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Conférence de presse de M. Benoît Dubreuil, commissaire à la langue française

Version préliminaire

Cette transcription a été réalisée à l’aide d’un logiciel de reconnaissance vocale. Elle pourrait donc contenir des erreurs.

Le mercredi 12 novembre 2025, 13 h 15

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May


 

13 h 15 (version non révisée)

(Treize heures dix-sept minutes)

Le Modérateur : Bonjour. Bienvenue à cette conférence de presse du Commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, sur son rapport concernant l'intégration à la nation québécoise. M. Dubreuil, je vous laisse la parole.

M. Dubreuil (Benoît) : Alors, bonjour à tous. Je suis accompagné aujourd'hui d'Éric Poirier, commissaire adjoint, et de Rodolphe Parent, professionnel de recherche.

Alors, aujourd'hui, on a déposé le rapport Intégration à la nation québécoise : De la rencontre à l'adhésion. C'est un rapport qui donne suite à l'adoption en mai dernier de la Loi sur l'intégration à la nation québécoise. Cette loi établit pour la première fois les paramètres d'un modèle québécois d'intégration et oblige la ministre de la Langue française à déposer au gouvernement, dans les 18 mois, une politique nationale sur l'intégration à la nation québécoise et à la culture commune. Le rapport d'aujourd'hui présente les éléments qui, selon nous, devraient figurer dans cette politique dans le but de renforcer durablement la langue et la culture communes. Le rapport s'appuie sur deux études complémentaires que nous avons publiées lundi et qui portent respectivement sur les représentations linguistiques et identitaires des jeunes issus de l'immigration ainsi que sur la mixité dans les milieux de vie, le travail et d'études.

Alors, la première partie du rapport présente l'enjeu auquel la politique doit répondre. Donc, cet enjeu, il est simple, c'est que l'analyse des données linguistiques indique que l'usage du français demeure beaucoup plus faible parmi les personnes issues de l'immigration, y compris parmi les personnes de deuxième génération qui ont grandi au Québec et qui maîtrisent très bien le français. Cette situation, elle s'explique, selon nous, par des mécanismes qui sont à l'œuvre dans les milieux scolaires, professionnels et associatifs. Les études montrent par exemple que, dans les écoles secondaires, les jeunes ont tendance à se regrouper selon qu'ils sont issus ou non de l'immigration. C'est une situation qui favorise l'apparition de préjugés et de stéréotypes de part et d'autre et qui alimente la construction d'une frontière symbolique entre les immigrants et les Québécois. C'est un enjeu qui n'est pas propre au Québec. Au contraire, on l'observe dans les autres sociétés qui ont reçu une immigration importante. Cependant, en raison de la concurrence de l'anglais, il est associé ici à un usage plus faible de la langue commune dans les sphères sociale, professionnelle et culturelle.

Par ailleurs, notre analyse de la concentration de l'immigration sur le plan résidentiel, professionnel et scolaire nous suggère que les tendances observées pourraient s'amplifier au cours des prochaines décennies. En effet, dans plusieurs milieux de vie, de travail ou d'études, une part non négligeable de la population immigrante est peu exposée, peu en contact avec les francophones qui ne sont pas issus de l'immigration. Dans les écoles, la proportion d'élèves issus de l'immigration a atteint dans les régions de Montréal et de Laval une proportion qui complique l'organisation de rencontres avec des élèves qui ne sont pas issus de l'immigration. Dans le 450, tout comme dans les régions de Gatineau ou de Québec, on observe aujourd'hui une diversité supérieure à celle que l'on observait à Montréal il y a 20 ans, sans pourtant qu'on ait adopté de stratégie pour s'assurer de l'adhésion à la langue et à la culture commune.

Pour surmonter ces défis, le gouvernement du Québec compte sur des programmes qui, au fil du temps, ont financé plusieurs projets et initiatives porteurs. Cependant, ces programmes n'ont pas suffi à transformer les relations sociales à une échelle... à l'échelle qui aurait été nécessaire. Donc, selon le cas, les initiatives ont une portée trop limitée, mobilisent insuffisamment les acteurs locaux ou peinent à s'institutionnaliser.

Dans la seconde partie du rapport, nous soutenons que la politique sur l'intégration doit mettre de l'avant trois objectifs : faire de l'intégration une priorité pour tous les acteurs, accroître la mixité dans les milieux de vie, mieux encadrer les contacts interculturels. Nous proposons ensuite...


 
 

13 h 20 (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : ...cinq orientations dans le but de mobiliser l'ensemble de la société québécoise en faveur de l'intégration. La clé de voûte de la politique serait la création d'un parcours d'intégration ancré localement et centré sur la participation sociale en français. Pour en assurer le succès, le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration devrait non seulement mieux répartir les résidents non permanents sur le territoire, mais aussi confier aux gouvernements locaux la responsabilité de lui recommander les candidats à admettre à l'immigration économique.

Il faut reconnaître et consolider le rôle des MRC et des villes MRC en matière d'intégration. Il faut leur donner les leviers dont elles ont besoin pour mobiliser l'ensemble des acteurs. Les quatre orientations suivantes visent à mobiliser les principaux milieux qui participent d'une manière ou d'une autre à la socialisation des immigrants et des non-immigrants. Les municipalités, les écoles, les collèges et les universités, puis les employeurs. Dans chaque cas, le gouvernement doit s'assurer d'une prise en charge institutionnelle de l'enjeu de l'intégration, que ce soit dans la planification stratégique ou dans les politiques et directives institutionnelles.

Dans les écoles, les collèges et les universités, dans les entreprises, dans les activités de sport, de culture et de loisirs, il faut accroître les espaces de contact entre les immigrants et les non-immigrants. Il faut le faire en généralisant les jumelages linguistiques, les jumelages interculturels et les maillages entre les organisations qui comptent peu d'immigrants et celles qui en comptent beaucoup.

 Il faut aussi réunir les conditions gagnantes pour que les contacts soient positifs, c'est-à-dire qu'il faut que les Québécois de différentes origines apprennent à se connaître dans des contextes qui sont marqués par l'égalité, par la réciprocité et la collaboration. Surtout, il faut cesser d'appuyer ou de s'appuyer sur des projets à portée limitée. L'heure n'est plus aux petits projets pilotes, aux financements incertains. Nous savons ce qui fonctionne, le défi est de le mettre à l'échelle en transformant les façons de faire dans les principales institutions de la société québécoise.

