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(Dix heures dix minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Présence de représentants de neuf
nations amérindiennes
J'ai l'honneur aujourd'hui de signaler la présence dans les
galeries de représentants des neuf nations amérindiennes qui
comprennent trois représentants par bandes indiennes que je me permets
de nommer. Ces neuf nations sont: les Abénakis, les Algonquins, les
Attikameks, les Cris, les Hurons, les Micmacs, les Mohawks, les Monta-gnais et
les Naskapis. Je voudrais leur souhaiter la plus cordiale bienvenue à
l'Assemblée nationale.
M. le premier ministre.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): On nous permettra sûrement,
de tous les horizons de l'Assemblée nationale, de nous joindre à
vous pour souhaiter aussi j'ai eu l'occasion de le faire tout à
l'heure la bienvenue, pendant ces deux jours de rencontres à
Québec, aux chefs et au porte-parole officiel de toutes, je crois, les
bandes indiennes qui représentent, dans tous les coins du Québec,
plusieurs milliers de nos concitoyens amérindiens qui coexistent avec
nous de Maria jusqu'à la baie James et de Maniwaki jusqu'à
Mingan. Je dis qu'ils coexistent avec nous parce que, malheureusement, nous
nous connaissons très mal, même si nous vivons ensemble.
C'est pour essayer, pour une première fois
systématiquement, si l'on veut, de réparer un peu cette ignorance
réciproque que nous allons ici, à Québec, pendant deux
jours, tâcher de faire connaissance, de mieux connaître les
idées, les aspirations de nos concitoyens amérindiens et aussi
les problèmes nombreux qu'ils ont à affronter, tâcher
d'expliquer le mieux possible ce que nous faisons, qui est loin d'être
suffisant, non seulement pour aider dans le présent, pour réparer
quelque peu le passé, mais aussi pour voir si on ne peut s'habituer
à préparer l'avenir ensemble.
Inutile de dire que, que ce soit aux réunionsde cet
après-midi ou de demain après-midi, ou au dîner que nous
partagerons ce soir, tous nos collègues de l'Assemblée nationale,
de quelque parti que nous soyons, on espère que nous serons nombreux
à participer à ces rencontres. Encore une fois, bienvenue
à nos concitoyens.
Le Président: M. le chef de l'Opposition. M.
Gérard-D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis fort
heureux ce matin de m'associer au premier ministre et à ses voeux de
bienvenue à nos distingués concitoyens qui nous visitent
aujourd'hui. D'une façon un peu plus formelle, je suis
particulièrement heureux de m'associer ainsi au gouvernement et à
l'ensemble de l'Assemblée nationale. Je suis d'autant plus heureux de le
faire que j'ai le privilège de compter, dans ma circonscription
électorale, deux groupes importants parmi les visiteurs de ce matin,
à Maria et à Resti-gouche. Je veux les saluer d'une façon
particulière, on me le permettra sans doute.
Je veux également féliciter le gouvernement,
particulièrement le premier ministre, qui a toujours manifesté un
intérêt particulier à cette question et à cette
partie importante de notre population alors même qu'il siégeait de
notre côté de la clôture et qu'il était le ministre
responsable, au gouvernement du Québec, des relations avec ce groupe
important de notre population. Je voudrais, tout en m'exprimant dans la langue
officielle, ajouter un mot dans la langue de Shakespeare and to say to all
these visitors this morning at the National Assembly that we were very pleased
to see them here and we do hope that this initiative of the Québec
government will be beneficial to all.
Encore une fois, au nom de l'Opposition officielle en particulier, et je
suis sûr que c'est le voeu général ici, nous voulons nous
associer au premier ministre pour souhaiter la plus cordiale bienvenue à
nos amis qui sont ici ce matin et tous ceux qu'ils représentent.
Le Président: M. le député de Gaspé.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je crois que le
geste posé par le gouvernement en ce moment revêt une dimension
historique. Quand je constate que trois Gaspésiens prennent la parole en
cette occasion, ceci nous reporte aux sources de notre histoire, quand
Jacques-Cartier, en 1534, dans la baie des Chaleurs, dans le comté de
Bonaventure et dans le comté de Gaspé, faisait cette
première rencontre avec les premiers habitants de ce pays. Dans quelques
mois, à Gaspé, sur le site historique national qui sera
érigé, il y aura six stèles commémoratives pour
illustrer à jamais dans le bronze le passé de nos premiers
habitants , et ensuite la rencontre entre les Européens et les premiers
habitants de ce pays. C'est donc avec joie que je m'associe au gouvernement. Je
veux souhaiter la bienvenue également aux groupes de mon comté,
plus spécialement de Pointe-Navarre et de Saint-Majorique, qui sont
probablement ici présents dans cette salle. Je voudrais leur souhaiter
aussi un bon séjour à Québec, ce qui va leur rappeler
beaucoup de souvenirs quand ils vont relire les pages de leur passé.
And, as the member for Bonaventure just said, I am happy to welcome all
our friends from the Gaspé coast who are here present this morning and I
hope that this meeting will be for each one of
them the beginning of good negociations for the future of all your
groups.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: Merci M. le Président, je voudrais
également m'associer à l'honorable premier ministre pour
souligner que je considère que c'est une excellente initiative que le
gouvernement a eue d'inviter pour deux jours les représentants, les
dirigeants des différentes nations indiennes du Québec, ces
responsables d'un groupe important de nos concitoyens québécois
que j'ai toujours considérés comme des citoyens à part
entière de notre pays, M. le Président, bien que je
considère l'initiative très valable et louable, il est cependant
un peu malheureux que cette visite se fasse dans un temps où, vers la
fin de la session, les travaux parlementaires sont très
bousculés.
Comme nos visiteurs le savent probablement, nous devons travailler
à des heures même tardives, ce qui fait que la
disponibilité des députés à ce temps-ci de
l'année est plus restreinte qu'à certains autres moments. Donc,
j'imagine que tous feront un effort pour se rendre disponibles dans cette
période un peu difficile pour nous. Si, par contre, il y avait manque de
disponibilité pour des raisons que tous comprendront, j'espère
que, dans ces circonstances, le gouvernement pourra répéter cette
expérience à un autre moment où tous les
députés de l'Assemblée nationale pourront être plus
disponibles afin qu'on ait encore plus de temps, si on en manque au cours des
deux prochains jours, pour pouvoir discuter avec ces gens-là aux fins de
mieux comprendre leurs aspirations, que j'ai toujours considérées
comme légitimes, et les différents problèmes auxquels ils
ont à faire face. (10 h 20)
Je pense, M. le Président, que c'est un jour historique
également aujourd'hui, mais cela ne devrait pas être le seul;
c'est le premier, mais cela ne devrait pas être le dernier. Ce genre de
rencontre avec nos concitoyens devrait se faire un peu plus souvent et, de
cette façon, nous pourrions en arriver à une plus grande
compréhension. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: M. le Président, après les trois voix
gaspésiennes et la voix du Nord-Ouest, je pense qu'il est
peut-être de mise d'ajouter la voix de la Beauce, la voix du sud. Je
voudrais m'associer à mes collègues, ainsi qu'au premier ministre
pour souhaiter à nos visiteurs de ce matin, à nos concitoyens la
plus cordiale des bienvenues à Québec et leur souhaiter
également un heureux séjour parmi nous.
Je m'associe également aux voeux pour que ce genre de rencontre,
qui constitue une étape, une page importante dans l'histoire
parlementaire québécoise, puisse se répéter
à l'avenir, de façon que nous puissions rencontrer ces gens plus
souvent pour être en mesure de mieux nous comprendre, compte tenu du fait
que nous avons quand même des lois qui concernent ces personnes et que
des traités ont été signés pour faire en sorte
justement que les droits des uns et des autres soient respectés.
M. Shaw: M. le Président... Le Président: M.
le député de Pointe-Claire. M. William Frederic Shaw
M. Shaw: ... I would like to take this opportunity to also join
with the Prime Minister to welcome our representatives from the Native peoples
of all over the province of Québec. I understand that they have been
concerned for many years with their relationships with this government and, as
a matter of fact, to the extent that at one time they were almost totally
neglected and ignored by it.
I welcome the efforts that this government is presently making to make
the Amerindian people of our province welcomed, since they are part of this
province in contributing to its culture and to its future. Thank you very much,
Mr President.
Le Président: Affaires courantes.
Déclarations ministérielles. Dépôt de
documents.
Mme le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapport du Surintendant des assurances
Mme Payette: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel du Surintendant des assurances pour 1977.
Le Président: Rapport déposé.
M. le leader parlementaire du gouvernement au nom de M. le ministre des
Affaires municipales.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Période des questions orales.
M. le député de Mont-Royal.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Négociations avec les Amérindiens
M. Ciaccia: M. le Président, ma question s adresse au
premier ministre. L'invitation que le
gouvernement a faite aux Amérindiens, qui comprennent, je crois,
trois délégués de chaque bande indienne du Québec,
est en soi un geste très louable sur lequel je suis entièrement
d'accord et auquel je voudrais m'associer. And I hope that the invitation that
the government has made to the Native people, on this occasion, will be the
beginning to finding solutions to the economic and social problems that the
Native peoples of Québec have been experiencing through the years.
Le premier ministre doit certainement savoir que les réclamations
des Indiens je parle de ceux qui sont au sud de la baie James et les
Indiens de tout le reste du Québec fondées sur les droits
traditionnels n'ont pas été réglées, et une des
façons d'essayer de trouver des solutions aux problèmes
économiques et sociaux que ces peuples ont c'est de s'attaquer au
problème initial, celui du règlement de leurs
réclamations.
Voici la question que je veux poser au premier ministre. Est-ce
l'intention du gouvernement de reconnaître les droits de ces peuples et
de prendre des mesures concrètes pour conclure une entente fondée
sur leurs droits traditionnels? Afin que certains groupes de ces peuples qui ne
parlent que l'anglais puissent comprendre la question que je pose au premier
ministre, je voudrais résumer brièvement en anglais.
I would like to ask the Prime Minister if it is the intention of his
government to recognize the claims of the Native people of Québec based
on their traditional rights.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense
que, d'abord, le député de Mont-Royal est aussi bien placé
que n'importe qui pour savoir que, dans la région du nord de la baie
James, aussi bien avec nos concitoyens inuit qu'avec les représentants
du peuple cri, les Naskapis aussi maintenant, à la suite de
négociations qui nous avaient précédé, il y a
maintenant des ententes qui ont été négociées le
mieux possible. Il peut y avoir sûrement des imperfections, mais les
ententes seront respectées et, au besoin, améliorées. Si
d'autres ententes du même genre, ou différentes, selon les cas,
peuvent nous aider à confirmer ces droits traditionnels, à
condition qu'on se comprenne bien sur la façon d'y arriver c'est
justement pour cela qu'il y a ces rencontres il est évident que
le gouvernement est ouvert à toutes les possibilités de solutions
légitimes.
Je crois qu'on fait un effort en ce moment, à partir d'un petit
noyau de compétence qu'on appelle dans le langage courant SAGMAI,
Secrétariat des affaires gouvernementales en milieu amérindien et
inuit, au gouvernement du Québec, d'abord pour essayer d'avoir le
maximum de connaissance des dossiers, de compréhension mutuelle. On a
demandé, par exemple, à tous les ministères du
gouvernement, à tous les départements administratifs de faire le
plus vite possible le choix d'un cadre, de quelqu'un donc qui sera responsable
dans chacun des départements et chacun des ministères pour qu'il
puisse servir d'interlocuteur valable et, en même temps, de noyau
d'expertise sur les problèmes de nos concitoyens amérindiens et
inuit. Ainsi, quand ils auront à traiter avec le gouvernement du
Québec, ils n'auront pas l'impression d'être littéralement
dans une terre inconnue quand il s'agit de l'administration publique.
On sait à quel point il y a des problèmes délicats
aussi avec le fédéral, parce que cela existe encore ce qu'on
appelle la Loi des Indiens et ce qui en découle. A travers cette
confusion et cette somme d'ignorance qui s'est accumulée, hélas,
depuis des générations, on va faire un effort sans
précédent, qui est déjà commencé, pour qu'il
y ait cette reconnaissance, non seulement des droits traditionnels, mais aussi
du droit d'aspirer à un savoir sans cesse meilleur aussi bien pour ces
concitoyens à part entière que sont les Amérindiens que
pour tous les autres Québécois.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, si j'ai bien compris le
premier ministre, il est prêt à discuter et que son gouvernement
fasse son possible pour essayer de régler les problèmes que ces
peuples ont. Premièrement, il y a eu des discussions avant; par exemple,
j'avais commencé des discussions, avec les Mohawks de Caughnawaga, sur
des droits spécifiques basés sur les droits traditionnels. Est-ce
que le premier ministre est prêt au moins à instituer un
mécanisme formel? Des discussions avec les différents
ministères, du gouvernement cela a toujours eu lieu, mais cela n'a
mené à rien jusqu'à ce qu'il y ait eu une reconnaissance
des droits. Dans la baie James et dans le Nord du Québec, la
reconnaissance a eu lieu par la Convention de la baie James. Depuis ce
temps-là, je crois que les relations se sont améliorées et
qu'il y a de bonnes relations entre ces peuples et le reste du
Québec.
Pour ceux du sud de la baie James, est-ce que le premier ministre est
prêt à instituer un mécanisme formel, un cadre de
discussion acceptable aux Indiens pour commencer des discussions et des
négociations sur leurs droits traditionnels?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non seulement la réponse est
oui, M. le Président, mais je ferai remarquer au député de
Mont-Royal que nos amis d'en face n'ont jamais été
préoccupés par tout ce qui était au sud de la baie James,
et je ne les en blâme pas. Mais, pour la première fois, justement,
des discussions et des rencontres assez régulières ont
été instituées à partir de SAGMAI, par exemple,
avec le chef Delisle et ses amis de Caughnawaga et avec d'autres. J'ai
parlé avec les gens de l'Ontario pour essayer de régler le
problème des environs de la réserve de Saint-Régis
on sait de quoi il s'agit et cela traîne dans le paysage depuis
des générations. On va essayer le mieux
possible, dans les mois qui viennent mais il faut commencer par
essayer d'approfondir les dossiers ensemble d'arriver à des
solutions dans le genre de celle qu'évoque le député de
Mont-Royal.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Puisque vous avez mentionné les gens de
Caughnawaga. une des préoccupations qu'ils ont, c'est la loi 101. Ce
n'est pas leur faute si les circonstances historiques se sont produites de la
façon qu'elles sont arrivées. Est-ce que le premier ministre peut
nous assurer que le gouvernement va modifier cette ioi afin de répondre
aux besoins immédiats de ces peuples?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): On n'est pas prêts à
modifier la loi à cause de cela, mais on est prêts probablement
à trouver de façon administrative, et c est déjà
commencé, des accommodements qui satisferont justement à cette
personnalité traditionnelle de nos amis de Caughnawaga. (10 h 30)
Le Président: M. le député d'Outremont.
Besoin d'investissements
M. Raynauld: Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et
du commerce. Il y a quelques semaines le ministre, d'après une coupure
de journal, aurait déclaré que le Québec avait besoin d'un
plan d'investissements de $1 milliard. Comme le rapport dans le journal n'est
pas clair, je voudrais lui demander des précisions. De quoi a-t-il voulu
parler exactement par cette référence à $1 milliard?
Est-ce qu'il s'agit d'une mauvaise interprétation ou s'agit-il de
l'annonce d'un autre plan de relance appréhendé?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
commerce.
M. Tremblay: Je voudrais calmer les craintes du
député d'Outremont. Il n'y a rien d'appréhendé. Il
s'agit d'une réalité. J'ai fait allusion au fait que, depuis 30
ans, les investissements manufacturiers au Québec, par habitant, ont
été systématiquement inférieurs à ceux de
l'Ontario par habitant et que même pour une seule année,
l'année 1977, qui était une année pratiquement normale, le
taux d'investissement par habitant au plan manufacturier, au Québec,
était de $293 alors qu'il a été de $390 pour
l'Ontario.
Si nous avions voulu avoir un niveau d'investissements manufacturiers
comparable par habitant à celui de l'Ontario, il nous aurait fallu $1
200 000 000 de plus d'investissements. De là la nécessité
dans les années à venir d'avoir une relance de
l'industrialisation au Québec, la reprise en main de nos affaires au
plan économique et, par conséquent, une canalisation plus
importante de nos épargnes vers le développement industriel. J'ai
fait allusion à un problème; nous allons voir comment un
gouvernement provincial peut y faire face. C'est un problème qui existe
au moins depuis trente ans, depuis que nous avons des statistiques. Ce n'est
donc pas un problème appréhendé ou des solutions
appréhendées, il sagit d'un vrai problème. Nous sommes
présentement à I étudier très attentivement.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Je constate que le problème n est pas
appréhendé; cela, je le savais. Ce sont les solutions qui nous
intéressent, quand un ministre fait une déclaration disant qu'il
faut corriger une situation. Est-ce que, dans cette conférence, le
ministre a proposé quelque chose; Est-ce que le ministre a reconnu que
le gouvernement allait proposer quelque chose? C'est dans ce sens que j'ai
pensé qu'il s'agissait d'un autre plan de relance. On ne fait pas des
constatations pour le plaisir de les faire.
Le Président: M. le député d'Outremont, s'il
vous plaît!
M. Raynauld: Est-ce qu'il existe à l'heure actuelle un
autre plan que celui de son collègue au développement
économique, qui serait un peu plus que des études, encore des
études et des coordonnateurs d'études?
Le Président: M. le ministre de I Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: Le député d'Outremont devrait savoir
qu'en matière économique bien poser le problème, c'est 50%
de la solution.
Des Voix: Ah, ah, ah!
M. Tremblay: Les libéraux ont été au pouvoir
pendant seize ans, l'Union Nationale pendant quatre ans et on a
hérité de la situation que nous avons, une
sous-industrialisation. Je vais vous donner une partie de la solution. Quand
les compagnies de la couronne fédérale, il y en a 320, ne font
que 14% de leurs dépenses au Québec, quand le gouvernement
fédéral ne fait que 16% de ses dépenses créatrices
d'emplois, c'est une autre partie du problème que vous avez
créé dans les années passées.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: On a eu droit au couplet sur le
fédéral, sur I héritage du gouvernement
libéral.
Une Voix: Arrêtez donc là.
M. Raynauld: Est-ce que le ministre n'a pas fait de la
propagande, là? Au lieu de répondre aux questions, il fait de la
propagande et nous n'avons pas le droit de le faire!
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: II y a déjà un projet de loi qui est
devant cette Assemblée nationale.
Le Président: ... pourriez-vous laisser le
député d Outremont formuler sa question? M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: J'ai demandé au ministre s'il avait
effectivement un plan à proposer à cette Chambre. On n'est pas
ici pour s'amuser; on est ici pour essayer de faire quelque chose. Il constate
qu'il y a des choses qui vont mal; est-ce qu'il apporte des solutions? C'est ce
que j'ai posé comme question.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: II y a un projet de loi devant l'Assemblée
nationale, soit le projet de loi no 108, qui fait passer le capital-actions de
la Société générale de financement de $140 millions
à $200 millions, dont $52 millions vont servir à de nouveaux
projets industriels au Québec. C'est une partie de la solution; attendez
les mois à venir et vous allez voir qu'il y en aura d'autres.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
Aide aux familles monoparentales
M. Biron: Ma question s'adresse au ministre des Finances. Elle
aurait pu s'adresser au ministre des Affaires sociales, mais étant
donné qu'il n'est pas ici je parlerai au ministre des Finances. Elle
veut corriger une situation que vit une importante proportion des familles
monoparentales au Québec et qui entraîne des
déboursés de quelques centaines de millions de dollars pour les
contribuables du Québec. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a au
Québec environ 160 000 familles monoparentales; 90% à peu
près sont dirigées par des femmes et là-dessus 60%, soit
80 000 familles apparemment, doivent avoir recours à l'aide sociale
parce que l'ex-conjoint refuse ou néglige d'acquitter la pension
alimentaire décrétée par la cour, obligeant ainsi la femme
à de nouveaux frais judiciaires, à ressasser de nouvelles
querelles ou finalement avoir recours à l'aide sociale.
La question que je veux poser au ministre est la suivante.
D'après un rapport que le gouvernement a en main, le coût de cette
aide sociale, pour les 80 000 familles monoparentales dirigées par des
femmes qui reçoivent de l'aide sociale à l'heure actuelle, est de
plus de $200 millions, montant qui devrait normalement être payé
par les ex-conjoints d'après la cour. Le gouvernement envisage-t-il des
moyens de récupérer ces sommes d'argent énormes de plus de
$200 millions cette année, et ainsi de suite chaque année? Tout
en récupérant cet argent, il faudrait assurer une certaine
sécurité aux femmes qui sont aux prises avec ce
problème.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, comme aucun de mes deux
collègues, le ministre d'Etat au développement social et le
ministre des Affaires sociales, n'est ici, vous comprendrez que je n'ai,
comment dire, pas de précisions aussi grandes, sur le plan des chiffres,
que ce qu'il me faudrait pour répondre adéquatement à la
question du chef de I Union Nationale. Je ne peux pas dire vraiment il
faudrait vérifier quelle proportion des 80 000 familles
monoparentales qui se trouveraient sur le bien-être social sont sur le
bien-être social parce que des pensions alimentaires ne sont pas
payées. Si bien que je ne peux pas vraiment confirmer le montant dont le
chef de l'Union Nationale a parlé. Il faudrait établir la
distinction entre les cas de foyers monoparentaux où il y a eu divorce,
où les allocations alimentaires ne sont pas payées et les autres
cas. Je transmettrai à mes collègues l'avis de façon que
si les statistiques sont disponibles on puisse établir la distinction
entre les deux groupes.
Pour ce qui a trait aux mesures qui pourraient être prises dans
les cas que souligne le chef de l'Union Nationale, il y a, évidemment,
dans le milieu, beaucoup de discussions à ce sujet. En tout cas, je sais
qu'il y a des groupes qui, à un moment donné, ont
suggéré que le gouvernement se substitue dans le paiement des
pensions alimentaires et cherche ensuite à les récupérer,
par exemple, par I'impôt sur le revenu. Cela a été beaucoup
discuté dans certains segments du public. Il n'y a pas, cependant,
à cet égard, à l'heure actuelle, pour ce qui me concerne,
de projets spécifiques.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
Mme Payette: M. le Président, en complément de
réponse.
Le Président: Un moment, s'il vous plaît, M. le
député de Nicolet-Yamaska, Mme le ministre voudrait apporter un
complément de réponse.
Mme Payette: En complément de réponse, si on me le
permet, je suis informée que le ministre de la Justice a actuellement
une étude en cours sur le sujet des pensions alimentaires.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je suis bien content d'avoir cette information parce
que je voulais également poser une question au ministre de la Justice
qui est absent ce matin. Je la poserai au premier ministre qui est sans doute
au courant de ce dossier. Nous avons appris que le gouvernement envisageait,
à la suite de ce rapport, de créer une caisse de recouvrement des
pensions alimentaires. Le premier ministre pourrait-il nous confirmer que les
études à ce sujet sont terminées et qu'un rapport
ministériel a été déposé pour donner suite
à une suggestion en ce sens qui avait été formulée
par le
juge en chef de la Cour supérieure, le juge Jules
Deschênes, suggestion qui avait été reprise à
l'occasion du colloque Justice et famille il y a quelques années, afin
de créer une caisse de recouvrement des pensions alimentaires?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non. Je vais très
brièvement me contenter de dire que les études ne sont pas
terminées mais qu'elles suivent leur cours. Je demanderais au
député, s'il le veut bien, de poser de nouveau sa question la
semaine prochaine. Le ministre de la Justice de même que le ministre des
Affaires intergouvernementales sont à Toronto pour des sujets
très importants à discuter là-bas, hier et aujourd'hui et
peut-être demain. Mais dès le début de la semaine, le
ministre de la Justice sera là et pourra donner un rapport beaucoup plus
détaillé au député et à tous les membres de
la Chambre.
Le Président: M. le député de Charlevoix.
M. Grenier: Une question additionnelle.
Le Président: Sur une question additionnelle, M. le
député de Mégantic-Compton. (10 h 40)
M. Grenier: On sait que le ministre des Affaires sociales est
occupé à recevoir individuellement les groupes qu'on lui demande
de recevoir en commission parlementaire; je sais que le superministre est ici.
Je lui ai demandé de rentrer, on avait des questions additionnelles dans
les affaires sociales. Il y a deux grosses lois importantes qui sont devant la
Chambre. Même le député délégué n'est
pas là...
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton, je regrette. M. le chef de l'Union Nationale,
dernière question additionnelle.
M. Biron: Une question additionnelle au ministre des Finances.
Est-ce que le ministre des Finances peut prendre l'engagement aujourd'hui de
vérifier les montants exacts qui sont payés par le gouvernement
du Québec, c'est-à-dire par les contribuables du Québec,
pour remplacer les pensions alimentaires qui devraient être payées
par les ex-conjoints qui disparaissent à quelque part dans la brume?
Finalement ce sont les contribuables qui doivent les remplacer. Est-ce que le
ministre peut nous assurer de vérifier ces montants qui sont
payés à l'heure actuelle par le gouvernement du
Québec?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, très volontiers, je
vais transmettre le message au ministre des Affaires sociales, parce
qu'évidemment c'est l'ordinateur qui... Il est là, bon! enfin, je
m'excuse, il vient d'entrer. Il va donner la réponse à ma
place.
M. Couture: Continuez, continuez!
M. Parizeau: Je transmettrai donc à mon collègue
qui vient d'entrer et qui est derrière moi la demande du chef de l'Union
Nationale. Dans la mesure où l'ordinateur au ministère des
Affaires sociales est capable d'établir ce type de distinction, on le
fournira volontiers.
Le Président: M. le député de
Charlevoix.
M. Bellemare: Non, question additionnelle, ils sont
arrivés; ils n'y étaient pas, ils viennent d'entrer.
Le Président: Je vous reconnais tout à l'heure, M.
le député de Mégantic-Compton. M. le député
de Charlevoix.
M. Bellemare: C'est une additionnelle.
M. Mailloux: M. le Président, il n'était pas
question...
Le Président: M. le député de
Charlevoix.
M. Grenier: Ils prennent l'habitude de rentrer en retard, mais
j'ai des questions à leur poser.
Le Président: M. le député de
Charlevoix.
Grève à la Donohue de Clermont
M. Mailloux: M. le Président, je voudrais poser une
question au ministre du Travail...
Une Voix: En catimini.
M. Mailloux: ... que j'ai prévenu du sujet. Depuis
au-delà de deux mois dure une grève à la compagnie
Donohue, de Clermont, grève qui a été qualifiée par
plusieurs de pattern pour l'ensemble des conventions de travail qui devraient
être signées dans les pâtes et papiers de l'Est du
Québec. M. le ministre du Travail sait qu'il y a quelques jours à
Port-Alfred, à la Consolidated-Bathurst, il y a eu une offre par la
Consol qui a été entérinée par une large partie du
syndicat de l'endroit, CSN également. Je suis valablement informé
que lundi une proposition faite par le Kruger à un syndicat CSN,
à Brompton, serait possiblement acceptée. Le ministre a
été informé de la question que je voulais poser.
