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(Onze heures cinquante-huit minutes)
Le Modérateur : Bienvenue à
ce point de presse de Québec solidaire en compagnie de Médecins du Monde
Canada, du Service de référence en périnatalité pour femmes immigrantes de
Québec et de la Clinique SPOT. Prendront la parole, dans l'ordre, Guillaume
Cliche-Rivard, responsable solidaire en matière d'immigration, de francisation
et d'intégration, puis Fernanda Gonzalez, paire aidante et représentante à la
clinique SPOT, Andrea Mataragba-Nguiasset, du service de référence en
périnatalité pour femmes immigrantes du Québec, et enfin Pénélope Boudreault,
infirmière et directrice des opérations nationales et du développement
stratégique chez Médecins du Monde Canada. M. Cliche-Rivard.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Victor. Bonjour, tout le monde. Bonjour à ceux et celles qui nous
accompagnent aujourd'hui. Très heureux d'être avec vous ce matin dans le cadre
d'une conférence de presse sur le dépôt du projet de loi visant à accorder la
RAMQ pour toutes les femmes enceintes. C'est mon premier projet de loi,
d'ailleurs, donc je suis très, très fier de le déposer aujourd'hui.
Alors, en 2024, au Québec, je pense qu'on
s'entend tous et toutes pour dire qu'on doit faire tout ce qui est en notre
pouvoir pour protéger ce qu'on a de plus précieux, nos enfants. Eh bien, pour
protéger nos tout-petits, et puis, disons-le, nos tout-petits à naître, il faut
pouvoir protéger leur mère pendant la grossesse et pendant toute la période de
périnatalité. C'est une question de dignité humaine, c'est une question
d'égalité des chances, c'est une question de santé publique, c'est une question
de prévention. Parce qu'après tout l'enfant, là, dès sa naissance, il sera
couvert, lui, par la RAMQ. C'est d'ailleurs un des bons coups du ministre de la
Santé. Je lui ai répété en période de questions ce matin. Je le lui rappelle
souvent, mais il n'en demeure pas moins que, pendant la grossesse, ni l'enfant
ni sa mère, évidemment, ne seront couverts. Il faut absolument corriger cette
incohérence qui a de lourds impacts sur la vie des femmes et sur toute la
société. J'en appelle donc au gouvernement à appeler notre projet de loi, à
l'étudier rapidement pour qu'on puisse accorder la RAMQ à toutes les femmes
enceintes. Merci beaucoup.
Mme Gonzalez (Fernanda) : Aujourd'hui,
je parle en tant que femme immigrante et pour toutes les autres femmes
immigrantes sans assurance maladie. J'ai vécu beaucoup de difficultés pendant
ma grossesse parce que je n'ai pas accès à l'assurance maladie et parce que les
démarches d'immigration étaient très compliquées. Aujourd'hui, je travaille à
la clinique Spot et aussi comme éducatrice à la petite enfance à la ville de
Québec.
Dans les centaines de femmes sans
assurance santé qui demandent des suivis de grossesse à la Clinique Spot à
Québec, plus de la moitié travaillent en santé, services sociaux, éducation
avec un permis de travail ouvert. Nous ne sommes pas arrivés ici par magie.
Nous ne sommes pas des touristes. Nous sommes des travailleurs, des étudiants,
des conjoints, des mères. La plupart d'entre nous, nous avons été recrutés pour
venir ici. Nous travaillons dans les résidences pour personnes âgées, dans les
garderies, dans les hôpitaux. Nous faisons partie de la population québécoise
et nous participons par notre présence et notre compétence. Nous vivons ici.
Pourquoi on doit payer 200 % des frais pour les soins prénataux puis
sortir de l'accouchement avec une facture à payer de 15000 à 100 000 $? Le fardeau
financier et le stress que nous vivons de ne pas avoir accès aux soins publics,
c'est injuste et ça... et ça nuit à notre santé. Pourtant, accueillir un bébé
devrait être... événement, surtout pour la communauté.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Andrea.
Mme Mataragba-Nguiasset (Andrea) :
Je suis Andrea, j'ai un permis de travail ouvert. J'ai accouché le
18 août 2024. Je n'ai pas eu... je n'ai eu aucun dossier médical pour ma
grossesse au Québec. J'ai eu une seule consultation et une échographie et j'ai
été obligée de travailler jusqu'à la fin de mon accouchement, car je n'ai pas
eu accès à un médecin pour avoir un arrêt de travail. En 2023-2024, le service
de référence en périnatalité pour les femmes immigrantes accueille 59 % de
femmes avec des statuts dits temporaires, versus 35 % en 2022-2023, dont
je suis l'une d'elles. Nous, mamans sans RAMQ, le gouvernement nous refuse le
droit à la santé au motif de l'équité. Pour cela, enceinte, on m'a refusé un
suivi de grossesse. Je n'ai bénéficié d'aucune rencontre prénatale, aucune échographie.
