(Douze heures une minute)
Mme Duranceau : Bonjour.
Merci. Merci de vous... de prendre du temps pour ce projet de loi là. Alors, écoutez,
c'est un projet de loi qui prend trois éléments ou trois concepts, là, en
considération. Le premier, il y a le droit au maintien dans les lieux au Québec.
C'est la fondation de notre système, là, relation locataire-propriétaire, donc
droit au maintien dans les lieux. Il y a aussi le droit de propriété qui est
pris en compte et qui doit lui aussi être respecté. Et puis, troisièmement, au
Québec, les relations locataire-propriétaire, bien, c'est une négociation entre
les locataires et les propriétaires. Alors, j'ai bien pris soin, dans les
mesures qui sont présentées, de garder ce concept-là bien vivant, là. Alors, on
ne peut pas légiférer sur tout. C'est une négociation, il faut que les gens se
parlent puis arrivent à une entente. Donc, on part sur ces bases-là et... Je
continue? Oui.
Donc, le projet de loi vise deux choses :
un, à cesser ou encadrer, limiter les évictions qui sont abusives et qui
mettent des gens vulnérables à la rue, et par ailleurs ça vise aussi à donner,
du côté propriétaire, un peu de latitude pour qu'on s'assure que les
développeurs, que les propriétaires continuent à investir en immobilier puis
continuent à investir dans leur immobilier.
Alors, si on revient à la notion d'éviction,
on vient faire trois choses. Première chose, c'est qu'on vient changer le
fardeau de la preuve puis corriger un peu une incohérence qu'il y avait entre
les reprises de logements pour soi-même versus des cas d'éviction où on demande
aux locataires de quitter pour faire des travaux d'agrandissement, de
subdivision ou de changement d'usage. Alors, dans ce cas-là, quand le
propriétaire envoyait un avis au locataire et que le locataire ne répondait pas
à l'intérieur du délai imparti, il était présumé avoir accepté l'éviction.
Donc, souvent, on se retrouvait avec des gens vulnérables qui ne connaissaient
pas leurs droits, qui ne répondaient pas puis qui se retrouvaient, par surprise,
à la rue. Donc, ça, ça ne pourra plus se produire. S'il n'y a pas de réponse,
ça veut dire que le locataire est présumé avoir refusé l'éviction. Et là le
propriétaire doit aller devant le tribunal, et le tribunal devra donner son
accord. Puis le propriétaire devra démontrer qu'il fait les choses dans les
règles de l'art, donc en respectant les critères du Code civil à cet égard-là puis
en traitant de manière équitable, là, la personne qu'il souhaite évincer.
Alors, premier élément : changement du fardeau de la preuve.
Deuxième élément qu'on vient introduire, c'est
une compensation en cas d'éviction, une compensation qui était déjà prévue dans
le Code civil à un minimum de trois mois de loyer et frais de déménagement. Là,
on vient dire : Dans le cas d'une éviction, on vient prévoir une
compensation qui est égale à un mois par année d'habitation continue dans le
logement, jusqu'à un maximum de 24 mois, donc. Puis c'est important de
préciser que les bons propriétaires, entre guillemets, étaient déjà dans cet
ordre-là, là, de compensation. Mais les propriétaires qui étaient plus cow-boy,
là, ou les spéculateurs qu'on a notés, là, de spéculateurs... le nom m'échappe,
là, mais... donc, des spéculateurs sauvages, par contre, dans ces cas-là, bien,
écoutez, les gens qui seront victimes d'éviction, s'il y a lieu, vont, un, d'une
part, ne pas se faire prendre par surprise à cause de la première mesure et,
avec la deuxième mesure, vont recevoir une compensation qui est plus équitable.
Donc, quelqu'un qui est dans un logement pendant 20 ans, bien, va recevoir
minimalement 20 mois de loyer puis aura, avec ça, un peu une marge de
manoeuvre pour se replacer.
