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Version finale

12nd Legislature, 1st Session
(March 2, 1909 au May 29, 1909)

Tuesday, May 18, 1909

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 11 h 20.

 

Code municipal concernant la décence et les bonnes moeurs

M. Walker (Huntingdon) demande la permission de présenter le bill 231 amendant le code municipal concernant la décence et les bonnes moeurs.

Le but de ce bill est de prohiber l'usage de tout bâtiment ou partie de bâtiment situé à une distance moins grande que celle prescrite par le règlement, de toute église ou autre édifice servant habituellement aux fins du culte public, comme auberge, restaurant, magasin de liqueurs, jeu de quilles ou endroit où le public est admis à des danses ou autres jeux ou amusements bruyants.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Commission des services d'utilité publique de Québec

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 46 établissant la Commission des services d'utilité publique de Québec.

Adopté.

 

En comité:

Le comité reconsidère la clause f de l'article 23 adopté à la séance du 17 mai et qui se lit comme suit:

"f. Toutes questions qui peuvent se soulever quand une utilité publique qui a droit d'entrer dans une municipalité pour y placer, avec ou sans le consentement de la municipalité, ses rails, poteaux, fils, tuyaux, conduits ou autres appareils, sur, le long de, à travers, au-dessus de ou sous tout chemin public, rue, place publique ou cours d'eau ou partie d'iceux ne peut s'entendre avec telle municipalité sur l'utilisation, comme susdit, de la voirie ou des cours d'eau ou sur les termes et conditions de telle utilisation, et s'adresse à la commission pour obtenir l'usage de la voirie ou des cours d'eau ou pour faire fixer les termes et conditions de tel usage; et, dans ce cas, la commission peut permettre, comme susdit, l'usage de la voirie ou des cours d'eau et prescrire les termes et conditions de tel usage."

M. Prévost (Terrebonne) s'élève contre cette clause. Accorder un tel pouvoir équivaut à porter un coup mortel contre l'autonomie des municipalités et une attaque contre les droits des contribuables. Cette clause délègue à une commission de trois commissaires les pouvoirs de disposer des chemins publics qui jusqu'ici avaient été réservés à la Chambre et qu'elle seule devrait posséder.

Il voit là une violation des droits constitutionnels et fait une violente sortie contre le gouvernement, qu'il taxe d'antilibéralisme, l'accusant de faire machine en arrière et de retourner au torysme. Il trouve cette mesure antilibérale en ce qu'elle enlève petit à petit les pouvoirs de la législature pour les confier au lieutenant-gouverneur en conseil qui aura tous les droits réservés jusqu'à présent aux représentants du peuple. Nous versons petit à petit, affirme-t-il, dans l'autocratisme et cela, sous un gouvernement prétendu libéral. Au lieu d'être une mesure libérale, cette mesure est une mesure rétrograde qui s'associe bien aux autres mesures du gouvernement actuel, tels le droit d'exproprier les pouvoirs d'eau en faveur des propriétaires de ces mêmes pouvoirs ou la politique d'augmentation des taxes, avec la loi sur les timbres d'enregistrement. C'est la troisième loi depuis le commencement de la session qui dépouille les représentants du peuple de leurs droits. Aucun gouvernement tory depuis 50 ans n'a osé proposer de pareilles lois et, si le premier ministre croit par cette politique incarner l'esprit libéral, il se trompe étrangement. Ce projet de loi a achevé de démontrer qu'il n'y a plus de principes libéraux capables d'éveiller le gouvernement actuel.

M. Bernard (Shefford) s'élève contre cette clause et prétend qu'elle sacrifie les municipalités aux compagnies. Il prévoit qu'elle donnera lieu à des abus considérables. Il trouve que la loi n'est pas pratique.

Il ne trouve pas très fortes les raisons invoquées par le premier ministre pour expliquer les pouvoirs extraordinaires qu'il veut confier à cette commission. Le premier ministre dit qu'il faut débarrasser la Chambre du travail que l'on confie aux commissaires parce que les députés ne sont pas compétents pour régler ces questions. Le compliment n'est pas flatteur pour la majorité qui a pourtant approuvé avec une discipline remarquable tout ce que le premier ministre lui a demandé depuis le commencement de la session. Quant aux pouvoirs conférés à la commission, il aurait été curieux d'entendre un candidat libéral annoncer aux municipalités qu'on allait leur enlever le pouvoir de disposer de la voie publique chez elles.

M. Tellier (Joliette) désire ajouter une raison à celles qu'il a déjà données contre l'adoption de cette clause qui met les municipalités à la merci de la commission. À chaque session l'on vient demander à la législature de forcer les compagnies électriques de Montréal à débarrasser les rues du danger que constituent leurs fils, et la législature fait tout ce qu'elle peut dans ce sens. Et maintenant l'on va établir le même système dans toute la province.

Il voudrait sauvegarder l'autonomie des municipalités qu'il croit menacée par cette loi. Il croit que le pouvoir donné à la commission va trop loin. On n'y tient pas compte des droits des municipalités. Il ne voit pas de raison d'accorder ce pouvoir. Pour lui, il suffirait que la commission puisse donner le droit d'expropriation en faveur des compagnies. Si elles veulent passer, elles doivent le faire à leurs frais. Il trouve renversant que la législature se dépouille d'une partie de ses pouvoirs pour les conférer à un corps d'irresponsables. La législature ne doit pas remettre ses pouvoirs à une commission irresponsable.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): La clause en question n'est pas si dangereuse qu'on l'a représentée. Par exemple, si une compagnie de pouvoir électrique fait affaire dans la ville de Québec et qu'elle désire aussi s'établir à Trois-Rivières, elle devra faire passer ses fils dans les municipalités de Sainte-Anne de la Pérade et Batiscan. Mais, dans le cas où ces municipalités s'opposeraient à la compagnie, il ne serait que juste que ce soit la commission qui règle le différend. Cette loi n'est pas une innovation antilibérale, comme on l'a dit. Il y a une multitude de précédents et l'on peut aller en arrière dans les statuts, jusqu'à 12 Victoria.

On a reproché au gouvernement d'accorder le droit d'expropriation aux propriétaires de pouvoirs hydrauliques. Ce pouvoir existait déjà dans nos lois pour le plus petit chemin de fer. Nous n'avons donc pas innové. Il existe une loi similaire et qui va beaucoup plus loin, à Ottawa, la loi qui a créé la Commission des chemins de fer. Le congrès de Washington en est venu à la conclusion que le temps est venu de ne pas permettre à des pouvoirs hydrauliques de rester improductifs pour le peuple.

On peut faire de la démagogie et prétendre que le gouvernement ne respecte pas les droits des citoyens. Mais l'électorat sait, lui, qu'un seul désir anime le gouvernement, celui de promouvoir le bien public. On peut faire des discours de la longueur que l'on voudra, mais quand nous arrivons devant cette Chambre avec de telles mesures, nous les avons étudiées, nous sommes convaincus qu'elles sont pour le bien public et nous restons froids à toutes les déclamations. Le gouvernement ne se laissera pas dissuader de sa politique par les insinuations et les sarcasmes de l'opposition. Il ne se laissera pas détourner de ce qu'il croit être son devoir.

On accuse le gouvernement de favoriser les trusts et les compagnies privées au détriment de l'intérêt public. Cette accusation est tellement absurde qu'on ne devrait pas s'y arrêter une seule minute. On peut prétendre que le gouvernement travaille en faveur des capitalistes et nous reprocher d'avoir fait une loi en faveur des capitalistes, mais tout le monde sait que c'est ce gouvernement qui, le premier, s'est fait le champion des intérêts du peuple contre les monopoles des corporations privées. On peut nous reprocher de faire des lois contre les droits des municipalités alors que nous dépensons le meilleur de notre énergie à défendre le peuple et à revendiquer l'autonomie des municipalités.

Cette loi n'attaque pas les municipalités. C'est pour régler les conflits interminables entre le public et les compagnies privées - et cela, en indemnisant les municipalités - que le gouvernement a décidé d'établir cette commission. Les conflits qui se sont produits dans le passé ont considérablement nui aux intérêts du public. Le droit d'expropriation que le député de Joliette (M. Tellier) veut accorder va plus loin que les dispositions actuelles. Ce droit constituerait pour les intérêts du public un sacrifice encore plus grand que tout ce qui est contenu dans le bill.

Il est certainement avantageux pour le public de placer entre les mains de commissaires experts le règlement des nombreuses difficultés s'élevant entre les compagnies et les municipalités. La commission rendra les mêmes services que ceux si appréciés de la Commission des chemins de fer. Il est prêt à inclure dans le bill n'importe quelle clause déjà contenue dans la loi fédérale sur la Commission des chemins de fer, si c'est ce que l'opposition désire. La présente loi a été approuvée par l'opinion générale parce qu'elle rencontre un réel besoin. Le gouvernement ne cherche pas à se faire de la gloriole, ce qu'il veut, c'est le bien du peuple, l'intérêt public, et cette loi est faite dans ce but seulement.

Il soutient qu'après avoir étudié les lois semblables qui existent dans d'autres pays le gouvernement croit avoir agi dans l'intérêt public.

M. Prévost (Terrebonne) riposte au premier ministre que toutes les autorités constitutionnelles protestent contre son système d'enlever à la législature ses prérogatives les plus chères.

M. Tellier (Joliette): Le premier ministre ne dit pas toute la vérité lorsqu'il affirme que la loi de la Commission des chemins de fer est semblable à celle-ci. Puisqu'on s'est basé sur la loi créant la Commission des chemins de fer, on aurait dû aussi lui emprunter les dispositions réglant certaines conditions d'usage des voies publiques par des compagnies.

Du bill de la Commission des chemins de fer qui a servi de modèle, le gouvernement n'a pris que les clauses qui protègent les compagnies, tandis qu'il laissait de côté celles qui protègent les municipalités et le public. La clause 252 de la loi de la Commission des chemins de fer...

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je sais ce que vous allez citer et, s'il n'y a que cela qui nous sépare, je suis prêt à inclure toute cette clause dans le projet actuel.

M. Tellier (Joliette): Le premier ministre a vu le coup.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Ah!

M. Tellier (Joliette): Ah oui! Et la meilleure preuve, c'est qu'il n'a pas encore dit à la Chambre qu'il ajouterait ces clauses. Pour lui arracher cette déclaration, il faut le pousser au pied du mur.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) répond qu'il n'a aucune objection. Pour lui, ces conditions étaient réservées dans un article subséquent. Il demande donc d'ajourner la clause pour qu'on lui ajoute les conditions dans la loi de la Commission des chemins de fer invoquées par le député de Joliette.

M. Tellier (Joliette): Cela ne bonifie pas complètement le projet, mais cela l'améliore un peu.

Les articles 39 et 40 sont adoptés.

Le comité étudie l'article 41 qui se lit comme suit:

"41. La décision de la commission sur toute question de fait de sa compétence est définitive et a l'autorité de la chose jugée."

M. Tellier (Joliette) et M. Prévost (Terrebonne) s'objectent à cette clause et réclament un droit d'appel à la Cour supérieure.

M. Tellier (Joliette) fait remarquer que le premier ministre a pris dans le bill de la Commission des chemins de fer d'Ottawa tout ce qui était dans l'intérêt des compagnies et supprimé tout ce qui était dans l'intérêt du public. La commission de Québec pourra régler tout aux conditions qu'il lui plaira, tandis que de nombreuses restrictions sont imposées à la commission d'Ottawa. Il propose que la commission soit néanmoins soumise aux droits de surveillance et de réforme que l'article 50 du code confère à la Cour supérieure sur les corps publics.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Cet amendement rendrait la loi inutile en permettant de retarder indéfiniment l'exécution des sentences. Accorder ce droit d'appel, c'est détruire l'efficacité de la commission. On pourra en appeler de toutes ses décisions qui seront ainsi immédiatement bloquées.

M. Prévost (Terrebonne): Il y a appel sur la question de droit ou de juridiction, mais la question de fait a aussi son importance. Il peut arriver que la commission commette des injustices graves auxquelles il conviendrait de remédier.

Il demande au député de Montmorency s'il connaît un seul tribunal qui ait une juridiction aussi large.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Nous allons voter.

M. Tellier (Joliette): Pas la peine. Du moment que le premier ministre dit non, je comprends ce que cela signifie, j'ai assez vieilli pour perdre mes illusions.

Cet article est adopté.

Les articles 42 et 43 sont adoptés.

L'article 43a tel qu'ajouté et adopté se lit comme suit:

"43a. Dans le cas où la commission a rendu une ordonnance comportant condamnation pécuniaire, l'exécution de cette ordonnance est émise par la Cour supérieure du district dans lequel est situé le bureau principal ou la principale place d'affaires, dans la province, de toute utilité publique condamnée, sur transmission au protonotaire de ce district d'une copie dûment certifiée de l'ordonnance."

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

Publication par le Soleil de documents de la Chambre

M. Prévost (Terrebonne) se plaint que le Soleil a publié le texte de certains documents avant qu'il ne puisse les avoir sur demande de production. Il a peur que l'on tripote ainsi les documents dont il a besoin pour prouver ses accusations contre le député de Bonaventure (M. Kelly) et il demande la convocation immédiate de ce comité pour faire produire les documents.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Que le député de Terrebonne soit sans crainte, aucun document n'a jamais été manipulé indûment et ne le sera jamais à la connaissance du gouvernement. Ces documents ont été déposés sur la table de la Chambre et ont pu être consultés. D'ailleurs, il n'est rien qui empêche un ministre attaqué de se défendre en publiant le texte des documents.

