l'information qu'on va colliger aussi dans les prochaines années on va être
capables de mieux définir le rôle et de voir s'il y a des problématiques à
améliorer ou non dans le travail. Mais, au-delà de tout ça, c'est important
d'accompagner le travail du policier, de ces hommes et ces femmes qui font un
bon travail dans l'ensemble.
M. Bourassa (Simon) : M. Skeete,
quand il est question de profilage racial, lorsqu'il y a des policiers qui sont
pris à partie puis qui sont accusés de ça, tu sais, les corps de police vont
souvent répondre en disant : Bien, nous, on a du renseignement criminel à
faire. Il y a une certaine part, aussi, de profilage qui, parfois, est défendue
par les corps de police pour des raisons d'enquête, de sécurité publique, et
tout ça. Comment on va être en mesure de départager ça, éventuellement?
M. Skeete : Être noir, ce
n'est pas un motif, point. Alors, si c'est ça, le motif, ce n'est pas
acceptable. On est ailleurs, on est en 2023. C'est fini, là, il faut passer à
autre chose. Le party, il est fini. Aujourd'hui, on vient dire à nos policiers
qu'on les supporte dans leur travail quand ils le font bien, puis ils font, à
la vaste majorité, très, très bien leur travail. Puis là on vient leur dire
qu'on les appuie dans ce travail-là puis on veut les aider à faire mieux.
M. Côté (Gabriel) : Juste
pour bien comprendre, là, un policier qui va faire une interception aléatoire
va pouvoir encore intercepter aléatoirement une personne noire, par exemple,
mais il ne faudra pas que ce soit parce qu'elle est noire.
M. Bonnardel : ...des motifs
discriminatoires, c'est ça.
M. Côté (Gabriel) : O.K. Mais
donc il va falloir que ce soit parfaitement au hasard? Ça va être...
M. Bonnardel : Bien, un
policier qui décide d'intercepter, d'interpeller quelqu'un, qui a des motifs,
que ce soit pour la sécurité, pour un permis de conduire ou autres, ce
travail... Puis c'est de là, le jugement... l'appel que nous avons rendu
pour... que nous avons demandé suite au jugement Yergeau. Pour nous, les
interpellations, interceptions sont importantes pour sécuriser la population,
mais elles ne peuvent se faire, elles ne peuvent se faire avec un motif
discriminatoire. C'est ça qu'on va définir, établir dans les lignes directrices
qu'on va déposer... et, suite à ça aussi, des pouvoirs réglementaires qui vont
définir aussi, donc, les règlements face à la possible discrimination que
pourrait faire un policier face à une personne.
M. Côté (Gabriel) : Mais je
ne vois pas bien ce qui peut changer concrètement. Parce qu'après avoir été
interceptée une personne qui fait partie d'une quelconque minorité va toujours
pouvoir dire : J'ai été victime de discrimination, c'est pour ça que j'ai
été interpellé au premier chef. Donc, votre projet de loi ne va pas arrêter ça
vraiment.
M. Skeete : Je vais vous dire
qu'est-ce qui est nouveau puis très important. Dans le projet de loi, on vient
définir que les interpellations et les interceptions ne sont plus permises pour
des motifs discriminatoires, ça fait qu'on vient ancrer ça. Si jamais ça vient
qu'on peut démontrer, par une enquête disciplinaire, par un jugement, quoi que
ça soit, qu'il y a eu de la discrimination ou il y a eu... l'instigation de
l'interpellation est pour des motifs discriminatoires, on va avoir un levier
pour agir. Donc, on vient dire non seulement très clairement que ce n'est plus
acceptable, mais on vient donner un peu de pouvoir derrière ça avec des sanctions
et on vient décrire une directive qui vient dire : Ce n'est plus
acceptable.
Ça fait que tout ça ensemble donne non
seulement, en amont, la confiance que ce n'est pas permis, puis ça lance un
signal que ce n'est pas permis, et, en aval, ça va donner des conséquences si
jamais on le fait. Et c'est ça, la nouveauté, et c'est ça qui est très
important et demandé par les communautés. Parce qu'en ce moment on pouvait
subir sans nécessairement savoir comment y répondre, puis ça, ça contribue au
sentiment de manque de confiance, le sentiment de manque d'appartenance. On
vient corriger ça pour non seulement lancer le signal, mais rectifier, le cas
échéant.