Puis troisième élément à cet égard-là
aussi, au niveau des évictions, c'est de dire : Si un propriétaire envoie
un avis d'éviction puis dit : Écoute, moi, je reprends le logement pour
faire des travaux d'agrandissement, avant, le fardeau de la preuve était sur le
locataire de prouver que... si le propriétaire ne fait pas ce qu'il a dit, c'était
au locataire d'aller démontrer ça au tribunal puis d'aller chercher des
dommages punitifs. Là, ce qu'on vient dire c'est que, si le propriétaire ne
fait pas ce qu'il avait invoqué dans son avis d'éviction, bien, ce sera à lui
de démontrer qu'il a fait les choses de bonne foi. Alors, on vient placer, là
aussi, le fardeau de la preuve sur le propriétaire.
Ceci dit, les bons propriétaires, ce qui
est la majorité de nos propriétaires au Québec, oui, il y aura un fardeau de
preuve qui sera sur eux, mais ils font déjà les choses de la bonne façon, alors
ces gens-là... Les mesures sont introduites vraiment pour venir limiter ce que
les propriétaires ou les spéculateurs sauvages faisaient. Alors, ça, c'est du
côté évictions.
Les autres mesures qui sont... bien, qui
sont introduites ou modifiées, il y a la clause F. On en a beaucoup parlé, la clause
F, c'est une mesure qui est présente, là, dans le Code civil depuis 1976, et
elle a été introduite pour éviter que, dans le premier cinq ans, les
propriétaires soient assujettis à la fixation de loyers ou qu'un recours en
fixation de loyer puisse être introduit. Et ça, ça visait à donner un incitatif
aux propriétaires à construire, développer puis de pouvoir s'ajuster, sur une
certaine période, à l'égard de leurs revenus. Donc, la clause F, on la laisse à
cinq ans, parce que, dans le contexte économique actuel, où on a bien besoin de
constructeurs qui font du logement, il n'était pas question de venir introduire
une mesure qui allait leur imposer un fardeau additionnel en termes de risques
à assumer. Déjà, on a une incertitude au niveau des coûts à cause des
augmentations de coûts des matériaux, la main-d'œuvre qui... la pénurie de
main-d'œuvre, hausse des coûts... des taux d'intérêt, alors on ne voulait pas
aller là. On veut laisser, vraiment, un contexte économique qui est favorable
puis qui incite les propriétaires à construire.
Par contre, il y avait un enjeu de
prévisibilité pour les locataires avec cette histoire de cinq ans où les loyers
peuvent être augmentés sans restriction. Ce qu'on vient dire aux propriétaires,
c'est : Mettez-la donc, votre augmentation prévue pour les cinq prochaines
années. Ça n'a pas besoin d'être... Ce sera le montant maximum qui sera indiqué :
C'est-u 10 %? C'est-u 20 %?, mais ça aura le mérite d'être indiqué
d'avance dans le bail. Donc, les locataires vont savoir dans quoi ils
s'embarquent. Puis ils pourront, à ce moment-là, décider de signer ou pas le
bail, mais, au moins, il y a une prévisibilité. Et, si quelqu'un veut proposer
des augmentations abusives, bien, d'emblée, ça va être connu, là. Alors, ça,
c'est... Puis ça demeure une négociation locataire-propriétaire. Ça fait qu'on
voulait respecter ça.
L'autre élément qui était un changement,
là, qui était, bon, attendu ou souhaitable, c'est au niveau des cessions de
bail. Donc, quand un locataire choisit de céder son bail à quelqu'un d'autre,
bien, dans ce contexte-là, le propriétaire avait... pouvait refuser la cession
de bail uniquement si le... pour des motifs sérieux. Et là on vient... Ça,
c'est encore valide, mais on vient aussi permettre au propriétaire de tout
simplement refuser cette cession de bail là et annuler le bail pour le
locataire. Donc, côté locataire, son annulation de bail sera toujours possible,
côté propriétaire, on vient permettre au propriétaire de choisir qui sera la
prochaine personne qui va habiter dans son immeuble. Parce que c'est toujours
bien son immeuble, puis il a le droit de décider avec qui il veut avoir un
contrat de bail. Donc, ce n'est pas au locataire qui quitte de choisir qui sera
le prochain occupant. Alors, c'est ce qu'on vient aussi modifier.
