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(Treize heures dix-sept minutes)
Le Modérateur : Bonjour. Bienvenue
à cette conférence de presse du Commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil,
sur son rapport concernant l'intégration à la nation québécoise. M. Dubreuil,
je vous laisse la parole.
M. Dubreuil (Benoît) : Alors,
bonjour à tous. Je suis accompagné aujourd'hui d'Éric Poirier, commissaire
adjoint, et de Rodolphe Parent, professionnel de recherche.
Alors, aujourd'hui, on a déposé le rapport
Intégration à la nation québécoise : De la rencontre à l'adhésion.
C'est un rapport qui donne suite à l'adoption en mai dernier de la Loi sur l'intégration
à la nation québécoise. Cette loi établit pour la première fois les paramètres
d'un modèle québécois d'intégration et oblige la ministre de la Langue
française à déposer au gouvernement, dans les 18 mois, une politique
nationale sur l'intégration à la nation québécoise et à la culture commune. Le
rapport d'aujourd'hui présente les éléments qui, selon nous, devraient figurer
dans cette politique dans le but de renforcer durablement la langue et la
culture communes. Le rapport s'appuie sur deux études complémentaires que nous
avons publiées lundi et qui portent respectivement sur les représentations
linguistiques et identitaires des jeunes issus de l'immigration ainsi que sur
la mixité dans les milieux de vie, le travail et d'études.
Alors, la première partie du rapport
présente l'enjeu auquel la politique doit répondre. Donc, cet enjeu, il est
simple, c'est que l'analyse des données linguistiques indique que l'usage du
français demeure beaucoup plus faible parmi les personnes issues de l'immigration,
y compris parmi les personnes de deuxième génération qui ont grandi au Québec
et qui maîtrisent très bien le français. Cette situation, elle s'explique,
selon nous, par des mécanismes qui sont à l'œuvre dans les milieux scolaires,
professionnels et associatifs. Les études montrent par exemple que, dans les
écoles secondaires, les jeunes ont tendance à se regrouper selon qu'ils sont
issus ou non de l'immigration. C'est une situation qui favorise l'apparition de
préjugés et de stéréotypes de part et d'autre et qui alimente la construction d'une
frontière symbolique entre les immigrants et les Québécois. C'est un enjeu qui
n'est pas propre au Québec. Au contraire, on l'observe dans les autres sociétés
qui ont reçu une immigration importante. Cependant, en raison de la concurrence
de l'anglais, il est associé ici à un usage plus faible de la langue commune
dans les sphères sociale, professionnelle et culturelle.
Par ailleurs, notre analyse de la
concentration de l'immigration sur le plan résidentiel, professionnel et
scolaire nous suggère que les tendances observées pourraient s'amplifier au
cours des prochaines décennies. En effet, dans plusieurs milieux de vie, de
travail ou d'études, une part non négligeable de la population immigrante est
peu exposée, peu en contact avec les francophones qui ne sont pas issus de l'immigration.
Dans les écoles, la proportion d'élèves issus de l'immigration a atteint dans
les régions de Montréal et de Laval une proportion qui complique l'organisation
de rencontres avec des élèves qui ne sont pas issus de l'immigration. Dans le 450,
tout comme dans les régions de Gatineau ou de Québec, on observe aujourd'hui
une diversité supérieure à celle que l'on observait à Montréal il y a 20 ans,
sans pourtant qu'on ait adopté de stratégie pour s'assurer de l'adhésion à la langue
et à la culture commune.
Pour surmonter ces défis, le gouvernement
du Québec compte sur des programmes qui, au fil du temps, ont financé plusieurs
projets et initiatives porteurs. Cependant, ces programmes n'ont pas suffi à
transformer les relations sociales à une échelle... à l'échelle qui aurait été
nécessaire. Donc, selon le cas, les initiatives ont une portée trop limitée,
mobilisent insuffisamment les acteurs locaux ou peinent à s'institutionnaliser.
Dans la seconde partie du rapport, nous
soutenons que la politique sur l'intégration doit mettre de l'avant trois
objectifs : faire de l'intégration une priorité pour tous les acteurs,
accroître la mixité dans les milieux de vie, mieux encadrer les contacts
interculturels. Nous proposons ensuite cinq orientations dans le but de
mobiliser l'ensemble de la société québécoise en faveur de l'intégration. La
clé de voûte de la politique serait la création d'un parcours d'intégration
ancré localement et centré sur la participation sociale en français. Pour en
assurer le succès, le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de
l'Intégration devrait non seulement mieux répartir les résidents non permanents
sur le territoire, mais aussi confier aux gouvernements locaux la
responsabilité de lui recommander les candidats à admettre à l'immigration
économique.
Il faut reconnaître et consolider le rôle
des MRC et des villes MRC en matière d'intégration. Il faut leur donner les
leviers dont elles ont besoin pour mobiliser l'ensemble des acteurs. Les quatre
orientations suivantes visent à mobiliser les principaux milieux qui
participent d'une manière ou d'une autre à la socialisation des immigrants et
des non-immigrants. Les municipalités, les écoles, les collèges et les
universités, puis les employeurs. Dans chaque cas, le gouvernement doit
s'assurer d'une prise en charge institutionnelle de l'enjeu de l'intégration,
que ce soit dans la planification stratégique ou dans les politiques et
directives institutionnelles.
Dans les écoles, les collèges et les universités,
dans les entreprises, dans les activités de sport, de culture et de loisirs, il
faut accroître les espaces de contact entre les immigrants et les
non-immigrants. Il faut le faire en généralisant les jumelages linguistiques,
les jumelages interculturels et les maillages entre les organisations qui
comptent peu d'immigrants et celles qui en comptent beaucoup.
Il faut aussi réunir les conditions
gagnantes pour que les contacts soient positifs, c'est-à-dire qu'il faut que
les Québécois de différentes origines apprennent à se connaître dans des
contextes qui sont marqués par l'égalité, par la réciprocité et la
collaboration. Surtout, il faut cesser d'appuyer ou de s'appuyer sur des
projets à portée limitée. L'heure n'est plus aux petits projets pilotes, aux
financements incertains. Nous savons ce qui fonctionne, le défi est de le
mettre à l'échelle en transformant les façons de faire dans les principales
institutions de la société québécoise.