M. Côté (Gabriel) : Merci.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour,
messieurs. Je sais que la question vous a été posée, M. Skeete, mais
j'aimerais la poser maintenant à M. Bonnardel, qui... vous qui êtes
ministre de la Sécurité publique. À votre connaissance, est-ce que ça se fait
toujours, au jour d'aujourd'hui, du profilage racial chez les corps policiers?
Est-ce qu'il y en a toujours?
M. Bonnardel : Il peut y
avoir, il peut y avoir des cas de profilage venant de la part de certains
membres des corps de police, il peut y avoir. Maintenant, il n'y a pas de
racisme érigé en système dans les corps de police, ça, ce n'est pas vrai, ce
n'est pas vrai, mais il peut y avoir des cas.
M. Lacroix (Louis) : Vous
dites également que vous allez donner davantage de pouvoirs au Commissaire à la
déontologie, qui va pouvoir faire des enquêtes. C'est compliqué, faire des
enquêtes, là. Il y a une marge entre prendre... recevoir des témoignages, par
exemple, comme il le fait en ce moment, évaluer tout ça, produire un rapport...
Faire une enquête, ça exige une expertise et ça exige des enquêteurs. Est-ce
qu'il va y avoir des moyens supplémentaires donnés au Commissaire à la
déontologie? Et de quel ordre seront-ils?
M.
Bonnardel
:
Bien, le commissaire... la dénomination du commissaire va... le comité
déontologique va devenir le tribunal. Ça, je l'ai annoncé tantôt. Je ne peux
juste pas vous annoncer, ce midi, les sommes qui vont être dédiées au comité...
au futur tribunal de la déontologie policière parce que le budget va être
déposé la semaine prochaine.
M. Lacroix (Louis) : Non,
mais c'est...
M. Bonnardel : Mais il y a
des outils. Mais je comprends...
M. Lacroix (Louis) : Mais, en
termes de ressources, par exemple?
M. Bonnardel : Bien, il y
a... Oui, bien, il y a des sommes et des...
M. Lacroix (Louis) : Il va y
avoir combien de ressources mises à la disposition?
M. Bonnardel : Je ne peux pas
vous donner ces informations-là parce que ça touche les aspects financiers.
M. Lacroix (Louis) : Bien,
vous comprenez que c'est important de savoir.
M. Bonnardel : Je le sais, je
le sais...
M. Lacroix (Louis) : Il va-tu
y avoir un enquêteur, 10 enquêteurs...
M. Bonnardel : Il y a des
ressources financières qui vont être attribuées au tribunal.
Journaliste : Supplémentaires?
M. Bonnardel : Supplémentaires,
oui. Désolé de ne pouvoir donner ces infos-là, mais je ne veux pas brimer le
droit du ministre des Finances.
M. Laforest (Alain) : Ça va
être dans le budget, là, on comprend que c'est dans le budget?
M. Bonnardel : C'est ça.
M. Laforest (Alain) : Donc,
le tribunal va être officiellement créé avec le budget?
M. Bonnardel : Voilà.
M. Desrosiers (Sébastien) : Bonjour.
Ma question est pour M. Skeete. Vous avez dit, par rapport aux
recommandations du Groupe d'action contre le racisme, qu'il n'y avait pas eu
d'évolution. Or, à l'époque, ce qui était recommandé, si je me fie au texte,
c'est de «rendre obligatoire l'interdiction des interpellations policières
aléatoires». Donc, pourquoi ne pas les interdire tout simplement?
M. Skeete : D'interdire... Je
vais vous dire ce que j'ai exprimé à différents groupes communautaires qu'on a
rencontrés. On ne veut pas vivre dans un monde où est-ce que les policiers
n'ont pas le droit de démontrer de l'initiative. Je pense que ce n'est pas ça
que la population veut. La population veut que... quand ils se promènent dans
la voiture d'un autre ou de leurs conjoints, qu'on ne les interpelle pas parce
qu'ils sont «driving while black», comme disait l'expression aux États-Unis,
là. C'est ça qu'il faut qu'on arrête.