Par ailleurs, peut-être dernier élément,
là, plus administratif, mais d'intérêt, c'est de permettre d'être représenté
devant le Tribunal administratif du logement par qui on le veut, évidemment,
sauf une personne ou un avocat radié. Mais ça, c'est pour permettre, bien,
c'est ça, plus de latitude, là, à qui peut aller nous représenter devant le
tribunal. On pense que ça va assouplir les choses ou améliorer l'efficacité du
tribunal à cet égard-là.
M. Carmichael (Simon) : Pourquoi
avoir déposé ce projet de loi là la dernière journée de la session
parlementaire?
Mme Duranceau : Bien,
écoutez, moi, je m'étais engagée à déposer un projet de loi dans cette
session-ci, et c'est ce que j'ai fait. Puis c'était important pour moi aussi parce
que la crise du logement, là, ça ne va pas se régler avec juste une mesure, je
le dis depuis le début, c'est un cumul de mesures, et ce projet de loi fait
partie des mesures. Donc, je voulais que ça soit clair qu'on est déjà très dans
l'action sur l'accumulation de ces mesures-là.
M. Carmichael (Simon) : ...préféré
qu'il soit entré en vigueur pour le prochain 1er juillet? Parce que ce ne
sera pas le cas, là.
Mme Duranceau : Bien, les
évictions, là, elles ne surviennent pas au 1er juillet. Les évictions,
elles surviennent entre le 1er janvier puis le 31 janvier, quand les
avis de renouvellement sont envoyés ou... Ça fait que des évictions, ce n'est
pas particulièrement au 1er juillet. Ça peut être toute l'année, mais
c'est... compte tenu de nos baux qui sont au 1er juillet, ça survient
surtout dans les premiers mois de l'année. Ça fait que je veux m'assurer... C'était
très important que ça soit déposé maintenant, minimalement, pour m'assurer
qu'on a le temps de discuter de ça à l'automne puis que ça passe... idéalement,
si tous les partis d'opposition collaborent, que ça soit réglé avant Noël
prochain, là, pour...
M. Carmichael (Simon) : ...terminé,
ce projet de loi là? Quand est-ce que vous l'avez fini?
Mme Duranceau : Bien, dans les
dernières semaines, là, mais vous comprendrez qu'il y a des processus
d'approbation qui sont nécessaires, là. Alors, nous voilà aujourd'hui.
Mme Martin (Léa) :
Puis, par rapport aux
cessions de bail, c'était peut-être un des seuls moyens que les locataires
avaient de pouvoir contrôler la hausse des loyers en faisant des cessions de
bail. Est-ce que vous ne pensez pas que ça enlève un certain pouvoir,
justement, de négociation aux locataires?
Mme Duranceau : Est-ce que le
locataire, c'est le propriétaire de l'immeuble? Non. Ce n'est pas au locataire
de contrôler la hausse du loyer pour la personne suivante.
Mme Martin (Léa) :
Bien, ils le font parce
qu'il y a eu beaucoup de hausses abusives, comme on voit actuellement. Il y a
plein de gens qui ne peuvent plus se loger.
Mme Duranceau : Oui, mais ce
n'est pas au locataire qui quitte de gérer cet aspect-là. Il y a la clause G
du bail qui est là pour gérer cet aspect-là. Alors, cette histoire-là de
cession de bail ou de magasinage de baux entre locataires, bien, c'est une
entrave au droit de propriété des propriétaires, là.
Mme Porter (Isabelle) : Concernant
la Société d'habitation, est-ce que je comprends que la SHQ pourrait vendre ses
services de... vendre des services de consultation?
Mme Duranceau : Bien, on a
introduit ça... c'est que la SHQ n'avait pas du tout de notion de
profitabilité, là, permise de par sa loi. On introduit cette mesure-là pour se
donner une marge de manœuvre. Si on choisit... Je vais vous donner un exemple.
Il y a des garanties de prêts qui sont faites par la Société d'habitation du
Québec. Pour le moment, il n'y a absolument aucun, aucun frais de garantie qui
est chargé. L'idée, ce n'est pas de s'en aller charger des garanties de prêts à
tout le monde. Quand je dis : Ça va prendre des nouveaux outils
financiers, bien, cette mesure-là va nous permettre de réfléchir à des nouveaux
outils financiers pour le futur. Puis on aura la marge de manœuvre de proposer
d'autres façons de faire avec ça. Mais, pour le moment, ça ne change rien avec
ce qui est en place.
