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Version finale

27th Legislature, 2nd Session
(August 21, 1963 au August 23, 1963)

Friday, August 23, 1963 - N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures et demie)

M. le Président: Qu'on ouvre les portes. Let the doors be opened. À l'ordre, messieurs: Affaires courantes.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills publics.

Dépôt de documents requis par motions

M. Lesage: M. le Président, à la fin de la dernière session, le dernier jour, je crois, nous avons, de consentement, transformé en motions pour production de documents un certain nombre de questions. Je m'étais engagé à fournir le plus tôt possible les documents, les réponses aux questions. J'en ai un certain nombre ici. La note que j'ai ne me dit pas si ça couvre tous les cas. Je viens de les recevoir. Nous avons eu un caucus depuis 9 heures ce matin.

D'abord, une question de M. Gabias du 10 juillet 1963 au sujet de la maison Banville Inc.; réponse par moi-même. Ensuite, une autre question de M. Gabias en date du 20 juin au sujet de la Commission du salaire minimum; réponse par M. Fortin. Ensuite, une autre question de M. Gabias, également du 10 juillet, au sujet de la maison Frenette Inc.; réponse de M. Gérin-Lajoie. Enfin, une autre question de M. Gabias, le 20 juin, au sujet de l'hôpital Cooke; réponse du Dr Couturier.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Construction d'un nouveau palais du justice à Québec

M. Johnson: M. le Président avant qu'on passe aux affaires du jour, je me demande si le premier ministre voudrait nous informer et informer la Chambre quant à la construction d'un nouveau palais de justice à Québec. Est-ce que la décision est prise? Est-ce que les contrats sont accordés?

M. Lesage: J'ai reçu, hier, du ministre des Travaux publics deux projets. La décision de principe, évidemment, de l'agrandissement du palais de justice de Québec est prise déjà depuis quelque temps. Les ingénieurs du ministère des Travaux publics ont examiné la situation et ont fait un rapport au ministre des Travaux publics, lequel m'a soumis deux solutions possibles. J'ai remis le dossier, hier soir, au Procureur générai en lui suggérant de voir le juge en chef, l'honorable juge Frédéric Dorion, et le bâtonnier du district de Québec pour leur soumettre les deux projets et obtenir leur opinion et faire rapport au ministre des Travaux publics.

M. Johnson: Ça répond à une partie de la question, M. le Président. La deuxième partie, c'est est-ce qu'un contrat a été négocié à date ou une entente?

M. Lesage: M. le Président, comment peut-il y avoir un contrat? Il me sembla qu'il va de soi, que tout le monde à compris qu'il ne pouvait pas y avoir de contrat quand je viens de recevoir une demande du ministre des Travaux publics de lui donner mon opinion quant aux deux projets qu'il me soumet. Ce n'est pas nécessaire d'être bien fin pour savoir qu'il ne peut pas y avoir de contrat accordé.

M. Johnson: M. le Président, ce n'est pas à moi qu'il fallait dire ça. C'est a certains contracteurs de Québec qui se vantent déjà d'avoir le contrat à "cost plus".

M. le Président: Affaires du jour.

M. Lesage: Ce n'est pas la politique du gouvernement d'accorder des contrats à "cost plus".

M. Johnson: M. le Président, avant de passer aux affaires du jour, le premier ministre me permettra de lui demander s'il a l'intention d'appeler la motion qui porte le no 7 Ordre de la Chambre.

M. Lesage: Oui, M. le Président, j'ai l'intention de l'appeler et de demander au président de la déclarer contraire aux règlements.

M. Johnson: Cela viendra tantôt?

M. Lesage: Cela viendra immédiatement avant l'article 2.

M. Johnson: D'accord. M. le Président, je crois qu'avant que nous ne passions à l'ordre du jour un de mes collègues a une question a poser relativement au feuilleton du jour.

Absence d'une question au feuilleton

M. Gabias: M. le Président, hier, au début de la soirée, j'ai fait parvenir un avis de motion concernant une question. Elle a été déposée suivant l'article 113 des règlements, qui se lit comme suit: "Les

motions, de même que les questions aux ministres et aux députés sont inscrites au feuilleton suivant l'ordre dans lequel les avis ont été déposés." Or, ce matin, M. le Président, en prenant connaissance du feuilleton, je découvre que la question que je voulais poser au gouvernement n'y apparaît pas. Je crois que j'ai le droit de protester contre cette façon d'agir, également de m'enquérir pourquoi la question n'apparaît pas au feuilleton ce matin.

M. le Président: Je suis parfaitement au courant de la question que voulait poser le député de Trois-Rivières. Le député de Trois-Rivières m'a rappelé qu'hier soir j'ai moi-même expliqué au député que la question, dans la forme qu'il voudrait la poser, était contraire aux règlements et que je serais obligé de donner instruction au greffier de ne pas l'imprimer au feuilleton telle que soumise par le député de Trois-Rivières. Le député de Trois-Rivières m'a répondu qu'il avait l'intention d'essayer de refaire la question, de la rédiger dans une forme qui serait acceptable. Il ne l'a pas fait. Il m'a remis la question dans la même forme. Alors, dans ce cas-là, je n'avais pas d'autre alternative que de la garder, de ne pas l'imprimer dans le feuilleton. C'est précisément l'article 681 qui indique que la forme des questions est réglée de la même façon que les avis de motions. Or, le règlement prévoit que, si une motion ou un avis est dans une forme illégale ou contraire aux règlements, c'est à l'orateur de décider et de ne pas l'imprimer dans le feuilleton.

M. Gabias: 681?

M. le Président: C'est 681. M. Lemieux, qu'est-ce que c'est le règlement qui dit cela? 140.

M. le greffier: 140.

M. le Président: 681. - "Aucune question ne peut être posée à moins qu'il n'en ait été donné un avis suivant les règles relatives aux avis de motions." 143. - "Quand un avis renferme des expressions inconvenantes, contient le texte d'une motion irrégulière, ou est autrement irrégulier, l'orateur peut ordonner de la modifier ou de la mettre de côté."

Alors, j'ai demandé au député de Trois-Rivières de modifier son texte. J'aurais ou simplement la mettre de côté.

M. Johnson: Mon.

M. le Président: J'ai demandé au député de Trois-Rivières de modifier son texte. Il ne l'a pas fait. Alors, je n'avais pas d'autre moyen que de la mettre de côté.

M. Gabias: M. le Président, j'ai regardé bien attentivement. Il est exact que vous m'avez demandé hier soir...

M. le Président: Je n'ai pas suivi le député.

M. Gabias: J'ai dit qu'il est exact que vous m'avez demandé hier soir dans votre chambre pour me faire remarquer que, suivant vous et suivant les règlements, la question que je posais, au feuilleton était irrégulière et illégale. J'ai également ajouté que je vérifierais et que, s'il y avait possibilité de transformer la forme de la question, je le ferais et vous la remettrais.

Après avoir examiné les règlements, j'en suis venu à la conclusion que la question n'était pas irrégulière et illégale et je vous l'ai retournée.

M. Lesage: M. le Président, le député de Trois-Rivières ne peut pas discuter votre décision. Il peut seulement en appeler.-

M. Gabias: Bien, voici, M. le Président. Vous avez donné les raisons pourquoi...

M. Lesage: Comment, M. le Président peut-il discuter en Chambre de votre décision, alors que nous ne savons même pas - aucun des députés, peut-être des collègues du député de Trois-Rivières - quel est le texte de cette question qu'il voulait poser? C'est une décision de l'Orateur et, si le député de Trois-Rivières n'est pas satisfait, je me demande même s'il a le droit d'en appeler. Je pense que c'est la responsabilité de l'orateur et sa responsabilité finale et, au moment où je parle, je ne sais même pas de quoi il s'agit.

M. Gabias: Raison de plus. Si le premier ministre ne sait pas de quoi il s'agit, qu'il nous écoute au moins et, alors, peut-être pourra-t-il comprendre.

M. Lesage: M. le Président j'ai invoqué le règlement.

M. le Président: À l'ordre!

M. Lesage: M. le Président, il ne s'agit pas de connaître le fond de la question. Nous ne saurions en discuter parce qu'il n'y a rien devant la Chambre. Il s'agit purement et simplement d'une question de procédure et, à mon sens, il est clair que l'article 143 laisse à l'orateur seul le soin de décider si l'avis est conforme aux règlements. L'orateur a décidé qu'il n'était pas conforme aux règlements. Il a fait demander le député de Trois-Rivières. Il lui a offert de le modifie'-. Comme le député de Trois-Rivières ne l'a pas modifié, il l'a mis de côté en vertu de 143. Y a-t-il appel? Je ne le sais pas. Je ne

le crois pas.

M. Gabias: Il n'a pas le droit de faire ça, l'orateur.

M. Johnson: M. le Président, parlant de la question de règlement soulevée par le premier ministre, vous me permettrez d'exposer notre point de vue. Il ne s'agit pas du fond de la motion elle-même que nous n'avons pas devant nous et il serait, évidemment, d'un suprême ridicule de voter, M. le Président, pour ou contre votre décision sans même connaître au sujet de quoi vous avez rendu une décision.

Mais, M. le Président, là n'est pas le point ce matin. Nous pourrions, je crois, faire une motion pour demander à la Chambre de déclarer que vous avez outrepassé vos pouvoirs en empêchant . la publication au feuilleton d'une motion, car c'est notre prétention, M. le Président, qu'en vertu de l'article 143 vous avez, évidemment, le droit de déclarer une motion irrégulière, irrecevable et contraire aux règlements, mais vous devez exercer cette juridiction, ce pouvoir en Chambre.

M. Lesage: Non.

M. Johnson: C'est la Chambre qui est souveraine, M. le Président. C'est la Chambre qui, en tout temps, a la juridiction exclusive et entière pour déclarer si, oui ou non, une motion, un acte de député, un écrit quelconque est conforme au règlement.

M. le Président vous êtes, vous, le président de cette Chambre. Vous pouvez vous prononcer, comme l'article 147 le dit, mais vous êtes toujours et constamment soumis au vote approbateur ou réprobateur de la Chambre. M. le Président, je soumets respectueusement, avec toute la déférence que j'ai pour votre personne, mais plaidant les droits des députés de l'Assemblée législative tout entière, que vos actes devraient tous être exercés en Chambre. C'est tellement le cas, M. le Président, que les auteurs sont allés jusqu'à dire que l'orateur peut même, pour éviter d'avoir à faire cela en Chambre et pour donner une chance au député d'amender sa question, le faire venir, discuter avec lui afin que le député, par inadvertance ou par manque de connaissance du règlement, ne soit pas exposé à ce qu'une question sérieuse soit éliminée tout simplement à cause d'un aspect particulier de la rédaction de sa question. Cela, c'est reconnu par tous les auteurs et, M. le Président, vous connaissez, entre autres, Bourinot. Je soumets donc respectueusement que vous ne pouvez pas, M. le Président...

M. Gabias: Je vais vous le dire, ça va prendre une minute.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Johnson: M. le Président, il y en a d'autres qui vont parler là-dessus. Il y en a d'autres qui peuvent parler là-dessus, M. le Président. Et nous n'avons même pas besoin de Bourinot, mais trop fort ne casse pas. L'orateur de cette Chambre, d'autres membres de cette Chambre connaissent le règlement et donneront tantôt les références nécessaires.

M. Lesage: Cela fait partie de l'opération $100 par jour.

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. J'invoque la question de privilège. Mercredi, nous avons été sommés par le lieutenant-gouverneur de nous réunir dans cette Chambre par suite d'un acte du premier ministre de la province de Québec qui, pour plier devant ses amis d'Ottawa et sauver l'unité libérale, fait dépenser de l'argent à la province. M. le Président, vous venez d'entendre encore le premier ministre faire allusion à ces $100 par jour. Il s'est trouvé un journaliste, ce matin, pour emboucher le ton démagogique du premier ministre et dire: "Les députés à $100 par jour." Il y en a tellement qui veulent avoir des positions du présent gouvernement.

M. le Président, nous avons été sommés de venir ici et, en vertu du règlement que connaît ou devrait connaître le premier ministre, nous n'étions tenus qu'à faire une seule séance mercredi après-midi. En vertu du même règlement, nous n'étions tenus à faire qu'une seule séance jeudi. En vertu du règlement, nous étions tenus à ne faire qu'une séance aujourd'hui. Alors, nous avons, dans un esprit de collaboration, siéqé mercredi soir, jeudi matin, jeudi après-midi, jeudi soir. Nous siégeons ce matin par consentement unanime de la Chambre. Nous sommes prêts à siéger cet après-midi, si c'est nécessaire, ce soir.

M. Lesage: Et demain.

M. Johnson: Si c'est nécessaire, demain, si c'est nécessaire, dimanche...

M. Lesage: Non, je ne siégerai pas le dimanche.

M. Johnson: ... ou lundi. C'est le premier ministre qui le décidera, mais c'est nous qui allons décider, par exemple...

M. Lesage: Combien de $100 vous allez recevoir.

M. Johnson: ... si le sujet pour lequel nous avons été convoqués est assez important pour que nous lui consacrions au moins un dixième du temps qu'on a consacré à la Loi

des liqueurs.

M. Lesage: M. le Président, le député de Bagot est complètement hors d'ordre.

M. Johnson: M. le Président, j'ai invoqué une question de privilège. À part de ça, je dirai au premier ministre que les $100 par jour...

M. Lesage: J'ai invoqué le règlement.

M. Johnson: ... ce n'est ni moi, ni aucun autre député qui les a proposés dans le bill des indemnités; c'est le premier ministre lui-même qui a pris l'initiative de mettre $100 par jour. Je déclare de mon siège, M. le Président - je le dis pour moi et je sais que plusieurs de mes collègues sont prêts à faire la même chose si les députés libéraux veulent le faire - que nous allons renoncer, à partir de ce matin, à notre indemnité si c'est ça qui fatigue le premier ministre. Mais, M. le Président, les propos du premier ministre au sujet desquels j'ai invoqué la question de privilège...

M. le Président: A l'ordre, messieurs;

M. Lesage: M. le Président, sur une question de privilège, les députés libéraux sont prêts à renoncer eux-mêmes, à partir d'aujourd'hui, suivant la suggestion du chef de l'Opposition, aux $100 par jour.

M. Johnson: M. le Président, nous allons...

M. le Président: À l'ordre, messieurs;

M. Johnson: M. le Président, je ne peux pas parler pour tous les membres de cette Chambre, mais...

M. Lesage: Tiens;

M. Johnson: M. le Président, je ne suis pas un autocrate. Je ne parle qu'en mon nom et, quand je vaudrai avoir l'opinion des députés, je prendrai les moyens de le faire.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

Motion proposant que les

députés renoncent à leur

indemnité de $100 par jour

M. Johnson: Et je le fais subito. Avec votre permission, je propose la motion suivante: Que les députés de cette Chambre... M. le Président, secondée par le député de Bellechasse...

M. Lesage: M. le Président, je seconde la motion et je demande le vote.

M. le Président: À l'ordre, messieurs; Est-ce qu'on est prêt à prendre le vote?

Des voix: Oui.

M. le Président: Qu'on appelle les députés et, en même temps... À l'ordre, messieurs!

M. Hanley: On n'a pas eu la chance de discuter de cette motion avant le vote.

M. le Président: À l'ordre, messieurs; À l'ordre! Je viens de demander si on est prêt à prendre le vote.

M. Hanley: Non. Je m'objecte.

M. le Président: Je comprends que le député de Sainte-Anne voudrait prendre la parole sur la motion.

M. Hanley: C'est un...

M. le Président: Pas quand je suis debout.

M. Hanley: Is that unanimous before the vote?

M. le Président: No.

M. Hanley: I would like to discuss the motion.

M. le Président: Je suis prêt. I am going to hear the Member for St.-Ann on the motion proposed by the leader of the Opposition and seconded by the Prime Minister.

M. Hanley: Mr President, this Parliament adopted a law unanimously concerning the indemnity and the expenses per annum for their members. Within the framework of that law, there is a penalty clause and within the framework of the law, there is an indemnity for a special session. If there are a certain number of members here who are wealthy enough and who have enough money to pay their hotel and their expenses during a special session, they should have opposed the law and the articles of the law before it was adopted before this Parliament.

If I have a seconder in this House, I would propose that, for the duration of our mandate, until 1967, this Parliament sit without énumération and without indemnity whatsoever. If you want to save a mere insignificant amount of $100, they would save $15,000 a year for the tax payers, then, let us sit for nothing for the duration of the mandats. Have I got a seconder to my motion? I am ready to propose it.

M. le Président: I do not see any seconder.

M. Hanley: I am on record.

M. le Président: If the member cannot find a seconder, I am afraid his motion cannot stand.

M. Hanley: All right, it is on record.

M. le Président: Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent prendre la parole sur la motion proposée par le chef de l'Opposition?

Une voix: Il n'y en a pas.

M. le Président: Qu'on appelle les députés. Avez-vous la motion?

M. Gabias: Il n'y aura pas de bâillon dans cette Chambre, certain.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! à l'ordre, messieurs! Est-ce qu'on est prêt à voter sur la motion proposée par M. Johnson, secondée par M. Lesage: Que les députés de cette Chambre, à partir d'aujourd'hui, renoncent à leur indemnité de $100 par jour?

Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.

M. Johnson: M. le Président, j'avais dit que cette motion était secondée par le député de Bellechasse.

Une voix: C'est ça.

M. Lesage: M. le Président avant que le député de Bagot dise que la motion était secondée par le député de Bellechasse, je me suis levé et j'ai dit: Je seconde.

M. Johnson: M. le Président, au moment où j'étais debout, j'ai proposé la motion et oersonne d'autre n'avait le droit de parole. C'est moi qui avais le droit de parole et, comme proposeur de la motion, j'avais le droit d'indiquer à cette Chambre, comme c'est la tradition immémoriale et sans exceptipn, le nom de mon secondeur, M. le Président, et c'est le député de Bellechasse. Je vous demande, M. le Président, d'indiquer sur la motion qu'elle est proposée par le député de Baqot et secondée par le député de Bellechasse.

M. Lesage: M. le Président, j'ai l'impression bien nette que le député de Bagot regrette sa motion.

M. Johnson: Au contraire, M. le Président, je veux bien marquer qu'elle oriqine de l'Opposition à l'unanimité et que les libéraux n'ont fait que ce qu'ils font àOttawa: ils suivent.

M. Lesage: D'abord, le chef de l'Opposition peut-il dire qu'il veut indiquer qu'elle oriqine de l'Opposition à l'unanimité, alors que, lorsqu'il a parlé de prendre un vote sur la question, il a dit: Je ne suis pas comme le chef du gouvernement, moi, je dois consulter mes députés? Alors, il ne peut prétendre qu'elle fait l'unanimité de son côté. Ce sont ses propres paroles et, du moment que j'ai secondé la motion du chef de l'Opposition, je suis le secondeur.

M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour Que vous rendiez ma première motipn ccnforme à la réalité et que vous indiquiez qu'elle est proposée par le député de Bagot et secondée par le député de Bellechasse.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Il est assez difficile pour moi de décider des affaires comme ça. J'ai moi-même écouté le chef de l'Opposition proposer sa motion; en même temps, à la fin, j'ai entendu moi-même le premier ministre dire: Je seconde la motion.

Une voix: Il était assis.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Je comprends que le greffier lui-même avait compris exactement la même chose parce que la motion que je viens de lire à la Chambre, ce sont des mots écrits par le qreffier qui en avait pris note au moment où la motion a été faite. Je lui avais demandé auparavant - ce n'était pas pour savoir qui avait proposé ou oui avait secondé; c'était simplement pour avoir le sens exact de la motion - de me prêter les notes qu'il avait prises. Je me demande comment je pourrais décider devant cette Chambre qui a secondé. J'ai entendu moi-même le premier ministre se lever et dire: Je seconde la motion.

M. Dozois: Il n'a pas le droit de faire ça.

M. Lesage: C'est la coutume, d'ailleurs, quand il y a unanimité.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Ce n'est pas moi qui peut décider qui a secondé la motion: ce sera à la Chambre de décider, je ne vois pas d'autre solution.

M. Lesage: Je n'ai pas d'objection à ce qu'il ajoute le nom du député de Bellechasse comme deuxième secondeur.

M. Bellemare: Non, non, non. Ce n'est pas étonnant que vous fassiez des concessions.

M. Johnson: C'est à la Chambre de décider qui est le secondeur.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Le premier ministre suggère que ce sera la motion du chef de l'Opposition, secondée par le premier ministre et par le député du comté de Bellechasse.

Des voix: Non, non, non.

M. Gabias: Proposée par le chef de l'Opposition et secondée par le député de Bellechasse.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Alors, je demande la décision de la Chambre.

M. Johnson:. Si vous le permettez, M. le Président, j'ai des remarques. Je ne veux pas être désagréable envers vous, au contraire, je voudrais faciliter votre tâche, mais la raison pour laquelle j'insiste, c'est une question de principe. Autrement, un membre du gouvernement ou de l'Opposition faisant une motion serait privé de son droit de choisir son secondeur si n'importe qui dans la Chambre, de son siège, n'ayant pas le droit de parole, n'avait qu'à crier: Je seconde. M. le Président, les motions sont généralement faites par un député qui indique tout de suite, comme le veut le règlement, quel est son secondeur. Or, j'ai proposé. Il est vrai que le premier ministre a dit: Je seconde, mais il était assis à ce moment-là. J'avais mon droit de parole et je n'avais pas fini. J'ai dit: Secondé par le député de Bellechasse, dès que j'ai ou le dire, après les applaudissements. M. le Président, je l'ai faite, cette motion, à la fin de mon intervention comme le veut le règlement et, la faisant formellement, j'ai déclaré à ce moment-là qu'elle était secondée par le député de Bellechasse. Le premier ministre pourra voter librement sur cette motion de renonciation à notre indemnité, comme tous les députés libéraux d'ailleurs, j'en suis bien certain.

Alors, j'insiste à regret, M. le Président - c'est une question de principe - pour que vous mentionniez le député de Bellechasse.

M. Lesage: M. le Président, juste un mot. Le chef de l'Opposition a soutenu que le proposeur d'une motion avait le droit de choisir son secondeur. Il n'y a absolument rien dans les règlements à cet effet. De plus, il y a une tradition établie que, lorsque les deux partis sont d'accord, par exemple pour le choix de l'Orateur ou sur des questions semblables, c'est ordinairement un chef de parti qui seconde l'autre. C'est la simple politesse, M. le Président, et c'est une tradition et je veux le rappeler au chef de l'Opposition. Je lui ai rendu cette politesse à de nombreuses reprises. Le chef de l'Opposition a lancé un défi, j'ai relevé le défi. J'ai regardé les députés libéraux qui m'entouraient. Tous ont fait signe que oui, ils étaient disoosés à renoncer à partir d'aujourd'hui...

M. Johnson: Même ceux qui n'y étaient pas!

M. Lesage: Bien, je connais assez le ministre des Affaires culturelles et son détachement des biens de ce monde.

M. Bellemare: Son élévation?

M. Lesage: Alors, j'ai dit: Oui, très bien, d'accord. Le chef de l'Opposition s'est levé et il a dit: Il faudrait bien que je consulte mes députés, moi, je ne suis pas sûr. C'est ce qu'il a dit. Il n'a pas dit: Je ne suis pas sûr, mais il a dit: Je ne veux pas parler en leur nom.

M. Johnson: M. le Président, j'ai aussi ajouté - le premier ministre devrait avoir l'honnêteté intellectuelle de le dire - que la forme reconnue pour connaître l'opinion d'hommes libres, c'est de faire une motion. Et je fais une motion, secondée par le député de Bellechasse.

M. Lesage: J'y arrive là. J'avais donné l'acceptation des députés de ce côté de la Chambre. Le chef de l'Opposition s'est levé et il a dit: Pour connaître l'opinion des députés, la forme normale, c'est une motion. Je propose donc qu'à partir de maintenant -ce sont ses termes exacts; pas à partir d'aujourd'hui, à partir de maintenant - les députés renoncent à leur indemnité pour la présente session. J'ai dit: Je seconde et, après cela, il a dit, pour me contredire, secondé par le député de Bellechasse qui n'en avait jamais entendu parler.

M. Loubier: M. le Président, j'ai justement un journal ce matin qui rapoorte que c'est moi qui ai proposé cela, hier, à l'attention de la Chambre. J'en avais entendu parler.

M. Lesage: M. le Président, le député de Bellechasse n'avait pas eu la demande de son chef, ce matin, de seconder une pareille motion, parce que l'idée lui est venue à la dernière minute.

M. Loubier: M. le Président j'en avais discuté avec le chef.

M. Lesage: Ah bon, vovons donc!

M. Loubier: Oui.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Hamel (Saint-Maurice): Me permettez-vous, M. le Président, d'attirer votre attention sur l'article 247 qui, à mon sens, indique clairement qu'il n'est pas question pour le proposeur de choisir lui-même son secondeur? Voici ce qu'on dit: "Le député qui demande la parole pour appuyer une motion comme second - n'importe quel -a le droit, si la motion doit être appuyée, d'être entendu immédiatement après l'auteur de cette motion." Or, c'est cela qu'a fait le premier ministre, M. le Président. C'était son droit en vertu de l'article 2i7 et j'insiste particulièrement sur le point que c'est la tradition, généralement, quand il y a une question comme celle-là, une question de félicitations, une question de décès, une question qui intéresse tout le monde en particulier. C'est la tradition - et tout le monde va admettre cela, M. le Président -que, quand un chef de parti fait une telle proposition, le secondeur est le chef de l'autre parti. Cela, ça se fait depuis au moins huit ans que je suis ici en Chambre, moi, et ça se faisait...

Une voix: Huit ans de trop.

M. le Président: Est-ce que je pourrais demander aux députés de réfléchir pour quelques instants et d'en venir à une conclusion, sans qu'il soit nécessaire de prendre un vote qui ne déciderait pas grand-chose? D'après l'article que vient de citer le Procureur général, "le député qui demande la parole pour appuyer une motion", c'est exactement cela que le premier ministre a fait.

M. Johnson: Il n'a pas demandé la parole pour appuyer une motion.

M. le Président: Il n'a pas demandé la parole. Le premier ministre s'est levé et il a dit: Je seconde la motion. Je demande simplement aux députés de réfléchir sur une décision de la Chambre pour décider qui a secondé la motion.

M. Hamel (Saint-Maurice): C'est de l'enfantillage; M. le Président: Est-ce que je dois poser la question?

Des voix: Non, non. Non, non.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Bellemare: Cela fait deux jours que vous nous achalez avec cela!

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Est-ce qu'on est prêt à dire: La motion principale proposée par le chef de l'Opposition, secondée par le premier ministre?

M. Johnson: Non, M. le Président, j'ai fait motion pour...

M. Lesage: M. le Président, pour me montrer plus raisonnable que les amis d'en face, je vais retirer ma demande, ma proposition à l'effet de seconder la motion et je vais admettre qu'elle peut être secondée par le député de Bellechasse, ce qui va prouver qu'il y a plus de sérieux de ce côté-ci que dans les têtes de linottes...

M. Johnson: M. le Président, le remercie le premier ministre de respecter enfin la dignité et les coutumes de cette Chambre.

M. le Président: A l'ordre, messieurs. La motion est proposée.

M. Gabias: Sur un point d'ordre, M. le Président, le premier ministre a employé des mots indignes: "têtes de linottes". On va lui faire retirer cela. Il y a toujours une limite!

Adoption de la motion

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

Vote sur la motion de M. Johnson, secondée par M. Loubier, proposant que tous les députés de la Chambre, à partir d'aujourd'hui, renoncent à leur indemnité de $100 par jour. Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.

M. le Greffier adjoint: MM. Johnson. Dozois, Bertrand (Missisquoi), Bellemare, Élie, Ducharme, Johnston, Cottingham, Boudreau. Lafontaine, Gabias, Guillemette, Russell, Somerville, Gosselin, Lizotte, Raymond. Charbonneau, Loubier, Majeau, Gagnon, Gauthier, Lavoie (Wolfe), Lesage, Bertrand, Lapalme, Bédard, Lalonde, Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice) Arsenault, Saint-Pierre, Cliche, Dionne, Brown, Bertrand (Terrebonne), Pinard, Levesque (Bonaventure). Laporte, Fortin, Mme Kirkland-Casgrain, Parent, Binette, O'Reilly, Turpin, LeChasseur, Roy, Meunier, Harvey, Morissette, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Boulais, Coiteux (L'Assomption), Hamel ''Iberville", Crépeau, Fournier, Thibeault, Théberge, Dallaire, Lacroix, Kennedy, Baillargeon. Brisson, Hébert, Mailloux, McGuire, Cadieux, Beaupré, Godbout, Dupré, Martin.

M. le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien se lever.

M. le Greffier adjoint: M. Hanley. M. le Président: À l'ordre, messieurs. M. le Greffier adjoint:

pour: 74 Contre: 1 Yeas: 74 Nays: 1

M. le Président: La motion est adoptée.

M. Gabias: M. le Président, avant que le vote soit pris, j'avais soulevé un point d'ordre. Vous avez consenti à ce que l'intervention soit faite après le vote. Alors que le premier ministre a consenti à retirer sa demande d'être secondeur, l'ayant fait gentiment, il ne pouvait pas terminer gentiment et il a déclaré que les gens de l'Opposition étaient des têtes de linottes.

M. Lesage: Non, M. le Président. Je n'ai pas dit ça.

M. Gabias: M. le Président, nous avons entendu clairement les mots du premier ministre, qui sont sûrement antiparlementaires et indiqnes du poste qu'il occupe et je demande que ces paroles soient retirées.

M. Lesage: M. le Président, parlant sur la question de règlement, voici exactement ce que j'ai déclaré, et c'est textuel. J'ai déclaré qu'en retirant ma demande d'appuyer la motion du chef de l'Opposition je prouvais que, de ce côté de la Chambre, nous étions des hommes sérieux, plus sérieux que les têtes de linottes qu'il y avait de l'autre côté. C'est textuel. Je n'ai pas dit où étaient les têtes de linottes. Je n'ai pas dit que c'était tous des têtes de linottes. S'il y en a qui se sentent visés, tant pis pour eux.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Une voix: Qu'il retire ses paroles.

M. le Président: Je vais profiter de l'occasion pour demander è tous les députés d'essayer de garder le langage parlementaire dans cette Chambre.

M. Bertrand (Missisquoi): Surtout là.

M. le Président: A l'ordre, messieurs. Je ne suis certainement pas dans une position pour dire que c'est d'un côté ou de l'autre de la Chambre. Je demande la coopération de tous les députés. En même temps, je voudrais vider la question soulevée par le député de Trois-Rivières concernant la question qu'il avait soumise hier soir. Pour le moment, je suis prêt à étudier la question.

M. Johnson: M. le Président, avez-vous rendu une décision sur le point d'ordre soulevé par le député demandant au premier ministre de retirer ses paroles?

M. le Président: Je crois que je l'ai fait.

M. Johnson: Le premier ministre ne les a pas retirées, M. le Président.

M. Lesage: Je n'ai rien à retirer, je n'ai visé personne.

M. Johnson: M. le Président, j'insiste pour que vous demandiez au premier ministre de retirer ses paroles. Il a parlé de têtes de linottes à l'adresse de l'Opposition.

M. le Président: Qu'est-ce que c'est? Je n'ai même pas entendu les paroles.

Une voix: Il les a répétées tantôt.

M. Bellemare: Faites remonter un peu l'acoustique de leur bord.

M. Lesage: M. le Président, je n'ai adressé ces paroles à personne en particulier.

M. Bellemare: Ce n'est pas diqne d'un Premier ministre.

M. Lesage: C'est clair, je ne les ai adressées à personne en particulier.

M. Bellemare: Ce n'est pas digne d'un premier ministre.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre a répété ses paroles: elles s'adressent clairement aux membres de l'Opposition et je vous demande, s'il vous plaît, de lui demander en qrâce de retirer ses paroles. Ce sera moins grave pour la bonne réputation de la Chambre et de l'État du Québec, alors qu'il est censé être le chef, lui qui a employé le mot "putréfaction" hier. Il y a une limite. Je commence à avoir honte d'être membre de lÉtat du Québec avec un chef qui a un tel lanqage.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Lesage: M. le Président je n'endurerai pas plus longtemps les insultes d'un chef de l'Opposition indiqne.

M. Johnson: M. le Président, c'est le premier ministre qui a parlé de putréfaction cette fois.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Lesage: J'ai dit que j'étais prêt à retirer ces mots.

M. Johnson: Ah bien, dites-le.

M. Lesage: Bien oui, mais vous parlez tout le temps. J'ai le droit de retirer mes paroles. Le chef de l'Opposition me demande en grâce de les retirer. Je retire les mots "de linottes" pour les remplacer par le mot

"légères".

Reprise du débat sur la question de privilège

M. Johnson: M. le Président, au moment où j'ai fait ma motion, vous le savez, c'était pour donner suite à une question de privilège. J'avais invoqué cette question de privilège, comme le règlement me le permet, au cours d'une intervention sur un point d'ordre soulevé par le premier ministre à l'encontre de la proposition que faisait ou était en train de faire le député de Trois-Rivières.

Le député de Trois-Rivières, comme je l'ai dit et comme tout le monde le sait maintenant,. avait fait déposer une question. Vous avez, selon le droit qui vous est reconnu par l'usage et par les auteurs, demandé au député de Trois-Rivières d'essayer de modifier sa question. Il vous l'a remise non modifiée, insistant, comme c'est son droit, pour qu'elle soit inscrite au feuilleton. Il était d'avis - c'est une question d'opinion - que sa question était parfaitement conforme au règlement.

De votre côté, M. le Président, vous étiez d'avis qu'elle n'est pas conforme au règlement. Je respecte votre avis. Cependant, je soutiens que votre avis doit être donné en Chambre. L'ordre d'éliminer ou de rayer une question doit être donné en Chambre afin que les députés puissent en appeler ou non, selon le cas, de votre décision. J'avais dit à ce moment, si vous me le permettez, que certains auteurs appuyaient ma thèse. Les députés de l'autre côté m'ont demandé: Quels auteurs et, s'il vous plaît, citez-les. J'ai offert de le faire par un de mes collègues qui voudrait bien parler sur le sujet, qui est le point d'ordre soulevé par le premier ministre, et donne des autorités.

M. Gabias: M. le Président, la question est assez simple. L'article 118 donne le droit incontestable à un député de poser des questions aux ministres et aux députés et ces questions - l'article 118 le dit bien clairement - "sont inscrites au feuilleton suivant l'ordre dans lequel les avis ont été déposés". Or, j'ai donné avis en remettant ma question à qui de droit. En vertu des règlements, sans que personne puisse en empêcher la parution au feuilleton, elle devait apparaître au feuilleton. Si cette question ou ladite motion est irrégulière et illégale, les règlements permettent au greffier d'attirer l'attention de l'orateur et l'orateur peut de son chef, lui-même, dire ou penser qu'une motion est irréaulière.

M. Lesage: Sur une question de privilège, il y a à votre gauche à peu près douze députés qui fument en Chambre.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Gabias: Je disais donc. M. le Président, que le greffier peut attirer l'attention de l'orateur, ou du Président si dans son opinion la question est irrégulière ou l'avis de motion est irrégulier. De son propre chef, l'orateur peut également, si dans son opinion l'avis de motion est irrégulier ou la question est irrégulière, attirer l'attention du député et lui dire: Votre question, selon moi, est irrégulière, est illégale. Vous avez usé de ce droit, mais là se restreignait votre droit. Une fois que le député refuse de modifier ou d'amender sa question, cette question n'appartient pas au président, elle n'appartient pas au greffier. Elle appartient au député et le député a le droit de faire en sorte que cette question soit inscrite au feuilleton.

