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Version finale

29th Legislature, 3rd Session
(March 7, 1972 au March 14, 1973)

Monday, March 5, 1973 - Vol. 12 N° 103

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures dix minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions orales des députés.

Décès de Mme François Cloutier

M. BOURASSA: M. le Président, on me permettra d'annoncer une mauvaise nouvelle à la Chambre, c'est-à-dire le décès de Mme François Cloutier, la femme du ministre de l'Education, décès qui vient d'être confirmé il y a quelques minutes. Je voudrais exprimer à la famille de M. Cloutier toutes nos plus sincères condoléances.

M. PAUL: M. le Président, au nom du chef et des députés de l'Union Nationale, je veux joindre ma voix à celle de l'honorable premier ministre pour transmettre nos très sincères condoléances à M. Cloutier et lui souhaiter bon courage dans les heures difficiles qu'il traverse.

M. ROY (Beauce): M. le Président, au nom de notre groupement politique, je veux également joindre ma voix à celle du premier ministre et à celle du leader de l'Opposition officielle pour exprimer, au nom de mes collègues, nos plus profondes condoléances à l'endroit de l'honorable ministre et transmettre l'expression de notre plus profonde sympathie à tous les membres de sa famille.

M. LAURIN: M. le Président, au nom de mon parti, j'aimerais également offrir au ministre de l'Education, et collègue, nos plus profondes sympathies pour la perte qu'il éprouve en la personne de son épouse, que je connaissais très bien et dont j'appréciais les qualités.

Questions orales des députés

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Subventions à l'industrie du cinéma

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser une question au premier ministre, qui, me dit-on, commence à s'intéresser aux petites vues. Quelles mesures le premier ministre entend-il prendre pour encourager l'industrie cinématographique québécoi- se? Quand a-t-il l'intention de mettre sur pied un centre cinématographique au Québec? Y a-t-il eu, récemment ou il y a quelques semaines, des entretiens avec le gouvernement central afin de récupérer une partie des fonds de la Société cinématographique canadienne?

M. BOURASSA: J'ai dit, hier, en réponse à des questions, que le gouvernement s'intéressait d'une façon toute spéciale à la question du cinéma, étant donné le potentiel immense que cela peut représenter tant sur le plan culturel, social et économique.

Nous envisageons actuellement différentes formules, dont celle d'un centre cinématographique du Québec, ce qui permettrait au gouvernement du Québec d'augmenter son appui à l'industrie cinématographique du Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le Président. Je demande au premier ministre s'il voudrait bien répondre à la troisième question que je lui ai posée: Est-ce que son gouvernement ou lui-même ont eu des entretiens avec le gouvernement central aux fins de récupérer une partie des fonds que le gouvernement central a mis dans la Société cinématographique canadienne? Dans l'affirmative, à quel moment ont eu lieu ces conversations et est-ce que l'intérêt du gouvernement va se manifester autrement que par l'intérêt individuel du premier ministre lorsqu'il assiste à des représentations de cinéma?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai très peu d'occasions d'assister à de telles représentations. Ce que je puis dire, c'est que, dans la mesure où les objectifs poursuivis par la société fédérale ne sont pas contradictoires avec les objectifs du gouvernement du Québec, il n'y a pas lieu de demander cette remise des fonds ou ce transfert fiscal pour les fins du cinéma. Je pense qu'il y a possibilité et pour le gouvernement canadien et pour le gouvernement du Québec de s'intéresser respectivement à cette industrie.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le Président. Il n'y a donc pas eu, puisque c'est la question que j'ai posée, de conversations, ou d'entretiens concernant cette possiblité de partage des fonds que le gouvernement central consacre actuellement à l'industrie du cinéma au mépris des droits de la constitution.

M. BOURASSA: Je ne sais pas quelle est l'interprétation du député de Chicoutimi sur la constitution. En vertu de quel article précis de la constitution le gouvernement fédéral ne pourrait pas s'intéresser à la question du cinéma? Mais il n'y a pas eu, jusqu'à présent, de discussions sur cette question précise de l'aide à l'industrie du cinéma, du moins à ma connaissance, au niveau des premiers ministres.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Question additionnelle, M. le Président. Sur les miettes que le gouvernement fédéral accordait aux provinces dans le dernier budget, le premier ministre entend-il prendre une partie de ces sommes, soit $80 millions que nous recevons de plus, et les affecter à l'industrie cinématographique?

M. BOURASSA: Il faut dire, M. le Président, que la question du député de Saint-Jacques n'est pas artificielle, contrairement à ce que disait son chef sur la position du député de Saint-Jacques au dernier congrès. Je dois lui dire qu'en fait les sommes additionnelles dont nous disposons en vertu des paiements de péréquation vont permettre au gouvernement du Québec de s'intéresser, d'une façon plus concrète, au développement de l'industrie du cinéma.

M. CHARRON: Question additionnelle et ce sera la dernière. Le premier ministre ne croit-il pas qu'avant d'intervenir de cette façon il devrait plutôt presser le ministère des Affaires culturelles de présenter la loi-cadre du cinéma que nous attendons depuis trois ans?

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

Elections complémentaires

M. ROY (Beauce): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. Pourrait-il nous dire s'il a l'intention de prendre des dispositions en vue d'ordonner la tenue d'élections complémentaires dans le comté de Missisquoi? Si oui, quand?

M. BROCHU: Très bonne question!

M. BOURASSA: M. le Président, au moment opportun.

M. ROY (Beauce): M. le Président, devons-nous comprendre que le premier ministre hésiterait à répondre parce qu'il pourrait y avoir une relation avec la tenue d'élections générales provinciales, ou parce qu'il n'y aura pas d'élections générales provinciales et qu'on ordonnera, effectivement, la tenue d'élections complémentaires?

M. BOURASSA: Est-ce que le Ralliement créditiste a l'intention, contrairement aux deux dernières élections partielles, d'avoir un candidat dans Missisquoi?

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT: Quel article?

M. ROY (Beauce): L'article qui concerne les questions, M. le Président. J'ai posé une question à l'honorable premier ministre et j'aimerais quand même qu'il se donne la peine de répondre. S'il a une question à me poser, il peut également se prévaloir de son privilège.

LE PRESIDENT: Je ne le lui permettrai pas.

M. ROY (Beauce): Vous ne le permettriez pas? C'est la raison pour laquelle j'ai invoqué le règlement. Je demanderais à l'honorable premier ministre de nous dire si, effectivement, nous devons conclure, par la réponse qu'il vient de nous donner, que le gouvernement ne décréterait pas d'élections complémentaires mais se préparerait plutôt à la tenue d'élections générales au Québec.

M. BOURASSA: M. le Président, je ne vois pas ce qui donne cet instinct suicidaire au député de Beauce de vouloir le plus rapidement possible des élections générales. A sa place, je serais extrêmement prudent !

M. ROY (Beauce): Une question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: La dernière.

M. ROY (Beauce): Je n'ai pas demandé la tenue d'élections générales. Je vois que le premier ministre ne veut pas comprendre, mais je dois lui dire que nous sommes prêts, cependant. Ce que nous voulons savoir — j'insiste encore une fois, M. le Président — c'est s'il y aura des élections complémentaires dans Missisquoi ou si nous aurons à envisager des élections générales, que la population du Québec désire, d'ailleurs.

M. BOURASSA: Il y aura des élections partielles, M. le Président, au moment opportun.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Celui-ci entend-il sévir contre les entreprises privées qui refuseront de souscrire à la caisse électorale du Ralliement Dupuis?

LE PRESIDENT: Je me demande si c'est vraiment d'intérêt public, tel que l'exige le règlement.

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Fonctionnaires professionnels

M. LOUBIER: M. le Président, ma question serait normalement adressée au ministre du Travail et de la Fonction publique mais probablement que le premier ministre pourra y répondre.

Est-ce que les négociations entre les fonctionnaires professionnels et le gouvernement sont à la veille d'aboutir à un règlement acceptable? On sait que c'est à peu près la seule catégorie jusqu'à présent qui n'a pas encore reçu satisfaction aux revendications qu'elle a présentées au gouvernement.

M. BOURASSA: M. le Président, je note surtout la dernière partie de la déclaration du chef de l'Opposition que c'est la seule catégorie jusqu'à présent, parmi les dizaines et les dizaines qui ont négocié avec le gouvernement, qui n'a pas reçu satisfaction. Cela veut dire que le chef de l'Opposition est d'accord sur le fait que des centaines de milliers d'employés du gouvernement ont...

M. LOUBIER: M. le Président, je ne suis pas d'accord.

M. BOURASSA: ... obtenu satisfaction.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Par décrets forcés, n'oubliez pas. Par décrets forcés, on a adopté des lois.

M. BOURASSA: Je peux donner la liste de toutes les conventions collectives qui ont été négociées et signées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On va vous donner la liste des lois que nous avons été obligés d'adopter.

M. BOURASSA: Demain, probablement, le ministre du Travail sera ici. Il pourra répondre ou je pourrais répondre moi-même.

M. PAUL: Cela aurait été si simple de répondre cela tout de suite.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

Carrières Martineau et Deschambault

M. DROLET: J'aurais une question à poser à l'honorable ministre de l'Industrie çt du Commerce. En son absence, je la poserai au premier ministre ou au ministre des Finances qui sont au courant de ce dossier. Est-ce qu'ils ont de nouveaux développements concernant les Carrières Martineau et Deschambault, et est-ce que la nouvelle voulant que bientôt un nouvel acheteur deviendrait propriétaire de ces carrières serait vraie?

M. BOURASSA: Je vais prendre avis de la question.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Programme d'Initiatives locales

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre d'Etat responsable du Programme d'Initiatives locales. Je voudrais lui demander si la lettre ouverte qu'il a fait parvenir au Devoir le 2 mars avait reçu l'approbation du cabinet.

Deuxièmement, comment expliquer la teneur de cette lettre, alors que lorsque nous lui posions des questions dans le passé il disait que la consultation allait très bien entre le fédéral et le provincial sur les projets d'Initiatives locales pour 1970/1971?

Troisièmement, je voudrais lui demander si cette fois-ci pour les programmes de 1972/1973 les mêmes conditions ont été posées au fédéral, c'est-à-dire celles qu'il mentionne dans sa lettre: le rapatriement global de la somme et la répartition de cette somme selon le chômage géographique et la planification du provincial en ce qui concerne les dépenses de ces sommes.

M. QUENNEVILLE: Pour répondre à l'honorable député de Bourget, la lettre n'a pas été soumise au cabinet.

Deuxièmement, en 1971 on parlait de négociations qui allaient bien. Elles allaient bien au début, mais elles se sont gâtées par la suite. C'est la raison pour laquelle lorsque je vous ai dit que ça allait bien, ça allait bien, mais par la suite ça s'est gâté passablement.

Pour ce qui est du programme d'Initiative locales, le mécanisme a été différent cette année; il y a réellement eu une consultation valable entre les deux paliers de gouvernement.

M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que la province de Québec a pu faire comme le ministre le demandait dans sa lettre premièrement, la présélection ou la postsélection des programmes? Deuxièmement, est-ce que le ministre pourrait nous répondre si la demande du Québec — je ne sais pas s'il l'a faite — quant au rapatriement total des sommes afin de permettre au Québec pleine latitude dans la dépense de ces sommes, a été acceptée cette fois-ci?

M. QUENNEVILLE: La demande du rapatriement n'a pas été faite cette fois-ci, M. le Président. Pour ce qui est de la véritable consultation, encore une fois je le répète, nous en avons eu une qui tenait compte du chômage au point de vue géographique. Est-ce que ça répond à votre question?

M. LAURIN: Non, la question est: Est-ce le Québec qui a choisi les programmes?

M. QUENNEVILLE: Voici...

M. LAURIN: Si oui, à quel stade de la consultation?

M. QUENNEVILLE: ... la sélection se faisait selon un mécanisme qui voulait que tous les projets soient dirigés vers Montréal, aux centres de la main-d'oeuvre du Canada, où il y avait une présélection. Par la suite, ils étaient acheminés vers Québec et vers le gouvernement fédéral pour subir une deuxième et dernière sélection. Nous avions notre mot à dire et je peux vous dire que l'opinion que le gouvernement du Québec a donnée a été respectée.

LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

Programmes Perspectives-Jeunesse

M. CHARRON: M. le Président, qu'advient-il de cette supposée consultation également sur les programmes Perspectives-Jeunesse dont le ministre est responsable?

M. QUENNEVILLE: M. le Président, pour le moment nous sommes en train de dresser un protocole d'entente entre les deux gouvernements; cela devrait se faire d'ici 48 heures.

M. CHARRON: Une question additionnelle: Est-ce que le ministre est également consulté quant à l'attribution des projets dont la date finale, quant à la demande, était le 1er mars dernier; sera-t-il consulté quant à l'octroi ou le refus, l'acquiescement de certains projets; est-ce que ce sont des fonctionnaires québécois ou des fonctionnaires appartenant au gouvernement fédéral qui choisiront?

M. QUENNEVILLE: M. le Président, c'est le protocole d'entente qui le dira. Nous sommes en train d'en discuter avec le gouvernement fédéral.

M. CHARRON: Une dernière question: Quand le protocole d'entente sera-t-il terminé? Est-ce que le ministre le déposera à la Chambre?

M. QUENNEVILLE: Je peux le déposer. M. CHARRON: Merci.

LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé. Lois fiscales

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre du Revenu. Est-il en mesure de nous faire rapport quant aux résultats des entretiens qu'il aurait eus à Québec vendredi dernier avec son homologue de l'Ontario, et est-ce que des méthodes uniformes ont été arrêtées pour tâcher d'obtenir le rendement efficace et maximal des lois fiscales?

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, si le ministre du Revenu ne vous fait pas rapport, c'est tout simplement que les pourparlers ont été très cordiaux. Les échanges entre les deux provinces, l'Ontario et le Québec, continueront comme par le passé pour voir à ce que les revenus provenant de l'application des lois fiscales soient aussi efficaces du côté de la frontière ontarienne que de celui du Québec.

Nous nous reverrons dans quelques mois, à la suite des essais que nous faisons d'un côté comme de l'autre des frontières pour voir à éviter l'évasion fiscale dans tous les domaines, que ce soit en Ontario ou au Québec, sans imposer de double taxation aux citoyens qui souvent font affaires sur les lignes frontalières.

M. PAUL: M. le Président, une question additionnelle. Est-ce que le ministre a l'intention de présenter certaines lois pour atteindre cet objectif dont il vient de nous parler?

M. HARVEY (Jonquière): Non, M. le Président, nous n'avons pas besoin de légiférer. Il s'agit tout simplement de continuer à bien nous entendre avec nos voisins, comme c'est le cas depuis bien des années entre le Québec et l'Ontario.

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le ministre du Revenu pourrait nous dire si ces ententes, indépendamment de l'aspect cordial, vont se finaliser par un accord écrit, un protocole d'entente. S'agit-il simplement d'échanges de vues, d'opinions ou si les gouvernements du Québec et de l'Ontario se proposent bilatéralement de signer une entente sur des points bien précis de revenu ou de taxation?

M. HARVEY (Jonquière): Effectivement, le ministre du Revenu de l'Ontario a suggéré la signature d'un protocole d'entente. Un groupe de fonctionnaires travaillera d'ici quelques mois pour revoir tout ce qui est sujet à entente verbale depuis quelques années. Je ferai rapport à la Chambre après ma visite à Queen's Park, visite que je devrais faire au mois de mai prochain.

M. LOUBIER: Une dernière question additionnelle, M. le Président.

LE PRESIDENT: Une dernière.

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre du Revenu peut nous dire s'il a été question de l'industrie du camionnage au cours de cette rencontre et s'il envisage, de concert avec l'Ontario, conclure une entente concernant les revenus de la taxation sur les permis ou l'immatriculation des compagnies de transport?

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, toutes les questions que nous avons discutées seront rédigées dans un document transmis au ministère des Affaires intergouvernementales puisqu'un protocole d'entente devrait être signé au cours des mois de mai ou juin.

Alors, il est bien difficile de donner les détails de la discussion. Tout ce que je peux dire au chef de l'Opposition, c'est que la question dont il vient de parler a fait l'objet de discussions. Autant du côté de l'Ontario que du Québec, qu'il s'agisse du transport interprovincial ou d'autres secteurs, tous les points sujets à entente présentement, de façon verbale, ont été discutés.

Nous allons tenter, dans un protocole d'entente, de le faire accepter par le ministère des Affaires intergouvernementales pour avoir un document officiel relativement à ces ententes.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

Commission de l'industrie de la construction

M. GUAY: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre de la Justice. Est-ce que l'honorable ministre a fait l'enquête qui lui a été demandée dans cette Chambre par son collègue, le ministre du Travail, concernant des irrégularités qui auraient été relevées à la Commission de l'industrie de la construction l'automne dernier?

M. CHOQUETTE: Cette enquête, ainsi que d'autres enquêtes qui y sont liées, procède actuellement. Je ne suis pas en mesure d'indiquer les résultats définitifs de cette enquête ou les mesures qui pourraient être prises à la suite de l'enquête que j'ai demandée.

M. GUAY: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre peut nous dire si le résultat de cette enquête pourra être déposé à la Chambre et nous donner un aperçu de la date à laquelle ce résultat sera connu?

M. CHOQUETTE: Non, M. le Président, je ne peux pas m'engager à déposer le rapport de cette enquête devant la Chambre ni celui des autres enquêtes qui ont pu avoir lieu et qui sont liées à l'enquête sur la CIC. Je prendrai les dispositions qui me paraîtront s'imposer soit par voie de poursuites ou par voie d'autres actions judiciaires suivant les résultats de l'enquête lorsque je les aurai reçus.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. ROY (Beauce): Question supplémentaire, M. le Président. J'aimerais demander à l'honorable ministre si son ministère a pris des dispositions pour mettre un terme aux irrégularités et autres choses dont les gens se sont plaints, en attendant que l'enquête soit complétée?

M. CHOQUETTE: Je ne peux pas dire au député de Beauce qu'il y a nécessairement des irrégularités alors que l'enquête est en cours. Je crois que ce serait sauter aux conclusions que d'affirmer dès immédiatement qu'il y a lieu, pour le ministère de la Justice, d'adopter des dispositions à l'égard de la CIC. Si certaines dispositions administratives s'imposent en rapport avec cet organisme, je pense que cela appartiendrait au ministre du Travail d'apporter les mesures appropriées.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Société d'aménagement de l'Est du Québec

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre responsable de l'ODEQ. Est-ce que le ministre peut répondre à la question que je lui posais il y a plusieurs mois sur les négociations qui ont lieu entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa quant à la création et au financement de la Société d'aménagement de l'Est du Québec?

M. QUENNEVILLE: M. le Président, les négociations entre les deux paliers de gouvernement sont pratiquement terminées.

D'ici la fin de la semaine, de toute façon, il y a une clause qui devrait être inscrite en plus. Je pense qu'il n'y aura pas de difficulté, d'après les autorités du CRD, que j'ai rencontrées cette semaine.

M. LAURIN: Question additionnelle. Lorsque cette entente sera terminée, est-ce que le ministre pourrait soit faire une déclaration ministérielle, soit remettre un document à la Chambre qui explique exactement le protocole d'entente, les sommes qui seront affectées à la Société d'aménagement, les conditions auxquelles elle sera soumise pour dépenser ces sommes et aussi les premiers projets qui seront élaborés par la société?

M. QUENNEVILLE: M. le Président, je peux répondre à une bonne partie des demandes de l'honorable député de Bourget. Pour ce qui est des projets en cours, après les premiers six mois, on prévoit une étude de rentabilité et l'établissement, justement, des projets les plus susceptibles de rentabilité. Alors, pour ce qui est des projets, cela ne sera pas connu avant six mois. Pour le reste, les frais d'organisation, l'étape de l'organisation et les frais d'administration, je pourrai déposer ce qui est contenu dans le protocole d'entente.

Tragédie du mont Wright

M. LOUBIER: M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre de la Justice. Est-ce que le ministre de la Justice pourrait nous dire comment il se fait que le rapport Boucher, du service des inspections du ministère du Travail, n'ait jamais été soumis au coroner Flamand, alors que ce rapport aurait été de nature à donner un tout autre éclairage proba-

blement sur la mort de sept ouvriers au mont Wright? Comme question additionnelle, je demanderais au ministre s'il a reçu ce rapport Boucher et si ce rapport sera rendu public.

M. CHOQUETTE: Le rapport Boucher, auquel le chef de l'Opposition fait allusion dans sa question, a été préparé par des fonctionnaires du ministère du Travail. Ce rapport était en la possession du coroner, M. Alban Flamand, lorsqu'il a tenu son enquête sur les circonstances de l'accident qui s'est produit au mont Wright.

D'autre part, la FTQ et ses avocats avaient un exemplaire de ce rapport entre les mains lorsque cette enquête a eu lieu. Certes, il est exact que les auteurs du rapport n'ont pas été interrogés comme témoins. Ceci, je le reconnais aisément en réponse à la question du député de Bellechasse.

Maintenant, quant aux dispositions qui pourront être prises par le ministère de la Justice, en rapport avec la réouverture de cette enquête du coroner ou quant à décréter une nouvelle enquête du coroner, j'étudie actuellement cette situation. Je prends en considération évidemment le fait que le rapport Boucher n'a pas été explicité, si l'on peut dire, par leurs auteurs devant le coroner. D'un autre côté, je dois considérer le fait que le rapport Boucher n'était pas un document secret, n'était pas un fait nouveau par rapport à l'enquête au moment où elle s'est tenue.

Par conséquent, rouvrir l'enquête simplement parce que le rapport Boucher, à un moment donné, aurait acquis un caractère un peu plus actuel qu'il n'a semblé avoir au moment de l'enquête, cela ne me semblerait pas une raison suffisante en soi.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à l'un de nos substituts du procureur général de communiquer avec les centrales syndicales intéressées, c'est-à-dire la FTQ et la CSN, pour leur demander si elles avaient des faits nouveaux ou des témoins nouveaux qui n'auraient pas été entendus lors de l'enquête du coroner et qui pourraient jeter un éclairage nouveau sur les circonstances de cette enquête.

Alors, j'attends la réponse de mon substitut du procureur général à cette intervention auprès des deux centrales syndicales. Lorsque j'aurai ces renseignements en main, je pourrai prendre une décision définitive à savoir si cette enquête doit être rouverte ou non.

M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Justice aurait au moins l'intention de porter des accusations contre la compagnie Mannix qui, selon le rapport du coroner, n'a pas respecté la Loi des établissements industriels et commerciaux? Est-ce que le ministre de la Justice a eu des contacts à ce sujet avec le ministre du Travail? Est-ce qu'il a l'intention de porter des accusations, tel que le propose le coroner lui-même?

M. CHOQUETTE: M. le Président, en réponse à la question du député de Saguenay, je pense que je dois dire à la Chambre qu'il faut clairement faire une distinction entre la négligence, criminelle, qui est un facteur nécessaire pour porter des accusations sous l'empire du code criminel, et, d'autre part, des accusations à l'égard de compagnie ou d'entrepreneurs pour avoir négligé d'observer des normes de sécurité, négligence qui peut ne pas avoir entraîné la négligence criminelle.

A ce point de vue, je suis le député de Saguenay dans la question qu'il me pose et je puis lui dire que des poursuites seront intentées en vertu des dispositions qui s'appliquent à la sécurité sur les chantiers de construction.

Quant à la nature et au nombre de ces poursuites, je ne suis pas en mesure d'en parler dans les moindres détails au député aujourd'hui, parce qu'il me prend un peu au dépourvu. Mais, déjà, le ministère de la Justice a été saisi par le ministère du Travail d'un certain nombre d'infractions qui seraient reprochées à l'entrepreneur et la justice s'exercera à l'égard de cette compagnie comme à l'égard de toute autre.

M. LOUBIER: Si je comprends bien, ces poursuites n'auraient aucun caractère criminel. Ce seraient des poursuites d'ordre administratif du ministère du Travail.

M. CHOQUETTE: D'ordre pénal. M. LOUBIER: D'ordre pénal.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

Industries Valcartier

M. DROLET: M. le Président, tout à l'heure, je posais une question à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce et, là, il vient d'arriver. J'aimerais savoir s'il pourrait faire le point, cet après-midi, concernant deux industries de la région, soit les carrières Martineau et Deschambault et les Industries Valcartier qui, d'après le jugement optimiste du ministre, semblent ne pas aller trop mal. Il reste un fait, c'est qu'elles continuent à faire certaines mises à pied régulièrement. Est-ce que ses fonctionnaires ont eu des rencontres, dernièrement, avec les autorités des carrières? Est-il vrai, comme les rumeurs le veulent, que la vente se ferait sous peu?

M. SAINT-PIERRE: Quant à la deuxième entreprise, les carrières Martineau, j'aimerais faire le point avec mes fonctionnaires plus tard cet après-midi et commenter la situation à la Chambre demain afin de vous donner les derniers détails.

Pour les Industries Valcartier, comme pour St Lawrence Manufacturing qui y est un peu reliée, il y a eu, en fin de semaine, certains

développements, tant du côté des banques que du côté de la SGF. J'aimerais laisser passer quelques jours encore. J'ai demandé à la SGF d'émettre un communiqué, à la fin de la semaine, qui établirait les perspectives de ces entreprises qui sont dans des difficultés temporaires. Mais nous croyons, à long terme, à leur rentabilité. Ce n'est nullement notre intention de liquider notre actif dans ces entreprises, au contraire. Il s'agit simplement, dans les jours qui viennent, de diminuer la dette à long terme et de remettre l'entreprise sur une base plus solide, particulièrement en faisant le point sur certaines tentatives de diversification, qui avaient été entreprises par les propriétaires au cours des dernières années.

Alors, d'ici à la fin de la semaine, il devrait y avoir un communiqué qui rassurera, je pense, les ouvriers sur les perspectives de l'entreprise. Il n'est nullement question, pour nous, de liquider l'actif.

LE PRESIDENT: Dernière question. SOMA

M. LAURIN: Une dernière question au ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce qu'il peut faire le point sur ce qui arrive aux ouvriers de SOMA, d'une part? Deuxièmement, est-ce qu'il y a encore d'autres projets à l'étude pour la réouverture de cette usine?

M. SAINT-PIERRE: J'ai mentionné, à plusieurs reprises, qu'il y a des dossiers qui demeurent ouverts. Nous ne ménageons pas nos efforts pour tenter de connaître le succès dans ces dossiers. Il y a, en particulier, deux dossiers qui sont très actifs dans le moment. Nous croyons que, pour l'un de ces deux-là, vers la fin du mois de mars ou au tout début du mois d'avril, nous aurons en main toutes les données nécessaires pour prendre une décision. Ce que je peux assurer, c'est que nous ne ménageons pas nos efforts pour obtenir la réouverture de cette usine.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président. Est-ce que nous pouvons, avec le consentement unanime de la Chambre, revenir au dépôt des documents?

LE PRESIDENT: Y a-t-il consentement?

Actions de la SGF

M. SAINT-PIERRE : M. le Président, j'ai transmis, il y a quelques instants, aux chefs de partis, l'offre publique du gouvernement de la province aux détenteurs d'actions ordinaires et d'actions privilégiées, série A, de la Société générale de financement. Je les dépose devant cette Chambre, en faisant remarquer que la seule différence avec le texte que nous avions publié, en septembre dernier, est un choix additionnel que nous avons offert à la fois aux caisses populaires et aux individus, compte tenu des changements d'ordre fiscal qui sont intervenus depuis lors et qui permettraient, dans certain cas, d'avoir une valeur nominale moindre. Ceci résulterait en un paiement d'impôts beaucoup moindre pour ceux qui voudraient s'en prévaloir.

