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(Onze heures quinze minutes)
Mme Ghazal : Alors, bonjour,
tout le monde. Donc, je suis ici accompagnée de mes collègues, Guillaume et
Christine, après une très, très, très longue nuit.
Je veux tout d'abord noter l'absence du
premier ministre ici, qui... pendant le vote de l'adoption finale du projet de
loi Stablex, qui a été adopté sous le bâillon. Donc, moi, je sens que le
premier ministre n'est vraiment pas fier. Et d'ailleurs on a remarqué très, très
fortement à quel point les députés de la CAQ n'étaient pas fiers d'adopter ce
projet de loi. Ils étaient gênés, c'était évident. D'habitude, quand il y a une
adoption finale, ils se lèvent debout, ils s'applaudissent et là, ils ne se
sont pas applaudis, donc ça en dit long. Ça en dit long sur à quel point ils ne
sont pas fiers de s'être aplaventris devant une compagnie étrangère américaine
qui vient ici bafouer et saccager notre territoire au détriment de la ville, au
détriment du bien commun, au détriment de l'intérêt collectif. Et c'est
vraiment honteux.
Moi, ce que je peux vous dire, c'est que
notre équipe de députés de Québec solidaire et toutes nos équipes, nous, on est
fiers. On est fiers parce qu'on s'est tenus debout toute la nuit, Christine, Guillaume,
d'autres députés, sans relâche pour défendre le bien commun, pour nous assurer
de ne pas balayer ces déchets dangereux dans la cour des générations futures.
Parce que c'est exactement ce que le projet de loi de François Legault et de la
CAQ fait, et je les comprends d'avoir honte, mais nous, on est fiers de nous
être tenus debout pour essayer de barrer la route à ce projet de loi, même s'ils
sont majoritaires, puis c'est eux, malheureusement, qui ont réussi.
Mme Labrie : Ils ont dit plusieurs
fois que c'était difficile pour eux de faire ce projet de loi là, mais qu'ils
étaient obligés de le faire. Moi, ce que je constate, c'est que les vrais choix
difficiles, ils ne les ont pas faits. Ils ne veulent pas aller au fond des
choses, ils ne veulent pas faire cet état général des lieux sur les déchets
dangereux au Québec. Ils ne veulent pas demander davantage de redditions de
comptes à l'entreprise. Ils ne veulent pas communiquer de l'information pour qu'on
puisse mieux comprendre la situation. Ils ne veulent pas s'engager à réduire
les importations de matières dangereuses américaines.
Ils ont voulu exproprier Blainville pour
céder un terrain et s'en laver les mains pour la suite. Moi, c'est ça que j'ai
compris, aujourd'hui, parce qu'il y avait une vraie démarche à long terme à
faire sur ce dossier-là en suivant les recommandations du BAPE, et ça, la CAQ a
refusé de se mettre en action pour le faire.
M. Cliche-Rivard : En
terminant, malgré tout le travail des oppositions, jamais, là, dans ce
débat-là, jamais dans ce bâillon-là, je n'ai vu la CAQ en mode d'ouverture. En
fait, la CAQ n'a jamais été intéressée à entendre ou à discuter sur ce projet
de loi. Preuve en est que l'ensemble des amendements des oppositions ont été
battus puis certains même du gouvernement n'ont même pas été discutés.
Ce projet de loi là, il n'a jamais
véritablement appartenu à la maison du peuple, il n'a jamais été négocié ici,
au Parlement, il a été réglé au quart de tour au siège social de Stablex. Le
premier ministre s'est fait le porte-étendard et le lobby en chef de Stablex,
et non pas le premier ministre des Québécois et des Québécoises,
malheureusement.
Journaliste : Je pose la
question tout de suite à vous, M. Cliche-Rivard, parce que votre collègue
avocat, Pascal Paradis, puis vous en aviez parlé hier, parlait d'une
monstruosité juridique, là, bon, puis lui, il craint... je vous pose la
question, mais lui craint un précédent, que, dans le fond, là, le message qui
est envoyé, c'est qu'une multinationale qui veut suspendre toutes les règles
environnementales pour sauver de l'argent, bien, sait maintenant qu'elle peut
appeler le bureau du premier ministre pour avoir un projet de loi à la pièce.
Mais est-ce que vous pensez qu'il y a un véritable risque, disons, que c'est un
précédent puis que, maintenant, on peut faire des projets de loi privés pour
une entreprise, là?
M. Cliche-Rivard : Bien, c'est
un précédent mais qu'on avait vu avec Northvolt aussi, il y a eu des règles
faites sur mesure pour Northvolt. Stablex a donc utilisé le précédent de
Northvolt puis je ne sais pas combien d'autres qui ne sont pas venus à la
connaissance du grand public, s'en sont saisis.