Alors, la politique d'intégration doit
accélérer la création de liens sociaux significatifs en français entre
Québécois de différentes origines. Et c'est seulement de cette manière que nous
parviendrons à faire du français une langue d'adhésion à la culture commune. Je
vous remercie, je suis disponible pour vos questions.
Le Modérateur
: Merci,
M. Dubreuil. On va commencer la période des questions avec Caroline Plante, La
Presse canadienne.
Journaliste : Bonjour, M.
Dubreuil. En breffage technique, vous nous avez parlé de l'expression «Québs».
Est-ce que vous demandez aux jeunes de ne pas utiliser cette expression-là?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui,
je ne pense pas que ce serait très utile de dire aux jeunes quels mots utilisés
ou quels mots ne pas utiliser, mais je pense que c'est un mot que moi-même
j'utilise parfois juste pour... pour rigoler, puis aussi pour dédramatiser les
choses. C'est normal. Je veux dire dans un milieu qui est diversifié, qu'il y a
des étiquettes qui apparaissent. La manière, si on veut s'assurer justement que
ça ne prenne pas une connotation trop négative, ou que ça ne devienne pas trop
négatif, c'est de s'assurer que les jeunes, justement, «Québ» ou pas «Québ» si
vous voulez, puissent passer du temps de qualité ensemble pour apprendre à se
connaître. C'est ça la manière de réagir quand on voit que dans un milieu, je
vous donne un exemple, dans une école, on dit : «Il y a des immigrants
d'un bord, puis il y a les Québ de l'autre», ce qu'il faut ce n'est pas aller
dire... voir les jeunes puis dire : «Arrêtez de parler comme ça». Ce qu'il
faut, c'est trouver une activité intéressante où des jeunes ensemble vont
interagir à faire quelque chose de plaisant. Puis là, la frontière symbolique,
bien, elle va perdre un peu de sa pertinence parce qu'ils vont se rendre compte
qu'ils ont du plaisir ensemble.
Journaliste : Vous nous avez
parlé aussi d'une mesure qui a été coupée, en tout cas, le financement a été
coupé, là, 700 000 $. Je ne sais pas si c'est la mesure favorisant
l'intégration et la réussite des immigrants. En tout cas, cette mesure-là,
si... c'est bien la bonne, a été coupée. Est-ce que vous avez pu mesurer cette
année l'impact de ça?
M. Dubreuil (Benoît) : Non,
mais en fait, on parle de la mesure, je pense que c'est 15054...
Une voix : C'est 15053.
M. Dubreuil (Benoît) : ...53?
OK, donc ils finançaient notamment les jumelages interculturels...
Journaliste : Donc... ce
n'est pas du ministère de l'Éducation, là...
M. Dubreuil (Benoît) : Oui,
c'est un...
Journaliste
: ...oui?
OK.
M. Dubreuil (Benoît) :
...c'est une mesure de financement pour les centres de services scolaires, qui
servait notamment à financer des activités de rapprochement interculturel.
Donc, le ministère, à travers les... au cours des années, a financé beaucoup de
projets qui sont extrêmement porteurs dans les écoles. Puis il y a des
initiatives qui sont très, très, très inspirantes, qui sont portées par des
professeurs dévoués. L'enjeu, c'est qu'on ne peut pas fonctionner à coup de
mesures de 700 000 $ qui va atteindre quelques centaines ou au mieux
quelques milliers d'élèves. On est plus là. Il faut que ça devienne la manière
habituelle de faire les choses dans les écoles. Il faut que ça fasse partie de
la façon de base de travailler. Il faut que ce soit la priorité puis qu'on
fasse ça, pas que ce soit des projets pilotes qu'on ajoute toujours. On n'est
plus à l'ère des projets pilotes. Sur des rapprochements interculturels, des
projets pilotes à l'échelle internationale, vous en avez des milliers. Il y a
des centaines puis il y a des milliers d'études qui montrent qu'est-ce qui
fonctionne mieux, qu'est-ce qui fonctionne moins bien. On n'est plus là. Il
faut généraliser les choses.
Journaliste : J'en aurais
juste une dernière. Quand vous parlez d'un parcours d'intégration obligatoire,
d'habitude obligatoire, on peut penser qu'il y a des sanctions ou des
conséquences si on ne le fait pas, là, est-ce que ce qu'il y aurait des conséquences
si la personne ne fait pas ce parcours d'intégration?
M. Dubreuil (Benoît) : Dans
le cas qui nous intéresse, on... c'est pour la sélection à l'immigration
économique. Donc, maintenant, les gens qui sont sélectionnés à l'immigration
économique, pour l'essentiel, c'est des gens qui sont déjà au Québec depuis un
certain nombre d'années, donc, ça serait la condition pour être sélectionnée à
l'immigration économique, donc, ça serait ça, la conséquence. Et, c'est vrai,
certains vont dire : Mais ça rajoute une exigence sur le dos du nouvel
arrivant. Mais j'attire votre attention sur une chose, c'est que si ça devient
une exigence pour le nouvel... le nouvel arrivant, ça va modifier les
comportements des employeurs et ça va modifier les comportements des
établissements d'enseignement.
En ce moment, ceux qui font venir au
Québec les futurs candidats à l'immigration économique, ce sont les employeurs
et ce sont des établissements d'enseignement, principalement. L'idée, c'est que
ces gens-là, quand ils vont chercher un candidat à l'étranger, ils décident de
l'accueillir dans leur entreprise ou dans leur établissement d'enseignement,
ils lui disent, bien, tu peux venir chez nous et on va bien te préparer pour la
résidence permanente. On va bien te préparer parce qu'on va te trouver des
activités sociales qui vont te permettre de dire que tu as fait ton parcours.
On va bien te préparer parce qu'on a un programme, par exemple, coop avec des
entreprises de la région qui vont te permettre de dire... de décrocher un bon
emploi dans la région. Donc, ensuite, quand on va se tourner vers la
municipalité pour demander de recommander ton dossier, la municipalité va être
d'accord parce que tu vas être implanté localement. Donc, l'idée, c'est de
donner un levier aussi aux municipalités à l'endroit des employeurs et des
établissements d'enseignement.
Journaliste : Avant qu'on
passe à la prochaine question, je voulais juste une précision parce que ma
collègue parlait de la mesure de soutien à l'intégration et à la réussite des
élèves immigrants, je vois que dans un document du ministère de l'Éducation, on
parle de la mesure 15.0.53, donc, je comprends que vous parliez de la même
chose, là...