Alors, la politique d'intégration doit accélérer la création de liens sociaux significatifs en français entre Québécois de différentes origines. Et c'est seulement de cette manière que nous parviendrons à faire du français une langue d'adhésion à la culture commune. Je vous remercie, je suis disponible pour vos questions.

Le Modérateur : Merci, M. Dubreuil. On va commencer la période des questions avec Caroline Plante, La Presse Canadienne.

Journaliste : Bonjour, M. Dubreuil. En breffage technique, vous nous avez parlé de l'expression «Québs». Est-ce que vous demandez aux jeunes de ne pas utiliser cette expression-là?

M. Dubreuil (Benoît) : Oui, je ne pense pas que ce serait très utile de dire aux jeunes quels mots utilisés ou quels mots ne pas utiliser, mais je pense que c'est un mot que moi-même j'utilise parfois juste pour... pour rigoler, puis aussi pour dédramatiser les choses. C'est normal. Je veux dire dans un milieu qui est diversifié, qu'il y a des étiquettes qui apparaissent. La manière, si on veut s'assurer justement que ça ne prenne pas une connotation trop négative, ou que ça ne devienne pas trop négatif, c'est de s'assurer que les jeunes, justement, «Québ» ou pas «Québ» si vous voulez, puissent passer du temps de qualité ensemble pour apprendre à se connaître. C'est ça la manière de réagir quand on voit que dans un milieu, je vous donne un exemple, dans une école, on dit : «Il y a des immigrants d'un bord, puis il y a les Québ de l'autre», ce qu'il faut ce n'est pas aller dire... voir les jeunes puis dire : «Arrêtez de parler comme ça». Ce qu'il faut, c'est trouver une activité intéressante où des jeunes ensemble vont interagir à faire quelque chose de plaisant. Puis là, la frontière symbolique, bien, elle va perdre un peu de sa pertinence parce qu'ils vont se rendre compte qu'ils ont du plaisir ensemble.

Journaliste : Vous nous avez parlé aussi d'une mesure qui a été coupée, en tout cas, le financement a été coupé, là, 700 000 $. Je ne sais pas si c'est la mesure favorisant l'intégration et la réussite des immigrants. En tout cas, cette mesure-là, si... c'est bien la bonne, a été coupée. Est-ce que vous avez pu mesurer cette année l'impact de ça?

M. Dubreuil (Benoît) : Non, mais en fait, on parle de la mesure, je pense que c'est 15054...

Une voix : C'est 15053.

M. Dubreuil (Benoît) : ...53? OK, donc ils finançaient notamment les jumelages interculturels...

Journaliste :  Donc... ce n'est pas du ministère de l'Éducation, là...

M. Dubreuil (Benoît) : Oui, c'est un...

Journaliste : ...oui? OK.

M. Dubreuil (Benoît) : ...c'est une mesure de financement pour les centres de services scolaires, qui servait notamment à financer des activités de rapprochement interculturel. Donc, le ministère, à travers les... au cours des années, a financé beaucoup de projets qui sont extrêmement porteurs dans les écoles. Puis il y a des initiatives qui sont très, très, très inspirantes, qui sont portées par des professeurs dévoués. L'enjeu, c'est qu'on ne peut pas fonctionner à coup de mesures de 700 000 $ qui va atteindre quelques centaines ou au mieux quelques milliers d'élèves. On est plus là. Il faut que ça devienne la manière habituelle de faire les choses dans les écoles. Il faut que ça fasse partie de la façon de base de travailler. Il faut que ce soit la priorité puis qu'on fasse ça, pas que ce soit des projets pilotes qu'on ajoute toujours. On n'est plus à l'ère des projets pilotes sur des rapprochements...


 
 

13 h 25 (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : ...culturel. Des projets pilotes à l'échelle internationale, vous en avez des milliers. Il y a des centaines et il y a des milliers d'études qui montrent qu'est-ce qui fonctionne mieux, qu'est ce qui fonctionne moins bien. On... n'est plus là. Il faut... généraliser les choses.

Journaliste : J'en aurais juste une dernière. Quand vous parlez d'un parcours d'intégration obligatoire, d'habitude obligatoire, on peut penser qu'il y a des sanctions ou des conséquences si on ne le fait pas, là, est-ce que ce qu'il y aurait des conséquences si la personne ne fait pas ce parcours d'intégration?

M. Dubreuil (Benoît) : Dans le cas qui nous intéresse, on... c'est pour la sélection à l'immigration économique. Donc, maintenant, les gens qui sont sélectionnés à l'immigration économique, pour l'essentiel, c'est des gens qui sont déjà au Québec depuis un certain nombre d'années, donc, ça serait la condition pour être sélectionnée à l'immigration économique, donc, ça serait ça, la conséquence. Et, c'est vrai, certains vont dire : mais ça rajoute une exigence sur le dos du nouvel arrivant. Mais, j'attire votre attention sur une chose, c'est que si ça devient une exigence pour le nouvel... le nouvel arrivant, ça va modifier les comportements des employeurs et ça va modifier les comportements des établissements d'enseignement. En ce moment, ceux qui font venir au Québec les futurs candidats à l'immigration économique, ce sont les employeurs et ce sont des établissements d'enseignement, principalement. L'idée, c'est que ces gens-là, quand ils vont chercher un candidat à l'étranger, ils décident de l'accueillir dans leur entreprise ou dans leur établissement d'enseignement, ils lui disent, bien, tu peux venir chez nous et on va bien te préparer pour la résidence permanente. On va bien te préparer parce qu'on va te trouver des activités sociales qui vont te permettre de dire que tu as fait ton parcours. On va bien te préparer parce qu'on a un programme, par exemple, co-op avec des entreprises de la région qui vont te permettre de dire... de décrocher un bon emploi dans la région. Donc, ensuite, quand on va se tourner vers la municipalité pour demander de recommander ton dossier, la municipalité va être d'accord parce que tu vas être implanté localement. Donc, l'idée, c'est de donner un levier aussi aux municipalités à l'endroit des employeurs et des établissements d'enseignement.

