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Version finale

29th Legislature, 3rd Session
(March 7, 1972 au March 14, 1973)

Thursday, March 1, 1973 - Vol. 12 N° 101

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions orales des députés.

Questions orales des députés

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Cartonnerie à Saint-Félicien

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais poser une question au ministre de l'Industrie et du Commerce.

UNE VOIX : C'est le seul qui est ici.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai pas le choix.

Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce pourrait nous dire s'il est exact que le gouvernement du Québec a eu des pourparlers avec une société américaine, du nom de Olin Kraft Inc., en vue de l'implantation d'une usine de carton d'emballage dans la région de Saint-Félicien?

Comme j'ai constaté, dans une édition d'un journal, que le gouvernement avait considéré cette éventualité, le ministre pourrait-il nous dire s'il a rencontré personnellement les représentants de cette société, de même que les autorités de la ville de Saint-Félicien ou le conseil régional de développement de notre région?

M. SAINT-PIERRE: La forêt domaniale de Saint-Félicien est une des dernières au Québec qui n'est pas exploitée, transformée. Le gouvernement — simplement pour faire un bref historique — avait déjà eu des propositions qui n'ont pas eu de suites. La forêt était donc disponible. Il y a effectivement eu, au cours des neuf ou dix derniers mois, des discussions, non pas uniquement avec le groupe Olin Kraft, mais avec d'autres groupes qui avaient pu exprimer un intérêt pour cette forêt.

La position du Québec a toujours été la même. Nous tentons de rechercher dans ces discussions les avantages optimums tant pour la région que pour l'ensemble du Québec, et particulièrement nous cherchons une complémentarité entre des intérêts étrangers — qu'ils soient américains ou autres — et des intérêts québécois qui avaient déjà dans l'exploitation de cette forêt — on pense aux scieries et autres complexes intégrés — des intérêts qui pourraient bien se marier.

Il est exact qu'il y a eu des discussions avec la société Olin Kraft. Des représentants des Terres et Forêts et de l'Industrie et du Commerce ont participé à ces discussions. Il serait faux de dire que les parties mutuellement sont arrivées à des décisions. C'est uniquement au stade des pourparlers, et je pense que le dossier évolue normalement pour tenter de définir de part et d'autre tous les paramètres de participation et les garanties que les deux parties à une telle entente pourraient tenter de rechercher.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une question additionnelle, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: Un élément que je voudrais ajouter, nous avons également tenté de rechercher, dans l'accord, des complémentarités pour des compagnies québécoises qui seraient non seulement impliquées dans les scieries mais également dans les pâtes et papier, qui auraient peut-être pu trouver un élément de complémentarité avec les intentions de la compagnie Olin Kraft.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une question additionnelle, M. le Président, en remerciant le ministre des explications qu'il nous a fournies. Je voudrais lui demander s'il a pris connaissance des déclarations des représentants de cette société Olin Kraft disant qu'il n'avait pas été question d'implantation d'une usine à Saint-Félicien. Le ministre vient de nous dire qu'on poursuit des conversations; est-ce que, pour rassurer les citoyens de notre région, il pourrait nous réaffirmer effectivement, à l'heure actuelle, qu'on poursuit des consultations avec cette société Olin Kraft ou si on a tourné les yeux vers une autre société et, dans la négative, est-ce que le gouvernement a l'intention d'ouvrir cette forêt domaniale à la moyenne et à la petite industrie?

M. SAINT-PIERRE: Je devrais répondre dans l'affirmative dans les deux cas; les discussions se poursuivent, les compagnies — il faut bien les comprendre — dès qu'on n'a pas paraphé une entente contractuelle, se refusent à parler d'implantation et je pense que, effectivement, elles ont raison, mais dans ce cas-ci, je dois dire que les discussions se poursuivent.

M. LAURIN: M. le Président, est-ce que la Société générale de financement a été partie aux discussions, étant donné les intérêts de la compagnie Donohue dans ce domaine? Et est-ce que les projets d'expansion de la société Donohue au sein de la SGF peuvent être affectés par la décision que pourraient prendre les intéressés?

M. SAINT-PIERRE: Dès le début de janvier et même à la fin de décembre, le nouveau président de la Société générale de financement était parfaitement au courant de l'évolution de ce dossier. Nous avons eu des discussions pendant près d'une journée complète; lui-même, à l'intérieur de la compagnie Donohue, a réexaminé l'ensemble de leurs projets d'expansion, et face à ceci, ils ont convenu que, dans l'intérêt de leur propre compagnie, ils ne pouvaient pas présenter au gouvernement une offre pour l'ensemble de l'exploitation de la forêt domaniale. Depuis ce temps, nous avons — et c'est dans le sens de mes paroles de tantôt — cherché cette complémentarité avec d'autres compagnies intéressées à un projet peut-être plus vaste. Et là, il serait intéressant de mentionner que la compagnie Olin Kraft, différente de la compagnie Kruger, n'est pas particulièrement intéressée dans la fabrication du papier journal.

Ce n'est pas un de ces produits, alors que la compagnie Donohue n'est pas particulièrement intéressée à autre chose que du papier journal. Encore là je ne voudrais pas laisser entendre que c'est uniquement la solution qui sera retenue, mais disons que c'est un facteur qui a été constamment à l'esprit des représentants du gouvernement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous me permettrez une dernière question additionnelle au ministre, sur ce sujet fort important. Est-ce que, dans les discussions qui eurent lieu ou qui ont lieu actuellement avec cette société Olin Kraft, il a été question de subventions éventuelles du gouvernement du Québec, subventions venant du gouvernement d'Ottawa ou du gouvernement du Québec, comme ce fut le cas pour la société Kruger?

M. SAINT-PIERRE: Dans le contexte d'une réévaluation de nos programmes de subventions à l'industrie, jusqu'ici il n'a pas été question de subventions gouvernementales. Je pense que, du côté de la compagnie, ce dont on parle le plus c'est de connaître les cadres juridiques, les cadres financiers de l'exploitation. Ce sont des questions aussi directes, pertinentes que les taux d'électricité qui pourraient être applicables au complexe. Pour obtenir le droit à la forêt domaniale, et mon collègue des Terres et Forêts serait peut-être plus habilité que moi à y répondre, quelles sont les garanties d'implantation qu'on veut bien offrir?

Nous n'avons pas l'intention de donner une forêt à quelqu'un qui ne s'engagerait pas dans un programme d'implantation très précis. Il n'est pas question de donner une forêt à quelqu'un qui pourrait investir uniquement dans l'an 2,025. Ce sont ces types de discussion qui sont en cours pour les deux côtés, pour les deux parties du contrat.

LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

Droits miniers sous-marins

M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. On nous a annoncé dernièrement la tenue d'une réunion des premiers ministres de l'Est concernant les droits miniers sous-marins. Est-ce que le premier ministre est en mesure de nous dire si la réunion a bien eu lieu et de faire rapport à cette Chambre? Peut-il nous faire part également de nouvelles propositions?

M. LEVESQUE: En effet, M. le Président, la réunion a eu lieu samedi dernier à Montréal. Nous avons eu deux séances de travail, au cours desquelles nous avons convenu de l'opportunité de la création d'une agence fédérale-provinciale qui s'occuperait de l'administration des droits miniers sous-marins dans le golfe et sur le plateau continental.

On se rappellera que lors d'une réunion à Ottawa, au mois d'août 1972, le premier ministre fédéral, M. Trudeau, avait convenu avec les premiers ministres des cinq provinces de l'Est que du fait qu'on ne s'entendait pas sur la propriété de ces droits miniers sous-marins et sur la juridiction, on mettrait de côté pour le moment cette question et on aborderait directement et d'une façon très pragmatique l'administration de ces droits.

Nous avons donc convenu que nous demanderions aux fonctionnaires de préparer certaines propositions devant être soumises au premier ministre éventuellement. II y a eu plusieurs réunions de fonctionnaires, particulièrement du côté des provinces, afin de préparer de telles propositions. A un moment donné, il est normal que ces fonctionnaires reviennent aux premiers ministres réunis. C'est ce qui s'est fait: nous avons pris connaissance de diverses propositions préparées par les fonctionnaires et nous avons eu des discussions à la suite de la connaissance de ces documents.

Nous n'avons pas encore terminé. Il y aura une autre réunion dont la date n'a pas été déterminée mais disons qu'il y a certainement un consensus qui est en train de s'établir, quoiqu'il reste encore certains problèmes qu'il faut continuer d'étudier.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre peut nous dire si, à l'occasion de cette rencontre, des ministres du gouvernement fédéral étaient présents? Le ministre peut-il nous dire si certains seront présents à l'occasion des prochaines rencontres? Concernant l'Agence fédérale-provinciale d'administration des droits miniers sous-marins, cette agence d'administration sera-t-elle sous l'autorité du fédéral ou sous l'autorité des provinces concernées?

M. LEVESQUE: Il n'y avait pas de ministre fédéral présent, même pas d'observateur fédéral présent, parce qu'il s'agissait pour nous d'avoir une position commune bien déterminée.

Lorsque nous aurons atteint ce stade, il sera possible d'avoir ou de solliciter de nouvelles rencontres avec les autorités fédérales.

Quant à l'agence fédérale-provinciale, elle serait créée à la suite d'un accord entre le gouvernement fédéral, d'une part, et les cinq provinces de l'Est, d'autre part. Elle sera donc une création des deux niveaux de gouvernement.

LE PRESIDENT: Dernière question.

M. SAMSON: Le ministre nous dit que l'agence fédérale-provinciale sera créée. Cela veut donc dire qu'elle n'est pas créée. A quel moment prévoyez-vous que cette agence pourra être créée?

M. LEVESQUE: Elle ne pourra pas être créée tant et aussi longtemps que les provinces n'en seront pas arrivées à une entente sur toutes les modalités et que le gouvernement fédéral n'aura pas lui-même convenu d'accepter ces modalités. Autrement dit, tant qu'il n'y aura pas un accord, d'abord entre les provinces elles-mêmes et, ensuite, entre les cinq provinces de l'Est et le gouvernement fédéral. A ce moment, on pourra envisager la création d'une telle agence.

D'un autre côté, il y aura sans doute lieu, pour chacune des provinces, de faire rapport à leur Assemblée nationale ou à leur Législature. Evidemment, je suis rendu un peu plus loin dans le calendrier des opérations.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

Autosuffisance du Québec en capitaux

M. JORON: Ma question s'adresse au premier ministre. Elle découle d'observations faites par le ministre de l'Industrie et du Commerce, il y a quelques semaines, dans un discours traitant de l'autosuffisance du Québec en matière de capitaux et, plus particulièrement, quant aux observations que faisait le ministre a l'effet que, depuis quelques années, le Québec exportait davantage de capitaux qu'il n'en importait.

Je veux demander au premier ministre s'il a l'intention de déposer sous peu le document du gouvernement du Québec, intitulé "Les sources de l'épargne au Québec", sur lequel se fondaient les observations du ministre. Est-ce que ce document sera déposé bientôt?

M. BOURASSA: Probablement que nous aurons l'occasion d'en discuter au conseil des ministres. Je voudrais rappeler au député de Gouin que c'est une chose de dire qu'il y a autosuffisance de capitaux au Québec, ce qui n'a jamais été sérieusement contesté, mais qu'il y a suffisamment de capital de risques par rapport au capital obligataire, c'est une tout autre question.

On a vu, dans les obligations d'épargne du Québec, la facilité relative avec laquelle le gouvernement du Québec pouvait faire souscrire nos obligations d'épargne. En toute occasion, nos objectifs étaient largement dépassés. Mais de là à trouver du capital de risque dans certaines industries, c'est une tout autre question. C'est là que se pose la question de l'intervention du capital étranger.

M. JORON: M. le Président, une question additionnelle. Est-ce que l'éclairage nouveau que jette cette étude sur la situation économique au Québec incitera le gouvernement à modifier sa politique de sollicitation effrénée du capital étranger? Est-ce que cela conduira le gouvernement davantage à se préoccuper, comme le faisait remarquer le ministre de l'Industrie et du Commerce, de trouver des mécanismes de contrôle interne pour canaliser l'épargne québécoise et souvent l'empêcher d'être exportée à l'étranger?

M. BOURASSA: M. le Président, je n'ai pas dit qu'il y avait un éclairage nouveau. Je comprends qu'il est tôt, ce matin, et que le député est peut-être un peu endormi. J'ai dit que la question de l'autosuffisance n'était pas nouvelle mais que les problèmes...

M. JORON: Ce n'est pas nouveau pour nous, cela fait trois ans qu'on vous répète ça.

M. BOURASSA: ... étaient de trouver suffisamment de capital de risque. On connaît les expériences du gouvernement du Québec dans le domaine de Sidbec, dans le domaine de la Société générale de financement. Alors, je pense qu'il est normal, pour un gouvernement responsable, de manifester une prudence élémentaire puisqu'il joue avec les deniers des contribuables québécois.

M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président.

LE PRESIDENT: Question additionnelle.

M. LAURIN: Etant donné que le premier ministre a dit qu'il soumettra la question au conseil des ministres, est-ce qu'il peut nous annoncer quand il décidera de rendre public ou non ce rapport ainsi que le bilan des négociations fédérales-provinciales que nous lui avons demandé de rendre public depuis très longtemps?

M. LEVESQUE: M. le Président, quant au bilan, nous avons eu l'occasion de répondre assez clairement aux questions qui ont été posées en Chambre.

M. LESSARD: Ce sont des documents publics.

M. LEVESQUE: Pardon?

M. LESSARD: Ce sont des documents publics et payés par les deniers publics.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: Il y a bien des choses qui sont payées par...

M. LESSARD: Ils ne sont pas seulement pour vous autres, ces documents.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Ils gardent tout en cachette, la justice aussi.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, je vois que le député de Saguenay ne veut pas entendre raison.

M. LESSARD: Le député de Saguenay veut avoir des documents...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: ... qui sont publics.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable député de Gaspé-Nord.

Arénas en Gaspésie

M. GAGNON: Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. Suite à la décision du ministre, je crois, son prédécesseur, et à la décision de son ministère et à celle de la Commission municipale d'autoriser la construction de deux arénas à cinq milles de distance, soit à Cap-Chat et Sainte-Anne-des-Monts, est-ce que le ministère a pris l'engagement financier d'aider ces municipalités pour la construction de ces arenas et l'entretien de celles-ci?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, c'est un problème épineux que j'étudie présentement. Certaines autorisations ont été données. Certains problèmes se présentent à cause de ces autorisations. J'ai parlé, il y a quelques jours, avec le maire de Cap-Chat. Je dois rencontrer le maire de Sainte-Anne-des-Monts soit ce soir, soit demain matin. J'espère que je pourrai trouver une solution à ce problème.

M. GAGNON: Une question supplémentaire, M. le Président. Le ministre envisage-t-il apporter une contribution financière si les projets sont réalisés par l'entremise de son ministère?

M. GOLDBLOOM: Je pense, M. le Président, qu'il serait prématuré pour moi de me prononcer sur cette question et ce serait peut-être préjudiciable à la conversation que j'aurai d'ici 24 heures au plus avec le maire de Sainte-Anne-des-Monts. Si le député me le permet, je pourrai lui donner des renseignements après cette conversation.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

Grève à l'université de Sherbrooke

M. BELAND: En l'absence du ministre de l'Education, j'adresserai ma question à l'honorable premier ministre. Celui-ci a-t-il pris connaissance qu'il y avait grève illégale présentement à l'Université de Sherbrooke? Un document attesterait que lors du vote on aurait voté à 455 contre et 351 pour. Les étudiants feraient quand même la grève et la direction de l'université les laisserait faire.

M. BOURASSA: M. le Président, je sais que le ministre de l'Education doit arriver d'une minute à l'autre. Il était à la conférence des ministres de l'Education, hier. Il doit arriver pour le débat soulevé par le parti du député. Je pense bien qu'à l'occasion du débat il pourra répondre à la question.

M. SAMSON: C'est une question que nous posons.

M. BOURASSA: Oui, mais je suppose que si le débat est moindrement d'actualité et pertinent, ce qui pourrait m'étonner de la part du député...

M. SAMSON: Vous avez tellement de problèmes à régler que nous avons d'autres choses à vous dire.

M. BOURASSA: Nous réglons tous les problèmes, M. le Président, les uns après les autres !

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAMSON: Ne charriez pas trop!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BELAND: L'honorable premier ministre pourrait-il demander à son ministre de l'Education de communiquer avec la direction de l'Université de Sherbrooke, pour prendre connaissance de la situation?

LE PRESIDENT: Une question additionnelle.

M. CHARRON: Le premier ministre accepterait-il de répondre au député de Lotbinière qu'il n'y a pas de droit de grève pour les étudiants, qu'il n'y a donc pas de légalité ou d'illégalité de grève, mais que les grèves d'étudiants arrivent lorsqu'un mauvais gouvernement administre mal ce secteur et qu'elles sont spontanées?

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Je comprends que le député a mangé une claque en fin de semaine au congrès du Parti québécois.

LE PRESIDENT: Question additionnelle, l'honorable député de Richmond.

M. BROCHU: Est-ce que le premier ministre pourrait également demander au ministre de l'Education ou aux organismes responsables de s'enquérir aussi auprès des étudiants de ce qui se passe vraiment? Les rapports qui nous parviennent nous mentionnent que les étudiants sont également écoeurés de la situation, parce qu'on semble manipuler différents groupes à ce niveau par des moyens de pression.

Est-ce que le premier ministre pourrait étendre une certaine enquête de ce côté afin de faire le ménage qui s'impose et de laisser la paix aux étudiants?

LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie?

Chantiers maritimes

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ma question s'adresse au premier ministre. Est-ce qu'il pourrait nous dire s'il va donner son appui au front commun des employeurs et des syndicats des chantiers maritimes qui réclament de la part du gouvernement fédéral la création d'une marine marchande? J'espère que le premier ministre est au courant...

M. BOURASSA: Ce n'est pas un problème entièrement nouveau, la création d'une marine marchande. On connaît l'aide considérable qu'ont déjà reçue les chantiers maritimes du Canada de la part du gouvernement fédéral, aide qui a été...

M. CHARRON: Un mois avant les élections.

M. BOURASSA: ... réduite et par la suite augmentée. Je pense que la proposition qui a été faite n'est certainement pas contraire aux objectifs du gouvernement.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Question supplémentaire. J'ai demandé au premier ministre s'il allait donner son appui à ce front commun. Est-ce que, dans la réponse du premier ministre, je dois comprendre qu'il appuie le front commun, qu'il veut demander au fédéral une véritable politique de construction navale? Est-ce que j'ai bien compris sa réponse?

M. BOURASSA: Je ne suis pas au courant de la façon dont s'est formé ce front commun. Je me souviens d'avoir lu très brièvement quelque chose là-dessus, et avant d'engager le poids du gouvernement, je voudrais avoir plus de détails sur l'existence même de ce front commun.

LE PRESIDENT: Une dernière question supplémentaire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Quand le premier ministre va-t-il pouvoir nous répondre sur cette question?

M. LESSARD: Comme d'habitude, jamais. M. BOURASSA: Demain ou mardi prochain.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Jus d'orange

M. PAUL: J'aurais une question juteuse à poser à mon honorable ami le ministre des Institutions financières. Selon une étude présentée par l'IPIC, l'Institut de protection des intérêts du consommateur, huit marques commerciales de jus d'orange sur un éventail de 17 ne répondraient pas aux normes gouvernementales quant à la quantité et quant à la qualité.

Qu'entend faire le gouvernement pour obliger le fabricant de ces produits à respecter les normes? Deuxième question, le ministre ne convient-il pas qu'il est temps de protéger le consommateur contre les abus des fabricants et plus particulièrement les fabricants de certains produits alimentaires?

M. TETLEY: Je n'ai pas compris exactement la deuxième question. Peut-être ne l'ai-je pas comprise du tout.

M. PAUL: Quant à la réponse, ça ne changera pas grand-chose.

M. TETLEY: C'est une drôle de question, si elle n'est pas un peu folle. M. le Président, j'ai vu le directeur de l'IPIC hier, j'ai même pris le petit déjeuner avec lui.

M. PAUL: Est-ce que les consommations venaient...

M. TETLEY : Exactement.

M. PAUL: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. TETLEY: Et vous me volez ma farce!

M. PAUL: Est-ce que les consommations venaient des magasins d'alcool du ministre de l'Education?

M. TETLEY: On a pris du jus d'orange tout simplement et nous avons même parlé du problème. J'espère avoir un rapport pour l'honorable député de Maskinongé d'ici peu; il a vraiment touché un problème important. Il y a aussi cette question qui peut intéresser le député de Maskinongé de près, les eaux gazeuses qui viennent de France. C'est un autre problème dont l'IPIC s'est occupée. Moins d'eau gazeuse pour le député de Maskinongé.

M. PAUL: Vous pouvez répéter cela?

M. TETLEY: L'IPIC, qui a reçu une subvention du gouvernement du Québec et de mon ministère, a fait un travail remarquable à cet effet, si bon, en effet, au sujet du fluor qui se trouve dans ces eaux minérales, qu'une délégation est venue de l'étranger afin de revendre toutes ces bouteilles aux Québécois qui, depuis quelque temps, ne les achètent pas. J'aurai peut-être un rapport à ce sujet pour le député de Maskinongé bientôt.

M. PAUL: Une question additionnelle, M. le Président. Comme le ministre semble très bien renseigné sur le sujet, peut-il nous dire si une entente est intervenue quant à des normes de taxation de la part du ministère du Revenu, concernant la quantité de gaz que l'on retrouve à l'état naturel dans ces eaux?

M. TETLEY: Je prends note de la question; je vais référer au grand expert du gaz, le député de Maskinongé, toutes réponses avant de les donner à la Chambre.

LE PRESIDENT: Deux dernières questions; l'honorable député de Beauce et l'honorable député de Lafontaine.

Développement économique du Québec

M. ROY (Beauce): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. J'espère qu'il n'est pas trop tôt et qu'il est bien réveillé afin de nous donner des réponses précises. Nous avons appris que le ministre fédéral de l'Expansion économique, M. Don Jamieson, attend du gouvernement actuel qu'il lui remette un plan d'ensemble de développement économique pour le Québec. Est-ce que, effectivement, le premier ministre peut nous dire s'il a reçu une telle demande de la part du ministre de l'Expansion économique régionale, d'une part; deuxièmement, est-ce que le premier ministre peut nous dire si le plan du Québec a été effectivement préparé; troisièmement, est-ce que le gouvernement a eu des pourparlers récents concernant la mise en application de ce plan?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai oublié la première partie de la question. Une rencontre avec le ministre de l'Expansion économique régionale est prévue dans quelques jours. C'est le ministre des Affaires intergouvernementales qui représentera le gouvernement, mais il est très probable que j'assisterai également à la réunion.

M. ROY (Beauce): La première partie de ma question était pour savoir si, effectivement, le gouvernement du Québec avait reçu une telle demande officielle de la part du gouvernement fédéral.

M. BOURASSA: D'une rencontre? Oui.

M. ROY (Beauce): Vous l'avez reçue. Deuxièmement, est-ce que le gouvernement du Québec a préparé un plan d'ensemble pour être soumis à l'occasion de la prochaine rencontre qui doit avoir lieu avec le gouvernement fédéral à ce sujet et est-ce que le premier ministre peut nous dire à quelle date précise cette rencontre aura lieu?

M. BOURASSA: M. le Président, il y a une demande d'une rencontre. Je ne puis dire s'il y a eu de la même façon une demande formelle d'un plan. De toute manière, le gouvernement du Québec travaille présentement à ce plan.

D'ailleurs, le ministre de l'Industrie et du Commerce l'avait exprimé publiquement dans une interview à un journaliste, ce sera certainement l'un des objets de la rencontre avec M. Jamieson.

LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

Village olympique de Montréal

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de l'environnement. Est-ce que le ministre a obtenu l'assurance de la ville de Montréal que le village olympique ne sera pas construit à même le golf municipal? Deuxièmement, est-ce que le ministre a les moyens maintenant, avec le bill 34, d'empêcher la disparition d'un autre espace vert à Montréal? On sait que la norme de Montréal est très inférieure à celle des autres villes, concernant les espaces verts.

M. GOLDBLOOM: A la première question, M. le Président, je dois répondre que non. Je n'ai pas eu de communication de la part de la ville de Montréal quant à ses projets pour la construction d'un village olympique.

Il y a un plan d'ensemble d'aménagement du territoire de l'île de Montréal qui a été préparé par la Communauté urbaine selon les exigences de la loi constitutive de cet organisme. Ce plan doit être rendu public en 1973. Il est prêt apparemment. Il confirme ce que le député vient d'affirmer et que tout le monde sait au sujet de la proportion des espaces verts sur l'île de Montréal. Je ne parlerai pas de la proportion de tous les espaces libres, mais la proportion des espaces verts disponibles à la population est faible en comparaison avec la plupart des grandes villes de l'Amérique du Nord et de l'Europe.

Il y a donc un projet de développer des espaces verts. Pour ma part, je ne voudrais pas qu'il en disparaisse entre-temps. Je n'ai pas l'intention de permettre que des espaces verts disparaissent sans les meilleures raisons possible.

M. LEGER : Une dernière question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre peut nous assurer qu'il communiquera avec les autorités de la ville de Montréal, avant que la

décision soit prise de bâtir le village olympique sur le golf municipal? Y aura-t-il une entente bien précise pour protéger ces espaces verts dans l'est de Montréal?

M. GOLDBLOOM: Oui, M. le Président. J'ai l'intention d'en discuter avec les autorités de la ville de Montréal. J'en ai discuté déjà avec la Société d'habitation du Québec, qui serait impliquée dans tout projet de construction d'habitations à loyer modique qui serviraient au départ, selon une idée qui a été lancée, comme village olympique et qui demeureraient en permanence à l'avantage de la population par la suite.

J'ai discuté précisément de cette question avec la Société d'habitation du Québec, pour que les espaces verts soient protégés et j'ai l'intention d'en discuter avec le maire de Montréal.

Motion de blâme

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Messieurs, nous avons au feuilleton aujourd'hui une motion privilégiée de censure du Ralliement créditiste. Il y a eu conférence des leaders parlementaires avant le début de la séance et le temps de parole convenu entre chacun des partis est le suivant: Le parti qui soumet cette motion de censure, le Ralliement créditiste, disposera de 40 minutes de débat; l'Union Nationale, 15 minutes; le Parti québécois, 15 minutes et le parti ministériel, 45 minutes.

Il est convenu qu'il y aura un droit de réplique de cinq minutes à la fin inclus dans les 40 minutes.

Ainsi, nous pourrons prendre le vote sur cette motion de censure quelques minutes avant treize heures ou une heure, avant la suspension des travaux.

Question de privilège

LE PRESIDENT: Quant à la décision que je dois rendre aujourd'hui sur la recevabilité de la question de privilège du député de Maisonneuve, vous comprendrez que je n'ai pas eu tellement de temps depuis hier, mais j'ai déjà prévenu les leaders que je rendrai ma décision dans le courant de la séance, probablement cet après-midi à la reprise des travaux, après le déjeuner. J'aviserai les leaders en conséquence du moment où je rendrai cette décision.

L'honorable député de Richmond.

M. PAUL: M. le Président, pour la bonne marche des travaux de la Chambre, est-ce que le leader du gouvernement peut nous confirmer s'il y a séance de la commission de l'industrie et du commerce ce matin pour l'étude de la loi concernant le pain?

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président, je l'avais dit hier en Chambre. Je peux le répéter pour ceux qui n'y étaient pas et je n'inclus pas le député de Maskinongé, évidemment, toujours présent.

M. PAUL: Toujours présent.

M. BOURASSA: Toujours assidu.

M. LEVESQUE: Il y aura immédiatement, au salon rouge, réunion de la commission parlementaire de l'industrie et du commerce pour l'étude de ce projet de loi qui a trait au commerce du pain.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

Motion de M. Brochu sur l'éducation

M. Yvon Brochu

M. BROCHU: M. le Président, tout d'abord j'aimerais mentionner que ce n'est pas par plaisir que j'ai inscrit cette motion au feuilleton en matière d'éducation. J'aurais, de beaucoup, préféré que la situation soit réglée au Québec soit au niveau du corps professoral, soit au niveau des élèves, soit au niveau de la satisfaction des parents, au niveau des CEGEP, au niveau des universités, à celui de nos écoles élémentaires et de nos écoles secondaires, au niveau aussi des administrations.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. BROCHU: M. le Président, j'aurais aimé que le ministre soit ici ce matin, peut-être va-t-il arriver...

M. BOURASSA: Dans quelques secondes.

M. BROCHU: Dans quelques secondes, d'accord.

M. LEVESQUE: Faites des généralités, faites une entrée en matière.

M. BROCHU: J'ai tenté de démontrer plusieurs fois au ministre...

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. BROCHU: M. le Président, pourriez-vous rappeler à l'ordre le premier ministre et le leader du gouvernement?

M. BOURASSA: Faites l'éloge du gouvernement.

M. BROCHU: J'ai tenté plusieurs fois de démontrer au ministre l'absurde de la situation actuelle de l'éducation. Je pense qu'il n'a pas

compris et c'est ce qui m'a obligé à inscrire cette motion au feuilleton. La motion se lit comme suit: "Cette Assemblée est d'avis que le gouvernement, devant les malaises croissants en éducation, doit être blâmé pour avoir négligé d'adopter des mesures préventives et de ne pas avoir pris les dispositions adéquates dans le but de corriger la situation et d'avoir refusé de donner à la population du Québec un système d'éducation conforme à ses aspirations".

On a décrit au ministre, autant de fois qu'il a été possible, les situations qui prévalaient aux différents paliers de l'administration scolaire comme dans les écoles. On n'a pas semblé donner suite à nos remarques; donc, aujourd'hui, je prendrai un autre mode d'approche que le ministre sera peut-être en mesure de comprendre s'il n'a pas pu se rendre dans le champ d'activité concerné et constater par lui-même les problèmes qui existent. J'ai donc choisi le mode analytique. Non seulement je toucherai les choses qui ne vont pas, par incidence, mais je tenterai de remonter aux causes de ce qui ne fonctionne pas dans l'ensemble du système d'éducation actuel en partant de la bureaucratisation à outrance et de ses conséquences immédiates à l'intérieur du ministère comme au niveau des instances décentralisées, du contrôle excessif que s'est donné, au cours des années, le ministère de l'Education au niveau secondaire et au niveau élémentaire, le contrôle trop large que le ministère a permis au niveau collégial, au niveau des CEGEP; les conséquences de ces facteurs.

Egalement, j'ai bien l'intention aussi de souligner au ministre les remèdes qu'il pourrait apporter à ces situations. S'il ne les apporte pas, j'exposerai ce que nous avons l'intention de faire lorsque nous pourrons occuper son fauteuil.

Au niveau de la bureaucratisation, je pense qu'il convient de bien montrer d'abord le portrait d'ensemble du ministère de l'Education. Il y a deux grands pôles d'attraction: premièrement, les structures inférieures ou les instances décentralisées, c'est-à-dire tout le réseau scolaire et, d'autre part, les structures supérieures, soit le ministère de l'Education comme tel.

Pour mieux comprendre ce qu'est une organisation bureaucratique, je n'ai pas cherché ailleurs une définition. Je suis allé la chercher au ministère de l'Education, dans le rapport du Conseil supérieur de l'éducation de 1966-1967, à la page 37: "L'organisation bureaucratique se caractérise, entre autres, par une structure d'autorité hiérarchique et impersonnelle dont le mécanisme de fonctionnement obéit à des règles précises, par l'exercice d'un contrôle sur toutes les personnes qui participent à la poursuite de son objectif, par une spécialisation des tâches et par une standardisation des méthodes de travail." Description générale sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir au cours de mon exposé.

Le souverain règne de ces bureaucrates ou de la bureaucratisation anormale qui existe au sein du ministère a comme principale conséquence de provoquer une espèce de parabureaucratisation qui se propage et se fait sentir dans toutes les parties de l'ensemble du système, y compris même chez les professeurs, les administrateurs scolaires et les élèves.

Le système lui-même crée donc ainsi une espèce de cité faussement humaine, des corridors étroits et sans issue où à peu près personne ne se sent à l'aise, ni heureux, sauf ceux qui aiment voir la confusion régner. Heureusement, ceux-là ne sont pas nombreux, mais, avec le ministre actuel et avec le gouvernement actuel, ce sont eux qui ont gain de cause. On peut s'en rendre compte aussi par les événements qui se passent à l'université de Sherbrooke. Je l'ai souligné tout à l'heure, lors de la période des questions. J'ai aussi des informations de la part d'amis étudiants qui sont encore à l'université. On essaie de leur bourrer le crâne et des petits groupes d'agitateurs viennent leur imposer une grève et jouer sur les mots au niveau de la publicité pour embarquer tout le monde.

En somme, cette bureaucratisation du ministère paralyse le réseau scolaire lui-même dans son entier. Aux administrateurs scolaires, aux commissaires et aux autres responsables à ce niveau, on crée des situations intenables, inhumaines et contraires à toute règle élémentaire d'administration, en les chargeant de lourdes responsabilités, mais en ne leur donnant pas les pouvoirs correspondants, surtout aux niveaux élémentaire et secondaire, comme j'aurai l'occasion de l'expliquer en détail un peu plus loin.

Pour ce qui est des professeurs, on diminue leur degré de motivation parce qu'ils se sentent, eux aussi, fonctionnarisés. On en fait des fonctionnaires qui n'ont plus la possibilité de devenir les outils premiers d'une éducation de qualité en vue d'une vraie formation de l'élève. D'ailleurs, les professeurs n'ont même pas la latitude suffisante pour participer au processus décisionnel, même sur des points qui les concernent directement, comme celui de la formation des maîtres, par exemple. Les premiers intéressés sont mis de côté. Comment voulez-vous qu'ils soient motivés?

Quant aux élèves, on peut même se demander — je trouve donc dommage que le ministre ne soit pas présent; combien de fois lui ai-je souligné cet aspect — ce qu'ils vont faire dans cette galère. Non seulement on ne les respecte pas, non seulement ils deviennent de plus en plus des jouets de cette machine bureaucratique, non seulement on semble oublier que tout ce système doit avoir comme but ultime la formation humaine, scientifique et morale de l'individu, mais on peut même se demander si les étudiants ne seraient pas de trop dans ce portrait, tellement on semble subordonner la fin aux moyens en matière d'éducation au Québec, tellement on semble faire en sorte que l'élève se façonne, lui, en fonction des structu-

res plutôt que de créer des structures en fonction de l'élève via les buts véritables de l'éducation.

En ce qui concerne les parents, c'est assez difficile d'en parler, parce qu'on est pratiquement assuré que, pour le ministère, ils sont passablement loin dans le paysage. On veut les écarter au maximum, comme si de droit, ce n'étaient pas eux les premiers responsables en matière d'éducation. A leurs suggestions comme à leurs critiques, on fait la sourde oreille. Leurs nombreuses lettres de grief adressées au ministère sur ce qui se passe actuellement dans nos écoles vont probablement s'empiler autour des trop nombreux rapports des commissions d'enquête demandées par le gouvernement pour sauver la face dans les situations difficiles. Après tout, ce ne sont que les parents des enfants. Le ministère semble dire: De quoi se mêlent-ils?

Dans l'ensemble, cette sèche bureaucratisation déshumanisante se fait sentir à tous les niveaux du secteur scolaire, à partir du fonctionnaire jusqu'à l'élève et voire même aux parents.

D'ailleurs, cette bureaucratie finit par comporter beaucoup de mythes d'un côté et, par ailleurs, de bien tristes réalités car tout pouvoir public évoque des représentations plus ou moins mythiques, c'est-à-dire un aspect mystérieux pour les administrés et même pour les propres employés du système d'éducation. Ceci vient d'un manque d'information et de connaissances rationnelles du fonctionnement de tout l'appareil.

Les effets premiers de ceci sont de cinq ordres: premièrement, une certaine persistance de l'obscurité du système lui-même; deuxièmement, l'anonymat du système, anonymat consacré; troisièmement, une espèce de déification du pouvoir public; quatrièmement, la peur du changement de la part du ministère; cinquièmement, une espèce de développement tentaculaire autoproteçteur de la part du ministère pour essayer de pallier les difficultés qu'il rencontre.

Je regrette énormément que le ministre ne soit pas ici parce que cette critique, je l'ai voulue détaillée pour lui démontrer ce qui se passe chez lui, car j'ai bien l'impression que le ministre n'est même pas au courant des structures de son ministère et de ce qui se passe à l'intérieur des structures chez lui. C'est pour cela que je regrette de ne pas avoir le ministre en face de moi.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Une question de règlement.

M. CHARRON: Une question de règlement. Je rappellerai que cette très intéressante motion n'a même pas su attirer le quorum de l'Assemblée nationale.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Qu'on appelle les députés. Le député de Richmond.

M. BROCHU: Alors, M. le Président, dans les conséquences de cette bureaucratisation à outrance, il y a premièrement, la question de la persistance de l'obscurité. Il est facile de comprendre cette persistance. Il suffit simplement de voir comment plusieurs usagers du ministère de l'Education sont tout simplement désorientés quand vient le moment de trouver l'information désirée ou de retracer un interlocuteur valable. Cela n'est pas uniquement de la part de ceux qui viennent au ministère pour essayer d'avoir des informations, c'est de la part même des fonctionnaires qui sont à l'intérieur du ministère et qui essaient d'avoir une information d'un autre secteur d'activité. On les renvoie d'un endroit à l'autre et souvent, de guerre lasse, ils abandonnent leurs démarches faute d'indications appropriées. Ceci est dû à ce que le ministère ne dispose pas d'un service de renseignements au public vraiment adéquat. D'ailleurs, il n'existe pas non plus pour le personnel même du ministère et il n'existe pas de manuel d'information générale sur les rouages internes du ministère. D'où cet aspect mystérieux et cette espèce d'obscurité qui continue à régner de sorte que l'efficacité se retrouve nulle part à l'intérieur du ministère.

D'une façon générale, disons également que les professionnels et les administrateurs ignorent la plupart des textes réglementaires émanant des divers organismes centraux du fait qu'il n'y a pas, non plus, de classification intégrée qui réunisse ces textes et les codifie sous une terminologie standardisée pour tout le monde. L'obscurité se renforce d'ailleurs à l'intérieur même des structures par la prolifération, la dispersion et le cloisonnement des services. Une impression d'hermétisme et de silence administratif émerge de cette superposition et de cette différenciation horizontales d'unités. En définitive, il devient alors passablement difficile de concevoir une coordination possible entre les ministères lorsqu'à l'intérieur même d'un ministère les services sont portés à s'ignorer et, bien souvent, à s'opposer.

M. le Président, encore une fois je regrette que le ministre ne soit pas là. Il y a des faits qu'il semble ignorer parce qu'on lui a décrit à maintes et maintes reprises les conséquences de ces situations. Il n'a pas réagi puisque la situation non seulement n'a pas changé, mais a continué encore à s'empirer.

Une deuxième conséquence de cette bureaucratisation à outrance sèchement inhumaine, c'est une espèce d'anonymat. Il est facile de comprendre cet anonymat parce que la plupart des éléments humains oeuvrant dans le système se sentent frustrés par cette bureaucratisation du système éducatif. C'est d'ailleurs dans le secteur du personnel de soutien que le problème est ressenti encore avec le plus d'accentuation.

Une troisième conséquence est la déification du pouvoir. Lorsque je parle de cette déification, je veux dire simplement que la centralisation du pouvoir autour du ministre et de ses

premiers lieutenants crée, dans le reste de la pyramide, des relations de dépendance des autres vis-à-vis des premiers et la surcentralisation des pouvoirs au niveau du secondaire, au niveau de l'autorité centrale, tue l'initiative personnelle chez les éléments valables du système.

C'est donc une espèce de paternalisme qui est, à mon sens, poussiéreusement dépassé. Les corps intermédiaires, les professeurs de l'élémentaire et du secondaire, les parents mentionnent, d'ailleurs avec raison, qu'il n'existe, pour eux, qu'un simulacre de participation.

On a bien tenté de dire: Ne soyez pas inquiets. Nous vous donnons les mécanismes nécessaires pour une participation. Mais tout le monde est d'accord, aujourd'hui, pour dire: Ce n'est qu'un simulacre, ce n'est qu'un coup de théâtre et, dans le fond, tout est décidé unilatéralement d'en haut, alors que le système en vient à ne rendre justice ou service à personne.

Comment peut-on penser que les professeurs, les parents, les administrateurs scolaires des instances décentralisées pourront participer aux décisions, alors que les professionnels du ministère, eux-mêmes, sont ignorés ou n'ont que très peu de latitude pour agir dans le système actuel?

Le mode de répartition des pouvoirs fait que nous retrouvons toujours les mêmes têtes autour des mêmes tables de décision, de sorte qu'on en arrive à changer très peu de choses, sinon à s'autosuffire et à s'autoprotéger. A vrai dire, ce n'est plus tout à fait le bien commun qui compte, ni la compétence, mais plutôt le statut personnel professionnel dans les échelons. Donc, c'est la guerre des clochers à l'intérieur du ministère, parce que les gens, n'étant pas motivés, n'ayant pas le pouvoir inhérent à leurs responsabilités, dans chacun de leurs services, jouent plutôt aux postes. On a la postomanie, c'est-à-dire qu'il reste simplement une chose à s'occuper; monter dans l'échelon parce qu'on sait que, de toute façon, au niveau du ministère, on ne sert pas à grand-chose.

Une quatrième conséquence de cette bureaucratisation, c'est les traditions sauvegardées et le peu de changements au ministère. Devant une situation comme cela, que se produit-il? Un mécanisme d'autodéfense. On ne veut pas changer. Il devient évident, dans toute cette situation confuse, impersonnelle et cloisonnée, pour ne pas dire close, que le ministère se replie sur lui-même dans une attitude d'autodéfense dont le ministre lui-même, comme ceux qui l'ont précédé, n'est pas exempt. Alors, face à une situation de plus en plus intenable, le ministre et ses grands penseurs veulent faire des réformes. Ils en font à la pochetée, n'importe quand, n'importe où, n'importe comment, sauf là où ils devraient faire la première de toutes, c'est-à-dire dans leur maison, chez eux, au ministère de l'Education.

C'est ni plus ni moins — encore là, je regrette que le ministre de l'Education ne soit pas là, car il aurait compris — de la projection. Le ministre connaît cela, c'est un psychiatre. C'est de la projection. C'est le gars qui n'est pas fin, qui voit des pas fins tout autour. C'est à peu près cela. Le ministère de l'Education a fait des réformes à la pochetée avant d'en faire chez lui. Il a accusé tout le monde de tous les péchés d'Israël, en mettant toute la responsabilité sur le dos des autres, alors que c'était lui le premier responsable.

D'ailleurs, combien de fois ai-je dit au ministre, M. le Président, de d'abord faire le ménage chez lui avant de penser à le faire chez le voisin? Combien de fois lui ai-je donné l'exemple de la poutre et de la paille? Combien de fois ai-je dit au ministre que, lorsque le ministère est malade, ce n'est pas le temps, pour lui, de penser à soigner qui que ce soit?

Cependant, je veux bien nuancer ici. Je ne tiens pas le ministre actuel responsable de tous les péchés d'Israël en matière d'éducation, car il y a eu d'autres ministres avant lui. D'ailleurs, même s'il avait voulu institutionnaliser toutes ces erreurs à lui seul, avec la meilleure volonté du monde, il n'en serait pas venu à bout. Il a, en effet, fallu plusieurs années pour arriver à la désintégration que nous connaissons du système scolaire.

Ce que je reproche d'abord au responsable, au ministre en titre, c'est d'avoir répété la même erreur que les derniers ministres de l'Education précédents, pas les premiers, parce que M. Gérin-Lajoie et la "poutine", ont provoqué l'erreur et les autres l'ont répétée. Ce dont je blâme le gouvernement et le ministre, actuellement, c'est d'être tombés dans le même panneau — pourtant, c'est un homme que je conçois comme très intelligent — que les derniers ministres de l'Education, c'est-à-dire de ne pas avoir d'abord pris le temps d'analyser, à son arrivée — cela ne pressait pas pour adopter un paquet de lois comme ils l'ont fait — la structure même de son ministère, pour y appliquer de façon satisfaisante les principes modernes du "management" et des relations humaines.

Sans cette analyse et une action concrète urgente, il est facile de comprendre que le problème va toujours en s'aggravant, de sorte qu'une cinquième conséquence de toute cette bureaucratisation sèchement cloisonnée est l'expansion sans fin de cette bureaucratisation, avec une prolifération des services et également du personnel, avec souvent une duplication et même une quadruplation de chevauchements de services dans certaines divisions, telles que le financement, l'équipement, les études, la recherche, etc.

Au surplus, il faut compter une dizaine d'organismes centraux qui n'existent que pour surveiller et vérifier l'action ministérielle. Le Service du contrôleur de la trésorerie, entre autres, dispose à lui seul d'environ 75 personnes exclusivement concernées par la comptabilité du ministère.

Il y a double emploi avec des organismes centraux ou des services administratifs parallèles tels que le service d'approvisionnement, le service du personnel, l'administration financière, l'informatique, la coopération avec l'extérieur, etc. C'est pour ces raisons que j'aurais aimé que le ministre soit ici ce matin. J'avais tellement de choses à lui apprendre sur ce qui se passe dans sa propre maison. Nous avons tellement de choses â lui apprendre sur la structure même de son organisme ministériel.