Est-ce équitable pour nos enfants qui sont déjà aussi les vôtres?
Et d'ailleurs, on m'a reçu... on m'a aussi
refusé un soin dans un hôpital de Québec, alors que j'allais pour une
consultation que je devais même payer de mes propres moyens. Cela constitue une
violation du droit à la vie qui est un droit fondamental. L'immigration n'est
pas au-dessus de la loi, car la santé, c'est la vie. Est-ce bien pour nous,
pour les employeurs dont le gouvernement réalise qu'il recrute des humains et
non pas la main-d'œuvre? Parce que ce que j'ai expérimenté personnellement
relève de quelque chose de pas du tout humain. Parce que, si, derrière la
santé, je n'étais pas apte à travailler jusqu'à la veille de mon accouchement,
je n'allais pas être ici, devant vous, aujourd'hui, peu importe mon bébé, parce
que je suis... je l'ai avec moi. Nous clamons, justement, les bravos, les
ovations sur le ministre de la Santé, mais, personnellement, j'ai été frustré
et je suis étonnée au jour d'aujourd'hui de me trouver devant vous pour vous
dire ce que j'ai ressenti en tant que mère. Merci.
Mme Boudreault (Pénélope) : Bonjour.
Médecins du monde est une organisation internationale de santé présente au
Canada et dans plus de 70 pays. En 2011, Médecins du monde a ouvert à
Montréal la seule clinique de la province entièrement dédiée aux personnes
migrantes à statut précaire vivant au Québec sans couverture de santé. Chaque
semaine, nous y accueillons des femmes enceintes migrantes qui ne peuvent pas
accéder à des soins de santé absolument essentiels.
Nos médecins bénévoles, infirmières,
travailleuses sociales sont les témoins directs des conséquences dramatiques de
leur exclusion de la RAMQ sur leur santé et celle de leurs enfants : des
grossesses à haut risque non détectées, des accouchements d'urgence, des
complications évitables pour la mère et l'enfant. Cette exclusion aggrave
également leur précarité et leur isolement. Elles se retrouvent avec de lourdes
dettes qu'elles doivent assumer seules, en plus de subir l'acharnement des
agences de recouvrement. Enfin, des institutions, des organismes et les
professionnels qui accompagnent ces femmes sont également touchés, n'ayant pas
les ressources nécessaires pour répondre adéquatement à leurs besoins. Tout
ceci compromet la qualité des soins et l'accompagnement des cas complexes dans
un système déjà fragilisé.
Cette situation d'exclusion est inhumaine
et inutile. Elle est inacceptable. Et Médecins du monde n'est pas seule à le
penser. En plus... En effet, plus d'une centaine d'organisations et
d'institutions des secteurs de la santé et des services sociaux et de
l'immigration partagent cette même conviction. Parmi elles se retrouvent le
Collège des médecins, l'Association des obstétriciens et gynécologues du
Québec, plusieurs centres hospitaliers universitaires, de nombreux organismes
communautaires. Toutes passent le même message : Il est urgent de garantir
l'accès aux services prénataux pour toutes les femmes enceintes vivant au
Québec, quel que soit leur statut d'immigration.
Malgré ce large consensus social et
médical, des travaux avancés au sein du ministre de... du ministère de la
Santé, auxquels Médecins du monde a contribué, nous constatons en vain, en
2024, que le statu quo persiste. Le ministre nous a annoncé que rien ne sera
fait pour ces femmes. Plutôt que de choisir d'accompagner et de soutenir ces
femmes qui vivent ici, le Québec fait le choix de continuer à les appauvrir, à
les exclure et à les isoler. Médecins du Monde salue le dépôt de la pétition du
Parti libéral du Québec et du projet de loi de Québec solidaire. Nous avons
besoin de solutions concrètes, immédiates pour la santé de toutes les femmes au
Québec, sans exclusion. Merci.
Le Modérateur : Merci, tout
le monde. On va maintenant ouvrir une période de questions.
Journaliste : Oui, je vais
avoir deux questions. Bonjour, Pierre Alexandre, de Radio-Canada. M.
Cliche-Rivard, tantôt, vous avez posé la question au rouge, au ministre Dubé,
on a vu qu'il n'est quand même pas complètement... fermé, c'est-à-dire, qu'est-ce
que... qu'est-ce que ça vous dit?