Journaliste : Avant qu'on passe à la prochaine question, je voulais juste une précision parce que ma collègue parlait de la mesure de soutien à l'intégration et à la réussite des élèves immigrants, je vois que dans un document du ministère de l'Éducation, on parle de la mesure 15.0.53, donc, je comprends que vous parliez de la même chose, là...

Journaliste : Oui, c'est la même?

M. Parent (Rodolphe) : C'est... elle est encore dans certains documents, effectivement, mais il nous a été confirmé par ministère qu'elle a été supprimée en toute fin d'année dernière.

Une voix : Le 700 000 $...

Le Modérateur : C'est ça, je pense qu'il y avait des articles qui avaient été... OK. Pour la suite, on va... à moins que Caroline ait une autre question là-dessus, on va passer à Sébastien Desrosiers, Radio-Canada.

Journaliste : Accroître la mixité dans les écoles, par exemple, je pense que la plupart des gens en sont, là, mais comment? Je... On dirait que, concrètement, je n'arrive pas à comprendre comment ça se réaliserait, ce que vous proposez.

M. Dubreuil (Benoît) : Il y a trois types d'écoles au Québec. Il y a des écoles où presque tous les élèves sont issus de l'immigration. C'est Montréal, c'est Laval. Il y a des écoles où presque tous les élèves ne sont pas issus de l'immigration. C'est les régions en dehors des grands centres. Puis il y a des élèves où il y a beaucoup de mixité. C'est Québec, c'est Gatineau, c'est la couronne de Montréal. Selon l'endroit où vous vous trouvez, ce n'est pas la même stratégie. Si vous êtes dans un endroit qui a beaucoup de mixité, déjà, vous pouvez le faire à travers le parascolaire, vous pouvez réviser votre offre de programmes particuliers, OK, puis vous pouvez... vous devez faire une analyse, en fait, de ce qui se passe dans votre... dans votre milieu. À Québec, par exemple, on a des processus de segmentation, même chose à Gatineau, où, par exemple, les élèves issus de l'immigration vont aller plus dans certains programmes, ceux qui ne le sont pas vont aller plus dans d'autres programmes. Donc, comment on agit dans un cas comme celui-là? Est-ce qu'on peut modifier notre façon de penser l'offre de projets particuliers pour avoir des programmes qui vont être plus mixtes? Si on n'est pas capable, est-ce qu'on est capable de mobiliser le parascolaire? Est-ce qu'on est capable de mobiliser les cours d'éducation physique, par exemple? Donc, il y a comme une réflexion à faire. Le défi... là, je vous vois venir, vous allez me dire : Mais qu'est-ce qu'on fait à Montréal? Ou : Qu'est-ce qu'on fait quand on est dans le Bas-Saint-Laurent? Bien là, évidemment, c'est sûr que ça limite les possibilités d'action quand on est dans ces deux cas, dans ces deux cas-là, alors moi, ce qu'on fait, c'est on revient avec une proposition qu'on avait déjà faite, de dire : il faut avoir des jumelages entre écoles de milieux différents pour mettre en relation, justement, les jeunes, notamment de Montréal, qui viennent de quartiers qui sont très, très diversifiés, avec des jeunes d'écoles où la diversité est beaucoup moins grande. Et là, on commence par des correspondances scolaires, il y a des projets qui existent, OK, des correspondances scolaires, ça ne coûte pas très cher, là, c'est de mettre en relation des profs pour qu'ils fassent des activités conjointes, que les élèves soient en lien avec d'autres élèves qui vont être différents d'eux, à faire un projet. Puis, ensuite, bien, l'idée, idéalement, moi ce que je voudrais, c'est que ça débouche aussi sur des voyages, des voyages scolaires ou qui seraient centrés, justement, sur l'idée de construire de la cohésion sociale, de renforcer les compétences interculturelles. Est-ce que ça veut dire de faire moins de voyages à Boston? Est-ce que ça veut dire de faire moins de voyages à New York? Je pense que la question peut se poser.

Journaliste : Parce que, encore une fois, je...


 
 

13 h 30 (version non révisée)

Journaliste : ... bien comprendre pour une école de Montréal, disons, Rivière-des-Prairies ou je ne sais pas, vous en... vous connaissez les chiffres mieux que moi, mais il y en a 80 %, je ne sais pas, des jeunes qui sont issus de l'immigration. Alors, vous ne proposez pas d'agir sur la composition des clans, selon ce que je comprends?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, c'est sûr qu'à Rivière-des-Prairies, c'est difficile, c'est ça, parce qu'il n'y a pas nécessairement... c'est ça, on est plus là, là. Mais c'est différent, par exemple, à Longueuil, à Marie-Victorin, là, à ce moment-là, effectivement, la... CSS Marie-Victorin, par exemple, pourrait modifier sa carte scolaire pour avoir une meilleure répartition. Elle peut réfléchir, aussi, à son offre de programmes, programmes... projets, en fait, particuliers, si elle constate qu'il y a une segmentation ethnoculturelle, en fait, entre des programmes sélectifs puis des programmes non sélectifs.

Journaliste : Parce que vous comprenez, les jeunes, par exemple, qui vont, qui vont lire, on imagine, ou en tout cas, on l'espère, nos articles vont se dire : pourquoi le gouvernement à qui vous demandez d'agir me dirait avec qui je peux être ami et avec qui je ne peux pas être ami.

M. Dubreuil (Benoît) : C'est une bonne question, c'est une bonne question. Évidemment, il ne s'agit pas de forcer des amitiés, ça ne se peut pas, mais vous remarquerez que, dans les écoles, souvent, si vous regardez la liste des amis de vos enfants, là, souvent, c'est des gens avec qui ils ont été, à qui ils ont parlé, avec qui ils ont partagé des classes. Donc, c'est dans les classes que les amitiés se forgent ou dans les activités parascolaires. Donc, c'est sûr que si on a une segmentation à la base ou des tendances, on appelle ça des tendances à l'homophilie, dans la recherche en sociologie, les gens vont avoir tendance à former des réseaux qui, à long terme, ne vont pas donner, ne vont pas nous donner ce qu'on veut, ni comme parents, ni comme société.