Premièrement, entre l'offre faite par Donohue à son syndicat CSN
et la convention que vient d'accepter le syndicat CSN de Port-Alfred, a-t-il
pu, avec M. Blain et ses officiers, vérifier si la différence est
tellement minime entre les deux? Est-ce que le ministre me dirait s'il croit,
devant le résultat obtenu à Port-Alfred, qu'il serait temps que
le gouvernement invite les deux parties à faire en sorte que cesse une
grève que tous les maires de Charlevoix ont qualifiée dans des
termes que le premier ministre et, je pense, tout le cabinet connaissent
maintenant et qui est dramatique pour Charlevoix?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Johnson: M. le Président, il est vrai que le
député m'a donné avis de cette question hier. J'ai eu
l'occasion d'en discuter avec le sous-ministre adjoint, M. Blain. La situation
est sensiblement celle que le député décrit. Il y a le
groupe de Domtar, à Donnacona, où il y a un syndicat CSN. Il y a
le groupe de Consolidated-Bathurst, où il y a également ce
même syndicat CSN, et il y a finalement ce groupe dans son comté
de Charlevoix, à Clermont. L'offre qui a été
acceptée dans le cas de la Consolidated-Bathurst est effectivement
légèrement supérieure à ce que Donohue offre de son
côté au syndicat CSN à Clermont.
Cependant, l'écart entre les deux, en termes relatifs,
réside non seulement dans un montant qui n'est pas très
élevé, mais surtout dans une notion d'intégration ou
d'absence d'intégration, la CSN demandant, dans le cas de la Donohue,
l'intégration de certains montants aux salaires dans une formule
d'indexation assez complexe. Ce qui a été accepté,
cependant, à la Consol est un montant qui est relativement plus
élevé que ce qui est offert à la Donohue, mais qui n'est
pas intégré aux salaires. Donc, pour les fins d'indexation, c'est
une formule d'indexation qui est différente.
Cependant, j'ai quand même confiance que les
développements, dans le cas de la Consol, devraient sans doute activer
considérablement le dossier de la Donohue. Les derniers rapports du
bureau du sous-ministre en date de ce matin, 10 heures, indiquent qu'on est
peut-être plus près d'une solution qu'on ne l'a jamais
été dans ce dossier.
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
Conflit chez les placiers du Colisée de
Québec
M. Goulet: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
également à l'honorable ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. Je demande au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'il
est conscient que le conflit des placiers du Colisée de Québec
ressemble étrangement à celui de la Commonwealth Plywood. Que ce
soit dans les différentes demandes d'accréditation, les demandes
de désaffiliation, la lenteur des négociations, les
requêtes en mandamus, les injonctions, tout est semblable à ce qui
s'est passé à la Commonwealth Plywood. Je demande donc au
ministre s'il est conscient que ce conflit, déjà pourri, risque
de tourner au moisi, et ce très prochainement. Dans un deuxième
temps, M. le Président, je demande au ministre ce qui l'empêche
d'intervenir personnellement dans ce conflit et ce qui l'empêche
d'intervenir immédiatement.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, quant à la
deuxième question du député de Bellechasse, c'est la
réponse habituelle. Quant à la première question, je pense
qu'il ne faudrait quand même pas se mettre à grimper dans les
tentures et comparer ce qui se passe au Colisée de Québec
à ce qui s'est passé à la Commonwealth Plywood. Je
comprends que cela ferait peut-être l'affaire du député
parce que cela lui ferait un fleuron de plus à la période des
questions, mais ce n'est pas le cas.
Il y a cependant, en ce moment, des ligites devant les tribunaux qui
touchent cette question des placiers du Colisée de Québec. Pour
des renseignements additionnels et précis, je me permets de prendre avis
de la question et je pourrai fournir une réponse plus précise au
député de Bellechasse.
M. Bellemare: Une question supplémentaire, M. le
Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: C'est une grève qui dure depuis avril 1978,
qui est en train de produire les mêmes effets qui devront avoir les
mêmes remèdes que ceux que le ministre a donnés à la
Commonwealth Plywood. Mais c'est la première fois qu'un juge se prononce
contre un ministre publiquement, du haut de son tribunal. Il dit ceci: "II faut
mettre un frein au plus tôt au conflit déjà trop long. Il
faut trouver les moyens pour que le public soit en sécurité au
Colisée de Québec". Il vous parle. Il ne me parle pas, il vous
parle. Le ministre ne bouge pas. C'est cela que je veux savoir du ministre.
M. Johnson: M. le Président...
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: ... sur ce que j'ai cru percevoir être une
question de la part du député de Johnson, d'abord, je lui ferai
remarquer que ce jugement s'adresse aux parties étant donné que
celui qui vous parle a été mis en cause devant le tribunal et que
le juge, initialement, a décidé que le ministre ne devait
même pas être l'objet dans le litige. Il s'adresse donc aux
parties. Il faudrait peut-être se comprendre là-dessus. C'est un
peu facile de citer des phrases comme cela et de lancer le genre de
commentaires que le député de Johnson vient de faire.
Deuxièmement...
M. Bellemare: Vous avez fait cela dans le cas de la Commonwealth
Plywood et vous n'avez pas voulu écouter.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bellemare: II a fallu, mon cher monsieur, insister et
revenir...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bellemare: ...pour que vous puissiez vous décider.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bellemare: C'est quand vous vous êtes
décidé que cela a fonctionné.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, j'ai précisé
tout à l'heure que j'irai aux renseignements. Cela me fera plaisir de
faire parvenir tout le dossier au député de Johnson et au
député de Bellechasse. Notre ministère suit ce conflit
depuis qu'il existe. On sait qu'en cours de route il y a des problèmes
d'interprétation du Code du travail comme cela arrive à
l'occasion. Mais en même temps, il y a eu dans ce dossier
également une clarification très précise sur la notion du
dépôt de convention collective.
Le Président: M. le député de Vanier.
Politique fédérale en matière de
transports
M. Bertrand: M. le Président, ma question sera très
brève. Le ministre fédéral de la Justice, M. Marc Lalonde,
voulant mieux nous faire comprendre le Canada, a déposé hier un
document intitulé "Les transports, un lien unificateur ",
alléguant que le bilan des dépenses du gouvernement
fédéral, dans le domaine des transports au Québec, est
loin d'être négatif aujourd'hui...
Le ministre des Transports du Québec est-il disposé,
aujourd'hui, à se réjouir du bilan positif dressé par le
gouvernement fédéral? (10 h 50)
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Lavoie: Nous savons son opinion.
Une Voix: Un instant! Vous prenez assez votre temps.
M. Lessard: M. le Président, il serait certainement trop
long de dénoncer les politiques négatives du gouvernement
fédéral dans le secteur du transport. S'il est un secteur
où le Québec a été défavorisé, c'est
bien le secteur du transport. Je voudrais donner quelques chiffres qui ne sont
pas expliqués dans le document dont j'ai pris connaissance ce matin.
Comment expliquer, par exemple, que le Québec n'ait reçu que
17,7% des dépenses fédérales dans la voirie?
M. Lavoie: Question de règlement, M. le
Président.
Des Voix: A l'ordre.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle, sur votre question de règlement.
M. Lavoie: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle, vous avez la parole.
M. Lavoie: Sur la question de règlement, est-ce que je
pourrais vous faire remarquer qu'à mon humble avis, M. le
Président, cette question, en premier lieu, n'était pas recevable
pour la simple raison que c'est une opinion qu'on demande au ministre et qu'il
est établi, depuis une très longue tradition, que la
période des questions est pour obtenir des renseignements et non pas,
par une question plantée de la part d'un député
ministériel, pour passer le message et la cassette des ministres?
En terminant, je voudrais vous dire, sur cette question de
règlement, que la question n'était pas recevable, pas plus que la
réponse, M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle, je crois qu'en la matière et, là-dessus, je
fais appel à la tradition parlementaire propre au Parlement
québécois, d'ailleurs on a toujours admis une certaine
largesse dans la formulation des questions. Je crois que les membres de la
majorité, qui n'ont pas les mêmes privilèges que les autres
en ce qui concerne le nombre des questions, peuvent à I occasion poser
une question à un ministre qui, si je ne m'abuse, était en train
de fournir des renseignements. Je ne voudrais pas qu'il prolonge
indûment, mais je crois que je me conforme à toute la tradition
parlementaire québécoise en permettant au ministre de
répondre, en lui demandant de ne pas être trop long parce que je
voudrais reconnaître d'autres membres de l'Assemblée.
M. Lessard: M. le Président, je n ai pas l'intention de
donner une opinion. J'ai l'intention de donner simplement quelques faits. Je
disais tout à l'heure que le Québec n'a reçu que 17,7% des
dépenses fédérales pour la voirie, soit $420 millions
entre 1952 et 1973. A ce seul titre, le Québec a perdu entre $125
millions et $250 millions en 20 ans. M. Lalonde peut-il expliquer comment il se
fait que nous avons au Québec seulement 12% du réseau ferroviaire
canadien, ce qui en fait la région la moins favorisée de
l'ensemble du Canada?
M. Lavoie: Cela va à votre goût, M. le
Président?
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lessard: Mais ce qui est encore plus grave...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre des Transports, en vous demandant votre
collaboration encore une fois pour abréger, s'il vous
plaît!
M. Lessard: M. le Président, je pense que la question est
claire et la réponse va être claire. Nous subissons actuellement
des politiques discriminatoires de la part du gouvernement
fédéral en ce qui concerne les tarifs ferroviaires, par exemple.
Comment expliquer que le Canadien National cela a des
conséquences importantes sur le plan économique exige
$30.80 pour transporter une tonne de papier fabriqué à
Donna-cona, au Québec, jusqu'à New York, soit sur une distance de
530 milles, alors qu'il en coûte $14.80 pour acheminer une tonne de
papier de Thorold, en Ontario...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre des Transports, j'espère qu'on ne fera pas tout le
tour. Encore une fois, je vous demande de terminer.
M. Lessard: M. le Président, je termine, mais je pourrais
donner de nombreux exemples dans le secteur aérien, dans le secteur
maritime. Simplement au point de vue des tarifs, le Québec a perdu $130
millions en 1975. Le moins qu'on puisse dire ce matin, et je termine, M. le
Président...
M. Lamontagne: II y a une limite à tout. Vous avez une
oreille d'un côté.
M. Lessard: ...c'est que le Québec, plus que toute autre
province du Canada, a perdu considérablement dans le secteur...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je crois qu'il
est important à ce moment-ci de soulever cette question de
règlement. Nous ne voudrions pas, du côté de l'Opposition
et je suis convaincu que c'est le cas, d'après les
réactions qu'on voit, des autres Oppositions qu'il s'agisse ici
d'un précédent qui va passer comme une lettre à la poste.
Je me lève sur cette question de règlement simplement sur un
aspect. Nous avons vu, il y a quelques instants, et je le fais avec la plus
grande sérénité, une question posée qu'on appelle
une question plantée. Nous avons vu le ministre des Transports profiter
de ce qui aurait pu être une déclaration ministérielle pour
utiliser la période des questions au désavantage d'autres
députés qui pourraient utiliser cette période de
façon plus productive dans l'intérêt de la population. Nous
avons vu une réponse qui était beaucoup plus du genre d'une
déclaration ministérielle.
Cela nous aurait permis, et c'est normal, de réagir. Je vais vous
donner simplement un exem- ple. Le ministre des Transports parle du
réseau de voirie, où le gouvernement fédéral a
moins contribué à partir de 1952. Nous aurions eu l'occasion de
dire que le gouvernement du Québec a refusé
catégoriquement, jusqu'en 1960, de participer à cette question de
la route transcanadienne. Nous aurions eu des arguments, nous aurions pu
discuter, c'était justement dans la nature d'un débat qui se
serait ouvert. M. le Président, pour être bien court et ne pas
permettre à ces honorables messieurs de continuer d'essayer
d'interrompre par leurs cris, je voudrais, toujours avec la même
sérénité, rappeler que nous allons nous opposer à
ce genre de question et particulièrement à ce genre de
réponse à l'avenir. Nous ne voudrions pas considérer cet
événement comme un précédent.
Le Président: Mme le député de L'Acadie.
Demande de report du projet de loi no 103
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales. On se souviendra que dans cette Chambre, il y a
maintenant huit jours, je faisais une motion pour que le projet de loi no 103
soit reporté pour faire entendre les personnes qui étaient
intéressées, compte tenu des implications très grandes de
ce projet de loi. Le ministre a dû prendre connaissance, comme je l'ai
fait moi-même ce matin, de communiqués qui viennent de
l'Association des centres de services sociaux du Québec, l'Association
des centres hospitaliers du Québec, etc. Il y a une foule d'organismes,
je n'en ferai pas la liste ici, qui demandent que le projet de loi soit
reporté. Je voudrais demander au ministre des Affaires sociales si c'est
son intention que ce projet de loi soit reporté au début de l'an
prochain tel que réclamé par un grand nombre d'organismes pour
que finalement on puisse sanctionner le meilleur projet de loi possible dans
l'intérêt de la population.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: M. le Président, ce projet de loi, nous
continuons à le considérer comme contenant des modifications
relativement modestes. Sur les 56 articles du projet de loi, il y en a deux ou
trois qui suscitent une opposition de la part de certains groupements. (11
heures)
Je rappelle cependant qu'il y a des groupements qui ont, au début
de cette semaine-ci, soit lundi à Montréal, au moment d'une
conférence de presse, appuyé le projet de loi no 103:
L'Association des conseils de médecins et dentistes du Québec,
association qui regroupe tous les médecins et dentistes oeuvrant en
milieu hospitalier, ce qui veut dire plusieurs milliers de médecins;
aussi la Fédération des médecins spécialistes, tout
le monde a pu voir dans les journaux de mardi l'appui de la
Fédération des médecins spécialistes.
II y a aussi un télégramme que j'ai reçu ce matin,
qui n'est pas mentionné par le député de L'Acadie, le
télégramme de l'Association des conseils régionaux de
services de santé et de services sociaux. Ce télégramme
dit que l'Association des CRSSS appuie le projet de loi no 103, à
l'exception de l'article 1. L'article 1, le député de L'Acadie le
sait, nous avons dit hier que nous étions prêts à le
retrancher et nous l'avons retranché. Donc, ayant retranché
l'article 1, l'ensemble des conseils régionaux de tout le Québec
appuie notre projet no 103.
Il y a un article important qui suscite, de l'inquiétude de la
part des associations d'établissements ou plutôt centres
d'accueil, c'est l'article qui concerne la possibilité de
procéder, par le lieutenant-gouverneur en conseil, après
consultation des CRSSS et publication dans la Gazette officielle, de
procéder à une fusion obligatoire. Nous sommes à
étudier de façon très intense la possibilité soit
de modifier ou de retrancher cet article. A notre avis, après les
consultations que nous avons eues ce matin, c'est vraiment le seul article qui
inquiète certains établissements.
En résumé, M. le Président, nous sommes prêts
à apporter des modifications sérieuses au projet de loi no 103,
comme nous l'avons fait au projet de loi no 84, lequel projet rallie maintenant
la plupart des intervenants.
Le Président: Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais attirer
l'attention du premier ministre sur ce projet de loi pour ne pas que, dans
trois semaines ou dans un mois, il puisse dire: Je n'étais pas au
courant. Le ministre des Affaires sociales présentement affirme que tout
ce beau monde est d'accord avec lui. N'oubliez pas que, dans sa
réplique, il nous a répondu que l'Association des hôpitaux
du Québec était d'accord avec lui. C'est justement l'Association
des hôpitaux du Québec qui veut rencontrer le ministre et lui
demander que ce projet soit reporté au printemps.
M. Lazure: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales, sur
votre question de privilège.
M. Lazure: Sur une question de privilège, je veux
rétablir les faits, parce que le député de L'Acadie est en
train d'induire la Chambre en erreur. Au cours du débat sur le projet de
loi no 103, j'ai évoqué l'appui de l'Association des
hôpitaux du Québec concernant un point particulier, à
savoir cet effort que nous voulons faire de réduire, dans certains cas,
les effectifs médicaux dans certains grands hôpitaux des grandes
villes. J'ai dit, à ce moment, que nous avions l'appui de l'Association
des hôpitaux, sur le deuxième point aussi, la fusion de conseils
d'administration, le regroupement de conseils d'administration des 1500
établissements du réseau des affaires socia- les. Mais j'ai
ajouté, dans le cas des fusions, que l'association s'opposait à
la fusion obligatoire, comme d'autres associations s'y opposent. Je n'ai jamais
dit, M. le Président, que l'association appuyait aveuglément tout
notre projet de loi.
Le Président: Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si vous
me permettez à mon tour de soulever une question de privilège.
Tant dans sa réplique à la motion que j'avais faite que dans sa
réplique au discours de deuxième lecture, le ministre nous disait
que le groupement le plus intéressé à cette affaire, il le
répétait, était le groupe des hôpitaux, que le
groupe des hôpitaux avait été consulté et qu'il
était d'accord. Ceci est fortement en contradiction avec le
télégramme ou le telbec qui vient d'être communiqué
par l'Association des hôpitaux du Québec. Je n'ai pas le temps, je
le réalise, M. le Président, de vous énumérer toute
la liste. Il v a deux groupes: d'un côté des institutions, et il y
a aussi de l'autre côté des médecins, qui font des
objections parce qu'il y a plusieurs principes en jeu.
Est-ce l'intention du ministre que tous les principes qui font l'objet
de discussions, tant du côté des associations médicales
la Fédération des omnipraticiens, la
Fédération des résidents et internes du Québec, la
Fédération des étudiants en médecine du
Québec qui font objection à l'article 12, que du
côté des associations qui font objection à l'article 28,
tous ces articles qui sont contentieux il va les enlever? On pourrait alors
peut-être se rallier à lui. Mais à ce moment-ci, il n'a
aboli que le premier article, et le projet reste total, et tant qu'on n'a pas
d'autres indications, je pense qu'il faut continuer d'insister pour que le
projet de loi soit reporté et que les gens puissent être entendus
en commission parlementaire.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: En ce qui concerne l'article 12, qui touche surtout
les médecins, je répète encore une fois, puisque le
député de L'Acadie y revient, insinuant que tous les
médecins s'opposent à ce projet de loi, que ce n'est pas le cas.
La Fédération des médecins spécialistes, lundi,
à Montréal, publiquement, a dit qu'elle appuyait le projet de
loi. L'Association des conseils des médecins et dentistes a dit qu'elle
appuyait le projet de loi no 103. J ajoute que nous avons l'intention...
M. Shaw: M. le Président, question de
privilège.
M. Lazure: ... d'apporter une modification à l'article 12
qui répond aux voeux de l'ensemble du corps médical. Nous les
avons tous rencontrés et il ne reste que l'article litigieux concernant
les fusions obligatoires.
M. Shaw: Question de privilège, M. le
Président.
M. Lazure: Nous sommes prêts à l'amender
sérieusement.
Le Président: M. le député de Pointe-Claire,
s'agit-il d'un privilège...
M. Shaw: The minister of Social Affairs has suggested that the
Association of physicians and dentists of the province of Québec have
supported his bill. On Monday night, when the press conference was given, the
association gave its support of remarks without having consulted its member
bodies who have not even met concerning the subject as yet.
Des Voix: Ce n'est pas une question de privilège.
Le Président: C'est un privilège de dentiste
beaucoup plus qu'un privilège de député, M. le
député de Pointe-Claire.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Une question additionnelle au ministre des Affaires
sociales. J'aimerais savoir du ministre s'il accepterait... Bien sûr,
dans le projet de loi no 103, les personnes qu'il nomme ne sont à peu
près pas touchées par la loi 103, mais l'Association des
hôpitaux aimerait être entendue sur le plan de redressement, par
exemple, l'ACAQ, i'Association des centres d'accueil du Québec, aimerait
être entendue sur l'intégration des lits. On sait que d'autres
groupements ont demandé à être entendus; j'aimerais savoir
du ministre s'il accepterait qu'on entende ces groupements en commission
parlementaire, brièvement, répartis sur une journée, si
c'est possible, ou sur une demi-journée. Je sais qu'il a fait preuve de
souplesse hier, au cours de la journée, mais il reste des articles qui
sont fort contentieux et on n'est pas prêt à les laisser passer
ainsi.
L'Association des hôpitaux privés a certainement dû
être vue au cours de la soirée, au cours de la nuit ou ce matin,
mais pendant ce temps-là on ne connaît pas l'information. Il y a
trois catégories très distinctes qui s'opposent à
l'adoption de cette loi. Ce sont des groupes directement touchés par la
loi. J'aimerais savoir du ministre s'il accepterait qu'on les rencontre avec
les partis de l'Opposition.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: Encore une fois, nous devons répéter
qu'il n'est pas possible, pour chaque projet de loi, de mettre sur pied une
commission parlementaire. Je dois répéter aussi qu'il n'est pas
absolument nécessaire de consulter seulement par le biais d'une
commission parlementaire. Il ne faut pas que la commission parlementaire
devienne l'outil exclusif de consultation, cela n'a pas d'allure. Nous avons
consulté des groupements depuis le mois de juin sur ce projet. Nous
avons une rencontre à midi avec l'Association des hôpi- taux du
Québec; à 13 h 30 exactement, je rencontre l'AHPQ. Je suis
prêt à rencontrer, comme je l'ai fait hier avec les
étudiants en médecine, avant-hier avec la
Fédération des omnipraticiens, au jour le jour, tous les
groupements qui voudront bien me rencontrer.
Je ferai remarquer à cette Chambre que, jusqu'à quelques
jours, nous n'avions reçu aucune demande d'audience en commission
parlementaire de tous ces groupements. C'est depuis le débat en Chambre
de mardi dernier, depuis la motion de report du député de
L'Acadie, que tout à coup, subitement, nous avons une escalade de
demandes de commissions parlementaires.
Le Président: Fin de la période des questions.
M. Levesque (Bonaventure): J'aurais une question à poser
au ministre des Affaires sociales.
Des Voix: C'est fini, c'est fini!
M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas sur le fond, M. le
Président, c'est simplement une précision. Je pense que cela est
assez important. Le premier ministre a même été mis en
cause là-dedans dans le sens qu'il aurait dû être
informé davantage. Est-ce que le ministre des Affaires sociales croit
qu'il est normal, dans le cas du projet de loi no 103, par exemple, qu'une fois
qu'un projet de loi est déposé, étudié en
deuxième lecture, déféré à une commission
parlementaire, dans le cas présent à la commission parlementaire
des affaires sociales, d'enlever la consultation à la commission
parlementaire pour en faire une consultation personnelle?
Pourquoi les membres de la commission parlementaire ne pourraient-ils
pas participer à cette consultation, à ce stade de l'étude
d'un projet de loi?
M. Charron: C'est moi qui vais répondre à cette
question, M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.
(11 h 10)
M. Charron: Je vais répondre à la question:
D'abord, le député de Bonaventure sait que ce n'est pas possible
à chaque occasion. D'autre part, ceux dont on parle très
précisément sont des organismes professionnels constitués
depuis plusieurs années, qui ont pris non seulement le tour, mais la
façon très intelligente de faire connaître leur position
qui occupe une large place dans les media d'information chaque fois qu'ils
s'expriment. Ils connaissent le chemin de ce parlement depuis des
années, ils connaissent le chemin des bureaux des députés
de l'Opposition pour leur faire entendre également leur opinion,
n'importe quand. Ils sont dans nos murs; le député de L'Acadie
peut les rencontrer à l'heure du dîner si elle le veut, le
député de Mégantic-Compton aussi. Dans ce sens, il s'agit
d'un projet de loi qui n'est pas de portée générale, mais
qui concerne des
organismes particuliers qui, eux, sont écoutés,
s'expriment clairement et peuvent rencontrer les députés
n'importe quand.
M. Lazure: M. le Président, s'il vous plaît, pour
compléter la réponse du leader.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: Je pense que la mini-commission parlementaire d'une
journée sur le projet de loi 84 a bien démontré qu'il
n'était pas vraiment nécessaire d'avoir une commission
parlementaire générale sur ce projet de loi. On n'a qu'à
lire l'éditorial du Soleil du lendemain pour se rendre compte qu'il
s'agissait d'un projet de loi avec des réformes administratives
complètement normales. Bien sûr, les groupes professionnels bien
organisés, soit associations d'établissements ou groupes de
médecins, connaissent les façons de se faire entendre, et fort.
L'ensemble des contribuables a très peu ces moyens de se faire entendre.
Dans ces deux projets de loi, nous apportons des améliorations qui non
seulement vont économiser des sous à l'Etat, mais vont
améliorer les services.
Le Président: Motions non annoncées.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Il n'y a pas de vote
en suspens, n'est-ce pas?
M. Tardif: M. le Président, je m'excuse, j'aurais un
complément de réponse à apporter au député
de Notre-Dame-de-Grâce sur la question de l'habitation, avec la
permission de cette Chambre.
Le Président: Y a-t-il consentement? M. Lavoie:
Consentement.
Le Président: II y a consentement.
M. le ministre des Affaires municipales.
Besoin de logements au Québec
M. Tardif: M. le Président, à quelques reprises le
député de Notre-Dame-de-Grâce a posé une question
relativement à un soi-disant engagement du gouvernement de construire
7000 logements, ceci à partir d'une publication du Parti
québécois durant la campagne électorale. J'ai donc voulu,
avant de commenter ceci, retracer la déclaration en question. Je pense
qu'il y aurait lieu, ici, de préciser qu'il s'agit d'une estimation des
besoins en logements pour l'ensemble du Québec et non pas de logements
sociaux à être construits par la Société
d'habitation du Québec. C'est une première distinction
importante. Je m'excuse, M. le Président, je vais lire exactement, ici,
le paragraphe et on pourra apprécier. "Le nombre de ménages
s'accroît annuellement depuis ciq ans de 58 000 par année. Il faut
remplacer les logements démolis (4000 par année, selon le rapport
Le-gault); il faut graduellement augmenter le taux de vacance des logements
locatifs à 4% et, pour y parvenir, 5000 logements supplémentaires
doivent être construits chaque année. Le Québec a donc
besoin, au total, de 67 000 logements par année. (Si on contrôle
sévèrement les démolitions, ce sera un peu moins). Il faut
donc construire 7000 logements de plus que ce qui sera réalisé
cette année."
C'est donc dire que l'on s'appuyait sur une étude du rapport
Legault pour évaluer les besoins en logements. Or, ces besoins furent
établis à partir des tendances historiques des dernières
années qui étaient les suivantes: en 1971 on n ira pas
bien loin en arrière entre les deux recensements, il
s'était bâti 51 700 logements au Québec, de toute nature;
en 1972, 55 000; en 1973, 59 000 j'arrondis en 1974, 51 000; en
1975, 54 000.
Deuxième élément de la réponse, c est que le
nombre de ménages s'accroissait à un rythme tel qu'il fallait,
uniquement pour satisfaire à la demande des nouveaux ménages,
à peu près 7500 logements nouveaux par année. Le taux, en
fait, de formation des ménages familiaux était de 2,8%, et celui
des ménages non familiaux, de 5,9%.
Troisièmement, M. le Président, on démolissait
assez allègrement environ 2400 à 2500 logements par année,
et le taux de vacance, et c'est cela qui est important à noter, le taux
de vacance en 1976 était inférieur à 1%.
Je voudrais juste rappeler que, lorsque nos amis d'en face sont
arrivés au pouvoir en 1970, ce taux de vacance était, dans la
région de Montréal, de 8%. Quand ils sont partis, il était
moins de 1%. M. le Président, qu est-ce qu'il s'est produit depuis 1976?
Un instant! En 1976 il s'est bâti 68 000 logements. Il s'est mis en
chantier 68 000 logements au Québec, c'est-à-dire à peu
près 15 000 de plus que la moyenne des cinq dernières
années; 68 000 mises en chantier. Deuxième
événement, M. le Président, le nombre de ménages,
la formation des ménages a diminué. Le fait est que, pour...
Le Président: M. le ministre, vous donnez un
complément de réponse; je vous demanderais d abréger, s'il
vous plaît!