Lorsque la question est inscrite au feuilleton, le Président a le droit de déclarer cette motion ou cette question irrégulière en vertu de l'article 143 des règlements, mais pas avant ce moment. C'est tellement clair. À quoi serviraient les droits et les orivilèges des députés si, lorsqu'ils veulent poser une question au feuilleton ou lorsqu'ils veulent donner un avis de motion au feuilleton, le président n'avait qu'à dire: Votre avis de motion est irrégulier ou votre Question est irrégullière? Jamais il n'y aurait d'avis de motion et de questions au feuilleton.

Le président n'a pas le droit, de son propre chef, de refuser l'inscription au feuilleton d'une question ou d'un avis de motion. En ceci, je vous réfère à Bourinot, édition de 1884, à la page 323, questions, et je cite: "In the House of Commons, not only is a notice necessary in the case of all questions under rule 31, hut they must be limited in their terms according to rule 29. Questions may be put to ministers of the Crown relating to public affairs, and to other members relating to any bill, motion, or other public matter connected with the business of the House, in wich such members may be concerned: but in putting any such question, no argument or opinion is to be offered, nor any facts stated, except so far as may be necessary to explain the same. And in answering any such auestion, a member is not to debate the matter to which the same refers."

Les explications données, ainsi que la jurisprudence sont les suivantes: "Such questions are printed among the notices and appear on the order paper in the place allotted to them under rule 19. The Canadian practice is identical with that of the English Commons, as stated by Mr. Speaker Brand: "No argumentative matter shall be introduced, and if such matter appears, it is always struck out by the clerks at the table by the order of the Speaker." ''The clerks at the table ", M. le Président, c'est dans la

Chambre. Après "by the order of the Speaker", il y a une référence, au bas de la page, à 240, E. Hansard, à la page 646. Je continue: "It is the duty, of the clerk to point out any irregularity to the Speaker, and if the latter is of the same opinion, he will order the clerk to communicate with the member, so that he may have an opportunity of amending his notice." Et c'est ici que cela devient le plus important. "It is always within the right of a member to call attention to the matter as one of privilege, and to challenge the action of the Speaker."

M. le Président, c'est le privilège d'un député de poser des questions et que ses questions apparaissent au feuilleton. Comment voulez-vous que ce député, si sa question n'apparaît pas au feuilleton, puisse "challenge the decison of the Speaker"? Nous ne pouvons discuter une décision de l'orateur que dans cette Chambre. Nous ne pouvons faire autrement. C'est le privilège et le droit d'un député qui a une question à poser au gouvernement que cette question apparaisse au feuilleton. Le droit de l'orateur est de demander que cette question ou que cet avis de motion qui apparaît au feuilleton soit rayé si, à ce moment, il le croit irrégulier ou illégal. Alors, la Chambre qui a la seule autorité peut maintenir ou renverser la décision du président.

M. le Président, je demande que le privilège qui m'est donné de poser une question au gouvernement me soit conservé et je demande l'autorisation de lire la question qui normalement et de droit devrait apparaître au feuilleton de ce jour. Une fois que cette question aura été lue, vous pourrez rendre votre décision suivant les règlements.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, l'article 143 se lit: "Quand un avis renferme des expressions inconvenantes, contient le texte d'une motion irrégulière..."

M. Gabias: Quel avis?

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, s'il vous plaît! Si on me laisse lire...

M. Gabias: Non, mais quel avis?

M. Bellemare: Il n'y en a pas eu d'avis.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Levesque (Bonaventure): "Quand un avis renferme des expressions inconvenantes, contient le texte d'une motion irrégulière, ou est autrement irrégulier, l'Orateur peut ordonner de le modifier ou de la mettre de côté." Ceci, évidemment, explique bien l'idée qu'il y a dans les règlements de la Chambre qui laissent à l'orateur le soin, la responsabilité d'ordonner les modifications à une motion qu'il juge irrégulière. On a cité Bourinot, il y a quelques instants, et on a simplement donné lecture de la procédure ordinaire de la présentation des questions ou des motions. Mais il y a des cas où l'orateur prend connaissance d'une question qui est de telle nature qu'il n'est pas dans l'intérêt public, dans l'intérêt de la Chambre que cette question soit écrite, formulée d'une telle façon et qu'elle apparaisse comme telle sur le feuilleton.

On peut s'imaginer facilement que s'il n'y avait absolument aucun contrôle possible de la part de l'orateur, on pourrait voir écrites sur ces feuilletons toutes sortes de choses qui répugneraient à la dignité de la Chambre. C'est pourquoi on accorde à l'orateur, dans des cas particuliers, je l'admets, cette autorité de décider si telle ou telle question doit apparaître au feuilleton. Évidemment, je ne suis pas au courant du texte en question. Cependant, on me permettra de vous référer à Beauchesne - non pas à un texte de 1849 ou quelque chose - édition de 1958, page 158, article 187, paragraphe 1.

M. Gabias: Que dit l'article 187?

M. Levesque (Bonaventure): "As the Notice Paper is published by authority of the House, a notice of motion or of a question to be put to a member containing unbecoming expressions, infringing its rules, or otherwise irregular, may, under the Speaker's authority, be corrected - comme l'a dit Bourinot - by the clerks at the table."

M. Gabias: "At the table?"

M. Levesque (Bonaventure): "At the table."

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Levesque (Bonaventure): "Those alterations - on l'a encore plus clair un peu plus, loin - if it be necessary, are submitted to the Speaker or to the member who gave the notice." Et ici, je souligne, s'il y a moyen de souligner oralement. "A notice wholly out of order may be withheld from publication on the Notice Paper."

M. Lesage: C'est à l'orateur.

M. Levesque (Bonaventure): C'est à l'orateur, évidemment. Il s'agit que l'orateur décide si cette question est "wholly out of order" et si l'orateur juge qu'elle l'est, dans ce cas-là, il doit, et il l'a fait, demander qu'elle soit enlevée, qu'elle n'apparaisse pas au feuilleton. L'orateur, je crois, est allé plus loin; il a même pris soin de demander au député de Trois-Rivières de corriger la façon, je crois, dont cette question devait

être présentée.

Comme cette question n'apparaît pas sur le feuilleton, M. le Président, vous me permettrez, avec toute la déférence que je vous dois, de vous dire que vous avez agi selon l'esprit de nos règlements et que vous vous êtes appuyé sur les auteurs, en particulier Beauchesne que je viens de citer.

M. le Président: Je voudrais, premièrement, attirer l'attention du député de Trois-Rivières sur un fait: même s'il était venu me voir avec sa question rédigée sous une forme convenable, c'était trop tard pour l'inclure dans l'ordre du jour d'aujourd'hui en appendice. Et, là-dessus, j'attire son attention sur le troisième paragraphe de l'article 144: "Les délais, si un avis est remis ou déposé avant midi le samedi ou avant 6 heures du soir..."

M. Gabias: Elle a été déposée avant 6 heures.

M. le Président: Le député de Trois-Rivières avait mentionné auparavant que cela s'était produit durant la soirée. Il doit admettre avec moi que ç'a été juste avant onze heures qu'on a discuté du problème. Alors, moi, je ne suis pas au courant personnellement à quelle heure il l'a remise.

M. Gabias: Je l'ai remise avant six heures.

M. le Président: Moi, je n'avais pas connaissance de la question jusque vers 11 heures moins quelques minutes, 10 h 45. C'est vers ce moment-là que j'ai causé avec le député de Trois-Rivières. Je comprends, sur le fond de la question, que ce n'est pas expliqué clairement dans nos règlements. J'ai toujours eu l'impression que c'était la responsabilité, et non pas le privilège de l'orateur, de surveiller les avis de motions et de questions qui devraient être posées au feuilleton.

Je crois que je vais faire une étude plus approfondie sur la question et je vais essayer, si je ne suis pas capable de donner une directive à cette session, de préparer un directive explicative pour la Chambre pour la prochaine session.

Pour ce qui est rie la question du député de Trois-Rivières, ça ne peut pas, évidemment, paraître sur le feuilleton aujourd'hui. Je voudrais bien lui suggérer d'essayer de rédiger sa question pour la rendre conforme aux règlements, dans une forme que je pourrais accepter pour l'inclure au feuilleton.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Nouveau lien entre Québec et Lévis

M. Loubier: M. le Président j'aurais une question à poser au premier ministre. On annonce ce matin en primeur, dans l'Événement-Journal, Que le gouvernement provincial va accorder une aide financière permettant à la compagnie qui opère présentement les traversiers de Lévis à Québec de construire de nouveaux bateaux. Ceci écarterait définitivement la réalisation du projet de tunnel entre Lévis et Québec. Est-ce que le premier ministre peut me confirmer si cette nouvelle est bien fondée ou s'il en a eu connaissance, parce que c'est en primeur ce matin dans un journal?

M. Lesage: Je n'en ai pas pris connaissance et on ne m'en a jamais parlé.

M. Loubier: On ne vous en n'a jamais parlé. Maintenant, M. le Président, les usagers du pont de Québec...

M. Lesage: M. le Président quelle est l'urgence?

M. Loubier: Bien, M. le Président ce sont les questions du jour: on a le droit de demander au premier ministre...

M. Lesage: Non, non, il faut que ce soit une question d'urgence et une question de caractère provincial. Ce n'est pas une question à poser.

M. Loubier: M. le Président si la question du pont de Québec et du tunnel n'est pas de caractère provincial, c'est le premier ministre lui-même qui l'a dit...

M. Lesage: Je n'ai pas dit que ce n'était pas de caractère provincial, c'est l'urgence du débat qui compte.

M. Loubier: Bien, c'est assez urgent, s'il y a des travaux qui sont amorcés actuellement au pont de Québec pour un autre pont. C'est urgent puisqu'on est à les faire. C'est pour savoir si réellement on est en train de construire le deuxième pont.

M. le Président: C'est de l'ordre des questions qui devraient être posées au feuilletpn. C'est la différence entre les questions qui...

M. Lafontaine: Elle n'y apparaissent pas. Il y en a qui en Dosent, mais elles n'y apparaissent pas.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Affaires du jour. Article 5.

M. Gabias: J'avais demandé si je pouvais donner connaissance de ma question verbalement à cette Chambre. Quelle est votre décision?

M. Lesage: Non, non, non.

M. le Président: Pour les raisons que j'ai expliquées au député hier soir.

M. Lesage: No 5.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! La Chambre de nouveau...

M. Johnson: M. le Président, avant que vous appeliez les affaires du jour, je voudrais demander au premier ministre s'il a l'intention d'imprimer ou de réimprimer le bill 60, car il est actuellement épuisé, me répond-on, et il arrive que nous avons besoin de copies additionnelles.

M. Lesage: Les députés.

M. Johnson: Oui.

M. Lesage: Je l'ai demandé ce matin au ministre de la Jeunesse et il a plutôt offert de polycopier le bill 60 pour en donner une copie à chaque député.

M. Johnson: Je remercie le premier ministre. Est-ce que nous devons tenir pour acquis qu'il nous sera présenté sous sa forme actuelle ou s'il sera réimprimé et présenté sous une autre forme?

M. Lesage: M. le Président, j'ai répondu à cette question hier.

Une voix: Quand?

M. Lesage: Hier.

M. le Président: Affaires du jour.

M. Lesage: No 5.

Bill no 1 Comité plénier

M. le Président: À l'ordre, messieurs! La Chambre est de nouveau en comité plénier sur les résolutions relatives au bill no 1.

M. Johnson: Nous passons au comité plénier. J'ai le droit de demander au premier ministre s'il va répondre à la question qui est à l'ordre du jour.

M. le Président: Il n'y a pas eu de motion. C'est l'ordre de la Chambre, pas de discussion.

M. Johnson: Non, mais il y a une question no 1, une seule question. Est-ce qu'on va répondre à cette question-là?

M. Lesage: Je vais voir à cela. Je vais y penser.

M. le Président: Le comité plénier.

M. Johnson: Est-ce qu'on est en comité plénier là?

M. le Président, nous sommes sur la résolution no 1.

Étude des résolutions

M. Bédard (président du comité plénier):À l'ordre, messieurs! Résolution no 1?

M. Johnson: Non, le ministre est mieux de se préparer à éclaircir les arrangements, les termes d'abdication auxquels il a consenti à Ottawa. M. le Président, c'est l'article 7 du bill C-76 qui contient, je crois, l'essentiel ou le principal, disons, des concessions qu'on aurait obtenues d'Ottawa pour rendre ce bill non pas conforme à la constitution et à l'autonomie de la province, mais conforme à une solution de pis-aller qui permettrait, comme l'a dit le ministre dans son texte, d'éviter le pire. M. le Président, j'ai prétendu déjà en dehors de cette Chambre -et je voudrais bien le répéter devant les honorables ministres - que ce qui s'est passé à Ottawa en réalité, c'est une séance dont le but n'était pas de sauver la Confédération ou de sauvegarder l'autonomie, mais d'opérer la réconciliation au sein du Parti libéral.

M. Laporte: M. le Président je soulève une question de règlement. Si nous devons reprendre sur chacune des résolutions le débat que nous avons eu en deuxième lecture, je prétends que ça va être complètement contraire aux règlements. Nous sommes actuellement sur la résolution no 1 qui se lit comme suit: "Que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra autoriser le ministre des Affaires municipales à conclure avec l'Office du développement municipal et des prêts aux municipalités une entente..." Il s'agit de discuter quels pourraient être les termes de cette entente, s'il est possible que nous les sachions à ce moment-ci, s'il est acceptable ou non que nous signions l'entente. Je ne sache pas que nous puissions reprendre en comité sur les résolutions tous les débats qui ont duré le temps qui était nécessaire, mais qui ont duré quand même le temps d'un débat en deuxième lecture.

M. Johnson: M. le Président, le ministre des Affaires municipales a raison en partie et il peut être assuré que je n'ai pas l'intention de reprendre en détail tous les arguments qui ont déjà été donnés. Mais j'ai bien l'intention, par exemple, d'examiner scrupuleusement quels sont les termes de cette entente et de demander au ministre, quant à la partie que nous ne connaissons

pas, quels sont les termes qu'il a l'intention d'utiliser ou quelles sont les conditions qu'il a l'intention d'y incorporer. Car on sait que l'article 7, paragraphe 2, qui a scellé, comme je le disais, la réconciliation du Parti libéral, dans sa branche fédérale et sa branche provinciale, ne donne pas à la Législature beaucoup de jeu, beaucoup de latitude, parce que l'article 7, paragraphe 2, a prévu ce que doit stipuler l'entente et il y a là-dedans des stipulations qui sont, évidemment, à l'avantaqe de l'office fédéral. M. le Président, il est clair que cet article est un article de compromis. Moi, je ne pourrai jamais m'entrer dans la tête que le député de Chambly aurait insisté pour qu'on incorpore dans une loi fédérale qu'une entente entre l'office et le gouvernement provincial ou un de ses organismes doit contenir une clause comme celle que le député de Saint-Jacques a longuement discutée hier et qui est contenue au sous-paragraphe 2. Je ne peux pas croire, dis-je, que le député de Chambly, autonomiste, publiciste de l'autonomie, aurait insisté pour que l'on inclue, et je cite: "Que l'office doit avoir le droit d'inspecter, à l'occasion, toute entreprise municipale concernant laquelle un prêt a été consenti aux termes de l'entente". Il est donc clair, M. le Président, que cet article a été un article de compromis et on a fait le compromis à ce moment-là pas pour sauver la Confédération, mais pour empêcher le craquement du Parti libéral entre l'aile provinciale et l'aile fédérale. Et c'est là que j'ai un reproche à faire.

M. Laporte: M. le Président, est-ce je peux demander au chef de l'opposition qu'est-ce que M. Robarts et M. Roblin faisaient dans le sauvetage du Parti libéral? M. Lloyd et M. Bennett? M. Stanfield?

M. Johnson: Est-ce que M. Bennett était là?

M. Laporte: Non, c'est le seul qui manquait.

M. Johnson: Deuxièmement, je n'étais pas là.

M. Laporte: Est-ce que M. Robarts était là? Est-ce que M. Roblin était là? Est-ce que M. Stanfield était là? Est-ce que M. Lloyd était là?

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le ministre veut nous dire que M. Robarts a insisté pour que la loi contienne une provision à l'effet que l'office...

M. Laporte: Non, mais je ne permettrai pas au chef de l'opposition de détourner le débat. Je dis qu'ils n'étaient pas là, eux, pour sauver le Parti libéral et que son argument est faux. Il ne porte pas. Ils étaient quatre premiers ministres conservateurs là ou leurs représentants. Ils ne s'en allaient pas sauver le Parti libéral, voyons donc! Cette façon de discuter toujours en fonction d'un parti politique. Discutez donc de la loi.

M. Johnson: M. le Président, je dirai au ministre: Arrêtez d'agir en libéraux. Sovez autonomistes et on n'aura pas de problèmes. Mettez l'intérêt de la province au-dessus de l'intérêt du parti et on n'aura pas de problèmes.

M. Laporte: Rappelez-vous vos votes de 1958.

M. Johnson: M. le Président, Je dis au député de Chambly: Tenez-vous debout. vous qui avez donné le conseil à tous les députés de Québec...

M. Laporte: C'est ça, devenez personnel maintenant!

M. Johnson: M. le Président. vous avez entendu le député de Chambly parler de l'autonomie négative de M. Duplessis, parce qu'il avait dit non en 1946 à Ottawa, parce qu'il était revenu... Vous l'avez entendu faire des gorges chaudes.

M. Laporte: Maintenant, faites dévier le débat.

M. Johnson: Non, je ne le ferai pas dévier, mais je vais montrer à la face de cette province comment un autonomiste ou un soi-disant autonomiste comme le député de Chambly peut devenir, à un moment donné, un instrument de la centralisation pour sauver sa position dans un cabinet. Il n'avait qu'à démissionner, le député de Chambly, du cabinet.

M. Gabias: Un loup recouvert d'une peau de mouton!

M. Johnson: Et surtout, M. le Président, quand on entend le même homme, quand on entend le même député, ministre aujourd'hui, venir faire des gorges chaudes contre celui qui s'est tenu debout contre tous les premiers ministres du Canada et le premier ministre du Canada en 1946!

M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement. Depuis la mort de M. Duplessis, je n'en ai jamais parlé en des termes choquants. Je n'ai jamais fait de gorges chaudes sur sa politique, mais lorsque le député...

M. Gabias: Le vrai visage de Duplessis, vous n'avez pas eu le courage de le sortir

pendant sa vie; vous l'avez fait après qu'il a été mort.

M. Laporte: M. le député est encore malade?

M. Gabias: Oui, vous me donnez des haut-le-coeur.

M. Bédard (président du comité plénier):À l'ordre. Je ferai remarquer aux députés que nous ne sommes ni en deuxième lecture, ni en troisième. Nous sommes en comité où nous devons nécessairement suivre les règlements et discuter article par article soit le bill, soit les résolutions. La résolution no 1 ne semble avoir qu'un seul objet, celui de décider si, oui ou non, le lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser une entente entre la province et l'office. Alors, je ne crois pas qu'il soit le temps de discuter des mérites du passé ou des mérites des députés ou des ministres, mais de savoir si, oui ou non, nous devons autoriser le lieutenant-gouverneur à permettre une entente entre la Commission municipale et l'office fédéral.

M. Johnson: M. le Président, il y a tout de même que la vérité a ses droits dans cette Chambre. Le député vient d'affirmer une chose qui n'est pas exacte: "Depuis la mort de M. Duplessis, je n'en ai jamais parlé en termes choquants". M. le Président, il s'est empressé, dès la mort de M. Duplessis, de faire de l'argent sur la mémoire de Duplessis en publiant un volume.

M. Laporte: M. le Président, je ne demanderai même pas qu'on retire ça, mais qu'on revienne au débat.

M. Bédard (président du comité plénier): Je demande aux deux côtés de revenir au débat. A l'ordre. Il y a assez d'occasions, je crois, en dehors de ce qui se passe actuellement, alors que nous sommes en comité. Je demande: La résolution no 1 est-elle adoptée?

M. Johnson: M. le Président, nous aurons d'autres occasions de montrer le vrai visage du député de Chambly en autonomie. Le député de Chambly, M. le Président, sera obligé de montrer pas rien que son visage pour comprendre toute sa personne. Ce paragraphe 2 de l'article 7 prévoit, donc, des ententes entre le gouvernement fédéral et une province en vertu desquelles le fédéral, au lieu de prêter directement à une municipalité, prêtera plutôt à la province en question. C'est le bill C-76 qui oblige la province à faire ça. Ce n'est pas la prpvince qui consent à le faire, c'est une obligation imposée dans la loi fédérale et c'est ça qui est mauvais et oui constitue un des pires précédents. M. le Président, on a pu dans le passé avoir des ententes avec Ottawa, il fallait en avoir, il faudra encore en avoir tant que nous serons dans la Confédération, nous admettons ça. Mais c'est le bill d'Ottawa C-76 qui dit: Vous allez faire une entente. Si vous voulez faire une entente, voici d'avance ce que vous serez obligé de faire. On impose d'avance le carcan. On dit: C'est ça. C'est ça qui est de la mauvaise législation, M. le Président.

Quelques journalistes, quelques publicistes, vont dire: Il ne faut pas tirer les problèmes par les cheveux, il ne faut pas, évidemment, compliquer inutilement la vie. Seulement, on sait par expérience - le ministre devrait le savoir; le premier ministre le sait lui - comment on fonctionne non seulement à Ottawa, mais dans toute fédération, et à plus forte raison à Ottawa. Du moment qu'il y a un précédent, M. le Président, on part de ce précédent et on l'élargit et là il se trouve des planificateurs, des bureaucrates et des technocrates qui, croyant sauver le pays, trouvent et manigancent encore d'autres développements. M. le Président, je ne veux pas ouvrir le débat sur cette question, mais c'est tout simplement à titre d'exemple. Ce matin, on parle de nouveau d'une oolitique nationale de voirie. Je vous fais une prédiction, M. le Président...

Une voix: À l'ordre!

M. Johnson: Et cela me sert à justifier notre attitude sur cette résolution.

M. Laporte: Question de piastres et de sous.

M. Johnson: M. le Président je revendique vis-à-vis de l'Union Nationale, comme chef élu à une convention, autant de latitude pour exprimer l'opinion de l'Union Nationale que tous et chacun des chefs individuellement dans le passé.

M. Laporte: C'est bien clair.

M. Johnson: Nous vivons en 1963 et je dirai, M. le Président, qu'avant longtemps dans l'applicatipn de la théorie que le ministre a exposée, nous aurons à Ottawa des ententes en vertu desquelles il faudra encore aller chercher de l'argent en pliant. D'ici 5 ans, si M. Pearson et les centralisateurs restent là, nous aurons non seulement un ministère des Affaires municipales, mais un ministère de la Voirie nationale à Ottawa. Et c'est ainsi, M. le Président, que meurt l'autonomie. Une loi fédérale nous dit: Vous avez le droit d'aller chercher votre argent, mais vous devrez faire une entente. Vous avez le droit de ver ir chercher l'argent qui vous appartient

pour vos municipalités, vous avez le droit de venir chercher l'argent que nous avons perçu dans la province de Québec et qui appartient à la province de Québec, que nous avons perçu par la taxation directe, mode qui est, d'abord, prioritairement, donné aux provinces. Vous avez le droit, mais vous devrez faire une entente.

Mais on va plus loin que ça; l'entente devra contenir telles choses et ces choses, ces garanties sont en faveur du fédéral, comme cette formule de garantie qu'a expliquée clairement hier le député de Saint-Jacques. M. le Président, c'est la loi d'Ottawa qui dit que la province devra émettre des obligations. Eh bien, moi, je trouve que le premier ministre aurait dû dire: Ce n'est pas de vos affaires; on émettra des obligations, on émettra des billets, on fera une campagne d'épargne, ça ne vous regarde pas. Mais non, il a accepté que dans la loi on mette ceci: la province devra émettre des obligations.

Le seul fait que le gouvernement fédéral, M. le Président, prête l'argent au gouvernement provincial au lieu de le prêter aux municipalités, à mon sens, ne rend pas la loi tellement constitutionnelle. Le prêt fédéral est fait pour des fins municipales et, même s'il est fait à une province, M. le Président, il n'est pas constitutionnel. Et je dis plus que ça: Ni le consentement d'aucune des provinces, ni le consentement qlobal de toutes les provinces ne peut rendre constitutionnelle une loi qui ne l'est pas et qui clairement ne l'est pas. Une seule référence d'un mois à la Cour suprême aurait réglé ce cas-là, M. le Président, Pour une fois qu'on avait l'admission, d'abord, du gouvernement actuel, qu'on avait l'admission des ministres fédéraux, qu'on avait l'admission écrite d'un parti dans son programme qu'il ne procéderait pas à des plans conjoints sans le consentement des provinces. Mais, M. le Président, même avec le consentement, ces plans-là et les lois qui en découlent ne sont pas constitutionnels.

M. le Président, me serait-il permis brièvement, pour vous démontrer que le gouvernement fédéral entend s'ingérer dans les Affaires municipales, de référer à quelques dispositions qui devront être contenues dans cette entente? Premièrement, le provincial devra donner au fédéral un certificat à l'effet que les travaux municipaux rencontrent les exigences de la loi.

M. Laporte: Cela, c'est justement une concession Qu'on a eue. C'est nous qui décidons, ce n'est pas Ottawa. Vous êtes en train de tomber juste à côté de la ligne: c'est la province qui décide; ce n'est pas Ottawa.

M. Johnson: Mais la province ne peut décider qu'en conformité des définitions contenues dans la loi.

M. Laporte: Et c'est nous qui disons si c'est...

M. Johnson: M. le Président, le fédéral exige que la province de Québec exerce sa discrétion quant à la nature des travaux...

M. Laporte: C'est ça.

M. Johnson: ... quant à leur urgence, à leur importance en fonction de la création de nouveaux emplois. Elle l'exerce seulement en fonction des barèmes établis dans la loi fédérale.

M. Laporte: Vous pourriez dire, moins dramatiquement: En fonction de l'entente, tout simplement.

M. Johnson: M. le Président, deuxièmement, je l'ai dit l'autre jour, on ne peut pas prendre pour acquis que le premier ministre, le ministre des Affaires municipales ont livré, des certificats qui ne seraient pas conformes à la vérité, qu'ils vont abrier des choses qui ne devaient pas être abriées. M. le Président, l'office fédéral aura le droit d'inspecter des travaux municipaux.

Troisièmement, le provincial devra faire rapport au fédéral de la marche des travaux, de temps à autre, suivant l'entente. Quatrièmement, le provincial devra faire rapport à Ottawa du nombre d'emplois créés par les travaux. Cinquièmement, le provincial devra faire rapport à Ottawa sur le montant des obligations acquises des municipalités.

Mais en quoi ça les regarde, ça, Ottawa? Est-ce que c'est, oui ou non, l'affaire du ministre des Affaires municipales ou de la Commision municipale d'avoir des obligations ou d'autres titres des municipalités, M. le Président? Mais non, dans la loi fédérale - on a consenti à ça et c'est le compromis dont on se vante - on dit: Pour votre argent qui vous appartient, qu'on a perçu illégalement dans le Québec, cet argent que vous voulez destiner à des fins municipales, vous allez d'abord nous faire rapport sur le montant des obligations acquises des municipalités que vous avez décidé d'aider.

Septièmement, le provincial devra faire rapport au fédéral sur toute matière qu'exigera le fédéral. Le fédéral a insisté, M. le Président, pour que la loi contienne un article disant que la province de Québec, qui a une juridiction incontestable vis-à-vis des municipalités, doit faire quand même rapoort au fédéral sur toute matière qu'exigera le fédéral. Si ce n'est pas de l'inqérence, je ne comprends rien.

M. le Président, je ne sais pas si j'ai réussi à convaincre les ministres de la

différence énorme qui existe ou qui existera en vertu de l'entente visée par la présente résolution et, d'autre part, les arrangements qui nous ont permis, de débrouiller ce problème du fédéral et du provincial concernant les subventions aux universités. M. le Président, tout ce qu'il y a dans la loi fédérale concernant ce problème des universités, c'est que le ministre, avant de permettre à une compagnie de déduire 1% de plus, doit se rendre compte à sa satisfaction à lui...

M. Laporte: Ce serait bien en troisième lecture, ça.

M. Johnson: Non, mais je veux faire le parallèle... que la province fait quelque chose d'équivalent pour les universités. Dans cette loi-ci, M. le Président, dans cette résolution que vous nous demandez de voter, il faut passer une entente avec le gouvernement fédéral. Non, avec l'office.

M. Bertrand (Missisquoi): L'Office du développement municipal.

M. Johnson: Non, non, c'est l'office, M. le Président. Ce n'est pas le gouvernement, souverain dans son domaine, d'Ottawa et le gouvernement, souverain dans son domaine, de Québec qui vont faire une entente. C'est un office, un organisme nouveau d'Ottawa, créé en vertu de cette loi C-76, affecté exclusivement aux affaires municipales qui sont une juridiction provinciale, qui va faire une entente avec la province. Et plus que ça, M. le Président, cette entente-là, la province ne pourra pas la changer librement. Entre deux gouvernements souverains, on doit négocier librement. Mais là, M. le Président, le président de l'Office, un bureaucrate d'Ottawa, arrive et dit au gouvernement de la province de Québec, de l'État du Québec, souverain - ça, c'est clair dans le domaine des affaires municipales: Moi, je viens m'entendre avec vous autres; j'ai eu l'approbation du gouverneur général en conseil de le faire, mais je ne peux pas sortir des cadres qui sont établis par la loi. Je vous avertis d'avance: J'ai les mains liées. Je serai obligé d'insister pour que vous fassiez des rapports. Je serai obligé d'insister pour que les travaux soient conformes à la loi fédérale. Je serai obligé d'insister - je n'ai pas le choix, la loi C-76 le dit - pour avoir le droit d'inspection et ainsi de suite.

C'est ça qui constitue, à mon sens, le précédent le plus mauvais, le plus dangereux et le plus destructeur dans un domaine qui nous concerne. Je le répète. Non seulement nous allons consentir, en vertu de la résolution 1 du bill no 1, à changer avec Ottawa, mais nous allons consentir à changer avec un office de bureaucrates à Ottawa. Et, là, quand nous serons devant eux, nous ne serons pas libres de négocier; nous serons obligés d'accepter les conditions imposées par le bill C-76. C'est ça qui constitue, à mon sens, le pire accroc et le plus mauvais règlement qu'on ait jamais pu adopter.

M. le Président, quand on vote une loi dans la province de Québec, quand on vote un bill comme celui qu'on nous reproche, celui de 1958 et celui de 1960, on peut, l'année suivante, à la session régulière ou à la session spéciale, avec ou sans indemnités, amender notre loi, changer notre affaire, réorienter notre politique. Une nouvelle équipe qui entre peut le faire, M. le Président, et le gouvernement actuel l'a fait. Mais quand on s'est embrigadé dans une entente dont une bonne partie était imposée par la loi fédérale, quand on s'est engagé à faire affaires non pas avec le gouvernement, mais avec un office du fédéral, je dis qu'on n'est pas seulement à genoux devant Ottawa, mais qu'on est couché devant les bureaucrates d'Ottawa. Et c'est ça qu'une province souveraine ne peut pas endurer, M. le Président.

Je ne veux pas reprendre tout le débat. Mais je vais entendre le ministre tantôt - ça va m'éviter de me relever - dire: C'était tout ce qu'il fallait faire, tout ce qu'on pouvait faire pour sauver l'essentiel, afin que nos gens ne paient pas pour des travaux dans les autres provinces sans avoir le bénéfice d'obtenir des prêts. M. le Président, sur une base temporaire, avec une rédaction modifiée, peut-être aurions-nous accepté de régler un problème, mais jamais avec une rédaction pareille, avec une limitation aussi...

M. le Président, je vous demande de rappeler le premier ministre à l'ordre.

M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, il y a un caucus là.

M. Bédard (président du comité plénier):À l'ordre, messieurs!

M. Bertrand (Missisquoi): À l'ordre là, à vos sièges!

M. Bédard (président du comité plénier):À l'ordre, messieurs! Résolution no 1.

M. Johnson: Le premier ministre dit que la conférence est plus importante que le sujet du bill. C'est bien certain.

M. Lesage: Non, non.

Une voix: Qu'est-ce que dit le chef de l'Opposition?

M. Johnson: Non. Ah bon! L'intérêt de parti et les problèmes de parti, c'est toujours plus important pour les libéraux que l'autonomie de la province...

M. Bédard (président du comité plénier):À l'ordre.

M. Johnson: Mais la preuve n'a pas été faite, du moins à la satisfaction de cette Chambre et certainement pas à la satisfaction de l'Opposition, qu'on a pris tous les autres moyens. Le ministre le sait, nous sommes un peu prévenus et la population est un peu prévenue...

M. Laporte: J'attends encore qu'on me suggère les autres moyens...

M. Johnson: ...contre les affaires de famille libérales. La population de la province a été trompée une fois. Elle a pavé cher son droit de rester autonome. Il n'a pas été démontré à la satisfaction de la province qu'on a utilisé les autres moyens pour régler ce problème. Je n'y reviendrai pas. Plusieurs solutions ont été suggérées tout simplement sous forme d'ébauches...

M. Laporte: Lesquelles? J'aimerais ça que vous reveniez précisément sur ça. Quelles solutions ont été suggérées de l'autre côté?

M. Lesage: Plusieurs, M. le Président.

M. Laporte: Plusieurs! Cela va prendre un peu de temps, mais énumérez-les donc.

M. Johnson: Un office provincial du crédit...

M. Laporte: Bon, d'accord.

M. Johnson: ...qui aurait pu être préparé depuis trois ans.

M. Laporte: Ah! Et puis depuis seize ans.

M. Johnson: Ce n'est pas parce qu'il n'était pas préparé deouis seize ans qu'il ne fallait pas le préparer depuis trois ans.

M. Laporte: On travaille.

Une voix: On est en train de le préparer là.

M. Johnson: Ah bon! On le commence là, après trois ans.

M. Laporte: Après trois ans, après les travaux d'hiver.

M. Johnson: M. le Président...

M. Laporte: Chaque chose vient à son heure.

M. Johnson: ...il y a un ultimatum du premier ministre qui est pendant sur la tête d'Ottawa qui demande 25%...

M. Laporte: Cela, c'est à l'automne. Ce n'est pas notre bill.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre a désespéré de pouvoir avoir une réponse favorable à son ultimatum et c'est pour ça qu'il se plie? Ou bien est-ce qu'il ne fournit pas au gouvernement fédéral, quel qu'il soit, un argument additionnel pour qu'au mois d'avril prochain on ne se rende pas à l'ultimatum du premier ministre de la province de Québec parce qu'on aura aidé la province de Québec? On se sera engagé, on sera endetté, mais Ottawa aura emprunté davantage pour aider, diront-ils, la province de Quéhec et ce ne sera pas raisonnable.

M. Lesage: Est-ce une Question que le chef de l'Opposition pose?

M. Johnson: M. le Président, c'est le ministre qui m'a demandé...

M. Lesage: Est-ce que le chef de l'Opposition m'a posé une question''

M. Johnson: Bien, si le premier ministre veut prendre ça comme une question, qu'il le fasse.

M. Lesage: Mais oui. Il est certain que l'adoption du bill no 1 oui, je l'espère, pourra se faire dans le cours de la journée, n'entravera en aucune façon les possibilités d'obtenir, lors de la conférence fédérale-provinciale de novembre, ce que j'ai demandéau gouvernement fédéral au point de vue fiscal. M. le Président, nous sommes sn comité après tout et il me semble qu'on devrait s'en tenir à la résolution que nous étudions. Tout le monde sait, le chef de l'Opposition le premier, qu'une nouvelle conférence fédérale-provinciale doit avoir lieu au mois de novembre et qu'à ce moment-là nous discuterons de la question fiscale. Il me semble qu'il y a lieu de s'en tenir à la résolution et je ne sais pas, mais est-ce qu'on ne pourrait pas tenter, tous ensemble, de faire notre possible pour avoir un ton moins acrimonieux? Je confesse, oui. oui, je confesse ma responsabilité et j'espère que d'autres le feront.