Journaliste : J'ajouterai quelques questions là-dessus, si vous me le permettez, M. Dubreuil, François Carabin, le Devoir. Vous dites quand même, là, puis vous venez de le mentionner dans votre rapport, que certains centres de services scolaires auraient avantage à revoir les cartes scolaires et, également, la composition et les règles de composition des classes. Si c'est possible de nous expliquer comment, par exemple, dans une classe, je ne sais pas, comment on reverrait la composition ou les règles de composition?

M. Dubreuil (Benoît) : Je ne pense pas que, ce n'est probablement pas le plus grand enjeu, parce que je pense que les règles de composition des classes, souvent, s'il n'y a pas de diversité ou s'il y a beaucoup, beaucoup de diversité dans une école, ça va généralement se refléter dans les classes. Je pense que c'est, comme, d'être un peu attentif à ça pour ne pas se retrouver avec des classes qui sont trop déséquilibrées. Je pense qu'en général, par contre, selon notre compréhension, là, les enjeux, c'est peut-être plus par rapport à l'offre de programmes, dans ce qu'on appelle l'école à trois vitesses, où il va y avoir certains profils, en fait, qui vont attirer beaucoup de jeunes qui ne sont pas issus de l'immigration. Puis là, les jeunes qui sortent de francisation, par exemple, vont aller dans un autre profil et il va y avoir des espèces de représentations, là, où il y a, il y a les Québs du PEI, puis il y a, il y a les immigrants du régulier. Puis là, les gens ne se fréquentent pas et ne se font pas trop confiance. Puis là, ils développent des représentations, qui, après ça, ne sont pas, ne sont pas très saines, qui nous ne nous amènent pas où on veut en termes de cohésion sociale et de sentiment d'appartenance.

Journaliste : OK... Mais... si c'est possible de préciser concrètement, parce que là, vous faites une recommandation, clairement. Concrètement, comment ça s'appliquerait? Puis, si je peux, sur les cartes scolaires, spécifiquement, là. Vous avez dit qu'à Montréal, bon, considérant la composition actuelle des classes, ce n'est pas vraiment réaliste de modifier la carte scolaire. Est-ce que c'est donc dire que Montréal, par rapport à Longueuil, on ne peut pas revenir en arrière, ou?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, on ne peut pas revenir en arrière. Ce... Je veux dire, il y a...

Journaliste : Ou, en tout cas, on ne peut pas, on ne peut pas corriger la situation, là.

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, c'est ça, c'est-à-dire chaque, chaque région, chaque ville a sa démographie, là, donc, il faut quand même prendre ça, un peu, pour acquis, puis voir comment on améliore les relations interculturelles à partir de ce que l'on a. Donc, c'est sûr qu'à Montréal, tu sais, je veux dire, si l'idée, c'est de faire en sorte que tous les jeunes de Montréal, puis là, je prends Montréal, mais c'est la même chose si vous allez dans une région où il n'y a pas beaucoup de gens issus de l'immigration, vous avez exactement le même, le même problème. Si l'idée, c'est de renforcer les liens immigrants/non-immigrants, bien, vous êtes limité dans ce que vous pouvez faire quand il y a une concentration sur le plan, sur le plan territorial. Mais ce n'est pas le cas partout. Il y a des endroits où il y a beaucoup de mixité, puis à ce moment-là, la question de l'offre de programmes de la carte scolaire se pose.

Journaliste : OK. Petite dernière question technique, là, vous calculez, dans votre rapport, la probabilité moyenne des élèves issus de l'immigration d'être exposés à des élèves de troisième génération, plus dans leurs écoles. C'est un peu pour démontrer à quel point la mixité est plus limitée par rapport à il y a 20 ans.

M. Dubreuil (Benoît) : Mais c'est pour voir...


 
 

13 h 35 (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : ...les endroits où c'est peut-être plus difficile puis les endroits où c'est moins, c'est moins difficile.

Journaliste : Et comment avez-vous calculé cette probabilité-là? Et pourquoi avoir choisi, par exemple, les élèves de troisième génération plutôt que les élèves de deuxième génération qui pourraient quand même être, comment dire, intégrés au Québec, là?

M. Dubreuil (Benoît) : Non, mais tout à fait. Puis il ne s'agit vraiment pas de dire évidemment que les élèves qui sont nés au Québec sont québécois, mais dont les parents sont immigrants, sont moins québécois, là. Ce n'est pas du tout ça, le sujet. L'argument de base, c'est que quand on regarde la recherche qualitative puis quand on regarde les données sur l'utilisation du français, on comprend que les jeunes qui grandissent dans des... dans des familles immigrantes vivent des choses différentes, qui les amènent à... qui amènent une certaine partie d'entre eux, pas tout le monde, il ne faut pas généraliser, à avoir un rapport au français qui est différent, qui va être plutôt utilitaire. Donc, l'idée c'est pourquoi on en arrive là? Puis là on l'explique. Bien, c'est parce qu'il y en a qui ont l'anglais comme langue dominante et pour qui le français reste une langue scolaire. Il y en a qui ont le français comme langue dominante, mais leurs... leurs amis, leur réseau social n'aura pas beaucoup d'intérêt pour la culture québécoise ou ne sera pas exposé à la culture québécoise dans leur réseau social. Puis ensuite, il y a l'enjeu plus identitaire où il y en a qui vont avoir un rapport plus comme de rivalité avec l'identité québécoise. Puis à l'inverse, bien, il y en a d'autres qui ont le cheminement contraire et qui vont avoir tendance à mieux intégrer le français dans leur... dans leur pratique culturelle. Donc ça, c'est vraiment la raison pour laquelle les personnes de deuxième génération ont besoin d'une attention particulière. Donc, c'est un groupe qui, les jeunes, ça fait 100 ans, là, que les... les sociologues étudient les jeunes de deuxième génération. Il y a une raison, c'est que ces gens-là vivent des choses particulières. La question du calcul de la probabilité, Rodolphe, je ne sais pas si tu veux y aller, c'est un indice quand même qui existe dans la recherche. On a plusieurs indices de concentration, exposition. Donc...

