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Introduction historique-en

24th Legislature, 1st Session
(November 12, 1952 au February 26, 1953)

Par Jules Racine St-Jacques

Le monde en 1952-1953 : bipolarités politiques et sociales

La guerre froide, principe organisateur de l’ensemble des relations internationales, polarise les idéologies adverses depuis 1947. Aux États-Unis, l’inquisition anti-communiste bat son plein sous l’impulsion du sénateur Joseph McCarthy. Le président récemment élu, Dwight Eisenhower, désire poursuivre la lutte aux indésirables, lui qui refuse la clémence au couple Ethel et Julius Rosenberg, le 11 février 1953. Le 19 juin suivant, malgré l’absence de preuve concluante à leur endroit et les suppliques d’artistes et d’intellectuels de la communauté internationale, ceux-ci deviendront les seuls citoyens américains mis à mort pour espionnage durant la guerre froide.

Les tensions internationales favorisent le rapprochement du Canada et des États-Unis. Mise à mal par la Deuxième Guerre mondiale, la Grande-Bretagne, auparavant pôle économique majeur des relations commerciales canadiennes, doit désormais compter sur l’aide financière du Canada pour l’achat de ressources, principalement du blé. Les rôles pluriséculaires de la mère patrie et de l’enfant colonial semblent ainsi bel et bien choses du passé. Au Canada, les compagnies américaines, plus prospères que jamais, comblent le vide économique creusé par les difficultés de la Grande-Bretagne. L’effet conjugué de la proximité géographique et de la conjoncture politique mondiale achève donc de faire passer l’économie canadienne dans l’orbite américaine1.

En dix ans, de 1945 à 1955, comme le rapporte l’historien Desmond Morton, « l’apport de capitaux américains au Canada passe de 4,9 milliards à 10,3 milliards de dollars tandis que les investissements directs sont multipliés par trois2 ». Ce rapprochement continental trouve une résonance particulière dans une période de croissance économique telle que celle que vit le Québec à ce moment, puisque les compagnies américaines sont souvent les seules qui possèdent l’expertise et la technologie nécessaires à l’expansion en cours dans les secteurs primaire et secondaire.

La croissance économique globale d’après-guerre favorise l’essor de la syndicalisation au Québec. De 1945 à 1950, 203 nouveaux syndicats se sont formés. Au total, ce sont 239 000 travailleurs dont les droits sont protégés par les « unions »3. Ce mouvement est toutefois en butte aux efforts déployés par les entreprises et par l’État québécois pour inhiber sa progression, jugée néfaste par Duplessis pour le maintien de capitaux et d’investissements étrangers en sol canadien-français. Les nombreuses crises ouvrières qui ponctuent cette période éclairent certains intellectuels et activistes – nommément Francis Reginald (Frank) Scott, Pierre Elliott Trudeau, Jean Marchand, Gérard Pelletier, Michel Chartrand, etc. – sur le fossé qui se creuse entre les intérêts des ouvriers locaux et ceux d’un patronat lointain et étranger aux réalités d’une province en marche vers la modernité.

Trois grandes grèves éclatent au printemps 1952 : la première, le 17 mars 1952, à l’Associated Textile de Louiseville; la seconde, le 2 mai, chez Dupuis Frères à Montréal, qui engage majoritairement des femmes; et la troisième, le 17 mai, à la Sorel Clothing. De ces trois épisodes de lutte ouvrière, seule la grève de Louiseville s’inscrira à l’ordre du jour de l’Assemblée législative.

Sur le plan symbolique, un changement de garde important à la tête de l’État canadien survient au mois de février 1952. La mort du roi George VI, le 6 février, permet à sa fille Elizabeth d’accéder au trône et au sommet de l’Empire britannique. Le 28 du même mois, Vincent Massey succède au vicomte Alexander de Tunis et devient le premier gouverneur général d’origine canadienne de l’histoire de la Confédération.

Le nouveau gouverneur général s’est fait connaître du public en coprésidant, de 1949 à 1951, la Commission d’enquête sur l’avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Le rapport qu’il a remis le 1er juin 1951 avalise la position centralisatrice adoptée par le gouvernement fédéral depuis la grande crise.

Le 6 septembre 1952, ce mouvement centralisateur trouve une nouvelle manifestation lorsque Radio-Canada inaugure à Montréal le premier poste de télévision au pays : CBTF. Bien que le nombre de récepteurs télé soit encore assez restreint, il ne tardera pas à exploser, de telle sorte qu’à la fin de la décennie 88,8 % des foyers québécois posséderont un téléviseur4. Dès 1952, les politiciens réalisent le potentiel médiatique de cet appareil et discutent en Chambre de la censure à y appliquer.

Le petit écran apparaît dans le paysage médiatique québécois au moment même où son grand frère, le cinéma, connaît un succès grandissant. L’année 1952 voit le nombre d’entrées dans les salles culminer au Québec alors que 59 millions de billets sont achetés pour « les vues ». Bien que la plupart des films qui font vibrer les Canadiens français soient encore tournés dans les studios d’Hollywood, la production québécoise n’est pas en reste. Tit-Coq, la pièce de Gratien Gélinas adaptée au grand écran, attire à elle seule 300 000 spectateurs en deux mois. Autre succès, Aurore, l’enfant martyre, inspiré d’une histoire vécue, bouleversera le cœur de plus de 750 000 spectateurs. Cette même année, la ville de Québec attire l’un des réalisateurs les plus en vue du cinéma américain, le père du film de suspense : Alfred Hitchcock, qui y tourne I confess. En août, les foules de curieux se massent dans le Vieux-Québec dans l’espoir d’apercevoir une des stars du film : Montgomery Clift, Karl Malden, Anne Baxter ou encore des vedettes locales comme Gilles Pelletier ou Ovila Légaré qui y tiennent des seconds rôles.

À travers les nombreux changements qu’engendrent les développements économiques et technologiques dans la société québécoise, l’Église parvient à maintenir une position prédominante dans la province. Malgré les inquiétudes de l’épiscopat face à la désaffection des églises dans les centres urbains, les valeurs religieuses et le respect de l’Église continuent d’être partagés par la majorité. À l’instar de la députation en Chambre, l’ensemble des Canadiens français applaudit « avec une grande joie » la nomination de Paul-Émile Léger à la dignité de cardinal, le 2 décembre. Lorsque l’archevêque de Montréal reçoit sa pourpre, le 12 janvier 1953, des félicitations sont placardées dans les journaux depuis plus d’un mois par des entreprises comme Dupuis Frères ou Les marchés Dionne5.

Sur le plan politique, l’été 1952 est marqué par les élections générales tenues le 16 juillet : l’Union nationale remporte une nouvelle majorité sur les libéraux. La 1re session de la 24e Législature s’ouvre donc sous le signe de l’inégalité. Avec 68 députés6 élus contre 237 pour le Parti libéral et un indépendant, la majorité des unionistes se trouve amoindrie par rapport à la précédente élection. Néanmoins, elle place les libéraux dans une situation d’impuissance et de frustration qu’ils exprimeront à plusieurs reprises lors de la session, rappelant fréquemment à l’arrogance de Duplessis ses 15 sièges perdus et la réduction de sa majorité aux voix, dont 46 % sont allées aux libéraux, le 16 juillet 1952.

 

Les parlementaires

Devant des tribunes « remplies à déborder8 », la première séance de la session s’ouvre le 12 novembre par un hommage aux disparus. Cette année, comme le relève Pierre Laporte, la chronique nécrologique est « particulièrement abondante9 ».

En Chambre, les parlementaires rendent hommage aux figures célèbres emportées par la mort : Louis-Alexandre Taschereau, ancien premier ministre libéral, Henri Bourassa, député nationaliste et fondateur du journal Le Devoir10, et Mathias Tellier, ancien chef de l’opposition conservatrice.

Des éloges sont ensuite adressés aux députés qui étaient de la législature précédente, John G. Rennie, André Pelletier et à ceux qui auraient dû siéger parmi eux ce jour-là. Les libéraux déplorent ainsi la perte d’Henri Groulx, député d’Outremont, mort d’un arrêt cardiaque le soir même de son élection, tandis que les unionistes regrettent l’accident de voiture qui a emporté la vie du député de la Matapédia, Louis-Philippe Cossette, le 23 septembre précédent. Le premier jour de la session, des gerbes de fleurs sont déposées sur les bureaux des deux députés. Des 92 banquettes du Salon vert, seules 90 seront occupées au cours de l’année.

Le Conseil législatif aussi entame la session amputé de deux membres auxquels les députés rendent hommage le jour de l’ouverture. Maurice Duplessis dit ainsi de Joseph-Charles-Ernest Ouellet, représentant de La Vallière, qu’il fut l’« un des plus grands tribuns libéraux qui sont jamais passés dans notre province », alors que George Marler rappelle le dévouement de Charles Delagrave, représentant de La Durantaye. Les défunts sont remplacés séance tenante par Joseph Boulanger, organisateur en chef de l'Union nationale dans le comté de Montmagny, et Patrice Tardif, ministre d’État défait aux récentes élections, ce qui réduit d’autant la majorité du Parti libéral au Salon rouge, portant à 9 le nombre de conseillers unionistes, contre 15 libéraux.

Pour une troisième législature consécutive, l’honorable Alexandre Taché (Hull) est élu président de l’Assemblée législative. Il s’agit d’un record pour celui dont l’impartialité était souvent mise en doute par l’opposition en raison de sa propension à donner raison aux députés unionistes. Robert Rumilly, grand apologiste du parti de Duplessis, se montre plus indulgent au sujet de Taché, se bornant à admettre qu’« il ne possède pas l’art de faire accepter ses décisions avec un sourire, comme Paul Sauvé dans le même poste y réussissait11 ». Maurice Tellier, le fils de feu Mathias, assumera tout au long de la session de nombreuses suppléances à titre de vice-président de la Chambre.