M. LEVESQUE: Article 14.

Question de privilège de M. Burns Décision de M. le Président

LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît.

Messieurs, à la suite d'un avis d'une question de privilège, à la dernière séance, vendredi, j'avais avisé la Chambre que je rendrais ma décision à la prochaine séance, qui est aujourd'hui. Voici ma décision sur la deuxième question de privilège soulevée par l'honorable député de Maisonneuve.

Jeudi dernier, je rendais une décision sur une première question de privilège soulevée par le député de Maisonneuve. Celle que je rends présentement est complémentaire à cette dernière. On se rappelle que le motif invoqué dans la première question de privilège était basé — je cite l'avis qui m'avait été donné — "sur la participation alléguée de membres de l'Assemblée nationale à un système de favoritisme politique laissant planer un doute très sérieux sur l'intégrité des membres de l'Assemblée".

J'ai rejeté cette première question de privilège après en être venu à la conclusion que le fait, pour M. Dussault, d'avoir affirmé à la presse que l'envoi d'un formulaire à des membres de l'Assemblée, leur demandant de fournir une liste d'entrepreneurs de leur comté auxquels des contrats gouvernementaux pourraient être accordés sans soumission, participant ainsi à un système bien établi de favoritisme politique, et le fait également, pour M. Dussault, d'avoir affirmé à la presse que des membres de l'Assemblée nationale auraient prétendument participé à ce système en répondant à ce questionnaire ne constituaient pas — ceci avait été ma conclusion — une infraction prévue au paragraphe 3 de l'article 66 de la Loi de la Législature, qui se lit comme suit: "3. Chercher à corrompre un député en lui offrant des présents ou l'acceptation par lui de présents ainsi offerts."

La deuxième question de privilège soumise par le député de Maisonneuve apporte un autre aspect. La première visait la conduite de députés alors que la deuxième vise la conduite d'une personne autre qu'un député. Cette deuxième question de privilège contient un motif différent, à savoir "la déclaration injurieuse faite par M. Jacques Dussault, fonctionnaire aux Travaux publics, à l'effet que des membres de l'Assemblée nationale ont participé à un système de favoritisme politique".

Ce motif s'appuie sur le paragraphe 1 de

l'article 66 de la Loi de la Législature, se lisant comme suit: "Commettre des voies de fait sur la personne d'un député ou proférer des injures ou publier des écrits diffamatoires à son adresse pendant les vingt jours qui précèdent et les vingt jours qui suivent chaque session".

Il s'agit alors de décider — c'est là que réside toute la question — si M. Jacques Dussault a proféré des injures, au sens de la loi, et a ainsi violé les droits de l'Assemblée nationale en faisant la déclaration publique que j'ai mentionnée plus haut.

Avant de rendre ma décision sur la recevabilité de la deuxième question de privilège soulevée par le député de Maisonneuve, je me permettrai de faire certains courts commentaires sur cette "institution" qui accorde des prérogatives et pouvoirs tout à fait exceptionnels, à l'Assemblée et à ses membres, qui constituent ce que l'on appelle couramment les privilèges.

Ce n'est pas mon intention de faire l'exégèse de cette institution car, prenant son origine dans le droit parlementaire anglais au XIIIe siècle, elle est trop riche en commentaires et en considérations. Les privilèges du Parlement ont d'abord été exigés par ses membres à titre de protection contre les interventions de l'extérieur de la part d'individus et, par la suite, du roi lui-même, pouvant entraver le plein exercice des pouvoirs du Parlement.

Le concept et l'exercice des privilèges de l'Assemblée ont bien évolué et le mot privilège est devenu, tant au Parlement fédéral qu'ici à l'Assemblée nationale, un mot magique, passepartout, donnant ouverture à toutes sortes d'interventions plus ou moins régulières, le plus souvent sérieuses pour rétablir des faits ou pour demander une directive au président, parfois humoristiques pour lancer une flèche à un adversaire.

On s'en est longtemps servi pour signaler la présence dans les galeries de délégations. Il est même arrivé à Ottawa qu'une question de privilège ait été soulevée pour protester contre la suspension d'une grande vedette de hockey.

Il s'agit dans la presque totalité des cas d'interventions qui ne portent pas à conséquence, le député invoquant la question de privilège se limitant à rétablir les faits et à protester, aucun débat n'étant permis. Très rarement, dans des cas fort sérieux, la question de privilège est suivie d'une motion qui peut entraîner une mesure punitive contre un individu membre de l'Assemblée ou étranger à celle-ci qui aurait commis une infraction grave aux privilèges et prérogatives de l'Assemblée ou de l'un de ses membres.

On trouve des cas où des individus auraient offert des présents en vue d'influencer un député dans une opération de l'Assemblée et le cas d'un député qui avait accepté un présent ou des honoraires pour services professionnels se rattachant à des opérations au sein du Parlement.

En résumé, il s'agit de peser l'importance et la gravité de la question de privilège invoquée, surtout lorsqu'il s'agit d'interrompre les travaux normaux de l'Assemblée et d'accuser formellement un individu d'une infraction prévue à l'article 66 de la Loi de la législature, à savoir voies de fait sur la personne d'un député, injures et publication d'écrits diffamatoires à son adresse, intimidation, tentative de corruption, subornation de témoins, etc.

Le fait qu'un seul cas se soit produit ici à Québec depuis de très nombreuses années, soit en 1964, où le comité des privilèges et élections avait fait enquête sur une accusation d'acceptation d'un présent par un député, montre bien le sérieux de cette procédure.

Je déclare immédiatement que je ne suis pas moi-même en mesure de décider s'il s'agit d'une injure ou d'un écrit diffamatoire au sens du premier alinéa de l'article 66 dans le cas en question. Je n'ai pas l'intention de prendre seul la responsabilité d'établir un précédent qui ouvrirait la porte à de multiples questions de privilège qui pourraient être posées à toute occasion à la suite de déclarations de journalistes ou d'un individu quelconque, soit dans un editorial ou un compte-rendu des travaux de la Chambre, soit dans une lettre à l'éditeur.

Ici, je vous réfère à des commentaires contenus dans ma décision de la semaine dernière. J'ai bien l'impression que si les articles 49, 51, 80 et suivants du règlement, aussi que l'article 66 de la Loi de la législature avaient été appliqués à la lettre ces dernières années, la commission des privilèges et des élections, maintenant devenue la commission de l'Assemblée nationale, aurait été invitée à faire enquête sur une multitude de violations des privilèges de l'Assemblée commises à l'occasion d'injures ou de publication d'écrits diffamatoires, à la suite d'accusations à l'effet que les députés adoptent des lois considérées comme ridicules par certains, comme brimant les droits des cultivateurs, des municipalités ou des travailleurs par d'autres, que des députés d'un parti quelconque ne remplissent par leur mandat, qu'un député pratique le patronage dans sa région, etc.

Je dis donc que ce n'est pas mon intention d'établir seul ce précédent. J'ajoute de plus que ce n'est pas mon rôle de me substituer à la majorité de cette Chambre pour permettre ou refuser un débat à la suite de pressions exercées par l'Opposition dans son rôle reconnu de critique et de surveillant de l'administration de la chose publique. Notre règlement prévoit d'autres moyens d'exercice des droits de l'Opposition et j'abonde dans l'opinion de Dawson qui déclare: "At best, privilege in the Canadian House is little understood and little used. At worst, it is looked on as being a convenient excuse to make any remark in the House which cannot be made in the normal course of business."

En résumé, — et je termine — la question qui se pose présentement en est une, à mon avis, de

fond. M. Jacques Dussault a-t-il proféré des injures sur la personne des députés au sens de la loi en faisant la déclaration qu'on lui attribue, et cet agissement appelle-t-il l'application de l'article 49, soit la recevabilité d'une question de privilège et, par la suite, la mise en marche du mécanisme prévu aux articles 80 et 82 du règlement? Quant à moi, j'ai des doutes sérieux, et la lecture de May, Beauchesne et Dawson m'invite à la prudence.

En m'inspirant de ces auteurs, qui refusent, à juste titre, au président de l'Assemblée une telle discrétion dans l'appréciation de la question, je vous réfère à Beauchesne, quatrième édition, deuxième alinéa de l'article 104:"On a souvent posé en principe que le devoir de l'orateur, lorsqu'il se prononce sur une allégation d'atteinte au privilège, ne va pas jusqu'à décider de la question de fond, savoir s'il y a, en fait, atteinte au privilège. — Et je cite toujours Beauchesne — Seule la Chambre peut trancher cette question". En conséquence, me basant sur l'article 44 du règlement et la jurisprudence, c'est l'Assemblée qui décidera si M. Dussault a commis ou non l'infraction prévue à l'alinéa 1 de l'article 66 de la Loi de la législature.

Et la question que je mets immédiatement aux voix est la suivante: Que ceux qui sont d'opinion que M. Dussault a proféré des injures au sens de l'article 66 de la Loi de la législature et ainsi a violé les droits de l'Assemblée en déclarant publiquement que les membres de l'Assemblée nationale ont participé à un système de favoritisme politique en suggérant des noms d'entrepreneurs auxquels des contrats gouvernementaux pourraient être accordés sans soumission, veuillent bien se lever.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Si vous me permettez...

LE PRESIDENT: Je suis en train de faire une mise aux voix.

M. BURNS: Je vous demande, M. le Président, écoutez...

LE PRESIDENT: C'est très délicat.

M. BURNS: Je vous demande très calmement une directive. Je comprends que vous avez jusqu'à un certain point donné l'orientation de votre décision, mais j'ai suivi avec attention votre argumentation qui revient, dans le fond, à la même que celle que j'ai déjà soumise, c'est-à-dire que ce n'est pas à vous de décider s'il y a matière à question de privilège ou à motion de question de privilège. Ma demande de directive est la suivante: dans les circonstances, puisque je pense — et j'ouvre une très brève parenthèse là-dessus — qu'aucun député actuellement n'est en mesure de décider si l'article dont je vous ai fourni copie constitue une injure au sens du paragraphe 1 de l'article 66, je me demande s'il ne serait pas plus normal dans les circonstances d'inscrire la motion au feuilleton et de la débattre en temps utile en vertu du règlement. A ce moment-là, l'Assemblée nationale pourrait savoir s'il y a vraiment matière à injure, s'il y a, dans les déclarations qui sont rapportées dans l'article du 22 février de La Presse, quelque chose qui mérite — et au fond, c'est ça la question et rien d'autre — que la commission soit convoquée.

LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai fait un accroc très grave au règlement en vous accordant le droit de parole, il y avait une mise aux voix. Et deuxièmement, je vous ai donné tout le temps voulu pour soumettre votre argumentation, je pense bien que tout le monde a saisi. Je n'ai pas autre chose à ajouter. La décision que j'ai rendue est en vertu de l'article 44 du règlement, et après toute l'argumentation que j'ai établie dans ma décision, je mets aux voix immédiatement cette question.

M. BURNS: Je demande un vote enregistré, M. le Président.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la question de privilège de M. Burns

LE PRESIDENT: La question est mise aux voix. Que ceux qui sont d'opinion que M. Dussault a proféré des injures au sens de l'article 66 de la Loi de la Législature et, ainsi, a violé les droits de l'Assemblée en déclarant publiquement que des membres de l'Assemblée nationale ont participé à un système de favoritisme politique en suggérant des noms d'entrepreneurs auxquels des contrats gouvernementaux pourraient être accordés sans soumissions veuillent bien se lever, s'il vous plaft.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Laurin, Burns, Charron, Joron, Lessard, Loubier, Paul...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

LE SECRETAIRE ADJOINT: ... Vincent, Cloutier (Montmagny)...

LE PRESIDENT: Messieurs, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: ... Boivin, Croisetière, Roy (Beauce), Drolet, Guay.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont d'opinion contraire veuillent bien se lever, s'il vous plaft.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Choquette, Garneau, Tremblay (Bourassa), Parent, Harvey (Jonquière), Quenneville, L'Allier, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Mailloux,

Arsenault, Houde (Fabre), Phaneuf, Perreault, Brown, Blank, Pearson, Assad, Bacon, Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Harvey (Chauveau), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Shanks, Gratton.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Inscrivez mon abstention, M. le Président.

LE SECRETAIRE: Pour: 14. Contre: 37.

LE PRESIDENT: Veuillez inscrire l'abstention du député de Chicoutimi.

Par cette décision, le rejet de cette question, la question de privilège de l'honorable député de Maisonneuve n'est pas reçue par la Chambre.

M. LEVESQUE: Article 14.

M. BURNS: Parlons d'autres choses, c'est moins gênant.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! UNE VOIX: Vite, vite! LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Voulez-vous aller à un cocktail chez le président parler de coalition?

M. BURNS: Non, ça ne me dérange pas.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je n'en ferai plus.

Projet de loi no 251 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 251, Loi modifiant la loi du Barreau.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Dans la préparation des divers projets de loi qui s'appliquent aux corporations professionnelles, qui tombent sous l'empire de la loi no 250, il nous a fallu, certes, tenir compte non seulement des règles générales qui étaient adoptées et qui doivent s'appliquer à toutes les corporations professionnelles mais il nous a fallu également tenir compte des aspects particuliers qui peuvent exister à l'intérieur de chacune des professions. Ainsi le législateur n'a pas cru qu'il était opportun de fondre toutes les corporations professionnelles dans un moule d'une rigidité absolue, mais il a voulu une uniformité convenable et applicable à l'ensemble des corporations professionnelles.

C'est donc dire que chaque situation propre aux corporations professionnelles a fait l'objet d'une étude particulière de façon que les règles d'ensemble qui s'appliquent aux corporations professionnelles subissent néanmoins des modifications pour tenir compte de la situation distincte, particulière ou propre s'appliquant à chacune des professions, par ailleurs, régies par le code des professions. Ainsi en est-il de la Loi modifiant la loi du Barreau. On sait que l'Ordre ou la Corporation des avocats a une longue tradition non seulement établie par la pratique du droit devant les tribunaux mais établie suivant les modalités propres de l'exercice de la profession puisqu'il s'agit d'une des plus anciennes corporations professionnelles.

On sait également que cette corporation a été régie, depuis bien des années maintenant, par la Loi du Barreau, qui a reçu, à diverses périodes de l'activité législative de ce Parlement et des Parlements qui l'ont précédé, des refontes, des modifications, des changements, tout cela dans le but d'amener la Loi du Barreau à être conforme à la réalité sociale telle qu'elle a pu exister à diverses périodes. C'est donc dire que, lorsque l'on examine le cas du Barreau, on se trouve déjà devant un ensemble législatif assez imposant étant donné qu'il s'agit, sans aucun doute, de la corporation professionnelle qui s'est le plus attachée à faire en sorte que sa loi constituante ou sa loi organique ou la législation qui s'y appliquait corresponde, dans les meilleurs aspects, à la situation de la pratique du droit ainsi qu'elle a pu se présenter au cours des années.

Ceci résulterait peut-être de la déformation professionnelle des avocats, car, qui pourrait leur reprocher d'avoir cherché à ce que leur loi soit la plus contemporaine pour eux, aux différentes époques où ils se sont présentés devant l'Assemblée nationale pour demander qu'on y apporte des amendements?

Je laisse maintenant ces remarques préliminaires pour aborder des aspects particuliers de la Loi du Barreau, qui me semblent d'intérêt pour les membres de cette Chambre. Ainsi, une des premières caractéristiques du projet de loi no 251 que je présente à la Chambre aujourd'hui, c'est que, tout en maintenant la règle de la représentation du public au niveau du conseil général, c'est-à-dire tout en consacrant cette règle à l'effet que le public avait le droit d'être représenté à l'intérieur de l'organisme principal de la corporation, nous avons, néanmoins, suggéré une exception par rapport aux autres corporations professionnelles, dans ce sens que le comité administratif ou le comité exécutif de la corporation ne comportera pas de représentants nommés à partir de la liste dressée par l'Office des professions.

Pour clarifier cet aspect, je dis donc qu'au niveau du conseil général ou de ce qui est appelé, dans les autres corporations profession-

nelles, le bureau de la corporation, il y a les quatre personnes désignées par l'Office des professions. Mais, au niveau du comité exécutif ou du comité administratif, il n'y a pas de tels représentants venant de la liste dressée par l'Office des professions.

On me demandera tout de suite quels ont été les motifs de singulariser ou de faire une exception pour le Barreau dans ce domaine. Je répondrai que l'activité professionnelle des avocats les amène, plus que toute autre profession, dans des conflits avec le gouvernement et, en particulier, avec le procureur général ou d'autres personnes qui ont des responsabilités au niveau de l'administration de la justice. Donc, ce qui distingue la profession d'avocat des autres corporations, c'est qu'elle est très fréquemment en conflit avec l'autorité gouvernementale ou, au moins, avec cette partie de l'autorité gouvernementale qui inscrit les poursuites devant les tribunaux.

Ce rôle différent de la profession d'avocat par rapport à d'autres professions, telles que la médecine ou d'autres corporations dont nous avons à traiter des cas particuliers dans les diverses lois, nous oblige à réserver une distance encore peut-être plus considérable entre l'Etat et la profession d'avocat pour laisser à cette dernière sa pleine et entière liberté.

Fréquemment, par exemple, le conseil ou le comité administratif du Barreau devra être appelé à prendre connaissance de certains actes posés par des avocats dans leur pratique, dans les causes où ceux-ci ont occupé, représentant des parties ayant des intérêts contraires à ceux du procureur général ou d'autres personnes du gouvernement qui ont des poursuites à intenter. De façon à réserver ce caractère particulièrement important de confidentialité qu'il est nécessaire d'avoir au niveau des délibérations du conseil administratif, lorsque celui-ci se penche sur l'action d'un avocat en particulier, dans l'exercice de sa pratique, à l'occasion de causes où il a été impliqué contre l'autorité gouvernementale, nous nous sommes rendus aux arguments qui nous ont été présentés par le Barreau. Nous avons dit, tout en maintenant la règle générale, au niveau du conseil général du Barreau, de la représentation du public par l'Office des professions que nous ferions quand même une exception pour ce qui est du comité administratif du Barreau.

J'ajouterai, pour ma part, qu'un deuxième argument en faveur du Barreau me semble s'imposer car ce qui fait l'originalité, je pense, de toute société libre, c'est la liberté d'action du Barreau et des avocats. On sait que dans toutes les sociétés totalitaires, une des premières professions que toute action gouvernementale cherche à assujettir c'est bien la profession d'avocat qui représente, en somme, ceux qui sont poursuivis par les autorités.

Or, si le Barreau occupe une position aussi sensible dans une société libre que celle de représenter en pleine liberté la défense des citoyens, c'est sans doute que la profession d'avocat ne souffre pas de discipline ou de contrainte qui fasse en sorte que cela puisse paralyser, d'une façon ou d'une autre, soit l'action individuelle de ses membres alors qu'ils représentent des intérêts contraires à l'autorité gouvernementale, ou soit celle de la corporation elle-même lorsque celle-ci se croit le devoir de prendre position devant les empiètements des autorités politiques à l'égard des libertés démocratiques.

Je veux dire, M. le Président, que non seulement l'avocat a-t-il, à mon sens, une fonction bien spécifique et professionnelle dans le quotidien de représenter même des intérêts contraires à ceux du gouvernement devant les tribunaux mais je pense qu'il faut reconnaître à la profession, dans son ensemble, une responsabilité qui dépasse l'intérêt individuel de ses membres, qui dépasse l'action et le rôle quotidien de ses membres dans la défense de personnes particulières devant les tribunaux. C'est ce qui fait que la profession d'avocat, dans certaines circonstances, est naturellement appelée à prendre des positions sur des questions de principe lorsque les libertés fondamentales des citoyens sont mise en jeu par l'action de l'Etat, lorsque celle-ci est mal fondée.

C'est la raison pour laquelle nous avons cru qu'il fallait consacrer cette distance entre l'Etat et la profession d'homme de loi peut-être d'une façon plus caractéristique que vis-à-vis d'autres professions, de façon â laisser au Barreau cette liberté de prendre des positions qui seraient fondamentales sur des questions de principe lorsqu'il le jugera nécessaire si cela devenait, dans l'avenir, un impératif pour la corporation et pour les citoyens et dans l'intérêt général.

C'est dans cette optique que nous avons apporté des dispositions particulières à la loi du Barreau de façon que, tout en maintenant ce principe de la représentation des citoyens à l'intérieur de la corporation, malgré tout, la corporation ait une liberté d'action et d'expression compatible avec cet élément de confidentialité qui est requis dans les délibérations autour de l'action individuelle de certains avocats ayant assumé la responsabilité de causes là où ils sont en conflit avec les autorités politiques, et de façon aussi à laisser à la corporation cette liberté d'action collective dans les positions de principe qu'elle pourrait hypothétiquement être appelée à prendre dans certaines circonstances graves.

D'autre part, il faut dire que cette exception, que nous avons créée en faveur du Barreau, ne dénie pas ou ne libère pas la corporation des grands principes adoptés dans le bill 250. Ainsi, par exemple, le comité administratif du Barreau ne pourra-t-il pas adopter de règlements. On sait qu'en vertu des règles qui s'appliquent, qu'en vertu du code 250 et ainsi qu'en vertu de la loi no 251, l'adoption des règlements est une

responsabilité qui incombe au conseil général et, par conséquent, un règlement ne saurait être adopté par le conseil administratif.

Le conseil administratif ne saurait pas se substituer au Conseil général du Barreau pour adopter un règlement. De telle sorte que, tout en ayant laissé cette liberté d'action nécessaire au Barreau, la réglementation qui pourra s'appliquer à la profession est néanmoins soumise au processus traditionnel d'adoption des règlements, c'est-à-dire que c'est le conseil général qui adoptera les règlements, conseil général où se trouveront ces quatre personnes venant de l'Office des professions et qui verront ce qui se passe à l'intérieur de la corporation.

En second lieu, l'action du comité administratif ou du comité exécutif sera néanmoins revue, conformément à l'article 18, deuxième alinéa, de la Loi du Barreau, dans ce sens que l'administration courante du comité administratif ou du comité exécutif doit faire l'objet de rapports au Conseil général du Barreau, de telle sorte que les décisions prises au niveau du comité administratif devront faire l'objet de rapports devant le Conseil général du Barreau.

M. le Président, je pense que les particularités que l'on retrouvera dans le projet de loi no 251, particularités que je viens de mentionner, résultent de la situation tout à fait propre et particulière qui est celle des avocats et de leur corporation dans notre société et que, tout en maintenant les grands principes des projets de loi qui sont actuellement présentés devant la Chambre, nous avons néanmoins réussi à concilier des impératifs quelque peu divergents.

M. BURNS: M. le Président, il n'y a pas quorum.

LE PRESIDENT: Qu'on sonne les cloches! Qu'on appelle les députés!

L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, un autre aspect de ce projet de loi qui mérite quelques commentaires est l'aspect qui traite de la discipline à l'intérieur de la profession d'avocat.

On sait que le projet de loi 250 et les autres projets qui visent les professions autres que celle du Barreau comportent un système disciplinaire à deux paliers. Ainsi y a-t-il à l'intérieur de chaque corporation un comité de discipline et y a-t-il au-dessus de ces comités de discipline un tribunal d'appel qui siégera et dont l'action aura une envergure qui visera l'ensemble des corporations.

Sans aucun doute le Barreau est-il soumis au même système disciplinaire, dans ce sens que le tribunal ultime d'appel en matière disciplinaire est cet organisme composé de juges de la cour Provinciale qui siégera en matière d'appel de toutes les décisions émanant des corporations.

Mais il ne faut pas oublier que le Barreau avait une tradition particulière en matière de discipline, en ce sens que le Barreau avait déjà des comités de discipline siégeant en première instance. Il y avait également à l'intérieur du Barreau un conseil de révision qui avait pour fonction d'agir comme tribunal d'appel.

Par conséquent, en soumettant le Barreau à la règle générale du contrôle de ses décisions disciplinaires par le tribunal d'appel s'appli-quant à toutes les professions, nous n'avons pas modifié le système interne du Barreau qui existait précédemment. De telle sorte que le Barreau, contrairement aux autres professions, se trouvera avec un système disciplinaire à trois paliers au lieu de deux paliers comme cela est le cas dans les autres corporations.

Je ne pense pas que cette particularité soit très importante sur le plan des principes, mais elle méritait néanmoins d'être notée et elle correspond, dirais-je, au fait que le législateur, tout en faisant en sorte que la loi 250 et les principes que l'on trouve dans les lois des autres corporations s'appliquent à peu près uniformément dans toutes les corporations, devait néanmoins tenir compte des aspects particuliers, des traditions et des dispositions législatives qui existaient déjà avant qu'il ne décide d'intervenir pour mettre de l'ordre dans le fonctionnement des professions et dans l'ensemble des corporations professionnelles.

Cette modification apportée à notre législation d'ensemble devait néanmoins préserver certaines dispositions qui existaient déjà à l'intérieur de la profession d'avocat.

D'autres particularités de moindre importance existent dans ce projet de loi, pour autant qu'elles s'appliquent aux avocats. Ainsi en est-il, par exemple, de la règle de la nationalité. Contrairement à certaines professions, il est exigé pour les avocats, comme pour les notaires et pour les arpenteurs-géomètres d'ailleurs, d'avoir la nationalité canadienne avant de pouvoir exercer leur profession.

On me demandera peut-être pourquoi cette différence. Elle correspond au fait que lorsqu'on parle d'avocats, de notaires ou d'arpenteurs-géomètres, on parle d'officiers de justice et que la nationalité nous a paru être une règle qui devait s'imposer ici, ce qui n'est peut-être pas le cas dans d'autres professions où le rôle du professionnel n'est pas un rôle d'officier public.

Il y a aussi d'autres distinctions qui ont été proposées par le gouvernement à l'intérieur du bill 251. Ainsi en est-il au sujet de la terminologie, de la désignation de certains comités qui existent déjà à l'intérieur du Barreau. Il nous a paru utile de conserver, au moins dans leur esprit et leur réalité, certains comités que le Barreau avait déjà institués et qui avaient fait leurs preuves comme moyen de protéger valablement l'intérêt public.

Ce n'était pas parce qu'on mettait de l'ordre général dans les corporations professionnelles qu'il fallait jeter par terre ce qui avait été déjà bien fait par le Barreau.

D'autre part, M. le Président, le projet de loi comporte certaines dispositions en rapport avec

le stage. Les stagiaires devront être munis d'un certificat et ils exerceront les prérogatives qui leur seront reconnues par la loi et par les règlements du Barreau sous l'autorité d'un avocat en exercice. Ces stagiaires ne seront pas soumis à la discipline professionnelle générale s'appliquant aux avocats mais ils seront soumis à l'autorité de leur patron.

M. le Président, je m'assieds devant votre regard réprobateur, vu que vous semblez indiquer que je m'avance un peu trop dans les détails du projet de loi. Je voulais seulement signaler certains aspects particuliers de ce projet de loi. Je conclus en disant que pour les autres aspects, le projet de loi est conforme à la législation générale qui est proposée dans le bill 250 ainsi que dans les grandes lignes des autres projets de loi s'appliquant aux autres corporations professionnelles. Merci.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, l'indisposition imprévue du ministre des Affaires sociales nous force à étudier plus tôt que prévu cet important projet de loi 251, Loi modifiant la loi du Barreau.