M. Tardif: Avec votre permission, comme le député
de Notre-Dame-de-Grâce a pris la peine de revenir trois fois sur cette
question, M. le Président, je voudrais donner une réponse
complète.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je dois poser
cette question de privilège à la suite des renseignements que
vient de donner le ministre des Affaires municipales. Il a commencé sa
réponse en disant qu'il y avait eu confusion quant
aux 7000 logements en question, qu'il s'agissait d'un montant global et
non pas d'un montant réservé au logement social. Or, M. le
Président, ceci est complètement contredit par un article du
Devoir du 1er novembre 1976 où, en citant le premier ministre, on disait
ceci: II instaurerait enfin un programme de mise en chantier de 67 000
logements par année, dont 7000 seraient réservés à
l'usage des vieillards et des familles à faible revenu.
M. Scowen: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je voudrais tout simplement souligner, M. le
Président, que j'ai posé trois questions très
précises au ministre et tout ce que je demande ce sont les
réponses à ces trois questions qui sont des questions dont les
réponses sont chiffrables. Le ministre a parlé pendant quelques
minutes et il n'a pas touché aux trois questions.
M. Léger: Ce n'est pas une question de privilège
cela.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Tardif: M. le Président, je disais tantôt que le
taux de formation des ménages non familiaux particulièrement,
où avait été la demande au cours des dernières
années, est évalué présentement à 3,9%,
c'est-à-dire à peu près la moitié de ce qu'il a
été pendant la période de 1971 à 1976.
Troisièmement, M. le Président, on démolit moins. La ville
de Montréal s'est octroyée le pouvoir de contrôler les
démolitions, et d'autres municipalités s'intéressent
également au problème, avec le résultat qu'au moment
où nous nous parlons, le taux de vacance, dans la région de
Montréal notamment, est de l'ordre de 5,5% de logements vacants,
évidemment dans des catégories de logements qui sont parfois plus
exigus que les logements dont ont besoin les familles. M. le Président,
le taux de vacance qui était de moins de 1% en 1976 est maintenant de
l'ordre de 5% dans la région de Montréal. C'est important
à souligner.
La deuxième question posée par le député
touche au nombre de mises en chantier par la Société
d'habitations du Québec. M. le Président, de fait, depuis
novembre 1976, le stock de logements sociaux, cette fois, si on veut parler
uniquement de ceux-là, qui était de 19 745 en 1976, existants, et
d'à peu près 10 300 qui étaient dans le moulin, comme on
dit, est maintenant de 24 449 logements sociaux habitables existants,
c'est-à-dire un accroissement de 4704, et le nombre de ceux qui sont en
voie de réalisation est de 14 027. (11 h 20)
Ceci signifie donc un accroissement, soit des logements
réalisés et habitables, soit des loge- ments déjà
réalisés et habitables, soit des logements mis en oeuvre de 8368,
ce qui est à l'intérieur des paramètres indiqués
dans la déclaration du premier ministre, entre 7000 et 8000. Je n'inclus
pas là-dedans les 962 lits des centres d'accueil qui, pour des fins de
statistique, devraient normalement être aussi comptabilisés au
chapitre de l'habitation sociale. Je vous remercie.
Le Président: Une question, M. le député de
Notre-Da me-de-G race.
M. Scowen: M. le Président, mes questions ont
été soulevées à cause d'un article qui a paru dans
un journal il y a quelques mois qui disait que nous avons aujourd'hui une liste
d'attente de 20 000 personnes âgées pour les HLM. J'ai
été étonné de voir que les réalisations
depuis mai 1978 sont de l'ordre de 700. Alors, nous avons à ce jour une
liste d'attente de 20 ans pour les personnes âgées, pour les
logements que vous avez promis. Alors, les questions que j'ai posées et
auxquelles le ministre n'a pas répondu sont les suivantes: Combien de
logements prévoyez-vous compléter cette année? Quel est le
nombre? Je ne parle pas de la totalité des logements pour les personnes
âgées et les personnes à faible revenu. Je pense que vous
avez répondu à la deuxième question. Vous m'avez dit que
les chiffres que vous m'avez donnés...
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: La troisième question est la suivante: Combien
de logements seront complétés pour ces personnes, l'année
prochaine, en tenant compte du fait que nous avons une liste d'attente de 20
000 personnes?
Le Président: Brièvement, s'il vous plaît, M.
le ministre des Affaires municipales.
M. Tardif: M. le Président, le Conseil des ministres a
autorisé, pour l'année 1978, l'inscription, à la
programmation de la Société d'habitation du Québec, de
6000 logements sociaux. Ces 6000 logements sont en voie de réalisation
et devraient être terminés au cours de l'année 1979, si
bien que l'accroissement du parc immobilier pour l'année 1979 devrait
être de l'ordre de 6000 à 7000 également, ces logements mis
en oeuvre cette année devant être livrés quelque part au
cours de l'année 1979.
Je voudrais uniquement donner un élément de réponse
au député de Notre-Dame-de-Grâce puisque l'an dernier,
à cette époque-ci, on avait fait grand état d'un fameux
montant de $64 millions non utilisé par le Québec et qui
était, pas une subvention incidemment, mais bien un prêt de la
société centrale. M. le Président, au moment où
nous nous parlons, non seulement les $64 millions ont été
entièrement utilisés par le Québec, non seulement les $23
millions additionnels pour l'année 1978 ont été
entièrement utilisés, mais il y a
présentement, devant la Société centrale
d'hypothèques et de logement, des projets pour $46 millions de plus que
ce montant de $64 millions utilisé et les $23 millions utilisés
pour l'année 1978.
Le Président: Affaires du jour. M. Scowen: M. le
Président...
Le Président: Affaires du jour.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Oui.
Le Président: On y reviendra demain, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
Travaux parlementaires
M. Roy: En vertu de l'article 34, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Le projet de loi 110 devait être discuté
hier. On a demandé qu'il soit retardé du fait qu'on avait
demandé au contentieux du ministère de se prononcer.
Une Voix: Au conseil supérieur.
M. Roy: Au conseil supérieur, je m'excuse, au conseil
consultatif; c'est important, les précisions; il faut dire les choses
claires, nettes et précises, surtout quand on travaille tard et qu'on
veille tard le soir. Alors, j'aimerais savoir ce qu'il arrive de ce projet de
loi.
M. Charron: II arrive de ce projet de loi... Le
Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: ... qu'il sera appelé en deuxième
lecture demain dès que la Chambre aura disposé du projet de loi
84 en deuxième lecture.
Le Président: Affaires du jour, M. le leader du
gouvernement.
M. Bellemare: En vertu de l'article 34. Trois projets de loi
apparaissent en appendice dans le feuilleton d'aujourd'hui. Je comprends que le
premier concerne Mme Payette, le député de Dorion et ministre des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Quant
à la Loi concernant l'acquisition d'actions de certaines
sociétés de prêts hypothécaires, on a donné
notre consentement. Il n'y a aucun problème. Mais pour ce qui est des
deux autres projets de loi qui figurent, Loi sur les normes du travail et Loi
sur l'aménagement et l'urbanisme, on n'a pas d'objection qu'ils soient
lus en première lecture. Nous n'avons aucune objection, mais qu'on ne
dépasse pas cela, en vertu de l'article 31 A.
M. Charron: Vous devancez ce qui n'est même pas un
désir que je m'apprête à formuler.
M. le Président, j'ai en effet le plaisir d'annoncer que le
Conseil des ministres est arrivé hier à s'entendre sur la version
finale de ce qui va s'appeler la Loi sur les normes du travail, que nous avons
l'intention de déposer avant l'ajournement, qu'il y aura
vraisemblablement une commission parlementaire sur le sujet entre les deux
sessions et que la loi sera appelée en deuxième lecture lors de
la prochaine session de 1979. La même chose pour la loi au nom de mon
collègue, le ministre d'Etat à l'aménagement.
M. Lavoie: M. le Président, en vertu de l'article 34, j'ai
compris que le leader parlementaire de l'Union Nationale a mentionné
qu'il y avait eu consentement sur le projet de loi au nom de Mme le ministre
des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Mais
quelle sorte de consentement? Pour le dépôt ou pour la
discussion?
M. Charron: Je crois que c'est pour le dépôt et la
discussion.
M. Bellemare: Si c'est au sujet du Crédit foncier, je
n'aurais pas d'objection.
M. Lavoie: Pour le dépôt, il n'y a même aucun
consentement à obtenir. Vous avez le droit de le déposer.
M. Bellemare: M. le Président, pour qu'il soit,
après le 1er décembre, inséré dans notre
législation, il faut le consentement unanime.
M. Lavoie: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Lavoie: Ma question est la suivante. Maintenant qu'il est
déposé en avis, vous avez le droit de le déposer sans
aucun consentement, mais pour qu'il soit adopté avant le 22
décembre, je demande au leader parlementaire du gouvernement s'il a
l'intention de solliciter le consentement des membres de cette Chambre pour
qu'il passe toutes les étapes avant le 22 décembre, ou si vous
avez l'intention d'appliquer l'article 84 du règlement qui est la motion
de suspension de l'application des règles pour voter un projet de loi
dans un cas d'urgence.
M. Charron: J'avais l'intention de vous en parler vers midi mais
ce sera l'un ou l'autre
M. Lavoie: Est-ce que vous auriez une troisième
formule?
M. Charron: Une troisième voie, celle du "1,2, 3 punch"
sur consentement unanime, mais je ne pense pas l'obtenir.
M. Roy: M. le Président.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Le leader du gouvernement a parlé de consentement
ou de l'autre formule, soit la suspension des règles. Il a parlé
de consultation à midi. C'est un projet de loi extrêmement
important. Il ne faudra pas qu'il oublie que s'il veut avoir le consentement
et le consentement devra être unanime de l'Assemblée
nationale, il ne devra pas se limiter à consulter uniquement
l'Opposition officielle. Il y en a d'autres en cette Chambre qui ont
également leur mot à dire.
M. Charron: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Je ne frémis pas à ce que vient de dire
le député de Beauce-Sud. Je ne l'avais pas oublié.
M. Roy: C'est important.
M. Charron: J'ai même l'intention, pendant que le
député de Beauce-Sud sera en commission parlementaire tout
à l'heure, de lui demander d'en sortir pour quelques minutes à ce
sujet, ainsi qu'au député de Rouyn-Noranda ou, alors, que nous
nous entendions pour faire pareille réunion au moment où les
commissions auront achevé leur travail. Je pense que ce sera encore plus
raisonnable.
M. Lavoie: J'aperçois le député de
Pointe-Claire, en arrière. Ne l'oubliez pas.
M. Charron: Non, je ne l'oublie pas.
M. Bellemare: M. le Président, cela prouve que ma question
en vertu de l'article 34 est valide, parce qu'en vertu de l'article 84, tel
qu'on l'a suggéré, il faut que la loi soit distribuée en
même temps qu'on va l'appeler.
M. Charron: M. le Président.
Le Président: Nous en sommes aux affaires du jour.
M. Charron: M. le Président, le menu de la Chambre,
aujourd'hui, sont les lois fiscales au nom de M. le ministre des Finances et la
loi 114 au nom du ministre du Travail. Je souhaite à tous une excellente
journée.
M. Bellemare: Ah, ah!
M. Charron: D'autre part, M. le Président, pendant que la
Chambre étudiera ces projets de loi, je fais motion à l'instant
pour que se réunissent jusqu'à 13 heures ce matin, cet
après-midi, de 15 heures à 18 heures et, ce soir, de 20 heures
à 24 heures, au salon rouge, la commission de l'agriculture pour
l'étude article par article du projet de loi sur la protection du
territoire agricole et, à la salle 81-A, ce matin et cet
après-midi, la commission de l'environnement pour l'étude article
par article du projet de loi 69. Ce soir, à la même salle, il y
aura réunion de la commission de l'Assemblée nationale, tel que
convenu avec les partis de l'Opposition, sur la question des
sociétés d'Etat, qui a été soulevée par le
chef de l'Union Nationale il y a déjà quelques semaines. Si
jamais la commission de l'Assemblée nationale qui sera en réunion
ce soir arrivait avant 24 heures à s'entendre sur la proposition que le
ministre d'Etat au développement économique y fera, nous
profiterons du fait que cette commission est réunie, pour nous pencher
à nouveau, quelques instants au moins, puisque le sujet le
mérite, sur le projet de réorganisation administrative de
l'Assemblée que vous nous avez présenté.
Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?
(11 h 30)
Des Voix: Adopté.
M. Bellemare: M. le Président, sur cette motion, on va
demander un vote, c'est sûr, parce que le soir, pour l'Assemblée
nationale, je voudrais bien y être. En tout cas, M. le Président,
est-ce que je peux demander, en vertu de l'article 34, si ma motion qui
apparaît au feuilleton va avoir une suite ou bien si elle va reposer au
cimetière d'Argenteuil?
M. Charron: J'ai l'intention d'appeler cette motion, M. le
Président, juste avant la prorogation, le 21 décembre.
Le Président: Est-ce que la motion de M. le leader
parlementaire du gouvernement sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
M. Bellemare: Vote, M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale, je regrette, il est trop tard, la motion a été
adoptée.
M. Bellemare: Je l'avais annoncé avant, M. le
Président. J'avais dit que je demanderais un vote.
M. Charron: M. le Président, les commissions peuvent donc
se réunir immédiatement.
M. Bellemare: Non, non. Vote! Il faut respecter la Chambre, M. le
Président.
M. Charron: Le président a dit que la motion était
adoptée.
M. Bellemare: Non. Je l'ai dit tout à l'heure.
Le Président: Si vous l'avez annoncé, qu'on appelle
les députés.
Suspension à 11 h 31
Reprise à 11 h 41
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous
allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion
présentée par M. le leader parlementaire du gouvernement visant
à faire siéger la commission de l'agriculture, la commission de
l'environnement et la commission des affaires sociales. Si la commission de
l'environnement a terminé ses travaux, immédiatement
jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures, la commission de
l'agriculture sur le projet de loi no 90; la commission des affaires sociales,
sur le projet de loi no 103; de même, de 20 heures à 24 heures, la
commission de l'agriculture sur le projet de loi no 90; la commission de
l'Assemblée nationale sur la réforme administrative, et la
commission de l'Assemblée nationale sur les sociétés
d'Etat.
Que ceux et celles qui sont en faveur...
M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
M. Lavoie: Les derniers mots que vous avez prononcés,
est-ce que c'est dans le bon ordre? Dans quel ordre la commission de
l'Assemblée nationale, les deux mandats.
M. Charron: Les sociétés d'Etat et l'organisation
administrative.
Le Président: Très bien, sociétés
d'Etat et réforme administrative.
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Charron, Burns, Laurin, Parizeau, Marois, Léonard, Couture, Tremblay,
Bérubé, Mme Ouellette, M. O'Neill, Mme Cuerrier, M. de Belleval,
Mme Payette, MM. Johnson, Proulx, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger,
Tardif, Garon, Vaugeois, Martel, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux,
Chevrette, Bertrand, Fallu, Michaud, Rancourt, Laberge, Grégoire, Guay,
Lefebvre, Mme LeblancBantey, MM. de Bellefeuille, Gendron, Mercier, Alfred,
Marquis, Gagnon, Ouellette, Perron, Gosselin, Clair, Brassard, Godin, Dussault,
Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Gravel, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Jolivet, Levesque (Bonaventure),
Lavoie, Vaillancourt (Orford), Forget, Mailloux, Goldbloom, Larivière,
Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, La-montagne, Giasson, Blank, Caron,
O'Gallagher, Picotte, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault,
Springate, Bellemare, Grenier, Russell, Goulet, Fontaine, Brochu, Dubois, Le
Moignan, Cordeau, Samson, Roy. Shaw.
Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît! Que ceux qui désirent
s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire: Pour: 93 Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: La motion est adoptée. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, pourrions-nous avoir une
précision?
Le Président: M. le député de Saint-Laurent.
M. ie leader parlementaire du gouvernement, une précision est
demandée par M. le député de Saint-Laurent.
M. Charron: Volontiers.
M. Forget: Lorsque le leader du gouvernement a parlé des
commissions qui étaient convoquées pour aujourd'hui, il ne me
semble pas qu'il ait mentionné la commission des affaires sociales; or,
dans la motion, il en a été fait mention.
M. Charron: C'est une erreur sur le papier, je m en excuse.
M. Forget: Bon, merci.
M. Charron: II faut prendre ce que j'ai dit verbalement, M. le
Président, et non pas ce que vous avez lu. malheureusement.
M. Lavoie: M. le Président, on ne reprendra pas le vote,
on donne notre consentement pour que ce soit le même vote.
Le Président: II faut enlever la commission des affaires
sociales.
M. Charron: J'aurais deux courts avis à donner à la
Chambre, si je peux avoir son attention encore pour un instant. D'abord, tout
le monde aura pris connaissance qu au feuilleton d'aujourd'hui la
sixième et dernière motion de blâme possible en cours de
session est utilisée par les députés de I'Union Nationale;
elle doit donc normalement, selon notre règlement, venir lundi matin. Je
dis bien lundi matin parce que je me trouve, du fait même, à dire
à chacun et à tous dès aujourd'hui que la Chambre se
réunira à 10 heures le lundi 18 décembre.
Il y a entente entre les trois partis pour que le débat de cette
motion soit limité à une heure et demie, c'est-à-dire que
chaque parti reconnu de l'Assemblée prendrait 30 minutes. Il faut
reconnaître aux députés indépendants ou de partis
non reconnus officiellement que leur droit de parole pourrait être, dans
les circonstances, puisque chaque parti reconnu se limite à 30 minutes,
vraisemblablement de 10 minutes chacun au maxi-
mun, ce qui veut dire que le débat durerait deux heures. Il y a
consentement unanime, et je propose que cela devienne un ordre de la Chambre,
pour que ce débat ait lieu entre 15 heures et 17 heures dans la
journée du lundi 18 décembre prochain.
M. Lavoie: Entre 15 heures et 17 heures pour un débat
d'une heure et demie?
M. Charron: Oui, une heure et demie pour les partis reconnus et
10 minutes par parti ou député indépendant. Je propose que
cela devienne un ordre de la Chambre, M. le Président.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Bellemare: Adopté.
Le Président: Adopté. Cela devient un ordre de la
Chambre entre 15 heures et 17 heures entre 15 heures et 17 heures, c'est
bien ça, M. le leader parlementaire du gouvernement? lundi
prochain, aura lieu le débat sur la motion de blâme
présentée par l'Union Nationale.
M. Charron: Je voudrais donner aussi un avis non formel;
j'aimerais exprimer le désir de rencontrer mes collègues les
leaders des autres partis et les députés indépendants qui
voudraient venir également.
M. Roy: Pas indépendants, de partis non reconnus.
M. Charron: De partis non reconnus, je m'excuse.
M. Samson: Mais représentés.
M. Charron: Ce sera à mon bureau, à 13 heures,
parce que j'ai l'impression, comme je l'avais dit, lorsqu'on a fixé les
travaux de la Chambre jusqu'à la fin de la session, qu'il serait bon, en
cours de route, de revérifier nos attitudes à chacun. Donc je
convoque cette réunion pour 13 heures, à mon bureau.
Autre avis, mais heureux celui-là. Je tiens à
féliciter les membres de la commission des consommateurs,
coopératives et institutions financières qui ont fort bien
travaillé et qui ont terminé l'étude article par article
de ce volumineux projet de loi hier soir.
M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 17) de
notre feuilleton d'aujourd'hui, s'il vous plaît!
Projet de loi no 65 Deuxième lecture
Le Président: J'appelle maintenant la deuxième
lecture du projet de loi no 65, Loi modifiant la Loi sur les impôts et
certaines dispositions légis- latives d'ordre fiscal. M. le ministre des
Finances, quand les membres auront quitté l'Assemblée pour
rejoindre les commissions, vous aurez la parole.
Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances et du
Revenu.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Mme la Présidente, avant de commencer cette
présentation en deuxième lecture du projet de loi no 65, je
voudrais vous indiquer qu'à cause d'une affaire urgente que j'ai
à traiter aujourd'hui, j'aurai possiblement à m'absenter à
quelques reprises après avoir terminé mon discours. Je me suis
déjà excusé auprès du critique financier de
l'Opposition officielle et de celui de l'Union Nationale; je m'en excuse
auprès de vous. Il arrive à certains moments, comme cela, des
conflits d'horaires dont on n'est pas responsable. A l'avance, pour ceux qui
auront à prendre la parole sur le projet de loi 65, si j'avais à
m'absenter, je leur présente mes excuses.
Ceci étant dit, nous abordons un projet de loi
considérable qui comporte 233 articles et qui est destiné
à amener une série d'amendements à la Loi sur les
impôts. (11 h 50)
De ces amendements, il y en a plusieurs et de nature fort
différente. Je vais essayer, au moins, d'en établir les
principales catégories. Un très grand nombre des articles du
projet de loi correspondent essentiellement à la tentative qui se
maintient au Québec d'harmoniser le plus possible nos propres lois de
l'impôt avec les lois fédérales. Chaque année, le
gouvernement fédéral, à l'occasion des discours du budget
nous en avons connu maintenant trois en l'espace de très peu de
temps amène une série d'amendements techniques qui n'ont
pas nécessairement une très grande portée, qui très
souvent servent à fermer une clause échappatoire que quelques
contribuables ont découverte ou encore règlent un problème
d'ordre technique qui n'avait pas été vu. Je pense, Mme la
Présidente, qu'à certains égards les gouvernements d'une
façon générale abusent de ce type d'amendements.
Une des raisons pour lesquelles la loi de l'impôt est devenue
tellement compliquée, c'est que justement, au fur et à mesure des
années, un peu par dépôts sédimentaires, chaque
gouvernement apporte à ses lois de l'impôt tellement de
transformations techniques que finalement d'abord le contribuable s'y perd et
les spécialistes eux-mêmes doivent se recycler à peu
près tous les ans. Mais nous n'avons guère le choix. Dans la
mesure où on veut éviter entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement de Québec une espèce de
jungle réglementaire et de caractère légal, il faut nous
adapter et présenter des amendements qui très souvent on
le verra à l'occasion de l'examen article par article sont une
espèce de transcription dans nos lois d'amendements qui ont
été apportés aux lois fédérales.
Encore une fois, une bonne partie du volume des articles dont nous
parlons sont de cette nature. Evidemment, il y a beaucoup plus que cela. Ce
projet de loi traduit aussi un certain nombre de modifications apportées
à nos propres lois de l'impôt à l'occasion du discours du
budget d'avril dernier. C'est, bien sûr, davantage de ces dispositions
dont j'ai l'intention de parler que des ajustements techniques auxquels je
viens de faire allusion.
Il ne s'agit pas ici évidemment de refaire le discours du budget
ou de le répéter, mais peut-être de souligner certains des
effets et des transformations que cela va provoquer dans les lois de
l'impôt, de répondre à des objections, que nous avons
souvent entendues depuis le discours du budget, émanant de certains
groupes et de faire le point sur la réforme fiscale, je pense,
importante, dans laquelle le gouvernement de Québec s'est engagé
depuis un an. C'est, bien sûr, là-dessus que je tiens à
faire l'essentiel de mes commentaires.
Je crois que, si on avait à faire ressortir une
caractéristique majeure de ce projet de loi no 65 et du dernier discours
du budget, ce serait vraiment la réforme de l'impôt sur le revenu
des particuliers dont il faudrait parler. Il s'agit effectivement d'une
réforme en profondeur, d'une modification majeure. Lorsque nous avons
commencé à examiner, il y a déjà plus d'un an, la
possibilité de modifier la structure de l'impôt sur les revenus
des particuliers, le Québec était dans une situation
étonnante, extraordinaire en un certain sens. En effet, à peu
près pour tous les paliers de revenus, le fardeau fiscal de
l'impôt sur les particuliers au Québec était le plus
élevé de toutes les provinces canadiennes. C'était vrai
pour celui qui gagnait $10 000, c'était vrai pour celui qui gagnait $20
000, c'était vrai pour celui qui gagnait $50 000. Nous étions
champions toutes catégories. On connaissait le phénomène
depuis déjà plusieurs années. Ce n'est pas une
découverte que nous avons faite en arrivant au pouvoir. Les
Québécois savaient qu'ils étaient les plus
taxés.
L'objectif, la cible si je peux m'exprimer ainsi de la
réforme qui a été entreprise a été
l'individu dont je pourrais dessiner les traits à peu près de la
façon suivante: celui qui travaille au salaire industriel moyen, qui est
marié, dont la femme ne travaille pas à l'extérieur et qui
aurait un ou deux enfants. C'était cela, la cible. C'était
l'individu dont on a cherché, aussi systématiquement que
possible, à améliorer la situation.
Le résultat est, à bien des égards, spectaculaire.
Je pense que dans ce sens, l'objectif que nous nous étions fixé,
c'est-à-dire de détaxer le citoyen ordinaire, le citoyen moyen,
si tant est qu'on puisse parler d'un citoyen moyen, a été
atteint.
Nous arrivons au résultat suivant: de $5000 à $15 000
même un peu plus de $15 000 le contribuable marié au
Québec a cessé d'être le plus taxé de tous les
Canadiens. C'est terminé. Pour ceux qui gagnent $5000, s'ils vivent au
Québec, ils doivent savoir que, dans cinq provinces, l'impôt est
plus élevé. S'ils gagnent $7500, dans cinq autres provinces
l'impôt est plus élevé. S'ils gagnent $10 000, dans sept
autres provinces l'impôt est plus élevé. S'ils gagnent $12
500, dans trois autres provinces l'impôt est plus élevé.
S'ils gagnent $15 000, il y a encore une province où l'impôt est
plus élevé et cette province est l'Ontario. En fait, pour la
première fois depuis très longtemps, depuis des années et
des années, le citoyen qui travaille au niveau industriel moyen au
Québec et qui est marié est moins taxé que son
collègue de l'Ontario. C'est un résultat, Mme la
Présidente, dont nous sommes très fiers de ce
côté-ci de la Chambre.
Cela s'est fait de deux façons: d'une part, en modifiant les
exemptions personnelles et, d'autre part, en changeant la table d'impôt.
Les exemptions personnelles, on le sait, ont été modifiées
de façon que celui qui est marié, dont la femme ne travaille pas
à l'extérieur, voie l'exemption personnelle pour sa femme passer
de $1900 à $2700. Sa femme, d'ailleurs, peut avoir des revenus sans que
cela touche ces exemptions personnelles, des revenus maintenant non plus de
$500 comme autrefois, mais jusqu'à $1000. Pour les personnes
âgées, les exemptions personnelles, pour raison d'âge, ont
été augmentées de $1000 à $1500. Pour les enfants
à charge de plus de 18 ans, en particulier ceux qui sont aux
études, les exemptions personnelles ont été
augmentées de $550 à $900. Maintenant, ces enfants peuvent gagner
jusqu'à $2000 dans l'année sans que l'exemption personnelle ne
soit touchée.
On a évidemment modifié également les exemptions
personnelles dans le cas d'un bon nombre de handicapés alors que
l'exemption personnelle passe de $1000 à $1500. Donc, il y a eu une
révision générale des exemptions personnelles dans le
système. Première étape.
Deuxième étape. On a refait la table des taux de
façon que, pour les revenus bas et moyens, les taux soient plus bas
qu'avant et, d'autre part, bien sûr je vais y venir dans un
instant à l'autre bout de l'échelle, pour les revenus plus
élevés, la table a été redressée. Donc,
changement dans les exemptions personnelles et changement dans les taux. (12
heures)
C'est la combinaison de ces deux facteurs qui fait qu'enfin le citoyen
qui travaille au niveau moyen de rémunération dans notre
société a cessé d'être le plus taxé des
Canadiens. A peu près 90% des Québécois ont profité
de cette façon d'impôts plus bas au cours de 1978. Dans le cas de
ceux dont l'impôt est déduit à la source, cela s'est
traduit par des réductions d'impôt depuis le 1er juillet dernier,
mais c'était applicable depuis le 1er janvier 1978. Donc, à
l'occasion, des formules d'impôt qui seront remplies en février,
mars ou avril de l'année prochaine, il y aura remboursement pour un
très grand nombre de citoyens de ce qu'ils ont payé en trop, du
1er janvier 1978 au 1er juillet 1978.
