(Neuf heures trente-cinq minutes)
Mme Rizqy : Bonjour. Mes
premiers mots vont, évidemment, à ceux qui sont à combattre le feu. Merci à
tous les pompiers, à la SOPFEU, à l'armée mais aussi tous les autres pays qui
nous prêtent main-forte. À tous les résidents, bien sûr, une pensée
bienveillante à vous, à vous tous.
Je vais sur un sujet que, vous savez, est
très sensible. Je suis moi-même fille d'immigrants. Comme plein d'autres
joueurs de basket à Saint-Laurent, qui sont aussi des enfants d'immigrants, je
sais exactement c'est quoi arriver à la maison et ne pas avoir grand-chose dans
le frigidaire, et que notre seule sorte de bonheur, c'est d'aller jouer au
basketball, de se sortir de la maison, puis de pouvoir se défouler au
basketball, puis de pouvoir s'émanciper au basketball. Lorsque victime A m'a
contactée, je me suis vue en elle. Ça aurait pu être moi. Et j'ai dit à victime
A : Je ferai tout pour que la lumière puisse jaillir, parce que, victime
A, ton histoire aurait pu être la mienne, j'ai été plus chanceuse que toi.
Nous avons pris connaissance du rapport
d'enquête administrative que j'avais demandé, à l'époque, à M. Roberge,
ministre de l'Éducation. Ce rapport hautement caviardé, quand je dis
«hautement», ce n'est pas un euphémisme... en fait, c'est un euphémisme, hein,
hautement, il y a quand même ici des éléments... «Le niveau de confiance
organisationnelle est faible à l'école secondaire Saint-Laurent. La dignité des
élèves athlètes a été compromise à l'école secondaire Saint-Laurent.» Sur une
période de 20 ans, des actes ont été commis. Il y a présentement deux
victimes, il y a un procès au niveau criminel.
J'avais demandé, à l'époque, que les
directeurs d'école impliqués ainsi que le D.G. impliqué dans cette histoire
soient suspendus le temps de l'enquête. Et j'avais aussi demandé qu'une firme
spécialisée soit mandatée. Ici, la firme spécialisée, pour moi, ce n'est pas le
ministère de l'Éducation. En tout respect, ça ne peut pas être un fonctionnaire,
ici, de Québec, qui n'a pas une expertise en matière d'agression sexuelle, de
harcèlement en milieu de travail, qui peut faire ce type d'enquête.
Or, il y a même des lacunes dans le
rapport que j'ai devant moi, mais pire que ça, permettez-moi de vous lire, avec
la permission de victime A, un message texte qu'elle m'a envoyé, qu'elle me
demande de vous lire : «En tant que victime d'agression sexuelle perpétrée
par des employés de l'école et des entraîneurs, je suis profondément
bouleversée par la promotion de Dominic Bertrand et de Patrice Brisebois.
Dominic Bertrand a été témoin de comportements dégradants lors des tournois de
basketball. Il est resté passif. Le rapport d'enquête, qui n'est pas
indépendant, indique néanmoins que la dignité des élèves a été compromise. Or,
à ce jour, personne n'a été tenu responsable ou imputable. Je reçois ces
nominations comme une gifle en plein visage. Si le gouvernement se soucie
réellement des élèves de victimes d'agression sexuelle, qu'il déclenche une
enquête indépendante. Les victimes méritent justice. Il est temps que des
mesures soient prises pour garantir que de tels actes ne se reproduisent plus
que jamais... ne se reproduisent plus jamais dans nos écoles.»
Aujourd'hui, on apprend, dans les pages de
LaPresse, une nomination qui sème l'inquiétude. On apprend
que, oui, Patrice Brisebois devient le D.G. adjoint au centre de services
scolaire de Saint-Hyacinthe, et c'est assez étonnant : «M. Brisebois
s'est démarqué par sa riche expérience à titre de gestionnaire en éducation
ainsi que par son fort leadership pédagogique.» Dois-je commenter? On apprend
aussi que M. Bertrand devient un conseiller spécial, et la rumeur veut
qu'il sera nommé à l'institut national de l'éducation.
Quand allons-nous vraiment aller au fond
des choses? Les victimes méritent qu'on s'attarde à elles. Et je rappelle ici
que ce sont des victimes qui ont été choisies pas par hasard. Les coachs se
vantaient même qu'ils les nourrissaient, que, ces filles-là, là, ils prenaient
soin d'elles. On a volé leur innocence, on leur a volé leur adolescence, on
leur a volé leur virginité. Or, quand je lis un rapport qui dit même : «Le
programme de basketball de l'école secondaire Saint-Laurent a contribué à
développer des athlètes élites», ces victimes-là, savoir qu'ils ont joué AAA,
s'en sacrent, elles ont été violées.
M. Pilon-Larose (Hugo) : ...le
ministre de l'Éducation, à ce moment-ci, face au centre de services scolaire de
Saint-Hyacinthe?