Et donc, oui, il y a un précédent. L'ensemble
des autres entreprises, qu'elles soient locales, qu'elles soient
multinationales, vont maintenant s'attendre à la même chose. Pourquoi Stablex
aurait droit à un traitement de faveur? Pourquoi Northvolt aurait droit à
traitement de faveur auquel les autres n'auront pas droit? Alors, évidemment,
que ça crée un précédent très grave.
On se donne des règles, on donne des
routes, des balises, en protection de territoire, on fait des lois sur l'aménagement
de l'urbanisme, on crée des plans vision nature à respecter, avec un
pourcentage clair, puis il suffit d'invoquer... et puis je le disais en
question aujourd'hui, là, la... il suffit de saisir la «hotline» caquiste des
multinationales, là, pour tout d'un coup qu'un projet de loi puisse être adopté
comme ça en moins de deux mois. Moi, je n'ai jamais vu ça et je trouve que ça
crée un très grave précédent.
Journaliste
: La ville
de Blainville et la CMM déjà s'adressent à la Cour supérieure pour demander une
injonction et faire en sorte que... de suspendre l'application de la loi. Basé
sur ce que vous avez observé dans le projet de loi, ce sont quoi les chances
que cette... que ce recours-là réussisse, s'avère?
M. Cliche-Rivard : Je vous ai
quand même dit ce matin, avec respect, que je ne jouerais pas au présumé
expert, là, de droit public puis de droit environnemental...
Journaliste
: ...
Mme Ghazal : C'était hier,
oui.
M. Cliche-Rivard : Ah!
c'était hier matin.
Mme Ghazal : Oui, c'est la
même journée qui continue.
M. Cliche-Rivard : Oui, c'est
la même journée. Ceci dit, je pense qu'ils ont des bases valables. C'est ça que
je veux dire. Je vais être très intéressé à suivre le débat juridique sur la
question.
Journaliste
: Mais je
vais vous poser la question différemment. Qu'est-ce que dit le projet de loi,
au juste? Il y a l'article 11, entre autres, qui semble protéger
l'entreprise de tout recours judiciaire. Qu'est-ce que vous en comprenez, vous?
M. Cliche-Rivard : Mais, tu
sais, on n'est jamais à l'abri d'une contestation. M. le ministre... on en
parlait un petit peu plus tôt en commission aujourd'hui, M. le ministre
Jolin-Barrette, il disait : Oui, j'ai même déjà fait l'objet d'injonctions
sur des projets de loi pas encore adoptés. Puis il faisait référence à mes
premiers moments de vie publique, là. C'est lui-même qui est allé là en
disant : Oui, on se rappellera la loi 9.
Donc, l'imagination, quand même, c'est une
des beautés... puis là je ne vais pas faire un plaidoyer aussi aujourd'hui pour
la créativité juridique, là, mais il y a des gens qui se spécialisent, à voir
comment légalement on peut attaquer ces dispositions-là. Et voilà. Il y a des
règlements, il y a des dispositions, il y a des chartes, il y a la Constitution.
Donc, je n'ai pas lu, là, le plaidoyer de Blainville, mais je suis sûr qu'il y
a des éléments superintéressants là-dedans.
Journaliste
: Mais...
Parce que, dans le fond, pour vous, au-delà des considérations
environnementales immédiates, est-ce qu'il y aurait matière à réflexion sur les
pouvoirs que vient de s'accorder le gouvernement? Est-ce qu'il faudrait que les
tribunaux justifient là-dessus pour la durée?
M. Cliche-Rivard : Bien, moi,
ce que j'ai dit au ministre aussi aujourd'hui, c'est que, s'il était d'avis
qu'il n'y avait pas de problème avec sa loi, et qu'il n'était pas en train de
commettre une faute, et qu'il n'était pas en train de s'exposer à des dommages
et intérêts, qu'il enlève cette disposition-là. Je l'ai mis au défi aujourd'hui
dans les débats qu'on a eus. Il trouvait ça un petit peu drôle, mais n'empêche
qu'il n'a pas eu le courage de le faire. Ça fait que, pour moi, que le
gouvernement ait été là puis ait besoin de se protéger comme ça, là, avec deux
dispositions, là, assez béton pour tenter d'évacuer les recours judiciaires,
c'est une admission, là, assez claire qu'ils sont dans le tort.
Journaliste
: Juste
pour bien comprendre, à votre avis, la portée de cette loi-là... Puis
j'entendais Marc Tanguay tantôt en Chambre, là, puis c'est ce qu'il semblait
dire. Est-ce que... Est-ce que, dans le fond, par décret, là, dans les
prochaines années, la ministre va pouvoir invalider de nouvelles lois
environnementales ou c'est simplement celles qui sont dans... Juste pour comprendre
la portée du pouvoir qu'ils se sont donné, là.