Disons enfin que le ministère a tenté, à un moment donné, d'opérer une certaine décentralisation en instaurant des bureaux régionaux qui sont en fait des répliques ou des miniministères de l'Education dans les différentes régions. Cette décentralisation n'est pas facile sur le plan théorique et s'est avérée quasiment impossible sur le plan pratique. Elle s'est avérée impossible parce qu'on ne leur a pas donné les pouvoirs nécessaires pour être capables d'agir normalement. C'est donc principalement au niveau des moyens, c'est-à-dire au niveau opérationnel, que bloquent toutes les belles idées d'éducation qu'on devrait vouloir actualiser au Québec pour réussir à réaliser les vrais buts de l'éducation, comme on le crie au ministre depuis que nous sommes arrivés ici en Chambre. Il faut respecter surtout le voeu des parents, la fonction pédagogique et humaine des enseignants, la nature de l'élève, ses capacités d'apprentissage, les administrateurs et les instances décentralisées par une remise à ce niveau des pouvoirs équivalents à leurs responsabilités, le tout en ne perdant jamais de vue les objectifs fondamentaux du ministère de l'Education.

Et c'est encore pour ça que j'aurais aimé que le ministre soit ici. Non seulement je lui décris son système d'éducation, je lui en souligne les failles, mais je lui dis comment faire pour que ça aille bien. Je pense que dans ma motion de blâme je démontre une coopération assez large pour que le ministre se donne la peine d'être présent à l'Assemblée nationale ce matin.

C'est peut-être aussi à ce niveau opérationnel des moyens que se situe la faiblesse du ministre actuel, face à ce qui se passe dans nos écoles et à son inaction pour rétablir l'équilibre. J'ai l'impression que le ministre se situe en plein coeur du drame classique où le héros est déchiré entre l'amour et le devoir.

D'un côté, il y a le psychiatre, l'homme qui vous écoute et qui doit certes connaître les besoins d'humaniser nos écoles, non seulement dans les mots. Mais, de l'autre côté, il y a également le ministre avec une surcentralisation de pouvoirs embarrassants pour lui, parce que ce n'est pas leur place entre ses mains.

Et il se retrouve face à une très vaste structure devenue inhumaine, sectorisée, sans communication et démunie de ses vrais moyens, soit son premier collaborateur, le ministère de l'Education, Le ministre est donc devenu comme un ingénieur d'un grand projet de construction qui aurait dans son bureau tous les outils nécessaires aux ouvriers pour réaliser une entreprise. Comme un ingénieur qui aurait dans ses édifices et dans ses bureaux les pelles, les marteaux, les clous, les brouettes, les béliers mécaniques, tout l'ensemble des outils dont les ouvriers auraient besoin pour réaliser le projet. Qu'est-ce qui arrive? Il y a malfonctionnement, le projet est automatiquement à plus ou moins brève échéance jeté par terre. C'est ce que les créditistes s'évertuent à dire au ministre depuis qu'ils sont arrivés en cette Chambre. Et son inaction nous a démontré qu'il n'avait rien compris dans la situation ou qu'il s'était laissé entraîner dans le même sillon que les ministres précédents.

M. VEILLEUX: Cela prend un réseau d'inspecteurs d'écoles.

M. BROCHU: M. le Président, je suis obligé de demander le quorum.

Pourriez-vous en même temps demander au député de Saint-Jean de continuer à se chercher du travail? Il était parti depuis quelques jours pour se chercher du travail.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Il y a quorum maintenant.

M, BROCHU: Je décris le ministre comme étant cet ingénieur qui aurait en sa possession tous les outils dont ses ouvriers auraient besoin. Mais, avant d'aller plus loin, j'aimerais donner une définition du rôle du ministre et à cet effet me servir du rapport de la commission Glassco.

Le principe qu'un ministre ne doit pas nécessairement être un administrateur chevronné est admis depuis longtemps. Au contraire, il ne doit pas se laisser entrafner trop dans l'engrenage administratif, sauf dans les cas d'urgence. En tant que membre d'un cabinet, il a pour tâche principale d'exprimer et de faire valoir le point de vue collectif, de rapprocher et de concilier les points de vue, les aspirations et les intérêts qu'explique le public par voie également publique et de fournir au gouvernement les bases d'une action politique essentiellement homogène.

En tant que chef d'un ministère, le ministre a pour fonctions de déterminer les objectifs à atteindre et d'insuffler dans son administration la volonté de les réaliser avec empressement. Lorsque ce stimulant fait défaut, les fonctionnaires qui n'ont pas à subir les conséquences politiques de leur comportement risquent de s'enliser dans l'apathie et la suffisance et de perdre le souci de bien servir le public et de s'opposer à toutes mesures de réforme chez eux.

Donc, M. le Président, à partir de cette définition, on se rend compte que le ministre non plus n'a pas pris le recul nécessaire pour éviter de tomber dans le piège des autres ministres de l'Education et de tomber lui aussi dans le fonctionnarisme. Règle générale, il

semble que les politiciens, du moins les politiciens traditionnels qu'on a connus à venir jusqu'à maintenant, soient beaucoup trop accaparés par l'adjudication de contrats et d'engagements par la signature de simple emploi ou différentes choses comme cela plutôt que par les objectifs fondamentaux, l'analyse "managérielle" d'une structure aussi importante que le ministère de l'Education.

Lorsqu'on parle de politisation, on ne peut non plus manquer de se heurter à un sujet assez épineux et qui ressemble d'une façon plus ou moins évidente à certaines formes de favoritisme ou, si l'on est plus conciliant, à de simples petites bêtises. Il y a certains points, entre autres, sur lesquels on peut s'interroger. Pourquoi, par exemple, prendre à bail pour vingt ans, à raison de $1 million par année, un édifice qui coûte $12 millions? Souvent, à la fin du bail, le gouvernement a racheté l'immeuble le double du prix coûtant, payant ainsi quatre fois la vraie valeur de l'immeuble. Pourquoi faire installer le chauffage à l'huile, par exemple, dans des immeubles gouvernementaux, plutôt que de profiter de l'électricité qui est une propriété nationale? Comment se fait-il que des organismes tels que celui du vérificateur général, du contrôleur de la trésorerie, de même que de la fonction publique soient ainsi assujettis à l'omnipotence de certains ministres? Et on dit avec un sourire à ce stade-ci: Chassez le "duplessisme" et il revient au galop. Comment se fait-il qu'environ seulement 10 p.c. des administrateurs ministériels auraient suivi des études en administration ou auraient déjà travaillé dans de grandes entreprises dans le secteur privé et auraient été cherché une expérience valable, la plupart venant plutôt de secrétariats quelconques; n'y a-t-il pas là un manque flagrant de planification dans les ressources humaines?

Cette planification, pourtant, ne serait pas si compliquée; elle comprend, en fait, trois grands points: la formulation, premièrement, d'une ligne de conduite concernant la qualité, la quantité et l'utilisation au maximum du personnel; deuxièmement, la connaissance de la situation de ces objectifs, l'établissement des étapes à suivre et le choix des moyens. Mais, au ministère de l'Education, on ne peut pas parler en termes d'évaluation appropriée de la situation, elle n'est même pas présente parce qu'il n'existe pas de programme de formation professionnelle, qu'on ne fait pas d'études sur le roulement du personnel comme tel, sur l'évaluation des postes, sur la pyramide des âges, qu'il n'y a pas non plus de politiques précises en matière de relation du personnel.

N'y a-t-il pas là, M. le Président, des signes graves de désintégration et de mauvais fonctionnement? N'y a-t-il pas des signes de malaises graves lorsqu'un directeur des programmes nous dit que ceux-ci ne sont pas du tout adaptés aux contexte socio-économique actuel? N'y a-t-il pas des signes de malaises graves quand la direction générale du financement, en 1970-71, en était encore à l'étude des états financiers de 1966-67? N'y a-t-il pas des signes de malaises graves quand l'administration générale ne se fixe pas d'objectifs précis et semble très peu se soucier de l'efficacité de l'économie, du rendement et de la satisfaction du personnel? N'y a-t-il pas enfin de malaises très graves, M. le Président, quand un haut fonctionnaire souligne, en parlant de non-efficacité administrative de l'éducation, que ce n'est pas le chef d'orchestre seulement qu'il faut changer mais l'orchestre au complet?

Devant tout cela, M. le Président, on est porté à se demander si le résultat de ce système désuet d'éducation n'aura pas été purement et simplement au Québec une dépense énorme de consommation pour tout simplement une génération de sacrifiés?

Maintenant, M. le Président, laissant de côté ce système de bureaucratisation pour lequel j'aurais aimé voir le ministre présent pour l'informer de ce qui se passe chez lui, je parlerai ici du rôle appliqué du ministère de l'Education, du contrôle excessif et abusif du ministère au niveau élémentaire, des conséquences de ce contrôle, de l'absence de contrôle suffisant, par contre, au niveau collégial et au niveau des CEGEP, les conséquences également de ces contrôles et surtout les correctifs à apporter et les conséquences générales d'un système aussi absurde.

A ce niveau, le ministère prend pour ainsi dire tout le chemin aux niveaux élémentaire et secondaire par son intervention sur le plan conceptuel et également dans les détails d'exécution de la gestion.

Même si on a enlevé le système d'inspectorat, ce n'est guère mieux parce que si, en raison d'une attitude contrôlante excessive, se perpétue le phénomène de la surcentralisation, on n'est pas plus avancé.

D'ailleurs, je me demande si justement on ne devrait pas instituer un sain système d'inspectorat pour voir exactement ce qui se passe dans les écoles. Pas l'inspectorat traditionnel, mais un inspectorat moderne, qui nous fasse un rapport de ce qui se passe de façon générale dans les écoles pour en arriver à avoir un certain contrôle sur la situation d'ensemble.

Il y a quatre directions générales qui s'occupent presque exclusivement des secteurs élémentaires et secondaires. La direction générale de l'enseignement élémentaire, secondaire, la direction générale du financement, la direction générale de l'équipement et celle des bureaux régionaux. Cette situation prend finalement l'allure d'un cercle vicieux, le ministère, se substituant à ses partenaires que sont les commissions scolaires, centralise les activités et les décisions.

Les commissions scolaires à leur tour, se voyant sous la tutelle ou l'empire du ministère, se dégagent ou se désintéressent de leurs responsabilités et, la confiance diminuant, le ministère est porté à exercer un contrôle de plus en plus

minutieux et à ignorer par le fait même la compétence et la motivation des administrateurs et des professeurs en milieu scolaire.

Je n'irai pas loin, M. le Président, pour donner un exemple, pour citer une personne. Je vais citer M. Jean-Jacques Noreau, un haut fonctionnaire qui a oeuvré lui-même dans le ministère. Il dit ceci: "J'ai entendu beaucoup d'enseignants dénoncer les contrôles dont ils sont l'objet de la part des principaux d'école, pendant que ceux-ci, les principaux d'école, dénoncent avec autant de vigueur les contrôles que les administrateurs scolaires régionaux leur imposent. Pour fermer la boucle, ajoutons que les administrateurs régionaux font de même en parlant du ministère de l'Education et on finit par conclure qu'à chaque palier du système on se perçoit comme étant des objets de contrôle abusif de la part des paliers supérieurs. Ces perceptions sont parfois justes et je ne les conteste pas." Réf. Jean-Jacques Noreau, A la recherche du contrôle perdu, l'école coopérative de décembre 1969, page 30.

M. le Président, il y a également un deuxième point. On a parlé au début du problème général qui existait aux niveaux élémentaire et secondaire par un trop grand contrôle. Maintenant, j'aimerais subdiviser en deux classes et démontrer l'absurde de ce système, premièrement au niveau des examens ministériels au niveau secondaire. Là, on va voir la grande logique du ministère. Là, on va voir la grande capacité logique du ministre dans ses énoncés. Examens ministériels au niveau secondaire. Ici, je blâme le gouvernement et met en cause le bien-fondé de la centralisation totale des examens de Ile et 12e, secondaire IV et V, parce que, premièrement, il y a incompatibilité entre l'esprit des règlements no 1 et no 2.

Le règlement no 1 est largement fondé sur la reconnaissance, par le ministère de l'Education, de la liberté académique, de la responsabilité professionnelle et de l'engagement social des enseignants, car rien ne se fera sans eux.

Dans un autre sens, le règlement no 2, lui, sanctionne pour ainsi dire la surcentralisation et la non-participation du corps professoral en stipulant que c'est le ministère qui établit les examens ayant pour but de fournir les données nécessaires à l'attribution des certificats au secondaire IV et au secondaire V. M. le Président, je ne vous parle pas de ce qui se passe dans un autre pays, je ne vous parle pas de ce qui se passe dans une autre province, je vous parle de ce qui se passe chez nous, ici au Québec. C'est pourquoi j'aurais aimé que le ministre se lève aussi tôt que moi ce matin, pour être capable d'entendre ce qu'on avait à lui dire à ce sujet, pour qu'il constate l'illogisme de la situation et des choses aussi flagrantes que les contradictions que je viens d'énoncer.

Deux règlements de suite au même ministère de l'Education qui se contredisent et qui sont diamétralement opposés. Alors que ces examens devraient servir à informer l'étudiant et être une mesure positive d'évaluation pour lui, lui permettant de nouveaux apprentissages, ils ne sont de fait qu'une mesure de sanction, de sélection à distance, uniforme pour tous et ne servant strictement qu'à la certification.

De plus, ils risquent tout simplement de renforcer la pratique de l'enseignement livresque, la mémorisation de dernière heure et sont une entrave pour les professeurs, parce qu'il les incitent à s'attacher davantage à la lettre du programme.

Donc, M. le Président, dans toute cette belle réforme qu'on s'est empressé de faire, plus ça change, plus que c'est pareil, Seigneur! On se reprochait autrefois cette mémorisation, on se reprochait les sanctions. Maintenant, on en arrive à des choses qui sont sensiblement les mêmes.

Il y aurait moyen de décentraliser cela et d'en arriver à des normes plus adéquates.

Deuxièmement, l'absurde de la situation financière, un autre secteur. Les problèmes relatifs à la question financière sont assez nombreux et on pourrait arriver à régler ces problèmes en adoptant des principes de gestion modernes. Dans les circonstances présentes, les budgets sont approuvés et retournés aux commissions scolaires non pas l'année qui précède l'année financière mais l'année suivante, quand l'année financière des commissions scolaires est terminée. Cette situation est complètement absurde, je pense n'avoir pas besoin d'aller plus loin dans ce secteur pour démontrer la non-rationalité de l'ensemble de la situation.

J'en aurais énormément à dire. Je ne voudrais pas passer sous silence les méthodes pour en arriver à une vraie décentralisation. On devrait mettre à la disposition des autorités régionales les instruments et les pouvoirs leur permettant de fonctionner efficacement, compte tenu des circonstances particulières de chacune des régions, de remettre aux instances décentralisées les pouvoirs dont elles auraient besoin pour exercer une vraie juridiction.

J'ai parlé tout à l'heure de contrôle abusif au niveau élémentaire — tiens, bonjour, M. le ministre — et au niveau secondaire. Il y a un manque de contrôle au niveau collégial et au niveau des CEGEP. Je sais que c'est à tirer les larmes. J'espère que c'est vraiment un homme aux écoutes qui nous arrive ce matin. Il y a des contrôles trop larges à ce niveau. S'il n'est pas bon de surcentraliser, d'un autre côté, il n'est pas mieux de minimiser les contrôles au point de rendre les institutions scolaires pratiquement autonomes. Alors qu'aux niveaux secondaire et terminal le ministère contrôle 100 p.c. de l'évaluation du rendement académique, au niveau collégial il n'a même pas lui-même de mesures officielles d'évaluation qui répondraient aux termes de l'article 6 du règlement no 3 du ministère disant que les examens finaux de chaque matière sont administrés par les autorités du ministère conformément aux règlements édictés à cette fin.

Au niveau universitaire, l'équilibre souhaité entre les deux autorités complémentaires n'est pas non plus atteint; même si les universités sont financés à 80 p.c. par l'Etat, ce secteur d'enseignement est laissé à lui-même. Leurs responsabilités comprennent pourtant aussi l'orientation, la coordination de l'enseignement supérieur, ce qui entrerait normalement dans le rôle d'un ministre qui se voudrait véritablement un ministre de l'Education. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, j'ai l'impression que le ministre est pris entre l'amour et le devoir, c'est l'éternel héros classique. Va-t-il être...

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre! Je voudrais signaler au député de Richmond qu'il a encore cinq minutes. S'il veut garder ces cinq minutes pour sa réplique, il doit arrêter maintenant.

M. SAMSON: M. le Président, question de règlement. Je ne sais pas si vous avez tenu compte des arrêts pour le quorum. J'ai pris la précaution moi-même de minuter l'honorable député de Richmond et il lui reste encore au moins trois minutes, tout ceci en conservant les cinq minutes du droit de réplique.

DES VOIX: Oh!

M. SAMSON: Je regrette, M. le Président, mais ça fait plusieurs fois que nous sommes victimes...

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre! Je suis d'accord avec vous, je vais vous donner trois minutes.

M. BROCHU: M. le Président, j'aurais aimé jouir de beaucoup plus de temps pour exposer ma thèse au ministre; surtout, j'aurais aimé qu'il soit présent. Il y a tellement de choses à dire à ce niveau. J'aimerais attirer l'attention du ministre sur le fait qu'on ne peut accepter plus longtemps — les parents, les éducateurs et même les élèves — les changements continuels de méthode au niveau de l'enseignement.

De plus en plus, l'élève existe en fonction des structures, il devient cet objet sur une chaîne de montage qu'on doit étiqueter et sortir des cadres de l'éducation tel jour, telle date, telle année avec tel diplôme collé au front. Le fouillis qui existe à l'élémentaire et au secondaire est inacceptable par la trop grande prise de possession des pouvoirs à ce niveau par le ministère lui-même, de même que la désintégration au niveau collégial des CEGEP est devenue inacceptable. La grandeur excessive des écoles et la centralisation abusive font que le système existe pour nul autre que lui-même. Qu'il suffise, à titre d'exemple, de voir comment le système de transport scolaire accapare les élèves; on demande aux élèves de se plier aux normes du transport scolaire plutôt que l'inverse.

Je vous cite le cas de l'un de mes amis, un jeune médecin de ma région, qui mentionnait dernièrement, face aux problèmes actuels: J'aime mieux voir mon fils vivant et non instruit que mort et diplômé. Je pense que c'est assez significatif. On voit aussi l'ampleur du système privé qui nous dit que le système actuel de l'éducation publique est devenu désuet. Au niveau de la confessionnalité...

M. le Président, je suis obligé de terminer, malheureusement. Je regrette que cette motion tombe un jour comme aujourd'hui, en l'absence du ministre, etc.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, je ne vous cacherai pas, au début de cette intervention, comment je me sens déchiré d'avoir à intervenir sur une pareille motion. D'une part, parce qu'au libellé même de la motion qui concerne l'administration du secteur public de l'éducation et les différentes interventions qu'à proprement parler le ministre ou le ministère ont dû prendre dans différents conflits, il ne s'en trouverait pas beaucoup, je pense, qui recevraient mon approbation quant â la façon du ministre d'intervenir, la rapidité avec laquelle il intervient et la qualité avec laquelle il intervient.

Par contre, si, derrière la lettre de la motion, je devais également épouser l'esprit de celui qui vient de prendre la parole et qui vient, à partir d'une mauvaise administration du système, le condamner globalement pour nous ramener aux années les plus sombres, les plus ridicules, car certains passages de son intervention l'étaient carrément, je me trouverais en difficulté d'apporter mon appui à cette motion. Mais cet appui â la motion, il me faudra bien l'apporter quand même.

Ce que je déplore et ce pourquoi je suis prêt à blâmer le gouvernement, ce matin, c'est qu'à cause d'une mauvaise gestion d'un système public relativement neuf dans l'histoire du Québec, à cause de gestes politiques, à certains moments, hâtifs, à d'autres, tardifs — certains de ces gestes sont venus hypothéquer un système public qui n'est encore, faut-il se répéter cela, qu'à son étape d'implantation dans l'histoire du Québec — un groupe de gueulards réactionnaires, dirigés en ce sens par un démagogue sans vergogne, puissent, à partir de cette mauvaise gestion, à partir d'un gouvernement qui administre mal, s'unir à tous les chantres de la réaction, à tous les potineurs de cantons pour porter des attaques à l'ensemble du système de l'éducation, sinon à l'éducation même.

J'en prends à témoin l'exemple ridicule et d'une étroitesse d'esprit comme j'en avais rarement vu en Chambre que vient d'apporter le député de Richmond, quand il nous a cité une intervention d'un jeune médecin de son comté

qui dit: "J'aime mieux garder mon fils chez nous, non instruit, mais vivant, que de lui faire prendre l'autobus et de risquer sa vie pour qu'il soit instruit." Est-ce que cela se peut des conneries pareilles, treize ans après l'implantation d'un système d'éducation? Mais qu'est-ce qui maintient ce système? Qu'est-ce qui maintient ces préjugés? Qu'est-ce qui permet à un démagogue, qui se prend pour le Christ, d'intervenir et de condamner des universités populaires comme celles qu'on s'est efforcé d'établir à Montréal et dans différents coins du Québec qui n'en avaient pas jusqu'alors? Qu'est-ce qui permet à ces réactionnaires d'utiliser et de maintenir dans la population des préjugés qu'on n'achèvera jamais de combattre? Qu'est-ce qui permet, ce matin, à un groupe qui s'est dégradé politiquement, il y a déjà un mois, de revenir à la charge devant la population et d'utiliser tous les préjugés populaires? Qu'est-ce qui peut leur permettre, avec le reflet des 4 p.c. ou 5 p.c. de la population qu'ils représentent, d'avoir cette tribune, ce matin, pour véhiculer les concepts les plus arriérés, les plus retardés qu'on ait jamais eus dans le Québec?

Ils s'attachent encore, treize ans après l'implantation du système public, à venir nous dire qu'il faudrait revenir encore à l'école du rang, sinon à l'époque des éteignoirs.

Qu'est-ce qui peut leur permettre cela, sinon la mauvaise administration d'un gouvernement, sinon un gouvernement qui, à chaque endroit, laisse pourrir des conflits jusqu'à ce que des démagogues et des profiteurs arrivent, à un moment donné, sans proposer de solution, pour attiser le feu et s'en servir pour vendre leur sorcellerie, comme ils sont capables de le faire avec les moyens financiers que la pègre peut leur apporter? Qu'est-ce que cette mauvaise administration a pu maintenir? Le système d'éducation est encore trop jeune, trop neuf dans le Québec pour se permettre de l'administrer de cette façon et ainsi de lui enlever toute crédibilité aux yeux de la population.

M. BROCHU: M. le Président, je soulève une question de privilège.

M. CHARRON: Lorsque nous avons politiquement choisi...

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Une question de privilège.

M. BROCHU: M. le Président, je soulève une question de privilège, en vertu de notre règlement, pour demander au député de Saint-Jacques dont, je pense, les paroles ont dépassé la pensée, de bien...

M. CHARRON: Absolument pas, je n'ai dit que la moitié...

M. BROCHU: ... vouloir retirer l'accusation où il dit que notre parti est financé par la pègre, etc. M. le Président, en vertu de notre règlement, je demande que le député de Saint-Jacques ait la condescendance et la gentilhommerie de retirer ses paroles.

M. CHARRON: M. le Président, je pense qu'il s'agissait d'un point de privilège. Si le député de Richmond avait connu le règlement, il aurait pu intervenir à la fin de mon intervention pour rétablir les faits et pour prouver à la Chambre que son parti n'est pas financé par la pègre.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Depuis que je suis en cette Chambre, et cela fait assez longtemps, une attaque contre un groupe politique, en général, n'est pas une question de privilège. Il n'a pas attaqué les députés personnellement. Jusqu'à présent, des accusations, des pensées sur un groupe politique, cela n'a jamais été considéré comme une question de privilège. Vous pourrez rétablir les faits après, si vous le voulez.

M. CHARRON: Merci, M. le Président. Si, ce matin,...

M. BROCHU: Je m'excuse, M. le Président,...

M. CHARRON: ... les arguments invoqués...

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Une autre question de privilège?

M. BROCHU: ... est-ce que nous devons le laisser continuer comme ça? N'y a-t-il rien, dans le règlement, qui empêche la démagogie, l'indécence et la révolution?

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): On doit prendre l'affaire dans le contexte d'une situation politique. Peut-être qu'en dehors de la Chambre, comme dans le salon du Château Frontenac, cela n'existe pas. Ici, c'est un peu différent.

M. CHARRON: M. le Président, si, ce matin, ces arguments, de qualité fort douteuse, apportés par le groupe de Dupuis à l'Assemblée nationale, ont quelque portée que ce soit, cela devrait prouver à l'ensemble des députés des autres formations politiques appartenant à l'Assemblée nationale la fragilité avec laquelle le choix de l'éducation publique, ouverte à tous au Québec, doit encore répondre, comment il est fragile, même après une quinzaine d'années, après un choix aussi fondamental que celui-là et sans lequel le Québec n'aurait pas le développement qu'il a là, comment il doit encore répondre à sa plus petite racine. Il est encore menacé. Cela devrait donc être suffisant, il me semble, pour un groupe aussi pompeusement majoritaire que celui qui forme le gouvernement actuel, lorsqu'il a à gérer cet appareil public de

l'éducation, avec une responsabilité et avec une obligation morale de surveillance, une obligation morable de bonne gestion deux fois plus élevée, pour le faire agir mieux qu'il ne l'a fait depuis le début, depuis que ce gouvernement s'en occupe.

Il a fallu combien de conflits, il a fallu combien de pourrissements de situations pour faire bouger cet appareil gouvernemental? Combien de fois la première intervention gouvernementale n'a-t-elle pas d'abord été pour le "show", pour la tribune? Combien de fois avons-nous vu le ministre de l'Education se gargariser d'être au service de l'ordre établi et s'attirer la claque des députés ministériels d'arrière-ban au moindre mot d'ordre et de rétablissement de la paix allant chercher, de façon dégradante, à mon avis, pour un ministre de l'Education, un appui de basse-cour, alors qu'il devait beaucoup plus s'appliquer à faire respecter les acquis de la révolution tranquille et à continuer leur développement, plutôt qu'à s'asseoir pompeusement et de façon satisfaite sur une oeuvre que nous avons entreprise il y a une quinzaine d'années et qui n'est pas achevée.

Combien il aurait été plus facile, au lieu d'intervenir et de se gargariser sur la prétendue autonomie de chacune des constituantes du système d'éducation publique, alors qu'en fait, tout le monde sait très bien que le ministère de l'Education a d'immenses pouvoirs d'intervention, combien il aurait été plus facile, au lieu de ce gargarisme, de poser une intervention politique choisie avec doigté, respectant chacune des constituantes du système d'éducation et de leurs propres interventions.

Cela n'a pas été le cas. Je pourrais ce matin, M. le Président, si le temps me le permettait — puisque j'ai, au nom de mon parti, accompli la surveillance de cette section des affaires publiques depuis que je suis ici — soulever chacun des endroits où le ministre, â tort ou à travers, est intervenu et dont la mauvaise qualité d'intervention jetait de l'huile sur le feu et permettait aux tribuns populaires, qui exploitent chacun des malaises sans leur donner de solutions, d'intervenir et de se gargariser, en Chambre, d'être les défenseurs de la personne humaine et du service public.

M. le Président, notons simplement le cas qui nous occupe encore ce matin. Il a fallu une grève, qui risque de mettre en péril la session de l'Université du Québec à Montréal, pour que le ministre accepte ce que nous lui demandons depuis trois ans. Une révision, par exemple, du système de prêts-bourses aux étudiants qui nous avait d'abord été présenté — j'en sais quelque chose, j'étais moi-même syndicaliste édudiant à cette époque — en 1966-1967, comme une étape temporaire devant arriver à la gratuité scolaire, laquelle étape temporaire, M. le Président, au bout de sept ans, n'a pas avancé d'un iota.

Combien il aurait été facile, pour un ministre de l'Education, dans la crise actuelle, de revoir l'ensemble du financement des universités, de revoir toute l'indexation des dépenses de base qu'on a fixées avec le Conseil des universités. Il faut attendre perpétuellement les crises pour que l'engagement pris, au départ, d'une réforme scolaire en profondeur soit maintenu dans le choix des Québécois. Il a fallu la crise des CEGEP, M. le Président, il a fallu un peu d'émotion autour du régime pédagogique pour faire retraiter le ministre de l'éducation encore une fois ou pour lui permettre, comme il est en train de le faire actuellement, de passer bribe par bribe chacun des articles du régime pédagogique plutôt que de le présenter en bloc aux étudiants, face à la contestation qu'il soulevait. Il a fallu le soulèvement de jeunes étudiants du secteur secondaire pour faire retraiter le ministre, encore une fois, sur le règlement no 7 et l'obliger à apporter des modifications à un règlement qui arrivait de façon autoritaire dans ce domaine scolaire.

Faudra-t-il chaque fois que le monde de l'éducation soit en ébullition? Il semble que c'est le choix qu'a fait ce gouvernement. Faudra-t-il à chaque fois des crises? Faudra-t-il à chaque fois des traumatismes? Faudra-t-il à chaque fois des manifestations de rue pour que le choix fondamental du renouveau scolaire que nous avons fait il y a une dizaine d'années, au Québec, et qui doit irrémédiablement se poursuivre, soit maintenu à l'intérieur du ministère de l'Education? S'il le faut, M. le Président, il faudra donc payer cher, en même temps, parce que si, à la suite d'une grève longue et ardue, comme celle que mènent les étudiants à l'Université du Québec, ils obtiennent quelques changements quant au financement des universités ou quant au propre financement de leurs études, ce sera aussi au prix d'une motion comme celle de ce matin, qui véhicule, sur une cause tout à fait neuve, différente, des préjugés et des arguments...

M. BELAND: En vertu du règlement, M. le Président, puis-je vous signaler que nous n'avons pas quorum?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): Nous avons quorum.

M. CHARRON: M. le Président, le ministère de l'Education a en main, j'en suis convaincu, depuis longtemps, des projets qui, adaptés à chacun des échelons du système scolaire québécois, de la maternelle au secteur universitaire, ne nécessitent qu'une volonté politique ordonnée, cohérente, planifiée à l'arrière pour connaître des résultats.

J'ai confiance personnellement — et je ne les attaquerai jamais — en ceux qui sont à l'intérieur du ministère de l'Education, ceux qu'on appelle les technocrates, les fonctionnaires du ministère de l'Education. Ils sont en mesure de poursuivre l'oeuvre entreprise il y a une dizaine d'années. Ils ne sont pas responsables du fait

que la volonté politique de la poursuivre soit désormais disparue de la majorité gouvernementale et qu'ils aient à attendre.

Prenons simplement un cas comme celui qu'a soulevé le dernier conflit, le système d'aide aux étudiants. J'ai un document, si je l'ai en main moi, le ministère de l'Education l'a certainement en main aussi. C'est un document public, à mon avis, qui devrait l'être s'il ne l'est pas, concernant l'aide aux étudiants. Les différents systèmes d'aide aux étudiants à travers le monde ont été scrutés et nous pourrions nous inspirer d'eux pour nous en donner un.

Non, il a fallu une grève — l'effort systématique des députés de l'Opposition n'avait pas suffi — pour rappeler au ministre que véritablement il faudrait peut-être s'y pencher. Faudra-t-il encore une fois une manifestation qui permettra encore ce genre de motion ridicule et arriérée comme celle que nous avons ce matin? Faudra-t-il une grève de tous les étudiants du CEGEP pour que la loi 21, qui a présidé en 1967 à l'élaboration du système collégial, soit amendée parce que la preuve est faite maintenant qu'il y a des choses qui clochent?

Il semble qu'avec ce gouvernement, cette administration du secteur scolaire il faudra attendre encore une fois cette ébullition. Je voterai pour la motion, parce que je n'ai pas confiance en l'administration gouvernementale pour gérer le secteur public de l'éducation. Je pourrais — si le temps m'était donné ce matin, mais il me sera donné lors de l'étude des crédits — soulever chacun des malaises dans le secteur de l'éducation, proposer des solutions. Non pas le retour en arrière et à l'étoignoir comme nous le présentent les démagogues du ralliement de Dupuis, mais apporter les solutions concrètes et planifiées auxquelles il ne manque qu'une volonté politique à l'arrière.

C'est bien sûr qu'il est possible de le faire. J'appuierai la motion, parce que je condamne l'administration gouvernementale en cette matière, mais pas du tout pour les mêmes raisons que les députés du ralliement de Dupuis ce matin.

Finalement, laissez-moi vous dire que le système d'éducation du Québec, s'il devait faire un nouveau choix aujourd'hui, à mon avis se retrouverait à peu près à la même époque que nous étions il y a une dizaine d'années, parce qu'il fallait faire des choix majeurs. Ce sont ces choix majeurs qui devraient présider désormais chacune des décisions prises à l'intérieur du ministère de l'Education, beaucoup plus que les compressions auxquelles elles sont soumises actuellement dans ces différents secteurs. On risquerait beaucoup moins de connaître une ébullition comme celle que nous connaissons actuellement avec des interventions politiques déplacées. Nous pourrions poursuivre l'oeuvre que nous avons choisie il y a une dizaine d'années, nous doter d'un système d'éducation qui ferait non seulement un Québec plus fort, mais aussi des Québécois plus libres.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'entends mal que le député de Saint-Jacques veuille appuyer la proposition du député de Richmond après la critique qu'il en a faite. D'accord, cette proposition de blâme met en cause l'administration du ministère de l'Education.

Mais l'objectif généreux que semble vouloir poursuivre celui qui s'est fait l'auteur et le défenseur de cette motion est, à mon avis, aboli, détruit et j'oserais dire galvaudé par les arguments dont il s'est servi pour la défendre.

Il est bien difficile, en un temps aussi court que celui qui est imparti aux membres de l'Assemblée nationale, de faire le procès d'un ministère dont le budget dépasse $1,500,000,000, de mettre en cause chacune des directions générales et de faire avec cohérence, avec sérénité et raison un examen approfondi de ce qui pourrait ne pas aller et de ce qui ne va pas actuellement dans le système d'éducation du Québec.

Il y a des malaises, le ministre le sait, tout le monde le sait et personne ne cherche à les cacher. Personne non plus n'entreprendra de défendre le gouvernement, de défendre la politique de gestion du ministère de l'Education dans ce qu'elle a de mauvais ou dans ce qu'elle a de trop faible ou dans ce qu'elle a de trop autoritaire à certains égards. Il me parait, à moi, que le temps et le lieu pour le faire est celui qui nous est donné pour l'examen des crédits du ministère de l'Education. A cette occasion, il nous sera possible d'interroger le ministre. Celui-ci sera assisté de ses fonctionnaires; il nous sera possible d'examiner en détail chacun des aspects de la politique éducative du Québec et d'insister particulièrement sur les deux grandes dimensions qui préoccupent les citoyens, soit la dimension administrative et la dimension pédagogique. On ne peut dissocier les deux aspects de cet immense problème et les deux aspects d'une institution gouvernementale qui doit s'occuper à la fois de la gérance publique en matière d'éducation et de l'orientation pédagogique de l'éducation nationale.

M. le Président, il y a quelques mois, alors que nous étudiions la loi 71 sur la restructuration scolaire sur l'île de Montréal, le ministre nous avait déclaré — il l'avait répété ici en Chambre — que l'on avait procédé trop vite dans le Québec à la mise en place des structures actuelles d'éducation. C'est une constatation qui a été faite à maintes reprises et c'est un avertissement qui avait aussi été donné dès le moment où la commission Parent avait présenté ses premières recommandations. On avait, à ce moment-là — et je l'avais fait moi-même — parlé du danger d'un changement trop rapide, du gigantisme qui naîtrait forcément de la mise en place des nouvelles structures et de la dépersonnalisation qui s'ensuivrait. Nous avons, avec

plus ou moins de gaieté de coeur, accepté que l'on procède à une réforme qui était nécessaire afin d'atteindre l'objectif d'accessibilité de tous les citoyens du Québec à l'enseignement, sachant très bien que cela n'irai pas sans heurts. Tel a été le cas, telle est la situation actuelle et les malaises que l'on se plaît à décrire, à déplorer sont la résultante d'un ensemble de facteurs qui, conjugués, ont enrayé la machine administrative de l'éducation.

Il n'entre pas dans mes intentions, ce matin, de reprendre tout ce débat. Nous l'avons fait à certains moments. Nous allons devoir le reprendre en une circonstance que j'indiquais tout à l'heure. Ce que je voudrais souligner à l'attention du ministre de l'Education, c'est qu'il y a des problèmes sérieux en matière d'éducation à tous les paliers de l'éducation, que ces problèmes sont d'ordre administratif et pédagogique et que, compte tenu de toutes les versions qui nous sont présentées par ceux qui crient à droite et à gauche, nous ne savons plus très bien quelles sont les orientations maîtresses du ministère de l'Education.

Ce sont ces orientations maîtresses que je prie le ministre de l'Education de préciser et de reformuler, s'il en est besoin. Je crois qu'il est nécessaire de les reformuler, puisque nous avons maintenant fait une expérience suffisante des structures qui ont été mises en place, depuis plus de douze ans, pour voir que certaines d'entre elles n'étaient pas adaptées à notre milieu, que d'autres doivent être changées, que des réaménagements doivent être envisagés afin de remettre ensemble des engrenages qui associent tous les responsables de l'éducation à l'oeuvre de la formation et de l'instruction des enfants: les parents, les maîtres, les fonctionnaires du ministère de l'Education et le gouvernement.

C'est à cette tâche de redéfinition de la fonction du ministère de l'Education nationale que je convie le ministre. Je le prie, dans la réplique qu'il voudra bien donner, de nous dire quel est précisément son sentiment à l'heure actuelle, face à tous ces problèmes qui agitent la collectivité québécoise et qui gravitent autour d'un ensemble de malaises qu'on a dénoncés tout à l'heure d'une façon que je ne qualifierai pas, mais qui m'a paru — c'est le moins que je puisse dire — incohérente, désarticulée et axée davantage sur des objectifs électoraux que sur une volonté réelle de promouvoir une meilleure instruction et une meilleure éducation des enfants.

Je me rends compte à l'expérience que le système public — on l'a voulu comme tel; il était nécessaire pour atteindre cet objectif d'accessibilité dont je parlais tantôt — n'est pas, à tout prendre et cela dans tous les pays, le meilleur et qu'à côté de ce système public des pays qui avaient fait avant nous l'expérience que nous faisons, expérience douloureuse, reviennent aujourd'hui à une formule mixte: une formule d'enseignement public avec une formu- le d'enseignement privé qui laisse aux parents qui ne sont pas satisfaits du système public le choix de la maison d'enseignement et du système.

Je sais que parler d'enseignement privé versus enseignement public, cela ne plaît pas à certaines personnes dont les tendances sont bien avouées. Mais je sais par expérience et en raison des observations qui me sont faites partout à travers le Québec que le ministère aurait grand profit à réexaminer cet aspect du problème.

Revenant, M. le Président, à la proposition du député de Richmond, je suis obligé de confesser que la lecture rapide, accélérée, trépidante et, en raison de tout cela, inintelligible du texte qu'il a soumis tout à l'heure m'empêche de porter un jugement de valeur sur ce que, en toute bonne volonté, je le présume, il a voulu nous dire et sur ce à quoi il a voulu nous sensibiliser.

Je me verrai donc — je laisse à qui que ce soit le loisir d'interpréter mon geste comme il le voudra, dût-il être interprété comme une façon de collaborer avec le gouvernement — dans l'obligation de ne pas approuver ce que l'on appelle, dans notre jargon parlementaire, une motion de non-confiance parce que ce qu'elle dénonce n'est pas précisé, parce que celui qui l'a défendue n'a pas présenté de correctifs qui m'eussent justifié de lui donner mon agrément.

N'abusant pas davantage de 1a patience de mes collègues, je déclare que, personnellement, je n'appuierai pas la proposition soumise par le député de Richmond dont j'ai tenté de découvrir les intentions généreuses mais malheureusement, dont il ne m'a pas donné la preuve qu'elle était valable et qu'elle pourrait conduire à un redressement de la situation dans le domaine de l'éducation.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. François Cloutier

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, tout d'abord, je désire m'excuser de mon retard, lequel n'est pas dû, comme l'a insinué le député de Richmond, à un lever tardif mais au fait que j'assistais à la conférence conjointe des ministres de l'Education et des ministres des Finances qui a eu lieu à Toronto. Il ne m'a pas été possible de revenir auparavant.

Ceci dit, j'ai l'intention de faire quelques commentaires sur ce qu'ont dit chacun des représentants des différentes oppositions. Vous me permettrez de ne pas le faire dans l'ordre de ces interventions mais plutôt dans ce que j'appellerais l'ordre de leur excellence ou de leur valeur intrinsèque. Je discuterai d'abord l'intervention du député de Chicoutimi, ensuite l'intervention du député de Saint-Jacques et, on s'en doute bien, à la fin seulement, l'intervention du député de Richmond.

En fait, il ne me suffirait que de quelques secondes pour disposer de l'intervention du député de Richmond, il suffirait de l'ignorer. De toute façon, il n'y aurait pas la moindre conséquence...

M. BROCHU: Vous n'avez pas le choix, vous n'étiez pas ici et vous n'avez même pas écouté.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): ... sur l'histoire politique et l'histoire de l'éducation au Québec. Cependant, me prêtant au jeu parlementaire, j'aurai quand même quelques petites choses à dire de ce point de vue. Le député de Chicoutimi a fait une intervention que je n'hésite pas à qualifier d'intelligente et de raisonnable. Il a admirablement situé le sujet. Je ne retiendrai que deux aspects de cette intervention: le premier de ces aspects porte sur la valeur même de cette motion de censure et sur le fait que c'est lors de la discussion, des crédits que l'on pourra le mieux s'attaquer collectivement aux différents problèmes — je serais le dernier à le nier — qui existent dans le domaine de l'éducation.

De plus, le député de Chicoutimi s'est attaqué — il a été le seul à le faire — aux objectifs. C'est toujours à partir des objectifs que l'on doit juger du fonctionnement d'un système quel qu'il soit. Il est exact qu'il convient maintenant de revoir ces objectifs, d'y réfléchir.

Ces objectifs ont été définis, il y a dix ans, dans un contexte différent, dans un contexte qui ne pouvait même pas être comparable à celui d'aujourd'hui.

Par conséquent, il ne paraît fondamental que l'on puisse s'axer dans cette direction. C'est exactement ce que j'ai tenté de faire depuis que j'ai l'honneur de diriger le ministère de l'Education. Cette réflexion est en cours et je crois que, déjà, certaines orientations commencent à se manifester.

Vous me permettrez de me citer, c'est souvent la meilleure façon de l'être et, de toute façon, la seule de l'être correctement. J'ai prononcé, dans la belle ville d'Alma, ce qui est devenu aujourd'hui une institution, le discours de la rentrée. Ce discours de la rentrée représentait une première étape de cette réflexion et une première présentation dans les milieux de l'éducation de ce qu'il faudrait souhaiter comme évolution dans l'ensemble de notre système. Je n'y reviens pas parce que je pense bien que tous les membres de cette Assemblée ont dû le lire et je souhaiterais plus particulièrement que les créditistes puissent, non seulement le lire, mais le méditer.

J'abordais certains problèmes d'ordre administratif et également certains problèmes d'ordre pédagogique. Les problèmes d'ordre administratif m'ont poussé à mettre en évidence la très grande nécessité de décentraliser de plus en plus le système d'éducation. Ce n'est pas le lieu de revenir sur tout ce qui a été tenté jusqu'ici, sur les initiatives éminemment pratiques qui ont été faites et qui, souvent, passent inaperçues.

Sur le plan pédagogique, j'ai dit qu'il fallait justement porter toute notre attention sur l'articulation des différents niveaux d'éducation. J'ai dit qu'il fallait considérer cette éducation, non seulement dans une optique de continuité, mais également dans une optique qui devrait de plus en plus s'ouvrir vers une conception nouvelle de la société. Dans une deuxième étape, j'aurai peut-être à insister davantage sur l'éducation permanente. C'est ainsi, par exemple, que je considère qu'il n'y a pas lieu d'avoir, au ministère de l'Education, une direction générale qui serait une direction de l'éducation permanente. C'est tout un ministère de l'Education qui doit, aujourd'hui, être fonction de l'éducation permanente.

Je m'arrête là, M. le Président. Ce sont les deux points seulement que je tentais de souligner parce qu'ils me paraissent, à moi, véritablement définir le problème et d'une façon que je considère éminemment positive.

Quant au député de Saint-Jacques, j'ai été un peu étonné de voir, alors qu'il critiquait acerbement le député de Richmond à juste titre, parce que de ce point de vue je suis certainement d'accord avec lui qu'il apportait lui-même les mêmes distorsions dans son analyse. Bien sûr, il n'utilisait pas les mêmes arguments d'ordre démagogique, les mêmes arguments qui tiennent à une certaine philosophie, si tant est qu'on puisse utiliser ce mot, créditiste. Il a identifié fort bien les problèmes, parce que le député de Saint-Jacques est versé dans le domaine de l'éducation. Il a toujours, au cours de la discussion des crédits, fait une collaboration extrêmement valable. Bien sûr, je ne m'attends pas que, dans une discussion comme celle-ci, il puisse adopter le même ton. Il va de soi que, lorsqu'on essaie d'apporter des arguments en faveur d'une motion de blâme, on peut difficilement paraître aussi positif, aussi net, aussi clair, aussi raisonnable que lorsque l'on discute des crédits importants dans un domaine aussi vital.

Ceci dit, je lui pardonne volontiers ses quelques excès. Je veux lui rendre ce mérite qu'il a mis le doigt sur un bon nombre de problèmes. J'aurais souhaité qu'il sache s'abstraire du quotidien et qu'il ait l'élévation de pensée du député de Chicoutimi. Je crois que c'était là un souhait qui devra rester théorique, parce que je ne suis pas tellement sûr qu'il en soit capable. Il a tendance, évidemment, à exploiter à des fins politiques les incidents qui, dans la plupart des cas, constituent des accidents de parcours du domaine de l'éducation. Ne nous en étonnons pas.