M. Prévost (Terrebonne): À la condition que vous les donniez complets. Dans tous les cas, je ne demande pas au premier ministre de se fâcher.

The Sterling Fire Insurance Company

M. Galipeault (Bellechasse) propose, appuyé par le représentant de Beauce (M. Godbout), que l'honoraire payé pour le bill 121 amendant la charte de The Sterling Fire Insurance Company soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill a été retiré.

Adopté.

Taxes scolaires à Montréal

M. Mackenzie (Richmond) propose, appuyé par le représentant de Brome (M. Vilas), que l'honoraire payé pour le bill 61 concernant les taxes scolaires dans la cité de Montréal et à d'autres fins soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill concerne l'instruction publique.

Adopté.

Société pour l'avancement des sciences, des lettres et des arts au Canada

M. Mousseau (Soulanges) propose, appuyé par le représentant de Lévis (M. Blouin), que l'honoraire payé pour le bill 107 constituant en corporation la Société pour l'avancement des sciences, des lettres et des arts au Canada soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill est dans un intérêt scientifique, littéraire et artistique.

Adopté.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 18 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 3 h 40.

 

Affaire Prévost-Kelly

M. Prévost (Terrebonne) demande quand siégera le comité spécial nommé pour faire enquête sur les accusations portées par le député de Terrebonne contre le député de Bonaventure.

Serait-il prêt à siéger ce soir?

M. Kelly (Bonaventure) dit qu'il serait heureux si l'enquête pouvait commencer tout de suite, car il a hâte que toute la vérité soit établie le plus tôt possible dans cette affaire.

L'honorable M. Roy (Kamouraska): L'avis prévoit le début de l'enquête pour demain et celle-ci ne peut commencer avant la date fixée. Le comité d'enquête sur l'affaire Prévost-Kelly a été convoqué pour mercredi matin, à 10 heures. Les séances auront lieu au comité permanent des bills privés.

Compagnie de chemin de fer Québec et Saguenay

L'ordre du jour appelle la Chambre à adopter les amendements du Conseil législatif au bill 150 concernant la Compagnie de chemin de fer Québec et Saguenay.

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose, appuyé par le représentant de Montréal no 5 (M. Gault), qu'un message soit envoyé à l'honorable Conseil législatif, informant Leurs Honneurs que cette Chambre concoure dans leurs amendements au bill 150 concernant la Compagnie de chemin de fer Québec et Saguenay, avec l'amendement suivant: En retranchant, dans la cinquième ligne desdits amendements, tous les mots depuis les mots "en insérant", inclusivement, jusqu'au mot "la clause", dans la dix-huitième ligne, et en les remplaçant par les suivants: "2. La compagnie devra commencer la construction de son chemin de fer dans les deux ans après l'adoption de la présente loi et la compléter dans les cinq ans à compter de l'adoption de la présente loi et, si le chemin de fer n'est pas commencé et complété dans ces délais respectivement, les pouvoirs qui sont conférés à ladite compagnie prendront fin et seront nuls et de nul effet."

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce message au Conseil législatif.

The North Eastern Railway Company

L'ordre du jour appelle la Chambre à adopter les amendements du Conseil législatif au bill 221 concernant The North Eastern Railway Company.

M. Langlois (Montréal no 3) propose, appuyé par le représentant de Gaspé (M. Lemieux), qu'un message soit envoyé à l'honorable Conseil législatif, informant Leurs Honneurs que cette Chambre n'insiste pas dans son refus de concourir dans les amendements du Conseil législatif au bill 221 concernant The North Eastern Railway Company, mais qu'elle les accepte avec l'amendement suivant: Dans l'amendement no 1, retrancher tous les mots après le mot "amendée", dans la première ligne, et les remplacer par les suivants: "en en retranchant tous les mots après le mot "est" dans la quatrième ligne, jusqu'à la fin, et les remplacer par le mot "abrogé". Dans l'amendement no 2, retrancher tous les mots après les mots "clause 2" et les remplacer par les suivants: "2. La compagnie devra commencer la construction de son chemin de fer dans les trois ans après l'adoption de la présente loi et la compléter dans les dix ans à compter de l'adoption de la présente loi et, si ledit chemin de fer n'est pas ainsi commencé et complété et mis en opération dans lesdits délais respectivement, les pouvoirs de construction conférés à la compagnie prendront fin et seront nuls et de nul effet."

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce message au Conseil législatif.

Charte de la ville de Saint-Louis

La Chambre procède de nouveau à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 133 amendant la charte de la ville de Saint-Louis.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Nombre d'échevins et bureau de commissaires à Montréal

La Chambre procède de nouveau à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 112 amendant la charte de la cité de Montréal, dans le but de réduire le nombre des échevins et de créer un bureau de commissaires.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

 

Interpellations:

Écoles protestantes de Montréal

M. Finnie (Montréal no 4): 1. Quel a été le revenu annuel des commissaires d'écoles protestantes de la cité de Montréal depuis six ans, c'est-à-dire durant les années 1903, 1904, 1905, 1906, 1907, 1908?

2. Combien d'écoles ont été construites durant ces années?

3. Quel a été le coût de chacune d'elles et du lot ou des lots de terrain sur lesquels elles sont situées?

4. Qui a eu le contrat pour leur construction?

5. A-t-on demandé des soumissions dans chaque cas?

6. Le contrat a-t-il été accordé au plus bas soumissionnaire dans chaque cas?

7. Y a-t-il eu des extra?

8. Dans l'affirmative, combien?

9. Quel montant a été dépensé en réparations depuis 1903 inclusivement?

10. Pour quel montant ces propriétés sont-elles assurées contre l'incendie?

11. Dans quelles compagnies les bâtisses sont-elles assurées contre le feu?

12. À quel chiffre la population juive est-elle portée dans les calculs établissant le droit de la commission à une part au fonds de la liste neutre?

13. À quel chiffre la population protestante est-elle portée?

14. Quel montant de taxes scolaires a été perçu des juifs propriétaires à Montréal en 1908?

L'honorable M. Roy (Kamouraska) considère que cette question exige que l'on obtienne de Montréal une quantité importante de renseignements d'ordre statistique. Il demande que cette question soit changée en avis de motion pour le dépôt d'un dossier en Chambre donnant toutes les informations désirées.

Cette proposition est adoptée.

 

Demande de documents:

Écoles protestantes de Montréal

M. Finnie (Montréal no 4) propose, appuyé par le représentant de Gaspé (M. Lemieux), qu'il soit mis devant cette Chambre un état indiquant: 1. Quel a été le revenu annuel des commissaires d'écoles protestantes de la cité de Montréal depuis six ans, c'est-à-dire durant les années 1903, 1904, 1905, 1906, 1907, 1908? 2. Combien d'écoles ont été construites durant ces années? 3. Quel a été le coût de chacune d'elles et du lot ou des lots de terrain sur lesquels elles sont situées? 4. Qui a eu le contrat pour leur construction? 5. A-t-on demandé des soumissions dans chaque cas? 6. Le contrat a-t-il été accordé au plus bas soumissionnaire dans chaque cas? 7. Y a-t-il eu des extra? 8. Dans l'affirmative, combien? 9. Quel montant a été dépensé en réparations depuis 1903 inclusivement? 10. Pour quel montant ces propriétés sont-elles assurées contre l'incendie? 11. Dans quelles compagnies les bâtisses sont-elles assurées contre le feu? 12. À quel chiffre la population juive est-elle portée dans les calculs établissant le droit de la commission à une part au fonds de la liste neutre? 13. À quel chiffre la population protestante est-elle portée? 14. Quel montant de taxes scolaires a été perçu des juifs propriétaires à Montréal en 1908?

Adopté.

Commission des services d'utilité publique de Québec

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), que la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération certaines résolutions concernant la loi établissant la Commission des services d'utilité publique de Québec.

Adopté.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) informe alors la Chambre que Son Honneur le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de l'objet de ces résolutions et qu'il les recommande à sa considération.

 

En comité:

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose qu'il soit résolu: 1. Que les commissaires et le secrétaire de la Commission des services d'utilité publique à être créée par la loi qui accompagne les présentes résolutions reçoivent la rémunération annuelle fixée par le lieutenant-gouverneur en conseil, mais cette rémunération ne doit pas excéder:

Pour le président de la commission

$3000

Pour un commissaire

2000

Pour le secrétaire

1800

 

2. Qu'il soit loisible au lieutenant-gouverneur en conseil d'accorder à chaque commissaire, en sus de la rémunération annuelle ci-dessus, une somme n'excédant pas dix piastres par chaque séance de la commission à laquelle il aura assisté.

M. Prévost (Terrebonne) s'oppose à cette clause car, en plus de leurs salaires, les commissaires recevront $10 par séance. Avec une telle clause, ils chercheront à avoir le plus grand nombre de séances possible. Il préférerait leur accorder un salaire annuel de $6000 plutôt que de leur verser des frais supplémentaires. Mais à quelle rémunération les commissaires ont-ils vraiment droit?

L'honorable M. Gouin (Portneuf) décide qu'en sus de leur salaire, fixé à $4000 par année pour le président et à $3000 pour les autres membres, les commissaires auront droit à un jeton de $10, non par séance mais par jour de séance, parce qu'il est dans l'intérêt de la province que ces commissaires siègent le plus longtemps et le plus souvent possible.

M. Prévost (Terrebonne) prend la parole.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) déclare que devant la commission chaque partie paiera ses frais et ceux de ses témoins. Le gouvernement ne paiera que les experts.

Ces résolutions sont amendées et se lisent désormais comme suit: 1. Que les commissaires et le secrétaire de la Commission des services d'utilité publique à être créée par la loi qui accompagne les présentes résolutions reçoivent la rémunération annuelle fixée par le lieutenant-gouverneur en conseil, mais cette rémunération ne doit pas excéder:

Pour le président de la commission

$4000

Pour un commissaire

3000

Pour le secrétaire

1800

 

2. Qu'il soit loisible au lieutenant-gouverneur en conseil d'accorder à chaque commissaire, en sus de la rémunération annuelle ci-dessus, une somme n'excédant pas dix piastres par chaque séance de la commission à laquelle il aura assisté.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose qu'il soit résolu: 3.Qu'il soit accordé aux experts nommés en vertu de l'article 14 de la loi qui accompagne les présentes résolutions telle rémunération que le lieutenant-gouverneur en conseil croira raisonnable.

4. Que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse aussi nommer les employés nécessaires au bon fonctionnement de la commission et pourvoir à leur rémunération.

5. Que chaque fois que la commission, dans la limite des attributions que lui confère la loi qui accompagne les présentes résolutions, nommera quelque personne en dehors de ses employés réguliers pour exécuter un service autorisé par ladite loi, ou la charge d'exécuter ce service, il soit payé à cette personne, pour ses services et déboursés, telle somme que le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation de la commission, pourra déterminer.

6. Que les rémunérations ci-dessus et toutes les dépenses de la commission encourues dans l'exécution de la loi qui accompagne les présentes résolutions, y compris tous les frais raisonnables de voyage réellement encourus par les commissaires, le secrétaire et les membres du personnel dont la commission pourra avoir besoin, soient payées mensuellement à même le fonds consolidé du revenu de la province.

Les résolutions sont adoptées.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues deux fois et adoptées par la Chambre.

Il est ordonné que ces résolutions soient renvoyées au comité chargé de l'étude du bill 46 établissant la Commission des services d'utilité publique de Québec.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 46 établissant la Commission des services d'utilité publique de Québec.

Adopté.

 

En comité:

Les articles 44 à 51 sont adoptés.

M. Tellier (Joliette) et M. Prévost (Terrebonne) protestent, au nom de l'intérêt des municipalités et des particuliers, contre le pouvoir qui les prive de leurs propres droits de propriété. Ils prétendent qu'en vertu de ce bill ces mêmes droits seront donnés aux commissaires.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): La presse et le public sont en faveur de cette mesure, sachant qu'elle répond à l'intérêt public.

M. Bernard (Shefford) prend la parole.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts

L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Caron (L'Islet) donne de nouvelles explications sur la loi qui a surtout pour but, dit-il, de chasser les colons de mauvaise foi et d'empêcher l'éparpillement des colons dans les districts.

M. Tellier (Joliette): Rien ne sert de protester puisque la majorité est là qui soutiendra le bill; mais il veut tout de même enregistrer ses protestations contre ce retour à l'état de choses qui existait en 1904, état de choses contre lequel on a si hautement crié. La loi présentée par l'honorable ministre est pratiquement l'ancienne loi d'avant 1904. Elle est une véritable reculade, un pas en arrière. Elle rétablit un système qui a déjà été condamné et le rend plus condamnable encore.

Ainsi, le pouvoir arbitraire du ministre d'empêcher la vente des terres à ceux qui en font la demande, qu'avait supprimé la loi de 1904, est aujourd'hui rétabli. Même, la loi nouvelle est pire que l'ancienne; elle ne dit pas dans quel cas le ministre peut ordonner à l'agent de ne pas vendre tel ou tel lot. C'est l'arbitraire le plus absolu et le plus révoltant.