À la suite des élections, le 5 août, Duplessis a augmenté son cabinet de trois nouveaux ministres. Le 5 août, Jacques Miquelon, député d’Abitibi-Est, Wilfrid Labbé, député d’Arthabaska, et Arthur Leclerc, député de Charlevoix, sont assermentés ministres d’État. Outre ces additions, aucun changement n’est à noter. Les principaux protagonistes qui parviennent à sortir de l’ombre imposante de Duplessis sont toujours le ministre du Bien-être social et de la Jeunesse, Paul Sauvé, qui intervient souvent en avant-garde de son chef lors des débats, Laurent Barré, ministre de l’Agriculture, Antonio Barrette, ministre du Travail, et Onésime Gagnon, ministre des Finances.

Pour donner la réplique à ces acteurs de premier plan, l’équipe libérale s’est grossie de 15 nouveaux députés, aux dernières élections, dont plusieurs s’illustreront par leur verve fougueuse. Au nombre de ces « jeunes députés », comme Duplessis se plaît à les appeler, soulignons la présence remarquée de René Hamel, de Gérard Cournoyer, d’Émilien Lafrance – qui occuperont plusieurs ministères sous le gouvernement Lesage – et d’Yvon Dupuis.

 

Duplessis et l’Union nationale : le cavalier bien en selle

Au pouvoir pour un troisième mandat consécutif, l’Union nationale affirme en cette première session une confiance qui pousse à l’arrogance12. Confortablement installé au pouvoir, Duplessis dirige son parti et la Chambre avec une poigne de fer et un sourire narquois. Les débats parlementaires se déroulent selon son gré. L’affirmation du journaliste du Devoir, Pierre Laporte, à l’effet que Duplessis « dominait complètement ses ministres13 » se vérifie abondamment lors de cette session et elle peut s’étendre à l’ensemble de la députation. Lorsqu’il ne prend pas lui-même l’initiative de la réplique aux attaques de l’opposition, c’est qu’il se réserve le dernier mot. Duplessis fait alors fi des remontrances adressées par les libéraux et ferme le débat avec superbe. Comme le souligne Laporte, les discours que prononcent ses ministres paraissent souvent inspirés, voire directement soufflés par le chef lui-même : « Monsieur Duplessis soufflait des mots à tous ses orateurs. Quand celui qui parlait était placé trop loin, il soufflait si fort qu’on l’entendait du haut de la tribune des journalistes. Parfois, les députés se relayaient le mot jusqu’à ce qu’il parvînt à l’oreille du destinataire14! »

Autoritaire à l’égard de ses ministres, Duplessis l’est tout autant à l’endroit du parti adverse. De la part des députés oppositionnels, le premier ministre ne tolère aucune dissidence. Bénéficiant de la bienveillance de l’Orateur, M. Taché, c’est Duplessis, et non le président de la Chambre, qui dirige les débats. Son attitude cavalière face à certains députés révèle un chef politique bien en selle sur « son » gouvernement. À de nombreuses reprises, il traite les allégations de l’opposition de « ridicules », de « niaiseries », etc. À un point tel qu’Yvon Dupuis, député libéral de Montréal-Sainte-Marie, s’en plaint le 11 février : « Ce n’est pas sérieux de s’attaquer à la vie privée des gens comme le ministre l’a fait. Tout ce qu’on entend, quand nous parlons, ce sont les remarques : "Enfantin", "pas sérieux", "ridicule", etc. »

Maîtrisant les règlements de l’Assemblée comme nul autre, le chef impose la loi et l’ordre (qui sont souvent sa loi et son ordre) en soulevant des points d’ordre au moindre écart de conduite de la part de l’opposition15. Un bel exemple de cette tactique parlementaire destinée à faire perdre sa contenance à l’adversaire survient le 14 janvier durant le houleux débat sur la grève de Louiseville. Duplessis y opère un habile retournement de situation à la faveur de l’Union nationale lorsqu’il renverse un point d’ordre contre le chef de l’opposition, George Marler, qui venait de le soulever contre Germain Caron, député unioniste.

M. Caron (Maskinongé): Puisqu’on me le demande, le grand responsable et l’organisateur de la journée du 10 mars c’est nul autre que l’ex-président de la Fédération du textile, le directeur de la grève, un député de l’opposition, l’actuel député de Shefford, M. Ledoux. C’était criminel pour le député de Shefford d’avoir, par ses paroles, incité les ouvriers de Louiseville à se jeter dans un conflit ouvrier-patronal, d’être le grand responsable de la grève. Sa responsabilité est terrible, M. l’Orateur, et je ne voudrais pas avoir à porter la responsabilité de cet acte que je considère comme criminel. Par sa décision inopportune, par son geste que je vous laisse le soin de qualifier, il a semé la misère, la division, la haine et la rancœur parmi la brave population ouvrière de Louiseville.

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): Je soulève un point d’ordre. Je crois que, parmi les paroles prononcées par le député de Maskinongé, le mot criminel dit à l’égard d’un membre de cette Chambre est absolument hors d’ordre. Cette expression n’est pas parlementaire.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le député de Maskinongé a parlé du président de la Fédération et du député de Shefford. On ne sait pas si c’est le même homme.

M. l’Orateur: Je crois que, si la personne dont parlait le député est la même, l’expression n’est certainement pas parlementaire.

[…]

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Si c’était la même personne, que le député de Shefford se lève et dise si c’est lui. Alors, on verra.

(Rires)

M. l’Orateur: Est-ce que le chef de l’opposition admet que c’est la même personne?

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): Certainement.

M. Caron (Maskinongé) retire l’expression

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je soulève un point d’ordre. Le chef de l’opposition n’a pas le droit d’insulter un de ses propres partisans en disant qu’il pose des actes criminels.

 

Par des stratagèmes du même acabit, Duplessis tente constamment de détourner les critiques de ses vis-à-vis. Les projets de loi présentés par le gouvernement, s’ils sont souvent âprement discutés, parfois durant plusieurs séances d’affilée, sont rarement amendés. C’est ainsi que le conservatisme socio-économique et l’autonomisme politique, qui constituent les deux lignes de force idéologiques de l’Union nationale, trouvent dans les lois votées en Chambre une voie d’expression pratiquement sans entrave16.

Sur le plan social, le conservatisme de Duplessis, dont les idées orientent fortement son parti, se manifeste par une ferme intransigeance quant à l’irrespect de l’autorité, qu’elle soit politique, cléricale ou patronale. Comme il le clame lui-même devant l’Assemblée : « Il est certains principes qui, à mon sens, sont indéniables. L’un de ces principes, c’est que, dans un pays où nous sommes appelés à de si grandes destinées, il est de notre devoir de faire respecter l’ordre et la loi. » (14 janvier)

Sa position au sujet du syndicalisme est teintée d’une méfiance certaine à l’égard du communisme. Cette facette de son idéologie reflète en tous points la « peur rouge » (Red scare) qui hante alors la société américaine17. Duplessis fait grand usage de la paranoïa anticommuniste ambiante dans les débats. Elle lui sert à étouffer les critiques de l’opposition, comme en témoigne la discussion tenue le 21 novembre au sujet de la censure à appliquer aux émissions télévisées de Radio-Canada. À Gérard Cournoyer, député libéral de Richelieu, qui remet en question la nécessité de surimposer la censure provinciale à celle qu’applique déjà Radio-Canada sur ses émissions, Duplessis rétorque en accusant le diffuseur canadien d’être un « organisme propagandiste imprégné et infesté de communistes notoires ».

Économiquement, le conservatisme de Duplessis suppose un engagement minimal de l’État dans les affaires économiques. Comme le premier ministre le déclare lui-même en réponse à l’adresse au discours du trône, l’État doit s’abstenir d’intervenir dans toutes les sphères où son intervention n’est pas requise, afin de laisser libre cours à la concurrence qui est seule garante d’une croissance économique prolongée : « Le gouvernement ne peut remplacer la charité et la philanthropie. Autrement, ce serait la fin de la démocratie et nous serions à la veille du désastre. » (18 novembre) Là encore, la position de Duplessis est adossée au repoussoir communiste, considéré comme l’écueil fatal de l’État-providence.

Un autre fer de lance idéologique de Duplessis, l’autonomisme, tient une importance primordiale au cours de la session, puisque c’est le 13 janvier 1953 que le premier ministre présente le bill 37 instituant une commission d’enquête sur les problèmes constitutionnels. Déjà le 13 novembre, en réponse à l’adresse au discours du trône, Duplessis avait donné à voir la rigidité de sa position sur cette question : « Mais qu’Ottawa ne s’imagine pas que nous sommes prêts à l’abdication. On a dit que la province est seule maintenant, mais, quand on a avec soi la justice, la vérité, la décence et le patriotisme, on n’est jamais seul. Nous voulons obtenir les sources de revenus auxquelles nous avons droit. Nous ne transigerons pas à ce sujet. » Sur cet aspect idéologique, assurément, le programme de l’Union nationale avait mieux su saisir le sentiment populaire que les libéraux.

 

Les libéraux et leurs chefs : en attendant Lapalme…

L’histoire du Parti libéral des années 1952-1953 en est une d’absence. L’absence, déplorée par les libéraux, raillée par les unionistes, du chef du parti, Georges-Émile Lapalme. Passé d’Ottawa à Québec en 1950, il a subi l’humiliation de la défaite aux mains d’Antonio Barrette, ministre du Travail, aux élections. Cela fait donc deux ans qu’il attend d’entrer en Chambre lorsque la présente session s’ouvre, le 12 novembre. Or, Duplessis ne manifestant aucune velléité de déclencher des élections partielles, tout indique que Lapalme devra prendre son mal en patience et continuer, impuissant, de lire dans les journaux les insultes que le premier ministre ajoute en Chambre à l’injure de la défaite électorale.

