To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > News and Press Room > Press Conferences and Scrums > Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin

Advanced search in the News and Press Room section

Start date must precede end date.

Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin

Version finale

Thursday, September 17, 2015, 9 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures trente-trois minutes)

Mme David (Gouin) : Aujourd'hui, grand jour pour moi et pour Québec solidaire : début des auditions sur le projet de loi n° 494, Loi voulant protéger les locataires aînés des évictions. Un jour très positif pour la démocratie, puisque ce projet de loi est déposé par un parti d'opposition, par Québec solidaire, et se rend jusqu'à une commission parlementaire, ce qui est extrêmement rare. J'en profite pour saluer une fois de plus le travail de collaboration qui a été fait depuis un an et demi maintenant entre le ministère, le ministre de l'Habitation et moi, et Québec solidaire, avec aussi la collaboration des autres oppositions. On en est à la deuxième mouture d'un projet de loi pour protéger les locataires aînés, pauvres et/ou handicapés de l'éviction, mais cette deuxième mouture vraiment est améliorée par rapport à la première. Et on pense que, cette fois-ci, c'est la bonne.

Alors, de quoi est-ce qu'il s'agit? D'un tout petit projet de loi, deux articles seulement. Ce qu'il dit, ce projet de loi, c'est que, si une personne est âgée de 65 ans et plus, si elle est à faibles revenus ou qu'elle est une personne handicapée, elle ne pourra être évincée de son logement à moins que son propriétaire ne lui trouve un logement équivalent dans un certain rayon, sept kilomètres en général, cinq kilomètres à Montréal, donc un certain rayon à partir du logement qu'elle habite déjà.

Mon intention est claire, je ne m'en suis jamais cachée et je continue de le dire : Je veux éviter au maximum ces évictions. Est-ce que ça les empêche totalement? Non, puisqu'un propriétaire qui y tient vraiment, qui veut reprendre possession de son logement, soit pour un membre de sa famille, soit pour agrandissement et subdivision, pourra le faire, mais il devra trouver un logement équivalent et répondant aux besoins de la personne aînée, donc, dans un certain périmètre.

Pourquoi est-ce que j'ai déposé ce projet de loi? C'est bien simple, c'est que dans mon bureau de comté et dans d'autres bureaux de comté, surtout dans les quartiers centraux des grandes villes au Québec, on reçoit des personnes âgées, parfois de 80 ans et plus, qui vivent dans un logement 20, 25, 30 ans et qui, du jour au lendemain, se font dire : Vous devez déménager, parce que je veux reprendre pour un membre de ma famille ou parce que je veux agrandir et subdiviser, et, dans certains cas, c'est bien pire, parce que c'est un nouveau propriétaire, il vient d'acheter, il veut rentabiliser l'immeuble, il veut faire ça en copropriétés indivises, et puis après, il va se transformer en condo. Ils vont revendre des logements, ils vont faire beaucoup de profits. Ce genre de spéculation se fait dans mon comté et se fait dans d'autres quartiers de Montréal.

Mais qu'est-ce que ça veut dire, pour une personne aînée de devoir déménager? C'est ça, la question importante. Et pourquoi j'accorde de l'importance au fait que là, là, on parle des aînés? Bien, c'est que, souvent, les aînés... ce sont beaucoup des femmes, d'ailleurs, des femmes à faibles revenus, des femmes seules, elles habitent depuis longtemps dans un logement, donc le coût du loyer, tout en ayant augmenté au fil des ans, demeure raisonnable, et là cette personne va devoir se trouver un autre logement, et on sait que le prix des loyers à Montréal a augmenté de plus de 35 % dans les 10 dernières années. Alors, ça va être, premièrement, difficile pour elle au plan économique, mais, deuxièmement — et ça, c'est très important pour moi — un déménagement, pour une personne aînée, est toujours un drame. C'est un déracinement, c'est la perte des réseaux sociaux, c'est la perte de services de santé et de proximité auxquels elle était habituée, de services de maintien à domicile qui étaient donnés chez elle. C'est un chambardement majeur de sa vie. Et on sait que, dans certains cas, ça apporte réellement des problèmes de santé physique et psychologique. Alors, dans un but de protection des aînés, j'ai donc déposé le projet de loi n° 492.