Evidemment, le changement dans la table d'impôt a eu comme
résultat de provoquer un long débat quant à savoir si on
ne taxait pas trop les
hauts niveaux de revenus. Il est exact que, pour un contribuable
marié, nous avons augmenté les impôts à payer
à partir d'environ $40 000. Mais il faut bien se rendre compte
qu'à partir de $40 000 l'augmentation dont nous parlons est de l'ordre
de $300 ou $350 par rapport à la situation antérieure.
Il est clair, cependant, que dès qu'on commence à
déborder $50 000, $60 000, $75 000, et à plus forte raison $100
000, là, les écarts sont plus grands. J'ai eu évidemment
beaucoup de réactions là-dessus. Comme vous le savez, il y a eu,
dans le public, tout un débat. Beaucoup de chiffres ont circulé.
La plupart des comparaisons qui ont été faites quant au fardeau
fiscal des très hauts niveaux de revenus je pense ici en
particulier à ceux qui gagnent $100 000 ont été
faites avec l'Ontario. Evidemment, on comprend pourquoi. La structure des
impôts, en Ontario, est passablement régressive. Ce que je veux
dire par là, c'est que les hauts niveaux de revenus n'ont jamais
été très fortement taxés par le gouvernement de
l'Ontario. En fait, pour des revenus de $100 000, l'Ontario a un fardeau fiscal
qui est presque le plus bas au Canada. Evidemment, quand on compare le
Québec qui est le plus haut, et l'Ontario qui est le neuvième, on
arrive à démontrer qu'effectivement il y a des écarts de
taxation assez considérables.
J'aurais souhaité que, dans le débat qui s'est
engagé là-dessus, on tienne compte davantage d'autres provinces.
Si, par exemple, on avait comparé le Québec non seulement avec
l'Ontario mais la province voisine de l'Ontario, le Manitoba, là, on se
serait rendu compte que les écarts sont beaucoup moins significatifs et
beaucoup moins élevés, parce que le Manitoba a une structure
d'impôt sur le revenu des particuliers qui est très progressive,
un peu à l'instar de celle du Québec. Mais, enfin, ont dit
beaucoup de ceux qui ont soulevé cette question, taxer les hauts revenus
comme on le fait au Québec, cela a des conséquences possiblement
dommageables sur le développement de l'économie. Je pense que
l'argument fondamental sur lequel on revenait et qui, dans l'esprit de
beaucoup, justifiait que la comparaison se fasse avec l'Ontario plutôt
qu'avec d'autres provinces, au fond, on peut l'exprimer rapidement sans
chercher des complications inutiles à peu près de la façon
suivante. Montréal, sur le plan économique, est en concurrence
avec Toronto. Il faut donc comparer surtout ces deux villes et voir dans quelle
mesure il y a des incitations pour des cadres, pour, comme on l'a dit dans
certains milieux, des organisateurs ou des créateurs d'emplois
d'être plutôt à Toronto qu'à Montréal. Je ne
veux pas caricaturer des argumentations qui ont été
développées mais je pense qu'en gros c'est à peu
près à cela que revenait la discussion.
C'est un argument auquel il faut s'arrêter. J'ai eu l'occasion de
mon côté de rencontrer beaucoup de groupes pour discuter de cette
question, un assez grand nombre d'hommes d'affaires. Je reste en contact
d'ailleurs avec plusieurs d'entre eux. J'ai eu l'occasion et je remercie
les grandes entreprises qui ont collaboré à cet exercice
de faire préparer par un certain nombre de grandes entreprises, sous le
sceau de la confidentialité bien sûr, la répartition de
leurs cadres par tranches de revenu, mettons, si vous voulez, de $25 000
à $30 000, de $30 000 à $35 000, de $35 000 à $40 000
jusqu'au salaire du président, pour déterminer combien de cadres
se trouvaient à chacun des niveaux de rémunération et voir
dans quelle mesure l'augmentation de cette table d'impôt au Québec
représentait pour ces très grandes entreprises ou ces
sièges sociaux un fardeau salarial additionnel important.
Je dois dire que les conclusions ne sont pas très probantes. Si
on parle simplement de charges salariales additionnelles dans un bon nombre de
cas, on constate à peu près ceci. Si ces entreprises ajustaient
les revenus bruts de leurs cadres pour leur donner le même revenu net
après impôt qu'ils avaient avant notre réforme fiscale,
cela représenterait, dans la plupart des cas que j'ai examinés,
2%, 2 1/2% de la feuille de paie des cadres, Mme le Président. Pas de la
feuille de paie de l'entreprise; de la feuille de paie des cadres. C'est donc
une fraction, une toute petite fraction de la feuille de paie totale de
l'entreprise. Dans ce sens, je pense qu'on a soufflé passablement
l'ampleur du phénomène sur le plan simplement de la charge
économique que cela représente que d'essayer, par des ajustements
de salaires, advenant qu'une entreprise veuille le faire, bien sûr, de
donner au cadre le même revenu net qu'il avait avant la réforme
fiscale.
Ce n'est donc pas, au fond, je pense, de ça qu'on veut parler.
C'est sur le plan de l'administration des cadres pour le Canada tout entier. On
se dit: Est-ce qu'on peut, à l'intérieur d'un siège social
ou d'une grande entreprise où il y a une très forte
mobilité des cadres, bien sûr, avoir d'une ville à l'autre
ou d'une province à l'autre des ajustements de salaires qui
refléteraient le fardeau fiscal véritable? Cette question m'a
été posée souvent, et la réponse est difficile
à faire. C'est malaisé. Remarquez bien, Mme la Présidente
que l'argument, là encore après l'avoir retourné longtemps
j'y ai pensé assez longtemps à cette question ne me
paraît pas non plus très probant, en ce sens que beaucoup des
sociétés dont nous parlons font des ajustements de cet ordre de
toute façon lorsque leurs cadres se déplacent vers les
Etats-Unis, en Europe ou un peu partout dans le monde. La mobilité des
cadres, cela n'existe pas seulement à l'intérieur du Canada. Cela
existe d'un pays à l'autre, et beaucoup de ces grandes
sociétés dont nous parlons ont des filiales, des succursales, des
écoles d'entraînement, quand ce n'est pas le siège social,
à l'extérieur du Canada.
Je pense qu'il y a davantage une question de principe qui est
impliquée. C'est qu'on se dit: On ne devrait pas avoir à faire
des ajustements comme ceux-là à l'intérieur d'un
même pays. C'est un argument de principe que sans doute je respecte, mais
qui ne me paraît pas une raison suffisante pour défaire, comment
dire, l'échelle
d'impôt assez progressive dont le Québec s'est doté.
Je pense que cette progressivité de I'impôt implique
évidemment une certaine conception d'équité sociale. Il
est évident que notre échelle d'impôt est plus progressive
qu'elle ne l'est en Ontario et reflète une philosophie sociale du
présent gouvernement qui est évidemment très
différente de la philosophie sociale du gouvernement ontarien. Mais
comme j'ai eu l'occasion de le dire a plusieurs reprises, à certains
hommes d'affaires, il est évident que le gouvernement actuel ne s est
pas fait élire comme un gouvernement d'extrême droite. On ne peut
pas s'attendre de lui que sur le plan de la philosophie sociale, il monte une
échelle d'impôt remarquablement régressive; ce serait le
moindre des paradoxes. (12 h 10)
Si bien que, tout considéré, je ne pense pas qu'il y ait,
dans toute cette argumentation qui a duré longtemps, matière
suffisante à modifier les positions que j'avais adoptées.
Dans l'intervalle, cependant, d'autres études se sont
poursuivies, toujours sur la même question et nous obtenons, dans le
cadre de certaines de ces études, des résultats assez
étonnants. Par exemple, à l'OPDQ, on a demandé une
étude destinée à combiner deux choses, à examiner,
pour des revenus de divers niveaux, la différence de fardeau fiscal
entre Toronto et Montréal, en y ajoutant la différence dans le
coût de la vie dans ces deux villes. Je ne parle pas de
l'évolution de l'indice du coût de la vie; je parle du coût
de la vie véritable, combien cela coûte pour un certain nombre de
biens, de produits et de services si on vit à Toronto plutôt que
si on vit à Montréal.
Ces chiffres sur les différences de coût de la vie entre
Toronto et Montréal, ont été tirés d'une
étude du Conseil économique du Canada qui a été
publiée il y a quelque temps et qui s'appelle Vivre ensemble. Or, ce que
cela révèle, c'est que le coût de la vie à Toronto
est passablement plus élevé qu'à Montréal. Donc, si
on essaie de déterminer le pouvoir d'achat réel de deux
individus, l'un vivant à Toronto et l'autre vivant à
Montréal, l'un, s'il a un revenu élevé, payant plus
d'impôt au Québec, mais l'autre pour le même genre de biens
et de services payant plus à Toronto, on arrive au résultat assez
étonnant que, pour un contribuable imposé comme marié, le
pouvoir d'achat réel, tel que je viens de le déterminer, est
à peu près le même à Toronto et à
Montréal au niveau de $50 000. Comme nous en sommes rendus là, il
est clair que d'invoquer des différences d'impôt seulement pour
annoncer des déplacements de cadres me paraît largement
exagéré.
J'ai pensé longtemps, d'ailleurs, que de toute façon sur
le plan du logement il devait y avoir une compensation. Mais l'étude
beaucoup plus générale faite sur les différences de
coût de la vie indique, encore une fois, que pour un contribuable
marié, en tenant compte de ses impôts et de ces différences
dans le coût de la vie, à $50 000, vivre à Toronto et
à Montréal, c'est à peu près la même chose en
termes de pouvoir d'achat. Ce dernier argument, je le présente en bout
de ligne, mais il est évident qu'il est, à mon sens, très
probant.
Les éléments de réforme fiscale dont je viens de
parler ne sont évidemment pas les seuls dans la réforme plus
générale qui a été abordée et
annoncée dans le dernier discours du budget. Nous savons qu'à
partir de 1979 il y aura un crédit d'impôt pour les taxes
foncières scolaires et municipales disponible pour les petits ou moyens
revenus. On ne trouvera pas ces dispositions, cependant, dans la loi 65; ce
sera présenté dans une autre loi au début de 1979.
Une Voix: Ce sera rétroactif.
M. Parizeau: Oui. Cela commence le 1er janvier 1979, cette
disposition. Elle a été annoncée dans le discours du
budget, mais elle prendra effet le 1er janvier 1979.
Troisième élément de cette réforme fiscale,
nous avions annoncé l'indexation des exemptions personnelles au
coût de la vie dans le discours du budget, mais je vous rappelle que nous
n'en parlerons pas maintenant, puisque l'application de cette mesure a
été repoussée d'un an. J'ai, en effet, annoncé,
à l'occasion de la distribution des $85 émanant du gouvernement
fédéral, dans ce qu'on appelle maintenant la querelle de la taxe
de vente, que, puisque cet argent qui était dû au gouvernement du
Québec était plutôt distribué aux citoyens du
Québec, nous laissions aux citoyens de Québec les $85 qu'ils
avaient reçus.
Cependant, pour tout de même rentrer dans notre argent, la
façon la plus simple et, je pense, la moins onéreuse pour tout le
monde et la moins pénible, c'était de déplacer d'un an
l'indexation des exemptions personnelles dans les tables d'impôt. Bien
sûr, le 1er janvier 1980. il y aura deux exemptions qui seront
combinées, mais en 1979 il n'y en aura pas. C'est le troisième
morceau de cette réforme fiscale dont nous avions parlé dans le
discours du budget.
Cette réforme a des à-côtés, si on peut dire,
que je souhaiterais mettre en valeur. Sans doute, pour le contribuable
marié à revenu moyen, c'est, je pense, très avantageux. Il
y a un groupe, cependant, pour lequel c'est encore plus avantageux; je vous
avouerai être ravi que ces tables aient donné ce résultat.
Le groupe qui va tirer le plus de cette réforme fiscale, ce sont les
couples de plus de 65 ans, les gens mariés qui ont passé 65 ans
et qui commencent maintenant, grâce à la sécurité de
la vieillesse, à la Régie des rentes et à un peu
d'économies, à s'aménager une vieillesse un peu
confortable. La réforme fiscale que nous avons faite veut dire que, pour
beaucoup d'entre eux, c'est plusieurs centaines de dollars de réduction
d'impôt qui leur sont accordées dans la mesure où cela les
soulage, au fond, d'un fardeau fiscal qui était devenu très lourd
pour eux. Je vous avouerai que c'est un des aspects de la réforme
fiscale que je tiens à souligner et qui me paraît non seulement
intéressant, mais justifié.
Ceci étant dit, passons à des dispositions peut-être
un peu plus précises, dans certains cas.
un peu plus techniques de la loi. Un autre aspect des dispositions du
dernier budget a été fort critiqué et beaucoup
discuté. Il s'agit des modifications apportées au calcul des
dépenses déductibles pour automobile dans le cas de voyageurs de
commerce, de représentants de compagnies, d'agents d'assurances. Les
groupes que je viens de mentionner ont été évidemment ceux
qui ont fait des représentations peut-être les plus
précises. Il y a d'autres groupes, chez les professionnels, qui n'ont
pas fait beaucoup de représentations pour des raisons évidentes.
J'imagine qu'ils se rendaient compte à quel point, dans leur cas en tout
cas, c'était une mesure qui devait arriver tôt ou tard.
Le problème est essentiellement le suivant. Il y a beaucoup de
salariés dans notre société, Mme le Président, 85%
de la société constituent des salariés. Les
salariés ne peuvent pas déduire, eux, des dépenses
d'automobile de leur revenu imposable. On ne leur accorde pas de
déductions pour automobile. Même si le salarié se tapait,
matin et soir, 30 milles pour aller au travail en auto beaucoup de
salariés font 30, 40 ou 50 milles par jour pour aller à leur
travail, énormément de salariés on ne leur accorde
rien. On ne leur a jamais rien accordé comme dépenses
déductibles d'automobile.
Au contraire, chez ceux qu'on appelle les travailleurs autonomes, les
hommes d'affaires, les professionnels et divers types de vendeurs à
commission ou de voyageurs, on constate depuis plusieurs années des abus
qui étaient devenus insupportables et iniques. Que certains
professionnels autonomes qui, de toute façon, sur le plan professionnel,
vont à leur bureau ou à leur lieu de travail le matin et
reviennent le soir, soient en mesure de soustraire des frais d'automobile de
leur impôt parce qu'ils sont autonomes, il n'y a pas de raison. (12 h
20)
En somme, si je comprends bien, le professionnel qui va à son
bureau y aurait droit, mais sa secrétaire, parce qu'elle est
embauchée par lui, qui a son auto, qui va au même bureau et
possiblement revient dans le même quartier le soir, n'y aurait pas droit.
Sur le plan seulement de l'équité sociale, on pouvait se poser
des questions.
D'autre part, manifestement, on arrivait à des abus d'un autre
ordre, très difficiles à contrôler, à moins,
vraiment, de vouloir avoir des armées d'inspecteurs. Cela consistait
à essayer de déterminer, dans les déclarations de tout un
chacun qui réclamait des frais d'automobile, ce qui était
vraiment affectable à ses dépenses personnelles d'automobile, ce
qui, vraiment, venait de ses sorties de fins de semaine, son usage personnel,
et ce qui découlait directement des dépenses professionnelles
proprement dites. Depuis déjà plusieurs années, ce type de
contrôle ou bien était tellement difficile à établir
qu'on laissait passer à peu près n'importe quoi ou alors, pour
être vraiment efficace, exigeait un personnel incroyable.
Donc, à la fois pour restreindre les abus et, d'autre part, pour
tenir compte, là encore, d'une certaine idée que l'on se fait de
l'équité sociale, nous avons modifié les dispositions
applicables à la déductibilité des frais d'automobile. Le
principe fondamental ici est le suivant: On se dit, ce qui est frais fixes, un
individu qui a une auto et la plupart des gens en ont, sinon l'immense
majorité; j'appartiens au dernier carré de la garde de ceux qui
ne conduisent pas. mais, enfin, j'ai beau regarder autour de moi, je n'en vois
plus beaucoup.
La plupart des gens ont une auto et l'auraient de toute façon.
Alors, on va considérer que ces gens vont tous payer les frais
inhérents à la possession d'une auto quand ils en
possèdent une. Tous les frais fixes. Immatriculation, assurance
régulière, pas l'assurance pour fins d'affaires. L'assurance pour
fins d'affaires pourra être déductible du revenu imposable. Mais
assurance régulière, normale, tout le monde l'aurait, il n'y a
pas de raison pour qu'on établisse une différence entre un
salarié et un autonome sur ce plan-là. On va supposer que tout le
monde fait un certain millage par année à des fins personnelles.
On a choisi un certain niveau, 10 000 milles. Il y en a qui ne font pas cela,
c'est évident, à des fins personnelles. Il y en a d'autres qui
font davantage. On est toujours, dans un certain sens, lié à
choisir un certain niveau. Et on se dit que tout ce qui découle de la
propriété d'une automobile ne sera pas déductible du
revenu imposable. Il n'y aura pas d'allocation particulière pour cela.
Mais, au-delà de cela, toute dépense additionnelle encourue pour
affaires sera déductible.
Evidemment, c'est un gros changement dans le système. Cela
implique forcément un écart par exemple par rapport aux
dispositions du gouvernement fédéral qui est assez substantiel,
qui est assez important, mais qui traduit, encore une fois, l'idée que
nous nous faisons de l'équité sociale dans le domaine des
impôts.
Cette question de l'équité sociale, à tous
égards, me paraît fondamentale dans une société qui
veut être à peu près à l'aise avec elle-même.
Au début, lorsque je suis devenu ministre du Revenu, je suis
tombé sur un rapport du Vérificateur général
attaquant solidement le ministère du Revenu à cause du montant et
de la progression très rapide de ses comptes à recevoir.
L'explication était simple, Mme le Président, il y avait
des cotisations qui avaient été émises, il y a deux ans,
deux ans et demi, trois ans, quatre ans et demi. Cela n'avait jamais
été collecté. Pourquoi? C'est difficile à dire. Il
y a probablement une variété de raisons, sauf que des gens se
finançaient à même le gouvernement, alors que d'autres qui
paient régulièrement des impôts avaient l'air de quoi,
là-dedans? De poires? J'ai mis une équipe au travail
formée, à l'heure actuelle de quelque chose comme 150
occasionnels afin de récupérer à peu près
$110 millions de vieilles cotisations qui n'ont jamais été
payées, et seulement celles de plus de $3000. $3000 et plus;
après cela on descendra plus bas, mais pour
le moment on va chercher tous les $3000 et plus. Des $3000 et plus non
ramassés, Mme le Président, il y en avait pour $110 millions.
Cela ne rend pas populaire de faire des choses comme celles-là,
j'en suis parfaitement conscient. De la même façon que de
rétablir une certaine équité sur le plan des
dépenses d'automobile, cela ne rend pas nécessairement populaire.
De la même façon que de taxer des présidents de compagnie
qui font $150 000 ou $200 000 par année, cela ne rend pas populaire, Mme
le Président. L'important, c'est que l'ensemble de cette
société ait l'impression que les autorités qui la
représentent ont, sur le plan de l'équité sociale, quand
même, un peu de principes.
Dans la mesure ou la réduction des impôts pour 90% de notre
société permet enfin de casser le monopole que nous avions
d'avoir les impôts, pour tout le monde, les plus élevés au
Canada, je pense que comme tâche en un an et demi, deux ans
ce n'est pas un mauvais départ.
Une Voix: C'est excellent.
M. Parizeau: J'ajouterai, pour terminer, Mme le Président,
un certain nombre d'observations sur d'autres dispositions de ce projet de loi
65. Il y a eu dans ie discours du budget un certain nombre de dispositions
annoncées quant à la taxation des dividendes. On m'a
démontré, assez rapidement d'ailleurs, que même si nous
pensions réduire un peu le fardeau de taxation sur les dividendes
à l'occasion du budget, la combinaison des taux fédéraux
et de l'Ontario améliorait tellement la situation là-bas que
l'écart était devenu vraiment trop grand entre la taxation des
dividendes au Québec et la taxation des dividendes en Ontario. Je n'ai
pas hésité à annoncer des changements, d'ailleurs, il y a
plusieurs mois, par déclaration ministérielle. Ces amendements on
les retrouvera dans la loi 55.
Je fais état d'ailleurs de cette volte-face que j'ai dû
opérer à cette occasion pour indiquer que, comment dire, dans des
domaines aussi compliqués que ceux-là, il faut faire attention de
ne pas se buter. Si, sur le plan de la taxation des hauts revenus, sur le plan
de la taxation des frais d'automobile, je maintiens mes positions parce que je
pense qu'elles sont correctes, dans le cas des dividendes, je pense que
manifestement notre formule n'était pas la bonne et, par
déclaration ministérielle, je l'ai amendée. On peut
prendre cela de deux façons. Chaque fois que le ministre des Finances
dit: Manifestement, telle disposition n'est pas au point, on va la changer, on
peut dire, comme on me l'a dit en cette Chambre, à certains moments,
parce que j'ai fait aussi des changements dans le cas de la taxation des
canettes, par exemple, ou autres choses comme celles-là: Ils ne savent
pas où ils vont. Ou bien encore, on peut interpréter cela
autrement: Ils ne sont pas butés et quand on leur fait la
démonstration que quelque chose ne va pas, ils changent. Je
préfère la deuxième interprétation à la
première, Mme le Président.
Une Voix: C'est la bonne, c'est évident!
M. Parizeau: Finalement, je voudrais tenir compte, ici, d'un
certain nombre de choses, de rectifications qui ont été
apportées à nos lois de l'impôt et qui, je pense,
traduisent un souci d'être un peu plus juste qu'on ne l'était
jusqu'à maintenant. Je pense, ici à la
déductibilité des cotisations des travailleurs à l'Office
de la construction du Québec. Il était quand même temps que
cela soit mis dans nos lois. Je pense ici à une question qui est
restée très longtemps en suspens, et j'ai de la difficulté
à comprendre pourquoi (12 h 30)
Peut-être qu'on veut se cacher un peu la tête dans le sable
comme l'autruche devant des problèmes comme ceux-là, mais on sait
très bien on y faisait allusion, d'ailleurs, ce matin à
l'occasion de la période des questions que beaucoup de femmes,
qui ont été mariées et qui sont divorcées, ont des
problèmes incroyables pour récupérer les pensions
alimentaires. Elles doivent encourir des frais d'avocat, des frais de cours
soit pour pourchasser l'ex-mari qui ne veut pas payer, soit même pour
faire rectifier, à certains moments, des pensions qui vraiment sont tout
à fait insuffisantes à cause de l'inflation, ou à cause de
l'amélioration des moyens financiers dont l'ex-mari dispose.
Nous avons accepté cette année que tous ces frais
légaux, soit pour récupérer, soit pour faire corriger des
pensions alimentaires, qui peuvent devenir très importants quand cela
débouche sur des procès, puissent être déductibles
du revenu imposable de la personne en question. Je pense que des amendements de
cet ordre-là, il était temps de les faire. Je suis même un
peu étonné qu'on ne l'ait pas fait avant.
Certains m'ont demandé, à cette occasion, de faire en
sorte que les frais d'un divorce soient déductibles du revenu imposable.
Je vous avouerai. Mme la Présidente, que je ne peux pas les suivre. A ce
compte-là, il faudrait rendre déductibles du revenu imposable
tous les frais inhérents à une cérémonie de
mariage. Puisque les frais de la réception pour la mariée ne sont
pas déductibles du revenu imposable, je ne vois pas très bien
pourquoi les frais de divorce le seraient aussi. Mais, pour les frais
légaux auxquels j'ai fait allusion, c'est autre chose. Je pense qu'il
était normal que cela le devienne.
Voilà à peu près, Mme la Présidente, ce que
je voulais dire sur ce très long projet de loi. Je vais maintenant
laisser nos amis d'en face dire ce qu'ils en pensent et puis j'exercerai mon
droit de réplique à la fin du débat. Merci, Mme la
Présidente.
Mme le Vice-Président: M. le député
d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Mme la Présidente, ce projet de loi a
sûrement été préparé par un comité,
car on hérite d'un dromadaire à plusieurs bosses. En effet, il
s'agit d'un conglomérat de tout ce qu'on
n'a pas pu placer ailleurs. Le projet de loi comporte 233 articles, les
uns de concordance interne et, par suite, sans conséquence, d'autres de
concordance avec les lois fédérales et, par suite, avantageux
pour la population en ce que les lois sont simplifiées, d'autres enfin
d'importance majeure, en ce qu'ils donnent effet à des décisions
du gouvernement du Québec déjà annoncées dans les
discours et déclarations de nature fiscale du ministre des Finances.
On y trouve, par exemple, des changements relatifs à l'imposition
des dividendes, aux exemptions et aux barèmes de l'impôt sur le
revenu, aux dépenses d'automobile, à l'imposition des organismes
de charité et des fondations privées, aux traitements des gains
de capital et je passe sous silence un très grand nombre d'autres
catégories. Donc, un projet de loi qui, dans l'ensemble, est un
modèle de ce qu'il faudrait éviter si l'on veut un débat
compréhensible et quelque peu ordonné.
Comme il s'agit d'un projet de loi d'ordre fiscal, on me permettra de
revenir brièvement sur la situation financière du gouvernement du
Québec à la suite des remarques que le ministre des Finances a
faites lors du débat sur ses crédits supplémentaires
vendredi dernier, et ce sera mon premier point. Lors de ce débat, j'ai
osé comparer la gestion financière de l'actuel ministre à
celle de son prédécesseur, le député de Jean-Talon.
J'ai souligné, d'une part, que les emprunts de cette année, tels
qu'ils sont prévus à l'heure actuelle, s'élèvent
déjà à une somme comparable à celle de 1976/77 sans
compter une prévision très optimiste, sinon carrément
excessive, de $100 millions et sans compter, non plus, une somme de $150
millions provenant d'une variation de l'encaisse et, donc, possiblement
d'emprunts bancaires. Pour l'année dernière, l'année
1977/78, le ministre s'est fait fort d'avoir emprunté moins que
l'année précédente, laissant entendre par là que
les finances de la province étaient en pagaille quand il a pris les
leviers de commande et qu'elles sont au beau fixe depuis.
Or, les besoins financiers bruts, c'est-à-dire les besoins
financiers nets plus les remboursements d'emprunts, ont bel et bien
été de $1 350 000 000, l'année dernière, et s'il
n'a emprunté que $1 042 000 000, c'est qu'il a comblé la
différence par un emprunt à court terme de $95 millions et en
puisant dans le fonds de roulement.
Comme le ministre répond à cela que le produit
intérieur brut de la province de Québec a monté
entre-temps, je rétorquerai que, selon les états financiers, la
dette nette du Québec, en proportion du produit intérieur brut,
était de 11,2%. en 1976, et qu'elle a monté à 11,4%, en
1977. Donc, on n'a pas pu avoir une dette qui monte en proportion du PIB et, en
même temps, avoir une dette inférieure à celle de
l'année précédente. A cause de la hausse des taux
d'intérêt, le service de cette dette coûte également
plus cher en proportion des dépenses publiques, 4,9%, en 1976, 5,3%, en
1977. Ces proportions, évidemment, se rapportant aux années
civiles, elles ne se comparent pas strictement à celles portant sur les
années fiscales.