Mme Porter (Isabelle) : Mais
ce n'est pas une façon de convertir la SHQ en un modèle plus proche de la SCHL
par exemple?
Mme Duranceau : Bien,
effectivement, c'est... ça donne les outils pour pouvoir avoir d'autres... ça
donne les moyens d'avoir d'autres outils financiers que la SHQ n'a pas pour le
moment.
Mme Porter (Isabelle) : Puis,
juste une autre petite question concernant Montréal puis les villes, là. Est-ce
que je me trompe ou vous essayez d'encourager les villes à aliéner des vieux
immeubles comme des HLM?
Mme Duranceau : Non. Bien, la
modification qui est là, c'est que, quand un office d'habitation ou un OBNL,
là, vendait un... Bien, dans le cas des HLM, c'est des offices d'habitation,
mais il y en a aussi dans des OBNL. Quand il vendait, l'OBNL, il était obligé
de rembourser la SHQ. C'était ça, alors que ces gens-là sont dans l'action tous
les jours, puis, des fois, il y a d'autres projets, tu sais, concomitants. Ce
qu'on vient dire, c'est : Si tu vends une portion du terrain, une portion
de l'immeuble, mais que tu as un autre projet pertinent, fais juste nous
présenter le projet, puis il n'y aura pas besoin de rembourser, ils vont
pouvoir prendre l'argent puis faire l'autre projet. Ça fait que ça vient... ça
vise à donner de l'agilité aux différents organismes, vraiment, là.
M. Laberge (Thomas) : ...vous
avez dit un peu plus tôt, là... sur la cession de bail, vous dites : C'est
une entrave au droit de propriété, comme s'il fallait qu'il n'y ait aucune
entrave, mais, je veux dire, il y a des entraves au droit de propriété, comme
par exemple lorsque vous voulez limiter les expulsions abusives, comme vous les
appelez. Donc, j'ai un peu de misère à suivre votre argument là-dessus.
Mme Duranceau : Bien,
écoutez, c'est... en fait, je ne pense pas que ça doit être le locataire qui
quitte qui décide qui va venir habiter dans son logement. Dans la mesure où,
lui, son bail est résilié puis qu'il n'a plus d'obligation face au bail, je
pense que c'est au propriétaire de l'immeuble de décider avec qui il veut
transiger pour le futur. Alors, comme propriétaire, tu as le droit de décider
qui tu mets dans ton immeuble. Ça fait que c'est ça, c'est ce qu'on veut
permettre, là, ou...
M. Laberge (Thomas) : À votre
connaissance du terrain, est-ce que c'était un enjeu, tu sais, qui était évoqué
par plusieurs propriétaires, qui vous disaient qu'ils se sentaient forcés...
ils se faisaient imposer, finalement?
Mme Duranceau : Tout à fait,
oui, il y a un magasinage de ça qui était important.
M. Laberge (Thomas) : Puis
est-ce qu'un des problèmes, c'était le fait qu'ils ne pouvaient pas hausser le
loyer du montant qu'ils voulaient quand il y avait une cessation de bail?
Mme Duranceau : Bien, de
toute façon, ils ne peuvent pas le hausser comme ils veulent, là, il y a quand
même des restrictions, mais c'était plus de se retrouver dans des situations
sur lesquelles ils n'avaient aucun mot à dire, alors que c'est leur bien. Alors,
il y a des limites, là, à ça.
M. Bourassa (Simon) : Les
propriétaires vont dire : Le projet de loi est bon pour les locataires.
Les locataires vont dire : Le projet de loi, il est juste bon pour les
propriétaires. Vous répondez quoi à ça?
