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Point de presse de M. Jean-Martin Aussant, député de Nicolet-Yamaska, Mme Lisette Lapointe, députée de Crémazie et de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le jeudi 31 mai 2012, 11 h 18

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Onze heures dix-huit minutes)

M. Aussant: Bien, merci, tout le monde. Donc, comme vous l'avez vu, on a déposé ce matin le projet de loi qu'on appelle le projet de loi casseroles. En fait, c'est le projet de loi n° 597 qui vise à abroger certaines dispositions de la loi n° 78, la fameuse loi qu'on a passée par bâillon, que le Parlement a passé par bâillon vendredi dernier.
Et le principe derrière ce geste d'abroger les articles, c'est qu'il y a des articles dans ce projet de loi là qui sont absolument inacceptables. Vous avez entendu les débats qui ont eu cours suite au dépôt de ce projet de loi là ou à l'adoption de cette loi-là, et le principe derrière tout ça, c'est que, les casseurs, ce n'est pas une loi comme ça qui va les empêcher de faire ce qu'ils veulent faire, parce que, s'ils ont des intentions malveillantes, ils ne vont pas lire une loi avant d'avoir les prochaines intentions malveillantes. Ceci dit, la population qui, elle, manifeste, dans sa très grande majorité, de façon pacifique, elle a vu ses libertés restreintes par ce bâillon-là, la loi n° 78, ce qui a mené entre autres à la manifestation des casseroles, donc d'où le nom de notre projet de loi.
Et le principe derrière tout ça, c'est que ça n'a pas de sens qu'une loi que le Parlement passe n'affecte que les gens qui sont là de bonne foi et qui sont pacifiques dans leurs manifestations, et ne change rien à la vie des casseurs. Je répète que les lois en place avant le projet de loi n° 78 du gouvernement permettaient déjà que les gens qui faisaient de la casse répondent de leurs actes et, en fait, soient responsables de leurs actes et permettaient aussi au reste de la population, dans la grande majorité pacifique, comme je le disais, de manifester et de se faire entendre sur divers débats dans la société.
Je voudrais aussi dire que le gouvernement qui a eu besoin de cette loi-là pour tenter de régler un conflit qu'il avait lui-même créé, c'était un peu gros, quand même. Donc, c'est dans son intransigeance face au mouvement étudiant qu'on en est venus à la situation actuelle. Une loi spéciale pour venir régler cette situation-là, c'était un peu fort aussi comme geste. C'est comme si un pyromane mettait le feu et suggérait que, la seule solution pour éteindre l'incendie, c'est de causer une inondation immense. Ce sont deux graves problèmes, et le gouvernement devrait vraiment se poser la question à savoir pourquoi on en est venus là, et c'est vraiment l'intransigeance du Parti libéral et du gouvernement en place qui a fait que le mouvement étudiant est devenu ce qu'il est devenu, les manifestations sociales sont devenues ce qu'elles sont devenues.
Et je répète encore une fois que le projet de loi n° 78 n'avait pas lieu d'être dans la presque totalité de ses articles. Vous remarquez que les articles qu'on abroge sont ceux qui ont été les plus décriés, en fait, là, entre autres limitant la liberté de manifester, donnant un pouvoir absolument immense à la ministre de l'Éducation, etc. Donc, c'est un projet de loi qui vient contrer ce projet de loi là. On l'a appelé le projet de loi casseroles.
J'ai avec moi Me McCann qui est celle qui a supervisé la rédaction de ce projet de loi là. Si vous avez des questions techniques ou d'ordre juridique, elle va se faire un plaisir de vous répondre. Je suis aussi accompagné de ma collègue de Crémazie et mon collègue de Mercier, que je vais laisser peut-être dire quelques mots.