M. Parent (Rodolphe) : Donc, en fait, c'est une. C'est la... Dans une zone qui peut être une zone géographique, donc une aire de diffusion dans d'autres cas, qui peut être une école qui était la zone où on a reçu les données, qui était la plus précise qu'on pouvait avoir, on regarde dans chacune de ces zones-là quelle est la mixité. Donc, on va regarder... Par exemple, il va y avoir 10 % de personnes de première génération et deuxième génération, 90 %. Et donc, là, on dit : Dans le fond, dans cette zone-là, la probabilité d'exposition, c'est 90. Il y a 90 % de probabilité. Et c'est une moyenne sur l'ensemble des zones. Et cet indice permet donc de parler d'exposition moyenne du premier groupe envers le deuxième groupe.

M. Dubreuil (Benoît) : C'est que ça permet de distinguer ensuite les endroits dans la société puis les institutions où il y a une probabilité de contact qui est plus élevée et ceux où il y a une probabilité plus faible. Et ce qu'on veut, justement, c'est renforcer la probabilité de contact, puis outiller les institutions pour que les contacts soient positifs. Ce n'est pas... Ce n'est pas simple, là, ce n'est pas quelque chose de simple à faire. Ce n'est pas pour rien que tous les pays occidentaux en ce moment ont ces débats-là, de dire comment on gère ça puis comment on crée de la cohésion sociale puis de l'adhésion. Au Québec, on a ces défis-là, sauf qu'en plus, bien, on a un contexte particulier où on a une langue qui est minoritaire, on a une culture qui est minoritaire. Puis si les gens ne sont pas amenés dans leur vie personnelle à avoir des contacts puis des liens significatifs avec des gens pour qui la culture québécoise est importante, ça devient plus difficile de développer un sentiment d'adhésion.

Une voix : Merci.

Le Modérateur : Hugo Pilon-Larose, LaPresse.

Journaliste : Justement, je reviens sur la question de la mixité dans les écoles, particulièrement à Montréal et à Laval. J'ai... Dites-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression qu'à la lumière des solutions que vous mettez... pas des solutions, mais des idées que vous mettez au jeu, entre autres d'augmenter, justement, les contacts, les jumelages, les voyages scolaires, le nerf de la guerre, ici, c'est l'argent que le gouvernement va mettre sur la table, là. Parce que je veux bien croire qu'on peut faire moins de voyages à New York puis à Boston, mais à Saint-Michel, je ne pense pas qu'ils vont bien à New York puis à Boston à la fin de l'année scolaire, là.

M. Dubreuil (Benoît) : Oui. Je pense que c'est une des difficultés justement actuelles. Puis on ne veut pas... on ne peut pas se leurrer là dessus, là. C'est sûr que le milieu scolaire, il est sous pression. Tu sais, la vie dans une école, là, c'est une vie sous pression. Donc, il y a des choses, je pense, qu'on peut faire qui ne coûtent pas beaucoup d'argent et qui devraient être intégrées de façon régulière dans la manière de faire les choses. Sinon, je pense qu'on peut faire preuve de créativité aussi. Je pense qu'il y a des voyages qui coûtent plus cher et il y a des voyages qui coûtent moins cher. Maintenant, il y a moyen aussi d'organiser des voyages qui ne coûtent pas une fortune, mais je pense qu'il faut qu'on se saisisse quand même de l'enjeu. Il faut qu'on se saisisse de l'enjeu. Ensuite, on peut prioriser, peut-être commencer par des choses qui coûtent moins cher, voir comment on peut faire, développer des modèles qui permettent de mettre en contact beaucoup de personnes sans engager beaucoup d'argent. Mais il faut que ça soit une priorité institutionnelle d'abord. Mais le contexte est merveilleux ensuite... actuellement parce qu'évidemment on sait qu'il y a beaucoup de...


 
 

13 h 40 (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : ...commissions scolaires... de centres de services scolaires, pardon, qui se questionnent par rapport aux voyages aux États-Unis. Est-ce que ça vaut encore la peine de demander aux parents de dépenser 1 000 $ pour envoyer les jeunes à New York dans des centres d'achats ou dans des parcs d'attractions? Les centres des services scolaires en ce moment se posent la question.

Journaliste : Je comprends, mais c'est quand même des situations très privilégiées, là. On ne parle pas d'écoles défavorisées, dans certains quartiers de Montréal, là où, justement, les taux de mixité sont les plus faibles, là. Ce n'est pas la... pas le même... il me semble, ce n'est pas le même contexte, là, quand même.

M. Dubreuil (Benoît) : Il faut mobiliser... Il faut mobiliser les gens puis il faut que ce soit une priorité de l'institution.

Journaliste : Bon. Dans le cadre de vos travaux, justement, qui ont mené à la rédaction de ce rapport... vous l'avez peut-être expliqué tantôt en briefing, mais je vous repose la question, avez-vous rencontré les populations immigrantes pour savoir, eux, quelles ont été leurs barrières à l'intégration? Est-ce que ce sont davantage des barrières culturelles, économiques? Qu'est-ce qui les aiderait justement à adhérer davantage à un processus menant à des jumelages, à des activités, justement, pour rencontrer les Québécois, et tout ça?

M. Dubreuil (Benoît) : Oui. Bien, ce qu'on a fait, en fait, c'est qu'on a analysé, en fait, les études qui ont été publiées depuis 20 ans du côté qualitatif. Donc, il y a 20 ans, ces études-là existaient peu ou pas, mais là il y a vraiment eu beaucoup, beaucoup de recherches qui ont été faites dans les universités. On a plein de chercheurs, de chercheuses... plus des chercheuses, parce que souvent c'est dans le domaine de l'éducation, il y a plus de chercheuses, qui ont fait des thèses de doctorat, qui ont fait des mémoires de maîtrise où ils ont analysé la situation de différentes communautés. Nous, on a passé l'été... là, moi, j'ai passé l'été à lire des thèses de doctorat sur la question, sur l'expérience socioscolaire des jeunes d'origine chinoise, sur l'expérience socioscolaire des jeunes d'origine sud-asiatique. Et honnêtement il y a un moment où on sature, là, comme on dit en recherche, dans le sens où les mécanismes deviennent... deviennent clairs. Donc, c'est une façon aussi, le travail qu'on fait aujourd'hui, de mettre en valeur puis peut-être de donner un peu d'attention, en fait, à des travaux universitaires, là, qui n'avaient peut-être pas reçu l'attention qu'ils méritaient.