Pour arrêter ça, il faut, premièrement,
être très clair pour dire qu'être noir dans une voiture, ce n'est pas un motif.
Il faut définir ça. La deuxième chose, c'est... après ça, c'est de dire
explicitement que ce n'est pas acceptable et d'y attacher des sanctions.
Alors, moi, je ne considère pas que c'est
une évolution. On abolit les interpellations aléatoires pour motif
discriminatoire. C'était l'intention de qu'est-ce que le Groupe d'action contre
le racisme avait demandé.
M. Desrosiers (Sébastien) : Mais
est-ce que les policiers, je veux dire, écrivaient... Tu sais, ça n'arrivait
pas, j'imagine, qu'un policier écrivait comme motif : Bien, la personne
était noire. Alors, qu'est-ce qui les empêchera, je ne sais pas, d'écrire sur
leurs rapports un motif qui sera davantage satisfaisant — mais vous
comprenez ce que je veux dire? — mais, dans les faits, de ne pas changer
leurs comportements?
M. Skeete : Bien, moi, je
fais le choix, je pense que les Québécois font le choix de présumer de la bonne
foi de nos policiers, premièrement. Deuxièmement, il y a plusieurs mesures qui
vont venir baliser cette interdiction-là. La première, c'est la formation
continue. La deuxième, c'est d'être clair dans le message.
Aujourd'hui, on vient vous parler pour
être très clairs sur le message que ce n'est pas acceptable. On va mettre des
conséquences et une directive qui vont venir appuyer cette démarche-là. On va
avoir un nouveau tribunal de la déontologie qui va pouvoir non seulement
entamer elle-même des enquêtes, mais, de son côté aussi, agir et regarder ces
affaires-là. Donc, moi, j'ai confiance que tous ces outils-là qu'on met à
disposition de l'État et de la population va nous permettre de... s'il y a
lieu, d'intervenir si jamais ça a été fait pour des motifs discriminatoires.
M. Desrosiers (Sébastien) : O.K.
Puis, juste un petit suivi sur... Vous êtes en appel du jugement Yergeau, là,
sur les interceptions routières sans motif, puis là aujourd'hui vous dites :
Dans le projet de loi, on va encadrer ces interceptions-là. Mais, si la cour
vient vous dire que ce n'est pas légal, vient les interdire, est-ce que vous
allez avoir travaillé pour rien? Qu'est-ce qui va se passer avec ce que vous
déposez aujourd'hui?
M. Skeete : Bien, c'est
hypothétique puis c'est le ministre de la Justice, là, ça fait que je ne vais
même pas tenter votre réponse.
M. Desrosiers (Sébastien) : O.K.
Mais vous n'auriez pas voulu attendre d'avoir le jugement?
M. Skeete : Non. Non, mais je
pense que c'est important d'agir en ce qui a trait au racisme. Je pense, les
Québécois ont hâte que le gouvernement du Québec agisse. On l'avait promis, on
s'est donné un échéancier de cinq ans. Moi, je suis motivé et pressé pour agir
en la matière puis je pense que les Québécois ont assez attendu. Je pense que
les personnes racisées, qui sont victimes à plusieurs niveaux, là, pour ces
affaires-là... je pense qu'ils demandent qu'on prenne action, puis c'est ce
qu'on fait aujourd'hui.
M. Chouinard (Tommy) : Bonjour,
M. Bonnardel. Pourquoi c'est nécessaire de demander aux corps de police de
rendre des comptes sur une base annuelle au sujet des interpellations?
M. Bonnardel : Bien, ça ne
s'est jamais fait. Et d'être capables de colliger des informations sur les
interceptions et les interpellations, pour moi et pour nous... ça fait partie
d'une des recommandations que le CCRP nous demandait. Donc, pour nous, colliger
ces infos puis d'être capables de définir la suite des choses, l'amélioration
future, peut-être, d'une future loi dans les prochaines années... bien, on va se
donner quand même un peu de temps pour arrimer nos différentes informations qui
entreront des différents corps de police, puis on pourra évaluer la suite.
M. Chouinard (Tommy) : O.K.
Mais ça va servir à quoi exactement?