M. le Président, je dois manifester mon contentement après avoir entendu le ministre de la Justice. Celui-ci est beaucoup plus loquace, beaucoup plus renseigné et maîtrise beaucoup mieux la loi qu'il parraine que ne l'a fait jusqu'ici le ministre des Affaires sociales.

Le ministre de la Justice nous a fait une synthèse des principes généraux que nous retrouvons dans cette loi 251, Loi modifiant la loi du Barreau.

M. LEVESQUE: Se peut-il que le député de Maskinongé soit plus familier avec les questions juridiques qu'avec les questions sociales?

M. PAUL: M. le Président, nous aurons beau avoir les meilleures mesures sociales possible, si nous n'avons pas tout un système juridique pour protéger les droits de ceux qui s'adressent à l'un ou l'autre des secteurs de l'assistance sociale, notre société sera ébranlée et rien n'ira dans la bonne marche et la sauvegarde des intérêts de tous les justiciables, qui doivent être égaux devant la loi.

M. le Président, j'étais membre du conseil général du Barreau lorsque la première version du projet de loi 250 nous est parvenue. Jamais je ne me suis senti aussi tiraillé entre, d'un côté, mon devoir de législateur et, d'un autre côté, mon rôle de membre du conseil général du Barreau. La première version du projet de loi 250 et, il va de soi, du projet de loi 251 n'était aucunement acceptable. Il y eut des amendements apportés par le ministre des Affaires sociales. Incidemment, je félicite le ministre de la Justice d'avoir pu convaincre son collègue le ministre des Affaires sociales. Ce n'est pas facile parce que, de temps à autre, il nous donne l'impression d'être monolithique. Je ne sais par quel hasard le ministre de la Justice a finalement ébranlé le ministre des Affaires sociales.

Il est vrai que le Barreau était disposé à contester jusque devant la Cour suprême la légalité du projet de loi no 251 dans sa première version justement en raison des énumérations que nous faisait tout à l'heure le ministre de la Justice, surtout quant à ce constant conflit d'intérêts qui aurait pu se présenter entre l'avocat dans l'exercice de sa profession et le gouvernement par la voie de représentants qui en quelque sorte auraient pu — je parle toujours au conditionnel — violer le secret professionnel dans ses moindres détails et placer le justiciable dans une position d'infériorité qui l'exposait à voir ses intérêts gravement compromis par cette surveillance étatique telle qu'on voulait l'établir par la Loi du Barreau.

M. le Président, finalement, le gouvernement et le ministre de la Justice nous présentent aujourd'hui une version de la Loi du Barreau qui est acceptable. C'est avec beaucoup de soulagement que nous avions entendu le ministre des Affaires sociales, en septembre 1972, nous annoncer des modifications et des amendements très importants au code des professions. Par le fait même, il disposait d'une grande partie des objections mêmes du Barreau tant à l'endroit du code des professions qu'à l'endroit du projet de loi 251.

M. le Président, dans le projet de loi 251, certains principes diffèrent quelque peu des données générales du projet de loi 250. Il y a, par exemple, cette disposition concernant la composition du conseil général du Barreau du Québec, qui remplira, au sein du Barreau, le rôle du bureau au sens du code des professions. Il y a cette exception à la loi générale 250 qui prévoit que le bureau d'une profession est formé d'un président et de 24 administrateurs, si la corporation compte plus de 1,500 membres. Il y a ici quelques avocats: vous, moi, le député de Maisonneuve, le député d'Outremont, le député de Matane. Elles sont rares les véritables compétences et valeurs dans cette Chambre, M. le Président.

Nous sommes près de 4,000 avocats au Québec. Je dis donc que, normalement, le Barreau devrait être formé d'un bureau de direction, se composant d'au plus 24 administrateurs ou directeurs. Cependant, il y a également un principe nouveau d'exception. Je dis d'exception mais peut-être que je me trompe. Je fais appel à l'encyclopédie vivante au sujet de toutes ces lois des corporations professionnelles, le député de Montmagny, pour savoir si le Barreau n'est pas, en fait, la seule corporation qui verra son bâtonnier et son vice-président élus par scrutin de tous ses membres.

M. CHOQUETTE: Oui, c'est ça.

M. PAUL: Alors, il y aura, M. le Président, un vote général de tous les membres de la profession qui seront appelés à élire le bâtonnier et le vice-président, ce que nous ne retrouvons pas dans les autres professions. Dans le projet de loi 251, il est également prévu que le conseil général est formé d'un bâtonnier, le bâtonnier du Québec, et de 30 administrateurs, au lieu de 24 comme dans les autres professions.

Ce qui est important, M. le Président, c'est sûrement de retenir ce traitement d'exception quant à la composition du bureau administratif.

Ce bureau sera composé de neuf membres et aucun représentant délégué par l'Office des professions ne pourra y siéger. C'est une excellente mesure, essentielle et nécessaire pour toutes les raisons que nous a signalées tout à l'heure le ministre de la Justice.

Le Barreau, c'est la plus vieille de toutes les professions libérales que nous connaissons. Ceux qui ont eu l'avantage d'étudier le droit romain se rappelleront certaines données, certains souvenirs des cours universitaires, alors que c'est avec beaucoup de fierté que nous étudiions la haute compétence, l'esprit juridique...

M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de Maskinongé, mais je crois, M. le Président, que nous n'avons pas quorum.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les députés!

Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, le député de Maskinongé reprend donc ses propos où il les a laissés pour vous rappeler que le droit romain nous a permis, à nous qui avons eu l'avantage de recevoir une excellente formation universitaire, de connaître toute cette rhétorique, ce raisonnement des grands préteurs tels que Démosthène, Cicéron. Qu'est-ce à dire du prêteur Paul? Un des plus grands préteurs du droit romain!

Hélas! le temps a quelque peu, par suite des accidents de parcours, enlaidi cette profession. Je n'apprendrai rien au ministre de la Justice. Aux premiers temps de la colonie il était absolument défendu de recevoir des avocats...

M. le Président, je vous ferai remarquer que c'est Léo qui vient de frapper, ce qui signifie lion. Peut-être est-il trop lion dans son parti? Celui-ci pensera sérieusement à le nommer à quelque poste administratif pour que dans le prochain Parlement un autre député que celui qui honore le comté de Saint-Laurent vienne siéger en cette Chambre.

Je disais donc que le temps...

M. BURNS: Vous avez des détails là-dessus à nous fournir?

M. PAUL: Vous savez que cela ne va pas trop bien dans le Parti libéral.

M. BURNS: Nous savions cela.

M. PAUL: Vous voyez, aujourd'hui, le ministre des Affaires sociales est malade. Peut-être a-t-il eu une autre crise avec Lalonde, le ministre de la Santé...

M. LEVESQUE: Est-ce un cocktail qu'on a présentement?

M. PAUL: En ces réunions, nous n'appellerons jamais "Lévesque" du Parti libéral et encore moins l'aumônier du Parti libéral, "la baie James."

M. LEVESQUE: Je vous remercie.

M. PAUL: Toujours est-il que le Barreau a joué un rôle éminemment social dans la structure de toutes les sociétés. C'est avec raison, tout à l'heure, que le ministre de la Justice signalait que, dans les pays totalitaires, la première corporation qu'on s'applique à faire disparaître, c'est le Barreau et toute forme de justice pour les remplacer par l'autorité militaire.

Heureusement que dans le Québec et le Barreau canadien nous avons joué un rôle, pas toujours compris par la société. Nous avons joué un rôle et tous ceux qui se sont présentés devant nos tribunaux ont eu cet avantage de rencontrer des hommes de loi bien préparés, qui possédaient les connaissances juridiques les plus complètes. Ceci leur a permis de revendiquer leurs droits ou de bénéficier d'acquittements lorsqu'ils ont eu affaire ou ont été traduits devant les tribunaux.

Justement, parce que le Barreau a une longue tradition, parce que le Barreau a été la première corporation professionnelle à s'auto-discipliner et à surveiller la conduite de ses membres, il n'était que logique que le législateur, le ministre responsable de la loi no 251 envisagent une certaine exception à l'endroit du Barreau. Pour ce qui a trait au code de déontologie, je crois que le Barreau a été comme la pierre angulaire qui a permis au législateur d'extraire l'expérience vécue de ces règlements de discipline, cette politique nouvelle de déontologie que l'on retrouve dans la loi-cadre no 250 et non pas la loi omnibus.

Dans cette loi que nous sommes appelés à adopter aujourd'hui, il nous faut donc penser que le Barreau doit recevoir un traitement exceptionnel — je dis doit — comme le revendiquaient d'ailleurs le Conseil général du Barreau et l'Association des avocats. Il y a cette question extrêmement importante du secret professionnel qui peut être violé en certaines circonstances si nous permettons l'intrusion de personnes déléguées d'en dehors, et qui ne sont pas membres de la corporation, au bureau administratif ou dans l'exécutif de la profession.

Je dis que le ministre de la Justice avait le droit et, surtout, avait le devoir de convaincre

son collègue, le ministre des Affaires sociales, parce qu'en fait, si c'est le ministre de la Justice qui nous présente cette loi aujourd'hui, il a été obligé d'exposer — c'est normal et nécessaire, autrement il n'y aurait pas de solidarité ministérielle — au grand patron du rapport Castonguay-Nepveu les vues de la profession des avocats et du conseil du Barreau sur cet aspect particulier du secret professionnel qui ne pouvait — épineux problème — être résolu autrement que par ce constant souci, ce soin d'éviter d'incorporer, de faire siéger ou d'admettre au bureau administratif des personnes autres que celles de la profession.

M. le Président, il y a un principe un peu particulier et d'exception que l'on retrouve également dans cette loi 51, c'est que chaque section du Barreau formera une corporation indépendante et autonome. Il y a donc lieu de se demander si la structure de chacune des sections du Barreau ne devrait pas être conforme aux dispositions du code des professions concernant la composition du bureau et du comité administratif.

Avec le temps, je me propose d'examiner de plus près tout ce problème pour qu'à l'occasion de l'étude de ce projet de loi en commission élue nous puissions nous pencher sur le besoin et la nécessité d'apporter certains amendements à la loi même du Barreau pour réaliser cet objectif visé par la loi-cadre des professions.

Il y a un point...

M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de Maskinongé mais nous n'avons pas quorum, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, si on n'a pas quorum, ce n'est certainement pas à cause du gouvernement parce que notre responsabilité est de 20 sur 30.

M. BURNS: Je n'ai pas demandé d'explication, M. le Président, j'ai mentionné qu'il n'y avait pas quorum.

M. LEVESQUE: Nous avons au-delà de 20 députés libéraux...

M. BURNS: C'est une question de règlement.

M. LEVESQUE: ... et c'est à l'Opposition de faire son devoir au lieu de toujours crier au quorum.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement, je ne crois pas que le problème soulevé par l'honorable député de Maisonneuve puisse souffrir de débat. Tout ce que l'on peut faire, c'est de constater...

M. LEVESQUE: La vérité a ses droits. M. PAUL: Pardon?

M. LEVESQUE: La vérité a ses droits.

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai compté et nous sommes 31.

M. LEVESQUE: Trente et un.

M. BURNS: Ce n'est pas à vous de compter, c'est au président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Giasson): J'avais comté 29, mais je vois apparaître le député de Chicoutimi et le ministre des Richesses naturelles.

Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, c'est effrayant comme cela va bien pour faire un bon discours aucunement préparé d'être interrompu à deux reprises pas mon collègue le député de Maisonneuve que j'invite à récidiver...

M. BURNS: Je m'excuse.

M. PAUL: ... pour essayer d'avoir la présence de cette masse gouvernementale amorphe.

M. LEVESQUE: M. le Président, une question de privilège. Maintenant que l'occasion m'est fournie de le dire dans la légalité, je répète...

M. BURNS: Dans l'illégalité, M. le Président.

M. LEVESQUE: ... que le quorum est de 30 membres, comme vous le savez. La représentation ministérielle vis-à-vis de la représentation de l'Opposition est de deux à un. Notre responsabilité vis-à-vis du quorum est d'être 20 députés en Chambre.

M. BURNS: Je ne sais pas où vous avez vu ça.

M. LEVESQUE: Nous sommes toujours plus de 20 députés en Chambre. C'est l'Opposition qui doit prendre ses responsabilités avec au moins dix députés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Deux à un, cela va vous mener aux éliminatoires quand même.

M. LEVESQUE: Chaque fois qu'on fera appel au quorum et qu'on voudra mettre la responsabilité sur l'équipe ministérielle, je ferai cette mise au point.

M. BURNS: Nous sommes dix, M. le Président.

M. LEVESQUE: Les responsabilités des parlementaires, c'est autant d'un côté que de l'autre.

M. PAUL: M. le Président...

M. BURNS: Avec vous, M. le Président, on est dix en dehors des ministériels.

M. PAUL: ... sur un point de règlement, qu'ils soient trois ou quatre contre un, je vous promets que ce sont de petits lumignons. Ce ne sont pas eux qui apportent une contribution intelligente aux travaux de la Chambre. Ce sont toujours des obscurs. On ne les entend jamais parler. Ils ne sont même pas capables d'être présents physiquement. Intellectuellement, c'est trop leur demander, mais physiquement, ils devraient au moins s'autodiscipliner comme l'a fait le Barreau pour que ses membres puissent être sous la surveillance constante d'un comité de discipline, toujours dans l'intérêt du public.

Il est arrivé trop souvent, dans le passé, M. le Président, que trop d'avocats — trop parce que, même si ce ne fut que l'exception, il reste qu'il y en a eu trop — ont été victimes, comme cela se produit, d'ailleurs, dans toutes les professions, du manque d'honnêteté et de la négligence de certains confrères dans l'exercice de leur profession. C'est dans le but de pallier les conséquences d'une négligence qui, en certains cas, peut causer des torts irréparables que le projet de loi no 251 obligera un membre de la profession à fournir une garantie pour qu'il puisse lui-même être à l'abri des conséquences de sa propre négligence, mais surtout pour mettre le public à l'abri des conséquences non pas de son ignorance, parce que la clientèle se charge de classer vite un avocat et, vite, elle se dirige vers un autre bureau...

Il y a, M. le Président, cet autre exemple qui a été donné par le Barreau. C'est ce fonds que le conseil général a créé pour indemniser les victimes de ceux qui avaient eu à subir des dommages ou des torts de la part de confrères dans l'exercice, qui n'étaient, hélas! que des parasites de la profession et non pas des actifs exclusivement et constamment dévoués aux intérêts de leurs clients et du justiciable du Québec.

M. le Président, dans ce projet de loi no 251, il y a un problème qui m'inquiète. C'est un des principes de cette loi. Je vois qu'il n'est aucunement fait mention de la constitution d'une assemblée générale des membres du Barreau, qui se réunirait annuellement, contrairement aux exigences des articles 97 à 101 du code des professions, projet de loi no 250. Alors, j'attirerais l'attention du ministre de la Justice sur ce point particulier de la loi présentement à l'étude pour qu'en temps utile, en commission élue, nous puissions envisager l'opportunité d'apporter certains amendements pour clarifier le texte et éviter qu'il n'y ait dualité possible ou interprétation difficile de la loi dans la bonne marche de ses opérations. Ainsi, nous pourrons avoir une constante dans les professions, là où il n'y a pas nécessité de consentir des cas d'exception ou des privilèges spéciaux, comme c'est le cas, par exemple, à l'endroit du Barreau, au sujet du secret professionnel.

Il y a un principe dans cette loi qui, personnellement, m'inquiète quelque peu. Ce sont les articles — je dis les articles, M. le Président, mais je parlerai plutôt d'une section où l'on parle de tout un principe que l'on retrouve dans la loi — concernant l'admission au Barreau. Cette section de la loi no 251 concerne le Centre de formation professionnelle du Barreau. Il y a lieu de se demander si l'acceptation des principes que l'on retrouve dans cette section de la loi no 251 n'ira pas compromettre ou ne déréglera pas les négociations en cours entre le Barreau et les milieux d'enseignement.

M. le Président, il faut être extrêmement prudent. Nous connaissons les difficultés et le rôle d'intermédiaire, d'arbitre, de conciliateur qu'a joué le ministre de la Justice à la suite des échecs retentissants de trop d'aspirants avocats lors des derniers examens du Barreau. Je ne me réfère pas aux examens qui eurent lieu au début du mois de février, mais à ceux qui eurent lieu l'été passé. Le ministre a joué un rôle de conciliateur et, finalement, il a orienté une discussion qui pourra — du moins, je l'espère — déboucher quelque part.

Il y a encore des spasmes de mécontentement, mais il est souhaitable et désirable que le conseil général du Barreau et des milieux d'enseignement puissent trouver un programme d'enseignement, des sujets ou matières d'examen qui pourraient permettre aux étudiants de la profession de droit d'être d'abord peut-être un peu plus sérieux dans la préparation de leur avenir, et surtout afin qu'ils ne soient pas victimes de questions qui, à leurs yeux, semblent piégées mais qui sont peut-être la résultante d'un manque de dialogue entre, d'une part, les milieux enseignants et, d'autre part, le conseil général du Barreau.

Il est à noter que le Barreau s'est opposé très fortement à l'ingérence du gouvernement dans ce domaine lors de la présentation de son mémoire à la commission parlementaire au mois de novembre dernier.

Il y a également dans ce projet de loi un principe très important, c'est celui qui regarde la formation d'un comité d'évaluation professionnelle. Il s'agit là peut-être de la divergence la plus importante que l'on trouve dans cette loi entre celle des dispositions législatives et des autres corporations professionnelles.

Dans le projet de loi 250, les pouvoirs d'évaluation professionnelle concernant l'état physique, psychologique ou psychique d'un professionnel sont dévolus au bureau. Pour ce qui a trait au Barreau, celui-ci préfère que les pouvoirs soient donnés à un organisme quasi judiciaire, suivant les termes mêmes du bâtonnier Marcel Cinq-Mars qui, devant la commission parlementaire en date des 8 et 9 novembre 1972, s'exprimait ainsi, et je me réfère au

journal des Débats, page B-6444. C'était à la suite d'une question posée par le député de Bourget : "Quant à son mandat, nous avons retenu les principes posés dans le bill 250. Quant au mécanisme même, je ne suis pas entré, ce matin, dans les détails du mécanisme. C'est un mécanisme qui est quand même assez simple et qui s'apparente passablement au mécanisme prévu dans le bill 250, à savoir le choix d'un médecin par le comité administratif de la corporation, à la suite évidemment d'une représentation sérieuse à l'effet que le professionnel X ou Y n'est pas apte à exercer la profession à cause d'un état physique ou psychique, le choix d'un médecin par le professionnel lui-même et le choix d'un troisième médecin par les deux médecins ou, à défaut, par l'autorité judiciaire. "Le rapport de ces trois médecins serait déposé devant cet organisme, appelons-le le comité d'évaluation professionnelle, qui, lui, pourrait entendre des témoins. Il aurait tous les pouvoirs d'un tribunal, et il pourrait peser les rapports médicaux qu'on lui soumet. Il aura même le pouvoir d'ordonner que le professionnel se soumette à un nouvel examen médical. Brièvement, c'est le mécanisme que nous vous suggérons, nous pensons qu'il est plus juste, plus conforme à nos principes d'ordre judiciaire."

Cette proposition du Barreau est très valable.

Il faudrait peut-être envisager certains amendements possibles en commission élue sur le projet de loi 250 pour que le principal but visé soit d'accorder à l'individu, qui peut être pris dans cette situation en raison d'un état physique ou en raison d'un état psychique, l'avantage d'être jugé par des spécialistes plutôt qu'exclusivement par des confrères.

Je vois le ministre de la Justice qui sourit.

M. CHOQUETTE: Je vous dirai ce que j'ai à l'esprit privément.

M. PAUL: M. le Président, j'espère que nous ne pensons pas au même sujet tous les deux.

M. CHOQUETTE: On verra,

M. PAUL: M. le Président, le Barreau, en faisant cette recommandation, vise la protection du public, en même temps qu'il vise la protection de l'individu membre de la corporation qui peut être forcé d'abandonner l'exercice de sa profession en raison ou par suite d'une situation physique ou psychique anormale.

Le Barreau prône la protection de l'individu par un droit d'appel, conformément aux principes les plus élémentaires do la justice naturelle. Il faut, M. le Président, regarder avec beaucoup d'attention cette disposition que l'on rencontrera dans toutes les lois spécifiques des corporations professionnelles et qui découle de l'expérience vécue, comme je vous disais tout à l'heure, par le Barreau lui-même. En effet, il a été la première profession à adopter un code de déontologie et à fixer les normes relatives à une procédure d'arbitrage des comptes de ses membres pour protéger le public. De plus, le Barreau a été la première corporation à mettre sur pied, comme je vous le disais, un fonds d'indemnisation devant servir à rembourser les sommes d'argent ou autres valeurs utilisées par un professionnel à d'autres fins que celles pour lesquelles elles lui avaient été remises.

M. le Président, il faut, de plus, s'arrêter sur une autre divergence ou exception très importante que l'on retrouve dans cette loi 251 du Barreau. La Loi du Barreau actuelle, chapitres 15-16, Elizabeth II, 1966-1967, prévoit que toute décision du comité de discipline peut-être portée devant un organisme supérieur que l'on appelle le conseil de discipline. Dans le projet de loi 250, il est prévu que toute décision du comité de discipline jouit d'un droit d'appel au tribunal des professions. En vertu du bill 250, ce droit est sans appel. La prochaine loi 251 crée deux paliers d'appel; d'abord, toute décision du comité de discipline est appelable à un organisme supérieur appelé conseil de révision qui, en vertu des dispositions du nouveau texte de la Loi du Barreau, remplacera l'ancien conseil ou comité de discipline de la loi 16-17, Elizabeth II, 1966-1967.

Le projet de loi 251 prévoit un deuxième palier d'appel, c'est celui d'un recours au tribunal des professions. M. le Président, je me demande si, à toutes fins pratiques, il n'y aurait pas lieu de considérer également un amendement dans le projet de loi 250, qui rencontrerait peut-être les mécanismes de surveillance ou de discipline que l'on retrouve dans la Loi du Barreau.

M. le Président, le conseil général du Barreau, à l'avenir, sera remplacé ou jouera plutôt le rôle du bureau au sens du code des professions. Son bâtonnier, élu par voie démocratique par tous les avocats, de même que son vice-président formera le conseil du Barreau. Il y aura dix délégués de la section de Montréal, cinq de la section de Québec, deux de la section de Trois-Rivières, de Sherbrooke et de Hull et ensuite un autre pour représenter toutes les autres sections du Barreau du territoire du Québec, en plus des quatre autres qui seront délégués par l'Office des professions.

Il faut retenir, et à bon droit, qu'il y aura toujours le comité ou conseil administratif, qui lui aura un traitement spécial à l'intérieur de cette loi 261 contrairement aux dispositions que l'on retrouve pour les autres professions. Il y aura lieu de retenir également les avantages ou la tentative d'expérience consacrés non plus dans un règlement, mais dans un texte de loi. Cela concerne les activités judiciaires ou quasi judiciaires des étudiants en droit et des stagiaires des différents bureaux d'avocats.

M. le Président, il faudra que le conseil du Barreau soit extrêmement vigilant pour que les règlements qui seront adoptés soient intégrale-

ment respectés parce qu'on semble s'éloigner un peu plus de notre système actuel. Le système actuel prévoit la participation des stagiaires aux actes quasi judiciaires ou judiciaires dans certains cas, mais là on parle des étudiants en droit.

C'est une recommandation qui a sans doute sa raison d'être. Mais encore là, il faudra qu'une grande surveillance soit exercée pour que l'inexpérience des uns ne profite pas aux autres et pour que ceux qui ont de bons droits à faire valoir devant les tribunaux ne soient pas exposés à les perdre par suite de l'inexpérience do celui qui pourrait être délégué pour faire la revendication des principes de droit en cause.

M. le Président, je vous ai mentionné qu'une excellente mesure, c'est cette obligation de garantie que l'avocat devra souscrire pour le mettre à l'abri et surtout pour protéger le public en raison de ses fautes ou de sa négligence. Je n'ai pas l'intention d'ajouter davantage mais je regrette, comme j'en suis sûr le ministre lui-même l'a regretté, d'avoir été pris un peu au dépourvu par la présentation de cette loi. Le leader du gouvernement nous dira: Vous étiez prévenus de la présentation d'un tel projet de loi pour ces jours-ci.

Il reste toujours qu'il y a quelques collègues dans cette Chambre qui participent d'une façon plus régulière, plus soutenue, dans mon cas je ne dirais pas plus intelligente que le font d'autres députés de cette Chambre. Il faut comprendre les circonstances et il faut s'adapter aux exigences et à l'impératif du moment. Ce n'est pas une raison, cependant, pour mettre de côté l'obligation à laquelle nous devons faire face, soit savoir si nous voterons pour ou contre le projet de loi.

Je vois le ministre de l'Immigration qui s'interroge et qui se demande si les députés de l'Union Nationale vont voter pour ou contre le projet de loi 251.

Il y a eu cette croisade du conseil général du Barreau, du temps, du grand ami du ministre actuel de la Justice, le bâtonnier Jasmin, qui, en raison de ses bonnes relations avec le ministre de la Justice — d'ailleurs, il lui a réservé un accueil mémorable un jour, à l'occasion d'un certain congrès — a été comme son successeur, le bâtonnier Moisan, d'une grande constance de pensée pour éveiller l'attention des avocats. Je ne dirai pas qu'ils ont eu cette même appréciation de la valeur du ministre, absolument pas, mais, au sein de la profession, ils se sont tous deux imposé, donné la mission de prévenir tous les avocats du danger auquel était exposée la profession si le code des professions, tel qu'il est rédigé dans sa première version, et la Loi du Barreau qui est axée sur cette première version de la loi devaient être acceptés ou refusés.

Il y a nécessité que le Barreau soit régi par une loi-cadre, comme toute autre profession. Est-ce que cette loi, telle qu'elle est présentée dans ses principes, est acceptable? Je dis que oui. Nous voterons pour cette loi sachant que le ministre de la Justice, avec une grande ouverture d'esprit, pourra continuer son travail d'apostolat auprès de son collègue le ministre des Affaires sociales pour que nous puissions retenir certains amendements à la loi, certaines recommandations du Barreau qui nous furent faites et qui, étant acceptées, ne feraient que bonifier, à mon humble point de vue, cette loi qui régira les relations entre les avocats pour qu'ils continuent à oeuvrer au Québec dans le meilleur intérêt de la justice et de l'intérêt public.

Il faut concevoir que toutes les professions doivent être au service du public, d'abord, avant d'être au service de leur intérêt personnel. Leur motivation ne doit pas être exclusivement dans le but d'améliorer leur situation. Quand on est dans une profession, quelle qu'elle soit, il faut assumer des responsabilités et des devoirs à l'endroit de la société. Plus on a reçu de la société, plus on doit donner à la société. Le Barreau doit donner davantage. Nonobstant toutes les critiques, les reproches que l'on peut adresser à cette profession, il reste que c'est encore la justice qui est la pierre angulaire d'une société bien structurée où les droits du plus fort ne seront pas imposés aux plus faibles. Dans une société bien organisée, où le Barreau et les avocats sont conscients de leurs responsabilités, les avocats continueront d'être au service du public et de la société elle-même.

C'est dans cette perspective que le conseil général du Barreau, que les avocats souscrivent au projet de loi 251, mais non pas sans aucune réserve quant à l'appréciation de la politique générale du ministre de la Justice. Aujourd'hui, je n'aborderai pas le sujet. Je ne succomberai pas à la tentation. Je ne serai pas aujourd'hui le porte-parole de ceux qui m'ont demandé de faire un message à l'occasion de l'étude de la loi 251 parce que je conçois que ce n'est pas le moment opportun de le faire. Il s'agit de savoir si nous devons accepter un projet de loi nonobstant les hommes en place.