Puis je tiens à préciser aussi que, dans ces travaux universitaires, souvent, quand on arrive à la fin, là, de la thèse de doctorat ou du mémoire de maîtrise, il y a toujours une partie où la personne dit : Bien, qu'est-ce que ça pourrait vouloir dire pour les politiques publiques? Puis c'est toujours la même chose, c'est : il faut accroître les contacts de qualité entre les jeunes issus de l'immigration puis les jeunes qui ne sont pas issus de l'immigration, dans un contexte d'égalité, de réciprocité puis de collaboration, pour que les gens apprennent à se connaître puis développent des liens.

Journaliste : OK.Et, en terminant, pour mesurer... parce que les gens vont se poser la question, comment est-ce qu'on va mesurer à terme l'efficacité ou non des mesures qui seront mises en place? Dans... Sur la question très précise de l'adhésion à la culture commune... peut-être que ma question va être un peu poétique, là, mais la culture commune, comment est-ce qu'on la définit? Parce qu'elle me semble quand même très riche dans plusieurs quartiers de Montréal, où on a... je pense... je ne sais pas, moi, je pense à un youtubeur comme le Maire de Laval, je ne m'en souviens plus, son nom de... mais, tu sais, bref, lui, il est quand même très présent, très... c'est très riche ce qu'il propose, mais peut-être que la personne à Rivière-du-Loup, le jeune à Rivière-du-Loup n'a aucune idée c'est qui, là. Mais donc c'est quoi, la culture commune?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, moi, je... Si je parle du Maire de Laval, je ne sais pas si je vais me retrouver dans un TikTok ou quelque chose comme ça, parce que je le suis, évidemment, puis je suis plusieurs jeunes créateurs de contenus qui viennent de toutes sortes de milieux. Puis, pour moi, justement, tu sais, je suis quand même pas mal sur TikTok, sur Insta, sur YouTube, et il y a des créateurs de contenus, justement, qui sont d'une génération qui ont cette adhésion-là, qui participent, qui font vivre la culture québécoise aujourd'hui, et il faut les mobiliser, puis je pense qu'ils sont mobilisés aussi, ces gens-là. Ils ont un parcours qui est... qui est inspirant, où clairement, là, ça transpire l'adhésion. Tu sais, ils sont... ils font partie de la société, ils veulent faire partie de la société. La question, c'est : Comment on élargit, comment on élargit pour rentrer... embarquer toujours plus de monde? Là, je ne sais pas si je réponds à la question. J'ai comme oublié le début parce que, là, j'étais comme trop...

Journaliste : Donc, essentiellement, c'est de dire : On va mesurer le succès à l'intégration...

M. Dubreuil (Benoît) : Ah! la mesure du succès. Bien...

Journaliste : ...à la lumière de comment la culture ne sera plus pareille demain qu'elle l'est aujourd'hui, là?

M. Dubreuil (Benoît) : Oui. Bien, écoutez, la question du succès, ça, c'est un des enjeux qu'on a eus, c'est qu'on n'a pas nécessairement de bonnes enquêtes sur le plan quantitatif qui permettent de mesurer un certain nombre de variables qui sont importantes. Par exemple, les réseaux, la composition des réseaux sociaux, les amis, là, donc, on n'a pas beaucoup de variables sur le plan... d'études sur le plan quantitatif là-dessus. La question de la langue qui est utilisée avec les amis, par exemple, ça, c'est superimportant aussi, parce qu'on voit que, si la personne utilise le français uniquement dans la classe mais qu'avec les amis ce n'est pas utilisé... on sait que la culture québécoise ne sera jamais très, très forte, OK? Donc, ça, c'est une autre variable qui serait intéressante. La troisième, c'est une variable...


 
 

13 h 45 (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : ...sur la perception peut-être de la représentation de l'identité. Est-ce que vous considérez que... par exemple, si vous êtes d'origine algérienne ou camerounaise, est-ce que vous considérez que c'est en conflit avec le fait d'être Québécois ou vous considérez que c'est compatible puis vous voyez les deux comme étant en harmonie l'un avec l'autre? Ça, pour moi, ce serait vraiment une variable super... super intéressante à mesurer. Donc, je pense que ça... enfin, à ma connaissance, ça ne l'a pas été jusqu'à présent, mais on travaille nous aussi de notre côté avec l'OQLF pour leur planification des études sur le suivi de la situation linguistique. C'est sûr que nous, on aimerait voir inclure plus de ce type de variables là sur les réseaux puis sur les représentations identitaires.

Journaliste : Merci. Mounir Kaddouri, le nom du Maire de Laval, pas Stéphane Boyer.

M. Dubreuil (Benoît) : ...Non, non, et il y a beaucoup de choses intéressantes qui se passent sur...

Journaliste : On va passer aux questions de Juliette Nadeau-Besse, Le Soleil.

Journaliste : Oui. Bonjour. J'aimerais... juste préciser, là, sur les chiffres dont on parlait tout à l'heure, la probabilité d'exposition. Si, par exemple, ce chiffre-là est de 50, juste comprendre qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce que ça veut dire : La personne issue de l'immigration a une chance sur deux de côtoyer un...

M. Dubreuil (Benoît) : C'est ça. Bien, par exemple, dans votre milieu de travail, par exemple, si c'est 50 %, ça veut dire que, si vous croisez quelqu'un au hasard dans votre milieu de travail, il y a une chance sur deux qu'effectivement ce soit un francophone qui n'est pas issu de l'immigration. Donc, c'est vraiment simple, on l'a... on l'a pour les universités, on l'a pour les collèges, les cégeps, on l'a par école, on l'a par région métropolitaine. Donc, pour les universités, par exemple, on l'a calculé. C'est quoi, la probabilité dans votre programme, vous vous assoyez à côté de quelqu'un au hasard, c'est quoi la probabilité que ce soit un étudiant québécois, par exemple?