Journaliste : Oui, c'est la
même?
M. Parent (Rodolphe) : C'est...
elle est encore dans certains documents, effectivement, mais il nous a été
confirmé par ministère qu'elle a été supprimée en toute fin d'année dernière.
Une voix : Le
700 000 $...
Le Modérateur
: C'est
ça, je pense qu'il y avait des articles qui avaient été... OK. Pour la suite,
on va... à moins que Caroline ait une autre question là-dessus, on va passer à
Sébastien Desrosiers, Radio-Canada.
Journaliste : Accroître la
mixité dans les écoles, par exemple, je pense que la plupart des gens en sont,
là, mais comment? Je... On dirait que, concrètement, je n'arrive pas à
comprendre comment ça se réaliserait, ce que vous proposez.
M. Dubreuil (Benoît) : Il y a
trois types d'écoles au Québec. Il y a des écoles où presque tous les élèves
sont issus de l'immigration. C'est Montréal, c'est Laval. Il y a des écoles où
presque tous les élèves ne sont pas issus de l'immigration. C'est les régions
en dehors des grands centres. Puis il y a des élèves où il y a beaucoup de
mixité. C'est Québec, c'est Gatineau, c'est la couronne de Montréal. Selon
l'endroit où vous vous trouvez, ce n'est pas la même stratégie. Si vous êtes
dans un endroit qui a beaucoup de mixité, déjà, vous pouvez le faire à travers
le parascolaire, vous pouvez réviser votre offre de programmes particuliers,
OK, puis vous pouvez... vous devez faire une analyse, en fait, de ce qui se
passe dans votre... dans votre milieu. À Québec, par exemple, on a des processus
de segmentation, même chose à Gatineau, où, par exemple, les élèves issus de
l'immigration vont aller plus dans certains programmes, ceux qui ne le sont pas
vont aller plus dans d'autres programmes. Donc, comment on agit dans un cas
comme celui-là? Est-ce qu'on peut modifier notre façon de penser l'offre de
projets particuliers pour avoir des programmes qui vont être plus mixtes? Si on
n'est pas capable, est-ce qu'on est capable de mobiliser le parascolaire?
Est-ce qu'on est capable de mobiliser les cours d'éducation physique, par
exemple? Donc, il y a comme une réflexion à faire. Le défi... là, je vous vois
venir, vous allez me dire : Mais qu'est-ce qu'on fait à Montréal?
Ou : Qu'est-ce qu'on fait quand on est dans le Bas-Saint-Laurent? Bien là,
évidemment, c'est sûr que ça limite les possibilités d'action quand on est dans
ces deux cas, dans ces deux cas-là, alors moi, ce qu'on fait, c'est on revient
avec une proposition qu'on avait déjà faite, de dire : il faut avoir des
jumelages entre écoles de milieux différents pour mettre en relation,
justement, les jeunes, notamment de Montréal, qui viennent de quartiers qui
sont très, très diversifiés, avec des jeunes d'écoles où la diversité est
beaucoup moins grande. Et là, on commence par des correspondances scolaires, il
y a des projets qui existent, OK, des correspondances scolaires, ça ne coûte
pas très cher, là, c'est de mettre en relation des profs pour qu'ils fassent
des activités conjointes, que les élèves soient en lien avec d'autres élèves
qui vont être différents d'eux, à faire un projet. Puis, ensuite, bien, l'idée,
idéalement, moi ce que je voudrais, c'est que ça débouche aussi sur des
voyages, des voyages scolaires ou qui seraient centrés, justement, sur l'idée
de construire de la cohésion sociale, de renforcer les compétences
interculturelles. Est-ce que ça veut dire de faire moins de voyages à Boston?
Est-ce que ça veut dire de faire moins de voyages à New York? Je pense que la
question peut se poser.
Journaliste : Parce qu'encore
une fois j'essaie de bien comprendre, pour une école de Montréal, disons,
Rivière-des-Prairies ou je ne sais pas, vous en... vous connaissez les chiffres
mieux que moi, mais il y en a 80 %, je ne sais pas, des jeunes qui sont
issus de l'immigration. Alors, vous ne proposez pas d'agir sur la composition
des clans, selon ce que je comprends?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
c'est sûr qu'à Rivière-des-Prairies, c'est difficile, c'est ça, parce qu'il n'y
a pas nécessairement... c'est ça, on est plus là, là. Mais c'est différent, par
exemple, à Longueuil, à Marie-Victorin, là, à ce moment-là, effectivement,
la... CSS Marie-Victorin, par exemple, pourrait modifier sa carte scolaire pour
avoir une meilleure répartition. Elle peut réfléchir, aussi, à son offre de
programmes, programmes... projets, en fait, particuliers, si elle constate
qu'il y a une segmentation ethnoculturelle, en fait, entre des programmes
sélectifs puis des programmes non sélectifs.
Journaliste : Parce que vous
comprenez, les jeunes, par exemple, qui vont, qui vont lire, on imagine, ou en
tout cas, on l'espère, nos articles vont se dire : pourquoi le
gouvernement à qui vous demandez d'agir me dirait avec qui je peux être ami et
avec qui je ne peux pas être ami.
M. Dubreuil (Benoît) : C'est
une bonne question, c'est une bonne question. Évidemment, il ne s'agit pas de
forcer des amitiés, ça ne se peut pas, mais vous remarquerez que, dans les
écoles, souvent, si vous regardez la liste des amis de vos enfants, là,
souvent, c'est des gens avec qui ils ont été, à qui ils ont parlé, avec qui ils
ont partagé des classes. Donc, c'est dans les classes que les amitiés se
forgent ou dans les activités parascolaires. Donc, c'est sûr que si on a une
segmentation à la base ou des tendances, on appelle ça des tendances à l'homophilie,
dans la recherche en sociologie, les gens vont avoir tendance à former des
réseaux qui, à long terme, ne vont pas donner, ne vont pas nous donner ce qu'on
veut, ni comme parents ni comme société.
Journaliste : J'ajouterai
quelques questions là-dessus, si vous me le permettez, M. Dubreuil, François
Carabin, le Devoir. Vous dites quand même, là, puis vous venez de le mentionner
dans votre rapport, que certains centres de services scolaires auraient
avantage à revoir les cartes scolaires et, également, la composition et les
règles de composition des classes. Si c'est possible de nous expliquer comment,
par exemple, dans une classe, je ne sais pas, comment on reverrait la
composition ou les règles de composition?