C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle je n'ai pas l'intention de reprendre ses principales critiques, parce que ce n'est pas du tout en étant sur la défensive que je fais mon intervention.

J'ai bel et bien l'intention d'insister unique-

ment sur les éléments positifs de la situation de l'éducation aujourd'hui. Qu'il me suffise de dire, en passant, que cette fameuse question de révision des prêts-bourses, sur laquelle il insiste à juste titre, est commencée depuis déjà plusieurs mois et ne se trouve en rien accélérée par les contestations épisodiques qui se produisent actuellement. J'aurais beaucoup de choses à dire là-dessus. Il n'est pas dit, d'ailleurs, que je n'y reviendrai pas en fin de course une fois que j'aurai disposé des interventions de l'Opposition.

Il parle également du réseau collégial. Il a parfaitement raison de souligner le fait que des problèmes sérieux se posent de ce point de vue. Mais ce qu'il n'ignore probablement pas, parce que je l'ai annoncé à plusieurs reprises, c'est que des mesures pratiques seront bientôt mises de l'avant de ce point de vue. Lorsqu'il a été question de repenser le mode de consultation du régime pédagogique, c'était précisément ceci. Bien sûr, il se garde de le dire. Parce que je souhaitais que cette réflexion se fasse de façon beaucoup plus globale...

Il n'y a jamais eu retrait du ministre de l'Education en fonction des différents problèmes qui ont vu le jour depuis un an. Il y a peut-être eu une stratégie. Il y a peut-être eu une approche souple et ferme à la fois. Mais il n'y a certainement jamais eu de démission. Les deux seuls exemples que le député de Saint-Jacques a pu apporter étaient les deux suivants. Premièrement, le régime pédagogique. Je viens de vous expliquer dans quelcontexte, éminemment valable, contexte que souhaite lui-même le député de Saint-Jacques, il a été non pas mis de côté, mais repensé. Dans l'autre exemple que prend le député de Saint-Jacques, celui des frais de scolarité, nous avions dit, lors des dernières discussions des crédits, que des démarches extrêmement identifiées ont été entreprises.

Je m'arrête là, M. le Président. Je crois que le député de Saint-Jacques a tout intérêt, à cause de son idéologie politique, à mettre en évidence certaines difficultés. Je vous ai clairement dit que je serais le dernier à nier ces difficultés. Je crois que le ministère de l'Education doit être le lieu, actuellement, d'une autocritique. Je ne suis pas là, moi, même si j'ai la responsabilité de ce ministère, pour le défendre inconditionnellement. Je crois représenter — c'est cela l'élément politique d'un régime parlementaire comme le nôtre et non d'un régime présidentiel théorique — la population et les questions que je pose et les interrogations que je fais miennes et que je fais partager à mes fonctionnaires sont celles de la population du Québec.

Fréquemment, mes fonctionnaires se demandent pourquoi je peux paraître sur la défensive. C'est précisément parce que j'essaie de me faire l'interprête des besoins de notre milieu. Il est extrêmement facile, M. le Président, de mettre en évidence uniquement ce qui peut se produire dans quelques écoles, ici et là. C'est pour une excellente raison: c'est qu'il n'y a que ça qui surnage dans les journaux. Il n'y a que ça qui fait l'objet de l'information à une époque de pléthore d'information, à une époque où il y a saturation de nouvelles, à une époque où il n'y a aucune discrimination dans ce qu'on présente au public, à une époque où l'imprimé et l'audiovisuel sont en train de contrôler, plus que n'importe quel régime politique, notre mode de pensée, j'irais jusqu'à dire notre mode de vivre.

Mais allez donc voir dans les milliers d'autres écoles dont on ne parle pas. Allez donc voir dans ces écoles si les choses marchent si mal. Allez demander à ces jeunes Québécois scolarisés, alors qu'ils ne l'étaient pas auparavant, s'ils n'en sont pas fiers et s'ils ne croient pas que la collectivité leur a rendu un fier service. Allez demander à ceux qui n'ont pas eu le bénéfice de cette scolarisation, soit parce qu'ils sont arrivés trop tard ou parce qu'ils ont été marginaux au système dès le départ, s'ils n'éprouvent pas certains regrets. C'est dans sa totalité qu'il faut se poser le problème et non d'une façon parcellaire.

Il y avait au Québec, il y a à peine dix ans, quelques milliers de Québécois qui pouvaient accéder aux études supérieures. Je suis un de ces privilégiés. Il y a un bon nombre de ces privilégiés parmi nous. Aujourd'hui, vous avez plus d'un million et demi d'enfants qui sont scolarisés. Vous en avez 75,000 à 80,000 dans le système collégial. L'Etat consacre $2 milliards par année à l'éducation: $1,500,000,000 au ministère de l'Education, ce qui représente son budget, et $500 millions sous forme de taxes qui parviennent directement aux commissions scolaires et que le ministère contrôle par ses normes.

Ne s'agit-il pas là d'un effort inédit pour une collectivité pauvre? Parce que nous sommes une collectivité pauvre, une collectivité qui n'a peut-être pas su, justement, mesurer les limites de ses moyens pour réaliser des rêves qui sont plus ou moins valables et plus ou moins souhaitables, même, pour son avenir.

M. le Président, c'est ainsi qu'il faut se poser le problème. Partez du point de départ et regardez ce qui existe aujourd'hui. Vous allez vous étonner qu'il y ait si peu de difficultés. Quelques groupes marginaux veulent contester pour des raisons qui n'ont rien à voir, d'ailleurs, avec les vrais problèmes de l'éducation, pour des raisons qui sont rattachées à des idéologies fumeuses et tarabiscotées, où l'on mêle le marxisme, le maoïsme. Eh bien ceux qui se disent maoïstes, je voudrais bien pouvoir leur appliquer, moi, ce que c'est véritablement un régime politique basé sur ces principes. Ils déchanteraient très rapidement. A ce moment-là, vous n'aurez pas de grèves d'étudiants, vous n'aurez pas d'étudiants qui, au nom de certaines idées plus ou moins valables, tenteront, mais ne réussiront pas, de saboter le système qu'une collectivité, au prix des sacrifices de ceux qui n'ont pas pu s'instruire, souvent des contribua-

bles, a voulu se doter pour son avenir.

Cette question de la gratuité scolaire est une question qui mériterait une longue analyse. Il n'est pas du tout sûr que ce soit la meilleure façon de favoriser l'accessibilité. C'est peut-être par l'établissement d'un régime de prêts-bourses de plus en plus efficace que les inégalités pourront être compensées. Autrement, ce sont les nantis que l'on favorise encore et autrement ce sont les contribuables, ce sont les chauffeurs de taxi, ce sont les ouvriers ici et là qui auront à financer un système dont ils ne profiteront pas.

Il est temps que nos étudiants, au niveau universitaire, comprennent qu'ils restent des privilégiés de la société et que, s'ils sont là aujourd'hui, c'est à cause des sacrifices des autres. Nous ne leur permettrons pas, M. le Président, quelles que soient les décisions que nous aurons à prendre, d'aller à l'encontre de ce grand projet collectif qu'a été l'éducation, au Québec. N'allez pas juger, par des difficultés temporaires, qui sont des difficultés de rodage, par des erreurs réelles que je serais le dernier à nier, de l'ensemble d'un système.

Le député de Saint-Jacques l'a fort bien compris, d'ailleurs, et sur ce point je l'en félicite. C'est peut-être l'aspect le plus positif de son intervention. Il a très bien senti que ce que remettait en cause le député de Richmond — rassurez-vous, j'arrive à vous — c'était justement cela, ce qui a été pensé, rêvé, désiré par toute une génération.

Lorsque je suis arrivé, le député de Richmond terminait son intervention. Par conséquent, je n'ai pas eu le plaisir de l'entendre dans son intégralité. On m'en a fait un résumé qui m'a suffi. D'ailleurs, la minute et demie que j'ai entendue m'a permis d'extrapoler. Je crois bien que je peux facilement imaginer de quelle texture et de quelle qualité était le reste. Vous savez, lorsqu'on voit un arbre, on a vu la forêt.

En l'écoutant, je me faisais deux réflexions. La première, c'est que si un jour le Ralliement créditiste devait changer son nom — je crois d'ailleurs que le député de Saint-Jacques a commencé à l'orienter vers cette voie, en parlant du Ralliement Dupuis — j'aurais une suggestion à faire. Si le Ralliement créditiste devait changer son nom, il pourrait peut-être s'inspirer d'un parti politique qui a vu le jour ici même, au Québec, et qu'on appelle le Parti rhinocéros; je l'appellerais cependant le Parti dinosaure. Le dinosaure est un animal qui est disparu à la fin de l'époque tertiaire. Il présentait des caractéristiques tellement archaïques qu'il ne pouvait pas survivre. C'est donc ma première réflexion et j'espère que le député de Richmond me pardonnera ma digression paléontologique.

M. BROCHU: Je connais les projections.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Ma deuxième réflexion, c'est que je me suis réjoui — les motifs de réjouissance ne sont pas tellement fréquents actuellement dans le contexte politique qui est le nôtre qu'il faut véritablement en profiter lorsque ça arrive — du fait que le ridicule ne tue pas chez nous.

Si le ridicule tuait — et je n'ai aucune raison de croire qu'il va commencer à tuer — nous aurions eu â déplorer la mort foudroyante du député de Richmond. Blague à part, je crois qu'il est quand même déplorable qu'un parti politique veuille établir toute une critique d'un système sur des préjugés qu'il vise à entretenir.

M. BROCHU: J'ai l'impression qu'il n'a pas écouté mon discours.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Les interventions créditistes dans le domaine de l'éducation ont toujours été basées sur — je ne dirais pas des ragots — des a priori. On est contre, on est contre. A l'occasion, certaines critiques plus pertinentes peuvent se glisser, mais je ne vous cache pas qu'il est extrêmement difficile de les retrouver dans le magma dont on est submergé.

Si le Ralliement créditiste s'imagine avoir trouvé un cheval de bataille électoral avec l'éducation, je crois qu'il se trompe, parce qu'il a oublié une chose, c'est que, maintenant, la population est de plus en plus instruite. Je suis, pour ma part, convaincu que spéculer sur les préjugés, se baser sur la chasse aux sorcières, vouloir à tout prix exploiter ce qu'il y a de plus réactionnaire dans l'être humain va à l'encontre même des objectifs que nous avons su nous donner et partiellement atteindre.

Si je le dis, c'est précisément parce que je suis convaincu que cette réaction reste extrêmement marginale dans le domaine de l'éducation. Je suis le premier sensible à certains aspects que soulève parfois le Ralliement créditiste. Je pense, en particulier, à la taille des polyvalentes. J'y suis d'autant plus sensible que j'ai été un de ceux, il y a dix ou quinze ans, dans un autre domaine qui est celui des hôpitaux, qui ont dénoncé les immeubles trop considérables. J'ai été un de ceux qui ont proposé, lors de certaines interventions dans des conférences internationales, qu'au lieu d'invoquer uniquement le seuil de rentabilité on doive invoquer le seuil de ce que j'appelais l'humanité.

Je suis de ceux qui croient que, lorsqu'on dépasse une certaine concentration humaine, on doit s'attendre à des difficultés, à des malaises, à de l'agressivité même. Ce n'est là qu'un exemple, je sais, qui n'a pas fait l'objet du discours du député de Richmond aujourd'hui. Mais ceci indique bien que, même si, à l'occasion, le Ralliement créditiste peut mettre le doigt sur des problèmes pour lesquels nous voulons tous chercher des solutions et que nous sommes tous d'accord pour admettre, dans l'ensemble, il est extrêmement désastreux — et je le déplore — qu'il cherche à fonder avant tout son action sur l'incompréhension et sur le préjugé.

Le préjugé est peut-être, beaucoup plus que

les guerres, le véritable handicap de l'humanité à notre époque. Si on arrivait à extirper le préjugé — on n'y arrivera pas, mais on peut au moins tendre, par une éducation de plus en plus ouverte, à le diminuer — je crois que l'humanité aurait véritablement franchi — on n'en serait plus aux dinosaures; on n'en est pas encore très loin — une étape extrêmement importante.

J'ai dit, il y a quelques instants, qu'un système se juge dans sa totalité. Je voudrais ajouter que non seulement il doit se juger dans sa totalité, mais qu'il doit également se juger dans son mouvement. Quand j'ai cité ces deux chiffres, ceux des scolarisés d'il y a dix ou quinze ans et ceux des scolarisés d'aujourd'hui, ce n'était certainement pas pour établir une comparaison touchant les contenus, par exemple, c'était uniquement pour montrer qu'il y avait eu une option fondamentale à laquelle le député de Chicoutimi a fait allusion. Cette option a été la démocratisation de l'enseignement, l'accessibilité de l'enseignement. Cette démocratisation et cette accessibilité, si on ne veut pas qu'elles restent des mythes, doivent quand même tenir compte de certaines contraintes, car il y en a des contraintes pour les gens qui ont a administrer. Il y a des contraintes financières, des contraintes biologiques même.

Très souvent, on a tendance à imputer au ministère de l'Education et à l'éducation en général — parce que ce qui se passe ici se passe partout au monde, se passe dans les autres provinces canadiennes et se passe dans les autres pays — le malaise même de la société, et c'est ça l'erreur que trop de gens commettent. Dans la mesure où toute la jeunesse, contrairement à ce qui existait avant, fréquente les institutions d'enseignement, il est bien évident que c'est là qu'on la trouve, on ne la trouve pas ailleurs. Un suicide d'adolescent à l'école ne signifie pas nécessairement que c'est l'école qui est responsable; il s'agit là d'un incident déplorable; mais s'il n'avait pas été à l'école, comme c'était le cas avant, le suicide aurait eu lieu ailleurs. Dans une société ouverte, c'est là que se vivent chez les jeunes tous nos malaises; il ne faut absolument pas s'étonner, et il ne faut surtout pas tomber dans l'excès inverse qui consisterait à durcir tellement des positions, à adopter des attitudes de pseudo-fermeté qui souvent ne sont que des attitudes de peur, que des attitudes de crainte et vouloir à ce moment-là agiter la matraque. Je n'agite pas la matraque, M. le Président, quand je tente d'être ferme, quand je dis que telle limite est atteinte.

Dans l'histoire de l'UQAM, je crois qu'il y a eu toute une dialectique; le gouvernement a clairement établi ses positions — je parle de l'UQAM uniquement parce qu'on y a fait allusion — mais il les a établies à partie du réseau tel qu'il existe, c'est-à-dire à partir du fait qu'il y a des universités non pas d'Etat mais autonomes, lesquelles sont largement subventionnées mais qui doivent jouir, si l'on tient à maintenir ce système — et je tiens à maintenir ce système, en ce qui me concerne — elles doivent rester autonomes, dans la mesure des grandes politiques gouvernementales. D'ailleurs, toute l'attitude du gouvernement vis-à-vis de l'enseignement supérieur s'est inspirée de ces normes, s'est inspirée de cette philosophie. Par conséquent, le gouvernement, à l'intérieur d'un système qui existait, a clairement défini les règles du jeu. Les ayant définies, il est ensuite intervenu en faisant des propositions nouvelles aux universités et à la conférence des recteurs pour faire sauter ce qui pourrait ou aurait pu paraître être des obstacles à une négociation ou à un règlement.

M. le Président, je n'ai jamais eu la naiveté de croire — je l'avoue— que ceci amènerait un règlement, mais j'ai voulu, par exemple, avoir un dossier impeccable et indiscutable devant l'opinion publique; j'ai voulu qu'on ne puisse pas se servir du moindre prétexte, d'une échéance, par exemple, et la présenter avec des distorsions dont le député de Saint-Jacques est parfois coutumier. J'ai voulu justement que les choses se jouent telles qu'elles doivent se jouer et maintenant personne ne s'y trompe. Nous savons très bien à quoi nous en tenir, la population n'a pas le moindre doute, et les universités, hier, — l'Université du Québec, l'Université de Montréal, dans la mesure où cela les touche — ont pris la résolution calmement, après avoir épuisé toutes les possibilités, de continuer si les étudiants voulaient étudier, si les professeurs voulaient enseigner. Et si les étudiants ne veulent pas étudier, si les professeurs ne veulent pas enseigner, à ce moment-là, la population jugera et la population surtout aura compris.

M. le Président, je n'en dirai pas plus en ce qui concerne l'intervention du député de Richmond. Je m'excuse si je me suis permis peut-être certaines facéties à son égard. Ce n'est pas un style que j'affectionne, mais de temps en temps, vous avouerez que le poisson est trop gros et qu'on ne peut pas toujours le laisser filer comme ça. C'est la raison pour laquelle j'ai quand même tenu à faire le point à partir de ces trois interventions.

M. le Président, ma conclusion sera brève. On peut penser ce que l'on veut de l'action du gouvernement en matière d'éducation, mais je pense que pour tout esprit réaliste, pour tout esprit objectif, il est évident qu'il y a eu depuis trois ans une amélioration considérable, amélioration sur le plan financier, amélioration sur le plan administratif, amélioration sur le plan des contenus. La partie est gagnée en ce qui concerne ce grand mouvement en avant où se jouera l'avenir du Québec parce qu'il y a, entre le produit national brut et l'éducation, une corrélation indiscutable. Ce sont les pays scolarisés et ce sont les pays qui ont su scolariser leur jeunesse qui sont à l'avant-garde.

M. le Président, nous allons nous trouver en présence d'un paradoxe curieux, c'est que même ceux qui dénoncent le système, même

ceux qui, au fond d'eux-mêmes, ne sont peut-être pas tellement d'accord avec la scolarisation seront parmi la population qui en récoltera les fruits. Merci.

M. SAMSON: M. le Président...

LE PRESIDENT: Non, je ne le sais pas. Si j'ai bien compris l'entente qu'il y a eu au début, à moins que je ne m'abuse, le proposeur de la motion avait le droit à 40 minutes en tout, 35 et un droit de réplique de cinq minutes. Cela a été convenu à mon bureau, en arrière. Le parti ministériel avait un droit de réponse de 45 minutes, l'Union Nationale avait droit à quinze minutes, le Parti québécois à quinze minutes. C'est l'entente qui est intervenue. Je donne le droit de réplique au proposeur de la motion, le député de Richmond, pour cinq minutes. C'est celui qui a fait la motion qui réplique; ce n'est pas un autre.

M. SAMSON: M. le Président, je comprends la directive...

LE PRESIDENT: A moins qu'il n'y ait le consentement unanime de la Chambre.

DES VOIX: Non.

M. SAMSON: M. le Président, c'est bien ce que vous nous avez dit. C'est parce que le leader de notre parti n'est pas présent. Le leader nous avait mentionné que notre parti avait droit à 40 minutes en tout, dont cinq minutes de réplique.

LE PRESIDENT: De réplique, mais... UNE VOIX: Au proposeur.

LE PRESIDENT: ... c'est celui qui fait la motion qui réplique aux autres réponses.

M. SAMSON: Ce n'est pas ce qu'on nous a dit.

LE PRESIDENT: Ecoutez, quand un ministre présente un projet de loi en deuxième lecture, il fait son discours, les autres partis parlent et c'est lui qui fait la réplique; ce n'est pas un autre.

M. SAMSON: M. le Président, il n'y a pas de problème; on va la faire faire par le proposeur.

LE PRESIDENT: Très bien. Si tout le monde est heureux, allons-y. Le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. BROCHU: Avec plaisir, M. le Président, parce que j'ai écouté avec attention le discours préhistorique du ministre, le discours révolutionnaire du député de Saint-Jacques, le dis- cours hautement théorique et dans la pure tradition de feu l'Union Nationale, du député de Chicoutimi. Alors, je peux en toute liberté refaire rapidement un tour d'horizon et tirer les grandes conclusions de cette motion de blâme. D'abord, il avait été clairement spécifié, au point de départ, que la motion de blâme, je n'en mettais pas toute la responsabilité sur les épaules de l'actuel ministre de l'Education, parce que d'autres l'ont précédé et qu'il y a aussi, à l'intérieur du système comme tel, des rouages administratifs qui sont devenus désuets. Malheureusement, j'ai pu constater de visu — je l'ai constaté aussi par la réplique du ministre — que, vu son absence, il n'avait eu aucun élément de cette discussion et qu'il avait répondu tout à fait à côté de la question. Lors de mon intervention, j'ai fait une analyse "managérielle", ce qui semble être incompris par le député de Saint-Jacques, n'a pas été vu par le ministre de l'Education et a peut-être dépassé feu l'Union Nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voyons donc! Il faut être imbécile pour parler comme ça.

M. BROCHU: J'ai fait une analyse "managérielle", en voulant aller dans les détails de la structuration même du ministère de l'Education.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Parlez donc français, on vous comprendra.

M. BROCHU: M. le Président, les grenouilles en cette Chambre, le croassement chicoutimien. Guilda, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On ne parle jamais que de ce qu'on connaît bien. Vous parlez des grenouilles, vous parlez de vous-même.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BROCHU: M. le Président, est-ce que les monuments historiques ont droit de parole de cette façon-là? Alors, j'ai voulu tracer, face aux grands objectifs, de la façon la plus rationnelle possible, malgré le court délai qui m'était donné, la façon opérationnelle de conceptualiser et de rendre dans les faits l'efficacité, en y mettant une structure beaucoup plus moderne...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ne citez donc pas des textes, mon Dieu!

M. BROCHU: ... de "management" moderne et de motivation humaine. Ma motion, si on n'y croit pas, si on ne veut pas l'accepter...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vos conneries.

M. BROCHU: ... pourquoi est-ce qu'on proteste tant que ça? Pourquoi est-ce qu'on entend des grenouilles?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On ne croit pas aux conneries.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Revenons au débat. Non, non, il ne faudrait pas ouvrir de porte.

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. On a quand même, en cette Chambre, un député qui est en train de parler; il a son droit de parole. En même temps, on constate que les micros d'autres députés sont ouverts et ceux-là ne vous ont pas demandé le droit de parole. Je pense qu'il serait raisonnable qu'on laisse seulement le micro de celui qui a droit de parole ouvert.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. SAMSON: On n'a pas à demander conseil à Guilda.

LE PRESIDENT: A l'ordre! S'il vous plaît, messieurs. A l'ordre! A l'ordre! Dans le silence, s'il vous plaît. Le député de Richmond.

M. BROCHU: M. le Président, c'est ainsi que j'ai décrit — je le répète parce que le ministre était absent et j'ai vu qu'il a répondu complètement à côté de la question de la motion de censure — le ministre comme étant devenu un ingénieur d'un grand projet de construction qui aurait, dans son bureau, tous les outils nécessaires à la réalisation par les ouvriers de ce projet-là. Le ministre a des pouvoirs qui ne lui appartiennent pas. Les instances décentralisées n'ont pas suffisamment de pouvoirs, c'est-à-dire les pouvoirs équivalant au moins à leurs responsabilités.

De plus en plus, dans le système d'éducation actuel, on ne respecte pas les parents, on ne respecte pas les professeurs qui doivent être les premiers pivots de cette éducation de qualité au Québec, on néglige les principes de toute gestion et d'administration modernes, ce qui fait qu'actuellement la population est insatisfaite, contrairement à ce qu'a déclaré le ministre dans une envolée oratoire digne d'une ancienne époque passablement dévolue.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Révolue, au moins. Parlez français, grand dieu!

M. BROCHU: Aie!

LE PRESIDENT: A l'ordre! S'il vous plaît, les micros.

M. BROCHU: M. le Président, si j'ai un droit de réplique, je vais l'exercer. J'ai voulu être le plus objectif possible en présentant ma motion de censure. Je crois que l'Assemblée nationale prévoit qu'on a la possibilité de le faire; je suis mandaté, en tant que député, au même titre que n'importe quel autre en cette Chambre. Et après toutes les consultations que nous avons faites, après les très nombreux rapports que nous avons reçus, y compris ceux de certains fonctionnaires du gouvernement qui déplorent les mêmes situations que nous, je pense que nous avons été tout à fait justifiés de déposer de cette motion logique pour en arriver à ce que le ministre veuille reformuler la structure de son ministère, qu'il fasse le ménage où cela s'impose, qu'il fasse le ménage dans nos institutions scolaires là où cela s'impose, et évite que des groupuscules, comme cela se produit actuellement, sèment le trouble, par exemple, au niveau de nos universités, contrairement à ce que déclarait le député de Saint-Jacques tout à l'heure, que l'on devait accentuer cela; je ne le crois pas.

On a des rapports de l'Université de Sherbrooke, entre autres, qui nous disent que les étudiants sont écoeurés de se faire manoeuvrer par un petit groupe qui se sert de la publicité pour essayer de les embarquer dans une action qu'ils n'ont pas désirée. Le député de Saint-Jacques avait raison de dire que c'était commencé depuis dix ans. Il était là, lui aussi. Je me rappelle, quand j'étais au Séminaire de Sherbrooke, qu'on avait ces mêmes oiseaux qui venaient nous faire prendre conscience de nos problèmes alors qu'on n'avait même pas de problèmes. Qu'est-ce qu'ils venaient faire dans nos pattes? On les a foutus dehors, à un moment donné, du Séminaire de Sherbrooke. Je comprends qu'ils disent aujourd'hui que c'est commencé depuis dix ans et que cela doit aller beaucoup plus loin.

Je comprends, par ailleurs, que le ministre dise que c'est commencé depuis dix ans, qu'il rsste des petites choses à faire, mais qu'il ne faut jamais perdre de vue les objectifs. Il a été encensé par le grand député de Chicoutimi qui a dit: Oui, il faut regarder les objectifs, c'est-à-dire ne rien faire, s'asseoir, continuer à considérer les considérations et à compliquer les complications. Pendant tout ce temps, la population commence à avoir son voyage. Si le ministre n'agit pas pour faire le ménage qui s'impose, s'il ne devient pas immédiatement l'homme d'action que la population et même les étudiants attendent, il risque, dans très peu de temps, de devoir se recycler sous un gouvernement créditiste pour redevenir "un homme vous écoute".

M. le Président, dans ce sens, je pense qu'on a suffisamment discuté autour des questions de l'éducation. Qu'on passe à l'action d'une façon rationnelle, que l'on considère les objectifs, mais, dans les faits, qu'on n'essaie pas de camoufler des situations et de les laisser se désintégrer au point où elles se désintègrent actuellement. Je tiens publiquement, aujourd'hui, à rassurer la population du Québec. Si le

ministre ne prend pas immédiatement les dispositions nécessaires et s'il ne devient pas l'homme dont j'ai parlé, je tiens à assurer la population que, très bientôt, le gouvernement créditiste verra, au Québec, à donner à l'éducation son vrai visage dans le respect des institutions, dans le respect des commissions scolaires qui doivent avoir suffisamment de latitude d'action, dans le respect aussi de l'élève, de ses capacités d'apprentissage, de la motivation aussi des fonctionnaires, dans une structures vraiment "managérielle" du ministère de l'Education en vertu d'une vraie fonctionnalité, en vertu d'une vrai efficacité.

M. le Président, je me sers de cette tribune pour rassurer la population à ce sujet et au sujet des propos à tendance révolutionnaire que j'ai entendus des mêmes gars qu'on a vus dans les mêmes universités que nous avons fréquentées et qui venaient nous causer des problèmes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On peut considérer que votre temps est expiré.

M. BROCHU: Je termine. M. le Président, je vous demande une directive, en terminant. Etant donné que le député de Saint-Jacques a mentionné, dans son discours, qu'il avait l'intention d'appuyer ma motion, ce qui ne m'intéresse absolument pas parce que je ne veux pas être collé à ce genre d'individu, est-ce qu'il y a quelque chose de prévu par le règlement qui me permettrait de refuser l'adhésion du Parti québécois?

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Il faut respecter la liberté des élus du peuple. A l'ordre! Messieurs, nous allons procéder à la mise aux voix de cette motion.

M. ROY (Beauce): Un vote enregistré, M. le Président.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Avant de procéder au vote à midi moins cinq, est-ce qu'il n'y a pas d'autres sujets que l'on peut aborder à la Chambre pendant ce temps?

M. ROY (Beauce): M. le Président, je voudrais vous demander une directive. Evidemment, en vertu de la motion...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous avez dit: Qu'on appelle les députés.

LE PRESIDENT: Un instant! Qu'on appelle les députés. Si le député de Beauce voulait venir me consulter, cela me ferait plaisir. J'aimerais discuter avec lui.

Qu'on appelle les députés.

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable député de Richmond — il n'est pas nécessaire de la lire car je crois que tout le monde en a pris connaissance — veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy (Beauce), Brochu, Tétrault, Drolet, Guay, Béland, Audet, Laurin, Burns, Léger, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard.

LE PRESIDENT: La cabale n'est pas permise durant la votation! Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Castonguay, Garneau, Goldbloom, Parent, Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Toupin, Mailloux, Vaillancourt, Cadieux, Théberge, Brown, Blank, Brisson, Kennedy, Saindon, Picard, Pearson, Fortier, Assad, Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Pilote, Shanks, Veilleux Gratton, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Deniers.

LE SECRETAIRE: Pour: 15 Contre: 50

LE PRESIDENT: La motion est rejetée. M. LEVESQUE: Quinze heures.

LE PRESIDENT: Avant de procéder à la suspension des travaux jusqu'à quinze heures, pourrais-je inviter, pour quelques minutes, les leaders à mon bureau pour discuter?

L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

Reprise de la séance à 15 h 4

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): A l'ordre, messieurs!

L'honorable député de Maisonneuve.

M. ROY (Beauce): M. le Président...

M. BURNS: Nous n'avons pas quorum. Est-ce ce que vous voulez soulever?

M.LEVESQUE: Il y a une commission qui siège.

M. BURNS: D'accord. Ce n'était pas pour cela que je me levais, M. le Président. Etant donné que le président de la Chambre nous a dit, ce matin, qu'il rendrait vers trois heures — c'est-à-dire à la reprise de la séance — sa décision relativement à la motion privilégiée que j'ai soumise hier, je me demandais si quelque chose avait été changé de ce côté-là.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Si je comprends bien, c'est une espèce de demande de directives.

M. BURNS: Exactement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): L'honorable président de la Chambre a communiqué avec moi quelques minutes avant trois heures pour me faire savoir qu'il serait en mesure de rendre sa décision au cours de la présente séance et même avant six heures. Au cours de la séance, il sera en mesure de rendre sa décision.

M. BURNS: Merci, M. le Président. Il a beaucoup de difficultés!

M. PAUL: C'est un bon signe!

UNE VOIX: Que fait-on, M. le Président?

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Ce n'est pas à la présidence de décider. J'attends.

L'honorable député de Beauce demande-t-il la parole?

Projet de loi no 250 Deuxième lecture

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, étant donné que j'avais proposé la suspension du débat, hier soir, j'aimerais prendre la parole.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): L'honorable député de Beauce, leader parlementaire du Ralliement créditiste.

M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. Au moment de l'ajournement de nos travaux parlementaires, hier, j'étais à dire, sur la discussion de deuxième lecture du projet de loi no 250 intitulé Code des professions, que nous ne pouvions accepter les principes de ce code des professions. En voici les raisons. Premièrement — je fais un bref résumé — le principe de base est ignoré. Ce code des professions devrait donner la possibilité à tous les groupes professionnels de s'ériger en corporations sans avoir à faire des pèlerinages et des promenades auprès du gouvernement pendant trois, quatre, cinq et même six ans.

Je disais, de plus, que ce code des professions, tel qu'il est rédigé, entraînera inévitablement la mise en tutelle des professions par les contrôles abusifs que ceci nécessitera. J'ai parlé sur ce deuxième point hier.

Il y a un troisième point que je tiens à souligner à l'honorable ministre et au gouvernement. Immédiatement après l'adoption de ce code des professions et des lois connexes, dans quelle situation le ministère des Affaires sociales se trouvera-t-il pour faire la surveillance et appliquer ce code?

En ce qui nous concerne, nous sommes d'avis — et je pense que l'expérience de certaines décisions gouvernementales dans le passé nous l'a démontré clairement — que le gouvernement sera dans une situation telle que non seulement il aura réglé les problèmes, mais qu'il aura créé de multiples autres problèmes et nous verrons inévitablement la pratique illégale s'accentuer. Beaucoup de personnes se trouveront dans l'illégalité la plus complète en exerçant une profession pour laquelle elles ont fait des études et s'étaient préparées.

Il va s'ensuivre qu'il y aura des pénalités dans ce domaine. Est-ce à dire que le ministère des Affaires sociales se proposerait de faire la même chose que ce que le ministère du Travail a dû faire l'année dernière — c'est une analogie — c'est-à-dire poursuivre devant les tribunaux comme de vulgaires criminels des personnes qui sont membres d'une corporation ou ont une certaine expérience, voire même sont en mesure de pratiquer une profession après avoir suivi des études et après avoir rempli certaines normes pour prouver qu'elles sont compétentes?

On se rappellera que dans le domaine des travailleurs de la construction ou des garagistes artisans, le gouvernement a été obligé de faire marche arrière. Si je fais référence à ces faits que nous avons discutés au cours de l'année 1972 devant l'Assemblée nationale, c'est justement pour mettre le ministre des Affaires sociales en garde contre ces faits qui se produiront inévitablement.

Nous estimons que ce domaine n'a pas été étudié selon des principes fondamentaux et selon une responsabilité autre que celle animée par le désir d'un Etat socialiste ou de lois socialistes à l'intérieur du Québec, de façon à encarcanner, embrigader toutes les corporations professionnelles derrière le fonctionnarisme et les technocrates du gouvernement.

M. le Président, je pense que c'est un problème extrêmement important et je dis, à ce stade-ci, que le gouvernement est en train de commettre une erreur. Nous en avons déjà la preuve. Jamais un gouvernement, depuis la confédération, n'aura réussi à créer autant de mécontentement dans la population que ce gouvernement l'a fait depuis qu'il est au pouvoir. Et le code des professions à l'heure actuelle nous le démontre clairement. Il y a beaucoup d'inquiétude partout, il y a beaucoup de mécontentement partout, dans tous les domaines. Tous les gens sont inquiets et craignent que les lois soient appliquées telles que présentées à l'heure actuelle.

Je sais que le ministre a hâte que ces lois soient adoptées, je sais que le ministre s'est donné le mandat de faire adopter toutes ces lois avant de convoquer une nouvelle session, mais ce n'est pas une raison. En ce qui nous concerne cela ne justifie aucunement le gouvernement d'aller tête baissée, les yeux fermés et dire: Oui, ça va très bien, nous sommes pressés, il faut faire vite et vite.

M. le Président, je dis au gouvernement: Un instant ! Depuis la confédération, on n'a jamais remis en cause, en si peu de temps, toutes les corporations professionnelles du Québec. C'est la première fois depuis la confédération qu'on s'attaque à toutes les corporations professionnelles. Je pense que devant une situation d'aussi grande envergure, devant un problème aussi complexe les membres de la Chambre, les députés de l'Opposition et surtout le gouvernement...

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Puis-je rappeler à l'honorable député de Beauce que son droit de parole est déjà épuisé?

M. ROY (Beauce): M. le Président, comme c'est mon intention...

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): A moins qu'il y ait consentement unanime des membres de la Chambre...

M. ROY (Beauce): Si on me permet, le consentement unanime ne sera pas nécessaire. C'est mon intention de présenter une motion et cela me permet un délai additionnel.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Si l'honorable député a l'intention de présenter une motion, il faudra qu'il le fasse très rapidement.

M. ROY (Beauce): Que la motion en discussion ne soit pas lue maintenant mais dans trois mois, et je vais dire les raisons pour lesquelles...

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Non. A moins qu'il y ait consentement unanime, le député de Beauce privera malheureusement la Chambre des raisons.

M. ROY (Beauce): M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander une directive?

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Oui.

M.ROY (Beauce): Vous vous souviendrez qu'à l'occasion d'un débat — je donne le premier exemple qui me vient à l'esprit — le député de Gouin avait présenté une motion; en présentant sa motion on lui avait permis un délai additionnel pour expliciter sa motion et il avait eu droit à une demi-heure de temps additionnel pour présenter sa motion.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Il faudrait que le député de Beauce...

M. ROY (Beauce): Celui qui présente une motion a quand même le droit de dire pour quelles raisons il présente une motion.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): A l'ordre! A moins que le député de Beauce me signale un article de notre règlement qui justifierait sa prétention, je ne peux pas lui permettre de continuer. Le député de Beauce avait la latitude d'expliciter ou d'expliquer sa motion, il n'avait qu'à la proposer plus tôt au cours de son discours. Maintenant il a terminé, il avait vingt minutes, les vingt minutes ont été totalement utilisées. Le député de Beauce a conclu par une motion et maintenant c'est cette motion qui est en discussion et je serai obligé de reconnaître un autre député.

Le député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, sur la motion qui vient d'être présentée par le député de Beauce, je dois dire que j'y ai souscrit entièrement au départ et je vais tenter de vous expliquer pendant quelques minutes pourquoi j'appuie cette motion qui me semble logique, raisonnable et acceptable.

Premièrement, les groupes qui se sont prévalus de leur droit d'intervention à la commission parlementaire sur le code des professions l'ont fait sur la présentation du premier projet de loi du code des professions, ce qui signifie tout simplement que tous les groupes qui ont été entendus n'ont pas eu l'occasion de se prononcer sur un autre projet de loi qui a été présenté devant la Chambre et ils n'ont donc pas eu l'occasion de discuter véritablement sur le projet de loi que nous étudions actuellement, mais bien sur un autre projet de loi qui avait été présenté antérieurement. Depuis que ce nouveau projet de loi a été déposé et qui est à l'étude actuellement, plusieurs députés de l'Assemblée nationale ont eu l'occasion de rencontrer, et j'ajoute, même, à plusieurs reprises, certains groupes concernés par ce projet de loi.

Il semble y avoir de plus en plus de confusion, de plus en plus de mécontentement. Les gens concernés comprennent de moins en moins. Cependant ces mêmes groupes concernés n'ont plus l'occasion de se faire entendre. Comme nous sommes les représentants de la population, je pense qu'il est de notre devoir de demander au gouvernement de prendre le temps de retourner discuter de tout ce problème.

La motion présentée par le député de Beauce permettrait, j'en suis convaincu, à plusieurs autres députés, membres de cette Chambre et même membres de la commission parlementaire, de rencontrer, si nécessaire, les groupes qui désirent intervenir indirectement par la voix des députés. Nous sommes quand même conscients que, s'il y a de plus en plus de mécontents, c'est que la loi ne leur donne pas satisfaction. Je suis convaincu que le ministre, là-dessus, est également conscient que cette loi, loin d'avoir réglé les problèmes les plus pressants, ne fait qu'accentuer certains problèmes et aggraver, dans bien des cas, plusieurs situations.

On est maintenant beaucoup plus en mesure de capter, à sa juste valeur, de comprendre dans toutes leurs dimensions les réticences et les objections des corps intermédiaires qui s'étaient déjà prononcés sur le premier projet de loi et non sur celui qui est en discussion, puisque le premier a été retiré. Il y a énormément de points bien précis qu'il faudrait discuter encore. Au dire même des professionnels, plusieurs se sentent lésés par les lois. Nous sommes obligés d'admettre qu'ils ont raison, parce que c'est logique. Si les recommandations qui ont été faites à la commission parlementaire étaient applicables et qu'elles n'ont pas été appliquées dans le nouveau projet de loi, je pense que le gouvernement fait erreur, qu'il fait fausse route. Pour ma part, je suis convaincu que ce serait bénéfique pour le gouvernement de prendre le temps nécessaire.

J'en suis convaincu parce que nous nous en rendons compte tous les jours. A nos bureaux, des groupes demandent de nous rencontrer parce qu'ils sont insatisfaits. C'est extraordinaire. Un premier projet de loi est présenté, puis retiré. On présente un nouveau projet de loi et depuis je pense que moins de personnes qu'auparavant sont contentes de la loi.

Pour qui cette loi est-elle faite? Premièrement, cette loi est faite pour les citoyens du Québec et plus spécialement pour les professionnels. Si ces mêmes professionnels sont mécontents, ne sont pas heureux de voir de quelle façon cette loi est présentée, je pense encore une fois que c'est l'indication bien précise qu'ils veulent faire éviter une erreur au gouvernement.

Le député de Beauce, qui vient de présenter cette motion, est un homme averti. Il a lui aussi rencontré plusieurs groupes professionnels, comme je l'ai fait, d'ailleurs, et les groupes professionnels qui sont venus nous rencontrer ne nous ont pas dit que la loi était bonne et de l'adopter. Loin de là. Ils n'ont pas dit tout ce qu'ils avaient à dire. D'ailleurs, ils n'ont pas comparu au sujet du nouveau projet de loi. Le ministre serait peut-être surpris si je prenais la peine d'empiler sur mon pupitre, ici à l'Assemblée nationale, tous les mémoires et toutes les notes qui m'ont été envoyés depuis le dépôt du nouveau projet de loi.

Il semblerait même que, pour certains groupes, la réimpression de ces projets de loi est un recul net et précis dans le cas de leur corporation. D'autre part, le code des professions manque énormément de précision. C'est principalement ce qui inquiète plusieurs groupes concernés par cette loi. Bien sûr, on a entendu, lors des audiences à la commission parlementaire, plusieurs personnes se prononcer sur cela. Je l'ai dit également dans mon discours de deuxième lecture et je suis obligé de le répéter, le ministre ne s'est pas rendu à leur désir, le ministre n'a pas permis, par le code des professions, que ces corporations professionnelles aient suffisamment d'autonomie pour fonctionner de façon normale.

On ne sait même pas, au moment où on se parle, chez certains groupes de professionnels, qui sera laissé de côté et qui sera couvert par le code des professions. Encore là, manque de précision.

Les discussions à la commission parlementaire et principalement en deuxième lecture du projet de loi 250 ont porté sur le manque de précisions. Nous avons demandé au gouvernement d'éclaircir plusieurs points. Le député de Montmagny l'a bien dit également: La loi est malade. Je me demande si on ne devrait pas prendre un peu plus de temps pour faire une loi en meilleure santé, pour faire une loi mieux adaptée, en tenant compte davantage des représentations qui ont été faites à la commission parlementaire.

Je suis parfaitement d'accord sur la motion présentée par le député de Beauce. Je demande également au ministre de bien réfléchir, de bien prendre son temps parce qu'il subira lui-même les conséquences de sa loi. Je pense que le ministre commence à en être un peu conscient.

Pour une loi aussi importante, qui vient bouleverser autant de personnes et qui soulève autant de critiques, je pense que cela vaut vraiment la peine qu'on enlève, une fois au moins, à l'Assemblée nationale le mot "pressé" et qu'on prenne le temps de l'examiner bien en détail et de la scruter à la loupe. Je suis convaincu que, lorsque le projet de loi sera amélioré, qu'il sera presque parfait, les groupes concernés, qui sont loin d'être des gens inconscients, qui sont quand même des gens qui sont dans le domaine et qui ont travaillé à des mémoires concernant ce projet de loi, vont être assez intelligents pour s'en rendre compte. Je ne peux pas douter de tous les propos qui ont été tenus à la commission parlementaire. Je ne peux pas douter des interventions des autres membres de l'Assemblée nationale concernant cette loi.

Donc, je pense que le gouvernement aurait tout intérêt, spécialement le ministre des Affaires sociales, à accepter cette motion de renvoi à trois mois, afin de permettre à tous ceux qui ont quelque chose à dire sur ce projet de loi de le dire. Bien sûr, nous sommes à la fin d'une session. Bien sûr, il faut se dépêcher. Pourquoi se dépêcher? Prenons donc le temps. C'est justement ce qui nous a été dit à la commission parlementaire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): A l'ordre! Puis-je demander à l'honorable député de Dorchester de se hâter de conclure puisque son temps est terminé.

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur une motion de ce genre, étant donné qu'il est le porte-parole officiel de notre parti, il a droit à une demi-heure et le député de Dorchester voulait prendre le temps qui lui était réservé.

Article 95, deuxièmement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Le député de Dorchester est-il le porte-parole officiel?

M. SAMSON: Ah oui!

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): C'est qu'il avait omis d'avertir la présidence et ses collègues, au début.

M. SAMSON: M. le Président, étant donné le magnifique discours qu'il prononce, nous croyions que vous vous en étiez aperçu.

M. GUAY: M. le Président, je disais donc qu'il est indispensable de donner à ces professionnels les outils dont ils ont besoin, non seulement les outils qu'ils désirent mais ceux dont ils ont besoin.

En passant, je tiens à remercier les groupes qui ont pris la peine de se déplacer, de se rendre à nouveau à Québec, en plus d'être venusà la commission parlementaire, pour soulever à notre attention les points importants dans la rédaction nouvelle du projet de loi no 250.

Bien sûr, M. le Président, pour prononcer les mots que notre parti prononce actuellement, cela prend une certaine dose d'audace. Nous avons mis en garde les groupes professionnels contre cette loi et je crois qu'ils ont compris. Si le ministre des Affaires sociales en doute, il n'a qu'à venir à mon bureau pendant quelques heures seulement. Il se rendra compte que ces professionnels comptent passablement sur les partis de l'Opposition pour se faire réentendre concernant cette loi.

Plusieurs professionnels ont soulevé à nouveau le fait que le projet de loi ne leur donne pas justice. D'autres députés, membres de cette Chambre, l'ont également souligné. Par exemple, des groupes qui désiraient être reconnus de façon normale, de façon équitable se voient aujourd'hui mis de côté par cette loi. Je répète au ministre qu'advenant l'adoption d'un tel projet de loi sans changements il est bien sûr qu'un nombre imposant de personnes se retrouveront dans l'illégalité. Je n'ai pas le droit de me référer à des lois particulières dans le moment sauf que, pour justifier cette motion, il y a déjà un travail, de la part de certains groupes, qui est commencé et qui fait affreusement mal à d'autres groupes actuellement.