M. Bertrand (Missisquoi): Si c'était rien que le ton, mais il y a le vocabulaire.

M. Lesage: Je confesse que j'ai mes torts, mais il y en a d'autres qui les ont aussi.

M. Bertrand (Missisquoi): Jugez de votre cas.

M. Bellemare: M. Bennett, de la Colombie-Britannique, a manifesté le désir d'en avoir un.

M. Lesage: D'en avoir un. Il l'a fait publiquement, alors là...

M. Bellemare: Qu'il fasse le nécessaire.

M. Lesage: Maintenant, j'ai échangé une correspondance assez volumineuse avec M. Diefenbaker - comme on s'en souvient, cette correspondance a été déposée au cours de la dernière session et de l'autre session - au sujet de l'établissement pas d'un fonds, mais d'un système de pension. Le premier ministre du Canada me demandait alors de consentir à un amendement constitutionnel à 94A pour permettre à Ottawa d'ajouter au plan de pension qu'il avait l'intention d'établir dans le même sens que le gouvernement actuel les bénéfices pour les dépendants, les conjoints et les dépendants.

M. Bertrand (Missisquoi): Et les survivants.

M. Lesage: Et les survivants, c'est ça. Alors, j'ai toujours refusé de consentir en disant que je désirais d'abord savoir exactement de quoi il s'agissait. Je n'ai jamais pu le savoir. Le 20 juin, quand M. Pearson a pris le pouvoir, je lui ai écrit et je lui ai rappelé la... Non, pardon, c'est M. Pearson qui m'a écrit le 20 juin, c'est ça. J'ai la lettre ici en main. Elle a été déposée lors de la dernière session. Dans cette lettre, il m'exposait avec assez de détails ce que serait le régime de retraite qu'il proposait, mais il n'y avait pas de chiffres; c'étaient simplement des principes assez généraux...

M. Johnson: Et pas de transférabilité.

M. Lesage: Non, non. C'était l'établissement d'un système national.

M. Johnson: Alors, il n'est pas question de...

M. Lesage: Il n'est pas question de transférabilité. Alors, je lui ai répondu, le 27 juin, pour lui dire toutes mes objections et je lui ai dit: "Je demande avec insistance qu'aucun projet de loi sur cette question ne soit étudié au Parlement du Canada avant la tenue de cette conférence." Il me disait qu'il y aurait une conférence fédérale-provinciale sur le sujet.

M. Johnson: Quelle date, cette lettre-là?

M. Lesage: Le 27 juin. Je l'ai déposée ici à la fin de juin.

M. Bellemare: Mais vous dites qu'il y en a une du 16 août.

M. Lesage: Bien oui, mais je commence par le mois de juin.

M. Bellemare: Ah oui, c'est bien. Excusez-moi.

M. Lesage: Je lui disais: "Je suis d'avis que ce sujet doit autant que les autres sinon plus, donner lieu à des échanges de vues entre les divers secteurs de gouvernement au Canada. J'ai certaines réticences à formuler sur le régime de retraite national que votre gouvernement veut mettre de l'avant, ainsi que sur ses implications. Je compte le faire au moment de la conférence suggérée, tout en vous informant alors plus précisément des projets du Québec en ce domaine. "Aussi, je demande avec insistance qu'aucun projet de loi sur cette question ne soit étudié au Parlement du Canada avant la tenue de cette conférence. Autrement, les provinces se trouveraient devant un fait accompli, ce qui n'est certainement pas l'objectif visé. "Nous entrons, au Canada, dans une période où seules les consultations fréquentes feront naître l'esprit de coopération et de collaboration essentiel au respect des juridictions propres des provinces et du gouvernement central. Toute action unilatérale dans des domaines intéressant à la fois votre gouvernement et celui des provinces ne serait pas de nature à favoriser l'entente nécessaire. "Le chef de l'Opposition m'a demandé que copie de la correspondance que nous avons échangée sur ce sujet soit déposée en Chambre. J'ai l'intention de le faire mardi prochain." C'est ce que j'avais fait.

Et là, eh bien, est arrivée la convocation de la conférence pour - je n'ai pas le droit d'en parler, je vais juste le mentionner - le projet de loi C-76. Là, nous avons discuté de la correspondance échangée sur ce point de vue. Et lorsque M. Pearson m'a écrit pour me convoquer à la conférence - ou m'a télégraphié, je ne sais trop - sur le bill C-76, il avait inscrit comme deuxième article à l'ordre du jour le projet fédéral de pension de retraite.

Durant la conférence - tout le monde l'a vu dans les journaux - je me suis opposé très sérieusement à l'établissement d'une caisse nationale et j'ai déclaré officiellement que le Québec se préparait à établir, dans un bref délai, une caisse publigue et universelle de retraite pour la province.

M. Bellemare: Est-ce que, dans l'avis que vous avez reçu, c'était réellement notifié?

M. Lesage: Oui, oui, j'étais avisé.

M. Bertrand (Missisquoi): Par la Gazette officielle.

M. Lesage: Je vais faire venir M. Pigeon tout de suite là.

M. Johnson: M. le Président, c'est ce que j'avais à dire sur le bill no 1 auquel je m'oppose, évidemment, avec toute la vigueur dont je suis capable et qui, à mon sens, marque un précédent, au vrai sens du mot, dont on n'a aucun exemple, certainement pas du temps de l'Union Nationale et je doute même qu'on n'en ait aucun qui remonte même avant l'Union Nationale, première période, deuxième période.

M. Laporte: M. le Président, d'abord, pour répondre au chef de l'Opposition, je confesse que je ne ferais que répéter des choses que j'ai déjà dites au moins à deux reprises en deuxième lecture et en réplique. Alors, pour limiter la durée du débat, je m'en remets à ce que j'ai déjà déclaré et je propose l'adoption de la résolution no 1 telle qu'amendée pour qu'on dépose...

M. Bédard (président du comité plénier): Résolution no l, adopté, sujet à l'amendement suggéré par le premier ministre. Résolution no 2.

M. Johnson: M. le Président, la résolution no 2 concerne les emprunts, évidemment, elle est adoptée, M. le Président, sur division à Dart cela.

M. Lesage: Oui, sur division. J'ai fait venir M. Pigeon et je vais faire rédiger...

M. Johnson: La résolution no 1 est adoptée sujet à une nouvelle rédaction que le premier ministre nous promet pour tantôt, prévoyant qu'il y aura publication dans la Gazette officielle et dépôt en Chambre de ' l'entente. Deuxièmement, nous en sommes maintenant à la résolution no 2 qui concerne les emprunts. Je voudrais qu'on inscrive aussi qu'elle est adoptée, mais sur division, cette résolution no 1, et je demanderais au député de Saint-Jacques de poser des questions.

M. Laporte: Sur la résolution no 2?

M. Dozois: M. le Président, la résolution no 2 apporte un amendement à la Loi de la Commission municipale. Si je comprends bien, l'objet de cette résolution est d'autoriser la Commission municipale à faire des prêts aux municipalités et à fournir à l'Office du développement municipal d'Ottawa les obligations pour les prêts qu'Ottawa fera à la Commission municipale en vue de faire elle-même des prêts aux municipalités.

Dans le deuxième paragraphe, M. le Président, on dit: "À ces fins, la commission peut émettre des obligations ou autres titres et en fixer la forme, le montant, l'échéance, le taux d'intérêt et les autres conditions, consentir aux municipalités des prêts et en fixer la forme, le montant, l'échéance, le taux d'intérêt et les autres conditions".

M. le Président, j'estime que les municipalités devraient être assurées que la Commission municipale ne fixera pas un taux d'intérêt supérieur à celui que la commission paiera.

M. Laporte: À celui de?

M. Dozois: ...que la Commission municipale paiera pour des prêts qu'elle obtiendra de l'office. Tel que c'est rédigé, disons que la commission obtient des prêts de l'office municipal d'Ottawa à un taux de 5%; rien ne l'empêcherait de fixer elle-même le taux qu'elle chargera aux municipalités à 5 1/4% ou à 5 1/2% sous prétexte de payer, disons les dépenses qui sont occasionnées à l'office.

M. Lesage: M. le Président, si l'on veut bien se référer à la loi fédérale article 7 paragraphe 2c) on verra que l'entente à être signée entre Québec et Ottawa devra nécessairement, ppur observer la loi fédérale, donner aux municipalités la garantie que demande le député de Saint-Jacques.

M. Dozois: Bien, je ne le sais pas.

M. Lesage: C'est clair.

M. Dozois: C'est que les prêts accordés par l'office dans le cadre de l'entente vont être accordés à la province.

M. Lesage: Sous le régime de l'entente, de l'office à la province. Par conséquent...

M. Dozois: Les prêts de l'office vont être faits à la province.

M. Lesage: C'est ça, selon les modalités, aux conditions et au taux d'intérêt applicable à un prêt ccnsenti.

M. Dozois: Oui, ça veut tout simplement dire, M. le Président, que les prêts remboursés par la province à l'office devront être faits selon les modalités et les taux d'intérêt fixés par l'office aux autres municipalités qui sont situées dans des provinces où il n'y a pas d'entente. Cela veut dire que, si l'office décrète dans une année quelconque...

M. Lesage: Laissez-moi expliquer ce point-là. Je ferai venir M. Pigeon et je vais lui demander ce qu'il en pense. Prenez l'autre point.

M. Gagnon: J'aurais une question à poser. Est-ce qu'il pourra aussi garantir qu'il obtiendra de l'office fédéral que l'intérêt des prêts aux municipalités ne dépassera pas celui que les municipalités paieraient si elles venaient elles-mêmes sur le marché des obligations?

M. Laporte: Enfin, il a été établi que dans l'immense, dans la presque totalité des cas...

M. Lesage: Non, la totalité des cas.

M. Laporte: ...dans la totalité des cas, ça va être moins cher. Cela va être un taux sensiblement inférieur ou inférieur au taux des obligations qu'elles vendent habituellement sur le marché.

M. Lesage: Il suffit de connaître le marché. D'ailleurs, je pense bien que si le député le demandait au député de Saint-Jacques, il pourrait le lui confirmer. Tout le monde sait que l'institution gouvernementale qui peut emprunter au plus bas taux d'intérêt, aux meilleures conditions au Canada, c'est le gouvernement fédéral. Une des raisons pour lesquelles nous tenons à pouvoir emprunter pour pouvoir reprêter aux municipalités, c'est que nous pourrons emprunter et reprêter aux municipalités à un taux inférieur à celui auquel même le gouvernement provincial peut emprunter.

M. Gagnon: Ce que le premier ministre vient de dire, évidemment, c'est vrai, mais c'est parce que je me rappelle que la Société centrale d'hypothèques prêtait à 6% et pourtant c'était le gouvernement fédéral.

M. Lesage: Non, ici, il est bien dit dans la loi fédérale, si on lit le bill C-76 -mais le député ne l'a pas lu - que le gouvernement fédéral doit prêter au taux courant, plus un maximum de 1/4%. Ainsi, par exemple, ce matin, les obligations du CNR échéant en 1983, juste 20 ans - je prends un exemple qui s'applique en 1983 -avaient un rendement de 5.17%. Cela veut dire que le maximum que paierait une municipalité serait 5.17%, plus un maximum de 1/4%, ce qui ferait 5.34%. Alors, à 5.34%, il n'y a aucune municipalité dans la province de Québec qui, même avec la garantie de la province, pourrait emprunter à ce taux-là, à ce moment-ci, pour 20 ans.

Une voix: Combien paient-ils"'

M. Lesage: La province du Nouveau-Brunswick, hier, a emprunté $7,500,000 à 5.5% à 96 3/4. Je pense que j'ai cela dans mes poches, excusez-moi.

M. Johnson: Le premier ministre est à négocier un autre emprunt. Alors, il se tient au courant.

M. Lesage: Non, mais j'ai toujours cela dans mes poches. Qu'est-ce que vous voulez, c'est mon devoir comme ministre des Finances!

M. Johnson: Il est toujours en train d'emprunter, d'ailleurs.

M. Lesage: 5.5% à 96 3/8, ce qui fait un rendement de 5.78% et un ccût de 5.87%.

M. Johnson: Des municipalités récentes, le premier ministre en a-t-il?

M. Lesage: Je n'en ai pas ici. J'ai le provincial, c'est ça qui est important. Les municipalités sont à plus que 6%. Le coût, à l'heure actuelle, aux municipalités est à plus que 6%. Je ne parle pas nécessairement de Montréal.

M. Gagnon: Est-ce que l'honorable ministre des Affaires municipales prévoit aussi que dans des endroits où l'économie est au ralenti, disons, comme la Gaspésie, cela sera possible aux municipalités d'avoir, je dirais, un traitement de faveur en ce qui concerne l'intérêt ou si l'intérêt sera partout semblable? Il est entendu que si l'on paie un intérêt semblable, la ville de Montréal va bénéficier d'un traitement beaucoup plus avantageux que les endroits comme la Gaspésie où l'économie se fait au ralenti à un degré énorme.

M. Laporte: Nous avons tous compris que l'intérêt que nous courrions exiger ne devrait pas être supérieur au taux courant des obligations fédérales, plus un quart.

M. Gagnon: Mais partout dans la province?

M. Laporte: Dans toute la province, ça va être uniforme. Si nous avons plus de demandes que nous n'en pouvons accepter, nous verrons, selon la situation financière, l'état économique des régions, à aider davantage celles qui en ont le plus besoin. Le taux de l'intérêt sera le même dans toute la province.

M. Bédard (président du comité plénier): No 1, adopté?

M. Dozois: Non, un instant.

M. Lesage: C'est sujet à l'amendement. Lorsque la résolution no 2 a été appelée, le député de Saint-Jacques a soulevé la question, à savoir si la loi pouvait donner une garantie que la province ne prêterait pas aux municipalités à un taux plus élevé

qu'elles ne payaient. Alors, j'ai fait venir M. Pigeon et j'ai parcouru rapidement la loi fédérale pour savoir s'il y avait cette exiqence dans la loi fédérale et je ne l'ai pas trouvée. Nous pouvons l'adopter sujet à cela. Le fédéral, dans sa loi, n'a pas imposé à la province l'obligation de prêter l'argent qu'elle recevait au même taux. La loi fédérale ne l'impose pas. Nous pouvons, nous, l'imposer dans notre loi.

M. Dozois: Certainement. C'est pour cela que j'ai soulevé la question.

M. Lesage: Si on avait voulu nous l'imposer, évidemment, je m'y serais opposé parce que cela ne regarde pas le fédéral. C'est nous que ça regarde.

M. Dozois: Je pense que c'est une décision que la Législature peut prendre.

M. Lesage: Certainement. Je suis d'accord et nous allons... Malheureusement, on voudra bien constater que, par une erreur d'impression, l'article 91 n'est pas reproduit au complet. Il n'y a que deux paragraphes alors que l'article 91 a trois paragraphes. Ah! Il est de l'autre côté. Excusez-moi.

M. Dozois: Ah! Cela m'évite de poser la deuxième question que je voulais poser.

M. Bédard (président du comité plénier): Adopté, sujet à la rédaction des deux articles.

M. Dozois: Une minute, s'il vous plaît;

M. Bertrand (Missisquoi): Le ministre pourrait-il nous dire si l'article 10 du bill C-76 s'appliquera aux prêts également? Autrement dit, si le prêt est d'un montant de $5 millions ou plus, l'office devra obtenir à ce sujet l'approbation du gouverneur en conseil, c'est-à-dire du Parlement canadien.

M. Lesage: Non, pas le Parlement.

M. Bertrand (Missisquoi): Du gouvernement canadien.

M. Lesage: Cela ne s'applique pas du tout à la province, c'est bien spécifié. C'est du droit statutaire, c'est limitatif. Avant de consentir à une municipalité sous le régime de la présente loi et non pas à une province...

M. Dozois: Est-ce qu'en vertu de la loi, M. le Président, la province ne doit pas quand même faire rapport de tous les prêts qu'elle consentira parce qu'elle doit identifier les entreprises municipales? Alors, disons, par exemple, que la province veut prêter à la cité de Montréal pour la construction du métro $50 millions.

M. Lesage: $50 millions? Ils m'ont dit que c'était $17 millions.

M. Dozois: Admettons. $50 millions pour la construction du métro. Or, la province, en vertu de l'entente - c'est ce que j'ai compris de l'article 7 - doit soumettre à Ottawa le genre d'entreprise et faire rapport.

M. Lesage: Donner son certificat.

M. Dozois: Son certificat à l'effet qu'il y a une entreprise de $50 millions.

M. Lesage: C'est ça.

M. Dozois: Lorsqu'Ottawa, l'office verra qu'il y a effectivement un prêt de $50 millions, donc dépassant, comme le prévoit l'article 10, $50 millions, est-ce qu'ils ne seront pas obligés de soumettre ce prêt ou de faire approuver cette entreprise au gouverneur en conseil?

M. Lesage: Mon conseiller juridique, M. Pigeon, qui est à mes côtés, confirme l'opinion que je viens de donner à l'effet que la réponse est négative, que c'est du droit statutaire qui doit être interprété de façon restrictive. Lorsqu'on dit "consentir à une municipalité", il ne s'agit pas d'un prêt consenti à une province en vertu de l'article 7, paragraphe 1.

M. Bédard (président du comité plénier): Adopté?

M. Johnson: M. le Président. le regrette...

M. Lesage: J'ai plus confiance en M. Pigeon qu'au chef de l'Opposition.

M. Johnson: J'ai plus confiance au texte de loi qu'à tous les Pigeon qu'on pourra m'apporter, M. le Président. Le texte de la loi est clair.

M. Lesage: Qui insulte, là?

M. Johnson: Il n'est pas question d'insulte.

M. Lesage: Non, c'est un rêve!

M. Johnson: Je dis: Sauf tout le respect que je dois à M. Pigeon.

M. Lesage: Ce n'est pas ça que vous avez dit.

M. Johnson: C'est ce que j'ai dit, M. le Président. Alors, là, le premier ministre a

encore... Qu'est-ce que vous voulez? J'aime mieux le texte de la loi qui dit clairement, aux deux premiers paragraphes: Permet au gouvernement de la province ou à son organisme de consentir des prêts aux municipalités sises dans la province relativement à des entreprises municipales selon les modalités et les conditions - ce sont, donc, toutes les modalités et toutes les conditions c'est ça - applicables à des prêts accordés par l'office à des municipalités. On dit: La province devra faire vis-à-vis des municipalités et d'Ottawa exactement tout ce qui doit être fait par l'office. Or, l'office doit... Ce sont les conditions, M. le Président, je regrette... Je voudrais bien avoir la même opinion, M. le Président, c'est sous l'en-tête Prêts aux municipalités.

M. Lesage: Qu'est-ce que ça peut faire quand bien même ça irait devant le gouverneur en conseil?

M. Johnson: Bien, qu'est-ce que ça peut faire?

M. Lesage: M. le Président, qu'est-ce que ça peut faire?

M. Johnson: Pour prêter $5 millions de notre argent.

M. Lesage: M. le Président...

M. Johnson: C'est moi qui ai la parole.

M. Lesage: Non, non, je regrette, on m'a posé une question et je réponds. D'un côté, le chef de l'Opposition se plaint qu'au lieu d'avoir affaires au gouvernement canadien, on va avoir affaires à un office. Quand il interprète mal la loi pour prétendre que, dans le cas d'un prêt de $5 millions et plus, on fera affaires avec le gouvernement, il se plaint encore. Je ne comprends pas très bien sa logique. De plus, même si on devait donner au texte son interprétation, qu'est-ce que ça peut faire que ce soit le gouverneur en conseil au lieu de l'office? Qu'est-ce que ça change?

M. Dozois: Si c'est sujet à l'approbation du gouverneur en conseil, le gouverneur Dourrait peut-être le refuser, alors.

M. Lesage: Justement, le chef de l'Opposition craint l'office, les bureaucrates d'Ottawa. Il dit que ce serait bien mieux de faire affaires avec le gouvernement. Puis, là, on dit que le gouvernement peut refuser, que l'office peut refuser.

M. Bertrand (Missisquoi): C'est là le problème.

M. Johnson: M. le Président, je pense que ça va être mieux de régler. Le premier ministre dit: Qu'est-ce que ça peut faire? C'est justement là qu'on ne s'entend pas, c'est justement là une question de mentalités dans un domaine qui nous appartient. Qu'est-ce que ça peut faire qu'on aille demander la permission à Ottawa ou non pour prêter $5 millions à une municipalité en particulier?

M. Lesage: On ne pose pas une question; on donne notre certificat.

M. Johnson: Il faut avoir l'autorisation du gouverneur général et on sait que l'autorisation que donnera le gouverneur général en conseil à la province de Québec pour prêter plus de $5 millions à une municipalité est sujette, évidemment, à la discussion publique au Parlement d'Ottawa. On peut se ramasser dans une situation telle qu'un député de n'importe quelle couleur à Ottawa fasse déposer l'arrêté ministériel qui aura autorisé Québec à prêter plus de $5 millions à une municipalité déterminée et là on soulèvera un débat en disant que nous n'avions pas d'affaire à prêter $5 millions à une municipalité en particulier.

C'est ça, l'autonomie, M. le Président! Je ne veux pas soumettre les actes de la province de Québec ou d'aucun de ses ministères à la discrétion du gouverneur général en conseil, ni encore moins, à la discussion du Parlement fédéral, des députés de tout le reste du Canada qui auront le droit de le faire. Et c'est là qu'est la fine pointe de la distinction qu'un centralisateur ne comprend pas et que ceux qui comprennent dans le Parti libéral sont attachés par l'esprit de parti ou aveuglés par celui-là.

M. Lesage: M. le Président, j'ai guetté la Galerie de la presse; là, c'est l'heure...

M. Bertrand (Missisquoi): Voyons donc!

M. Bédard (président du comité plénier): à l'ordre, messieurs. À l'ordre!

M. Johnson: J'invoque le règlement, M. le Président.

M. Lesage: Bien voyons! Je voudrais bien être capable de répondre au chef de l'Opposition.

M. Johnson: J'invoque le règlement. Le premier ministre vient de parler de la Galerie de la presse. Le premier ministre veut savoir pourquoi j'attends que M. Thivierge soit là? Pour lui demander, devant lui, qu'il rétracte ce qu'il a écrit ce matin au sujet des députés à $100 l'heure. Comme j'ai vu qu'il n'y était pas, je n'ai pas jugé à propos de le faire.

M. Lesage: Je m'excuse.

M. Johnson: $100 par jour.

M. Lesage: En tout cas, je ne continue pas, je pourrais. Voici, je viens de consulter de nouveau M. Pigeon qui donne la même interprétation que celle que j'ai donnée. Quand le chef de l'Opposition dit que ces questions peuvent être discutées à la Chambre des communes, évidemment, elles peuvent l'être. C'est clair qu'elles peuvent l'être, même si le prêt est consenti à la province par l'office parce qu'il s'agit de déboursés d'argent du Parlement fédéral, du gouvernement fédéral qui sont sujets à l'examen des députés de la Chambre vis-à-vis de la province de la même façon que les députés de l'Opposition ici, dans cette Chambre, ne consentiraient pas à renoncer à leur droit d'examiner les avances d'argent que nous faisans pour le prêt agricole. C'est la même chose, c'est le droit fondamental, c'est le fondement même de notre système démocratique constitutionnel. C'est évident, on ne peut pas contester cela. Imaginez-vous ce qui arriverait si je voulais contester à l'Opposition le droit d'examiner les prêts agricoles. C'est la même chose. C'est tellement fondamental et tellement élémentaire.

Maintenant, pour ce qui est des suggestions du député de Saint-Jacques, M. le Président, à la résolution no 1...

M. Johnson: À la résolution no 1, oui.

M. Lesage: ...on ajouterait le paragraphe suivant: "Une entente conclue en vertu du présent article doit être publiée dans la Gazette officielle de Québec et elle doit aussi être déposée à l'Assemblée législative dans les dix premiers jours de la session suivante de la Législature."

M. Johnson: Dans la Gazette officielle.

M. Lesage: Bien, on m'a demandé et la Gazette officielle et...

M. Johnson: Oui, mais dans quel délai?

M. Lesage: C'est tout de suite. Quand on ne dit pas quand, c'est toujours tout de suite. Les lois ne disent jamais quand.

M. Johnson: Hier.

M. Lesage: Il y a des gens qui, pour dire tout de suite, disent hier. "La commission doit - troisième paragraphe de la résolution no 2 - lorsqu'elle a consenti un prêt à une municipalité avec des deniers empruntés de l'Office du développement municipal et des prêts aux municipalités, accorder à cette municipalité une remise correspondant à celle qui peut lui être accordée par l'office et elle ne peut exiger un taux d'intérêt plus élevé que celui qu'elle est tenue de payer à l'office."

Alors, je propose ces deux amendements-là.

M. Bédard (président du comité plénier): Résolution no 2 adoptée telle qu'amendée?

M. Johnson: Sur division.

M. Bédard (président du comité plénier): Adopté. M. le Président, le comité a adopté avec des amendements les résolutions relatives au bill no 1.

M. Johnson: Il n'y a pas d'amendements.

M. Bédard (président du comité plénier): Oui, avec amendements.

M. le Président: M. Laporte propose que les résolutions soient maintenant lues et agréées.

M. Johnson: Vote.

M. le Président: Qu'on appelle les députés.

À l'ordre, messieurs! Que tous ceux qui sont en faveur de l'adoption des résolutions concernant le bill no 1 veuillent bien se lever!

Le Greffier adjoint: MM. Lesage, Lapalme, Bédard, Lalonde, Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice) Arsenault, Saint-Pierre, Cliche, Dionne, Brown, Bertrand (Terrebonne), Pinard, Levesque (Bonaventure) Laporte, Fortin, Parent, Binette, O'Reilly, Turpin, LeChasseur, Roy, Meunier, Harvey, Morissette, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Laroche, Boulais, Coiteux (L'Assomption), Crépeau, Fournier, Thibeault, Théberqe, Dallaire, Lacroix, Kennedy, Baillargeon, Bisson, Hébert, Mailloux, McGuire, Godbout, Dupré, Martin, Hanley.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Que tous ceux qui sont contre veuillent bien se lever!

Le Greffier adjoint: MM. Johnson, Talbot, Élie, Dozois, Bertrand (Missisquoi) Bellemare, Ducharme, Johnston, Boudreau, Lafontaine, Gabias, Guillemette, Russell, Gosselin, Lizotte, Raymond, Charbonneau, Loubier, Gagnon, Cloutier, Gauthier, Lavoie (VVolfe).

Le Greffier: Pour: 48 Contre: 22 Yeas: 48 Nays: 22

M. le Président: La motion est adoptée.

Les résolutions sont adoptées. Affaires du jour.

M. Lesage: En comité sur le bill.

M. le Président: M. Laporte propose que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité...

M. Johnson: M. le Président, à la reprise de la séance...

M. Lesage: Non, non, voici, c'est parce qu'on va rapporter immédiatement. On va suspendre la séance. Le président n'aura pas besoin de revenir en Chambre.

M. Johnson: Cela évitera au président de s'habiller.

M. le Président: M. Laporte propose que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité plénier sur le bill no 1. Est-ce que cette résolution est adoptée? Adopté.

Etude article par article

M. Bédard (président du comité plénier): Bill no 1, article 2, adopté?

M. Lesage: Une heure.

M. Bédard (président du comité plénier):

La séance est suspendue.

M. Lesage: À deux heures quarante-cinq.

M. Johnson: D'accord.

(Reprise de la séance à 2 h 45)

M. Bédard (président du comité plénier): Bill no 1, article 2?

M. Bertrand (Missisquoi): M. Alma va être ici dans la seconde. Une question en attendant. D'où vient l'idée de mettre "il peut autoriser ou obliger le ministre"?

M. Lesage: Voici, ça a été longuement discuté.

M. Bertrand (Missisquoi): Cela me surprend que le lieutenant-gouverneur en conseil soit obligé de donner des ordres étant donné que le ministre est membre du cabinet et qu'il se donnerait un ordre. Alors, est-ce que le ministre pourrait nous expliquer "peut autoriser ou obliger le ministre"?

M. Laporte: Je dois dire au député de Missisquoi que lorsque j'ai vu également la rédaction, j'ai eu exactement la même réaction.

M. Lesage: Ce n'était pas comme ça dans l'élection.

M. Laporte: Cela a été modifié pour deux choses. Il s'agit d'abord de règlements et, deuxièmement, si nous n'avions pas mis cela, il faut que ce soit l'un ou l'autre. C'est parce que, dans certaines lois, on dit "doit" et dans d'autres "peut". Il ne s'agit pas d'obliger le ministre à faire quelque chose, mais de pouvoir mettre dans les règlements que le ministre peut, à sa discrétion, faire telle ou telle chose et le ministre doit. Alors, les deux verbes sont là pour cela. Il est arrivé certains cas où l'Opposition a dit: Vous devriez mettre "doit" plutôt que "peut". Alors, c'est pour ça que c'est là.

M. Lesage: C'est pour une réglementation.

M. Bertrand (Missisquoi): Je pensais qu'on pouvait mettre le mot "oblige" lorsque l'on s'adresse à la Commission municipale de Québec et je suis surpris que l'on dise que le lieutenant-gouverneur en conseil - le ministre fait partie du cabinet - puisse s'obliqer, lui...

M. Laporte: Alors, certains règlements seront facultatifs, puis d'autres seront obligatoires.

M. Bertrand (Missisquoi): Mais, c'est surtout parce que l'on veut obliger la Commission municipale.

M. Lesage: C'est ça. Mais, d'un autre côté, il peut arriver aussi, si une municipalité remplit les conditions nécessaires dans les règlements, qu'il sera dit: "Le ministre doit". L'Opposition l'exigerait si c'était dans la loi. Alors, c'est une raison additionnelle pour la rédaction que nous venons de discuter. Ce sont les règlements qui diront: "Le ministre doit" sous certaines circonstances.

M. Bédard (président du comité plénier): Article 2, adopté. Article 4? Article 4, adopté.

M. Bertrand (Missisquoi): C'est la question que j'ai posée, c'est celle-là que le ministre veut oréciser.

M. Lesage: Est-ce que le ministre a compris? Très bien. On veut dire si une municipalité remplit les conditions, "le ministre doit".

M. Bertrand (Missisquoi): Très bien.

M. Bédard (président du comité plénier):

M. le Président, le comité a adopté le bill no 1.

M. le Président: Troisième lecture du bill no 1.

Dépôt de documents requis par motions

M. Lesage: Avant de faire la troisième lecture, pour débarrasser mon pupitre, voici une réponse à un ordre de l'Assemblée législative en date du 11 juillet. C'est une cinquième réponse. Il y en avait six. C'est une question de M. Gabias, le 20 juin, au sujet encore de l'hôpital Cooke. Il en reste une, c'est une question au sujet d'une maison Dubeau et on m'avait dit, au service des achats, qu'il s'écoulerait quelque temps avant que je puisse faire parvenir la réponse à M. Gabias.

Question de privilège

Quatre députés absents au moment du vote renoncent à l'indemnité

M. Talbot: M. le Président, vous me permettrez de me lever sur une question de privilège. Ce matin, une motion proposée par le chef de l'Opposition, secondée par le député de Bellechasse, à savoir que les députés renonçaient, à partir d'aujourd'hui, à leur indemnité a été présentée en cette Chambre et adoptée par la Chambre. Je suis entré en Chambre, malheureusement, après le vote. Il se pose la question à savoir si ceux qui n'ont pas voté pour cette motion sont assujettis aux effets de la motion.

Je tiens à déclarer, M. le Président, que je suis parfaitement d'accord avec le contenu de cette motion, qu'il ne m'est jamais venu à l'idée de remplir mon devoir pour de l'argent, comme des gens ont voulu l'insinuer malveillamment. Je vous demanderais de bien vouloir donner des instructions au greffier de cette Chambre pour que mon nom apparaisse parmi ceux qui ont voté pour la motion, ou que la déclaration que je fais actuellement soit inscrite, à savoir que je tiens à être astreint aux effets de cette motion et que je renonce, comme les autres, à mon indemnité parlementaire, suivant les termes de la motion.

M. Lesage: M. le Président, je comprends que c'est la même chose pour le député de Lotbinière qui était absent ce matin. Bon, alors, je vais faire une suggestion. Je comprends que le député de Lotbinière veut faire une déclaration semblable à celle du député de Chicoutimi. Le député de Montmagny, ainsi que le député de Richmond veulent faire la même déclaration, évidemment, il n'est pas possible d'inclure leurs noms parmi la liste de ceux qui ont voté. Mais je suggère qu'il y ait une inscription au procès-verbal, à savoir que les quatre députés, le ministre et le député de Chicoutimi, celui de Lotbinière et celui de Montmagny, ont déclaré que, s'ils avaient été présents, ils auraient voté en faveur de la motion.

Bill no 1 Troisième lecture

M. Johnson: M. le Président, nous en sommes à la troisième lecture et je ne veux pas, à ce stade-ci, utiliser mon droit de parole. Je voudrais tout simplement faire une déclaration relativement à cette troisième lecture. On sait qu'en vertu des règlements nous pourrions demander que la troisième lecture soit faite à la prochaine séance, ce qui serait demain. Nous consentirons à ce que la troisième lecture soit faite aujourd'hui, mais je voudrais que ce soit bien compris que c'est en conformité de la conduite que nous avons suivie jusqu'ici pour tâcher d'expédier, au point de vue procédure, les affaires de la Chambre. En d'autres termes, nous ne nous sommes point servis de la procédure parlementaire pour faire durer plus lpnqtemps la session. Ceci étant dit, je vous demande de confirmer que je n'ai pas utilisé mon droit de parole sur la troisième lecture parce que j'ai l'intention de parler brièvement sur la troisième lecture, mais le député de Saint-Jacques va me précéder.

M. le Président: Je suis prêt à confirmer que le chef de l'Opposition n'a pas utilisé son droit de parole. Je ne suis pas prêt à admettre les arguments qu'avait avancés le chef de l'Opposition que, d'après les règlements, on ne peut pas appeler la troisième lecture aujourd'hui parce que la deuxième lecture a eu lieu hier. Mais je comprends que le chef de l'Opposition n'a pas voulu parler sur la troisième lecture.

M. Johnson: M. le Président, nous ne recommencerons pas la discussion que j'ai déjà eue avec vous. Il y a une tradition, c'est que vous gagnez tout le temps. Mais j'ai déjà soutenu dans cette Chambre que les résolutions avant subi une deuxième lecture aujourd'hui étant allées en comité, on n'était pas obligé d'aller en troisième lecture. J'admets que j'ai perdu, vous avez eu la prépondérance du vote en votre faveur.

M. le Président: S'il y avait eu des amendements au bill et aux résolutions, ce ne serait pas la même chose.

M. Lesage: Si nous suivions la pratique d'Ottawa, je devrais reconnaître que le chef de l'Opposition a raison parce qu'il y a eu

des amendements.

M. Johnson: Le règlement prévoit cela aussi.

M. le Président: Troisième lecture. À l'ordre, messieurs.

M. Paul Dozois

M. Dozois: M. le Président, je veux faire très brièvement quelques remarques à ce stade-ci de la procédure, c'est-à-dire à l'étude de la troisième lecture de ce bill. Je veux tout simplement faire remarquer à cette Chambre qu'au cours du débat qui a pris place hier les députés de l'Opposition, dans la critique de ce bill, ont fait plusieurs suggestions. À plusieurs reprises, le ministre des Affaires municipales nous a demandé: Qu'est-ce que vous suggérez? Il n'a pas semblé saisir le sens des suggestions que nous avons faites puisque, lorsque nous sommes allés en comité soit pour étudier les résolutions, soit pour étudier le bill, le ministre responsable de la présentation de ce bill en Chambre n'a pas cru devoir apporter les chanqements que nous préconisions.