M. Dubreuil (Benoît) : Je ne pense
pas que, ce n'est probablement pas le plus grand enjeu, parce que je pense que
les règles de composition des classes, souvent, s'il n'y a pas de diversité ou
s'il y a beaucoup, beaucoup de diversité dans une école, ça va généralement se
refléter dans les classes. Je pense que c'est, comme, d'être un peu attentif à
ça pour ne pas se retrouver avec des classes qui sont trop déséquilibrées. Je
pense qu'en général, par contre, selon notre compréhension, là, les enjeux,
c'est peut-être plus par rapport à l'offre de programmes, dans ce qu'on appelle
l'école à trois vitesses, où il va y avoir certains profils, en fait, qui vont
attirer beaucoup de jeunes qui ne sont pas issus de l'immigration. Puis là, les
jeunes qui sortent de francisation, par exemple, vont aller dans un autre
profil et il va y avoir des espèces de représentations, là, où il y a, il y a
les Québs du PEI, puis il y a, il y a les immigrants du régulier. Puis là, les
gens ne se fréquentent pas et ne se font pas trop confiance. Puis là, ils développent
des représentations, qui, après ça, ne sont pas, ne sont pas très saines, qui
nous ne nous amènent pas où on veut en termes de cohésion sociale et de
sentiment d'appartenance.
Journaliste : OK... Mais...
si c'est possible de préciser concrètement, parce que là, vous faites une
recommandation, clairement. Concrètement, comment ça s'appliquerait? Puis, si
je peux, sur les cartes scolaires, spécifiquement, là. Vous avez dit qu'à
Montréal, bon, considérant la composition actuelle des classes, ce n'est pas
vraiment réaliste de modifier la carte scolaire. Est-ce que c'est donc dire que
Montréal, par rapport à Longueuil, on ne peut pas revenir en arrière, ou?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
on ne peut pas revenir en arrière. Ce... Je veux dire, il y a...
Journaliste : Ou, en tout
cas, on ne peut pas, on ne peut pas corriger la situation, là.
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
c'est ça, c'est-à-dire chaque, chaque région, chaque ville a sa démographie,
là, donc, il faut quand même prendre ça, un peu, pour acquis, puis voir comment
on améliore les relations interculturelles à partir de ce que l'on a. Donc,
c'est sûr qu'à Montréal, tu sais, je veux dire, si l'idée, c'est de faire en
sorte que tous les jeunes de Montréal, puis là, je prends Montréal, mais c'est
la même chose si vous allez dans une région où il n'y a pas beaucoup de gens
issus de l'immigration, vous avez exactement le même, le même problème. Si
l'idée, c'est de renforcer les liens immigrants/non-immigrants, bien, vous êtes
limité dans ce que vous pouvez faire quand il y a une concentration sur le
plan, sur le plan territorial. Mais ce n'est pas le cas partout. Il y a des
endroits où il y a beaucoup de mixité, puis à ce moment-là, la question de
l'offre de programmes de la carte scolaire se pose.
Journaliste : OK. Petite
dernière question technique, là, vous calculez, dans votre rapport, la
probabilité moyenne des élèves issus de l'immigration d'être exposés à des
élèves de troisième génération, plus dans leurs écoles. C'est un peu pour
démontrer à quel point la mixité est plus limitée par rapport à il y a 20 ans.
M. Dubreuil (Benoît) : Mais
c'est pour voir les endroits où c'est peut-être plus difficile puis les
endroits où c'est moins... c'est moins difficile.
Journaliste
: Comment
avez-vous calculé cette probabilité-là? Et pourquoi avoir choisi, par exemple, des
élèves de troisième génération plutôt que des élèves de deuxième génération qui
pourraient quand même être, comment dire, intégrés au Québec, là?
M. Dubreuil (Benoît) :
Non, mais tout à fait. Puis il ne s'agit vraiment pas de dire évidemment que
les élèves qui sont nés au Québec sont Québécois, mais dont les parents sont
immigrants, sont moins québécois, là. Ce n'est pas du tout ça, le sujet.
L'argument de base, c'est que quand on regarde la recherche qualitative puis
quand on regarde les données sur l'utilisation du français, on comprend que les
jeunes qui grandissent dans des... dans des familles immigrantes vivent des
choses différentes, qui les amènent à... qui amènent une certaine partie
d'entre eux, pas tout le monde, il ne faut pas généraliser, à avoir un rapport
au français qui est différent, qui va être plutôt utilitaire. Donc, l'idée
c'est pourquoi on en arrive là? Puis là on l'explique. Bien, c'est parce qu'il
y en a qui ont l'anglais comme langue dominante et pour qui le français reste
une langue scolaire. Il y en a qui ont le français comme langue dominante, mais
leurs... leurs amis, leur réseau social n'aura pas beaucoup d'intérêt pour la
culture québécoise ou ne sera pas exposé à la culture québécoise dans leur
réseau social. Puis ensuite, il y a l'enjeu plus identitaire où il y en a qui
vont avoir un rapport plus comme de rivalité avec l'identité québécoise. Puis à
l'inverse, bien, il y en a d'autres qui ont le cheminement contraire et qui
vont avoir tendance à mieux intégrer le français dans leur... dans leur
pratique culturelle. Donc ça, c'est vraiment la raison pour laquelle les
personnes de deuxième génération ont besoin d'une attention particulière. Donc,
c'est un groupe qui, les jeunes, ça fait 100 ans, là, que les... les
sociologues étudient les jeunes de deuxième génération. Il y a une raison,
c'est que ces gens-là vivent des choses particulières. La question du calcul de
la probabilité, Rodolphe, je ne sais pas si tu veux y aller, c'est un indice
quand même qui existe dans la recherche. On a plusieurs indices de
concentration, exposition. Donc...