M. Bonnardel : Bien, c'est d'être
capables de colliger les informations sur le pourquoi des interceptions, les
interpellations, donc définir de par les gestes que les policiers vont poser. On
sera capables d'analyser, au ministère, les cases à laquelle les policiers
auront défini leur principe même d'interpellation ou d'interception.
M. Chouinard (Tommy) : Dans
le projet de loi, tout en réitérant... bien, en tout cas, en le précisant, que,
dans le cadre des enquêtes, les corps de police agissent de façon indépendante,
vous ajoutez une disposition qui dit que le ministre peut demander puis que les
corps de police doivent soumettre, sur demande, au ministre toutes sortes de
renseignements, y compris des renseignements pour aider le ministre dans ses
fonctions. Ça me semble une disposition quand même très large, là, dans le
cadre d'une séparation des pouvoirs, là. C'est quoi, là, l'objectif derrière
cette mesure-là?
M. Bonnardel : Mais on ne va
pas demander des informations sur de possibles enquêtes en cours ou des
informations avec des renseignements spécifiques. Ça n'a jamais été le cas du
côté du ministère de la Sécurité publique. Si on veut mieux accompagner nos
policiers dans le cadre de leur travail, bien, c'est nécessaire d'être capables
d'obtenir des informations sur différents enjeux possibles et de les
accompagner, exemple, comme on le fait aujourd'hui. C'est quand même un
travail, aujourd'hui, qui a été fait depuis presque trois ans déjà, là, trois
ans, puis c'est le dépôt de cette loi. Donc, pour nous, d'avoir les informations
additionnelles qui viennent des différents corps de police, c'est juste un
travail qui... une information qui est importante.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
quelles informations n'avez-vous pas... sont manquantes en ce moment et que
cette disposition du projet de loi vous permettrait d'obtenir?
M. Bonnardel : On va définir
ça avec les corps de police, ces différentes informations.
M. Chouinard (Tommy) : Oui, mais
c'est parce qu'il y a une règle qui dit : Le législateur ne parle pas pour
ne rien dire, là. Donc, j'imagine que cette disposition-là a un but, là.
M. Bonnardel : Bien oui,
comme je vous le mentionnais, c'est d'obtenir des informations qui peuvent être
importantes dans le cadre de la modernisation d'une future loi, dans le cadre
du travail que la police fait. On va nécessairement entendre des corps de
police, différents corps de police lors des consultations particulières, ils
vont peut-être nous soulever certains points. Mais vous comprendrez que tout ça
est né de plusieurs, plusieurs discussions avec eux depuis très, très, très
longtemps déjà.
La Modératrice : On va passer
aux questions en anglais.
Mme Mignacca (Franca
G.) : Hi. If the recommendation from the task
force was to ban random checks altogether, why not just do that?
M. Skeete : So, the recommendation was to ban random checks, that's what we're
doing. We're banning random checks based on any motive that could be
discriminatory. So, the needle hasn't moved in that regard. And the idea behind
that recommendation was for us to say : Driving while black is not a
motive. You cannot use that as a motive to decide : OK, I'm going to pull you over. That's what we're
putting an end to, and that was the intention of the Groupe d'action contre le
racisme at the time, to eliminate that phenomenon, and that's what we're doing
here today.
Mme Mignacca (Franca
G.) : But, when it comes to these cases, we
hear from a lot of people that are pulled over, and they feel they've been
racially profiled, but the officer will give a reason like, you know, they thought the car was stolen or
they matched the description. How exactly will this stop racial profiling if
you leave it up to the officers to the term and what constitutes
discrimination?
M. Skeete : Well, there's two things. So, on the front side, we're going to be creating a directive that's going to now say that this is not acceptable
and that… is not the intention of the police force or the police... the ministèrede la
Sécurité publique to have that kind of behavior from our police officers. We're
also adding continual training. As it is now, police officers rarely... some
police forces offer it, but rarely police officers will get continual training
during the course of their career.
On the other hand, we're
going to improve the dispositions for complaints. So, either la commission des
droits de la personne, de la jeunesse, either «le nouveau tribunal de la
déontologie»… These are mechanisms that are going to be there to feed
confidence by members of the public who feel that they've been discriminated
against. It's the multiplicity of all these little initiatives that bring into
scope to say : It's not acceptable.