Ce sont des principes que nous devons analyser, que nous devons accepter; ce ne sont pas des individus, actuel ou anciens ministres de la Justice. C'est dans le but du meilleur intérêt public, pour la sécurité du public, pour la sécurité des membres de la profession eux-mêmes que nous devons, tous ensemble, travailler à améliorer, bonifier cette loi. Ainsi, dans cette grande oeuvre de réforme des corporations, chacun de nous aura la satisfaction d'avoir contribué à améliorer l'une ou l'autre de nos lois. Les premiers bénéficiaires seront d'abord les justiciables. Si le code d'éthique professionnelle oblige les avocats, dans le cas d'espèce, à se vouer exclusivement à la défense des intérêts de leurs clients, dans des règles d'éthique professionnelle bien arrêtées, il est permis de croire que non seulement les avocats eux-mêmes mais la société en général en retirera des bénéfices et avantages.

C'est pourquoi nous allons voter pour cette loi en deuxième lecture, espérant qu'en com-

mission nous finirons peut-être par convaincre le ministre de la Justice de se rendre à certaines recommandations qui nous furent faites par des organismes responsables.

LE VICE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, quelques mots seulement sur le principe de ce projet de loi no 251, Loi modifiant la loi du Barreau.

J'ai écouté, avec beaucoup d'attention, le ministre de la Justice et également le député de Maskinongé. Je dois admettre que le ministre de la Justice a apporté plusieurs éclaircissements concernant la loi. J'ai bien apprécié de quelle façon il l'a fait. Je pense que le discours du ministre de la Justice a été assez objectif et a permis de nous faire mieux comprendre certaines particularités du projet de loi.

J'ai assisté également à la commission parlementaire lorsque sont venus comparaître les membres du Barreau. Je dois dire que les premières critiques soulevées à l'endroit de cette loi étaient très sévères, et certains avaient l'intention de s'y opposer totalement. Cependant, à la suite des recommandations qu'ils ont faites, je dois dire que le ministre de la Justice a pris, dans l'ensemble, bonne note des recommandations du Barreau, et la loi qui vient modifier la Loi du Barreau semble, du moins dans son principe, satisfaire le plus grand nombre de ses membres. J'ai eu l'occasion de consulter plusieurs personnes avec lesquelles j'ai pu en discuter en commission parlementaire et elles semblent satisfaites, malgré quelques réticences ou quelques modifications qui devraient être apportées lors de l'étude en troisième lecture du projet de loi.

Ce qui a été bien apprécié, je pense bien, par les membres du Barreau, comme recommandation qui semblait essentielle ou qui semblait être au milieu des recommandations faites, c'était celle du comité de discipline. C'est peut-être ce qui a fait dire au bâtonnier, M. Moisan, que les membres du Barreau devraient être assez satisfaits de ce que le Barreau a fait pour améliorer le projet de loi no 251. Je pense que ce projet de loi, qui est peut-être le projet de loi le plus particulier des lois connexes au projet de loi no 250, conserve l'autonomie de cette profession. Je pense que ce principe qui existait dans l'ancienne loi a été assez bien conservé, tel que demandé d'ailleurs par le Barreau.

Plusieurs avocats, avec qui j'ai eu l'occasion d'en discuter, m'ont dit qu'en principe il n'y avait pas tellement de changements dans la nouvelle loi comparativement à l'ancienne loi.

Les quelques modifications qui étaient apportées l'étaient simplement pour ajuster la Loi du Barreau au code des professions. Cependant, ils ont également ajouté que ce n'est pas facile d'ajuster une loi comme celle-là, qui exige des particularités bien spéciales pour s'ajuster au code des professions.

J'ai remarqué que, lors de la comparution du Barreau à la commission parlementaire, il a été fortement question de liberté, d'autonomie. C'est peut-être ce qui a permis au ministre de mieux les entendre, de mieux les écouter et de mieux prendre leurs recommandations. Je pourrais répéter les mots du député de Maskinongé: Le premier rôle, d'un avocat, c'est d'abord de protéger son client et le public en général.

M. le Président, étant un profane dans le domaine, je laisserai donc aux membres de la Chambre, qui ont un intérêt tout particulier à le faire, le soin de surveiller cette loi. S'ils le font avec la même vigilance que le député de Maskinongé, s'il y a lieu de bonifier ce projet de loi, ils ne tarderont pas à le faire savoir au ministre.

En terminant, je souscris au principe du projet de loi no 251.

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue de Dorchester, mais je pense que nous n'avons pas quorum.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Maintenant, nous avons quorum.

M. BURNS: On l'a quand on l'appelle, M. le Président.

M. GUAY: Je disais donc, M. le Président, que je souscris au principe du projet de loi no 251. Bien sûr, les membres de cette Chambre, qui sont membres du Barreau, sauront souligner au ministre les dangers qu'ils voient dans le projet de loi. Si certains droits, qu'on a appelés fondamentaux, semblaient un peu délaissés, je suis sûr que les honorables députés, qui parleront sur le sujet, sauront attirer l'attention du ministre. C'est peut-être la loi la plus particulière qui est la moins rattachée au code des professions. Cependant, étant donné que cela semble acceptable pour l'ensemble des membres du Barreau, nous souscrivons à ce principe.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas l'intention, même comme membre du Barreau, de tenter de vous expliquer que la corporation du Barreau est l'association professionnelle la plus importante, loin de là. Je pense, cependant, que cet organisme professionnel a peut-être, vis-à-vis de l'ensemble du problème que nous examinons dans les projets de loi 250 et suivants, un poids additionnel à supporter. Je pense qu'à ce titre il est très important que l'on prenne au moins quelques minutes pour souhaiter peut-être qu'à l'occasion de cette nouvelle

législation, qui régira et l'ensemble des professions mais aussi le Barreau par le projet de loi no 251, il y ait un certain nombre de rajustements qui se fassent à l'intérieur du Barreau.

Quand je dis que le Barreau supporte peut-être vis-à-vis de l'opinion publique un poids encore plus grand que les autres associations professionnelles, je me fonde surtout sur l'opinion que le grand public se fait des avocats et sur leur façon de "représenter ou d'aider à l'administration de la justice".

J'entendais, tantôt, le ministre de la Justice, dans son intervention, nous dire que l'avocat était un officier public qui, à toutes fins pratiques, faisait partie intégrante du rouage de l'administration de la justice. Or, ce n'est un secret pour personne, M. le Président, que la population au Québec, actuellement, n'est pas satisfaite de l'administration de la justice en général.

C'est donc dire que l'avocat, comme membre du Barreau, comme un des liens ou comme un des chaînons de ce rouage de l'administration de la justice doit en subir une certaine culpabilité, sinon une certaine participation.

Je remonte tout simplement, M. le Président, à une étude qui a été faite à la demande du Barreau, en 1969, qui s'intitule "Les avocats du Québec", qui a été longuement commentée à ce moment, et d'où ressortaient, à toutes fins pratiques, un certain nombre de constatations. Je vous dis les principales. La mauvaise image que se fait de l'avocat un large secteur du public résulte, dans l'ensemble, du fait que ces gens ne sont pas considérés comme travaillant dans l'intérêt du public, mais plutôt dans leur propre intérêt. Une deuxième conclusion qui semblait se dégager de cette étude, qui avait été préparée à la demande du Barreau, était que les avocats étaient d'une classe à part, qu'on pourrait qualifier d'un certain "establishment" qui ne s'identifiaient pas aux problèmes de leurs compatriotes.

Or, M. le Président, ceci a été repris, à toutes fins pratiques, dans les constatations d'une enquête, commandée par la commission Prévost, sur l'opinion que le grand public se faisait de l'avocat. Je pense que, sans avoir les citations sous les yeux, on peut facilement se souvenir qu'à l'occasion de cette enquête, on trouvait qu'il y avait une forte proportion des avocats qui étaient considérés comme malhonnêtes; il y avait une forte proportion des avocats qui étaient considérés comme incompétents; il y avait une forte proportion des avocats qui étaient considérés — toujours dans l'opinion publique — comme des gens qui ne visaient que leur propre intérêt, qui exigeaient des honoraires exorbitants, etc. Par voie de conséquence, comme les juges sont, à toutes fins pratiques, de par notre Loi des tribunaux judiciaires, nécessairement des avocats, cette boue, qui éclaboussait les membres du Barreau en général, éclaboussait aussi, dans l'opinion publique, les juges.

C'est pour cela, M. le Président, que je tiens à souligner ce problème, à ce stade-ci, pendant qu'on reconsidère les différentes corporations professionnelles et, entre autres, à l'occasion de l'étude du Barreau. Je souhaite que ce soit l'occasion, pour les avocats, de se poser des questions eux-mêmes à ce sujet.

Lors du 54e congrès annuel du Barreau, remarquez que les avocats se sont posé des questions là-dessus. Je cite simplement un extrait du journal L'Action du 29 août 1972, qui rapportait justement l'attitude des avocats, sous le titre "Les avocats pensent que le public peut leur reprocher coût, lenteur et inaccessibilité". Ce sont les avocats eux-mêmes, au cours de leur congrès, qui en arrivèrent à ces conclusions. "Le coût des services d'un avocat, la lenteur des procédures judiciaires et l'inaccessibilité de la justice pour tous, tels seraient, selon les avocats eux-mêmes, les principaux griefs que le public peut formuler à leur égard."

M. le Président, non seulement, trois ans avant, on avait fait faire des études qui amenaient le Barreau à croire que c'est ce que l'opinion publique pensait, mais, quelque trois ans plus tard, en 1972, les avocats, eux aussi, en arrivent à cette même conclusion. Pourtant, qu'est-ce qui est fait, du côté du Barreau, pour changer cette attitude si, véritablement, c'est tellement important que, pour l'administration de la justice en général, les avocats considérés comme un des rouages importants de l'administration, soient vus par le public de façon favorable?

Je pense, M. le Président, que le Barreau lui-même a très souvent contribué à laisser croire à la population qu'au moins une des conclusions que je mentionnais, soit de la part des avocats ou soit de la part de l'enquête qui a été faite à leur sujet, c'est-à-dire que ces gens travaillaient d'abord et avant tout pour leur propre intérêt. C'est l'attitude constante qu'on a vue au cours des dernières années de la part du Barreau relativement aux divers projets de loi. Le ministre de la Justice en a été lui-même victime à quelques reprises.

Il a subi les foudres du Barreau parce qu'il soumettait des projets de loi qui pensaient d'abord à l'intérêt du public. Nous l'avons félicité, à ce moment-là, de résister à un certain nombre de pressions dont il était sûrement l'objet.

Je cite tout simplement, entre autres cas — le ministre s'en souviendra sûrement — la fameuse Loi pour favoriser l'accès à la justice ou la Loi des petites créances. Les avocats se sont plaints, ont poussé les hauts cris par l'entremise de leur association professionnelle, le Barreau, disant à toutes fins pratiques, sans le dire, que ça leur enlèverait des clients.

C'était une loi absolument nécessaire et une corporation professionnelle qui en aurait véritablement mérité le nom, dans le sens qu'elle est formée pour protéger l'intérêt public, n'aurait pas eu ce genre de réaction.

Je cite un autre cas, la Loi de l'aide

juridique. Est-ce qu'on n'a pas entendu parler des oppositions du Barreau, toujours, encore une fois, sans le dire carrément, mais on le sentait très clairement? Ils disaient: Il faut protéger cette profession qui est à nous, alors qu'on disait: Il y a des gens qui ont besoin absolument de services d'avocats, qui n'ont pas les moyens de s'en payer et nous vous amenons une loi favorisant ça.

Plus récemment encore, l'attitude du Barreau dans le conflit avec les étudiants, auquel a référé tantôt le député de Maskinongé. On se demandait si, sous-jacent à tout conflit — et cela n'a pas encore été clarifié aux yeux du public; il n'y a personne qui a prouvé que ce n'était pas vrai — ce n'était pas, dans le fond, le problème de contingentement de la profession.

Le dernier exemple que nous ayons vu là-dessus a été l'attitude du Barreau à l'occasion de la présentation par le ministre des Affaires sociales du code des professions. C'est là, justement, que le ministre de la Justice a, je pense, subi les foudres du Barreau.

Encore une fois, toutes ces attitudes constantes n'ont pas été pour nous faire croire que c'était faux que les avocats, représentés par leur Barreau, pensent d'abord à leur intérêt avant l'intérêt public. Je sais fort bien qu'il y a un très grand nombre d'avocats qui ne pensent pas à leur intérêt d'abord. C'est évidemment leur façon de gagner leur vie, pas de doute, admis. Et, comme tel, il faut qu'ils en tirent un certain profit.

Je crois qu'il y a un certain nombre d'avocats au Québec qui pensent à autre chose qu'à leur profit personnel et qui sont dédiés aux causes qu'ils représentent, mais le public n'en est pas convaincu. Et il n'y a rien actuellement pour convaincre le public de ça, étant donné qu'il y a tellement une grande proportion d'avocats — et même la corporation professionnelle — qui agissent de façon contraire à nous faire croire que l'avocat est au fond, un protecteur de l'ensemble de la population.

Cet autre point que je veux aborder est, je pense, intimement relié au premier que je viens de soulever. Constamment, le Barreau a fait des colloques même sur le rôle social de l'avocat. Il a tenté de faire de la publicité, de faire comprendre aux gens quel était le rôle de l'avocat, mais toujours en disant, à l'occasion de l'étude, du code des professions: On ne veut d'ingérence nulle part. Nous voulons que personne ne se mêle de nos affaires.

Moi, je dis que, plutôt que de faire de grandes conférences de presse, de grands colloques, de distribuer de la publicité sur ce qu'est un avocat, sur son rôle social, etc., la meilleure façon de montrer qu'il n'y a rien à cacher dans le Barreau, c'est de véritablement permettre une participation du public à l'administration du Barreau lui-même.

C'était quelque chose qu'on espérait lorsque le ministre des Affaires sociales a présenté, à l'origine, son projet de loi 250, sauf qu'actuelle- ment, de la façon que les différents projets, entre autres le 250 et le 251, nous sont soumis, je me demande vraiment jusqu'à quel point on pourra dire qu'il y aura participation du public à l'administration d'une profession comme le Barreau.

Je ne fais, par exemple, qu'examiner, sans entrer dans le détail de l'article, comment le conseil général du Barreau, c'est-à-dire l'organisme supérieur administrant le Barreau, est constitué. On s'aperçoit qu'il est constitué de 34 personnes, c'est-à-dire le bâtonnier, un vice-président, dix délégués de la section de Montréal, cinq de la section de Québec, deux de la section de Trois-Rivières, deux de la section Saint-François, deux de la section de Hull et un de chacune des autres sections, c'est-à-dire les sept autres sections, ce qui fait en tout, si j'ai bien compté, 30 membres. A ces membres, on ajoute...

M. CHOQUETTE: Le député de Maskinongé dit que ça devrait être 28.

M. BURNS: Je ne m'obstinerai pas. M. PAUL: Environ 30.

M. BURNS: Ce serait aux alentours de 30 personnes. J'ai peut-être fait un calcul trop rapide. Il reste quand même une chose, c'est qu'à ces 28 ou 30 personnes, qui sont des membres de la profession, du bâtonnier aux représentants des sections en descendant, on ajoute quatre personnes qui sont nommées par l'Office des professions; c'est important de se demander comment elles sont nommées. Elles sont nommées sur recommandation d'un groupe — et là je dois me référer au projet de loi 250 — soumis à l'office. C'est un groupe de 150 personnes, dont 75 sont des professionnels — pas nécessairement des avocats, mais des gens des autres professions, que ce soient des infirmières, des médecins ou des arpenteurs-géomètres, etc. — et 75 des non-professionnels. Or, l'office aura à choisir les quatre membres de l'extérieur du Barreau. Je me demande très sérieusement si ce sera véritablement le grand public qui sera représenté là, à savoir si ce ne sera pas du pareil au même, si ce ne seront pas quelques avocats avec quelques médecins et quelques notaires qui seront délégués pour siéger au conseil général du Barreau.

J'aurais infiniment préféré, cela m'aurait rassuré, même si le nombre de quatre personnes sur à peu près 30 à 34 — selon le calcul auquel vous en arriverez — est infime, être assuré de voir dans ce groupe, dans ces quatre personnes, des véritables représentants du public. Il est normal de croire que, parmi les 150 personnes suggérées par le conseil interprofessionnel à l'office, celui-ci, qui, lui, est formé de professionnels, aura la tendance naturelle de choisir plutôt des professionnels que des non-professionnels. Peut-être tenteront-ils de choisir deux

professionnels et deux non-professionnels. Il reste que ce n'est pas assez clair, à mon avis, qu'il y aura une participation du public, sinon à l'administration — parce qu'ils seront véritablement minoritaires dans le conseil général par rapport aux gens de la profession — tout au moins pour voir ce qui se passe dans une profession qui est tellement contestée, qui est tellement mal vue dans le public.

Peut-être que, comme résultat, si on nommait de véritables représentants du public et non pas des professionnels en général ou d'autres professions, ce fait aurait peut-être l'incitation ou l'effet d'incitation auprès du Barreau, de remodeler sinon sa structure, du moins sa façon de fonctionner, de se réévaluer lui-même, de faire une autocritique à l'égard du public et d'arrêter de nous faire des représentations aux commissions parlementaires quand il y a de bonnes lois d'avant-garde, comme la Loi de l'aide juridique que le ministre nous a présentée, et que ces bonnes lois sont votées dans l'intérêt du public. Que le Barreau se rajuste et qu'il ne vienne pas nous dire que telle chose n'est pas bonne, parce que ça nuit à ses membres.

Le Barreau, comme toute autre profession, devra se rendre compte que d'abord et avant tout c'est l'intérêt du public qu'il doit servir. Qu'il en retire des profits, d'accord; que l'avocat gagne sa vie avec sa profession, d'accord; personne n'est assez pur, assez idéaliste, ni assez rêveur pour s'imagnier que l'avocat n'est pas intéressé à gagner sa vie et même à améliorer ses revenus.

Je passerais pour une personne non réaliste si je tentais de vous convaincre du contraire. Mais que dans la motivation de tous les jours de cette catégorie de professionnels, comme tous les autres professionnels d'ailleurs, que ce soit d'abord l'intérêt public qui la motive. C'est important, et si c'est important, ça commence par en haut, ça commence par les administrateurs du Barreau, comme chez les médecins, ça commence par les administrateurs du Collège des médecins et c'est vrai pour toutes les autres professions.

C'est d'autant plus vrai pour une profession qui est décriée régulièrement et dans bien des cas, je dois le dire, bien malheureusement, qui est décriée à juste titre. Quand on voit, comme je le lisais dans des journaux, des avocats qui se font reprocher par des juges de cesser à la dernière minute de représenter un client et que le juge dit à l'avocat intéressé qu'il semble être tout à fait la personne qui cesse de le représenter parce que l'argent que le client avait à mettre à sa disposition, il ne l'a plus...

Je peux vous citer un extrait d'un journal qui m'a fasciné quand je l'ai vu, il s'agit du Devoir du 24 mars 1972. Je vous en cite simplement un extrait sous le titre: "Le juge fustige un avocat qui abandonne son client. Le juge Maurice Rousseau a fustigé hier, dit le journal, un avocat de pratique privée qui venait tout juste d'abandonner son client, quelques minutes avant qu'on ouvre l'enquête préliminaire à laquelle quinze témoins avaient été convoqués".

C'est l'assistance judiciaire qui, à la dernière minute, à pied levé, a été obligée de représenter ce client. Ce qui me fascine c'est que le juge Rousseau qui n'est pas considéré comme un gauchiste — à ce que je sache, du moins comme je le connais, il ne m'apparaît pas comme un gauchiste — qui dit ceci selon le journal: Le juge Rousseau n'a pas hésité à qualifier la conduite de l'avocat en question qu'il a nommé en cour — que le journal ne nomme pas — de dérogatoire et il a promis qu'il s'en occuperait lui-même, si personne ne se chargeait de rappeler à l'ordre cet avocat. Et le juge avait pris la peine de dire que ça faisait deux fois que cet avocat agissait ainsi.

Ce sont là typiquement des choses qui ne sont pas faites dans le but et dans l'intention... en tout cas, qui n'ont pas pour effet de revaloriser aux yeux du public la profession d'avocat.

En terminant, M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire mon sermon plus long à l'égard du Barreau, il y a peut-être bien des choses que le Barreau pourrait me reprocher à moi-même.

S'il est vrai, comme le ministre de la Justice le mentionnait tantôt, que l'avocat est un trait d'union très important de l'administration de la justice, s'il est vrai qu'on exige de lui qu'il soit, à cause de cela, citoyen canadien, je me dis que, dans une province comme le Québec, il serait peut-être bon aussi qu'on exige de lui qu'il ait une connaissance d'usage du français, qu'il soit citoyen canadien ou non. Ce n'est pas une impossibilité, surtout en ce qui concerne le Barreau. Je n'ai pas de statistique scientifique là-dessus à vous soumettre, mais comme avocat ayant pratiqué dans la ville de Montréal pendant douze ans, à l'endroit même où justement, on est plus sujet à rencontrer des gens qui ne parlent pas le français, je n'ai pas encore rencontré d'avocat qui n'ait pas de connaissance d'usage du français, je n'en ai pas rencontré. Ce qui veut dire que lorsque certaines professions considèrent leur intérêt, peut-être que cela devient possible d'acquérir la connaissance d'usage.

Il est évident qu'un avocat à Montréal, de langue anglaise, peut difficilement pratiquer le droit — à moins de décider de ne pas sortir de son bureau — sans avoir une connaissance d'usage du français. C'est donc possible. Et je ne cite le cas du Barreau là-dessus qu'en vue des autres lois que nous allons étudier. Si c'est important pour l'avocat de pouvoir s'adresser au tribunal en français parce qu'un témoin est de langue française, c'est aussi vrai pour un médecin qui reçoit un patient de langue française; c'est aussi important, comme je le disais à l'occasion de la discussion sur le projet de loi no 250, pour un médecin de savoir avec précision de quelle

nature sont les symptômes que manifeste son patient.

Si c'est possible pour le Barreau, pourquoi ne serait-ce pas possible pour les autres professions? Dans les faits, à moins qu'on me prouve le contraire, au Barreau, on le fait. Au Barreau, un avocat qui a une pratique habituelle et qui n'est pas enfermé dans son bureau, c'est-à-dire qui n'est pas conseiller particulier d'un président de compagnie, il a une connaissance d'usage du français. Je regarde les avocats anglophones qui sont membres de l'Assemblée nationale, qui sont ici. Le vice-président en est un, le ministre des Institutions financières en est un autre. Ce sont des gens qui ont tellement une connaissance d'usage du français qu'ils nous engueulent en français en Chambre. Ils ont même réussi à manier la langue française à ce point-là. Je le dis sans méchanceté, quand je dis qu'ils nous engueulent. Il reste que c'est une preuve; vous avez des preuves tangibles.

C'est vrai, jusqu'à ce qu'on me prouve le contraire, pour tous les avocats, et surtout dans la ville où c'est le plus sujet à arriver, qui ne parlent pas la langue de la majorité. Sur ces quelques mots, je m'arrête. Cet exemple, que je donne à l'occasion de l'étude des amendements à la Loi du Barreau, pourrait peut-être nous servir de guide à l'occasion de l'examen de ce problème de langue d'usage, tant pour les autres lois professionnelles particulières que pour la fameuse loi-cadre, le projet de loi no 250.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, vous permettrez à un non-avocat d'intervenir dans ce débat qu'entre gens de la profession on a maintenu à un niveau assez élevé. Cela ne m'a pas surpris parce que, lorsque le ministre de la Justice, le député de Maskinongé et le député de Maisonneuve s'en donnent la peine, nous pouvons entendre à la fois des critiques sensées et objectives sur la profession d'avocat, tout cela dans l'intention d'améliorer et de bonifier la loi qui nous est présentée.

Je ne voudrais dire que quelques mots, parce que le député de Maskinongé, pour notre groupe, a très bien couvert le sujet du bill no 251 et a bien fait ressortir l'importance qu'a cette loi dans les quelque 20 lois qui nous sont présentées, lois connexes au code des professions.

Je voudrais attirer l'attention du ministre de la Justice, qui est particulièrement responsable de cette loi no 251, sur certains points que nous avons touchés en commission parlementaire, mais qui, cet après-midi, n'ont pas fait l'objet, de la part des opinants, d'une intervention spéciale et particulière.

Je voudrais que mes remarques soient le prolongement de l'intervention du député de

Maskinongé et de celle du député de Maisonneuve que je viens d'entendre porter un jugement sur la profession en général et dire que les avocats, dans le public, à certains moments, sont jugés assez sévèrement. En somme, dans son intervention, il a dit que le public regardait les avocats, scrutait le fonctionnement de la justice et portait un jugement assez sévère. II a fait un appel à certaines réformes qui sont nécessaires. Les réformes, à son point de vue, je pense, commencent dans cette loi no 251 et dans cet outil qui nous est donné, le code des professions.

Ma première observation à l'endroit du ministre est celle-ci:

Il est une distinction fondamentale entre une corporation professionnelle et une association professionnelle. Presque toute les corporations qui font l'objet d'une loi spécifique font cette distinction. Elles ont ces deux groupes: la corporation professionnelle ou l'ordre, si l'on veut, s'il s'agit d'une corporation qui a un droit d'exercice exclusif et son pendant qui est l'association professionnelle. Je prends les médecins comme exemple. Ils ont deux fédérations. La Fédération des médecins spécialistes et la Fédération des médecins omnipraticiens qui s'occupent particulièrement des intérêts économiques de leurs membres. Elles laissent au Collège des médecins ce qui est sa responsabilité, c'est-à-dire la protection du public et, également, la promotion du statut professionnel de ses membres.

Il est difficile pour le Barreau de promouvoir à la fois le statut de la corporation professionnelle avec sa conséquence qui est la protection du public et la promotion des intérêts économiques de ses membres. J'entendais le député de Maisonneuve nous dire ceci: Devant les commissions parlementaires, à certains moments, le Barreau peut être pris entre deux feux, en appuyant un projet de loi qui, du point de vue du statut professionnel, du point de vue de la protection du public est approuvé par l'ensemble des membres de la profession mais qui, d'autre part, peut à certains moments, choquer les intérêts économiques de ses membres.

Il est difficile pour la même corporation ou pour le même groupe de professionnels de promouvoir à la fois ces deux groupes d'intérêts qui peuvent venir en conflit. C'est pour cela qu'il est important que les avocats se retrouvent sous cette autre appellation à l'intérieur de cet autre groupe qu'on appelle l'association professionnelle. La commission Castonguay-Nepveu a proposé dans son rapport que les groupements, les associations fassent tout leur possible pour mettre en place ces deux types d'activités. J'ai assisté, à la commission parlementaire, à cet échange entre le ministre de la Justice, le Barreau et l'association professionnelle dont le porte-parole je pense était Me Chapados. Je ne sais pas si le ministre de la Justice a eu l'occasion de réfléchir davantage à cette présentation qui a été faite devant la commission parlementaire.