M. Parent (Rodolphe) :
Donc, en fait, c'est une. C'est la... Dans une zone qui peut être une zone
géographique, donc une aire de diffusion dans d'autres cas, qui peut être une
école qui était la zone où on a reçu les données, qui était la plus précise
qu'on pouvait avoir, on regarde dans chacune de ces zones-là quelle est la
mixité. Donc, on va regarder... Par exemple, il va y avoir 10 % de
personnes de première génération et deuxième génération, 90 %. Et donc,
là, on dit : Dans le fond, dans cette zone-là, la probabilité
d'exposition, c'est 90. Il y a 90 % de probabilité. Et c'est une moyenne
sur l'ensemble des zones. Et cet indice permet donc de parler d'exposition
moyenne du premier groupe envers le deuxième groupe.
M. Dubreuil (Benoît) :
C'est que ça permet de distinguer ensuite les endroits dans la société puis les
institutions où il y a une probabilité de contact qui est plus élevée et ceux
où il y a une probabilité plus faible. Et ce qu'on veut, justement, c'est
renforcer la probabilité de contact, puis outiller les institutions pour que
les contacts soient positifs. Ce n'est pas... Ce n'est pas simple, là, ce n'est
pas quelque chose de simple à faire. Ce n'est pas pour rien que tous les pays
occidentaux en ce moment ont ces débats-là, de dire comment on gère ça puis
comment on crée de la cohésion sociale puis de l'adhésion. Au Québec, on a ces défis-là,
sauf qu'en plus, bien, on a un contexte particulier où on a une langue qui est
minoritaire, on a une culture qui est minoritaire. Puis si les gens ne sont pas
amenés dans leur vie personnelle à avoir des contacts puis des liens
significatifs avec des gens pour qui la culture québécoise est importante, ça
devient plus difficile de développer un sentiment d'adhésion.
Une voix : Merci.
Le Modérateur
:
Hugo Pilon-Larose, LaPresse.
Journaliste
: Justement,
je reviens sur la question de la mixité dans les écoles, particulièrement à
Montréal et à Laval. J'ai... Dites-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression
qu'à la lumière des solutions que vous mettez... pas des solutions, mais des
idées que vous mettez au jeu, entre autres d'augmenter, justement, les
contacts, les jumelages, les voyages scolaires, le nerf de la guerre, ici,
c'est l'argent que le gouvernement va mettre sur la table, là. Parce que je
veux bien croire qu'on peut faire moins de voyages à New York puis à Boston,
mais à Saint-Michel, je ne pense pas qu'ils vont bien à New York puis à Boston
à la fin de l'année scolaire, là.
M. Dubreuil (Benoît) :
Oui. Je pense que c'est une des difficultés justement actuelles. Puis on ne
veut pas... on ne peut pas se leurrer là dessus, là. C'est sûr que le milieu
scolaire, il est sous pression. Tu sais, la vie dans une école, là, c'est une
vie sous pression. Donc, il y a des choses, je pense, qu'on peut faire qui ne
coûtent pas beaucoup d'argent et qui devraient être intégrées de façon
régulière dans la manière de faire les choses. Sinon, je pense qu'on peut faire
preuve de créativité aussi. Je pense qu'il y a des voyages qui coûtent plus
cher et il y a des voyages qui coûtent moins cher. Maintenant, il y a moyen
aussi d'organiser des voyages qui ne coûtent pas une fortune, mais je pense
qu'il faut qu'on se saisisse quand même de l'enjeu. Il faut qu'on se saisisse
de l'enjeu.
Ensuite, on peut prioriser, peut-être
commencer par des choses qui coûtent moins cher, voir comment on peut faire,
développer des modèles qui permettent de mettre en contact beaucoup de
personnes sans engager beaucoup d'argent. Mais il faut que ça soit une priorité
institutionnelle d'abord. Le contexte est merveilleux ensuite... actuellement,
parce qu'évidemment je sais qu'il y a beaucoup de commissions scolaires... de
centres de services scolaires, pardon, qui se questionnent par rapport aux
voyages aux États-Unis. Est-ce que ça vaut encore la peine de demander aux
parents de dépenser 1 000 $ pour envoyer les jeunes à New York dans
des centres d'achats ou dans des parcs d'attraction? Les centres des services
scolaires, en ce moment, se posent la question.
Journaliste : Je comprends,
mais c'est quand même des situations très privilégiées, là. On ne parle pas
d'écoles défavorisées, dans certains quartiers de Montréal, là où, justement,
les taux de mixité sont les plus faibles, là. Ce n'est pas la... pas le même...
il me semble, ce n'est pas le même contexte, là, quand même.
M. Dubreuil (Benoît) : Il
faut mobiliser... Il faut mobiliser les gens puis il faut que ce soit une
priorité de l'institution.
Journaliste : Bon. Dans le
cadre de vos travaux, justement, qui ont mené à la rédaction de ce rapport...
vous l'avez peut-être expliqué tantôt en briefing, mais je vous repose la question,
avez-vous rencontré les populations immigrantes pour savoir, eux, quelles ont
été leurs barrières à l'intégration? Est-ce que ce sont davantage des barrières
culturelles, économiques? Qu'est-ce qui les aiderait justement à adhérer
davantage à un processus menant à des jumelages, à des activités, justement,
pour rencontrer les Québécois, et tout ça?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
Bien, ce qu'on a fait, en fait, c'est qu'on a analysé, en fait, les études qui
ont été publiées depuis 20 ans du côté qualitatif. Donc, il y a 20 ans,
ces études-là existaient peu ou pas, mais là il y a vraiment eu beaucoup,
beaucoup de recherches qui ont été faites dans les universités. On a plein de
chercheurs, de chercheuses... plus des chercheuses, parce que souvent c'est dans
le domaine de l'éducation, il y a plus de chercheuses, qui ont fait des thèses
de doctorat, qui ont fait des mémoires de maîtrise où ils ont analysé la
situation de différentes communautés. Nous, on a passé l'été... là, moi, j'ai
passé l'été à lire des thèses de doctorat sur la question, sur l'expérience
socioscolaire des jeunes d'origine chinoise, sur l'expérience socioscolaire des
jeunes d'origine sud-asiatique. Et honnêtement il y a un moment où on sature,
là, comme on dit en recherche, dans le sens où les mécanismes deviennent...
deviennent clairs. Donc, c'est une façon aussi, le travail qu'on fait
aujourd'hui, de mettre en valeur puis peut-être de donner un peu d'attention,
en fait, à des travaux universitaires, là, qui n'avaient peut-être pas reçu
l'attention qu'ils méritaient.