Mme Duranceau : Bien, moi, je
pense que c'est... je pense que c'est un projet de loi qui est équilibré. On
voit qu'on vient adresser les problématiques au niveau des évictions puis les
personnes vulnérables. Je le dis depuis le début de mon arrivée en Chambre que
ça n'a pas de bon sens que des gens vulnérables soient jetés à la rue comme ça
a été fait. Alors, ça, on est venus adresser ça. Par ailleurs, il y avait des
irritants qui étaient plus du côté propriétaires, entre autres sur la cession
de bail. Puis on est venus agir sur cet élément-là. Alors, bon, il y aura des
critiques de part et d'autre, mais je pense qu'on est venus adresser les
principaux éléments, là.
M. Côté (Gabriel) : Concernant
les évictions, là, comment ça va marcher? Il y a un avis d'éviction qui est
envoyé. Le locataire le reçoit, ne répond pas ou refuse. Il y a une séance qui
est organisée. Le propriétaire doit prouver sa bonne foi. Tout ce temps-là, le
locataire est encore dans son logement? Oui? Puis il y a le critère de la bonne
foi, là. Comment ça va être établi? C'est quoi, les critères pour la bonne foi?
Mme Duranceau : Bien, la
bonne foi, la... ce n'est pas tant la bonne foi que de démontrer au tribunal
que ton avis d'éviction, il est fondé, parce que tu reprends le logement pour
faire un agrandissement, pour faire une subdivision ou pour en changer l'usage.
Alors, c'est souvent un projet d'entreprise, là, tu acquiers un immeuble, tu
veux faire x, y projets avec. Donc, tu sais où tu t'en vas avec dans ton
projet. Donc, pour le propriétaire, ça va être facile de démontrer c'est quoi,
son plan dans... son plan de match avec cet immeuble-là. Alors, est-ce qu'il
est de bonne foi? Bien, il est de bonne foi dans son projet d'entreprise, là,
mais c'est lui qui est obligé de le démontrer au juge. Puis le juge donnera son
approbation, versus, avant ça, c'était le locataire qui devait introduire le
recours puis qui devait démontrer que ce n'était pas la bonne chose que le
propriétaire faisait.
M. Laberge (Thomas) : Est-ce
que faire un Airbnb avec un logement est une raison valable?
Mme Duranceau : Bien, c'est
un changement d'usage. Si tu reprends le logement puis que tu en changes
l'usage, puis que l'usage que tu as décidé que tu donnerais, c'est de faire du
Airbnb, bien, c'est faisable. Ceci dit, il y a d'autres règles qui régissent
les Airbnb. Ça, c'est le projet de loi n° 25 de la
ministre du Tourisme. Et les municipalités ont tous les pouvoirs, là, en
matière d'Airbnb. Donc, si la municipalité ne le permet pas, tu peux bien
changer l'usage, tu n'auras pas plus le droit de le faire, puis il va y avoir
des pénalités, puis il va y avoir autre chose, là.
Mme Martin (Léa) :
...à ce moment-là, ce
serait quoi, la mauvaise foi? Ce serait quoi, comme, les mauvaises raisons?
Parce que, là, pour l'instant, on a dit, par exemple, que le Airbnb, ça pourrait
être une assez bonne raison, ça pourrait... l'agrandissement...
Mme Duranceau : Bien, c'est
un changement d'usage. Là, on n'est pas venus définir... C'est déjà dans le
Code civil, le changement d'usage. Ça pourrait être pour faire un restaurant,
ça pourrait être pour faire un Airbnb. Ça, on n'est pas venu exclure différents
types d'usages. Ce qui arrive, c'est que les gens prétendent qu'ils vont faire
quelque chose, puis, finalement... je récupère le logement pour le subdiviser
ou pour l'agrandir, puis en faire deux au lieu d'un, puis ils ne le font pas.
Puis, finalement, ils ont mis un locataire à la porte puis il en profite
pour... C'est ça, l'histoire de mauvaise foi, là, de bonne foi ou de mauvaise
foi, c'est qu'il faut que tu fasses ce que tu as dit dans ton plan de match
quant à la reprise du logement.
Mme Porter (Isabelle) : Mais comment
on va le savoir, là?
Mme Duranceau : Ça va être le
tribunal qui va... Comme maintenant, là, c'est le tribunal qui tranche
là-dessus.
Mme Porter (Isabelle) : Oui,
mais, si personne ne ramène la cause devant le Tribunal administratif?
