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(Douze heures sept minutes)
Le Modérateur : Bonjour, tout
le monde. Bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendront la
parole, dans l'ordre, Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole de Québec solidaire,
Brigitte St-Pierre, Cathy Bouchard et Josée Grenier, toutes trois victimes de
la nouvelle réforme de l'IVAC, et, pour terminer, Ruba Ghazal, porte-parole de
Québec solidaire.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Victor. Bonjour, tout le monde. Alors, aujourd'hui, nous déposons une
pétition de près de 2 000 signatures, demandant au gouvernement du Québec
de mettre place... de mettre en place un mécanisme pour prolonger les
indemnisations de l'IVAC pour des cas particulièrement graves. C'est une
nouvelle mobilisation menée par des victimes pour dénoncer le caractère
arbitraire de la réforme du ministre Jolin-Barrette qui fixe à trois ans le
délai maximum pour recevoir de l'aide. Cette nouvelle mobilisation, évidemment,
s'ajoute aux autres actions de Québec solidaire au front, depuis le jour 1,
dans ce dossier.
Comme vous pourrez l'entendre aujourd'hui,
ce délai est bien trop court pour certaines personnes vivant avec des séquelles
importantes. Ce délai replonge ces dernières dans l'insécurité, dans l'incertitude,
dans le stress. Ce délai ralentit, voire mine leur cheminement et leur
rétablissement. Ce délai doit être revu par le ministre qui doit se doter d'un
mécanisme pour les cas les plus graves.
Aujourd'hui, nous voulons donner aux
femmes victimes la chance de se faire entendre, encore une fois, parce qu'elles
sont celles qui vivent au quotidien les réformes et les conséquences de cette
réforme de l'IVAC à tous les jours. Je peux vous garantir que vous ne resterez
pas insensibles ou indemnes face à leurs témoignages. Alors, sans plus tarder,
mesdames, je vous laisse la parole pour que vous nous expliquiez ce que vous
vivez au quotidien, à la suite de la réforme du ministre Jolin-Barrette.
Mme St-Pierre (Brigitte) : Bonjour.
Je suis mère de quatre enfants, survivante de violence conjugale. Maintenant,
je vis avec les séquelles du passé. Chaque jour, je suis ici, chaque jour est
pour moi un combat face à un avenir incertain. Aujourd'hui, je suis ici pour
vous parler de l'histoire de deux femmes. J'ai changé les noms pour l'anonymat.
Voici Anna, 49 ans, mère de cinq enfants, dont deux encore à sa charge, a
subi, pendant neuf ans, des violences de la part de son ex-conjoint.
Professionnelle de la santé pendant 20 ans, elle est aujourd'hui inapte au
travail, revit des événements traumatiques, des crises de panique qui limitent
ses perspectives d'emploi. Les violences vécues sont multiples :
agressions physiques, sexuelles, psychologiques, menaces de mort, d'enlèvement,
contrôle financier, isolement, et la violence de trop, l'agression sexuelle de
sa fille cadette. L'aide financière de l'IVAC prendra fin en juin 2025 puisqu'elle
a atteint le maximum de trois ans, laissant Anna et ses enfants dans une
situation précaire. Anna n'arrive pas à couvrir les besoins de base pour elle
et sa famille.
Et Marie, 44 ans, mère de deux jeunes
enfants, a quitté une relation violente qui durait depuis 17 ans.
Auparavant, elle travaillait dans le domaine de la gestion d'entreprise. L'IVAC
arrête l'aide financière en mai 2025 puisqu'elle a atteint le maximum de trois
ans. L'agresseur, son ex-conjoint, sortira bientôt de prison malgré que... une
séquestration de trois jours, marquée par des violences physiques et sexuelles,
l'enlèvement de son fils, intrusion de domicile, des menaces de mort. Marie vit
avec un stress post-traumatique, une hypervigilance, et a un isolement, une
incapacité de maintenir un emploi, dû aux séquelles. Son état émotionnel,
terreur profonde face à la sortie prochaine de l'agresseur, angoisse pour la
sécurité de ses enfants, anxiété financière. Marie ne sait pas comment elle va
assurer les besoins essentiels pour sa famille déjà vulnérable. Nous avons
besoin d'un soutien plus humain, plus efficace, qui reconnaît pleinement les
réalités des victimes. Merci.
Mme Bouchard (Cathy) : Bonjour,
je me présente. Mon nom, c'est Cathy... une victime de la... je suis victime de
la nouvelle réforme de l'IVAC. Je fais partie de celles qui ont été coupées
après trois ans de prestations de l'IVAC. Depuis le mois de janvier, je suis
sans aucun revenu. Je fais aussi partie de celles qui ont vu les factures s'accumuler
jusqu'à recevoir des avis de coupures de services, télévision, téléphone,
assurance de voiture et les factures d'électricité. Même mon logement, j'étais
incapable de le payer. Donc, je ne pouvais pas rejoindre les deux bouts.
La réalité, c'est que mon stress a
augmenté, mon isolement s'est renforcé. Sachez qu'on m'a gardée enfermée
pendant plus de huit ans, donc, pour moi, la seule pensée de devoir aller
quelque part de jour, cela m'est totalement difficile. Je dois me médicamenter
au moins une heure avant de sortir, et ça, c'est si je réussis à sortir.
Souvent, c'est impossible.
Toute cette loi me dit que c'est...
qu'après trois ans je suis guérie et prête à retourner travailler, mais c'est
faux. Je ne suis pas guérie automatiquement après trois ans ni aucune victime.
J'en suis la preuve et je ne suis pas une exception. Je ne me sens pas encore
capable d'affronter la société au quotidien. Pourtant, je travaillais en santé
mentale. Mon hypervigilance me met dans un état de peur constante. Inutile de
vous dire que je vis encore beaucoup de détresse, et ce, même plusieurs années
après les événements.