Or, en vertu des règlements, il nous est permis, à l'occasion de la troisième lecture, de demander que ce bill soit amendé. Nous prétendons, M. le Président, que la province de Québec, en vue d'aider les municipalités et en attendant que l'étude d'un fonds municipal soit complétée par le comité qui a été nommé cette semaine, devrait assumer elle-même, prendre elle-même les moyens pour offrir aux municipallités de la province des prêts et des subventions dans le même sens que ceux offerts par le gouvernement central. De même, le gouvernement devrait prendre les moyens pour récupérer les droits fiscaux qui appartiennent à la province et qui lui permettraient de faire face aux dépenses auxquelles le gouvernement aurait à faire face pour remplir cette obligation vis-à-vis des municipalités de la province.

J'ai dit, M. le Président, que je ne serais pas long. Je crois que le débat a été suffisamment long en deuxième lecture pour que l'on connaisse les raisons que nous avons eues de nous opposer au projet de loi tel qu'il est.

Motion d'amendement

En conséquence, je présente La motion suivante, secondé par M. Ducharme, le député de Laviolette: "Que tous les mots après "que" dans la motion en discussion soient retranchés et remplacés par les suivants: "Le bill no 1, intitulé Loi pour faciliter le financement de certains travaux municipaux, soit retourné au comité plénier avec instruction et autorisation de l'amender de façon Qu'en attendant la création, le plus tôt possible, d'un système provincial de crédit municipal le gouvernement de la province, dans l'exercice intégral de ses pouvoirs constitutionnels et fiscaux, soit autorisé à mettre immédiatement a la disposition des municipalités des sommes adéquates, sous forme de prêts et octrois accordés à des conditions qui leur permettent de financer leurs travaux sans compromettre leur situation financière et sans surcharger les contribuables municipaux et à prendre les moyens de récupérer les droits fiscaux qui appartiennent à la province."

M. Laporte: M. le Président, j'aurais des objections de forme à exprimer contre cette proposition, mais, il y a, de toute évidence, des arguments de fond puisqu'il s'agit, sans discussion, clairement, d'un "money-bill", d'un bill de subsides. Et je n'ai qu'à me référer aux articles 155, 483 et 789? du règlement de cette Chambre pour établir que seul un ministre de la couronne peut faire cette chose.

M. Dozois: Le ministre pourrait la faire sienne. On peut amender le règlement.

M. Laporte: Quand le ministre aura fait avec la sévérité possible des études, il fera siennes les résolutions qu'il jugera.

M. Dozois: La motion est régulière ou irrégulière?

M. Laporte: Pour le moment, je ne voudrais pas que le député de Saint-Jacques croie qu'il est encore ministre et qu'il a le droit de présenter ceci.

M. Bertrand (Missisquoi): Oui, oui.

M. Laporte: M. le Président. je déclare donc, pour des raisons connues de cette Chambre...

M. Dozois: C'est le président qui doit décider si j'ai le droit ou non de présenter la motion.

M. Laporte: Ah oui, mais on a le devoir de la faire déclarer hors d'ordre.

M. Johnson: M. le Président, parlant sur le point d'ordre soulevé par le député de Chambly voulant que vous déclariez cette motion contraire au règlement, j'aurais quelques mots ou quelques considérations à vous soumettre qui vous permettront peut-être, M. le Président, de créer dans cette Chambre un précédent.

M. Lesage: Ce n'est pas la première fois que vous vous essayez.

M. Laporte: Le précédent, ce serait de

laisser présenter par l'Opposition un "money-bill". M. le Président, je vous ai donné une bonne raison et un bon point d'appui pour un précédent. Vous pourrez lire ici, à la motion, qu'on demande de retourner au comité plénier le bill no 1 avec instruction et autorisation de l'amender. Vous avez noté que, pour la première fois peut-être dans cette Chambre, une motion de cette nature comporte le mot "autorisation" en plus du mot "instruction". Je confesse que, pour la première fois de ma vie, je suis allé puiser des précédents dans la législation, dans la procédure d'Ottawa et vous comprendrez facilement dans quelles circonstances.

M. Laporte: Vous osez défendre cela?

M. Johnson: Afin de comprendre le bill no 1, il a fallu que je passe mon temps à lire une loi d'Ottawa et les débats d'Ottawa. Il a fallu que je lise la loi d'une autre Législature, d'un autre Parlement, ainsi que tous les débats parlementaires d'un autre Parlement que celui de l'État du Québec. M. le Président, c'est là que j'ai vu que, dans des matières à peu près similaires, on employait le mot "autorisation". J'en ai déduit que c'était peut-être de la juridiction de la Chambre de donner au comité plénier, qui ne l'a pas généralement, l'autorisation d'amender un "money-bill". La Chambre étant souveraine, en même temps qu'elle donne instruction au comité plénier d'amender le bill, ne pourrait-elle pas combler l'insuffisance des pouvoirs du comité plénier en lui donnant l'autorisation d'amender et de faire, évidemment, tout ce qui est nécessaire pour rendre à la motion le plein sens qu'on voulait lui donner et donner au bill no 1 les dispositions qui pourraient nous permettre d'aider les municipalités sans violer l'autonomie provinciale?

M. Hamel (Saint-Maurice): L'amendement est fait au nom du chef de l'Opposition.

M. Johnson: M. le Président, rien n'empêcherait le ministre des Affaires municipales, au moment où nous commencerons à étudier le bill en comité plénier, de courir chez le lieutenant-gouverneur et de se faire autoriser, après lui avoir présenté son problème, à nous apporter une motion, c'est-à-dire une solution dûment autorisée par Sa Majesté, évidemment, travaillant sous la cape et l'écorce du lieutenant-gouverneur.

M. Laporte: Vous voulez que je coure jusqu'au Bois-de-Coulonge et il pleut!

M. Johnson: M. le Président, il faudrait d'abord informer le ministre que le lieutenant-gouverneur a un bureau au parlement.

M. Laporte: Il faudrait vous dire qu'il n'est pas souvent là.

M. Bertrand (Missisquoi): Il faudrait y aller à cheval de Troie.

M. Johnson: Monté sur le cheval de Troie, comme le dit le député de Missisquoi, on verrait très bien feu l'ex-autonomiste s'en aller vers le Bois-de-Coulonge pour se faire munir de toutes les autorisations nécessaires. M. le Président, argumentant sur ce point de règlement soulevé par le député, je ne voudrais pas donner l'impression que nous ne traitons pas ce sujet sérieusement, mais je crois qu'avec le mot "autorisation" la Chambre autorisant le comité plénier à agir, vous pourriez déclarer que cette motion doit être étudiée à fond. On me répondra qu'il y a à l'encontre de cela, la loi de la constitution.

M. Bertrand (Missisquoi): Une violation de plus ou de moins.

M. Johnson: La constitution défendait au fédéral d'entrer dans le champ du provincial dans les affaires municipales. Et le Gouvernement d'Ottawa, avec la collaboration, j'allais dire la connivence du gouvernement de Québec, est en train de violer la constitution. Une fois qu'elle est violée, il me semble qu'elle ne se plaindrait pas qu'on torture un peu les textes et qu'on donne une chance à cette Chambre de discuter la motion de fond.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. J'ai essayé de suivre l'argumentation du chef de l'Opposition. Je crois que j'ai saisi le sens de son argumentation, mais il y a les principes exprimés explicitement dans notre règlement, surtout à l'article 548: Quand un bill public a pour objet direct l'exécution de travaux publics, l'allocation de quelque subvention en argent et ainsi de suite," il ne peut être présenté qu'après qu'une résolution avant le même objet a été recommandée par le lieutenant-gouverneur, prise en comité plénier et agréée par la Chambre." Alors, cela a toujours été la conduite de cette Chambre, cela a toujours été le règlement suivi par les députés en cette Chambre. J'ai moi-même essayé d'argumenter contre ces articles quand j'étais dans l'opposition: j'ai même essayé de soumettre qu'on pourrait le faire en employant l'expression "avec instruction d'étudier la possibilité", mais, après en avoir appelé, la Chambre a toujours décidé que je n'avais raison.

M. Bertrand (Missisquoi): C'est bien de valeur.

Rejet de la motion d'amendement

M. le Président: Je crois que je suis lié par le règlement et par les décisions de la Chambre et je n'ai pas d'autre alternative que de déclarer que la motion présentée par le député de Saint-Jacques est contre les règlements de la Chambre.

M. Johnson: Avec regret, M. le Président, imitant l'exemple que vous donnez si souvent dans cette Chambre, je dois en appeler de votre décision.

M. Laporte; Vous dites que vous allez voter avec regret.

M. le Président: Qu'on appelle les députés.

À l'ordre, messieurs. Que tous ceux qui sont en faveur du maintien de la décision veuillent bien se lever!

M. le Greffier adjoint: MM. Lesage, Lapalme, Bédard, Lalonde, Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice), Saint-Pierre, Cliche, Dionne, Brown, Bertrand (Terrebonne) Lafrance, Pinard, Cournoyer, Levesque (Bonaventure), Laporte, Fortin, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Binette, O'Reilly, Turpin, LeChasseur, Roy, Coiteux (Duplessis), Meunier, Harvey. Morissette, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Laroche, Boulais, Coiteux (L'Assomption), Crépeau, Fournier, Thibeault, Théberge, Dailaire, Lacroix, Kennedy, Baillargeon, Brisson, Hébert, Mailloux, McGuire, Cadieux, Beaupré, Godbout, Dupré, Martin.

M. le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien se lever!

M. le Greffier adjoint: MM. Johnson, Talbot, Élie, Dozois, Bertrand (Missisquoi), Bellemare, Ducharme, Johnston. Boudreau, Lafontaine, Gabias, Bernatchez, Russell, Somerville, Gosselin, Lizotte, Raymond, Charbonneau, Loubier, Majeau, Gaqnon, Cloutier, Gauthier, Lavoie (Wolfe).

M. Le Greffier adjoint: Pour: 51 Contre: 24 Yeas: 51 Navs: 1k

M. le Président: La décision et maintenue. La motion de troisième lecture.

M. Hamel (Saint-Maurice): La Chambre est fidèle...

Reprise du débat sur la troisième lecture

M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, très brièvement, je voudrais en troisième lecture faire quelques remarques surtout pour couvrir la partie du terrain qui n'a pas été couverte au cours d'un débat beaucoup trop court, selon mon opinion, sur une loi aussi importante.

M. le Président, nous avons déjà, dans cette Chambre, discuté très longuement. Mais, je ne pourrai jamais assez le répéter, nous avons voulu sur ce débat nous départir de tous les privilèges et les droits que nous accorde le règlement de la Chambre afin d'expédier les affaires, ppur que le contribuable ne soit pas, lui qui est déjà tellement affligé, pénalisé davantage avant à payer pour chaque jour de la session. Je n'ai pas à vous rappeler, M. le Président, en quelles circonstances les députés ont prouvé leur désintéressement allant jusqu'à proposer que le contribuable n'ait pas à subir les conséquences d'un débat un peu plus long que sur des lois ordinaires.

M. le Président, nous avions devant nous le bill no 1 qui, je vous l'annonce, aura dans l'histoire politique de la province de Québec une triste réputation. Et je regrette que ce bill, lorsqu'on en parlera dans les générations futures, entraînera aussi dans la réprobation du peuple de la province de Québec, le ministre qui a dû le parrainer. Ce n'est pas le temps de faire des considérations personnelles et je peux bien avoir du respect non seulement pour le règlement, mais pour les personnes. Je ne voudrais pas, non plus, faire un procès d'intention au ministre, mais je dois constater combien cruel est notre système politique puisqu'il force un autonomiste, comme je l'ai dit avant hier, à se faire hara-kiri.

M. le Président, il n'y a aucun doute que le parrain du présent bill était, dans l'opinion publique du moins, un autonomiste racé. Il passait pour l'un des défenseurs de la véritable autonomie, négative et positive à la fois. Il est un de ceux qui ont soutenu la lutte auprès du premier ministre Duplessis lorsque, revenant d'Ottawa où il avait, comme on le sait, claqué les portes, il avait été reçu en triomphe à la gare du palais à Québec.

Je reorette que le ministre et le premier ministre aient cru bon de faire des gorges chaudes au sujet de cette réception historique dans notre politique provinciale, alors que le premier ministre Duplessis, revenant d'Ottawa où il s'était tenu debout, a été accueilli par le sénateur et conseiller législatif, Thomas Chapais, notre grand historien.

M. le Président, j'étais là, à cette réception, à cet accueil sympathique de la population du Québec. J'étais là comme spectateur, puisqu'à ce moment-là je n'étais pas encore député, et j'ai vu, au pied de

l'estrade improvisée, estrade composée d'une de ces voitures dont on se sert pour les bagages dans les gares, j'ai vu au pied de cette estrade, criant, se conduisant un peu comme un "cheer leader" d'université, le directeur de la faculté des sciences sociales de l'Université Laval, le père Lévesque, qui, entouré de ses élèves, proclamait bien haut, lui aussi, que le premier ministre Duplessis avait tenu une attitude digne vis-à-vis d'Ottawa.

M. Meunier: Le contenu du bill?

M. Johnson: M. te Président, le ministre s'en souviendra peut-être, il y eut, au mois de décembre 1946, dans le comté de Bagot, une élection dans laquelle j'ai eu l'occasion de briguer pour la première fois les suffrages et, au lendemain de cette élection, c'est le ministre lui-même qui, sur du papier du journal Le Devoir écrivait au premier ministre pour le féliciter de sa lutte autonomiste, pour le féliciter de son attitude courageuse vis-à-vis d'Ottawa, pour lui dire qu'il méritait bien le grand succès remporté dans Bagot par son candidat, M. le Président. Et c'était signé Pierre Laporte, du journal Le Devoir.

M. Laporte: Je présume que le chef de l'Opposition m'en enverra une semblable.

M. Hamel (Saint-Maurice): Cela fait 17 ans.

M. Meunier: Le contenu du bill.

M. Johnson: M. le Président, le 20 décembre 1946, le Devoir, 430 est rue Notre-Dame, Montréal. Bureau de la rédaction. Lettre adressée à l'honorable Maurice Duplessis, premier ministre de la province de Québec.

M. le Président: À l'ordre! À l'ordre! Je voudrais bien donner toute la latitude possible au chef de l'Opposition, mais il sait très bien que le débat sur la troisième lecture, c'est plus restreint que la deuxième lecture. Le débat devrait porter sur l'ensemble et les détails du bill, mais il doit être restreint au contenu de celui-ci. Il y a aussi l'article 285, paragraphe 4, sur lequel j'ai attiré votre attention hier, qui dit que c'est défendu "de lire un imprimé, un écrit qui ne se rapporte pas directement au sujet du débat". Je demanderais au chef de l'Opposition de penser à ces articles. J'aimerais bien, comme je le dis, lui donner toute la latitude possible, mais qu'il essaye de discuter du bill en troisième lecture.

M. Johnson: M. le Président, je vais tâcher d'observer le règlement tel que vous l'interprétez. Je pense bien avoir le droit de dire en troisième lecture, parlant du principe et des détails, pourquoi je suis contre le principe et contre les détails. J'essayais, M. le Président, d'éviter des répétitions et d'apporter des arguments nouveaux pour prouver que le ministre a eu tort de qualifier d'autonomie négative l'attitude prise par M. Duplessis en 1946 alors que lui-même l'avait félicité si chaleureusement et par écrit.

M. le Président, restons-en là pour le moment, mais vous me permettrez de dire, je pense bien, que l'Opposition a voulu faire épargner le ministre. Tout le monde connaît cet incident biblique: Jéhovah demandant a Abraham une preuve de son respect lui a commandé d'immoler son fils préféré, Jacob.

Une voix: Le bill.

M. Johnson: M. le Président, Abraham, dans les circonstances, c'est le premier ministre.

M. Laporte: Dans quel article est-ce écrit?

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Johnson: Jéhovah d'Ottawa dit au premier ministre de la province de Québec...

Des voix: À l'ordre!

M. Johnson: Si tu veux dans mon royaume d'Ottawa avoir de l'avenir...

M. Laporte: Abraham...

M. Johnson: ... tu vas me prouver ta sincérité et tu vas m'immoler ton fils préféré. Et là, il va choisir une victime de choix dans son cabinet.

M. Lesage: Pas Ésaïe.

M. Johnson: Tu vas l'immoler sur l'autel de la partisanerie libérale, si jamais tu veux accéder à un plus haut poste dans la hiérarchie libérale sur le plan fédéral.

M. Lesage: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une question?

Qu'est-ce qui arrive à Ésaïe, le chef de l'Opposition, dans l'histoire?

M. Johnson: M. le Président, Isaac et Ésaïe vont avoir leur tour. Je serais bien tenté de parlé de Jézabel, M. le Président. Ce qu'il y a de plus terrible, c'est ce rapprochement même dans les mots. On a demandé au premier ministre du Québec d'immoler sa victime de choix, un autonomiste, le député de Chambly, sur la montagne, M. le Président, nous aurions voulu arrêter le bras du premier ministre,

l'empêcher de faire disparaître de la province les autonomistes dont toute la race canadienne-française a besoin pour survivre, surtout dans une époque aussi difficile que celle que nous traversons. M. le Président, le ministre s'est immolé sur l'autel libéral, sur la montagne libérale, le ministre s'est immolé et il l'a fait en souriant.

M. Laporte: Bien, c'est si drôle de vous entendre.

M. Johnson: M. le Président, il l'a fait en souriant. De quoi s'agissait-il? Il s'agissait de venir en aide aux municipalités.

M. Laporte: Contez-nous ça.

M. Johnson: Personne de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, comme du côté du gouvernement, ne mettra en doute l'opportunité de venir en aide aux municipalités. Les deux partis politiques, aux élections de 1960 et aux élections de 1962, se sont engagés à venir en aide aux municipalités qui traversent, comme on le sait, une crise de croissance - c'est le cas, du moins, pour la plupart des municipalités de la province - et qui ont besoin de sources additionnelles de revenus. En 1960, le Parti libéral était lié par un programme écrit avec des mesures spécifiques comme, par exemple, d'abord, des travaux dans toute la province et à la mesure des besoins de chaque région immédiatement; deuxièmement, autre mesure spécifique, celle-là expliquée avec un faste de détails par le ministre, Procureur général aujourd'hui, député de Saint-Maurice: la péréquation municipale.

En 1962, les partis politiques sont revenus devant l'électorat et ont de nouveau promis aux municipalités de leur venir en aide, car, de moins en moins elles pouvaient recourir aux sources normales de revenus: les licences, les permis et, d'autre part, la taxe foncière. Et là, les partis politiques se sont engagés encore fermement - celui de l'Union Nationale s'est engagé dans un programme écrit - à organiser un système de crédit municipal pour réduire le coût des emprunts municipaux.

Donc, les deux partis reconnaissaient en 1960 et reconnaissent encore la nécessité pour les municipalités d'être aidées. Mais, depuis 1960, c'est le Parti libéral qui est au pouvoir, M. le Président, et, sauf les subventions pour travaux d'hiver dont la moitié à peu près viennent d'Ottawa, sauf ces subventions qui, comme l'a démontré hier, brièvement mais clairement, le député de Shefford, maire de Waterloo, servent presque exclusivement et pas toujours en totalité à Dayer la différence entre le coût des travaux exécutés en hiver et le coût des travaux exécutés en été, sauf, dis-je, pour ces quelques misérables millions de dollars par année, dont on se sert, dans certains coins, sous l'instigation de certains ministres, pour faire des travaux qui autrefois étaient des travaux effectués par le gouvernement sans aucuns frais à la municipalité comme, par exemple, les travaux faits par le ministère de la Voirie et par le ministère de l'Agriculture...

M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement. Les travaux d'hiver - les députés de l'Opposition le savent aussi bien que ceux du pouvoir - sont tous exécutés sous la même autorité des fonctionnaires du ministère des Affaires municipales. Et, si on veut que je donne la liste de tous les travaux faits dans les comtés de l'Opposition, je vais la donner.

M. Johnson: M. le Président, là n'est pas le point. Je dis que les montants que les municipalités doivent emprunter pour payer leur part, c'est-à-dire les matériaux, 10% des salaires et la machinerie servent dans bien des municipalités à faire des travaux qui autrefois étaient exécutés par le gouvernement provincial, soit par la Voirie, soit par le ministère de l'Agriculture. Dans mon comté...

M. Lesage: Non.

M. Johnson: ...comme dans plusieurs comtés, les conseils municipaux ont emprunté pour couper les fardoches, pour couper les mauvaises herbes, pour refaire certains chemins, pour faire la réparation de certains chemins qui autrefois étaient entièrement à la charge, quant à leur réparation et à leur entretien, du gouvernement provincial par les soins du ministère de la Voirie, M. le Président.

M. Laporte: Donc, depuis 1960, les municipalités n'ont reçu du gouvernement, de l'équipe qui est actuellement au pouvoir, ni de nouveaux pouvoirs de taxation, ni de nouvelles sources de taxation, ni aucune aide, sauf les travaux d'hiver. M. le Président, je ne parle cas de l'aide qu'on a continué d'apporter dans la construction des systèmes d'égouts.

Vous contribuiez combien, de votre temps, aux mêmes travaux d'hiver qui coûtent si cher aux municipalités?

M. Johnson: Zéro, zéro, M. le Président.

M. Laporte: $15 millions, cette année, par le gouvernement libéral.

M. Johnson: M. le Président, en 1958... M. Laporte: Zéro, en 1958.

M. Johnson: En 1958, l'équipe libérale qui. était dans l'Opposition a voté en faveur de la loi.

M. Laporte: Elle a fait un amendement...

M. le Président: À l'ordre.

M. Johnson: En 1959 et en 1960, l'équipe libérale nous a accusés d'avoir une loi inefficace.

M. Laporte: C'est vrai.

M. Johnson: Et c'est en vertu d'une loi inefficace qu'on voudrait aujourd'hui nous demander une loi comme celle qu'on a devant nous. C'est en vertu de cette loi, dont on nous a reproché qu'elle était inefficace, mais que la Législature...

M. Laporte: On l'a rendue efficace.

M. Johnson: ...pouvait - et, en fait, elle a pu le faire puisqu'elle l'a amendée -amender, qu'on voudrait aujourd'hui justifier ce bill. Je prierais le ministre de ne pas m'interrompre, ça va être beaucoup plus court. Je disais donc que, depuis 1960, les libéraux au pouvoir n'ont rien fait sauf un certain travail quant à l'aide par le fédéral et le provincial pour les travaux de chômage. Et j'ai dit - c'est une question qui pourrait être débattue longuement; je veux tout simplement affirmer en passant - que, d'après le témoignage d'hommes aussi compétents que le député de Shefford, maire de Waterloo, ces subsides ne servaient qu'à payer la différence de coût, le coût additionnel occasionné aux municipalités par le fait qu'on doit travailler en hiver. M. le Président, les municipalités ont besoin d'être aidées. Les municipalités groupées dans des associations ont fait des pressions sur les gouvernements.

M. Parent: Ils n'ont jamais compris ça.

M. Johnson: J'entends le député de Hull vous dire qu'on n'a jamais compris ça.

M. Parent: C'est vrai.

M. Johnson: Je lui fais grâce.

M. Bertrand (Terrebonne): Vous n'avez encore rien compris.

M. Johnson: Un autre qui comprend encore moins, c'est le député de Terrebonne, M. le Président.

M. Bertrand (Terrebonne): Et je suis content.

M. Johnson: Il est tellement obsédé par son désir d'accéder au Sénat, M. le Président, qu'il n'y a rien qui compte.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Bertrand (Terrebonne): M. le Président, sur une question de privilège, je remercie le chef de l'Opposition d'avoir fait la dernière remarque parce que mercredi soir, vers onze heures moins vingt, il a fait une référence au dernier congrès des hôpitaux alors que M. Pearson était l'invité d'honneur et que j'étais appelé à le remercier. M. le Président, j'ai siéqé dix-sept ans à Ottawa, j'ai siégé douze ans avec M. Pearson. J'ai pour lui, et je le dis devant toute la province, une grande admiration. Je l'ai remercié, le 17 au soir, à La Malbaie...

Une voix: Ce n'est pas un point d'ordre, celai

M. le Président: A l'ordre, messieurs. À l'ordre...

M. Bertrand (Terrebonne): Et j'ai été demandé, non pas par le gouvernement pour le remercier, mais j'ai été demandé... Le député de Compton doit me laisser continuer. Je demanderais au député de Chicoutimi de me laisser une chance parce que, mercredi soir, le chef de l'Opposition a fait référence au fait qu'un membre du cabinet, sans le nommer, avait...

M. Johnson: M. le Président, j'avais la parole. Le ministre était en Chambre mercredi soir. Il aurait pu, à ce moment-là, invoquer la question de privilège; sinon, il aurait pu l'invoquer le lendemain et, s'il ne l'avait pas su avant, il pourra l'invoquer tantôt, M. le Président.

M. Bertrand (Terrebonne): M. le Président, je vais répondre immédiatement aux remarques faites il y a à peine trois ou quatre minutes: obsédé par le Sénat...

M. Talbot: A-t-il le droit de faire cela?

M. Bertrand (Terrebonne): Le chef de l'Opposition sait qu'il a été pendant excessivement longtemos le conseiller juridique de l'Association des hebdomadaires de langue française du Canada...

M. Johnson: Est-ce que j'ai cessé de l'être?

M. Bertrand (Terrebonne): Depuis un an et demi, il a cessé de l'être.

M. Johnson: Ah, je ne savais pas...

M. Bertrand (Terrebonne): Et il avait la

gueule sure mercredi soir, quand il a fait les remarques qui ne sont même pas consignées au compte rendu parce qu'après les avoir lues, probablement, il les a fait "canceller".

M. Johnson: M. le Président, vous voyez la méthode du député de Terrebonne: gueule sure, procès d'intention, M. le Président. Il dit que j'aurais fait enlever les remarques. Je n'ai fait aucune démarche, je n'ai fait aucune démarche. Mais je répète que c'est indécent. Qu'un ministre de la couronne dans la province de Québec paie un banquet et amène comme orateur invité le premier ministre du Canada, ça, c'est correct, M. le Président; il y a des bonnes manières à observer, je n'ai aucune objection à cela. Mais qu'un ministre de la couronne plaide là sa cause pour aller au Sénat, et d'une façon qui a scandalisé tout le monde, même les rouges, les libéraux les plus fieffés...

M. Bertrand (Terrebonne): M. le Président, il y a vingt-cinq ans que j'appartiens à l'Association des hebdomadaires de la province comme membre du bureau de direction de cette association. J'ai été secrétaire pendant treize ans. J'ai été pendant deux ans son président et j'étais, jusqu'à l'an dernier, un des membres du bureau de direction...

M. le Président: À l'ordre.

M. Bertrand (Terrebonne): Non, non, je dois répondre.

M. le Président: Je demande au ministre du Tourisme s'il a une question de privilège à soulever contre les propos du chef de l'Opposition, mais je ne peux pas permettre un débat général. Tout cela est arrivé simplement parce que le chef de l'Opposition a fait mention de certains événements et de la présence du ministre en Chambre. J'avais compris que le minsitre voulait protester contre cela. C'est ce qu'il a fait. Le chef de l'Opposition veut continuer le débat mais je crois qu'il est de mon devoir de demander au député de revenir et de discuter de la troisième lecture du bill qui est devant la Chambre.

M. Johnson: M. le Président, je disais donc que les municipalités ont besoin d'aide qu'elles avaient besoin d'aide depuis 1960 et bien avant. Dans le temps, nous avions fait ce que nous croyions être juste et raisonnable et je n'ai pas l'intention de faire un portrait complet de l'assistance que nous avons apportée aux municipalités...

M. Laporte: Ce ne serait pas long.

M. Johnson: M. le Président, ça serait beaucoup plus long et ça serait peut-être une bonne leçon de jurisprudence municipale pour le ministre des Affaires municipales, qui en a besoin tout de même, il n'a pas la science infuse!

M. le Président: À l'ordre, messieurs. La troisième lecture.

M. Johnson: M. le Président, donc les municipalités ont besoin d'aide et les municipalités, depuis trois ans, n'ont reçu aucune aide. Il était temps de leur donner quelque chose. Elles faisaient pression sur les partis fédéraux. Je partage l'avis du ministre des Affaires municipales quand il dit que nous ne devons pas, dans la province de Québec, sous l'optique de l'autonomie, appartenir à des associations nationales. Mais je fais cette distinction: nous ne devons pas y appartenir sous la forme d'unité, mais nous devons y appartenir, contrairement à ce que dit le ministre, sous une forme fédérée. C'est leur devoir de coopérer avec le reste du Canada dans certains domaines et c'est à leur avantage.

M. Laporte: Juste une mise au point. Je n'ai jamais suggéré à des villes ou à des groupements d'appartenir ou de ne pas appartenir. J'ai simplement dit que c'était une association centralisatrice. Je n'ai pas fait de suggestion, au-delà de cela, si ce n'est pour dire qu'on ne doit pas en même temps patroner cela et être pour l'autonomie.

M. Johnson: M. le Président, le ministre est tellement scrupuleux au point de vue de l'autonomie qu'il a refusé d'aller à un congrès de la fédération.

M. le Président: La troisième lecture du bill no 1.

M. Lesage: J'invoque le règlement. Cette discussion a eu lieu en deuxième lecture. Elle était, à ce moment-là, conforme au règlement. Mais il est clair qu'en troisième lecture une telle discussion, qui sort complètement du principe et de la rédaction du bill même, est hors d'ordre. Il me semble que le chef de l'opposition pourrait coopérer et s'en tenir au projet de loi.

M. Johnson: M. le Président, j'essaie de m'en tenir, à cela mais ce sont toujours ces interruptions qui m'attirent, M. le Président...

M. Lesage: Il n'y a pas eu d'interruptions dans ce cas-ci.

M. Johnson: ...sur un terrain que le premier ministre déclare tout à fait inopportun. M. le Président, si on veut me

laisser terminer, ça va être très court, je veux coopérer.

M. Lesage: Il s'agit de la deuxième lecture.

M. Johnson: Il y avait donc, M. le Président, lieu de faire quelque chose. Ottawa a pris l'initiative. Voilà trois ans que les libéraux sont au pouvoir et ne l'ont pas fait. Qu'on l'ait fait ou non dans les 16 années précédentes, M. le Président, ça ne règle pas le problème aujourd'hui. Il y a trois ans, M. le Président, qu'ils sont au pouvoir et ils n'ont rien fait. Non seulement les libéraux provinciaux n'ont rien fait, mais ils ont aidé, lors des dernières élections, et on le sait, les libéraux fédéraux.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Le chef de l'Opposition va comprendre - à l'ordre, messieurs - que je ne peux pas laisser commencer un débat sur les élections fédérales en troisième lecture.

M. Johnson: Je ne fais pas de débat, M. le Président. Je dis que, dans un domaine qui les concerne, ces libéraux qui, depuis trois ans, administrent la province non seulement n'ont rien fait pour aider les municipalités, mais ont aidé une équipe qui promettait d'aider les municipalités. Ils ont aidé M. Pearson qui promettait d'aider les municipalités. Donc, les libéraux, comme nous, ne devaient pas être surpris de voir arriver à Ottawa un bill comme le bill C-76. Et j'arrive au bill C-76, M. le Président. Tout le monde, à ce moment-là, a convenu que ce bill était inconstitutionnel. Tout le monde, à ce moment-là, a exigé des autorités de la province qu'elles prennent les mesures nécessaires pour empêcher cet empiétement sans toutefois, si possible, nous exposer à la double taxation. Je crois, M. le Président, rendre là exactement la pensée de la population ou, du moins, de ses représentants les plus qualifiés.

Or, qu'a fait le gouvernement? Une réunion des premiers ministres des provinces et du premier ministre d'Ottawa et un bill qui s'appelle le bill no 1. Je ne reviendrai pas sur les arguments que nous avons développés en deuxième lecture, développements qui ont été faits d'une façon magistrale par 7 ou 8 de mes collègues. Mais je voudrais faire remarquer la portée considérable de ce précédent en vous faisant, par exemple, M. le Président, tourner le bill C-76 à la page 3. Vous verrez comment ce chapitre est coiffé: "Prêts aux municipalités". Vous me direz que la coiffure du chapitre, ça n'a pas tellement d'importance, mais, M. le Président, quand je regarde de l'autre côté de la Chambre, cet après-midi au même niveau que nous, je trouve que la coiffure a beaucoup plus d'importance que je ne le croyais encore.

Une voix: Vous insultez quelque chose.

M. Johnson: Je n'insulte aucune chose; je fais des compliments sans me faire prendre. Je voudrais faire des compliments, M. le Président, au bon goût et à l'à-propos de certaines coiffures que je vois cet après-midi. Que ça repose donc, M. le Président, de certaines autres têtes qu'on doit regarder continuellement. "Prêts aux municipalités", et on arrive à l'article 2 qui est la victoire obtenue par le premier ministre et là on parle de la province. M. le Président, non seulement sous l'en-tête, non seulement sous le titre, mais dans toute l'économie de cet article on considère la province comme une autre municipalité, on rabaisse la province au niveau juridique d'une municipalité. La province de Québec, l'État du Québec, M. le Président, avec un premier ministre libéral se pliant devant un premier ministre libéral à Ottawa, est devenu une autre municipalité aux yeux de la législation fédérale puisque l'office aura juridiction, à part toutes les municipalités du Canada et les 1600 municipalités du Québec, sur un organisme qui s'appelle le gouvernement de la province de Québec, M. le Président.

Le ministre s'est vanté, le premier ministre aussi, d'avoir réussi cette très grande manoeuvre: nous avons empêché que les municipalités n'aient un contact avec Ottawa; nous avons, contrairement à votre loi de 1958, empêché qu'une municipalité déterminée ne s'adresse directement à Ottawa, donc l'autonomie est sauve. M. le Président, quand on reqarde toute la loi, on s'aperçoit que le gouvernement a, en fait, pris sous sa tutelle, comme il a le droit et le devoir de le faire, toutes les municipalités de la province de Québec, mais on s'aperçoit, malheureusement, qu'il a aussi livré toutes les municipalités en bloc avec leur gardienne, l'État du Québec, M. le Président.

Je ne reprendrai pas la démonstration que j'ai faite ce matin, qui, à mon sens, est peut-être la plus concluante, de l'inconstitutionnalité de la présente loi qu'on nous demande d'approuver en troisième lecture. L'article 10, comme on l'a découvert ce matin, doit s'appliquer au cas de la province de Québec. L'article 11, M. le Président, s'applique à la province de Québec. Sans répéter toute l'argumentation de ce matin, me sera-t-il permis, M. le Président, de dire qu'il s'agit par le bill no 1 d'un précédent pour lequel je ne peux trouver aucun exemple dans toute la législation de l'Union Nationale et je crois bien que je n'en trouverais pas dans la législation de M. Taschereau ni de M. Gouin, ni de M. Parent ni de M. Mercier, ni de M. Chapleau, ni d'aucun des premiers ministres,

sauf peut-être un précédent en 1942, une législation d'un autre premier ministre libéral. Mais, au moins, la forme de la législation de 1942 était tellement plus digne et ne consacrait pas, M. le Président, l'asservissement de la province dans un domaine particulier qui lui revient en vertu de la constitution.

Actuellement, le bill no 1, en référant au bill C-76, nous asservit à une législation fédérale et cette même législation fédérale nous asservit à transiger avec un office du fédéral et non pas avec le gouvernement. Plus que ça, on nous astreint à transiger, mais d'avance on a établi des clauses qui doivent nécessairement en vertu de la législation être convenues dans l'entente qu'on pourra faire, qu'on daignera nous permettre de faire, si l'office veut bien en faire parce que l'office peut - ne doit pas, mais peut - faire une entente avec le gouvernement d'une province, M. le Président. Le gouverneur en conseil peut autoriser l'office, M. le Président. Si l'office ne le demandait pas, M. le Président, le gouverneur en conseil à Ottawa ne pourrait pas le faire.

Donc, M. le Président, même en ces termes - et on sait l'importance que prennent les termes dans une législation fédérale, on sait l'importance du précédent en droit britannique et encore plus, évidemment, en droit constitutionnel - cette loi est l'un des précédents les plus dommageables, les plus cruels que j'aie jamais vus. L'Union Nationale, vous le comprendrez, ne pouvait pas, ne peut pas et ne pourra jamais se rendre complice d'un tel acte de viol contre l'autonomie de la province de Québec.