Mme Duranceau : Bien là, il y
a un... donc, il y a un avis d'éviction qui est envoyé. La personne refuse,
disons, de quitter. Alors là, c'est le propriétaire qui doit aller au tribunal,
puis c'est lui qui dépose son plan de match. Et là le tribunal va juger de la
bonne foi du propriétaire.
Mme Porter (Isabelle) : O.K.
Mais, mettons, le propriétaire, comme ce qui est arrivé souvent, ne fait pas ce
qu'il a dit, O.K., ne respecte pas... il ne fait pas de travaux, puis il
augmente le loyer, je ne sais pas, bon, bien, comment est-ce que ça va être
respecté? Je veux dire, si le locataire ou quelqu'un ne ramène pas ça devant le
TAL...
Mme Duranceau : L'autre
élément qui a été changé, c'est que, quand une situation comme ça se produit, là,
premièrement, on parlerait aussi... on parle d'un propriétaire qui est allé devant
le TAL, qui s'est fait dire par un pouvoir judiciaire de faire quelque chose,
puis qu'il ne le fait pas. Ça fait que, déjà, s'il ne le fait pas, sa bonne
foi, elle va être difficile à démontrer par après. Ce qu'on est venus aussi
changer, c'est article 1968, là, du Code civil, on est venus dire : Si le
locataire se rend compte de ça, un locataire qui a quitté, qui se rend compte
de ça puis qui veut continuer de faire valoir ses droits ou aller chercher des
dommages punitifs, bien, il va pouvoir introduire le recours. Mais avant, c'est
le locataire qui avait le fardeau de démontrer que le propriétaire n'avait pas
été de bonne foi. Là, à partir du moment où le locataire va réintroduire un
recours devant le tribunal, le fardeau de la preuve, il va être sur les épaules
du propriétaire.
Mme Porter (Isabelle) : Il
n'y a pas d'enquête, tu sais, je veux dire, il n'y a pas pas d'enquêteur ou
personne qui va surveiller que l'ordre du tribunal...
Mme Duranceau : Non, non,
non, ça demeure... tu sais, c'est entre parties privées, puis ça demeure le...
M. Bolduc (Pierre-Alexandre) :
Il faut que le locataire s'en rende compte après...
Mme Duranceau : Oui, puis
qu'il décide qu'il va...
M. Bolduc (Pierre-Alexandre) :
...oui, et entame d'autres procédures.
Mme Duranceau : Mais ça,
c'est pour aller chercher ses dommages punitifs. Il va par ailleurs avoir eu
son dommage ou sa compensation financière pour éviction. Puis ça, je pense,
juste ça, c'est important de le dire, avant, dans un cas d'éviction, pour avoir
ta compensation, bon, des fois, ça se négociait entre locataire-propriétaire,
puis, si tu n'étais pas d'accord, comme locataire, il fallait que tu ailles
devant le tribunal tout de suite pour aller chercher plus. Là, la loi va faire
en sorte que, minimalement, tu vas avoir un mois par année d'habitation. Alors,
il y a un fardeau pour le locataire vulnérable qui est enlevé, là, c'est sûr
qu'il va avoir une compensation. Il ne sera plus obligé d'aller introduire un
recours devant le tribunal.
Mme Porter (Isabelle) : Juste
pour clarifier, là, toute l'histoire, là, de la bonne foi, là, parce que, tu
sais, il y a eu des recours devant les tribunaux d'anciens locataires, des gens
qui ont été évincés, qui ont perdu leur appartement puis qui se sont rendu
compte que, finalement, le propriétaire a juste... les a juste évincés pour
augmenter le prix, il n'a pas fait rentrer son fils, ou sa fille, ou je ne sais
pas quoi. Puis ces gens-là sont allés devant les tribunaux, puis il y a eu déjà
des victoires, là, devant les tribunaux, de ces personnes-là. Ça fait que, dans
le fond, ce que je comprends, c'est que, là, ce que ça ajoute comme contrainte
pour les propriétaires, c'est que ce genre de recours là va être plus facile à
gagner?