Je rappelle encore une fois que ce projet de loi ne couvre que les personnes aînées à faibles revenus et/ou handicapées, qui ont un problème de handicap. Donc, il ne s'agit pas de couvrir l'ensemble des aînés, y compris des aînés qui peuvent être très à l'aise, mais qui sont souvent, dans ces cas-là, propriétaires.

On me demande souvent combien il y en a, combien il y en a, d'aînés qui, comme ça, ont été évincés malgré eux, malgré elles et qui en ont beaucoup souffert? Moi, je ne peux pas donner de chiffre global, parce que, comme la plupart du temps, les aînés ne vont pas à la Régie du logement, ces chiffres sont inconnus. Je peux juste dire que dans mon comté, depuis trois ans, c'est arrivé à au moins une vingtaine de reprises qu'on a eu à traiter des situations de personnes aînées. Il n'y en aurait que quelques dizaines, quelques centaines au Québec qui sont à risque d'éviction et qui sont des personnes qui vivent depuis longtemps dans un logement, des personnes pauvres, des personnes seules et/ou souvent des personnes handicapées, bien ça vaudrait la peine quand même. Ça vaut toujours la peine, passer un projet de loi, même s'il s'agit de le faire pour une petite minorité de gens, quand ça rend service aux gens.

Alors, Mme Dufour, qui est ici, est une locataire qui a donc été évincée de la sorte de son logement du Plateau—Mont-Royal et elle est un parfait exemple des difficultés qui sont vécues. Elle va donc vous en dire quelques mots.

Mme Dufour (Liliane) : Eh bien, bonjour. Moi, j'habitais un appartement depuis 14 ans. C'était chez moi. C'était dans mon quartier, près de chez mes soeurs. J'ai quatre soeurs qui sont malades, je vais les voir très souvent, des amis, la bibliothèque, le médecin. Je suis près de tout ça. Mais maintenant, je ne le suis plus parce qu'on m'a chassée de chez moi, on m'a garrochée dehors. C'est ça qui est arrivé. Et ce que j'ai pu trouver, c'est quelque chose à 300 $ de plus que ce que j'avais parce que ça faisait 14 ans que j'allais voir souvent la régie des loyers, je contestais.

Première des choses, ça me coûte 300 $ de plus. Je suis loin de toute ma famille, de tous mes amis, de tout ce que je connaissais parce que j'ai vécu là presque toute ma vie, sur Le Plateau, j'y suis née. Et maintenant, bien, je me vois encore en train de contester. Ce que Mme David dit, ça m'aiderait beaucoup. J'aimerais beaucoup qu'il y ait cette loi. J'aurais voulu la garder, cette maison-là, c'était l'endroit idéal pour moi. J'avais cherché auparavant pour la trouver, parce que, dans Le Plateau, c'est très difficile à trouver, des appartements à un prix équitable, disons, modeste, parce que tout, en l'espace de 14 ans, maintenant, j'ai revisité les appartements, essayé de m'en trouver d'autres, et c'est augmenté d'une façon incroyable. C'est rendu dans les 1 200 $, 1 300 $, 1 400 $ et plus. Pas moyen de m'en trouver.

J'ai donc dû partir, aller dans Hochelaga-Maisonneuve. J'aime bien les gens du quartier, mais ce n'est pas chez moi et je veux encore repartir. La maison où j'habite, ce n'est pas celle que je veux habiter. Je cherche quelque chose, encore une fois, sur Le Plateau, à mon niveau à moi, près de ma famille, près de mes amis et près des médecins, et tout. Voilà. Merci, Mme David, d'essayer de nous aider.

