Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin et de M. Amir Khadir, député de Mercier
Version finale
Le mardi 6 novembre 2012, 13 h 47
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Treize heures quarante-sept minutes)
Mme David: Alors, bien bonjour, tout le monde. Merci d'être là pour ce bref point de presse. Deux sujets principaux, trois peut-être.
Le premier, il va y avoir tout à l'heure une motion présentée par le Parti libéral du Québec, par l'opposition officielle. Cette motion va être appuyée, en fait est présentée, finalement, conjointement avec le Parti québécois et la CAQ. On va vous expliquer pourquoi nous ne donnerons pas notre consentement et quelle motion, nous, nous allons apporter. Notre deuxième sujet, qui sera présenté par Amir Khadir, c'est une réaction à l'annonce faite hier par le ministre de la Santé et qui concerne les groupes de médecine familiale. Et très brièvement nous commenterons aussi la démission du maire Tremblay.
Alors, premier sujet dont nous avons pris connaissance seulement en fin de matinée, le Parti libéral, l'opposition officielle, va présenter une motion. Comme je viens de vous le dire, elle est conjointe, finalement - ça, on vient de l'apprendre - avec le gouvernement du Parti québécois et avec la Coalition avenir Québec et, en substance, ce que dit cette motion, c'est que le Québec est une société démocratique fondée sur la primauté du droit, que l'autorité des tribunaux doit être respectée, que l'Assemblée réitère la confiance en l'intégrité des juges et en l'indépendance des tribunaux. On rappelle que personne n'est au-dessus des lois et qu'on désapprouve les comportements qui visent à encourager le non-respect des lois, etc.
Nous ne donnerons pas notre consentement à cette motion. Alors, deux choses importantes à dire là-dessus. Premièrement, Québec solidaire est un parti politique qui respecte les lois, qui respecte la primauté du droit, qui respecte les tribunaux. Ça, c'est une chose qui doit être très claire. La raison pour laquelle nous ne donnerons pas notre consentement, c'est que de présenter une telle motion à ce moment-ci, entre le jugement de jeudi dernier, un juge qui a reconnu que Gabriel Nadeau-Dubois était coupable d'outrage au tribunal, et la sentence qui sera prononcée ce jeudi, c'est un geste de pure intimidation, c'est une Assemblée nationale qui se mêle de ce qu'elle n'a pas à se mêler, justement, c'est-à-dire un processus judiciaire en cours.
On sait déjà que Gabriel Nadeau-Dubois va aller en appel. On n'a donc pas à se gargariser de telles motions. En fait, c'est une manoeuvre plutôt grossière et qui vise vraiment à poursuivre dans le sens où l'ex-gouvernement libéral nous a habitués, c'est-à-dire une judiciarisation d'un conflit qui était politique et qui devait se régler politiquement. Et, cette manoeuvre nous déplaisant totalement, nous n'y donnerons pas notre consentement. Nous allons plutôt présenter nous-même une motion et... qui va réitérer l'attachement de l'Assemblée nationale au droit d'association et au droit de manifester pacifiquement, et on va continuer d'expliquer les choses et on va affirmer que... l'Assemblée nationale affirme que la... judiciarisation, pardon, n'est pas une solution appropriée à un conflit politique.
Soyons clairs. Nous ne voulons pas nous engager dans le même processus lamentable qu'a été l'affaire Michaud. Ça n'est pas du rôle de l'Assemblée nationale.
M. Khadir: Pour ce qui est de l'annonce de M. Hébert, de mon collègue le Dr Hébert, hier - en fait, dimanche, on est déjà mardi - moi, j'avais accueilli avec un certain intérêt et, je dirais, satisfaction, le fait que le Dr Hébert se soucie de l'accessibilité aux médecins de famille. Trop de Québécois sont sans médecin. Et je m'attendais à une annonce qui soit vraiment, disons, bien ciblée pour répondre à ce besoin-là.
Que ça soit les GMF ou que ça soit les CLSC, bon, on peut diverger d'opinion. Nous, nous croyons, à Québec solidaire, que les CLSC existent... On a payé pour les CLSC, les établissements sont maintenant amortis, on a tout un réseau, à travers le Québec, qui ne demande qu'à être renforcé. Financer en parallèle, un autre réseau, les GMF, c'est une décision peu judicieuse, à notre avis, mais, bon, on peut toujours discuter. Mais d'apprendre que, sur les 70 millions promis, 60 millions vont aller... et c'est là que vraiment, là, des fois, j'apprécie beaucoup la lecture quotidienne de mes journaux. J'ai lu ce matin l'éditorial de Jean-Robert Sansfaçon dans Le Devoir pour apprendre que 60 des 70 millions étaient consacrés uniquement à... en fait, aux cliniques de médecins de familles pour leur permettre d'acquérir... en fait, d'absorber les coûts administratifs reliés à l'acquisition de l'équipement informatique et autres, nécessaires, disons, pour faire le suivi de leurs patients.