M. le Président, s'il n'est pas permis de faire des procès d'intention aux individus, aux députés de cette Chambre, je crois bien que nous avons le droit de nous interroger sur les motifs d'agir d'un gouvernement comme tel. Dans les milieux sérieux, dans les milieux qui connaissent les finances municipales, les finances des gouvernements, on a l'impression, M. le Président, que le gouvernement actuel est rendu tellement à bout de ressources qu'il n'a plus les moyens d'être autonomiste, qu'il n'a plus les moyens de résister à Ottawa, qu'il n'a plus les moyens de se tenir debout, qu'il n'a plus les moyens de faire reculer Ottawa, ne serait-ce que par le moyen extrême d'imposer aux compagnies une taxe additionnelle en attendant qu'on réponde à l'ultimatum ou qu'on règle le problème des relations fédérales-provinciales, M. le Président.

M. Lesage: Pour que les compagnies déménagent dans d'autres provinces.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre, quand il est arrivé au pouvoir, a imposé une double taxation de 2% aux compagnies dans cette province.

M. Lesage: Cela, ça s'endure.

M. Johnson: Et quand c'est pour sauver l'autonomie des municipalités, M. le Président, je suis certain qu'on pourrait le faire pour une période limitée, en attendant une réponse positive ou négative, en attendant un réarrangement fiscal, en attendant, peut-être, de récrire la constitution. Si elle en avait eu les moyens, si elle n'avait pas dépensé, si elle ne s'était pas engagée à l'aveuglette et d'une façon irréfléchie dans certaines dépenses, M. le Président, la province aurait eu les moyens de se tenir debout. M. le Président, c'est encore mieux de se tenir debout avec un habit moins neuf que de se courber bien habillé chez un tailleur de première classe.

M. le Président, je ne veux pas allonger une intervention. Vous savez, M. le Président, que chacun de nous, de ce côté de la Chambre, que chacun des députés, de langue anglaise comme de langue française, pourrait se lever ici et vous faire un plaidoyer avec la conscience bien nette et bien claire qu'il parle au nom de ses commettants respectifs. Chacun de nous ici, qui avons été élevés à l'école de l'autonomie, aurait pu se lever et donner ici des arguments sous des formes différentes et variées. Ceci devrait peut-être être fait puisque le sujet est si important, mais mes collègues, dans un esprit de coopération avec le gouvernement, ont décidé de ne pas répéter en troisième lecture un débat assez long qu'il y a eu en deuxième lecture. Mais ils ne peuvent laisser passer certaines affirmations. C'est par là, M. le Président, que je voudrais terminer. Je dois essayer de faire saisir à la population l'attitude exacte, le mode - le "mood", comme diraient les gens des Affaires culturelles - exact de la province relativement à ce problème.

Vous avez le ministre qui, d'une façon assez habile avec une mauvaise cause hier, nous a démontré point par point quels étaient les progrès qu'il avait réussi à accomplir de concert avec le premier ministre, évidemment. Il a établi quels étaient, d'après lui, les progrès relatifs puisqu'il se basait toujours sur un bill de 1958. D'abord, je voudrais dire au ministre que son attitude et celle du gouvernement me font penser à ce propriétaire dont la maison est envahie à un moment donné et qui s'en va plaider avec l'envahisseur. Et, parce qu'il daigne lui laisser occuper la cuisine, cet envahisseur voudrait qu'on le remercie. Ottawa est entré de plain-pied dans la maison provincial. Ottawa s'est immiscé - c'est le ministre qui l'admet lui-même - dans un domaine qui est clairement de juridiction provinciale.

M. Laporte: Tout le monde admet ça. C'est unanime.

M. Johnson: Tout le monde admet ça! Parce qu'Ottawa a consenti à nous laisser la cuisine, c'est-à-dire une partie administrative, mais toujours sous la surveillance des inspecteurs et de l'office; parce qu'Ottawa nous permet de voir nos municipalités, ne nous empêchera pas de les contacter; parce qu'Ottawa nous permet de bien vouloir prêter aux municipalités ce qu'Ottawa prêterait s'il faisait affaires directement; parce qu'Ottawa nous donne la permission de prêter jusqu'à $5 millions sans consulter le gouverneur général - il faudra consulter le gouverneur général lorsqu'il s'agira d'un prêt dépassant $5 millions à la même municipalité - ...

M. Laporte: Cela, c'est l'interprétation du chef de l'Opposition.

M. Johnson: ...le ministre voudrait, M. le Président, que nous disions merci à Ottawa. Ottawa envahit toute la maison, Ottawa a occupé toutes les pièces, Ottawa s'est enlevé d'une partie de la cuisine, nous fait payer le loyer dans cette même cuisine qui nous appartient; Ottawa occupe le salon, Ottawa se réserve le droit de critiquer ce que nous allons faire dans la cuisine, nous pourrons être critiqués au Parlement du Canada par des ministres, des députés des autres provinces dans un domaine qui nous concerne et il faudrait dire merci. Non!

M. Laporte: Qui vous a suggéré de dire merci?

M. Johnson: M. le Président, il faudrait voter pour cette loi et féliciter le premier ministre qui a fait cavalier seul pour faire entrer un cheval de Troie dans la province de Québec. Quel grand mérite! Je voudrais dire au premier ministre qui a le sens des responsabilités, je l'espère, je voudrais dire au ministre des Affaires municipales, qui connaît la situation dans la province actuellement relativement à ces mouvements nationalistes qui mènent aux extrêmes...

C'est là, M. le Président, que je voudrais faire un appel au gouvernement...

M. Lesage: La chasse aux sorcières.

M. Johnson: M. le Président, il ne s'agit pas de chasse aux sorcières. Je voudrais dire à cette Chambre que la jeunesse d'aujourd'hui, qui a cru aux paroles autonomistes du premier ministre, n'endurera...

M. Lesage: Le bill.

M. Johnson: ...pas, en 1963, qu'on se justifie de quelque précédent que ce soit pour enfreindre ou restreindre l'autonomie de la province. Le mouvement actuel n'est pas vers le pancanadianisme dans la province de Québec. Le mouvement actuel - et le premier ministre a utilisé ces paroles - c'est vers un épanouissement plus complet de notre population, et nous en sommes.

M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Sommes-nous en deuxième ou en troisième lecture? Nous sommes en troisième lecture. Le principe du bill. Si le chef de l'Opposition a oublié une partie de son discours en deuxième lecture, ce n'est pas ma faute.

M. Johnson: M. le Président, je voudrais dire qu'un bill comme celui-ci, amené dans des circonstances que nous connaissons, c'est peut-être l'un des éléments qui feront avancer le séparatisme le plus rapidement parce qu'il fait perdre confiance à la population. Voici des gens qui se sont proclamés autonomistes. Voici des gens qui ne jurent que par ça et qui amènent devant nous le bill le plus centralisateur qu'une Législature ait jamais eu à sanctionner dans cette province.

M. le Président, je le regrette, c'est une reculade. Le cheval de Troie, il est entré par la grâce des libéraux, mais c'est le gouvernement qui a reculé devant le cheval de Troie. Je le regrette infiniment pour notre population et je le regrette quasiment, M. le Président, pour un gouvernement que nous commencions à aimer.

M. Lesage: "The kiss of death". Je n'en veux pas, Seigneur!

M. Johnson: M. le Président, vous l'avez entendu, le premier ministre. Il ne veut pas de nouveaux partisans. J'ai une nouvelle pour lui.

M. Lesage: Mais pas de vous autres.

M. Johnson: ...S'il n'a pas de nouveaux partisans, à cause de tous ceux qu'il a perdus à date, il est déjà en minorité. Je dirai au premier ministre que, fidèle au mandat qu'elle a reçu de ses électeurs, fidèle à sa tradition autonomiste, fidèle à son rôle de mettre devant la population les solutions alternatives, l'Opposition à qui on n'a pas démontré qu'on a fait tout en son possible pour sauvegarder les droits de la province votera en troisième lecture contre le bill no 1.

M. Jean Lesage

M. Lesage: M. le Président, quelques mots seulement. Je n'ai aucunement l'intention de répéter ni le clair exposé fait

par le ministre des Affaires municipales, ni ce que j'ai dit lors de mon intervention en deuxième lecture. Cependant, je ne puis laisser sans réponse certaines affirmations que vient de faire le chef de l'Opposition. Je ne reviendrai pas, non plus, sur les répétitions que contenait son intervention en troisième lecture.

Le chef de l'Opposition a commencé par dire que les libéraux n'ont absolument rien fait pour aider les municipalités ou les chômeurs ou encore, si l'on peut mieux s'exprimer, les municipalités à combattre le chômage.

M. Johnson: Je vous demande pardon, M. le Président. J'ai dit: Sauf des subventions pour des travaux d'hiver, mais on prétend à certains endroits que ça suffit à peine pour payer la différence de prix.

M. Lesage: J'y arrive. J'y arrive. Il faut au moins que vous me laissiez finir mes phrases. Il a parlé du fait de couper des herbes, du nettoyage de fossés, que c'était payé par la Voirie, la Colonisation. Evidemment, ça se fait encore. Nous avons fait plus. Il ne faut pas oublier que, dans les régions économiquement faibles, nous avons établi un vaste système qui nous permet de faire travailler chaque année des milliers de personnes a la sylviculture. C'est une innovation et ça n'existait pas au temps de l'Union Nationale. Un exemple seulement pour dire que le chef de l'Opposition, dans ses affirmations catégoriques, public souvent des points fort importants et qui comportent, dans le cas de la sylviculture, des dépenses beaucoup plus considérables que celles que faisait l'Union Nationale pour la coupe de fardoches.

M. Bellemare: C'était les camps forestiers d'été.

M. Lesage: Non, pardon, je m'excuse, ce ne sont pas des camps d'été. Il s'est dépensé des milliers et des milliers de dollars dans les comtés de la Gaspésie et dans les comtés de la région du Nord-Ouest québécois pour la sylviculture. Des centaines et des milliers de personnes, à diverses périodes de l'année, ont été engagées. Il y a eu aussi...

M. Johnson: Des routes d'accès.

M. Lesage: Il y a eu aussi les routes d'accès. Ce sont des innovations pour le gouvernement provincial, ça n'existait pas au temps de l'Union Nationale. Je ne veux pas chicaner, je veux rétablir les faits purement et simplement. Le chef de l'Opposition, en voulant essayer d'atténuer le fait que le gouvernement de l'Union Nationale n'avait rien fait pour participer au coût du proqramme des travaux d'hiver, a dit: Les libéraux ont voté pour la loi de 1958. Je voudrais attirer son attention sur la page 152 des Journaux de l'Assemblée législative pour la session de 1958-1959. A la page 152 -c'est la deuxième lecture, je crois - M. Lapalme propose, secondé par Mme Kirkland, "que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots après que par les suivants: la Chambre est d'avis que le gouvernement devrait, avant la seconde lecture du bill no 21, intitulé Loi concernant les emprunts municipaux en matière de chômage, considérer les mesures à prendre pour contribuer plus efficacement à l'exécution des travaux destinés à remédier au chômage". Et là, tous les membres de l'Union Nationale ont voté pour le maintien de la décision du président, déclarant irrégulière...

M. Bertrand (Missisquoi): Eh oui, on a voté la loi.

M. Lesage: Très bien, mais l'Union Nationale n'a rien fait par la suite. Oui, oui, très bien, mais, tout de même, les libéraux ont exprimé l'opinion, dès ce moment-là, en 1958, que le gouvernement provincial devait participer financièrement à l'exécution des travaux d'hiver. Et dès que nous avons pris le pouvoir en 1960, eh bien, nous avons donné suite à cette expression d'opinion des 17 députés libéraux à l'Assemblée législative en 1958, de telle sorte que, pour le programme des travaux d'hiver qui existe depuis 1958; en 1958-1959, la province a contribué zéro, en 1959-1960, zéro, en 1960-1961, $7,200,000; en 1961-1962, $9,048,000 et, en 1962-1963, l'estimation est de $15,246,000. Évidemment, M. le Président, nous ne faisons rien, paraît-il, pour nos municipalités. Eh bien, si $15,246,000 représentent 40% du coût de la main-d'oeuvre dans l'exécution de ces travaux, la valeur globale des travaux pour cette dernière année est de $116 millions. C'est dire que c'est un grand encouragement à des travaux municipaux qui constituent un actif pour les municipalités et qui, en même temps, permettent de donner du travail à ceux qui, malheureusement, n'en ont pas suffisamment.

M. Bellemare: Il faudrait comparer Taschereau avec nous autres.

M. Lesage: Maintenant, le chef de l'Opposition a dit...

Des voix: Il faudrait comparer Taschereau. Deux zéros.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Lesage: Le chef de l'Opposition a

dit que nous aurions dû taxer les corporations pour obtenir la somme de $120 millions de dollars au lieu de...

M. Johnson: Non, non, non. D'abord, j'ai dit qu'il y a d'autres manières. On aurait même pu aller jusque-là temporairement. Et là, ce n'est pas pour $120 millions, M. le Président; c'est pour la partie de subvention. C'est tout ce dont on aurait eu besoin de taxes, plus la partie de diminution d'intérêt.

M. Lesage: Partie de diminution d'intérêt et partie subvention.

M. Johnson: Le député de Shefford a démontré hier que cela aurait coûté $1 million à la province pour la première année, $2 millions la deuxième année et $3 millions la troisième. En trois ans, l'affaire aurait pu être réglée à Ottawa. L'ultimatum serait passé, réglé d'une façon favorable ou non; peut-être une nouvelle constitution, peut-être la séparation, M. le Président.

M. Lesage: M. le Président, le quart de $120 millions est $30 millions. Je ne comprends pas beaucoup les calculs du député de Shefford parce que 25% de $120 millions, d'après l'anqlais que j'ai appris, c'est $30 millions.

M. Johnson: J'ai dit $1 million par année.

M. Lesage: C'est $10 millions, pas $1 million. Le chef de l'Opposition a dit $1 million, $2 millions, $3 millions. Un instant:

M. Johnson: Pour payer la moitié de l'intérêt - ce qui aurait été une aide substantielle - et donner une subvention, cela aurait coûté moins de $1 million par année.

M. Lesage: Je regrette, mais on ne peut pas calculer seulement sur trois ans; la différence de l'intérêt aurait été au moins l/2% sur $120 millions.

M. Johnson: Première année?

M. Lesage: Excusez-moi, sur $120 millions pendant 20 ans. C'est donc 10% de $120 millions; c'est donc $12 millions que ça aurait coûté. Cela aurait pris $12 millions, plus les $30 millions, ce qui fait $42 millions. C'est le tiers de ce que rapporte actuellement l'impôt sur le profit des corporations. C'est le tiers. Oui, en récupérant, et j'ai besoin de ma récupération pour d'autres choses.

M. Russell: M. le Président, la question a été soulevée hier. On disait que $1 million, c'était la première année; $2 millions, la deuxième année. Ceci représentait 3% de l'intérêt.

M. Lesage: Je ne discute pas les chiffres du député de Shefford. Je dis que 1/2% de $120 millions pendant vinqt ans, ça fait $12 millions par année sur 20 ans. Chaque année des 20 ans.

M. Johnson: Sur la base de 6%, ça?

M. Lesage: Pardon? La différence de 1/2% est la différence courante entre le taux d'intérêt d'Ottawa et celui de Québec.

M. Dozois: Ce peut être 0.4.

M. Lesage: Bien, ça peut être 0.4, mais, enfin, c'est pour dire que l'ordre de grandeur, c'est à peu près $40 millions, si on veut.

M. Dozois: Les $12 millions peuvent baisser à 6% avec les remboursements.

M. Lesage: Alors, ça veut dire qu'il aurait fallu augmenter l'impôt des corporations d'un pourcentage qui aurait été de nature à imposer une double taxation telle que nous mettions en danger notre industrie et notre économie. C'est une chose sur laquelle il faut toujours être extrêmement prudent. J'y reviendrai tout à l'heure lorsque je parlerai de la résolution sur les caisses de retraite. Je traiterai plus longuement de cet aspect de l'impact de la taxation sur l'industrie et le commerce, sur l'économie en général.

Maintenant, le chef de l'Opposition est revenu sur la discussion que nous avions eue en comité sur l'interprétation des articles 10 et 11. Je regrette, j'ai dit ce matin que je n'étais pas du tout d'accord avec son interprétation. Le conseiller juridique du gouvernement n'est pas du tout d'accord avec son interprétation et il n'est pas exact de dire que la province est traitée comme une municipalité, aucunement.

Continuant son argumentation sur ce point, le chef de l'Opposition invoque l'article 7.2. Il dit: Avec l'approbation du gouverneur en conseil l'office peut, au plus tard le 31 octobre, choisir... Ce n'est pas pour ça que "peut" est là. On dit "peut" et non "doit", parce qu'une province, elle, peut choisir de ne pas utiliser l'article 7.2. Alors, on ne peut pas dire à l'article 7.2: L'office "doit", il faut dire "peut". Le ministre des Finances m'a écrit - la correspondance a été déposée - justement pour demander officiellement si le gouvernement du Québec avait l'intention de se servir de l'option de l'article 7.2 et j'ai répondu oui. C'est réglé, cette affaire-là. C'est déclaratoire et ça ne peut pas être impératif.

M. Johnson: M. le Président, ça aurait

pu être autrement; le premier ministre va admettre cela.

M. Lestage: Bien oui, mais ce n'est pas autrement.

M. Johnson: Il aurait pu dire: Si une province désire faire une telle option, l'Office devra...

M. Lesage: Bien oui. D'ailleurs, "peut" veut dire "doit" dans certaines circonstances. Dans le langage législatif, "peut" veut dire "doit".

M. Bertrand (Missisquoi): Bien non. Tantôt, c'était le contraire.

M. Lesage: Quand il s'agit d'office, quand il s'agit de corps à qualité judiciaire ou quasi judiciaire, "peut" veut dire "doit". Certainement, c'est la distinction.

M. Bertrand (Missisquoi): Bien, j'ai la toux.

M. Lesage: Bien oui. Je pensais que le député de Missisquoi était mieux que dimanche dernier. Non? On va recommencer à s'inquiéter à son sujet. "Avec l'approbation du gouverneur en conseil, l'office peut, au plus tard le 31 octobre 1963, conclure avec une province quelconque une entente relative aux prêts à consentir au gouvernement de cette province ou à tout organisme désigné de celle-ci." Je me demande comment l'office a juridiction sur la province quand il s'agit de conclure une entente. Lorsqu'une loi fédérale a autorisé le gouvernement fédéral à faire des ententes avec les provinces au sujet de l'assistance-chômage, lorsque l'entente a été signée par M. Sauvé ou par le député de Missisquoi, je pense...

M. Johnson: Assistance-chômage?

M. Bertrand (Missisquoi): Assistance-chômage, c'est M. Sauvé.

M. Lesage: Par M. Sauvé... évidemment, ça ne voulait pas dire que le gouvernement de la province de Québec était dans ce domaine sous la férule du gouvernement d'Ottawa.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre sait bien que tout ça est venu à la suite de son comité à Ottawa, d'une conférence fédérale-provinciale, d'un amendement à la constitution.

M. Lesage: Non, non, je ne parle pas de l'assistance-vieillesse, je parle de l'assistance-chômage.

M. Bertrand (Missisquoi): Cela a été signé avec le ministre.

M. Lesage: Oui, signé avec le ministre, c'est très bien. Mais que ce soit signé avec un ministre ou avec un organisme chargé de l'application de la loi, ça revient exactement au même.

M. Bertrand (Missisquoi): Non, ah, non! M. Johnson: Non.

M. Lesage: Bien ça, c'est jouer sur les mots. Mais le gouvernement de la province n'est pas plus assujetti à l'office dans ce cas-ci que le gouvernement de la province est assujetti au gouvernement fédéral dans le cas de l'assistance-chômage, pas plus.

M. Johnson: Un curé, ça fait affaires avec un curé, pas avec un vicaire.

M. Lesage: Il n'y a pas d'assujettissement, il y a signature d'une entente. C'est ce que ça dit.

M. Johnson: Cela aurait pu être avec le ministre.

M. Lesage: Et on prétend qu'il y a assujettissement lorsqu'on lit, à l'article 2b), qu'en vue de faire des prêts sous son régime l'office doit accepter un certificat délivré par le gouvernement de la province. Est-ce que c'est ça, être assujetti? L'office doit accepter le certificat de la province. C'est l'office qui est assujetti, qui doit accepter le certificat de la province. Il est obligé et c'est là une victoire majeure que nous avons remportée lors de la conférence fédérale-provinciale. Nous ne voulions pas qu'il y ait de quelque façon que ce soit un texte qui puisse laisser supposer que la province était assujettie aux diktats de l'office. C'est pour cela que nous avons fait inscrire cette clause à l'effet que l'office doit accepter le certificat de la province.

M. Johnson: Oui, mais la province est liée à faire seulement ce que la loi d'Ottawa permet de faire.

M. Lesage: D'ailleurs, je considère que, dans la loi d'Ottawa, les cadres sont à notre satisfaction; nous l'avons acceptée, ce sont des cadres satisfaisants, quant à nous, et nous n'aurons aucune difficulté. La difficulté que je prévois, ce n'est pas que nous ne trouvions pas suffisamment de travaux à faire dans ces cadres, de travaux utiles pour l'avenir, mais que nous ayons trop de demandes et qu'il nous faille contingenter. C'est ma crainte, bien plus que de l'autre côté.

Quant aux cadres, quant à nous, pour la

province de Québec, ils sont suffisants. Les projets des municipalités sont tels que $120 millions d'ici au 31 mars 1966 est un chiffre beaucoup moindre que celui de l'ensemble des projets des municipalités de la province dans le champ d'action prévu par la loi jusqu'au 31 mars 1966. Je le répète: Je suis satisfait, en dépit des réserves que j'ai faites, que nous ayons sauvegardé l'autonomie de la province et que nous ayons agi avec réalisme.

M. Frank Hanley

M. Hanley: Mr. President, the Leader of the Opposition, during his remarks, invited a representation of the English - speaking Members of this Parliament.

M. Johnson: No, I did not say that.

M. Hanley: Mr. President, my mind is not foggy and it is very clear that the Leader of the Opposition asked the English-speaking Members of this Parliament to stand up and support the province of Quebec concerning the constitutional encroachment to the autonomy of the province of Quebec in the adoption of this law.

M. Johnson: Mr. Speaker, I am sorry, the Honourable Member misunderstood my remarks. I said that every Member of the Union Nationale, including the English-speaking Members, would talk the same as I was talking about this problem. I did not ask or invite the English-speaking Members to support, I just affirmed that they would talk as I was talking then about the same problem.

M. Hanley: Mr. President, the Leader of the Opposition...

M. Johnson: And I did not include the Member for St.-Ann.

M. Hanley: The Leader of the Opposition admits that he invited the English-speaking Members of Parliament. Oh! non? Il n'a pas dit de l'Union Nationale. Quand il dit les députés anglais, il y a un député de l'Union Nationale. Oh oui!

M. le Président: First of all, I think the Member for St.-Ann understood the Leader of the Opposition when he explained the second time, what he intended the Member for St.-Ann to understand. He had already stated that he had not made the declaration that the Member for St.-Ann had imputed to him and that should have been enough for the Member for St.-Ann to accept the statement of another Member that he had not made a certain remark. And I will therefore ask the Member for St.-Ann, if he wishes to make any remark on the question of third reading, to do so without necessarily making reference to declarations that other Members might have made.

M. Hanley: Then, Mr. Speaker, the very few remarks that I will make will be without an invitation! Mr. President, I am glad of this opportunity to have the occasion of supporting the constitutional rights and the autonomy of the province of Quebec, and the vast majority of the residents of the province of Quebec are French Canadians. I am glad to have this privilege in this occasion and I will take this opportunity very briefly.

I do not believe that the Highest Court of our province or the Highest Court of our country would consider this bill which we are discussing today unconstitutional. And I do not believe that the Highest Court of our province or our country would reprimand any resident of the province of Quebec, because he was in favour of the principle of the Loan Fund created by Ottawa, and only accepted by the delegates of this Parliament after the law was amended in Ottawa to suit the mentality of the majority of the people of the province of Quebec.

Therefore, I am justified in bringinq before this Parliament the principle of, out of $400 millions available to the various provinces of the Dominion of Canada, the province of Quebec, the people of the province of Quebec will benefit to the extent of $120 millions. I think that this is a very good deal that the delegates made for the people of the province of Quebec.

The most touching and interesting principle of this bill is that we have available $120 millions concerning the human resources of our people. And that is stronger than any constitutional controversy or any controversy on autonomy: $120 millions concerning the human resources of our people!

M. Gabias: Money talks.

M. Hanley: That is millions of money!

M. Gabias: Money talks.

M. Hanley: That is millions of money. That is the survival, that is benefits for our people. That is giving them the advantages and the opportunities of survival, of the necessities of life. That is not money...

M. Gabias: Money talks.

M. Hanley: ... that is common sense. And what I omitted, Mr. President, is that it must have been unconstitutional, it must have attacked the autonomy of the province, when the agreement by the city of Montreal,

Quebec and Ottawa for a grant of $40 millions or $50 millions concerning the realisation of the World's Fair was adopted and approved by Ottawa. And I never heard one single word of opposition from any Member of this Parliament concerning that unconstitutional controversial grant by Ottawa to Montreal.

Mr. President, I am very much surprised that there is an attack, there is criticism concerning $120 millions directed the benefit of our human resources. Mr. President, if one billion dollars was directed towards the benefit of the development of our natural resources, that would not interest me as much as $120 millions concerning our human resources. And I think that the arguments since the beginning of this debate against this bill have been very weak, very weak.

I am surprised, and I think I should become very much concerned, that any Member of this Parliament would vote against $120 millions concerning the human resources of their people; more than surprised, concerned. And, when the threat was made that the adoption of this bill may bring about separatism sooner than we expect, I accept the threat. The sooner it is brought about, the sooner the people decide concerning separation, the better it will be for all of us in Quebec and for all in Canada. Therefore, if this serves a purpose to bring that issue to a head, I think that I am justified not only defending the human resources of our people, I am justified in bringing this controversial issue of certain sections of Quebec and Canada to a head.

Therefore, in conclusion, Mr. President, it is very seldom that I criticize objections from any Member of this Parliament. But knowing the needs of our human beings within my riding in Quebec, I am forced to be critical. I think that these $120 millions to serve the purposes of our human resources should be bigger than any political issue, and this bill has become a political issue since the beginning of this session.

M. Bertrand (Missisquoi): Le procès-verbal.

M. Hanley: Members, set aside your political issues, set aside your theories on constitutional rights. Open up your hearts to your people to the extent of $120 millions in which your people in taxes will only pay $90 millions in return. It is a good deal, Mr. Prime Minister, it is a good deal to the delegates of Quebec who suggested politely, with dignity, to the central government that there should be some amendments to the first law and who returned with an amended law and $120 millions of which we will only pay back $90 millions. An excellent agreement.

And if every Member of this Parliament, in conclusion, set their political theories, their fantasies aside and give more attention to the human resources of their people, then they will become bigger than politicians; some day they may become statesmen. Thank you, Mr. President.

M. le Président: Est-ce qu'on est prêt pour la troisième lecture?

M. Lesage: Le même vote.

M. Bertrand (Missisquoi): Ah non.

M. le Président: Même vote que sur la question de règlement en troisième lecture. On va en ajouter, quelques-uns.

M. Lesage: Oui, oui, enregistré.

M. Johnson: Mais s'il y en a quelques-uns qui sont arrivés depuis, ils doivent se faire inscrire.

M. le Président: Troisième lecture, adopté.

M. le Greffier adjoint: Troisième lecture de ce bill. Third reading of this bill.

M. Lesage: Le bill 2. Bill no 2 Deuxième lecture

M. le President: Pour M. Gérin-Lajoie, M. Lesage propose la deuxième lecture du bill no 2, Loi concernant les taxes scolaires sur les immeubles des compagnies.

M. Lesage: M. le Président, je crois que les notes explicatives sont complètes et je suggère que nous allions en comité pour donner des explications supplémentaires si les députés en désirent.

M. Johnson: Très bien.

M. le Président: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

M. Johnson: Adopté.

M. le Président: Adopté.

M. le Greffier adjoint: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Comité plénier

M. le Président: Pour M. Gérin-Lajoie, M. Lesage propose que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en

comité plénier pour étudier le bill no 2. Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. Lesage: J'espère qu'on comprend bien le problème, mais c'est aussi bien de lire les notes explicatives pour le Hansard.

M. Johnson: Le député de Trois-Rivières dit: "On le comprend, n'allez pas nous embrouiller."

M. Lesage: Non, mais je veux les lire pour le Hansard.

Une voix: On vous écoute.

M. Lesage: Je puis bien me dispenser de les lire aussi. Je demanderais à l'éditeur des débats de bien vouloir reproduire à ce moment-ci les notes explicatives concernant le bill 2. "Notes explicatives. En vertu des dispositions actuellement en vigueur, la cotisation scolaire n'est prélevée sur les immeubles de compagnies que par la commission scolaire qui compte le plus grand nombre de contribuables chaque fois que ces immeubles sont situés dans un territoire sous la juridiction de deux commissions scolaires formées de commissaires et, si l'une des commissions scolaires est formée de syndics, les commissaires exercent seuls ce droit. La cotisation ainsi prélevée est répartie au prorata du nombre d'enfants âgés de 5 à 17 ans de chaque croyance religieuse. Pour ce qui est de la taxe spéciale, chaque commission scolaire exerce le droit de la prélever, mais seulement pour un montant fixé suivant cette proportion.

Le texte proposé a pour objet d'appliquer à la cotisation la même règle qu'à la taxe spéciale, chaque commission scolaire prélevant la cotisation et la taxe spéciale sur une partie de l'évaluation des immeubles des compagnies situés dans son territoire établie au prorata du nombre d'enfants âgés de 5 à 17 ans de chaque croyance religieuse.

On évitera ainsi que la cotisation fixée en regard des besoins de la majorité soit insuffisante ou indûment élevée en regard des besoins de la minorité, tel que c'est notamment le cas lorsque la commission scolaire majoritaire fait partie d'une commission régionale. La contribution requise pour l'enseignement secondaire est alors prélevée au moyen d'une taxe spéciale, la cotisation se trouve réduite en conséquence et fait porter aux compagnies une part insuffisante des dépenses scolaires de la minorité."

M. Bédard (président du comité plénier): Article 1 adopté?

M. Johnson: M. le Président, nous avons compris le bill. Le premier ministre m'avait téléphoné pour me dire qu'à son grand regret il sentait le besoin de l'ajouter au menu de la session tel qu'il me l'avait donné avant parce qu'il considérait que c'était une question urgente. Le ministre de la Jeunesse et les officiers du ministère lui avaient représenté que les commissions scolaires avaient besoin de ces pouvoirs modifiés. J'ai consulté mes collègues et, quand les commissions scolaires demandent des choses que le gouvernement est prêt à leur accorder, nous sommes prêts à coopérer, évidemment, sauf qu'il faut constater - je crois que c'est le devoir de l'Opposition de faire ressortir ces aspects du problème -qu'on enlève un plafond, en somme, à la taxation.

Les amendements tels que faits ont certains avantages, entre autres quant à la répartition. La répartition se fera dans les deux cas, le cas de la cotisation et de la taxe générale, sur la base du nombre d'élèves respectifs dans le territoire commun. Auparavant, pour l'une des taxes, c'était le territoire commun et, pour l'autre taxe, c'était le territoire des municipalités, ce qui avait pour effet, dans certains cas, de créer certaines injustices quelquefois au profit de la minorité protestante et, d'autres fois, au profit des minorités catholiques.

M. Lesage: C'est-à-dire pas au profit, à l'égard.

M. Johnson: À l'égard, dis-je, au bénéfice de certaines injustices.

M. Lesage: Des injustices à l'égard.

M. Johnson: Certaines injustices étaient créées...

M. Lesage: Une chicane de mots.

M. Johnson: ... au bénéfice, à un moment donné, de l'une ou de l'autre. À tout événement, protestants et catholiques, comme tous les citoyens de cette province, sont prêts à recourir à une règle de justice, qui, justement, est celle que nous avions déjà introduite pour une des taxes et qui se trouve maintenant introduite pour les deux taxes. Tant mieux.

Il reste, quand même, qu'en vertu de la loi actuelle, par le jeu des articles 422 et 423, pour la taxe spéciale, celle dont on se sert dans le cas de constructions, lorsqu'une des commissions scolaires voulait taxer un immeuble d'une compagnie, elle était limitée à la part qu'elle aurait reçue s'il s'était agi d'une taxe générale appelée cotisation dans l'article 422. C'est-à-dire que les deux commissions scolaires, quand il s'agit de la taxe spéciale, pouvaient indépendamment et d'une façon autonome, taxer le même

immeuble, mais le total de cette taxe spéciale combinée des deux commissions scolaires ne devait pas dépasser le total de la taxe générale. Par le jeu de l'amendement, évidemment, le total des taxes spéciales imposées par les deux commissions scolaires pourra dépasser l'ancien plafond.

M. Lesaqe: Possiblement.

M. Johnson: Je dis pourra dans certains cas. Alors, on donne toute liberté aux commissions scolaires comme aux syndics de prendre leur partie de l'immeuble ou leur quote-part de l'immeuble de la compagnie et de la taxer selon leurs besoins respectifs.

M. Lesage: Oui. Il ne faut pas oublier, cependant, que, lorsqu'il s'agit de constructions, la décision de construire ne peut être prise sans l'approbation de l'Instruction publique. Il y a tout de même une sauvegarde. Il y a un contrôle.

M. Johnson: Seulement, il faut constater - je crois que c'est le devoir de l'Opposition de le faire constater - qu'on enlève un plafond et que les taxes monteront dans certains cas. Et c'est une autre nouvelle manière de taxer.

M. Lesage: Adopté.

M. Bédard (président du comité plénier): Article 2, adopté. Article 3, adopté.

M. le Président, le comité a adopté le bill no 2.

M. le Président: Troisième lecture? M. Lesage: Troisième lecture. Troisième lecture

M. le Président: Troisième lecture du bill no 2, adopté.

M. le Greffier adjoint: Troisième lecture de ce bill. Third reading of this bill.

Rejet d'une motion demandant

copie du rapport sur la

création d'une caisse

de retraite universelle

M. Lesage: M. le Président, la motion de M. Johnson, c'est l'article no 7. Je dois invoquer le règlement, à l'article 690. Pardon!

M. Bertrand (Missisquoi): Cela doit être confidentiel.

M. Lesage: C'est un document marqué strictement confidentiel.

M. Dozois: Ils sont cachotiers.

M. Lesage: C'est un document marqué "strictement confidentiel" qui est un rapport de M. Wheeler Dupont à son chef administratif, le chef administratif, dans les circonstances, étant celui qui vous parle, parce qu'il ne faut pas oublier que je suis un fonctionnaire, au sens de la loi.

M. Bertrand (Missisquoi): Vous êtes trois fonctionnaires.

M. Lesage: Je cumule trois fonctions. Et l'article 690 deuxièmement dit: "Sont réputés privés et confidentiels, à moins qu'un ministre ne les ait cités, les rapports que les fonctionnaires et les employés adressent à leurs chefs administratifs: les rapports des commissions des ministères; les notes que les fonctionnaires et les employés d'un ministère échangent entre eux." Et, au cas où ce ne serait pas suffisant, en vertu du paragraphe 1, je déclare que ce rapport est privé et confidentiel et qu'il est contraire à l'intérêt public de le publier dans le moment.

D'ailleurs, par la résolution de tout à l'heure, on pourra constater les raisons pour lesquelles ce ne serait pas dans l'intérêt public. Nous pourrions faire naître des espoirs qui ne seraient pas justifiés en publiant ce rapport qui est nécessairement sujet à un rapport que j'attends d'actuaires auxquels ce rapport a été soumis. Je vais expliquer toutes ces choses sur la résolution dans quelques instants.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que j'ai bien compris qu'il n'y avait pas de rapport d'actuaires?

