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(Quinze heures cinquante-cinq minutes)
M. St-Pierre Plamondon : Alors,
retour sur cette motion de la CAQ portant sur les événements épouvantables
perpétrés par le Hamas dans le conflit qui nous occupe tous présentement. Nous
avons voté par abstention et nous désirons vraiment préciser en quoi, à notre
avis, ce que vient de faire la CAQ est un manque du sens des responsabilités à
l'international.
Lorsque le Québec adopte des motions qui
ont une portée internationale, on doit s'assurer que ce qu'on déclare au nom de
l'Assemblée nationale est conforme à nos principes juridiques et nos principes
éthiques. On ne peut pas avoir deux classes ou des catégories différentes dans
l'application du droit international. Et la faiblesse évidente de cette motion-là,
c'est qu'on condamnait à juste titre le Hamas et ses actes, et je réitère que
le Parti québécois a été très prompt à condamner le Hamas comme une
organisation terroriste dont les gestes sont dégoûtants et inacceptables, on a
également condamné sur-le-champ des manifestations qui se réjouissent de crimes
de guerre. Mais, une fois que la réplique d'Israël est également clairement une
violation du droit international, notamment, bombarder des civils, priver des
civils d'eau, de nourriture, d'énergie, empêcher l'évacuation de civils,
lorsque ces gestes-là sont confirmés et qu'il n'y a aucun doute qu'il s'agit
d'une violation du droit international, on ne peut pas simplement fermer les
yeux sur ça pendant qu'on condamne d'autres violations du droit international.
Nous croyons que le Québec a la
responsabilité de faire une motion qui est complète et cohérente sur le plan du
droit international, et ce n'est pas ce que la CAQ a fait, et c'est pourquoi,
donc, on s'est... On a senti le besoin de préciser et rectifier le tir.
Puis je ne sais pas si, M. Paradis,
vous voulez... S'il y a des questions.
Journaliste : ...justement,
des amendements que vous avez proposés à la CAQ?
M. St-Pierre Plamondon : Donc,
on a proposé des amendements qui enjoignaient Israël à également respecter le
droit international. C'était on ne peut plus clair, je peux vous lire ça, ici.
Journaliste : Ils ont refusé
que ça soit...
M. St-Pierre Plamondon : Puis
ils ont refusé que ce soit ajouté. Vous comprenez, là, le problème. Je vais
vous les lire pour être certain qu'on soit rigoureux. Et vous irez voir auprès
des autres oppositions parce qu'on n'est pas tout seul à avoir essayé. Donc, ça
se lit comme suit.
M. Paradis : ...
M. St-Pierre Plamondon : Ici.
Donc, on avait ajouté à la motion originale rédigée par la CAQ : «Qu'elle
rappelle que la riposte d'Israël doit respecter le droit international; et
qu'elle condamne les violations du droit international de part et d'autre,
notamment les attaques indiscriminées ou ciblées contre les civils.» Ce n'est
pas grand-chose comme demandes, là, tu sais, c'est vraiment la base.
Et je pense que, de la part du premier
ministre, tantôt, en point de presse, il n'était pas capable, là, de nommer
qu'il y avait des violations du droit international de part et d'autre. Et,
dans la mesure où la motion, elle a une portée, la volonté, c'est que ça ait
une portée internationale, on doit être rigoureux. Et ça manque de rigueur et
donc c'est très dommage.
Journaliste : Je vais vous
poser une question. Vous êtes tous les deux juristes, vous, M. Paradis,
vous avez même contribué à fonder Avocats sans frontières, là, vous savez de
quoi... quand vous parlez de violation du droit international, est-ce qu'on
peut parler de crime de guerre?
M. Paradis : C'est la
mesure et la prudence qui doivent nous guider, là, dans des cas comme ceux-là.
Actuellement, il y a un conflit. Pour établir des crimes, des crimes de guerre,
des crimes contre l'humanité, ça prend des preuves, et ça prend des preuves
d'abord de la commission de l'acte. Puis ensuite, il faut que ça corresponde à
la définition d'un crime de guerre. Il est un peu tôt pour se prononcer sur ces
questions-là, mais il y a clairement en tout cas des violations du droit
international. Le droit international, il fixe des règles qui s'appliquent dans
les conflits comme celui-ci, et là, actuellement, le fait qu'on bombarde des
civils, qu'on bombarde des immeubles à logements, qu'on fasse un blocus, qu'on
affame, qu'on empêche des gens d'avoir accès à des services de santé, ce
sont... il y a des règles de droit international qui disent qu'on ne peut pas
faire ça. Alors, à l'heure actuelle...
Journaliste : Mais ça, ça
semble reconnu, là, des... Ils ont bombardé un hôpital dans lequel il y avait
200 personnes.
M. Paradis : Aujourd'hui
même.
Journaliste : Aujourd'hui
même, là.
M. Paradis : Aujourd'hui
même.
Journaliste : 200 victimes,
minimalement, là. Ça, ce n'est pas un crime de guerre, ça?
M. Paradis : Bien, c'est
parce qu'il faut...
Journaliste : Bombarder un
hôpital, ce n'est pas un crime de guerre?