M. Jolin-Barrette, je vous demande de
reconnaître la souffrance que nous vivons encore, nous, les victimes d'actes
criminels, et d'accepter d'intégrer un mécanisme supplémentaire qui pourrait
prolonger les prestations de l'IVAC après trois ans. Merci.
Mme Grenier (Josée) : Alors,
bonjour. Je suis Josée Grenier et, présentement, dans mon cas, la nouvelle
réforme Déshabille Pierre pour habiller Paul, c'est comme ça que je le dis. En
septembre 2021, j'ai fait ma demande d'indemnisation à l'IVAC. Trois ans plus
tard, en août 2024, eh bien, c'est enfin le procès de mon agresseur. Et là on
parle d'août 2024, alors ça a pris trois ans avant que j'aie le procès. Le mois
suivant, en septembre 2024, si on suit l'histoire, ça fait trois ans que j'ai
été indemnisée, alors j'apprends que mes indemnisations sont terminées. Je
venais de sortir, en fait, d'un stress très important et là on m'en insère un
autre qui l'insécurité financière, et je suis toujours en incapacité totale
temporaire. Et si vous le voyez, bien que je peux m'exprimer, un stress
post-traumatique fait réagir notre corps d'une façon qu'on ne peut pas prévoir.
On est déjà en stress, et ça monte d'un cran, notre corps réagit. Ce n'est pas
seulement psychologique.
Alors, dans mon cas, après, on attend la
compensation des montants forfaitaires. Mais, pour ce fait, eh bien,
entre-temps, il n'y a rien de prévu. Alors, je tombe entre deux chaises. Et
imaginez-vous, j'ai trop d'argent, j'ai trop d'économies, en fait, pour avoir
droit à l'aide sociale qui, de toute façon, ne viendrait pas combler mes
besoins financiers. Alors, je suis en train de m'appauvrir. Il faut quand même
s'en apercevoir, je suis entre deux chaises et je ne suis sûrement pas la
seule.
Alors, présentement, en étant, évidemment,
encore en incapacité totale temporaire, médicale d'un point de vue emploi,
j'attends toujours la compensation. Je vide mon compte de banque et puis
j'attends. Alors, je peux vous dire que ça en met sur le tas, sur les
symptômes. Maintenant, pour conclure, j'aimerais vous dire ce que j'en pense de
la nouvelle réforme présentement, et c'est très important. Avec la nouvelle
réforme de l'IVAC, présentement, il y a deux sentences, il y a une sentence
pour les criminels qui est selon les crimes qui sont commis, évidemment, mais
il y a une sentence aussi pour les victimes, et celle-là est d'un maximum de
trois ans sans conditionnelle. Merci beaucoup.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, mesdames. Merci Brigitte, Cathy, Josée, pour vos témoignages. Merci
aussi pour votre courage. Je le vois, je le sens, ça prend énormément,
énormément de courage de venir ici témoigner, à l'Assemblée nationale. Puis je
vous remercie aussi au nom de toutes les femmes qui sont victimes puis qui
voient leurs indemnisations être coupées, mais qui ont peur de parler, qui
n'osent pas parce qu'elles ont toujours peur de leur agresseur. Puis là elles
se trouvent dans une précarisation sans précédent. Vous avez raison quand vous
dites : C'est une autre sentence pour les victimes. Cette réforme-là de
Simon Jolin-Barrette est totalement, totalement injuste, même si on reconnaît
qu'au départ il avait des bonnes intentions. Il passe son temps à répéter, à
dire : On veut élargir plus, mais ce n'est pas une raison pour qu'après ça
vous pénalisiez des femmes qui vont vivre dans une précarisation financière,
qui vont être revictimisées dans leur situation. Je veux dire, on n'a pas
besoin de plus de preuves, vous le démontrez, tous les témoignages aussi,
d'autres victimes à la télévision l'ont démontré : Trois ans, ce n'est pas
suffisant. Des fois, trois ans plus tard, après avoir été indemnisé, il y a un
procès, donc, il y a un autre processus de revictimisation qui fait que les
victimes ne peuvent pas retourner travailler.
Je veux remercier aussi Guillaume qui,
depuis un an, est sur ce sujet-là. Il y a une pétition de près de
2 000 signatures. Merci de l'avoir portée. Ce n'est pas la première.
C'est une autre chance qu'on donne à Simon Jolin-Barrette pour revoir sa
réforme. C'est quelqu'un aussi qui se targue d'être un réformateur féministe
et, je le reconnais, on le reconnaît, qui a fait des avancées pour les femmes.
Moi, je me rappellerai toujours du jour où Simon Jolin-Barrette était en
pleurs, pleurait quand il y a eu la création du tribunal spécialisé pour les
victimes de violence sexuelle. C'était un moment émouvant. Je pense
qu'aujourd'hui il se questionne. Peut-être, c'est difficile de reculer quand on
a fait quelque chose, mais je pense que ce serait tout en son honneur de vous
écouter, vous, mesdames, d'écouter toutes les victimes et de reculer face à
cette réforme qui est totalement injuste.
C'est un enjeu féministe, 80 % des
victimes sont des femmes et qui reçoivent les indemnisations de l'IVAC. Donc,
ça serait une avancée vraiment incroyable et un respect pour vos histoires puis
ce que vous vivez en ce moment. Merci beaucoup.
Le Modérateur : Merci, merci,
tout le monde. J'ouvrirais une rapide période de questions ou sinon on peut
tout de suite aller aux entrevues individuelles. Excellent. Merci, tout le
monde.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Mme Ghazal : Merci.
(Fin à 12 h 19)