Mme Ghazal : Bien, ils
fragilisent notre système démocratique, c'est-à-dire ils fragilisent notre
système. On fait des lois pour protéger notre environnement, pour... des lois
votées ici, à l'Assemblée nationale, et la façon de faire de ce
gouvernement-là, qui est autoritaire, hein, ils l'ont déjà fait par le passé,
puis là, ici, en passant par le bâillon, c'est autoritaire, ils fragilisent
notre système démocratique.
Maintenant, peut-être, pour les
précisions, si tu veux ajouter quelque chose, Christine.
Mme Labrie : Bien, écoutez, on
a seulement étudié quelques articles sur les 14. Donc, on n'a pas pu
approfondir sur chacun d'entre eux pour comprendre comment elle comptait les
utiliser dans le temps. Moi, ce que je comprends, c'est que c'est une
utilisation qui vise ce cas-là spécifique. Par contre, comme le dit Ruba avec
beaucoup de sagesse, c'est le procédé qu'ils viennent d'utiliser qui est une
porte ouverte, je pense, à des demandes de d'autres entreprises qui vont
vouloir un traitement de faveur elles aussi. Donc, c'est ça qui nous inquiète,
là. Mais, dans le projet de loi, pour ce que j'ai pu en comprendre, avec le peu
qu'on a pu en étudier... prévoit des dispositions qui concernent Stablex à
court terme. Mais la porte, elle est ouverte maintenant.
Mme Ghazal : Faire des projets
de loi à la pièce pour des entreprises, là, ce n'est pas comme ça que ça
fonctionne.
Mme Labrie : Exact. Ils ont
créé un précédent. Ça marche?
La Modératrice : En anglais.
M. Cliche-Rivard : En
anglais, tiens.
Mme Ghazal :
Oh! In English. OK.
Mme Labrie : Tiens, vas-y,
toi, Guillaume. C'est ton tour.
M. Cliche-Rivard : C'est mon
tour, ça?
Mme Labrie : Oui.
M. Cliche-Rivard : O.K.
Mme Ghazal : C'est notre
«Englishman».
M. Cliche-Rivard : Bien non,
bien non. Questions, Franca?
Journaliste :
Yes. What do you make of the
Government's argument that adopting this law invoking closure... that they did
that because this was urgent that they had to adopt the law?
M.
Cliche-Rivard :
Well, they... first, they didn't demonstrate the emergency. They
were the one to table this bill less than two months ago. They did work in an
expedited matter. And we saw what this made with Bill 15, for example, and we
saw all the mistakes that this is bringing to this government that didn't
really predict correctly how to use their legislative means and manners. So, I
mean, the BAPE stated very clearly that the site is functioning and is going to
be capable of functioning until 2030. We're still 4 or 5 years ahead of that.
So, the science is very clear that there's no emergency. The CAQ decided to
make Stablex's arguments its own arguments and disrespect the full scientific
process, the city's arguments, all the groups' arguments and decided to side
with Stablex, but the demonstration was never made that what was alleged was
absolutely true.
Journaliste :
And when it comes to the argument that
this was necessary when it comes to the environment, that they had to do this
not just for the city of Blainville, but in general, that it was an important
step for the environment...
Mme Ghazal :
It's not true. It's the opposite. This
bill is against the environment, and it's only to protect a company... a
company... American company to save money. And I want to notice that the
premier, Mr. François Legault, was absent during the adoption of this bill. And
also, I noticed that the CAQ MNAs were not proud by adopting this bill, it was
very clear, but we were very proud to stand up for the protection of the
environment, the protection of the... «le bien commun». So, all during the
night, we did all the work that we can do to protect the environment, to
protect our democracy also, and to stand in front of the CAQ by doing... This
bill is only for Stablex interests.
Journaliste :
And just one last question quickly. I
mean, what message do you think the government is sending by adopting this
particular bill, by invoking closure?
Mme Ghazal :
Well, the CAQ is opening the door for
other companies to say: Well, we want to protect our interests, we will call
the... Mr. Legault, and we will ask him to do a bill standardized for us. This
is a very important precedent that the government is creating by this bill. And
it's not the first time that the CAQ do this. It's the CAQ method. When
Northvolt also asked to bypass the BAPE and the environmental evaluation, the
government changed that regulation for them. Glencore also, for the quality of
air, they changed the threshold of contaminants to answer to the interests of
Glencore. And now it's Stablex. They did the same thing for Stablex. Which is
other compagnies that will ask the same thing? They opened the door, and this
is very anti-democratic, it's dangerous for our democracy to act in this
authoritarian... «autoritaire», «de manière autoritaire».
Journaliste
: Merci
beaucoup.
Mme Ghazal : Thank you.
M. Cliche-Rivard : Merci.
(Fin à 11 h 27)