Le ministre a aussi défendu sa nouvelle politique de raccourcir
les échéances de la dette, c'est-à-dire d'emprunter
à plus court terme sur le marché. Ce faisant, il a voulu
confondre le député de Johnson, leader de l'Union Nationale, en
affirmant que cela coûtait moins cher à la province ainsi. Or, le
ministre sait très bien qu'une telle affirmation est tendancieuse et,
à la limite, peut être franchement erronée, et ce pour deux
raisons. Premièrement, on ne doit pas comparer le coût effectif
d'obligation dont les échéances ne sont pas les mêmes,
l'une, par exemple, à cinq ans, une autre, à dix ans.
La vraie question est la suivante: A supposer qu'on ait besoin d'argent
d'ici à dix ans, vaut-il mieux effectuer un seul emprunt dont
l'échéance sera de dix ans ou en faire deux consécutifs
d'une échéance de cinq ans? Dans ce dernier cas, si on en fait
deux, on sait combien le premier emprunt coûte mais, avant d'affirmer que
le coût du financement sera plus bas, il faut savoir combien
coûtera le deuxième emprunt. Si les taux d'intérêt
doivent monter, il vaut mieux emprunter à long terme. Si les taux
d'intérêt sont susceptibles de baisser, il convient d'emprunter
à court terme.
La deuxième raison pour laquelle les emprunts à court
terme sont moins recommandables, et c'est évident, c'est qu'il faut les
rembourser plus tôt. La Palice n'aurait certainement pas dit mieux. Mais
une conséquence de cette vérité première est moins
évidente. C'est le risque d'instabilité dans les remboursements.
Le risque qu'on doive rembourser $200 millions cette année, $500
millions, l'année suivante. A cet égard, la situation
financière du Québec s'est nettement
détériorée depuis deux ans, comme en fait foi
l'échéancier de la dette à long terme établi au 31
mars 1978. Cette année, le Québec doit rembourser $261 millions,
soit à peu près le même montant que les années
précédentes.
En 1979, on devra rembourser $422 millions. Déjà, on le
voit, la marche de l'escalier est assez haute. En 1980, la même somme
environ mais, en 1981, on devra faire un saut très périlleux
puisqu'il faudra rembourser $680 millions pour retomber l'année suivante
à $338 millions. Ces très grosses variations sont dues au
raccourcissement des échéances de la dette, en fait, à la
difficulté qu'a rencontrée le ministre des Finances à
trouver acheteur sur les marchés pour les obligations du Québec.
Je suis certain, quant à moi, que le ministre n'a pas choisi un
financement à plus court terme mais qu'il n'a pas eu le choix de faire
autrement. Raison de plus pour que le gouvernement commence enfin à se
montrer plus sérieux, puisque les engagements et les dépenses,
s'ils continuent au rythme actuel, compte tenu des rentrées fiscales,
mettront inévitablement en danger l'équilibre financier de la
province. (12 h 40)
Avant de passer à un autre sujet, je ferai un bref commentaire
sur la vente d'obligations d'épargne du Québec. C'est curieux
comme on n'en a pas parlé du tout. Le 29 juin dernier, quelques jours
à peine après la fin de la session comme par
hasard, c'est pour cela qu'on n'en a pas parlé, le 29 juin
dernier, le ministre des Finances a émis un communiqué dans
lequel il se félicite du remarquable succès de la campagne de
vente des obligations d'épargne. Il déclare par la suite: C'est
la confiance envers leur propre gouvernement qui a poussé les
Québécois à investir dans ce mode de financement
populaire. Je félicite les Québécois qui se sont
acheté ces obligations, mais je me demande vraiment sur quelles
données le ministre se fonde pour trouver là matière
à réjouissance. A supposer que le ministre ait voulu recueillir
des fonds, comment peut-il se féliciter alors qu'il n'a vendu que pour
$170 millions d'obligations d'épargne en 1978 et qu'on en avait vendu
plus du double en 1976, soit $347 millions, et le double encore en 1977, soit
$316 millions.
Je n'ignore pas que le ministre a changé les règles de
distribution de ses obligations, mais le fait demeure que les ventes ont
été fortement réduites alors que notre
intérêt à tous était de les voir augmenter. En
effet, on admettra facilement que le fardeau d'une dette publique est beaucoup
moindre, sinon nul, au point de vue de la collectivité, si les
intérêts sont versés à des Québécois
plutôt qu'à des étrangers. Ceci étant dit,
j'aborderai en deuxième lieu la question capitale que pose le projet de
loi soit celle de la réforme de l'impôt sur le revenu. Un auteur
célèbre a déjà dit: "The central issue between the
government and the people is taxes." En modifiant la structure et la
progressivité de l'impôt sur le revenu, le gouvernement du Parti
québécois affirme de nouveau ses priorités
idéologiques.
Cette mesure s'inscrit dans le sillage de ces autres politiques visant
à grossir t Etat et à diminuer le citoyen, à
privilégier l'action collective et à pénaliser l'action
individuelle. Le projet de loi, comme on sait, diminue l'impôt des
classes des revenus plus faibles et augmente l'impôt des classes des
revenus les plus élevés. Il a été et il sera facile
au gouvernement de faire de grands sparages de démagogie en laissant
croire au peuple qu'il a une notion plus haute de la justice que ses
prédécesseurs et une sollicitude plus généreuse
à l'égard des pauvres. Mais le ministre ne nous passera pas la
couleuvre qu'il nous a passée tout à l'heure, d'enfoncer des
portes ouvertes en prétendant que la justice, il la trouvait dans une
perception plus rigoureuse des comptes en retard.
C'est enfoncer les portes ouvertes. Nous sommes entièrement
d'accord sur ce point. Je pense que, si le ministre veut montrer qu'il est
juste et qu'il est équitable, il devra apporter d'autres exemples que
ces exemples absolument dérisoires. Mme la Présidente, je
montrerai au contraire qu'au-delà des apparences le projet de loi
contribuera...
M. Bellemare: Je veux noter que les députés nous
dérangent quand un opinant a la parole. On n'a pas dit un mot pendant
tout le discours du ministre des Finances. Je demande que le statu quo soit
respecté dans cette Chambre. Qu'on garde au moins le silence.
Mme le Vice-Président: Je suis sûre, M. le leader de
l'Union Nationale, que tous les membres de cette Assemblée sont d'accord
avec votre question de règlement.
M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Mme la Présidente, je montrerai au contraire
qu'au-delà des apparences que l'on trouve dans le projet de loi, ce
projet contribuera à desservir les intérêts de ceux qu'on
entend protéger. Pour ce faire, j'essaierai il y aura une
exception de ne pas faire porter le débat sur les motions de
justice et d'équité, car une fois débarrassées des
évidences premières, ces notions deviennent bien relatives et
sont sujettes essentiellement aux jugements politiques de l'heure. Ce qui
était juste et équitable il y a 20 ans est peut-être devenu
une injustice criante aujourd'hui et se transformera peut-être en une
vertu exemplaire demain.
Je ferai cependant à cet égard quelques remarques
incidentes, que je devrai allonger par suite du discours que je viens
d'entendre de la part du ministre des Finances.
Premièrement, en dépit des apparences, comme je l'ai dit
tout à l'heure, le taux marginal d imposition pour un couple
marié sans enfant sera plus élevé au Québec qu'en
Ontario. Dès le moment où le revenu devient imposable dans les
tranches inférieures de revenu, dans les tranches les plus faibles des
revenus, le taux marginal d imposition, à la suite de ce projet de loi,
sera plus élevé au Québec qu'en Ontario. L'impôt
fédéral et provincial combiné est plus élevé
qu'en Ontario. Cela, le ministre y a fait allusion tout à I heure et je
suis d accord avec lui. A compter d'un revenu d emploi d'environ $16 000, pour
un couple sans enfants, cet impôt fédéral combiné
sera à peu près équivalent en Ontario; au-delà de
cette somme, au-delà de $16 838, pour être précis, le
Québécois devient un riche qu'il est juste et équitable de
taxer plus lourdement que son voisin de I'Ontario.
En outre, les taux sont tellement plus progressifs que le taux marginal
d'imposition est de 60% à partir d'un salaire de $46 000 au
Québec, et à partir d'un salaire de $96 000 en Ontario. Le taux
marginal maximum atteindra 68,9% au Québec, alors qu'il ne
dépasse pas 62% en Ontario. Je veux bien croire que l'Ontario ce n'est
pas l'ensemble du monde, mais l'Ontario c'est la province voisine, avec
laquelle nous avons le plus d'échanges, avec laquelle il y a de plus en
plus d'échanges sur le plan des hommes et des personnes, les gens
pouvant aller travailler dans cette province et revenir, jusqu'à
récemment, avant l'imposition du règlement de placement du
ministre du Travail. Mais même en dépit de ce règlement, il
y a encore des mouvements de population considérables entre les deux
provinces, et cette mobilité interdit qu'on ait un système
d'impôt au Québec qui soit très différent de celui
de l'Ontario.
La commission Carter en 1965, 1966, est-ce qu'elle commettait une
injustice lorsqu'elle avait proposé de ne pas dépasser un taux
marginal de 50%? Elle avait proposé qu'on arrête à 50%.
Est-ce
que c'était une injustice criante? Est-ce qu'aujourd'hui cela
devient une vertu exemplaire que de relever le taux marginal d'imposition
jusqu'à 69% plutôt que 50%? Je dis que ce sont des points
relatifs, des valeurs bien relatives que l'équité et la justice.
C'est pour cela que je pense qu'il ne faut pas fonder un jugement particulier
seulement sur cette notion.
J'irai plus loin. A la suite du discours que le ministre des Finances a
prononcé ce matin, nous sommes en face d'une situation extrêmement
confuse. En effet, le discours que le ministre des Finances fait sur ce projet
de loi, comme les discours qu'il a faits antérieurement sur le
même projet, ne colle pas à la réalité. Ces discours
ne semblent avoir aucun rapport avec ce que le ministre a fait dans son projet
de loi no 65. Je vais donner des exemples de cela parce que je pense que c'est
important.
Le ministre nous dit: Voyez, à la suite de la notion
d'équité sociale que nous avons, nous avons relevé
moi, je l'ai cru, je l'ai dit tout à l'heure les impôts sur
les hauts revenus et nous avons abaissé les impôts sur les bas
revenus. Ou bien je ne sais pas lire ou bien le ministre ne nous dit pas la
vérité. En effet, si je regarde la loi qui existait
antérieurement, on disait que le taux d'imposition sur les faibles
revenus était de 16%. Je lis l'article: "16% de la partie du revenu
imposable qui excède $2000 si celui-ci est supérieur à
$2000, mais n'excède pas $9000". Cela veut dire qu'avant l'introduction
du projet de loi on avait un taux d'imposition de 16% sur des revenus allant de
$2000 à $9000. Il faudra se rappeler que, pour les premiers $2000,
l'impôt était nul, il n'y avait pas d'impôt. Donc, de $2000
à $9000, la loi disait 16%. (12 h 50)
Qu'est-ce que je lis dans le projet de loi maintenant? A partir d'un
revenu imposable de $2000 on ne parle pas de $40 000, on ne parle pas de
$100 000 le taux est de $284 plus 16% de la partie du revenu imposable
qui excède $2015, si celui-ci est supérieur à $2015 et
n'excède pas $2906. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que,
pour un revenu imposable de $2000, déjà on a un taux plus
élevé que celui qui s'appliquait en vertu de la loi
jusqu'à maintenant. En vertu de quelle imagination peut-on nous faire
croire qu'on a augmenté les impôts seulement pour les riches et
pour les grandes fortunes? Je reviendrai ensuite parce que je sais que la
réponse que le ministre va donner, ce sont les exemptions. Parlons-en,
des exemptions! Les exemptions sont les suivantes. Avant le projet de loi, les
exemptions étaient de $3600; l'exemption de base était
équivalente aux $3600 que le ministre nous présente aujourd'hui.
Donc, aucun changement sur l'exemption de base. Aucun changement. Ce n'est pas
ce que nous dit le ministre; il nous dit qu'il a relevé l'exemption de
base. Il ne l'a pas relevée parce que les premiers $2000
n'étaient pas taxés auparavant; c'était $1600
l'exemption.
M. Parizeau: Question de privilège, Mme la
Présidente.
M. Raynauld: Mme le Président, j'aimerais terminer.
M. Parizeau: Question de privilège.
M. Raynauld: Question de privilège, ah bon!
Mme le Vice-Président: M. le ministre, vous pourriez
invoquer l'article 96 pour rétablir les faits sur un discours que vous
avez déjà prononcé.
M. Parizeau: Mme la Présidente, j'invoque une question de
privilège pour la raison suivante.
Mme le Vice-Président: Vous invoquez un privilège.
M. le ministre.
M. Parizeau: On vient de me faire dire que j'ai discuté,
tout à l'heure, de la fusion des $2000 taxés au taux zéro
avant avec les $1600 d'exemption personnelle.
Je n'ai fait aucune allusion de cet ordre dans mon discours tout
à l'heure. Je n'en ai pas parlé, justement parce que cela n'a pas
de signification autre que comptable. Je n'ai fait aucune allusion à
cela et c'est la raison pour laquelle je me lève sur une question de
privilège. Je ne vois pas pourquoi le député d'Outremont
me met dans la bouche des paroles que je n'ai d'aucune façon
prononcées.
Mme le Vice-Président: M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: Mme la Présidente, je pensais que
c'était une question de privilège sérieuse. Tout à
l'heure, le ministre a laissé entendre qu'il avait augmenté les
exemptions, alors je reconnais...
M. Parizeau: Sur une question de privilège, madame!
M. Raynauld: Ce n'est pas la peine de soulever une question de
privilège, Mme le Président. Je reconnais que le ministre n'a pas
dit, tout à l'heure, qu'il avait avancé que cela avait
monté de $1600 à $3600. Je dis cependant que,
premièrement, l'exemption de base, par conséquent, n'est pas
changée avec ce qui existait auparavant. C'est un point important parce
que l'ensemble des observations que le ministre avaient faites avaient pu
laisser croire à un changement majeur du côté des
exemptions. Ce n'est pas tout. On augmente ensuite l'exemption de la femme
mariée ou de l'épouse de $1900 à $2700, cela veut dire une
augmentation de $800 dans les exemptions. Pour un couple marié, les
exemptions de base passent de $5500 à $6300. Je dirai qu'il n'y a pas
là de quoi fouetter un chat. C'est une augmentation très
raisonnable, très minime. Ce qui veut dire que l'exemption pour des
personnes mariées est de $6300 alors qu'elles étaient de $5500.
La différence de $800 fait que la comparaison que j'ai faite tout
à l'heure sur les taux d'imposition n'est pas exactement comparable
puisque je comparais des revenus imposables.
Cependant, si j'ajoute les exemptions, j'arriverai à dire ceci: A
partir de $2000 de revenus imposables, plus les $6300 d'exemption, cela fait un
revenu de salaire de $8300. A partir de ce salaire de $8300, le projet de loi
fait augmenter les impôts par rapport à la situation actuelle. Et
on va nous dire que c'est la notion de l'équité sociale de ce
gouvernement, et on va nous dire qu'on taxe les riches et qu'on diminue les
impôts chez les pauvres! Je pense que c'est de la démagogie, Mme
le Président. Je m'excuse, mais ces chiffres sont exacts ou je
démissionne d'ici. Je ne sais pas lire. Mais si ces choses-là
sont exactes...
Une Voix: Démissionnez.
Une Voix: Bravo! Une démission sûre.
M. Raynauld: ... cela veut dire que le gouvernement a
augmenté les impôts à partir d'un salaire de $8300 pour un
couple marié. Evidemment, si je continue à lire les changements
dans les barèmes d'impôt, je verrais que pour tous les montants
supérieurs, évidemment, c'est plus de 16%. On a multiplié
les barèmes d'impôt. On dit, par exemple, à partir de $2906
on va payer $426, donc les 16% du palier antérieur, plus 17%. Il faut
rappeler que jusqu'à $9000, avant, on payait 16%; pour le palier
supérieur, on paie 18%. Là, on est rendu à peu près
à $4000. Rendu à $5000, on paie 19%, quand on payait
antérieurement 16%. A $6500, on paie 20%, toujours au taux marginal, 20%
d'impôt. A $8095, on paie 21% et 22% quand on arrive aux $9935, donc, au
palier supérieur. Je ne continuerai pas la comparaison, et je reviens
sur l'essentiel. On nous présente ce projet de loi comme étant un
projet de loi qui, encore une fois, réduit les impôts chez les
pauvres et les augmente chez les riches. Je réponds à cela: Le
riche commence à $8300, c'est cela un riche au Québec, et on
augmente les impôts! Bien sûr, ce n'est pas incompatible avec
l'affirmation que le ministre fait qu'il a abaissé les impôts pour
90% de la population, sauf que j'aimerais qu'il nous fasse la
démonstration des 90%. J'aimerais cela la voir, mais je suis prêt
à le croire sur parole. Ce n'est pas incompatible avec ce que je dis. Ce
que je dis ici, c'est que lorsqu'on présente un projet de loi, encore
une fois, comme étant un projet de loi social et qu'on augmente les
impôts à partir de $8300, je me demande de quelle justice et de
quelle équité on parle.
Je voudrais maintenant faire porter le débat sur ce que je
croyais, au départ, être le principal de mes propos, parce qu'il
s'agissait, en fait, de la cohérence de l'ensemble des politiques du
gouvernement, parce que c'est à l'intérieur d'une
cohérence d'ensemble qu'on est capable de juger une mesure fiscale
particulière sur la possibilité ou non, par exemple, d'atteindre,
non pas un objectif au détriment des autres, même si c'est un
objectif d'équité, mais l'ensemble des objectifs qu'un
gouvernement se donne. Autrement dit, ce projet de loi est-il en accord ou
vient-il en contradiction avec d'autres objectifs que la répartition
plus égalitaire des revenus? Ce projet de loi, quant à moi...
Mme le Président, si vous suggérez que je suspende le
débat, je demande alors l'ajournement des travaux.
Mme le Vice-Président: II est 13 heures. Cette
Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
Suspension de la séance à 12 h 58
Reprise de la séance à 15 h 6
Le Vice-Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Veuillez vous asseoir.
Nous en sommes toujours à l'étude du projet de loi 65 et
M. le député d'Outremont, qui avait commencé son discours
à 12 h 33, avait demandé la suspension.
M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je n'ai jamais
compris la différence entre suspension et ajournement, je m'excuse.
M. Burns: II y a des choses que vous ne comprendrez jamais.
Le Vice-Président: S'il vous plaît!
M. Raynauld: II y a des choses oui, c'est cela sans
importance que je ne comprendrai jamais.
Le Vice-Président: La pertinence du débat, s'il
vous plaît!
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Juste avant
l'ajournement, j'ai essayé de montrer que le ministre avait
augmenté les taux d'imposition à partir d'un revenu imposable de
$2000, ce qui, avec une exemption de $6300 pour un couple marié sans
enfant, faisait un salaire de $8300. J'ai dit qu'à partir de ce salaire,
les taux d'imposition avaient été augmentés et seraient
augmentés par le projet de loi 65. A partir de ce moment-là, j'ai
également dit que cela ne me paraissait pas incompatible avec
l'affirmation du ministre des Finances suivant laquelle il avait réduit
les impôts d'un très grand nombre de personnes.
Comme cette affirmation n'est pas évidente, je vais essayer de
l'expliquer en deux mots. La raison pour laquelle cela peut ne pas être
incompatible, c'est qu'une exemption de $800, comme celle qui a
été augmentée par le ministre des Finances, peut valoir
plus en réduction d'impôt que ce que coûte en augmentation
d'impôt la variation dans le taux d'imposition. Je ne sais pas si on me
comprend bien. Même si on dit que sur $100 je devrai payer 2% de plus, ce
qui veut dire $2, il n'est pas impossible que la réduction de
l'impôt soit plus élevée que $2 si, en même temps,
mon exemption est suffisamment élevée. C'est dans ce
sens-là que j'ai dit cela.
Ceci dit, je dirai deux choses. La première, c'est que comme les
exemptions valent plus pour
un riche que pour un pauvre, puisque le riche, avec la même
exemption de $800, paierait normalement un taux d'impôt plus
élevé qu'un pauvre, et que le ministre relève le taux
d'imposition des pauvres, je pense qu'il est impossible qu'il invoque des
notions d'équité pour faire adopter ce projet de loi.
Les apparences sont qu'effectivement il réduit les impôts
des pauvres et qu'il augmente ceux des riches. En réalité, ce
n'est pas ce qui se passe dans le projet de loi. Encore une fois, comme les
exemptions sont relevées pour tout le monde, y compris les riches, et
que ces exemptions pour les riches valent plus, je pense qu'il n'est pas
possible de dire que, compte tenu de l'ensemble, les pauvres sont vraiment plus
avantagés que les riches dans ce projet de loi. Avec les exemptions, le
ministre des Finances réduit l'impôt de tout le monde et il
favorise les riches. Avec les changements de taux qui sont proposés, le
ministre pénalise tout le monde, y compris les pauvres, parce que,
évidemment, l'augmentation des taux aussi s'applique à tout le
monde. Cela ne s'applique pas seulement aux riches; cela s'applique à
tout le monde, comme je vous l'ai montré ce matin. Les exemptions
s'appliquent également à tout le monde. (15 h 10)
Comment peut-on, à partir de ces deux observations, nous
présenter ce projet de loi comme étant un projet de loi
progressiste, un projet de loi qui favorise d'abord les pauvres? En
conséquence, je répéterai ce que j'ai demandé au
ministre ce matin. Premièrement, qu'il nous fournisse la preuve qu'il y
a effectivement 90% des contribuables qui verront leurs impôts baisser.
Je dirai là-dessus que, comme cela me paraît invraisemblable
à l'heure qu'il est, je voudrais que le ministre nous apporte des
précisions sur ce sujet qui vont au-delà de ce qui est
publié dans les documents budgétaires, parce que cela me
paraît, encore une fois, invraisemblable que ce soit possible.
En ce qui concerne les personnes âgées, il est exact que
l'exemption a été portée de $1000 à $1500 et que,
par conséquent, on a une réduction d'impôt pour la grande
majorité des gens qui bénéficient de cette exemption
spéciale. Mais je voudrais ajouter là-dessus, simplement par un
souci de vérité, pas pour dénigrer cette mesure, que ce
qu'on a dans les documents budgétaires comme impact de cette mesure pour
les personnes âgées, c'est une réduction d'impôt de
$10 millions pour 1978 et une réduction d'impôt de $12 millions
pour 1979. Des réductions d'impôt de cet ordre de grandeur, ce
n'est pas considérable. Ce sont des réductions d'impôt
très minimes qui sont apportées à l'heure actuelle en ce
qui concerne les personnes âgées. Encore une fois, je ne nie pas
qu'il y a une mesure en faveur des personnes âgées, mais je dirai
que là non plus, je ne pense pas qu'il y ait matière à
faire de grandes fanfaronnades et de grandes explosions de joie.
Voilà, M. le Président, ceci va terminer le point que
j'avais soulevé ce matin en ce qui concerne ces notions
d'équité, ces notions de justice en ce qui concerne ce projet de
loi. Je voudrais mainte- nant passer à un autre point. Le point suivant,
j'avais tout juste commencé de le soulever, c'était celui de la
cohérence, ce que j'ai appelé la cohérence de l'ensemble
des politiques gouvernementales. Cohérence des politiques
gouvernementales qui exigent que toutes mesures particulières ne servent
pas seulement à atteindre un objectif au détriment des autres,
mais à atteindre un ensemble d'objectifs avec une espèce de
compromis, si on veut, qu'on est toujours obligé de faire lorsque les
objectifs sont contradictoires.
On peut vouloir, d'un côté, avoir une répartition
plus égale des revenus, d'autre part, on veut aussi avoir des emplois
dans une société, et là, il se peut que, ces deux
objectifs étant contradictoires, un gouvernement doive prendre une
position mitoyenne, chercher à trouver le meilleur équilibre
possible entre ces deux objectifs contradictoires. Ce projet de loi, en ce qui
me concerne, est, en fait, en contradiction avec les objectifs, un grand nombre
d'objectifs autour desquels il existe un large consensus dans la
société, c'est-à-dire la création d'emplois, la
stabilité des prix et l'augmentation de la productivité. Une
taxation plus progressive pénalise l'épargne. C'est bien connu et
cela réduit les investissements. Ce qu'on sait moins, c'est que si
l'épargne est plus rare, ou bien on importe l'épargne qui manque
et on se vend soi-même aux étrangers, ou bien on augmente les taux
d'intérêts et les taux de profits au détriment des salaires
et des travailleurs.
Lorsque l'épargne est réduite, ce ne sont pas les
travailleurs qui en bénéficient, on est obligé de
permettre une augmentation dans les taux de profits puisque ce capital est plus
rare, et ces augmentations de profits, c'est autant d'enlevé aux
salaires et aux travailleurs. De même, on sait que la principale source
de productivité consiste dans les équipements et le
progrès technique. En réduisant l'épargne en
deçà de ce qu'elle serait autrement, on limite du même coup
l'accroissement de la productivité. Or, ici de nouveau, sur qui retombe
finalement cette paresse des investissements et de la productivité,
sinon sur les travailleurs dont on est censé vouloir le bien? La
productivité, c'est elle qui détermine la capacité de
payer d'une société et d'une économie, c'est elle qui, par
conséquent, détermine la capacité de donner des
augmentations de salaires aux travailleurs sans inflation.
Si la productivité est aussi faible qu'elle l'a
été, par exemple, au cours des deux dernières
années, ce n'est pas limité au Québec, mais dans
l'ensemble du Canada, une augmentation de 0,5% dans une année, pour deux
années consécutives à ce moment, cela veut dire qu'il
n'est pas possible, sans les redistributions de revenus, de donner des
augmentations de salaire supérieures à ces augmentations de
productivité, sans créer l'inflation. Ce n'est pas surprenant si
on en a de l'inflation.
Enfin, l'expérience de ces dernières années a
démontré clairement que le poids excessif de la fiscalité
a été pour beaucoup dans la perpétuation de l'inflation
que nous connaissons. Et, l'inflation, à son tour, est un obstacle
infranchissable à des politiques vigoureuses de stimulation de
l'emploi
qui nous permettraient d'offrir du travail aux 300 000 chômeurs du
Québec. La raison pour laquelle on a des chômeurs aujourd'hui, ce
n'est pas parce qu'on ne sait pas comment créer des emplois on le
sait comment créer des emplois mais on ne peut pas les
créer, on ne peut pas introduire des politiques de stimulation
nécessaire, parce qu'en même temps on a une inflation de l autre
côté qui est aussi nuisible à long terme que le
chômage que nous avons.
Le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui n'est évidemment pas
à l'origine de tous les maux qui nous affligent, mais son impact va dans
une certaine direction, et cette direction, c'est celle d'alourdir encore la
machine, c'est celle de rendre encore plus difficile qu'autrement la poursuite
de nos objectifs de croissance et d'efficacité économique. Or, je
suis de ceux qui croient fermement que le progrès social passe par le
plein emploi et la stabilité des prix, il ne passe pas comme autrefois
par la redistribution des revenus. La redistribution, comme d'ailleurs la
nationalisation des entreprises sont des instruments dépassés
d'intervention, ce sont des instruments anachroniques, des instruments qui ont
perdu leur efficacité et leur raison d'être, compte tenu des
structures sociales contemporaines. La redistribution par l'impôt a
atteint ses limites il y a déjà bon nombre d'années. Ce
n'est pas en augmentant les impôts des contribuables soit-disant
fortunés qu'on aide les contribuables moins fortunés, et ce n'est
pas non plus occuper une place à l'extrême droite de
l'échiquier des valeurs politiques que d'en faire la constatation.