Il proteste énergiquement contre ce projet parce qu'il hait l'arbitraire et qu'il veut que les droits des citoyens de ce pays soient garantis par la loi et non pas laissés au caprice d'un seul homme. Pourquoi retourner en arrière, pourquoi tourner toujours dans le même cercle vicieux? Il soupçonne que l'on veuille légaliser par cet amendement la pratique injustifiable du ministre des Terres, qui consiste à empêcher la vente des lots à certains moments de l'année. La seule raison que l'on invoque est celle de l'importance de mettre fin à la spéculation. Mais que fait-on de la colonisation? Et ce projet est-il la réponse du gouvernement aux nombreuses plaintes d'atermoiements faites depuis l'ouverture de la session? Alors, c'est la preuve du mauvais esprit qui règne au département des Terres au sujet de la colonisation.

Il attaque aussi le nouveau billet de location, les conditions d'établissement et la limitation des lots à une moyenne de 100 acres de superficie. La réduction du nombre de 200 à 100 acres qu'un colon pourra avoir est particulièrement regrettable, parce qu'elle ralentira le mouvement des vieilles familles vers les centres de colonisation à mesure qu'elles grandissent, afin de détourner leurs enfants du mouvement de l'émigration.

Il s'élève contre la clause empêchant un colon d'avoir un second lot avant d'avoir défriché 50 pour cent de son premier lot. Dans le projet de loi, on distingue nettement l'hostilité du département des Terres à l'endroit des colons. Elle apparaît d'abord dans la clause qui donne au ministre le pouvoir arbitraire d'empêcher les ventes et plus dans celle qui réduit le colon à un seul lot de 100 acres. Il demande ce que le colon fera là-dessus avec une famille.

Encore une fois, nous savons bien que nous ne pouvons rien contre le bloc du gouvernement, mais nous voulons du moins enregistrer notre protêt contre ce projet néfaste pour l'intérêt de la province.

L'honorable M. Caron (L'Islet) dit que le but de cette loi est de mettre des entraves à la spéculation et de protéger les colons eux-mêmes contre de faux calculs. À son avis, le pouvoir de refuser ou d'annuler une vente se révélera comme étant une protection contre la spéculation. Le droit de refuser la vente de tout lot déterminé, réservé au ministre, lui permet de guider les colons dans le choix de leurs lots et de les forcer à leur grand avantage de se grouper les uns à côté des autres, au lieu de s'établir chacun sur un point éloigné dans la forêt, loin des communications et des écoles. Mieux vaut les grouper que les laisser s'éparpiller.

L'agent des terres verra autant que possible à ce que le colon choisisse son lot dans un canton où d'autres colons sont déjà établis. Ceci évitera bien des ennuis au colon et c'est en même temps une garantie contre les feux de forêt qui ravagent trop souvent notre province. Il est dans l'intérêt général d'empêcher l'éparpillement des colons.

M. Tellier (Joliette): Alors, vous préférez plutôt qu'il s'établisse dans le milieu d'un rang?

L'honorable M. Caron (L'Islet): Non, mais nous ne voulons pas qu'il s'établisse au milieu du bois.

M. Tellier (Joliette): On peut obvier à cet inconvénient en vendant les lots par rangs.

L'honorable M. Caron (L'Islet): D'ailleurs, les spéculateurs ont ordinairement trop beau jeu avec l'argent; ils ne pourront aussi facilement tromper le ministre. La preuve est admise, même de l'opposition, que depuis 1904 trop souvent l'ancienne loi forçait l'agent à vendre des lots impropres à la culture à des personnes qui se présentaient et prêtaient serment qu'elles étaient de vrais colons mais que lui savait être des spéculateurs. On a vu jusqu'à des propriétaires de limites demander des lots dans leurs propres limites, au nom de leurs employés, afin de s'emparer du bois sans payer les droits de coupe. C'est une des raisons qui ont engagé le gouvernement à demander pour le ministre un pouvoir discrétionnaire. C'est là un système de spéculation pratiqué sur une grande échelle et qui n'avait jamais été prévu, même par la commission de colonisation. C'est un système auquel il faut mettre fin. Aujourd'hui, le ministre aura droit de refuser la vente au faux colon ou au spéculateur. Ce pouvoir favorisera certainement la vraie colonisation en permettant au ministre d'intervenir pour protéger les terres à bois contre la spéculation. Les anciennes lois n'avaient pas à compter avec les colons de mauvaise foi; les temps ont changé aujourd'hui.

M. Prévost (Terrebonne): Le malheur, c'est que le département s'imagine que tous les colons sont des spéculateurs.

M. Tellier (Joliette): Il serait intéressant de voir produire sur la table de la Chambre les plaintes que le ministre a dû recevoir des colons depuis le commencement de la session seulement. Ces plaintes doivent se chiffrer par milliers.

L'honorable M. Caron (L'Islet): Ah non!

M. Tellier (Joliette): Alors, c'est que les colons ont perdu tout espoir de voir redresser leurs griefs. Pour ma part, je reçois tous les jours de tous les colons de la province des lettres nombreuses où l'on se plaint du malaise de la colonisation.

M. Sylvestre (Montcalm) fait observer qu'il sera aussi difficile de reconnaître le spéculateur avec la nouvelle loi qu'avec l'ancienne. Il demande au ministre si l'amendement à la loi permet de distinguer le colon de bonne foi du colon de mauvaise foi.

L'honorable M. Caron (L'Islet): Non.

M. Sylvestre (Montcalm): Alors, vous avouez que votre loi n'empêchera pas la spéculation.

L'honorable M. Caron (L'Islet): Le député de Terrebonne (M. Prévost) a déclaré que dans la moitié des cas les colons ont été maltraités par le département. Les neuf dixièmes des plaintes viennent des spéculateurs. Si le député de Terrebonne veut m'accompagner au département, je le lui prouverai, dossiers en main. Nous avons entendu bien des plaintes de la gauche, mais ces plaintes si nombreuses, où sont-elles? On a fait la pêche aux plaintes et le député de Terrebonne a pu produire ici devant cette Chambre une vingtaine de cas d'injustice à signaler, couvrant une période de cinq ou six ans, c'est-à-dire 12 000 lots concédés.

M. Prévost (Terrebonne): L'honorable ministre sans portefeuille oublie que j'ai été ministre de la Colonisation pendant trois ans. Il ne peut pas être sérieux quand il affirme que nous n'avons pu trouver qu'une vingtaine de plaintes sur environ 10 000 demandes. Les cas que nous avons cités sont les cas typiques, nous aurions pu produire des dossiers par centaines et par milliers.

Je suis prêt à établir avec les dossiers que, dans 50 pour cent des cas, il a fallu trois ou quatre ans aux colons pour obtenir leurs lots, et je tiens à mon affirmation: 50 pour cent des colons n'obtiennent pas les lots demandés en ce moment. De plus, sous le système actuel, il n'y a pas un seul lot qui se donne sans que le département en demande humblement auparavant la permission au porteur de licence. La loi de classification n'a-t-elle pas été passée pour assurer au colon son lot aussitôt qu'il le demandait?

L'honorable M. Caron (L'Islet): Oui.

M. Prévost (Terrebonne): Et malgré cela le ministre a donné l'ordre de refuser de vendre. Imaginez-vous ce qui va arriver quand le ministre aura le droit de faire ce qu'il fait même lorsqu'il n'en a pas le droit! Aussitôt que la loi sera sanctionnée, on verra le ministre des Terres écrire à ses agents: Ne vendez plus de lot sans ma permission et avant de faire rapport au département.

On a dit que 3000 lots avaient été concédés l'année dernière. Il eût été mieux de dire combien de colons s'étaient établis sur des terres. Et c'est bien ce qu'il importait de savoir. Mais il n'y a aucune statistique établissant ces faits-là.

On fait revivre la loi de 1904 sous prétexte d'empêcher l'éparpillement des colons. C'est un prétexte futile. Ce que l'on veut, c'est de rétablir le jeu de bascule entre le département des Terres et les agents. La nouvelle loi empêchera les colons non seulement de se disperser, mais aussi de s'établir. Le pouvoir discrétionnaire serait sans inconvénient si le ministre l'exerçait seul. Mais il ne peut prendre connaissance de toutes les demandes, ni même le sous-ministre. Le colon sera donc entre les mains des employés qui l'ont toujours maltraité. Pour combattre les spéculateurs, on tape sur le colon de bonne foi. Si l'on veut réellement la justice, pourquoi ne punit-on pas le colon de mauvaise foi et ne laisse-t-on pas l'autre tranquille?

La loi est un défi à ceux qui se plaignent. On pouvait le voir tout dernièrement dans le Canada. Il n'y a pas de loi plus contraire aux intérêts bien entendus de la colonisation. Que l'on adopte une politique de réserve de colonisation, voilà le remède. Punissez ceux qui volent et protégez les gens de bonne foi. Il n'y a pas même de sanction à la loi et je défie le gouvernement de lui en donner une. Il lui faudrait atteindre trop d'amis puissants et il n'osera pas le faire. Et je parle avec connaissance de cause.

Il démontre qu'en 1905 les honorables députés de Portneuf (M. Gouin), d'Argenteuil (M. Weir) et de Bellechasse (M. Turgeon) démissionnèrent en raison des méthodes utilisées pour la classification des lots. Mais comment se fait-il alors qu'ils endossent dans la nouvelle loi le même principe qui amena leur démission? Cette loi est le dernier clou dans le cercueil de la colonisation déjà morte depuis longtemps.

Il termine en disant qu'il ne cessera de dénoncer la loi par la plume et la parole tant qu'elle n'aura pas été révoquée. Il la dénoncera en Chambre et devant le peuple lorsque la session sera terminée.

L'honorable M. Devlin (Nicolet): Le député de Terrebonne (M. Prévost) a fait une déclaration de guerre contre tout ce que propose le gouvernement actuel. Il déclare qu'après la session il dénoncera par la plume et par la parole la nouvelle loi des terres. Eh bien, qu'il le fasse, nous n'avons pas peur de lui!

D'abord, il ne croit pas qu'il soit aussi facile de distinguer le vrai d'avec le faux colon. Ils ont tous deux, dit-il, les mêmes yeux, les mêmes oreilles et le même nez. Il n'attache pas non plus une grande importance aux cas soulevés par le député de Terrebonne avec ses dossiers, cas qui pour plusieurs ne valaient rien. Les cas cités par l'opposition ne sont que de faux cas, présentés par de pseudo-colons. Les supposés cas d'injustice cités par l'opposition n'étaient que des cas où de faux colons avaient été découverts. Comme preuve, il donne certains exemples de supposés traitements injustes mentionnés par le député de Terrebonne.

Le grand fournisseur des députés de l'opposition ne serait autre que Jules Scrive, un misérable qui remplit de mensonges les colonnes de la Patrie, un scribe qui transmet aux membres de l'opposition toutes ses plaintes, un minable qui s'est vu imposer une amende pour avoir vendu des liqueurs sans licence.

Bien que le député de Terrebonne soit sorti du Parti libéral, le parti est resté le Parti libéral, ayant pour principe: traitement égal à tous.

M. Prévost (Terrebonne) dit qu'il connaît Scrive depuis longtemps et qu'il n'a jamais pris en considération aucune de ses plaintes.

L'honorable M. Devlin (Nicolet): Non, la colonisation n'est pas morte dans la province, quoi qu'en dise le député de Terrebonne dans ses nombreux discours; elle n'a jamais été aussi prospère. Pour le prouver, il récite les merveilles qui, dit-il, ont été accomplies depuis quelques années en fait de colonisation par son département et toutes les régions fertiles qui ont surgi des endroits sauvages. Il est faux de dire que les colons ne peuvent pas obtenir justice. Dans la seule année qui vient de s'écouler, 2924 colons nouveaux ont pris des lots. La loi nouvelle est la mort, non pas de la colonisation, mais de la spéculation.

Le gouvernement ne vise pas autant au nombre qu'à la qualité des colons. Le gouvernement veut des colons de bonne foi, des défricheurs et non des spéculateurs. Il faut par tous les moyens possibles mettre un frein à l'ambition des spéculateurs. Le but de la nouvelle loi, comme il fut souvent répété, est d'empêcher la spéculation. Et elle le fera. Le vrai colon ne s'en plaindra jamais. Le député de Terrebonne peut écrire et parler sur le sujet tant qu'il le voudra, mais le gouvernement demeurera aussi fort qu'avant. Le gouvernement n'a pas peur de soumettre la loi à l'approbation de la population, car il sait que l'électorat, comme toujours, l'approuvera, étant donné que la loi agira pour le bien de la province.

Quant à la guerre que le député de Terrebonne vient de déclarer au gouvernement, elle ne peut être que la suite de celle qu'il a faite depuis le commencement de la session. Il n'en redoute pas les effets, quelles que soient les blessures qui ont été infligées jusqu'ici aux amis du gouvernement.

M. Prévost (Terrebonne) réplique qu'il s'occupe moins des blessures qu'il a pu recevoir ou infliger que des blessures faites aux colons. Cela lui suffit pour poursuivre, même seul, la campagne qu'il a entreprise pour faire rendre justice aux enfants du sol. Il compte sur le succès final. Il fait observer que le député de Nicolet a parlé de toutes sortes de choses, excepté de l'article de la loi des terres qui était en question. Il demande au gouvernement s'il possède des statistiques sur le nombre de colons qui restent sur leurs lots. Il importe peu de savoir combien de lots ont été vendus. Ce qu'il faut savoir, c'est le nombre de colons qui demeurent sur leurs lots. Il réaffirme que la loi nouvelle consacre une politique néfaste, une politique que tous les députés qui siégeaient à la Chambre en 1904 ont condamnée comme étant l'une des plus arbitraires. Il ne combat pas, dit-il, pour le succès personnel, mais pour être utile à son pays.

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts

L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), que la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération certaines résolutions concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.