Puis je tiens à préciser aussi que, dans
ces travaux universitaires, souvent, quand on arrive à la fin, là, de la thèse
de doctorat ou du mémoire de maîtrise, il y a toujours une partie où la
personne dit : Bien, qu'est-ce que ça pourrait vouloir dire pour les
politiques publiques? Puis c'est toujours la même chose, c'est : il faut
accroître les contacts de qualité entre les jeunes issus de l'immigration puis
les jeunes qui ne sont pas issus de l'immigration, dans un contexte d'égalité,
de réciprocité puis de collaboration, pour que les gens apprennent à se
connaître puis développent des liens.
Journaliste : OK.Et,
en terminant, pour mesurer... parce que les gens vont se poser la question,
comment est-ce qu'on va mesurer à terme l'efficacité ou non des mesures qui
seront mises en place? Dans... Sur la question très précise de l'adhésion à la
culture commune... peut-être que ma question va être un peu poétique, là, mais
la culture commune, comment est-ce qu'on la définit? Parce qu'elle me semble
quand même très riche dans plusieurs quartiers de Montréal, où on a... je
pense... je ne sais pas, moi, je pense à un youtubeur comme le Maire de Laval,
je ne m'en souviens plus, son nom de... mais, tu sais, bref, lui, il est quand
même très présent, très... c'est très riche ce qu'il propose, mais peut-être
que la personne à Rivière-du-Loup, le jeune à Rivière-du-Loup n'a aucune idée
c'est qui, là. Mais donc c'est quoi, la culture commune?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
moi, je... Si je parle du Maire de Laval, je ne sais pas si je vais me
retrouver dans un TikTok ou quelque chose comme ça, parce que je le suis,
évidemment, puis je suis plusieurs jeunes créateurs de contenus qui viennent de
toutes sortes de milieux. Puis, pour moi, justement, tu sais, je suis quand
même pas mal sur TikTok, sur Insta, sur YouTube, et il y a des créateurs de
contenus, justement, qui sont d'une génération qui ont cette adhésion-là, qui
participent, qui font vivre la culture québécoise aujourd'hui, et il faut les
mobiliser, puis je pense qu'ils sont mobilisés aussi, ces gens-là. Ils ont un
parcours qui est... qui est inspirant, où clairement, là, ça transpire
l'adhésion. Tu sais, ils sont... ils font partie de la société, ils veulent
faire partie de la société. La question, c'est : Comment on élargit,
comment on élargit pour rentrer... embarquer toujours plus de monde? Là, je ne
sais pas si je réponds à la question. J'ai comme oublié le début parce que, là,
j'étais comme trop...
Journaliste : Donc, essentiellement,
c'est de dire : On va mesurer le succès à l'intégration...
M. Dubreuil (Benoît) : Ah! la
mesure du succès. Bien...
Journaliste
: ...à la
lumière de comment la culture ne sera plus pareille demain qu'elle l'est
aujourd'hui, là?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
Bien, écoutez, la question du succès, ça, c'est un des enjeux qu'on a eus,
c'est qu'on n'a pas nécessairement de bonnes enquêtes sur le plan quantitatif
qui permettent de mesurer un certain nombre de variables qui sont importantes.
Par exemple, les réseaux, la composition des réseaux sociaux, les amis, là,
donc, on n'a pas beaucoup de variables sur le plan... d'études sur le plan
quantitatif là-dessus. La question de la langue qui est utilisée avec les amis,
par exemple, ça, c'est superimportant aussi, parce qu'on voit que, si la
personne utilise le français uniquement dans la classe mais qu'avec les amis ce
n'est pas utilisé... on sait que la culture québécoise ne sera jamais très,
très forte, OK? Donc, ça, c'est une autre variable qui serait intéressante.
La troisième, c'est une variable sur la
perception peut-être de la représentation de l'identité. Est-ce que vous
considérez que... par exemple, si vous êtes d'origine algérienne ou
camerounaise, est-ce que vous considérez que c'est en conflit avec le fait
d'être Québécois ou vous considérez que c'est compatible puis vous voyez les
deux comme étant en harmonie l'un avec l'autre? Ça, pour moi, ce serait
vraiment une variable super... super intéressante à mesurer. Donc, je pense que
ça... enfin, à ma connaissance, ça ne l'a pas été jusqu'à présent, mais on
travaille nous aussi de notre côté avec l'OQLF pour leur planification des
études sur le suivi de la situation linguistique. C'est sûr que nous, on
aimerait voir inclure plus de ce type de variables là sur les réseaux puis sur
les représentations identitaires.
Journaliste
: Merci.
Mounir Kaddouri, le nom de Maire de Laval, pas Stéphane Boyer.
M. Dubreuil (Benoît) :
...Non, non, et il y a beaucoup de choses intéressantes qui se passent sur...
Journaliste
: On va
passer aux questions de Juliette Nadeau-Besse, Le Soleil.
Journaliste
: Oui.
Bonjour. J'aimerais juste préciser, là, sur le chiffre dont on parlait tout à
l'heure, la probabilité d'exposition. Si, par exemple, ce chiffre-là est de 50,
juste comprendre qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce que ça veut dire : La
personne issue de l'immigration a une chance sur deux de côtoyer un...
M. Dubreuil (Benoît) : C'est
ça. Bien, par exemple, dans votre milieu de travail, par exemple, si c'est
50 %, ça veut dire que, si vous croisez quelqu'un au hasard dans votre
milieu de travail, il y a une chance sur deux qu'effectivement ce soit un
francophone qui n'est pas issu de l'immigration. Donc, c'est vraiment simple,
on l'a... on l'a pour les universités, on l'a pour les collèges, les cégeps, on
l'a par école, on l'a par région métropolitaine. Donc, pour les universités,
par exemple, on l'a calculé. C'est quoi, la probabilité dans votre programme,
vous vous assoyez à côté de quelqu'un au hasard, c'est quoi la probabilité que
ce soit un étudiant québécois, par exemple?
Journaliste
:
J'aimerais ça vous entendre un peu sur la région de Québec, qui m'intéresse en
particulier, je voyais sur le graphique, là, que, par exemple, on avait le CSS
des Découvreurs, qu'il y avait une très, très grande hausse du nombre de
personnes issues de l'immigration. Est-ce que... est-ce que vous pouvez juste
me parler un peu de qu'est-ce qu'on sait sur Québec? Vous parliez de grande
mixité. C'est quoi, les défis?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
Québec, c'est sûr qu'à Québec, l'immigration, elle est très francophone. Donc,
déjà, ça, c'est important de le dire. Sur le plan purement du choix de la
langue, À Québec, en général, là, les indicateurs pour ce qui est de l'usage du
français, de la convergence vers le français, ça va relativement bien.