Journaliste : J'aimerais ça vous entendre un peu sur la région de Québec, qui m'intéresse en particulier, je voyais sur le graphique, là, que, par exemple, on avait le CSS des Découvreurs, qu'il y avait une très, très grande hausse du nombre de personnes issues de l'immigration. Est-ce que... est-ce que vous pouvez juste me parler un peu de qu'est-ce qu'on sait sur Québec? Vous parliez de grande mixité. C'est quoi, les défis?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, Québec, c'est sûr qu'à Québec, l'immigration, elle est très francophone. Donc, déjà, ça, c'est important de le dire. Sur le plan purement du choix de la langue, À Québec, en général, là, les indicateurs pour ce qui est de l'usage du français, de la convergence vers le français, ça va relativement bien.

L'enjeu, c'est plus par rapport à l'autre élément, là, de la langue commune qui s'appelle l'adhésion et la contribution à la culture. Et là c'est comment justement on s'assure que ces jeunes qui viennent de... qui viennent de milieux différents, de pays différents, nouent des relations ensemble de qualité. Donc là, je ne veux pas nécessairement parler de ma vie personnelle parce que je vis à Québec, et puis mes enfants ne me le pardonneraient pas, mais c'est sûr que, dans la région, dans les écoles, il y a des dynamiques aussi de segmentations ethnoculturelles, par programmes, par classes, par activités. Donc, il y a quand même des choses à améliorer si on veut justement que les jeunes très nombreux qui sont issus de l'immigration, qui sont arrivés dans les dernières années, en viennent justement à sentir qu'ils sont pleinement partie prenante de la société québécoise.

Journaliste : Puis une question qui est plus de manière générale, là, mais vous... on retient qu'il faut plus de mixité pour favoriser l'adhésion à la langue française. Est-ce que vous retenez aussi qu'il faut moins d'immigration ou ça n'a pas rapport, ces deux choses-là?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, c'est sûr qu'il y a un moment où il y a un lien, dans le sens où si vous avez très, très, très peu d'immigrants, là, dans un pays, les immigrants sont comme obligés, là, d'être en contact avec des gens qui ne sont pas des immigrants. Tu sais, ils vont trouver ça difficile, ça va être extrêmement difficile pour eux comme effort d'intégration, mais ils vont comme être obligés. Un peu le défi qu'on a, puis ce n'est pas juste le Québec, là, c'est... Vous pouvez nommer un peu la société occidentale que vous... que vous souhaitez. C'est sûr, quand l'immigration devient très, très, très importante avec une concentration dans les grandes métropoles, ça crée un contexte où il y a des gens qui peuvent arriver puis, comme, sans nécessairement que ce soit volontaire de part et d'autre, bien, ne seront pas beaucoup en contact ou peu en contact ou pas en contact avec des non-immigrants. Puis là l'enjeu qui apparaît, bien, c'est un enjeu de polarisation, évidemment, qu'on connaît où il y a comme la moitié de la population qui se dit : Bien là, les immigrants ne veulent pas s'intégrer, puis de l'autre moitié de la population qui dit : Bien là on ne veut pas intégrer les immigrants. Puis là il y a comme une polarisation symbolique autour... autour de ça. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est une manière concrète un peu de dépasser aussi ce débat-là pour dire : Bien, comment on fait, là? Comment on fait concrètement, là, pour construire du lien social, en mobilisant les institutions?

Journaliste : Mais est-ce que vous... vous craignez que ce soit repris votre rapport pour faire peur sur l'immigration?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, nous, on espère que ça va être repris pour amener des idées constructives. Donc, je pense qu'après ça, c'est sûr que la couverture médiatique...


 
 

13 h 50 (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : ...elle importe. Donc, il y a un rôle aussi pour vous, d'amener les choses, évidemment de manière constructive, en témoignant bien de la nuance de mon propos. Mais sinon, je ne fais pas de crainte particulière.

Journaliste : Ça me fait penser, je vais faire du pouce, quand même, M. Dubreuil, le gouvernement a soumis la semaine dernière ces scénarios d'immigrations pour les années 2026 à 2029 et j'étais curieux de savoir ce que vous en avez pensé, surtout le seuil à 45 000.

M. Dubreuil (Benoît) : Juste pour dire, nous, ce qu'on propose aujourd'hui, c'est comme indépendant aussi d'où voudrait... où on voudrait situer le seuil, là, ça peut fonctionner aussi bien avec un seuil faible qu'un seuil élevé. Donc, moi, je vais peut-être revenir un peu sur ce que j'avais dit lorsque j'avais été à la consultation, c'est sûr qu'il y a un moment donné où le nombre compte, mais ce qui compte encore plus, c'est quel est le milieu dans lequel les gens se sont insérés, quelle est la nature des liens qu'ils ont établis. Une des difficultés qu'on a en ce moment, c'est que le développement de l'immigration temporaire, depuis plusieurs années, c'est fait d'une façon un peu désordonnée. Les employeurs ont fait venir beaucoup de gens, les établissements d'enseignement ont fait venir beaucoup de gens, il y a beaucoup de gens qui sont arrivés comme demandeurs d'asile, il n'y avait pas vraiment de cadre, il n'y avait pas nécessairement des attentes précises qui ont été données. Donc, là, on se retrouve dans une situation qui est un peu embarrassante, où il y a beaucoup de gens qui ont des attentes, mais en même temps, on ne sait pas qui est bien intégré, qui ne l'est pas, qui a fait un bon travail, qui n'a pas fait un bon travail. Moi, ce que j'espère, c'est que le gouvernement va réussir à sélectionner des gens qui sont bien... bien intégrés, bien installés au Québec et pour les autres, pour les autres, de leur offrir quand même un cheminement clair, transparent, qui va les amener dans la bonne... dans la bonne direction, si leur intention est de rester au Québec.

Journaliste : Donc, en favorisant davantage les profils des personnes immigrantes qui ont travaillé ou qui sont déjà sur le territoire québécois, qui travaillent en région, là, c'est... l'objectif de M. Roberge, j'imagine qu'il y a... qu'on vient répondre, du moins en partie, à vos... à vos interrogations.