Mais, j'aimerais l'entendre, en réplique, nous dire s'il a eu le temps de pousser plus loin son analyse et sa réflexion et si, comme ministre de la Justice, comme l'a fait en maintes circonstances le ministre des Affaires sociales et comme je l'ai fait moi-même, comme ministre de la Santé et comme ministre de la Famille et du Bien-Etre social, dans le temps, il entend favoriser, dans toute la mesure du possible, la naissance des associations professionnelles. Je crois que cela a aidé et contribué à résoudre bien des problèmes. J'aimerais que le ministre de la Justice, en réplique, si c'est possible, nous indique quelle orientation il entend donner à son action dans ce domaine.

M. le Président, je voudrais également toucher un autre point brièvement, c'est la responsabilité de la corporation professionnelle du Barreau envers les autres professions.

M. le Président, comme j'ai deux ou trois autres points à traiter, puis-je signaler à votre attention qu'il est six heures et proposer la suspension du débat?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance: 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 23

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, au moment de la suspension de la séance, je voulais développer très brièvement le point suivant, celui de la responsabilité de l'ordre des avocats envers les autres professions, d'abord, et aussi envers la société en général.

Il va de soi que les avocats, faisant partie d'une des plus anciennes corporations professionnelles, l'une des corporations professionnelles — je le dis sans qu'on y voie un sens péjoratif — qui a le plus de prestige, qui est devant l'opinion publique, qui — on l'a dit cet après-midi, particulièrement le député de Maisonneuve — participe à l'administration de la justice — le ministre de la Justice a même dit que ce sont des officiers de la justice — et dont quelques-uns des membres se voient appelés à la magistrature, ont à l'endroit surtout des plus jeunes professions, de celles qui ont vu le jour depuis quelques années et de celles qui naîtront forcément par suite de l'évolution de notre société, une responsabilité.

Après avoir assisté à toutes les séances de la commission parlementaire, comme vous qui êtes membre de cette auguste corporation, M. le Président, je me demande si les avocats au sein de cette corporation professionnelle ont bien, jusqu'à maintenant, joué de toute leur influence, dans le bon sens du mot, ont pris toute la place et la responsabilité qui leur revient dans ce conseil interprofessionnel.

Je ne crois pas déborder le cadre de la loi actuelle — même si je fais allusion au bill 250 — en attirant l'attention des avocats sur cette responsabilité qu'ils doivent assumer, non seulement par la loi qui est la leur, mais aussi par la formation qu'ils reçoivent et cette place de choix qu'ils ont dans la société.

A l'endroit de la société, les avocats ont une immense responsabilité. J'ai retrouvé, dans l'abondante documentation qu'on nous a remise à la commission parlementaire, une lettre d'un avocat dont je dois citer un passage en cette Chambre sur la qualité de l'avocat. Je cite l'avocat Luc Racicot: "Qu'il serait simple, une fois le rôle de défendeur de liberté subjugué par le biais d'une intervention et d'une présence étatique, de manier l'agir des avocats, ces gens chargés de garder l'esprit critique à l'égard du rôle de l'Etat, de préserver la dignité d'homme au contribuable qui pourrait, et la chose est possible, se voir asservi par les pouvoirs publics.

Nul doute que l'Etat est souverain dans sa sphère de juridiction, c'est là du droit positif, mais tout en étant relatif. Quelle est la limite de cette proposition si l'Etat, un jour, entend se servir de la loi comme d'un instrument dégradant les libertés individuelles pour les sacrifier à la mise en oeuvre d'une théorie, d'une idéologie ou, en termes contemporains, à une propagan-

de? Qui, à part quelques voyants isolés, si ce ne sont les avocats, pourront se lever et crier gare?

M. le Président, voilà dans deux paragraphes énonçant bien, à mon sens, cette lourde responsabilité qui pèse sur cette profession vis-à-vis de ce rouage pesant, omnipuissant, omniprésent qu'est l'Etat. Je sais que le ministre de la Justice en est conscient. C'est pour cela qu'il a apporté des améliorations importantes au code des professions et à la loi 251, afin de faire prendre à cette profession les distances qu'elle doit prendre vis-à-vis de l'Etat.

Comme le député de Maskinongé l'a dit cet après-midi, en commission parlementaire il y aura encore lieu de bonifier la loi 251. Mais je pense, M. le Président, que ce n'est pas accorder des privilèges indus à la profession d'avocat, pour en autant qu'elle est consciente de ses responsabilités, que lui donner dans sa loi spécifique des dispositions que l'expérience, les années, la compétence de la profession, ses distances vis-à-vis de l'Etat commandaient qu'on y inscrive.

Il ne faut pas, sous prétexte d'uniformiser toutes les lois spécifiques, enlever aux avocats comme enlever aux médecins, aux notaires, à certaines des corporations des instruments qui ont fait leurs preuves, tels que, quand on parle des notaires — disons une disposition qui me vient à l'esprit — le fonds d'indemnisation, quand on parle des avocats, le conseil général, quand on parle des médecins, c'est la surveillance et le contrôle de l'acte médical; ce sont des mécanismes à l'intérieur de ces lois spécifiques qui ont fait leurs preuves avec les années. Alors il ne faut pas, sous prétexte d'uniformiser, enlever ces dispositions, enlever ces mécanismes, ces structures qui ont été mises sur pied, qui ont été rodés avec les années et imposer à d'autres corporations professionnelles des mécanismes trop lourds.

Je pense, M. le Président, qu'on a fait un pas dans la bonne voie et que le ministre de la Justice a compris, poursuivant l'objectif d'introduire de la cohérence dans toutes les lois et les corporations professionnelles, qu'il n'était pas nécessaire d'uniformiser à outrance et de ramener toutes les structures, tous les mécanismes au simple appareil qu'on a inscrit dans le code des professions.

M. le Président, en terminant, étant donné que mon temps de parole achève, je voudrais soulever un autre aspect, pour en démontrer l'importance, celui des obligations des corporations professionnelles en général et particulièrement de celles qui nous occupent dans le moment. Il n'y a peut-être pas une profession comme celle des avocats, sauf peut-être les comptables, dont les membres doivent le plus poursuivre continuellement leur formation, parce que ce Parlement, M. le Président, l'Assemblée nationale et le Parlement canadien sont ceux qui la changent, la législation. Alors les avocats qui pratiquent leur profession, qui ont déjà reçu une formation de base, doivent se tenir continuellement à jour et étudier cette législation qui est adoptée continuellement par l'Assemblée nationale qui siège maintenant presqu'à longueur d'année.

Il faudrait, comme on l'a suggéré cet après-midi, en aparté, le député de Maskinongé, que l'Assemblée nationale fasse un moratoire et que, pendant un an, peut-être, pour permettre à la profession de se rattraper, qu'on n'adopte pas de loi, afin de permettre à tous les avocats de prendre une connaissance complète et parfaite, ne serait-ce que dans le domaine municipal, ne serait-ce que dans le domaine fiscal, de la nouvelle législation.

Dieu sait si ceux qui ont siégé dans cette Chambre depuis quelques années connaissent l'importance de la législation qui a été adoptée; ne serait-ce que le code des professions, les lois spécifiques, les lois fiscales que nous avons adoptées à la dernière session, qui ont complètement modifié toute la structure de la fiscalité. Il y a aussi les lois qui peuvent être apportées par le ministère des Institutions financières, les lois du ministère de l'Industrie et du Commerce qui ont une résonnance sur la fiscalité.

Je pense que les avocats et les notaires appartiennent à deux professions qui doivent continuellement pousser la formation de leurs membres dans la pratique. C'est pour cela ces articles du code des professions et ensuite de la loi spécifique qui concerne l'acceptation des candidats, l'élaboration des programmes d'étude, l'immatriculation, l'acceptation des étudiants au sein de la profession. Il faudrait être conscient que la formation postuniversitaire, en cours de pratique, est extrêmement importante. C'est un aspect que je voulais souligner; je ne sais pas si les dispositions du code des professions et des lois spécifiques couvrent suffisamment cet aspect de la formation, ce que l'on appelle, dans les métiers ordinaires, la formation des adultes, le recyclage. Je ne sais pas si nos lois telles que proposées couvrent suffisamment ce départage de responsabilités entre les corporations professionnelles qui mettent de l'avant des programmes de formation pour les membres de leur profession. Je pense aux médecins et surtout à ceux qui pratiquent dans des milieux plus éloignés; on fait des efforts considérables pour les tenir au courant des derniers développements de la science médicale afin qu'ils puissent en faire bénéficier la population en général.

Je ne sais pas si on a véritablement inscrit dans la loi toutes les dispositions qui pourraient favoriser la formation des professionnels pendant leur carrière, leur vie active. Ce sont les aspects que je voulais mentionner en particulier, étant donné que mon collègue le député de Maskinongé, comme je l'ai dit au début de mon intervention, a couvert de façon complète, de façon brillante, ce projet de loi no 251.

A l'instar de mon collègue, je dirai que nous allons approuver ce projet de loi et, en commission plénière, nous allons tenter encore, avec le

ministre de la Justice, d'apporter notre entière collaboration pour améliorer ce projet de loi, si possible.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent exprimer leur opinion avant que je donne le droit de réplique au ministre de la Justice?

Le ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE : M. le Président, permettez, au moment de faire cette réplique, que je remercie tous les députés des trois partis d'Opposition qui ont pris la parole sur ce projet de loi. Je les remercie de leurs interventions qui ont été constructives et qui ont toutes mis en relief certains aspects tant de la profession d'avocat que de la notion de profession. En effet, en plus de s'intéresser à l'exercice de la profession d'avocat, je crois que l'on a débordé strictement le cadre de la profession d'avocat pour s'intéresser à la notion de profession et à la notion de professionnel.

Au début de mes observations en réplique, je voudrais, si on me le permet, répondre à la dernière interrogation que me posait le député de Montmagny, sur les dispositions prises dans le projet de loi en rapport avec le recyclage ou la formation d'un membre de l'ordre des avocats, alors qu'il a été admis à l'exercice de sa profession.

J'attire son attention sur les notes explicatives qui se trouvent en page 4 a) du projet de loi. Je lirai deux courts extraits qui donnent une idée des responsabilités que le Barreau voudrait avoir et que le législateur est prêt à lui consacrer afin que les membres de la profession, même ceux qui ont déjà été admis parce qu'ils ont passé les examens du Barreau, puissent être sujets à une certaine surveillance, à un certain contrôle et à certaines dispositions que l'on pourra prendre à leur égard s'il s'avère qu'ils sont faibles après un examen fait par des personnes impartiales.

Ainsi, je lis: "On prévoit que le comité d'inspection professionnelle ou un de ses membres pourra faire enquête sur la conduite et la compétence professionnelles de tout membre du Barreau et sur toute personne qui demande son admission ou sa réadmission au Barreau."

J'attire l'attention du député de Montmagny sur le fait que le comité d'inspection professionnelle pourra faire enquête sur la conduite et la compétence professionnelles de tout membre du Barreau, même s'il est dûment inscrit au Barreau. Plus loin, je lis ceci, toujours à la même page 4 a): "Le comité administratif pourra ordonner, à la suite d'une enquête sur la compétence d'un membre du Barreau, que le cas soit soumis à un comité d'évaluation professionnelle qui pourra obliger ce membre à suivre un cours ou à faire un stage de perfectionnement et limiter son droit d'exercice durant cette période."

Par conséquent, les dispositions voulues se trouvent dans le projet de loi pour permettre que les autorités compétentes prescrivent un recyclage ou un cours de perfectionnement, ceci assorti de certaines conditions pendant la période où un membre du Barreau serait astreint à se perfectionner.

M. le Président, j'ai remarqué au cours des interventions des députés d'en face que l'on s'est interrogé sur la conception que les avocats se faisaient de l'exercice de leur profession, sur leur capacité de comprendre que l'exercice de leur profession n'était pas purement et simplement une matière commerciale. Je dois dire avec les honorables députés qui sont intervenus dans ce sens, mais peut-être pas avec les mêmes mots, qu'en abordant cette question nous nous intéressons vraiment à ce qu'est la définition du professionnel ou de la profession. Car, en plus des connaissances scientifiques et techniques qui sont requises pour se qualifier ou pour permettre qu'on soit qualifié de l'expression "professionnel" — ainsi en est-il des avocats, des médecins, des notaires, de tous ceux, en somme, que l'on qualifie habituellement par le terme de "professionnels" — je crois que la définition fondamentale du professionnel, comme de l'homme de loi, c'est justement d'être capable de mettre la primauté sur le service rendu aux citoyens et non pas sur le gain monétaire. Je pense que c'est ce qui fait la différence entre l'exercice d'une profession et l'exercice d'une activité industrielle et commerciale.

Si, dans la société québécoise, les professionnels ont eu, à une certaine époque, autant de prestige, prestige qu'ils ont peut-être, en partie, perdu à l'heure actuelle, c'est qu'ils étaient capables de mettre les intérêts de leurs clients, ou de leurs patients si c'étaient des médecins, au-dessus de leurs intérêts personnels, c'est-à-dire l'appât du gain et le bénéfice pécuniaire qu'ils pouvaient retirer de l'exercice de leur profession. C'est ce qui fait que les professionnels, aujourd'hui, dans une société de plus en plus capitaliste, dans une société de plus en plus commercialisée, à mon sens, ont perdu une part de ce reluisant, de ce prestige qui s'attachait essentiellement à leur profession et à leur réputation à une autre époque.

M. le Président, je dois constater le fait que tout le monde est en quelque sorte engouffré dans le mouvement vers la commercialisation de toutes les activités. Il semble que nos professionnels n'échappent pas à ce cycle qui fait qu'à un moment donné le public sent que le professionnel met son intérêt monétaire au-dessus de l'exercice de sa profession comme service rendu aux citoyens individuellement.

M. le Président, même si nous apportons des améliorations législatives pour mieux encadrer nos professionnels, même si nous faisons des discours sur le sujet en Chambre, même si l'Etat intervient de plus en plus pour garantir une très grande sécurité aux professionnels dans l'exercice de leur profession — à ce sujet, je n'ai qu'à

penser à ce qui arrive chez les médecins, où toute leur pratique médicale est en quelque sorte contresignée et garantie par l'Etat — si les professionnels ne savent pas surmonter cette difficulté de se mettre au service du public bien plus que de penser aux résultats de la facture qu'ils vont envoyer au citoyen, leur réputation ne haussera pas plus rapidement chez les citoyens qu'elle a pu le faire dans les dernières années. C'est bien le cas des avocats. Nous vivons à l'heure actuelle une période qui suit des centaines d'années de paix législative. Elle a été troublée par l'intervention, en particulier, du ministre actuel de la Justice. Celui-ci, probablement, sentant l'impulsion de la société, l'évolution sociale très marquée, n'a pas voulu mettre un frein à cette évolution. Il a voulu mettre la profession d'avocat, comme l'appareil judiciaire, à l'ère de 1970, 1971, 1972, 1973 et ceci, d'ailleurs, avec la collaboration des honorables partis de l'Opposition ici présents.

Dans une ère d'évolution sociale, alors que la profession se sent menacée par l'adoption de lois que, parfois, elle n'a pas comprises, de prime abord, dans une période où on assiste à une commercialisation de l'activité professionnelle, il est normal que l'on retrouve une certaine incertitude et un climat d'inquiétude chez certains membres de la profession. Parmi ceux-ci, certains se rabattent sur des notions dépassées et sur un idéal qui ne correspond pas à la réalité de 1973.

Je crois que le public est probablement en droit de s'interroger sur les professions, comme le gouvernement le fait, d'ailleurs, par ses lois, puisqu'il cherche à mettre de l'ordre dans cet ensemble, à y introduire de la cohérence, comme le disait le député de Montmagny tout à l'heure.

D'un autre côté, je ne crois pas qu'il faille considérer que, sur le plan de la profession d'avocat, nous soyons arrivés à un échec. Même si, dans certains milieux, la profession d'avocat est décriée et critiquée, comme cela se constate fréquemment, les analyses qui ont été faites auprès des citoyens sur leur appréciation des avocats démontrent que la plupart des citoyens qui ont eu à traiter avec les avocats ont été satisfaits, en majorité — je ne dis pas dans tous les cas — des services qui leur ont été rendus. Souvent, les critiques qui sont lancées à l'égard des avocats proviennent de personnes qui n'ont pas eu de contacts immédiats avec la profession d'avocat.

Je ne dis pas cela pour dire que la profession d'avocat est parfaite, loin de là. Je pense qu'elle doit, comme je le disais tout à l'heure et comme les autres professions doivent le faire, tenter de se décommercialiser dans une certaine mesure et essayer de surmonter cette espèce de mouvement qui veut monnayer tout service qui est rendu, quel qu'il soit, premièrement.

Deuxièmement, elle doit se mettre à la page, comme les autres parties du système judiciaire. Elle doit accepter, avec les juges, les officiers de justice et tous ceux qui participent à l'administration de la justice, de collaborer avec le législateur pour faire en sorte que l'on puisse offrir aux citoyens en 1973, une justice qui soit contemporaine, qui soit assez expéditive, assez efficace et surtout une justice qui soit juste.

Si la profession est capable de surmonter ces deux défis, je n'ai pas de doute qu'elle saura remonter la pente où elle semblait, au moins pendant un certain temps, s'en aller, parce que certaines réactions initiales à des projets de loi amenés par le gouvernement dans le but justement d'améliorer le système judiciaire et de rendre la justice plus accessible, ont, de prime abord au moins, essuyé un refus de la part de la profession ou, au moins, d'une certaine partie de cette profession.

Mais, aujourd'hui, je pense que l'on a compris dans ces milieux qu'il est possible de refaire le système judiciaire pour qu'il corresponde à la réalité de 1973 et pour qu'il n'offre pas toutes les prises ou critiques que l'on a entendues à l'égard de ce système et à l'égard de l'administration de la justice.

C'est ici que l'avocat, par sa compréhension du système judiciaire, par son acceptation des réformes nécessaires à l'appareil judiciaire, peut jouer un rôle qui revalorise la profession et qui la revalorise dans l'opinion publique et auprès des citoyens, que ce soit individuellement ou collectivement.

M. le Président, il est vrai que comme ministre de la Justice j'ai eu, à certaines époques, des conflits avec certaines personnalités. Mais je tiens à dire que depuis un certain temps je sens, M. le Président, que dans la profession on a compris le sens des réformes qui s'imposaient dans notre système judiciaire. On a compris qu'on ne pouvait pas fonctionner, en 1973, avec les méthodes et les traditions de 1873, et on a compris qu'il fallait y apporter des réformes et qu'il fallait 'rendre la justice accessible.

Je crois, M. le Président, que nous avons tout lieu d'espérer que la profession d'avocat va accepter non seulement ce projet de loi 251 qui vient compléter d'autres réformes déjà apportées dans le domaine judiciaire mais qu'elle participera de plus en plus, avec les éléments les plus avancés et les plus ouverts de la société, à l'amélioration de nos lois et tout cela dans l'intérêt général pour revenir à un thème qui avait été adopté par le député de Maisonneuve.

En terminant, le député de Montmagny me demandait ce que nous entendions faire dans le domaine des négociations avec le Barreau ou avec les avocats, ou avec la Fédération des avocats du Québec, quant à la négociation des tarifs de l'aide juridique. Cette négociation commencera dans quelque temps. J'ai reçu des représentations de la part de la Fédération des avocats du Québec à l'effet qu'elle désirait être reconnue comme l'agent négociateur des avocats. Cette fédération, à l'heure actuelle, ne groupe qu'environ 30 p.c. des avocats; elle ne

groupe pas la majorité des avocats. Ceci pose tout de suite le problème de la reconnaissance, appelons-la "syndicale", entre guillemets, mais de la reconnaissance parce que la FAQ n'a pas la reconnaissance de la majorité absolue des avocats.

D'un autre côté, la position du Barreau quant à son devoir ou quant à son pouvoir de négociation en faveur des avocats n'a pas encore été formulée d'une façon précise, explicite et définitive. Par conséquent, je ne peux pas dire avec une précision absolue que le Barreau entendrait être l'agent négociateur des avocats à l'occasion de ces négociations. Je sais que pour le député de Montmagny cette position du Barreau peut sembler une anomalie en regard de son expérience dans le domaine médical. Et je le comprends facilement parce que, dans le domaine médical, on a pratiqué cette séparation entre, d'une part, corporation professionnelle et, d'autre part, syndicat négociateur pour les professionnels. Et les choses se sont passées comme cela pendant un certain nombre d'années et, à mon sens, elles se sont bien passées parce que, d'après le résultat des négociations qui ont eu lieu entre le gouvernement et les syndicats de médecins, il semble qu'on en soit arrivé à une structure de négociation ou à un système assez acceptable.

Pour les avocats ça ne s'est pas encore passé ainsi. Cela ne s'est pas encore passé ainsi parce que l'avocat considère encore qu'il peut à la fois représenter l'intérêt public et représenter son intérêt personnel à l'occasion d'une telle négociation.

Est-ce que cette position tient à une analyse approfondie, voilà une question sur laquelle je m'interroge à l'heure actuelle. Il n'y a pas de doute que tout le mouvement des professions à l'heure actuelle, toute la législation, en somme tout le climat est plutôt à une séparation entre les fonctions corporatives ou fonctions de la corporation comme telle qui doit travailler dans l'intérêt public et, d'un autre côté, les fonctions syndicales que l'on reconnaîtrait à des syndicats appropriés.

Je ne peux pas dire en définitive, en réponse au député de Montmagny, que ma position est absolument claire et précise au moment où je lui parle, parce que je dois considérer qu'il y a des interlocuteurs de l'autre côté. Je dois considérer qu'il y a des interlocuteurs qui ont une certaine conception des choses et je dois quand même me donner une période de réflexion appropriée et surtout l'occasion de discuter avec les interlocuteurs quant à la formule véritable à adopter en ce qui concerne ces négociations en vue d'en arriver à des tarifs d'aide juridique.

Je puis dire au député de Montmagny que, pour ma part et du côté gouvernemental, les décisions que nous allons prendre seront prises dans l'intérêt public et dans le meilleur intérêt des citoyens et des contribuables. Je termine sur ces propos.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième lecture du bill 251 est adoptée?

M. PAUL: M. le Président, nous demandons le vote enregistré, nous sommes cinq.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les députés.

Vote de 2e lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Que ceux qui sont en faveur de l'adoption en deuxième lecture du bill 251 veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Choquette, Garneau, Tremblay (Bourassa), Goldbloom, Parent, Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Mailloux, Arsenault, Houde (Fabre), Phaneuf, Brown, Assad, Bacon, Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Shanks, Gratton, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Croisetière, Brochu, Drolet, Guay, Béland, Laurin, Burns, Charron.

LE SECRETAIRE: Pour: 44. Contre: 0.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion est acceptée.

M. LEVESQUE: Article 15.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture...

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, avant cela, j'aimerais proposer que ce projet de loi no 251 soit déféré à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion est adoptée?

Adopté.

Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 253, Loi modifiant la Loi du notariat.

Le ministre de la Justice.

Projet de loi no 253

2e lecture M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je serai très bref sur ce projet de loi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le lieutenant-gouverneur en a pris connaissance?

M. CHOQUETTE: On me dit qu'il en a pris connaissance...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Même si cela l'ennuyait?

M. CHOQUETTE: Oui et il en a recommandé fortement l'étude à la Chambre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas un notaire pourtant... Hélas!

M. CHOQUETTE: M. le Président, je disais que je serais bref sur ce projet de loi car il n'offre pas de particularité très considérable par rapport aux dispositions qui se trouvent dans le bill no 250.

Je tiens seulement à dire que, dans l'ensemble, les notaires sont satisfaits du projet qui leur est proposé. Evidemment, ils nous ont proposé quelques amendements que je soumettrai lorsque nous serons en commission. Mais, dans l'ensemble, le projet leur agrée et le projet est tout à fait dans l'esprit des autres bills du Code des professions qui sont présentés en groupe. Je n'ai pas besoin d'en ajouter plus, je crois, sur ce bill.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Maskinongé.

M. LEVESQUE: Essayez d'en faire autant. M. Rémi Paul

M. PAUL: Non, je ne suis pas capable, parce que faire un discours aussi bref que celui que vient de prononcer le ministre de la Justice à l'endroit de la profession soeur, c'est faire injure aux illustres notaires, d'abord...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... les nonos...

M. PAUL: ... qui sont nos collègues de l'Assemblée nationale, à commencer par le secrétaire de l'Assemblée et le vice-président de l'Assemblée nationale. A tout Seigneur, tout honneur, il y a Son Excellence, M. Lavoie, président de l'Assemblée nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Bagot, M. Cardinal.

M. PAUL: Les nommer tous, ces hommes de valeur, ce serait prolonger le débat de quelques minutes seulement.

De toute façon, M. le Président, farce à part, je voudrais, très brièvement, analyser, cependant d'une façon objective, la qualité du mémoire qui nous a été présenté à la commission parlementaire par la Chambre des notaires. Ce fut l'un des mémoires les plus positifs qu'il nous ait été donné d'entendre à l'appui du projet de loi 250 et c'est sans réserve que la Chambre des notaires s'est prononcée en faveur du projet de loi 253.

Il y a plusieurs dispositions du code des professions que l'on retrouve dans la loi actuelle du notariat. Un des principaux principes que l'on retrouve dans cette loi, c'est d'abord ce consentement qui a été donné par la Chambre des notaires de réduire le nombre des districts électoraux de 18 à 12. En même temps, le nombre de membres du bureau de l'exécutif de l'ordre des notaires sera réduit de 42 à 25 membres.

Il y a une chose très importante à signaler dans ce projet de loi 253. C'est la relation assez marquée qui existe entre la loi actuelle du notariat et les dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi 250, comme je vous le mentionnais il y a quelques minutes. Ce qui m'inquiète quelque peu, cependant, c'est le silence de la Chambre des notaires quant au secret professionnel. Quelques-uns diront que le secret professionnel ne doit pas être envisagé sous le même aspect que chez les membres du Barreau. D'un autre côté, l'on sait que la Chambre des notaires a été, depuis longtemps, la gardienne séculaire de précieux documents historiques ou de famille. J'aurais aimé que dans le bureau de l'ordre des notaires il n'y ait pas de représentant du gouvernement recommandé par l'Office des professions. En effet, il y aura un représentant qui sera recommandé par l'Office des professions pour venir coiffer cet organisme exécutif de la Chambre ou de l'Ordre des notaires du Québec.

Je voudrais dire quelques mots sur cette partie très importante du mémoire de la Chambre des notaires qui traite des relations qui existent entre les maisons d'enseignement et la Chambre des notaires elle-même. Je voudrais vous rappeler les propos très judicieux qui furent tenus par Me Tétrault, je crois, qui était le porte-parole de la Chambre des notaires.

J'extrais du journal des Débats du mardi 2 mai 1972...

M. le Président, pourriez-vous inviter ceux qui ne s'intéressent pas du tout aux travaux de la Chambre à se retirer?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs en arrière!

M. PAUL: Nous avons assez, M. le Président, d'être à peu près toujours les mêmes à travailler, que ceux qui sont habitués à ne rien faire aillent donc continuer à se reposer en dehors de la Chambre.

