(Onze heures quarante et une minutes)
La Modératrice : Bonjour et
bienvenue à ce point de presse de Mme Virginie Dufour, porte-parole de l'opposition
officielle en matière d'affaires municipales et d'habitation, qui est
accompagnée pour l'occasion aujourd'hui de membres de l'organisme Mérule
pleureuse Québec, dont la directrice générale de l'organisme Marie-Hélène
Cauchon, et d'une membre de Mérule pleureuse, là, Québec, Geneviève Levasseur,
qui prendront, là, la parole. Donc, la parole est à vous, d'ailleurs.
Mme Dufour : Merci.
Bonjour à tous. Et je suis ici pour vous parler de l'immense drame humain que
vivent les propriétaires de bâtiments contaminés par la mérule pleureuse depuis
que la CAQ a resserré les critères du programme d'aide financière qui leur
était destiné. Les représentants de Mérule... pardon, les représentants de
Mérule pleureuse Québec m'accompagnent, mais il y a également trois victimes de
la mérule, Geneviève Levasseur, France Pinet et Olivia Roy Malo, avec son petit
bébé.
D'abord, permettez-moi de vous rappeler ce
qu'est la mérule pleureuse. C'est un cancer du bâtiment, un champignon
dévastateur qui se propage rapidement dans les bâtiments et peut ravager
complètement le bois des maisons. Lorsqu'il est découvert, on doit décontaminer
quasiment comme s'il s'agissait de l'amiante. C'est une opération coûteuse,
complexe et, malheureusement, la démolition est parfois la seule option.
Et ça coûte plus cher parce qu'il y a
beaucoup de précautions à prendre pour éviter que les spores se répandent dans
l'air et contaminent d'autres bâtiments. Vous devriez voir, là, les combinaisons
de décontamination. Moi, ça m'a rappelé un peu les hommes de la NASA dans le
film E.T., ça vous donne une idée. Je tente de vous l'imager, là, mais
vous pouvez voir des vidéos de gens qui ont vécu cette problématique, c'est
vraiment spectaculaire de voir la vitesse à laquelle la propagation du cancer
du bâtiment se fait.
En 2018, le Parti libéral avait mis en
place le premier programme de soutien financier pour les victimes de la mérule,
un programme alors jugé efficace, qui permettait de compenser les sinistrés.
Mais, en 2021, la CAQ a resserré grandement les critères d'admissibilité au
programme, ce qui a fait en sorte que la plupart des demandes sont désormais
refusées. Pourtant, avec la pyrrhotite, les critères, eux, ils n'ont pas
changé. C'est comme si la CAQ considérait comme moins importantes les victimes
de la mérule, et, ça, c'est une injustice. Malheureusement, sans aide
financière, bien, plusieurs familles sont obligées de faire faillite et vivent
un véritable drame humain.
Et je déplore le fait que la CAQ ait
refusé ma motion pour améliorer le programme aujourd'hui. Alors, pendant ce
temps-là, bien, la CAQ fait de l'aveuglement volontaire. En étude de crédits,
la ministre de l'Habitation a dit qu'il y avait de moins en moins de cas de
mérule au Québec, alors que, la réalité, c'est tout le contraire. Il y a de
plus en plus de cas, mais il y a moins de sinistrés qui ont accès au programme,
et donc il y a tout simplement moins de monde qui se... qui font des demandes.
Le maire d'Esprit-Saint avait aussi
demandé à la ministre des modifications pour que le programme soit ouvert aux
petites localités comme la sienne, une demande qui a aussi été refusée. Dans
cette municipalité, il y a un citoyen qui a abandonné son bâtiment infesté par
la mérule, mais la ville n'a pas les moyens de le reprendre parce que juste la
démolition coûterait plus de 65 000 $. Et là on parle d'Esprit-Saint,
une petite localité de 180 personnes qui payent des taxes,
65 000 $ pour 180 personnes.
