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Privilèges collectifs

Terme(s) anglais :
Collective privileges

Définition

Droits et avantages restreints attribués à l'Assemblée en tant qu'entité formée de l'ensemble de ses membres afin d'assurer le bon fonctionnement de ses travaux, par opposition aux privilèges individuels de ses membres.

Les différents privilèges collectifs

Selon la classification de Joseph Maingot, les principaux privilèges conférés collectivement aux membres d'une assemblée législative sont :

• le pouvoir de réprimer l'outrage;

• le droit de prescrire leur propre constitution;

• le droit de réglementer leurs affaires internes à l'abri de toute ingérence, ce qui inclut le droit de prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres, le droit d'enquêter, le droit de convoquer des témoins et le droit d'établir leur propre code de procédure1.

Le préambule de la Loi sur l'Assemblée nationale énonce la raison d'être des privilèges collectifs accordés aux assemblées législatives : « il convient [...] d'affirmer la pérennité, la souveraineté et l'indépendance de l'Assemblée nationale et de protéger ses travaux contre toute ingérence »2.

Le pouvoir de légiférer en matière de privilège parlementaire

Les assemblées législatives provinciales de type britannique comme l'Assemblée nationale jouissent de façon inhérente, et ce, dès leur création, des privilèges parlementaires nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Ces privilèges inhérents ont un statut constitutionnel en vertu du préambule de la Loi constitutionnelle de 18673. En 1896, le Comité judiciaire du Conseil privé a reconnu, dans l'arrêt Fielding c. Thomas4, le pouvoir des législatures coloniales et le pouvoir des législatures provinciales de légiférer en matière de privilège parlementaire.

S'il est établi que le Parlement et les législatures peuvent légiférer en matière de privilège parlementaire, ils sont également les seuls à pouvoir les abroger ou les circonscrire. L'abrogation d'un privilège de l'Assemblée ou de ses membres nécessite une disposition expresse inscrite dans une loi. Cependant, le pouvoir d'abroger un privilège s'étend plus difficilement aux privilèges constitutionnels inhérents.

C'est en vertu de son pouvoir de légiférer en matière de privilège parlementaire que le Parlement du Québec a codifié certains droits et privilèges dans la Loi sur l'Assemblée nationale, comme nous le verrons plus loin. Il s'agit pour la plupart de privilèges nécessaires à l'exercice des fonctions parlementaires déjà détenus par l'Assemblée de façon inhérente.

Ce pouvoir détenu par les assemblées législatives ne peut toutefois être exercé qu'à l'égard des sujets qui relèvent de la compétence constitutionnelle du Parlement. Les législatures provinciales doivent se limiter aux sujets que leur attribue la Constitution et sur lesquels elles détiennent l'autorité législative.

Le pouvoir de régir ses affaires internes sans ingérence extérieure

Le droit de réglementer les affaires internes sans ingérence extérieure est une catégorie de privilèges collectifs ayant une portée très large. Celle-ci comprend les privilèges collectifs suivants :

• le droit de prendre des sanctions disciplinaires contre les députés;

• le droit de délibérer et d'interroger des témoins à huis clos;

• le droit de contrôler la publication des débats;

• le droit d'appliquer les lois relatives à la procédure interne;

• le droit d'administrer ses propres affaires dans son enceinte et à l'extérieur de la salle des débats;

• le droit d'établir son propre code de procédure;

• le droit de faire amener des personnes en détention.

Le pouvoir de régir ses affaires internes sans ingérence extérieure est codifié aux articles 9 et 42 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Ces dispositions prévoient respectivement que l'Assemblée « établit les règles de sa procédure et est seule compétente pour les faire observer » et « a le pouvoir de protéger ses travaux contre toute ingérence ».

Le principal effet de ce privilège est de permettre à l'Assemblée de régir de façon exclusive presque tout ce qui se passe dans ses murs, et ce, à l'abri de toute intervention judiciaire. Les tribunaux peuvent par ailleurs déterminer si le privilège invoqué est nécessaire au fonctionnement de l'Assemblée. La sphère d'intervention des tribunaux couvre donc l'étendue d'un privilège et non son exercice.

Le droit de réglementer les affaires internes sans ingérence extérieure fait en sorte que les tribunaux ne peuvent généralement pas intervenir dans les délibérations d'une assemblée législative même si cette dernière ne se conforme pas à ses propres règles de procédure.

Le pouvoir de réprimer l'outrage

Les assemblées législatives de type britannique possèdent le pouvoir de réprimer l'outrage au Parlement. En plus du droit de punir la violation de ses privilèges et ceux de ses membres, l'Assemblée dispose du droit de sanctionner des actes ou des omissions qui, sans être des violations d'un privilège parlementaire reconnu, ont pour effet d'entraver ses travaux ou de porter atteinte à son autorité ou à sa dignité.

En vertu de son pouvoir de légiférer en matière de privilège parlementaire, l'Assemblée a codifié à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale une liste de situations pouvant constituer une atteinte aux droits de l'Assemblée ou, en d'autres mots, une série d'actes ou d'omissions pouvant constituer un outrage au Parlement.

Le pouvoir d'enquêter, d'exiger la comparution de témoins et d'ordonner la production de documents

Le pouvoir de faire enquête, incluant le pouvoir d'exiger la comparution de témoins et la production de documents, est prévu à l'article 10 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Selon cette disposition, l'Assemblée peut constituer des commissions chargées d'examiner toute question relevant de la compétence qu'elle leur attribue et d'exécuter tout mandat qu'elle leur confie. L'article 55 renferme quant à lui un pouvoir de contrainte qui permet à l'Assemblée ou à une commission d'assigner ou de contraindre toute personne à comparaître devant elle.

Le pouvoir de faire prêter serment

L'Assemblée nationale a le pouvoir de faire prêter serment aux personnes qui témoignent devant elle ou devant une commission parlementaire. L'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale prévoit la possibilité de faire prêter serment aux témoins à la demande du président ou d'un membre. L'article 53 accorde une immunité aux personnes qui témoignent devant l'Assemblée ou une commission. Dans l'état actuel du droit, cette immunité ne s'applique cependant pas à tous, un tribunal ayant jugé que seuls les témoins ayant prêté serment en bénéficiaient.

Le fait de rendre un faux témoignage constitue une atteinte aux droits de l'Assemblée au sens de l'article 55.

Pour citer cet article

« Privilèges collectifs », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 29 octobre 2015.

Faites-nous part de vos commentaires à : encyclopedie@assnat.qc.ca

Pour en savoir plus

Bonsaint, Michel (dir.). La procédure parlementaire du Québec, 3e éd., Québec, Assemblée nationale, 2012, p. 86-105.

Notes

1 

Joseph Maingot, Le privilège parlementaire au Canada, 2e éd., Montréal-Toronto, McGill-Queen's, 1997, p. 15.

2 

RLRQ., c. A-23.1.

3 

30 & 31 Victoria, c. 3 (R.-U.) (reproduite dans L.R.C. (1985), app. II, no 5).

4 

Fielding c. Thomas, [1896] A.C. 600 (P.C.).