Mme Lapointe: Oui, merci. Bonjour. Je pense que c'est intéressant, ce projet de loi, parce que je pense qu'en général la population et tous ceux qui analysent la situation sont assez en accord avec la première section du projet de loi spéciale. Ça n'aurait pas été nécessaire d'avoir une loi spéciale, mais les articles qui sont vraiment, je pense, choquants et qui arrivent à choquer non seulement ici, au Québec, mais on l'a vu, à l'international, ce sont ceux qui restreignent surtout, je pense, notamment la liberté d'association, c'est-à-dire qu'on restreint... on fait craindre au mouvement étudiant qu'on pourrait les priver de leurs associations, donc de leur rapport de force en leur imposant des amendes absolument gigantesques, démesurées. C'est ce que dit l'ONU dans son rapport. Tu sais, quand on est rendus qu'on est blâmés par l'Organisation des Nations unies, nous, ici, au Québec, une société ouverte, pacifique, démocratique, supposément, c'est très grave.
Alors, cette question, cette épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes... On ne peut pas s'imaginer qu'il va y avoir des négociations fructueuses tant que cette... épée de Damoclès, en fait, oui, demeure au-dessus de leurs têtes. Et cette loi, on le sait aussi, limite d'une façon grave - et l'ONU aussi le déplore - la liberté de s'exprimer, de manifester de façon pacifique. Alors, c'est bien évident que la population a compris qu'elle ne doit pas abandonner sa contestation de cette loi-là, et c'est pourquoi on assiste, à tous les soirs, un peu partout, et même à l'extérieur du Québec maintenant, à des manifestations pacifiques dites manifestations des casseroles. Alors, voilà, moi, pourquoi j'appuie ce projet de loi et que j'espère - j'espère - je ne pense pas, je n'ose pas croire qu'il sera appelé et que... bon. Mais il est très bien fait, et merci à Julie McCann, candidate, hein, d'Option nationale. Et voilà. Alors...

M. Khadir: Bon, en fait, je félicite vraiment tous les députés d'opposition qui se sont opposés au projet de loi, toute la population du Québec qui montre des grands moments de dignité et de courage collectif en s'opposant à une loi tout à fait injuste et scélérate dans l'étendue des pouvoirs abusifs qu'il accorde à un seul ministre ou à un seul ministère.

M. Laforest (Alain): Profitons de la présence de Me McCann, qui est là, et qui est juriste, et qui a rédigé le projet de loi. Quelle est la grande différence entre la loi n° 78 et ce qui se fait actuellement à Londres, Paris, New York et dans les autres provinces canadiennes au niveau des restrictions de droits de manifestation?

Mme McCann (Julie): Bien, en fait, avec le projet de loi n° 78, on infantilise la population, en général, hein? Ce n'est pas les dispositions au niveau du droit de manifester ou de s'associer de façon pacifique, ça ne vise pas le contexte étudiant en propre... Bien, en fait, je ne pense pas que ça serait possible. Et, en adoptant ce projet de loi là, ce que le gouvernement a fait, c'est qu'on a mis toute la société civile dans le même bain en se disant qu'on ne pouvait plus faire confiance au jugement des gens et en fait qu'on brimait...

M. Laforest (Alain): Ce n'est pas ça, ma question, là. Je vous demande la différence entre ce qui se passe... les restrictions qu'on impose dans d'autres pays et dans d'autres provinces canadiennes. Si on fait les comparaisons avec ce qui se passe ailleurs, au Québec, c'est huit heures et, à certains endroits, on va demander jusqu'à trois mois d'avance avant de...

M. Khadir: Ça, le caractère mensonger...

M. Laforest (Alain): Bien, je parle à Me McCann, vous...

Mme McCann (Julie): Bien, en fait, je vous dirais, ça, là-dessus, je ne suis pas au courant. Je ne suis pas la meilleure personne pour...

M. Khadir: Regardez, le caractère inexact et mensonger de ces affirmations du ministre Dutil, ça me fait de la peine. J'ai beaucoup de respect pour M. Dutil. Je suppose qu'il a été mal informé. Il n'a pas pris la peine de vérifier, mais le caractère inexact de ces affirmations qu'il a tenues, la semaine dernière, pour justifier sa loi a été démontré, je pense, par Le Devoir et La Presse.

M. Dutrisac (Robert): Maintenant, il y a eu plusieurs centaines d'arrestations depuis l'adoption de cette loi-là...

M. Khadir: Le Soleil également? Très bien. Le Soleil également. Excusez-moi.

M. Dutrisac (Robert): Alors, il y a eu plusieurs centaines d'arrestations depuis l'adoption de la loi n° 78, aucune de ces arrestations-là n'a été justifiée par la loi n° 78, par les dispositions de la loi, mais plutôt par des règlements municipaux. Est-ce que ce ne sont pas les règlements municipaux qui sont en cause, là? Est-ce que ce n'est pas ça qu'il faudrait contester?