J'extrais donc, M. le Président, du journal des Débats du mardi 2 mai 1972 les remarques suivantes, lorsque le porte-parole de la Chambre des notaires, commentant la situation qui existe entre la chambre elle-même et les milieux universitaires, disait ceci: "Ces corrections faites, nous insisterons maintenant sur certaines recommandations de notre mémoire. D'abord, en ce qui concerne les diplômes requis pour l'exercice et les programmes d'études universitaires, l'article 169, paragraphes d) et e) — tou-

jours en nous référant au code des professions — prévoit que le lieutenant-gouverneur en conseil peut édicter des règlements sur simple consultation de la profession concernée pour déterminer les diplômes requis pour l'exercice et l'élaboration des programmes d'études universitaires. "Ce pouvoir de consultation, qui est ainsi conféré aux professions nous paraît nettement insuffisant et voici pourquoi. Le principe essentiel sur lequel repose toute cette légisaltion est d'imposer, à l'avenir, aux corporations l'obligation d'assurer d'abord et en tout l'intérêt du public. Vous admettrez que de cette obligation primordiale découle nécessairement celle d'assurer à la société des professionnels compétents. Or, comment les corporations pourraient-elles satisfaire à une aussi exigeante obligation si elles ne détiennent qu'un pouvoir de consultation dans le domaine des diplômes requis et l'élaboration des programmes d'études universitaires? "

Voilà, M. le Président, une autre constatation qui nous est faite par une corporation professionnelle qui a à se plaindre des relations qui existent avec les milieux d'enseignement. Malheureusement, ce sont toujours les étudiants qui écopent de ce manque de dialogue, de cette exigence, d'une part, différente du bureau ou du conseil d'une corporation, en l'occurrence le notariat, des exigences de la profession en regard de l'enseignement qui est dispensé dans les milieux universitaires.

M. le Président, un point a été soulevé par la Chambre des notaires, qui, à mon sens, n'a pas sa raison d'être, lorsque les illustres confrères se sont opposés à ce que les différents comités de discipline soient présidés par un membre du Barreau. On va, dans le mémoire des notaires, jusqu'à suggérer que ce comité de discipline soit sous la présidence d'un juge, sous prétexte qu'un avocat pourrait être placé, éventuellement, dans un conflit d'intérêts si, par hasard, il était appelé à entendre une cause de l'un de ses anciens clients. Je soumettrai respectueusement que c'est, à mon humble point de vue, la partie la plus faible de leur mémoire. Par contre, ce mémoire, dans les suggestions qui sont faites au gouvernement, est des plus positifs et très intéressant. Je me demande si le travail que nous aurons à accomplir en commission élue sera tellement long, vu que la Loi actuelle du Barreau était déjà conforme, avant l'adoption du projet de loi no 250, aux principales recommandations que l'on retrouve dans cette dernière loi.

M. le Président, pour cette loi comme pour celle du Barreau, encore avec moins de réserves pour ce qui concerne la Loi modifiant la loi du notariat — parce que les principaux intéressés, les notaires, ont donné sans réserve leur appui au gouvernement — dans la présentation de la loi de l'ordre du notariat et de la loi-cadre, le projet de loi no 250, cette attitude collective de la Chambre de notaires, au nom de ses mem- bres, nous permet, sans aucun scrupule, d'appuyer les principes que l'on retrouve à la base même de la loi 253, Loi modifiant la loi du notariat.

J'espère que les différents notaires qui s'intéressent à ce projet de loi vivront eux aussi leur profession afin que le code de déontologie qui sera en application le soit le moins souvent possible à l'endroit des notaires que l'on taxait autrefois d'être de grands voyageurs devant l'éternel.

Nombreux sont ceux qui, avant les moyens modernes de communication que nous avons aujourd'hui, se rendaient au Mexique. Ils ont été en quelque sorte les précurseurs de ce mouvement d'immigration de la population québécoise vers ces plages très intéressantes, mais cependant les motifs de voyage n'étaient pas les mêmes à l'époque qu'aujourd'hui.

Il en fut de même pour plusieurs professions. Mais la Chambre des notaires n'a pas boudé le progrès, elle a aussi décidé de s'autodiscipliner et de voir à ce que...

M. CHOQUETTE: Elle voyage en avion maintenant?

M. PAUL: Oui, maintenant. Mais cette réforme a été faite par les notaires eux-mêmes, par leurs administrateurs. Parce qu'on a voulu accepter une discipline semblable à celle que s'était imposée le Barreau, comme on a mis en place des organismes d'indemnisation pour les victimes de certains actes plus ou moins professionnels des membres de cette auguste corporation, nous pouvons avec un petit espoir envisager le jour où la profession du droit ou du notariat se marieront.

Je crois qu'ayant la même formation professionnelle, il deviendrait peut-être efficace que ces deux corporations oeuvrent dans un champ d'action tout à fait semblable. Les justiciables du Québec en retireraient certainement bénéfice et avantage.

Nous allons appuyer cette loi avec l'espoir que la commission parlementaire viendra la bonifier avec l'ouverture d'esprit qui caractérise le ministre, mais toujours cependant en le pressant, en l'invitant de commencer à ceinturer son collègue le ministre des Affaires sociales pour qu'il se rende aux invitations pressantes que nous lui ferons en temps propice pour l'amélioration de cette loi et de plusieurs autres lois dont nous aurons à envisager l'adoption.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: Juste un mot concernant ce projet de loi, Loi modifiant la loi du notariat. Je dois dire qu'étant donné que les notaires, par la voix de la Chambre des notaires, ont souscrit

entièrement au principe de ce projet de loi, il serait bien difficile de ne pas en faire autant.

Cette loi régira dans l'avenir les 1,300 notaires de la province de Québec. Je dois dire en passant que nous sommes choyés au Québec, puisque les notaires possèdent une formation universitaire, tandis qu'ailleurs, dans les autres provinces du Canada et même aux Etats-Unis, ces personnages qui jouent le rôle d'hommes publics ne sont rien d'autre que des commissaires à l'assermentation et ne possèdent absolument aucun diplôme universitaire en droit. Ici, au Québec, les notaires détiennent une licence en droit au même titre que les avocats.

C'est quand même très pratique.

Il m'est déjà arrivé, involontairement, de faire jouer au notaire, peut-être dans un milieu défavorisé de professionnels, un double rôle en plus de sa profession de notaire proprement dite, soit un rôle de conseiller juridique. C'est peut-être pour cette raison que, dans une municipalité, le notaire est toujours un homme très respecté et on n'hésite pas à lui demander conseil. Je pense que toute la population réagit de cette façon, elle n'hésite pas à demander conseil à un notaire.

Cependant, on a attiré mon attention sur le fait que, pour l'aspirant à l'exercice de cette belle profession du notariat, parfois ça devient difficile. Si, par exemple, l'aspirant échoue trois fois à l'examen, il devient impossible d'accéder à cette profession. J'aimerais attirer l'attention du ministre là-dessus, c'est un point que je voulais mentionner, si un aspirant, par exemple, échoue trois fois à l'examen obligatoire de la Chambre des notaires, il se voit refuser l'admission à la pratique.

Je pense que le Barreau avait cette loi et, depuis un certain nombre d'années, on a cru bon de l'enlever. C'est-à-dire que maintenant on donne la chance à l'aspirant de passer plusieurs examens, quatre ou cinq si nécessaire. C'est peut-être de nature à plonger l'aspirant dans un "stress" et à le faire échouer à l'examen. Un notaire a porté à mon attention ce fait et j'aimerais connaître les commentaires du ministre là-dessus.

M. le Président, étant donné que les notaires se sont montrés favorables, presque sans restriction, sauf des amendements qui seront sans doute discutés à la commission parlementaire, je souscris également au principe du projet de loi 253.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, je vais tenter de battre le record du ministre de la Justice en essayant d'être encore plus bref que lui au sujet de cette loi. Non pas que la loi concernant le notariat ne soit pas une loi importante mais parce que je pense, dans l'ensemble, que les remarques que j'ai pu faire relativement au projet de loi concernant le Barreau, c'est-à-dire le projet de loi 251, peuvent s'appliquer mutatis mutandis à la Loi du notariat. Mais peut-être avec une intensité moindre parce que l'opinion que le grand public se fait du notaire est surtout due au fait que c'est aussi une profession juridique. Malheureusement, j'ai l'impression que les notaires se trouvent éclaboussés par l'opinion que le grand public se fait des avocats. Je fais la même recommandation et je trouve le même défaut dans la Loi du notariat au niveau de la participation du public. Je trouve, encore une fois, pour les mêmes raisons que j'ai exposées lors de la discussion du projet de loi 251, qu'il est insuffisant de dire dans la loi qu'il y aura quatre membres qui siégeront au bureau de la Chambre des notaires ou de la corporation des notaires, sans préciser que véritablement ce sont des gens qu'on appelle du grand public.

En ce qui me concerne, j'ai été très sérieusement impressionné par le mémoire de la Chambre des notaires qui a été présenté devant la commission des corporations. Je pense que c'est un mémoire qui, contrairement à celui du Barreau, avait une approche très positive et ça me fait vraiment chaud au coeur de féliciter la Chambre des notaires à ce sujet.

M. le Président, je termine là-dessus mes remarques, nous voterons en faveur du projet de loi, bien évidemment.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, avant que le ministre de la Justice n'exerce un droit de réplique assez long, peut-être, je voudrais faire quelques très brèves remarques pour compléter l'information du député de Maskinongé avec qui je n'ai pas entrepris un concours d'endurance, M. le Président, au cours de ce débat sur les lois spécifiques.

M. le Président, disons que la profession de notaire est également une profession de prestige, tel qu'on l'entend au sens des corporations professionnelles. Tel que le ministre de la Justice le disait tantôt, quand on employait le terme "professionnel", il y a quelques années, on pensait tout de suite au médecin, à l'avocat et au notaire de façon générale.

Comme je suis en contact étroit avec cette profession, M. le Président — mon père était notaire et un de mes frères l'est — je vois tous les jours fonctionner cette profession. Je vois de quelle façon elle s'exprime dans un langage qu'on a souvent non pas ridiculisé, mais qu'on a de la difficulté à comprendre parfois. C'est un langage issu du vieux français et on a gardé certains termes...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela se comprend chez un comptable.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je dois dire que le député de Chicoutimi serait à l'aise dans ce langage de la profession notariale, qui demeure un langage très châtié. Non, il ne faudrait pas confondre les notaires avec l'exemple qu'on en a eu à la télévision pendant des années, le notaire Le Potiron. Il y a plusieurs notaires en cette Chambre, en particulier le député de Roberval, ceux qu'on a nommés tantôt, le président de la Chambre, un des vice-présidents, enfin plusieurs députés sont de cette profession, le député de Bagot, le secrétaire de la Chambre. C'est une profession qui a évolué, qui est consciente de ses responsabilités. Comme l'a dit le député de Maisonneuve tantôt, les critiques que l'on a portées à l'endroit de sa profession soeur, que sont les avocats, l'ont obligée à une certaine prise de conscience elle aussi. Certaines réactions ont entraîné chez les notaires un désir de moderniser la profession et ses structures.

Je prendrai comme exemple ce soin qu'on a pris d'organiser au sein de la profession un très bon service d'inspection professionnelle. Il est entendu que ce désir est né d'un besoin, mais on a pris soin, dans cette corporation, de mettre en place une très bonne structure d'inspection professionnelle qui a servi d'exemple au code des professions actuel.

Je ne sais pas, M. le Président, je ne l'ai pas vérifié, mais l'ordre des notaires avait au début des réserves sur cette disposition du code des professions. Ils auraient voulu revoir dans leur loi spécifique, au lieu de l'abroger comme on l'a fait, les dispositions d'inspection professionnelle. Il faudra que le ministre de la Justice...

M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de Montmagny, M. le Président, je crois que nous n'avons pas quorum. J'en ai compté 24.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les députés!

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, au moment où on a souligné le manque de quorum, je disais que je ne suis pas sûr si les notaires sont parfaitement satisfaits des dispositions du code des professions qui concernent l'inspection professionnelle.

De toute façon, nous pourrons faire cette vérification parce qu'il reste que c'était peut-être la profession qui avait la meilleure structure, la meilleure organisation d'inspection professionnelle. Ce qu'il y a de bon, il faudrait le retenir dans les dispositions générales du code des professions, pour autant qu'elles soient applicables aux autres professions.

Un deuxième point que je voulais toucher, c'est le fonds d'indemnisation; c'est important quand il s'agit de l'ordre des notaires. Cela n'est pas particulier, je ne veux pas porter de jugement péjoratif * à l'endroit du notariat — mais les notaires ayant à manipuler des sommes d'argent très importantes de par leur fonction, il est arrivé que certains membres de la profession, oubliant leur devoir de professionnels, se soient laissés aller à des oublis regrettables. C'est là qu'on a prévu au sein de la profession, obligeant les notaires à y contribuer, le fonds d'indemnisation.

Ayant discuté à quelques reprises avec le président de la Chambre des notaires, particulièrement à la suite de l'intervention de ces derniers à la commission parlementaire, nous nous sommes interrogés sur la possibilité que l'ordre des notaires, dans son code de déontologie, dans son inspection professionnelle, dans le mécanisme du fonds d'indemnisation, ne retienne pas seulement la partie négative — comme je l'appellerais — alors que l'ordre des notaires intervient au moment où le mal a été fait, au moment où il faut remédier à une situation déplorable. Peut-être qu'il y a là, dans les dispositions sur lesquelles l'ordre des notaires devrait se pencher dans ses règlements, dans sa façon de conduire l'inspection professionnelle, un aspect préventif à développer davantage et qui permettrait aux membres de la profession aux prises avec certaines difficultés de rétablir la situation avant que ne se produisent des choses regrettables, inadmissibles.

De ce côté, l'ordre des notaires devrait faire une réflexion; le président de la Chambre des notaires en est conscient et peut-être que le ministre de la Justice, d'ici à ce qu'on étudie la loi en commission plénière, aura certaines suggestions à leur faire quant aux règlements qui vont venir à la suite de l'approbation de cette loi. Il y aura une série de règlements qui sera soumise au lieutenant-gouverneur en conseil. Je pense que c'est un point à retenir: on devrait davantage insister sur le côté positif, faire beaucoup plus de prévention afin que des situations que l'on a connues chez certains professionnels ne se représentent plus, ce qui n'est bon ni pour l'ordre des notaires, ni pour les professionnels, ni pour les professions en général. Si on veut pousser plus loin la protection du public, il faudra agir dans ce sens.

J'entendais tantôt le député de Maskinongé, au terme de son intervention, mentionner la possibilité que plus tard la profession d'avocat et la profession de notaire puissent en venir non seulement à une alliance, mais à une fusion. Personnellement, n'étant pas membre de ces deux corporations professionnelles, je n'ai pas de jugement à porter sur cette option possible, mais je voudrais dire une chose, cependant. Les notaires, de tout temps, ont eu une très bonne répartition géographique de leurs effectifs sur le territoire du Québec. Les notaires ont pratiqué et pratiquent encore dans toutes les régions du Québec, même les régions les plus éloignées. On peut dire que, pour la population, non seulement dans les régions urbaines mais dans les régions rurales et dans les régions les plus éloignées, où on constate l'absence de toutes les autres professions, bien souvent il y a un professionnel qui est là.

Le médecin y était peut-être autrefois, mais il est parti. Les dentistes ne sont pas dans toutes les régions du Québec. Il y a des régions qui pourraient bénéficier des services du dentiste, des services d'autres professionnels dans le domaine de la santé, dans le domaine économique ou dans le domaine social, mais on peut dire, de façon générale, que la Chambre des notaires a assuré une bonne répartition géographique de ses membres sur le territoire du Québec.

Si cela en venait là, il faudrait voir à ce que cette qualité soit respectée le plus possible afin que les gens qui vivent dans ces régions puissent continuer de bénéficier de cet homme de loi qui, bien souvent — les avocats ne lui en font pas grief, les comptables non plus — est obligé d'aller au-delà de sa profession, peut-être pas pour poser des actes professionnels qui ne relèvent pas de sa compétence ou de sa formation, mais pour donner des conseils dans le domaine juridique.

Je voudrais, en terminant, rappeler à cette profession du notariat qu'elle aussi a des responsabilités comme les autres corporations professionnelles dont nous étudions la loi spécifique. Nous ne leur faisons pas grief s'ils désirent conserver certains privilèges, tels que celui d'embrasser la mariée quand ils font le contrat de mariage.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que le ministre de la Justice veut utiliser son droit de réplique?

M. CHOQUETTE: Non, j'ai déjà tout dit.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième lecture du bill no 253 est adoptée?

Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Article 21.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Industrie et du Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi no 259, Loi des architectes.

Le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Projet de loi no 259

2e lecture M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'adoption à cette Chambre.

Pour être très bref dans cet exposé de deuxième lecture, il s'agit de toute une série de projets de loi qui ne touchent ni le domaine médical et ni le domaine juridique. Ils sont plus ou moins reliés au domaine économique.

Je voudrais simplement indiquer que les principes de chacun des neuf ou dix projets de loi dont j'ai la responsabilité sont essentiellement les mêmes. Il s'agit de concordances vis-à-vis du code des professions qui a entraîné des modifications dans les projets de loi. Ils touchent essentiellement la constitution d'un bureau qui est chargé de voir au bon fonctionnement du mandat qui est confié par le législateur à l'ordre ou à la corporation.

Nous avons également, dans chacun de ces projets de loi, un pouvoir de réglementation du bureau. Ce pouvoir de réglementation, souvent, se précise en ce qui touche l'admission des membres, en ce qui touche l'éthique professionnelle et la pratique illégale. Finalement, nous avons un champ de pratique et une exclusivité du titre. Cinquièmement et dernièrement, des dispositions transitoires.

J'aimerais préciser que la Loi des architectes a subi de petites modifications qui sont raisonnablement importantes, en particulier en ce qui touche le champ de pratique de l'architecture qui, dans la loi antécédente, était assez mal défini. On confiait aux architectes la responsabilité des plans et devis de bâtiments sans préciser exactement dans quel contexte ce champ d'exclusivité devait s'adresser.

Dans le projet de loi que nous avons ici, ce champ de pratique est précisé davantage. On établit une valeur minimum de $100,000 ce qui permet quand même la confection de plans pour un individu, pour un artisan. Egalement, on indique que toutes les habitations de moins de dix logements ne sont pas obligatoirement confiées à des architectes, mais, pour toutes celles qui ont plus de dix logements, les plans doivent être conçus et surveillés par les architectes. Nous allons ajouter un amendement en ce qui touche les édifices publics, puisque dans le passé, des abus assez flagrants ont été commis, alors que des édifices de peu de valeur, qui avaient moins de dix logements, n'ont pas été conçus par des architectes et présentaient un danger, je pense, en ce qui touche la sécurité du public.

D'ailleurs, dans certaines des lois que nous allons étudier, la sécurité du public a un véritable sens, puisqu'ici ce n'est pas la protec-

tion comme dans le sens de la protection d'un consommateur. Je pense que l'on parle, lorsque nous parlons de la Loi des architectes et de la Loi des ingénieurs et d'autres lois semblables, d'une protection presque physique du public qui utilise des bâtiments et qui veut avoir la conviction que la conception de ces bâtiments a été faite suivant les règles de l'art par des professionnels qui s'y connaissent.

On remarquera également qu'au niveau de la pratique illégale, dans cette Loi des architectes, nous avons ajouté des dispositions fort importantes, qui n'existaient pas avant et qui devraient rendre beaucoup plus facile la surveillance par le bureau de la pratique de l'architecture. En particulier, nous avons retenu, dans la Loi des architectes, une disposition que nous retrouvions depuis 1964, dans la Loi des ingénieurs et qui prévoyait que les plans et devis des architectes devaient être scellés du sceau de l'architecture. C'est ce qui nous permettrait dans les chantiers de construction de vérifier si les plans ont bien été préparés par des gens qui se retrouvent dans le registre de l'ordre.

Il y a d'autres dispositions que l'on retrouve dans ce projet de loi et qui sont nouvelles. En particulier, il y a la réciprocité avec les architectes des autres provinces canadiennes, le Québec reconnaissant les diplômes étrangers lorsqu'il y a des accords de réciprocité entre les organisations professionnelles chargées de l'architecture dans d'autres provinces. Aussi, il y a l'émission de certains permis temporaires.

Je m'en voudrais si je disais que la philosophie qui a présidé à l'élaboration de ces projets de loi a été de se rappeler la maxime qui veut que le meilleur soit toujours l'ennemi du bien. En tentant de retrouver la perfection, parfois, on n'arrive jamais à l'échéance. Dans ce cas-ci, nous avons tenté de multiplier les rencontres, les consultations avec des groupes connexes. Nous avons tenté d'accorder, le plus possible, à ces groupes, particulièrement lorsqu'il y avait entente, un partage des responsabilités, en ayant à l'esprit bien sûr, l'intérêt du public et en ayant à l'esprit aussi l'ensemble de la philosophie qui avait présidé au code des professions. D'ailleurs, pour plusieurs des projets de loi dont j'ai la responsabilité, nous avons certains amendements qui nous sont apparus nécessaires, de nature mineure, et qui ne changent pas le principe même des projets de loi. Mais le gouvernement serait prêt à les mettre de l'avant lorsque nous ferons l'étude du texte, article par article. De la même façon, nous serons disposés à recevoir des modifications que les partis de l'Opposition pourraient vouloir suggérer. D'ailleurs, souvent ces amendements sont nécessaires après coup, par exemple pour clarifier nos intentions. On se rappelle qu'il y a eu une certaine période avant les fêtes où nous étions un peu bousculés pour rendre publics ces projets de loi. En les lisant à tête plus reposée, il nous est apparu plus nécessaire d'apporter des clarifications ou certaines rectifications.

En terminant cet exposé sur le projet de loi des architectes, je m'en voudrais de ne pas ouvrir une petite parenthèse sur le rôle social de l'architecte. Je pense que le projet de loi 259, tout en permettant un meilleur encadrement de la profession d'architecte, pourrait correspondre à un éveil qu'on a senti dans d'autres professions et qui se fait sentir particulièrement chez les jeunes architectes. Je pense que la chasse gardée de l'architecture, pour les institutions de charité, les églises, et même les bâtiments du gouvernement, représente aujourd'hui une somme de travail beaucoup moins importante. Même si le rôle qu'on a voulu donner de maître d'oeuvre à l'architecte a été quelque peu effrité au cours des dernières années par l'apparition de disciplines nouvelles, particulièrement par une spécialisation plus poussée dans des domaines connexes, comme toutes les sciences de l'ingénieur et également les sciences de l'urbanisme, du sociologue, de la planification ou des gérances de travaux, ce rôle a nécessité une évolution que la grande majorité des architectes sont à même de comprendre. Je pense que ce projet de loi leur permet une évolution dans le sens d'une approche pluridisciplinaire à la solution des problèmes, évitant un chevauchement trop rigide entre les professions et permettant de rechercher beaucoup plus des liens d'interaction où l'architecte pourrait apporter sa compétence et son expérience dans des champs connexes et dont il a été absent jusqu'ici.

On pense, en particulier, à tout le domaine de l'habitation dans lequel on retrouve très peu de contribution de l'architecte, sauf dans des projets de très grande valeur et ne s'adressant pas à l'ensemble de la population.

De la même façon, je pense qu'alors qu'on assiste à un éveil de la population vis-à-vis de l'ensemble de la pollution et l'ensemble des questions de qualité de vie, il faudrait, au niveau des gouvernements et au niveau de la population, être éveillé à un malheur de nos sociétés modernes qui pourrait s'appeler la pollution visuelle. Je pense que les architectes seront appelés à voir un équilibre entre des formes qui peuvent être très plaisantes à l'oeil mais dont les coûts sont tellement astronomiques qu'on ne peut permettre de donner à la population ou aux clientèles les bâtiments requis, et des formes qui dépassent les budgets et des budgets tellement serrés que nous assistons, en certains cas, à une pollution visuelle.

Souvent, en décoration, chacun reste maître. Je pense que le beau ou la qualité, dans les conceptions des formes, ne peut se faire à aucun prix additionnel et au même prix que le laid, également, peut se faire, avec les méfaits qu'il peut laisser à l'ensemble de la qualité de vie des communautés.

Sur ces points, M. le Président, je n'ai rien d'autre à ajouter, sauf que la Loi des architectes a tenté de s'insérer dans le cadre général des réformes du code des professions. Nous avons

tenté d'harmoniser des demandes contradictoires, de définir un champ de pratique. En particulier au niveau du champ de pratique, le projet de loi actuel représente un avantage très marqué sur les projets de loi antérieurs, établissant clairement la responsabilité de l'architecte et son exclusivité dans la conception, pour ce qui est de l'architecture des bâtiments de $100,000 et plus, de tous les édifices de dix logements et plus et, par un amendement que nous apporterons, de tous les édifices publics, définissant par là des édifices qui pourraient avoir moins que cela. Je prends des exemples qui me viennent à l'esprit, des petits garages, stations, gares de voyageurs, terminus de voyageurs qui sont utilisés par beaucoup de personnes et qui, souvent, souffrent d'une mauvaise conception au niveau de ceux qui en ont eu la responsabilité au départ.

M. le Président, je crois qu'avec ces dispositions il nous sera possible, lors de l'étude article par article, d'ajouter quelques amendements qui nous permettront de faire un grand pas au niveau de l'architecture, sans pour autant prétendre que tout a été réglé et que des amendements subséquents, au cours des prochaines Législatures, ne pourraient pas être mis de l'avant. Merci.

M. BOURASSA: Une autre bonne loi !

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez de saluer d'une façon toute spéciale celui qui, en 1970, a cru qu'il pouvait être l'architecte de la structure économique qu'il se proposait de donner au Québec, l'honorable premier ministre du Québec. Je ne pouvais pas ignorer, ce soir, la présence de ce visiteur, par accident, qui s'intéresse aux différents projets...

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Je crois que le leader parlementaire est bien mal placé pour parler, ce soir, de ceux qui ne peuvent pas toujours être présents en Chambre, quand on voit qu'il est absolument isolé, qu'il est seul, absolument seul de toute sa députation, pour défendre le point de vue de l'Opposition.

M. PAUL: M. le Président, vous savez que cela ne m'inquiète pas du tout quand je constate la force intellectuelle de ceux qui sont en face de moi!

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le projet de loi!

M. PAUL: C'est cela, M. le Président. Vous voyez, encore, le premier ministre tout heureux de se lever, en grand pontife, pour essayer de donner un aspect humoristique à cette loi. M. le Président, si j'étais architecte, je serais humilié ce soir, après avoir entendu les propos du parrain du projet de loi.

Je me rappelle que, durant mes études classiques, nous avons été épris, à un moment donné, de la culture du beau, de la culture du bien, de la culture du noble. C'est le résumé que nous a fait le parrain de ce projet de loi. Il nous a parlé des beautés de l'architecture, il a même, à un moment donné, dans un grand geste réaliste, parlé de la pollution par les architectes qui, par la conception de leurs plans, viennent quelquefois chambarder la qualité de l'environnement.

J'espère que le ministre responsable de la qualité de l'environnement rejoindra la pensée du ministre de l'Industrie et du Commerce pour qu'ensemble nous soyons capables d'arrêter une politique qui puisse répondre aux besoins du développement du Québec, mais en même temps garder un certain équilibre pour que nous n'assistions pas, comme le disait le ministre, à la pollution de l'environnement.

C'est un projet de loi extrêmement important. En résumé, c'est ça que nous a dit le ministre. Tout à l'heure, il va de nouveau s'adresser à nous. Il va parler d'une autre profession et il va nous dire que c'est encore une tentative du gouvernement d'imbriquer, dans le code 250 cette corporation professionnelle, des choses que nous savons. Nous travaillons depuis longtemps à doter le Québec d'un code des professions et aucune des corporations professionnelles — nous allons maintenant appeler celle-ci l'ordre des architectes — ne sera épargnée. Cette corporation professionnelle va, elle aussi, vivre des dispositions que l'on retrouve dans le code des professions, avec certaines particularités ou du moins certaines initiatives qui honorent grandement les membres de l'ordre des architectes du Québec.