M. le Président, si nous désirons que ce projet de loi soit déféré pour étude à trois mois, c'est aussi pour une autre raison très importante. Le grand public — on a remarqué que les journaux n'ont pas été tellement bavards sur la discussion du projet de loi no 250, plusieurs s'en sont rendu compte — a également besoin d'information. Le grand public est en droit d'attendre des services de ces professionnels. Le grand public a également le droit de savoir exactement dans quel sens le ministère des Affaires sociales s'oriente, car il est conscient que demain, peut-être, il n'aura plus les services qui lui étaient offerts ou qui étaient à sa disposition.

Le grand public, je pense qu'il faut plus que jamais en tenir compte. Et s'il y a un temps où c'est nécessaire parce que cette loi touche pratiquement tout le monde indirectement, c'est justement sur cette loi à un temps bien précis, aujourd'hui.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que nous discutons de la pénurie de services dans certaines régions. Et si le Code des professions ne vient pas pallier cette lacune, ce code a beaucoup moins sa raison d'être.

Je répète: Prenons le temps de faire un projet de loi qui réponde aux besoins de 1973, et encore une fois, permettons donc à ce qui est en place d'exercer légalement ce qui est fait actuellement et ce qu'il est bon de conserver. Ce grand chambardement du monde professionnel, s'il a soulevé autant de critiques c'est qu'il ne plaît ni aux professionnels ni à la population.

Le député de Beauce l'a mentionné, c'est probablement le premier projet de loi qui fait qu'il y a autant de personnes dans le monde professionnel, en particulier pour ce cas, qui sont mécontentes. Pourquoi ce mécontentement général? La population se pose cette question. Et nous devons exiger du ministre qu'il prenne le temps de nous le dire.

Nous devons exiger, comme membres de l'Opposition, que les corps professionnels prennent également le temps d'expliquer à la population ce qui se passe. Bien sûr que d'autres ajouteront à ce que j'ai déjà dit, d'autres viendront compléter, parce qu'on ne peut pas tout dire.

Est-ce que le Code des professions — dans sa nouvelle présentation — va permettre de meilleurs services, une plus grande accessibilité aux services? Ce sont des questions qui m'ont été posées, encore aujourd'hui, par téléphone, par des citoyens de mon comté et d'ailleurs. C'est

donc un signe que cette population n'est pas suffisamment renseignée, qu'elle se pose de grandes questions.

Voilà pourquoi nous devons accepter la motion du député de Beauce, et je pense qu'un délai de trois mois n'est pas trop long pour permettre au législateur de scruter ce projet davantage avant de commettre des erreurs.

En terminant, je suggère au ministre de lire avec grande attention la motion du député de Beauce, et je suis convaincu que ce sera en même temps une chance inouïe pour le ministre de corriger son projet de loi, de le faire plus parfait, et d'écouter davantage. Ecouter d'abord, parler ensuite, c'est ce que nous faisons.

Et je suis convaincu, quant à tous les dangers qui ont été soulevés dans cette loi, que dans trois mois supplémentaires, les groupes qui ont quelque chose à dire concernant cette loi auraient le temps de le dire, parce que c'est leur droit. Il est toujours trop tôt pour pénaliser d'une façon ou d'une autre les citoyens du Québec.

M. le Président, j'appuie entièrement la motion du député de Beauce et je serai nécessairement dans l'obligation de voter pour.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, nous sommes actuellement à étudier le projet de loi 250, Code des professions. En vertu des dispositions de notre règlement, soit l'article 123, le député de Beauce vient de présenter une motion dilatoire dans un but que lui-même n'a pu exposer en raison du délai qui lui était accordé pour soutenir sa motion par des arguments que vient de nous signaler le député de Dorchester.

Je dois vous avouer que je n'ai pas trop compris pour quelle raison le député de Dorchester appuierait la motion du leader parlementaire du Ralliement créditiste, le député de Beauce. Au cours de ses remarques, il a même invité le ministre à aller à son bureau pour prendre connaissance de toute la correspondance, des documents, des télégrammes, des lettres qu'il reçoit. Je crois que la situation du député de Beauce n'est ni personnelle ni exclusive. Il faut distinguer entre le code des professions et chacune des lois spécifiques que nous serons appelés à étudier plus tard. Les lettres, télégrammes, conversations, visites, rencontres que nous avons, que nous recevons, sont dirigés vers tel ou tel projet de loi et les représentations qui nous sont faites ne sont pas à rencontre du code des professions.

D'ailleurs, M. le Président, j'ai écouté le député de Dorchester nous dire: Durant ce délai de trois mois, nous aurions l'avantage, nous membres de la commission ad hoc de l'Assemblée nationale ainsi que les députés d'entendre d'autres mémoires des membres des corpora- tions. C'est justement là, M. le Président, que ça ne pourrait pas se faire. Si la motion était reçue ou votée majoritairement par l'Assemblée nationale, il y aurait quand même la pertinence d'un débat devant la commission parlementaire ad hoc qui ne permettrait pas de recevoir les membres de chacune des corporations professionnelles pour nous exposer la nécessité, le besoin, l'avantage, l'impératif qu'il y aurait de corriger, par exemple, la loi médicale, celles du notariat, du Barreau, de la chiropraxie, ainsi de suite. Si cette motion était reçue, nous ne pourrions considérer que les mémoires des corporations ou des individus qui viendraient nous donner des raisons pour lesquelles le projet de loi 250 n'est pas complet, ne devrait pas être immédiatement voté par l'Assemblée nationale.

C'est ça, à toutes fins pratiques, la portée de la motion du député de Beauce. Or, M. le Président, si je me réfère au feuilleton du jour, j'y relève toute une série de lois. Tout simplement, je veux vous les signaler: 251, Loi modifiant la loi du Barreau; 252, Loi médicale; 253, Loi modifiant la loi du notariat. Je m'excuse si je récite toutes ces lois; c'est parce que j'aurai à faire des commentaires, tout à l'heure, globalement au sujet de ces corporations.

Loi 254, Loi des dentistes; loi 256, Loi sur l'optométrie; 257, Loi modifiant la loi des médecins vétérinaires; 259, Loi des architectes; 262, Loi modifiant la loi des ingénieurs forestiers; 263, Loi modifiant la loi des chimistes professionnels; 260, Loi modifiant la loi des ingénieurs; 261, Loi des arpenteurs-géomètres; 258, Loi des agronomes; 255, Loi sur la pharmacie, et 264, Loi des comptables agréés. Quatorze corporations professionnelles dont je viens de donner la liste.

Or, il arrive, M. le Président, que ces quatorze corporations professionnelles sont membres du Conseil interprofessionnel du Québec. Le Conseil interprofessionnel du Québec nous a fait parvenir récemment un mémoire et j'y lis, entre autres ce qui suit: "Ce mémoire est le résultat d'un examen collectif du projet révisé du code des professions et représente le consensus des 22 corporations professionnelles qui composent le Conseil interprofessionnel du Québec.

Je vais en donner la liste. Je n'aurai pas grand mérite, M. le Président, en ce faisant, mais je voudrais que ce soit inscrit au journal des Débats, La liste de ces corporations professionnelles est la suivante: arpenteurs-géomètres, association des architectes, Chambre des notaires, Collège des chirurgiens dentistes, Collège des médecins et chirurgiens, Collège des médecin vétérinaires, Collège des optométristes, Collège des pharmaciens, Conseil général du Barreau, Corporation des administrateurs agréés, Corporation des agronomes, Corporation des chimistes, Corporation des conseillers d'orientation professionnelle, Corporation des diété-

tistes, Corporation des ingénieurs, Corporation des ingénieurs forestiers, Corporation des psychologues, Corporation des travailleurs sociaux et professionnels, Corporation des urbanistes, Institut des comptables agréés, Société des conseils en relations industrielles, Société d'orthophonie et d'audiologie.

De ces 22 corporations, les 14 dont j'ai donné la liste et qui figurent au feuilleton du jour sont membres du Conseil interprofessionnel du Québec. Manque de consultation, nous déclare l'honorable député de Dorchester. Le Conseil interprofessionnel nous fait rapport sur la représentation commune des différentes corporations dont je viens de vous donner la liste et il exprime l'opinion de 50,000 professionnels qui, par leur exécutif, ont pris connaissance du projet de loi réimprimé du ministre des Affaires sociales, la loi 250.

La très grande majorité des corporations professionnelles, sinon toutes, dit le mémoire, ont décidé de ne pas se prononcer directement sur ce projet modifié, laissant au Conseil interprofessionnel du Québec le soin de le faire en leur nom. Commission parlementaire en regard des dispositions de la loi 250; pour quelles fins? Pourquoi? Pour quelle utilité, quelle nécessité, quelle urgence? Cinquante mille professionnels, 22 corporations professionnelles ont accueilli avec satisfaction des modifications déjà apportées par l'honorable ministre des Affaires sociales et reconnaissent l'effort que la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles et lui-même ont déployé pour écouter et comprendre le sens profond de leurs objections principales.

Il faut se rappeler dans quelle évolution législative la commission ad hoc a travaillé. Nous avons eu d'abord la première version du projet de loi 250 et nous avons commencé à entendre des mémoires. Nous en avons entendu, de ces organismes, corps intermédiaires, corps professionnels, 105 à la commission parlementaire ad hoc. De plus, 34 mémoires ont été déposés. Par conséquent, 139 organismes, associations ou corps professionnels se sont fait entendre ou ont déposé un mémoire. Vous-même, M. le Président, vous aviez à ce moment-là la responsabilité de présider notre commission parlementaire, vous vous rappelez les pressions qu'exerçait le Barreau sur ses membres aux fins de s'opposer au code des professions, première version.

Sous la pression des membres de la commission parlementaire, à la lumière des mémoires qui nous furent présentés, le ministre nous a fait part, le 14 septembre, si ma mémoire est bonne — mais c'est en septembre 1972 — de modifications importantes à son projet de loi qui a créé l'unanimité ou presque de toutes les corporations professionnelles, y compris le Barreau.

Je crois que mon collègue, le député de Montmagny, a joué un très grand rôle dans cette évolution législative qui, finalement, a poussé le ministre des Affaires sociales à nous donner les grandes lignes d'un projet de loi qu'il devait réimprimer et dont la distribution nous a été faite au mois de décembre.

Par conséquent, quelle utilité pourra apporter un délai de trois mois? Quels avantages en retireraient les professionnels, si ce projet de loi était reporté à trois mois pour son adoption par l'Assemblée nationale? Je me répète: il faut dissocier le Code des professions de toutes les lois spécifiques qui font l'objet des représentations, des démarches, des mémoires, des télégrammes, de la correspondance, des entrevues, des appels téléphoniques que tous les députés reçoivent tant du côté du parti au pouvoir que des partis de l'Opposition.

A toutes fins pratiques, supposons que la commission parlementaire se réunit à nouveau pour entendre les corps professionnels sur le bill no 250. Qu'est-ce qu'ils viendraient nous dire? Ils viendraient nous dire ce qui est compris dans le mémoire que nous a présenté le Conseil interprofessionnel du Québec. Ils ne viendraient sûrement pas nous dire qu'ils sont maintenant contre, puisque 22 corporations professionnelles, parlant au nom de 50,000 membres, acceptent la nouvelle version du projet de loi. Je ne dis pas que la loi est parfaite. J'aurai l'occasion d'y revenir en deuxième lecture. J'avais l'intention de ne pas parler et d'ailleurs, je me garde bien de sortir des règles de la pertinence du débat actuel. Je m'en tiens exclusivement à cela.

Je puis vous dire que les membres de nos corporations professionnelles en ont assez d'exercer des pressions sur le ministre, sur ses sous-ministres, auprès des députés ministériels, auprès des députés de l'Opposition. Les professionnels en ont assez d'être à la merci de l'Assemblée nationale pour savoir quel sera leur champ d'activité professionnelle demain, qu'ils soient notaires, avocats, ingénieurs, chiropra-ticiens, médecins, qu'ils soient de toutes les professions. Ce qu'ils demandent à la députation, en général, c'est de corriger notre loi corporative.

Ils ne nous parlent pas du bill no 250. La loi no 250 est acceptée par les professionnels, avec des modifications suggérées, cependant. Par conséquent, si l'on a suivi l'évolution législative du projet de loi no 250, si nous analysons les avantages qu'il y aurait à faire siéger à nouveau la commission parlementaire pour entendre les corporations professionnelles venir nous dire ce qu'elles nous ont déjà communiqué, c'est de la perte de temps. Cela deviendrait inutile. Ce n'est pas nécessaire. C'est une motion que je ne qualifierai pas de politique partisane.

Non, je n'ai pas le droit de le dire. C'est pourquoi je ne le fais pas. Mais je dis que nos professionnels et la population veulent que nous agissions. Pour une fois que le gouvernement n'attend pas que le feu soit pris, donnons-lui la chance d'aller de l'avant. Lorsque nous en viendrons à l'analyse des lois spécifiques, j'es-

père que mon distingué et honorable ami, le ministre des Affaires sociales, gardera le sourire qui s'épanouit sur sa figure immédiatement. Enfin, il a trouvé quelqu'un, un groupe parlementaire important pour l'appuyer dans sa loi, le projet de loi 250! C'est pourquoi, avec regret, sans reproche â mes honorables amis du Ralliement créditiste, je dois vous dire que nous voterons contre la motion de l'honorable député de Beauce.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, en quelques minutes, je voudrais dégonfler le ballon noir qu'essaie de souffler le Ralliement créditiste, de la façon inepte, infantile et vaine qui lui est maintenant habituelle.

Vouloir prétendre que nous n'avons pas eu assez de temps pour examiner les tenants et aboutissants de ce projet de loi équivaut à une effronterie majeure et à une véritable escroquerie politique. En effet, le rapport...

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement. J'ai beaucoup de respect pour l'honorable député de Bourget. L'honorable député de Bourget aura beau penser ce qu'il voudra, mais je n'accepterai pas, au nom de mon groupe parlementaire, qu'on nous considère comme des escrocs politiques. Nous avons droit à nos opinions. Nous avons un programme. Nous sommes capables de prendre nos responsabilités et nous les avons prises. Lorsque le Parti québécois présente une motion qui ne fait pas notre affaire, nous nous levons et nous donnons les raisons pour lesquelles nous n'appuyons pas sa motion. Mais jamais, M. le Président, nous avons porté l'indécence et l'irrespect des collègues de l'Assemblée nationale au point de les traiter d'escrocs. Je demanderais à l'honorable député de Bourget de retirer ses paroles.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre!

M. LESSARD: Il n'a rien compris.

M. LAURIN: M. le Président, sur le point de règlement, je pense avoir le droit d'émettre une opinion sur une intervention de quelque parti politique que ce soit en cette Chambre. Je ne me suis attaqué à aucune personne en particulier et, je pense, jusqu'à nouvel ordre, avoir droit à mon opinion.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Je vais rendre une décision dans le même sens que celle que j'ai rendue ce matin. Ici, on est dans un champ politique. On attaque les partis. Si on attaque les personnes indivi- duellement, par des mots antiparlementaires, c'est une autre chose. Mais, quand on attaque une formation politique, c'est pour cela que nous sommes ici.

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur la même question de règlement. Il y a quand même une question d'éthique, une question de gentilhommerie à l'Assemblée nationale. Lorsque l'on considère un groupe parlementaire comme un groupe d'escrocs politiques, je pense qu'on fait violation des droits des parlementaires. M. le Président, si l'honorable député de Bourget refuse de retirer ses paroles...

M. LESSARD: A l'ordre.

M. ROY (Beauce): ... nous allons revenir sur le sujet...

M. LESSARD: M. le Président, vous avez rendu votre décision et il n'a rien compris.

M. ROY (Beauce): ... en invoquant la motion de violation du privilège des députés.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Cela est une autre affaire. Pour le moment, j'ai rendu une décision qui est dans le même sens que celle que j'ai rendue ce matin et je suis encore du même avis.

M. LAURIN: M. le Président, je voulais juger un acte et non pas des personnes. Reprenant le fil de mon propos, tous les députés de cette Chambre ainsi que l'opinion publique, se souviendront que le rapport de la commission Castonguay-Nepveu sur les professions a été déposé en août 1970 et que le projet de loi 250 ne fait que reprendre, presque dans leur entier, les recommandations majeures de ce document extrêmement important.

Nous savons également que l'analyse très exhaustive de Me Sheppard a paru à peu près dans le même temps et que nous avons eu tout le temps nécessaire pour analyser les faits et les recommandations qui pouvaient en découler.

Il faut se rappeler également que la première version du projet de loi a été déposée en décembre 1971, que la deuxième version l'a été en septembre 1972, que la commission parlementaire a siégé durant 112 heures et 22 minutes, qu'elle a tenu 24 séances, que nous avons pu entendre 105 mémoires, que le ministre a modifié son projet de loi à la suite de représentations qui lui ont été faites, que nous avons eu plusieurs mois pour étudier cette deuxième version et que depuis qu'elle a été déposée, nous avons été soumis, comme le disait le député de Maskinongé, à toutes sortes de pressions de groupes qui, très justement, exerçaient leurs droits et essayaient de nous convaincre du bien-fondé de leurs recommandations.

Pour notre part, nous estimons que notre

lanterne est suffisamment éclairée et que le temps est venu — nous en sommes d'ailleurs parfaitement capables — d'exprimer notre opinion définitive à ce sujet. Si l'entendement créditiste demeure encore bouché, cela est un cas d'exception, M. le Président, et je ne crois pas que l'on puisse élever cette infirmité à l'état de règle générale.

Par ailleurs, M. le Président, les raisons qu'invoque le député de Dorchester quant au fond, il a eu l'occasion de les faire valoir dans son exposé de deuxième lecture et je ne vois pas pourquoi il voudrait y revenir pour appuyer sa motion, qui n'est que dilatoire. Tous les observateurs désintéressés et les professionnels eux-mêmes sont maintenant convaincus que le code des professions n'est pas un code contre les professions, n'est pas un code antiprofessionnel, ne constitue pas une attaque contre les corporations elles-mêmes, puisque le ministre a dit lui-même, dans son exposé de deuxième lecture — et c'est très évident dans le projet de loi — qu'il s'agit simplement d'asseoir, d'une façon plus solide, cohérente et éclairée, l'action magnifique que les corporations ont pu mener dans le passé et d'adapter cette action aux conditions actuelles. Je ne crois donc pas que le prétexte faux que ce projet de loi s'attaque aux corporations, doive être pris à la lettre et qu'on cède ainsi encore une fois aux préjugés. Je préfère croire, avec tous les observateurs désintéressés, qu'il s'agit ici simplement d'une mise à jour, d'une uniformisation du régime juridique des professions, d'une rationalisation qui n'a que trop tardé et dont toutes les professions aussi bien que le public sauront profiter.

Ceci ne veut pas dire, M. le Président, que je suis d'avis que ce projet de loi est parfait. Je suis bien prêt à admettre qu'il puisse encore comporter quelques imperfections ou quelques injustices mais ce n'est pas par une motion dilatoire, ce n'est pas par une extension indéfinie de la période de temps consacrée à la discussion que nous pourrons les corriger. Nous avons maintenant tous les éléments en main. Lorsque commencera l'étude en commission plénière, nous ferons valoir tous les documents que nous possédons, toutes les recommandations, les éclairages qui nous ont été donnés pour, précisément, essayer d'améliorer ce projet de loi dans le sens de l'intérêt public.

Remarquez, M. le Président, que je ne m'étonne qu'à demi que cette motion dilatoire ait été présentée. Lorsqu'il est devenu évident que certaines parties de l'opinion élèvent l'immobilisme et la régression â l'état de philosophie, lorsqu'il est devenu évident qu'on apporte son appui à tous les mouvements ou à toutes les tendances qui voudraient ramener le Québec à l'ère du tribalisme et du folklore, lorsqu'on se rend compte qu'il existe, dans notre société, des factions qui se font une mission de cultiver les préjugés et le mécontentement populaires, qui se font une sorte de spécialité d'aviver les plaies de notre société pour des fins politiques, lorsqu'on sent que, dans notre société, il y a des courants sociaux qui n'aspirent à rien d'autre qu'à la négation du progrès et à s'opposer à toutes les lois qui sont à la fois progressives et progressistes.

Il n'est pas étonnant qu'un groupe politique qui prétend incarner et exploiter ces courants sociaux se prononce contre toutes les lois qui voudraient apporter à notre société l'aération et la rationalité dont elle a besoin.

On sent très bien, derrière l'opposition de principe en deuxième lecture comme derrière cette motion, qu'il y a une méfiance de l'Etat poussée à un point tel qu'on voudrait faire revenir la société québécoise à un état d'anarchie dont pourraient ne profiter que les fauteurs de trouble et de désordre.

Je pense que tout ce que mérite cette motion dilatoire c'est d'être connue et exposée dans ses tenants et aboutissants afin que le parti qui a osé la présenter soit cloué une fois pour toutes au pilori de l'opinion publique.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: C'est avec un peu de surprise que je viens d'entendre l'honorable député de Bourget souhaiter que nous soyons cloués au pilori. J'ai eu l'impression qu'il avait à redire des paroles en provenance de quelqu'un d'autre. C'est drôle, quand ça fait son affaire à lui, qu'il n'ait pas peur de dire la même chose.

Cela ne nous surprend pas du tout que le Parti québécois vienne aider le gouvernement dans un moment comme ça. Cela ne nous surprend pas plus aujourd'hui que ça nous surprenait déjà, car il arrive souvent que le Parti québécois soit là pour servir de béquille au ministère des Affaires sociales.

Lorsque mon collègue de Beauce a présenté une motion pour demander le renvoi du bill 250 à trois mois, il faut comprendre qu'il aurait pu, s'il avait eu le temps de le faire, invoquer beaucoup d'arguments pour démontrer la validité de sa motion.

Nous avons devant nous une réimpression d'un bill. Ce n'est pas la première fois que ça arrive, d'ailleurs. Le gouvernement semble se spécialiser dans les réimpressions. On se demande s'il ne serait pas mieux d'exploiter une imprimerie plutôt que l'administration publique.

J'ai entendu avec beaucoup d'intérêt les paroles du député de Maskinongé, qui nous a fait remarquer que les professionnels s'intéressaient — je ne sais pas si ce sont ses paroles exactes, mais de toute façon ça voulait dire à peu près ça — beaucoup plus aux bills qui suivent le bill 250 qu'au bill 250 lui-même. Selon ce que j'ai cru comprendre, le conseil interprofessionnel aurait mentionné sa satisfaction du bill 250.

Ce qu'il faut comprendre c'est que les lois qui suivent la loi 250 sont des lois au sujet desquelles plusieurs représentants des corporations professionnelles nous ont fait part de leur désir de voir retardées plutôt que d'être acceptées dans leur forme actuelle.

Si on considère que les lois qui suivent la loi 250 ne font pas l'affaire, ne donnent pas satisfaction â certaines corporations, si on laisse passer le bill 250 trop vite qu'est-ce qui arrivera? Vous n'êtes pas sans savoir qu'actuellement les membres de l'Assemblée nationale sont en quelque sorte en liberté surveillée, puisque nous devons siéger en vertu de la motion omnibus. A chaque fin de session c'est la même chose. Le gouvernement prend son temps quand on commence la session, ordinairement en février; il y a le discours inaugural, le discours du budget, etc. On sait que pour les deux ou trois premiers mois ça ne presse pas.

On nous fait siéger tant bien que mal, le gouvernement n'est pas prêt. Mais quand arrive la fin de la session c'est donc pressant.

Cette année, même avec la motion omnibus en décembre, on n'a pas pu adopter la loi 250 et les lois suivantes. On doit revenir en 1973 pour finir cette session et on est obligé, depuis ce matin, de siéger de 10 heures le matin à minuit, peut-être même le lundi, peut-être même le samedi. On considère que c'est une raison très valable, quand on est sous l'effet d'une telle motion. Quand on nous oblige, comme à chaque fin de session, à travailler à la vapeur, M. le Président, pas plus le ministre des Affaires sociales que les autres ministres ne peut nous dire que les députés ont le loisir d'étudier tout cela à tête reposée; pas plus le ministre des Affaires sociales que les autres ministres ne peut nous dire que les représentants des corporations et la population se sont fait entendre.

Nous devons penser aux représentants des corporations, mais nous devons penser également à la population parce que les corporations professionnelles existent en vertu de services à rendre au public, et le public, quoiqu'il y ait eu beaucoup de mémoires devant la commission parlementaire, quoique depuis longtemps on en parle, nous pouvons constater, ceux qui sont près de la population, que depuis dernièrement nous trouvons un intérêt particulier dans le public concernant le Code des professions. Comment se fait-il que cet intérêt du public ne soit pas arrivé avant? Pour plusieurs raisons, peut-être." Le fait demeure, c'est que depuis quelques semaines seulement, on a à nos bureaux des visites non de représentants de corporations professionnelles — évidemment, on en a eu de toutes les corporations — mais du public qui vient nous donner son opinion. Etant donné que les corporations professionnelles existent en vertu des services à rendre au public, nous devons aussi permettre au public de dire son mot.

Les media d'information nous disent que dans la population certaines pétitions se prépa- rent concernant des lois qui font suite à la loi 250. Evidemment, si on l'adopte trop vite, je n'ai pas besoin de vous dire que le gouvernement qui est pressé d'adopter la loi 250 est aussi pressé d'adopter les autres. Le ministre, la semaine dernière, à l'occasion d'un débat, faisait allusion au fait que quelqu'un l'a qualifié un jour de socialiste pressé; je n'ai pas l'intention de le qualifier de socialiste pressé aujourd'hui mais s'il continue, cela peut arriver qu'en plus de dire que dans son ministère on veut établir le socialisme au Québec, ça se peut qu'on dise qu'ils sont pressés. Cela se peut qu'on en vienne à dire qu'ils sont de plus en plus pressés.

M. CASTONGUAY: M. le Président, une question de règlement. Ce que le député allègue présentement n'a absolument rien en rapport avec la pertinence du débat en cours et j'espère que vous allez le rappeler à l'ordre s'il recommence.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Procédez!

M. SAMSON: M. le Président, je n'ai rien entendu de ce que le ministre vient de dire. C'est comme d'habitude, il est hors du débat. M. le Président, on a permis à tous les opinants de donner des raisons, de faire des références, de donner des exemples. Je sais que le ministre n'aime pas qu'on le cite en exemple et nous non plus parce que ce n'est pas le meilleur exemple à citer mais, que voulez-vous, il faut prendre ce qu'on a comme exemple. On n'a pas mieux que ça dans le moment. M. le Président, quand on parle de socialiste pressé, c'est justement parce que ces bills se réfèrent à cela; c'est justement parce que nous ne sommes pas pressés et que nous ne sommes pas socialistes que nous pensons qu'il vaudrait mieux attendre un peu, et la population aussi.

Nous avons eu, et vous-même, M. le Président, probablement dans votre comté, des visites de personnes qui ont dit: Dans tel domaine, concernant telle profession, concernant telle autre profession, on aimerait mieux ça comme ça, on voudrait ça comme ça, pourquoi ne le faites-vous pas comme ça. Pourquoi? Parce que ça presse, au gouvernement, c'est parce qu'on ne veut pas donner le temps à l'opposition, on ne veut pas donner le temps à la population de renseigner l'opposition.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre!

Votre temps est terminé.

M. SAMSON: Déjà?

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Oui, déjà!

M. SAMSON: Cela allait si bien. Est-ce que vous me permettez de vous dire, M. le Président, que, pour les raisons que je viens de mentionner et pour d'autres raisons que je n'ai pas le temps de vous dire, nous allons appuyer la motion du député de Beauce? Quant à nous, ça ne presse pas pour adopter ce genre de bill socialiste.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Encore une fois, M. le Président, nous sommes, comme nous l'étions ce matin, en présence d'une motion que je qualifierai de bizarre, bizarre dans son intention et bizarre aussi en ce qui a trait aux arguments qui voudraient la soutenir. Cette motion ou, pour parler plus correctement, cette proposition dilatoire est présentée précisément par des gens qui en ont toujours contre les rapports commandés par le gouvernement.

Or, il arrive que le gouvernement a commandé, il y a déjà pas mal d'années, un rapport, celui de la commission Castonguay-Nepveu, qui a été suivi de diverses études dont l'objectif était d'en arriver à réaménager le domaine de la santé et à réaménager spécifiquement, dans le cas qui nous occupe, le secteur général des professions. Donc, il y a un illogisme assez évident dans l'attitude d'un parti qui prétend que le gouvernement étudie trop longtemps et qui voudrait encore prolonger ces études aujourd'hui par le biais de la motion dilatoire qui nous est soumise.

Je crois, M. le Président, que ceux qui ont été attentifs aux discussions qui on été menées pendant des jours, des heures et des heures à la commission parlementaire ad hoc, s'ils ont quelque intelligence du problème, ont suffisamment d'éléments pour porter un jugement de valeur, un jugement responsable sur le projet de loi que nous demande d'agréer le ministre des Affaires sociales.

Mon collègue, le député de Montmagny, dans son discours de deuxième lecture, a rappelé le nombre de mémoires qui avaient été entendus, le nombre d'organismes qui étaient venus devant nous. Il a fait mention, notamment, des heures que nous avions passées à étudier ce projet de loi. On nous dit: Bien, le projet de loi a été réimprimé. D'accord. Il a été réimprimé, mais il a été réimprimé à partir des suggestions qui avaient été faites, à ce moment-là, en commission parlementaire. Il se peut fort bien que certaines des dispositions du projet de loi ne satisfassent point à tous égards les organismes qui sont venus devant nous. On ne peut contenter tout le monde et son père. La responsabilité des parlementaires, c'est précisément, après avoir pris un temps assez long pour la consultation, de poser des gestes dont ils deviennent responsables.

Je crois qu'en tout état de cause, M. le Président, à ce stade-ci de nos débats, chaque député de l'Assemblée nationale, qui a suivi les discussions auxquelles je faisais allusion tout à l'heure, qui a étudié le rapport de la commission Castonguay-Nepveu et qui a fait l'analyse de l'étude de Me Sheppard, est en mesure de se prononcer, c'est-à-dire de prendre ses responsabilités.

Nous aurons à dire oui ou non au projet de loi du ministre. Nous aurons, ensuite, après l'adoption en deuxième lecture, l'occasion à nouveau de nous pencher sur la question, puisqu'il nous sera possible de réexaminer tout le problème lors de l'étude article par article, et de faire valoir justement certaines des représentations qui nous ont été soumises par le Conseil interprofessionnel du Québec.

Je voudrais rappeler ici ce que disait mon collègue, le député de Maskinongé: Il faut faire une distinction très nette entre le projet de loi 250 et la suite des autres lois qui nous seront soumises par le ministre des Affaires sociales, qui font justement l'objet de ces visites, de ces rencontres, des télégrammes et des lettres que nous recevons.

Je puis, pour ma part, vous dire que la grande majorité des représentations que j'ai reçues me sont venues de certaines personnes auxquelles on avait envoyé des formules toutes imprimées, me demandant de me prononcer contre un des projets de loi qui sera soumis à l'attention des législateurs. J'ai répondu à ces personnes, à chacune d'elles, qu'en temps utile, lorsque le problème nous serait soumis ici sous la forme d'un projet de loi spécifique, nous ferions connaître notre opinion.

Il s'agit maintenant du projet de loi 250. Nous y avons consacré beaucoup de temps et je suis sûr que les gens qui ont présenté cette motion dilatoire et qui en ont marre de toutes les commandes de rapports que le gouvernement passe sont désireux de passer aux actes. Ils en ont l'occasion cet après-midi et, au lieu de nous présenter une motion qui n'a aucune sorte d'utilité, ils devraient plutôt s'asseoir, faire un effort de réflexion pour tenter de saisir la substance du projet de loi, si tant est qu'ils ne l'aient point fait encore jusqu'à présent, de porter un jugement et d'en porter la responsabilité.

M. le Président, je termine en vous disant que les législateurs ont aujourd'hui un rôle très complexe; ils sont obligés d'engager tous les jours le dialogue avec les citoyens qui sont les bénéficiaires ou les victimes des lois mais tout dialogue doit aboutir à une conclusion. Le dialogue que le ministre, ses collègues et nous-mêmes avons engagé et poursuivi avec les citoyens est terminé; il est donc temps d'adopter le projet de loi 250.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard M. LESSARD: M. le Président, quelques

mots sur cette motion qui nous est présentée par le Ralliement créditiste. Lorsque j'entends, depuis quelque temps, les députés du Ralliement créditiste, je pense toujours à cette phrase que lançait, il y a quelques semaines, le nouveau chef du Ralliement créditiste, M. Dupuis, qu'il vaut mieux avoir des enfants ignorants que des enfants pourris.

A entendre les députés créditistes nous constatons de plus en plus qu'ils sont plutôt allés à l'école d'Yvon Dupuis et qu'ils ne comprennent plus rien de ce qui se passe à l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas de mépriser l'ignorance ou certaines personnes qui refusent le système actuel et qui refusent le système d'éducation. Mais il faudrait que ces gens se mettent en tête que nous ne vivons plus aujourd'hui au XIX siècle. Les gens qui représentent la population ici à l'Assemblée nationale, les gens qui ont eu l'occasion d'entendre, en particulier sur le projet de loi 250, des centaines de mémoires, depuis décembre 1971, date du dépôt du projet de loi 250, il me semble que ces députés ont eu le temps de comprendre ce qu'il y avait dans ces différents mémoires, ce qu'il y avait dans cette loi. On dirait qu'ils n'ont encore rien compris. Depuis quelque temps, ces gens nous parlent du retour à la revanche des berceaux, du retour à l'école de rang, du retour à la terre, du retour à l'ignorance, du retour à la société traditionnelle. Il faut quand même avancer. Ces gens parlent toujours d'un retour en arrière, ils ne parlent jamais du futur. Ces gens parlent toujours du passé et jamais de l'avenir. Ces gens critiquent continuellement ce qui se fait à l'Assemblée nationale, ils critiquent continuellement, par exemple, les quantités de commissions parlementaires créées pour étudier divers problèmes. Ces gens-là nous disent: C'est le temps qu'on passe à l'action. Fini, les commissions parlementaires, il est temps qu'on agisse.

Après plusieurs mois d'étude, après plusieurs mois de discussion sur le projet de loi important, sur un projet de loi qui présente certaines réformes, ces gens, encore aussi illogiques qu'ils le sont depuis qu'ils sont représentants de leur comté à l'Assemblée nationale, nous disent: On va encore étudier pendant trois mois. On va étudier constamment. Mais vous ne vous apercevez même pas de l'illogisme de vos positions depuis quelque temps, de l'illogisme de choses que vous affirmez à l'intérieur de l'Assemblée nationale. C'est encore pire depuis leur dernier congrès à la "chefferie", qui était plutôt une foire qu'un véritable congrès.

Mais qu'est-ce que vous avez à nous présenter? Qu'est-ce que vous voulez? Quelle proposition positive voulez-vous faire dans les trois prochains mois, au cours desquels nous allons encore entendre des mémoires? Tous les organismes, toutes les corporations ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue auprès du ministre, à la commission parlementaire, auprès des 108 députés de l'Assemblée nationale et c'est des dizaines d'appels téléphoniques que nous recevons tous les jours des différentes corporations qui veulent nous rencontrer. Mais quand vous déciderez-vous d'agir? Je comprends que si vous attendez que les 6 millions de Québécois soient contents avant d'agir, vous n'agirez jamais. Ce serait cela un gouvernement du Ralliement créditiste? Ce serait cela le gouvernement que vous prônez? Ce serait un drôle de gouvernement. D'ailleurs, on le sait, ce serait un gouvernement qui ne serait jamais capable de régler les problèmes sociaux du Québec.

M. ROY (Beauce): Un point d'ordre, M. le Président.

M. LESSARD: Vous n'avez aucune politique en ce sens-là.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre!

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement. J'ai remarqué tout à l'heure qu'on a invoqué la pertinence du débat. Je constate que le député de Saguenay, au lieu de dire pourquoi il rejette la motion que j'ai proposée, fait une analyse de notre parti politique.

Je vous inviterais, M. le Président, à lui rappeler certaines dispositions de notre règlement de façon qu'il s'en tienne au sujet même de la motion. S'il veut se livrer à un débat politique pour permettre au Ralliement créditiste ou au Parti québécois de faire des comparaisons, j'aimerais qu'on nous permette de faire la même analyse et qu'on nous accorde les mêmes privilèges.

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement, le député de Saguenay est tout simplement en train de démontrer l'illogisme de la motion déposée. Il est en train de dire que cela ne tient pas debout et que c'est ce genre de gouvernement que le Ralliement créditiste nous donnerait si, éventuellement, il prenait le pouvoir.

M. ROY (Beauce): Je vous ferai remarquer, M. le Président, que non seulement il a parlé de la motion, mais il a touché au congrès, au parti et à toutes sortes de domaines qui n'avaient rien à voir avec la motion.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre! Je trouve qu'il a fait un lien entre ses remarques sur le congrès, sur le parti politique et la motion. C'est le but de ce débat...

M. LESSARD: Je me demande combien d'heures de travail cela va prendre à ces députés pour comprendre les lois qui sont déposées à l'Assemblée nationale. Combien de temps cela va leur prendre pour comprendre la noi no 250.

Après 112 heures de débat, comme le disait tout à l'heure le député de Bourget, après deux ans environ de discussion en commission parlementaire, après avoir lu plus de 100 mémoires, ces gens n'ont pas encore compris...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela veut dire qu'ils ne comprendront jamais.

M. LESSARD: ... et veulent attendre encore trois mois pour réétudier, comme le disait le député de Maskinongé, pour réentendre probablement exactement les mêmes mémoires que les corporations ont déjà proposés. Elles ne vont pas modifier leur politique du jour au lendemain. Mais comment cela s'explique-t-il? J'ai l'impression que vous prenez la population québécoise pour ce que vous êtes. C'est justement...

M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement encore une fois.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Je sais que le député de Saguenay a la vue très courte et qu'il se permet de nous prêter des intentions. L'avenir va certainement lui démontrer qu'il est dans l'erreur et qu'il ne voit rien. Encore une fois, comme je ne veux pas embarquer dans ce genre de choses, je vous inviterais à demander à l'honorable député de Saguenay de discuter de la motion.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): J'invite le député à prendre la dernière minute pour discuter de la motion.

M. LESSARD: M. le Président, je dis qu'ils prennent la population québécoise pour ce qu'ils sont. La population québécoise est bien plus intelligente que ça. Elle a eu le temps, au cours des deux ans pendant lesquels on a discuté de ce projet de loi, de prendre conscience de ce qu'est ce projet de loi, au niveau des organismes de pression, parce qu'on ne demande pas à chaque individu du Québec de venir présenter un mémoire au sujet des corporations. Cette population a déjà compris qu'il fallait faire des réformes et que ce n'est pas trois mois de plus qui vont nous permettre de faire de meilleures réformes.

M. le Président, je dis que non seulement ces gens sont illogiques, mais qu'ils continuent, depuis trois ans, depuis qu'ils sont à l'Assemblée nationale, à ne rien comprendre aux problèmes du Québec, en particulier depuis le congrès, depuis que M. Yvon Dupuis, qui vient d'un peu partout, est devenu chef. Vous êtes revenus aux bérets blancs de Gilberte Côté-Mercier. Revanche des berceaux! Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank) : A l'ordre ! A l'ordre ! Le député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, il me fait plaisir, à mon tour, de venir donner mon opinion relativement à la motion de renvoi à trois mois de ce projet de loi 250, intitulé Code des professions.

Je n'aborderai même pas ce qui fut discuté durant les dernières minutes tellement c'est folichon, tellement il ne faut pas en tenir compte, tellement on est rendu dans un affolement collectif de ce côté de la Chambre. Si nous revenons enfin, pour en discuter, à la motion de renvoi à trois mois, je dis ceci: Après avoir entendu autant de mémoires — d'ailleurs, ce fut cité; rien ne sert de répéter ces chiffres — nous voyons présentement, parce que nous sommes près du peuple, qu'il y a un mécontentement. Cette fois-ci, c'est un mécontentement collectif de tous les professionnels. Jamais, depuis la confédération, a-t-on vu autant de professionnels mécontents, dans un aussi court laps de temps, d'une action gouvernementale. A la suite de ce projet de loi no 250, des mémoires qui ont été présentés, des excellentes suggestions et des divers commentaires qui ont été apportés par les différents groupements, le ministre a dit: Oui, MM. les infirmiers, oui, MM. les professionnels de telle autre discipline. Oui et un grand "oui" continuellement. Mais, lorsqu'il a "réimpressionné" le projet de loi — je devrais dire réimprimé; je m'aperçois qu'il y a des grenouilles dans l'autre coin! — nous constatons, avec la plus grande stupeur, que l'honorable ministre n'a aucunement tenu compte des commentaires et des suggestions qui ont été apportés lors du dépôt des mémoires des différentes corporations et autres.

Or, c'est pour cette raison, étant donné que le ministre a fait la sourde oreille, que nous désirons que l'étude de ce projet de loi soit reportée à trois mois afin que ces mêmes professionnels reviennent devant la commission parlementaire pour présenter des arguments nouveaux, afin de faire comprendre à l'honorable ministre qu'il se trompe. Nous voulons lui donner, présentement, une chance inouïe et il ne veut pas la prendre. Les autres partis d'Opposition tombent dans ce panneau. Il y a un député, tout à l'heure, qui a dit que tous ceux qui ont comparu jusqu'à présent étaient en faveur du code des professions, étaient en faveur du contenu du code des professions. Malheureusement, je dois dire que c'est faux.

Il y en a qui se sont dits en faveur mais il y en a — et c'est la plus grande partie — qui voulaient apporter des changements majeurs non seulement à la loi connexe, selon leur profession donnée, mais également au niveau du code des professions. Or, je pense qu'un gouver-

nement responsable ne doit pas faire la sourde oreille dans un tel cas.

Je dis tout simplement aux professionnels de différentes disciplines: Messieurs les professionnels, je vois que présentement vous vous éveillez à la situation qui vous attend, demain, lorsque le code des professions sera adopté et sanctionné. Pourquoi, jusqu'à maintenant, n'étaient-ils pas tellement au courant? Je n'ai aucune accusation à porter contre les media d'information, parce qu'il y a tellement d'autres événements plus populaires, qui attirent davantage l'oeil, les sens. Il y a tellement d'autres choses dont on peut parler dans les journaux et à la radio qu'on a laissé de côté le code des professions, étant donné que c'est très technique et très complexe.

Ce n'est pas par la mauvaise volonté des media d'information, non, absolument pas. Mais il reste un fait. La population et les professionnels principalement ont été tellement peu renseignés jusqu'à maintenant qu'ils ne se sont rendu compte il y a quelques jours seulement dans quelle allée le gouvernement les alignait, pour l'avenir. Que sera leur devenir, aux professionnels? Ils savent qu'ils seront comme dans une prison, peut-être sans barreaux mais très surveillée par des personnes très dociles, très stylées, inspecteurs gouvernementaux et autres, qui regarderont, qui scruteront de très près tous leurs agissements.

M. le Président — je reviens à la motion avant que vous ne me rappeliez à l'ordre — je dis que l'honorable ministre ne doit pas, à ce moment-ci, faire un faux pas. Nous l'avertissons en conséquence, il doit faire reparaître devant la commission parlementaire beaucoup de ces professionnels qui, présentement, ne veulent absolument pas se laisser enchaîner à l'intérieur de ce carcan socialiste, d'où il sera certainement impossible de sortir. C'est tout simplement un billet pour l'abattoir mais pour aller seulement, pas de retour.

M. le Président, étant donné que nous sommes à la fin d'une session, qu'on nous fait travailler 16, 17 et 18 heures par jour, le gouvernement en profite, pensant que nous ne nous éveillerons pas, pensant que nous laisserons passer, comme du beurre dans la poêle, le bill en question. Mais non, encore là, il faut que le Ralliement créditiste du Québec se lève, comme il s'est levé souventefois dans le passé, pour avertir le gouvernement. L'honorable ministre des Affaires sociales sait que dans le passé on l'a averti de certaines choses à temps. D'ailleurs, il l'a constaté mais seulement six mois après. Mais il reste un fait. C'est qu'il l'a constaté un jour après.

De toute façon, nous nous voyons, à ce moment-ci, dans l'obligation d'agir ainsi. Ce n'est pas de gaieté de coeur que l'honorable député de Beauce demande de reporter à trois mois ce projet de loi. Ce n'est pas de gaieté de coeur pour ma part non plus et pour aucun de mes collègues du Ralliement créditiste. Mais c'est par devoir, par souci de faire en sorte que demain les professionnels puissent garder leur autonomie à l'intérieur de leurs corporations respectives et puissent réellement servir la population. C'est pour faire en sorte que les citoyens reçoivent les services qu'ils sont en droit d'attendre, tout en gardant chez ces professionnels la motivation qui leur sera enlevée avec ce carcan socialiste qu'est le bill 250.

DES VOIX: Vote, vote!

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. Aurèle Audet

M. AUDET: M. le Président, cette motion de reporter à trois mois le bill 250, je crois réellement que c'est en toute logique que le député de Beauce l'a présentée.

J'entendais tout à l'heure le député de Maskinongé dire que ce bill 250 n'était pas nécessairement le sujet sur lequel les corporations avaient à redire ou avaient des revendications à faire valoir.

Je crois que le député de Maskinongé n'est pas sans savoir — bon politicien comme il est — que le bill 250 a de grandes incidences sur tous les bills qui suivent. Donc, je crois réellement que ce bill 250 ferait l'objet d'un projet de loi dans toute la série, mais devrait être accepté le dernier. Aujourd'hui, les corporations professionnelles nous arrivent avec des revendications qui n'ont pas été entendues lors de la présentation des mémoires.