M. Cliche-Rivard : C'est
un... Vous avez raison de le dire, j'ai senti quand même une ouverture. Puis
moi, je veux envoyer un message d'espoir puis un message constructif
aujourd'hui. Puis je pense que c'est l'esprit de ceux et celles qui y
travaillent, là, à ce dossier-là, depuis plusieurs années. Ceci dit, je veux
quand même dire que le temps presse, malgré tout, là. C'est un dossier qui est
sur la table du ministre depuis un certain temps, en fait, du temps du projet
de loi n° 83, sous l'ancienne législature, quand le... les soins de santé
ont été élargis aux enfants sans égard à leur statut ou à ceux de leurs
parents, il y avait déjà là beaucoup de discussions pour élargir aux femmes
enceintes.
Bon, on est trois ans plus tard.
Évidemment que, là, c'est un jalon important de notre discussion. Mais pendant
ce temps-là, il y a des femmes comme Andrea qui accouchent sans RAMQ, puis il y
a des impacts réels dans la société québécoise. Et le pari qu'on fait, puis
c'est ce que les experts nous disent sur le terrain, puis c'est c'est ce que ça
démontre, c'est qu'on sauverait beaucoup de sous en prévention, avec des
échographies, des suivis de grossesse, puis des suivis serrés médicaux, bien
plus que le risque qu'on a, là, d'avoir une grossesse qui est compliquée, avoir
des complications de dernière urgence puis avoir des situations qu'on aurait pu
prévenir sur le développement de l'enfant qui vont nous coûter très cher en
termes de services sociaux à travers les années. Donc, la... la posture qu'on a
puis que les groupes ont puis que j'ai aussi, c'est que cette question-là,
c'est une question de dignité humaine, c'est une question d'équité, mais c'est
aussi une question d'investissement. Parce que d'élargir la RAMQ aux femmes
enceintes sans égard à leur statut, ça va nous coûter pas mal moins cher que ce
que ça nous coûte par la suite en curatif.
Journaliste : Peut-être une
question pour Andrea si vous acceptez. Peut-être nous expliquer un peu... Vous
arrivez de quel endroit? Quand est-ce que vous êtes arrivée? Puis quand vous
dites: Je suis frustrée puis déçue d'être ici devant nous, là, maintenant,
pourquoi?
Mme Mataragba-Nguiasset
(Andrea) : Personnellement, je suis arrivée au Canada pour offrir un
avenir meilleur à mes enfants. Arrivée enceinte, je n'ai pas eu cette
présence-là de cette humanité. Une femme enceinte, c'est une femme qui est
sensible déjà. Elle est à la merci de beaucoup de choses. Financièrement, pour
moi, qui suis arrivée en moins de quoi, je suis en période de grossesse, j'ai
toqué à pas mal de portes pour qu'on puisse me donner ne serait-ce qu'une seule
consultation. Je n'ai pas eu cette chance.
Journaliste : Merci.
Mme Mataragba-Nguiasset
(Andrea) : Et si aujourd'hui j'ai mon bébé en main... Je sais que tout
le monde n'a pas un cœur qui ne voit que le capitalisme, qui ne voit que le
progrès, ils sont humanitaires, et ces femmes-là qui sont derrière, je leur dis
bravo, c'est tout ce que je peux dire. Parce que si aujourd'hui j'ai mon bébé
en main, c'est par pur miracle. Et tout ce que j'ai dû subir depuis mon arrivée
à aujourd'hui, je ne le ressens plus parce que mon bébé, il est en bonne santé.
Ce pour quoi monsieur était en train de se donner justement ce travail acharné
pour que, vraiment, nous, femmes enceintes, nous femmes sans RAMQ, nos voix
puissent porter autre. C'est tout ce que j'ai à dire.
M. Cliche-Rivard : Je
terminerais aussi... je voudrais juste ajouter aussi un dernier élément avant
votre question. Tu sais, le ministre, dans sa réponse, nous a parlé de tourisme
obstétrique. Quand on a élargi la RAMQ aux enfants sans égard au statut, là, il
n'y a pas eu une explosion soudainement de tourisme médical pour des enfants
sans statut. Donc, la démonstration a été faite que les liens entre élargir la
couverture puis inciter des gens à venir, etc., si ça avait été vrai, ça aurait
été vrai pour les enfants. Donc, avec respect pour le ministre, je ne pense pas
qu'il y a là un vrai argument de fin de recevoir... de fin de non-recevoir. Je
pense qu'au contraire, là, on est capable de se dire qu'en 2024, cette
question-là devrait être réglée puisqu'une femme devrait avoir les suivis
qu'elle a besoin. Puis, dans les faits, ce n'est pas vrai que demain matin, là,
l'ensemble des femmes du monde vont venir accourir au Québec pour recevoir des
services médicaux. Si ça avait été le cas, on l'aurait vu pour les enfants puis
ça n'a pas été le cas.