M. Paradis : C'est parce
qu'avant d'établir un crime, là, hein?, il faut un processus, O.K.? Donc là, on
peut supposer qu'il y a une commission des crimes de guerre, mais là, il va
falloir un processus : qui a tiré, qu'est-ce qu'on visait comme cible,
est-ce qu'on a pris toutes les précautions pour éviter que les civils soient
affectés, là. Quand c'est un hôpital qui est directement visé, vous comprenez
que ça commence à être difficile de démontrer qu'on a tout fait pour éviter de
viser les civils. Mais donc, la question de l'existence ou non d'un crime, ce
n'est pas au moment où ça se passe qu'on peut le déterminer, mais on peut juger
de la nature de l'acte en fonction des règles du droit international. Puis ici,
le droit international, ce qu'il dit, c'est une riposte mesurée, une riposte
qui est proportionnelle à l'attaque, une riposte qui ne vise pas les civils. Et
c'est la même chose de l'autre côté, là, attention, c'est la même chose pour
les gestes du Hamas.
Journaliste : Alors, selon ce
que vous voyez, là, on est en train de mettre... d'araser complètement la bande
de Gaza, est-ce que c'est une réponse qui est proportionnée?
M. St-Pierre Plamondon : C'est
une violation du droit international, dans quel cas on est dans un geste qu'on
ne peut...
Journaliste : Bien, des deux
côtés, il y a des violations du droit international.
M. St-Pierre Plamondon : Bien...
Puis on ne peut pas accepter ça. Mais vous comprenez ce qui vient de se passer,
là, c'est qu'on vient de créer une hiérarchie entre les civils en ce qui a
trait à l'application du droit international. C'est ça, le message du Québec à
l'international, aujourd'hui. Ça ne se défend pas. C'est un manque de rigueur à
nouveau de la CAQ. La vision qu'on porte du Québec, non seulement c'est un
Québec libre et indépendant, mais c'est un Québec qui sera pacifiste, qui va
jouer un rôle de diplomatie active pour encourager les processus de paix,
encourager la protection des droits de la personne. En votant une motion comme
on le fait là, puis en créant essentiellement des catégories des violations de
droits de la personne qu'on tolère ou qu'on ne mentionne pas, ou des catégories
de civils en fonction de ce que certains mériteraient et d'autres peut être
pas, on envoie vraiment le mauvais signal et c'est ça qu'on veut...
Journaliste : Est-ce qu'on...
Est-ce que par là... Est-ce que la CAQ, par exemple, avec sa motion, a pris
position d'une certaine façon pour un camp?
M. St-Pierre Plamondon : Dans
la mesure où on a suggéré des amendements qu'on pourra vous fournir et qu'on n'est
pas les seuls, et que ces amendements-là étaient parfaitement raisonnables et
permettaient au Québec d'agir sans discrimination comme un agent de promotion
du droit de la personne, dans la mesure où la CAQ a refusé ça, il y a lieu de
se poser des questions. En fait, la CAQ doit absolument être questionnée sur
pourquoi elle a manqué à son devoir.
Journaliste : Mais, dans votre
compréhension, pourquoi ils ont refusé cet amendement-là? Quels motifs ils ont
invoqués?
M. St-Pierre Plamondon : Aucun,
on a juste des refus.
Journaliste : Mais à la
lumière de la motion adoptée, là, le Québec a...
M. St-Pierre Plamondon : Ils
ont modifié. Pour être rigoureux, là, je m'excuse, ils ont modifié un truc à la
demande de... avec les demandes, en disant tout le monde devrait respecter le
droit international. Mais le fait est qu'à la lumière de l'hôpital on est rendu
à quoi, à plus de 1 000 enfants qui ont été tués par bombardement
dans la bande de Gaza, 1 000 enfants! Il faut être juste rigoureux et
pondéré lorsqu'on prend position sur des choses aussi complexes, et la CAQ a
manqué à son devoir de rigueur et de pondération en l'espèce.
Journaliste : Justin Trudeau
a condamné l'attaque sur l'hôpital à Gaza. De quoi est-ce que le Québec a l'air
aujourd'hui après l'adoption de cette motion-là?
M. St-Pierre Plamondon : C'est
le manque de rigueur dans notre représentation internationale et dans plusieurs
dossiers internes du Québec qui revient. L'arrivée de Pascal Paradis, pour
nous, c'est dans une mentalité de ramener le plus de rigueur, relever le débat
le plus possible. Ça demande des nuances, particulièrement quand ce sont des
conflits aussi complexes que ceux-là. Si on n'est pas capable d'être dans la
rigueur et les nuances, il y a des conséquences qui ne sont pas heureuses pour
le Québec. Et c'est important pour nous de faire ces mises au point là parce qu'on
porte une vision du Québec qui est celle d'un agent pacifiste qui est capable
de parler sans discrimination à tous les peuples et tous les civils qui sont
victimes d'atrocités comme celles-là.
La CAQ vient de rater une belle occasion d'envoyer
le bon message sur le plan de la rigueur et de la pondération, c'est un peu
incompréhensible, et on voulait faire cette nuance-là. Pour autant, on ne
pouvait pas voter contre, bien évidemment, parce qu'on a été les premiers à
dénoncer le Hamas avec vigueur. On est sincèrement dégoûtés puis solidaires des
Israéliens qui ont vécu ces horaires... ces horreurs-là. Simplement, quand on
intervient puis on fait une motion pour l'international, il faut faire le
travail correctement. Merci.
(Fin à
16 h 04)