Mme David (Gouin) : On travaille fort pour ça.

Mme Dufour (Liliane) : Oui, merci.

Mme David (Gouin) : Alors, écoutez, le souhait que j'ai, je le dis bien clairement, là, on va écouter pendant deux jours, essentiellement, des associations de propriétaires, des associations de locataires, des regroupements d'aînés et quelques autres groupes. Après, il y aura l'étude article par article. Je souhaite qu'on continue de travailler, M. Moreau et moi, dans le même esprit de collaboration, avec l'appui de Mme Poirier du Parti québécois, qui est là depuis le début. J'espère qu'on aura aussi l'appui de la Coalition avenir Québec. Je voudrais que ce projet de loi soit adopté, y compris les règlements, avant les fêtes pour qu'il puisse être mis en application le 1er juillet prochain, le 1er juillet 2016. C'est souvent la date fatidique à laquelle les gens doivent partir de chez eux. Donc, j'espère que nous allons continuer dans la même excellente direction.

M. Bellerose (Patrick) : Bonjour, Mme David.

Mme David (Gouin) : Bonjour.

M. Bellerose (Patrick) : Si Mme Dufour n'a pas réussi à trouver un appartement à un prix similaire dans un rayon de cinq kilomètres, qu'est-ce qui vous fait croire que le propriétaire pourrait trouver un appartement?

Mme Dufour (Liliane) : Mais, qu'il me remette dans mon appartement, qu'il le répare et que je retourne.

Mme David (Gouin) : Mais j'ajouterais qu'à Québec solidaire on a fait une concession importante dans tous les débats autour du projet de loi. Donc, si le projet de loi est adopté, le propriétaire peut effectivement chercher un logement dans un rayon de cinq kilomètres. Je fais tout de suite ici une admission : avec cinq kilomètres, on déborde, dans le cas de Mme Dufour, du Plateau—Mont-Royal. C'est un fait. Donc, ça veut dire que le projet de loi ne lui aurait pas nécessairement permis de rester sur Le Plateau.

Par contre, le projet de loi, en introduisant une obligation pour le propriétaire de tout de même trouver un logement équivalent et qui répond aux besoins de Mme Dufour dans un rayon de cinq kilomètres, ce qu'il vient dire, le projet de loi, aux propriétaires, c'est : Écoutez, là, laissez donc faire. Parce que je le sais, que ce ne sera pas facile si on parle d'un prix équivalent. «Équivalent» ne veut pas dire «pareil», «semblable», «identique», hein? «Équivalent» veut dire... on peut parler d'un plus ou moins 10 %, 15 %, là, bon. Et «équivalent» ne veut pas non plus dire : si une personne était dans un six et demi, et là elle est aînée et seule, il faut absolument lui trouver un six et demi. Ça peut être un trois et demi si la personne est devenue seule et ça répond à ses besoins. Tout ça, si le propriétaire, le ou la locataire ne s'entendent pas, c'est évident, évidemment, à la Régie du logement que va revenir la prérogative de trancher.

Donc, il y a une espèce d'équilibre dans tout ça. D'une part, on n'interdit pas l'éviction, mais d'autre part, on la rend plus difficile. On dit aux propriétaires : Vous voulez vraiment évincer une personne âgée, là, vraiment, vous voulez faire ça, là? Bien vous allez vous forcer puis vous allez tenter de lui trouver un logement équivalent qui correspond à ses besoins dans un rayon de cinq kilomètres. Puis, si vous n'en trouvez pas, bien madame, elle va rester chez elle parce qu'elle est chez elle, dans le cas de Mme Dufour, depuis 14 ans.

Moi, j'ai rencontré des personnes âgées de 85 ans qui étaient dans le même logement depuis 30 ans. Alors, vous imaginez le drame que c'est de devoir partir de chez soi, drame qui est moins vécu quand il s'agit d'étudiants, par exemple, dont la vie est par essence un peu nomade. Mais, quand on est une personne de 75, 80, 85 ans, ce n'est pas du tout la même chose.