Il faut être extrêmement prudent, parce que, trop souvent hélas, pour certains projets, les professions se font concurrence entre elles. Il faudra que le ministre responsable des professions — cela a été l'une des recommandations que nous faisions, mon collègue, le député de Montmagny, et moi-même dans nos propos de deuxième lecture de la loi 250 et j'espère que le premier ministre va retenir cette excellente suggestion du député de Montmagny pour qu'il y ait un ministre responsable des professions — prenne garde qu'il n'y ait empiètement de ces professions relativement jeunes les unes sur les autres.

Lorsque nous étudions sérieusement, que nous nous penchons sur les différents problèmes soulevés par les architectes dans le mémoire présenté par la corporation elle-même ou par les membres de l'association, nous constatons qu'ils nous invitent, nous législateurs, à ne pas donner de privileges à certaines corporations concurrentielles qui oeuvrent dans des champs à peu près similaires d'activités professionnelles,

comme, par exemple, les urbanistes et les ingénieurs.

Nous savons d'expérience que trop souvent, cette lutte interprofessionnelle existe dans la réalisation de grands projets entre, d'une part, les ingénieurs et, d'autre part, les architectes.

Ce qu'il faut retenir dans ce projet de loi, c'est une initiative extrêmement heureuse qu'ont recommandée les membres surtout de l'Association des architectes de la province de Québec, qui permettra au bureau de direction de l'ordre des architectes du Québec de présenter un règlement prévoyant l'établissement d'une caisse de retraite pour les membres de l'ordre et un fonds de secours pour les architectes dans le besoin.

De plus en plus, les membres de cette corporation doivent se battre pour être capables de concurrencer avec avantage je ne dirai pas ces monstres, mais ces bureaux d'architectes, qui se regroupent de plus en plus et qui ont pour effet d'isoler, du même coup, celui qui oeuvre seul dans des villes de moindre importance.

Il arrive trop souvent que ces professionnels ne peuvent pas souffrir la concurrence de leurs confrères de la profession. C'est une heureuse initiative et une disposition que l'on retrouve pour la première fois dans les différentes lois que nous avons jusqu'ici étudiées.

Nous attirons l'attention du ministre de l'Industrie et du Commerce pour que cette disposition puisse être incluse dans d'autres projets de loi de corporations professionnelles, dans les cas où les professionnels eux-mêmes demanderaient les mêmes pouvoirs que ceux que l'on retrouve dans le projet de loi 259.

M. le Président, il y a également une disposition particulière que l'on retrouve dans cette loi et que dans aucune autre loi on ne peut rencontrer. C'est cette possibilité pour quelqu'un qui a fait une cléricature de neuf années dans un bureau d'architecte d'avoir une certaine liberté d'exercice de profession. Nous ne retrouvons de disposition semblable dans aucune des lois que nous avons jusqu'ici étudiées.

Il y a également un autre principe que l'on retrouve dans cette loi et qui a pour but de permettre l'émission d'un permis temporaire de pratique de la profession lorsqu'un architecte viendra au Québec comme professeur en architecture. A ce moment-là, il pourra obtenir de l'Ordre des architectes du Québec un permis qui deviendra périmé au moment même où son enseignement se terminera.

M. le Président, le ministre nous a parlé d'un traité de réciprocité avec les autres provinces concernant cette profession. Il a bien employé le terme "traité de réciprocité". Ce sont des expressions assez graves de conséquences si on les interprète à la lettre. Si le ministre nous avait dit que la Corporation ou l'ordre des architectes du Québec est prêt à reconnaître et à admettre dans la pratique au Québec, moyennant certaines conditions, ceux qui ont exercé la profession dans une autre province, je dirais que c'est une mesure qui a réellement fait l'objet d'une étude sérieuse de la part des professionnels de cette discipline. De là à déclarer en tant que ministre de l'Industrie et du Commerce qu'il y a un traité de signé entre l'ordre ou le futur ordre des architectes du Québec et les autres provinces, je ne mets pas en doute la parole du ministre mais je suis sûr que dans sa réplique il nous dira que les termes employés ne correspondaient absolument pas à la réalité des faits.

M. le Président, qu'il y ait cet échange, cette concession entre professionnels d'une discipline et professionnels de la même discipline d'une autre ou des autre provinces, c'est une excellente mesure que l'on doit encourager. Mais de là à prétendre qu'il faille signer un traité! Je me demande si le ministre des Affaires intergouvernementales a été saisi de cet épineux problème qu'indirectement a bien voulu ce soir soulever le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. le Président, c'est une autre loi qui nous est présentée — et là je reviens au patinage de fantaisie du ministre de l'Industrie et du Commerce — c'est une autre loi qui était nécessaire et qui se marie très bien avec les objectifs visés par la loi 250. Sûrement que cette profession des architectes du Québec connaîtra un développement grâce aux cours de discipline que les membres vont s'imposer pour un meilleur rayonnement de la profession, pour éviter la pollution de l'environnement et j'en passe.

De toute façon, ce qu'il nous faut retenir, c'est que, lors de l'étude de ce projet de loi en commission élue, nous aurons certainement l'occasion de nous pencher sur le texte de chacun des articles de cette loi et pour que nous puissions répondre si possible aux recommandations qui nous furent faites à la commission parlementaire des professions lorsque la corporation elle-même et l'association des architectes du Québec sont venues présenter leur mémoire.

M. le Président, nous allons également voter pour cette loi et j'espère que le ministre qui parraine ce projet de loi nous permettra, lorsque le moment sera venu, de travailler en collaboration avec lui pour bonifier cette loi et toutes celles qui ont trait à ces professions relativement jeunes, si on les compare à l'existence des corporations telles que la médecine et le Barreau.

Alors, M. le Président, c'est le premier jet que vient de nous lancer ce soir le ministre titulaire du ministère de l'Industrie et du Commerce et je suis sûr que le temps lui aussi — et c'est peut-être là l'excuse que je suis prêt à lui accorder... Il a peut-être été lui aussi un peu surpris de la rapidité avec laquelle nous devions procéder aujourd'hui, vu l'absence du ministre des Affaires sociales, alors que le programme du jour prévoyait une étude beaucoup plus prolongée de certains projets de loi relatifs à des corporations professionnelles touchant le domaine de la santé.

Je suis certain que mon collègue, le député de Montmagny, avec toute l'expérience qu'il a, le sérieux qu'il a apporté au travail de la commission parlementaire, pourra, et combien et surtout comment, par le nombre d'arguments, par sa logique, compléter les propos que j'ai été dans l'obligation de tenir tout à fait à l'improviste, pour appuyer l'excellent projet de loi qui nous est présenté par le ministre de l'Industrie et du Commerce.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, relativement à ce projet de loi no 259, intitulé: Loi modifiant la loi des architectes, je me limiterai à seulement quelques commentaires. Ce bill a tendance, il est évident, à donner une autre dimension en transformant en corporation professionnelle l'Association des architectes de la province de Québec.

Cependant, j'aurais aimé que cette nouvelle corporation possède davantage de droits et pouvoirs car, au-dessus de cette nouvelle corporation, planera, il va sans dire, la même épée de Damoclès par l'influence qu'exercera...

M. CHARRON: Démosthène, pas Damoclès.

M. BELAND: ... par cette influence qu'exerceront les représentants au nombre de trois, choisis par le lieutenant-gouverneur, au bureau de direction.

M. le Président, je vous demanderais, s'il y a possibilité, de demander aux membres du Parti québécois de bien vouloir aller brailler ailleurs.

En principe, il va sans dire, nous sommes favorables à ce qu'ils soient inclus à l'intérieur du code ou d'un code des professions, car ces professionnels jouent un rôle de plus en plus grand, entre autres dans la transformation structurale. Dans le champ de la pratique, cependant, la sorte de cloisonnement qu'agence le ministère par le bill 259, intitulé: Loi modifiant la loi des architectes, ne doit pas en restreindre l'essor.

Il ne faut pas oublier qu'il y a, de mois en mois, de nouveaux champs de spécialisation qui naissent — je crois que je ne vous apprends rien, mais il est bon de le noter quand même — et une économie véritable se doit d'en permettre le développement. Il ne faudrait pas non plus créer de monopole, car cela tendrait certainement à la longue à assombrir la bonne entente qui peut exister présentement entre ces diverses disciplines qui se rapprochent des architectes.

Il faudrait éviter des cloisonnements prématurés car, ne l'oublions pas, il est possible qu'un jour les diverses disciplines telles que celles d'ingénieur, d'urbaniste et d'autres, que ces diverses disciplines de l'aménagement, dont fait partie l'Association des architectes, même si elles ont chacune leur propre rôle à jouer, s'associeront peut-être pour un effort d'évolution naturelle pour le plus grand bien de la société en général.

M. le Président, ce sont mes seuls commentaires. Nous reviendrons lorsque nous étudierons, en commission parlementaire, cedit bill afin de peut-être encore davantage éclaircir quelques petits points sombres. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, pour me préparer adéquatement à la discussion de ce projet de loi et pour rendre l'hommage qui se doit à cette ancienne et digne corporation qu'est la Corporation des architectes, j'ai relu, la semaine dernière, le volume, le chef-d'oeuvre de Paul Valéry, Eupalinos ou l'Architecte. Je ne crois pas, en effet, qu'aucun écrivain n'ait fait un hommage à la profession d'architecte aussi profond, aussi senti et malgré tout encore aussi moderne — malgré la date où cet ouvrage a paru — que Paul Valéry. On connaît les qualités de Paul Valéry dans tous ses écrits, la profondeur, l'originalité de la pensée, son sens de l'esthétique ainsi que son humanisme et son raffinement. Il n'y avait pas, je crois, de meilleure introduction à une discussion de ce projet de loi que ce rappel des vérités fondamentales en ce qui a trait à la profession de l'architecture.

J'ai dit, tout à l'heure, que c'était là une très ancienne profession. Elle est, en fait, presque aussi vieille que le monde. S'il y a tellement de touristes aujourd'hui, des millions de touristes qui parcourent toutes les contrées du monde, que ce soit l'Asie, l'Europe ou même l'Amérique, je crois bien que c'est aux architectes que nous le devons, car c'est à eux que nous devons tout le plaisir et toute la motivation que nous éprouvons à nous promener de par ce vaste monde et à emplir nos yeux de ce que les artistes y ont laissé comme témoignage de ce que l'homme peut receler en lui-même ce qu'il y a de plus beau. C'était donc, je crois, ce rappel aux vérités fondamentales qu'il importait de signifier au début de cette discussion.

Je veux bien croire que la profession d'architecte a beaucoup évolué depuis quelques années, qu'à l'instar d'autres anciennes et nobles professions comme la médecine elle s'est subdivisée et resubdivisée, que la mode soit maintenant au travail interdisciplinaire mais c'est précisément là un hommage que l'on rend à une profession lorsqu'on est obligé de constater qu'elle s'est subdivisée à la façon d'un tronc qui se divise en plusieurs branches. C'est exactement ce qui fait la beauté de l'arbre.

Aujourd'hui, nous savons qu'on confie à l'architecte ou plutôt aux équipes pluridiscipli-

naires auxquelles participe l'architecte, non seulement la construction de nos édifices, petits ou grands, mais de plus en plus l'aménagement de nos villes. Dieu sait à quel point il est important d'envisager l'aménagement de nos villes de façon que nos villes soient au service de l'homme et non pas l'homme au service de nos villes. Dans son intervention de deuxième lecture le ministre de l'Industrie et du Commerce a fait droit à ce nouveau rôle social, à ce nouveau rôle esthétique de l'architecte. Il reste cependant que ce travail au sein d'équipes multidisciplinaires, malgré qu'il faille le célébrer et s'en féliciter, n'est quand même pas sans causer de problème. Il aboutit en effet, assez souvent, à des rivalités nouvelles, à des tensions nouvelles entre les professions les plus anciennes et les professions nouvelles qui se développent et qui, au fond, n'en sont qu'une subdivision.

On voit donc maintenant naître des conflits entre l'architecte et l'architecte paysagiste, entre l'architecte et l'urbaniste, entre même l'architecte et l'économiste, ou le spécialiste de l'aménagement. Evidemment, l'homme restant ce qu'il est, dans ses parties les plus nobles en même temps que les plus inférieures, il est bien entendu que le "auri sacra james" peut être à l'origine de conflits qui peuvent devenir parfois assez aigus entre ces professions.

De même, sur le plan juridique, on peut assister à des problèmes qui sont difficiles à résoudre, tellement, pour les résoudre, il faudrait faire appel à des notions nouvelles, encore mal définies et qui sont dans un statut évolutif.

Nous sommes donc confrontés à un problème qui, d'une part, nous fait une nécessité du travail interdisciplinaire et, deuxièmement, nous fait une nécessité d'une distinction de plus en plus claire entre divers champs de pratique afin que, non seulement les rivalités ou les tensions soient éliminées, mais que l'effort de chacune des disciplines soit conjugué, harmonisé pour le plus grand bien de la société évidemment, mais aussi pour la perfection de l'éthique et de l'esthétique.

Ce sont des problèmes que plusieurs corporations professionnelles nous ont fait valoir lorsqu'elles sont venues en commission parlementaire. Une façon de les résoudre ou de ne pas les résoudre est d'accorder une attention minime ou grande à ce qu'on a appelé l'exercice exclusif d'une profession ou l'exercice à titre réservé. Si nous nous hâtons trop rapidement de déterminer des champs d'exercice exclusif, bien sûr, nous faisons plaisir à quelques-unes des professions qui sentent leur champ de pratique désormais protégé et qui s'enkystent dans leur profession respective, qui érigent des frontières, qui se bâtissent des donjons. On aboutit fatalement, de cette façon, non seulement à la constitution de chasses gardées professionnelles, mais à la négation de l'évolution ou à une sorte d'état de sclérose prématurée.

Par ailleurs, si on ne fixe pas un champ assez précis d'exercice pour chacune de ces professions, on peut encourager un autre mal, un autre défaut qui est celui de l'anarchie, celui de luttes intestines qui ne font que croître en intensité avec le temps et on n'est guère plus avancé. Il y a donc un juste équilibre à garder entre le cloisonnement et le décloisonnement, un juste équilibre à garder entre la définition de champ de pratique exclusif et celle de champ de pratique à titre réservé qui sont ouverts à l'évolution.

Je ne suis pas loin de partager, à cet égard, les opinions exprimées par le ministre de l'Industrie et du Commerce et également celles qu'ont exprimées les architectes qui sont venus se faire entendre à la commission. Je pense que le législateur a bien agi en faisant de la corporation professionnelle des architectes une corporation à titre exclusif laissant, pour le moment, le titre de corporation à titre réservé à ces nouvelles professions qui sont des subdivisions de l'architecture que nous avons connue et qui ont un rôle qui reste à prouver dans l'aménagement de notre société.

Donc, de ce point de vue, il nous fera plaisir d'accorder notre appui au présent projet de loi.

Je me réjouis également de constater que la deuxième version du projet de loi a été améliorée par rapport à la première. A juste titre, les architectes nous avaient fait valoir lorsqu'ils sont venus à la commission parlementaire, que la profession demandait à être protégée contre ceux qui exercent des fonctions de miniarchitectes sans en avoir les qualifications et surtout sans en avoir la compétence.

Nous avons vu, en effet, dans toutes nos campagnes, dans toutes nos villes, proliférer de ces miniarchitectes, qui, sous le prétexte de faire un cent assez facilement et avec la complicité de certains entrepreneurs ou même de certains propriétaires, se lançaient dans la fabrication en série de projets domiciliaires ou d'entreprises uniques dont le prix était quand même assez élevé dans certains cas.

Nous avons vu assez de miniarchitectes qui, à la longue,prenaient figures de véritables exploiteurs de la société, en ce sens que leurs travaux n'étant plus garantis par la compétence, s'avéraient, après quelques années, ne pas correspondre aux normes minimales de construction et valaient à ceux qui avaient retenu leurs services des déboires de tous ordres, aussi bien sur le plan de l'environnement que sur le plan du confort de la vie, que sur le plan financier. On peut même dire qu'à certains égards la prolifération de ces miniarchitectes exploiteurs est devenue, dans certains milieux, dans certains quartiers, une véritable plaie sociale. C'est donc à juste titre que la Corporation des architectes demandait aux législateurs d'intervenir pour neutraliser ces excès et pour réserver à la Corporation des architectes, c'est-à-dire à des professionnels dûment formés à cet effet, l'exclusivité de certains travaux dont l'ampleur était telle que l'intérêt du public devait être protégé.

Je me réjouis de me rendre compte que dans la deuxième version du projet de loi on a fait écho à ces recommandations et qu'il sera maintenant possible, aussi bien pour la société que pour les exploités d'hier, que pour les architectes, de trouver enfin justice. C'est là une autre raison pour laquelle nous allons donner notre appui au projet de loi.

Une autre recommandation avait été faite également à la commission parlementaire à l'effet qu'étant donné l'ampleur même des travaux qu'ont à connaître les architectes, il s'avérait parfois difficile pour eux de se protéger d'une façon efficace contre les poursuites qui, parfois, pouvaient être lancées par certains clients qui se trouvaient lésés. On avait fait valoir à ce moment qu'il serait peut-être opportun pour les architectes de pouvoir bénéficier d'une assurance-responsabilité professionnelle comme la coutume commence à s'établir dans d'autres corporations. Je me rends compte que le législateur n'a pas retenu pour le moment cette suggestion. Je ne sais pas si c'est parce qu'elle trouverait difficilement place dans un projet de loi ou parce que le législateur a jugé qu'il ne pouvait, à l'heure actuelle, accéder à cette recommandation. Mais j'espère que le ministre, dans sa réplique, saura nous donner les raisons pour lesquelles il n'a pu donner suite à cette recommandation.

Quant aux autres points, nous aimerions faire valoir, étant donné que c'est le premier projet de loi du genre que nous présente le ministre, qu'il n'a peut-être pas écouté les débats qui ont eu lieu sur les autres types de projets de loi, les mêmes réserves que nous avons fait valoir à l'encontre des autres projets de loi.

Nous estimons, en effet, que la représentation du public au sein de cette corporation est trop tamisée, est trop filtrée par les professionnels qui constituent, d'une façon exclusive, le bureau de l'Office des professions. Nous aimerions, pour notre part, que la représentation du public soit aménagée d'une façon différente, de façon que tous les groupes socio-économiques aient la chance de déléguer l'un ou l'autre de leurs représentants au bureau de la corporation. Nous estimons inacceptable qu'on se soit limité au choix de quelques groupes socio-économiques pour ne pas dire d'un seul, le Conseil interprofessionnel, qui aura tout le loisir d'établir sa propre liste à même des personnes qu'il connaît, à même un milieu qu'il fréquente d'une façon assidue et qui ne constitue qu'un secteur très limité de l'opinion publique. Il nous semble que le législateur, en l'occurrence, se prive d'un choix qui pourrait être beaucoup plus vaste, qui pourrait aller piger dans des groupes socio-économiques beaucoup plus nombreux, beaucoup plus diversifiés.

Il nous semble, en somme, que si l'on veut faire participer le public au travail quotidien des professions, on ne devrait pas s'arrêter en si bon chemin, mais aller jusqu'au bout de l'expérience et permettre à toutes les classes de la société, à tous les secteurs géographiques de pouvoir être représentés, de façon qu'on puisse dire, un peu comme certains ex-présidents de la république des Etats-Unis le disaient: N'importe quel citoyen du Québec peut aspirer un jour à exercer ce rôle, un rôle important et efficace au sein des professions, de la même façon que n'importe quel citoyen du Québec peut un jour être appelé à siéger comme juré à un procès des assises. Il me semble que c'est là un sain exercice de la démocratie et que le législateur ne devrait pas utiliser deux poids et deux mesures, en l'occurence, mais aller jusqu'au bout de l'expérience.

Nous avons dit également, M. le Président, que dans une société comme le Québec, où il y a de fait une langue commune, dans une société comme le Québec, où les échanges entre les secteurs de la population, les classes de la société, les régions, se fond de plus en plus nombreux, diversifiés, quotidiens, il nous semble qu'on devrait prêter une attention plus importante à l'existence d'une langue commune. De même que cela existe déjà, par pure nécessité, dans certaines professions, comme la profession des avocats, où tous ces professionnels doivent connaître la langue commune et l'utiliser, ne serait-ce que dans leur propre intérêt financier, de la même façon dans des domaines qui, en apparence, sont un peu plus compartimentés, où une ségrégation continue de se manifester, on devrait prévoir l'avenir et faire en sorte que la langue commune puisse être véritablement connue et utilisée par tous les membres de toutes les professions.

Je ne veux pas répéter ici le plaidoyer que nous avons fait à d'autres occasions. Je sais, d'ailleurs, que le ministre est bien au courant de nos thèses à cet égard, pour avoir défendu durant très longtemps, à une autre session, le projet de loi no 28. Donc, je n'ai pas besoin de prêcher pour un ministre que j'estime, peut-être à tort ou à raison, converti aux thèses qu'il a si souvent entendues mais je voudrais simplement les lui rappeler pour qu'il y apporte toute la considération qui nous semble nécessaire.

Avec ces deux réserves, M. le Président, je suis heureux, au nom de mon groupe, d'apporter notre appui à ce projet de loi qui nous semble aussi important que les autres, en ce sens qu'il introduit une rationalisation dans une profession qui avait quand même, elle aussi, besoin d'être rationalisée, qui procède à une mise à jour qui s'avère nécessaire et qui pourra sûrement s'avérer très utile aussi bien pour les professionnels concernés que pour la société en général, tout cela au nom d'un intérêt public bien compris.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Veuillez croire, M. le Président, que si j'interviens à ce

stade-ci de l'étude du projet de loi sur la corporation des architectes, ce n'est pas simplement pour des fins esthétiques, mais rejoignant les préoccupations de mon collègue, le député de Bourget, et de mes collègues qui ont parlé avant moi, je voudrais faire quelques brèves observations sur ce qu'on a appelé tout à l'heure l'aspect socio-économique de la profession des architectes.

Tout le monde sait ce qu'est un architecte, tout le monde a une vague idée de ce qu'un architecte peut faire dans son cabinet mais il est bien peu de gens qui s'interrogent sur les résultats du travail des architectes et sur la façon dont les citoyens sont obligés d'utiliser après coup, les erreurs des architectes ou de les subir, si vous aimez mieux le terme.

Lorsqu'on parle d'une représentation plus élargie des groupes socio-économiques à ce conseil qui représentera les professions et qui sera assisté d'un certain nombre de personnes de l'extérieur, il faudrait penser à ce problème dans l'optique des utilisateurs des services des architectes, et surtout des utilisateurs de ce que les architectes mettent en plan et font exécuter.

En effet, depuis un certain nombre d'années — et j'ai eu l'occasion de le signaler à maintes reprises lorsque j'étais député à Ottawa — il existe des architectes qui ont fort peu souci des gens qui devront habiter leurs merveilleuses et extraordinaires constructions. A telle enseigne que, si on examine très attentivement les plans en série dressés par la Société centrale d'hypothèques et de logement et les plans repris par la Société d'habitation du Québec, on se rend compte que, dans un très grand nombre de cas, qu'il s'agisse de maisons unifamiliales ou de maisons multifamiliales, ou de ce qu'on a convenu d'appeler — un terme que je n'aime pas — les complexes résidentiels — et non pas domiciliaires, parce que c'est une faute que d'employer le mot "domiciliaire" à la place de "résidentiel" — on se rend compte que d'abord dans les constructions d'envergure, la plupart de ces grands édifices entassent l'une sur l'autre ce qu'on pourrait appeler des cages à lapins ou des cages à poules, sans égard à l'aspect de sécurité, de fonctionnalité, d'estéthique évidemment, et à l'aspect de confort de ces maisons.

On prescrit — et cela apparaît dans les notes explicatives — que toujours tout doit être, selon ce que le veut la profession des architectes, conforme aux plans et devis. Et on dit: "L'ordre les avisant que ces plans et devis ne sont pas conformes à la loi..." Cela revient à tout moment dans le texte que nous avons devant nous.

Est-ce qu'on s'est préoccupé suffisamment de savoir si tout est conforme aux exigences humaines, physiologiques, biologiques des gens qui doivent vivre dans les bâtiments dont les architectes inventent les plans? C'est pour cela qu'il serait peut-être important — comme on l'a souligné tout à l'heure — que, dans le conseil qui aura à surveiller l'activité des groupes professionnels, il y ait des gens qui ont une expérience de ce que bâtissent les architectes.

M. le Président, évidemment, si vous demandez pour vous-même une maison, vous allez voir à ce que tout soit conforme à vos désirs, à vos volontés, aux besoins de votre famille et à votre goût estéthique. Mais si vous avez à habiter ces immenses maisons d'appartements, les maisons qu'on bâtit selon les plans de la Société centrale d'hypothèques et de logement, plans que suit aussi la Société d'habitation du Québec, vous vous rendrez facilement compte que la plupart de ces maisons ne sont pas conformes au minimum de confort, au minimum de commodité, même au minimum de sécurité qu'exige une habitation, surtout lorsqu'il s'agit d'une habitation familiale.

Il est donc important que, dans cette perspective, le ministre pense un peu aux gens qui vont habiter ces maisons, gens appartenant à divers groupes socio-économiques et qui pourraient être d'excellents conseillers parce qu'ils vont être les utilisateurs, les propriétaires de ce que les architectes inventent avec un minimum — c'est le moins qu'on puisse dire — d'imagination lorsqu'il s'agit d'exécuter les commandes que leur passent les grands entrepreneurs.

J'insiste là-dessus, parce que j'ai eu très souvent moi-même l'occasion de vivre dans ce qu'on appelle des cages à lapins, à poules, à singes, du genre HLM. On en bâtit actuellement dans la ville de Québec même tout près de l'appartement que j'occupe actuellement. Ces gens seraient en mesure de dire à ce conseil de surveillance des professions quels peuvent être les besoins les plus simples, les plus élémentaires et qui se réfèrent à ces normes dont je parlais tout à l'heure, de commodité, de sécurité, d'un confort au moins minimum et surtout de fonctionnalité.

On imagine mal, M. le Président, pour ne vous donner qu'un exemple, une maison uni-familiale dans laquelle vivent un homme, une femme et plusieurs enfants, qui n'a même pas de hall d'entrée. On imagine mal une maison où la porte d'entrée ou la porte du cabinet de toilette est située à côté de la porte qui donne sur la cave ou sur ce qu'on appelle le sous-sol, question simplement de sécurité. Or, toutes les maisons bâties conformément aux plans de la Société centrale d'hypothèques et de logement ne répondent pas à ces normes minimales. Je n'ai pas eu l'occasion, lors des séances de la commission parlementaire, d'entendre la Corporation des architectes. Si j'avais pu le faire — j'étais retenu à une autre commission à ce moment-là — j'aurais posé ces questions aux architectes. En effet, s'il s'agit, par le projet de loi que nous avons devant nous, de protéger les architectes, les membres de la profession, de la corporation — je suis tout à fait d'accord là-dessus — il faut de plus et surtout peut-être penser à protéger ceux qui devront, évidemment, habiter les maisons ou vivre dans les bâtiments qu'érigent ou que font ériger les architectes.