Or, c'est déjà inclus dans le coût. Moi, quand je vois un patient... Quand un médecin généraliste voit un patient à la clinique externe de l'hôpital, son paiement à l'acte a un certain barème, mais le barème du même acte, à l'extérieur de l'hôpital, dans des cliniques privées, est majoré, justement pour tenir compte de ça. Donc, comme le dit Jean-Robert Sansfaçon, il ne faut pas se tromper, il s'agit, ni plus ni moins, simplement d'une augmentation de la rémunération, encore, des médecins, et ce n'est pas la solution. Ce n'est pas en augmentant la rémunération des médecins qu'on va régler le problème de l'accessibilité aux médecins de famille dans le réseau de la santé.
Nous, nous pensons qu'il faut vraiment... On n'a pas... Il faut 600 millions de dollars pour permettre à ce que les CLSC soient le réseau qui offre la première ligne à l'ensemble de la population québécoise pour donner tous les services, les services d'urgence, par exemple, sept jours sur sept et, en fait, sur de longues heures étendues durant la journée. Mais, pour ça, on n'a pas d'argent à perdre à le saupoudrer ailleurs.
Mme David: Un exemple concret: Le CLSC de mon quartier, de mon comté, donc le CLSC Rosemont-La Petite-Patrie, il n'y a pas de médecin pour des cliniques sans rendez-vous. C'est là qu'est la priorité.
M. Khadir: Merci beaucoup de votre attention.
M. Journet (Paul): Expliquez-moi votre logique, Mme David. Vous dites que c'est de l'intimidation de faire une motion qui reconnaît la primauté du droit et qui dit que c'est correct, pour les citoyens, de faire valoir leurs droits.
Mme David: Bien, c'est parce que ça ne dit pas seulement ça. Je n'ai pas voulu toute vous la lire, là, mais on parle de réitérer la confiance en l'intégrité des juges, en l'indépendance des tribunaux, que personne n'est au-dessus des lois, ceux qui y contreviennent doivent être sanctionnés.
En fait, pris un par un, ces quatre paragraphes sont parfaitement corrects, et nous y souscrivons. Le problème, c'est: Demandez-vous pourquoi est-ce que le Parti libéral présente une telle motion en ce moment. Y a-t-il quelque part, dans la société, quelque chose qui se passe, de grave, là, et qui fait qu'il faudrait vraiment rappeler aux citoyens que nul n'est au-dessus des lois, que les lois sont importantes, que l'indépendance des tribunaux est importante? Non. On vit un automne calme, tout va bien. Le seul...
M. Journet (Paul): Mais qui intimide-t-il, d'abord?
Mme David: Bien, Gabriel Nadeau-Dubois. Soyons clairs. La seule personne qui est en cause en ce moment, qui est accusée d'outrage au tribunal et dont on connaîtra la sentence jeudi s'appelle Gabriel Nadeau-Dubois. En fait, c'est même à se demander si la loi n° 12 n'a pas été faite seulement pour lui puisqu'elle n'a été appliquée à personne d'autre. Donc, sérieusement, la raison qui nous amène à nous y opposer à cette motion, ce n'est pas le contenu de la motion, c'est la manoeuvre, c'est le moment, et, ça, nous ne pouvons y souscrire. On a mieux à faire.
M. Khadir: Et le rapprochement est assez clair avec l'affaire Michaud et ça me désole de voir que le Parti québécois tombe dans le piège du Parti libéral encore une fois. Ça me désole que le ministre de la Justice, M. St-Arnaud, a accepté d'être conjoint sur cette motion. Nous, on pensait que le Parti québécois allait voir la manoeuvre et ne pas tomber dans le même piège qu'il a tombé il y a maintenant une dizaine d'années, là, lorsqu'on connaît les circonstances dans lesquelles l'Assemblée nationale a, en quelque sorte, a condamné, a cloué au pilori M. Michaud. Et, avec ça, c'est exactement la même intention de la part du Parti libéral, alors nous appelons le Parti québécois à de la prudence.