Mme Duranceau : Bien, en
fait, pour le locataire, du moins, ça va... ce n'est pas lui qui va être obligé
d'arriver avec son petit dossier de preuves. Ça va mettre le fardeau sur la
preuve du propriétaire de dire : Hé! Tu m'avais dit que tu reprenais pour
ton fils, qu'est-ce qui est arrivé?
Mme Porter (Isabelle) : Le
propriétaire va avoir plus de chance de perdre.
Mme Duranceau : Oui, plus de
devoirs.
Mme Porter (Isabelle) : Mais
l'autre affaire, c'est : Quel impact est-ce que ça peut avoir? Tu sais, mettons,
le propriétaire, il n'a pas respecté ce qu'il a dit qu'il allait le faire puis
il revient devant le TAL pour d'autres dossiers. Si le locataire n'a pas fait
de démarches, le juge ne le saura pas plus.
Mme Duranceau : Non.
Mme Porter (Isabelle) : Ça
fait que, tu sais, ça va... Oui, O.K., ça fait que...
Mme Duranceau : Bien, ils se
sont... tu sais, à un moment donné, le locataire, peut-être qu'il s'est fait
avoir, mais là il est passé à d'autres choses.
Mme Porter (Isabelle) : Ça
fait que, dans le fond, le seul impact concret, c'est que les locataires qui
font des recours en justice ont plus de chances de gagner?
Mme Duranceau : Le seul
impact... les impacts concrets, c'est que tu n'as plus de surprise pour les
locataires, dans le sens où ils oublient de répondre, ils se font mettre à la
porte. Non, non, ils oublient de répondre, il y a un tribunal qui va intervenir,
donc plus d'effet surprise. Il n'y a plus d'histoire de se faire jeter à la rue
sans une compensation raisonnable. Puis il y avait, avant, des compensations
qui pouvaient devenir raisonnables, mais ça obligeait un recours devant le
tribunal de la part du locataire. Là, il n'y a même pas de besoin d'introduire
un recours. Il va se faire compenser, la loi le prévoit. Puis le troisième
item, bien, c'est : dans un cas comme celui qu'on décrit, il y a un
fardeau de preuve qui est devenu sur les épaules du propriétaire et non du
locataire.
M. Laberge (Thomas) : Juste
une précision. Excusez, là, je sais qu'on est beaucoup dans les scénarios
hypothétiques, là, mais juste pour qu'on comprenne, là. Mais, si, mettons, mon
propriétaire vient me voir puis me dit : Je te sors de ton appartement
parce que je fais rentrer ma mère, par exemple. Puis moi, je décide :
O.K., il est de bonne foi, je ne vais pas contester. Je décide de quitter puis
là, ça ne passe pas par le tribunal. Dans une situation comme celle-là, est-ce
que votre projet de loi a un impact, si jamais ce n'est pas vrai, ce qui est
arrivé, tu sais, considérant que le tribunal ne peut pas... il n'a jamais
affirmé à un tribunal : C'est la raison pour quoi je mets cette
personne-là dehors?
Mme Duranceau : Non, il ne
l'a pas affirmé. Par contre, il a envoyé un avis dans lequel il a dit : Je
reprends le logement pour ma mère, puis finalement le locataire se rend compte,
après un bout de temps, que ce n'était pas la vérité. Ce locataire-là, avant,
devait faire... devait monter toute la preuve pour introduire son recours.
Maintenant, il peut introduire son recours, puis le fardeau de la preuve...
M. Laberge (Thomas) : ...idée
de pourquoi il fait ce recours-là? Il faut quand même avoir une preuve, tu
sais, pour...
La Modératrice : Là, je pense
qu'on va... là, on est dans les scénarios, des scénarios... c'est
superintéressant, mais je pense que...
M. Bolduc (Pierre-Alexandre) : ...il
n'y a plus de recours pour cette personne-là dans son scénario?
Mme Duranceau : Non, non,
c'est le même recours, il va introduire son recours, sauf qu'avant il était
obligé de faire toute sa preuve. Là, il introduit le recours, puis le fardeau
de la preuve, il est sur le propriétaire.
M. Laberge (Thomas) : Le
propriétaire, il faut qu'il démontre que c'est bel et bien sa mère qui a pris
l'appartement?