Adopté.

L'honorable M. Caron (L'Islet) informe alors la Chambre que Son Honneur le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de l'objet de ces résolutions et qu'il les recommande à sa considération.

 

En comité:

L'honorable M. Caron (L'Islet) propose qu'il soit résolu: 1. Qu'aux conditions et prix fixés par le lieutenant-gouverneur en conseil l'agent des terres, s'il n'y a pas contestation et s'il n'a pas reçu d'instructions contraires du ministre, soit tenu de vendre, après la classification autorisée par l'article 1268a des statuts refondus, tel qu'édicté par la loi 4 Édouard VII, chapitre 13, section 7, les terres propres à la culture et classées comme telles, et avant ladite classification, les terres propres à la culture, à tout colon de bonne foi qui en fait la demande; qu'aucune vente ne puisse être faite pour plus de cent acres à la même personne par l'agent, excepté si le lot demandé contient, d'après arpentage, plus de cent acres et pas plus de cent vingt-cinq acres, auquel cas l'agent pourra vendre jusqu'à cent vingt-cinq acres; et que les ventes faites par les agents prennent leur effet du jour qu'elles seront faites si elles ne sont pas désapprouvées par le ministre dans les trois mois de leur date; mais que, si le billet de location renferme quelque erreur de copiste ou de nom, ou une désignation inexacte de la terre, le ministre puisse annuler le billet de location et y ordonner qu'il en soit émis un nouveau, corrigé, qui aura son effet de la date du premier;

2. Que toute personne qui aura obtenu pour fins de colonisation, tant en vertu des lois antérieures qu'en vertu de la loi qui sera basée sur ces résolutions, la quantité d'acres de terre alors permise, ne puisse en obtenir plus tant qu'elle n'aura pas fait émettre des lettres patentes pour les terres qu'elle détient sous billet de location et tant qu'au moins la moitié desdites terres n'aura pas été mise en culture;

3. Que les transports de lots de terre obtenus par la même personne pour plus de trois cents acres, soit d'un même propriétaire, soit de différents propriétaires, avant l'émission des lettres patentes, soient nuls et ne confèrent aucun droit au cessionnaire pour le surplus des trois cents acres, et que la personne demandant l'enregistrement d'un transport doive produire une déclaration sous serment attestant qu'elle n'a pas, au moment où elle fait la déclaration, de billets de location pour des lots de la couronne pour plus de trois cents acres obtenus soit directement de la couronne, soit au moyen de transports déjà enregistrés;

4. Que les lots vendus ou autrement octroyés pour fins de colonisation, à dater de la sanction de la loi qui sera basée sur ces résolutions, ne puissent, pendant cinq ans à compter de la date du billet de location, être vendus par le porteur du billet de location, ni autrement aliénés, en tout ou en partie, excepté par donation entrevifs ou par testament, en ligne directe ascendante ou descendante, en ligne collatérale au premier degré ou par succession "ab intestat", et que, dans ces cas, le donataire, le légataire ou l'héritier soient soumis à la même prohibition que l'acquéreur primitif; que tout autre transport d'un lot ne soit valable que s'il a été préalablement autorisé par le ministre, sur preuve, à sa satisfaction, qu'il est dans l'intérêt de la colonisation que ce transport soit fait; et que tout transport fait en contravention avec la présente résolution soit radicalement nul entre les parties et qu'il fasse encourir la révocation de la vente ou de l'octroi du lot;

5. Que l'avis dont il est question dans l'article 1287 des statuts refondus, tel que remplacé par la loi 4 Édouard VII, chapitre 13, section 14, doive contenir la mention que la révocation sera prononcée, s'il y a lieu, en tout temps après trente jours de la date de l'affichage.

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

 

Dépôt de documents:

Lots concédés à M. Miquelon dans le comté d'Ottawa

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 25 mars 1909, pour la production de toute correspondance, tout billet de location et autres documents échangés entre le département des Terres et Forêts et les agents des terres ou autres personnes, en rapport avec les lots concédés ou à être concédés, avec un nommé Miquelon, de la région du chemin Gouin, dans le comté d'Ottawa, depuis la dernière session du dernier Parlement. (Document de la session no 157)

Lot du canton Marston, comté de Wolfe

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à une adresse de l'Assemblée législative, en date du 28 avril 1909, demandant la production de copie de tous ordres en conseil, billets de location et autres documents en rapport avec le lot ½ sud du lot 3, rang 9, du canton de Marston, dans le comté de Wolfe. (Document de la session no 158)

Lots du canton Campbell, comté d'Ottawa

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 28 avril 1909, pour la production de copie de tous documents et correspondance en rapport avec les lots nos 35 et 3 du premier rang nord-ouest du canton Campbell, dans le comté d'Ottawa. (Document de la session no 159)

Pouvoir d'eau sur la montagne du Sauvage, comté de Terrebonne

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à une adresse de l'Assemblée législative, en date du 28 avril 1909, demandant la production de copie de tous ordres en conseil, correspondances, contrats et autres documents échangés entre certaines personnes et le gouvernement en rapport avec la demande d'achat et l'achat d'un certain pouvoir d'eau sur la montagne du Sauvage, dans le comté de Terrebonne. (Document de la session no 160)

Lots du canton Gauthier

L'honorable M. Roy (Kamouraska)pose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 14 mai 1909, pour la production de copie de tous documents et correspondance en rapport avec des lots dans le canton Gauthier, par une famille de colons du nom de Cornellier. (Document de la session no 161)

Lots du canton Tremblay, comté de Chicoutimi

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 13 mai 1909, pour la production de copie de tous décrets administratifs, correspondance, requêtes, affidavits et autres documents relatifs aux lots nos 69 et 70 du neuvième rang du canton Tremblay, comté de Chicoutimi. (Document de la session no 162)

La séance est levée à 6 heures.

 

Troisième séance du 18 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 8 heures.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté les messages suivants:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

- bill 32 amendant la loi des mines de Québec;

- bill 205 amendant la loi concernant les déclarations que doivent faire certaines corporations, compagnies, sociétés et personnes;

- bill 213 amendant la loi constituant en corporation l'École technique de Québec;

- bill 214 amendant la loi constituant en corporation l'École technique de Montréal.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 74 accordant certains pouvoirs à la corporation du village de Sainte-Anne de Beaupré;

- bill 122 accordant certains pouvoirs additionnels à la Compagnie d'assurance mutuelle contre le feu, de Montmagny;

- bill 149 constituant en corporation The Angus Short Line Company.

Village de Sainte-Anne de Beaupré

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 74 accordant certains pouvoirs à la corporation du village de Sainte-Anne de Beaupré.

Les amendements sont lus deux fois.

Compagnie d'assurance mutuelle contre le feu, de Montmagny

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 122 accordant certains pouvoirs additionnels à la Compagnie d'assurance mutuelle contre le feu, de Montmagny.

Les amendements sont lus deux fois.

The Angus Short Line Company

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 149 constituant en corporation The Angus Short Line Company.

Les amendements sont lus deux fois.

Subsides

La Chambre reprend le débat ajourné lundi, le 17 mai dernier, sur la motion à l'effet que la Chambre se constitue de nouveau en comité pour prendre en considération les subsides à accorder à Sa Majesté.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) regrette qu'une indisposition l'ait empêché de continuer son discours à la séance du matin. Il a étudié surtout la conduite de M. Turgeon dans toute l'affaire et en est venu à la conclusion que les 30 cents ne se rapportaient pas à la caisse électorale, mais qu'ils constituaient un pot-de-vin devant aller à quelqu'un.

La thèse du gouvernement est celle-ci: Le baron, pendant 18 mois, a joué les membres du syndicat belge comme il a joué M. Adélard Turgeon. Cette caisse électorale dont il a maintes fois entretenu De Jardin et autres membres du syndicat n'était qu'un prétexte pour empocher une somme de $60 000.

Il s'applique à démontrer que cette prétention du gouvernement ne tient pas debout. Il n'admet pas que la commission royale vaille quelque chose, parce qu'elle n'a pas envoyé de commission rogatoire en Belgique. Analysant et juxtaposant les témoignages de M. Turgeon reçus par la commission royale et ceux reçus dans le procès Prévost-Asselin, il trouve que ces témoignages ne concordent pas avec de nombreux documents. Il résume la preuve qu'il a faite la veille. Cette preuve démontre que le témoignage donné par M. Turgeon au procès Prévost-Asselin est malheureusement contraire aux faits sur les principaux points.

Par les lettres signées de la main même de M. Turgeon ou reçues par lui et admises comme exactes par le témoignage de M. De Jardin, j'ai prouvé qu'en déclarant qu'il ne connaissait pas le syndicat belge M. Turgeon commettait une erreur profonde puisque, à cette date, il savait que le syndicat existait, qu'il était régulièrement organisé, que son ami, M. Dubord, en faisait partie et que M. de l'Épine était son agent autorisé, qu'il avait vu deux fois M. De Jardin, membre de ce syndicat, qu'il avait négocié et avec M. De Jardin, membre du syndicat, et avec M. de l'Épine, représentant du syndicat.

J'ai prouvé ensuite que M. Turgeon s'est gravement trompé en affirmant qu'il avait renouvelé l'option à la demande de M. de l'Épine, alors qu'il l'a renouvelée à la demande même de M. De Jardin. J'ai prouvé également que M. Turgeon s'est trompé lorsqu'il a déclaré avoir donné le blanc-seing du 21 décembre 1905 parce qu'il ne savait pas si le syndicat belge était organisé; les pièces au dossier démontrent, au contraire, que M. Turgeon connaissait l'existence du syndicat.

M. Turgeon s'est encore trompé lorsqu'il a dit que c'était lui qui avait voulu réduire la concession à 250 000 acres; les documents reconnus authentiques par M. Turgeon lui-même montrent, au contraire, que M. Turgeon, personnellement, n'avait aucune objection à une concession de 500 000 acres. Ces documents prouvent, de plus, que c'est le chevalier Goëthals qui s'est objecté à 500 000 acres parce que le syndicat belge ne voulait pas payer $150 000 au fonds électoral - ou de corruption - de la province, et non pas parce qu'il ne voulait pas employer le nombre d'acres décidé auparavant.

J'ai prouvé ensuite qu'en déclarant qu'il n'avait jamais été question d'autre chose qu'une concession agricole M. Turgeon s'est étrangement trompé puisqu'il savait à ce moment-là que la concession demandée comportait la propriété du sol, du bois, la préférence sur les pouvoirs d'eau de 1500 forces et tous les avantages miniers et qu'il avait, lui, M. Turgeon, donné M. Obalski, ingénieur des mines, au syndicat, pour diriger l'exploitation du terrain au point de vue minier. De fait, il semble qu'il se soit si peu agi d'une concession pour la colonisation que M. Turgeon n'a jamais jugé à propos de consulter son collègue, le ministre de la Colonisation.

Des voix: Écoutez!

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) s'élève aussi contre une autre déclaration de M. Turgeon où celui-ci dit ignorer le fait qu'il était dans l'intérêt du syndicat belge que M. Obalski se rende en Abitibi.

J'ai prouvé aussi que M. Turgeon se trompait lorsqu'il a dit qu'il ignorait si M. Obalski avait été adjoint à l'exploration au point de vue minier, puisque c'est M. Turgeon lui-même qui a fait nommer Obalski comme ingénieur minier de l'exploration. J'ai prouvé, en outre, que ce M. Turgeon se trompait lorsqu'il déclarait n'avoir vu M. Obalski qu'à son retour d'Europe alors que les témoignages établissent que M. Obalski a vu M. Turgeon à La Malbaie, à son retour de l'Abitibi, avant son départ pour l'Europe. J'ai prouvé de plus que M. Turgeon se trompait lorsqu'il déclarait qu'il ne savait pas si M. Obalski avait fait rapport sur son voyage de l'Abitibi alors qu'à ce moment-là le rapport de M. Obalski était aux archives du département depuis six mois.

Quant aux conditions d'établissement, la déclaration de M. Turgeon au procès Prévost-Asselin a été si formelle que personne ne l'a oubliée. Les négociations ont été rompues, disait-il, parce que je n'ai jamais voulu céder sur les conditions d'établissement. Or il est prouvé, par le témoignage de M. De Jardin et par les aveux de M. Turgeon à la fin de son propre témoignage, que ces fameuses conditions ont été finalement changées à la suggestion du ministre lui-même et qu'il était parfaitement entendu que le syndicat ne serait obligé de coloniser sa concession que dans un délai de 10 ans après le parachèvement du Grand Tronc Pacifique.

Lors du procès Asselin, il a été prouvé que M. Turgeon avait proposé des changements en ce qui touche les conditions d'établissement, avantageant ainsi le syndicat belge, afin de les rendre moins onéreuses pour M. De Jardin. Et ce, malgré le fait qu'il avait dit à Saint-Michel qu'il n'avait jamais établi, ni même eu l'intention d'établir, quelque condition spéciale que ce soit. Le témoignage du ministre lors du procès de Prévost-Asselin est littéralement contredit par son discours à Saint-Michel et par son témoignage devant la commission royale. M. Turgeon a déclaré encore que jamais il n'avait eu connaissance du plan mentionné par le baron de l'Épine, et je demande à déposer des lettres qui établissent que M. Gendron a envoyé ce plan à M. Turgeon et que M. Turgeon a même envoyé ce plan à son ami le baron de l'Épine.

Des voix: Écoutez!