C'est bien beau de dire qu'il y a eu une centaine de mémoires...

M. BELAND: Sur un rappel au règlement, M. le Président, en vertu de l'article 25, voulez-vous rappeler les autres députés à l'ordre pendant qu'un député parle?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): La parole est au député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: C'est bien beau de dire qu'il y a eu cent mémoires, mais on ne les a pas écoutés. On n'en a pas tenu compte. Même cet après-midi, j'ai rencontré les représentants d'une corporation professionnelle qui me disaient qu'on a fait fi du mémoire qu'ils ont présenté à la commission parlementaire.

C'est pour cette raison, messieurs du Parti québécois, que nous voulons retarder de trois mois ce projet de loi. Justement parce qu'on n'a pas tenu compte de la volonté de ces corporations professionnelles. Allez-vous comprendre pourquoi nous voulons le reporter à trois mois? Beaucoup des mémoires n'ont pas été entendus, ni respectés. Qu'est-ce que vous dites de ça? Est-ce que c'est ça la démocratie?

M. LEGER: Nous attendons de savoir, pour ça.

M. LESSARD: Vous me posez une question?

M. AUDET: On dit qu'à la commission parlementaire on offre à toutes les corporations professionnelles de se présenter et de présenter des mémoires et on en fait fi, on ne s'en occupe pas. Et on a des réimpressions. On me dit même qu'un de ces projets de loi a été réimprimé quatre jours après que certains mémoires aient été entendus. On ne me fera pas accroire que dans quatre jours on a tenu compte de l'élément de ce mémoire.

Donc, la réimpression qu'on nous apporte de ces projets de loi est ni plus ni moins qu'une farce monumentale. Faire croire aux corporations professionnelles qu'on tient compte de leurs revendications, de leurs critiques, c'est faux. Nous pourrions vous citer des exemples à la douzaine de mémoires, de critiques dont on n'a pas tenu compte lors de la réimpression des bills.

Et c'est pour cette raison que nous trouvons tellement logique que nous retardions de trois mois l'acceptation de ce bill 250 qui réellement frustrerait les corporations professionnelles et ferait en sorte de présenter à la population du Québec une démocratie déguisée à la manière du ministre des Affaires sociales.

M. PAUL: Est-ce que je pourrais poser une question à l'honorable ministre des Affaires sociales? A la suite du discours prononcé par le député d'Abitibi-Ouest...

M. SAMSON: Je ne crois pas, M. le Président...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Sur une question de règlement?

M. SAMSON: Oui. Je ne crois pas que l'honorable député de Maskinongé puisse, à ce moment-ci, poser une question au ministre des Affaires sociales. L'honorable député peut, comme tout le monde, poser une question à un député qui a la parole, mais pas poser une question au ministre.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Est-ce que le député d'Abitibi-Ouest a terminé son exposé?

M. AUDET: Oui.

M. CASTONGUAY: Je prendrai mon droit de réplique.

M. SAMSON: J'invoque le règlement. Le ministre est déjà prêt à exercer son droit de réplique alors que nous avons quelqu'un d'autre qui veut parler.

Si le ministre ne veut pas exercer son droit de réplique...

M. PAUL: Il ne peut pas en avoir.

M. SAMSON: ... je ne vois pas pourquoi l'honorable député de Maskinongé aurait le droit, à ce moment-ci, de poser une question au ministre, car ce n'est pas le ministre qui vient de faire un discours...

M. PAUL: Sur un point de règlement, M. le Président.

M. SAMSON: ... c'est l'honorable député d'Abitibi-Ouest. Si l'honorable député de Maskinongé voulait poser une question au député d'Abitibi-Ouest pendant qu'il avait la parole, je crois qu'il avait droit de le faire.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance: Le député de Rouyn-Noranda et, sur un autre point de règlement, le député de Maskinongé.

M.PAUL: M. le Président, je veux vous demander une directive. Est-il à votre connaissance personnelle qu'un député, qui n'est pas l'auteur d'une motion, ait un droit de réplique? Le député de Rouyn-Noranda vient de nous dire que le ministre des Affaires sociales a l'intention d'exercer son droit de réplique. Or, en vertu de notre règlement, le ministre des Affaires sociales ne peut pas avoir de droit de réplique; il n'est pas proposeur de la motion d'amendement. Il a le droit d'intervenir...

UNE VOIX: Certainement.

M. PAUL: ... et c'est ça que le ministre des Affaires sociales veut faire. Quant à moi, je suis sûr que vous allez le reconnaître; c'est une voix d'autorité.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, sur le point de règlement, je m'excuse auprès de l'honorable député de Maskinongé si j'ai mentionné que le ministre avait un droit de réplique. Si je l'ai fait, c'est parce que j'ai cru que vous aviez dit au ministre que vous lui accordiez le droit de réplique. Je m'excuse auprès de mon honorable collègue. Nous ne voulons sûrement pas baillonner le ministre; c'est avec plaisir qu'on va l'écouter. Si le député de Maskinongé veut lui poser des questions à l'occasion de son discours, c'est avec plaisir qu'on va l'entendre.

LE PRESIDENTT SUPPLEANT (M. Lafrance): Après cette minitempête, la parole est au ministre des Affaires sociales.

M. PAUL: Peut-être que l'honorable ministre n'aura pas à prononcer son discours s'il me permet une question. Après avoir entendu le

député d'Abitibi-Ouest, est-ce l'intention du ministre de retirer, pour le moment, le projet de loi 250 pour que nous étudiions chacune des lois spécifiques avant, comme voudrait le faire l'honorable député d'Abitibi-Ouest?

M. CASTONGUAY: Ma réponse est non, M. le Président, et, en même temps, cela constitue la fin de mon intervention.

M. SAMSON: Une intervention pressée!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. BROCHU: M. le Président, je m'en voudrais de passer sous silence une motion que je considère comme de première importance. Il y a deux aspects dans le problème que nous étudions actuellement: tout d'abord, on est soumis, dans les heures que nous vivons, à la fameuse motion omnibus qui peut allonger nos débats de sorte que le travail parlementaire devienne fastidieux et source d'une situation qui peut apporter des incompréhensions au niveau de la loi et qui peut aussi ne pas favoriser toute l'atmosphère nécessaire pour étudier à fond de tels projets de loi et y apporter les correctifs qui s'imposent. D'un côté, nous sommes donc soumis à cette motion qui, dans le contexte de l'étude du code des professions, est tout à fait inacceptable, à mon sens.

Deuxièmement, j'aimerais féliciter sincèrement mon collègue, le député de Beauce, d'avoir eu le courage de proposer cette motion qui est à point dans le contexte actuel. D'un côté, nous sommes d'accord — nous avons, d'ailleurs, clairement exprimé notre point de vue à ce sujet — qu'il y ait un code des professions au Québec. Je pense que toutes les corporations professionnelles, quelles qu'elles soient, sont, sur ce principe général, également d'accord pour qu'il y ait un code des professions au Québec. Cependant, en tant que législateurs, nous connaissons également au niveau de chacune des corporations professionnelles, les implications de ce fameux code des professions. Ce qui arrive actuellement, c'est qu'en adoptant immédiatement le bill 250 on fait en quelque sorte un "package deal" de non-retour. A ce moment-là, les corporations n'auront vraiment aucun recours et n'auront pas la possibilité de rediscuter les amendements qui ont été apportés entre la première impression et la réimpression du bill. De plus, ils n'auront pas la possibilité de rediscuter avec le ministre et les autorités concernées des amendements qu'eux jugeaient, en tant qu'individus responsables, les plus près de la réalité avec laquelle ils ont à travailler. Ils n'auront pas cette possibilité de rediscuter des amendements qu'ils ont apportés ou qu'ils voudraient voir apporter au niveau de chacun de ces projets de loi. Donc, il s'agit d'un "package deal" avec un point de non-retour. Si nous le franchissons, de la façon que nous sommes partis, nous pouvons être assurés — on peut aujourd'hui même en saisir l'Assemblée nationale et aussi se servir de cette tribune pour en informer les professionnels — que le point de non-retour sera atteint et que la situation dans laquelle ils se trouvent, aussi déplorable qu'elle pourra être, ils auront malheureusement à vivre avec elle.

M. le Président, face à toutes ces données, en ce qui me concerne, je ne peux absolument pas aller à rencontre de la motion de mon collègue, que je trouve tout a fait justifiée, que je trouve pleinement démocratique, parce qu'au niveau de la réimpression du bill il y a quand même eu des changements: certains changements d'ordre majeur, certains changements d'ordre mineur. Il y a eu également des mémoires qui sont revenus de la part des corporations professionnelles pour avoir certains ajustements, pour avoir certaines précisions, mais il n'y a pas eu entre les deux un contact suffisant et une période de réflexion suffisante pour en arriver à voir clairement la situation.

Si on a donné tant d'importance en commission parlementaire à tous et chacun des organismes qui se sont donné honnêtement la peine de venir déposer devant cette commission parlementaire, pourquoi aujourd'hui voudrait-on, dans une situation d'urgence, sans qu'il y ait eu cette adaptation entre la première impression et la réimpression, pourquoi voudrait-on, dis-je, adopter d'une façon aussi rapide une législation qui revêt autant d'importance? D'un côté on est à même de constater le mécontentement général qui s'installe au niveau des professionnels de chacune des corporations professionnelles, au niveau également de la population et on est en mesure de constater d'autre part, par les contacts que nous avons, par ce que nous pouvons constater autour de nous, qu'au niveau des corporations professionnelles s'installe également une certaine inquiétude, que plusieurs questions actuellement se posent.

Qu'est-ce qui va nous arriver? Qu'est-ce qu'on va vraiment nous donner dans la loi et lorsque la loi sera mise en application, dans quel cadre aura-t-on à travailler? Est-ce que notre situation sera vraiment mieux qu'avant? Toutes ces questions, les professionnels, dans quelque domaine qu'ils soient, se les posent honnêtement et je ne mets pas actuellement la responsabilité sur eux. Je dis simplement que dans notre mode de procéder, si on veut être des gens logiques, des gens voulant administrer une province avec le plus d'efficacité possible et de respect possible de nos institutions, on doit s'accorder le temps de réflexion nécessaire, surtout, comme je l'ai dit tout à l'heure, parce qu'entre la première et la deuxième impression des projets de loi il n'y a pas eu les échanges suffisants permettant de statuer à ce stade-ci

d'une façon claire et précise, d'apporter les vrais correctifs qui s'imposent et de donner justice à l'ensemble au niveau du code des professions.

M. le Président, en ce qui concerne le travail supplémentaire que ces choses-là pourraient nous apporter, je n'ai pas peur de le dire, on est ici pour travailler. Cela ne nous fait pas peur. Si, comme le disaient tout à l'heure certains membres de l'Opposition et même du parti ministériel, il y a autant d'unanimité dans les corporations professionnelles, s'il est vrai que tout le monde est si satisfait, s'il est vrai que tout le monde est tellement heureux et capable de voir aujourd'hui dans l'ensemble de ces projets de loi une application normale et satisfaisante, eh bien, pourquoi le ministre a-t-il peur de se donner un certain temps de réflexion à la suite duquel il pourra revenir et dire: Maintenant, je suis assuré que l'ensemble des concitoyens comme l'ensemble des corporations professionnelles sont satisfaites et qu'on peut aller de l'avant sans aucune crainte, sans aucune arrière-pensée et avec une attitude vraiment démocratique.

C'est ce moment de réflexion que demande la motion du député de Beauce, mon collègue. Ce n'est pas une motion rétrograde, comme on l'a laissé entendre, pas une motion qui retourne en arrière, mais une motion qui se veut sensible aux réalités québécoises modernes. En effet, pendant qu'on nous accuse d'un côté de vouloir retourner comme le mentionnait le député de Saguenay tout à l'heure, à une éducation du passé, je me rappelle très bien, M. le Président — et je l'ai déjà souligné d'ailleurs — que lorsque j'ai fait mes études au séminaire et à l'Université de Sherbrooke, une petite "gang" de pas bons venaient, accompagnés du député de Saint-Jacques, essayer de nous faire prendre conscience de nos problèmes alors que nous n'en avions même pas. Ce sont ces mêmes individus qu'on retrouve aujourd'hui à différents postes et dans différentes situations qui viennent nous accuser de rétrograder. Qu'est-ce qu'ils veulent dans le fond? Est-ce qu'ils veulent vraiment que ça explose?

Nous, ce n'est pas ça qu'on veut. Lorsqu'on a parlé de restructurer le ministère de l'Education, on a parlé d'une analyse "managérielle", d'une structure moderne de gestion, c'est de ça qu'on a parlé. Lorsqu'on arrive aujourd'hui au niveau du code des professions, on dit: Agissons avec prudence, parce que ce n'est pas le même contexte.

Les implications sont vastes et s'appliquant au niveau de toute la population et de tous les corps professionnels alors que c'est l'inverse au niveau du ministère de l'Education. Le ménage qui s'imposait était à l'intérieur même de la structure, du fonctionnement, au lieu de l'inefficacité qu'on connaît actuellement.

Dans l'ensemble, je reconnais l'intégrité et l'honnêteté de mon collègue, le député de Beauce, ainsi que de mes collègues du Ralliement créditiste du Québec qui veulent assurer aux professionnels, dans quelque domaine qu'ils oeuvrent, la latitude d'action nécessaire pour assurer les services auxquels la population est en droit de s'attendre. C'est donc dans cette optique que je me propose d'appuyer sans réserve la motion de mon collègue, le député de Beauce; c'est dans un esprit démocratique, pour éviter qu'on laisse, durant les quelques mois de pouvoir qui restent au Parti libéral, la "pôle" complète dans ce parti à un ministre des Affaires sociales socialiste et pressé, qui veut s'accaparer tous les pouvoirs et contrôler, à plus ou moins brève échéance, l'ensemble des corporations professionnelles au Québec.

C'est contre cela que nous nous insurgeons, M. le Président, et nous ne serons heureux que dans quelques mois, lorsqu'on pourra donner aux professionnels de la santé, en tant que gouvernement créditiste, le vrai régime dont ils ont besoin pour obtenir leur liberté et une vraie sécurité.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais ne faire que quelques brèves remarques, étant donné que j'ai eu l'occasion, dans une longue intervention lors de la deuxième lecture, de donner mon point de vue sur le bill 250. Brièvement, je voudrais dire que je suis d'accord sur la position exprimée par mes collègues, en particulier le député de Maskinongé, qui a dit tantôt pourquoi nous ne pouvions souscrire à une telle motion.

J'ai été surpris que le député de Beauce, cet après-midi, présente une motion pour différer de trois mois l'étude du projet de loi 250. J'aurais compris qu'une telle motion soit présentée sur un projet de loi spécifique peut-être un peu plus contentieux, alors que cela n'aurait pas empêché tout le mécanisme, le bill 250 et les autres lois spécifiques, d'entrer en vigueur, alors que pour une corporation en particulier il aurait pu se poser des problèmes plus difficiles et plus complexes qui auraient demandé un temps additionnel de réflexion.

J'aurais hésité plus longuement si le député de Dorchester avait présenté lui-même cette motion. Le député de Dorchester, pendant quelques mois, pendant quinze mois, avec nous, â la commission parlementaire, a entendu d'abord les mémoires des organismes qui sont venus devant la commission, il a eu le temps, avec nous, de questionner ces organismes, il a eu le temps de voir les implications du projet de loi.

Le député de Rouyn-Noranda nous demande un délai additionnel; je comprends que, n'ayant pas été associé d'aussi près aux travaux de cette commission parlementaire, il puisse demander un moment de réflexion additionnel. Vous avez vu l'importance des travaux que nous avons effectués à la commission parlementaire, le

nombre d'organismes qui sont venus ici, la réflexion faite particulièrement par les délégués des partis. J'ai été délégué personnellement par mon groupe pour assister à toutes les séances des commissions parlementaires, pour me pencher de très près sur cette loi; je suis donc l'un des responsables de l'étude, ici en Chambre, de cette loi. Est-ce que mes collègues, qui n'ont pas eu la chance, le temps ou la responsabilité particulière de se pencher de plus près sur cette loi — parce qu'ils ont eu, pendant ce temps, à étudier d'autres lois — doivent nécessairement demander la remise de ces projets de loi parce qu'ils veulent en voir, autant que moi, toutes les implications?

Dans un tel système, je ne crois pas que l'Assemblée nationale puisse fonctionner ainsi.

Si un membre de l'Assemblée nationale, devant environ une vingtaine de projets de loi qui nous sont présentés, veut pousser son étude personnelle jusque dans les détails, il doit quand même respecter la grande majorité de la députation. On nous a confié certaines responsabilités, chacun des groupes. Le député de Dorchester est le responsable de son groupe. Je pense bien que si ses collègues n'ont pas eu le temps de voir toutes les implications, d'obtenir toutes les réponses le député de Dorchester se fera un plaisir de leur donner sa perception du bill no 250 et des lois spécifiques.

Je pense que leur manque d'expérience parlementaire les fait hésiter un peu à entrer tout de suite dans le mécanisme de l'étude de ces lois, article par article, en commission plénière. On dit que les corporations professionnelles, que les groupes et les associations ont beaucoup de représentations à nous faire. Le député de Maskinongé a dit tantôt que nous étions en constante et en étroite relation avec toutes les corporations professionnelles, avec les groupes d'individus qui veulent s'assurer que nous avons bien vu toutes les implications de cette loi et que nous avons bien saisi leur point de vue devant la commission parlementaire. C'est normal, à ce stade-ci, pour cette loi importante, que nous ayons cette communication. Parce qu'il y a des opinions contradictoires qui nous sont exprimées par les corporations professionnelles et par les groupes, il ne faut pas prendre panique et dire qu'il ne faut pas adopter cette loi. Je ne scandaliserai personne en disant que les optométristes, les ophtalmologistes et les opticiens d'ordonnances ne sont pas parfaitement sur la même longueur d'ondes.

Je ne vous scandaliserai pas, M. le Président, particulièrement vous, député de Rivière-du-Loup, en vous disant que les denturologistes, les dentistes et les techniciens dentaires ne partagent pas tous la même philosophie au sujet de la loi spécifique et du code des professions. Mais l'Assemblée nationale doit, non pas par la force des pressions qui sont faites, non pas par l'importance des groupes qui nous font des représentations et par le prestige des corpora- tions professionnelles, dire: Nous allons tracer la ligne et nous laisser orienter dans un sens ou dans l'autre. Ce n'est pas ce qui doit nous guider. C'est l'objectivité et le véritable problème, tel qu'il se situe.

Dans cette loi, nous avons la mission de voir à protéger l'intérêt du public, la protection du public est le premier critère dont nous devons tenir compte. Les médecins peuvent nous faire telle représentation sur la loi médicale ou contre telle autre loi corporative. Ce n'est pas parce que les médecins ont une corporation professionnelle importante que nous allons nécessairement adopter tous les points de vue qu'ils vont nous présenter. C'est la même chose pour les autres corporations professionnelles qui vont nous faire valoir des points de vue à rencontre de ceux de la profession médicale. Il va nous falloir, à un moment donné, tracer une ligne. C'est entendu que des groupes ne seront pas satisfaits de la décision que prendra le gouvernement et de la décision que prendront les partis de l'Opposition. Tout cela est dans l'optique de la meilleure législation possible, du meilleur endroit pour tracer la ligne de partage des responsabilités entre les différentes professions. Il faut partir quelque part.

Il y a des corporations professionnelles, actuellement, qui ne sont pas reconnues, qui posent des actes, notamment dans le domaine de la santé. Il va nous falloir partir quelque part et les reconnaître pour que les gestes qu'ils posent, dans le domaine de la santé, soient légaux. Est-ce que cela veut dire qu'une fois que le code des professions et les lois spécifiques seront adoptés par l'Assemblée nationale cela finira là et qu'on ne retouchera jamais à ces lois? J'ai suggéré moi-même des mécanismes, dans mon intervention de deuxième lecture — j'y reviens incidemment, je ne veux pas recommencer cette intervention — afin qu'il y ait une commission permanente, que les corporations professionnelles puissent, à chaque année, revenir devant l'Assemblée nationale faire des représentations.

Si on a ces mécanismes, si le ministre entend ces suggestions, si la commission est permanente, si le Conseil interprofessionnel, l'Office des professions continuent de surveiller, d'aider au développement harmonieux des professions, il ne faut pas craindre de commencer quelque part avec cette loi.

C'est pour cela que, personnellement — je n'en fais pas grief à mes collègues du Ralliement créditiste — je ne vois pas qu'un délai de trois mois, surtout concernant le code des professions, puisse ajouter quelque chose à la dimension et à la perception du projet de loi 250 que nous avons déjà, ainsi qu'à ses implications. A partir du moment où nous nous serons entendus, sur le principe du code des professions, qui est un regroupement et l'introduction d'une cohérence dans toute cette organisation, nous allons l'étudier article par article. Si les corporations professionnelles, comme c'est le cas

présentement, ont des représentations à nous faire — elles nous en ont fait sur les articles spécifiques du bill 250 — nous allons les traduire à la commission plénière. Nous allons tenter de convaincre les ministres responsables et le gouvernement de la justesse de leurs points de vue. Après cela, le gouvernement prendra ses responsabilités. Il prendra sa décision. Je pense que c'est comme cela que fonctionne le mécanisme de l'Assemblée nationale et c'est comme cela que cela doit fonctionner.

C'est pour cela que je ne peux pas souscrire — je le regrette — à cette demande de délai de trois mois que l'on nous fait. Après tous les nombreux mois, les nombreuses séances, les nombreux contacts, les études que nous avons faites, il faut, à un moment donné, plonger; il faut aller dans l'action; il faut étudier ces lois.

Pour ma part, j'ai demandé au ministre des Affaires sociales, dans mon discours, de ne pas bousculer, ce qui est important, l'étude du code des professions et des lois spécifiques, une fois que nous serons en commission plénière. Nous allons prendre le temps d'étudier chacun des articles et, particulièrement, ces lois qui sont un peu plus litigieuses et un peu plus contentieuses, où il y a véritablement des divergences d'opinions importantes entre les groupes professionnels. Nous allons prendre le temps d'aller au fond de la question, lorsqu'il s'agira par exemple, de la définition du champ d'exercice des professions. Cela est un élément important. A ce moment-là, nous allons prendre le temps d'examiner toutes les professions qui ont un champ de pratique connexe ou concurrent ou le même champ d'exercice. Nous allons en discuter. Alors, c'est un exemple que je donne pour montrer que c'est en commission plénière que nous prendrons véritablement le temps d'examiner cette législation.

Je vois, M. le Président, que j'ai déjà dépassé le temps qui m'était alloué. Je voulais intervenir sur cette motion et dire à nos amis du Ralliement créditiste que le délai de trois mois n'ajoutera rien à la qualité du travail que nous pouvons et que nous devons effectuer.

DES VOIX: Vote.

M. BROCHU: Vote enregistré, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Que ceux qui sont en faveur de la motion du député de Beauce veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Brochu, Tétrault, Drolet, Guay, Béland, Audet.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Choquette, Castonguay, Garneau, Goldbloom, Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Mailloux, Vaillancourt, Cadieux, Houde (Fabre), Phaneuf, Théberge, Brown, Brisson, Kennedy, Saindon, Picard, Pearson, Fortier, Bossé, Caron, Carpentier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Pilote, Shanks, Veilleux, Gratton, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Russell, Croisetière, Gauthier, Simard (Témiscouata), Laurin, Burns, Léger, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard.

LE SECRETAIRE: Pour: 7 Contre: 53;

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): La motion est rejetée.

M. LEVESQUE: Le député de Beauce était-il gêné de sa motion?

M. SAMSON: On m'informe que le député de Beauce a été retenu avec une délégation et il n'a pas pu revenir à temps. Cependant, me dit-on, it aurait voté pour sa motion.

Deuxième lecture (suite)

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Sur la motion principale, le député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: Je voudrais simplement ajouter quelques mots sur le projet de loi 250 concernant le Code des professions. Je pense qu'il était urgent et nécessaire qu'une loi vienne établir la procédure et les règles disciplinaires dans le domaine des corps professionnels.

Je pense qu'il était important — pour éviter l'anarchie que nous voyons dans différents domaines des professionnels et des professions — qu'on institue des mécanismes identiques de vérification de la qualité de l'acte professionnel afin d'assurer ainsi la protection du public.

Le projet-cadre permettra, par ces mécanismes et la création du conseil interprofessionnel de l'Office des professions, à chacune des professions d'être encadrée et de fonctionner à l'intérieur de mécanismes qui assureront une meilleure coordination de chacune des disciplines et en même temps une meilleure protection du public.

Nous ne pouvons qu'appuyer ce projet gouvernemental, mais il serait normal que notre parti y ajoute un aspect très important, auquel mes collègues ont déjà touché, c'est celui de la

protection du citoyen, en ce sens qu'il puisse entrer en contact avec chacun de ces professionnels dans sa propre langue.

Je veux simplement ajouter mon appui au projet de loi 250 pour que nous puissions y insérer en partie une intention de législation dans le domaine de la langue française. Actuellement, il est impossible d'obtenir du gouvernement une politique globale de la langue, et c'est la raison pour laquelle nous avons promis d'introduire, morceau par morceau, dans chacun des projets de loi qui nous seront présentés — où ce sera possible — une intention du gouvernement de légiférer sur la langue de travail.

Nous voulons surtout toucher à l'avenir. Dans le passé, il y a eu toutes sortes d'anomalies concernant la langue d'enseignement, langue de travail, langue d'usage, langue officielle, langue nationale au Québec. Mais il faut, à partir de maintenant — il n'y a aucune raison d'attendre, le rapport Gendron a été présenté — penser à l'avenir. Et si le gouvernement ne veut pas légiférer, dans un projet global sur la langue, il doit s'attendre que le Parti québécois, qui est le défenseur d'une langue française officielle unique au Québec va apporter, à toutes les occasions qui lui seront offertes, des amendements pour toucher le gouvernement.

Sur chacune des lois particulières que nous allons rencontrer d'ici à la fin de l'adoption de toutes les lois sur les professions, nous allons revenir sur ce projet.

C'est la raison pour laquelle nous espérons que le ministre des Affaires sociales nous livrera lors de sa réplique, son intention concernant l'adoption, dans son projet de loi, d'une langue officielle de communication pour les professionnels de toutes les disciplines possibles. Si le ministre nous le promet à l'occasion de sa réplique sur la loi 250, nous serons satisfaits; s'il ne nous le promet pas, nous allons revenir à chacun des 21 projets de loi pour proposer cet amendement sur la langue de communication des professionnels dans leur discipline respective.

Je pense qu'il est grand temps au Québec qu'on mette un cran d'arrêt et qu'on pense qu'à l'avenir, spécialement dans le cas des professions, toute personne qui viendra s'ajouter à la liste des professionnels, de chaque discipline que ce soit, soit obligée de connaître le français comme langue d'usage. Il est sûr que, si, dans chacune des professions, on est actuellement obligé de connaître le français pour avoir le droit de pratiquer, cela va augmenter le besoin de la langue française au Québec. Et c'est la base même du problème linguistique au Québec. Le français n'est pas actuellement une obligation pour gagner sa vie et pour fonctionnner. C'est la raison pour laquelle des immigrants en général et les anglophones en particulier n'ont pas senti le besoin de l'apprendre. Ceci crée un fossé dans le domaine du travail et dans le domaine de l'éducation.

Mais si, à chacune des lois qui nous est présentée, on ajoute cet amendement, parce que le gouvernement n'aura pas voulu légiférer dans ce domaine, il arrivera que, dans le Québec, on sentira de plus en plus le besoin et la nécessité du français pour gagner sa vie. De plus en plus, les citoyens apprendront le français et il sera alors beaucoup plus facile, dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement de voir nos amis de langue différente désirer apprendre le français. Ce ne sera pas par coercition qu'ils l'apprendront; c'est parce qu'ils jugeront que c'est nécessaire et essentiel.

M. le Président, je pense qu'il y a aussi un aspect très important pour le code des professions et spécialement dans le domaine de la santé, c'est celui de ce contact entre le client et le professionnel, de cette liberté, de cette possibilité que le citoyen puisse s'adresser dans sa langue aux professionnels de la santé, ainsi qu'aux autres. Il est impossible de s'attendre qu'un citoyen n'ait pas une protection comme celle qu'on peut donner au consommateur. On a fait une Loi de la protection du consommateur. Le consommateur est protégé, mais le citoyen, qui a besoin d'un service aussi important que celui de la santé, mais qui ne pourrait pas avoir la possibilité de s'exprimer en français parce que le professionnel ne possède pas la langue de Molière d'une façon aussi complète que nécessaire, a un droit qui n'est pas refusable à un citoyen du Québec.

M. le Président, j'ai un exemple frappant, celui d'un hôpital anglophone ou en majorité anglophone de Montréal, l'hôpital Reine-Marie. Vous avez des vétérans de la dernière guerre qui ont des dossiers à l'hôpital Reine-Marie et qui vont s'y faire soigner. Une grande majorité de ces anciens combattants, qui ont droit à un respect et à ce qu'on s'occupe d'eux, va à l'hôpital Reine-Marie. Vous savez, M. le Président que, dans cet hôpital comme dans d'autres, mais spécialement dans celui-là, il y a des médecins qui viennent exercer soit comme débutants, soit comme stagiaires, soit comme nouveaux venus au Canada. Ils viennent exercer leur profession à l'intérieur de l'hôpital Reine-Marie et ils ne parlent pas le français. Les anciens combattants qui viennent s'y faire soigner, ne peuvent pas s'exprimer de façon à être compris par les professionnels de la santé et ils font face régulièrement à des personnes de différentes nationalités.

Moi, j'ai vu des personnes, qui devaient rencontrer des médecins tous les mois régulièrement, en l'espace d'une année, rencontrer huit ou neuf personnes de races différentes, qui ne parlaient pas français. La personne s'occupe du dossier du malade et elle lui parle en anglais parce que sa langue maternelle est le chinois et qu'elle ne parle que l'anglais. Alors, vis-à-vis d'un malade canadien-français, elle s'exprime en anglais, parce que sa langue maternelle, c'est le chinois et qu'elle a appris l'anglais.

Il y a des médecins hindous, des médecins

allemands, des médecins suédois, des médecins juifs, de toutes les nationalités qui sont probablement très compétents dans le domaine médical, mais qui viennent faire un stage. Au cours de leur stage, ils rencontrent le même malade et, pendant un an, ce malade ne peut même pas s'exprimer dans sa langue, comprendre les recommandations de son médecin parce qu'il ne comprend pas sa langue.

Je pense que c'est une anomalie. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je tiens à faire remarquer, comme mes collègues l'ont déjà fait avant moi, que, dans le code des professions, on devrait nécessairement tenir compte d'une façon importante que la langue que le professionnel devra utiliser et connaître avant d'avoir le droit d'être reconnu comme professionnel dans sa discipline, sera la langue française comme langue de base. Il faudra qu'il la connaisse suffisamment pour être capable et de s'exprimer avec le client et de comprendre les problèmes du client. Dans l'ensemble, je pense que, si le ministre veut au moins adopter cette parcelle de législation dans le domaine de la langue, nous allons être très heureux et l'appuyer à tour de bras, au moins pour le projet de loi 250.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. Aurèle Audet

M. AUDET: M. le Président, je considère comme un devoir très grand, très grave d'adresser aujourd'hui la parole sur la présentation en deuxième lecture de ce projet de loi 250. Ce projet de loi est sans aucune sorte de doute une opération maîtresse inscrite dans le grand plan directeur de la grande marche ininterrompue vers le socialisme d'Etat au Québec.

Depuis que nous sommes à l'Assemblée nationale, soit depuis 1970, nous ne cessons de nous opposer à chacune des nouvelles mesures apportées par le gouvernement qui régulièrement sous-tendent une montée verticale d'un socialisme indépendamment des ministères concernés.

Cette direction générale vers la gauche, que se donne le gouvernement depuis 1970, est une attitude qui ne peut souffrir aucun doute. Elle est, de plus, présentée par les différents titulaires des ministères en parfaite harmonie avec les précédents établis sans interruption depuis 1960, indépendamment des partis, rouge ou bleu, qui se sont succédé au pouvoir.

C'est donc dire que les racines profondes de cette tendance dans notre politique québécoise se situent en dehors des cadres des partis mais surtout au niveau du personnel des différents ministères puisque l'intensification de cet élément de gauche ne s'est pas arrêtée en dépit des changements de gouvernements. Ce code des professions est la trame la mieux montée, la plus subtile offrant aux professionnels les ap- pâts de dehors plus ou moins avantageux afin de cacher plus sournoisement ce piège étatique d'où il n'y a pas de retour.

Depuis le fameux bill 8, qui orientait vers la tutelle de l'Etat ce qui concernait la santé de la population du Québec, nous avons assisté à la présentation de toute une série de projets de loi qui viennent accentuer la mainmise de l'Etat sur toutes les séquelles se rattachant au ministère des Affaires sociales. Nous avons noté, dans l'intervention d'un membre de l'Opposition officielle en deuxième lecture, le député de Montmagny, une demi-bénédiction entremêlée de craintes très apparentes vis-à-vis d'une ingérence excessive de l'Etat. Cela se comprend parce que lui aussi a été mélé, peut-être sans s'en douter, au long processus d'application de ce long tournant vers la gauche. C'est un peu gênant de rejeter ce que l'on a soi-même participé à construire. C'est par un "noui" que le député de Montmagny s'oppose timidement au code des professions dans la version réimprimée.

Par chance, les oppositions encore très vives de ses compagnons de profession l'aident et l'incitent à prononcer une certaine mise en garde; autrement, peut-être devrait-il respecter dans son ensemble la chronologie du grand plan directeur vers la gauche. La profession de foi de l'actuaire que nous retrouvons aujourd'hui dans la personne du ministre des Affaires sociales a été, je crois, beaucoup plus profonde vis-à-vis de cette philosophie internationale qui milite en faveur du dirigisme étatique. Nous décelons de la suite dans les idées du ministre. Nous constatons qu'il est actuellement à parachever lui-même les données d'un rapport d'une commission d'enquête dont il était un des principaux responsables.

Je ne voudrais pas trop m'éloigner du sujet que nous étudions aujourd'hui. Cependant, je crois que ce projet de loi 250 est tellement lourd de conséquences, présente tellement d'ambiguité, est de plus tellement contesté par les principaux intéressés qu'il serait très imprudent d'accepter à la sauvette, comme le gouvernement tente de le faire souvent, ce code des professions qui voudrait encarcaner à tout jamais les professionnels de tout genre.

Les nombreux mémoires qui ont été soumis par toutes les professions tombant sous le coup de cette nouvelle loi nous ont prouvé que toute la population du Québec est très inquiète de cette loi qui l'entraînera dans un cul-de-sac abominable. Nous nous devons d'alerter la population et de lui crier gare devant ce projet de loi qui place l'élite de notre société sous une tutelle des plus opprimantes.

Le député de Bourget, dans son intervention sur ce projet de loi, tentait de ridiculiser notre attitude antisocialisante, en déclarant qu'on devrait présenter une motion pour faire disparaître toute forme de gouvernement pour acquiescer à nos désirs. Je sais très bien que le député de Bourget comprend notre point de

vue qui veut un Etat serviteur, plutôt qu'un gouvernement oppresseur qui dirige tout d'une main de fer sans laisser aucune initiative aux individus.

Je me reporte ici au journal des Débats, lorsqu'on étudiait, en commission parlementaire, la loi de l'assurance-maladie. Le député de Bourget lui-même se prononçait alors en faveur du régime de salariat des spécialistes de la santé. Voici ses propres paroles: "Le programme du Parti québécois précise donc que les médecins devraient être rémunérés sur une base salariale."

Ce n'est pas surprenant de voir le Parti québécois encenser le ministre des Affaires sociales, aujourd'hui, et prendre tellement parti pour ce radicalisme étatique qu'on nous présente. Je constate ici la bonne compréhension du député de Bourget quand je vois sa façon de concevoir le rôle de l'Etat lorsque celui-ci le touche personnellement. On comprend tellement mieux le problème de l'autre quand on décide de chausser ses chaussures. Quand cela le touche personnellement, il prend réellement ses précautions. Je me reporte au 8 juillet 1970, lors d'une séance de la commission permanente de la santé sur l'étude du projet de loi no 8, Loi de l'assurance-maladie. Le député de Bourget, qui défendait justement sa profession propre — il est psychiatre, je crois — prononçait ces paroles: "Dans le nouveau système, plusieurs se sont demandé s'il n'était pas plus opportun, à l'heure actuelle, d'éliminer la psychanalyse comme service assuré, étant donné qu'une très faible proportion de la population en profite." Il avait de très bonnes raisons pour sortir sa profession des griffes de l'Etat. Le député de Bourget aime la liberté pour lui, mais pas pour les autres.

Je continue ici: "Je vous transmets, si vous ne la connaissez déjà, l'opinion du corps professionnel qui réunit les psychanalystes actuellement, selon laquelle, dans une première étape du régime, non seulement ne s'opposeraient-ils pas, mais ils favoriseraient l'élimination de ce service de la gamme des coûts autorisés par la Loi de l'assurance-maladie.

Je ne sais pas si des représentations vous ont été faites en ce sens. Donc, ils s'adressaient au ministre des Affaires sociales. Justement, nous savons que le ministre des Affaires sociales a accepté de ne pas...

M. BURNS: M. le Président, est-ce que le député me permet une question?

M. AUDET: ... inclure les psychiatres et les psychanalystes dans ce projet de loi.

M. BURNS: Est-ce que le député me permet une question?

M. AUDET: M. le député de Maisonneuve, je vous inviterais à attendre la fin de mon intervention pour poser vos questions.

M. BURNS: Je veux juste vous demander si vous connaissez la différence entre la psychanalyse et la psychiatrie. Est-ce que vous faites une différence entre la psychanalyse et la psychiatrie?

M. AUDET: Nous en reparlerons ensemble! J'en connais plus que vous pensez.

M. BURNS: C'est parce que ce serait bon...

M. AUDET: Peut-être pas autant que vous, mais plus que vous pensez.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est parce que vous ne comprenez pas le texte...

M. AUDET: M. le Président,...

M. BURNS: C'est parce que vous venez de citer ce qui concerne la psychanalyse.

M. AUDET: ... voulez-vous rappeler ces messieurs à l'ordre?

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre!

M. ROY (Beauce): Je pense que l'honorable député d'Abitibi-Ouest a la parole à l'heure actuelle. Il a clairement indiqué à l'honorable député de Maisonneuve qu'il n'avait pas l'intention de répondre à ses questions.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Il a répondu.

M. ROY (Beauce): Il n'est pas obligé. M. BURNS: Non.

M. AUDET: M. le Président, c'est ce qui confirmait son désir de voir les médecins devenir des fonctionnaires ou des salariés de l'Etat. Mais lorsqu'il s'agit de sa propre profession particulière, c'est-à-dire le psychiatre, le psychanalyste, il a une tout autre notion. Il se trouve de très bonnes raisons pour que lui et ses confrères ne deviennent pas des salariés sous la tutelle du gouvernement. Le député de Bourget, après avoir évoqué de très bonnes raisons, émet le voeu suivant qui garantirait cette merveilleuse liberté pour lui et ses confrères. J'ai fait la lecture de cela tout à l'heure. Vous voyez comme il se défend bien quand il est en cause. De ceci découle un désir très marqué de ne pas se voir impliqué dans un système étatique qui vient gérer nos affaires, qui vient, en quelque sorte, nous diriger, nous payer et nous enlever même notre raison d'être. Je crois que ce désir profond de liberté, manifesté tout au cours des

séances de la commission parlementaire et ce par toutes les corporations professionnelles, doit nous inviter à la réflexion avant d'aller plus loin, avant l'adoption de cette loi, afin de ne pas faire ce faux pas à gauche comme on en a malheureusement fait dans nombre d'autres domaines.

On a déjà dit que le meilleur gouvernement était celui qui dirigeait le moins et qui accordait un maximum de liberté et d'initiative à ses gouvernés avec un minimum de sécurité. Point n'est besoin, pour gouverner, de prendre toutes les classes de la société sous sa tutelle, de tout diriger, tout décider, enlevant ainsi toute initiative, brisant, par le fait même, cet enthousiasme nécessaire, ce courage, cette fierté individuelle à toute personne qui veut se dévouer au service des siens.

M. le Président, il serait très malheureux que ce code des professions soit accepté dans sa forme actuelle. Par ce projet de loi, on vient continuer le muselage des professionnels si bien commencé par la loi de l'assurance-maladie et qui a rendu nos spécialistes de la santé des fonctionnaires de l'Etat. Le gouvernement y a mis tout d'abord le paquet pour tenter cette catégorie de personnes qui représente tout de même une partie de l'élite de notre société. L'appât était très bien tendu et le ministre des Affaires sociales a marqué un point très important quand il a vu tous ces médecins mordre, à belles dents, dans son gâteau si bien présenté, et ce, sans presque aucune contestation.

Si je ne m'abuse, M. le Président, je crois que ce projet de loi no 8 de l'assurance-maladie avait, lui aussi, subi une réimpression. C'est brillant et très astucieux, de la part du ministre, de se montrer bon garçon et d'aller jusqu'à faire une réimpression d'un projet de loi inacceptable, en l'amendant, bien sûr, quelque peu, sur quelques articles mineurs, pour calmer les esprits et ainsi sauver le principe de la loi qui était à rejeter dans son ensemble.

Ceci me rappelle un bon vendeur d'un produit médiocre qui, pour s'assurer la vente d'une unité, en offre une douzaine à un prix de rabais. La plupart du temps, même si le client n'en veut pas, pour se débarasser et s'assurer de ne pas se voir pris avez douze, il accepte d'acheter l'unité. Mais, aussitôt le vendeur parti, il réalise réellement qu'il s'est fait fourrer, M. le Président. C'est exactement le petit jeu du ministre avec ses bills réimprimés.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. AUDET: M. le Président, il y a eu de nombreuses revendications de toutes sortes, de la part de tous les professionnels. On n'a pratiquement pas tenu compte des amendements demandés et la preuve c'est que nombre de corporations professionnelles nous présentent encore des mémoires et des critiques sur ce projet de loi réimprimé.

M. le Président, le minsitre se faisant bonne conscience de ses réimpressions, fort d'un silence relatif, comparativement aux nombreuses et houleuses séances de la commission parlementaire, va essayer maintenant de nous passer cette marchandise de mauvais goût, cette marchandise gauchiste d'outre-frontières, je dirais même d'outre-rideau de fer. Il va essayer de nous passer cela. Non, M. le Président, les professionnels québécois sont trop intelligents et connaissent encore trop les bienfaits de la liberté pour se faire passer un pareil Québec. On ne nous refilera pas un pareil sapin socialiste. Dieu merci, nous n'avons pas encore ce régime totalitaire que prône le Parti québécois, ainsi que ce gouvernement de socialistes pressés.

M. le Président, nous disons à tous ces professionnels: Attention! Continuez à lutter. Contestez le piège qu'on vous tend. Tenez bon encore un peu de temps et il nous sera donné un ordre nouveau où chaque personne pourra s'épanouir librement comme elle en a le droit fondamental et inaliénable. Je vous remercie, M. le Président

M. LAURIN: M. le Président, en vertu de l'article 97, j'aimerais rétablir les faits et rappeler au député d'Abitibi-Ouest que la phychanalyse n'est pas une discipline médicale, qu'elle peut être pratiquée par des médecins, des psycholoques, des travailleurs sociaux, que la psychanalyse n'est pas toujours utilisée pour des fins médicales mais souvent pour des raisons didactiques et qu'enfin, personnellement, je suis conventionné et je ne pratique pas la psychanalyse actuellement.

M. ROY (Beauce): M. le Président, le député de Bourget me permettrait-il une question? La psychanalyse peut-elle aussi être pratiquée par les charlatans?

M. LAURIN: Si le député d'Abitibi-Ouest a besoin de psychanalyse, je lui offre mes services.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Y a-t-il d'autres députés qui veulent exercer leur droit de parole avant la réplique du ministre?

Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, ce n'est pas le député de Bourget qui a suscité le discours que je vais prononcer, mais, depuis le début de ce débat, je remarque que le député de Bourget, qui n'avait pas l'habitude de démontrer une certaine nervosité, en est venu, probablement à cause du gros bon sens manifesté par les interventions de mes collègues sur le principe...

M. LAURIN : Il n'y a que la bêtise qui provoque mon agressivité.

M. SAMSON: ... du bill 250, à être très nerveux. Sachant le genre de profession qu'il exerce depuis longtemps, c'est probablement en contradiction avec les nombreux conseils qu'il diffuse à ses patients.

Sachant que nous ne pourrons pas atteindre le niveau de sa guérison bientôt, nous allons le laisser continuer. Quant à nous, nous ne souffrons pas de cette maladie nerveuse et nous sommes capables d'en prendre encore longtemps, même si nous ne nous levons pas toujours pour rétablir les faits, même si nous ne relevons pas toujours les déclarations faites par les membres du Parti québécois, que je respecte d'ailleurs, même dans les interventions dont nous ne partageons pas le bien-fondé quant au principe qu'ils défendent, qui est toujours le principe du bill 250.

Malgré tout ça, nous allons continuer en respectant la présidence, en respectant nos collègues qui, comme nous, ont eu des mandats de la population pour débattre le genre de sujet que nous avons à débattre aujourd'hui.

Le bill 250, que le ministre titulaire des Affaires sociales semble très pressé de voir adopté, est un bill qui a amené beaucoup de discussions, non seulement au niveau des intéressés directement, des membres des corporations professionnelles intéressées, mais également au niveau de la population.