Mme Rizqy : Ce qui aurait dû
être fait : une enquête par une firme spécialisée en matière d'agression
sexuelle et de harcèlement en milieu de travail. Ça existe au Québec. Il y a
des firmes qui ont une équipe multidisciplinaire, avocats, ressources humaines,
psychologues qui vont sur les lieux, qui prennent le temps de s'asseoir avec
des victimes. Moi, je peux vous dire qu'il y a des gens, là, qui n'ont pas été
contactés dans l'affaire de Saint-Laurent. Je peux vous dire que c'est des gens
qui ont même appelé pour être contactés, pour pouvoir témoigner à l'enquêteur,
qui ne s'est... qui n'a même pas pris la peine de s'asseoir avec les victimes.
Moi, je ne comprends pas qu'au Québec on dit qu'on veut mieux accompagner les
victimes d'agression sexuelle : Envoyez un courriel ou appelez-nous par
téléphone. Qui va aller raconter une histoire aussi sensible, aussi personnelle
à quelqu'un qu'on ne voit pas et qu'on ne connaît pas? Il n'y a même pas...
M. Robitaille (Antoine) : Mais
pourquoi une firme spécialisée? Pourquoi pas les policiers?
Mme Rizqy : Les policiers ont
fait le travail. Les policiers ont déjà fait leur travail. Il y a... Ici, là, on
parle, là... Les policiers, c'est la voie criminelle. Le procès commence en
septembre. Là, je vous parle de la voie administrative, je vous parle du
ministère de l'Éducation du Québec. C'est à lui, à un moment donné, d'avoir
cette sensibilité d'aller au fond des choses réellement. Et c'est pour ça que
c'est une firme indépendante. Ça ne peut pas être le ministère de l'Éducation
qui enquête dans sa propre cour pour savoir si, oui ou non, ils ont été au fond
des choses et que... est-ce qu'ils auraient pu faire mieux. Puis la réponse,
ici, est évidente, là, on aurait dû agir bien avant, parce que tout le monde me
dit : C'était connu, mais c'était l'omerta.
M. Pilon-Larose (Hugo) : O.K.,
mais là M. Brisebois, qui n'est accusé de rien, il faut le rappeler, a
donc le nouveau poste à Saint-Hyacinthe, au centre de services scolaire.
Demandez-vous qu'il soit suspendu le temps qu'une enquête indépendante ait
lieu? Qu'est-ce que vous demandez...
Mme Rizqy : Je redemande
exactement ce qu'il y avait déjà dans ma demande initiale : une enquête
indépendante et la suspension de directeurs qui étaient présents à ce
moment-là. Et je différencie, là... Il y a deux niveaux. L'enquête criminelle a
été faite par les policiers. On est présentement, là, en cour, le procès va
avoir lieu, va se dérouler en septembre. Ça, ça va. C'est la partie
administrative, le gouvernement. Lorsqu'on confie des enfants à l'État pour
l'école, et ce qui inclut aussi les activités parascolaires, on est en droit de
s'attendre que leur intégrité ne soit pas compromise, d'autant plus qu'on parle
de pendant 20 ans, là, et qu'on dit, dans un rapport : On va
apprendre aux gens à mieux dénoncer, c'est écrit, là, pour ne pas que ce soient
des spectateurs. Or, il y a des personnes, des adultes qui ont dénoncé la
direction d'école, qui ont montré un texto où est-ce qu'un coach parlait d'une
joueuse, là, avec des termes tellement vulgaires. On parle de propos tellement
vulgaires, dégradants, on parle d'adolescentes, 13, 14 ans.
M. Desrosiers (Sébastien) : Mais,
dans le rapport, M. Brisebois n'est pas nommé.
Mme Rizqy : Personne n'est
nommé dans le rapport. On ne sait même pas qui que... Puis, évidemment, on ne
pourra pas savoir qui qui a été rencontré dans ce rapport-là, là, ça va de soi,
parce que c'est un rapport qui... où est-ce qu'on doit protéger les gens qui
ont contribué. Donc, M. Brisebois pourrait être un témoin clé. On ne sait
pas si lui, de son côté... est-ce que M. Brisebois... Est-ce qu'elle a
essayé de dénoncer au niveau du centre de services scolaire puis qu'elle n'a
pas eu d'aide? Je ne le sais pas, ça, aujourd'hui, là.
M. Desrosiers (Sébastien) : Parce
que le rapport, de ce que je comprends, bon, critique le leadership à l'école
Saint-Laurent, mais il n'y a pas d'actes répréhensibles qui sont associés
directement à M. Brisebois. C'est ça que je veux dire.