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Il est établi par des documents dont l'authenticité est admise que, dans une seule journée, M. Turgeon câblait au baron et écrivait au baron que deux syndicats américains demandaient la même concession. Dépêchez-vous, disait-il, les Américains veulent avoir ce territoire. Or, quand on interroge M. Turgeon sous serment, il ne peut plus donner les noms de ces syndicats. Faites venir M. Taché, dit-il. On fait venir M. Taché qui déclare qu'il n'a jamais eu connaissance de cela. Et, finalement, l'on découvre que la demande du syndicat McCuaig date de deux mois avant le jour où M. Turgeon câblait et écrivait au baron de l'Épine.

Des voix: Écoutez!

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Donc, sur ce point comme sur les autres, le témoignage de M. Turgeon est en défaut.

Enfin, M. Turgeon déclare qu'au passage de M. De Jardin à Québec M. de l'Épine assistait à l'entrevue entre M. De Jardin et le ministre, tandis que M. De Jardin déclare qu'il a vu le ministre seul.

Il n'y a qu'un seul point sur lequel M. Turgeon ne s'est pas contredit lui-même: au procès Asselin comme devant la commission, il a admis qu'il bluffait le baron de l'Épine en lui promettant une législation spéciale qui autorise les termes de la transaction pour une session prochaine. Chose singulière que la seule fois où M. Turgeon a été sincère, ç'a été pour reconnaître qu'il ne l'avait pas été.

Des voix: Écoutez!

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Les négociations étaient interrompues. M. de l'Épine était retourné en Belgique et M. Turgeon lui écrivait que le gouvernement ne pourrait pas conclure avant d'avoir soumis un projet de législation aux Chambres. Et, quand on demande à M. Turgeon, sous serment, s'il avait l'intention de soumettre cette législation aux Chambres, il répond que non. Vous trompiez alors le baron, demande-t-on encore à M. Turgeon. Et le ministre de répondre: Oh! quand vous serez ministre, vous verrez qu'on est souvent obligé d'écrire de ces lettres. Je trouve là une de ces échappées de la matière humaine nous montrant l'iniquité qui se ment à elle-même.

Il conclut que, sur tous les points essentiels, le témoignage de M. Turgeon au cours du procès Prévost-Asselin est infirmé, soit par le propre témoignage de M. Turgeon devant la commission royale, soit par des documents portant sa signature, soit par le témoignage de M. De Jardin, venu tout exprès de Belgique pour sauver la vertu des ministres canadiens. Il veut surtout souligner le fait que, dans tout son discours, il n'a pas cité une seule déclaration du témoignage du baron de l'Épine, sur qui le premier ministre a jeté tant de discrédit.

Que le témoignage de M. Turgeon n'ait pas une grande valeur, nous en avons l'aveu dans les commentaires du juge Sir François Langelier, opinion que l'on ne trouve pas reproduite dans les notes sténographiques, mais qui a été rapportée dans les journaux du temps. Lorsqu'il s'est agi de procéder à l'interrogatoire des témoins, le juge Langelier déclara qu'il fallait entendre d'autres témoins parce que, M. Turgeon étant l'un des principaux intéressés, son témoignage avait moins de poids que celui des témoins de Belgique. Je veux admettre que cette opinion ne concerne que le point de vue juridique, mais si M. Turgeon, à l'enquête, était un témoin intéressé, il l'était autant au procès Asselin où il se trouvait lui-même tellement accusé qu'il demanda une enquête spéciale.

Des voix: Écoutez!

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Maintenant, nous sommes arrivés au point où il faut choisir entre le témoignage de M. Turgeon et celui du baron de l'Épine quant au pot-de-vin. Rappelons-nous d'abord que M. Turgeon n'a jamais voulu jurer que M. de l'Épine avait forgé la lettre de Charneuse et qu'il n'a jamais voulu jurer non plus que le baron s'était parjuré. L'opinion que le gouvernement a voulu faire accepter par le public est celle-ci: c'est le baron de l'Épine qui voulait carotter son syndicat. Voyons si cette opinion peut être acceptée.

M. Turgeon a prétendu que le baron de l'Épine avait menti et que la fameuse lettre de Charneuse où il est parlé de la caisse électorale n'a jamais été reçue par lui, qu'elle avait été fabriquée de toutes pièces et que toute cette histoire avait été inventée par le baron de l'Épine. Si le baron de l'Épine a inventé cette lettre et tout ce qui s'y rattache, c'est un habile homme.

Nous nous trouvons entre deux affirmations, celle du baron de l'Épine, qui dit que les négociations ont été rompues parce qu'on demandait trop pour la caisse électorale; celle de M. Turgeon, qui déclare qu'il n'avait jamais été question de contributions à un fonds électoral. D'après lui (M. Bourassa), le paragraphe de la lettre de Charneuse qui a rapport à la caisse électorale est authentique. Ensuite, on a voulu faire chanter les Belges et les pousser à faire l'achat immédiat des 500 000 acres, s'ils ne voulaient pas se les faire souffler par deux syndicats américains dont M. Turgeon déclara ensuite n'avoir pas entendu parler et dont personne n'a entendu parler.

Il établit qu'il y a eu demande de contribution en dehors du prix d'achat. De toute façon, il ne s'attardera pas à la fameuse lettre de Charneuse que l'on a prétendu avoir perdue car elle n'a pas vraiment d'importance. Il l'avait dit au député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) lorsque ce dernier a empêché la production d'un document établissant qu'il pouvait y avoir en Belgique un témoin qui avait lu la lettre de Charneuse. Il y a 50 preuves plus convaincantes que celle-ci qui concernent la transaction et il les énumère.

Ce baron qui réussit à tromper d'un côté M. Turgeon, fondateur d'empire, et, de l'autre, des financiers comme De Jardin qui est l'un des princes de la finance européenne, devait pour le moins être doué de quelque intelligence. Les négociations ont duré 18 mois. Or on admettra que, pour manoeuvrer aussi longtemps sans se compromettre, il faut une certaine dose d'intelligence, beaucoup de flair, une constance de procédés et une diplomatie très exercée. Que fait le baron de l'Épine lorsqu'il arrive en Belgique pour soumettre ses propositions au syndicat belge? Il a dans sa poche un droit de vendre et un droit d'acheter. S'il veut faire chanter son syndicat, c'est son droit de vendre qu'il va montrer au syndicat, le droit de vendre dont il peut lui-même fixer les conditions. Eh bien non, de l'Épine ne fait pas cela.

Eh bien, cet homme, ayant en main une option sur un territoire de 200 000 acres, se présente devant les MM. De Jardin, Jacob et Goëthals et met cartes sur table. Il montre aux membres de son syndicat son droit d'acheter 200 000 acres pour $140 000; puis il les avertit qu'il faudra payer en plus $60 000 pour la caisse électorale. En d'autres termes, ce prétendu carotteur livre du premier coup la racine de sa carotte et il l'a livrée à des hommes extrêmement habiles, à des financiers qui ont négocié dans toutes les parties du monde et qui dans l'espace d'un mois peuvent le démasquer. Il met de plus ces mêmes hommes en relation directe avec les officiers du gouvernement qui peuvent les renseigner parfaitement et le trahir s'il conspire. Puis les négociations s'entament, se poursuivent, se prolongent, se compliquent. M. De Jardin vient à Québec; les explorations se font; le baron de l'Épine tient ses mandataires au courant de tout, leur rappelle constamment qu'il faudra payer une somme pour la caisse électorale. Il n'a pas de secret pour ses syndicataires. Il n'en a pas non plus pour le ministre. Et les acquéreurs ont six mois pour s'enquérir des conditions de vente et pour savoir si le baron les carottait, et il s'agit de financiers extrêmement avertis.

En homme habile, M. De Jardin, dans son témoignage, a côtoyé les abîmes en prenant bien garde de n'y pas glisser. Quand, devant la commission royale, on lui parla de caisse électorale M. De Jardin a toujours déclaré qu'il avait intérêt à ménager les gouvernements et que ce n'était pas son affaire de s'informer si ceux-ci ont des caisses électorales, quand il y a pour lui un bon marché à faire. M. De Jardin a dit, au cours de son témoignage, que la question consistait dans la valeur du terrain, peu importait qu'une partie du prix allât à la caisse électorale. Maintenant, à qui voudra-t-on faire croire le roman par lequel on voulait faire croire que le baron de l'Épine avait tout simplement réclamé pour la caisse électorale une somme qu'il voulait garder pour lui-même? Est-ce qu'il était possible que cela ne se fût pas ébruité pendant les 18 mois que durèrent ces négociations?

M. Turgeon a formellement déclaré à l'enquête que jamais il n'avait été question du prix de la concession entre lui et M. De Jardin; cependant, nous voyons dans le témoignage rendu à l'enquête par ce dernier qu'il se dit sûr d'avoir parlé de 30 centins à M. Turgeon. Et la date donnée par M. De Jardin est 18 mois après le début des négociations. On parlait du droit de coupe, d'arpentage, mais chaque fois qu'il s'agissait de prix M. Turgeon, selon lui, mettait le baron de l'Épine à la porte! Une médaille que le baron de l'Épine avait demandée au roi Léopold pour M. Turgeon causait au baron assez d'embarras car deux messieurs, Brodie et Thompson, voulaient s'en emparer1.

M. De Jardin vient à Québec au mois de juin. Tous ceux qui l'ont vu et entendu disent que c'est un homme de première valeur. C'est un homme prudent, un homme d'un sang-froid et d'une maîtrise extraordinaires, qui note tous ses pas et démarches. Il nous apprend qu'il se présenta chez le premier ministre. Le maître qui nous gouverne dut le bien recevoir, car il ne venait point pour entrer dans le cabinet. Attendez M. Turgeon, lui conseille le premier ministre. Il voit M. Turgeon. Et voilà le vendeur et l'acheteur en présence. On va parler du prix, sans doute, et si de l'Épine carotte, M. De Jardin va le savoir. Non, Monsieur, l'on ne parle pas du prix. Il est question de clôtures de ligne, de bois, de cours d'eau, de gisements miniers, de toutes sortes de choses, mais du prix, oh non, jamais! C'eût été trop indélicat, dit M. De Jardin. Pourquoi indélicat, si M. De Jardin était sûr que le pot-de-vin n'était pas pour le ministre? Et vous, M. Turgeon, qui aviez à ce moment-là le président du syndicat sous la main, vous n'avez pas songé à rédiger, séance tenante, les termes de la proposition et à vous débarrasser de l'entremetteur? Non! Ni le ministre ni le président du syndicat ne songent à se parler les yeux dans les yeux. Aussitôt que la question du prix surgit, c'est le baron de l'Épine qui entre en scène. Chaque fois que cette mortelle question de prix revient sur le tapis, on voit sortir de l'ombre un homme sans foi ni loi qui est l'entremetteur nécessaire. Concédons toutefois qu'à ce moment-là M. De Jardin avait une raison plausible pour ne pas parler du prix: le syndicat ne connaissait pas parfaitement la valeur des terrains.

Le 9 juin 1906, après un voyage en Canada, De Jardin écrit à de l'Épine une lettre datée du "Virginian" dans laquelle il dit: "Veuillez ne pas oublier votre conversation au sujet des 30 cents l'acre", qu'il aimerait beaucoup pouvoir payer dans les mêmes conditions que celles de l'option. De Jardin a déclaré dans son témoignage que les 30 cents étaient la caisse électorale.

Mais voici que l'exploration est faite et que nous connaissons la valeur des terrains. M. Turgeon a mis tant de zèle au service des Belges qu'il a donné M. Thompson pour explorer les terres et M. Obalski pour explorer les mines. Ils sont revenus. M. Thompson a produit son rapport qui constate que la terre est aussi riche que celle de l'Ouest canadien, qu'elle est d'argile profonde sur couche de glaise et qu'elle est couverte d'un bois assez beau - sapin, épinette, merisier blanc et peuplier - pour payer par le commerce du bois le coût du défrichement. Nous sommes à l'automne de 1906. Le ministre connaît la valeur de ce qu'il a à vendre et le syndicat, la valeur de ce qu'il désire acheter.

M. De Jardin revient au Canada. Le prétendu carottier doit craindre que l'acheteur et le vendeur se rencontrent. Au contraire, il écrit à M. De Jardin, à Winnipeg, une lettre datée du 31 octobre: "Venez à Québec, je viens d'avoir une entrevue avec Obalski; offrez 40 cents de l'acre et $50 000 comptant pour la caisse, et je crois que vous aurez ce que vous voudrez du gouvernement." C'était se livrer pieds et poings liés, De Jardin n'ayant qu'un mot à dire au ministre pour que la supercherie fût éventée.

De Winnipeg, De Jardin se rend à Québec le 13 novembre et il annonce à de l'Épine sa détermination de ne payer que 50 cents l'acre pour les terres et pour la caisse au lieu de $1. De l'Épine lui fait remarquer que cela ne suffira pas pour la caisse électorale. Et, comme de l'Épine lui demandait combien, dans ce cas, devrait revenir à la caisse électorale, c'est à vous de vous débrouiller avec cela, répondit-il. Quelques heures après, De Jardin se rend chez le ministre, M. Turgeon, au parlement. Et il nous dit, dans son témoignage devant la commission royale, que là il mentionne à M. Turgeon le prix de 50 cents l'acre et, après avoir consulté ses notes, il ajoute qu'il n'a aucun doute qu'il a mentionné ce chiffre au ministre et que le ministre y a paru favorable. Mais alors, si le ministre consentait à 50 cents, pourquoi M. De Jardin n'a-t-il pas demandé à M. Turgeon s'il y avait un pot-de-vin à payer? L'objection de la valeur inconnue des terres a disparu. Et M. Turgeon, lui, pourquoi n'a-t-il pas tenu au prix antérieur que le syndicat avait d'abord admis en principe, c'est-à-dire 70 cents l'acre? Pourquoi de part et d'autre glisse-t-on si rapidement sur la question du prix?