C'est â ce niveau qu'il nous faut aussi attacher beaucoup d'importance, même si nous reconnaissons l'importance des débats qui ont été soulevés par les différents représentants des corporations professionnelles, même si nous reconnaissons que ces gens ont le droit — et nous le reconnaissons — d'exercer en toute liberté, comme c'est normal, d'exercer avec cette liberté qui est si chère aux individus.

Cependant, comme je l'ai déjà mentionné, nous devons quand même admettre que les professionnels existent en fonction des services à donner à la population. C'est pourquoi je voudrais faire ressortir, dans le bref exposé que j'ai à prononcer, que depuis quelques semaines, nous avons eu l'occasion de rencontrer des gens, des citoyens qui ont aussi des opinions valables à faire valoir quant aux différents projets de loi qui sont connexes au projet de loi 250.

Pour n'en mentionner que quelques-uns, on pourrait déclarer sans craindre de se tromper que plutôt que d'avoir à subir un mauvais projet de loi, même les membres des corporations concernées préfèrent dans plusieurs cas, attendre un peu plus longtemps parce que plusieurs attendent depuis plus de vingt ans. Pour ceux-là, je ne pense pas qu'un délai de quelques mois ou un délai d'un an change grand-chose. Pour ceux qui étaient déjà reconnus, qui étaient déjà membres d'une corporation professionnelle existante, je pense qu'ils peuvent aussi attendre un peu pour qu'un jour nous en arrivions à avoir un projet de loi réellement conforme aux aspirations de nos professionnels du Québec, ce qui n'est pas le cas présentement.

Qu'il suffise de nous rappeler les différentes démarches faites, d'une part, par les médecins et, d'autre part, les chiropraticiens, les dentistes, les denturologues, les optométristes, les ophtalmologistes, les opticiens d'ordonnance, les infirmières et ainsi de suite, on ne peut pas nommer tout le monde. Nous réalisons qu'on n'a jamais eu une loi qui a créé autant de mécontentement. Bien entendu, il y en a dont cela fait l'affaire, mais le gouvernement, une fois de plus, a trouvé le moyen de rendre à peu près tout le monde malheureux. Quand ce n'est pas une profession, c'en est une autre. Ce qui est très grave, c'est que le gouvernement, par les lois qu'il nous présente, suscite volontairement ou involontairement — je veux bien laisser le bénéfice du doute à l'honorable ministre et à ses collègues — une fois de plus une lutte des classes, une lutte entre les professions cette fois. Imaginez-vous, M. le Président! Il a sûrement fallu très longtemps aux fonctionnaires qui ont préparé ces lois pour en arriver à découvrir cette méthode nouvelle de faire lutter les unes contre les autres les différentes corporations professionnelles. Autrement dit, mettre en conflit les professionnels du Québec.

M. le Président, bien entendu, il y aurait des possibilités. On nous a mentionné souventefois, en cette Chambre, que les députés de l'Opposition avaient non seulement le droit, mais le devoir de faire des suggestions positives, permettant d'établir quelle serait notre attitude à la place du gouvernement. Mais il faut nous rappeler que, depuis 1970, depuis que nous siégeons en cette Chambre, avec le gouvernement majoritaire — tout le monde le sait qu'il est majoritaire — chaque fois que le Ralliement créditiste, en débat soit sur le bill 8, de l'assurance-maladie, soit sur les bills qui concernaient les relations ouvrières, etc., a apporté des suggestions positives, chaque fois, on a vu un gouvernement qui ne bouge pas, qui ne bronche pas, qui ne prend pas nos suggestions, qui ne veut rien savoir de ce que l'Opposition peut amener d'objectif, de positif.

Alors, comme on nous a considérés dans le passé comme des instruments de critique, nous en avons assez, nous aussi, d'apporter des suggestions positives à ce gouvernement qui ne bronche pas, d'apporter des suggestions positives à un ministre ou à un ministère qui se spécialise dans le socialisme au Québec, qui veut imposer ses volontés à la majorité et ce au bénéfice d'une petite minorité au Québec. On en a assez de ça, M. le Président.

C'est parce que nous en avons assez que nous avons, je pense, le droit de dire publiquement que, dorénavant, puisque ça ne donne rien, de vous faire, à vous le gouvernement libéral majoritaire, des suggestions positives, nous ferons la critique pour permettre à l'opinion publique de constater de quel bois se chauffe ce gouvernement.

M. le Président, je pense qu'il est temps que l'on sache au Québec que, quoi qu'il en soit, le

gouvernement que nous avons devant nous se fiche éperdument non seulement des suggestions de l'Opposition, mais, encore pis, se fiche éperdument des excellentes suggestions qui proviennent de la population du Québec, soit par lettres, soit par pétitions ou autrement. Quand on dit qu'il s'en fiche éperdument, M. le Président, je pense que le ministre recevra d'ici quelques jours, si ce n'est pas déjà fait, des pétitions en provenance du public, concernant certaines dispositions non seulement de la loi 250, mais des autres lois connexes.

Qu'est-ce que le ministre en fera? Probablement, comme d'habitude, vu que c'est la méthode utilisée dans ce gouvernement : on les placera dans des classeurs, "Top secret" comme on dit en anglais.

Quand c'est "top secret" au gouvernement libéral, cela veut dire secret pour le gouvernement, mais tout le monde le sait. Le gouvernement tente, malgré tout, de le cacher.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de revenir sur le débat de la motion que nous avons présentée pour retarder l'adoption de ce bill, mais si nous avons demandé de le retarder, c'est par ce que nous sommes conscients du fait que la population commence à peine à prendre connaissance des incidences du bill 250 et des bills qui suivent, c'est-à-dire une vingtaine de bills. Déjà, ce gouvernement libéral pressé tentait de nous imposer des lois à la demi-douzaine. Maintenant, ce n'est plus à le demi-douzaine ni à la douzaine, c'est à la vingtaine. On nous amène un "package deal", un paquet. Tu prends tout ou tu ne prends rien. C'est d'ailleurs le genre de paquets qu'un autre gouvernement libéral, dans un autre Parlement, a déjà passé à la population. C'est probablement là que l'actuel gouvernement a pris l'exemple pour nous présenter des motions omnibus pour tenter, encore une fois, de mettre la pression sur les députés.

Ce la presse tellement, il faut adopter cela vite, cela presse. Oui, mais probablement qu'on a pris l'exemple dans l'autre Parlement, avec le fameux bill omnibus que tous connaissent, c'est pourquoi on ne peut se permettre d'être d'ac- cord sur ce que le gouvernement nous propose. Puisqu'il est six heures, je demande la suspension du débat.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): J'ai un message du président de la Chambre à l'effet qu'il veut rendre sa décision à six heures, mais il n'est pas arrivé encore.

M. BURNS: M. le Président, personnellement, je préférerais, vu que cette décision concerne ma motion, que cela se fasse ce soir parce que si j'ai une directive à demander au président à la suite de sa décision — je ne sais pas ce qu'elle sera — à ce moment-là je préférerais avoir le temps de le faire sans qu'on me dise qu'il passe six heures; Ferme ta boîte et va-t-en chez vous.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Je pense que ce n'est pas l'intention du président.

M. BURNS: Non, ce n'est pas le président qui ferait cela mais ça pourrait être quelqu'un d'autre en Chambre. Il est six heures, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): A moins qu'on ait consentement, je n'ai aucun choix.

M. BURNS: Vous n'avez pas mon consentement, M. le Président.

M. LEVESQUE: On n'a pas le choix.

M. BURNS: Je vois ai dit que vous n'auriez pas mon consentement.

M. LEVESQUE: Huit heures quart.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance: 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 22

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs !

Avant de rendre ma décision, j'aurais quelques voeux de bienvenue à faire à certains visiteurs.

I would like to mention the presence in our galleries of twelve Members of the Legislative Assembly of Ontario, belonging to different political parties. They are Members of a selected committee on motorized snowmobile vehicles, and they are here for a couple of days to study with our Department of Transport and our civil servants the by-laws of our snowmobile industry here in Quebec. I wish to extend to them good journey in our Capital and, after working hours, a lot of happiness during this Canival week.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Are they here by ski-doos?

Décision de M. le Président relativement à une question de privilège

LE PRESIDENT: Je voudrais m'excuser, tout d'abord, d'avoir manqué la fin de la séance de cet aprè-midi par quelques minutes, alors que j'arrivais à la porte nez à nez avec le député de Richmond et le député de Portneuf. Je m'en excuse.

Hier, le député de Maisonneuve a soulevé, en vertu de l'article 49 de notre règlement, une question de privilège après m'avoir remis l'avis prévu à l'article 50. Cet avis se lit comme suit: "Veuillez prendre avis qu'avant l'appel des affaires du jour de la prochaine séance de l'Assemblée nationale je désire soulever une question de privilège concernant la participation alléguée de membres de l'Assemblée nationale à un système de favoritisme politique".

Avant l'appel des affaires du jour, j'ai demandé au député de Maisonneuve de m'expliciter la question invoquée à la base de sa question de privilège. C'est alors que je lui ai permis, sous réserve de ma décision sur la recevabilité de sa question de privilège, de lire le document suivant qu'il m'a personnellement remis et qui constitue en somme la question de privilège invoquée. Je cite ce document. "Les multiples questions posées récemment au gouvernement à la suite d'un article paru dans The Gazette du 21 février nous ont permis d'établir que plusieurs membres de l'Assemblée nationale avaient reçu d'un M. Jacques Dussault, fonctionnaire aux Travaux publics, un ou plusieurs formulaires leur demandant de fournir une liste d'entrepreneurs de leur comté auxquels des contrats gouvernementaux pourraient être accordés sans soumission. "Par ailleurs, ces questions et ces réponses n'ont pu établir que des réponses auraient été données à ces formulaires. Certains ministres ont même affirmé publiquement ne pas avoir répondu à ce formulaire. "Or, dans une entrevue, publiée dans le journal La Presse, édition du 22 février, ce même M. Jacques Dussault a clairement affirmé que l'envoi de ce formulaire faisait partie d'un système bien établi de favoritisme politique et, de plus, que des membres de l'Assemblée nationale auraient répondu à ce formulaire participant ainsi à ce système de favoritisme politique. — C'est toujours la déclaration du député de Maisonneuve. — Il est évident, M. le Président, que ces affirmations laissent planer un doute très sérieux sur l'intégrité des membres de notre Assemblée. Ces doutes auraient probablement pu être dissipés par une enquête de la commission des comptes publics. Mais le premier ministre a refusé, à plusieurs reprises, de faire siéger cette commission. "Dans les circonstances, je me vois forcé de recourir à l'article 82 de notre règlement afin de défendre l'intégrité de cette Chambre et de ses membres. Aussi, je vais informer cette Chambre qu'à la suite de cette question de privilège je ferai paraître, dans le feuilleton de demain, avis de la motion suivante:"

Je fais lecture maintenant de l'avis de motion que le député de Maisonneuve a remis au secrétaire général de l'Assemblée nationale, avis prévu à l'article 82 de notre règlement: "Lorsqu'un membre de l'Assemblée désire se plaindre d'une violation des droits de l'Assemblée ou d'un de ses membres commise par une personne qui n'est pas député..." et qui constitue la suite logique, en l'occurrence, permise en vertu de l'article 80 — il y aurait lieu peut-être, pour que ce soit complet, que je cite l'article 80: "Si un député désire qu'action soit prise à la suite d'une question de privilège qu'il a soulevée, il doit le proposer par une motion annoncée. Cette motion a priorité sur les affaires du jour." — de la question de privilège elle-même prévue à l'article 49. Je mentionne immédiatement que les articles 82 et 80 apparaissent sous le chapitre 8 de notre règlement intitulé: Motions portant sur la question de privilège.

Je fais lecture de cet avis: "Il est proposé que l'Assemblée déclare qu'en faisant parvenir à des membres de l'Assemblée nationale un formulaire daté du 22 mai 1970 les invitant à fournir la liste d'entrepreneurs auxquels des contrats pourraient être accordés sans soumission, en déclarant que l'envoi de ce formulaire faisait partie d'un système de favoritisme politique et en affirmant que des membres de l'Assemblée nationale ont participé à ce système en répondant à ce questionnaire, M. Jacques Dussault, fonctionnaire au ministère des Travaux publics, a commis une violation des droits de l'Assemblée nationale. Que l'ordre soit donné audit Jacques Dussault de comparaître devant la commission de l'Assemblée nationale mardi, le 6 mars 1973, à dix heures du matin, afin de répondre de cette violation des droits de l'Assemblée nationale et que la commission de

l'Assemblée nationale se réunisse le mardi 6 mars 1973, à dix heures du matin, dans la salle 81-A, pour disposer de cette question de privilège et qu'instruction lui soit donnée d'entendre tous les témoins, de prendre connaissance de tous les documents nécessaires pour faire enquête sur la question et faire rapport à l'Assemblée." Ceci constitue la fin de la lecture de l'avis de motion.

Il s'agit de déterminer si le fait, pour M. Dussault, d'avoir affirmé à la presse que l'envoi de ce formulaire à des membres de l'Assemblée leur demandant de fournir une liste d'entrepreneurs de leur comté auxquels des contrats gouvernementaux pourraient être accordés sans soumissions, participant ainsi à un système bien établi de favoritisme politique, si le fait, également, pour M. Dussault, d'avoir affirmé à la presse que des membres de l'Assemblée nationale ont prétendument participé à ce système en répondant à ce questionnaire, il s'agit, dis-je, de déterminer si ces deux faits constituent une violation des droits de l'Assemblée nationale ou de ses membres. C'est là — et uniquement là — que réside la question.

Je souligne que le seul document en ma possession est une liste d'entrepreneurs du comté de Charlevoix non signée et déposée le 22 février par le député de Charlevoix, ministre d'Etat à la Voirie, n'ayant pas en ma possession la prétendue lettre prétendument envoyée par M. Dussault.

La procédure prévue dans le nouveau règlement qui régit nos travaux quant aux questions de privilège et aux motions portant sur les questions de privilège est la même, dans les grandes lignes, que celle qui est contenue dans l'ancien règlement. Etant donné que nous sommes en présence d'une procédure exceptionnelle qui, à ma connaissance, n'a pas été invoquée depuis de très nombreuses années, je me réfère à l'article 193 de notre ancien règlement, qui se lit comme suit: "Article 193. Est réputée question de privilège toute question qui concerne les droits de la Chambre prise comme corps, sa sécurité, sa dignité ou la liberté de ses délibérations, ou qui concerne les droits, la sécurité, la conduite ou l'honneur des députés considérés individuellement, mais en leur qualité de membres de la Chambre."

Lefroy, dans le Canada's Federal System, page 157, établit qu'aux termes de la constitution canadienne, l'article 92 de cette constitution confère à la Législature le pouvoir de définir les privilèges de l'Assemblée nationale. Je me réfère maintenant à l'article 66 de la Loi de la Législature, qui prévoit les actes défendus et considérés comme infractions aux privilèges de l'Assemblée nationale.

Je cite immédiatement l'article 66 de la Loi de la Législature.

Sous le titre, section IV, Dispositions diverses des immunités et privilèges de l'Assemblée nationale, article 66, on lit: "Les actes suivants sont défendus et considérés comme infraction aux dispositions du présent paragraphe: "lo Commettre des voies de fait sur la personne d'un député ou proférer des injures ou publier des écrits diffamatoires à son adresse pendant la session ou pendant les 20 jours qui précèdent et les 20 jours qui suivent chaque session. "2o Molester, menacer ou tenter de violenter ou d'intimider un député. "3o Chercher à corrompre un député en lui offrant des présents ou l'acceptation par lui de présents ainsi offerts. "4o Commettre des voies de fait sur la personne des officiers de l'Assemblée nationale et apporter des empêchements à l'accomplissement de leur devoir. "5o Suborner ou tenter de suborner quelqu'un au sujet du témoignage qu'il doit rendre devant l'Assemblée nationale ou l'un de ses comités. "6o Présenter à l'Assemblée nationale ou à l'un de ses comités quelque document faux ou falsifié dans le dessein de tromper "7o Contrefaire, falsifier ou altérer illégalement les archives de l'Assemblée nationale ou de l'un de ses comités, ou les documents ou pétitions présentés ou produits devant l'Assemblée ou le comité, ou destiné à l'être, ou apposer ou souscrire le nom d'une personne sur ces documents ou pétitions dans le dessein de tromper ou d'induire en erreur."

Pin de l'article 66.

Il faut souligner également que les autorités en droit parlementaire sont unanimes pour reconnaître que la Chambre ne peut créer de nouveaux privilèges. Je vous renvoie à Bourinot, à May et spécialement à Beauchesne, entre autres à l'article 103.

Je voudrais également vous citer Beauchesne dans la même édition, quatrième édition, 1964, article 113, page 105, qui dit ceci entre autres: "Une attaque lancée dans un article de journal ne constitue pas une atteinte au privilège, sauf si ladite attaque tombe sous la portée de la définition du privilège donné plus haut, c'est-à-dire accusation précise de voies de fait, entrave au travail normal d'un député, tentative de corruption ou acceptation par un député de présent offert."

Je cite également W.F. Dawson dans Procedures in the Canadian House of Commons, 1962, page 47, qui dit ceci: "Whatever the reason may be, there is no doubt that the old method of dealing with offenses arising from newspaper articles is falling into disuse. The current practice is a very superficial one. The member involved rises on a question of privilege, reads the article referred to, comments on its unfairness or inaccuracy and resumes his seat.

Usually, he does not make a motion condemning the article or its author". Quand, invoquant une question de privilège, le député se borne à protester, il est normal qu'il y ait une plus grande tolérance de la part du président.

Mais lorsqu'une question de privilège est suivie d'une motion demandant la convocation d'une commission et que le débat sur la motion interromprait les travaux ordinaires de l'Assemblée, le président se doit d'être plus prudent. Une ouverture trop large dans cette direction pourrait créer un précédent délicat qui ouvrirait la porte à de nombreux débats sur des motions de privilège occasionnés par un article de journal ou une déclaration d'un individu quelconque, provoquant la suspension indue des travaux normaux de l'Assemblée nationale.

Je conclus donc que cette déclaration de M. Dussault à la presse et que le fait d'avoir prétendument envoyé un formulaire à de nombreux membres de l'Assemblée ne constitue pas véritablement un moyen pour tenter de corrompre un député en lui offrant des présents et ne constitue pas ainsi véritablement une violation des privilèges des membres de l'Assemblée. Nulle part, dans les très nombreux traités de droit parlementaire que j'ai consultés, je n'ai trouvé une justification qui me permettrait de considérer les raisons invoquées par le député de Maisonneuve comme constituant une question de privilège permise en vertu de notre constitution, de nos lois, de notre règlement ou des précédents établis par suite de l'interprétation des lois et des règlements ou par les auteurs.

Conséquemment, cette question de privilège n'est pas reçue et je ne puis permettre la parution au feuilleton de l'avis de motion précité.

M. BURNS: M. le Président, je vous demande une directive. Est-ce que je dois comprendre de votre réponse qu'une accusation à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale qu'il y a un système de favoristisme... M. le Président, laissez-moi terminer.

LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai rendu ma décision.

M. BURNS: Je demande simplement une chose, M. le Président. Vous avez rejeté ma motion. Est-ce que votre décision veut dire qu'une accusation à l'ensemble de l'Assemblée nationale qu'il y a un système de favoritisme n'est pas une violation de droit de l'Assemblée nationale? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

LE PRESIDENT: Ma décision est assez explicite et je n'ai pas un mot à ajouter.

M. BURNS: M. le Président, permettez-moi de vous dire qu'il est malheureux que le règlement ne me permette pas d'en appeler de votre décision parce que je le ferais.

Je considère que votre décision est celle d'un député libéral pour sauver son gouvernement, que c'est une décision partiale, M. le Président, partiale. C'est une décision empreinte de partia- lité, M. le Président, je vous le dis. J'ai beaucoup de respect pour la personne, mais plus pour le président.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BURNS: En ce qui me concerne...

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: ... je n'ai aucun respect pour votre décision de président.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Qui est l'orateur qui a suspendu le débat? Le député de Rouyn-Noranda.

Deuxième lecture (suite) M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, à la suspension à six heures, j'en étais à formuler quelques commentaires quant au code des professions, c'est-à-dire au projet de loi no 250. J'ai mentionné dans le bref exposé, avant six heures, que, par le projet de loi 250, le gouvernement avait, une fois de plus, créé un climat de conflit dans le monde professionnel.

Evidemment, on pourra évoquer les différents mémoires reçus par suite de la réimpression du projet de loi 250. J'ouvre une parenthèse, M. le Président; j'ai l'impression que les journalistes se déplacent seulement quand il y a du sensationnel dans cette Chambre, alors que je crois que leur devoir serait d'être présents tout le long de la séance. C'est, une fois de plus, une magnifique occasion que nous avons...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAMSON: M. le Président, je pense que ce sont les droits d'un député de constater que les galeries se vident auand on n'a pas à discuter de sensationnalisme.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le projet de loi.

M. SAMSON: M. le Président, à votre charmante invitation, je reviens au projet de loi no 250 pour tenter d'expliquer au ministre que, même si quelqu'un invoque des mémoires pour dire qu'à la suite de la réimpression de ce projet de loi les professionnels sont satisfaits, je pense que c'est mal interpréter les discussions ou les différentes déclarations provenant de différents corps professionnels. En effet, nous avons aussi reçu des mémoires, des lettres en provenance du Conseil interprofessionnel du Québec.

On m'a informé que plusieurs lettres sont venues de différentes corporations. C'est drôle, dans l'une de ces lettres, en date du 24 novembre 1972, au deuxième paragraphe on lit ceci: "Il semble que les changements que vous

avez apportés au Code des professions ne tiennent pas compte ou ne recouvrent pas entièrement les points suivants: 1) la protection du secret professionnel; 2) la clarification de la notion de profession à titre réservé ou à champ de pratique et à titre réservé; 3) le problème de la cotisation des membres; 4) le droit du professionnel à être jugé par ses pairs de même que le type de sentence imposée; 5) la pratique illégale; 6) le droit des professionnels de se regrouper en corporation; 7 ) les modalités et les structures de collaboration entre les corporations et les universités.

M. le Président, on peut constater qu'il y a, malgré tout, un profond malaise, quoiqu'on essaie de nous dire que tout le monde est heureux. Pour en revenir à ce que je mentionnais avant l'heure du souper, c'est probablement justement parce que le gouvernement ne permet à personne de dire s'il est réellement satisfait ou non. Pourquoi ne le permet-on pas? Parce qu'on est arrivé avec un bill omnibus. Vous savez ce que c'est, M. le Président, des bills omnibus. Il y en a eu un à Ottawa, mais ce n'est pas une référence. On a offert à Ottawa ce que le gouvernement du Québec nous offre présentement : ou bien vous prenez tout ce qu'il y a là, avec ce que cela comporte de conséquences ou bien vous n'avez rien. C'est un peu cela qu'on offre à nos professionnels présentement.

Il y a peut-être des choses dans l'ensemble des bills dont certains professionnels aimeraient bénéficier mais il y a tellement d'autres choses qu'ils ne veulent pas dans d'autres secteurs qu'on se retrouve devant l'ultimatum: ou bien vous prenez tout ou bien vous n'avez rien. Parmi certains professionnels qui viennent nous. voir, certains nous demandent : Essayez, vous de l'Opposition, de faire tout ce que vous pouvez pour bonifier cela, mais si vous voyez qu'on est pour tout perdre, plutôt que tout perdre... Je pense que la même situation se produit dans d'autres domaines. Regardez ce qui se passe quand quelqu'un est condamné. Il va dire: J'aimerais mieux ne pas l'être mais tant qu'à l'être, j'aimerais mieux sauver les morceaux.

La même chose dans le domaine médical par exemple. Les médecins peuvent savoir que certaines personnes sont condamnées à brève échéance. Ils vont tenter de les soigner. Le patient, même s'il sait que l'échéance s'en vient, dira: Soignez-moi quand même, au cas où... On sait que l'échéance est là. On sait que cela ne donne rien, on sait qu'il est condamné. C'est un peu ça qui va se produire. Il y a des professionnels qui savent que ce qui nous est apporté n'est pas ce qu'il faut, mais le gouvernement ne leur donne pas le choix. Ils n'ont pas le choix des moyens. Ou bien vous prenez tout cela ou bien vous ne prenez rien.

C'est pourquoi nous recevons, de partout en province, des lettres venant de telle profession ou de telle autre profession. On s'aperçoit, des uns aux autres, qu'ils ne sont pas plus satisfaits.

Tout ce que le gouvernement a réussi à créer avec tout ça, c'est un état de conflit en permanence. Nous savons qu'il y avait, entre certaines professions, certains petits conflits, évidemment. Le gouvernement a peut-être tenté ou a peut-être voulu tenter de les régler, mais, par les bills qu'il nous présente, il n'a rien réglé. Il ne réglera rien. Tout ce qu'il fait, c'est accentuer les conflits. Lorsque les professionnels se retrouveront avec l'application de cette loi peut-être longtemps après, on saura nous dire que nous avions raison, comme cela a été le cas pour l'assurance-maladie.

Rappelons-nous que nous, les créditistes, nous avions fait le débat sur cette question. Nous avions fait valoir beaucoup de points de vue. Dans l'immédiat, nous avons réalisé que plusieurs médecins semblaient peut-être satisfaits. Mais, un peu plus tard, ils ont, eux, réalisé que le gouvernement, une fois de plus, avait resserré le carcan autour de leur cou. Une fois de plus, ils ont réalisé qu'à partir d'un état de fait, alors qu'ils avaient plusieurs clients, alors qu'ils pouvaient pratiquer en toute liberté, alors qu'ils pouvaient juger et choisir, ils se sont retrouvés, du jour au lendemain, avec une population qui avait encore besoin de soins et qui en a encore besoin, mais avec un seul client qui est le gouvernement.

Donc, le médecin n'a plus le choix des moyens. Je vois que le ministre me fait des signes. Il me montre du doigt deux plutôt qu'un, mais cela ne change rien. Un fait demeure, c'est qu'après cette loi nous avons été en mesure de constater les nombreuses plaintes des membres de cette profession, les nombreuses plaintes aussi — et ça c'est important — de la population. Comme je le disais cet après-midi, les professionnels existent en fonction des services à donner à la population. Encore une fois, c'est la population qui va subir les effets néfastes de ces lois. Demandez à vos concitoyens, dans votre propre comté, M. le Président, s'ils sont satisfaits d'être obligés d'attendre des semaines et des semaines avant de pouvoir rencontrer un médecin. Demandez-leur s'ils sont satisfaits. Demandez au médecin s'il est satisfait, lui, d'être obligé de faire affaire avec un seul client, parce que celui qui paie est réellement le client.

Les autres sont des numéros que nous retrouverons dans les machines ordinatrices du ministère, que nous retrouverons probablement dans les machines ordinatrices du même ministère dans de nouvelles machines ordinatrices qui seront rendues nécessaires parce que, de plus en plus, le contrôle de l'Etat est tel que nos concitoyens, ou est à la veille de ne plus les appeler par leurs noms. On eft à la veille d'être obligé de les interpeler par des numéros. Exemple: no 205003054. C'est cela que nous avons institutionnalisé au Québec et c'est cela que nous voulons arrêter parce qu'il est temps, je crois, que nous retombions les deux pieds sur la terre. C'est bien beau la technocratie. C'est bien

beau de rêver en couleur. C'est bien beau de pelleter des nuages à la pelle à charbon. Mais cela ne règle pas le problème du citoyen québécois qui a le droit d'avoir des services. Ce sont des services auxquels il a le droit de bénéficier parce que les citoyens québécois doivent être des citoyens à part entière. Malheureusement, par le geste du ministère des Affaires sociales, par le geste du ministre, par le geste de ses conseillers on est en train, de plus en plus, d'encarcaner notre population québécoise; on est en train, de plus en plus, d'enlever les libertés individuelles. C'est pourquoi nous allons voter contre le bill 250. C'est pourquoi mes collègues feront la même chose. Non seulement nous voterons contre le bill 250, mais nous allons continuer à informer la population du Québec pour lui démontrer de quelle façon le gouvernement libéral majoritaire, mais minoritaire en pourcentage de vote, la traite dans la province de Québec.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Je voudrais faire remarquer au député de Rouyn-Noranda qu'il a épuisé son droit de parole.

L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, en écoutant la péroraison du discours du député de Rouyn-Noranda, qui disait qu'il se chargerait de renseigner la population sur la portée et les principes du projet de loi 250, j'ai bien peur que la population ne soit pas trop bien renseignée. En écoutant le député de Rouyn-Noranda, j'ai cru que nous étudiions le principe de l'assurance-maladie après un court séjour dans le sujet préféré du député de Rouyn-Noranda, le bill omnibus. Tout cela, M. le Président, précédé d'une description d'un climat social dans lequel nous vivons et qui met en danger chacun des députés de cette Chambre devant cette montée grandissante du socialisme, de la sexualité et même du communisme.

Jamais je n'aurais cru qu'un tel ministre des Affaires sociales soit une menace aussi grande pour la survie du peuple québécois et pour la liberté de nos chers professionnels.

Parlons de choses sérieuses. J'ai écouté les différents opinants qui m'ont précédé.

Rares sont ceux qui y sont allés de suggestions constructives ou de critiques du projet de loi, tel que nous l'a présenté le ministre des Affaires sociales, à la suite de sa réimpression.

M. le Président, j'ai l'impression que pour le ministre des Affaires sociales, c'est son chant du cygne. Quand il aura réussi à faire adopter toutes ces lois des corporations professionnelles, il pourra dire: Mission accomplie. Il restera sans doute la fluoration, le règlement des différents problèmes de politique sociale avec Ottawa, mais de toute façon, ce ne sera pas le ministre actuel qui réglera ces problèmes.

M. le Président, la loi qui est devant nous régira les relations, d'abord, des professionnels entre eux, et les dispositions qu'on y trouve ont pour but, surtout, de protéger le public. Il ne faut pas en conclure qu'une loi qui se penche sur l'intérêt public est nécessairement de pensée et surtout de conséquence socialiste au sens péjoratif du mot.

M. le Président, chacun de nous est socialiste. Je crois que les plus socialistes que nous ayons entendus aujourd'hui ce sont bien les députés du Ralliement créditiste, parce qu'ils ont crié la protection du public. Si le public ne vit pas dans la société, je me demande où il vit. Par le fait qu'il oeuvre, qu'il respire, qu'il grouille, qu'il vit dans notre société, le Ralliement créditiste, par la voix de ses plus hauts et de ses plus grands hauts-parleurs... Pardon?

M. AUDET: Je vous invite à ne pas jouer sur les mots.

M. PAUL: Chose certaine, je n'ai pas l'intention de faire une faillite de mon discours.

M. le Président, je disais donc que cette loi a subi une évolution qui nous conduit ce soir à l'acceptation d'un principe où l'on retrouve, entre autres, celui de la protection du public et de la protection des membres des corporations professionnelles.

Il suffit de nous remémorer le tollé qu'a suscité la première version du projet de loi 250 pour vite réaliser avec quelle ouverture d'esprit le ministre des Affaires sociales a tenu compte des recommandations qui nous furent faites. Ceux qui ont suivi les délibérations de la commission le savent. Personnellement, j'ai suivi avec beaucoup d'assiduité les séances de la commission parlementaire, sauf celles qui eurent lieu alors que la Chambre siégeait. En aucun temps je n'ai entendu parler de contraintes socialistes, d'activités de sexes dans cette loi, et je dois vous dire que le député de Dorchester a suivi avec intérêt soutenu la présentation de ces différents mémoires.

Les corporations professionnelles représentées par leur exécutif ou leur association, dans certains cas, nous ont fait des représentations qui ont ébranlé le ministre et ses conseillers. Et, dans le cours du mois de septembre dernier, il y a eu un coup de barre qui a donné satisfaction en grande partie aux représentations qui avaient été faites par les différentes corporations professionnelles.

Je ne dis pas que cette loi est excellente. Il y aura des correctifs à apporter et l'expérience vécue par mon collègue, le député de Montmagny, servira sûrement une fois de plus de guide excellent à l'actuel ministre des Affaires sociales. D'ailleurs, vous savez que l'actuel ministre fut un jour l'employé du député de Montmagny.

Quant à moi, même si j'ai beaucoup de respect pour le ministre des Affaires sociales, je n'ai pas l'impression que l'élève a supplanté ou dépassé le maître.

Trêve de plaisanteries. Nous soumettrons à la

commission élue chargée de l'étude du projet de loi 250, des amendements pour répondre dans certains cas aux recommandations d'une corporation spécifique ou dans d'autres cas du Conseil interprofessionnel du Québec.

Le code des professions aura son efficacité pour autant que toutes les corporations le vivront. Il ne faut pas compartimenter les professions dans des cadres trop rigides, car autrement il sera extrêmement difficile d'atteindre l'objectif visé par le projet de loi 250.

Je conviens que l'Etat doit régir les relations, doit surveiller les activités professionnelles, mais je dis que l'Etat ne doit pas contrôler des activités professionnelles. Vous n'avez pas à crier des ah! ah! ah! En aucun temps dans cette législation à l'exception d'un projet de loi, l'Etat ne vient contrôler les activités professionnelles. On peut être traumatisé par des lettres polycopiées que l'on reçoit de sympathisants d'une corporation professionnelle, du moins susceptible d'être reconnue comme telle. Il ne faut pas perdre le nord pour tout ça.

Mais ce qui est important, c'est de retenir les dispositions du rapport Castonguay-Nepveu, surtout du rapport Castonguay.

Et, je me réfère à la page 47 du tome I du volume VII où il est dit ceci: "Il en résulte qu'aucune profession ne saurait être réglementée en vase clos par ses propres membres et sans la participation du reste de la collectivité qui est, elle aussi, touchée par les décisions des ordres professionnels. Il en résulte également qu'aucune profession ne saurait en maintenir une autre en tutelle, sous peine de conflits d'intérêts différents, mais non moins sérieux que ceux que nous venons d'exposer." Le ministre verra facilement, comme tous ceux qui sont intéressés à ce problème des différentes corporations professionnelles, qu'il y en a au moins une qui est exposée à devenir en tutelle. Je suis convaincu que le ministre est déjà disposé à respecter les termes mêmes de la recommandation du rapport Castonguay-Nepveu sur ce point.

M. CASTONGUAY: Les naturopathes?

M. PAUL: Non, M. le Président; je vous signalerai les chiropraticiens, dans la constitution de leur exécutif. Peut-être que le ministre pourrait, dès maintenant, inviter ses conseillers à examiner ce point parce que, de toutes les professions, de toutes les corporations professionnelles, dans le texte que nous avons, c'est la seule qui devient minoritairement contrôlée. Il y en a peut-être d'autres aussi, une ou deux; mais je crois que l'exécutif des chiropraticiens, tel que suggéré dans le projet de loi, ne devrait pas être maintenu et je suis sûr que le ministre verra à attirer l'attention des fonctionnaires sur ce point.

M. le Président, il faudra également envisager le regroupement de certaines professions soeurs, et c'est là que j'ai trouvé excellentes les suggestions positives. Quand on joue un rôle sérieux de député de l'Opposition, on ne fait pas que cracher dans les nuages; il faut attirer l'attention de l'autorité en place et l'inviter à corriger sa loi, à l'améliorer en faisant des recommandations ou suggestions constructives. Il ne faut pas que la critique d'une loi soit toujours du négativisme, parce qu'autrement nous sommes des membres inutiles dans l'Opposition. Et je m'interroge sur les différentes recommandations, suggestions qui furent faites par les opinants d'un mouvement politique ou d'un groupe de l'Opposition en cette Chambre depuis que nous avons commencé l'étude du projet de loi 250.

M. le Président, l'une de ces recommandations faites par le député de Montmagny, c'est de faire jouer un véritable rôle de coopération ou de coordination, soit par l'Office des professions ou par le Conseil interprofessionnel du Québec. L'un ou l'autre de ces organismes, M. le Président, serait la voie normale d'une négociation des différents problèmes que les professions soeurs rencontrent dans leur évolution quotidienne ou dans la marche quotidienne de leurs opérations. Qu'il me soit permis de vous citer, à titre d'exemple, différents problèmes non pas insurmontables, mais auxquels on n'a peut-être pas voulu apporter de solution jusqu'ici, comme cette division que l'on rencontre entre, d'une part, les ophtalmologistes, d'autre part, les optométristes et, d'autre part, les opticiens d'ordonnance.

Nous pourrions peut-être, M. le Président, étendre également cette nécessité de compréhension, de coordination, de bonne relation entre médecins d'une part, infirmiers et infirmières d'autre part. Et j'aurais d'autres exemples à donner au ministre. Je sais qu'il connaît parfaitement toutes les difficultés que les professions se créent les unes les autres. Dans certains cas il s'agit de conserver certains droits acquis, mais d'un autre côté, il faut que tous les professionnels des différentes disciplines admettent que le but premier de leur existence et que le principal principe visé par cette loi, c'est la protection du public.

Et si, M. le Président, l'Office des professions et le Conseil interprofessionnel recevaient un mandat défini que l'on pourrait arrêter dans un texte amendé lorsque nous irons en commission élue, je crois que les professionnels en seraient les premiers à en retirer des bénéfices et avantages, parce qu'à l'intérieur même des professions, il y a des problèmes qui ne peuvent être maintenus ou, si vous voulez, prolongés, comme, par exemple, entre le Barreau et les universités, entre, d'une part, ceux qui ont charge de l'enseignement des matières professionnelles et, d'autre part, ceux qui ont la responsabilité de l'adminission à la pratique des mêmes membres de cette corporation.

M. le Président, nous pourrions citer d'autres exemples. Et un autre devoir ou rôle que pourrait jouer soit l'Office des professions ou le

Conseil interprofessionnel serait également d'étudier, de concert avec le gouvernement, les demandes des groupes professionnels qui veulent être reconnus, soit à titre réservé ou dans un champ de pratique exclusive et qui voudraient être ajoutés à l'une ou l'autre des annexes qui se trouvent à la fin du projet de loi.

Des conflits s'élèveront entre les professionnels d'une même corporation ou de corporations oeuvrant dans le même milieu, et il faudra nécessairement qu'il y ait un organisme temporisateur ou catalyseur pour tâcher de jeter du lest dans cette lutte que se livrent malheureusement et au détriment de l'intérêt public certains corps professionnels ou corporations les unes à l'endroit des autres.

M. le Président, il faudra de plus retenir l'une des suggestions, faites par le député de Montmagny, aux fins de créer un organisme permanent chargé de surveiller la bonne marche ou l'application de cette loi 250. Il faudra que cette loi puisse répondre aux aspirations et aux besoins de protection du public. Et si les professions avaient l'assurance d'avoir un organisme, un interlocuteur valable entre, d'une part, leur corporation et le gouvernement qui pourrait être, par exemple, l'Office des professions ou le Conseil interprofessionnel, ces gens auraient l'assurance que leurs revendications seraient entendues en temps opportun par les membres d'une commission permanente.

Une fois ou deux par année, cette commission ad hoc des professions pourrait convoquer le Conseil interprofessionnel du Québec ou encore toute corporation qui a des représentations ou des demandes à faire au gouvernement. Ils pourraient répondre aux questions des députés en même temps qu'ils auraient l'occasion de demander certains correctifs ou des amendements à leur propre loi.

Si nous voulons qu'il y ait efficacité dans l'application de cette loi, il faut qu'il y ait occasion ou moyen reconnu et continu de recevoir les différentes représentations des corporations professionnelles. J'irai jusqu'à soutenir l'excellente recommandation — je termine dans une minute ou une minute et demie, M. le Président — faite par mon collègue le député de Montmagny aux fins de nommer un ministre responsable des corporations professionnelles.

Personnellement, je ne suis pas effrayé par cette loi; au contraire, elle répond à un besoin. Si nous voulons mettre fin à certains abus de poursuites des professionnels les uns contre les autres, si nous voulons créer un bon climat parmi les gens qui doivent donner davantage à la société parce qu'ils ont reçu plus, il faut aller de l'avant avec le projet de loi 250. Pour cela, bien humblement, je le répète à nouveau, il faudra donner des moyens, des mécanismes de promotion professionnelle, de stimulation professionnelle, de bonne entente professionnelle et ce dans le meilleur intérêt des membres des différentes corporations et surtout dans le meilleur intérêt du public. C'est pourquoi sans crainte, sans dévier aux principes que nous avons reçus, aussi bien vous, M. le Président, que la majorité des députés de cette Chambre, nous ne serons pas des communistes, nous ne serons pas des socialistes, nous ne serons pas des sexuels si nous votons pour le principe de la loi 250. C'est ce que les députés de l'Union Nationale feront avec empressement, conscients que nous sommes que nous améliorerons finalement le sort des Québécois.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, en premier lieu je voudrais souligner une dimension particulière qui me semble être ressortie des interventions des membres de l'Union Nationale et du Parti québécois, c'est-à-dire l'aspect, de façon générale et complète, en fait, très positif de leurs interventions et de la plupart des suggestions qu'ils ont formulées.

Je ne reprendrai pas chacun de ces points par souci d'être aussi bref que possible, d'autant plus qu'il est clair qu'un bon nombre d'entre eux pourront être repris à l'occasion de l'étude, article par article, du projet de loi. Je voudrais aussi souligner que la plupart des questions ou suggestions soulevées ont été reprises par un certain nombre de députés.

Au lieu d'essayer de reprendre les remarques d'un député en particulier, pour passer ensuite à celles d'un autre député, il me semble que certains points se dégagent. Sans les attribuer à un député en particulier, il y aurait peut-être avantage à ce que je fasse quelques commentaires sur ces points.

On a parlé, en premier lieu, de l'opportunité de créer une commission permanente qui aurait pour mission particulière d'entendre les représentations de l'Office des professions ou encore le Conseil interprofessionnel ou encore certains groupes professionnels. Cette question ne peut être tranchée dans la législation. Les commissions parlementaires, comme tout le monde le sait, d'ailleurs, sont constituées par notre règlement. Il me semble qu'il s'agit là d'une suggestion très positive. Vous comprendrez, toutefois, que je ne suis pas en mesure de donner une réponse en ce moment, étant donné que ces commissions doivent être constituées, si je comprends bien, dans le règlement de notre Assemblée. Pour ma part, je trouve qu'il s'agit là d'une suggestion très positive.

On a parlé également du rôle de l'office des professions qui pourrait être quelque peu élargi, d'abord pour servir, au nom du gouvernement, d'interlocuteur pour étudier les questions de reconnaissance ou de formation de corporations

professionnelles, pour étudier aussi les problèmes qui peuvent se poser avec l'application de la loi et faire des recommandations.

Egalement, un sujet très important: les rapprochements entre les membres des corporations professionnelles, une meilleure coordination dans le travail des professionnels, membres de diverses corporations. Encore là, il me semble qu'il s'agit d'une suggestion extrêmement positive. Le député de Montmagny, en particulier, sait jusqu'à quel point la question est difficile. Il a lui-même formé certains comités visant à effectuer des rapprochements entre divers groupements. Certains de ces comités n'ont même pas pu prendre le départ, les membres de corporations différentes refusant de siéger et de s'asseoir à une même table. On peut voir jusqu'à quel point le problème est complexe. Pour l'information des membres du Ralliement créditiste, ces problèmes existent depuis longtemps et ne peuvent être réglés par voie de législation. Ils seront réglés par les hommes qui pratiquent ces professions. Je mentionne ceci parce que ce sont des problèmes séculaires dans certains cas, qui ne sont pas nés au moment de la présentation de la législation qui est devant la Chambre.

On nous a aussi suggéré d'élargir le rôle du Conseil interprofessionnel du Québec. Il me semble que la suggestion est un peu différente, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un organisme qui représente les corporations comme ensemble. C'est sa fonction première. Si l'on ne veut pas qu'il y ait confusion dans les rôles, il me semble que c'est une fonction qui doit demeurer telle qu'elle est.

On a également mentionné la nécessité ou l'opportunité de nommer un ministre responsable de l'application de cette législation. Sans entrer dans la discussion des dispositions du projet de loi, car ce n'est pas le moment, je voudrais tout simplement rappeler, toutefois, que l'article 186, tel qu'il est rédigé, donne toute la latitude voulue, je crois, au premier ministre pour poser les gestes qui peuvent paraître les plus appropriés sur ce plan.

On a également souligné et rappelé que le rapport portant sur les professions et la société, qui reprenait, sur ce point, des idées déjà exprimées dans d'autres rapports, affirmait qu'une corporation ne devrait pas exercer une tutelle sur une autre corporation. C'est exact. Le rapport est très explicite sur ce plan.

Par contre, lorsque l'on se réfère à la formation d'un bureau d'une corporation spécifique dont les membres de ce bureau, pour une période provisoire, seraient composés en majorité de personnes qui ne sont pas membres de cette corporation, pour autant qu'elles ne sont pas membres d'une autre corporation qui pourrait avoir des visées de tutelle, je ne crois pas que l'on puisse interpréter cela comme étant une tutelle d'un groupe sur un autre. Il s'agit, à mon sens, de faire en sorte que les membres du bureau qui n'appartiennent pas à la corporation ne soient pas tous du même groupement professionnel et, de préférence, ne soient même pas des professionnels.

Quant aux interventions faites par le Ralliement créditiste, je vais être relativement bref. On a vu, dans ce code des professions, une poussée de socialisme. Le code des professions vise à instituer certaines corporations professionnelles et à maintenir les autres corporations professionnelles en changeant quelque peu les dispositions qui les gouvernent et en faisant une certaine rationalisation dans l'ensemble. Si c'est du socialisme, cela fait donc au moins 150 ans au Québec que nous vivons dans une ère de socialisme parce que les premières corporations ont été formées alors même que le mot n'était pas connu. Je suis plutôt porté à écouter et à partager les points de vue des autres députés de cette Chambre qui, du côté ministériel comme du côté du Parti québécois et de l'Union Nationale n'y voient qu'une législation visant à la protection du public.