Mme Rizqy : Bien, M. Brisebois
n'est pas du tout accusé d'agression sexuelle, là, il faut être très, très
clair, là, ce n'est pas ça, l'enjeu. L'enjeu, c'est de savoir, lorsque vous
avez des enseignants, une intervenante sociale qui vient vous voir dans votre
bureau à titre de directeur d'école, vous dit : Tel entraîneur qualifie
telle joueuse de, et je cite au mot, crisse de plotte, est-ce que vous avez
besoin qu'un directeur, à ce moment-là, prenne action? La réponse, c'est oui,
parce que c'est dégradant. Si vous avez plusieurs enseignants qui viennent vous
voir pour dire : Il crie sur les joueuses, il gueule sur elles, il emploie
des propos vulgaires pour qualifier ses joueuses devant tout le monde, si vous
avez beaucoup de monde, sur une longue période de temps, qui vous racontent des
histoires très similaires, est-ce que ça se peut que ça soit vrai?
M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais
là, en ce moment, j'essaie de bien m'exprimer, mais M. Brisebois, qui
n'est accusé de rien, est-il finalement un peu la victime des contrecoups d'une
enquête qui a été mal ficelée puisqu'elle n'était pas indépendante ou...
Mme Rizqy : Non, non, non.
Les seules victimes, ce sont les joueuses, on va être très clair là-dessus. Les
victimes, là-dedans, là, ce sont des élèves qui, à l'époque, étaient mineures
et qu'aujourd'hui sont rendues à l'âge adulte, qui se battent au niveau
criminel pour avoir leur procès. Puis ils vont l'avoir en septembre, elles se
feront entendre à ce moment-là, mais, en attendant, moi, les seules victimes,
là, c'est eux autres, là.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais
est-ce que M. Brisebois doit s'expliquer à ce moment-là? Doit-il dire ce
qu'il a fait à l'époque?
Mme Rizqy : En ce moment,
c'est le gouvernement, le ministère de l'Éducation qui doit mener une véritable
enquête pour aller au fond des choses, parce qu'il y a trop de points
d'interrogation. Puis, moi, depuis tantôt, il y a du monde qui m'appellent, là,
puis qui sont outrés, là, ils trouvent ça outrageant, là, la situation de dire :
Une seconde, on a un rapport qui dit : Le niveau de confiance
organisationnelle est faible, la dignité des élèves a été... des élèves athlètes
a été compromise, le niveau des contrôles liés au programme de basketball,
inadéquat. Donc, il y a plein de constats, mais il n'y a personne d'imputable, zéro
imputabilité au niveau administratif. Puis il faut vraiment distinguer ici le
droit civil puis le droit criminel. Là, ici, je vous parle en matière civile,
là, administratif.
M. Bourassa (Simon) : Dominic
Bertrand, son rôle potentiel là-dedans, qu'est-ce que vous lui attribuez? Oui,
qu'est-ce qui est allégué?
Mme Rizqy : Ce qui est allégué,
puis je vous relis ce qui a été dit par victime A : «Dominic Bertrand a
été témoin de comportements dégradants lors des tournois de basketball et il
est resté passif.» Alors, ça, c'est ce qui est... je vous lis une déclaration
écrite de victime A. Et là, à ce moment-là, face à cette allégation, moi, je
m'attends à ce qu'aujourd'hui M. Drainville aille au fond des choses.
M. Bourassa (Simon) : Il
n'est pas question non plus de M. Bertrand dans le rapport, de ce qu'on
comprend, là?
Mme Rizqy : Non, mais il n'est
question, en fait, de personne dans ce rapport-là. Ce rapport-là, honnêtement,
là...
M. Bourassa (Simon) : ...qu'il
est caviardé?
Mme Rizqy : Peut-être, mais,
s'il avait... Même s'il avait été caviardé, s'il y avait quelque chose dans...
il me semble qu'on devrait aller un peu plus loin, là, puis se dire : Ce
n'est pas normal qu'après autant de temps, autant de gens qui ont dit ils le
savaient mais qu'il n'y a pas eu d'action, puis après ça... dit que c'est un
leadership fort puis c'est pour ça qu'on en fait la promotion... Alors,
j'espère que M. Drainville, aujourd'hui, va comprendre la voix des
victimes puis de se dire : Il faut aller au fond des choses de façon
sérieuse. Ça serait peut-être le temps aussi qu'au Québec il y ait des gens qui
soient un peu plus imputables. Les actions comptent mais les inactions comptent
autant.
M. Desrosiers (Sébastien) : Mais
est-ce qu'il devrait... Parce que le rapport n'est pas disponible, par exemple,
sur le site du ministère de l'Éducation. Est-ce qu'il devrait le rendre public?
Mme Rizqy : Il été rendu
public via une demande d'accès à l'information, donc il peut être disponible,
là. Dès qu'il y a une demande d'accès, à ce moment-là, le rapport, on peut tous
l'avoir, mais je peux envoyer des copies à tout le monde, même à
M. Drainville.
Je ne sais pas s'il y a d'autres questions
sur le sujet. Merci.
(Fin à 9 h 47)