Mme McCann (Julie): Bien, en fait, ce que vous dites, ça appuie, finalement, la position du projet de loi qu'on est en train de déposer. C'est qu'on dit que le coeur, le contexte législatif actuel suffisait à donner les pouvoirs à des policiers, par exemple, de disperser une foule lorsqu'on obstruait la voie publique lorsque ce n'était pas justifié. J'ai l'impression que, jusqu'à maintenant, il y avait une tolérance dont on avait... on avait respecté le droit de manifestation pacifique, le droit d'association de la population. On a donné, par le projet de loi n° 78, un message assez fort aux policiers que dorénavant ils pouvaient employer la ligne dure et mettre à l'amende.
Maintenant, la mise en oeuvre de ce projet de loi là, elle est beaucoup plus complexe que de donner une amende pour quelqu'un qui s'est retrouvé dans la voie publique, donc j'ai l'impression qu'il y a encore une incertitude. J'ai aussi l'impression qu'on n'a pas mesuré la portée de cette loi-là. Au matin même du dépôt, moi, quand j'ai lu le projet de loi, je vous dirais que je me suis sentie, de façon très étrange, dans un pays qui ne m'appartenait pas, dans une province qui ne m'appartenait pas, et, mon premier réflexe, ça a été de parler à des proches libéraux, dire: Est-ce que vous réalisez la portée de ce que vous faites? Et de me faire dire: Vous savez, nos juristes nous disent que c'est tout à fait constitutionnel.
Bien, là, que 60 profs de droit s'unissent - dont je fais partie aussi - pour décrier le fait que cette loi-là est clairement contre la constitution, qu'après ça 500 juristes marchent dans la rue, puis après ça que l'ONU porte un regard aussi sévère sur ce qui se fait ici, bien, en fait, c'est ce qu'Option nationale propose en ce moment, c'est de dire: Là, mettons un terme à l'application de ce qui amène les casseroles dans la rue, réglons le conflit étudiant et laissons les dispositions actuelles municipales gérer le conflit lorsqu'il y a entrave, par exemple, ou danger pour la sécurité publique. On a le Code criminel, il y a la loi sur les codes municipaux aussi qui suffisent, là.

M. Aussant: Et je voudrais ajouter aussi que les gens qui descendent dans la rue avec des casseroles pour contester cette loi-là, ce ne sont pas les casseurs qui disent: On n'a moins le droit de casser, c'est la population pacifique qui manifestait dans l'ordre public total, qui dit que cette loi-là est inutile et, comme le disait Me McCann, ça infantilise la population. Donc, c'est une loi qui s'attaque aux gens qui n'avaient rien à se reprocher et qui ne change rien dans la vie des casseurs, c'est une loi inutile.

M. Robillard (Alexandre): Compte tenu que, justement, il n'y a pas encore eu d'arrestations qui peuvent être attribuables aux sanctions prévues par la loi n° 78, est-ce que la réaction de l'ONU n'est pas un peu exagérée ou prématurée?

Mme Lapointe: Bien, écoutez, avec 700 arrestations massives dans la nuit du 24 mai, où il n'y avait pas de casseur, les gens qui ont été encerclés n'étaient pas des casseurs, mais je pense que ça soulève des questions très importantes. Et puis, bien, c'est un signal pour le Québec, là: même l'ONU considère qu'on est allé trop loin dans cette loi-là, alors...

M. Khadir: M. Robillard, je vous mentionne qu'il y a deux jours, sur la rue, il y a uniquement deux jours, je pense, si je me trompe pas - le temps passe vite - devant les bureaux où se tenaient les négociations, la police de Québec a invoqué la loi n° 78 pour invalider, pour déclarer illégal l'attroupement et d'arrêter, je ne sais plus, je pense, une soixantaine de personnes, donc ça a été invoqué.

M. Robillard (Alexandre): Dans ce cas-là, comment vous réagissez à Mme Gagnon-Tremblay qui, ce matin, disait que l'ONU devrait s'occuper de sujets plus sérieux, comme d'autres crises dans le monde, plutôt que de perdre son temps avec ce qui se passe au Québec?

Mme Lapointe: Elle est aux Relations internationales?

M. Khadir: Sans commentaire.

M. Aussant: Sans commentaire, effectivement.

M. Laforest (Alain): Sur un autre sujet, j'aimerais vous entendre, Mme Lapointe, là-dessus, sur les attaques d'Anonymous et le fait qu'on ait diffusé hier la vidéo où on voit, entre autres, M. Charest, M. Bouchard à une soirée mondaine au domaine Sagard?

Mme Lapointe: Bien, écoutez, je ne savais pas qu'Anonymous était aussi bien outillé pour aller même à Sagard. Mais je pense que ça a choqué beaucoup toutes les personnes qui ont pu voir... la majorité des personnes qui ont pu voir ça. L'opulence, on se serait cru à la cour de Louis XIV, et de voir, évidemment, de voir le premier ministre du Québec, premièrement - lui, il est en poste - assis à la gauche de Jackie Desmarais avec M. Bush, le père, à la droite de Jackie, écoutez, là, je pense que ça commence à faire... ça dépasse un petit peu les bornes. Voilà. C'est mon opinion.