Des voix: Écoutez!

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Pourquoi les hommes d'État, graves, pratiques, prudents, ne sortent-ils de l'ombre que pour parler des conditions d'établissement et rentrent-ils dans l'ombre aussitôt qu'il s'agit du prix?

Des voix: Écoutez!

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le lendemain, à l'hôtel de la Place Viger, à Montréal, M. De Jardin rencontre notre très grave premier ministre. Et là encore il n'est nullement question du prix. Le premier ministre conseille à M. De Jardin d'être généreux sur la question des cimetières, mais du prix, pas un mot. Au sortir de l'entrevue, cependant, M. De Jardin écrit à de l'Épine qu'on est d'accord sur toutes les conditions et qu'il ne s'agit plus que de trouver la formule nécessaire pour garantir complètement les droits des deux parties. Et il est tellement sûr qu'on est d'accord qu'il insiste auprès de M. de l'Épine pour que celui-ci lui envoie le libellé convenu aussitôt que possible et qu'il s'occupe en même temps d'obtenir que le pot-de-vin ne soit exigible que par versements.

En résumé, donc, chaque fois que durant ces 18 mois de négociations la question du prix surgit, les ministres disparaissent et l'intermédiaire apparaît. Et l'on veut nous faire croire que de l'Épine travaillait pour son compte? Non. Il n'était qu'un complice.

À l'appui de cette thèse, il apporte la preuve suivante que personne n'a jamais fait valoir encore. Le baron de l'Épine avait écrit un jour qu'il avait appris que la terre de l'Abitibi valait $3 l'acre et, le lendemain ou quelques jours après, il corrigeait sa lettre en écrivant à son syndicat que le ministre daignerait s'en rapporter pour la valeur à d'anciennes statistiques. Or le rapport du ministre des Terres de 1906 exhumait précisément de vieux rapports d'explorations de cette région qui ne reconnaissaient pas une valeur très grande à ces terrains, tandis que le rapport de l'explorateur Thomas restait caché aux yeux du public. D'où il conclut que le gouvernement préparait déjà sa défense en vue de la conclusion des négociations à un prix ridicule, ce qui achève de démontrer combien le gouvernement désirait faire cette transaction.

Il conclut que le syndicat connaissait et a avoué l'existence de la caisse noire et que, quoiqu'il n'y en ait aucune trace, le prix de vente a dû être débattu entre les ministres et M. De Jardin, car il lui semble impossible que M. de l'Épine ait pu garder si bien son plan de carottage devant le vendeur et l'acheteur mis en présence. Mais alors, me dira-t-on, pourquoi les négociations ont-elles été rompues? Le gouvernement a réussi à faire croire pendant un certain temps qu'elles ont été rompues sur les conditions d'établissement, mais l'aveu de M. Turgeon qu'il a lui-même suggéré le changement de ces conditions réfute suffisamment cet argument puisque M. Turgeon consentit à ce que les colons ne fussent établis qu'après le parachèvement du Transcontinental. Une phrase de la lettre que M. De Jardin écrivait à M. de l'Épine, au sortir des bras du premier ministre, ne nous conduirait-elle pas à la véritable raison? Jusqu'à ces jours derniers, dit-il, dans cette affaire un point était resté longtemps obscur dans mon esprit. M. De Jardin est un homme prudent, qui ménage ses mots autant que ses millions, et il devait avoir ses raisons pour écrire: J'ai cru comprendre que le premier ministre était anxieux d'aboutir à cause de l'affaire PR.

L'affaire PR, qu'est-ce que signifie cette "biconologriphe" dans une lettre d'un homme prudent comme M. De Jardin? Il est convaincu qu'il s'agit de l'affaire Prévost. Après une étude approfondie de la question, j'en suis venu à cette conclusion que MM. Turgeon et Prévost, s'étant embarqués à New York le 29 mars à bord de la Savoie, le premier s'arrêta à Paris tandis que le second se rendait en Belgique où il avait vu de l'Épine. Celui-ci l'avait présenté à M. Goëthals, homme éminemment respectable, a dit M. De Jardin dans son témoignage, auquel le baron de l'Épine avait tout dit et qui avait fort bien pu renseigner le ministre de la Colonisation (M. Prévost) sur ce qui s'était passé. Et vous vous imaginez bien l'angoisse qui a dû s'emparer de l'âme du premier ministre. De là son désir d'aboutir.

Il rend hommage au député de Terrebonne pour la franchise avec laquelle il a mené le combat au moment où il était ministre et, donc, collègue de M. Turgeon. Certaines personnes semblent incapables de comprendre que des hommes peuvent se livrer un combat honnête, face à face, et rester tout de même amis. Les désaccords qu'ils ont connus autrefois étaient ceux d'amis qui, en toute honnêteté, ne partageaient pas la même opinion. Dans l'affaire de l'Abitibi, il croit que les négociations ont été rompues lorsque le député de Terrebonne a quitté le cabinet. Pour lui, les pourparlers ont cessé entre le syndicat et le gouvernement parce que M. Turgeon eut peur pendant six mois que le député de Terrebonne eût été mis au courant de la transaction durant son voyage en Belgique.

La vérité que l'on voit maintenant se dévoiler peu à peu en dépit de tous les obstacles mis sur son chemin aurait pu éclater trop bruyamment. Le baron voulut pratiquer sur le député de Terrebonne le même procédé qu'il voulait suivre à l'égard du syndicat lorsqu'il voulait lui-même, comme il le disait à M. Turgeon, lui mettre le couteau sur la gorge.

Il s'applique à démontrer que le député de Terrebonne avait été tenu en dehors des négociations, quoique ministre de la Colonisation, sur une question relevant de son ministère; que M. de l'Épine ensuite, ayant rompu avec le député de Terrebonne, voulut lancer M. Turgeon contre celui-ci. De l'Épine, a dit M. Turgeon, voulait me faire prendre parti contre M. Prévost, mais je refusais.

M. Blouin (Lévis): Si vous saviez tout cela, pourquoi, au lieu de prendre le temps de la Chambre - oui, de la Chambre - n'avez-vous pas été le dire, le dire à la commission, qui nous ... qui aurait ... qui aurait ...

(Rires dans les galeries.)

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Oui, oui. Je comprends ce que le député de Lévis veut dire, mais comme il comprend beaucoup mieux les difficultés de chemises, il me dispensera de lui répondre sur ce point. Je disais donc que le désir du premier ministre d'aboutir était la seule explication de la rupture inexplicable de ces négociations. Quoi qu'il en soit, la conspiration de pot-de-vin est certaine. Devait-il remplir la caisse électorale? Il est possible que non et que sur ce point le témoignage de M. Turgeon soit vrai. Nous avons d'ailleurs le témoignage du secrétaire provincial (l'honorable M. Roy), témoignage dont je ne mets nullement en doute la sincérité, car il est de ces natures qui peuvent traverser toutes les corruptions sans rien perdre de leur innocence.

Des députés de l'opposition rient et applaudissent.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): À qui devait aller le pot-de-vin de 30 cents l'acre que voulait le baron de l'Épine? Voilà ce qui reste en suspens. Encore une fois, il se dit convaincu que M. Turgeon n'a pas commis de parjure lorsqu'il a déclaré sous serment qu'il n'avait jamais été question de contributions à un fonds électoral lors de la transaction, mais toute la transaction lui semble avoir été conduite d'une manière si étrange qu'il demeure perplexe. Il persiste à croire que le pot-de-vin existait et qu'il devait aller dans la poche de quelqu'un. Celle du baron ou de M. Turgeon.

Le ministre des Terres désirait-il venir au secours de quelque ami dans le besoin? Je l'ignore. Et c'est précisément ce doute qui reste dans l'esprit de tout le monde qui empoisonnera la vie de l'ex-ministre des Terres. Il l'avait compris lui-même puisque, non content de se faire laver par les électeurs de Bellechasse, il demandait en outre une commission royale ayant le pouvoir d'envoyer en Belgique une commission rogatoire qui pourrait aider à faire la lumière complète sur cette question: pour qui le pot-de-vin?

Mais la conclusion s'impose: c'est qu'une affaire était organisée depuis des mois et des mois entre de l'Épine et M. Turgeon pour la constitution d'un pot-de-vin. L'argent n'était évidemment pas destiné à un fonds électoral. Mais à qui était-il destiné, cela demeure toujours un mystère. M. Turgeon a conduit toute cette affaire sans consulter ses collègues, mais il en donna quelques fois certains détails au premier ministre.

Il rend hommage au député de Terrebonne, contre qui il a pu reprocher violemment des erreurs d'administration, mais dont la probité n'a pas été attaquée. Lorsque le moment fut arrivé, on sacrifia le député de Terrebonne, d'abord parce que, si son administration offrait une cible trop facile, du moins on n'avait rien à lui reprocher au point de vue de la probité et que, surtout, il pouvait posséder des renseignements dangereux. C'est donc ma conclusion, et je crois que ce sera celle de tout homme impartial, que la rupture se fit parce que le député de Terrebonne connaissait trop de choses. Ensuite on jeta à la mer le moins coupable des ministres pour sauver la barque ministérielle en danger. Le député de Terrebonne, dit-il, a été sacrifié, jeté aux bêtes pour sauver de plus coupables. Le député de Terrebonne, le moins coupable de tous, cela ne suffisait pas: on jeta de l'Épine. La voilà donc, cette vérité que nous avons ramassée miette par miette, voilà donc la signification de cette phrase: J'ai cru comprendre que le premier ministre était anxieux d'aboutir à cause de l'affaire PR.

Il fait remarquer qu'il n'a pas invoqué une seule fois le témoignage du baron de l'Épine. Je n'ai jamais connu le baron de l'Épine. Je ne l'ai vu qu'une fois pendant 10 minutes, à Ottawa, il y a 10 ans. Lors de mon voyage en Belgique, je ne l'ai pas rencontré du tout et je ne l'ai pas voulu voir. Beaucoup de gens ont cru que j'étais allé là-bas pour faire oeuvre de police secrète. C'est faux. C'est à tort qu'on a cru qu'il avait traversé l'Atlantique pour amasser des preuves nouvelles. Il ne se sent ni l'instinct, ni les goûts, ni les aptitudes d'un policier. Le métier de mouchard ne lui convient pas. Avec tous les documents qu'il a cités, il a toutes les preuves nécessaires pour satisfaire n'importe quel esprit impartial. S'il est allé en Belgique, ce n'est pas du tout à propos de l'affaire de l'Abitibi, mais bien pour étudier des questions sociales.

Je suis allé tout bonnement en Belgique pour me reposer de la bataille électorale et étudier le pays, et l'honorable premier ministre me comprendra. La Belgique m'intéresse. C'est un pays où a été résolu d'admirable façon le problème de deux races formant une même nation; c'est encore un pays riche en oeuvres d'art provenant d'une époque ancienne et forte, riche surtout parce qu'il possède à la fois et l'idéal et la science pratique. Il a vu des musées, des usines, des objets d'art, mais de baron de l'Épine, point!

Je ne tenais pas à voir de l'Épine parce qu'il ne me disait rien qui vaille. D'ailleurs, le baron n'était qu'un complice et il n'avait pas besoin de son témoignage pour être convaincu. Vous avez vu, dans tout mon réquisitoire je n'ai pas cité son témoignage un seul instant. Tout ce qui fit échouer l'affaire de l'Abitibi fut l'affaire Prévost. Ce n'était pas à M. Turgeon que le baron de l'Épine en voulait, mais au député de Terrebonne. Néanmoins, je ne puis comprendre que cet homme qui haïssait le député de Terrebonne n'ait pu le frapper sans calomnier en même temps son bienfaiteur, M. Turgeon.

Il parle ensuite de l'examen de conscience qu'on a fait subir au baron au sujet de sa foi religieuse. Il fait allusion au fait que le premier ministre ait tenté de prouver que le baron de l'Épine était un athée et qu'il ne méritait donc pas d'être cru lorsqu'il prêtait serment. Ici, le gouvernement l'accuse; là-bas, le syndicat l'a exonéré de toute tentative de chantage. Il préfère croire le syndicat.

Le 6 novembre 1907, les membres du syndicat belge passèrent une résolution exonérant de l'Épine de tout soupçon dans l'affaire du pot-de-vin. Évidemment, cela ne veut pas dire que le baron était un grand chrétien, mais c'est, relativement à cette affaire particulière, un témoignage de gens désintéressés, ayant plutôt à se concilier les gouvernants, et je crois que ce témoignage vaut bien le certificat donné à M. Turgeon par des ministres que leur position rend solidaires de ses hauts faits. On créa une commission royale. M. Turgeon, dans sa lettre, demandait qu'une commission rogatoire fût envoyée en Belgique pour y entendre Goëthals et Jacob et surtout de l'Épine que M. Greenshields déclarait tellement essentiel qu'il en fit écarter les deux autres. Et on n'envoya pas la commission royale en Belgique.

Il reproche au procureur général de n'avoir pas envoyé une commission rogatoire en Belgique et de n'avoir fait interroger devant la commission que M. De Jardin et non le baron de l'Épine.