C’est George Carlyle Marler, député de Westmount, qui assume le rôle de chef de l’opposition à l’Assemblée législative durant la session parlementaire. Celui qui avait agi comme chef intérimaire du parti libéral du Québec, après la défection d’Adélard Godbout en 1948, prend ses responsabilités avec une dignité et une droiture manifestes. Ce sont d’ailleurs ces mots qui reviennent constamment sous la plume de ceux qui l’ont côtoyé. L’ancien député René Chaloult, que tout opposait à Marler en principe, signe ainsi son portrait : « Mon amitié lui fut toujours acquise. C’était un homme droit et sincère, un vrai gentleman.18 » Même Duplessis, qui savait à ses heures se montrer beau joueur, reconnaît la valeur de son adversaire. Il en fait un bref éloge, le 15 janvier, lorsque la députation se vote une augmentation salariale (bill 33) : « Quant au chef de l’opposition, je ne suis pas davantage surpris de l’attitude qu’il prend. Nous pouvons différer d’opinions, mais tous reconnaissent sa courtoisie naturelle, une courtoisie qui n’est pas de parade, mais une courtoisie née.  »

Cette politesse, cette rectitude intellectuelle, ce sens de l’honneur servent bien le chef de l’opposition dans la position intérimaire qu’est la sienne. Tout au long de la session, il essuie sans broncher les nombreuses piques lancées par son opposant au sujet tantôt de ses origines britanniques, confondues allègrement à une allégeance obligée à Ottawa dans la rhétorique duplessiste, et tantôt de l’amère défaite subie par son parti et son chef le 16 juillet précédent. Avec un flegme imperturbable, Marler maintient sa fidélité au chef de son parti, dont Duplessis fait le procès par contumace, comme en fait foi cet extrait d’une discussion sur les crédits qui, le 15 février, dévie vers la tenue d’élections partielles :

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) demande au chef de l’opposition d’être lui-même et de cesser de se cacher derrière une feuille de palmier (Référence au nom du chef des libéraux, G.-É. Lapalme), au lieu de se placer au crochet d’un chef mort-né.

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): […] J’invite le premier ministre à ouvrir le comté d’Outremont, il sera amusant de voir ce qui s’y produira. […]

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l’opposition est dans une curieuse de situation. S’il exprimait les idées du député de Westmount, il serait dans l’erreur, mais ne manquerait peut-être pas de logique. Mais il doit se faire le porte-parole du chef absent, qui est à 150 milles d’ici, un chef qui a été écrasé aux dernières élections.

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): Le premier ministre ne manque jamais une occasion d’humilier mon chef. Si le premier ministre est si brave qu’il ouvre le comté d’Outremont. […]

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous avons assisté à l’enterrement du chef de mon ami, un chef archibattu dans Joliette, dans Montcalm et dans l’Assomption, d’un chef qui a eu peur d’une élection par acclamation, qui n’a pas eu le courage de se présenter alors que nous lui offrions un siège et il veut le voir encore écrasé le plus vite possible. On dirait que le chef de l’opposition s’ingénie à vouloir l’enterrement définitif de son chef mort-né. Il sait qu’il a été battu, écrasé, que ses principaux lieutenants ont été défaits et il n’est pas encore satisfait. Nous allons lui faire ce plaisir avant longtemps.

M. Dupuis (Montréal-Sainte-Marie): Il n’est pas mort!

Une voix à droite: Mais il n’est pas fort!

 

En plus de l’absence de son chef en Chambre, le Parti libéral doit composer avec quelques difficultés financières. À l’automne, des députés libéraux défaits veulent contester certains résultats des élections générales de juillet 1952, mais le parti n’a pas le premier sou nécessaire aux coûteuses entreprises judiciaires que cela nécessiterait19.

Au manque de ressources matérielles s’ajoutent aussi les défaillances des appuis traditionnels fédéraux. Les félicitations adressées, en 1951, par le premier ministre canadien Louis Saint-Laurent à Duplessis concernant sa politique de développement économique dans l’Ungava – vertement critiquée par les libéraux provinciaux dans la seconde moitié des années 1940 – sont encore ressenties comme une trahison par les membres du Parti libéral du Québec.

Grevé par ces problèmes, le Parti libéral offre l’image d’une organisation en transition en cette année 1952. À l’ouverture de la session, une certaine consternation règne sur les bancs de l’opposition, ce que Duplessis constate avec une satisfaction à peine dissimulée20. Seuls les plus énergiques – et souvent les plus jeunes – députés libéraux s’agitent encore contre les nombreux projets de loi dont les inondent les ministériels. Si la position idéologique de leur parti est plus difficile à cerner, condamnée qu’elle est à s’inscrire en faux contre les politiques gouvernementales, il est néanmoins possible d’en tracer les grands traits.

Par le vote qu’ils accordent à la création d’une commission d’enquête sur les problèmes constitutionnels, les libéraux font montre d’une sensibilité renouvelée sur la question de l’autonomie provinciale. À en juger aussi par la réaction épidermique de certains députés oppositionnels lors des débats sur les affaires urbaines, il est tentant d’opposer à l’« agriculturisme » des unionistes un attachement certain aux phénomènes urbains et à la classe ouvrière. Si le parti de l’Union nationale est essentiellement un parti rural, les libéraux, eux, tirent principalement leur capital politique des villes.

À l’agriculture et à la colonisation, les libéraux de Georges-Émile Lapalme préfèrent ce que leur programme électoral de 1952 résumait par le concept de « justice sociale ». Concrètement, cette tendance rapproche le parti des préoccupations des syndicats ouvriers : logements décents, éducation de qualité et abordable, soins médicaux accessibles, etc.

À l’étalement géographique privilégié par les unionistes, Lapalme, comme il le dira dans ses mémoires, préférait définitivement l’élévation culturelle : « L’éducation était tout près; les terres étaient au loin. On restait avec une éducation fermée et on ouvrait les terres. Aucun peuple n’a fait autant pour la "civilisation de la chrétienté" parmi les bouleaux, les pins gris et le minerai de fer.21 »

 

Le discours du trône

Le 12 novembre, le représentant de la reine au Québec, Gaspard Fauteux, établit le programme législatif de la session. Celui-ci reflète le conservatisme économique de l’Union nationale, conservatisme que le lieutenant-gouverneur rappelle d’emblée : « [À] notre avis, le paternalisme d’État est un sérieux obstacle à la prospérité durable de notre province et constitue un danger pour le régime démocratique. »

Comme cela est devenu la tradition depuis le retour des unionistes au pouvoir en 1944, l’agriculture figure au premier rang des priorités du gouvernement duplessiste en cette première session de la 24e Législature. Pour développer ce secteur, le gouvernement promet de nouveaux subsides finançant l’électrification rurale, le drainage des fermes et la mécanisation agricole. Intimement « liée à l’agriculture », la colonisation se voit aussi promettre sa juste part d’attention. La voirie, enfin, complète ce triptyque traditionnel du gouvernement Duplessis. Le discours du trône annonce la poursuite du développement du réseau routier, afin notamment d’en étendre les ramifications aux régions minières et forestières, dont l’Union nationale promet d’« assurer la mise en valeur et la complète utilisation ».

Dans le but de former une main-d’œuvre capable de participer à l’exploitation des ressources naturelles, le gouvernement envisage également de continuer d’octroyer des « subsides remarquablement généreux consacrés au succès de l’éducation, à tous ses paliers, et en particulier au succès de l’enseignement spécialisé ».

Sur le plan de la santé publique, le gouvernement entend bien préserver la forme physique des citoyens, mais prévient qu’un corps sain doit nécessairement abriter un esprit sain. C’est pourquoi toute politique de santé doit aussi obligatoirement porter sur les problèmes moraux qui affligent la société québécoise. « Il est certain que la santé de l’âme et de l’esprit est d’importance vitale et mon gouvernement entend la protéger efficacement. Il maintiendra sa lutte énergique et sans compromis contre la propagande subversive et d’inspiration athée. »

L’adresse en réponse au discours du trône, qui peut parfois s’étendre sur plusieurs semaines, ne dure que trois jours. L’opposition passe au crible le déficit démocratique du processus électoral tel qu’il s’est transformé depuis l’avènement de Duplessis au pouvoir; les investissements en agriculture qui, selon Marler, ne se rendent pas dans les poches des cultivateurs et qui, depuis quelques années déjà, désertent les campagnes dans l’espoir de jours meilleurs en ville22; et la détérioration de la condition salariale des ouvriers, désavantagés par le favoritisme du gouvernement à l’endroit du patronat. À ces doléances, Duplessis réplique en brossant un portrait idéalisé des mandats successifs obtenus par son gouvernement. Il rappelle les succès obtenus contre la tuberculose, la diphtérie et la coqueluche. Noircissant le passé des gouvernements antérieurs, le premier ministre fait l’éloge de ses accomplissements en matière d’éducation notamment. 

L’appui que l’électorat lui a accordé à répétition signifie pour Duplessis que la population reconnaît ses efforts salvateurs pour contrer la « tyrannie » de la centralisation, ce vice effroyable dans lequel les libéraux voudraient, dit-il, abîmer le Québec.

Le 19 novembre, un quiproquo provoque la fin abrupte de l’adresse au discours du trône. En principe, le discours de Joseph-Antonin Marquis, député libéral de Québec-Est, aurait dû être suivi de nombreuses autres interventions. Or, personne ne se levant pour prendre la relève du côté oppositionnel, le président Taché demande si la motion terminant l’adresse est adoptée, ce à quoi les ministériels s’empressent de répondre « adopté », fermant ainsi cette portion de la session. Les députés de l’opposition se trouvent aussitôt privés du loisir de critiquer le gouvernement sur tout ce qui leur semble digne d’intérêt23.