L'enjeu, c'est plus par rapport à l'autre
élément, là, de la langue commune qui s'appelle l'adhésion et la contribution à
la culture. Et là c'est comment justement on s'assure que ces jeunes qui
viennent de... qui viennent de milieux différents, de pays différents, nouent
des relations ensemble de qualité. Donc là, je ne veux pas nécessairement
parler de ma vie personnelle parce que je vis à Québec, et puis mes enfants ne
me le pardonneraient pas, mais c'est sûr que, dans la région, dans les écoles,
il y a des dynamiques aussi de segmentations ethnoculturelles, par programmes,
par classes, par activités. Donc, il y a quand même des choses à améliorer si
on veut justement que les jeunes très nombreux qui sont issus de l'immigration,
qui sont arrivés dans les dernières années, en viennent justement à sentir
qu'ils sont pleinement partie prenante de la société québécoise.
Journaliste
: Puis une
question qui est plus de manière générale, là, mais vous... on retient qu'il
faut plus de mixité pour favoriser l'adhésion à la langue française. Est-ce que
vous retenez aussi qu'il faut moins d'immigration ou ça n'a pas rapport, ces
deux choses-là?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
c'est sûr qu'il y a un moment où il y a un lien, dans le sens où si vous avez
très, très, très peu d'immigrants, là, dans un pays, les immigrants sont comme
obligés, là, d'être en contact avec des gens qui ne sont pas des immigrants. Tu
sais, ils vont trouver ça difficile, ça va être extrêmement difficile pour eux
comme effort d'intégration, mais ils vont comme être obligés. Un peu le défi
qu'on a, puis ce n'est pas juste le Québec, là, c'est... Vous pouvez nommer un
peu la société occidentale que vous... que vous souhaitez. C'est sûr, quand
l'immigration devient très, très, très importante avec une concentration dans
les grandes métropoles, ça crée un contexte où il y a des gens qui peuvent
arriver puis, comme, sans nécessairement que ce soit volontaire de part et
d'autre, bien, ne seront pas beaucoup en contact ou peu en contact ou pas en
contact avec des non-immigrants. Puis là l'enjeu qui apparaît, bien, c'est un
enjeu de polarisation, évidemment, qu'on connaît où il y a comme la moitié de
la population qui se dit : Bien là, les immigrants ne veulent pas
s'intégrer, puis de l'autre moitié de la population qui dit : Bien là on
ne veut pas intégrer les immigrants. Puis là il y a comme une polarisation
symbolique autour... autour de ça. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est une
manière concrète un peu de dépasser aussi ce débat-là pour dire : Bien,
comment on fait, là? Comment on fait concrètement, là, pour construire du lien
social, en mobilisant les institutions?
Journaliste
: Mais
est-ce que vous... vous craignez que ce soit repris votre rapport pour faire
peur sur l'immigration?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
nous, on espère que ça va être repris pour amener des idées constructives.
Donc, je pense qu'après ça, c'est sûr que la couverture médiatique, elle
importe. Donc, il y a un rôle aussi pour vous, d'amener les choses, évidemment
de manière constructive, en témoignant bien de la nuance de mon propos. Mais
sinon, je ne fais pas de crainte particulière.
Journaliste : Ça me fait
penser, je vais faire du pouce, quand même, M. Dubreuil, le gouvernement a
soumis la semaine dernière ces scénarios d'immigrations pour les années 2026
à 2029 et j'étais curieux de savoir ce que vous en avez pensé, surtout le seuil
à 45 000.
M. Dubreuil (Benoît) : Juste
pour dire, nous, ce qu'on propose aujourd'hui, c'est comme indépendant aussi
d'où voudrait... où on voudrait situer le seuil, là, ça peut fonctionner aussi
bien avec un seuil faible qu'un seuil élevé. Donc, moi, je vais peut-être
revenir un peu sur ce que j'avais dit lorsque j'avais été à la consultation,
c'est sûr qu'il y a un moment donné où le nombre compte, mais ce qui compte
encore plus, c'est quel est le milieu dans lequel les gens se sont insérés,
quelle est la nature des liens qu'ils ont établis. Une des difficultés qu'on a
en ce moment, c'est que le développement de l'immigration temporaire, depuis
plusieurs années, c'est fait d'une façon un peu désordonnée. Les employeurs ont
fait venir beaucoup de gens, les établissements d'enseignement ont fait venir
beaucoup de gens, il y a beaucoup de gens qui sont arrivés comme demandeurs
d'asile, il n'y avait pas vraiment de cadre, il n'y avait pas nécessairement
des attentes précises qui ont été données. Donc, là, on se retrouve dans une
situation qui est un peu embarrassante, où il y a beaucoup de gens qui ont des
attentes, mais en même temps, on ne sait pas qui est bien intégré, qui ne l'est
pas, qui a fait un bon travail, qui n'a pas fait un bon travail. Moi, ce que
j'espère, c'est que le gouvernement va réussir à sélectionner des gens qui sont
bien... bien intégrés, bien installés au Québec et pour les autres, pour les
autres, de leur offrir quand même un cheminement clair, transparent, qui va les
amener dans la bonne... dans la bonne direction, si leur intention est de
rester au Québec.
Journaliste : Donc, en favorisant
davantage les profils des personnes immigrantes qui ont travaillé ou qui sont
déjà sur le territoire québécois, qui travaillent en région, là, c'est...
l'objectif de M. Roberge, j'imagine qu'il y a... qu'on vient répondre, du moins
en partie, à vos... à vos interrogations.