Le ministre aurait été beaucoup mieux avisé s'il
s'était limité à restructurer les systèmes des
exemptions, comme il a fait, et à ajuster ses barèmes et paliers
d'impôt sans augmenter simultanément les taux d'imposition. Je
suppose qu'une telle suggestion eût coûté plus cher au
trésor public, mais dans ce cas il eût mieux valu s'abstenir.
Quand on n'a pas les moyens de ses ambitions, justement, on attend des jours
meilleurs.
C'est d'ailleurs ce que le ministre a décidé de faire en
ce qui concerne la mini-indexation qu'il avait annoncée dans son
discours du budget, et pour laquelle il avait été si bruyamment
applaudi à l'Assemblée nationale, puisque l'indexation des
barèmes d'impôt est au programme du Parti québécois
depuis si longtemps.
De fait, l'indexation des exemptions de base a été
reportée au 1er janvier 1980. Qui sait si d'ici là le ministre ne
trouvera pas d'autres difficultés sur son chemin qui le forceront
à reporter encore plus loin l'application de cet article du programme du
Parti québécois. Mais on n'est pas à un seul retard
près puisque, suivant les théories officielles de ce
gouvernement, il faut toujours aller par étapes.
Mon troisième point sera très bref, il se rapporte aux
dépenses d'automobile. Nous avons reçu un excellent document
d'information sur ce sujet du Regroupement des travailleurs autonomes de
Rimouski. Ce document démontre en premier lieu que le ministre ajoute
$2000 à $3000 au revenu imposable des travailleurs autonomes et,
partant, augmente l'impôt payable d'environ $500. Il démontre
ensuite que la prétention du ministre que les travailleurs autonomes
jouissaient de privilèges relativement aux salariés n'est pas
fondée en ce qui concerne les travailleurs que j'appellerai
professionnels.
Ce matin, lorsque le ministre nous a donné un exemple
d'absurdité, c'est à ce moment-là que j'ai dit qu'il
enfonçait des portes ouvertes. Il nous a donné des exemples assez
stupides où le travailleur autonome ferait exactement la même
chose que sa secrétaire, c'est-à-dire prendre sa voiture, aller
au bureau le matin et retourner chez lui le soir. C'est un exemple stupide
parce que ce n'est pas de cela que nous parlons; nous parlons de travailleurs
qui utilisent leur voiture à longueur de journée pour gagner le
revenu qu'ils vont déclarer au trésor public. Pour ces
travailleurs professionnels, la comparaison que le ministre nous a
donnée ce matin n'est absolument pas fondée. S'il veut vendre ce
projet, il devra apporter d'autres exemples un peu plus réalistes. (15 h
20)
Mon quatrième et dernier point portera sur l'harmonisation
absolument nécessaire des lois fiscales du Québec et du
gouvernement fédéral. Il faut bien reconnaître à cet
égard que toute divergence est une source d'ennui et de frais
supplémentaires d'interprétation. Je dirai aussi que le
Québec a parfois de bonnes idées et que le fédéral
serait bien avisé de suivre l'exemple du Québec et de s'adapter
lui aussi de temps à autre à ce que le gouvernement du
Québec propose.
Il en est ainsi, par exemple, de la déduction de 3% du revenu
pour frais d'emploi, qui est limitée à un maximum de $250 au
gouvernement fédéral et à $500 au Québec. Sur ce
point, j'encouragerais le gouvernement fédéral à relever,
lui aussi, le maximum de cette déduction pour frais d'emploi.
En général, cependant, c'est le Québec qui est
souvent moins généreux et c'est à lui, à mon avis,
qu'il appartiendrait de faire les concordances nécessaires. Sans
contester que, dans le projet de loi que nous étudions, le ministre se
soit attaqué à plusieurs de ces divergences, il en reste encore
plusieurs autres dont je voudrais citer quelques exemples. Le premier est le
suivant: la déduction de $1000 pour perte de capital, contre $2000 au
niveau fédéral qui sont acceptés comme déduction
pour fins d'impôt. Deuxième exemple, les dividendes versés
en actions qui continuent d'être assimilés au Québec
à des dividendes en argent et qui sont taxés en
conséquence, tandis qu'au gouvernement fédéral ils ne sont
pas taxés comme revenus. Troisième exemple, les options d'achat
d'actions en faveur des employés qui sont imposables au Québec et
libres d'impôt à Ottawa. Quatrième exemple, plusieurs
catégories de revenus que j'appellerai invisibles, tels que les
prêts aux employés à des taux d'intérêt
inférieurs au marché, qui sont exonérés au
fédéral et qui sont imposables au Québec. Le régime
enregistré d'épargne-retraite qui est limité à un
maximum de $3000 au Québec et à $5500 à Ottawa. Enfin, la
divergence mineure, que j'appellerai une simple
nuisance, relative à l'exonération de 3% pour la valeur
des stocks. En ce qui concerne cette divergence, il s'agit simplement d'ajuster
les calendriers. Je pense que le ministre a vraiment manqué de s'aligner
sur la législation fédérale, puisqu'il n'y avait pas de
conséquences sérieuses à cet égard.
Donc, il faut réaffirmer ici la primauté du sens commun
pour éliminer, autant que possible, ces divergences entre les
législations fiscales et faciliter les choses aux contribuables dans un
domaine qui est devenu une tour de Babel dans laquelle même les
comptables risquent de perdre leur réputation. M. le Président,
je me rends compte qu'il n'a pas été possible, dans le temps qui
m'est imparti, de toucher à tous les aspects du projet de loi. J'ai
indiqué que ce projet de loi était très long, j'ai
indiqué qu'il touchait à toutes sortes de questions disparates,
étrangères les unes aux autres, mais j'ai essayé
plutôt de faire quelques réflexions sur les problèmes
centraux soulevés par le projet de loi. Je m'arrêterai ici tout de
même, en promettant de poursuivre le débat en commission
parlementaire, dans la mesure où nous pourrons le faire compte tenu de
la fin de la session. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, M. le Président, vous me permettrez,
sans doute, au nom de mon parti, de prendre quelques instants de cette Chambre
pour entretenir cette Chambre, si vous voulez, dans le cadre du débat
sur le projet de loi 65 que nous débattons présentement et qui a
pour but la modification de la Loi sur les impôts. Nous savons que ce
projet de loi fait suite à la déclaration ministérielle du
ministre des Finances, le 21 décembre dernier, et contient la plupart
des modifications proposées à la loi fédérale
sanctionnée également au mois de décembre dernier, ainsi
que certaines mesures contenues dans le projet sanctionné en
février dernier. Nous savons également que ce projet de loi donne
suite au discours sur le budget du mois d'avril dernier, discours
prononcé par l'honorable ministre des Finances, et contient les mesures
nécessaires au réaménagement des exemptions personnelles,
la simplification du calcul de l'impôt, la modification de la table des
taux d'imposition et, également, l'introduction de mesures plus
restrictives visant certaines dépenses et notamment, M. le
Président, les dépenses d'automobile; chapitre que je traiterai
pendant ce court moment qui est mis à ma disposition. Enfin ce projet de
loi contient certaines mesures pour préciser certaines règles,
pour faciliter la loi de l'impôt sur le revenu.
Il est vrai que ce projet de loi a 233 articles, donc, très
volumineux, et de ces 233 articles, il y en a plusieurs qui sont d'ordre
technique et même de concordance. Nous pourrions, en étudiant ce
projet de loi, tel que l'a mentionné le ministre des
Finances ce matin, critiquer à peu près au complet le
discours du budget. Nous pourrions en profiter pour toucher à tous les
aspects qu'on peut traiter lors de la réplique au discours du
budget.
Personnellement, je m'attarderai à certains articles qui visent
surtout les augmentations de taxes. On sait que ce projet de loi prévoit
également certaines exemptions pour différents groupes de
personnes. Je n'ai pas besoin de les nommer, le ministre s'en est chargé
et il en a fait état lors de son discours ce matin et également,
lors de son discours sur le budget, il en avait fait état largement.
Comme je l'ai dit, il en a profité de nouveau ce matin pour traiter de
ce sujet. Un fait à souligner, entre autres, c'est que ce projet de loi
pénalise très largement tous ceux qui prennent des
décisions au Québec, tous ceux qui créent de l'emploi au
Québec.
Il me semble que le ministre des Finances aurait dû, alors que le
taux de chômage est très élevé, prendre en
considération le fait que les gens qu'on pénalise par ces
augmentations d'impôt sont des créateurs d'emploi, des gens qui
prennent des décisions; c'est sur ces gens-là que nous comptons
beaucoup pour le développement économique de notre province.
Cette loi, d'après certains reporters de réseaux de
télévision bien connus, contribuera à l'exode des
sièges sociaux, autant que d'autres lois ont pu le faire, telles la loi
101 ou autres mesures qu'a amenées le Parti québécois
depuis deux ans, mesures qui, à certains moments, ont créé
un climat d'incertitude. Cette loi va avoir à peu près les
mêmes répercussions. D'ailleurs, M. le Président, il me
semble avoir déjà lu dans un journal que le ministre d'Etat au
développement économique avait souligné que le
gouvernement devait ou devrait reconsidérer ses mesures fiscales,
surtout dans le cas des cadres, de façon à harmoniser notre
structure de taxation avec les autres provinces pour être plus
compétitif. Ce sont les propos qu'avait tenus le ministre d'Etat au
développement économique.
M. le Président, il y a un chapitre qui m'intéresse
particulièrement et qui intéressera davantage tous les
travailleurs autonomes: voyageurs de commerce, vendeurs, petits
commerçants, enfin, la plupart des travailleurs autonomes du
Québec, ainsi que les particuliers qui utilisent leur auto pour gagner
leur vie. Si ces gens n'ont pas pris connaissance du projet de loi que nous
débattons présentement et que le gouvernement du Parti
québécois nous présente, ils auront une
désagréable surprise lorsque le moment sera venu de produire leur
rapport d'impôt. En effet, ils s'apercevront qu'ils ne pourront plus
déduire la fraction généralement acceptée des deux
tiers des dépenses d'automobile. On va chercher dans ces cas plus qu'on
avait promis en permettant certaines mesures avantageuses. Les avantages seront
de courte durée lorsque ces travailleurs s'apercevront qu'ils ne
pourront plus déduire les dépenses d'automobile, lesquelles ils
avaient le droit de déduire.
En plus, bien sûr, des travailleurs mentionnés,
il y a tous les agriculteurs; c'est pour cette raison que je parle
précisément de ce chapitre, que je m'attarde à ce
chapitre. Vous savez, M. le Président, que le comté que j'ai
l'honneur de représenter compte beaucoup d'agriculteurs. C'est pourquoi
je voulais toucher ce chapitre des travailleurs autonomes, et les agriculteurs
sont inclus dans la définition de travailleurs autonomes; donc, ils sont
touchés par ce projet de loi. Lors de leur déclaration
d'impôt, les agriculteurs auront, eux aussi, la désagréable
surprise que je mentionnais tout à l'heure. En effet, les règles
suivantes s'appliquent à l'égard des agriculteurs qui utilisent
une automobile, à la fois pour des fins personnelles et d'affaires, et
qui, par ailleurs, ont le droit de réclamer des dépenses
d'automobile. Ils s'apercevront que l'amortissement est limité à
un cinquième, 20%, si vous voulez, de l'amortissement, et le coût
maximal admissible à $7500. Il y aura une très grande
différence avec ce qu'ils avaient les années antérieures.
(15 h 30)
Plusieurs dépenses ne seront plus admissibles en déduction
telles que les frais d'obtention d'un permis de conduire, les frais
d'intérêt relatifs à l'achat, les frais d'immatriculation
et les frais d'assurance. L'essence, l'entretien et la réparation ne
sont pas déductibles ou le sont à partir de $75 par mois. Si vous
me le permettez, M. le Président, toujours en parlant sur le principe,
mais en argumentant par des exemples, comment ces gens-là pourront-ils
constater leur désagréable surprise lorsqu'ils feront leur
rapport d'impôt pour l'année en cours?
L'exemple de calcul que j'apporterai illustrera clairement la
différence entre l'ancienne et la nouvelle mesure proposée
concernant une automobile qui peut valoir environ $9000. Si on tient compte du
coût en capital admissible à l'amortissement, si on tient compte
également de l'amortissement admissible, comme je l'ai dit, du permis de
conduire, des frais d'intérêt, des frais de financement, de
l'immatriculation, des assurances, des réparations, de l'entretien de
l'essence et, dans certains cas, s'il y a lieu, du coût de location, on
s'apercevra que ces travailleurs autonomes surtout les agriculteurs qui,
pour la plupart, sont touchés, parce que les agriculteurs ont au moins
une automobile paieront cette année entre $500 et $700 de plus
d'impôt seulement au chapitre de leur automobile, déduction
à laquelle ils avaient droit auparavant et à laquelle ils
n'auront plus droit.
Lorsque le ministre des Finances nous a expliqué ce matin
pourquoi on avait pris le pourcentage de 20% pour utilisation au travail, et
80% pour utilisation personnelle, il a donné des exemples comme le
médecin, comme la secrétaire. J'en conviens, mais, dans bien des
cas, vous savez comme moi que des travailleurs autonomes peuvent
régulièrement se servir de leur automobile pour leur travail et
s'en servir peut-être à 50%, 60%, 70% et même 80%. Pour les
cas dont nous a fait part le ministre des Finances, avec ses 20%, je pense que
cette moyenne est trop basse et qu'on devrait réviser ces chiffres.
Pourquoi devrait-on les réviser? Parce qu'on a des chiffres, à un
moment donné, si on se base sur les travailleurs qui sont à
l'emploi de l'Etat... Pourquoi certains travailleurs de l'Etat peuvent-ils
faire jusqu'à 40 000 milles par année avec leur voiture quand
d'autres peuvent faire 20 000 milles et d'autres ne faire que 10 000
milles?
Or, si un travailleur de l'Etat, huit heures par jour, peut
réussir à faire 40 000 milles par année pour l'Etat, si on
tient compte de ce pourcentage de 20%, cela veut dire qu'on pourrait
considérer que le travailleur pourrait faire au-delà de 80 000
milles à 85 000 milles par année pour son usage personnel, ce qui
est tout à fait exagéré. C'est pourquoi on devrait
réviser ce chiffre.
Maintenant, j'aimerais poser quelques questions au ministre des
Finances, à savoir s'il peut, lors de sa réplique, nous dire
clairement et nous démontrer, à l'aide d'exemples, qui, dans ceux
qui interprètent ces chiffres, peuvent avoir raison. Lors de la lecture
du discours du budget, l'ensemble des Québécois croyaient qu'en
1978 ils paieraient moins d'impôt que l'année
précédente, l'année 1977. Le ministre, à maintes
reprises, appuyé par les députés ministériels, a
laissé entendre aux Québécois qu'en 1978 l'ensemble des
Québécois, c'est-à-dire plusieurs Québécois,
plus de la moitié des Québécois paieraient moins
d'impôt qu'en 1977. Il a laissé entendre que les haut
salariés paieraient plus d'impôt et que les bas salariés
paieraient moins d'impôt. Or, c'est également l'impression que
j'avais eue et, à la suite des applaudissements nourris de la part des
députés ministériels, lorsque le ministre des Finances
avait fait ces annonces, il semblait qu'en 1978 la plupart des
Québécois, les petits salariés Québécois
paieraient moins d'impôt.
Dans la matinée, le député d'Outremont a quasi mis
son siège en jeu. Il faudrait que je relise le journal des
Débats, mais, en tout cas, il a parlé de mettre son siège
en jeu en affirmant qu'un couple marié sans enfant ayant un salaire
d'environ $8300 par année paierait plus d'impôt que l'an
passé, si on considère le salaire net. C'est ce que le
député d'Outremont a semblé dire. Si tel est le cas, vous
conviendrez avec moi que $8300, $8500 ou même $10 000 par année,
cela ne devrait pas être considéré comme un gros salaire.
Quant à moi, je qualifie un montant semblable de salaire minimum. Si le
député d'Outremont a raison je crois que ce n'est pas ce
que laissaient entrevoir les propos entendus lors du discours du budget
il y a quelqu'un dans cette Chambre qui n'a pas raison et je voudrais savoir
qui n'a pas raison.
Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, le ministre
a essayé de nous démontrer qu'un cadre gagnant environ $50 000
à Montréal ou à Toronto avait à peu près le
même pouvoir d'achat. Cela est un peu contradictoire avec le rapport
entendu sur les ondes du réseau d'Etat de télévision. Dans
ce rapport qui faisait suite à une étude effectuée sur le
déménagement des sièges sociaux, on disait clairement
qu'en moyenne le cadre de Toronto, aux mêmes conditions de
travail, aux mêmes conditions de salaire, avait un revenu net
moyen je dis bien moyen au niveau des sièges sociaux de
$8000 de plus par année. Ces $8000 de plus par année, les
perdrait-il avec son pouvoir d'achat à Toronto? C'est ce que je voudrais
savoir de l'honorable ministre lorsqu'il donnera sa réplique sur ce
discours de deuxième lecture.
M. le Président, toutes sortes de chiffres aussi
sophistiqués les uns que les autres ont été
véhiculés et ce, de façon bien différente.
Pourtant, ce qui est le plus drôle, tous semblent avoir raison même
si les chiffres dans certains cas sont bien contradictoires. Chose certaine, il
y a des gens qui doivent avoir en partie et en totalité raison, cela je
l'accepte, mais également je crois qu'il serait logique d'affirmer que
tous ne peuvent pas avoir raison en même temps. C'est pourquoi j'aimerais
que le ministre soit plus clair, plus précis, bien que je ne mette
nullement en doute sa parole, ni celle, d'ailleurs, de mon collègue, le
député d'Outremont. J'aimerais donc que le ministre, lors de sa
réplique, soit plus clair, plus précis et nous dise à un
moment donné qui a raison.
Pourquoi ne pas prendre des exemples simples, clairs, nets et
précis et dire aux Québécois, de façon non
équivoque, ce à quoi ils doivent s'attendre lorsqu'ils produiront
leur déclaration d'impôt en avril prochain? On pourrait, pour
éclairer l'ensemble des Québécois, M. le Président,
répondre par le biais d'exemples. Je peux poser ici une question
à titre d'exemple au ministre des Finances. Est-ce qu'un couple
marié sans enfant, gagnant $8000, $10 000, $12 000 ou $15 000 par
année paiera, oui ou non, plus d'impôt que l'an passé?
C'est ce qu'on veut savoir. Est-ce qu'un couple, par exemple, qui gagne $8000,
$10 000 ou $15 000 je veux que vous le disiez aux
Québécois; vous prendrez le chiffre que vous voudrez; vous
pourrez en prendre deux ou trois, pas besoin d'avoir des grandes
théories paiera plus ou moins d'impôt?
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le
député me permettrait de lui donner la réponse tout de
suite?
Le Vice-Président: M. le député.
M. Goulet: Vous pouvez la donner certainement, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances, on vous le
permet.
M. Parizeau: On me pose une question très simple. Je vais
donner une réponse aussi simple que possible. A $7000, un contribuable
marié va payer, par rapport à l'ancienne échelle, cette
année, $225 de moins. A $13 700, qui est le salaire industriel moyen,
cette année, il paiera $291 de moins. C'est dans les documents
budgétaires.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Goulet: M. le Président, j'ai permis à
l'honorable ministre des Finances de donner sa réponse. Il a
donné $7000, il a donné $13 000, mais, sauf erreur, à
moins que je n'aie mal entendu, on semblait, dans la matinée, dire
qu'à partir de $8300 pour un couple marié sans enfant on devrait
payer plus d'impôt. (15 h 40)
Les chiffres que vient de véhiculer le ministre des Finances,
était-ce toujours pour un couple marié sans enfant ou
était-ce pour un célibataire? J'aimerais avoir la réponse
juste par un signe de tête, oui ou non.
M. Parizeau: C'est: contribuable marié... M. Goulet: Sans
enfant.
M. Parizeau: ... page 8, renseignements supplémentaires,
impôt page 19.
Le Vice-Président: Merci, monsieur. A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Bellechasse.
M. Goulet: Alors, M. le ministre des Finances nous dit... Oui, je
pense que c'est pertinent au débat.
Le Vice-Président: Oui, d'accord.
M. Goulet: Ecoutez, il faut en profiter pour renseigner les
Québécois, parce que les chiffres qui sont
véhiculés sont assez contradictoires. On parle de $8000, on va
payer plus cher, le ministre dit $13 000, on paie moins cher. On voudrait
savoir qui a raison.
Il faudrait que les gens se mettent bien dans la tête que les
Québécois qui nous écoutent ne sont pas tous des
économistes diplômés des universités les plus
reconnues, soit du Québec ou des Etats-Unis; ils ne sont pas non plus
tous des comptables agréés. Il faudrait une fois, au moins,
prendre des propos pour que l'ensemble des Québécois comprennent
ces chiffres et le sachent clairement, que M. Tout-le-Monde puisse se dire ce
soir, dans son salon: C'est M. Untel qui a raison ou c'est M. Untel qui a
raison. C'est ce que je voudrais que le ministre des Finances puisse
démontrer clairement, tout à l'heure, à M. Tout-le-Monde,
le monsieur qui écoute la télévision, le
Québécois moyen, afin, qu'il sache qui a raison, et donner des
exemples concrets et précis.
Une autre question, M. le Président, est-ce vrai, oui ou non, que
les producteurs agricoles, pour cette année, paieront en moyenne de $500
ou $700 de plus d'impôt, et cela seulement au chapitre de leur
automobile? Ce sont encore là des chiffres qui ont été
véhiculés par l'Union des producteurs agricoles où on dit
qu'un producteur agricole qui a une voiture qui coûte environ $9000,
cette année, cela lui coûtera environ de $500 à $700
d'impôt de plus, toujours si l'on compare son revenu avec celui de l'an
passé, si les chiffres sont les mêmes. Je veux savoir du ministre
des Finances, et qu'il le dise aux agriculteurs, si c'est vrai, oui ou non.
Est-ce vrai, oui ou non, qu'un salarié non marié qui gagne $8000
ou $10 000 ou $12 000 ou $15 000 paiera également plus? Nous avons
apporté l'exemple, tout à l'heure, d'un couple
marié. J'aimerais qu'on apporte un exemple d'un couple marié avec
un ou deux enfants. J'aimerais qu'on apporte l'exemple également d'un
salarié, pas parler de chiffres de $35 000, $40 000 et $50 000, mais
parler de chiffres qu'un Québécois moyen peut gagner, le type qui
va chercher son chèque de paie, le vendredi, qui peut gagner entre
$8000, $10 000, $12 000 ou $15 000, la moyenne. Ce sont nos travailleurs
québécois. C'est ce que je veux savoir du ministre. Il devrait le
dire clairement afin que la population, afin que M. Tout-le-Monde puisse savoir
dès aujourd'hui si, oui, ou non, il aura une agréable ou
désagréable surprise lorsqu'il produira son rapport d'impôt
en avril.
Ce sont là, M. le Président, des questions pourtant bien
simples. Il me semble qu'on n'a pas besoin de dissimuler notre réponse
en arrière d'un paravent de chiffres très sophistiqués
qui, souvent, sont là dans le but de soutenir les propos de savants
économistes, même si ces propos sont contradictoires. Je pense
qu'on en a eu l'exemple, ce matin, d'un côté comme de l'autre de
la Chambre. Les chiffres semblent réels, les chiffres semblent bons,
tout le monde semble avoir raison, mais les chiffres sont contradictoires.
Je suis conscient que nous avons aujourd'hui six projets de loi à
discuter, je suis conscient que d'autres de nos collègues veulent se
prononcer sur ces projets de loi, je suis conscient également que nous
sommes à la fin de la session et c'est un peu les propos que je voulais
tenir au ministre des Finances, avant qu'il nous formule sa réplique,
après ce discours de deuxième lecture.
Le Vice-Président: M. le député de
Laprairie. M. Gilles Michaud
M. Michaud: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous
un projet de loi qui vaut des centaines de millions pour les contribuables
québécois, pas des centaines de millions en moins, mais des
centaines de millions en plus que les contribuables québécois
vont avoir dans leurs poches. Ils ont déjà commencé
à en recevoir une partie au mois de juillet, et ils recevront l'autre
partie lorsqu'ils feront leur rapport d'impôt en 1979 pour l'année
1978.
Ce projet de loi est extrêmement compliqué. Il comporte une
partie très aride et une partie très agréable; nous allons
voir cela dans quelques minutes. Ce projet de loi compte 233 articles, 118
pages et est extrêmement compliqué. Vous allez probablement me
permettre de lire un article; non pas pour critiquer, mais tout simplement pour
montrer quel genre de projet de loi technique nous avons. Je prendrai tout
simplement l'article 106, au milieu du projet de loi.
M. Bellemare: Question de règlement.
Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire de
l'Union Nationale.
M. Bellemare: II est bien entendu qu'en deuxième lecture
on n'a pas le droit de référer aux articles pour aucune
considération. C'est contenu dans notre règlement.
Le Vice-Président: Je suis bien d accord si on s en tient
strictement au règlement. Cependant, il est arrivé souvent...
S'il n'y a pas consentement, je devrai demander... M. le député
de Laprairie, il n'y a pas consentement.
M. Michaud: De toute façon... M. Godin: M.
Bellemare, on s'en souviendra. Le Vice-Président: A l'ordre, s'il
vous plaît! M. Bellemare: Des menaces?
Le Vice-Président: M. le député de
Laprairie, je reconnais que c'est vous qui avez la parole.
M. Michaud: Je vous remercie beaucoup. M. le Président, de
votre gentillesse. Quant à la première partie du projet de loi,
c'est-à-dire la partie très aride, nous n'avons qu'à lire
les notes explicatives, je crois que nous en avons le droit. Ce projet de loi
fait suite à la déclaration ministérielle du ministre des
Finances et contient la plupart des modifications proposées à la
loi fédérale par le projet de loi C-11 et le projet de loi
C-22.
Il y a plusieurs articles de concordance, d'amendement pour harmoniser,
faciliter le fait que nous avons ici, au Québec, deux rapports
d'impôt à faire, un à Québec et un à Ottawa.
Je suis parmi les 3 200 000 Québécois qui font deux rapports
d'impôt par année et j'ose espérer j'en suis pas mal
persuadé même que d'ici un an ou deux nous n'en aurons
qu'un à faire. Vous vous imaginez, pour les 3 200 000
Québécois qui feront seulement un rapport d'impôt
plutôt que deux, le nombre d'heures de travail de moins en fin de
semaine, au cours des mois de mars, avril ou mai. De toute façon, cela
s'en vient bien, ça s'en vient très vite.
La deuxième partie, la partie très agréable de ce
projet de loi, fait suite au discours sur le budget du 18 avril du ministre des
Finances du Québec. On oublie, trop souvent, trop rapidement les bonnes
choses. Dans le discours du budget, il y avait des exemptions qui ont valu aux
contribuables québécois $313 millions de moins d'impôt
à payer: cela a fait que les Québécois ont perdu un
championnat. C'est extraordinaire, on a perdu le championnat des citoyens les
plus taxés au Canada. Ces $313 millions sont retournés dans les
poches des contribuables québécois. C'est une réduction
d'impôt de 7,5%, ce qui veut dire que 90% des Québécois, 9
Québécois sur 10, paient ou paieront en 1978 moins d'impôt.
C'est extraordinaire et cela veut dire que tous les contribuables mariés
gagnant $30 000 ou moins et tous les contribuables célibataires gagnant
$22 000 ou moins auront une diminution plus ou moins grande de leurs
impôts.
Ici, j'aimerais tout simplement me référer aux
renseignements supplémentaires qui ont suivi ou qui sont venus avec le
budget d'il y a quelques mois. Nous voyons ici, à la page 23... Je crois
que le député d'Outremont ne sait pas lire ou n'a pas lu tout
simplement le discours du budget. Il a pourtant été lu ici, en
Chambre, il aurait dû l'entendre et vérifier les renseignements
supplémentaires. On voit ici: Réforme de l'impôt sur le
revenu des particuliers. Impact sur le revenu disponible des contribuables.