 

Les finances publiques

Le 5 février 1953, le ministre des Finances, Onésime Gagnon, présente pour la neuvième année de suite son budget devant l’Assemblée législative. Après avoir souhaité lui aussi à la jeune reine d’Angleterre un règne aussi long et bénéfique au Canada que fut celui de son ancêtre Victoria, Gagnon entame la lecture de son budget, non sans avoir au préalable vanté les mérites de l’administration unioniste à grand renfort de citations tirées de journaux étrangers.

Fièrement, il annonce d’abord les surplus provisoires24 accumulés pour l’année 1952-1953, qui s’élèveront à 42 239 300 $ après avoir soustrait des 280 766 300 $ de revenus ordinaires des dépenses de 238 527 000 $.

Pour l’année en cours, le budget prévoit des revenus ordinaires de 288 494 900$ et des dépenses de 237 999 800 $. Additionnée aux dépenses allouées aux immobilisations, la somme des dépenses totales s’élève à 286 904 800 $. La Voirie, qui accapare un cinquième (19,4 %) du budget prévisionnel total pour l’année 1953-1954, représente une fois de plus la principale dépense du gouvernement de l’Union nationale. Cependant, ses 55 725 000 $ constituent une diminution marquée de plus de 32 000 000 $ par rapport au budget précédent qui, rappelons-le, était suivi d’élections générales. Outre cette baisse aussi radicale que prévisible, aucun ministère ne subit de coupures importantes. La Santé suit de près dans la hiérarchie financière du gouvernement, puisque 15,7 % des revenus lui sont alloués. Viennent ensuite l’Instruction publique (11 %), le Bien-être et la Jeunesse (10,4 %), les Travaux publics (6,2 %) et l’Agriculture (6,1 %).

Le 10 février, le chef de l’opposition Marler, féru d’arithmétique selon le souvenir qu’en a gardé Chaloult25, rend son verdict. À l’évidence, celui-ci ne s’accorde pas à la complaisance dont a fait montre Gagnon au sujet de son gouvernement lors de sa présentation du budget. Selon les calculs de Marler, la province ne jouirait pas d’un surplus, mais traînerait plutôt un déficit. En effet, si l’on additionne toutes les dépenses, incluant les immobilisations et le service de la dette, on obtient un total de 319 672 000 $ qui, soustrait aux 288 766 300 $ de revenus annoncés, donne un déficit de 38 905 700 $. Accusant le gouvernement d’avoir cherché à farder ce déficit par une grossière manipulation comptable, Marler donne le ton aux critiques que l’opposition formulera à l’encontre du budget durant les 10 séances que durera l’étude détaillée des crédits.

 

Faits marquants de la session

Des 181 bills présentés à l’Assemblée durant la session, 169 reçoivent la sanction royale du lieutenant-gouverneur. Cette session est aussi longue (65 séances en 50 jours) que dense. Le journal Le Droit en trace le bilan : « Le programme législatif […] était l’un des plus chargés depuis plusieurs années. […] Elle fut aussi l’une au cours desquelles des [sic] débats les plus bruyants et orageux ont été soulevés depuis les élections de 194826. »

Cette session donne lieu à de nombreux débats animés et à de grands coups d’éclat de la part de certains députés de l’opposition. Par leurs virulentes sorties, les députés Émilien Lafrance et Arthur Dupré, en particulier, témoignent d’une frustration persistante dans le camp libéral face à l’orgueilleux autoritarisme que Duplessis déploie en Chambre.

Par deux fois, Lafrance, que l’historien Rumilly décrit comme « un homme tout d’une pièce, outrancier jusque dans le bien, un fanatique de la tempérance », est expulsé du Salon vert pour ses propos antiparlementaires, voire incendiaires (28 janvier et 25 février). Ce Lacordaire27 catholique ne peut tolérer les débordements de moralité auxquels s’adonnent, selon lui, certains membres de l’Union nationale. Son excès de zèle lui vaudra une seconde expulsion le 25 février.

Dupré, député de Verchères, provoque lui aussi un esclandre le 25 février, la veille de la prorogation de la session. Accusant les unionistes de garnir leur caisse électorale en distribuant les contrats de manière discrétionnaire, Dupré finit par sortir de son propre chef après avoir été rappelé à l’ordre par une intervention spéciale de l’Orateur en comité de résolution. Lorsqu’il ferme la porte derrière lui, il entend encore les chants de quelques collègues qui ont entonné La Marseillaise: « Liberté, liberté chérie! »

 

Déficit démocratique?

La question du processus électoral fait vibrer une corde sensible dans le camp libéral. Goûtant encore l’amertume de leur défaite aux élections générales du 16 juillet, les députés de l’opposition, privés de leur chef, Georges-Émile Lapalme, affichent une ardeur marquée lors des débats touchant à la question électorale. Déjà lors de l’adresse en réponse au discours du trône, Marler dénonce l’inégalité des moyens financiers mis à la disposition des deux partis lors du dernier scrutin : « Le peuple québécois n’a jamais vu un parti politique dépenser autant d’argent pour sa propagande que l’Union nationale au cours des mois de juin et juillet 1952. L’Union nationale inonde les électeurs dans les journaux, à la radio et sous forme de pancartes et d’imprimés divers. » (18 novembre) La sensibilité affleurante de la minorité libérale en Chambre sera mise à rude épreuve par la proposition de deux bills en rapport avec la question électorale, au cours de la session.

Le 20 janvier 1953, au terme d’un « violent débat28 », le projet de loi 31 modifiant la loi sur les élections contestées est adopté en troisième lecture. Ce projet vise à transférer à la Cour de magistrat la juridiction exercée jusque-là par la Cour supérieure. En manière de justification à son projet, Duplessis affirme vouloir décharger la Cour supérieure, dont les travaux sont encombrés par de trop nombreuses responsabilités, et affirmer l’autonomie de la province en confiant le règlement de ses affaires à une institution québécoise. Immédiatement, cette modification soulève la méfiance des députés de l’opposition, qui voient en elle un moyen de plus, pour le gouvernement, de s’assurer le contrôle sur les résultats électoraux. Après de « vives passes d’armes entre les ministériels et les oppositionistes29 », Marler résume avec prudence l’argumentaire des siens. D’abord, le règlement de contestations d’élections est une charge trop lourde pour la Cour de magistrat, qui doit s’occuper de petites affaires. Au surplus, ce projet de loi met en danger l’impartialité des juges en situation de contestation, puisque les magistrats sont nommés et partiellement rémunérés par le gouvernement. Enfin, ce projet est inutile puisque les contestations de résultats électoraux sont rares; elles ne surtaxent donc pas la Cour supérieure. En définitive, une telle loi ne pourrait profiter qu’à une entité : le parti de l’Union nationale qui, par les lois qu’il propose depuis qu’il est au pouvoir, « ne fait que consacrer des méthodes électorales que nous [les libéraux] ne pouvons pas et n’allons pas condamner ni accepter. » En dépit de ces vaines protestations, le bill est adopté à 56 contre 18.

Ce n’était cependant que partie remise, puisque une semaine plus tard, le 27 janvier, survient l’un des débats les plus longs et acrimonieux de la session au sujet du bill 34. Ce bill projette notamment de ne plus maintenir qu’un seul recenseur électoral30 dans les scrutins urbains, à l’instar de la procédure en vigueur dans les campagnes. Par cette mesure, le gouvernement désire aussi porter à 53 jours la période qui sépare la dissolution des Chambres de la date de l’élection. En outre, l’Union nationale propose de tenir la nomination et la votation aux mêmes jours dans toute la province, imposant un écart de 14 jours entre les deux opérations.

Ce projet de loi, dont Lapalme se souviendra comme ayant conféré « la mainmise entière du gouvernement sur l’ensemble du mécanisme électoral31 », soulève l’ire des libéraux. Lors du débat, le député Lionel Ross, de Montréal-Verdun, le décrie rageusement comme « le plus mauvais de tous ceux que le premier ministre nous a présentés jusqu’à maintenant dans cette Chambre. C’est un sabotage général de la loi électorale pour rendre impossible le renversement du régime et permettre au gouvernement de se maintenir indéfiniment au pouvoir ». Les critiques de l’opposition gravitent autour de la crainte que les énumérateurs, même nommés par le président des élections, ne soient plus que des créatures du parti au pouvoir, alors qu’auparavant la coutume plaçait les deux partis sur « un pied d’égalité » en installant un vérificateur de chaque parti dans les circonscriptions urbaines. Le 28 janvier, la tension culmine avec l’expulsion, à la demande de Duplessis, d’Émilien Lafrance, député de Richmond, pour ne pas avoir respecté l’interdiction de parler que lui avait imposée l’Orateur après qu’il eut tenu des propos trop violents.

 

Grève à Louiseville

Un autre épisode tumultueux de cette session survient le 14 janvier lors du débat sur la grève à Louiseville. À l’ouverture de cette séance, il y a déjà 10 mois que les 800 travailleurs de l’Associated Textile sont entrés en grève.

Mécontents de leurs conditions salariales, ceux-ci étaient en renégociation de convention collective depuis 11 mois avant que la grève soit décrétée. La compagnie, une filiale américaine, offrait 8,5 cents d’augmentation, alors que le syndicat en demandait 2532. Déçue par le jugement du tribunal d’arbitrage, qui ne lui accorde aucun gain sur les points de litige, allant même jusqu’à amoindrir l’offre de rétroactivité faite par l’Associated Textile, la partie syndicale menace d’entrer en grève si la compagnie ne manifeste aucune ouverture. Grâce aux efforts déployés par le ministre du Travail, Antonio Barrette, les travailleurs acceptent l’augmentation de 12 cents suggérée en échange d’un contrat de travail de deux ans. Seulement, l’Associated Textile revient ensuite sur son offre initiale. Avant de signer l’entente, elle exige le retrait de quatre clauses majeures, qui avait pour effet, à toutes fins pratiques, de réduire le syndicat au silence33. Devant ces modifications aussi soudaines qu’inacceptables, les employés décrètent la grève.