Alors, ce qu'on voit, avec la CAQ, c'est
un gouvernement qui se désengage envers les victimes de la mérule pleureuse.
C'est un cri du cœur qu'on lance aujourd'hui, et j'espère sincèrement que ça
fera bouger les choses. Tout ce qu'on veut, c'est travailler avec le
gouvernement pour améliorer rapidement le programme et le rendre plus
accessible. On ne peut plus attendre.
Et je vais maintenant passer la parole à
Marie-Hélène Cauchon, la directrice générale de Mérule pleureuse Québec, pour...
qui va vous parler plus en détail de la situation.
Mme Cauchon
(Marie-Hélène) :
Affirmer que la mérule pleureuse est
identifiable à l'inspection, affirmer que l'apparition de la mérule pleureuse
est causée par la négligence des propriétaires, affirmer que c'est un problème
d'ordre personnel, c'est... ce sont les propos d'une personne qui ne comprend
pas ce qu'est la mérule pleureuse, une problématique de contamination de son
bâtiment à la mérule pleureuse, et ce sont les propos qu'a tenus la ministre il
y a à peine trois semaines.
La mérule pleureuse, c'est un champignon
aux capacités de développement et de survie incroyables, qui compliquent la
décontamination et, ultimement, augmentent la facture. La mérule est une menace
pour le patrimoine bâti du Québec, c'est-à-dire pour le charme de nos
municipalités et de nos régions. M. Foster, président-directeur général de
la SHQ, a affirmé, le 4 mai dernier, que personne ne veut de la mérule
pleureuse. On est d'accord avec lui, effectivement, personne ne veut de la
mérule pleureuse.
Le programme d'aide financière
gouvernemental n'est pas un programme de revitalisation des bâtiments. C'est un
programme de survie financière pour les propriétaires qui doivent faire des
travaux de rénovation majeurs et d'urgence. En resserrant les critères d'admissibilité
du programme, en 2021, le gouvernement a laissé à eux-mêmes des... plusieurs
propriétaires. Évidemment que les gens ne peuvent pas assumer seuls, du jour au
lendemain, une facture de décontamination avoisinant les 100 000 $.
Ces cas ne sont pas comptabilisés parce que les... ils ne sont pas admis au
programme d'aide gouvernemental, et, de cette façon, on dresse un portrait qui
est beaucoup plus beau de la problématique.
Il faut savoir que le programme est le
moyen officiel par le gouvernement d'avoir un portrait de l'étendue de la
problématique à l'échelle du Québec : moins de cas admissibles, moins de
cas au Québec, donc très beau portrait de la situation. Est-ce que c'est
vraiment ça?, non, pas tout à fait. Des cas, il y en a à l'échelle du Québec, on
en découvre pratiquement à chaque semaine.
Et, le plus choquant, je vous dirais,
c'est que, pour la CAQ et le gouvernement, présentement, on a l'impression que
la problématique est en voie d'être réglée au Québec. Ce n'est pas le cas. Malheureusement,
nous, le téléphone sonne à chaque semaine.
Mme la ministre, on vous demande
d'accepter de nous rencontrer. Je suis certaine qu'en prenant le temps de vous
expliquer la problématique et ses répercussions, vous allez comprendre
l'ampleur des enjeux qui sont en cours. Vous avez le choix. Je vous explique. Le
sporophore, qui est l'organe reproducteur du champignon, dont la taille varie
entre 10 et 50 centimètres, pour vous montrer, 10 centimètres peut
émettre 4 à 5 milliards de spores, le sporophore, on peut en retrouver
plusieurs dans une pièce, plusieurs dans un bâtiment. Donc, chaque cas qui
n'est pas décontaminé adéquatement représente un risque pour le... pour les
propriétaires avoisinants et pour les municipalités québécoises.
En 2021, le gouvernement a resserré les
critères et a exclu Mme Levasseur du programme d'aide financière mérule.