Il n'est que de voir les édifices que notre gouvernement a construits depuis un certain nombre d'années pour se rendre compte que l'on ne s'est pas avisé de penser que ce seraient des humains qui y travailleraient. Je sais, pour l'avoir visité, que le premier ministre lui-même travaille dans des conditions qui, à mon avis, ne répondent même pas aux exigences minimales que requiert la fonction du premier ministre et la fonctionnalité de l'activité administrative du gouvernement du Québec. Je ne parle pas de cet édifice-ci, M. le Président; il est vieux. Cependant, si on pense en termes d'avenir, si on pense en termes d'environnement, si on pense en termes d'humanisation des lieux de vie, je crois qu'il serait important que l'on associe à ce conseil des personnes qui, elles, utilisent les maisons que bâtissent des architectes. Il est très peu de ces constructeurs, il est très peu de ces architectes qui font les plans, qui ont eu, un jour, à vivre dans les lieux qu'ils ont imaginés pour les autres.

C'est, à mon avis, M. le Président, un aspect très important qu'il faudra signaler. J'estime que la présence de personnes qui n'appartiennent pas à la profession serait nécessaire et que les conseils de ces personnes seraient extrêmement utiles pour renseigner les architectes sur le type de maison qui correspond au mode de vie actuel et qui devra correspondre au mode de vie d'une société en pleine évolution, d'une société qui est entrée dans ce qu'on appelle l'ère des loisirs et qui a besoin, pour s'épanouir, d'un habitat qui ait un véritable caractère humain.

M. le Président, je n'insiste pas; je ne suis pas un spécialiste de la question. Mais je crois que — comme dirait Fernandel: A voir, on voit bien — vous conviendrez avec moi que les maisons qui sont bâties en série ne répondent pas à ces exigences et à ces normes. Seules les personnes qui ont eu l'expérience de la vie dans ces maisons, qu'elles soient unifamiliales, qu'elles soient regroupées dans ces immenses complexes, seraient les mieux placées pour renseigner la Corporation des architectes sur les besoins d'une population qui est obligée, en raison de cette urbanisation massive, de vivre dans une promiscuité qui est déjà en soi désagréable, mais qui est accrue du fait que les plans des architectes n'ont rien prévu de dégagement en fonction d'un environnement qui permette l'humanisation de la vie et fasse disparaître à tout le moins certains inconvénients de la promiscuité que nous impose l'urbanisation massive que nous avons connue.

Sous toutes ces réserves, M. le Président, je suis disposé quant à moi à accepter le projet de loi en incitant le ministre et ses collègues à penser à ce que je viens de soumettre et à déterminer par réglementation certaines normes qui rejoignent les préoccupations que très modestement j'ai exprimées et les suggestions que j'ai faites au ministre et aux membres de l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais tout de suite rassurer le leader du gouvernement en lui disant que je serai bref. Mon intervention ne s'inscrit pas dans un "filibuster", mais plutôt dans la suite logique des remarques que nous avons tenues depuis le début de l'étude du code des professions et des lois spécifiques. La Corporation des architectes, M. le Président, est une corporation qui a des années d'existence. Ce n'est pas une création de cette série de lois; c'est une ratification d'une corporation professionnelle qui existe déjà et c'est son intégration à tout cet ensemble de lois.

Le ministre de l'Industrie et Commerce, qui est par profession un ingénieur, sauf erreur, n'a pas touché au champ connexe, c'est-à-dire à la définition du champ d'exercice de la profession. C'est un problème, étant donné que c'est la première des lois de cette catégorie que nous étudions, la loi 259. Nous allons prendre un peu plus tard celle des ingénieurs forestiers, celle des ingénieurs, celle des arpenteurs-géomètres. Ce sont des lois qui ont toutes quelque chose en commun dans ce sens que les champs de définition de l'acte professionnel peuvent se recouper à un moment donné.

D'ailleurs, vous le ferez si le temps vous le permet, on n'a qu'à reconsulter brièvement les mémoires de ces différentes corporations, pour voir qu'il y a bien là un problème assez complexe, mais peut-être pas aussi aigu et complexe que celui que l'on retrouve pour les professions de la santé. On a vu, au cours de l'étude de la première loi, la Loi médicale, combien le champ d'exercice de la profession médicale touche toutes les autres professions de la santé, qu'elles aient un champ d'exercice exclusif ou qu'elles aient un titre réservé.

Alors c'est le même cas pour les architectes. Peut-être que ce sont les architectes qui ont souligné davantage devant la commission parlementaire combien toutes ces professions que je viens de nommer se touchent à un moment donné. Au terme d'un de leur mémoire, elles ont fait une recommandation spéciale. Je cite la page 8 du mémoire déposé par l'Association des architectes de la province de Québec au sujet des lois 250 et 260; 250 c'était la Loi des urbanistes et 260 c'était la Loi des ingénieurs.

La corporation dit ceci: "L'Association des architectes de la province de Québec recommande qu'une attitude très prudente soit adoptée, non seulement dans l'octroi d'un monopole d'exercice, mais également dans toute définition de l'acte professionnel, surtout lorsque plusieurs disciplines se chevauchent ou travaillent ensemble. D'ailleurs une exclusivité, même conjointe à plusieurs professions, ne devrait être reconnue que lorsque l'intérêt public l'exige absolument. "Dans les domaines qui nous intéressent, de nouveaux champs de spécialisation se développent.

Il ne faudrait pas en restreindre l'essor. Des

monopoles inutiles ne peuvent qu'empêcher la création de nouvelles spécialisations et entraver la constitution d'équipes pluridisciplinaires. Nous croyons préférable d'éviter les cloisonnements prématurés. Nous espérons même qu'un jour les diverses disciplines de l'aménagement, ayant chacune suivi sa voie et son évolution naturelle, se regrouperont pour les plus grand bien de la société québécoise."

On voit, par ce texte d'un des mémoires de la Corporation des architectes, combien il est important que le législateur adopte une attitude prudente. Cela, je l'ai fait ressortir particulièrement au cours de mon intervention en deuxième lecture sur le code des professions. Nous avons même suggéré des mécanismes qui permettraient à des corporations professionnelles, qui oeuvrent dans le même champ d'activité ou qui, à un moment donné, se retrouvent dans un même secteur, de ne pas figer l'acte professionnel dans une attitude définitive, dans une rédaction définitive, de permettre à ces différentes corporations professionnelles et à ces différents professionnels de travailler ensemble pour rendre des services au public.

Les urbanistes ont demandé un champ d'exercice exclusif, alors que la loi 250 ne leur reconnaît qu'un titre réservé. Là-dessus, les architectes se sont opposés à cette demande des urbanistes pour un droit de pratique exclusif. Sans citer au texte le mémoire, je voudrais faire ressortir quelques arguments invoqués par les architectes pour refuser, à toutes fins pratiques, cette demande des urbanistes. D'abord, on a dit que la définition qu'ils avaient invoquée étaient beaucoup trop générale; on a dit aussi que tous les actes demandés par cette corporation professionnelle dans sa définition pouvaient être posés par d'autres professionnels. Je cite ici la page 2 du même mémoire auquel je faisais allusion tout à l'heure. Le mémoire de la Corporation professionnelle des urbanistes amorce ensuite une tentative de définition du domaine exclusif de l'urbanisme. "Aucun des actes que l'urbaniste déclare de son domaine exclusif ne peut être posé que par lui seul. Tous, en effet, devraient être posés par des équipes pluridisciplinaires, du moins quant à la conception des objectifs et des moyens utilisés. L'architecte, l'ingénieur, l'architecte paysagiste, l'économiste, le sociologue, l'animateur social et même le juriste devront être et en fait sont parties à la conception des aménagements ou réaménagements urbains dans la mesure de leur compétence respective." On voit que, dans ces corporations qui sont nommées, il y en a des plus anciennes qui ont beaucoup plus de traditions, qui ont beaucoup plus d'années de pratique.

Il y en a d'autres qui sont venus s'ajouter dernièrement, plus récentes, comme celles concernant l'architecte paysagiste, l'économiste, le sociologue, l'animateur social qui, de l'avis des architectes, devraient être parties à cette équipe qui s'occupe d'aménagement ou de réaménage- ment urbain, un problème d'actualité et un secteur dans lequel le gouvernement actuel se prépare à légiférer.

Le groupe des architectes a également parlé de la profession d'ingénieur. Ce n'est une surprise pour personne que ces deux corporations professionnelles travaillent la plupart du temps en étroite collaboration. Ce sont toutes les deux des corporations professionnelles, et qui ont un champ d'exercice exclusif. Quand nous serons en commission parlementaire, nous examinerons chacune des définitions de ces deux groupes pour voir si, au moyen de ces définitions, on leur permet de travailler d'abord en harmonie, si on leur permet de délimiter, autant que faire se peut, un champ de pratique exclusif et si on permet en même temps à ces deux corporations une certaine évolution, parce qu'elles sont au centre de toutes ces nouvelles professions qui vont se regrouper autour d'elles.

Je ne prends, comme exemple, que ce nouveau terme que l'on emploie, que ce nouveau groupe de professionnels; si on dit que ce ne sont pas actuellement des professionnels au sens du code, ce seront, probablement dans un avenir plus ou moins rapproché, des professionnels, et je veux parler des écologistes. Au moment où on a étudié la loi no 34 avec le nouveau ministre des Affaires municipales, nous avons souvent fait allusion à ce nouveau terme d'écologiste. Le ministre des Affaires municipales est certainement conscient, que, dans ce domaine qui est relativement récent, qui fait l'objet maintenant de préoccupations de la part de groupes et d'individus de plus en plus nombreux, les écologistes, dans un nombre plus ou moins grand d'années, constitueront certainement un groupe professionnel.

Il y en a d'autres, il y a par exemple les urbanistes. Est-ce que leur profession, après que la société aura évolué, après que leur profession aura évolué, ne sera pas reconnu comme un champ de pratique exclusif? C'est le problème que les architectes ont posé devant la commission parlementaire. C'est pour ça que je voulais, au moment où on étudie la première de cette série de lois que va piloter dans cette Chambre le ministre de l'Industrie et du Commerce, que nous réfléchissions pendant un moment à ce problème extrêmement complexe et difficile de la définition de l'acte professionnel, pour pouvoir délimiter tout de même un champ de pratique qui va éviter certaines frictions et, d'autre part, ne pas freiner l'évolution des corporations.

Alors, ce n'est pas un problème facile, M. le Président, on l'a dit antérieurement et j'y reviens. C'est pour cela que j'ai suggéré, en deuxième lecture, durant l'étude du projet de loi 250, un mécanisme dont le ministre des Affaires sociales a pris note. Il aura traduit, j'imagine, dans une mesure, dans un article de loi afin que, dès l'entrée en vigueur de cette série de lois, nous puissions donner aux corporations professionnelles qui font face à ce

problème la possibilité de trouver une solution. Alors ce mécanisme, que nous avons proposé, j'y reviens très brièvement, est celui-ci: que le Conseil interprofessionnel ou l'Office des professions si l'on veut, l'un ou l'autre et peut-être l'un et l'autre — parce que le Conseil interprofessionnel peut étudier tous les aspects de cette loi et faire toutes les recommandations qu'il veut au lieutenant-gouverneur en conseil — facilitent la discussion et le dialogue, mettent en place les mécanismes qui vont faciliter ce dialogue entre les différents groupes de professionnels, qu'ils aient un champ d'exercice exclusif ou qu'ils aient un titre réservé, qu'ils aient demandé à être reconnus comme corporation professionnelle et qu'ils ne l'aient pas été encore par ce projet de loi 250.

Là, on parle des architectes. Mais au moment où on abordera le projet de loi des ingénieurs, on parlera des techniciens professionnels. Au moment où on va parler des travailleurs socio-professionnels, on parlera des conseillers socio-professionnels. Alors, pour chacune des professions majeures, il y a, à côté, un groupe de professionnels qui aussi travaillent en étroite collaboration. Mais ils sont les produits d'un niveau d'éducation inférieur à celui du grade universitaire. Non pas qu'ils aient reçu une éducation inférieure, mais ils sont de promotion soit du CEGEP ou du secondaire, alors que les autres ont été promus après des études au niveau universitaire.

C'est ce problème que je voulais souligner au ministre de l'Industrie et du Commerce qui est conscient de la responsabilité qu'on lui a confiée en pilotant dans cette Chambre toutes les lois des corporations professionnelles dont nous venons de commencer l'étude avec le groupe des architectes.

Ce sont les remarques que je voulais faire en deuxième lecture. Quand nous arriverons en commission parlementaire, j'espère que le ministre de l'Industrie et du Commerce, comme son collègue des Affaires sociales et son collègue de la Justice, tiendra compte des suggestions que nous lui ferons pour améliorer ces projets de loi et donner satisfaction aux corporations professionnelles pour autant que cela est conciliable avec l'esprit de la législation de façon à protéger le public.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Cette motion est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire des corporations professionnelles.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Article 22.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le ministre de l'Industrie et du Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi no 262, Loi modifiant la loi des ingénieurs forestiers.

Projet de loi no 262

2e lecture M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance, M. le Président, de ce projet de loi et en recommande l'adoption à cette Chambre.

Sur le projet de loi no 262, mes remarques seront encore plus brèves que la dernière fois puisqu'il s'agit, dans ce cas, d'un projet de loi qui est uniquement de concordance avec le code des professions. Il n'y a pas de changement dans notre rite. Il y a des dispositions qui sont particulières et qui sont adoptées à l'ordre des professions en ce qui touche la composition du bureau, de même que certaines dispositions en ce qui touche le comité des examinateurs.

Mais je pense qu'essentiellement, si on se rappelle le mémoire des ingénieurs forestiers, il y avait très peu de demandes précises. Historiquement, leur champ est assez bien délimité par rapport aux autres, il ne cause pas tellement de difficultés. Dans le projet de loi que nous avons, qui est très bref, d'ailleurs, on retrouve simplement des mesures particulières qui auraient pu être demandées, comme l'année financière, ou d'autres dispositions semblables mais qui ne touchent pas au projet fondamentalement, tant en ce qui touche le champ de pratique des ingénieurs forestiers qu'au titre qui leur était réservé autrement, de même que la composition du bureau et son pouvoir de réglementation.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, je regrette que le ministre n'ait pas pris le temps de lire la loi, surtout de la comprendre, parce qu'il aurait vite constaté qu'il ne s'agit pas d'une loi de concordance. Nous allons trouver, dans cette loi, des exceptions que nous n'avons pas trouvées, jusqu'ici, dans aucun des projets de loi sur lesquels nous nous sommes penchés pour étude et adoption.

M. SAINT-PIERRE : Mineures.

M. PAUL: Mineures? J'aimerais que le ministre nous dise, dans sa réplique, si les quelques objections que j'ai l'intention de présenter, les quelques remarques que j'ai l'intention de livrer à cette Chambre sont mineures.

D'abord, la première question que je me pose est la suivante: Pourquoi n'avons-nous pas pris le temps et pourquoi ne rédigeons-nous pas une loi complète des ingénieurs forestiers? Toutes les autres lois des corporations professionnelles nous ont été livrées dans un texte complet et lorsqu'il s'agit pour nous d'étudier le projet de loi des ingénieurs forestiers, nous sommes placés en face d'une référence à la loi 264 des Statuts refondus de 1964. J'aimerais d'abord que le ministre nous dise pourquoi cette façon nouvelle de procéder, avec le projet de loi relatif aux ingénieurs forestiers.

En second lieu, M. le Président, je m'interroge quant au pouvoir discrétionnaire qu'aura le lieutenant-gouverneur en conseil de reconnaître l'équivalence d'études entreprises et complétées par certains candidats au titre des ingénieurs forestiers. Le ministre devrait considérer l'opportunité de consulter, d'abord, les membres de la Corporation professionnelle des ingénieurs forestiers du Québec avant que le lieutenant-gouverneur en conseil ne décide de reconnaître et d'admettre dans la pratique de la profession celui qui n'aura pas suivi les mêmes études, qui ne sera pas détenteur d'un diplôme que normalement un ingénieur forestier détient pour l'exercice de sa profession. Le ministre pourra peut-être nous dire pourquoi cette exception qui on veut protéger et pour quelle raison le lieutenant-gouverneur en conseil n'accorde pas ce pouvoir, pour autant qu'il recevra l'autorisation du bureau de direction de la Corporation des ingénieurs forestiers. C'est une mesure que nous n'avons pas retrouvée, dans aucun projet de loi, jusqu'ici.

Lorsque j'entends le ministre de l'Industrie et du Commerce nous dire qu'il s'agit d'une loi de concordance, je dois m'inscrire en faux. Une autre exception que l'on ne retrouve dans aucune autre loi spécifique des professions, c'est la composition du bureau des examinateurs.

Je crois que beaucoup de corporations professionnelles auraient avantage à s'intéresser aux pouvoirs que l'on retrouve dans cette loi relative aux ingénieurs forestiers et à les faire siens, car à toutes fins pratiques les ingénieurs forestiers auront un bureau d'examinateurs composé de trois membres de la profession, et de deux délégués de l'Ecole de foresterie et de géodésie de l'université Laval.

Si, à l'occasion de l'étude des différents projets de loi nous avons jusqu'ici déploré ce manque de collaboration, de consultation entre ceux qui ont charge de la pédagogie et ceux qui imposent les conditions d'admission à la pratique, c'est une excellente mesure que l'on retrouve dans cette Loi des ingénieurs forestiers, une disposition que l'on regrette de ne pas retrouver, par exemple, dans une loi comme celle du Barreau ou celle du notariat. Nous verrons, au fur et à mesure que nous compléterons l'étude de ces lois spécifiques, qu'une telle disposition devrait être inscrite dans ces lois si l'on veut corriger, pallier ce manque de négociation qui existe entre le bureau de direction des corporations et le monde de l'enseignement des matières nécessaires pour l'admission à la pratique de la profession.

Enfin, une autre loi de concordance nous dit le ministre. C'est la première fois que l'on va voir la discrétion du procureur général de porter plainte... Le ministre dit non, il n'a sûrement pas lu sa loi.

M. SAINT-PIERRE: J'ai dit qu'il y a d'autres...

M. PAUL: Le lieutenant-gouverneur en conseil a le droit d'admettre à la pratique ceux qui n'auront pas répondu à tous les critères exigés par la corporation pour l'exercice de la profession. Et en second lieu: Le gouverneur général pourra porter plainte contre ceux qui exerceront illégalement la profession. Il pourra le faire comme le bureau, comme la corporation elle-même pourra le faire. Que vient faire le procureur général dans cette loi?

Le procureur général a assez de boulot qu'on ne devrait pas l'emmener dans le bois, comme on tente de le faire avec cette loi. Pourquoi une telle disposition, un tel pouvoir au procureur général? Loi de concordance? Est-ce que le ministre peut nous dire s'il y en a beaucoup de lois spécifiques qui ont ce même pouvoir que l'on retrouve dans cette Loi des ingénieurs forestiers?

Ce qu'il y a de consolant, c'est que le ministre dans ses remarques de deuxième lecture a mentionné qu'il aurait des amendements à apporter à ces différentes lois. Je suis sûr qu'il n'excluait pas celle des ingénieurs forestiers.

J'invite donc le ministre à réviser pour cette loi son expression "loi de concordance", et il aura vite constaté qu'il a parlé encore sans avoir probablement compris la loi. Il l'a sûrement lue même avec la méthode dynamique, mais il ne l'a pas comprise. J'espère que le ministre, dans sa réplique qui sera beaucoup plus charnue que celle qu'il ne nous a pas livrée à l'occasion de l'étude de la loi des architectes, verra à nous annoncer son ouverture d'esprit pour recevoir les amendements que nous nous proposons de présenter à l'occasion de l'étude en commission élue de cette loi des ingénieurs forestiers.

M. le Président, parce que nous avons conscience de nos responsabilités, sachant à l'avance que le gouvernement se rendra de bonne grâce à ces modifications, à ces amendements qui devront être acceptés dans le but de bonifier cette loi, nous voterons à l'appui ou en faveur du principe de la loi 262, Loi modifiant la Loi des ingénieurs forestiers. J'espère que nos amis du Ralliement créditiste feront la même chose parce que, jusqu'ici, le Ralliement créditiste n'a appuyé que les lois impaires; toutes les lois paires les ont éveillés, mis en état d'alerte, ils ont été contre la loi 250, contre la loi 252, la loi médicale, et c'est avec plaisir qu'on les a vus

ce soir appuyer la loi 251, la loi 253, la loi 259. Comme il s'agit de la loi 262, j'ai hâte de connaître l'attitude qu'entend prendre le Ralliement créditiste sur ce projet de loi parce que c'est un chiffre pair.

Quant à nous, pair ou impair, nous voterons en faveur du principe de la loi 262.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le député de Dorchester

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, dans le but de rassurer le député de Maskinongé, je vais lui dire qu'on va appuyer le principe de la loi, qui, incidemment, porte un numéro pair. Cependant, les arguments du député de Maskinongé font en sorte que je me pose également des questions concernant cette loi. J'espère que le ministre saura y répondre en commission parlementaire; d'ailleurs, les propos qu'a relevés le député de Maskinongé l'ont également été par des personnes qui sont intervenues en commission parlementaire et ces questions devront être discutées lors de l'étude de ce projet de loi, article par article.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, le Parti québécois a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'adoption à la Chambre. D'autant plus que le présent projet de loi se conforme d'une façon tout à fait exacte aux recommandations de la corporation professionnelle intéressée que nous avions eu l'occasion d'entendre à la commission parlementaire. J'aurais, bien sûr, les mêmes remarques d'ordre général à faire sur la représentation du public et la langue mais je n'y reviendrai pas.

Je n'aurai qu'un bref commentaire sur la représentation qu'a faite le député de Maskinongé à l'effet que le procureur général s'arrogerait un droit discrétionnaire en poursuivant les contrevenants à la loi.

Je ne sais pas si j'ai mal entendu ou si j'ai mal lu, mais j'avais l'impression que dans le projet de loi 250 un des articles, l'article 178, permettait soit au procureur général ou soit au bureau d'intenter des poursuites. A ce moment-là l'article 12 serait de fait de concordance et ne ferait qu'appliquer aux ingénieurs forestiers l'article plus général de la loi-cadre, c'est-à-dire l'article 178.

Mais, comme mes connaissances sont assez limitées en ce domaine, j'attendrai la réplique du ministre pour savoir s'il y a véritablement concordance ou s'il y a l'attribution au procureur général d'un pouvoir qui serait discrétionnaire ou arbitraire. Cette interrogation une fois énoncée, nous n'avons rien d'autre à dire et encore une fois il nous fera plaisir d'approuver ce projet de loi.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le ministre de l'Industrie et Commerce.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, très brièvement je veux répondre à certains des points qui ont été soulevés. Le député de Maskinongé, en particulier, avait soulevé quatre points précis. Pourquoi pas une nouvelle loi — il faut admettre avec lui qu'à onze heures le soir, ça m'a semblé une bonne question — pourquoi pas une nouvelle loi?

C'est évident que lorsque nous faisons des amendements, ça peut être plus difficile que lorsque nous avons une loi qui est reprise en entier. Je demande l'avis du député de Maskinongé, dans les statuts refondus, lorsque les amendements auront été insérés au texte de loi actuel, peut-être que la forme du projet de loi, pour ceux qui le consulteront, n'aura pas les mêmes avantages que pour ceux qui doivent légiférer ce soir.

Enfin je retiens cette question, que je poserai aux légistes; c'est un fait que c'est une des seules lois qui ne soit pas nouvelle. En ce qui touche le deuxième point qui avait été soulevé, encore là, à moins que je lise mal la loi, je n'ai pas compris réellement l'objection du député de Maskinongé. Je ne sais pas s'il se réfère à l'article 8 d) qui dit que, pour être admis, il faut être titulaire d'un diplôme reconnu valide à cette fin par le lieutenant-gouverneur en conseil ou jugé équivalent par le bureau.

Cette disposition, si c'est le point auquel on se réfère, on la retrouve dans la Loi des architectes et elle me semble conforme à l'esprit du bill 250 quant à l'Office des professions. On peut soumettre au lieutenant-gouverneur en conseil une liste de diplômes d'Etat reconnus qui, par après, servent à statuer sur certaines normes au niveau des professions entre les universités et les professions en particulier.

Enfin si c'est ce point-là qui est soulevé il me semble que la disposition que l'on retrouve chez les ingénieurs forestiers soit la même que celle que nous retrouvions il y a à peine quelques instants chez les architectes. Connaissant son grand savoir et son esprit de travail, j'imagine que ce n'est pas cette disposition-là. Il a piqué ma curiosité. Je vais en rechercher une autre qui n'aurait pas été...

M. PAUL. Est-ce que le ministre me permet? C'est justement ce pouvoir discrétionnaire qu'aura le lieutenant-gouverneur en conseil de reconnaître valide l'équivalence des études imposées aux autres membres de la corporation.

M. SAINT-PIERRE: On a retrouvé la même disposition dans la Loi des architectes.

M. PAUL: M. le Président, ce n'est pas une

réponse. Si la loi n'aurait pas dû, autrefois, être rédigée comme cela, c'est le temps de la corriger. Si le ministre nous promettait d'apporter un amendement aux fins de consulter les membres de la corporation avant que le lieutenant-gouverneur en conseil accorde le diplôme ou reconnaisse comme valides les études suivies, je crois que ce serait un heureux compromis.

M. SAINT-PIERRE: Je pense que cela touche à toute la question qui a déjà été débattue de la reconnaissance de diplômes d'Etat. Sous ce vocable-là, il y a eu de longues discussions lors de l'étude du bill 250 et en commission. S'il y avait des changements, il faudrait qu'il y en ait dans toutes les lois.

Très brièvement, sur la composition du comité d'examinateurs. Je pense que des raisons historiques font que le problème est beaucoup plus simple pour les ingénieurs forestiers et que, peut-être, la solution peut plaire à tous. Il n'y a, au Québec, qu'une seule faculté qui forme des ingénieurs forestiers et je pense qu'historiquement il y a toujours eu des liens très étroits entre la faculté de génie forestier de l'université Laval — ce qui explique ces liens, c'est qu'elle est unique comme école de formation — et la corporation professionnelle. C'est une particularité qui respecte dans ce projet de loi les traditions, mais qui serait difficile à imposer dans d'autres professions puisqu'on a plusieurs facultés qui ont une approche différente de la formation des étudiants.

Pour les procureurs généraux, je reprends un peu ce qu'a soulevé le député de Bourget; c'est également une disposition que l'on retrouve, tout au moins, dans la Loi des ingénieurs et également dans le code des professions. Nous pourrions la reprendre, mais je pense qu'il faudrait la reprendre dans un contexte beaucoup plus global. J'en discuterai avec le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. PAUL: M. le Président, nous regrettons, mais, comme il s'agit d'une loi ayant un nombre pair, nous demandons le vote. Nous sommes cinq pour demander le vote enregistré.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Qu'on appelle les députés.

Vote de 2e lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture du projet de loi no 262 veuillent bien se lever, s'il vous plait.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Garneau, Goldbloom, Harvey (Jonquière), Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Mailloux, Houde (Fabre), Phaneuf, Perreault, Brown, Blank, Bacon, Berthiaume, Bossé, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Marchand, Shanks, Gratton, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Drolet, Guay, Béland, Laurin, Joron, Lessard.

LE SECRETAIRE: Pour: 42 Contre: 0

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire spéciale sur les corporations professionnelles.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.

M. PAUL: Pouvez-vous nous donner le menu pour demain?

M. LEVESQUE: Demain, nous allons continuer avec les projets de loi au nom du ministre de l'Industrie et du Commerce et, par la suite, nous prendrons les projets de loi au nom du ministre des Affaires sociales.

Encore une fois, M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.

M. PAUL: Il n'est pas parlant, le gars.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 15)

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