M. Dubreuil (Benoît) : En
partie. Donc, c'est sûr qu'un immigrant qui est installé en région, qui parle
bien français depuis quelques années, dans plusieurs milieux de travail, on
sait que, en général, c'est un contexte qui est favorable à l'intégration. Cela
dit, tu sais, il y a des choses qui se sont passées en région qui ne sont pas
nécessairement idéale non plus, et je l'ai mentionné précédemment, on sait, il
y a des employeurs en région qui vont comme séparer leurs travailleurs selon
leurs origines. Les Latinos travaillent ensemble sur un corps de travail, les
Québécois travaillent ensemble sur un corps de travail. Les gens n'ont pas
beaucoup d'occasions de passer du temps ensemble, bien, ça, ce n'est pas un
contexte qui permet l'intégration. C'est pour ça qu'on propose aussi de
mobiliser les associations d'employeurs, de mobiliser les syndicats pour que
ça, ça n'arrive pas. Que quand quelqu'un arrive dans un milieu de travail, ce
soit un milieu de travail qui va lui permettre de se faire des amis québécois.
Et puis, si ce n'est pas sur le milieu de travail, au moins que ce soit en
dehors du milieu de travail, en collaborant avec les municipalités. Puis, c'est
là qu'il faut donner un pouvoir aux municipalités, aussi, pour aller mobiliser
tous les organismes, en fait, il y en a quand même des associations de sport,
de loisirs, de culture. Il faut les mobiliser.
Le Modérateur : Merci.
Sébastien de...
Journaliste : Ça... ça
m'intrigue, comment on fait en sorte que les gouvernements locaux, donc les
municipalités ou les MRC, puissent recommander des candidats à l'immigration
économique? Comment ça fonctionnerait?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
en fait, c'est sous la forme d'une lettre, essentiellement. Donc, là, il y a
une mécanique avec Arrima qu'il faudrait... qu'il faudrait définir. Je ne veux
pas nécessairement rentrer dans le... dans le détail.
Journaliste : Mais, est-ce
qu'on pourrait leur donner des points supplémentaires dans le PSTQ, s'ils
ont...
M. Dubreuil (Benoît) : Oui,
bien, nous, ce qu'on pense qui serait pertinent, ce serait de permettre aux
gouvernements locaux d'ajuster les critères de sélection, ce qui permettrait de
faire une planification au niveau régional. Donc, par exemple, la municipalité
pourrait dire, en consultation avec les employeurs, les syndicats, les
établissements d'enseignement : bien, nous, dans Chaudière-Appalaches, on
a des priorités de développement économique, de développement urbain, de
développement social et c'est ce type de profil-là qu'on veut... qu'on veut
encourager. Donc, on ajuste... on crée des ajustements à la grille de points
pour refléter notre planification régionale. Et, là, à partir du moment où on
fait ça, l'établissement d'enseignement va comprendre le message, l'employeur
va comprendre le message, puis tout le monde, tous les intérêts vont s'aligner.
Le Modérateur : Je pense que
ça fait le tour des questions en français, on va passer en anglais avec Dan
Spector, Global.
Journaliste : A bit of a
basic question, but I'm just hoping to have you explain, in English, the
problem. Like, why is it... or how is it that these immigrants are failing to
integrate right now and why is it an issue?
M. Dubreuil (Benoît) : So the
question is not that immigrants are failing to integrate, the question is that
when we look at numbers regarding the use of French, what we see is that
there's lower use of French, not only among immigrants, but also among children
of immigrants, and this is true of basically all indicators.
So, it's not a question of the choice of indicator, it's true of all
indicators. So, the question is why is it the case? Because we know that
children of immigrants, like vast majority, almost all of them can speak French
very well. The vast majority have been schooled in French. So how is it that
when we look at cultural choices, for instance, we see that the use of French
is significantly lower? So, what we did is that we looked into the qualitative,
the research, university research, that has been conducted on this question for
the past 20 years. And what we see is that it's basically, it's really
about personal connections that these kids will establish with children that
are not of immigrant background, and how it affects how they will be exposed by
peers to Québec culture, for instance, but also about their identity. What we
find is that we have a significant segment of these youths who do not
necessarily identify or feel comfortable identifying with Québec identity and
Québec culture. And some of them feel that there is a tension also between
their identity and identifying with Québec. So, the question is : How can
we mitigate this perception that there isn't compatibility by strengthening
interpersonal relationships?
Journaliste
: Yeah. And so, you talked about, you know, changing the composition
of classes and workplaces. But you know, schools, workplaces, generally, they
have a lot on their plates. Do you think that's realistic to start having these
places, generally yes, develop
groups with that lens?
M. Dubreuil
(Benoît) : I think it is a lens that is
extremely important to add when you manage a school and you want to prepare
people to be active citizens in Québec society. I think that having people
develop the skills that will make them good citizens who will be able to behave
and to succeed in an intercultural environment, I think it is hugely important.
I mean it is massively important for social cohesion. At the same time, I
really hear what you say. I know that at the moment, in schools, the pressure
is really high. The pressure is really high, but at the same time, there are
things that can be done that do not cost a lot of money. I was talking about,
I'm not sure how to say this, correspondence between schools, exchange of
letters…
Journaliste
: Yeah, that's good.
M. Dubreuil
(Benoît) : That's good?
Journaliste
: You can say that.
M. Dubreuil
(Benoît) : OK, très
bien. That's something that is not very expensive. And
we know that there are all kinds of, of project of exchanges between schools.
And by the way, this also exists between French schools and English schools.
Right? And it helps quite a lot to have people to mitigate also the tension
between francophones and anglophones. We did not address this question in this
report, but that would be a very good topic for another report, how do we
strengthen also the sense of belonging of the English-speaking citizens by
having them establish more contact with francophones. And this could be
organized. Is it hard? Does it take some effort? Does it imply that we change our
approach to teaching and our conception of what the school system is there for?
Sure. But what are the benefits?
Journaliste
: It seems like people wanting to stay within their own ethnic groups
is just like probably a pretty innate natural type of thing. It would seem that
that would be a pretty strong force to fight against.
M. Dubreuil
(Benoît) : Yeah. You
know, that's an interesting question. And I don't know
for you, but like… It's like when I think of my friends, when I think of my own
life, it's true. Like we are all attracted, it's easier to interact with people
who think like us. It is easier to interact with people with whom we share a
lot of things. So that's why strengthening social cohesion in a society that is
highly diverse is a challenge. And if it was easy, I mean, there's a lot… There
are a lot of debates that exist right now in contemporary democracies that
would not exist. It's hard. That's why we all have the challenge. Right? But
what else can we do then find a solution.
Journaliste
: Merci.
Le Modérateur
:
Merci. C'est ce qui met fin à cette conférence de presse.
M. Dubreuil (Benoît) :
Merci.
(Fin à 14 heures)