M. Lesage: Non, pas encore. M. Johnson: Non, pas encore.

M. Lesage: Je l'attends vers le 15 septembre. Je vais vous le dire tout à l'heure. Évidemment, nous pourrons, lors du débat sur la résolution, vous éclairer.

M. Johnson: M. le Président, évidemment, le premier ministre a le droit de déclarer que, dans son opinion, ce n'est pas d'intérêt public. Je suis obligé de le prendre.

M. Lesage: J'en suis convaincu.

M. Johnson: Mais je voudrais, tout simplement, vous faire remarquer que nous cherchions un moyen de nous renseigner le plus possible. Si certaines parties du rapport avaient pu être mises à la disposition des députés, cela aurait été un instrument de travail, mais je dois prendre...

M. Lesage: Non, je préfère attendre le rapport d'actuaires.

M. Johnson: Dû au respect que j'ai toujours manifesté envers le règlement, M. le Président, je dois me plier et je ne ferai même pas appel de votre décision.

M. le Président: Je n'ai pas rendu de décision.

M. Lesage: À l'article no 2, c'est une motion qui apparaît à mon nom...

M. Bertrand (Missisquoi): Motion pour une caisse de retraite publique.

M. Lesage: ...touchant l'établissement d'une caisse de retraite publique et universelle.

M. Bertrand (Missisquoi): Avez-vous un discours?

M. Lesage: J'ai quelques notes et je voudrais vous donner des explications.

M. Johnson: On ne voudrait pas disposer de l'autre avant?

Motion touchant le rapport du comité sur la constitution

M. Lesage: Laquelle? De l'article 3, certainement.

Alors, la motion qui apparaît à mon nom, à la rubrique 3 du feuilleton, est la suivante: "Que pour les fins de la résolution adoptée par cette Chambre le 7 juin 1963, instituant un comité spécial en vue de la détermination des objectifs à poursuivre par le Canada français dans la révision du régime constitutionnel canadien et des meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs, il ne soit pas tenu compte de la convocation de la présente session."

Voici pourquoi il faut adopter cette motion. C'est parce que la résolution de la Chambre créant le comité en question va obliger le comité à faire rapport à la prochaine session, c'est-à-dire à cette session-ci. Il est clair que le comité ne peut pas faire rapport à cette session-ci. Nous avons pensé que la meilleure façon d'empêcher le comité de mourir, c'était de dire, dans une résolution de la Chambre, que, pour les fins de ce comité, on ne tient pas compte de la présente session.

M. le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Dozois: On ne se fera pas reprocher de retirer $25 par jour?

M. Lesage: Non, vous n'allez pas gaspiller de ce côté-là, certain.

M. le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée? Article no 3, adopté.

Motion en vue de

l'établissement d'une caisse

de retraite publique

et universelle

M. Jean Lesage

M. Lesage: Je reviens à l'article no 2. Lors de la conférence interprovinciale de 1962, à Victoria, de nombreux sujets avaient été discutés, comme l'on s'en souvient; celui, par exemple, concernant la taxe de vente par une province dans une autre. Je l'ai mentionné lorsque nous avons discuté d'un projet de loi sur la taxe de vente au cours de la dernière session. C'est la province de Québec qui s'était chargée de cette préparation.

Nous avions également discuté la question des pensions transférables ou transportables. L'Ontario avait un comité qui étudiait depuis déjà un an et demi ou deux ans à ce moment-là cette question des pensions transportables. Il avait été convenu que l'Ontario continuerait une étude et aussi que la province de Québec enverrait un observateur à loisir à Toronto pour suivre le travail du comité d'étude et la discussion du projet de loi devant la Législature et le comité d'étude. Même M. Dupont a participé, je crois, à certaines réunions qui étaient in camera.

M. Bertrand (Missisquoi): Qui est M. Dupont?

M. Lesage: M. Wheeler Dupont. Lorsque la loi ontarienne a été adoptée, M. Dupont m'a fait rapport et m'a fait ses commentaires. Alors, j'ai soumis cela à mes collègues du Conseil des ministres et nous avons décidé de nommer un comité, sous la présidence de M. Dupont, qui serait chargé d'étudier le problème et de nous faire des recommandations. Nous avons reçu le rapport préliminaire auquel se rapportait la motion du chef de l'Opposition que nous avons discutée il y a quelques instants.

Nous poussons rapidement l'étude en vue ! de l'établissement d'une caisse publique et universelle de retraite par la Législature de la province de Québec. Ce rapport préliminaire nous a été donné sur une base strictement confidentielle parce que, même si les actuaires faisaient partie de ce comité, ils n'avaient pas étudié au complet les chiffres des diverses alternatives qui peuvent nous être soumises. J'ai reçu ce rapport de M. Dupont il y a très peu de temps et, immédiatement, nous avons demandé l'opinion d'actuaires qui sont M.

Paléus Poznanski et la firme Castonguay, Lemay et autres. M. Poznanski a une très grande expérience dans l'établissement des fonds de pension; il est l'actuaire des Prévoyants du Canada depuis de nombreuses années. MM. Castonguay, Lemay et autres sont des actuaires canadiens-français de grande réputation. M. Castonguay est à Montréal, je crois, et M. Lemay, à Québec ou vice versa.

M. Bertrand (Missisquoi): Et autre. Qui est l'autre?

M. Lesage: Non, "et autres", c'est le nom de la firme. Évidemment, il y avait un actuaire du commerce et de l'industrie, M. Alain, je crois, qui faisait partie du comité présidé par M. Dupont.

Évidemment, il faut qu'une telle caisse de retraite publique et universelle, si nous l'établissons, soit basée sur des chiffres d'actuaires. C'est une condition essentielle car, autrement, on risque dans l'avenir d'être appelés à faire des déboursés très considérables à même le fruit d'une taxation accrue. Il ne s'agit pas d'un fonds de pension comme celui des employés du service civil, qui n'est pas un fonds de pension étant donné qu'il s'agit de paiements au fur et à mesure dans ce cas-là, c'est-à-dire que les cotisations des employés au service civil sont versées au fonds consolidé. C'est le fond consolidé qui, chaque armée, paie le montant des pensions. Il n'y a pas de relation actuarielle - mais on me dit que ce mot n'est pas français - entre les montants payés par les employés civils et les montants reçus, les prestations qui leur sont payées. Dans le cas d'une caisse universelle de retraite, basée sur des cotisations par les participants, il est essentiel qu'il y ait une base d'actuaires.

Mais ce n'est pas le seul aspect important que l'on doit considérer dans l'établissement d'un tel système. Il faut aussi savoir quel sera l'impact du paiement des cotisations par l'industrie et le commerce sur l'économie de la province. Il est évident que le paiement des cotisations pour les ouvriers par l'industrie et le commerce dans certaines sphères où il n'y a pas de tels paiements à l'heure actuelle - parce qu'il y a plusieurs pensions de retraite privées qui existent - si nous allons trop loin, peut avoir sur l'économie, sur le commerce et l'industrie, l'effet d'augmenter considérablement même le prix de la production. Aussi, j'ai demandé à un homme de vaste expérience en finance et en économie, qui a été chargé de la surveillance d'un fonds de pension pour la compagnie dont il était le vice-président chargé des finances, M. J. Léo Boissonneault, ancien vice-président de la Shawinigan Water and Power, de suivre le travail des actuaires au fur et à mesure qu'il avance. Pardon?

M. Johnson: Monsieur qui, ça?

M. Lesage: M. Boissonneault, l'ancien vice-président chargé des finances. Léo Boissonneault, c'est un homme bien connu dans le milieu des affaires. Il va suivre le travail des actuaires au fur et à mesure qu'il avance afin de leur suggérer l'étude de toute alternative qu'il pourra déceler. Déjà, à la lecture du rapport de M. Dupont, il y avait certaines alternatives qui étaient mentionnées. Après avoir étudié le rapport avec mes collègues, j'en ai mentionné d'autres et c'est cette étude qui se fait.

J'ai aussi demandé à M. Boissonneault d'entrer en contact avec le président du Conseil d'orientation économique et de consulter des économistes réputés ayant une grande expérience pratique sur le deuxième aspect de la question, c'est-à-dire l'impact sur l'économie du Québec. Il ne faut pas s'imaginer que nous pouvons aller à la légère dans un domaine aussi compliqué et je suis sûr qu'il n'est pas un membre de cette Chambre qui serait satisfait de me voir présenter un projet sans que je sois en mesure de donner des réponses satisfaisantes à toutes les questions qui pourraient m'être posées, principalement sur ces deux sujets que je viens de mentionner. Est-ce que le fonds sera établi sur une base d'actuaires, de chiffres d'actuaires et, deuxièmement, quel sera l'impact de l'établissement de la caisse de retraite sur l'économie de la province?

Dans certains milieux, on a exprimé la crainte qu'en proposant l'établissement d'une caisse publique et universelle de retraite le gouvernement suggérerait de s'emparer des montants accumulés dans les fonds de retraite établis par le secteur privé. Je veux déclarer dès maintenant - et c'est bien important, je pense - que nous n'envisageons nullement une telle solution et rien ne peut être plus loin de la vérité.

M. Johnson: Que veut dire "publique" dans ce cas-là, d'abord? On dit "publique et universelle"?

M. Lesage: "Publique", c'est parce qu'elle serait administrée par une commission gouvernementale.

M. Johnson: Si elle est universelle et publique...

M. Lesage: Oui.

M. Johnson: ... est-ce qu'elle ne liera pas tout le monde?

M. Lesage: Oui, c'est l'intention.

M. Johnson: Même ceux qui ont déjà des plans?

M. Lesage: Oui, mais ça ne dérange pas les fonds existants, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de transfert à la caisse publique de fonds privés, actuellement, qui sont accumulés pour les fonds de retraite existants. Cela peut se faire autrement.

M. Johnson: Est-ce que ça veut dire qu'à l'avenir seuls les fonds qui existent au moment de l'entrée en vigueur de la loi pourront continuer, qu'il n'y aura plus de nouveaux fonds?

M. Lesage: Non, pas nécessairement, pas du tout. Parce qu'il est évident que l'établissement d'une caisse de retraite publique et universelle ne peut que donner les besoins de base, les besoins minimaux. Nous ne voulons pas additionner un troisième étage, parce qu'il y a deux étages actuellement: il y a la pension universelle de retraite à 70 ans, si vous ne voulez, plus les fonds de pension privés. Nous ne voulons pas ajouter à cela la caisse universelle. Nous voulons glisser la caisse universelle entre les deux. Si, dans certains plans de pension existants, les ouvriers et les patrons jugent qu'il y a lieu, étant donné l'établissement de la caisse universelle de retraite pour laquelle ils seront obligés de payer de toute façon, de diminuer les cotisations et les prestations à venir plus tard pour tenir compte des prestations à recevoir en vertu de la caisse universelle de retraite, ils seront libres de le faire. Ce n'est donc pas un troisième étage, c'est un "split level". C'est un deuxième étage que nous glissons entre les deux.

M. Johnson: Oui, mais je pense qu'il était important que le premier ministre fasse cette déclaration, à savoir que les fonds existants ne seront pas dérangés.

M. Lesage: Oui, j'ai tenu à la faire.

M. Johnson: Je suis très heureux qu'il l'ait faite. Je crois que, pour la paix et la stabilité financière, on a besoin de ça. Mais ce qui n'est pas clair dans mon esprit, c'est qu'il emploie les mots "publique et universelle".

M. Lesage: Oui, "publique", c'est gouvernementale.

M. Johnson: On en déduit naturellement que le gouvernement...

M. Lesage: Je ne veux pas employer le mot "gouvernementale" parce que je crois qu'il faudra nommer une commission. Alors, au lieu d'employer le mot "gouvernementale", j'emploie le mot "publique", c'est tout.

M. Johnson: Je remercie le premier ministre, c'est un commencement de réponse qui éclaircit...

M. Lesage: Bien, c'est la réponse.

M. Johnson: Non, mais ça éclaircit le problème et je comprends pourquoi il l'a mis. Mais, est-ce que - et c'est là l'inquiétude de ceux qui ont des fonds actuellement, qui ont des contrats avec des unions ouvrières et autres - même pour le niveau minimum que le gouvernement établira dans cet étage au milieu, entre les deux, entre le premier et le deuxième, l'argent continuera d'être administré, disons, par la caisse des pompiers à Montréal ou si cette partie de la caisse devra aller sous le contrôle de l'État provincial?

M. Lesage: Évidemment, c'est le même. Il faut bien tenir compte que nous sommes en concurrence avec le plan fédéral dont je vais parler dans un instant. Et le plan fédéral est universel.

M. Dozois: M. le Président, est-ce que le premier ministre me permettrait de compléter la question posée par le chef de l'Opposition? Prenons un cas concret, le cas des policiers de Montréal qui, eux, en raison de leurs fonctions, décrètent qu'ils peuvent prendre leur retraite après vingt-cinq ans de service ou cinquante ans d'âge. Évidemment, un tel fonds est onéreux, est coûteux par le fait que la période où on peut payer une pension est très considérable et peut s'étendre sur dix, douze, quinze ou vinqt ans. Alors, la contribution de ces gens est de 7% pour l'employé et de 11% pour la ville. C'est une contribution considérable. Admettons, pour les fins de la discussion, que la caisse de retraite...

M. Lesage: 1-1.

M. Dozois: ... ce serait 1-1.

M. Lesage: Bien, admettons. Cela peut être 2-2, 3-3.

M. Dozois: Est-ce que cela veut dire qu'à l'avenir les policiers de Montréal continueraient à payer 7% et la ville 11%, mais que, de ces 11%, il en resterait seulement 10% et 6% de la part des employés au fonds local et que 1% de chaque groupe s'en viendrait à la caisse centrale?

M. Lesage: Oui, et ça doit être ajusté par des actuaires. C'est cela que les actuaires sont à ajuster. C'est le seul moyen parce que, autrement, vous n'avez pas l'universalité.

M. Dozois: Alors, il n'y aurait que cette partie qui serait universelle.

M. Lesage: Et transportable, clairement. Ou bien on va au système de l'Ontario et on laisse les fonds privés existants et tout ce qu'on se préoccupe de faire, c'est assurer la transférabilité. C'est tout ce que l'on fait en Ontario. On oblige l'employeur de quinze employés ou plus à établir un plan de retraite obligatoire. On ne peut pas aller en bas de quinze parce qu'un plan de retraite pour un ou deux employés, il n'y a pas une compagnie d'assurance ou une compagnie de fiducie qui va l'établir. Alors, en Ontario, on ne peut pas avoir l'universalité, on ne peut pas prévoir pour ceux qui n'ont pas d'employés, les professionnels, tandis que les professionnels seront obligés de payer tout le montant de la contribution.

M. Bertrand (Missisquoi): Les cultivateurs?

M. Lesage: Certainement. Mais simplement, un instant, on ne peut pas le faire payer à ceux qui n'ont pas les moyens de payer. J'ai demandé aux actuaires d'établir les chiffres. Là, il y a diverses alternatives dont une, par exemple - et c'est cela qui est embêtant, de discuter sans que je sache exactement ce que les actuaires vont me dire - c'est que ce soit basé sur les mêmes chiffres que l'impôt sur le revenu, que ce soient les mêmes exemptions. Enfin, ce n'est pas une affaire facile. Je pense que je vous le prouve seulement par les réponses que je donne à vos questions. En Ontario, on ne peut pas avoir l'universalité.

M. Dozois: Si ce fonds de retraite est créé, nous serons satisfaits si, dans un cas particulier où il y a un fonds de retraite existant, du moment qu'on assure ce minimum que la province réclame, ce fonds reste indépendant et ne participe pas à la caisse centrale.

M. Lesage: C'est impossible parce que là je ne puis plus assurer la transférabilité.

Une voix: Pourquoi pas?

M. Lesage: Je ne puis plus assurer la transférabilité. Il me faut un fonds universel. C'est ce que le comité me dit. Ce sont des experts en la matière. De toute façon, nous ne sommes pas à étudier un projet de loi; c'est une résolution posant le principe. Que l'on ne me demande pas de donner ici les réponses que j'ai demandé aux actuaires de me donner et que je n'ai pas reçues.

M. Johnson: Alors, vous comprenez nos questions. Vous les avez posées vous-même aux actuaires.

M. Lesage: C'est évident. J'ai répondu à une partie des questions. Cela revient à ce que je disais tout à l'heure: il faut que je les obtienne pour pouvoir vous les donner.

Maintenant, quant au système proposé par le gouvernement fédéral, évidemment, lorsque je suis allé à Ottawa, j'ai insisté sur le point de vue constitutionnel, me basant sur le texte de l'article 94A. Mais ce ne sont pas les seules objections que j'ai au système fédéral. En 1950, le système avait été proposé au comité conjoint du Sénat et de la Chambre de communes que je présidais. C'est le système, qui avait été établi à peu près cinq ans auparavant aux États-Unis, le système de paiement au fur et à mesure ou, si vous voulez, le "pay-as-you-go". On exige tant pour cent de la liste de paie, le double pour les "self-employers" ou ceux qui n'ont pas d'employés et on paie des bénéfices considérables qui n'ont pas de base actuarielle. C'est le même système que notre fonds de retraite, c'est similaire au fonds de retraite des employés civils.

Cependant, alors qu'aux États-Unis le montant sur les listes de paie, au début, était de 2%, c'est-à-dire 1% et 1%,=2%, de la liste de paie, on prévoit qu'en 1967, pour assurer des prestations pas très très généreuses, on exigera 9%; c'est décidé. C'est le danger du système au fur et à mesure et c'est ça que nous avons rejeté, nous du comité, en 1950. C'est ce système que propose le gouvernement fédéral actuel. On parle de 2% à l'heure actuelle, mais ce sera la même chose qu'aux États-Unis, ce sera pire qu'aux États-Unis parce que, d'après ce que j'ai vu des propositions que je ne suis pas à même de dévoiler, on veut accorder des prestations encore plus généreuses en vertu du plan canadien qu'en vertu du plan américain. Moi, je vois un très grand danger pour l'économie canadienne. Comme le disait M. CD. Howe, je crains que, dans une dizaine d'années, "we place ourselves out of the markets of the world". Je critique objectivement, j'exprime mes craintes, je me pose des questions très sérieuses.

M. Bertrand (Missisquoi): Il a un grand coeur.

M. Lesage: On peut prétendre, évidemment, qu'avec un système de paiement au fur et à mesure - c'est- une des choses à laquelle nous aurons à faire face, tout ce que nous en sommes, nous, vis-à-vis du public - les cotisations sont moindres que dans le cas de l'établissement d'un fonds. Mais, avec l'expérience que nous venons de voir aux États-Unis, il vaut beaucoup mieux établir un fonds et savoir exactement où nous allons que nous lancer à l'aventure sans savoir quel pourra être, éventuellement, l'effet sur l'économie canadienne. Puis, il faut bien compter aussi qu'une des faiblesses du système de paiement au fur et à mesure,

M. Bédard (président du comité plénier):À l'ordre.

M. Johnson: Mais la preuve n'a pas été faite, du moins à la satisfaction de cette Chambre et certainement pas à la satisfaction de l'Opposition, qu'on a pris tous les autres moyens. Le ministre le sait, nous sommes un peu prévenus et la population est un peu prévenue...

M. Laporte: J'attends encore qu'on me suggère les autres moyens...

M. Johnson: ...contre les affaires de famille libérales. La population de la province a été trompée une fois. Elle a payé cher son droit de rester autonome. Il n'a pas été démontré à la satisfaction de la province qu'on a utilisé les autres moyens pour régler ce problème. Je n'y reviendrai pas. Plusieurs solutions ont été sugqérées tout simplement sous forme d'ébauches...

M. Laporte: Lesquelles? J'aimerais ça que vous reveniez précisément sur ça. Quelles solutions ont été suggérées de l'autre côté''

M. Lesage: Plusieurs, M. le Président.

M. Laporte: Plusieurs! Cela va prendre un peu de temps, mais énumérez-les donc.

M. Johnson: Un office provincial du crédit...

M. Laporte: Bon, d'accord.

M. Johnson: ...qui aurait pu être préparé depuis trois ans.

M. Laporte: Ah! Et puis depuis seize ans.

M. Johnson: Ce n'est pas parce qu'il l'était pas préparé depuis seize ans qu'il ne fallait pas le préparer depuis trois ans.

M. Laporte: On travaille.

Une voix: On est en train de le préparer là.

M. Johnson: Ah bon! On le commence là, après trois ans.

M. Laporte: Après trois ans, après les travaux d'hiver.

M. Johnson: M. le Président...

M. Laporte: Chaque chose vient à son heure.

M. Johnson: ...il y a un ultimatum du premier ministre qui est pendant sur la tête d'Ottawa qui demande 25%...

M. Laporte: Cela, c'est à l'automne. Ce n'est pas notre bill.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre a désespéré de pouvoir avoir une réponse favorable à son ultimatum et c'est pour ça qu'il se plie? Ou bien est-ce qu'il ne fournit pas au gouvernement fédéral, quel qu'il soit, un argument additionnel pour qu'au mois d'avril prochain on ne se rende pas à l'ultimatum du premier ministre de la province de Québec parce qu'on aura aidé la province de Québec? On se sera engagé, on sera endetté, mais Ottawa aura emprunté davantage pour aider, diront-ils, la province de Québec et ce ne sera pas raisonnable.

M. Lesage: Est-ce une question que le chef de l'Opposition pose?

M. Johnson: M. le Président, c'est le ministre qui m'a demandé...

M. Lesage: Est-ce que le chef de l'opposition m'a posé une question?

M. Johnson: Bien, si le premier ministre veut prendre ça comme une question, qu'il le fasse.

M. Lesage: Mais oui. Il est certain que l'adoption du bill no 1 qui, je l'espère, pourra se faire dans le cours de la journée, n'entravera en aucune façon les possibilités d'obtenir, lors de la conférence fédérale-provinciale de novembre, ce que j'ai demandé au gouvernement fédéral au point de vue fiscal. M. le Président, nous sommes en comité après tout et il me semble qu'on devrait s'en tenir à la résolution que nous étudions. Tout le monde sait, le chef de l'Opposition le premier, qu'une nouvelle conférence fédérale-provinciale doit avoir lieu au mois de novembre et qu'à ce moment-là nous discuterons de la question fiscale. Il me semble qu'il y a lieu de s'en tenir à la résolution et je ne sais pas, mais est-ce qu'on ne pourrait pas tenter, tous ensemble, de faire notre possible pour avoir un ton moins acrimonieux? Je confesse, oui, oui, je confesse ma responsabilité et j'espère que d'autres le feront.

M. Bertrand (Mïssisquoi): Si c'était rien que le ton, mais il y a le vocabulaire.

M. Lesage: Je confesse que j'ai mes torts, mais il y en a d'autres qui les ont aussi.

M. Bertrand (Missisquoi): Jugez de votre cas.

M. Bellemare: M. Bennett, de la Colombie-Britannique, a manifesté le désir d'en avoir un.

M. Lesage: D'en avoir un. Il l'a fait publiquement, alors là...

M. Bellemare: Qu'il fasse le nécessaire.

M. Lesage: Maintenant, j'ai échangé une correspondance assez volumineuse avec M. Diefenbaker - comme on s'en souvient, cette correspondance a été déposée au cours de la dernière session et de l'autre session - au sujet de l'établissement pas d'un fonds, mais d'un système de pension. Le premier ministre du Canada me demandait alors de consentir à un amendement constitutionnel à 94A pour permettre à Ottawa d'ajouter au plan de pension qu'il avait l'intention d'établir dans le même sens que le gouvernement actuel les bénéfices pour les dépendants, les conjoints et les dépendants.

M. Bertrand (Missisquoi): Et les survivants.

M. Lesage: Et les survivants, c'est ça. Alors, j'ai toujours refusé de consentir en disant que je désirais d'abord savoir exactement de quoi il s'agissait. Je n'ai jamais pu le savoir. Le 20 juin, quand M. Pearson a pris le pouvoir, je lui ai écrit et je lui ai rappelé la... Non, pardon, c'est M. Pearson qui m'a écrit le 20 juin, c'est ça. J'ai la lettre ici en main. Elle a été déposée lors de la dernière session. Dans cette lettre, il m'exposait avec assez de détails ce que serait le régime de retraite qu'il proposait, mais il n'y avait pas de chiffres; c'étaient simplement des principes assez généraux...

M. Johnson: Et pas de transférabilité.

M. Lesage: Non, non. C'était l'établissement d'un système national.

M. Johnson: Alors, il n'est pas question de...

M. Lesage: Il n'est pas question de transférabilité. Alors, je lui ai répondu, le 27 juin, pour lui dire toutes mes objections et je lui ai dit: "Je demande avec insistance qu'aucun projet de loi sur cette question ne soit étudié au Parlement du Canada avant la tenue de cette conférence." Il me disait qu'il y aurait une conférence fédérale-provinciale sur le sujet.

M. Johnson: Quelle date, cette lettre-là?

M. Lesage: Le 27 juin. Je l'ai déposée ici à la fin de juin.

M. Bellemare: Mais vous dites qu'il y en a une du 16 août.

M. Lesage: Bien oui, mais je commence par le mois de juin.

M. Bellemare: Ah oui, c'est bien. Excusez-moi.

M. Lesage: Je lui disais: "Je suis d'avis que ce sujet doit autant que les autres sinon plus, donner lieu à des échanges de vues entre les divers secteurs de gouvernement au Canada. J'ai certaines réticences à formuler sur le régime de retraite national que votre gouvernement veut mettre de l'avant, ainsi que sur ses implications. Je compte le faire au moment de la conférence suggérée, tout en vous informant alors plus précisément des projets du Québec en ce domaine. "Aussi, je demande avec insistance qu'aucun projet de loi sur cette question ne soit étudié au Parlement du Canada avant la tenue de cette conférence. Autrement, les provinces se trouveraient devant un fait accompli, ce qui n'est certainement pas l'objectif visé. "Nous entrons, au Canada, dans une période où seules les consultations fréquentes feront naître l'esprit de coopération et de collaboration essentiel au respect des juridictions propres des provinces et du gouvernement central. Toute action unilatérale dans des domaines intéressant à la fois votre gouvernement et celui des provinces ne serait pas de nature à favoriser l'entente nécessaire. "Le chef de l'Opposition m'a demandé que copie de la correspondance que nous avons échangée sur ce sujet soit déposée en Chambre. J'ai l'intention de le faire mardi prochain." C'est ce que j'avais fait.

Et là, eh bien, est arrivée la convocation de la conférence pour - je n'ai pas le droit d'en parler, je vais juste le mentionner - le projet de loi C-76. Là, nous avons discuté de la correspondance échangée sur ce point de vue. Et lorsque M. Pearson m'a écrit pour me convoquer à la conférence - ou m'a télégraphié, je ne sais trop - sur le bill C-76, il avait inscrit comme deuxième article à l'ordre du jour le projet fédéral de pension de retraite.

Durant la conférence - tout le monde l'a vu dans les journaux - je me suis opposé très sérieusement à l'établissement d'une caisse nationale et j'ai déclaré officiellement que le Québec se préparait à établir, dans un bref délai, une caisse publique et universelle de retraite pour la province.

M. Bellemare: Est-ce que, dans l'avis que vous avez reçu, c'était réellement notifié?

M. Lesage: Oui, oui, j'étais avisé.

M. Bellemare: Qu'il y avait un deuxième sujet?

M. Lesage: Oui. Il avait été question de former deux comités, mais les premiers ministres ont voulu être présents à la discussion des deux sujets. Mais la discussion sur les prêts aux municipalités pour remédier au chômage a été tellement longue que nous n'avons presque pas touché à la question du projet fédéral de pension.

Alors, M. Pearson a purement et simplement offert, à ce moment-là, que Mme LaMarsh et ses officiels étudient les questions et les objections posées par les divers premiers ministres et qu'il y aurait une réunion pour donner des explications aux représentants des gouvernements provinciaux. Ce ne serait pas une réunion des premiers ministres étant donné que le sujet serait discuté plus tard de nouveau à la conférence de novembre.

M. Bellemare: Cela ne s'est pas décidé pendant toute une séance, c'est rien qu'à la fin de la séance que ça s'est décidé.

M. Lesage: A la fin de tout.

M. Bellemare: D'une séance.

M. Lesage: Alors, j'ai reçu cette lettre de M. Pearson, du 3 août, que j'ai déposée avant-hier, dans laquelle il me dit: "Lors de la récente conférence fédérale-provinciale, il a été convenu qu'il y aurait lieu d'avoir sous peu de nouveaux échanges de vues sur les pensions. Bien que ces échanges de vues doivent être d'une nature assez technique -c'est ça qui était entendu - je ne crois pas qu'il soit possible de séparer entièrement les considérations d'ordre purement technique des questions d'ordre administratif qui sont importantes à la fois pour le gouvernement fédéral et pour les gouvernements provinciaux. C'est pourquoi je me propose de demander au ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social de présider la délégation fédérale qui assistera à la réunion. Mlle LaMarsh sera accompagnée de hauts fonctionnaires de son propre ministère et des autres ministres fédéraux intéressés. "J'espère que les gouvernements provinciaux jugeront à propos d'être représentés par des délégations comparables présidées par des ministres compétents. "Après avoir soigneusement étudié la question, j'en suis venu à la conclusion que la meilleure date pour l'ouverture d'une telle réunion serait lundi, le 9 septembre. Je présume que la conférence durera deux jours, mais j'espère que les délégués continueront à s'y consacrer... Ensuite, c'est des arrangements.

Et voici ce que j'ai répondu à M. Pearson, le 16 août: "En réponse à votre lettre du 3 août, je dois vous informer que le gouvernement du Québec accepte votre suggestion." J'ai hésité, j'ai répondu le 16 seulement. J'ai consulté avant; je me demandais ce que je devais faire.

M. Bellemare: La première lettre de M. Pearson était datée de quand?

M. Lesage: Le 3 août. "En réponse à votre lettre du 3 août, je dois vous informer que le gouvernement du Québec accepte votre suggestion d'une nouvelle conférence au sujet des pensions, qui commencera lundi le 9 septembre. Il me faut ajouter cependant, qu'à la session spéciale qui s'ouvrira mercredi prochain une résolution sera présentée à l'Assemblée législative à l'effet qu'il y a lieu d'adopter le plus tôt possible une loi instituant dans la province une caisse de retraite publique et universelle. (J'en avais, d'ailleurs, avisé la conférence moi-même à la fin de juillet.) "Vu cette décision, notre attitude à la conférence sera que cette loi future fait obstacle (notre loi, à nous,) à l'adoption par le Parlement du Canada d'une loi sur le même sujet et cela, en vertu de l'article 94A de la constitution."

Je dis à Ottawa: Vous ne pouvez pas le faire car, nous allons faire exprimer par l'Assemblée législative l'intention bien déterminée de procéder à l'adoption d'une loi créant une caisse publique et universelle de retraite. L'article 94A, comme on le sait, protège la province dans le domaine des pensions même s'il s'agit de l'avenir.

M. Alma: À certaines conditions.

M. Lesage: Oui, oui, je procède, à certaines conditions, M. le Président. Mais le député de Saint-Jacques sait fort bien que, si Ottawa voulait procéder, établir sa loi avant que la nôtre soit en viqueur, il y a un moyen bien simple, c'est de prendre des procédures devant les tribunaux pour les empêcher de percevoir.

M. Johnson: Même au ministère, même pour les prêts municipaux, ça n'a pas été possible.

M. Lesage: Non, c'est du crédit. Je ne veux pas recommencer le débat, M. le Président. C'est toujours la même chose, on ne fait pas suffisamment la distinction entre le crédit et la subvention. La taxe, c'est une taxe spéciale. Cela, c'est une cotisation qu'Ottawa va exiger. Facile de trouver quelques amis qui vont dire: Non, je ne paye pas et puis d'aller en Cour suprême. Cela me donne pas mal de temps, quand on sait tout le temps que les procès prennent.

Alors, je continue ma lettre: De plus, vu qu'il est, évidemment, désirable d'intégrer

en un tout harmonieux les diverses mesures relatives aux pensions de vieillesse, le Québec entend réaffirmer son désir d'assumer toute la responsabilité dans le champ des pensions de retraite, y compris l'assistance-vieillesse, pourvu naturellement que le gouvernement fédéral laisse à la province les moyens de financement déjà prévus pour la sécurité de la vieillesse ou leur équivalent fiscal.

Je leur dis: Je suis prêt à exercer l'option, je suis prêt à vous donner l'équivalent de 3%, 3%, 3% 3%, corporations, 3% personnel et 3% taxe de vente indirecte. En vertu de la constitution, on ne peut pas nous la transférer, c'est clair. Alors, il faut qu'on me donne l'équivalent, au moins, de ces 3%.

M. Johnson: 3 et 21, ça fait 24. Ce n'est pas loin de l'ultimatum, ça.

M. Lesage: Pardon?

M. Johnson: Il ne manquerait plus qu'un point pour faire l'ultimatum.

M. Lesage: Cela n'a rien à voir avec ça. Cela n'a absolument rien à voir avec ça.

M. Johnson: Alors, ça fait 25 plus 3.

M. Lesage: Évidemment, si je prends charge des pensions de vieillesse. Il n'était pas question de ça quand j'ai demandé les 25; c'est additionnel, ça.

M. Bertrand (Missisquoi): 28. M. Bellemare: Cela va faire 28.

M. Lesage: Bien non, plus que ça, parce qu'il me faut l'équivalent des 3% de taxe de vente que je ne peux pas percevoir. Vous y allez un peu facilement avec l'équivalent. En tout cas, c'est un total de $150 millions qui est perçu dans la province de Québec.

Alors, j'ai dit que l'honorable Carrier-Fortin, ministre du Travail, dirigera notre délégation et recevra volontiers les communications que Mlle LaMarsh voudra bien lui adresser.

M. Johnson: Chanceux!

M. Bellemare: Il n'emmène personne?

M. Lesage: Il sera accompagné de M. Claude Morin...

M. Johnson: Pas nécessaire d'apporter des cigarettes.

M. Lesage: ...le sous-ministre des Affaires fédérales-provinciales. C'est son devoir de suivre tout... Notre conseiller juridique, M. Pigeon...

M. Alma: Ah oui, son ange gardien.

M. Johnson: Qui est-ce qui a échappé ça?

M. Lesage: De M. Léo Boissonneault, je crois, de M. W. Dupont et de M. Poznanski.

M. Bellemare: Daniel Johnson? M. Lesage: Non.

M. Bellemare: Le dernier nom, je ne l'ai pas compris.

M. Lesage: Poznanski. Est-ce que ça ressemble à Johnson? Je ferai remarquer au chef de l'Opposition que ce n'est pas moi qui ai dit ça. Je pense que le député de Champlain s'ennuie tellement de se chicaner qu'il veut se chicaner avec son chef.

M. Bellemare: Ah non. Ah non, non.

M. Lesage: Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, évidemment, aussitôt que la résolution aura été adoptée, j'en ferai parvenir une copie au premier ministre du Canada pour donner suite à la lettre que je viens de lire.

M. Bellemare: 94A.

M. Lesage: Bien, j'en parle dans la lettre que je viens de lui écrire. Je pense que le texte de 94A est assez bien connu de la part des députés. Alors, je propose, M. le Président, qu'il soit résolu "qu'il y a lieu pour la Législature de la province de Québec d'adopter le plus tôt possible une loi instituant une caisse de retraite publique et universelle sur une base de calcul d'actuaire, alimentée par une contribution obligatoire de tout employeur et salarié comme de tout travailleur indépendant applicable à tout salaire ou gain jusqu'à un niveau déterminé".