M. Dubreuil (Benoît) : En partie. Donc, c'est sûr qu'un immigrant qui est installé en région, qui parle bien français depuis quelques années, dans plusieurs milieux de travail, on sait que, en général, c'est un contexte qui est favorable à l'intégration. Cela dit, tu sais, il y a des choses qui se sont passées en région qui ne sont pas nécessairement idéale non plus, et je l'ai mentionné précédemment, on sait, il y a des employeurs en région qui vont comme séparer leurs travailleurs selon leurs origines. Les Latinos travaillent ensemble sur un corps de travail, les Québécois travaillent ensemble sur un corps de travail. Les gens n'ont pas beaucoup d'occasions de passer du temps ensemble, bien, ça, ce n'est pas un contexte qui permet l'intégration. C'est pour ça qu'on propose aussi de mobiliser les associations d'employeurs, de mobiliser les syndicats pour que ça, ça n'arrive pas. Que quand quelqu'un arrive dans un milieu de travail, ce soit un milieu de travail qui va lui permettre de se faire des amis québécois. Et puis, si ce n'est pas sur le milieu de travail, au moins que ce soit en dehors du milieu de travail, en collaborant avec les municipalités. Puis, c'est là qu'il faut donner un pouvoir aux municipalités, aussi, pour aller mobiliser tous les organismes, en fait, il y en a quand même des associations de sport, de loisirs, de culture. Il faut les mobiliser.

Le Modérateur : Merci. Sébastien de...

Journaliste : Ça... ça m'intrigue, comment on fait en sorte que les gouvernements locaux, donc les municipalités ou les MRC, puissent recommander des candidats à l'immigration économique? Comment ça fonctionnerait?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, en fait, c'est sous la forme d'une lettre, essentiellement. Donc, là, il y a une mécanique avec Arrima qu'il faudrait... qu'il faudrait définir. Je ne veux pas nécessairement rentrer dans le... dans le détail.

Journaliste : Mais, est-ce qu'on pourrait leur donner des points supplémentaires dans le PSTQ, s'ils ont...

M. Dubreuil (Benoît) : Oui, bien, nous, ce qu'on pense qui serait pertinent, ce serait de permettre aux gouvernements locaux d'ajuster les critères de sélection, ce qui permettrait de faire une planification au niveau régional. Donc, par exemple, la municipalité pourrait dire, en consultation avec les employeurs, les syndicats, les établissements d'enseignement : bien, nous, dans Chaudière-Appalaches, on a des priorités de développement économique, de développement urbain, de développement social et c'est ce type de profil-là qu'on veut... qu'on veut encourager. Donc, on ajuste... on crée des ajustements à la grille de points pour refléter notre planification régionale. Et, là, à partir du moment où on fait ça, l'établissement d'enseignement va comprendre le message, l'employeur va comprendre le message, puis tout le monde, tous les intérêts vont s'aligner.

Le Modérateur : Je pense que ça fait le tour des questions en français, on va passer en anglais avec Dan Spector, Global.

Journaliste : A bit of a basic question, but I'm just hoping to have you explain, in English, the problem. Like, why is it... or how is it that these immigrants are failing to integrate right now and why is it an issue?

M. Dubreuil (Benoît) : So the question is not that immigrants are failing to integrate, the question is that when we look at numbers regarding the use of French, what we see is that there's lower use of French, not only among immigrants, but also among children of immigrants and this is true of...


 
 

13 h 55 (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : …basically all indicators. So, it's not a question of the choice of indicator. It's true of all indicators. So, the question is why is it the case? Because we know that children of immigrants, like vast majority, almost all of them can speak French very well. The vast majority have been schooled in French. So how is it that when we look at cultural choices, for instance, we see that the use of French is significantly lower? So, what we did is that we looked into the qualitative, the research, university research, that has been conducted on this question for the past 20 years. And what we see is that it's basically, it's really about personal connections that these kids will establish with children that are not of immigrant background, and how it affects how they will be exposed by peers to Québec culture, for instance, but also about their identity. What we find is that we have a significant segment of these youths who do not necessarily identify or feel comfortable identifying with Québec identity and Québec culture. And some of them feel that there is a tension also between their identity and identifying with Québec. So, the question is : How can we mitigate this perception that there isn't compatibility by strengthening interpersonal relationships?

Journaliste : Yeah. And so, you talked about, you know, changing the composition of classes and workplaces. But you know, schools, workplaces, generally, they have a lot on their plates. Do you think that's realistic to start having these places, generally yes, develop groups with that lens?

M. Dubreuil (Benoît) : I think it is a lens that is extremely important to add when you manage a school and you want to prepare people to be active citizens in Québec society. I think that having people develop the skills that will make them good citizens who will be able to behave and to succeed in an intercultural environment, I think it is hugely important. I mean it is massively important for social cohesion. At the same time, I really hear what you say. I know that at the moment, in schools, the pressure is really high. The pressure is really high, but at the same time, there are things that can be done that do not cost a lot of money. I was talking about, I'm not sure how to say this, correspondence between schools, exchange of letters…

Journaliste : Yeah, that's good.

M. Dubreuil (Benoît) : That's good?

Journaliste : You can say that.

M. Dubreuil (Benoît) : OK, très bien. That's something that is not very expensive. And we know that there are all kinds of, of project of exchanges between schools. And by the way, this also exists between French schools and English schools. Right? And it helps quite a lot to have people to mitigate also the tension between francophones and anglophones. We did not address this question in this report, but that would be a very good topic for another report, how do we strengthen also the sense of belonging of the English-speaking citizens by having them establish more contact with francophones. And this could be organized. Is it hard? Does it take some effort? Does it imply that we change our approach to teaching and our conception of what the school system is there for? Sure. But what are the benefits?

Journaliste : It seems like people wanting to stay within their own ethnic groups is just like probably a pretty innate natural type of thing. It would seem that that would be a pretty strong force to fight against.

M. Dubreuil (Benoît) : Yeah. You know, that's an interesting question. And I don't know for you, but like… It's like when I think of my friends, when I think of my own life, it's true. Like we are all attracted, it's easier to interact with people who think like us. It is easier to interact with people with whom we share a lot of things. So that's why strengthening social cohesion in a society that is highly diverse is a challenge. And if it was easy, I mean, there's a lot… There are a lot of debates that exist right now in contemporary democracies that would not exist. It's hard. That's why we all have the challenge. Right? But what else can we do then find a solution.

Journaliste : Merci.

Le Modérateur : Merci. C'est ce qui met fin à cette conférence de presse.

M. Dubreuil (Benoît) : Merci.

(Fin à 14 h 00)


 
 

Participants

  • Dubreuil, Benoît

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