Journaliste : Yes, so I will just... one question for CTV, Mr. Cliche-Rivard. So,
what's the main... what was the goal in that bill that you proposed today and
why is it so important for you?
M.
Cliche-Rivard :
Well, what we're hoping to accomplish is to... a large access and
give accessibility to RAMQ to every pregnant woman here in Québec without
regards to their immigration status, so without regards to their status. We
think that in 2024, it's a question of fundamental justice and that those women
and those kids to be should receive the proper medical care and services that
they should be entitled to. And while we're not doing so, we're failing to
prevent conditions that could be resolved. And we're very much hoping that Mr.
Dubé will listen to those women and to those people that are fighting for this
cause, and we go a step forward and accomplish that final request, so that
important request we're having is to... being enlarging RAMQ medical services
to every woman.
Journaliste :
And it's a question of stress, I guess,
for a lot of women that are in that situation that could be resolved with that
bill.
M.
Cliche-Rivard :
Well, you heard some testimonies here and you heard how difficult it
was for her to receive medical assistance. There are so many stories about not
getting the echography, not getting the scan that's needed, not receiving or
not being sure as to if she should go to the hospital if she's feeling some
discomfort or some pain. There are issues about women not being ready to go to
the hospital because they will be facing a bill of $10,000, or $15,000, or $20,000.
And it's a question of public safety, becausethose
women are not accessing social services and medical services, and the complications
that will be coming could be far more costly and far more important with
regards to the society's burden than if we're just taking the moment to insure
access and to make sure that we cand do everything in prevention and allow them
to access medical services.
Journaliste : Bien, merci.
Journaliste : J'en aurais une
dernière, si vous permettez. Comment... comment ça coûte, un accouchement au
Québec?
M. Cliche-Rivard : Je ne sais
pas.
Mme Boudreault (Pénélope) : Bonjour.
Journaliste : Bonjour.
Mme Boudreault (Pénélope) : Ça
dépend vraiment, parce que ça dépend si l'accouchement a lieu pendant la
semaine, dans les heures ouvrables, la fin de semaine, est-ce qu'on a besoin
d'avoir une péridurale, des interventions plus complexes, ça fait que...
Une voix : ...
Mme Boudreault (Pénélope) : Césarienne.
Donc, nous, on calcule, là, ça peut passer de 3 000 $ à 10 000 $,
15 000 $, et puis là, si on a besoin d'aller en soins intensifs pour
la femme parce qu'il y a eu des problématiques... Puis si on n'assure pas le
suivi de grossesse pour les femmes, on peut avoir des diabètes de grossesse qui
décompensent, de la pression pendant la grossesse qui décompense, et là on va
juste avoir des frais qui vont être de plus en plus élevés.
Journaliste : Donc, on
emploie entre trois... entre 3 000 $ et 15 000 $ ou plus,
là.
Mme Boudreault (Pénélope) : Ah!
ou vraiment plus, on a des 100 000 $, là. La prévention va nous
coûter beaucoup moins cher que d'attendre. Même pour quelques grossesses où on
va avoir des problématiques, on serait mieux... ce serait plus simple et
beaucoup moins coûteux. D'offrir une couverture à toutes les femmes nous
coûterait moins cher que de réagir pour quelques grossesses qui vont moins...
qui vont moins bien se terminer.
Journaliste : O.K. Puis je
sais que je suis tannant, là, mais en tout cas, en moyenne, là, si vous avez un
chiffre moyen, est-ce qu'il est documenté, ce chiffre-là?
Mme Boudreault (Pénélope) : Entre
3 000 $ et 15 000 $, puis ce n'est pas ce qui coûte pour
une femme qui a une RAMQ comme moi, parce qu'il y a une surcharge de 200 %
pour les femmes qui n'ont pas de RAMQ.
Des voix : ...
Mme Boudreault (Pénélope) : ...dans
la facture. Et...
Une voix : ...
Journaliste : Comment vous
dites?
Une voix : ...
Journaliste : Ah! Oui, O.K.
Mme Boudreault (Pénélope) : C'est
seulement un accouchement, c'est deux jours. Souvent, les femmes vont nous dire
normalement on reste deux jours à l'hôpital après l'accouchement si tout va
bien. Souvent, les femmes vont faire le calcul puis vont dire : Ah! moi,
je vais sortir après une nuit parce que je vais économiser 2 000 $ de
chambre, plus probablement les frais pour le médecin et les frais pour
l'infirmière. Alors, les femmes sont rendues à calculer combien de soirs elles
vont rester à l'hôpital juste pour payer moins.
Journaliste : Merci.
Le Modérateur
: Merci,
tout le monde.
(Fin à 12 h 16
)