M. Laforest (Alain): M. Aussant.

M. Aussant: Bien, j'en ai déjà parlé un petit peu avant, ce que je trouve anormal, c'est que le premier ministre soit dans une telle promiscuité avec un citoyen qui a beaucoup d'influence. Que M. Desmarais fasse des réceptions privées chez lui, il a les mêmes droits que tout citoyen, mais que le premier ministre dorme dans un domaine d'un richissime homme qui a un agenda politique assez clair, ça, c'est tout à fait inacceptable. Je pense qu'il devrait y avoir un détachement beaucoup plus sain entre le premier ministre et les intérêts privés comme ceux de M. Desmarais.

M. Khadir: J'aimerais attirer votre attention sur le code d'éthique du ministère du Conseil exécutif, le ministère de M. Charest, qui, dès 2003, non seulement interdit de recevoir, disons, des cadeaux ou des invitations de valeur, d'importance comme celle qu'on a vue sur le vidéo, et demande, donc, de le divulguer, mais en plus demande expressément au détenteur de charge publique, dans son ministère et dans tous les ministères, de s'abstenir, devoir de réserve. Donc, M. Charest a oublié ça, et je trouve vraiment, aujourd'hui, au moment où on se parle... Parce que j'ai encore entendu dire des gens du gouvernement que, considérer le gel des frais de scolarité ou toute autre chose qu'une entente à coût nul, soi-disant nul, ça serait perdre la face. Moi, je pense qu'il est beaucoup plus grave de perdre son honneur en allant faire des courbettes devant les riches et puissants que d'accepter avec sincérité de négocier avec sa jeunesse.

M. Robillard (Alexandre): Est-ce que le premier ministre, il devrait s'expliquer sur ses liens avec la famille Desmarais?

M. Aussant: Il a déjà tenté de le faire en disant que c'était de sa vie privée.

M. Robillard (Alexandre): ...qu'on a vu dans la vidéo, est-ce que ça, ça donne des éléments...

M. Aussant: Il faudrait peut-être...

M. Robillard (Alexandre): ...d'interrogation supplémentaires pour vous?

M. Aussant: Oui, il faudrait peut-être le requestionner sur le contenu de ses discussions et les objectifs de telles réceptions, mais il a déjà tenté de s'expliquer en disant que c'était sa vie privée. Mais, quand on est premier ministre du Québec, oui, on a droit à une certaine vie privée...

M. Khadir: Son code d'éthique...

M. Aussant: ...mais il y a quand même des relations entre personnages et groupes d'intérêt influents et un premier ministre qui doivent rester saines comme relations, et, en ce moment, ça commence à être un peu trop incestueux, à mon avis.

M. Khadir: Son code d'éthique dit, justement, qu'il n'y a pas de vie privée à cet égard-là.

M. Dutrisac (Robert): Mais tous... beaucoup de premiers ministres ont déjà rencontré M. Desmarais, sont déjà allés à Sagard. On pense à Lucien Bouchard...

M. Khadir: Bien, ils sont tous dans le même trouble.

M. Dutrisac (Robert): Je ne sais pas si M. Parizeau, lui, est déjà allé.

Mme Lapointe: Ah mon Dieu! Écoutez, j'ose répondre pour lui, parce que je sais exactement ce qu'il en pense. Oui, il a déjà eu des discussions avec Desmarais, Paul Desmarais, parce que c'était sur la question de Domtar, il y a très longtemps, n'est-ce pas, mais je peux vous dire que nous ne sommes jamais allés à Sagard, et Dieu nous en garde, hein.

M. Aussant: Et c'est normal qu'un premier ministre connaisse et parle à des gens qui ont des entreprises qui fonctionnent et qui sont gigantesques dans l'économie du Québec. Ce qui n'est pas normal, ce sont les relations où on dort chez la personne, puis ça, dans la population, ça laisse vraiment une impression d'un lobby qui a plus d'écoute auprès du premier ministre que la population dans son ensemble. C'est ça qui est anormal. Mais, que le premier ministre rencontre de temps en temps le patronat, tout comme les syndicats ou les étudiants, c'est tout à fait normal, ça.

M. Khadir: Même à la tête... Même avec Françoise David à la tête de l'État, nous allons rencontrer M. Desmarais, mais dans les bureaux du premier ministre... de la première ministre pour lui demander de payer ses impôts, de ne pas organiser d'évasion fiscale, de respecter les lois du Québec, c'est ça qu'on va lui... et on va lui dire qu'il peut faire affaire, il a le droit de faire affaire sur le territoire du Québec, mais il est, comme n'importe quel citoyen, soumis aux mêmes lois.

M. Aussant: Merci beaucoup.

(Fin à 11 h 33)