Un an plus tôt, elle aurait pu procéder à la décontamination de son habitation,
mais le gouvernement a préféré ignorer son cas et faire comme si la
contamination n'existait pas. Le bâtiment a été vendu à faible prix et la
décontamination n'a pas été encadrée.
Je vais laisser la parole à Mme Levasseur
maintenant, et elle va vous expliquer de quelle façon cette décision a
complètement changé sa vie.
Mme Levasseur (Geneviève) :
Merci. Bonjour. En 2021, après une séparation en pleine pandémie, je
commence la recherche de maison pour moi et mes enfants. Je prends un agent
d'immeuble que je connais très bien depuis 25 ans et qui a le bonheur de
ma famille à cœur. Ne pas oublier que j'allais être seule à m'occuper de tout.
Et arrive ce duplex-là sur le marché,
vraiment pas au goût du jour, mais toiture neuve, fenêtres neuves, galerie
neuve, petite cour aménagée en plus d'un revenu au deuxième étage. Je l'ai visité
deux fois avec l'agent et un ami. On a fouillé les coins de mur, recherché des
problèmes qui pourraient arriver : rien de majeur. Un inspecteur est venu
inspecter aussi : rien de majeur.
Je passe chez le notaire le 20 mai. Et,
le 21 mai, le calvaire commence. En arrachant un bout du plancher du
sous-sol, il y a une texture de ouate qui s'étire : appel aux assurances, mon
agent fait des démarches un peu partout, aucune aide. Mais on a réveillé le
démon. Trois jours après avoir enlevé le plancher, des champignons d'un mètre
de circonférence sont sortis du plancher à la grandeur de mon sous-sol. J'ai
fait venir une compagnie spécialisée dans la qualité de l'air, et le diagnostic
est tombé : c'est de la mérule pleureuse.
Comme le duplex a été vendu par une
succession, la garantie légale est tombée, parce qu'une succession qui n'a
jamais habité un bâtiment ne prendra pas la chance d'offrir une garantie
légale. Je n'ai plus d'endroit où loger ma famille, mais, en même temps, je
dois agir. Demande de subvention pour la mérule : enfin, un petit espoir,
j'ai déjà commencé la décontamination. Ma maison est rendue un abri nucléaire. Et
là la réponse arrive : ils ont resserré les critères du Programme
d'intervention résidentiel – mérule, et je ne suis plus admissible. C'est le
découragement total. J'ai déjà mis 20 000 $ en rénos au premier étage
et 25 000 en décontamination.
Un soir, un ingénieur en bâtiment m'a dit :
Là, c'est terminé, tu ne remets plus un sou dans cette maison et tu remets les
clés à la banque. Je venais de frapper mon mur. J'ai emprunté des sous à un
membre de ma famille pour être certaine de payer tous ceux qui avaient
travaillé chez moi. J'ai fait faillite et remis les clés. J'ai perdu toutes mes
économies, REER, CELI, et surtout mon crédit pour quelque chose qui n'était pas
ma faute. Saisie d'impôts pour deux ans, payer le syndic. J'ai aménagé dans le
sous-sol d'une amie et j'ai dû laisser mes enfants à leur papa pendant six mois
parce qu'il n'y avait aucun loyer à louer à Trois-Rivières.
J'ai perdu ma santé financière, ma santé
mentale et physique. Je suis une bonne personne, une bonne maman, une bonne
employée du gouvernement du Canada, je n'ai pas été négligente et j'ai tout
fait dans les règles pour m'assurer de mettre ma famille en sécurité.
Maintenant j'aimerais que cela n'arrive plus jamais à personne, que de l'aide
financière leur soit accordée, parce que moi, il y a deux ans, j'avais une
belle vie, le programme aurait changé ma vie, positivement.
Mme Dufour : Merci beaucoup,
Mme Levasseur. Alors, ça complète la conférence de presse. Je vous
remercie de votre écoute. Et vous comprendrez, là, que je vais continuer à
talonner le gouvernement et la ministre de l'Habitation sur cet enjeu
important. Merci.
(Fin à 11 h 51)