Premièrement, exemptions de personne mariée, ou
équivalent, portées de $1900 à $2700 et réduites du
revenu net du conjoint en excédant de $1000, plutôt que $500. (15
h 50)
Le député d'Outremont a dit qu'il n'y avait rien
là. Que c'était tout simplement de la frime, des petites affaires
qui n'avaient aucune importance financière. Eh bien! cette exemption
vaut aux Québécois $125 millions. Si le député
d'Outremont trouve que $125 millions ne sont rien, que ce sont des "peanuts",
je crois qu'il n'a rien à faire ici, M. le Président.
M. Grenier: Des arachides!
M. Michaud: Des arachides, exactement, merci. Il y a $125
millions là-dedans. L'exemption pour enfants ou autres personnes
à charge de 18 ans est portée de $550 à $900, sept autres
millions. L'exemption pour personnes âgées de 65 ans et plus est
portée de $1000 à $1500, dix autres millions pour nos personnes
âgées. Il ne faut pas oublier que c'est peu, d'accord, mais ce
sont $10 millions de moins qu'on va chercher dans leurs poches. Il ne faut pas
oublier que nous avons institué, depuis deux ans que nous sommes
là, la gratuité des médicaments pour les personnes
âgées, le crédit d'impôt foncier scolaire pour les
personnes âgées, $125 pour les propriétaires et $75 pour
les locataires. Aussi, les personnes âgées peuvent continuer
à gagner un salaire sans que leur rente ne soit diminuée. Je suis
persuadé que d'ici quelques jours ou une semaine, nous allons avoir
d'autres bonnes nouvelles pour les personnes âgées du
Québec, les personnes du troisième âge, parce que nous
sommes tous conscients que la société québécoise a
une lourde dette envers les personnes âgées, et c'est à peu
près le temps qu'on commence à s'en occuper. Ce qui est
extrêmement important et qui a fait réduire l'impôt de neuf
Québécois sur dix, c'est la modification de la table des taux
d'imposition, ce qui représente une diminution de $201 millions en 1978.
Si on fait le total, c'est au-delà de $300 millions de moins en
impôt. Le député d'Outremont trouve que ces $300 millions
ne sont pas importants. J'ai même le texte précis de ce qu'il a
dit: "Je dirais qu'il n'y a pas là de quoi fouetter un chat". $125
millions pour les familles québécoises, c'est très
important. Il ne faut pas ridiculiser ce qui se fait, parce que ce sont des
choses qui sont extrêmement importantes pour neuf familles sur dix
d'avoir une diminution d'impôt à la fin de l'année.
M. le Président, je ne voudrais pas être trop long sur ce
sujet. J'aimerais tout simplement résumer en disant que le projet de loi
que nous étudions ici en deuxième lecture, le projet de loi no
65, Loi modifiant la Loi sur les impôts et certaines dispositions
législatives d'ordre fiscal, est un projet de loi qui donne aux
Québécois au-delà de $300 millions dans leurs poches cette
année. L'an prochain, pour 1979, si les pronostics sont justes, ce sera
au-delà de $400 millions. Vous pouvez être persuadé que je
voterai pour, pour tous les Québécois, au moins pour neuf
Québécois sur dix qui auront une diminution d'impôt. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de Rimouski.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, je remercie d'abord mes
collègues de l'Opposition qui m'ont permis d'intervenir
immédiatement parce que je fais partie de la commission de
l'agriculture. Je voudrais rapidement, en quelques minutes, intervenir au sujet
du projet de loi 65, sur un problème bien spécifique qui est la
question de la déduction des dépenses d'automobile. Voici
pourquoi je fais cette intervention. C'est que plusieurs travailleurs autonomes
de mon comté, à la suite de la nouvelle politique annoncée
par le gouvernement, se sont réunis, ont formé ce qu'ils
appellent le Regroupement des travailleurs autonomes et ont
étudié les effets de cette nouvelle loi de l'impôt sur
chacun deux. Ils m'ont rencontré à plusieurs reprises dans des
discussions vraiment franches et en même temps cordiales pour exprimer
les conséquences qu'ils jugeaient néfastes sur leur cas personnel
de ces nouvelles dispositions.
Je veux simplement poser quelques questions au ministre des Finances et
attirer son attention sur un point. D'abord, il est sûr que j'ai
réaffirmé, à ces personnes qui sont surtout des
assureurs-vie ou des gens qui sont dans le milieu du commerce et qui ont
à voyager beaucoup, j'ai affirmé à ces personnes que
j'étais entièrement d'accord avec l'objectif que poursuivait le
ministre des Finances, qui était d'assurer, au niveau de la
déduction des dépenses d'automobile, une parfaite
équité entre tous les travailleurs au Québec, parce qu'on
sait que le travailleur normal qui part, admettons, de Verchères pour
s'en aller travailler à Montréal n'a pas droit à des
déductions de dépenses d'automobile par comparaison au
travailleur autonome qui est commerçant, par exemple, qui lui avait
droit à de fortes déductions. Le souci, c'était de ramener
une équité entre ces travailleurs. J'ai affirmé ce
principe et je pense les avoir convaincus que c'était le sens de la
démarche que nous entreprenons.
Par contre, le ministre s'est dit ouvert, comme dans d'autres dossiers
il l'a illustré concrètement depuis le mois d'avril
dernier à étudier, à analyser certains
problèmes qui peuvent survenir à la suite de ces dispositions.
Evidemment, sur l'ensemble des modifications qui ont été
apportées aux déductions de dépenses d'automobile, je
pense que d'emblée nous serons d'accord. Il y a une de ces
dispositions que je demanderais au ministre, à la suite des
représentations qui m ont été faites, d'examiner
davantage, celle qui fixe a un maximum de $7500 le coût en capital
admissible aux fins de I amortissement pour une dépense d'automobile et
de $9000 pour une auto familiale. Evidemment, comme plusieurs
commerçants ou voyageurs passent presque leur vie en automobile,
plusieurs se paient des automobiles davantage confortables et cela ne
correspond pas à la réalité de leur coût. Je ne sais
pas si c'est possible de faire cette révision, mais je demanderais au
ministre des Finances de l'examiner pour faire en sorte que, tout en
rétablissant cette équité fiscale qui représente,
en fait, environ $30 millions de revenus supplémentaires pour le
gouvernement, on ne pénalise pas, non plus, les travailleurs
autonomes.
Mais le point le plus important qui m'a été soulevé
à la suite du travail que ces personnes ont fait durant environ trois
semaines, c est une comparaison qu'ils ont établie, dans les revenus
nets après impôts entre le travailleur autonome et le travailleur
qui est salarié de l'Etat, qui voyage aussi, mais dont les
dépenses d'automobile sont remboursées à tant le mille. Ce
sont ces chiffres qui m'incitent à demander au ministre des Finances
d'examiner cette situation, parce qu'il est évident que la nouvelle
politique rétablit un équilibre, une équité entre
l'ensemble des travailleurs autonomes et ceux qui prennent leur automobile pour
aller travailler matin et soir. Il n'est pas certain que cette
équité est établie entre les travailleurs salariés
de l'Etat, par exemple, qui ont des dépenses d'automobile à tant
le mille, qui ont un remboursement à tant le mille et les travailleurs
autonomes qui ont droit à des déductions pour dépenses
d'automobile.
Je veux vous donner quelques chiffres qui illustrent ceci. Un
travailleur salarié qui fait 9750 milles par année pour sa
fonction, pour son travail, a un remboursement qui lui est donné par le
gouvernement de $2000. Le travailleur autonome a droit à $1991 de
déductions selon la loi actuelle ou la loi d'avant 1978. Cela fait
déjà un écart d'environ $343, écart qui est quand
même assez minime actuellement, selon le statu quo avant le 1er
avril.
Quand on regarde les effets sur les revenus après impôts,
là, on constate que les écarts s accroissent. Un travailleur
salarié qui fait $15 000 de revenu imposable avant déductions,
s'il fait 9000 milles par année, ce qui lui est remboursé lui
fait environ $2000. Son revenu net après impôt sera de $14 070,
tandis que le travailleur autonome, qui a $15 000 de revenu imposable et qui a
droit à une déduction de $1991 sur son revenu, va se retrouver
avec un revenu net de $12 531. Il y a donc un écart de $1538 entre le
travailleur autonome qui a un revenu imposable de $15 000 et le travailleur
salarié, employé de l'Etat par exemple, qui a droit à des
remboursements de dépenses d automobile à tant le mille. Cet
écart, c'était sous I ancienne loi. Avec la nouvelle loi,
évidemment, l'écart est accru parce qu'on sait que les travail-
leurs autonomes vont payer entre $400 et $800 d impôt de plus avec la
nouvelle loi. (16 heures)
II faudrait que le ministre examine cette situation. Je sais que les
solutions ne sont certainement pas faciles à trouver. Après avoir
rétabli l'équité entre l'ensemble des travailleurs et les
travailleurs autonomes au niveau des déductions de dépenses
d'automobile, maintenant il faut trouver les moyens de rétablir cette
équité entre les travailleurs autonomes et tous les travailleurs
qui ont droit à des remboursements de dépenses d'automobile,
à tant le mille, par leur employeur, comme les employés du
gouvernement, entre autres parce que cela touche les employés du
gouvernement spécialement ainsi que les employés d'autres
milieux de travail et d'autres compagnies.
La solution n'est certainement pas facile à trouver. Je sais que
ce groupement de travailleurs autonomes a présenté, dans un
mémoire, trois hypothèses au gouvernement. L'une d'elles
était sous forme de crédit d'impôt, la deuxième
était de garder le statu quo, même s'ils se jugeaient un peu
pénalisés, et la troisième voulant qu ils puissent
déduire de leur revenu imposable des dépenses selon le même
barème que les employés du gouvernement. Mais là, on se
trouverait dans d autres injustices encore beaucoup plus graves.
Je n'ai pas de solution à proposer au ministre des Finances. Je
voulais simplement, au nom de ce regroupement des travailleurs autonomes, lui
rappeler publiquement le problème que ces travailleurs autonomes peuvent
vivre. Les problèmes sont toujours comparatifs. L'équité,
c'est toujours par comparaison. C'est évident que, s'ils se comparent
à l'ensemble des travailleurs, ils sont dans une situation
d'équité. S'ils se comparent aux travailleurs qui
bénéficient d'un remboursement des dépenses, compte tenu
du millage qu ils font, et qui ne rajoutent pas à leur revenu
donc, qui n'est pas imposable ils sont dans une situation d
iniquité.
Evidemment, cela ne touche pas l'ensemble des gens qui paient de
l'impôt, mais je pense que tout problème fiscal qui touche un tant
soit peu de personnes doit mériter l'attention. Je sais qu'il n'y a pas
de solution possible à court terme, mais je pense qu'il faut examiner
toute solution qui pourrait corriger ce problème qui m'a
été signalé par des travailleurs autonomes du comté
de Rimouski. Je vous remercie, Mme le Président.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, Mme le Président. Certains principes
très importants ont été soulevés par le ministre
à la suite de la deuxième lecture du projet de loi 65.
Généralement, il fait appel au principe que ceux qui ont plus de
moyens doivent payer plus d'impôt. Ce n'est pas un principe qu'on va
contester; ce n'est pas une trouvaille du ministre voulant que ce soit un
principe acceptable et que
tous les gouvernements appliquent. Mais il y a des limites à ces
principes. Le ministre voudrait faire paraître comme normaux les
changements dans les taux d'imposition et certaines autres modifications qu'il
apporte.
Il serait certainement beaucoup plus facile pour nous non seulement
d'accepter la position du gouvernement, mais de critiquer le gouvernement en
disant: Vous n'avez pas assez taxé les gens qui sont plus riches ou qui
gagnent plus d'argent. Du point de vue populaire, ce serait bien plus facile de
dire cela et critiquer le gouvernement de ne pas être assez
préoccupé des moins nantis et laisser encore une grande marge de
manoeuvre à ceux qui gagnent des salaires plus élevés. Ce
serait peut-être plus populaire, mais ce ne serait pas responsable. C'est
pour cette raison qu'on critique sévèrement les changements que
le ministre veut apporter par son projet de loi 65.
Dans les brefs délais qui nous sont accordés
d'après le règlement, je voudrais toucher seulement deux aspects
du projet de loi: l'aspect d'augmentation des impôts pour ceux qui
gagnent $30 000 et plus, et certains problèmes qui sont soulevés
par les déductions, par exemple, des dépenses d'automobile.
Avant d'aborder ces deux sujets, un des députés du Parti
québécois s'est référé au fait qu'au
Québec on remplit deux rapports d'impôt et que, dans un avenir
rapproché, la population va décider qu'il n'y en aura qu'un.
Je dois vous assurer que j'ai toute la confiance au monde que la
population du Québec connaît les avantages qu'elle a maintenant,
même en payant de l'impôt à deux niveaux de gouvernement. Je
voudrais attirer l'attention de ce député sur seulement un des
avantages, les $215 millions que nous avons reçus cette année de
bénéfices du gouvernement fédéral pour la
compensation des paiements pétroliers, parce que le prix du
pétrole que nous utilisons est moindre que le prix mondial. Ce sont des
paiements directs que le fédéral a versés au profit du
Québec. En plus de ce paiement direct de $215 millions, nous profitons
de $315 millions de plus parce que le prix que nous payons pour le
pétrole est encore plus bas que le prix mondial.
Si nous faisons le calcul, depuis 1973, des paiements que le
gouvernement fédéral a effectués pour le
bénéfice du Québec dans le domaine pétrolier,
seulement pour l'utilisation du pétrole qu'on fait au Québec,
cela se chiffre par $2 milliards. Cela a été pris d'une province,
l'Alberta, qui est plus riche dans cette ressource naturelle que nous, et c'est
un des avantages du fédéralisme. On prend d'une des
régions du Canada qui est plus avantagée et on fait la
répartition de ses richesses. L'unité ensemble, c'est ce qui nous
permet d'avoir le standard de vie, d'avoir les libertés et tous les
avantages que nous avons.
Alors, sur cet aspect qui a été soulevé par le
député du Parti québécois, je ne suis pas inquiet
du tout. La population est assez intelligente pour prendre la bonne
décision quand le temps va venir.
Voici une question que je voudrais poser au ministre, et cela a
été soulevé par un des députés du Parti
québécois. Le député a mentionné que
c'était extrêmement compliqué, cette loi, qu'il y avait 238
articles, 118 pages. Je voudrais demander pourquoi on attend au 14
décembre, quand on doit ajourner le 21, pour étudier un projet de
loi si compliqué que cela, avec des répercussions pour toute la
population, qu'on n'a pas le temps et que même les députés
ministériels n'ont pas le temps de faire des interventions. Je viens
juste de donner mon consentement à un député qui est pris
en commission parlementaire et il doit repartir. Peut-être aurait-il
voulu faire une intervention encore plus longue. On aurait pu apporter à
l'attention de la population toutes les répercussions et les
conséquences de ce projet de loi. Mais non. On attend au 14
décembre pour le déposer, pour déposer toutes les
modalités, alors que le discours du budget donnant les grandes lignes du
projet de loi avait été fait au mois d'avril. Cela aurait
été beaucoup mieux pour la population et je crois que cela aurait
démontré plus de bonne foi de la part du gouvernement, d'avoir
introduit ce projet de loi au début de la session, au mois d'octobre. On
aurait pu le porter à l'attention de la population, et les
députés qui sont pris tout partout maintenant, parce qu'on a une
série de lois à adopter avant le 21, auraient vraiment pu faire
une étude approfondie.
Alors, le ministre pourrait peut-être expliquer pourquoi le
délai seulement quelques jours avant la fin de la session.
Le ministre s'est référé au taux d'impôt de
l'Ontario et j'ai trouvé sa comparaison assez étrange. Il a dit:
En Ontario, pour ceux qui gagnent $100 000 et plus, il y a un plus grand
écart avec ceux qui gagnent des salaires plus élevés au
Québec. Il a dit que le Manitoba est plus près des conditions
d'impôt du Québec. Je voudrais porter à l'attention du
ministre que les activités commerciales et industrielles, les richesses
de l'Ontario sont beaucoup plus élevées. Les conditions
économiques sont beaucoup mieux en Ontario qu'elles ne le sont au
Manitoba. On pourrait peut-être faire la relation entre les taux
d'impôt, même à ces niveaux, et les activités
commerciales et industrielles. Peut-être que ce serait une leçon
à prendre pour nous, que ce n'est pas en taxant ceux qui gagnent des
salaires plus élevés qu'on va augmenter l'activité
industrielle et qu'on va créer des emplois. (16 h 10)
Ce n'est pas moi qui ai donné l'exemple, c'est le ministre qui
nous l'a donné. C'est lui qui a porté à l'attention de
cette Chambre le fait qu'en Ontario on avait certaines pratiques, certains
impôts beaucoup moins élevés qu'au Québec, et si on
continue cette comparaison, on voit aussi les effets pratiques.
Laissez-moi vous donner, Mme la Présidente, un exemple concret de
l'effet que peut avoir l'augmentation des impôts au niveau de ce qu'on
appelle les cadres. Prenons l'industrie du textile, Mme la Présidente.
C'est une industrie qui a beau-
coup de difficultés. On est maintenant en train de faire ce qu'on
appelle rationaliser l'industrie, c'est-à-dire que la production du
textile au Québec étant beaucoup plus élevée que
les besoins du Québec, même, au Canada, la production étant
plus élevée que les besoins locaux de toute la population, ce
qu'on va faire, c'est qu'on va concentrer certaines des usines dans certaines
régions, dans différentes régions du pays.
Mais les personnes qui prennent ces décisions, qui sont-elles?
Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, c'est le président, le
vice-président, les cadres, ceux qui gagnent les montants que le
ministre veut surtaxer. Que pensez-vous que ces gens vont faire? Mme la
Présidente, mettez-vous à leur place. Quelle décision
prendriez-vous si vous aviez l'occasion de le faire? Vous allez vendre vos
produits au Québec. Vous allez avoir une succursale avec un vendeur au
Québec. Il n'y a pas de problème avec cela. Mais vous ne voulez
pas être taxée, payer plus cher que dans la province voisine. Vous
essayez de garder votre patrimoine autant que possible. La décision que
ces gens vont prendre va être de déménager leurs usines et
d'aller dans des endroits où c'est plus avantageux économiquement
pour eux. Je ne comprends pas pourquoi le ministre ne voit pas cela de cette
façon.
Vraiment, je ne peux pas comprendre du tout pourquoi il insiste,
malgré les représentations qui ont été faites par
différents groupes, et qu'au lieu d'améliorer son projet de loi,
de faire les changements qui s'imposent, il essaie de nous vendre que c'est la
façon normale parce qu'il a une différente philosophie sociale
que l'Ontario. J'aimerais bien qu'il nous explique sa philosophie sociale.
Est-ce que sa philosophie sociale, c'est de prendre des mesures pour
créer des chômeurs? Est-ce que sa philosophie sociale, c'est de
s'assurer qu'on n'aura pas les revenus nécessaires, ici, qu'on n'aura
pas les contribuables nécessaires, qu'on n'aura pas les industries ici
et que les gens vont continuer à s'en aller, à quitter le
Québec, comme 70 000 l'ont fait après la venue du Parti
québécois au pouvoir? Je ne le sais pas. Je voudrais qu'il nous
explique.
C'est lui qui a soulevé le problème de la philosophie
sociale. C'est lui qui a soulevé le problème de
l'équité sociale. Ah oui! Quand il parlait des revenus, des
dépenses d'automobile, de la déduction des dépenses, il a
dit: Ecoutez, prenez l'exemple du professionnel et de sa secrétaire.
Comme mon collègue, le député d'Outremont l'a si bien
souligné, c'était un exemple totalement absurde. Qu'il prenne
donc l'exemple qui a été porté à l'attention du
député de Rimouski, celui des travailleurs autonomes. Eux ont
préparé un tableau et c'est très intéressant. Quand
on parle d'équité sociale, on veut traiter tout le monde au
même niveau. On voit le tablau comparatif de la situation du travailleur
salarié, employé de l'Etat, ce qu'il reçoit en
compensation, en déductions, en bénéfices pour
l'utilisation de son automobile, et ce que le travailleur autonome
reçoit.
On ne prend pas en considération que le salarié de l'Etat
a la sécurité d'emploi, qu'une fois qu'on entre dans le service
civil, à moins qu'on commette vraiment une faute flagrante, on est
là pour le restant de ses jours. On enlève tous ces autres
bénéfices et on commence. Quelqu'un qui a un millage de 40 000
milles reçoit, comme remboursement pour l'utilisation de son automobile,
$5927. Il est salarié de l'Etat. Le travailleur autonome, lui qui doit
faire les mêmes voyages, qui essaie d'augmenter ses revenus, de gagner
son salaire lui aussi, pour 40 000 milles, avec les modifications
proposées par la loi actuelle, il aurait droit à $5200. C'est
quasiment la même valeur que l'employé de l'Etat. Avec la nouvelle
loi, c'est $2300. Alors, il y a un écart de $3000 net.
Moi, je n'appelle pas cela de l'équité sociale. C est une
injustice, c'est de la discrimination, c'est vouloir pénaliser un
secteur de notre population sans affecter les autres. Pourquoi? Certainement
pas pour des raisons économiques. Peut-être pour poursuivre
certains buts idéologiques. Peut-être qu'on ne veut pas toucher
les employés de l'Etat pour une raison ou pour une autre. Mais ce n'est
pas une raison pour pénaliser plusieurs secteurs de notre population,
qui vraiment, eux, en ont besoin. Ce n est pas un luxe pour eux. Ils ont besoin
d'utiliser leur automobile pour obtenir leur salaire.
Il n'y a aucun doute que les principes qui sont à la base de ce
projet de loi tel qu'énoncé par le ministre n'encouragent pas
l'investissement ici, n encouragent pas la création d'emplois,
n'encouragent pas l'initiative individuelle. Quand on enlève
l'initiative individuelle, qu'on enlève l'ambition, qu'on enlève
l'incitation pour quelqu'un d être compensé pour l'effort qu'il va
mettre dans son ouvrage, on enlève les emplois. Ce n'est pas l'Etat qui
va nous faire vivre. C'est une drôle de philosophie; on semble croire que
ce que l'Etat fait, c est bon et ce que les individus tentent de faire, il faut
les arrêter, il faut les freiner.
Je ne partage pas cette philosophie qui est soulevée par ce
projet de loi. Je ne partage pas la définition ou les exemples de
l'équité sociale que le ministre a inclus dans son projet de loi.
Certainement, je trouve déplorable le fait qu'on nous fasse
étudier ce projet de loi à peine six jours avant la fin de la
session. Ce n'est pas le seul projet de loi fiscal qu'on doit étudier;
il y en a plusieurs autres avec la même philosophie, avec les mêmes
problèmes et on va être restreint par le temps. Il faut nous
comprendre. Ce n'est pas qu'on ne veuille pas travailler, 24 heures par jour
pour étudier cela, on est prêt à le faire. Le
problème, c'est qu'on ne peut pas sensibiliser la population à ce
qui est contenu dans ce projet de loi. Il va devenir loi automatiquement dans
quelques jours, puis la population n'en saura pas les effets, les
conséquences non seulement sur ses impôts, mais sur toute la
société. C'est cela que je déplore. C'est cela que je
critique. C'est cela que je ne peux pas accepter. Merci.
Mme le Vice-Président: M. le leader de I Union
Nationale.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: Vous serez sûrement surprise, Mme le
Président, de voir qu'un cheminot puisse participer à un
débat de cette importance qui me semble un débat de premier ordre
dans ce Parlement. Quand il s'agit d'imposition, particulièrement de
taxes, et que l'on entend de la bouche de ce grand responsable, de ce grand
argentier de notre gouvernement qu'il a réussi à baisser les
taxes cette année, je me demande si véritablement il n'a pas
directement ou indirectement peut-être trompé cette Chambre.
Je prends des chiffres qui sont contenus dans son budget. Je n'ai pas
l'habitude de fouiller souvent dans ces livres noirs appelés budget de
la province, mais voilà que j'y trouve une augmentation pour 1978 de
$250 millions de taxes. Un instant, je le prends dans vos livres; à la
page 22, on voit nouveau mode de comptabilisation, $4 620 000 000." Si on va
voir les estimations contenues dans le budget de 1977, on y voit $3 946 000
000, donc, une augmentation de taxes de $250 millions. Je ne sais pas si c est
vrai. A l'annexe 11, est-ce cela? (16 h 20)
M. Parizeau: Ne vous mêlez pas, le revenu a augmenté
un peu.
M. Bellemare: Oui. Une chose est sûre, pour la
première fois depuis longtemps, les dépenses de I Etat ne
progresseront donc pas plus rapidement que la production nationale en dollars
courants ". Le ministre qui voulait, par ce projet de loi, harmoniser, comme il
l'a dit ce matin, les lois fédérales et provinciales, cherche,
par des moyens tout à fait en dehors de la logique et du bon sens,
à éviter le plus simple. Il s'est trompé royalement quand
il a imposé les chaussures et vêtements des petits enfants. Il s
est trompé, mais il ne l'admettra pas. Il a fait un détour tout
de suite par Ottawa et il a saisi la première occasion pour dire: II n'y
en a plus, de taxe, c'est fini! On a fait une erreur, mais on l'a
corrigée parce que le gouvernement fédéral nous a
donné une sortie. Sauvé par la cloche!
Dans sa déclaration, ce matin, il nous a dit que $2000 plus
$1600, cela faisait $3600 d'exemptions. Est-ce que le ministre peut nous dire
aujourd'hui si ces chiffres, dans son prochain budget, seront changés?
Le ministre n'est-il pas conscient que ceux qui gagnaient, il n'y a pas si
longtemps $3000 c'est ce que j'avais quand j'ai été
élu député, $3900; quand on regarde ce qu'on gagne
aujourd'hui, il y a une différence la valeur du dollar, dans ce
temps-là, n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui? C'est vrai.
C'est aussi vrai pour le payeur de taxes", c'est vrai pour celui qui fait un
marché de $40 ou $50 par semaine, c'est vrai pour un homme qui, comme le
plus humble des hommes, gagne $3.27 l'heure. Vous allez dire; Lui, il est bien
protégé. Comme le disait mon collègue de Bellechasse, avec
toutes les preuves à l'appui, il y a loin de la coupe aux
lèvres.
Le ministre disait ce matin: Nous cherchons à étancher
partout les fuites, les causes échappatoi- res que le contribuable vient
à bout de trouver dans les failles de notre administration ou celle du
fédéral; nous sommes obligés de faire du rattrapage avec
le fédéral, mais c'est rare que le fédéral nous
suive, par exemple. Le ministre avait raison, il y a une jungle c'est ce
qu'il a employé comme terme ce matin dans l'impôt
fédéral et dans l'impôt provincial, il y a une jungle
administrative. Ce n'est pas vrai? C'est ce qu'il a dit en toutes lettres et je
l'ai noté parce que je pense que c'est exact.
Et les petits, on les rattrape toujours parce qu'ils sont plus nombreux,
nécessairement, quand on va entre $3600 et $9000, chiffre qui a
été contredit ce matin par l'honorable député
d'Outremont et qui est resté sans réponse. L'honorable
député d'Outremont a prouvé, statistiques en main, que
jusqu'à $8600...
M. Parizeau: Attendez, attendez!
M. Bellemare: C'est $8000 ou $9000?
M. Parizeau: Attendez le droit de réplique.
M. Bellemare: Attendre quoi?
M. Parizeau: Le droit de réplique.
M. Bellemare: Je me sers de ce qu'il a donné. Je pense que
sa parole, en tant qu'expert en statistiques, et particulièrement la
véracité des propos de cet homme prouvent...