So, at the same time… So,
I say that. That's for one side of the argument. The other side of the argument
is : How do we make sure that police officers can do their job everyday?
Police officers need the tools that they have in order to do a good job. And I
often say to the people that I cross who have opposing views… I say : You
really don't want to live in a world where police officers don't feel that they
can do their job. So, we think that this is a perfect balance that brings us
where we want to go.
Mme Mignacca (Franca
G.) : Just one more, if I may. On a public
security perspective, though, what benefit do random checks bring? Why keep
them in place?
M. Skeete : Well...
M.
Bonnardel
: Vas-y, vas-y, question de sécurité...
M. Skeete : ...if you want to look what it looks like, just look at other
jurisdictions that have removed it. That initiative that police officers have,
that deciding to go on the offensive to look for things and that proactivity
that we like from our police officers that sometimes yield results goes away.
So, how do you strike the balance between having police officers who are
motivated, who are trying to intercept crime, interdict crime before it happens
and, at the same time, balance a very real phenomenon, that disproportionally
people who are visible minorities are targeted? We think we've struck that
balance in this new law.
Mme Henriquez
(Gloria) : Good afternoon. For you first, Mr. Skeete,
can I get your take on… your reaction on the racism allegations in the city of
Montréal? You said it in French.
M. Skeete :
Yes, it's… What I read in Le Devoir
the other day, there's one word, and it's «disgusting». I don't think it's
acceptable. I mean, there's no time frame in the article, so we don't really
know when these things happened. They were always unacceptable, but they were
at least common 50 years, 70 years ago. If this is recent, it's even more
disconcerting. So, no, it's unacceptable. And what I want to say is that I
think people need to realize, and I think they are slowly starting to realize,
that the party is over. This is no longer acceptable in 2023, it never was, and
now people are standing up to say so.
Mme Henriquez (Gloria) :
And are you speaking to the city or
doing… taking any action?
M. Skeete :
I have a meeting later on with the «commissaire
pour la lutte au racisme» of Montréal coming up shortly. I'm looking forward to
see how we can work together. I mean, you know, racism is not one of the things
that you can just check a box and say : We fixed racism. So, it's going to take
years and years of us all working together. And, you know, we need all the help
we can get. So, I look forward to working with her, helping her when she needs
it, and I look forward to getting her help when I need it.
Mme Henriquez
(Gloria) :
Perfect.
Thank you. And, for M. Bonnardel, I just want to ask you about the new, I
guess, powers or attributions that the «commissaire», the ethics commissioner
will have and also about the sanctions that might be imposed.
M. Bonnardel :
Well, there's different points that…
topics that we are going to give to the commissioner. It's a prevention and
education function for the Police Ethics Commissioner with both citizens and
police officers. It's recommendation n° 110 : Allow the Police Ethics Commissioner
to hold an investigation himself when he deems it's necessary, allow citizens
to make anonymous report to the Police Ethics Commissioner and put in place
support in different various stage of the ethical process for complaining.
Mme Henriquez
(Gloria) :
And
what will those sanctions look like, the sanctions that the police…
M. Bonnardel :
It will be defined by different police
corps with us when we will have adopted this bill, maybe in a couple of weeks.
Mme Henriquez
(Gloria) : OK. Perfect. Thank you.
M. Skeete :
If I can just add. When we say : We've
struck the balance, we're no way saying that everyone's going to be happy.
There's going to be some people who are going to say we're not going far
enough, and there's going to be some people who are saying we're not going far
enough, but these measures that we're giving to the «déontologie» were asked
for by the community. When we sat down with the community, they actually told
us that it's really intimidating going to see the Commissaire à la déontologie.
Sometimes, we have to be there face-to-face with the police officer. We're
fixing irritants like that that remove people's feeling of safety when they're
actually trying to, you know, espouse their rights.
So, these are things that
we're doing to move the needle to make people more comfortable in complaining,
because a lot of times… and this is one of the reasons why we're collecting
data, lot of times people don't even complain because they don't trust the
process. So, we have to fix the process, we have to fix the perceptions and we
have to be clear on our signals. That's what we're doing here.
La Modératrice :
Merci.
M.
Bonnardel
: Thank you. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 04)