Je crois devoir, en justice, dire que M. Turgeon a été à la fois un mauvais administrateur et un mauvais serviteur de l'État, et je le lui ai dit; mais je crois qu'il n'a jamais été un lâche et je le lui ai encore dit. Il fit dans Bellechasse une rude mais loyale bataille. Il a compris, de son côté, que si, en acceptant son défi dans Bellechasse, j'avais commis, au point de vue politique étroit, j'avais commis une sottise, moi non plus, du moins, je n'étais pas un lâche. On doit lui reconnaître de belles facultés et je crois donc que M. Turgeon était sincère lorsqu'il demandait au gouvernement d'envoyer une commission rogatoire en Belgique qui fît toute la lumière sur cette affaire car, malgré que nous nous soyons battus rudement dans ce traquenard où il m'avait attiré, je reconnais avec plaisir que, si j'ai rencontré dans Bellechasse des traces d'une vanité qui l'a perdu, j'ai vu aussi la marque d'une nature généreuse par quelques côtés, et que c'était un bon batailleur. Pour lui, le tort revient à ses collègues qui l'ont laissé s'en aller au Conseil législatif. J'ai plus d'estime pour lui, qui a eu le courage de se battre, que pour d'autres qui ont jeté leurs collègues à la mer sans se demander ce qu'il adviendrait d'eux.

La démission de M. Turgeon ainsi que sa nomination au Conseil législatif sont survenues à un moment où il aurait plutôt dû rester à la tête de son département et attendre de rencontrer son adversaire face à face. Qui l'a donc conduit sur ce fauteuil du Conseil législatif où je le considère, à cause des circonstances, plus bas que je ne l'étais le soir de l'élection de Bellechasse alors que je recevais la bave du whisky qui avait été distribué dans la paroisse de Saint-Charles sous l'oeil du sénateur Choquette? Qui l'a conduit là? Le gouvernement qui a fait refuser la commission d'enquête et surtout celui qui, après avoir eu peur de l'affaire PR, ayant obtenu de M. De Jardin la déclaration que lui, le premier ministre, n'avait jamais eu connaissance du pot-de-vin, son égoïsme satisfait, laissa son collègue s'affaisser petit à petit et disparaître finalement, poursuivi par un soupçon que sa retraite justifiait.

Il attaque le premier ministre avec dureté pour la façon dont le député de Terrebonne (M. Prévost) et M. Turgeon ont été chassés du cabinet. Il accuse le premier ministre d'avoir envoyé l'honorable M. Turgeon au bûcher du sacrifice, l'immolant à son égoïsme. Il accuse le premier ministre d'avoir fait lâchement disparaître M. Turgeon sous de fallacieux prétextes de santé, afin qu'avec lui disparaissent quelques-uns des reproches les plus graves qu'on puisse faire à un gouvernement.

M. Turgeon souhaitait partir, mais on l'a convaincu de rester tant qu'il serait utile au premier ministre sans être dangereux. Mais son triomphe dans Bellechasse n'a pas été de très longue durée. L'un de ses amis, le sénateur Choquette, a été assez imprudent pour aller dire, le soir de son triomphe, que M. Turgeon serait premier ministre de la province de Québec dans les six mois qui suivraient. À partir de ce moment, il n'y eut plus aucune pression pour garder M. Turgeon au sein du gouvernement. Le premier ministre a finalement abandonné M. Turgeon à son destin et a permis sa nomination au Conseil législatif parce qu'il voyait en lui un candidat probable au poste de premier ministre. Celui qui a eu peur de l'affaire PR n'a pas dit à M. Turgeon: Restez seulement huit jours sur le parquet de la Chambre au lieu de vous retirer au Conseil législatif sous prétexte d'une santé délabrée qui refleurira le lendemain de la convocation des Chambres.

Il regrette pour M. Turgeon qu'il se soit réfugié au Conseil législatif. Il pense que des raisons obscures ont pu motiver le départ de M. Turgeon. Il déclare que c'est l'affaire de l'Abitibi qui a provoqué ces départs du cabinet. Il n'y a aucun doute que des pots-de-vin ou des profits quelconques étaient prévus dans cette affaire. Dans une déclaration, on parlait de $60 000. Dans son témoignage, M. De Jardin a clairement dit qu'il devait y avoir un boni ou une commission, mais qu'il ne savait pas pourquoi cet argent devait être versé ou à qui il devait aller. Il a également déclaré que tout ce que son syndicat et lui voulaient savoir, c'est si le prix qu'ils devaient payer pour les terres n'était pas trop élevé. Quant à savoir à qui devaient aller les pots-de-vin, ils ne s'y intéressaient nullement. Et maintenant la Chambre pourrait elle-même décider ce qui adviendrait de cette commission ou de ces pots-de-vin. Cet argent n'est sûrement pas allé dans les poches du baron de l'Épine, car il n'était qu'un complice. Mais dans quelles poches est-il allé, cela n'est pas clair.

De plus, aucune commission d'enquête n'a été envoyée en Belgique pour cette affaire. Deux juges avaient été nommés par ordre en conseil et on leur avait accordé le pouvoir d'expédier une commission d'enquête en Belgique. Les juges avaient admis qu'il y avait un important témoin étranger à questionner, mais qu'ils n'avaient pas le pouvoir d'envoyer une commission rogatoire en Belgique. Si le gouvernement avait été sincère, l'enquête aurait été complète et on aurait envoyé cette commission. La commission avait le pouvoir de nommer une commission rogatoire et, lorsque les commissaires ont dit ne pas pouvoir faire connaître toute la vérité, le gouvernement est resté muet. Il aurait dû, s'il le fallait, recourir à Londres par l'intermédiaire d'Ottawa, afin d'obtenir par voie diplomatique ce qui ne se pouvait obtenir par voie juridique. Il ne fit rien et l'homme qui avait vaillamment demandé une enquête complète pour tomber tout de bon, tant qu'à tomber, dut rester devant l'opinion publique sous le coup d'un soupçon que sa retraite ne faisait que justifier.

Il termine en protestant contre le refus injustifiable d'une commission rogatoire qui eût peut-être permis de faire la lumière complète sur cette affaire. Le baron de l'Épine, s'écrie-t-il, était le témoin important, et aucune raison ne justifie le gouvernement de ne l'avoir pas fait interroger.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency2): La plus belle vengeance que pouvait avoir l'honorable M. Turgeon est bien dans le silence de la gauche, après la harangue de sept heures qui vient d'être prononcée, et dans les applaudissements qui saluent celui qui se lève pour le défendre. Les seuls applaudissements qui aient retenti dans cette Chambre ont été pour celui qui se levait pour le défendre et le venger.

J'aurais manqué à mon devoir de soldat si je ne me levais pour venger l'honneur de mon vieux compagnon d'armes que l'on a traîné dans la boue et dont le souvenir est trop vif encore dans cette Chambre pour que j'aie à en faire l'éloge. S'il m'est permis de parler au nom de mes collègues, j'envoie d'ici un message au Conseil législatif, à notre ancien camarade qui a siégé ici si longtemps et avec tant de dignité dans ce fauteuil, à nos côtés, pour lui dire avec quelle indignation nous avons accueilli les calomnies qui ont été portées contre lui. Il peut, au nom de la Chambre, lui envoyer un message d'absolue confiance en son honorabilité.

J'ai suivi avec attention le discours que vient de prononcer le député de Saint-Hyacinthe; ce qu'il vient de nous dire, c'est le résumé de deux ans d'efforts et de calomnies. La piteuse fin de ce discours est là pour nous dire que l'affaire de l'Abitibi est une affaire finie, bien morte. Elle est déjà vieille de deux ans, cette affaire de l'Abitibi, après avoir été le cheval de bataille des nationalistes, sur tous les hustings, dans tous leurs journaux. On a voulu tuer le gouvernement avec cette affaire. Mais le coup a raté. Je n'entrerai pas dans les détails; il me suffira de passer rapidement en revue les faits les plus saillants. Le député de Saint-Hyacinthe a autour de lui des bandits pour lesquels la réputation du voisin n'est rien.

Il fait l'historique du baron de l'Épine, homme qui avait un extérieur très bien, ce qui lui a permis de pouvoir sortir avec notre société. Au commencement de ce siècle une épave a été jetée sur nos rives, dans la personne du baron de l'Épine qui fut bien accueilli chez nous où il trouva à gagner honorablement sa vie après avoir dissipé sa fortune à la roue. La protection qu'il reçut d'abord de l'honorable M. Dechêne lui fut continuée par l'honorable M. Turgeon quand il prit le portefeuille de l'Agriculture.

Un jour, le baron, profitant de ses voyages en Europe où on l'envoyait faire des achats de chevaux, réussit à induire un syndicat belge à tenter l'exploitation d'une grande étendue de territoire dans l'Abitibi. Le 21 décembre, le baron de l'Épine obtient au nom d'un syndicat belge une option de 200 000 acres de terre aux conditions suivantes: le syndicat devra payer 70 cents l'acre, établir 75 colons tous les ans, mettre en culture 1/10, soit 20 000 acres de terre, payer ses droits de coupe et ne pourra obtenir ses lettres patentes qu'après avoir rempli toutes les conditions susmentionnées. Telles furent les conditions posées. Quant à l'option en blanc, elle était accompagnée d'une lettre donnant droit de la transférer avec consentement du gouvernement. Les conditions que M. Turgeon voulait imposer au syndicat belge étaient tellement avantageuses pour la province de Québec qu'elles étaient les plus onéreuses jamais faites à une compagnie pour une concession de terres, à cause du nombre de colons par année et du défrichement imposé au syndicat.

Il cite des cas de concessions montrant que le prix exigé ne dépassait jamais 30 cents de l'acre, aux Belges. Les conditions exigées étaient beaucoup plus onéreuses que dans toutes les concessions faites par les conservateurs. Le prix demandé par l'honorable M. Turgeon était de 70 cents l'acre. On imposait donc de très sévères conditions, et c'est pourquoi le syndicat plus tard rompit le marché.

De retour en Belgique, le baron de l'Épine rencontre le syndicat et lui fait part du résultat de sa mission; seulement, au lieu de 70 cents l'acre, à cause d'une certaine caisse électorale qu'il y a au Canada et à laquelle on doit verser 30 cents par acre, le prix d'achat, dit le baron de l'Épine, est de $1. Le syndicat n'a pas jugé à propos de s'occuper de cette caisse noire. Après des pourparlers où la question du 30 cents l'acre est discutée, le syndicat décide d'acheter 200 000 acres au montant de 70 cents. De l'Épine revient au Canada, et plus tard M. De Jardin, le chef du syndicat, vient au Canada pour clore les négociations. Bien que l'achat ait été préalablement résolu en général, il n'y a pas d'entente possible sur les conditions d'établissement imposées au syndicat. Le syndicat était prêt à accepter le prix, mais ce qui fit tomber le marché, ce furent les conditions d'établissement des colons, 75 par année, qui effrayèrent le syndicat.

Au mois de décembre 1906, M. Turgeon écrit au baron de l'Épine que le gouvernement ne peut rien céder; et les négociations sont suspendues, les transactions tombent. M. De Jardin lui-même, dont le témoignage est si important pour l'opposition, a déclaré que les négociations avaient échoué parce que M. Turgeon n'avait pas consenti à adoucir les conditions rigoureuses imposées au début. C'est à cette date que le baron de l'Épine, qui n'a pu faire réussir l'entreprise, voyant qu'il ne pourrait rien amener à la caisse électorale qui n'était autre que son propre gousset et se trouvant en difficulté avec le député de Terrebonne (M. Prévost) qui lui refusait une place promise, décide de se rattraper par ailleurs, si possible en faisant chanter le député de Terrebonne, et il entreprend une guerre déloyale contre le député de Terrebonne. Il écrit à celui-ci la fameuse lettre que l'on sait et qui a fait l'objet d'une enquête dans cette Chambre.

Il revendique au ministre de la Colonisation une promesse qui n'est pas expliquée; il menace de parler et d'écrire, si elle lui est refusée, se dit en possession d'un dossier foudroyant dont il se départira si le ministre veut bien lui trouver de l'emploi. Le ministre de la Colonisation se refuse à faire ce jeu-là. Frustré dans cette tentative de chantage, le baron ne se compte pas pour battu, et c'est alors que commence la vraie conspiration nationaliste dans laquelle les trois principaux conspirateurs sont le baron de l'Épine, Arthur Lemont et J. F. Mathys. Voyant que le projet de l'Abitibi échoue et que sa tentative de chantage ne réussit guère mieux, le baron de l'Épine va jusque dans le cabinet du député de Terrebonne pour soudoyer contre celui-ci un employé de confiance, Lemont, le secrétaire du député de Terrebonne, ramassé dans le chemin par le député de Terrebonne. Et c'est alors que l'on assiste au spectacle dégoûtant de Lemont jouissant encore de toute la confiance de son protecteur et écrivant contre lui les délations les plus calomnieuses. M. Lemont publie un article libelleux dans le Nationaliste, qui donne lieu au procès Prévost-Asselin. La lettre de Charneuse fut publiée et on commença l'attaque contre M. Turgeon.

Je ne veux pas revenir trop longtemps sur le procès Prévost-Asselin. Au cours du procès, de l'Épine produit la fameuse lettre de Charneuse, adressée à M. Turgeon, où il est fait mention de la caisse électorale. Là, nous sommes en présence de deux témoignages contradictoires: celui de M. Turgeon et celui du baron. La dénégation de M. Turgeon est complète, absolue. M. Turgeon a juré ne jamais l'avoir reçue. Le baron de l'Épine a juré l'avoir écrite et adressée à M. Turgeon. L'affirmation du baron n'est pas claire; il est hésitant; il s'embrouille sur les dates. Il laisse à ses collègues le soin de juger entre les deux témoignages. Comme question de fait une lettre écrite de Belgique ne prouve pas qu'elle a été reçue au Canada. Le député de Saint-Hyacinthe préfère aujourd'hui la parole du baron de l'Épine, qu'il appelle un excellent homme, à celle de M. Turgeon...