Condoléances à la famille de l'honorable James Arthur Mathewson

Est-ce que je pourrais, avec la permission de la Chambre, M. le Président, suspendre le débat pour un instant pour dire qu'un de mes prédécesseurs, l'honorable Arthur Mathewson, est décédé? M. Mathewson était avocat, bachelier ès arts, diplômé de la Sorbonne en 1912. Il a étudié sous Me Eugène Lafleur, c.r. Il a fait partie des Royal Highlanders of Canada. Il a fait la guerre de 1915 à 1918. Il a été chef d'une étude bien connue. Il a été candidat à la mairie de Montréal en 1900 - pas en

1900, c'est en 1930, on s'est trompé -président de la Commission des écoles protestantes de Montréal à peu près vers la même époque. Il a été élu en 1939, nommé trésorier de la province, poste qu'il a occupé jusqu'en 1944. C'était un homme d'un commerce extrêmement agréable. Tout ceux qui l'ont connu, j'en suis sûr, pouvaient se considérer comme ses amis et ils pouvaient le considérer comme un de leurs amis.

C'était un homme dont le français était parfait, causeur agréable, d'une intelligence remarquable, ayant une connaissance approfondie du domaine de la finance que je voudrais bien avoir a un degré aussi haut que celui qu'il possédait. Je suis sûr que tous les députés se joignent à moi, de même que vous, M. le Président, j'en suis sûr aussi, pour déplorer la perte de M. Mathewson et offrir à sa famille l'expression de nos profondes condoléances.

M. Johnson: M. le Président, vous me permettrez de m'associer au premier ministre pour offrir, en mon nom personnel et au nom de mes collègues de l'Opposition, à la famille Mathewson le témoignage de nos sympathies bien senties. Quelques-uns d'entre nous les vétérans du moins, ont connu M. Mathewson en Chambre. Je le vois encore, M. le Président, assis juste à côté du chef de l'Opposition du temps, M. Godbout, et je l'entends encore exercer son rôle de critique financier du gouvernement avec toutes les qualités que le premier ministre lui a attribuées tantôt à juste titre. J'ai aussi eu des contacts avec lui. J'ai eu l'occasion de le rencontrer encore assez récemment et je suis un peu surpris de sa mort. Jamais je ne l'avais trouvé en aussi bonne forme, en aussi bonne condition, malgré son âge, qu'il y a deux ou trois mois, lorsque je l'ai rencontré aux funérailles d'un autre homme que le premier ministre connaît très bien.

M. Mathewson était un homme imbu de la chose publique. En plus de la politique provinciale, comme l'a souligné le premier ministre, il avait même tâté la politique municipale. Et même, depuis son départ de la politique provinciale en 1948 - un départ qui fut volontaire, je le pense bien; il n'a pas subi de défaite à ce moment-là - il s'intéressait de très près à tout ce qui se passait et, quand on le rencontrait, il avait hâte de nous faire raconter ce qui se passait dans le milieu politique. Tout cela dans la langue française, exemplifiant assez bien ce que pourrait être, à une échelle plus grande, le biculturalisme, si plusieurs, un grand nombre de nos amis de l'autre lanque l'apprenaient comme lui. Évidemment, il avait eu cette chance d'aller étudier à la Sorbonne et il en avait gardé un goût pour tout ce qui était français.

Je considère qu'avec la perte de M. Mathewson nous perdons, nous qui sommes de la politique, l'un des nôtres et je voudrais que sa famille sache combien nous sympathisons avec elle et combien était grande notre admiration pour M. Mathewson.

Reprise du débat sur la motion

en vue de l'établissement d'une

caisse de retraite publique et

universelle

M. Lesage: La résolution.

M. Johnson: La résolution? La motion? Est-ce que le premier ministre avait fini?

M. Lesage: Oui, oui, j'ai demandé de suspendre le débat. J'avais terminé en proposant la motion.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que ça ferait pareil si on commençait à huit heures ou si je devrais commencer à faire mes remarques tout de suite sur ce sujet?

M. Lesage: C'est, évidemment, le dernier article à l'agenda.

M. Johnson: M. le Président, est-ce qu'il fa valloir revenir de toute façon?

M. Lesage: Oui, oui, il faut revenir de toute façon. Je le sais. Je suis bien prêt à suspendre maintenant jusqu'à 8 heures. C'est parce qu'on va me demander, de l'autre côté...

M. Johnson: Demander?

M. Lesage: Bien oui, pour le lieutenant-gouverneur.

M. Johnson: M. le Président, j'aurai un amendement à apporter qui n'est pas considérable...

M. Lesage: S'il n'est pas considérable...

M. Johnson: M. le Président, j'aurais des remarques à faire sur le sujet quand même, qui peuvent prendre dix ou quinze minutes et peut-être davantage si je suis interrompu le moindrement. Alors, je pourrais commencer à huit heures, peut-être?

M. Lesage: Bien, si c'est pour prendre aussi quinze minutes et que vous avez un amendement, c'est peut-être mieux de commencer tout de suite.

M. Johnson: D'accord.

M. Lesage: Pendant que la Chambre est sage, là, c'est peut-être le temps.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Le premier ministre se fait le parrain aujourd'hui d'une motion qui a déjà été portée à l'attention de cette Chambre, du moins quant à sa substance. On se souviendra que, le 6 juin, l'Opposition avait présenté une motion en cette Chambre. C'est le député de Bagot qui avait proposé en amendement à la motion pour aller en comité des subsides, la motion suivante: "La Chambre, tout en étant prête à voter les subsides nécessaires à l'administration de la province, regrette que le gouvernement n'ait pas pris les dispositions nécessaires pour protéger les droits et les intérêts de l'État du Québec en présentant dès la présente session une loi établissant un système provincial de pensions transportables".

Je n'évoquerai pas, même en substance, certains passages des débats qui eurent lieu à ce moment-là, mais je veux bien faire noter que c'était le 6 juin 1963. Utilisant la seule arme à sa disposition, celle des motions d'amendement à la motion pour aller en comité des subsides, l'Opposition a jugé à propos, à ce moment-là, d'attirer l'attention du gouvernement de la province sur une situation qui nous paraissait inquiétante car, là encore dans ce domaine, l'autorité fédérale était en train de bouger. Le premier ministre, M. Pearson, chef du Parti libéral, avait promis, pendant sa campagne électorale, de mettre en viqueur un fonds de pension, un programme de pension intégralement transférable qui reposerait sur la triple contribution de l'employé, de l'employeur et du gouvernement fédéral.

M. le Président, à ce moment-là, nous disions: Il faut agir, d'autres provinces ont agi, l'Ontario a adopté une loi. Nous avons, à ce moment-là, supplié le gouvernement de bouger, de nous présenter une loi. Nous étions au 6 juin 1963. Nous avions aussi, à ce moment-là, offert de convertir notre motion de blâme en motion de fond et cette deuxième proposition avait été acceptée. Un peu plus tard, nous avions consenti à remettre la discussion de cette motion afin de donner au premier ministre l'occasion de se prononcer sur le sujet, ce qu'il a fait effectivement le 10 juin.

Mais le 6 juin, c'est à la demande du député de Laurier que j'ai consenti, en mon nom et au nom de mes collègues, à remettre le débat, comme je l'ai dit, pour permettre au premier ministre d'y prendre part. Or, à ce moment-là, le premier ministre, on s'en souvient, disait avec une ironie à peine voilée: D'après le chef de l'Opposition, le Québec est aujourd'hui menacé d'un danger terrible. Voyez, M. le Président, comme je veux maintenir l'atmosphère au plus bas degré possible. Nous avons entrepris, disait le premier ministre, apparemment, une lutte à finir avec le gouvernement du Canada et nous sommes dans une sorte de course aux décisions. Il faisait de l'ironie sur ce qu'il appelait la vaine inquiétude de l'Opposition et de son chef. Or, M. le Président, voici que le premier ministre nous demande aujourd'hui de voter une motion alors qu'à ce moment il nous avait déclaré qu'il suffisait au premier ministre de déclarer dans cette Chambre qu'il avait l'intention d'adopter une loi à cet effet. Le gouvernement central, disait le premier ministre, doit savoir que nous avons l'intention de présenter une loi sur les fonds de pension et, si, par hasard, il ne le savait pas, je le lui apprends aujourd'hui. J'ajoute que nous passerons à l'action dès la prochaine session, nous serons prêts. Ce sont là les paroles du premier ministre.

Or, trois jours après cette phrase, entre autres, du premier ministre, le 13 juin, à Ottawa, à la Chambre des communes, M. Pearson fut interrogé par M. Gordon L. Fairweather et M. Pearson répondait ceci... Donnons d'abord la question: "M. l'Orateur, je me demande si le premier ministre pourrait nous faire connaître aujourd'hui le résultat de ses entretiens avec le ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social au sujet des pensions transférables." Le très honorable M. Pearson: "M. l'Orateur, je sais gré à l'honorable député de sa patience. Bien entendu, je ne voulais pas traiter de cette question avant d'avoir eu un entretien à coeur ouvert avec le ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social. Bien que cet entretien n'ait pas eu lieu - c'est le premier ministre du Canada qui parle, le 13, juin, trois jours après l'annonce que le premier ministre faisait dans cette Chambre qu'il y aurait une loi à la prochaine session -je puis maintenant dire à mon honorable ami qu'après avoir discuté de la chose avec l'honorable représentant il ressort manifestement de la déclaration de l'honorable député qu'il veut parler d'une nouvelle relative à l'intention du gouvernement provincial du Québec de prendre des mesures à cet égard". M. Pearson disait ensuite: "À mon avis, une simple intention ne change rien aux mesures législatives que le gouvernement fédéral se propose de présenter".

M. Lesage: Il a droit à son opinion.

M. Johnson: M. le Président, je ne discute pas de ça. Je constate que, malgré l'avertissement donné en Chambre par le premier ministre après avoir fait de l'ironie sur notre inquiétude stérile, trois jours après le premier ministre du Canada disait: Cette simple déclaration d'intention, cela ne change rien. C'était notre prétention à ce moment. Nous sommes heureux que le premier ministre ait apporté une motion devant la Chambre, mais nous nous demandons si c'est

suffisant.

M. Lesage: Un instant: À ce moment, j'attendais le rapport du comité et je ne l'avais pas reçu. Lorsque j'ai reçu le rapport du comité, je pouvais rédiger un projet de résolution, parce que je savais où nous pouvions nous diriger, c'est-à-dire que nous ne nous contentions pas du système ontarien et que nous proposerions l'établissement d'une caisse de retraite publique et universelle. J'attendais de savoir où j'allais avant de proposer une résolution à l'Assemblée législative. Maintenant que je sais où nous nous dirigeons, je puis présenter une résolution.

M. Johnson: M. le Président, ce n'était pas nécessaire d'attendre le rapport des experts...

M. Lesage: Cela n'a pas d'importance, il n'y a rien de brisé.

M. Johnson: ... pour marquer l'intention de la Législature de procéder. À ce moment, nous avions une motion. Nous avions offert de la transposer en motion de fond.

M. Lesage: Non, ce n'était pas satisfaisant.

M. Johnson: À ce moment, il disait que ce n'était pas satisfaisant et tout ce qu'il nous demande de faire aujourd'hui, c'est de voter une motion.

M. Lesage: Ce n'est pas cela, la rédaction de votre motion.

M. Johnson: M. le Président, quels que soient les termes, les options, ces choses-là, M. Pearson aurait raison là-dessus: ce n'est pas une déclaration d'intention aujourd'hui concernant certaines options ou certaines modalités qui fait force de loi.

M. le Président, la motion que nous apporte le premier ministre, je dis, d'abord, que nous sommes heureux qu'il l'apporte. Je suis heureux qu'il constate maintenant, au mois d'août, que nous avions raison au mois de juin de sonner l'alarme.

M. Lesage: Je ne suis pas d'accord.

M. Johnson: M. le Président, nous avions raison, à ce moment, d'alerter l'opinion publique et le gouvernement, et c'est à la suite de cette alerte que le premier ministre a commencé à négocier avec Ottawa. C'est trois jours après les paroles du premier ministre de l'État du Québec disant qu'Ottawa devrait prendre note que nous marchons, que le premier ministre du Canada disait: Ce n'est pas suffisant, une déclaration d'intention; on marchera, nous autres, à Ottawa.

M. Lesage: Il n'a pas marché.

M. Johnson: M. le Président, il n'a pas marché parce qu'encore une fois vous avez ici, dans l'Opposition, un groupe qui est prêt à coopérer avec le gouvernement pour sauvegarder l'autonomie de la province.

M. Lesage: M. le Président, je regrette, mais ce n'est pas du tout la raison. C'est parce que j'ai tellement insisté sur la nécessité de la consultation des provinces qu'on a inscrit ce point à l'ordre du jour de la conférence touchant principalement les prêts aux municipalités pour remédier au chômage et c'est inscrit pour le mois de novembre prochain.

M. Johnson: M. le Président, l'Opposition a alerté à ce moment le gouvernement. Le gouvernement a dit que ce n'était pas nécessaire, mais M. Pearson a dit qu'il fallait plus qu'une déclaration du premier ministre du Québec, à tort ou à raison.

M. Lesage: C'est son opinion.

M. Johnson: C'est son opinion, mais c'est aussi une manifestation de ses intentions et de sa détermination à ce moment.

M. Lesage: Cela ne veut pas dire que je la partage.

M. Johnson: J'espère que non, M. le Président. J'ai des bonnes raisons de penser que le premier ministre ne la partage pas parce qu'il semble s'orienter vers un système qui fera entrer dans les coffres ou mettra à la disposition de la province joliment d'argent.

M. Lesage: Non, pas du gouvernement provincial, de la province.

M. Johnson: Encore là-dessus, M. le Président, le premier ministre...

M. Bellemare: Du gouvernement provincial.

M. Lesage: Oui, en partie, mais il faut bien penser qu'il faut avoir un portefeuille diversifié.

M. Johnson: ... a changé d'opinion. Le premier ministre a déjà présidé un comité et, d'ailleurs, il en a fait état le 10 juin quand il a parlé.

M. Lesage: Oui.

M. Johnson: "On dit qu'on n'a rien fait. Moi, j'ai déjà présidé un comité."

M. Lesage: Je connais cela.

M. Johnson: Je connais cela.

M. Lesage: Un peu, oui.

M. Johnson: Je vous crois, M. le Président, qu'il connaissait cela. Après avoir entendu bien des experts, il en était venu à certaines conclusions. J'aimerais vous en lire une et je tire cela du deuxième volume du rapport du comité conjoint du Sénat et de la Chambre des communes sur les pensions de vieillesse, un volume extrêmement intéressant à lire. Donc, le comité, présidé par l'honorable sénateur King et le député de Montmagny-L'Islet, dans le temps, en venait à des conclusions: Devait-il choisir le système actuariel pour les pensions de vieillesse a 70 ans? Les pensions sont universelles; qu'elles soient à 70 ans ou à 65 ans, le principe est le même.

M. Lesage: Oui, oui.

M. Johnson: Les pensions de sécurité de la vieillesse, c'est à 70 ans pour tout le monde. Donc, devait-il choisir le système "pay-as-you-go" ou le système actuariel? Le premier ministre d'aujourd'hui en était venu à la conclusion, lui, que ce n'était pas pratique d'avoir un système actuariel...

M. Lesage: Non, si on veut bien lire... M. le Président, je regrette.

M. Johnson: Mot à mot, je l'ai.

M. Lesage: Il est évident que je connais mieux cela que le chef de l'Opposition et, s'il veut bien lire, il s'agissait de l'établissement d'un système de base et non pas de l'établissement d'un système complémentaire, ce qui est joliment différent.

M. Johnson: Ah! Quelle distinction!

M. Lesage: Bien, quelle distinction! C'est tellement clair et fondamental...

M. Johnson: Vous allez voir, M. le Président...

M. Lesage: Voyons donc! Il n'a jamais rien compris. Dès qu'il est question de piastres et de cents, il est perdu.

M. Johnson: M. le Président, vous allez voir, après avoir dit...

M. Bellemare: Voyons donc, laissez-vous donc offenser un peu.

M. Johnson: ... que ce qu'il voulait dans son système provincial, c'est un système de base universel...

M. Lesage: Non, je n'ai pas dit "un système de base", j'ai dit "un système".

M. Johnson: ... laissant la liberté...

M. Lesage: M. le Président, je n'ai pas dit cela. Je suis obligé de rétablir les faits. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y avait un système de base actuellement, que je ne voulais pas imposer un système au troisième palier, mais que je voulais le glisser entre le palier de base établi à la suite du rapport qui a été fait par le comité que je présidais et les plans privés. C'est cela que j'ai dit.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre, président de ce comité, sous sa signature a conclu ce qui suit...

M. Lesage: Avez-vous lu tout le rapport avant de dire cela?

M. Johnson: Je ne l'ai pas lu au complet.

M. Lesage: Non, mais il vaudrait mieux que vous le lisiez, je pense. Vous allez apprendre quelque chose.

M. Johnson: J'ai lu la déclaration de Maurice Lamontagne, par exemple. J'ai lu une opinion.

M. Talbot: Des insultes, des insultes.

M. Lesage: Vous aussi, ça vous ferait peut-être du bien.

M. Johnson: Dans la déclaration de M. Maurice Lamontagne, il y a deux façons d'apporter le financement de la sécurité de la vieillesse. Premièrement, le système du paiement au fur et à mesure; deuxièmement, le système des droits différés ou l'assurance.

Une voix: C'est ça.

M. Johnson: "Cette dernière possibilité, disait M. Lamontagne...

M. Lesage: C'est M. Lamontagne, ce n'est pas moi.

M. Johnson: "... a pour moi des limitations bien définies. La perception par l'État de primes établies par des actuaires produira, pendant 40 à 50 ans environ, beaucoup plus de revenus qu'il n'en faut pour faire face aux exigences courantes et l'aspect déflationnaire d'une telle méthode est certainement évident. De plus, continuait M. Lamontagne, le fonds de réserve

accumulé par le gouvernement crée des problèmes particuliers. Si le gouvernement essaie de placer cet argent dans l'économie privée, il fait alors concurrence à l'épargne individuelle. Ceci serait aussi condamnable pour d'autres raisons que vous pouvez facilement apprécier. D'un autre côté, ce que le gouvernement fera vraisemblablement, ce sera, disait M. Lamontagne, de placer ses fonds dans les obligations de l'État et de l'employer ainsi pour payer ses dépenses courantes." M. Lamontagne disait - et je ne partage pas son opinion nécessairement, M. le Président, surtout dans ce que je vais lire - "Les obligations de l'État déposées en échange ne représentent pas un actif réel, mais simplement des engagements futurs qui devront être remplis par des taxes futures."

M. Lesage: Bien oui, mais...

M. Johnson: "Dans ces circonstances, ce fonds n'est tout simplement qu'une fiction. Quand le système des pensions de vieillesse commence à fonctionner pleinement, le gouvernement est obligé de retourner tout de même à la méthode du paiement au fur et à mesure."

Or, M. le Président, le premier ministre était probablement plus influençable à ce moment-là, du moins il l'admettait, par M. Lamontagne qu'il ne veut l'admettre aujourd'hui, parce qu'à ce moment-là le premier ministre a signé un rapport dans lequel il disait: Le seul système valable, c'est le système "pay-as-you-go", au fur et à mesure; deuxièmement...

M. Lesage: M. le Président, je regrette, j'invoque le règlement. On n'a pas le droit d'interpréter le rapport. Qu'on le lise, M. le Président.

M. Johnson: J'invoque le règlement. Il est 6 heures.

M. le Président: 6 heures. La séance est suspendue jusqu'à 8 heures ce soir.

(Reprise de la séance à 8 heures)

Illégalité de la motion proposant que les députés renoncent à leur indemnité

M. le Président: À l'ordre, messieurs: Je voudrais, avant de commencer la séance de ce soir, déclarer que j'ai moi-même étudié la résolution qui a été adoptée ce matin par l'Assemblée. Je l'ai étudiée en marge de l'article 150 de nos règlements qui dit que "nulle motion ne doit contrevenir aux dispositions d'une loi, ni contenir des assertions..." Évidemment, la motion aurait pour effet de contrevenir aux dispositions d'une loi et la loi ne pourrait pas être changée par simple résolution. Je dois dire qu'il appartiendra à chaque député pour lui-même de décider s'il veut renoncer à une partie de son indemnité, mais je considère que la résolution a été complètement illégale et, en conséquence, je me trouve dans la position d'être obligé d'ordonner au greffier de biffer la résolution et toutes les procédures relatives à la résolution.

M. Lesage: Mais je comprends, M. le Président, tout de même, que chaque député est libre de renoncer à son indemnité pour la journée d'aujourd'hui, suivant le vote qu'il a donné.

M. le Président: C'est ça que je veux essayer d'expliquer.

M. Lesage: Quant à moi, j'ai l'intention de le faire.

M. Johnson: M. le Président, comme il s'agit de ma motion, vous me permettrez bien d'exprimer un regret et de pleurer sa disparition du procès-verbal. Je reconnais que c'est votre droit et que vous basez l'exercice de ce droit sur une affirmation que tous les parlementaires doivent admettre; aucune loi ne peut être modifiée par une résolution de la Chambre. Cependant, c'était une manière de manifester publiquement notre intention et, même si aucun député n'est lié par le vote de ce matin, chacun de nous sera libre, évidemment, d'y renoncer. Quant à moi et à plusieurs de mes collègues que j'ai eu le temps de consulter, il est entendu que nous donnons suite à ce que nous avons déclaré publiquement et que nous avons soutenu d'une motion et d'un vote.

M. Bertrand (Missisquoi): Nous le maintiendrons.

M. Gabias: M. le Président, avec beaucoup de déférence pour votre autorité, je me rends compte que l'avis de motion qui aurait dû être rayé, c'est celui concernant les indemnités et que peut-être l'avis de la question que j'avais donné pouvait en être arrivé à une conclusion concernant la question qui devait paraître au feuilleton ce matin et que j'avais remise hier soir au greffier.

M. le Président: Ce n'était pas hier soir; c'est ce matin que le député a soulevé la question. J'ai étudié plusieurs auteurs et, sans me prononcer avant d'avoir plus étudié l'affaire, je dois avertir le député de Trois-Rivières que je n'ai pas, jusqu'à ce jour, trouvé des auteurs qui pourraient appuyer la solution, qu'il a essayé de proposer ce matin. En tout cas, je dois répéter ce que j'ai dit ce matin: Je vais étudier la question plus à fond et je vais essayer de donner une directive assez complète pour aider tous les

députés à poser des questions pour l'avenir. Le député de Trois-Rivières me permettra d'attirer son attention sur le fait qu'il me semble qu'on pourra terminer la session ce soir. Alors, même si la question n'a pas pu apparaître en appendice au feuilleton d'aujourd'hui...

M. Gabias: Voici, cela me permettrait peut-être de le faire verbalement, M. le Président, de la poser, cette question.

M. le Président: Trop tard. C'est trop tard. Nous sommes rendus aux affaires du jour.

M. Gabias: Avec le consentement unanime de la Chambre.

M. Lesage: Non, non.

M. le Président: Je crois que nous sommes rendus assez loin avec les consentements unanimes.

Une voix: Si le premier ministre ne veut pas collaborer.

M. Gabias: M. le Président, c'était pour donner l'opportunité au premier ministre de nous rendre la monnaie d'hier soir et de ne pas donner son consentement comme l'Opposition l'a fait à 11 heures hier soir. Nous sommes quittes. J'aurais maintenant une question à poser au premier ministre au sujet...

M. le Président: A l'ordre! À l'ordre! On est passé aux affaires du jour depuis l'après-midi, alors, je ne peux pas permettre des questions.

M. Bertrand (Missisquoi): Ce sont les affaires du soir.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Message du Conseil législatif.

M. Lesage: M. le Président, si vous me le permettez, je n'aurai pas d'objection à répondre aux questions du député de Trois-Rivières après que nous aurons terminé le débat sur la résolution qui est présentement devant la Chambre.

M. Gabias: Je prends note des dispositions du premier ministre et je l'en remercie d'avance.

M. Lesage: Bien, cela ne veut pas dire que je vais répondre, mais je suis prêt à vous entendre.

M. Gabias: Non, mais, au moins, le premier ministre va me permettre de poser la question...

M. Lesage: Pas tout de suite.

M. Gabias: ... ce qui est déjà un avantage - non pas tout de suite - par rapport à ce qui est arrivé à mon avis de question ce matin, que je n'ai pas eu l'occasion de poser et qu'on me refuse encore ce soir.

M. Lesage: Ah non, il ne faudrait pas que ce soit la question que le député voulait poser par écrit.

M. Gabias: Absolument pas. Vous savez, je suis respectueux des décisions du président.

M. le Président: Peut-être que le premier ministre a consenti à ce que le député pose la question, mais je me réserve le droit d'intervenir.

Messages du Conseil législatif Adoption des biils nos 1 et 2

Messages du Conseil législatif. Le 23 août 1963 "Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, le bill suivant: bill no 1, intitulé Loi pour faciliter le financement de certains travaux municipaux." "Attesté: Henri Fiset, greffier du Conseil législatif." "Conseil législatif. Le 23 août 1963 "Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, le bill suivant: bill no 2, intitulé Loi concernant les taxes scolaires sur les immeubles des compagnies. Attesté: Henri Fiset, greffier du Conseil législatif."

M. Johnson, sur la motion.

Reprise du débat sur la motion

en vue de l'établissement

d'une caisse de retraite

publique et universelle

M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, la motion, telle que rédigée, force l'Opposition dans l'exécution de son devoir normal, à poser une foule de questions au gouvernement, le proposeur, parce que devant servir d'avis officiel à Ottawa que Québec va exercer sa juridiction dans ce domaine et qu'en conséquence Ottawa ne doit pas y entrer. Elle est, quand même, tellement explicite qu'elle contient, à notre sens, plusieurs modalités qui, évidemment, demandent d'être explicitées. Par exemple, on parle "d'une caisse de retraite publique et universelle"; ensuite, on dit: "alimentée par une contribution obligatoire". Quelle contribution? On ne le sait pas. "De tout employeur et

salarié". À partir de quel âge? On ne le sait pas. "Et de tout travailleur indépendant". M. le Président, est-ce qu'on couvrira aussi le pêcheurs, les cultivateurs? On ne le sait pas. "Applicable à tout salaire ou gain." Quelle est la définition et la portée du mot "gain"? Et ensuite, "jusqu'à un niveau déterminé". A quel niveau? M. le Président, ce sont là autant de questions auxquelles nous aimerions avoir des réponses avant de prendre une attitude définitive sur cette motion. Je pense bien que le premier ministre admettra avec moi qu'il s'agit de modalités qui pourraient être discutées lorsque le bill viendra plutôt qu'à ce moment-ci.

M. Jean Lesage

M. Lesage: M. le Président, la résolution, nous la voulions aussi précise que possible et, si nous avons parlé d'une caisse de retraite publique et universelle, c'est pour les raisons que j'ai données cet après-midi. Je crois que, là-dessus, il n'y a pas grand difficultés. J'ai donné des explications précises que la caisse de retraite doit s'appliquer à tout le monde et, quand on dit "publique", c'est pour que ce soit la contrepartie du système de caisse de retraite privée qui existe en Ontario. Quant au reste: "alimentée par une contribution obligatoire de tout employeur et salarié comme de tout travailleur indépendant", on demande à partir de quel âge, de quel niveau. À toutes ces choses, pour les raisons que j'ai données cet après-midi, à savoir que les actuaires avaient en main les détails et étudiaient diverses options, je ne suis pas en mesure de donner des réponses précises.

Le chef de l'Opposition et le député de Saint-Jacques ont attiré mon attention avant le dîner sur le fait qu'il leur serait bien difficile, parce qu'il est très important que cette résolution soit unanime, de voter pour une telle résolution sans avoir plus de détails sur cette partie de la résolution, après les mots "calcul d'actuaire", qui commence par "alimentée". J'ai réfléchi et je leur ai dit que je ne voyais pas d'objection à enlever cette partie de la résolution pour ne pas placer l'Opposition dans une situation où elle ne pourrait s'opposer plus tard, lorsque le projet de loi sera adopté, à une des modalités que peut impliquer l'acceptation d'un de ces principes. Cependant, si je suis prêt à accepter un amendement qui biffe tous les mots après les mots "de calcul d'actuaire" aux cinquième et sixième lignes, je crois que mes honorables amis d'en face seront d'accord pour que la population ne soit pas trompée et que la population ne s'imagine pas que nous pouvons établir une caisse de retraite à même les revenus des taxes.

Motion d'amendement

Je suggérerais que l'on propose, parce que je ne puis amender ma propre résolution, que tous les mots après "sur une base de calcul d'actuaire", soient rayés et remplacés par les mots "et de contribution". J'ai cherché dans le dictionnaire le mot "contributoire" que nous utilisons assez fréquemment. Je l'ai cherché dans le Littré et je ne l'ai pas trouvé. J'ai trouvé, cependant, le mot "contributive", mais, évidemment, on ne peut parler d'une caisse contributive. Alors, je pense qu'il vaut mieux dire sur une base de contribution.

M. Johnson: M. le Président, je comprends donc que la motion en discussion se lit actuellement: "une caisse de retraite publique et universelle sur une base de calcul d'actuaire et de contribution..."

M. Lesage: Si le chef de l'Opposition veut faire la motion que je viens de suggérer.

M. Johnson: Non, j'aimerais mieux que ce soit le premier ministre.

M. Lesage: Non, je suis le proposeur.

M. Johnson: Que quelqu'un l'amende dans ce sens-là, pour l'expédition des affaires.

M. Lesage: Très bien. L'amendement que je viens de suggérerr est proposé par le Procureur général.

M. Bellemare: Est-ce qu'il la comprend, toujours? Est-ce qu'il peut la répéter?

M. Bertrand (Missisquoi): Il a une besogne formidable.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. M. Bellemare: Pauvre premier ministre!

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Puisque le premier ministre a référé à cette conversation, il me permettra bien aussi de dire que, d'abord, c'est exact: nous avons parlé de ces choses dans le sens indiqué, mais je voudrais aussi qu'il soit bien compris que l'Union Nationale veut une motion unanime, qu'elle apportera un amendement en espérant que le gouvernement l'acceptera et le votera. Tant mieux si le gouvernement le vote, mais, si l'amendement n'était pas reçu, nous verrons, quand même, à donner un vote unanime.

M. Lesage: Je pensais que l'amendement avait trait à ce bout-là.

M. Johnson: Non, il y a un autre aspect

que je voudrais développer brièvement. Ce n'est pas grave. Le premier ministre aura une réponse à donner, mais seulement, nous de l'Opposition, nous ne la savons pas. Alors, il faut bien prendre une attitude.

M. le Président, il est entendu, comme je l'ai dit au premier ministre, que, lorsque viendra le bill - nous espérons que ce sera le plus tôt possible - nous nous réservons le droit de discuter de la modalité qui est peut-être la plus importante, soit l'administration de la caisse.

M. Lesage: Clairement.

M. Johnson: Que ce soit une pension universelle, ça peut être discuté aussi. Peut-être qu'il devrait y avoir quelques exceptions. Que le tout soit administré par un organisme provincial, ça aussi, ça pourra se discuter dans le temps sur le principe du bill lorsqu'il viendra. Mais je retiens que le principe pour lequel nous voterons sur cette résolution, c'est que la province va occuper le plus tôt possible le champ et va, de cette façon, utiliser les pouvoirs qui sont contenus dans l'article 94A de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, article introduit par le Parlement britannique, évidemment - comme il le fallait et comme il le faut encore pour un certain temps, mais pas trop long, j'espère - à la suite d'une entente entre le fédéral et les provinces. Cette entente, qui s'était établie sur une base beaucoup plus large, a été restreinte grâce à l'intervention de M. Duplessis dans le temps. Je n'ai pas l'intention d'y revenir longuement, mais tout simplement pour souligner que c'est M. Duplessis qui, à ce moment-là, dans une lettre à M. Garson, avait insisté pour que l'on inclue dans le texte proposé au Parlement de Grande-Bretagne une restriction pour dire que la juridiction du fédéral ne devait en aucune façon venir en contravention de la juridiction provinciale relativement à toute loi présente ou future.

Je crois, M. le Président, que, pour les fins de la compréhension du problème, il faudrait lire ici l'article 94A. "Il est déclaré par les présentes que le Parlement du Canada peut, à l'occasion, légiférer sur les pensions de vieillesse au Canada, mais aucune loi édictée par le Parlement du Canada à l'égard des pensions de vieillesse ne doit atteindre l'application de quelque loi, présente ou future, d'une Législature provinciale relativement aux pensions de vieillesse." Les mots présente et future ont été inclus, comme je l'ai déjà dit, dans l'amendement.

M. Lesage: Présente ou... "Présente ou future."

M. Johnson: Je demande pardon à la Chambre; c'est présente ou future.

M. Lesage: Je le sais, je l'ai vécu. Le chef de l'Opposition a raison, c'est M. Duplessis.

M. Johnson: Ces mots ont été inclus dans l'amendement à la demande expresse de l'honorable Maurice Duplessis, demande qu'il avait formulée, comme on le sait, dans une lettre datée du 18 avril et adressée à l'honorable Stuart Garson, qui était alors ministre de la Justice. M. le Président, je suis très heureux de voir que le premier ministre se souvienne, et le dise publiquement, que c'est M. Duplessis qui avait obtenu cette sauvegarde que nous considérons aujourd'hui tellement importante et qui permettra à la province de Québec, et nous nous en réjouissons, d'entrer dans le domaine des pensions.

M. Lesage: Je ne peux pas nier les faits.

M. Johnson: Mais, quand on n'en parle pas, ils sont moins connus. Il faut en parler.

M. Bertrand (Missisquoi): La vérité a toujours ses droits.

M. Johnson: Il faut en parler, M. le Président, pour le bénéfice des nouveaux députés qui siègent en face de moi et un peu sur les flancs, pour leur donner un peu de cette jurisprudence autonomiste, les uns comme des épines, M. le Président, et les autres comme des roses.

M. le Président, je disais donc que c'est grâce à cet amendement et particulièrement grâce à cette clarification que nous pouvons espérer, malgré le désir très violent qu'en a le ministre du Bien-Être et de la Santé, qu'Ottawa ne pourra pas violer l'autonomie provinciale. Il est, dans la vie, des circonstances qui nous permettent d'espérer qu'une femme ministre aura moins de pouvoirs pour défoncer le mur de l'autonomie que n'en aurait eu un homme du courage et de l'état de certains ministres fédéraux que nous avons connus.

M. le Président, donc, notre juridiction a été sauvegardée. Je ne veux pas faire un reproche trop long - je l'ai déjà fait dans cette Chambre - au gouvernement de n'avoir pas agi plus vite. Mais, encore là, le gouvernement savait que ça bougeait. Le gouvernement savait qu'Ottawa avait l'intention d'entrer dans ce champ. Il n'avait pas besoin d'attendre une lettre d'Ottawa mais, dès qu'il a reçue, la première lettre de M. Diefenbaker était une indication indiscutable, claire et précise que le fédéral avait l'intention d'entrer dans le domaine des pensions. À partir de ce moment, c'était le devoir du gouvernement de se mettre à la tâche et de préparer une législation, car il se trouve des juristes, et parmi les plus

prudents et les plus compétents, pour prétendre qu'une simple motion ne serait pas suffisante, qu'un simple avis ne l'est certainement pas, comme l'a dit M. Pearson le 13 juin, trois jours après l'avis que lui a servi publiquement, de son siège, dans cette Chambre, le premier ministre de la province. Il se trouve des juristes qui n'admettent pas qu'une motion pourrait suffire. Nous aurions préféré une loi et nous préférons encore une loi, M. le Président.

Quelle loi? Nous en discuterons dans le temps et nous demanderons alors au premier ministre comment il se fait qu'il a changé d'opinion. Car, comme je le disais avant la suspension de six heures, dans ce rapport qu'il a signé en sa qualité de président conjoint avec le sénateur King, le premier ministre, alors député de Montmagny-L'Islet, disait, comme membre du comité, à la page 123 du deuxième volume: "Le comité estime que...

M. Lesage: Un instant. Pourriez-vous me donner le numéro du paragraphe parce que je n'ai pas la même pagination que vous?