À son commencement, celle-ci est légale et s’attire la sympathie du public. Seulement, des événements violents viennent troubler l’ordre lorsque l’Associated Textile embauche des briseurs de grève et fait appel à la police provinciale. C’est à ce moment que la question de ce conflit fait une première incursion dans les débats de l’Assemblée.

Le 11 décembre 1952, au lendemain de l’explosion provoquée par les travailleurs de Louiseville dans un autobus – explosion qui a entraîné une violente échauffourée ponctuée de coups de feu et la lecture de l’acte d’émeute –, le chef de l’opposition intervient dans le « Salon de la race » sur une question de privilège pour demander au gouvernement « s’il ne ferait pas part de ses intentions pour mettre fin à cette grève commencée il y a neuf mois ». Par une réponse dilatoire, Duplessis parvient à faire avorter le débat. Celui-ci refait toutefois surface le 14 janvier 1953.

Comme l’atteste Arthur Langlois, de La Presse, « le débat a été très violent par moments ». Constamment interrompue par des points d’ordre au sujet d’aspects du débat qui sont sous le regard des tribunaux, cette discussion offre néanmoins au député Émilien Lafrance l’occasion de se distinguer. Celui-ci fait alors une apologie des grévistes sentie et inspirée, qui le démarque de ses pairs.

En laissant la police provinciale réprimer violemment une grève légale, le gouvernement, affirme Lafrance, « a prostitué son autorité ». Compte tenu des abus de la compagnie, qui a profité de la faveur des tribunaux arbitraux et d’une intervention timide du gouvernement pour tenter de mettre à bas le syndicat, la grève était légitime. Le devoir moral de tout gouvernement « qui se dit chrétien » est « de protéger le faible, le petit peuple sans défense contre les puissants ». En prenant fait et cause pour l’Associated Textile, une « compagnie étrangère qui abuse de sa puissance », l’Union nationale en cette affaire a « trahi sa mission de gardien du bien commun et de protecteur des droits du faible, du peuple de chez nous ».

À cet appel à la charité chrétienne, le gouvernement répond par une lecture fort différente des événements. Selon les ministériels, la grève a été rendue illégale par les agissements des grévistes qui ont cadenassé l’usine, empêchant les directeurs d’y entrer. Toujours aussi prompt à agiter le spectre du communisme, Duplessis rappelle que le « droit de grève ne doit pas dégénérer en un droit au sabotage, à l’anarchie et au crime » comme cela a été le cas à Louiseville. Sous l’impulsion de chefs syndicaux venus de l’extérieur qui, « consciemment ou inconsciemment […] suivent le programme édicté par [les leaders communistes notoires] Tim Buck et Fred Rose », les actes criminels des travailleurs de l’Associated Textile ont rendu l’intervention policière nécessaire. Le premier ministre dénonce aussi l’utilisation politique que font les libéraux de cette grève, s’affichant comme les fiers défenseurs de la classe ouvrière. Au terme de six heures de débats, Duplessis termine cette séance en rappelant les lourdes responsabilités qui incombent au « père de la nation » :

Je regrette tout ce débat. Nous étions obligés de le faire, pour ne pas laisser s’accréditer certaines déclarations, pour sonner le coup de clairon, signaler le danger, rétablir certains faits et rallier les bonnes volontés. Personnellement, je ne sais pas encore combien la Providence me réserve de temps sur cette terre. Le jour où le Juge Suprême me rappellera à lui, je n’ai pas d’enfant et je ne laisserai personne en arrière dont je serai inquiet. (Le premier ministre regarde toute la Chambre34.)

Je me bats et je me tiens debout pour vos enfants et vos petits-enfants. Il serait plus facile pour moi de laisser aller le bateau à la dérive. Si je voulais être égoïste, je laisserais l’anarchie s’infiltrer petit à petit pour s’établir définitivement sur les ruines de nos traditions, sur les ruines de l’Église. Mais j’ai un devoir à remplir et je le remplirai. Je ferai mon devoir, tout mon devoir. (14 janvier)

 

Margarine et taudis

La sensibilité de la question ouvrière agite quelque peu les députés lors de débats sur les bills 19 et 4, qui se tiennent respectivement les 25 et 27 novembre. Le bill 19 modifiant la loi sur l’industrie laitière fait ressurgir l’épineuse question de la légalité de la margarine au sujet de laquelle les libéraux avaient déjà campé leur position, en 1949, en votant en bloc contre la loi qui en interdisait la production et la vente au Québec. Ils étaient alors huit députés et comme le souligne Pierre Laporte, ils « sont maintenant 22, mais n’ont pas changé d’opinion35 ».

Ce bill vise à raffermir le bannissement des succédanés du beurre au Québec en autorisant la saisie de toute marchandise illégale. Cette loi rendrait donc criminelles non plus uniquement la production et la vente, mais elle criminaliserait aussi la possession et l’usage de la margarine ou de tout autre produit de remplacement du beurre.

L’opposition juge cette mesure inefficace puisque la margarine continue de se vendre en contrebande, peu importe la loi36. Elle est aussi outrancière puisqu’elle ne définit pas clairement ce qu’est la margarine ou un succédané du beurre. Elle est enfin « immorale », comme le clame Jean-Paul Noël, député de Montréal-Jeanne-Mance, parce qu’elle encourage la délation des contrevenants et qu’elle mine le pouvoir d’achat des ouvriers qui souvent ne peuvent se permettre l’achat du beurre. Une fois de plus, le Parti libéral se fait la voix de la classe ouvrière. « L’ouvrier veut de la margarine », affirme, le 25 novembre, le député Dupré, de Verchères, un comté pourtant rural à l’époque.

Plutôt que le bannissement pur et dur, les députés de la gauche suggèrent l’étiquetage de la composition des succédanés du beurre, afin d’en permettre la vente libre et l’achat informé.

Le clivage sociographique qui sépare la gauche de la droite dans le Salon vert réapparaît deux jours plus tard, le 27 novembre, lorsqu’il est question du bill 4 sur l’amélioration des conditions d’habitation. Ce problème est, de l’avis du député Lafrance, le problème numéro un du Québec. La pénurie de logements constitue un problème chronique au Québec depuis la fin du XIXe siècle et la question des taudis revient chaque année à l’Assemblée depuis que le phénomène s’est exacerbé durant la crise économique des années 193037. En guise de panacée, le gouvernement propose une aide de 40 000 000 $ à la construction de nouveaux logements pour les ouvriers. Les libéraux suggèrent plutôt l’adoption d’un crédit urbain à l’image du crédit agricole. Encore une fois, le débat dérive sur la priorité relative accordée par le gouvernement à l’électorat rural et urbain. Par-delà les différends entre les partis sur les modalités d’action préférables, ce débat sur la propriété ouvre une porte sur l’esprit matérialiste des années 1950, qui faisait de la propriété foncière une nécessité et de la promiscuité des taudis, un cloaque de vice physique, hygiénique et moral.

 

La Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels

L’invasion du gouvernement fédéral dans les juridictions provinciales est un sujet récurrent dans les discussions parlementaires. En 1952-1953, ce sujet entre dans le programme législatif par la porte des universités. Depuis le dépôt, le 1er juin 1951, du rapport de la commission Massey-Lévesque recommandant la création d’un conseil canadien des arts et le versement d’une aide fédérale aux universités, le chef de l’Union nationale doit faire face aux pressions des recteurs et des principaux des universités québécoises. Ceux-ci désirent l’intervention du fédéral afin de remettre sur pied leurs budgets déficitaires. Quand le gouvernement d’Ottawa offre une aide de 7 000 000 $ aux universités québécoises, le gouvernement de l’Union nationale doit réagir.

La question a d’abord été soulevée par un mémoire présenté en Chambre, le 21 novembre 1952, par les représentants de la chambre de commerce et de l’Union des municipalités. Par ce mémoire, la chambre de commerce du district de Montréal « prie le gouvernement de la province de Québec de prendre toutes les responsabilités et d’apporter lui-même, dès le début de la session d’automne, une solution au problème financier des universités de la province38 ». Sans intervenir directement pour régler le litige, Duplessis propose d’instituer une commission d’enquête chargée de formuler des recommandations. C’est à cette fin que le 21 janvier, le bill 37 est lu une deuxième fois.

D’entrée de jeu, Duplessis situe avec soin ce débat au-dessus des considérations partisanes. Il en va, dit-il, de la vie ou de la mort des provinces. Chaque année, elles voient leur autonomie atrophiée au profit du gouvernement central par les ententes bilatérales qu’il signe avec les provinces. Par ces contrats, les provinces confient à Ottawa, pour une durée renouvelable de cinq ans, leurs pouvoirs d’imposition des corporations, des particuliers et de taxation sur les successions, en échange d’une compensation monétaire plus avantageuse que les revenus prêtés au gouvernement central. En 1942, Adélard Godbout avait délégué au fédéral le pouvoir de taxation provincial sur les successions par une simple lettre, reprochent ainsi les unionistes. Or, la Constitution étant « un pacte d’honneur […] non seulement entre les quatre provinces pionnières, mais surtout entre les deux grandes races », il importe de comprendre que l’abandon progressif des pouvoirs administratifs de la province de Québec signifierait la fin du « berceau de la race d’expression française et catholique » en Amérique. Il faut donc clarifier la délimitation des pouvoirs, afin de préserver l’autonomie des provinces en perdition. Tel est le mandat de la commission que le premier ministre désire instituer.