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Je demande pardon à l'honorable ministre, mais je n'ai jamais dit que le baron de l'Épine était un excellent homme. J'ai même eu soin de ne pas invoquer son témoignage une seule fois. J'ai simplement dit et je répète que le baron de l'Épine est un farceur.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Pour ses amis, les nationalistes, le baron de l'Épine est grand; quant à l'épithète de farceur employée par le député de Saint-Hyacinthe, ce dernier trouve le baron de l'Épine si peu farceur qu'il était prêt à nous donner lecture, hier soir, d'une lettre de la baronne de la Charneuse. Et c'est sur les déclarations d'un farceur que vous basez vos déclarations et vos insinuations contre M. Turgeon. Entre les deux, de M. Turgeon ou du baron de l'Épine, que le député de Saint-Hyacinthe qualifie lui-même de farceur, lequel faut-il croire? L'hésitation n'est guère possible. Voici les opinions que nous avons à opposer à celles de votre farceur: ces opinions sont celles d'hommes qui avaient étudié la question qui nous occupe aujourd'hui. Entre ces témoignages, les juges Bossé, Cimon et Lemieux, en des causes séparées, ont accepté celui de M. Turgeon, déclarant celui-ci indemne de toute accusation.

Il cite les paroles de l'honorable juge Bossé, demandant aux jurés de ne pas hésiter entre le serment de l'honorable M. Turgeon et celui du baron de l'Épine. Le juge Bossé lui-même, qui n'a jamais été tendre pour le député de Terrebonne et M. Turgeon, a dit au jury à la fin du procès Prévost-Asselin: Il n'y a rien de prouvé contre M. Turgeon, et il sort de cela, en autant que sa réputation personnelle est concernée, parfaitement intact. Le député de Saint-Hyacinthe nous a donné son appréciation; il préfère la version du baron à celle de M. Turgeon.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Je ne veux pas interrompre l'honorable ministre, mais je suis forcé de lui déclarer que je n'ai jamais dit ça.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Alors, vous préférez la version de M. Turgeon? La préférez-vous, oui ou non?

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Non. Je préfère ni l'une ni l'autre. J'ai établi ma preuve par des documents étrangers au témoignage de M. Turgeon et du baron de l'Épine.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Dites-le donc de suite, vous en avez honte, de votre baron de l'Épine.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Je ne l'ai jamais fréquenté, mais il était votre ami.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'opinion du juge Bossé doit valoir quelque chose en cette affaire. Le juge Bossé a déclaré que M. Turgeon sortait intact des accusations portées contre lui. Il préfère la version du juge Bossé, un homme au-dessus des petites et des grandes haines.

On dit que la commission royale ne vaut rien: un tribunal régulier doit valoir quelque chose. Après le procès Prévost-Asselin, le Nationaliste a voulu récuser la sentence du juge Bossé et a répété l'accusation contre M. Turgeon. Celui-ci a poursuivi le Nationaliste qui a été condamné au plein montant de l'action par le juge Cimon. Le juge Cimon, après avoir entendu tout le plaidoyer, a déclaré qu'il n'avait pas trouvé l'ombre d'une preuve pour excuser une accusation aussi abominable, aussi calomnieuse que celle portée contre M. Turgeon. Le juge Cimon a dit regretter que la loi ne lui permette pas d'expédier l'auteur de cet article en prison, car il n'y avait vraiment aucun fondement pour ce libelle.

Il applique ses épithètes d'abominables aux insinuations du député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa). Après ce jugement, le Nationaliste voulut aller en appel, mais le moment venu de comparaître les témoins se sauvèrent et peu après la poursuite fut abandonnée, et le Nationaliste paya le plein montant. M. Turgeon fit condamner deux fois au plein montant de sa réclamation, devant les tribunaux civils, le journal Le Nationaliste qui avait proféré les mêmes calomnies rééditées ce soir par le député de Saint-Hyacinthe, sous le couvert de son manteau de député. Exonoré par les juges, M. Turgeon voulut encore en appeler à ses électeurs. Il défia l'actuel député de Saint-Hyacinthe en champ clos.

Contre l'opinion du baron de l'Épine, sur laquelle semble être formée l'opinion des nationalistes, j'oppose donc celle de nos juges, en qui j'ai confiance. Les opinions émises par les juges, des hommes impartiaux, doivent être plus respectées que celles émises par le député de Saint-Hyacinthe et ses amis qui sont influencés par l'esprit de parti. Le député de Saint-Hyacinthe, n'ayant pas confiance en nos magistrats, a voulu en appeler au juge suprême, au peuple. On connaît le résultat de l'élection du 4 novembre 1907 et de la veste taillée au champion du baron de l'Épine. M. Bourassa put sauver à grand-peine son dépôt dans Bellechasse. Entre le témoignage des trois honorables juges et celui du député de Saint-Hyacinthe, la Chambre prononcera, le public prononcera et déjà a prononcé par les élections de Bellechasse. Les électeurs de Bellechasse se sont prononcés, donnant justice à M. Turgeon. Et la Chambre se prononce aussi en ce sens.

Il raille le député de Saint-Hyacinthe, l'homme aux immuables principes. Il relate le fait que, dans son discours, le député de Saint-Hyacinthe a relevé des paroles prononcées par le premier ministre à Saint-Eustache à l'effet que le baron de l'Épine avait déclaré en maintes circonstances qu'il était un athée. Le député de Saint-Hyacinthe s'est ri du premier ministre, lui, le détenteur de l'orthodoxie.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Alors, le premier ministre avait tort à Saint-Jacques.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) apporte un autre témoignage à l'honorabilité de M. Turgeon, celui de Sa Majesté le roi Édouard VII nommant, l'été dernier, M. Turgeon commandeur de l'ordre Victoria. Le souverain lui-même a parlé, ajoute-t-il, en accrochant une décoration l'été dernier sur la poitrine du ministre des Terres (l'honorable M. Turgeon).

J'en arrive à Mathys, le troisième conspirateur de la Trinité, un ami dont s'honore le député de Saint-Hyacinthe, avec qui il a voyagé en Europe et qui, pendant l'élection de Bellechasse, lui envoyait des mandats pour payer la presse de Buckland. Il est accusé d'avoir adressé un télégramme à M. De Jardin, avec la signature forgée du premier ministre, lui demandant de contredire le témoignage que ce dernier avait déjà donné. Au cours de cette campagne de Bellechasse, un câblogramme de M. De Jardin, en réponse à un câblogramme expédié à celui-ci et signé Lomer Gouin, a été reçu au no 477a, rue Saint-Denis, Montréal, chez une dame Tremblay. C'est justement au no 477a, rue Saint-Denis, que pensionnait M. Olivar Asselin, quand il disparut pendant quelques jours parce que la police était à ses trousses. M. Olivar Asselin pensionnait intentionnellement chez Mme Tremblay au moment où le télégramme de Belgique devait arriver. Malheureusement pour le faussaire, M. Asselin était sorti et ce télégramme fut reçu au no 477a par une brave femme qui le renvoya directement à sa véritable destination, et c'est ainsi que le premier ministre fut très surpris de recevoir ici à Québec ce message en réponse à un message qu'il n'avait jamais envoyé, à une adresse qui n'avait jamais été la sienne. Il fit tenir une enquête.

Je voudrais que le député de Saint-Hyacinthe, qui scrute les reins et les coeurs, qui est don que le ciel a fait à la terre, vous prête son concours et vous aide à jeter de la lumière sur ce qui a provoqué ce télégramme. Remarquons que le no 477a de la rue Saint-Denis, où pensionnait Asselin quand la police le cherchait, était occupé par Mme Tremblay; celle-ci est la mère d'une demoiselle Alma Tremblay qui était la sténographe de M. Olivar Asselin. La jeune fille, conseillée par M. Asselin, prévint un jour sa mère qu'il viendrait un câblogramme à l'adresse du premier ministre; plus tard, prise de frayeur, la jeune fille recommande à sa mère de ne pas recevoir le câblogramme.

Il cite quelques extraits des témoignages de Mlle et Mme Tremblay au cours du procès Prévost-Asselin, concernant la réception du télégramme en question. Quand elle est examinée, sous serment, Mlle Tremblay déclare que c'est M. Mathys qui, par téléphone, l'a prévenue que ce câblogramme viendra au no 477a, à l'adresse du premier ministre. Sur le faux câblogramme et sur M. Mathys, il demande l'avis du député de Saint-Hyacinthe. Il rappelle que le député de Saint-Hyacinthe et M. Mathys sont deux amis très intimes, qu'ils ont accompli ensemble un voyage en Europe; et il s'étonne que le député de Saint-Hyacinthe ne défende pas son ami. Il lit un fragment de la déposition de M. Mathys devant la commission. D'abord, ce monsieur déclara qu'il craignait d'incriminer un ami, puis il refuse de s'expliquer sur ce câblogramme, dit-il, pour ne pas s'exposer lui-même à des poursuites criminelles.

Voilà les méthodes nationalistes, de gens qui marchent sur les eaux. Le témoignage de M. Mathys fait soupçonner une très mauvaise affaire pour les adversaires de M. Turgeon. Voilà les trois hommes, de l'Épine, Lemont et Mathys, qui ont calomnié M. Turgeon et se firent les protecteurs de la moralité. Un homme a monté cette affaire contre M. Turgeon. Le chef de cette conspiration, nous ne le connaissons pas, mais nous voudrions le connaître.

À propos de cette lettre, il dit qu'elle n'est pas aussi exacte que le député de Saint-Hyacinthe le dit. Le baron dont on invoque le témoignage, au sujet de la lettre de Charneuse, a lui-même donné un témoignage très vacillant et, quand sommé de dire comment la copie de la lettre de Charneuse produite par lui était datée avec une encre différente, il n'a pu l'expliquer. Il n'a pu certifier également que c'était bien une copie exacte de la lettre qu'il prétendait avoir adressée à l'honorable M. Turgeon. Il a admis qu'on pouvait y avoir fait des additions. Il déclare que l'on doit conclure que cette lettre n'a jamais été envoyée.

Quant à la caisse électorale, M. De Jardin a déclaré que ça ne pouvait être que le propre gousset du baron, puisqu'il lui a toujours répété que le 30 cents devait lui être remis à lui personnellement, le baron de l'Épine, sans que des tiers en sussent quelque chose. De Jardin a ajouté que jamais, avec aucun membre du gouvernement, il n'avait été question de la caisse noire. De toute l'affaire, il reste un fait acquis, c'est que le baron préparait une caisse pour lui-même. Il y a dans toute l'affaire trois personnes plus que suspectes et des choses, comme le câblogramme, inexplicables. C'est une coalition de la calomnie et du mensonge.

Il prétend que toutes ces révélations sur l'affaire de l'Abitibi sont dues à une conspiration entre trois hommes déçus que la transaction sur les terres n'ait pas réussi. Vous cherchez la fraude? Elle est facile à trouver. Allez voir dans les lettres de chantage du baron; et, si vous voulez aller plus au fond, expliquez-vous l'affaire Mathys.

Il défie qui que ce soit d'expliquer comment il se fait que Mathys est entré dans cette affaire. Comment on a dû recourir à la fraude et aux faux ... Il y a quelqu'un au fond de cette histoire, quelqu'un qui devra être puni comme il le mérite, s'il est jamais pincé.

On l'a informé que le député de Saint-Hyacinthe est souffrant.

Il propose, appuyé par le représentant d'Hochelaga (l'honorable M. Décarie), que le débat soit de nouveau ajourné.

Adopté.

Nomination de trois juges pour le district judiciaire de Montréal

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) demande au député de Portneuf (l'honorable M. Gouin) s'il sait de source officielle que la nomination de trois juges de plus pour le district judiciaire de Montréal avait été refusée par le gouvernement d'Ottawa.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) en a entendu parler, dit-il, mais il ne le tient pas de source officielle. Il espère qu'une solution n'en sera pas moins trouvée.

La séance est levée à 1 h 15 du matin3.

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NOTES

 

1. Seule la Presse nous rapporte ces propos qui s'intègrent mal au discours de M. Bourassa.

2. Des applaudissements prolongés éclatent lorsque M. Taschereau se lève pour répondre à M. Bourassa.

3. Immédiatement après l'ajournement de la séance, M. Olivar Asselin, directeur du Nationaliste et attaché à la rédaction de la Patrie, se rendit sur le parquet de la Chambre et interpella vivement M. Taschereau. Il l'accusa d'avoir menti lorsque ce dernier prétendit dans son discours sur l'affaire de l'Abitibi que lui (M. Asselin) était chez Mme Tremblay lorsque le faux câblogramme adressé à M. Gouin est arrivé. S'avançant alors vers le ministre, M. Asselin le frappa à la bouche, la main ouverte. Le coup fit venir du sang aux lèvres de M. Taschereau. Le ministre appela alors un constable et lui ordonna d'arrêter M. Asselin. Le constable conduisit son prisonnier au sous-sol, où sont situés les quartiers de la police provinciale, et le logea dans un cachot. On demanda au procureur général que pour aucune considération on ne laissât sortir M. Asselin sous caution.