On a également dit qu'encore une fois ce serait une addition au mécanisme étatique. On y voyait une nouvelle addition à la bureaucratie. Je rappellerais que les corporations professionnelles qui sont comprises dans le code existent, pour la pluspart, et que le seul organisme nouveau qui va être formé est un office qui sera composé de cinq membres dont deux seulement seront à plein temps. Il me semble que le principe de cet office va de soi lorsque l'on imagine les difficultés, difficultés, d'ailleurs, que les députés du Ralliement créditiste ont soulignées lorsqu'il n'existe pas d'interlocuteur bien identifié entre le gouvernement et les corporations. Encore là, il me semble que ce sont des épouvantails que l'on lance, des espèces de phrases-clés qu'on essaie de répéter à toutes les sauces, sur toutes les questions et qui n'ont aucune relation avec le contenu. On est même allé jusqu'à dénoncer l'assurance-maladie. Je me demande si on veut retourner à l'époque où une personne, lorsqu'elle était malade, pouvait s'endetter pour des années et des années. Est-ce que l'on veut retourner à l'époque où le médecin était obligé, lorsqu'il n'était pas capable de se faire payer, de placer ses comptes dans les mains d'agences de perception? Si c'est ça qu'on veut, qu'on le dise donc clairement. Mais qu'on n'essaie pas de jouer sur les mots comme on l'a fait tout l'après-midi.

Quant au fardeau de travail des professionnels, on semble dire qu'ils sont enterrés dans la paperasse. Je voudrais simplement rappeler l'étude qui a été publiée le printemps dernier, étude effectuée par des gens extrêmement intègres de l'université McGill. Elle démontrait que tel n'était pas le cas mais qu'au contraire l'assurance-maladie, déjà, avait eu pour effet de réduire le fardeau purement administratif des médecins parce qu'ils n'ont plus de perception à faire, ils n'ont pas à transiger avec toute une série de compagnies d'assurance. Bientôt, une deuxième tranche de cette étude va être publiée

et elle va démontrer très clairement qu'on peut déjà voir une amélioration dans les statistiques de morbidité de la population, particulièrement dans les comtés que ces députés représentent. Alors, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'en dire plus sur ces interventions.

C'est pourquoi je voudrais répondre à une question bien précise du député de Montmagny et à laquelle il me semble nécessaire de répondre pour faire le point. Il a demandé quelles étaient les nouvelles corporations dans la première version, quelles sont les nouvelles qui sont proposées dans la deuxième version de telle sorte que l'on puisse voir plus clairement où nous en sommes.

Dans la première version, les corporations avec un champ d'exercice exclusif dont la formation était proposée étaient les suivantes: Corporation professionnelle des denturologistes, des chiropraticiens, des acousticiens en prothèses auditives — qui, avant que le projet de loi ne soit complètement adopté, s'appelleront des audioprothésistes — les podiatres et les physio thérapeutes. Quant aux corporations à titre réservé, il n'y en avait qu'une qui était proposée dans la première version, celle des hygiénistes dentaires.

Dans la version réimprimée, on retrouve, quant aux corporations à champ d'exercice exclusif, les mêmes moins une, soit celle des physio thérapeutes. Quant aux corporations à titre réservé, on trouve les physiothérapeutes, les hygiénistes dentaires, comme dans la première version, les techniciens dentaires, la Corporation professionnelle des orthophonistes et des audiologistes qui, présentement, dans la loi actuelle, comme on l'a vu, se chevauchent. Ce n'était pas clair, à savoir si c'était une corporation à titre réservé ou à champ d'exercice exclusif. Il y a les ergothérapeutes qui, comme on se souvient, ne voulaient pas être assimilés aux physiothérapeutes, les infirmiers et les infirmières auxiliaires et, enfin, même s'ils n'apparaissent pas dans la version réimprimée, mais ce sera un amendement que je proposerai, les technologistes médicaux.

Comme on le sait, depuis que nous avons étudié les projets de loi, un jugement a été rendu. Un technologiste médical a été accusé d'avoir pratiqué la chimie alors qu'il n'effectuait que son travail normal au sein d'un hôpital, travail que ces technologistes effectuent depuis très longtemps. Il nous semble que vis-à-vis d'une telle situation, il nous faut inscrire, dans la loi, une réalité qui est acceptée de tous, une réalité qui est extrêmement importante pour les patients, dans les hôpitaux, soit celle des technologistes médicaux, et amender la Loi des chimistes en conséquence, de telle sorte qu'il n'y ait pas le genre de conflits qui existent présentement.

Egalement, M. le Président, on a parlé — et il me semble que c'est un point rappelé très brièvement — des problèmes de difficulté de travailler entre eux qui se présentent dans diverses corporations professionnelles. Je voudrais rappeler ici la clause de délégation d'acte qui est proposée et qui peut avoir un effet positif très sensible. Comme cette disposition a déjà fait l'objet de discussions, je ne m'y attarde pas plus longuement.

Je voudrais toucher, en terminant, la question de la langue qui a été soulevée par, je crois, tous les députés du Parti québécois, et à tout le moins un des députés de l'Union Nationale, pour dire qu'il est exact que la langue est une question importante, qu'elle est délicate aussi et qu'elle prend une importance qu'on ne peut pas sous-estimer lorsque l'on traite d'un domaine où il s'agit de services très personnels. D'ailleurs, c'est pour cette raison que le gouvernement a présenté à cette Chambre, pour adoption, en fait, ce que le rapport Gendron signale comme étant une des seules lois dans le domaine apportée par le gouvernement du Québec, c'est-à-dire la loi 64. Nous ne sommes donc pas insensibles à cette question et nous avons déjà posé des gestes, dans ce secteur bien particulier.

Je voudrais rappeler, toutefois, parce que ceci n'a été fait par aucun des députés, et j'ai porté grande attention à ce qu'ils disaient, qu'à aucun moment, à l'occasion des audiences de la commission parlementaire, il n'a été question de la langue. Ni un seul député, ni un seul porte-parole des groupes qui sont venus devant nous ont soulevé cette question, à aucun moment, à ma connaissance. Je mentionne ceci non pas pour minimiser l'importance de la question mais pour faire ressortir deux points, qui sont les suivants: on nous a demandé — je crois que la question était très pertinente — si nous connaissions l'opinion des groupes professionnels sur cette question.

Je ne crois pas qu'il ait été possible de connaître l'opinion des groupes professionnels sur cette question puisqu'il n'en a jamais été question à l'occasion des audiences.

Je mentionne également cette question parce qu'un certain nombre de députés ont souligné l'importance, pour des législations comme celle-ci qui touche un grand nombre de professionnels, qui touche indirectement à l'ensemble de la population de passer par le mécanisme des commissions parlementaires, de telle sorte que les groupes touchés puissent venir s'exprimer.

Et justement, récemment, alors que nous étions dans une phase de travail très active, lorsque nous avons déposé la Loi de la protection de la jeunesse et que nous n'avons pas donné une réponse immédiate quant à la déférence de ce projet de loi à une commission parlementaire, on nous en a fait des griefs. Et pourtant cette loi ne touche qu'à une partie beaucoup plus faible de la population.

Je voulais rappeler ces faits. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter au moment de l'étude article par article, mais je crois que nous devons garder la même logique, il me semble, vis-à-vis de toutes les questions, que celle que nous

avons adoptée pratiquement comme mode de fonctionnement pour l'étude des projets de loi que nous avons eus dans ce secteur.

C'est sur ces paroles que je voudrais terminer cette brève réplique. Et je crois qu'étant donné l'importance du projet de loi, il y aurait lieu de demander un vote enregistré.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Qu'on appelle les députés!

Vote sur la deuxième lecture

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en faveur de cette motion de deuxième lecture du projet de loi 250 veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Hardy, Choquette, Castonguay, Garneau, Goldbloom, Tetley, Drummond, Bienvenue, Mailloux, Vaillancourt, Cadieux, Houde (Fabre), Théberge, Brown, Brisson, Picard, Fraser, Fortier, Caron, Carpentier, Dionne, Faucher, Giasson, Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pilote, Shanks, Veilleux, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Gagnon, Croisetière, Laurin, Burns, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion de deuxième lecture veuillent bien se lever, s'il vous plait !

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy (Beauce), Brochu, Drolet, Guay, Béland, Audet.

LE SECRETAIRE: Pour: 45 Contre: 7.

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: Article 16. M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi no 250 soit déféré à la commission spéciale sur les professions.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Article 16.

Projet de loi no 252 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 252, Loi médicale.

M. PAUL: M. le Président, avant que l'honorable ministre des Affaires sociales prononce son discours de deuxième lecture sur la loi 252, j'aurais une directive à vous demander. J'ai vérifié au journal des Débats la déclaration du ministre des Affaires sociales lors de son discours de deuxième lecture. Je ne lui en fait pas grief, mais il faudrait peut-être embarquer le lieutenant-gouverneur en conseil dans toute la patente. Il n'en a pas été fait mention dans le discours du ministre, alors ça devient grave. Je ne voudrais pas qu'il recommence, M. le Président, mais je voudrais que d'une façon ou de l'autre on intéresse Son Excellence le lieutenant-gouverneur.

LE PRESIDENT: Sur le bill 250? M. PAUL: Sur le bill 250.

LE PRESIDENT : Il pourrait le faire avant la troisième lecture, mais est-ce qu'on pourrait avec le consentement unanime le faire immédiatement? Consentement unanime. Faites votre prière.

M. CASTONGUAY: Alors, M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

LE PRESIDENT: Si je comprends bien, est-ce que vous devrez répéter pour le bill 252?

M. CASTONGUAY: Je peux répéter, M. le Président, il a pris connaissance de celui-ci également.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire quand le lieutenant-gouverneur a fait ça?

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, le projet de loi 252 qui est maintenant devant la Chambre a pour principal objet d'abroger la Loi médicale actuelle et de la remplacer par une nouvelle loi médicale qui concorde avec les dispositions du projet de loi 250. C'est aussi pour mettre à jour cette loi pour la rendre plus conforme aux réalités actuelles. Comme le principe est très clair, très bien exprimé, je vais être aussi bref que possible. Il s'agit d'une situation, il existe une corporation professionnelle, et je vais me limiter à indiquer simplement certaines particularités du projet de loi qui est devant nous.

En premier lieu, la définition du champ de pratique. La définition du champ de pratique de la médecine qui est prévue dans le projet de loi reprend d'une façon générale la définition contenue dans la Loi médicale actuelle, mais elle fait également l'objet de certaines modifications, suite aux nombreuses consultations et

discussions que nous avons eues au cours de l'étape précédente de l'étude de ce projet de loi.

L'une des innovations majeures à signaler, c'est le pouvoir de réglementation qui est prévu dans les dispositions de ce projet et qui permettra au bureau de l'ordre de déterminer, parmi les actes qui sont réservés en exclusivité aux médecins, ceux qui, selon certaines conditions à être déterminées, pourront être posés par des groupes autres que les médecins. Ceci signifie, par exemple, que l'exercice par le bureau de l'ordre des médecins, du pouvoir réglementaire prévu pourra permettre d'identifier certains actes qui pourront être posés légalement par d'autres groupes, notamment par les infirmières.

Nous avons vu, au cours de nos travaux, les difficultés que présente la situation actuelle. E s'agit d'une première innovation qui vise à mieux adapter la loi aux réalités actuelles. Cette même clause, nous allons, d'ailleurs, la retrouver dans d'autres projets de loi, de telle sorte qu'on puisse viser l'objectif mentionné par plusieurs, c'est-à-dire effectuer des rapprochements encore plus étroits entre les groupes professionnels pour que chacun puisse jouer un rôle aussi adapté que possible aux exigences de la situation et aux connaissances que ces professionnels possèdent.

Un autre aspect du projet de loi qui doit être souligné, parce que très important, est celui de la formation ou encore des mécanismes visant à assurer une formation adéquate des candidats à l'exercice de la profession, tout en maintenant très clairement aux corporations professionnelles le pouvoir qu'est le leur d'admettre, au sein de leur corporation, les nouveaux membres. Un équilibre délicat doit être réalisé, comme on a pu le voir, entre, d'une part, les établissements d'enseignements et les corporations professionnelles, compte tenu du fait que les établissements d'enseignement, comme le député de Maskinongé le soulignait plus tôt aujourd'hui, se préoccupent, à juste titre, des aspects plus académiques de la formation, des aspects plus fondamentaux, alors que les corporations professionnelles visent à assurer, par leurs préoccupations, que les professionnels admis à la pratique sont vraiment en mesure de satisfaire aux exigences de la pratique. L'enseignement qu'ils visent ou les exigences qu'ils veulent voir respectées sont d'un autre ordre que celles que visent ou ont généralement à l'esprit les établissements d'enseignement.

Il faut donc faire en sorte que ces deux types de préoccupations se marient de façon aussi harmonieuse que possible, de telle sorte qu'au terme de leurs études les étudiants puissent être admis sans qu'il soit nécessaire de leur imposer des conditions additionnelles pour des raisons de mauvaise coordination entre les deux types d'organismes. Cela évitera aussi que les étudiants ne soient obligés de prolonger dans certains cas, des études qui ont déjà été fort longues et fort onéreuses.

Malgré ce mécanisme qui est décrit et qui vise à associer de façon positive — c'est l'esprit de ces dispositions — les corporations professionnelles aux mécanismes d'élaboration des programmes d'évaluation des étudiants, il se peut que dans le jugement d'un ordre professionnel donné il y ait des conditions ou formalités additionnelles qui soient requises avant qu'un étudiant ou un candidat à l'exercice d'une profession puisse être admis.

On peut imaginer que ces conditions soient de deux ordres. Il y a celles touchant directement à la formation, et ainsi l'ordre a, dans les dispositions de ce projet de loi, la possibilité d'ajouter aux conditions soit des stages, soit des examens. Il y a d'autres conditions qui sont d'un autre ordre, qui ne portent pas sur la formation, mais qui portent sur l'habileté à divers titres d'un membre d'exercer une profession qui exige le respect d'un code de déontologie.

Les règlements permettant à l'ordre d'ajouter au besoin des conditions additionnelles, comme tous les autres règlements, devront être approuvés, selon le projet de loi, par le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est donc un mécanisme qui, croyons-nous dans son ensemble, permettra, si on veut bien s'en servir de la façon dans laquelle il a été conçu, que les corporations professionnelles au Québec s'associent positivement avec les établissements d'enseignement et que l'on évite que se reproduisent des situations comme celles que nous avons connues au cours des dernières années, notamment au cours de l'été 1970, lorsque nous avons vu un certain groupe d'étudiants en médecine dentaire ne pas être admis à la pratique parce qu'il y avait évidemment conflit entre l'université, la faculté et la corporation professionnelle ou le Collège des dentistes. Je me limite à cet exemple parce que je pense qu'il était assez clair, assez évident, assez représentatif des types de difficultés qui peuvent résulter s'il n'y a pas de mécanisme approprié pour assurer justement le travail d'élaboration des programmes d'une façon aussi étroite que possible par les deux types d'organismes et aussi des mécanismes d'évaluation.

La question de l'agrément des établissements d'enseignement est également une question qui est reliée étroitement à celle de la formation. Cette fonction, présentement, en vertu de la loi actuelle, est confiée à l'ordre des médecins. Elle a été modifiée lorsque nous avons adopté ici en Chambre la loi no 65 sur les services de santé et les services sociaux. En vertu de l'article 88 de cette loi, l'on sait que c'est aux institutions d'enseignement qui sont reconnues par le ministre de l'Education et le ministre des Affaires sociales qu'appartient le pouvoir de conclure des contrats d'affiliation avec des établissements, notamment les centres hospitaliers, aux fins...

LE PRESIDENT: Je m'excuse d'interrompre

le ministre des Affaires sociales mais j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt son intervention. Je lui rappellerais peut-être, je ne dirais pas la rigueur, je n'aime pas employer ce mot, les impératifs de notre règlement à l'effet que nous devons, en deuxième lecture, nous en tenir au principe, à la valeur intrinsèque du projet de loi. Je sais que souvent, dans certaines modalités, dans certains détails, il peut y avoir des principes. Je l'ai suivi lorsqu'il a fait la relation entre la Loi médicale, l'enseignement, la préparation des programmes, la reconnaissance des établissements. Je l'ai laissé aller jusque là mais je ne voudrais pas qu'il entre dans les détails d'application de cette réglementation ou des programmes.

M. CASTONGUAY: Merci, M. le Président. Je continue donc en suivant, très attentivement, vos conseils. Je vais parler du rôle de l'Ordre des médecins quant à la qualité des soins médicaux fournis dans les établissements. C'est un rôle très fondamental parce que l'on sait que c'est l'Ordre des médecins qui a pour mission d'assurer au public la garantie de la compétence et de la moralité de ses membres. Ceci est confirmé, d'ailleurs, par le pouvoir qu'a l'Ordre de délivrer des permis d'exercice, des permis de spécialistes. De plus, des comités visent à exercer la discipline nécessaire et aussi l'inspection professionnelle telle que prévue dans le projet de loi.

Ce rôle s'exerce d'abord vis-à-vis de chacun des médecins mais il est aussi important, comme on l'a fait valoir, que le rôle s'exerce de façon quelque peu différente étant donné que la médecine se pratique de façon extrêmement importante aussi bien quant au nombre des actes que quant à la nature des actes posés dans les établissements.

A cette fin, le projet de loi prévoit clairement que le bureau de l'Ordre des médecins pourra faire effectuer des enquêtes au sujet de la qualité des soins médicaux fournis dans les établissements et qu'il sera interdit d'entraver, de quelque façon que ce soit, les représentants du Collège des médecins dans cette fonction. Alors, voilà une autre particularité du projet de loi qui est clarifiée et qui adapte la loi actuelle aux réalités.

Enfin, nous avons vu, encore récemment, par la voie des journaux, que des personnes demandent d'être admises à la pratique. Elles viennent soit d'en dehors du Québec, de d'autres provinces, ou encore de l'extérieur du pays. Ceci pose, évidemment, des difficultés.

Alors, nous proposons, dans ce projet de loi, pour tenter de faciliter la tâche du collège et pour permettre à des personnes qui sont au Québec de mettre à profit, au bénéfice de la population, leurs connaissances, la possibilité pour l'Ordre d'émettre un permis restrictif annuel et renouvelable. Ce permis pourra être accordé même si la personne visée par le permis n'est pas détentrice d'un certificat d'immatriculation et ne s'est pas conformée à toutes les conditions et formalités imposées par la loi, lorsqu'elle sera adoptée, et les règlements. Il faudra toutefois que cette personne soit titulaire d'un diplôme reconnu comme étant valide par le lieutenant-gouverneur en conseil ou jugé équivalent par le bureau et ait prêté serment. Je ne vais pas plus dans les détails mais il me semble que c'est une question assez importante. On peut imaginer certaines personnes qui ont pratiqué à l'extérieur la médecine et qui veulent venir au Québec pour pratiquer dans un domaine bien spécifique. Le collège peut être assuré qu'elle pourrait pratiquer dans un domaine très spécifique mais il n'est pas disposé à délivrer un permis lui donnant la possibilité d'exercer la médecine de façon générale.

Alors, c'est une nouvelle réalité. Nous en avons eu des exemples récemment. Le projet de loi vise à adapter, de nouveau, la loi à cette nouvelle réalité.

Enfin, au Québec, certaines personnes qui ont étudié l'ostéopathie pratiquent leur profession. Elles sont peu nombreuses. C'est une profession qui ne se développe pas, au Québec. Il est évident que ces personnes doivent soit se contrôler entre elles pour la protection du public ou encore s'amalgamer à un autre groupe, de telle sorte que la population soit bien protégée. De l'accord des membres, de même que de l'accord de la profession médicale, les ostéopathes, qui pratiquent présentement au Québec et qui sont très peu nombreux, seront incorporés ou deviendront membres du Collège des médecins.

Ce sont des particularités du projet de loi qu'il paraissait nécessaire, il me semble, de faire ressortir, M. le Président. J'espère que je ne me suis pas trop éloigné du principe au cours de mes remarques. Ce sont des aspects importants qui auront pour effet, nous croyons, de permettre à l'ordre des médecins de jouer, dans l'avenir, d'une façon plus adéquate que jamais, son rôle, compte tenu du fait que, présentement, la loi ne lui permettait pas toujours de jouer aussi efficacement ce rôle qu'il l'aurait voulu. Merci.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je demande l'ajournement du débat de deuxième lecture.

M. LEVESQUE: Article 39.

M. PAUL: Cette motion est-elle adoptée? M. LEVESQUE: Elle l'est.

LE PRESIDENT: Cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté.

Proiet de loi no 279 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 279, Loi modifiant la loi constituant la Commission de transport de la rive sud de Montréal.

M. Victor Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, la Commission de transport de la rive sud de Montréal a été créée le 23 décembre 1971. Elle est inopérante depuis. La raison pour laquelle elle ne fonctionne pas est que les maires des municipalités impliquées — il y en a huit: Boucherville, Brossard, Greenfield Park, Lemoyne, Longueuil, Saint-Hubert, Saint-Lambert et la municipalité de Notre-Dame — n'ont pas été satisfaits de l'autorité qui leur était donnée sur les actions de la commission.

La loi prévoyait la nomination de trois commissaires: le premier, par le lieutenant-gouverneur en conseil; le deuxième, par les maires eux-mêmes constitués en conseil et le troisième, qui devait devenir président et directeur général, à être nommé par les deux premiers. Le lieutenant-gouverneur en conseil a désigné le premier commissaire; les maires ont refusé de désigner le deuxième. Donc, le président n'a jamais été nommé.

La loi prévoit que l'on augmente le nombre de commissaires de trois à cinq, que ces deux sièges additionnels soient occupés par deux maires qui seraient choisis par le conseil constitué des huit maires. Avec cette addition, les membres du conseil sont maintenant prêts à désigner le commissaire qui, lui, ne serait pas un maire, qui devrait occuper le siège que j'appelle no 2. Cela permettra la désignation, sur recommandation des deux commissaires en poste, du président. C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui désignerait ce président sur recommandation des deux autres commissaires et la commission pourrait ainsi commencer son activité. C'est le but, le principe du projet de loi. Il y a quelques modifications apportées à la loi originale pour des fins administratives, mais l'essentiel du projet de loi, c'est de permettre à la Commission de transport de la rive sud de Montréal de fonctionner, ce qu'elle n'a jamais fait.

LE VICE PRESIDENT (M. Hardy): L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL : M. le Président, il est probable que le 1er mars est un grand jour pour vous, parce que c'est peut-être le dernier, De toute façon, vous me permettrez de féliciter le ministre des Affaires municipales. Et je le vois, il ne sait pas ce qui va venir. De toute façon, il est de coutume qu'un ministre qui a l'honneur de proposer l'adoption d'une loi à la suite d'une nomination reçoive les félicitations d'usage.

Mais je ne le fais pas que protocolairement, je le fais par amitié pour le ministre. Je n'ai pas besoin d'octroi municipal, vous savez.

M. LEVESQUE: C'est pour lui être personnellement agréable.

M. PAUL: De toute façon, je suis bien à l'aise pour discuter de ce projet de loi et adresser quelques reproches au ministre des Affaires municipales qui a précédé celui qui occupe le poste. A chaque fin de session, le gouvernement actuel nous presse d'adopter des lois, disant chaque fois que c'est une petite loi anodine. Et je me rappelle fort bien que le projet de loi concernant la Commission de transport de la rive sud avait été adopté à la suite d'une séance de la commission parlementaire, à l'époque c'était les Transports. Tout le monde a bu cette loi comme un verre de lait, croyant que nous avions trouvé le remède au problème du transport qui existait sur la rive sud à Montréal.

Un peu par négligence de notre part, fatigués de toujours surveiller ce gouvernement, de pousser dessus pour le faire agir, voyant enfin qu'un député avait l'initiative de proposer un projet de loi — c'était le député de Taillon — nous nous sommes dit: Nous allons lui faire un cadeau de Noël, nous allons adopter cette loi.

Nous savions que ça ne fonctionnait pas. Le ministre a été franc, honnête ce soir, il nous a dit: Cela ne marche pas du tout, parce que le conseil formé des maires des huit municipalités intéressées dans le problème du transport de la rive sud ne sont pas satisfaits de la loi. Nous donnons deux commissaires additionnels, les maires sont prêts à marcher. Et là nous pourrons mettre en marche le mécanisme prévu par la loi 98 des statuts de 1971.

Il y a un petit principe que je n'aime pas dans la loi, c'est qu'en matière d'expropriation, nous allons dispenser la Commission de transport de la rive sud de payer 75 p.c. du montant de son expropriation, tel que le chapitre 98 l'oblige à le faire. Et voici que l'on va maintenant réduire ce montant à 50 p.c.

M. le Président, vous avez assisté aux séances de la commission chargée de l'étude de la Loi de l'expropriation, le gouvernement voulait se donner un traitement de faveur, on voulait en donner un à la ville de Montréal. Vous avez assisté au tollé de protestations, d'objections à ce que la ville de Montréal et le gouvernement du Québec, spécialement le ministère de la Voirie, se donnent un traitement de faveur.

Si la Commission de transport de la rive sud n'a pas encore commencé à fonctionner, comment peut-elle justifier qu'il lui soit nécessaire de réduire le montant de 75 p.c. à 50 p.c. à verser en matière d'expropriation? Pour quelle

raison fait-on une telle demande si jusqu'à maintenant on n'a pas pu vivre l'expérience du fonctionnement de la Commission de transport de la rive sud?

Il faut, M. le Président, qu'il y ait une certaine continuité dans la législation que nous présente ce gouvernement. Un tribunal d'expropriation sera éventuellement créé; vous me permettrez de glisser tout simplement sur le sujet, sans m'y arrêter.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Je serai libéral ce soir.

M. PAUL: J'ai bien peur que vous ne le soyez encore plus dans un avenir rapproché; vous allez retomber à votre naturel. De toute façon, M. le Président, quant à nous, ce ne sera pas un gros changement, surtout quand on vous a connu pendant l'étude du projet de loi 62. Je vous prierais de ne pas me déranger, M. le Président.

Je dis que c'est un principe que nous ne devrions pas accepter, par référence à tous les mémoires de protestation qui ont été présentés devant la commission de la voirie et des travaux publics, lorsque nous avons étudié la Loi de l'expropriation. Je suis certain que le ministre ne peut pas donner de justification pour une réduction de 75 p.c. à 50 p.c. Cela n'a pas été un embarras, ça n'a pas fonctionné. Cela fait 23 mois, pardon, pour être honnête, cela fait 16 mois que l'organisme est créé, que l'enfant est né et on ne l'a pas encore fait vivre; il n'a pas appris à marcher. On l'a juste baptisé et on ne lui a pas donné les moyens de survie. Quand je dis qu'on ne les lui a pas donnés, je veux parler des intéressés eux-mêmes. Est-ce qu'il y a eu des conflits de personnalité, M. le Président, des conflits d'intérêts? Ce n'est pas à nous de le décider; nous avons tout simplement à nous interroger quant aux raisons pour lesquelles cette loi est devenue inopérante. C'est simplement sur ce point que j'en ai dans toute cette loi. Je sais que les municipalités de la rive sud sont intéressées à avoir une commission de transport qui leur donne le service que l'on attend d'elle. Le ministre des Affaires municipales ne pouvait pas faire autrement que de nous soumettre la loi qui, d'après les informations qu'il a reçues, permettra à la commission de transport de commencer à fonctionner, à vivre et d'atteindre une efficacité du service prévu lorsque nous avons adopté le principe de la loi 98.

C'est pourquoi, M. le Président, nous allons voter pour le principe de cette loi, mais, en temps opportun, en temps utile, nous reviendrons à la charge pour que ce principe que l'on veut introduire dans le projet de loi qui porte le numéro 279 ne puisse pas être adopté tel que le voudrait la Commission de transport de la rive sud de Montréal et ce, en vertu d'un principe que l'on a voulu introduire dans une loi et qui a rencontré la désapproba- tion unanime lors d'une récente séance de la commission des transports, des travaux publics et de la voirie.

M. le Président, comme nous voulons communier, collaborer — quand je dis communier, je ne voudrais pas passer pour un créditiste; j'emploie ce terme dans le sens de "communicantes".

M. SAMSON: Là, vous ne passerez pas pour un créditiste.

M. PAUL: Vous ne comprenez rien là-dedans. Vous comprenez encore moins que rien.

M. SAMSON: Vous allez passer pour un péquiste; c'est encore pire !

M. PAUL: M. le Président, disons que nous souhaitons participer à la mise en marche du transport sur la rive sud de Montréal. Nous voulons que le service qui a été créé soit opérant. C'est dans ce sens que nous voulons nous placer sur la même longueur d'onde que le ministre. Cela n'arrivera peut-être pas toujours. Je suis convaincu que nous ne serons pas toujours sur la même longueur d'onde, mais, dans le cas précis qui nous intéresse, nous appuyons la loi que nous présente ce soir le nouveau ministre des Affaires municipales urbaines.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, des commentaires très brefs sur ce projet de loi no 279, qui modifie la loi constituant la Commission de transport de la rive sud de Montréal. En écoutant le ministre tout à l'heure, nous avons compris qu'il n'y avait jamais eu d'entente et que cet organisme n'avait jamais fonctionné jusqu'à maintenant. Le gouvernement, dans sa loi, nous propose quelques dispositions législatives selon lesquelles augmenter de trois à cinq le nombre des membres permettrait à cet organisme de fonctionner.

Je ne voudrais pas dire que le ministre a tort ou raison à ce stade-ci, mais je me permets de noter que nous avons des doutes sérieux. Pour un organisme de cette importance, compte tenu des services à fournir et de la population qu'il doit desservir, je me demande pourquoi — je n'en fais pas un grief, mais je me pose une question sérieuse — il n'y a pas eu au moins une séance de la commission parlementaire. Des personnes auraient pu dire aux différents membres de cette commission ce qu'ils en pensent. Nous aurions pu également les questionner nous-mêmes pour être en mesure de nous faire une opinion exacte, afin de savoir ce qui ne va pas.

De toute façon, je ne voudrais pas décevoir

mon honorable ami, le député de Maskinongé, mais je ne voudrais surtout pas que le député de Maskinongé croie que je fais en ce moment une tentative de rapprochement. Mais, je me dois d'être honnête, je fais exactement la même réserve que lui en ce qui a trait à une disposition de cette loi qui a pour objet de réduire de 75 p.c. à 50 p.c. le montant des revenus bruts qui doivent être déposés dans le cas de l'expropriation d'une entreprise de transport.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est un homme intelligent.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je remercie le député de Montmagny de son appréciation. Je le prie de la transmettre à mon collègue le député de Maskinongé pour savoir au moins si celui-ci est d'accord avec le député de Montmagny. Mais, sans plus tarder, nous allons quand même accepter de voter en deuxième lecture pour le principe du projet de loi. Nous aurons quelques questions et nous profiterons de l'étude en commission plénière afin d'obtenir des renseignements additionnels que nous aimerions avoir.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, je me souviens d'avoir participé aux travaux de la commission parlementaire qui ont précédé l'adoption du chapitre 98 des lois de 1971, c'est-à-dire de la loi de la Commission de transport de la rive sud que nous venons amender ce soir. Je me souviens en particulier de la plaidoirie du député de Taillon, qui nous a dit que c'était essentiel cette loi, que ça réglerait tous les problèmes qu'il y avait dans le transport en commun sur la rive sud.

Je me souviens que nous avons même entendu des représentants des municipalités de la rive sud. Je me souviens qu'à ce moment-là nous avons fait l'unanimité et nous avons dit: Vous voulez un instrument, la Commission de transport de la rive sud, et une loi, nous vous les donnons. Il n'y a pas de problème. Aujourd'hui on nous revient et de façon, je dois le dire, très ambiguë, quant à moi. J'ai entendu le député de Maskinongé émettre tantôt les mêmes doutes à ce sujet, c'est fait de façon très ambiguë. Le ministre nous dit : Il y a des problèmes, cette loi n'est à toutes fins pratiques pas opérante et c'est pour ça qu'on doit faire des amendements.

Je n'en ai aucunement contre le principe même de la loi, évidemment il n'y en a pas de principe dans cette loi. Ce sont à peine des modalités d'une loi existante qu'on veut changer. M. le Président, je m'en voudrais de ne pas soulever ce point, j'en ai contre la façon de procéder dans ce genre de loi. Encore une fois, comme le disait le député de Maskinongé, on nous la présente à la fin d'une session, durant des périodes où on siège à des heures un peu exceptionnelles.

J'en ai contre le fait que ce projet de loi n'ait pas été véritablement traité comme un projet de loi privé. Il était à l'origine inscrit au nom du député de Taillon; on aurait pu dire que c'était un projet de loi public au nom d'un député. Il a ensuite été changé pour avoir comme parrain — remarquez que cela a amélioré la situation — le député de d'Arcy McGee, ministre des Affaires municipales.

Je trouve que c'est typiquement ce genre de projet qu'on doit traiter comme un projet de loi privé et qu'on doit soumettre après la première lecture à la commission concernée, en l'occurrence la commission des transports. Je vous avoue que je serais même tenté — c'est à ce point que cela me chicote — d'utiliser la motion d'amendement prévue à l'article 123 de notre règlement pour remettre ce projet de loi à quelques mois afin qu'on ait le temps d'entendre les gens. Ce n'est pas que je mets en doute la parole du ministre quand il nous dit qu'il y a des problèmes, mais j'aimerais que ces gens viennent nous dire comment il se fait qu'on leur a donné un instrument qui est devenu inopérant?

Je vais me restreindre de parler plus longtemps là-dessus parce que j'ai l'impression que plus je vais en parler, plus je vais me convaincre que je devrais faire une motion en vertu de l'article 123. Je ne veux pas avoir l'air de quelqu'un qui utilise une méthode que nous avons réprouvée cet après-midi de la part d'un autre parti en Chambre. J'espère que ce genre de choses ne se représentera pas régulièrement. Il y a des lois d'une importance aussi grande qui passent comme des projets de lois privés. Je n'ai qu'à citer les amendements à la charte de la ville de Montréal. Je n'ai qu'à citer les amendements à la Loi de la commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal et de celle de Québec qui passent régulièrement selon la procédure que je suggère et qui n'est pas du tout utilisée ici.

Je ne sais pas s'il y a des gens qui sont mêlés de près à ce projet de loi ou aux problèmes soulevés par le projet de loi et qui auraient été mal à l'aise de venir nous expliquer pourquoi le chapitre 98 est devenu inopérant, mais je peux dire tout de suite que je vais demander au ministre tantôt d'être plus explicite sur tout cela. Je vais me restreindre, je vais m'empêcher de faire la motion en vertu de l'article 123 pour autant que le ministre nous donne toutes les explications nécessaires. Encore une fois, nous allons voter pour ce projet de loi en deuxième lecture, mais en nous disant qu'il faudrait avoir plusieurs explications relativement à cette situation lorsque nous étudierons le projet article par article.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée? Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Commission plénière

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): L'honorable ministre des Affaires municipales propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en commission plénière. Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. PAUL: On ne nous l'avait pas annoncé, on l'apprend. Le ministre ne l'avait pas dit.

M. LEVESQUE: Oui. Commission plénière.

M. PAUL: C'est une motion qui peut être débattue?

M. LEVESQUE: Oui.

M. PAUL: Oui, mais je ne la débattrai pas ce soir.

LE VICE-PRESIDENT (M. Hardy): Adopté.

M. LEVESQUE: Vous risquez de la débattre tout seul.

M. PAUL: Il n'y aurait peut-être pas beaucoup de différence, M. le Président.

M. HARDY (président de la commission plénière): A l'ordre! Projet de loi no 279, article 1.

Adopté?

M. BURNS: Non.

LE PRESIDENT (M. Hardy): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: A l'article 1, c'est là que commencent à se présenter ce que j'appelle les ambiguïtés. Remarquez que c'est surtout à l'article 2 que se présente le problème, mais pourquoi est-il nécessaire de soulever ce problème d'incapacité d'agir du président? Est-ce quelque chose qu'on a vécu jusqu'à présent ou si c'est une pure et simple précaution?

M. GOLDBLOOM: C'est une simple précaution, c'est une chose qui n'était pas prévue. Il n'y avait pas de mécanisme pour fournir à la commission un président en cas d'absence ou d'incapacité de celui qui avait été désigné. Il aurait pu arriver que pendant une période de temps importante l'incapacité d'agir du président prive la commission de la possibilité de remplir ses fonctions. C'est la raison d'être de l'article.

M. BURNS: Puisqu'on en est à l'article 1, j'aimerais demander au ministre exactement ce qui est arrivé à cette Commission de transport de la rive sud depuis que ce projet de loi, qui s'appelle maintenant le chapitre 98 des Lois de 1971, a été sanctionné le 23 décembre 1971. Qu'est-ce qui est arrivé? Est-ce qu'elle a fonctionné depuis? Est-ce que le ministre pourrait élaborer un petit peu plus qu'il ne l'a fait à ce sujet dans son discours de deuxième lecture?

M. GOLDBLOOM: On sait que cette commission n'a pas fonctionné. Elle n'a pas fonctionné pour la raison que j'ai explicitée: les maires, membres du conseil, ont refusé de désigner un commissaire pour les représenter. L'absence de ce commissaire a rendu impossible la nomination d'un président, selon la procédure qui avait été prévue. La raison donnée par les maires a été que leur contrôle sur les activités et, notamment, sur les finances de la commission ne leur paraissait pas suffisant. C'est un cas — je devrais peut-être le dire à ce moment-ci — qui diffère un peu des autres commissions de transport qui existent, pour la raison qu'il n'y a pas de communauté urbaine, comme dans le cas de Montréal ou de Québec, pour avoir une relation avec la commission.

Il y a une commission de transport à Laval, mais c'est une municipalité unique qui a une relation avec la commission de transport. Voici, pour la première fois, huit municipalités qui acceptent de se grouper pour constituer une commission de transport. Ces huit municipalités ont exprimé le désir d'avoir une relation un peu différente, d'avoir un contrôle, un droit de regard. Elles n'ont pas trouvé suffisant le droit de nommer un commissaire sur trois et de participer, par l'intermédiaire de ce commissaire, à la proposition d'un président à être nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil.

H y a eu beaucoup de conversations auxquelles, évidemment, je n'ai pas participé moi-même. Donc, je suis, dans cette mesure, limité dans les explications que je peux donner. Mais les maires se sont finalement mis d'accord que, s'ils pouvaient avoir deux sièges au conseil, ils seraient suffisamment confiants d'avoir un contrôle sûr sur les finances de l'organisme pour permettre à l'organisme de vivre et de fonctionner. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant. L'accord s'est fait, autour de ce projet de loi, entre les huit maires. Donc, le projet de loi est présenté.

M. BURNS : Est-ce que je comprends bien le ministre quand il dit que l'accord s'est fait autour du fait que deux sur cinq, ça leur conviendrait, alors qu'un sur trois ne faisait pas leur affaire? C'est ça?

M. GOLDBLOOM: Mais ce seraient trois sur cinq.

M. BURNS : Trois sur cinq et, ainsi, ils deviendraient majoritaires.

M. GOLDBLOOM: Quoique le commissaire, prévu dans la loi pour représenter les maires, ne devrait pas être maire ou conseiller d'une municipalité lui-même. Mais il serait quand même désigné par les maires et serait un représentant.

M. BURNS: Par le conseil.

M. GOLDBLOOM: Donc, ce serait, en quelque sorte, trois sièges sur cinq pour les maires.

LE PRESIDENT (M. Hardy): L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: Si je fais erreur, le ministre voudra bien me corriger. Si je comprends bien l'objection des maires de ces municipalités, c'est qu'ils étaient exposés à imposer des taxes spéciales, si nécessaire, pour le budget de cette commission de transport, sans qu'ils aient la majorité au sein de ce conseil pour contrôler les dépenses de cette administration. Par le mécanisme qui entre en ligne de compte aujourd'hui, les municipalités, par leurs délégués ou représentants, deviendront majoritaires et contrôleront indirectement le budget, ce qui leur permettra d'avoir peut-être — je dis peut-être — plus de sens de l'économie afin de ne pas faire supporter par leurs contribuables toute l'administration de la commission.

Est-ce que j'erre ou si c'est à peu près dans cette perspective que les municipalités envisagent le problème?

M. GOLDBLOOM: Sur le plan pratique, il est clair que ce que précise le député de Maskinongé est justement la préoccupation principale des maires. Il y a, évidemment, une question additionnelle qui est moins précise, une question de confiance dans un nouvel organisme. Mais c'est certainement la question de taxation, qui pourrait être déterminée par un organisme autre que le conseil municipal, qui inquiétait les maires.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 1? Adopté. Article 2? Adopté. Article 3?

M. PAUL: A l'article 3, M. le Président, est-ce que le ministre peut nous donner les raisons pour lesquelles on fait cette distinction entre "dix ans" et "cinq ans" pour la durée du mandat? Pour quelle raison avons-nous ces distinctions ou ces différences de durée de mandats?

M. GOLDBLOOM: C'est une des demandes formulées par les maires, que le président ait un mandat de dix ans et que les deux autres commissaires aient un mandat de cinq ans seulement. Evidemment, dans le cas des deux maires, qui eux-mêmes siégeraient, ce serait pour la durée de leur mandat comme membres du conseil des huit maires. Si leur mandat prenait fin, il faudrait qu'un autre maire soit désigné pour remplacer celui qui n'était plus admissible à cette fonction.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 3? Adopté. Article 4?

M. PAUL: Un instant. C'est bien important.

M. GOLDBLOOM: Peut-être qu'un mot d'explication serait utile. Les maires ont demandé que la nomination soit présentée à eux-mêmes, plutôt que d'être envoyée directement par la commission au lieutenant-gouverneur en conseil; c'est-à-dire la suggestion. Ils ont demandé que leur conseil de huit maires soit saisi de la proposition de la commission quant à la présidence et ait le droit d'envoyer cette proposition au lieutenant-gouverneur en conseil.

M. PAUL: Ce sont des maires qui veillent au grain. Ils ont l'oeil ouvert.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 4? Adopté. Article 5? Adopté. Article 6?

M. BURNS: M. le Président, simplement une question d'information à ce sujet. Est-ce que la Commission de transport actuelle considérait qu'elle n'avait pas les pouvoirs d'établir les échelles de salaire, de nommer des chefs de service, etc.? Nous sommes bien à l'article 6, M. le Président. Est-ce qu'en vertu de l'article 35, actuellement, on considérait qu'on n'avait pas ces pouvoirs?

M. GOLDBLOOM: Non, M. le Président, ce n'est pas que les commissaires n'auraient pas eu le pouvoir de le faire. C'est la même idée que nous avons discutée tout au long, soit que le conseil voulait avoir un droit de regard.

M. BURNS: Sauf qu'on ajoute à la commission des pouvoirs, en amendant l'article 35. On y ajoute, après le paragraphe i), les paragraphes suivants: "j) Déterminer les échelles de traitement de ses fonctionnaires et employés; k) Nommer les chefs de service et fixer leur traitement." Il me semble que, s'ils peuvent administrer leur corporation, ils ont ces pouvoirs. Est-ce qu'il y a une raison particulière de vouloir spécifier cela? C'est simplement cela que je demande. Il me semble que cela fait partie des droits du "management", si vous me passez l'expression.

M. GOLDBLOOM: Oui mais, M. le Président, dans l'article 6 du projet de loi que nous avons devant les yeux, il y a un dernier alinéa qui applique une condition à l'exercice des pouvoirs précisés aux sous-paragraphes j) et k). C'est la seule raison. La commission avait, naturellement, ces pouvoirs mais pour pouvoir conditionner leur exercice par ce qui est prévu au dernier alinéa, il fallait les spécifier.

M. BURNS: Je comprends que la commission ne trouvait pas qu'elle n'avait pas ces pouvoirs, mais comme on voulait qu'ils soient vérifiés, soumis ou approuvés par le conseil, on a pris la peine de les spécifier, en disant qu'ils devraient être...

Je dois dire, M. le Président, à mon humble avis, là-dessus, qu'il y a de bonnes raisons, d'une part, pour que le conseil veuille avoir un contrôle sur les échelles de salaires, etc. Je présume que les membres du conseil ne veulent pas, dans une négociation future, se faire opposer des salaires, dans leur propre municipalité, qui auraient été accordés à une commission de transport. Mais je préviens le ministre — je le sais par l'expérience à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal et son prédécesseur, c'est-à-dire la commission de transport de Montréal — que ce phénomène de surveillance par un autre organisme, même si c'est apparemment quelque chose qui comporte très peu de procédure, a souvent été une cause d'embêtement dans les négociations visées entre les parties concernées.

Si les employés de la Commission de transport de la rive sud se sentent en négociation avec un employeur qui peut voir sa décision, dans une négociation avec eux, mise de côté par un autre organisme, je vous dis d'avance que c'est très mauvais pour l'esprit des négociations. C'est quelque chose qui a toujours existé. Tantôt, le ministre disait: C'est un cas un peu particulier que le cas de la Commission de transport de la rive sud. Je vous dis que cela a déjà existé au niveau de la Commission de transport de Montréal et ce, avant que la Communauté urbaine de Montréal soit formée.