M. Pétel (Gilles): Ce n'est pas le projet en soi, mais c'est, permettez-moi l'expression, le «timing».
Mme David: Si vous voulez. C'est la manœuvre, et nous la considérons comme assez grossière.
M. Caron (Régys): Croyez-vous qu'il serait nécessaire de donner une assise juridique aux décisions prises par les associations étudiantes réunies en assemblée générale pour éviter la congestion judiciaire ou les affrontements qu'on a connus au printemps?
Mme David: Oui. Nous croyons qu'il serait fort intéressant, et je sais que ce sont les demandes de plusieurs associations étudiantes, il serait fort intéressant que le droit à l'association étudiante soit un droit juridiquement reconnu.
Maintenant, j'ai appris aussi récemment que l'ensemble du mouvement étudiant n'est pas complètement en accord avec ça. Il y a beaucoup de discussions entre eux, donc on va les laisser faire leurs discussions. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est que, pour Québec solidaire, une association étudiante doit être une association reconnue, ses décisions, les décisions prises démocratiquement dans ses assemblées générales doivent être des décisions respectées, et la pire chose qu'on doit faire lorsqu'il y a un conflit avec le mouvement étudiant, c'est de judiciariser ce conflit. On arrive à des aberrations comme celle qu'on voit. On va voir bientôt un engorgement sans précédent des tribunaux, puisqu'il y a plus de 3 000 personnes qui ont été arrêtées, la plupart sous le coup de lois municipales. C'est aberrant. C'est aberrant.
M. Caron (Régys): Croyez-vous, Mme David, que le droit individuel des gens d'assister à leurs cours, qui est invoqué par, bon, exemple, les libéraux, peut être opposé au droit collectif tel qu'exprimé en assemblée générale par un vote majoritaire, dire: On fait la grève, puis les autres... bien, tout le monde doit se rallier. Est-ce qu'on peut aller jusque là, pensez-vous?
Mme David: Si on reconnaît à une assemblée générale le droit démocratique de se réunir et de prendre des décisions, ça veut dire qu'on reconnaît aussi que la minorité doit se rallier à la majorité, comme c'est le cas dans tous les mouvements sociaux. C'est ça la démocratie.
M. Robillard (Alexandre): Je vois que vous avez piqué un coquelicot blanc dans votre coquelicot rouge. Vous ne craignez pas de vous attirer les mêmes foudres que Mme Marois a subies en piquant une fleur de lys dans le sien?
M. Khadir: Quelles foudres? Avez-vous vu une foudre dans le ciel?
M. Robillard (Alexandre): Moi, je vous pose la question. Est-ce que vous n'avez pas peur de...
M. Khadir: Bien, c'est parce que je... C'est quelles foudres? Qui a peur de quoi, là? Ça, regardez, le coquelicot blanc, c'est un mouvement international pour rappeler aux gens...
M. Robillard (Alexandre): Mais il semble qu'on ne peut pas piquer rien dans le coquelicot.
M. Khadir: Bien, voyons, c'est un choix politique, c'est un choix esthétique qu'on fait, de dire: S'il y a mémoire à honorer, c'est la mémoire de tous les gens qui ont perdu la vie, pas juste les soldats. Et surtout nous trouvons indécente et odieuse l'utilisation que font les milieux de la défense, les militaristes, les... ceux qui sont attachés à la guerre, de plus en plus, comme le gouvernement canadien, Harper, avec les milieux de droite, pour utiliser la mort de millions de soldats dont la seule leçon à tirer devrait être d'éviter d'autres guerres et d'éviter d'alimenter la guerre.
Or, on sait très bien que les milieux de droite et le gouvernement conservateur utilisent le coquelicot rouge pour alimenter l'esprit guerrier et d'augmenter les budgets de défense. Alors, pour rappeler que le devoir de mémoire c'est un devoir pacifique, il faut rappeler tous les morts de la Seconde et de la Première Guerre mondiale.
M. Robillard (Alexandre): Mais est-ce que, selon vous, c'était déplacé que Mme Marois mette une fleur...
Mme David: Pas du tout, et ça n'est pas plus déplacé que le coquelicot blanc que nous portons avec le rouge. Et, ma foi, si ça émeut quelques personnes, eh bien, ce n'est pas si grave que ça. Québec solidaire a un peu l'habitude quand même de créer certaines émotions. On est là pour ça. Si, dans le fond, on décidait de seulement faire de la politique pour plaire à tout le monde, je pense qu'on ne devrait même pas exister.