M. Bellerose (Patrick) : Est-ce que la location d'un appartement est un droit?

Mme David (Gouin) : Certainement. Et là j'ai lu les mémoires des associations de propriétaires qui vont venir aujourd'hui. En fait, ce qu'eux disent, c'est : On est dans un marché privé, et les propriétaires de logements sont des propriétaires privés, et le droit de propriété privée, c'est un droit qui est reconnu au Québec, oui, mais le droit au maintien dans les lieux, c'est aussi un droit reconnu au Québec, le droit au logement, c'est aussi un droit reconnu au Québec. Et depuis 30 ans, le législateur, par tous les aménagements qui ont été faits, là, aux lois qui régissent le logement, a tenté de maintenir un équilibre entre les droits des propriétaires et les droits des locataires. Moi, je m'inscris exactement dans cette logique-là.

Oui, les propriétaires, théoriquement, ont le droit d'évincer un ou une locataire dans le cas d'agrandissement, subdivision ou reprise de loyer pour un membre de la famille. Oui, ils ont ce droit, mais nous pouvons, comme société, décider que le droit au logement, particulièrement pour une personne aînée vulnérable, c'est un droit dont on doit aussi tenir compte. C'est vraiment une question d'équilibre.

Et là vous verrez, dans les deux prochaines journées d'auditions, que, bien sûr, les propriétaires nous disent que l'équilibre, franchement, est du côté des locataires, et les associations de locataires, qui vont davantage venir mardi prochain nous rencontrer, vont nous dire qu'au contraire les propriétaires ont le gros bout du bâton. Alors, il faudra, dans tout ça, que nous, comme législateur, nous cherchions un équilibre.

M. Bellerose (Patrick) : Vous avez parlé d'une deuxième mouture et la question de cinq kilomètres. Est-ce qu'il y a d'autres modifications qui ont été apportées par rapport à la dernière mouture?

Mme David (Gouin) : Oui, on a… Je ne veux pas rentrer dans des détails trop techniques, mais on a surtout clarifié des termes, en fait. On a enlevé la notion de personne vulnérable, qui n'existait juridiquement nulle part au Québec. On a clarifié de quelle façon allait être calculé le faible revenu des gens, que les personnes vivant avec un handicap… Toute la définition de personne vivant avec un handicap, c'est déjà présent dans les lois québécoises. En fait, on a fait un travail essentiellement technique.

J'ai dû faire des concessions. La plus importante, c'est effectivement le rayon, le kilométrage. On peut permettre au propriétaire de chercher jusqu'à combien de kilomètres du loyer initial. Moi, j'aurais souhaité que ce soit dans le même arrondissement. Un arrondissement, entre autres, à Montréal, c'est déjà assez grand, il faut que je vous le dise. Mais finalement, on a dû s'ajuster parce qu'il y a des villes populeuses au Québec, de plus de 100 000 habitants, qui n'ont pas d'arrondissement.

Alors, vous savez, c'est un certain nombre de détails techniques. Je vous dirais que la concession la plus importante que j'ai faite, c'est le périmètre. Mais, par contre, le ministre a accepté que, si c'était à sept kilomètres du loyer initial partout au Québec, que ce soit à cinq kilomètres à Montréal et dans les limites de la municipalité de Montréal. Parce que, sinon, là, on se serait retrouvés avec des gens de Montréal qui auraient été obligés d'habiter de l'autre côté du fleuve, du côté nord ou sud. On a fait des compromis de chaque côté, puis c'est comme ça qu'on en arrive à un projet de loi assez consensuel.

M. Bellerose (Patrick) : Merci.

Mme David (Gouin) : Merci à vous.

(Fin à 9 h 48)

Participants


Document(s) Related