Mme Duranceau : Bien oui, ou
que sa mère est décédée, ça fait que, finalement, ça ne marche pas, ça fait que
c'est quelqu'un d'autre qui rentre, tu sais.
M. Côté (Gabriel) : Vous avez
dit tantôt que ce projet de loi là, c'est quelques moyens pour régler la crise
du logement, mais que ce n'est pas ça qui va complètement régler la crise du
logement. Vous souhaitez une adoption du projet de loi avant Noël. Est-ce
qu'après vous allez travailler sur un autre projet de loi avec d'autres
mesures? Est-ce que vous allez travailler sur ce projet de loi là dès cet
automne, l'année prochaine, avant 2026?
Mme Duranceau : Bien là, on
travaille sur ce projet de loi là, celui qu'on a déposé aujourd'hui, dès cet
automne. Quand je parle d'autres mesures, je parle d'augmenter l'offre de
logements, je parle de nouvelles façons de financer la construction de
logements, et je parlais de mieux protéger les locataires puis bien outiller
les propriétaires pour être sûr qu'ils continuent d'investir dans leur immobilier.
Alors, c'est un cumul de toutes ces mesures-là.
M. Côté (Gabriel) : D'un
point de vue législatif, c'est le seul projet de loi qu'il va y avoir pour
lutter contre la crise du logement dans ce mandat-ci du gouvernement dont vous
faites partie?
Mme Duranceau : Je ne sais
pas dans ce mandat-ci, mais dans cette année 2023, ça va être le seul,
oui.
M. Laberge (Thomas) : Sur la
clause F, parce que c'est quand même un gros... je sais qu'on a hâte de partir,
mais sur la clause F, parce que, vous savez, Québec solidaire, c'est un de leur
cheval de bataille, ils vont vous le demander, il n'y aurait pas eu une manière
d'aller entre les deux, de couper la poire en deux, c'est-à-dire pas de
l'abolir, mais de mettre une certaine limite, oui, c'est plus élevé que ce que
le tribunal permet normalement, mais de... qu'il y ait une limite, finalement?
Mme Duranceau : Bien, il y a
une limite qui sera celle qui sera négociée entre le propriétaire puis le
locataire sur le plafond.
M. Laberge (Thomas) : Une
limite légale, là.
Mme Duranceau : Bien là,
c'est là où je dis : À un moment donné, c'est une négociation entre
locataire-propriétaire, on ne peut pas intervenir dans tous les paramètres.
Puis le contexte financier de chaque développeur est le sien, puis ça dépend
dans quelle ville il est, dans quel... à quel moment ça sera fait. Quand on se
met à devenir trop micro, là, dans toutes les interventions, bien, ça n'a pas
de pérennité non plus, là. Ça, c'est dans le Code civil, il faut que ça dure
pour des décennies.
Mme Martin (Léa) :
Mais dans un contexte
de crise du logement, c'est quoi, le réel pouvoir, justement, de négociation du
locataire dans cette négociation de hausse non abusive? C'est ça, ma question.
Mme Duranceau : Bien, il y a
une négociation. En fait, ce que les locataires nous ont demandé, dans toutes
les consultations qu'on a faites à cet égard-là, c'était beaucoup la question
de prévisibilité. C'est des gens qui décident d'embarquer dans un bail, mais
quand il y a des augmentations qui sont abusives... Puis il y en a des
propriétaires qui ont en fait des augmentations abusives, alors c'est ça qu'on
vient baliser. Sinon, les autres propriétaires qui sont des bons propriétaires,
bien, moi, il faut que je leur laisse la marge de manoeuvre pour stabiliser
leur immeuble, suite à la construction, puis à l'entrée de tous les revenus
puis les coûts, puis de s'assurer que ça fonctionne. Ce qu'on veut, là, c'est
que les propriétaires... les développeurs continuent d'en faire. Puis on les
voit, les chiffres, là, l'APCHQ nous le dit, tout le monde nous le dit, c'est
en baisse, là, cette année. Ça fait qu'il n'était absolument pas question
d'arriver avec une mesure qui devenait contraignante à cet égard-là, là. Merci.
(Fin à 12 h 28)