À ces arguments nationalistes, Marler oppose une lecture plus froide de la réalité fiscale canadienne : le gouvernement fédéral et le palier provincial détiennent tous deux des pouvoirs conjoints de taxation sur les revenus des corporations et sur les successions qui impliquent des sommes trop vastes pour que jamais un gouvernement ou l’autre n’envisage de s’en départir. Il ne suffit donc pas de plaider pour une clarification des règles constitutionnelles, mais il faut davantage proposer des méthodes de règlement de ce conflit susceptibles de plaire aux deux parties. Or, Duplessis ne propose rien. Plutôt qu’une commission d’enquête, le gouvernement québécois devrait demander la tenue d’une conférence interprovinciale et formuler des contre-propositions concrètes en faveur de l’autonomie provinciale :

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): […] Quelles devraient être ces contre-propositions? À mon avis, l’essentiel de ces contre-propositions devrait être :

1. Faire participer la province, dans une plus grande mesure, aux grandes sources gouvernementales de revenus;

2. Le droit exclusif pour Québec de percevoir les droits sur les successions;

3. La conservation des pouvoirs de taxation de la province pour lui permettre d’exercer pleinement sa juridiction exclusive, en ce qui touche notamment l’éducation, les problèmes sociaux et l’utilisation de ses ressources naturelles.

Jusqu’ici, les provinces n’ont jamais eu d’action concertée. Une conférence interprovinciale permettrait peut-être encore aux provinces non seulement de discuter, mais d’arriver à l’unanimité sur au moins quelques-unes des questions. […]

 

Le lendemain, 22 janvier, le débat sur le bill 37 reprend l’examen détaillé des articles de la loi. Interrogé par le député libéral René Hamel sur les limites de sa tolérance en matière constitutionnelle, Duplessis fait cette réponse :

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): […] Lors d’une Conférence intergouvernementale à Ottawa, l’honorable M. Smith, jeune procureur général du Manitoba, […] a déclaré que le Québec était un obstacle au progrès du pays et a fait remarquer que, si des attitudes comme celle-là créent des empêchements au progrès du pays, il est temps qu’il y ait une révolution. Je suis sûr que ce jeune procureur général n’exprimait pas l’opinion de son premier ministre et de son gouvernement.

J’ai répondu que, si on considérait la province de Québec comme un obstacle au progrès dans la Confédération, nous étions prêts à nous retirer.

 

Réglementer la conduite

En cette décennie 1950 où l’achat d’automobiles connaissait une hausse fulgurante39, l’Assemblée législative s’est penchée sur certains problèmes engendrés par l’afflux croissant d’automobilistes sur les routes québécoises. Les 9 et 10 décembre, les députés étudient le bill 9 modifiant la loi sur les automobiles.

Les libéraux déplorent d’emblée le manque de policiers sur les routes qui favorise l’abus d’alcool au volant contraire à la législation, ce qui augmente le nombre d’accidents de façon marquée par rapport aux autres provinces. Le député de Montréal-Notre-Dame-de-Grâce, Paul Earl, déclare : « Dans les petits villages de la province, l’alcool est servi à toute personne âgée de 14 ans et plus. Les autorités ne font pas appliquer assez strictement le code de la route. […] Dans la province, nous avons 41,329 milles de routes. Il n’y a que 400 policiers pour surveiller le réseau routier, pour patrouiller 27,148 milles de routes, en ne tenant compte que des routes de première classe et de deuxième classe. »  (9 décembre) Pour contrer le phénomène d’alcool au volant, il suggère la publicisation d’un slogan qui fera école : « Si vous conduisez, ne buvez pas; si vous buvez, ne conduisez pas. »

Sur un ton collaboratif, l’opposition propose d’opérer une surveillance accrue des conducteurs à risque : les jeunes de 18-24 ans et les récidivistes. (9 décembre) Le 10, à la reprise du débat, Marler demande, entre autres choses, des éclaircissements quant aux examens que cette loi vise à rendre obligatoires pour obtenir un permis de conducteur, ce à quoi Duplessis répond :

Ces examens tendront à déterminer si les candidats ont les aptitudes physiques nécessaires pour prendre place au volant d’une voiture et s’ils ont les qualités intellectuelles et morales requises. Nous sommes très larges. Il s’agira de déterminer si le candidat n’a pas d’infirmité, si sa vue est bonne, s’il connaît l’essentiel de la loi. Il ne s’agit pas d’exiger de tout conducteur qu’il soit un génie, mais qu’il ait un sens certain des responsabilités et une connaissance suffisante du Code de la route.

 

De choses et d’autres…

L’importance de la question automobile est telle qu’elle nécessite la création d’un ministère qui lui soit voué. Le 27 novembre 1952 est ainsi créé le ministère des Transports et des Communications, par la sanction du lieutenant-gouverneur apposée sur le bill 8. Ce ministère, déclare Duplessis le 25 novembre, au moment de soumettre le projet en deuxième lecture, « s’occupera des règlements de la circulation, de la grosseur, de la pesanteur et de la largeur des camions et remorques, etc. En résumé, le problème est devenu si important qu’il importe de créer ce nouveau département. » Le premier titulaire de ce ministère sera Antoine Rivard, nommé le 30 juin 1954.

En une période de larges flux migratoires telle que le furent les années d’après-guerre, les États ont parfois tendance à adopter des mesures protégeant les privilèges de leurs citoyens. C’est le cas du bill 225 proposé le 18 décembre et sanctionné le 30 janvier. Cette loi oblige les architectes à détenir la citoyenneté canadienne pour pouvoir pratiquer au Québec. Duplessis la promulgue afin « que les professions soient réservées d’abord aux gens de la province de Québec ». (18 décembre)

Une idole populaire, Maurice Richard, se taille bien malgré lui une place dans les débats de l’Assemblée, en décembre 1952, alors qu’il fait l’objet de critiques de la part des députés. Sous son nom, qu’il a prêté au journal montréalais Samedi-dimanche, ont été publiés des propos jugés blessants à l’endroit des gens de Québec, que l’article accuse de manquer d’esprit sportif. Le député de Saint-Sauveur, Francis Boudreau, regrette que le nom de ce « fameux athlète » soit associé à « des basses injures, des mensonges flagrants et des épithètes qu’un homme respectable se garde de prononcer » (9 décembre). Prenant bien soin de préciser que Maurice Richard lui-même n’a pas émis ces jugements de valeur, mais que son nom est emprunté par un prête-nom du journal, le député Boudreau obtient de la Chambre qu’elle adopte sa motion et exige une rétractation officielle du journal.

 

Faits divers, faits cocasses

Des députés qui parient en Chambre!

Avant les récentes élections générales, les chefs avaient parié sur leurs majorités respectives. Le 18 novembre, au commencement de la session, le chef de l’opposition rappelle à son opposant le premier ministre que les bons comptes font les bons amis. Pour une rare fois dans la session, Duplessis se rend aux arguments de son vis-à-vis.

Il [M. Marler] rappelle au premier ministre, avec humour, qu’à la fin de la dernière session, il avait parié avec le premier ministre que sa majorité serait plus considérable que la sienne, aux prochaines élections. Si je me rappelle bien les faits, dit-il, on avait mentionné la somme de $1 de ce côté-ci de la Chambre, et la somme plus considérable de $100 du côté ministériel. Eh bien! Les élections sont passées et si ma majorité a baissé de 9,879 à 9,179, celle du premier ministre, chose étrange, a baissé de 12,261 à 5, 135, soit une diminution de 7,126 votes.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Pardon, ma majorité fut exactement de 5,460 voix.

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): Je ne me chicanerai pas. À part les sommes en jeu, je suis prêt à sacrifier 300 votes. J’espère que le premier ministre n’attendra pas la publication, en 1954 ou 1955, du rapport officiel sur les élections générales de juillet 1952 pour donner suite à la discussion à laquelle je fais allusion et à ses engagements. J’espère que je ne serai pas obligé d’attendre à 1953 ou 1954 pour toucher le produit de mon pari.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Page! Il (l’honorable M. Duplessis) tire a de sa poche un billet de banque de $1 et l’envoie porter par un page à M. Marler, au grand amusement de la Chambre.

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): (Sous les applaudissements de la députation) Je remercie le premier ministre de s’être acquitté de ses obligations envers moi. Mais cela ne m’empêchera pas de revenir de temps à autre sur le sujet au cours de la session.

 

Des voeux de Noël spirituels?

Les souhaits de Noël et de nouvelle année donnent lieu à un échange particulièrement croustillant entre les deux chefs respectifs, Marler et Duplessis. Encore une fois, Duplessis fait preuve de vivacité d’esprit.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous allons suspendre la session.

(Le premier ministre sourit.)

J’espère que le congé des fêtes va être assez long pour permettre au chef de l’opposition (M. Marler) et au député de Montréal-Notre-Dame-de-Grâce (M. Earl) d’aller se confesser.

M. Ledoux (Shefford): Est-ce que le premier ministre nous promet aussi qu’il ira se confesser?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Certainement! Dans cette question-là, il n’y a jamais de grève40.

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): Si le premier ministre va se confesser, j’ai bien peur qu’il ne soit pas de retour pour le 13 janvier.

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Si j’explique au confesseur l’obligation dans laquelle je me trouve d’avoir l’opposition en face de moi tous les jours, je suis sûr qu’il ne me donnera pas d’autre pénitence.