Vous aviez ce qu'on appelait, à ce moment-là, un conseil intermunicipal ou inter-municipalités — je ne me souviens pas du nom exact — qui — cela allait plus loin que cela — devait prendre sur son dos les déficits de la Commission de transport, à condition qu'il soit compris dans les circuits de la Commission de transport de Montréal. Cela existait déjà. A cette époque, on avait une disposition semblable à celle-ci, qui, à mon humble avis, a compliqué la vie de la Commission de transport de Montréal et de la partie syndicale qui négociait avec elle. A ce moment-là, c'était la ville de Montréal qui avait un droit de regard sur les échelles de salaires et toute convention collective. Vous le verrez si vous relevez les textes de la loi de cette époque. La Commission de transport, avant de pouvoir signer sa convention collective avec ses employés, devait la soumettre au président de l'exécutif de la ville de Montréal. Cela complique énormément les relations des parties à la base.

En somme, les employés se retrouvent à une table de négociation avec un employeur en qui, disons, ils n'ont pas toute la confiance voulue, parce que l'employeur a beau dire: Cette année, je vous accorde une augmentation de 5 p.c., 6 p.c. ou 7 p.c, cette augmentation peut être mise de côté par un organisme supérieur.

Et c'est là, je pense, que c'est un défaut, simplement au niveau des relations patronales-ouvrières entre les parties. C'est mauvais. Et je préférerais voir le contrôle financier au point de vue budgétaire, comme le conseil l'a, en vertu de cette loi, plutôt que de mettre spécifiquement quelque chose du genre de ce qui nous arrive à l'article 6 et qui amende l'article 35 actuel de la loi.

Personnellement, je trouve que ce n'est pas du tout une mesure qui va favoriser les relations normales entre employeurs et employés dans une entreprise, fût-elle la Commission de transport de la rive sud. Le contrôle sur l'ensemble du budget, à mon avis, est un contrôle qui devrait être suffisant pour assurer la protection qu'on veut apporter à l'article 6.

Je ne fais pas d'amendement précis là-dessus, je vous soumets le problème, je le soulève, parce que personnellement j'ai eu à le vivre professionnellement dans d'autres occasions. Et je ne peux voir ce texte avec beaucoup d'enthousiasme.

M. GOLDBLOOM: Je comprends clairement ce que dit le député de Maisonneuve. Je n'ai que deux éléments de réponse à lui donner, qui sont effectivement la même réponse. C'est ce qui a permis une entente qui débloquera une situation qui n'est pas dans l'intérêt de la population.

Le fait que deux maires et un de leurs représentants siégeront dorénavant — si la loi est adoptée — à la commission aidera, j'espère, aux communications entre la commission et le conseil qui veut être le chien de garde, et offrira de meilleures garanties de l'acceptation par le conseil de la convention collective telle que discutée entre la commission et ses employés. C'est un espoir. Je comprends fort bien ce que dit le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Le ministre, en me répondant, me convainc que j'ai raison de soulever ce problème. Je ne blâme pas le ministre, il est très clair et très franc dans sa réponse. Mais justement si on prend la peine de donner au conseil une représentation majoritaire, je ne vois plus ce que vient faire l'article 6.

Et je me demande très sérieusement si, dans l'intérêt des futures relations patronales-ouvrières entre les parties concernées, ce ne serait pas une très bonne chose que l'article 6 saute tout simplement. En ce qui me concerne, surtout parce que tout ce projet de loi est basé sur une meilleure représentation du conseil au sein de la commission, je devrai voter contre l'article 6.

Je suggère même au ministre d'y penser très sérieusement avant de l'adopter. Même si c'est une loi qui, semble-t-il, a été négociée jusqu'à un certain point. Et je ne l'impute pas au ministre actuel qui hérite, entre autres, de ce problème et de plusieurs autres de son prédécesseur. Et il a toutes nos sympathies. Mais je pense quand même qu'à ce stade-ci, je ne pourrais pas être d'accord avec un article

comme celui-ci qui, dans le fond, ne fait que compliquer la situation.

Si le conseil est majoritaire au sein de la commission, est-ce qu'il y a un problème? Il n'y en a pas de problème à partir de ce moment-là.

Est-ce qu'on a besoin d'ajouter, si vous me permettez l'expression, un "red tape" additionnel? C'est ce qu'on ajoute par l'article 6. En ce qui me concerne, je devrai voter contre l'article 6.

M. GOLDBLOOM: Le député de Maisonneuve comprendra sûrement que, pour ma part, n'ayant pas participé aux négociations qui nous mènent aujourd'hui à étudier ce projet de loi, je n'oserais pas agir de façon à mettre en danger ce qui a été conçu. Je voudrais, et toute la population le voudrait, si je comprends bien, que la commission fonctionne. Donc, en respectant la dissidence, je dois insister quand même sur l'article tel que rédigé.

LE PRESIDENT (M. Hardy): L'article 6 est adopté sur division.

L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aimerais ajouter un bref commentaire sur cet article parce que je remarque que le conseil a quand même des fonctions assez précises. On parle d'un conseil et on lui confie la responsabilité d'administrer et de voir à la bonne administration de la Commission des transports, à moins que j'aie mal compris. Si on se réfère à des dispositions prises ou à des responsabilités que l'on confie à un conseil d'administration, je trouve qu'il est normal que celui-ci, qui a la responsabilité de l'administration de l'entreprise, ait à approuver les dépenses lorsqu'il s'agit de dépenses extrêmement importantes comme les échelles de traitements et de salaires.

Je m'explique un peu difficilement l'intervention de l'honorable député de Maisonneuve lorsqu'il parle de relations de travail, de négociations syndicales ou autres. Je comprends qu'il doive y en avoir parce que les ouvriers ont quand même des droits mais aujourd'hui le syndicalisme est reconnu comme une nécessité. De là à enlever toute responsabilité, tout mot à dire, il y a une marge. Que des administrateurs délégués, mandatés aient un mot à dire en ce qui concerne des dépenses qui affectent le budget de la commission, sur ce point je suis d'accord sur la teneur de l'article 6.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 6, adopté sur division. Article 7.

M. ROY (Beauce): Article 7.

M. PAUL: M. le Président, l'article 7 nous renvoie au principe dont je parlais en deuxième lecture. L'article 39 de la loi de la Commission de transport de la rive sud dit, au deuxième paragraphe, ce qui suit: "Dans les cas d'acquisition par expropriation avec possession préalable, la commission doit déposer au préalable une somme équivalente à 75 p.c. des revenus bruts d'exploitation du dernier exercice financier de l'exproprié". Et là, on veut réduire cela à 50 p.c. M. le Président, c'est un principe condamnable, c'est un principe contre lequel se sont élevés tous ceux qui ont paradé devant la commission parlementaire sur l'étude de la Loi du tribunal d'expropriation, spécialement quant aux articles — si ma mémoire est bonne — 51 à 58 ou 59. Même si le ministre a une mission à accomplir, qu'il veut garder l'harmonie complète entre les maires du territoire desservi par la Commission de transport de la rive sud, c'est un précédent dangereux. On rétrograde avec une telle clause.

Cela prend déjà assez de temps, M. le Président, à régler les problèmes d'expropriation, qu'on n'aille pas imposer à celui qui est exproprié l'obligation de ne recevoir que 50 p.c. de son expropriation au lieu de 75 p.c, tout en tenant compte cependant de la particularité ou du cas d'espèce qu'on retrouve dans cette loi, soit 75 p.c. des revenus bruts d'exploitation de l'année précédente.

C'est le paragraphe a), M. le Président, qui fait l'objet de mes commentaires. Pour ce qui est du paragraphe b), je n'en fais pas reproche au ministre, c'est de l'hypocrisie législative condamnable. C'est faire indirectement ce que l'on n'a pas le courage de faire directement, et voici pourquoi. J'espère que le ministre comprend que ce n'est pas à lui que nous adressons ce reproche.

A l'article 39, M. le Président, dans le dernier paragraphe, il est dit ceci: "La commission de transport ne peut exploiter aucun service de transport en commun dans le territoire actuellement desservi par Chambly Transport Inc., sans acquérir de gré à gré ou par expropriation les biens meubles et immeubles dans cette entreprise de transport desservant le territoire auquel la Commission de transport établit ainsi son service". Avec le pouvoir qu'on donne à la commission par l'article 39 de la Loi 98, il peut y avoir expropriation ou acquisition de gré à gré des biens meubles et immeubles.

Mais là où l'on veut à tout prix faire disparaître la Compagnie de transport Chambly, ou Chambly Transport Inc., c'est qu'on va maintenant exproprier le capital-actions de cette compagnie. On ne passera pas par le ministère des Institutions financières. En expropriant le capital-actions, on tue, on détruit, on paralyse, on fait disparaître totalement la compagnie Chambly Transport Inc. Je n'en connais pas les directeurs, ce n'est pas dans ma région, je m'en fiche comme de l'an 40. Mais il y a un principe. C'est un principe ridicule, c'est une hypocrisie. On veut tout simplement poignarder, faire disparaître, détruire la Compagnie Chambly Transport Inc. en expropriant son capital-actions.

La compagnie peut continuer à exercer ses affaires normales sans biens meubles, sans immeubles mais il reste toujours le capital-actions. Vous allez me dire que ça va aller mal de fonctionner sans biens meubles, surtout sans biens meubles. Mais pourquoi exproprier le capital-actions? Pourquoi? Je me le demande. Tout simplement qu'on ait donc le courage de dire: Nous voulons, à toutes fins pratiques, faire disparaître Chambly Transport Inc., qui a déjà un permis de transport sur le territoire desservi par la Commission de transport de la rive sud. Je soumets donc respectueusement, M. le Président, qu'à mon humble point de vue l'article 7 a) n'est pas à l'honneur de ceux qui pistonnent une telle mesure parce que c'est rétrograde dans la politique moderne d'expropriation.

La ville de Montréal n'a même pas ce pouvoir. Je' comprends qu'en vertu de la Loi de l'expropriation on voudra lui donner ce pouvoir de réduire le montant nécessaire à la prise de possession, mais, actuellement, la ville de Montréal n'a même pas ce pouvoir. Voici que la Commission de transport de la rive sud veut l'obtenir. En second lieu, on veut mettre de côté les mécanismes prévus par le ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives; on va maintenant exproprier le capital-actions de Chambly Transport. J'en perds mon latin. C'est un principe contre lequel je me battrai, au sens figuré du terme, parce que je suis pacifique, même si un jour on m'a appelé Hitler. Cela ne m'a pas dérangé trop. C'est parce que j'étais tellement pacifique qu'on m'a attribué ce terme.

J'inviterais le ministre à obtenir beaucoup de renseignements de son sous-ministre. Je serais bien surpris si le sous-ministre n'en connaît pas plus que vous là-dessus. Ce n'est pas que je doute de votre compétence; vous êtes un nouvel arrivé, vous êtes la jeune promotion des ministres. Le sous-ministre a certainement, eu des confidences administratives que vous n'êtes pas obligé de nous dévoiler en détail. Il y a certainement des principes qui sont à la base d'une telle demande de la part de la commission de transport. J'aimerais que le ministre me fasse part de son opinion sur les deux points que je viens de soulever.

M. BURNS: M. le Président, avant que le ministre ne nous réponde, je veux tout simplement ajouter ma voix à celle du député de Maskinongé sur le problème, en particulier, du paragraphe a) de l'article 7. Au moment même où on étudie une loi-cadre, une loi qui devrait s'appliquer à tous les cas d'expropriation, c'est-à-dire le projet de loi no 88, actuellement déféré à la commission parlementaire qui entend les parties, comme le disait le député de Maskinongé, qui viennent nous faire des recommandations, je trouve inconcevable et particulièrement aberrant qu'on ne laisse pas au moins la disposition qui existe actuellement dans l'article 3S qu'on veut amender.

Il y a l'aspect tout à fait inacceptable, d'abord, qu'on réduise le pourcentage de sommes que la commission ou l'expropriante devra déposer dans le cas d'une expropriation ou d'une prise de possession immédiate. En soi, je trouve cela inacceptable pour les expropriés. Il y a une autre chose que je trouve encore plus inacceptable. Il me semble qu'un gouvernement responsable devrait au moins penser à cela. Je ne fais pas de reproche au ministre personnellement; il hérite de quelque chose et il est pris avec, mais je pense que, pendant qu'on étudie le projet de loi no 88, la Loi de l'expropriation, qui, elle, va poser des normes générales d'application dans tout le Québec, on doit au moins laisser dans le chapitre 98, c'est-à-dire dans la Loi de la Commission de transport de la rive sud, ce qui existe actuellement.

C'est un peu comme si, aujourd'hui, dans une loi particulière, on tentait de changer certaines conditions de vente du pain, pour une région bien particularisée, alors qu'au salon rouge, pas plus tard que ce matin, on étudiait des normes d'application générale. Je trouve que c'est un principe de législation absolument inacceptable. Je ne vois vraiment pas comment je pourrais accepter de voter en faveur d'une disposition comme celle-là.

Je me demande si c'est une farce, le fait de soumettre à une commission parlementaire, le projet de loi no 88 sur l'expropriation. Est-ce une farce que d'entendre des gens nous dire que telle et telle disposition de telle loi générale sur l'expropriation doit être améliorée, changée? Mais pendant que ces gens nous soumettent leur représentation, pendant qu'on y pense, pendant que le ministre des Transports actuellement, je le présume, du moins, délibère — il ne vient pas souvent en Chambre, il doit être en train de délibérer là-dessus — pour savoir comment il va réimprimer son projet de loi, on lui en lance un autre dans les jambes en disant: Nous, dans le cas de la Commission de transport de la rive-sud, avons décidé que 50 p.c. devraient être assez.

Encore une fois, c'est peut-être un phénomène de négociation qui a eu lieu avec les gens de la commission de transport, mais surtout avec les gens du conseil, c'est peut-être ce qui est arrivé. C'est absolument inacceptable qu'un gouvernement se plie devant un conseil, dans des cas de négociation d'une loi particulière, alors qu'à côté de cela, il tente d'établir une loi d'ordre général. Cest un principe qui est absolument faux.

M. ROY (Beauce): M. le Président, avant que le ministre ne réponde à la question et parce que j'aimerais que sa réponse soit la plus complète possible, j'ai dit, au tout début, lors de mon intervention, que j'avais des doutes sérieux sur le projet de loi actuel pour régler la situation. J'ai dit que je m'interrogerais sur les raisons d'augmenter de trois à cinq le nombre des membres du conseil et si cela conduirait

vers des éléments de solution en vue de permettre à cette commission de transport de fonctionner de façon normale.

Mais lorsqu'on relit l'article 7 qui est une modification de l'article 39, j'aimerais que le ministre nous dise, afin que je puisse me faire une opinion personnelle de la façon la plus judicieuse, la plus réaliste possible, pourquoi, quelles sont les raisons fondamentales pour lesquelles on a apporté ces deux dispositions, les paragraphes a) et b), dans le projet de loi?

Comme le disaient les députés de Maskinongé et de Maisonneuve, on fait une encoche sérieuse dans une façon de procéder qui est habituellement reconnue et admise, compte tenu du fait qu'il y a une Loi de l'expropriation et qu'à ce stade-ci, on nous arrive avec une question d'exception bien particulière. Je sais très bien une chose. C'est que ces deux paragraphes n'ont pas été mis là pour rien. J'aimerais que le ministre nous dise exactement pourquoi, avec tous les détails qu'il peut avoir, même avec les détails que pourraient nous offrir ses collaborateurs immédiats, les raisons véritables qui ont motivé le gouvernement à inclure cet article dans ce projet de loi?

Après, je réserve mes opinions personnelles.

M. GOLDBLOOM: Quant au sous-paragraphe b) qui ajoute les mots "le capital-actions", c'était tout simplement une erreur, une omission dans la loi originale. Ces mots devaient y paraître.

Cela est la simple explication du sous-paragraphe b). Ceci ne répond pas à l'argumentation offerte par les députés de Maskinongé et de Maisonneuve sur cette considération, sur la thèse que l'on doit permettre l'expropriation du capital-actions.

Je dois souligner un fait, et je le fais de la façon la plus objective possible, non dans un esprit partisan. Le député de Maskinongé, dans son discours de deuxième lecture, a dit: L'article 7 ne peut avoir de raison d'être dans ce projet de loi parce que la commission n'a jamais fonctionné et donc n'a pu obtenir l'expérience suffisante pour justifier la demande d'une réduction de 75 p.c. à 50 p.c. Cela est vrai mais il y a d'autres commissions de transport qui ont existé, qui ont fonctionné et qui ont accumulé de l'expérience. La raison d'être de cette réduction est justement l'expérience de la Commission de transport de la communauté urbaine de Québec.

C'est ici où j'arrive à l'article 228 de la loi constitutive de la Communauté urbaine de Québec, adoptée en 1969 par le gouvernement qui nous a précédé. On y retrouve exactement la même phraséologie quant au capital-actions. Je n'ai qu'à citer le premier alinéa: "La Commission de transport peut, avec l'autorisation de la communauté et de la Commission municipale du Québec, acquérir, de gré à gré ou par expropriation, la totalité ou toute partie des actifs ou du capital-actions de toute entreprise de transport en commun exploitée, en tout ou pour la plus grande partie, à l'intérieur de son territoire". Donc, le précédent a été créé.

M. PAUL: Est-ce que le ministre me permet?

M. GOLDBLOOM: Certainement.

M. PAUL: Est-ce que le ministre convient que, dans l'article 39 de la loi 98, constituant la Commission de transport de la rive sud, il y a une exception pour une compagnie de transport bien déterminée, Chambly Transport Inc.?

M. GOLDBLOOM: Si en disant exception le député de Maskinongé veut dire que les mots capital-actions ne paraissaient pas dans la loi originale, j'ai déjà indiqué que c'était l'intention du législateur, à l'époque, d'inclure ces mots. Cela a été tout simplement une erreur. Mais s'il veut dire que l'on précise le nom d'une compagnie en particulier, tel était le cas dans la Loi de la Communauté urbaine de Québec. On a précisé plusieurs noms de compagnies et on les a soumises à l'application de l'article en question. Donc, de nouveau il y a un précédent pour cela.

Pour revenir à la question de réduction de pourcentage, c'est que l'expérience, à Québec, a été telle qu'on a recommandé que l'on réduise â 50 p.c. le dépôt nécessaire parce que l'on a trouvé que c'était extrêmement onéreux et très difficile pour la Commission de transport de rencontrer cette exigence.

M. PAUL: Le ministre reconnaît-il qu'à l'époque où un tel pouvoir a été accordé à la Commission de transport de Québec, le gouvernement en place ne présentait pas, en même temps, une loi particulière, une loi-cadre de l'expropriation, comme nous vivons actuellement la situation avec le projet de loi no 88? Le ministre admettra que le contexte n'est pas du tout le même. Si nous n'avions pas cette loi-cadre dont nous sommes actuellement saisis et qui, sûrement, réapparaîtra au feuilleton de la prochaine session, je n'en ferais pas un argument de force. Je ne m'opposerais pas, parce que, justement, je conviendrais avec le ministre qu'il y a des précédents. Mais le ministre conviendra avec moi, j'en suis sûr, que, dans le contexte, au moment où nous étudions cette loi, le 1er mars 1973, nous avons également à notre feuilleton une loi-cadre de l'expropriation, qui a fait l'objet d'auditions de mémoires de différents organismes intéressés à tout ce problème de l'expropriation. Or, tous les mémoires sans exception ont condammé le principe que l'on retrouve dans cette loi.

Je ne reproche pas au ministre de ne pas avoir assisté à cette commission parlementaire, mais je sais que mon collègue, le député de Maisonneuve et moi-même y étions. Je ne me rappelle pas qui était présent pour le Ralliement créditiste, mais je crois que le député de

L'Assomption était présent. Il a interrogé spécialement l'Hydro-Québec sur ce point. Voyant qu'un tel pouvoir allait être accordé à Montréal et au ministère de la Voirie, d'autres organismes qui ont voulu avoir les mêmes privilèges.

C'est dans ce contexte particulier que je me lève pour m'opposer à la clause a). Pour ce qui est de la clause b), à la lumière des renseignements que vient de me donner le ministre, je retire mes objections. Vous savez, je ne suis pas plus têtu que cela. Mais, pour ce qui est de la clause a), franchement, le ministre a besoin d'être très brillant s'il veut me convaincre que la situation est la même, le 1er mars 1973, qu'elle l'était lorsqu'on a accordé le même pouvoir à la Commission de transport de Québec.

M. BURNS: M. le Président, sur ce même point, puis-je ajouter un dernier argument pour tenter de convaincre le ministre que c'est inacceptable? Même son prédécesseur, avec tous les défauts qu'il avait, a accepté, dans un cas bien précis, le genre d'argumentation que nous soulevons actuellement. Je cite particulièrement le cas de la Loi de l'évaluation foncière.

Dans la Loi de l'évaluation foncière, on tentait d'établir, par une loi-cadre, comme on tente de le faire par le projet de loi no 88 en matière d'expropriation, des normes acceptables partout. Aussi imparfaite que soit cette loi et quel que soit le nombre de critiques qu'on puisse lui adresser, cela n'a pas d'importance. Il reste une chose, c'est que, lorsque des municipalités, pendant que nous discutions de cette Loi de l'évaluation foncière et même avant qu'elle soit déposée, venaient pour tenter d'obtenir, à la commission des affaires municipales, des amendements à leur loi — je pense même que la ville de Montréal s'est vue refuser des amendements particuliers — on leur disait:

Il y a une loi-cadre, la Loi de l'évaluation foncière qui va être adoptée bientôt. Ne venez pas nous embêter avec des modifications particulières. C'était très juste comme raisonnement. C'est ce même raisonnement que nous demandons au ministre de suivre dans le présent cas.

Le ministre nous a donné des arguments je dirais presque d'ordre jurisprudentiel, dans le sens que ça existe ailleurs, ce pourcentage. Mais, comme le disait le député de Maskinongé, ça a été adopté dans d'autres circonstances.

Je souligne au ministre — ayant participé aux travaux de la commission parlementaire sur la Loi de l'expropriation — que justement un des points qui semblent fatiguer le plus les intervenants qui viennent déposer à la commission parlementaire, c'est celui-là: le montant à être déposé en cas d'expropriation, de prise de possession immédiate. Cela en est un des plus importants, du moins par le nombre d'interventions que nous avons reçues à ce sujet-là.

Je demande en grâce au ministre de retirer au moins le paragraphe a). Quant au paragraphe b), comme le député de Maskinongé, je me range à son opinion. D'ailleurs, je n'avais pas fait de remarque particulière à ce sujet. Mais, au moins, qu'on retire le paragraphe a) et qu'on dise aux gens de la Commission de transport de la rive sud: Vous serez régis par une éventuelle loi d'ensemble relativement à l'expropriation et ce qui sera contenu dans cette loi s'appliquera en vous. En attendant, vous avez votre loi; nous ne la changeons pas.

M. ROY (Beauce): Justement en ce qui concerne le paragraphe a), disons que je partage l'opinion de mes collègues députés. C'est un débat qui, pour moi, est instructif, parce que je dois justement débattre avec des membres du Barreau, alors que je ne le suis pas moi-même. Je vais donc dire mes collègues de l'Assemblée nationale.

Pour ce qui a trait au paragraphe b), le ministre nous a dit, tout à l'heure, que cela avait été un oubli du législateur. J'ai ici les Débats de l'Assemblée nationale rapportant la séance de la commission parlementaire qui a eu lieu le 7 décembre 1971, à laquelle ont participé le maire de la ville de Longueuil, M. Marcel Robidas, et Clovis Langlois, maire de Boucherville.

En parcourant le journal des Débats, je m'étonne de constater qu'aucun de ces deux maires n'a fait allusion au fait que la question du capital-actions avait été oubliée. C'est pourquoi je me permets d'avoir encore plus de réserves lorsqu'on parle d'expropriation de capital-actions d'une entreprise. Le député de Maskinongé a fait allusion, tout à l'heure, à l'entreprise Chambly Transport. Je ne connais pas ces personnes et il n'est pas question pour nous de protéger les intérêts de qui que ce soit, mais, lorsqu'on parle d'exproprier le capital-actions d'une entreprise, même si c'est pour des fins d'intérêt public pour des services communautaires, je me pose certaines questions. Parce qu'on sait très bien ce qui se passe dans l'administration des entreprises. Si nous voulons avoir des entreprises au Québec, il faut que nos industriels n'aient pas toujours peur qu'une loi arrive pour les exproprier. Il y a une question de principe dans l'expropriation du capital-actions d'une entreprise. Dans une entreprise, l'engagement des actionnaires ne se limite pas seulement au capital-actions. Il s'étend également à des actions privilégiées, à d'autres investissements que doivent faire nos industriels.

Sur ce point, je mets beaucoup de réserve et je préfère, par mesure de précaution, considérant le fait que nous n'avons pas la certitude que nous faisons bien d'appuyer cet article 7.

Je préfère, M. le Président, en ce qui me concerne, inscrire ma dissidence. Je ne suis pas d'accord sur cet article, ni le paragraphe a), ni le paragraphe b).

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 7, adopté sur division.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je pense que je dois une réponse aux députés qui ont commenté le fait que présentement une étude se déroule d'une loi-cadre qui s'appliquerait éventuellement à ce champ d'action que nous discutons dans le cadre de ce projet de loi-ci. Nous n'avons pas encore la Loi de l'expropriation; il faudra un certain temps pour l'avoir. Nous avons devant nous un problème qui nous est présenté comme étant urgent. Ce que nous avons dans le projet de loi a fait l'objet de discussions, de négociations — je pense que le mot n'est pas trop fort — qui ont eu lieu il y a un certain nombre de mois, dans un contexte autre que celui dans lequel nous nous trouvons présentement. Il y a eu, ce sont des informations que l'on m'a fournies, entente entre les maires intéressés et la compagnie visée quant à cet arrangement-ci.

Il me semble que, quand on adopte une loi générale comme celle qui' est à l'étude présentement, il y a beaucoup de lois existantes qui doivent être modifiées par conséquent. Je pense que, si nous pouvons régler la situation actuelle et confirmer par l'adoption de cet article ce qui est entendu entre les intéressés, ce serait à l'avantage des citoyens de la rive sud et nous appliquerons nécessairement la loi-cadre à toutes les considérations qui sont prévues dans d'autres lois existantes.

M. PAUL: M. le Président, j'écoute le ministre, il remplit bien son rôle et c'est là que je rejoins l'opinion qu'exprimait au tout début mon collègue, le député de Maisonneuve. Il aurait peut-être été avantageux d'entendre en commission parlementaire les membres de la Commission de transport de la rive sud; on aurait peut-être eu une réponse...

M. LEVESQUE: Un petit rapprochement.

M. PAUL: M. le Président, mon honorable ami, le député de Bonaventure, se surprend que les génies se rencontrent au sommet. Ce n'est pas nécessaire de faire une coalition ou un rapprochement, c'est naturel et c'est pour ça que j'invite le ministre à venir nous rejoindre.

M. LEVESQUE: Vous rejoindre dans quoi, dans la souveraineté-association?

M. PAUL : Dans la logique de notre argumentation. Le ministre remplit bien son rôle et je me demande s'il n'aurait pas dû même faire un avocat plutôt qu'être médecin. De toute façon, M. le Président, cela n'a pas de sens, le ministre nous dit: Il y a eu une entente de signée il y a quelques mois, il ne faut pas y déroger. Parce qu'on n'est pas capable d'obtenir les renseignements des directeurs de la Commission de transport de la rive sud, nous allons ratifier à l'aveuglette leur entente. Est-ce que ce sont des enfants d'école ou des adultes, des hommes d'âge mûr? Le ministre peut leur dire: Ecoutez, cette clause-là, nous ne l'avons pas accordée parce qu'il y a une loi-cadre d'expropriation qui est actuellement à l'étude devant l'Assemblée nationale. Il faut que le gouvernement soit logique, on donne une chance au ministre d'être logique avec ses collègues du cabinet.

Le ministre de la Voirie, des Travaux publics et des Transports a une conception du problème de l'expropriation. Est-ce que le ministre des Affaires municipales va se dissocier de son collègue parrain de la loi 88? Non, car autrement il serait obligé de démissionner.

Je sais qu'il n'en a pas l'intention, ça fait assez longtemps qu'il attendait d'être nommé ministre. Je regrette qu'il n'ait pas été nommé ministre en titre avant, M. le Président, et nous nous sommes réjouis lorsque le premier ministre, enfin, a reconnu une des rares compétences parmi sa députation de 1972. M. le Président, il y en a d'autres qui seront reconnus avant longtemps, mais pour le moment je parle du ministre des Affaires municipales.

Je dis que c'est inconcevable. Si par hasard le ministre y tient absolument, il pourra peut-être faire un message à la Commission de transport de la rive sud. Nous allons nous battre sur le bill 88 pour que le privilège spécial accordé à la Commission des transports pète, qu'il disparaisse. Si on ne peut pas réussir ici on va prendre les moyens pour réussir ailleurs, pour que le gouvernement soit logique.

Si le gouvernement durant une session présente une législation qu'on a déjà commencé à étudier, j'espère que les ministres vont être logiques avec eux-mêmes, qu'ils ne vont pas par la même occasion présenter une loi d'exception, même s'il y a eu une entente entre des gens qui semblent être un peu enfants d'école. Vous me permettrez, M. le Président, de tirer cette conclusion. A entendre le ministre, c'est comme s'il craignait que la moindre déviation à leur entente sacro-sainte paralyse encore la Commission des transports. Si c'est ça, qu'ils débarassent donc les contribuables de leur municipalité pour qu'on mette à la tête des conseils municipaux des hommes adultes, capables de résoudre les problèmes et non pas de s'encarcaner dans les fleurs du tapis.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 7, adopté sur division.

M. BURNS: Sur division très précise.

M. PAUL: M. le Président, je tiens à bien spécifier ceci, pour que ce soit inclus au journal des Débats. Rémi Paul, député de Maskinongé, s'oppose à l'adoption d'une clause aussi logique présentée par un ministre qui ne veut pas concevoir le bien-fondé du principe de la loi présentement à l'étude, la loi 88 de l'expropriation.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Sur division, et les propos du député de Maskinongé sont inscrits pour l'histoire.

M. PAUL: Oui, puis pas pour l'histoire, pour référence dans un avenir rapproché.

M. BURNS: Dans un avenir très rapproché, M. le Président, quand on nous demandera de venir corriger ça de nouveau.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Histoire contemporaine. Article 8.

M. BURNS: On se souviendra de la loi de l'évaluation foncière, ça n'a pas pris de temps.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 8, adopté.

M. PAUL: M. le Président, j'ai l'impression qu'on ne gagnera absolument rien, parce que le ministre ne veut pas dévier d'un centième de pouce. A l'entendre, les petits enfants qui sont intervenus dans la région de la rive sud... Je me demande si ça vaut encore la peine de se battre. Ils ne nous passeront plus de lois comme ça. Il va falloir que la lumière se fasse.

M. BURNS: M. le Président, moi aussi je me demande si ça vaut la peine de faire de l'argumentation au sujet d'amendements possibles au projet de loi.

Relativement à l'article 8, M. le Président, c'est beaucoup plus une question qu'une demande d'amendement. Comme il s'agit d'une décision qui, en vertu de l'article 46, concerne les changements de circuit, l'abolition de circuits, l'établissement de nouveaux circuits, et que ces changements, ces établissements de nouveaux circuits peuvent affecter diverses municipalités, on prend la peine de dire qu'un avis doit être donné à la municipalité concernée.

L'amendement qu'on nous amène aujourd'hui nous dit que la décision qui est visée concernant les changements ou l'installation de circuits ne prend effet qu'à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la transmission d'un avis à cette fin à la municipalité intéressée. Je me demande pourquoi on pose ce délai de huit jours. Je ne suis pas certain si la municipalité peut s'en plaindre. Est-ce qu'en vertu, de la loi — je n'ai malheureusement pas eu le temps de le vérifier — en vertu de l'article 47 et suivants on peut en appeler? Si c'est le cas, j'aimerais le savoir de la part du ministre.

M. GOLDBLOOM: La raison du délai est assez simple, c'est pour permettre à la municipalité d'adapter ses autres services aux changements de routes, par exemple, le déblaiement des rues en temps hivernal. Les municipalités ont trouvé que s'il n'y avait pas de délai on pourrait, du jour au lendemain, s'apercevoir que les autobus prennent des routes différentes et il n'y aurait pas de déblaiement par anticipation ou d'autres services possiblement nécessaires. C'est la seule raison invoquée. "M. BURNS: Je me demande quelle est la cohésion. C'est quand même une loi qu'on amende, une loi qui existe. Vous avez, à l'article 47, la possibilité d'une révision d'une décision par la Régie des transports; cette révision, on doit la demander par une requête signifiée dans les trente jours. Je cherche un élément de logique entre l'amendement, qui dit que les changements proposés ne prennent effet qu'à compter de huit jours après avis à la municipalité intéressée, et tout de suite après — il en faut pas l'oublier, le chapitre 98 continue à exister — je lis dans l'article 47 que "toute décision de la commission abolissant ou modifiant un circuit ou refusant l'établissement d'un nouveau circuit peut être révisée par la régie sur appel de toute municipalité. Cet appel est formé par requête signifiée à la commission et aux municipalités du territoire dans les trente jours de la publication prévue à l'article 46." C'est là que je me demande comment il peut y avoir une logique à tout cela.

On abolit la décision, on abolit un circuit, par exemple, on le change et cette décision d'abolir ou de changer un circuit prend effet huit jours après et il y a un délai plus long que celui-là pour aller en appel. Pourquoi le délai de huit jours? C'est ce que je me demande. Je n'ai peut-être pas été assez clair dans ma question. Pourquoi le délai est-il de huit jours dans ce cas-là alors que le délai pour en appeler est de trente jours?

M. GOLDBLOOM: Je ne suis pas certain d'avoir saisi complètement le point que soulève le député de Maisonneuve. Quant à ce qui est proposé comme modification de la loi originale, c'est pour éviter la surprise à la municipalité.

Est-ce que le député de Maisonneuve veut dire que l'on devrait attendre toute la période prévue pour interjeter appel avant d'effectuer la modification? Est-ce que je le comprends bien?

M. BURNS : Non. Je me demande quelle est la logique de l'amendement que vous apportez. Il y a le fait que la décision de changer un parcours ou un circuit n'ait effet que huit jours après l'avis à la municipalité intéressée. D'autre part, il y a le fait que la période soit de 30 jours pour demander qu'une décision comme celle-là soit changée. Si vous me dites que 30 jours, c'est trop long, je vous dirai que vous corrigez le mauvais article. C'est plutôt l'article 47 que vous devriez corriger en réduisant le délai pour l'appel.

Je ne vois pas la logique entre votre amendement et le maintien, dans le chapitre 98, du délai d'appel de 30 jours. C'est la question que je me pose depuis le début. Je comprends que le ministre est pris avec une loi qui a été négociée mais, au moins, que cette loi soit négociée de façon logique. C'est tout ce que je demande.

M. LEVESQUE: Il va répondre.

M. GOLDBLOOM: C'est à l'avantage de la municipalité d'avoir ces deux délais. Premièrement, c'est pour que la municipalité puisse, comme je l'ai déjà dit, s'adapter au changement. Si elle n'est pas d'accord, il y a une période additionnelle de 22 jours pour permettre une discussion, une négociation. Si cette négociation n'aboutit pas à une entente plus satisfaisante pour la municipalité, il y a toujours le recours d'appel. Il me semble qu'il serait regrettable d'éliminer ce délai additionnel. Il me semble que la municipalité devrait avoir une période suffisante pour faire les constatations qui lui permettraient de dire: Non, cela ne fait pas notre affaire. Nous allons en appel, si la commission ne veut pas écouter et faire des modifications au gré de la municipalité.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 8, adopté. Article 9? Adopté. Article 10?

M. PAUL: Il y a plusieurs nouveaux principes à l'article 57 comparé au texte actuel. "Les commissaires sont responsables de la gestion du budget de la commission selon les prescriptions de la présente loi". A l'article 57, on a tout un éventail de modalités et de pouvoirs.

M. BURNS : Est-ce que le ministre peut nous expliquer quelle est la raison de cette modification proposée à l'article 57, même du remplacement de l'ancien article 57 par ce nouveau texte?

M. GOLDBLOOM: Les municipalités ont jugé que c'était une simplification de l'administration.

M. PAUL: Elles se sont basées sur quel principe, à l'aide de quelle expérience? Elles n'ont pas encore vécu la loi.

M. GOLDBLOOM: L'expérience, comme je vous l'ai dit, est celle d'autres commissions de transport.

M. PAUL: Cela ne veut pas dire, M. le Président, parce que je me suis acheté une Oldsmobile, que mon deuxième voisin, qui en achète également une, va être satisfait ou qu'il ne le sera pas. Un instant! Pour que j'aie satisfaction, il va falloir que je conduise ce véhicule, que j'en fasse l'essai. Cela ne veut pas dire, parce que mon deuxième voisin est satisfait ou n'est pas satisfait, que je suis lié par son appréciation à lui. Cela ne tient pas.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, voici une chose qui a été discutée avec d'autres commissions de transport. Celle de Québec a recommandé exactement ce que nous avons devant les yeux. Mais il se trouve que le projet de loi, que nous discutons ce soir, est arrivé avant les modifications qui seraient proposées par et pour la Commission de transport de Québec.

M. PAUL: Cela a été discuté par qui avec la Commission de transport de Québec? La commission de transport de la rive sud n'a jamais existé; ils n'ont pas pu discuter. Si le ministre me disait que le procureur de la commission de transport a copié les pouvoirs qui avaient été accordés à d'autres commissions de transport, là, il donnerait une réponse qui correspondrait à la réalité. Il faut s'imaginer une chose: les procureurs, qui sont chargés de la rédaction d'un projet de loi, commencent par regarder les statuts. On essaie de prendre les mêmes pouvoirs qui ont été accordés à d'autres organismes semblables. Là, on part. On s'en va à la Commission municipale, on fait approuver cela. Après cela, on vient rencontrer les légistes et on demande le nihil obstat. Mais, quand le ministre nous dit que cela a été discuté avec la Commission de transport de Québec, j'aimerais savoir qui a discuté. Ce n'était certainement pas une personne en autorité, parce que la commission n'était pas constituée.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, ce qui est arrivé tout simplement, c'est que la Commission de transport de Québec a engagé le dialogue avec le ministre des Affaires municipales du temps et avec le ministre des Finances. On en est venu à cette recommandation. Puisque cette recommandation avait été discutée et acceptée, elle a été proposée aux représentants du conseil, aux maires de la Rive sud pour inclusion dans le projet de loi actuel. Les maires l'ont acceptée.

M. PAUL: En vertu du principe qu'autant que possible on doit retrouver les mêmes pouvoirs accordés aux mêmes organismes, le même texte et ainsi de suite. C'est en vertu de ce principe?

M. GOLDBLOOM: Oui.

M. PAUL: Pourquoi ne l'appliquez-vous pas à l'article 7?

Adopté sur division, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 10, adopté. Article 11?

M. PAUL: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Adopté. Article 12? Adopté. Article 13? Adopté.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 14?

M. PAUL: Supposons, à l'article 14, que la Commission de transport de la rive sud voudrait agrandir son territoire. Si je comprends bien l'article 14, paragraphe 5, il faudra obtenir l'approbation du conseil et l'autorisation de la Commission des transports, qui n'est pas encore créée, même si la loi a été adoptée le 22 juin 1972? La Commission des transports n'est pas

encore créée. Vous savez cela! Nous autres aussi, nous le savons et nous trouvons cela étrange. Ce n'est pourtant pas difficile, nommer des commissaires. Ce n'est pas forçant. Mais là, cela parait bien. Nous vous accordons des pouvoirs. Allez-vous dire cela à ceux qui ont négocié l'entente, qui ont des pouvoirs qui, à toutes fins pratiques, ne pourront jamais, du moins tant que la situation va se maintenir, être accordés? Il n'y a pas de Commission des transports. Qu'est-ce qu'on attend? Les caprices du bon prince. Je sais que le ministre n'a pas un mot à dire là-dedans, parce que ce n'est pas lui qui est le bon prince; ce n'est pas le ministre des Transports qui est le bon prince. C'est la puissance noire, la main grise, l'éminence grise. Je n'ai pas d'autres choses à dire, pour le moment, mais cela prouve que c'est encore un article ridicule, parce que le gouvernement refuse de prendre ses responsabilités. Je me rappelle que le leader du gouvernement nous disait: Il faut siéger, cela presse. Le ministre veut avoir sa loi. Nous avons siégé des beaux samedis après-midi, dans le mois de juin, pour adopter la Loi des transports, au mois de juillet, au mois d'août, au mois de septembre. Les canicules sont arrivées, sont passées, et nous n'avons pas encore la Commission des transports, mais — c'est important — on a nommé un juge, un tribunal d'appel d'une commission qui ne fonctionne pas encore. Vous ne le connaissez pas? C'est l'expert de la cour des Commissaires, l'ancien député de Gatineau, l'honorable juge Roy Fournier. Cela pressait de faire cette nomination, mais faire les nominations pour faire vivre un organisme que l'on a créé, sur lequel on s'est penché durant de nombreuses séances de la commission parlementaire des transports, cela ne presse pas! Le peuple jugera.

LE PRESIDENT (M. Hardy): L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, cet article 14, je trouve qu'il y a une certaine analogie avec l'article 8 qu'on a lu tout à l'heure et sur lequel je ne suis pas intervenu.

On y dit: "La commission peut, avec l'approbation du conseil et l'autorisation de la Commission des transports d'étendre son service de transport en commun en dehors de son territoire pourvu que cette extension ait pour point de départ une municipalité continguë desservie par la commission.

A l'article 8: "Toute décision visée au premier alinéa et relative à l'établissement ou à la modification d'un circuit ne prend effet qu'à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la transmission d'un avis à cette fin à la municipalité intéressée. "

On l'a dit tout à l'heure — je ne veux pas répéter les propos de mes collègues — comment se fait-il que dans l'article 14 on parle de la Régie des transports alors qu'il s'agirait en quelque sorte d'une modification de parcours, et que dans l'article 8 on n'en parle pas?

M. GOLDBLOOM: C'est parce qu'à l'article 8, on vise l'intérieur du territoire et qu'à l'article 14, on vise l'extension du réseau en dehors du territoire sur lequel les maires en question ont autorité. La raison d'être de cet article, c'est de permettre que l'on prolonge les réseaux pour desservir des industries qui peuvent se trouver un peu à l'extérieur du territoire résidentiel, mais quand même les travailleurs doivent se rendre à leur travail et revenir chez eux. C'est la raison de ceci. Puisque l'on déborde le territoire sur lequel les maires ont autorité, nous avons cru qu'une autorisation supérieure était nécessaire.

M. ROY (Beauce): Je remercie le ministre de la réponse qu'il vient de nous donner. Je ne voudrais pas être désagréable à son endroit, mais je n'ai absolument rien rien appris dans ce qu'il disait. Ce sont des choses que nous savions déjà.

Je ne veux pas faire de débat additionnel, mais je pense quand même que la Commission des transports aura son mot à dire sur certaines routes, certains parcours. C'est pourquoi je m'étonne, même à l'intérieur d'un territoire donné, lorsqu'il y a changement de parcours. J'ai toujours à l'esprit, pour avoir vécu certaines expériences personnelles, que la Commission des transports, ou la Régie des transports, anciennement, a quand même droit de regard sur ces choses.

En ce qui me concerne, il est déjà assez tard. Article 14, adopté sur division.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 14, adopté sur division. Article 15.

M. ROY (Beauce): Même chose.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Adopté. Article 16.

M. GOLDBLOOM: A l'article 16, je voudrais proposer que l'on fasse allusion à l'article 93 seulement, l'allusion à l'article 92 n'étant pas nécessaire.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Il y a un amendement à l'effet de rayer le chiffre 92.

M. GOLDBLOOM: Et parler du délai au singulier: "le délai mentionné dans l'article 83 de ladite loi recommencera à courir...".

LE PRESIDENT (M. Hardy): La motion d'amendement est adoptée, l'article 16 est adopté.

M. BURNS: Je veux juste souligner que le ministre se rend à notre argumentation que cette loi n'est pas parfaite. Il se rend compte

qu'il est déjà obligé de la corriger. On espère qu'il va penser au cours de la nuit aux remarques que nous lui avons faites et que demain il aura peut-être des choses à nous dire avant la troisième lecture, nous dire qu'il va modifier un certain nombre de choses.

LE PRESIDENT (M. Hardy): Article 16, adopté tel qu'amendé. Article 17, adopté.

M. HARDY (président de la commission plénière): J'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié le projet de loi 279 et l'a adopté avec un amendement.

M. LAVOIE (président): Ce rapport est-il agréé?

UNE VOIX: Agréé.

M. PAUL: M. le Président, l'honorable leader du gouvernement propose une excellente suggestion, je voudrais tout simplement vous demander une directive.

LE PRESIDENT: D'accord.

M. PAUL: Est-ce qu'on pourrait voter une loi en troisième lecture si nous n'avons pas quorum?

LE PRESIDENT: A moins que vous souligniez...

M. PAUL: Je vous pose la question.

LE PRESIDENT: J'aime autant ne pas le savoir, si vous ne voulez pas le souligner.

M. PAUL: Bon, alors dans les circonstances, j'inviterais le leader du gouvernement à attendre à demain matin.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on peut proposer l'ajournement si on n'a pas quorum?

LE PRESIDENT: Non, ce n'est même pas nécessaire de le proposer, je peux quitter le fauteuil immédiatement.

M. LEVESQUE: Parce que nous pourrions peut-être passer la nuit à attendre de l'obtenir.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une commission qui siège?

M. LEVESQUE: Nous ne sommes pas sûrs.

LE PRESIDENT: Je peux quitter tout de suite, et automatiquement...

M. LEVESQUE: Non, j'aimerais mieux que vous restiez, M. le Président.

LE PRESIDENT: J'aime tellement vous entendre.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain, 10 heures.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: L'assemblée ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 46)

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