M. Johnson: 43.

M. Lesage: 43. Bien oui, au bas de la page 123.

M. Johnson: 43: "Le comité estime que les trois systèmes étudiés offrent des avantages. Mais, en somme, l'opinion du comité en ce qui a trait aux résidents canadiens qui ont déjà atteint l'âge actuel de la pension, 70 ans, est qu'un programme universel de prestations financé au fur et à mesure est celui qui convient le mieux au Canada. On peut présumer que le plus grand nombre des citoyens qui appartiennent à ce groupe ont déjà pris leur retraite et, de fait, près de la moitié touche actuellement des pensions sous le régime de l'assistance-vieillesse."

Cela, c'est signé du premier ministre; il n'y a pas de rapport minoritaire. 44: "Le comité croit, en outre, qu'un tel programme ne peut être financé et administré avec succès que par le gouvernement fédéral. Seules les autorités fédérales peuvent asseoir le plan sur une base assez solide et assez universelle de cotisation pour pouvoir l'instaurer avantageusement. Et seules ces autorités peuvent faire en sorte que tous les citoyens reçoivent les prestations auxquelles ils ont droit, indépendamment de leur déplacement individuel possible d'une province à l'autre."

M. le Président, je dois dire tout de suite que je ne suis pas d'accord avec le rapport tel que signé par le premier ministre dans le temps.

M. Lesage: Est-ce que je peux poser une question au chef de l'Opposition?

M. Johnson: Oui, oui.

M. Lesage: Ne se souvient-il pas qu'à ce moment-là seule la province de Québec percevait son propre impôt sur le revenu et que seuls l'Ontario et le Québec percevaient l'impôt sur les corporations? Je lui demanderais de bien vouloir interpréter ce paragraphe à la lumière de la situation qui existait à ce moment-là, alors qu'aujourd'hui chaque province perçoit elle-même chacun des deux impôts que je viens de mentionner.

M. Johnson: M. le Président, à ce moment-là, Québec percevait son impôt sur les corporations aussi.

M. Lesage: C'était en 1950, les individus.

M. Johnson: Bien oui, on percevait en 1950 les impôts sur les corporations.

M. Lesage: Non, je dis des individus. La province le percevait-elle en 1950? En quelle année, l'impôt sur le revenu?

M. Bellemare: 1954.

M. Lesage: En 1954. Alors, le Québec ne percevait pas l'impôt sur le revenu des individus, mais l'Ontario et le Québec seuls percevaient l'impôt sur les profits des corporations à la lumière de ça, il faut qu'il...

M. Johnson: Même à la lumière de ça, M. le Président, ça n'infirme pas du tout le raisonnement que je voulais faire.

M. Lesage: Cela l'affaiblit.

M. Johnson: C'est qu'après avoir étudié tout le problème, après avoir entendu des experts, des économistes, dont M. Lamontagne, évidemment, le premier ministre en est venu à la conclusion, avec les autres membres du comité, qu'il ne fallait pas instaurer un système actuariel.

M. Lesage: Non, non. Je regrette. M. le Président, mais je réfère le chef de l'Opposition - je pense qu'on ferait mieux d'agir comme si nous étions en comité - à la page 126, 66-1...

M. Johnson: Pagination?

M. Lesage: Oui, oui, vous avez la même. Je viens de réaliser que vous avez la même. 66-1, voyez-vous, il est dit: "D'après un tel arrangement tripartite...

M. Johnson: Je n'ai pas ça, moi. M. Lesage: Ah oui: 66-1.

M. Johnson: Alors, ça se trouve à la page 128, 66-'.

M. Lesage: Ah bien, j'ai mal lu, vous avez raison. Mes lunettes sont moins bonnes que je pensais. "D'après un tel arrangement tripartite, chacun devrait, autant que possible, verser une cotisation directe sur son revenu ou ses gains personnels. S'il y a lieu de se rapprocher de l'idéal de la contribution universelle sans pouvoir l'atteindre pleinement, il faudrait exiger des cotisations des personnes qui sont actuellement exemptées de payer l'impôt sur le revenu. Il y aura naturellement et inévitablement des gens dont les revenus sont si faibles par rapport à leurs obligations personnelles et familiales qu'on ne saurait attendre d'eux qu'ils paient leur part. Il est manifeste qu'il faudrait les dispenser du versement des cotisations."

Cela veut dire, M. le Président, qu'étant donné que nous établissons un système de base minimum il fallait que tout le monde ait au moins ce minimum. Et si nous avions marié, si vous voulez, ou encore mesuré les prestations aux cotisations, comme dans le système de caisse de retraite que nous proposons, il eut été impossible, sur une base d'actuaire, d'assurer le minimum actuel de $65 - $40 dans le temps -universellement à toutes les personnes de 70 ans et plus et surtout à celles qui en avaient le plus besoin.

C'est ça que ça veut dire et c'est la raison pour laquelle il a été jugé que, pour établir une base qui n'était peut-être pas suffisante pour tout le monde, mais qui au moins était un minimum vital pour tout le monde, il était nécessaire de recourir à un système de paiement au fur et à mesure à même la taxation directe et indirecte, afin que tout le monde puisse dire qu'il avait contribué, même s'il ne payait pas d'impôt sur le revenu personnel, et cela à cause de la taxe indirecte de vente fédérale de 3%.

Je ne cherche pas à le justifier, mais je crois qu'il est important de voir, qu'il y a une grande différence entre l'établissement d'un plan qui prévoit un paiement de base même à ceux qui ne contribuent pas et des paiements suivant un système de caisse de retraite à un deuxième palier au-dessus de ce paiement de base. C'est tout. Ce n'est pas une justification, c'est pour bien expliquer. Il s'agissait, à ce moment-là, d'établir un système de base où tout le monde, surtout ceux qui en avaient le plus besoin, aurait la garantie d'un montant minimum mensuel vital. Nous avons conclu, particulièrement pour les raisons mentionnées à 66-1 que je viens de citer, que le meilleur moyen, c'était ceci: une fois le minimum vital établi - je l'ai dit dans le temps, d'ailleurs, au cours des séances du comité -il est possible d'établir un deuxième palier qui se situe entre ce minimum vital universel et les pensions que peuvent se procurer les individus dans le secteur privé.

M. Johnson: Oui, je suis obligé d'admettre une partie du raisonnement du premier ministre, mais, lisant d'autres pages de son rapport, je constate qu'il a condamné le système d'assurance-vieillesse, entre autres raisons, parce qu'il comportait également la constitution d'une caisse de réserve qui doit servir en définitive au paiement des prestations et à l'enregistrement du paiement des cotisations durant toute la vie active de chaque assuré. À 37, page 122: "Les difficultés administratives et les faiblesses inhérentes au système d'assurance, si le but visé est d'accorder une sécurité convenable à l'ensemble de la population, doivent être pensées...

M. Lesage: C'est ça.

M. Johnson: ...en regard de la valeur psychologique d'un tel système". Je ne veux pas faire une discussion oiseuse.

M. Lesage: Non, moi non plus.

M. Johnson: Le premier ministre aura l'occasion de s'expliquer, je le pense bien. Il pourra répliquer tantôt ou en parlant de mon amendement.

M. Lesage: Non, je n'en parlerai plus.

M. Johnson: Mais, je voudrais tout simplement lui dire ceci: Qu'il ait changé ou non d'idée.

M. Lesage: Non, je n'ai pas changé d'idée.

M. Johnson: ...quant à nous, nous sommes en faveur d'un système, à base d'actuaire, évidemment selon certaines modalités.

M. Lesage: Oui, on peut être en faveur d'un système d'actuaire, mais à condition qu'il y ait déjà, un plancher qui prévoit un montant mensuel vital pour ceux qui ne peuvent pas se bâtir de caisse de retraite, se bâtir de droit à des prestations.

M. Johnson: Il y aurait une autre façon, le premier ministre le sait, ce serait de payer des cotisations à tous ceux qui...

M. Lesage: Ah oui, ah oui, mais...

M. Johnson: Une autre manière. Ce

sont tous des problèmes qui devraient être discutés.

M. Lesage: Je l'offre au fédéral dans ma lettre à M. Pearson aussi, de prendre à ma charge le montant de base; de prendre à la charge de la province, pas à ma charge.

M. Johnson: Je vois que le premier ministre offre à M. Pearson de reprendre tout le terrain, d'occuper tout le terrain - à ça, ça fait notre affaire, M. le Président - à la condition qu'on lui remette les pouvoirs de taxation que le fédéral utilise actuellement à ses fins ou leur équivalent, en parlant de la taxe indirecte.

M. Lesage: Amendement.

M. Johnson: Nous ne sommes pas contre le principe, au contraire, nous en avons fait un article vedette de notre programme et nous avons popularisé cette idée à travers la province. Elle n'a pas été suffisante, M. le Président, pour nous apporter des adhésions, de tout le monde, mais nous l'avons popularisée et nous avons conscience d'avoir fait notre devoir en attirant l'attention du public et en stimulant le gouvernement à l'action avant qu'Ottawa occupe le champ.

Cependant, je voudrais dire au premier ministre que, comme lui - et c'est notre devoir d'hommes sérieux dans cette Chambre; chacun des députés devrait y réfléchir sérieusement - nous avons aussi certains points d'interrogation. Quel sera l'impact, comme il dit, sur l'économie? Quelles seront les conséquences au point de vue de l'évolution de la politique? On pourrait par ce système s'en aller très rapidement vers l'étatisation particulièrement de tout le domaine de la finance et, donc, de l'industrie et du commerce. En procédant peut-être trop rapidement, mais surtout en procédant en cachette, nous pourrions endommager d'une façon irréparable le climat industriel, et commercial, ce climat qui est si nécessaire au progrès industriel et commercial dans une province comme la nôtre, M. le Président.

M. Lesage: D'accord.

M. Johnson: Donc, les députés de l'Opposition, parce qu'ils ne sont pas certains qu'une simple motion sera suffisante pour faire reculer les autorités fédérales ou les empêcher d'avancer davantage.. Mon Dieu, qu'elle a l'air déterminée ce ministre à Ottawa! Je fais grâce au premier ministre de lui rapporter des déclarations qu'il a peut-être lues. J'ai lu une conférence de presse qu'elle a faite à Londres où elle accuse le gouvernement de Québec de vouloir utiliser le système de pensions bien plus pour des fins économiques que pour des fins sociales. M. le Président, si le premier ministre ne se défend pas contre Mlle LaMarsh, si le ministre du Travail est trop mou à Ottawa, je vous suggère d'envoyer le député de Richelieu et le député de Chambly. Ils en viendront à bout, du ministre à Ottawa.

M. Cournoyer: On en viendra à bout en prenant chacun notre bout.

M. Johnson: Non, M. le Président. C'est l'interprétation qui est mauvaise; ce ne sont pas mes paroles. Ad modum recipientis recipitur.

M. Laporte: Apparemment, l'interprétation...

M. Johnson: M. le Président, c'est l'un des problèmes, sinon le problème le plus important que cette Chambre aura à étudier.

M. Lesage: Je pensais que c'était l'autre.

M. Johnson: Et il faudra y veiller. Il est réglé, l'autre. J'ai dit à l'avenir, M. le Président. La Chambre devrait l'étudier sérieusement. Les députés devraient être mis au courant. Maintenant que nous avons une indemnité auqmentée, nous devrions être capables d'étudier ce problème, d'avoir l'occasion de le faire et d'en arriver à une conclusion après une discussion ouverte, après avoir entendu les unions ouvrières, les associations de crédit et d'assurance, tous les autres corps intéressés à ce problème. En Ontario, M. le Président, on a eu un comité qui a siégé, je crois, pendant deux ans. Un comité, M. le Président, qui a siégé ouvertement, qui a brassé l'affaire en public, pas de cachette, pas d'intervention secrète, pas de petites combines ou de soupçons de combines, ce qui est mauvais. Nous sommes en démocratie, nous sommes des gens adultes, nous sommes des gens bien formés, nous avons une équipe dont nous sommes bien fiers des deux côtés de la Chambre. C'est une déclaration qu'on peut faire sans soulever de débat. Nous avons dans nos équipes respectives des gens qui sont particulièrement préparés à étudier ce problème et le public, les corps publics, les unions ouvrières, les associations de patrons, tout le monde a intérêt à ce que ce problème soit brassé en public. Donc, pour couvrir ces deux points: renforcer la motion que nous aurons, qui servira d'avis à Ottawa et, deuxièmement, fournir aux députés l'occasion de travailler d'une façon démocratique et ouverte, j'ai l'honneur de proposer, M. le Président, secondé par le député de Saint-Jacques...

M. le Président: Avant que le chef de l'Opposition lise son amendement, est-ce que je dois comprendre que l'amendement proposé

Après tout, il y avait un amendement proposé par le Procureur général, dont on discute.

Une voix: Cela a été adopté.

M. Hamel (Saint-Maurice): Est-ce qu'il faut que je fasse un grand discours?

M. Bertrand (Missisquoi): Non, non.

M. le Président: À l'ordre. L'amendement que propose le chef de l'Opposition c'est à la motion telle qu'amendée par le Procureur général.

M. Johnson: C'est ça. Que la motion en discussion, amendée...

M. Lesage: Non, non, la motion telle qu'amendée.

M. Johnson: Que la motion telle qu'amendée par l'amendement du Procureur général soit de nouveau amendée en retranchant tous les mots après "de contribution"...

M. Lesage: Vous êtes mieux de dire: "en ajoutant après les mots".

M. Johnson: Excusez-moi. On a changé toutes nos affaires.

M. Lesage: C'est seulement parce que j'ai hâte de voir ce qu'il va dire, c'est tout.

M. Bertrand (Missisquoi): Le Procureur général ne le savait pas, lui. Le Procureur général ne connaissait pas l'amendement qu'il a proposé.

Motion de sous-amendement

M. Johnson: M. le Président, que la motion amendée actuellement en discussion soit de nouveau amendée en ajoutant après les mots "de contribution" les mots suivants "et qu'il y a lieu de créer immédiatement un comité parlementaire chargé de préparer à ce sujet un projet de loi qui devra être soumis à la Législature avant la reprise de la session fédérale actuellement suspendue". M. le Président, c'est ce que j'ai l'honneur de proposer comme amendement à la motion telle que déjà amendée. Je m'excuse pour les ratures.

M. Lesage: Ah, ça va, il n'y a pas de difficulté. J'ai compris parfaitement. Parlant sur la proposition d'amendement, puisque j'ai le droit de parler maintenant.

M. Bertrand (Missisquoi): La session fédérale doit reprendre le 30 septembre.

M. Lesage: Oui, mais la question des pensions est à l'ordre du jour de la conférence fédérale-provinciale de novembre. Bien, je le sais.

M. Bertrand (Missisquoi): Oui, mais quelle garantie avez-vous que le Parlement canadien n'adoptera pas de loi, le 30, à la reprise de la session?

M. Jean Lesage

M. Lesage: M. le Président, il y a eu une conférence fédérale-provinciale à la fin de juillet et il a été entendu que la question serait à l'ordre du jour de la conférence de novembre, c'est tout. C'est aussi simple que ça. D'ailleurs, si nous adoptions l'amendement proposé par le chef de l'Opposition et qu'il fallait que ce comité parlementaire entende tous les intéressés, comme il vient de le dire, alors que l'on sait que le comité formé en Ontario a siégé pendant un an et demi ou deux ans, nous nous placerions, justement, dans une situation où nous serions assurés d'être en retard. Je pense que ce n'est pas réaliste, que c'est affaiblir la position de la province de Québec vis-à-vis du gouvernement d'Ottawa et qu'il serait peu sage et peu prudent de prendre le risque d'ajouter un tel amendement à la motion déclaratoire de principe qui est devant la Chambre. Je pense que je n'ai pas besoin de gloser bien longtemps, que tout le monde comprendra que, si nous acceptons l'amendement proposé par le chef de l'Opposition, nous ne faisons que prolonger le délai jusqu'au moment où il nous sera possible de présenter un projet de loi à la Chambre.

M. le Président, je serais très inquiet d'accepter un tel amendement et je dois recommander à la Chambre de le refuser pour la raison primordiale et fondamentale que je viens d'énoncer.

M. Paul Dozois

M. Dozois: M. le Président comme secondeur de cet amendement, vous me permettez une brève remarque.

M. Lesage: Ah, je m'excuse, je ne savais pas que vous aviez secondé.

M. Dozois: M. le Président, on a invoqué, pour refuser cet amendement, le fait qu'en Ontario on a procédé de cette façon et que l'étude a duré près de deux ans. On a dit que, si l'on acceptait la même façon de procéder, ici, dans la province de Québec, ce serait une façon de retarder et de manquer le but que nous voulons atteindre, de pouvoir voter la législation avant que le gouvernement fédéral vote la sienne.

Nous réalisons l'importance, M. le Président, du fait que le Québec vote sa législation avant la Chambre des communes et notre intention, en présentant cette motion, n'est pas de retarder l'adoption d'une loi par la province. Quand on invoque la façon dont l'Ontario a procédé, l'on doit avoir à l'esprit, M. le Président, que les gens sont beaucoup mieux préparés à cette idée de pension universelle ou de pension transportable qu'il y a deux ans, lorsque l'Ontario a entrepris cette étude. C'était une idée qui, à ce moment-là, était à peine ébauchée, qui était un peu nouvelle, qui surprenait les gens et qui a obligé une foule de personnes à se pencher sur ces problèmes. Depuis ce temps, l'idée a fait son chemin et tous les corps publics sont aujourd'hui au fait de ce problème des pensions universelles ou des pensions transportables. Je suis convaincu que, si la motion était adoptée, nous pourrions en quelques semaines avoir les représentations des corps intéressés à ce problème et je suis convaincu que ça ne retarderait pas, au contraire, que ça rendrait service à la Chambre, à l'Assemblée législative de connaître l'opinion de tous ceux qui sont intéressés à ce problème. C'est pourquoi nous demandons que cet amendement soit voté.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Dozois: M. le Président, nous le réalisons, advenant le cas où le comité procéderait et avec trop de lenteur et qu'il y aurait urgence d'adopter une loi, il sera toujours possible que le comité fasse rapport même si son étude n'est pas complétée. Nous serons quand même plus avancés que de procéder sans les avoir entendus.

M. Fortin: M. le Président, il n'y a pas de doute qu'un projet semblable exige non seulement une étude au point de vue économique, c'est-à-dire des répercussions...

M. Lesage: M. le Président, comme chef du gouvernement, je voudrais répondre au député de Saint-Jacques qu'il n'y absolument rien qui empêche celui qui vous parle de convoquer une autre session s'il y a un projet de loi qui est prêt et il serait beaucoup plus sage d'avoir un comité à ce moment-là qu'à ce moment-ci.

M. Bertrand (Missisquoi): Si le premier ministre me le permet, dans le même ordre d'idées.

M. Lesage: Oui, mais...

M. Bertrand (Missisquoi): Le premier ministre prétend que le fait que ce soit à l'ordre du jour du mois de novembre empêche le fédéral, normalement, d'adopter une loi à la session du mois de septembre. Si ça empêche le fédéral, est-ce que le fédéral ne pensera pas, lui aussi, que ça va empêcher le provincial d'adopter une loi avant la réunion du mois de novembre?

M. Lesage: Non, pas du tout, M. le Président. Il n'y a absolument rien qui empêche celui qui vous parle de demander au lieutenant-gouverneur de convoquer une session s'il y a un projet de loi de prêt, projet de loi qui pourrait - je ne le garantis pas - si la Législature en décide ainsi, faire l'objet d'une étude par un comité spécial.

M. Bertrand (Missisquoi): Bien oui. Il n'y a rien, si je suis prêt. Mais je ne peux pas donner la garantie que je vais avoir un projet de loi prêt à ce moment-là. Je l'espère.

M. Johnson: Mais quel mal y aurait-il à ce qu'on commence, tout le monde, à étudier...

M. Lesage: Non, c'est très mauvais.

M. Johnson: ...à travailler, à préparer un projet de loi?

M. Lesage: Non, ce serait extrêmement mauvais vis-à-vis de la population parce que, tant que nous n'avons pas le rapport des actuaires et des économistes qui vont nous dire quel est l'impact sur l'économie, nous prenons le risque de faire naître des appétits que nous ne pourrons assouvir. Et ça, c'est extrêmement dangereux et c'est très sérieux.

M. Johnson: Cela s'est fait en Ontario.

M. Lesage: Oui, mais cela a désappointé bien du monde en Ontario, ce qu'on a fait aussi, et ce n'est pas du tout la même situation. Je pense que ce que je propose est raisonnable. Quand j'aurai en main tous les détails, il me sera possible alors, avec mes collègues, de décider du moment de la présentation d'un projet de loi. Et je pense que, si nous agissons ainsi, nous agissons en hommes sérieux.

Le chef de l'Opposition a parlé de l'importance d'avoir une décision unanime de la Législature. Je suis parfaitement d'accord, c'est essentiel, mais je ne puis souscrire, pour les raisons que je viens de dire, à l'amendement qu'il vient de suggérer. J'ai souscrit à l'amendement qui avait été suggéré, lors de notre conversation privée, par le chef de l'Opposition et par le député de Saint-Jacques; je l'ai fait généreusement et avec plaisir, parce que ce n'est pas une question de se quereller pour savoir qui gagne; c'est une question d'être raisonnable et de se comprendre. J'ai fait un effort, j'ai compris, j'ai admis les arguments du chef de

l'Opposition et du député de Saint-Jacques sur la première suggestion qu'ils m'ont faite. Mais, pour les raisons que je viens de donner et étant donné ce que je viens de dire, je crois qu'il vaut mieux laisser la résolution dans l'état où elle était avant la proposition d'amendement et je supplie l'Opposition d'être aussi généreuse que je l'ai été...

M. Bertrand (Missisquoi): Ce n'est pas là qu'est le point.

M. Lesage: Bien oui, écoutez, on peut se disputer jusqu'à demain si l'on veut, mais, M. le Président, je l'ai vu, le rapport préliminaire du comité, moi, et je dis à la Chambre qu'il est urgent d'agir et qu'il m'est impossible, pour des raisons graves que je viens de mentionner, de rendre public quoi que ce soit tant que je n'ai pas le rapport des actuaires. Si je l'ai à temps pour préparer un plan et un projet de loi, pensez-vous que je vais attendre au mois de janvier pour le soumettre? Si je puis arriver avant la 1er novembre, c'est évident que je vais demander au lieutenant gouverneur de convoquer une session, c'est l'enfance de l'art.

M. Gabias: Est-ce que ça dépend du lac à l'Épaule?

M. Lesage: Cela n'a rien à faire avec le lac à l'Épaule. Rien à faire.

M. Johnson: C'est certain, certain? Qu'est-ce qui va se passer au lac à l'Épaule?

M. Lesage: Je ne le sais pas. Est-ce qu'il va se passer quelque chose?

M. Johnson: J'espère que non.

M. Lesage: Non, non, mais, autant l'Opposition m'a demandé de comprendre son point de vue, autant je demande à l'Opposition de comprendre le mien. Il faut que nous soyons unanimes et je demande à l'Opposition de me faire confiance.

M. Bertrand (Missisquoi): Si le premier ministre le permet, ce n'est pas tellement là-dessus. Le premier ministre prétend qu'il ne serait pas décent de la part de M. Pearson de faire adopter une loi par le Parlement canadien à la reprise de la session, le 30 septembre, parce que ce problème de pension de retraite est à l'ordre du jour de la réunion du mois de novembre. C'est cela qu'il dit.

M. Lesage: Oui.

M. Bertrand (Missisquoi): Bon. Est-ce que M. Pearson ne croit pas, lui aussi, qu'il ne serait pas décent pour le premier ministre de faire adopter une loi avant la réunion du mois de novembre?

M. Lesage: Non, je regrette. Si le député de Missisquoi veut bien lire l'article 94A, de la constitution et s'il veut bien relire ma correspondance avec M. Pearson...

M. Bertrand (Missisquoi): Je l'ai lue.

M. Lesage: J'ai avisé officiellement M. Pearson que j'occuperais le champ et aujourd'hui je demande à la Législature de dire unanimement au gouvernement d'Ottawa que nous allons occuper le champ. Notre situation n'est pas du tout la même vis-à-vis de la conférence de novembre que celle du chef du gouvernement canadien ou encore de son ministre du Bien-Être et de la Santé.

M. Johnson: M. le Président, évidemment, on pourrait discuter longtemps là-dessus, mais, si vous le permettez, moi, j'y tiens, à cette motion, autrement, je ne l'aurais pas faite. Et j'y tiens aussi sous un autre aspect. En plus de l'aspect exposé par le député de Missisquoi, j'y tiens sous l'aspect démocratique. Il y a tout de même une foule de choses que nous pourrions étudier d'ici ce temps-là. Nous serions mieux préparés, ça serait plus démocratique.

M. Lesage: Mais on va être tellement plus fort vis-à-vis d'Ottawa s'il y a un projet de loi déposé, même si on prend des mois pour l'étudier après. Est-ce que le chef de l'Opposition va comprendre?

M. Johnson: Oui. On n'a pas la même optique là-dessus. Voici un problème qui concerne toute la province, qui a des répercussions sur l'économie, sur l'investissement, sur les diverses théories de gouvernement, du socialisme à l'entreprise privée excessive, etc. Mais, nous avons des droits acquis et des ententes déjà faites entre les unions et leurs patrons. M. le Président, est-ce qu'il ne faudrait pas que ce soit non seulement un groupe de ministres, mais tous les députés qui se familiarisent avec ce problème?

M. Lesage: Oui, mais après que le projet de loi aura été déposé. Si nous pouvons arriver à déposer un projet de loi avant le 1er novembre devant la Chambre, est-ce que le chef de l'Opposition ne comprend pas que notre position vis-à-vis d'Ottawa sera encore plus forte?

M. Johnson: Oui.

M. Lesage: Bon. Alors, qu'on me laisse faire. Si je nomme un comité, il y a une chose: nous commencerons à ce comité à entendre des représentations et il n'y aura

certainement pas de projet de loi avant l'année prochaine.

M. Johnson: M. le Président, le comité dont il est question dans l'amendement que j'ai apporté sera chargé de préparer à ce sujet un projet de loi.

M. Lesage: Mais il ne peut jamais arriver! Un comité parlementaire ne peut pas arriver à préparer un projet de loi, d'après mon expérience, avant le 1er novembre. Ils auront quatre semaines après la réception des rapports au point de vue économique et au point de vue actuariel. Je ne comprends pas l'insistance du chef de l'Opposition. Quand il m'a exposé raisonnablement quelque chose, j'ai dit: Très bien, je l'amende. Là, je lui expose raisonnablement quelque chose, il est buté. Je n'ai jamais vu une chose comme cela. Je demande au chef de l'Opposition de faire preuve de la même générosité et de la même confiance dont j'ai fait preuve à son égard et à l'égard du député de Saint-Jacques. Il me semble que j'ai le droit à la même mesure de considération que celle que je donne à mes amis d'en face.

M. Johnson: M. le Président, on voudrait aider le premier ministre. Il décidera lui-même, il sera lui-même président de ce comité. Nous lui aiderons, nous tâcherons de nous entendre avec lui. Nous voulons coopérer, M. le Président. Il me semble que c'est assez raisonnable.

M. Lesage: Je vais voter contre l'amendement. Le vote.

M. Johnson: Le vote. Mettez rejeté sur division.

M. Lesage: On va avoir l'air fin à Ottawa.

M. Johnson: Non et, ensuite, sur la motion principale, nous allons voter pour.

M. le Président: À l'ordre, messieurs.

M. Johnson: Nous allons voter pour la motion principale.

M. Lesage: Bon, d'accord.

Rejet de la motion de

sous-amendement et adoption

de la motion principale

M. le Président: À l'ordre, messieurs. Si je comprends bien, la motion de sous-amendement proposée par le chef de l'Opposition à la motion telle qu'amendée par la motion du Procureur général, est rejetée sur division et la motion principale...

M. Johnson: Unanime.

M. le Président: ... telle qu'amendée par le Procureur général est adoptée à l'unanimité.

Dépôt de document requis par motion

M. Lesage: M. le Président, pour vider le feuilleton complètement, je dépose la réponse à la question posée par le député de Trois-Rivières.

M. Bertrand (Missisquoi): Le sourire est revenu.

Voeux de bonnes vacances

M. Lesage: M. le Président, je désire souhaiter de bonnes vacances à tous les députés. J'espère qu'elles seront assez courtes parce que...

M. Bertrand (Missisquoi): Reposez-vous. M. Lesage: Je n'ai pas le temps.

M. Bertrand (Missisquoi): Vous en avez besoin.

M. Lesage: Je pense que le député ferait mieux de soigner son rhume.

M. Bertrand (Missisquoi): Cela va très, très bien. Ma voix est très bonne.

M. Lesage: Nous nous réunirons peut-être avant la session de janvier. Je viens de le laisser entendre, d'ailleurs. À tous, je souhaite de bonnes vacances et je vais, de ce pas, chez le lieutenant-gouverneur.

M. Johnson: M. le Président, pendant que la premier ministre s'en va sur son cheval de Troie vers le lac à l'Épaule, je voudrais, moi aussi, offrir aux députés nos meilleurs voeux de bonnes vacances, s'il y en a qui peuvent en prendre et qui doivent en prendre.

M. le Président, nous avions déclaré que nous aurions une session courte parce que nous voulions collaborer. Nous avons mis de côté toute la procédure, mais, malgré ça, nous avons travaillé une trentaine d'heure à date et, avec la renonciation à l'indemnité pour la dernière journée, M. le Président, il arrive que, comme le disait l'un de mes collègues, nous n'avons pas gagné, sur la base horaire, même le minimum que prévoient certains décrets. Alors, je ne pense pas que la rémunération que nous recevrons soit exagérée.

Je voudrais offrir surtout aux trois nouveaux ministres qui ont été nommés, M. le Président: le ministre temporaire du

Revenu (puisque je présume qu'après une défaite dans Notre-Dame-de-Grâce il ne pourrait plus siéger à l'Assemblée législative; il devra sortir du cabinet) et à ceux qui m'ont l'air ici d'une façon temporaire mais plus longue, soit le Procureur général et le ministre du Travail, nos meilleurs voeux de santé et de succès dans l'accomplissement de leurs fonctions nouvelles. Le Procureur général, le député de Saint-Maurice, accède à une fonction extrêmement difficile, extrêmement délicate, fonction pour laquelle, à cause de son travail intense comme avocat, il est peut-être beaucoup mieux préparé qu'il ne l'était pour les autres fonctions qu'il a occupées. Ce n'est pas l'injurier que de lui dire cela. Il accède à un poste de prestige à part cela, qui passe généralement, au point de vue du protocole, tout de suite après le poste de premier ministre. Je note, sans malice, qu'il a dépassé le ministre de la Jeunesse, même s'il a eu moins de votes que le ministre de la Jeunesse à la convention libérale, M. le Président. C'est, tout de même, une belle récompense pour un homme qui a travaillé en Chambre, qui a oeuvré huit ans dans l'Opposition. Je lui souhaite sérieusement d'accomplir son devoir avec toute la conscience et le sens du devoir qu'on attend d'un Procureur général, le grand justicier de la province, l'homme responsable de l'institution essentielle sans laquelle il n'y a pas de civilisation qui puisse tenir.

Quant au ministre du Travail, que j'ai connu il y a très longtemps, je ne savais pas dans le temps qu'il était libéral, M. le Président.

M. Bertrand (Missisquoi): Il était plutôt indépendant.

M. Johnson: Il manifestait, dans le temps, une très grande liberté vis-à-vis de tous les partis politiques. Il avait, lui aussi, une tendance bloqueuse ou bloquée, parce qu'il était avec nous, le député de Missisquoi et moi-même entre autres, dans le bloc universitaire. Nous nous en sommes sortis des blocs, mais lui est resté plus longtemps que nous dans les blocs, M. le Président. Je voulais dire au député de Sherbrooke que nous voulons le féliciter d'avoir accédé si rapidement à un poste aussi important que celui de ministre du Travail. Il a besoin de beaucoup de patience, de toute sa préparation et de toutes ses connaissances pour bien s'acquitter de sa fonction. À tous deux nous souhaitons bonne santé et, d'ici le 25 novembre, je voudrais publiquement offrir au ministre du Revenu des voeux de bonne santé physique, tout simplement. Je ne voudrais par aucun truc qu'on puisse interpréter mes voeux comme une intervention politique pour ou contre. Je voudrais tout simplement dire à M. Kierans...

M. Laporte: Que son siège est là. Il l'attend.

M. Johnson: ...que son siège est prêt en Chambre. M. le Président, ce sont les électeurs de Notre-Dame-de-Grâce qui le décideront et c'est le jeu de la démocratie. On a déjà vu des accidents électoraux. Quelques libéraux sont là rien que par accident, ils doivent se reconnaître. Des accidents, cela joue des deux côtés.

M. Laporte: Cela doit être un gros accident parce qu'on est un groupe.

M. Johnson: Cela a été un accident nombreux.

M. Laporte: Tant qu'il sera aussi nombreux que cela, on est tranquille.

M. Johnson: Je sais que les libéraux sont tranquilles, mais c'est le peuple qui est inquiet. Et vous, M. le Président, qui avez été d'une patience angélique depuis deux jours, vous qui avez été l'homme le plus calme de toute cette Chambre, après moi et mes collègues de l'Opposition...

M. Laporte: M. le Président, il recommence.

M. Johnson: ... je vous remercie. Et je regrette, en terminant, d'avoir à dire une chose qui ne s'adresse à personne en particulier, mais je regrette que cette session doive passer à l'histoire comme une session historique, mais pour des raisons que nous n'approuvons pas.

M. Laporte: Les journaux n'ont pas l'air d'accord.

M. Hamel (Saint-Maurice): Je voudrais remercier le chef de l'Opposition de ses meilleurs voeux. Je dois lui dire qu'avant d'accepter, j'y ai pensé et, après avoir accepté cette fonction, je me suis dit, comme dans Corneille: "Jamais nous ne jouissons de parfaite allégresse.

Nos plus heureux instants sont mêlés de tristesse.

Au milieu du bonheur, mon âme en sent l'atteinte.

Je nage dans la joie et je tremble de crainte."

Vous pouvez être assuré, M. le Président, que j'ai conscience de mes responsabilités et que je m'efforcerai, comme je l'ai fait, d'ailleurs, au ministère du Travail et dans les fonctions que j'ai occupées comme ministre, de voir à l'administration de la justice dans l'esprit qui doit présider à l'administration de la justice.

M. Fortin: M. le Président, je veux

également remercier le chef de l'Opposition de ses remarques aimables à mon endroit. Il est vrai qu'à l'université on s'est connu dans le bloc universitaire. Il se souviendra que c'était un bloc autonomiste. Et, s'il prétend que j'étais bloqué, je peux lui dire que je suis encore bloqué et que je reste encore autonomiste.

M. Johnson: Mais le ministre a-t-il voté contre le bill no 1?

M. Laporte: Non, il n'était pas là en 1958, il n'a pas pu voter comme vous autres.

M. Johnson: Je ne comprends pas.

M. Fortin: M. le Président, j'ai accepté, évidemment, avec plaisir la responsabilité qu'on m'a confiée d'être ministre du Travail.

Je voudrais assurer les membres de cette chambre que je vais m'efforcer d'accomplir ce devoir le mieux possible. Comme je le disais il y a quelque temps, mon seul souci est d'apporter dans le monde du travail la paix et surtout une grande collaboration, non seulement au point de vue des conditions de travail, mais également au point de vue économique, entre patrons et ouvriers pour le plus grand bien de notre province.

M. le Président: La séance est suspendue pour quelques minutes.

Faites entrer le messager. Let the messenger in.

L'huissier de la verge noire: M. l'Orateur, c'est le désir de Son Excellence le lieutenant-gouverneur que les honorables membres de cette Chambre se rendent immédiatement à la salle du Conseil législatif.

The Honourable the Lieutenant-Governor desires the immediate attendance of the Members of this Honourable House in the Legislative Council Chamber.

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