 

Statistique biblique

Intervention révélatrice de l’esprit judéo-chrétien consensuel de l’époque. Lors du débat sur le bill 34, l’opposition entretient de fortes réserves quant au retrait du deuxième recenseur électoral. Les députés de la gauche affirment que la présence d’un second recenseur permettait de contre-vérifier les listes électorales afin d’y déceler les fraudes du collègue. L’unique recenseur aura beau jeu, maintenant, de favoriser outrageusement le parti au pouvoir s’il lui doit allégeance. Afin de faire comprendre que tous les officiers électoraux de la province ne peuvent être tenus pour d’honnêtes fonctionnaires, le député Hamel y va d’une statistique biblique de son cru.

M. Hamel (Saint-Maurice): Parmi les 12 apôtres, il y a eu Judas. C’est le douzième et, si on applique le même pourcentage aux 40,990 officiers d’élection qui ont dirigé la consultation populaire de 1952, on arrive à un chiffre possible de plus de 3,000 personnes qui pourraient ne pas remplir leur devoir, en dépit de leur serment d’office. Il y aurait plus d’impartialité avec deux énumérateurs qu’avec un seul nommé par le président des élections, lequel est ordinairement un ami du gouvernement. La loi est très dangereuse.

 

Critique des sources

Par Jules Racine St-Jacques

Les membres de la Tribune de la presse en 1952-1953

Vice-président l’année précédente, Dostaler O’Leary, de La Patrie, est élu président de la Tribune de la presse en 1952. Il succède à Pierre Laporte, du Devoir. Henri Dutil, chroniqueur du Soleil, agit quant à lui à titre de secrétaire, alors que le représentant de la British United Press, Marc-Edmond Thivierge, est élu vice-président. Outre ces responsables, les autres membres connus de la Tribune sont : Guy Beaudry, du journal The Montreal Daily Star; Maurice Bernier, du Montréal-Matin; Calixte Dumas, de L’Action catholique; Arthur-W. Langlais, de La Presse; Pierre Laporte, du Devoir; Jacques Monnier, de L’Événement-Journal; Charles-Eugène Pelletier, du Droit, et Abel Vineberg, de la Gazette.

Pour reconstituer les débats de cette session, on a pu recourir à l’un des hebdomadaires régionaux suivants : Joliette-Journal, L’Avenir du Nord, L’Éclaireur, La Bonne Parole, La Chronique de Magog, La Feuille d’Érable, La Frontière, La Gazette de Maniwaki-Gatineau, La Gazette des Campagnes, La Revue de Granby/La Nouvelle Revue, La Parole, La Rive-Sud, La Terre de Chez Nous, La Tribune, La Tribune de Lévis, La Victoire de Deux-Montagnes, La Voix de Gaspé, La Voix de l’Est, La Voix de Matane, La Voix de Shawinigan, La Voix des Bois-Francs, La Voix des Mille-Isles, La Voix du Peuple, L’Action populaire, L’Autorité, L’Avant-poste gaspésien, Le Berthelais, Le Bien Public, Le Bulletin des Agriculteurs, Le Canada Français, Le Canadien de Thetford, Le Clairon de Saint-Hyacinthe, Le Courrier de Bellechasse, Le Courrier de Berthierville, Le Courrier de Laviolette, Le Courrier de Montmagny, Le Courrier de Papineau, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, Le Dorchester, Le Droit, Le Front Ouvrier, Le Guide, Le Journal de Waterloo, Le Messager de Verdun, Le Monde Ouvrier, Le Nicolétain, Le Petit Journal, Le Peuple, Le Progrès de Coaticook, Le Progrès de L’Islet, Le Progrès de Valleyfield, Le Progrès du Golfe, Le Progrès du Richelieu, Le Progrès du Saguenay, Le Régional, Le Réveil, Le Saint-Laurent, Le Salaberry, L’Écho abitibien, L’Écho de Frontenac, L’Écho de Lotbinière, L’Écho de Louiseville, L’Écho de Portneuf-Presse, L’Écho des Laurentides, L’Écho du Bas-St-Laurent, L’Écho du Nord, L’Écho/L’Hebdo du Saint-Maurice, L’Étoile du Lac, L’Étoile du Nord, L’Homme libre, L’Opinion de Hull, L’Union des Cantons-de-l’Est, Sherbrooke Daily Record, Sherbrooke Telegram, The Canadian Labor Press, The Drummondville Spokesman, The Herald, The Lakeshore News, The Rouyn-Noranda Press, The Shawinigan Standard, The St.Maurice Valley Chronicle, The Stanstead Journal.

 

Une source reconstituée

Les débats qui s’offrent ici au lecteur actuel forment, il ne faut jamais l’oublier, une source reconstruite à partir ce que les courriéristes parlementaires ont pu entendre et retranscrire. Pour combler du mieux possible cette lacune, les historiens qui ont reconstitué les débats ont puisé à toutes les sources susceptibles de donner un compte rendu de ce qui se disait à l’Assemblée. On peut donc raisonnablement croire que le résultat qui se trouve colligé en ces pages est très largement fidèle aux propos émis par les députés. Néanmoins, il faut se garder de lire ici la retranscription intégrale et parfaite des mots échangés au Salon vert en 1952-1953. Reconstitués, les débats eux-mêmes exhibent quelques failles au fil des séances.

On remarque très souvent que les discours prononcés ont été tantôt rapportés dans leur entièreté et tantôt résumés par les journalistes. Il en est ainsi, par exemple, d’une discussion qui eut lieu durant l’étude détaillée des crédits, le 18 février, dont L’Événement-Journal nous dit qu’elle a duré 45 minutes41 et dont les journalistes n’ont conservé qu’une seule intervention, celle du premier ministre, le reste étant succinctement tronqué par une phrase laconique :

L’honorable M. Lorrain (Papineau): Il gagne aujourd’hui $1,700.

(La discussion se poursuit ainsi pendant un certain temps.)

 

Souvent, cette troncature s’opère à l’intérieur même d’une intervention d’un député. Son propos est alors synthétisé et rapporté à la troisième personne du singulier, alors que d’autres extraits de son discours apparaissent dans leur intégralité, tels qu’ils ont été prononcés.

Même quand un discours semble rapporté intégralement par la presse, il se révèle parfois lacunaire à la lumière de la réponse que lui adresse le député adverse. Un exemple de ceci survient le 19 novembre, lors du débat sur les bills 2 et 3 autorisant de nouveaux crédits agricoles. Le ministre de l’Agriculture, Laurent Barré, présente son bill en s’en tenant aux questions d’argent, aux prêts. Or, en réponse au projet de loi, le député Dupré, critiqué par Duplessis pour s’être écarté du sujet, rappelle que le ministre de l’Agriculture « a parlé des moulées, de l’engrais, du transport » et que c’était « en dehors de la loi ». Seulement, nulle part dans le discours du ministre qui précède est-il fait mention de moulée, d’engrais, ou de transport, ce qui fait foi du caractère partiel des données primaires qui étaient mises à la disposition des historiens lors de la reconstitution des débats.

Il est plausible que ces lacunes soient imputables à la doctrine de l’intérêt bien compris. Après tout, les moyens limités de la presse à l’époque obligeaient la plupart des journaux à « quémander des contrats d’impression gouvernementaux42 » De plus, certains journalistes entretenaient ouvertement une amitié avec des membres de la Chambre. C’était le cas d’Abel Vineberg, qu’on surnommait le « confesseur laïc » de Duplessis. La séance du 11 décembre 1952 est d’ailleurs ajournée pour permettre la tenue d’une réception où sont conviés la plupart des députés de haut rang de l’Assemblée pour célébrer la retraite de cet ami du premier ministre. Ce soir-là, le premier ministre lui remet même un chèque « substantiel » en guise de reconnaissance43.

Peut-être la partialité de la presse pouvait-elle, par moments, égarer certains journalistes de leur devoir et les pousser à omettre ou diminuer l’importance de certains passages gênants pour le parti où allait leur allégeance. Avec l’historien Jean-Guy Genest, on peut rappeler que l’éthique journalistique du temps de Duplessis ne répondait pas aux critères de la moralité actuelle : « Quant à la presse, ce chien de garde de la démocratie, elle n’avait pas encore appris son rôle, ou l’avait oublié. Son attitude étonne quand on sait les accrocs infligés par l’Union nationale dans le processus électoral, la vie parlementaire et la gestion des biens de l’État. La presse, à l’exception du Devoir et de quelques journalistes qui sortaient parfois du rang, était à la merci de l’Union nationale.44 »

Cependant, les députés à l’époque ne se gênaient pas pour dénoncer en Chambre les distorsions faites à leur pensée dans les journaux. Les débats reconstitués sont émaillés de plaintes à cet égard. Or, la session 1952-1953 ne comportant aucune intervention à ce sujet, il y fort à parier que les troncatures présentes dans les comptes rendus journalistiques résument assez fidèlement l’esprit et la lettre des débats de l’Assemblée. Plutôt que de croire en une éthique douteuse des courriéristes parlementaires, il est bien plus probable que les lacunes inscrites dans les débats reconstitués soient imputables à la nature même de leur travail.

Par la force des choses, le journaliste affecté à la couverture des débats agit comme un filtre entre l’émetteur du message (le responsable politique) et son récepteur (le citoyen), et ce filtre doit composer avec certaines contraintes.

La première contrainte est d’ordre matériel. Le courriériste parlementaire ne jouit pas toujours de l’espace suffisant pour rapporter l’intégralité des débats dans les quelques pages que consacre son journal à l’actualité de la colline parlementaire. Il doit donc retenir les extraits qui sont susceptibles d’intéresser le public. C’est ainsi que certaines parties des débats, voire des sujets entiers peuvent avoir été perdus, faute d’avoir su capter l’intérêt des journalistes présents. On retrouve, çà et là dans les débats de l’année 1952-1953, de ces traces d’élisions laissées par les journalistes aux historiens qui ont reconstitué la session. Le 16 février uniquement : « Le débat se poursuit sur la question des coopératives d’électricité. » ; « Le débat se poursuit et, à un moment donné, il est question du dollar que M. Duplessis avait payé à M. Marler à la suite d’un pari sur les majorités des deux hommes aux dernières élections. »; « Le comité entreprend une discussion sur la Régie des loyers. », etc. C’est tout dire.