M. Journet (Paul): Sur les étudiants, est-ce que vous croyez qu'il faudrait encadrer la démocratie étudiante? Je comprends que vous voulez, en faveur des étudiants, bon, reconnaître le droit à l'association. Mais, en contrepartie et pour encadrer tout ça, est-ce qu'il ne faudrait pas baliser la démocratie étudiante, par exemple, avec des votes secrets puis avec un minimum de quorum pour mettre de l'ordre là-dedans?
Mme David: Savez-vous quoi? J'ai entendu bien des mouvements sociaux le printemps dernier, que ce soit dans le monde syndical, des groupes écologistes, des groupes de femmes, communautaires, etc., saluer la démocratie étudiante en disant: On a des choses à apprendre d'eux.
Alors, moi, je prends pour acquis qu'elle n'est sans doute pas parfaite la démocratie étudiante, pas plus que celle que je vois ici ou celle qu'on voit dans d'autres mouvements sociaux, mais que l'État n'a pas à s'immiscer, par exemple, pour fixer des quorums. Il ne le fait pas. Personne d'autre. Je ne vois pas pourquoi il le ferait pour les étudiants.
M. Khadir: Bien, d'abord, je voudrais juste ajouter quelque chose à cet encadrement. On est très mal placés, comme gouvernement, comme institution gravement entachée d'irrégularités, de non-respect des lois, notamment les libéraux qui, avant cette motion, pour donner des leçons de démocratie à des étudiants.
Nous savons que nous avons affaire à des gouvernements municipaux, à des gouvernements à la tête du Québec, du Canada, qui contournent les lois allègrement dans le financement de leur parti, et ceux-là voudraient encadrer la démocratie étudiante? Il faut avoir un gène, il faut avoir un minimum de décence. J'appellerais les gens de l'Assemblée nationale que nous nous concentrions à nous encadrer mieux nous-mêmes, à nous encadrer mieux nous-mêmes, aider à respecter mieux les lois et la démocratie nous-mêmes.
Mme Dufresne (Julie): Dans le cas de la ville de Montréal, quel devrait être, à votre avis, le rôle du gouvernement pour la période transitoire qui s'amorce maintenant?
Mme David: En fait, moi, ce que je pense, c'est que ce sont les citoyennes et les citoyens de Montréal qui doivent d'abord et avant tout avoir un rôle et les partis politiques municipaux qui existent à Montréal. Je pense qu'il y a assez de gens dans cette ville pour être... attachés à l'intégrité, à la démocratie, au sens du bien commun pour que cette ville puisse se gérer elle-même d'ici à la prochaine élection municipale qui est dans un an.
Donc, le gouvernement peut garder, et je crois qu'il va le faire, un oeil attentif à ce qui se passe à Montréal, agir en soutien aux forces citoyennes et politiques qui agissent à Montréal, mais ne pas se substituer à ces forces citoyennes et politiques.
Mme Dufresne (Julie): Donc, pas d'interventionnisme?
Mme David: Non.
Le Modérateur: Une dernière en français...
M. Lavallée (Hugo): Et maintenant que Gérald Tremblay est parti, quel message vous avez pour le maire de Mascouche, le maire de Laval?
Mme David: Qu'ils devraient en faire autant et que, dans leur cas, ça presse encore plus.
M. Lavallée (Hugo): Donc, ils doivent démissionner?
Mme David: Oui.
Mme Plante (Caroline): So what is your reaction to Mayor Tremblay's stepping down?
M. Khadir: Well, we think that it was long due. It's one very... very appropriate act, finally, from Mayor Tremblay, instead of denying, denying and always denying. At least, he takes responsibility for the mess, for the discredit.
Now, we hope that we will go a bit further because it's not only Montréal, it's not only Laval, it's not only Mascouche. We have the same circles of frequentation, the same promoters, the same businessmen, the same engineering firms who finance the mayor's party, that are financing the Liberal Party and, in a lesser part, the PQ Party.
And the members of these parties, the responsibles, as Mayor Tremblay, deny, deny any responsibility, deny knowing anything. It's long due that we put an end to this impunity, and people who are at office take responsibility for what is happening under their power.
Mme Plante (Caroline): And what do you think the provincial Government should do during this transition?
Mme David: I think the role of Québec's Government is to support people in Montréal, for example, citizens and political parties to act in Montréal. The provincial Government doesn't have to replace people, he has to support people. We have a lot of people in Montréal, in political parties and in the civil society who can... Gérer, comment on dit ça?
M. Khadir: Manage.
Mme David: Thank you. Who can manage the city of Montréal before the next election, who is in one year. Merci.
M. Khadir: Thank you for your attention.
(Fin à 14 h 3)