En plus des contraintes d’espace, les journalistes devaient aussi composer avec certaines difficultés physiques inhérentes à leur travail. Le premier de ces obstacles tenait assurément dans l’acte même de prise de notes. Sténographier tout ce qui se disait au Salon vert était une tâche fort difficile. Les débats parfois très animés se déroulant à vive allure, il était normal de ne pas être en mesure de tout retenir. De plus, juchés qu’ils étaient sur le « perchoir » de la Tribune de la presse, ils ne pouvaient tout entendre des échanges qui se déroulaient à leurs pieds. L’acoustique de l’Assemblée pose même un problème aux députés d’arrière-ban. Le 26 février, à la dernière intervention de la session, Alcide Montpetit, député de Maisonneuve, se plaint de ne pas entendre certaines allocutions de députés plus lointains. Il réclame l’installation d’un système de son qui permettrait d’amplifier les discours, une suggestion que Duplessis se promet d’étudier « avec soin », mais qui ne trouvera sa concrétisation matérielle qu’en 1964.

 

Notes de l’introduction historique et de la critique des sources

1. Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert et François Ricard, Histoire du Québec contemporain : Le Québec depuis 1930, Montréal, Boréal Express, 1989, p. 226 et 274.

2. Desmond Morton, « Crises d’abondance », dans Craig Brown et Paul-André Linteau (dir.), Histoire générale du Canada, Montréal, Boréal compact, 1990 (1987), p. 577.

3. Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, T. 4 : 1867 à 1960, Sillery, Septentrion, 1997, p. 345.

4. P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert et F. Ricard, Histoire du Québec contemporain…, p. 390.

5. Le Devoir, 1er décembre 1952, p. 5; Le Devoir, 29 janvier 1953, p. 5.

6. Seuls 67 députés de l’Union nationale siégeront durant la session.

7. Seuls 22 députés libéraux siégeront durant la session.

8. « L’Assemblée législative a tenu sa première séance  », L’Action catholique, 13 novembre 1952, p. 3.

9. Pierre Laporte, « Oubli ou omission? », Le Devoir, 18 novembre 1952, p. 4.

10. Notons que Duplessis provoque la déception de Pierre Laporte en ne mentionnant pas Henri Bourassa dans son oraison.

11. Robert Rumilly, Maurice Duplessis et son temps, T. 2 (1944-1959), Montréal, Fides, 1973, p. 458.

12. René Chaloult, député indépendant de 1948 à 1952, percevait déjà cette arrogance dans le second mandat de Duplessis, qui avait alors face à lui une opposition plus réduite encore que celle de la 24e Législature. « Duplessis, devenu beaucoup trop puissant, abusait manifestement de sa force. » René Chaloult, Mémoires politiques, Montréal, Éditions du jour, 1969, p. 182.

13. Pierre Laporte, Le vrai visage de Duplessis, Montréal, Éditions de l’homme, 1960, p. 65.

14. Ibid., p. 61.

15. C’était une tactique habituelle chez Duplessis, comme le souligne Laporte. Ibid., p. 58.

16. Illustrant ces fers de lance idéologiques, le 13 novembre, lors de l’adresse en réponse au discours du trône, le député Lavallée (Berthier) loue son chef comme le « protecteur contre les deux graves dangers qui menacent actuellement notre chère province, le communisme et la centralisation ».

17. P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert et F. Ricard, Histoire du Québec contemporain…, p. 311.

18. R. Chaloult, Mémoires politiques…, p. 188.

19. C’est du moins ainsi que se le rappelle Lapalme dans ses mémoires. « M. Georges Pelletier, notre candidat dans L’Islet, voudrait contester l’élection du vainqueur. Il possède des commencements de preuve; il demande que le parti l’aide à contester. Le voudrions-nous que nous n’avons pas un sou. Et un autre, et un autre, et un autre…Mêmes demandes, mêmes réponses : pas un sou. » Georges-Émile Lapalme, Le vent de l’oubli, Montréal, Leméac, 1970, p. 135.

20. Duplessis relève d’ailleurs avec ironie cette apathie de l’opposition en deuxième séance, le 13 novembre, à la suite de l’ajournement demandé par Marler. « Je constate que le chef de l’opposition s’est levé dans un silence de mort. Aucun membre de son parti ne l’a applaudi. Le chef de l’opposition a beaucoup de mérite en venant se battre pour un chef absent, qui reste à 150 milles de la Chambre, ajoute-t-il avec humour. J’espère qu’il rencontrera et pourra compter sur un peu plus d’élan et de combativité à l’avenir parmi le groupe qui l’accompagne en Chambre. »

21. G.-É Lapalme, Le vent de l’oubli, p. 117. Au sujet de la filiation d’intérêts entre le Parti libéral et le syndicalisme, il écrit : « À Québec et à Montréal des contacts s’établissaient avec le monde ouvrier et il ne paraissait pas vain de croire à d’éventuels rapprochements. Entre eux et nous, le climat baignait dans le social d’abord. »

22. Pour un graphique illustrant cet exode rural, on consultera John Dickinson et Brian Young, Brève histoire socio-économique du Québec, Sainte-Foy, Septentrion, 1995, p. 288.

23. Dans le Montréal-Matin, on peut lire que ce « débat restera l’un des plus brefs qu’on ait vus à l’Assemblée législative » Maurice Bernier, « Fin soudaine du débat sur l’adresse en réponse au discours du trône à Québec », Montréal-Matin, 20 novembre 1952, p. 5. Il est à noter qu’à la session de 1933 et à celle de 1934 les adresses en réponse au discours du trône ont été très brèves également.

24. Il reste encore trois mois à écouler pour compléter l’année fiscale, lorsque Gagnon confectionne son budget.

25. R. Chaloult, Mémoires politiques., p. 186.

26. « Le lieutenant-gouverneur proroge la 1ere session de la 24e législature », Le Droit, 27 février 1953, p. 13.

27. C’est-à-dire membre d’un cercle Lacordaire, association catholique dont les membres renonçaient volontairement à toute consommation d’alcool.

28. Hervé Biron, « Contestations d’élections provinciales jugées par nos magistrats – Violent débat », Le Nouvelliste, 21 janvier 1953, p. 1.

29. Henri Dutil, « La cour supérieure voit sa juridiction diminuée », Le Soleil, 21 janvier 1953, p. 3.

30. Le recenseur électoral, appelé improprement « énumérateur », est l’officier de l’État chargé d’établir la liste des électeurs.

31. G.-É. Lapalme, Le vent de l’oubli, p. 140.

32. En raison du peu de documentation historiographique que nous possédons sur cette grève, il est difficile d’établir les données principales du problème avec certitude. Si l’offre patronale semble faire consensus parmi les sources, la demande syndicale, elle, oscille entre 20 et 25 cents. Nous avons conservé le chiffre que cite le député Gaston Ledoux, qui était président de la Fédération du textile au moment des négociations et donc en faveur des ouvriers, puisqu’il est plus élevé que celui que donne Conrad Black, Maurice Duplessis, Montréal, Éditions de l’Homme, 1999, p. 463.

33. Jacques Rouillard, Histoire du syndicalisme au Québec, des origines à nos jours, Montréal, Boréal, 1989, p. 273-275.

34. Il est souligné dans The Montreal Daily Star du 15 janvier 1953, à la page 5: « Plusieurs représentants de la CTCC étaient dans les gradins de l’Assemblée législative lorsque M. Duplessis s’est lancé dans une dénonciation acerbe des méthodes utilisées lors des dernières grèves. »

35. P. Laporte, « Vif débat entre ministériels et libéraux sur la margarine », Le Devoir, 26 novembre 1952, p. 3.

36. Par exemple, les grévistes d’Asbestos, le 18 mars 1949, avaient reçu 1000 livres de margarine en marque de solidarité de la part d’ouvriers d’une usine de salaison. Ce qui marque bien l’importance de la margarine pour le prolétariat urbain. J. Lacoursière, Histoire populaire du Québec…, p. 358.

37. Le débat du 27 novembre 1952 donne d’ailleurs à lire des arguments qui ont été prononcés presque mot pour mot l’année précédente à pareille date à l’Assemblée. Voir la séance du 13 novembre 1951.

38. Cité par R. Rumilly, Maurice Duplessis…, p. 407.

39. Même si seulement 36 % des ménages possédaient une automobile en 1953, les députés font déjà état de 700 000 conducteurs accrédités. À la même époque en Ontario, 65 % des ménages possèdent une automobile. Le retard relatif du Québec dans l’achat de voitures motorisées sera bientôt rattrapé puisque, en 1960, « 56 % des ménages québécois ont une auto ». P.-A. Linteau, R. Durocher, J.-C. Robert et F. Ricard, Histoire du Québec contemporain, p. 253.

40. Rappelons que Gaston Ledoux, ex-chef syndical, était chaud partisan des ouvriers.

41. L’Événement-Journal, 19 février 1953, p. 1.

42. Jocelyn Saint-Pierre, Histoire de la tribune de la presse à Québec, Montréal, VLB éditeur, 2007, p. 117.

43. Ibid., p. 140 et 262-266. Voir aussi La tribune de la presse vue par…, Québec, Bibliothèque de l’Assemblée nationale, 1996, p. 60-61.

44. Jean-Guy Genest, « Lapalme, chef du parti libéral », dans : Jean-François Léonard (dir.), Georges-Émile Lapalme, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1988, p. 196.