Des Voix: Méfiez-vous!
M. Bellemare: ... qu'il a véritablement...
M. Parizeau: Méfiez-vous!
M. Bellemare: Tiens!
Mme le Vice-Président: A l'ordre! A l'ordre!
M. Bellemare: Tiens, la meute! On a réussi à vous
réveiller. Tant mieux, vous allez prendre part au débat. Je suis
bien heureux. C'était un peu langoureux, c'est parce qu'on était
entré dans des choses sérieuses. On avait peut-être endormi
certains "PQuiou". Là, on les a réveillés. J'en suis
enchanté, très heureux.
M. Godin: Mme la Présidente, question de
privilège.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Mercier.
M. Godin: Premièrement, nous ne dormions pas;
deuxièmement, je voudrais attirer l'attention de nos amis d'en face sur
le fait qu'ils font ce qu'ils nous reprochaient il y a quatre mois. Ils se
déplacent pour être vus à la télévision.
Regardez les faire!
M. Bellemare: Nous sommes six sur dix. Combien sont-ils de
l'autre bord, Mme la Présidente? Ils vont venir nous reprocher cela?
Voyons donc!
M. Godin: Ils se déplacent pour...
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous
plaît!
Je sais, M. le leader, qu'on vous a incité à sortir de
votre sujet, et je vous demanderais de vous en tenir à la pertinence du
débat.
M. le leader.
M. Bellemare: J'aurais droit à une heure, mais je vais
abréger, madame. Vous êtes très aimable pour moi, madame.
Je vous remercie de cet accueil fort chaleureux, je vous en suis hautement
reconnaissant. Vous avez rappelé indirectement à certaines gens
qu'ils m'avaient dérangé parce que j'étais parti avec une
fougue assez extraordinaire pour prouver au ministre des Finances que loin de
moi l'intention de vouloir lui faire peur par la hauteur de mon verbe, mais
surtout par la solidité de mes arguments! Il a dit ce matin: Nous
voulons donner une preuve authentique comme quoi le pauvre sera
détaxé. L'honorable député d'Outremont, quelques
minutes plus tard, l'a royalement démenti. On verra, la guerre des
statistiques, on la fera tout à l'heure. Mais je donne raison
à ce moment-ci, j'ai le droit de donner mon opinion et je la donne; le
coassement des grenouilles, cela ne me dérangera pas pour le dire
pareil! L'honorable député d'Outremont a contredit, dans un
discours excellent, ce matin, les avancés du ministre des Finances. Il
l'a contredit de A à Z. Je lui rends témoignage pour les
recherches qu'il a faites pour le prouver. Lui, est un expert, il a
véritablement les statistiques en main et les comprend; il s'en sert
à bon escient, pas seulement pour faire une guerre de mots. Le ministre,
cela le force assez d'entendre la vérité qu'il a
été obligé de quitter son siège. Vous voyez, Mme le
Président, ce n'est pas absolument rien. Je pense que les statistiques
qu'il a données ce matin troublent les avancés contradictoires du
ministre des Finances.
L'honorable député de Bellechasse, dans un plaidoyer
magnifique, a voulu lui aussi donner sa quote-part vis-à-vis de ce
projet de loi 65 par des allusions pratiques. Modifier, à la fin d'une
session, un projet de loi aussi volumineux, qui contient 234 articles, c'est
nous demander un tour de force inouï et cela ne passera pas comme une
lettre à la poste. Non. Il y a dans cela une foule d'arguments qu'il
faut soulever quand on parle de détaxer les pauvres et de taxer les
riches.
Le député d'Outremont, comme le député de
Bellechasse cet après-midi ont prouvé qu'il y avait erreur. Nous
sommes conscients que dans le projet de loi 65 ce n'est pas la
vérité vraie qu'on nous dit.
Des Voix: Ah! Ah!
M. Bellemare: Mme le Président, je ne voudrais pas
offenser qui que ce soit, mais le député d'Outremont, ce matin et
le député de Mont-Royal ont parlé des dépenses
relatives aux automobiles, par exemple. Pourrais-je vous demander, Mme le
Président, si ce serait permis de dire qu'il y a 950 cadres de la Banque
de Montréal qui ont quitté le Québec pour aller à
Toronto? Pourrais-je vous demander pourquoi les 580 cadres du siège
social du Montreal Trust ont déménagé à Ottawa, en
Ontario? (16 h 30)
Pourrais-je vous demander, Mme le Président, de me donner la
raison pour laquelle les cadres de la Sun Life sont partis, ainsi que la
compagnie? 575, ce sont encore des gens qui sont partis de la province de
Québec. Est-ce qu'on n'a pas fait I impossible pour pousser à
bout ces gens, leur dire: Go out! et marquer, Mme le Président, sur
l'édifice de la Sun Life: On a pas d'objection, allez-vous-en! Au lieu
d'essayer de trouver des formules pour les empêcher de nous
déserter. La province de Québec, il ne faudrait pas l'oublier,
est aujourd'hui une province qui est montrée du bout du doigt par
plusieurs. Il s'agit d'aller en dehors de la province pour voir quelle sorte de
renommée on est en train de se faire au point de vue économique,
au point de vue social et même au point de vue politique.
Mme le Président, si je vous demandais pourquoi à Northern
Telecom, tous les cadres, au nombre de 200, ont quitté Québec
pour Toronto. Si je vous demandais pourquoi MacDonald Tobacco, siège
social et marketing sont partis de Québec pour Toronto. Si je vous
demandais pourquoi à la Combustion Ingineering, siège social, 323
ont déménagé à Ottawa. Si je vous parlais, Mme le
Président, des ingénieurs de Canadian Industries, des 246 cadres
qui ont quitté Québec. Mais, Mme le Président, j arrive
avec un total extraordinairement défavorable pour la province de
Québec. J arrive avec un total de 5480 cas, même si le ministre...
Mais s'il voulait me démentir, ce serait le temps, où est-il? Je
les ai en main, cette fois-ci, les preuves. Il a dit, c'est faux pour
Victoriaville Furniture. Il m'a démenti en disant: Ce n'est pas vrai,
Victoriaville Furniture progresse aujourd'hui. Victoria-ville Furniture a
failli. Il a fallu la réorganisation de la compagnie avec trois membres
différents pour former Victoriaville Industry avec des milliers et des
milliers de dollars d'autres qui sont venus pour relancer l'industrie. Il m'a
démenti dans ce temps-là. Aujourd'hui, Mme le Président,
il est obligé d'admettre que j'avais bien raison.
Lorsque je m'aperçois que l'honorable ministre parle de
déduction dans certaines dépenses du budget, et
particulièrement dans cette loi 65 concernant les cadres, je pense que
j'ai parfaitement raison de dire ce que je dis cet après-midi. C'est
pour cela qu'à la dernière minute, presque quelques jours avant
la fin de la session, il nous apporte un projet de loi de cette importance. Et
vous pensez que le député d'Outremont, que le
député de Mont-Royal, que le député de Bellechasse
et moi-même nous ne sommes pas dépassés par une
législation importante comme celle-là. On va nous pousser dans le
dos en nous disant: Cela presse, il y a cinq lois cet après-midi, il y
en a six et il y en a
une autre ce soir, et demain matin. Non, Mme le Président. On va
être calme et on va prendre cela morceau par morceau. Surtout une loi de
cette importance. Le député de Bellechasse l'a si bien dit tout
à l'heure dans des arguments qui ont démontré au ministre
des Finances qu'il avait tort d'affirmer certaines données. Je me fie
encore d'une manière particulière aussi à l'honorable
député d'Outremont qui est un homme qui, au point de vue de
chiffres et de statistiques, peut faire des comparaisons bien plus facilement
que moi.
Alors, Mme le Président, je voudrais simplement demander au
ministre si c'est vrai que cette année il y a $250 millions de plus
d'impôt comparativement aux statistiques qu'il nous a données. Je
suis sûr, Mme le Président, que vous ne serez pas surprise si je
vous dis que nous ne sommes pas prêts à voter tout de suite. Nous
allons avoir d'autres députés qui vont faire exactement comme moi
et vous dire que la législation qui nous est apportée au dernier
moment, comme cela, nous incite à ne pas nous hâter, à ne
pas adopter à la volée ces lois qui sont si importantes.
Le Vice-Président: M. le député de Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: Mme le Président, j'ai écouté avec
une attention constante les propos de l'expert économique de
l'Opposition libérale qui a fait ses preuves à Ottawa où
les choses vont très bien comme tout le monde le sait. En plus, je
constate qu'il y a maintenant le principe des vases communicants qui semble
s'installer entre les deux branches de l'Opposition; le député de
Johnson cite à qui mieux mieux les arguments de son collègue
d'Outremont. Les frères siamois de l'Opposition nous étonnent de
plus en plus. Il m'étonne de voir que le député
d'Outremont, expert économique de l'Opposition, nous annonce comme une
grande nouvelle qu'il a découvert l'idéologie du Parti
québécois dans notre budget. Il a découvert cela comme si
c'était une grande nouvelle alors qu'effectivement elle y est en partie.
Nous prenons effectivement une partie de l'argent de ceux qui gagnent plus de
façon à moins taxer ceux qui gagnent moins. Quelle a
été la déclaration de leur chef, futur
député d'Argenteuil si tout va bien, à la suite de cette
décision budgétaire? M. Ryan considérait que les gros
salariés au Québec étaient trop taxés. Alors, si
l'idéologie du Parti québécois transparaît dans le
budget qui a été présenté et dans cette loi,
l'idéologie du Parti libéral aussi transparaît dans leurs
discours. Je la résumerais de deux manières.
Ils voudraient que l'on taxe davantage les petits pour ne pas que les
gros s'en aillent ailleurs. Il faudrait, par conséquent, frapper sur
ceux qui sont poignés ici parce qu'ils ne partiront pas. Mais ceux qui
peuvent partir, cessons de les taxer, et, pourquoi pas, détaxons-les
complètement. Ils vont tomber en amour avec nous et là Sun Life
va peut-être rester. Peut-être va-t-on juguler tous les
départs d'entreprises, appréhendés ou réels, si on
détaxe les gros. Etrange politique sociale! Etrange vue de la
société! Etrange notion de l'équité!
Sans aller jusqu'à dire que le Parti québécois est
un nouveau Robin des Bois, ce qui serait excessif, il faut voir l'aspect de
cette loi qui détaxe la classe moyenne comme étant une mesure
visant à remettre dans le circuit économique, c'est-à-dire
dans la consommation, des millions de dollars. Dans le passé, Mme le
Président, une trop grande partie des revenus des personnes de la classe
moyenne était prélevée par le gouvernement. Grâce
aux modifications de cette loi, cet argent reste entre les mains des familles
et, entre autres, des femmes et elles redépensent cet argent dans
l'économie du Québec. Par conséquent, on a beau faire
passer, comme le député de Mont-Royal l'a fait tout à
l'heure, encore une fois, le vent de la discrimination même dans le
budget... C'est le mot qu'il a employé et j'ai été
étonné de constater qu'il ne proposait pas de
référer cette loi à la Commission des droits de la
personne puisque...
Une Voix: Surprenant.
M. Godin: ... quelque loi que nous présentions, il
réussit toujours à découvrir un côté qui
serait discriminatoire. Nous discriminons les gros. Nous discriminons contre
ceux qui gagnent plus que $16 900. Donc, les droits de la personne sont
menacés. Si nous discriminons contre les petits, c'est normal. M. Ryan
l'a dit, les gros salariés sont trop taxés et ils vont tous
partir.
Je voudrais évoquer des événements qui datent d'une
quinzaine d'années, à l'époque où l'Etat
québécois avait nationalisé l'Hydro-Québec;
c'étaient les messieurs d'en face de l'Opposition officielle. A
l'époque, étant journaliste, j'ai suivi de près ces
événements historiques et les arguments de l'époque
étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Pour empêcher le Parti
libéral de réaliser cette opération financière,
l'opposition faite aux libéraux était celle qu'ils font
aujourd'hui au Parti québécois. Les arguments qu'on lisait
à l'époque contre le Parti libéral, c'était que ce
parti provoquerait des départs massifs vers l'Ontario parce qu'on
redistribuerait les emplois entre les mains des diplômés
francophones du Québec. Deuxièmement, il n'y aurait plus
d'investissements au Québec parce que le Québec devenait
communiste. C'étaient les arguments que la droite de l'époque
utilisait contre le Parti libéral quand il exécutait
peut-être le plus beau coup de son histoire: nationaliser les
réseaux d'électricité. (16 h 40)
Aujourd'hui, c'est à son tour d'employer les mêmes
arguments usés comme un vieux disque 78 tours qui grince et qui griche
de la discrimination, du départ des entreprises, de la fuite de
capitaux. On nous donne des chiffres pour deux ans de départ alors que
le seul moyen et mon collègue nouveau de NDG le sait
sûrement le seul moyen d'avoir une perspective juste à
l'égard de ces chiffres cités partout, cela aurait
été de les comparer sur une période de quinze ans.
L'ancien chef de votre parti, M. Lapalme, cité récemment
par un de nos ministres, montrait que, même à
l'époque, les libéraux s'inquiétaient du départ de
certaines entreprises. Mais la leçon que je tire de ces
départs...
M. Scowen: Question de privilège.
Mme le Vice-Président: Question de privilège, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ces comparaisons dont il parle ne sont pas justes. Si
moi, je meurs de faim, ce n'est pas intéressant de me comparer avec d
autres qui sont dans la même position.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Mercier.
M. Godin: Mme le Président, les chiffres qu on a
publiés et que le député de Johnson, nouveau siamois du
Parti libéral il n'a plus qu'un coeur et qu'une tête...
Une Voix: Ils couchent dans le même lit.
M. Godin: ... encore chanceux qu'ils aient gardé le
même nombre de pieds les chiffres cités par le
député de Johnson reviennent à nous dire que, pendant deux
ans, il est tombé sur le Québec tant de pouces de pluie et que
c'est très grave. Mais si on ne peut pas comparer ce qui est
tombé depuis dix ans, cela n'a aucune signification de la part d'esprits
aussi brillants que celui du député de Notre-Dame-de-Grâce,
pour qui j'ai le plus grand respect et pour son chef aussi, exjournaliste,
comme moi, qui, normalement, devrait connaître un peu le métier de
journaliste. Je pense qu il aurait dû comparer et, là, on aurait
vu la portée réelle. Il a peut-être raison. Il y a
peut-être un problème. Mais comment peut-on en avoir la
portée réelle s'il n'y a pas de point de comparaison avec le
passé?
Je reviens au fond de la question qui est qu'il faut taxer les petits
plus que les gros parce que les petits vont rester, de toute manière, ce
qui est le principe à la base de l'idéologie libérale. On
nous reproche d'avoir l'idéologie contraire, nous, de taxer un peu plus
les gros en tenant compte, malheureusement je dis malheureusement
à dessein de la réalité économique qui nous
entoure. Il est sûr que la marge de manoeuvre de n'importe quel Etat en
Amérique du Nord, fédéré, souverain ou non, est
réduite d'autant qu'il appartient à un ensemble économique
qui est extrêmement interrelié de mille et une manières. Il
y a une marge de manoeuvre qui est réduite, mais on peut, à I
intérieur de la marge de manoeuvre en question, taxer à la baisse
les gros ou taxer à la hausse les hauts. Le choix du gouvernement, c'est
d aller chercher un peu plus, de jouer la marge de manoeuvre à
l'avantage des petits et au détriment des mieux nantis.
L autre aspect de la loi concerne les fameuses voitures
immatriculées Z. Une entreprise, au Québec, peut louer ou acheter
des voitures immatricu- lées Z et elles ne doivent servir normalement qu
aux fins de I entreprise, qu aux fins des revenus ou des profits que
lentreprise peut aller chercher, sauf que ces voitures immatriculées Z
servent à toutes les fins imaginables. Quand tel président d
entreprise, incarnation vivante de la fameuse initiative individuelle
évoquée tout à l'heure par le député de
Mont-Royal, va, en fin de semaine, à sa maison d été,
quand il va à la chasse, à la pêche, quand il circule en
dehors de son travail, il est détaxé là-dessus.
Nos amis libéraux, au nom de l'initiative personnelle, voudraient
que l'Etat subventionne, car c'est bien ce qui se passe. Si l'Etat ne taxe pas
les voyages de plaisir ou de tourisme, en prenant pour acquis que toutes ces
dépenses de la voiture en question sont faites pour l'entreprise, il se
trouve à subventionner, avec les taxes des petits, les abus des gros.
Nous voulons mettre un terme à ces abus. C'est cela que nous voulons
faire. Ce qui est utile dans ce débat, Mme le Président, c'est
que le vrai visage du Parti libéral commence à apparaître.
Le vrai visage du Parti libéral, c'est que les gros salariés au
Québec sont trop taxés. Le vrai visage du Parti
québécois, c'est que nous voulons que la classe moyenne ait plus
d'argent dans ses poches. Elle va le chercher à la sueur de son front,
elle qui se rend au travail, non pas dans une voiture de compagnie, mais en
métro, en autobus ou avec sa propre bagnole, qui n'est pas, elle,
détaxée. Nous voulons que ces gens aient plus d'argent dans leurs
poches.
Le député d'Outremont il est très
perspicace, il l'a découvert, alors qu'on l'avait bien caché, il
me semble a vu que l'idéologie du Parti québécois,
c'est précisément cela, et l'idéologie du Parti
libéral, c'est le contraire. Les Québécois,
j'espère, s'en souviendront quand viendra le temps de se prononcer. Ils
s'en souviendront que les libéraux, eux, leur idéologie, c'est de
protéger les gros. C'est de laisser les gros rouler en bagnoles Z, en
bagnoles d'entreprises, 24 heures par jour, payé par les contribuables
québécois, 365 jours par année, peu importe la raison,
liés ou non à l'entreprise, liés ou non à la
profession, liés ou non au métier, liés ou non aux profits
taxables. Quand c'est pour un profit taxable, la voiture n'est pas
taxée, c'est le reste qu'on veut taxer. Je pense que c'est ce qui
distingue essentiellement les deux partis, les deux idéologies.
Je souhaiterais personnellement que la distinction soit plus profonde.
Je souhaiterais personnellement que la marge de manoeuvre soit plus grande
entre le budget du Québec et les budgets des Etats avoisinants de
façon que nous puissions aller encore un peu plus loin, mais les
contraintes sont là et nous devons en tenir compte. Je termine, Mme la
Président, en vous disant que la leçon que les
Québécois doivent tirer des fameux départs d'entreprises,
de sièges sociaux, de ci de ça, évoqués
abondamment, évoqués ad nauseam par l'Opposition, c'est que ce
qui nous appartient ne déménage pas, ce qui nous appartient reste
ici, l'Hydro-Québec reste ici. Je me demande si la Shawinigan Water
& Power, si elle
existait encore, ne nous menacerait pas de déménager
quelques fonctionnaires de hauts grades à Toronto, juste et uniquement
pour terroriser les Québécois.
Je me demande si la leçon que les libéraux nous donnent en
nous assénant l'argument du départ des entreprises, c'est que
nous ne devrions pas envisager d'autres sociétés nationales de
l'amiante. Pour l'instant, nous sommes plutôt discrets, nous n'avons pas
beaucoup d'appétit, pour l'instant, par rapport à ce que nous
pourrions avoir à cet égard. Mais je dis que, si nous recevons
trop de coups il est possible que nous envisagions des contrecoups parce que le
Québec, ce n'est pas de la petite bière, c'est un marché
de six millions de personnes, qui dépense $50 milliards par
année. Et on voit des gens jouer la petitesse du Québec, dire le
Québec est menacé, ils vont tous partir, qu'allons-nous devenir?
(16 h 50)
S'il est parti 80 cadres de Sun Life, est-ce que cela a affecté
la vie des citoyens de mon comté? L'argument n'était pas: Cela
a-t-il un poids politique quelconque? Au contraire, la réaction des
Québécois n'a-t-elle pas été celle, non
évoquée par le député de Johnson: Bon
débarras, on prendra l'assurance ailleurs. L'assurance, c'est comme un
taxi. Je sors de chez moi, il y a un taxi à la porte, il y en a dix qui
suivent. Le premier, c'est Sun Life, qui dit: Je ne te prends pas, t'es un
Québécois, je prends le deuxième. Résultat: Sun
Life a perdu 30% de son marché. Le chauffeur de taxi de Sun Life, M.
Galt, n'a pas une cote très haute maintenant à l'intérieur
de l'entreprise, il est sur une tablette sûrement.
Une Voix: II ne conduit plus son taxi.
Une Voix: II est en vélo.
M. Godin: Parce que les Québécois ne se laissent
pas bulldozer, bousculer par personne. La grande leçon que Sun Life
voulait donner aux Québécois, en fin de compte, ce sont les
Québécois qui l'ont donnée à Sun Life et à
tous leurs frères. La grande leçon. J'aimerais savoir combien,
parmi les amis de M. le député de NDG ou de Mont-Royal,
après avoir vu le coup de pied de l'âne que les
Québécois ont donné à Sun Life, se sont dit:
Peut-être qu'on ne partira pas. Il y a une leçon à tirer de
cet événement et la leçon est que les
Québécois ont été solidaires. J'aime mieux, quant
à moi, évoquer la solidarité des Québécois
que de brandir à tout venant les épouvantails des départs
de quelques limousines immatriculées Z vers Toronto.
Je peux vous dire une chose, c'est que quand nous étions dans
l'Opposition, la loi 63 et la loi 22 ont été adoptées et
nous sommes restés ici nous autres. On n'a jamais dit: On va s'en aller;
si M. Ryan passe, on s'en va. On ne s'en va pas, on restera ici. Peu importe,
même si le député de Johnson est réélu et
devient premier ministre du Québec éventuellement, on va rester
pareil, parce que notre pays est ici, nous autres, il n'est pas ailleurs.
Vous me faites signe, Mme le Président que mon temps est
terminé, je m'incline parce que je meurs d'envie d'entendre la
réplique du ministre des Finances.
Une Voix: ... discours...
M. Godin: Non, mais en entendant.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Mme le Président, je n'avais pas l'intention de
parler de la fuite des entreprises, mais étant donné que cela a
été soulevé, il y a peut-être deux petits points que
je voudrais simplement mentionner.
Le premier, M. le député de Mercier, c'est que dans le
petit rapport dont le député de Johnson a parlé
tantôt, on a fait une comparaison. La comparaison révélait
que, d'après nos chiffres, pour l'année 1976, il y avait une
perte de 500 emplois à peu près, et pour les deux années
suivantes, donc 1977 et 1978, les années du pouvoir du Parti
québécois, cette perte est devenue 5000. En effet, de 500
à 5000 dans deux ans, cela veut dire un accroissement de 500%. Un
ruisseau est devenu une rivière. Je ne le dis pas pour soulever des
questions de nouveau, mais simplement pour vous dire que si vous lisez le
rapport, vous verrez qu'on a fait une comparaison vous pouvez l'accepter
ou non qui est au moins une base de départ.
Le deuxième point que je veux soulever, c'est que je pense que
dans ses bonnes phrases, le député de Mercier phrases que
je sens moi-même en partie a laissé tomber
complètement le côté consommateur. Parce que si vous allez
dans une maison québécoise, vous verrez que les choses qui nous
appartiennent pour reprendre votre phrase, M. le député
sont des poêles General Electric, les voitures Ford, les tablettes
de chocolat Cadbury ou Rowntree, beaucoup de choses qui ne sont pas tout
à fait québécoises, mais qui sont fabriqués
à l'intérieur du Canada.
D'après tout ce que je comprends, même le Parti
québécois a l'intention de maintenir un libre échange de
biens et de services entre le Québec et le reste de ce pays. Le point
qu'on a soulevé dans le document est simplement que, si nous
créons ici un climat qui n'est pas chaleureux pour l'investissement,
pour les usines et si nous insistons sur un marché commun, c'est plus ou
moins inévitable que, durant une période d'années, nous
verrons des compagnies, des fabricants de produits canadiens fabriquer des
choses en Ontario, où le climat est plus chaleureux, pour en faire la
distribution au Québec. Nous deviendrons des importateurs de produits
canadiens, des consommateurs de produits canadiens parce qu'en étant
Québécois, comme producteurs, nous voulons fortement rester des
consommateurs de produits canadiens. Ce n'est pas dans le but de charrier qu'on
a sorti ce rapport; je pense que les faits sont là et on a l'intention
de continuer le débat sur cette cassette,
comme vous l'appelez, sur ce disque parce que c'est un problème
fondamental, sérieux qui reste à résoudre. Le gouvernement
doit y faire face.
Un Québécois, Yvon Guay, hier, dans la Presse, a
publié un éditorial assez favorable à ce sujet. Je pense
que tout le monde acceptera de dire qu'il nous appartient aussi.
M. le ministre, il semble que le sujet no 1, pour votre projet de loi,
est le problème de l'impôt des riches. Je ne vais pas trahir cette
tradition cet après-midi, je vais continuer sur cette même ligne
de pensée. Je veux parler contre cette augmentation de l'impôt au
nom des travailleurs. Vous pourrez me demander comment il se fait que je parle
au nom des travailleurs, car je ne suis pas un travailleur moi-même.
C'est vrai et je dois admettre que je n'ai pas reçu une seule suggestion
d'un travailleur à ce sujet. Mais je les connais, j'en ai beaucoup dans
mon comté et de plus, pendant des années, j'ai travaillé
dans des usines. J'ai été l'employeur de 500 ou 600 personnes qui
travaillaient dans les usines.
Cette idée est venue à mon esprit la semaine
passée, M. le ministre, pendant une rencontre qu'on avait ici avec
Marine Industries Limited, qui a été très
révélatrice. C'était au salon rouge et cela
réunissait les anciens administrateurs de cette compagnie, ainsi que les
membres du syndicat qui travaillaient pour la compagnie. Le sujet était
le fait que cette compagnie a réussi à perdre à peu
près $60 millions depuis les deux ou trois dernières
années dans la construction des navires. La compagnie, une compagnie
d'Etat, est effectivement aujourd'hui en faillite. Je puis vous assurer que les
travailleurs ne sont pas contents.
M. Gagné, le président du syndicat, disait quelque chose
que j'ai trouvé assez triste: "La première raison pour laquelle
nous sommes ici, c'est pour protéger les emplois de milliers de
travailleurs des chantiers maritimes non seulement à Sorel, mais au
Québec. Nous ne sommes pas venus ici pour faire le procès de qui
que ce soit. Nous n'avons jamais rien eu à dire dans l'organisation de
la production, sauf en ce qui concerne nos conditions de travail. Vous le
savez, les travailleurs n'ont rien à dire sur l'administration dont, par
ailleurs, ils subissent les conséquences. "
M. le ministre, le problème de Marine je pense que vous
l'avez constaté autant que moi est un problème de mauvaise
administration. Le personnel responsable en grande partie était devant
nous et c'était un témoignage assez intéressant. Je peux
vous assurer, M. le ministre, que les travailleurs du Québec ne
partagent pas votre idée que les cadres, que les "boss " doivent
être plus taxés ici qu'ailleurs. (17 heures)
Si vous pouvez lui donner un "boss", un administrateur efficace, un
administrateur compétent et des cadres autour de lui qui sont efficaces
et compétents. Cela lui est égal si le monsieur conduit une
Cadillac, s'il a une grande maison, s'il a des habitudes bizarres de boss " et
s il veut jouer au golf et ainsi de suite. Je peux le dire d une façon
assez précise parce que j'ai moi-même été un "boss"
pendant plusieurs années. Je le sais parce que j'ai vécu
l'expérience moi-même. Qu est-ce que cela veut dire, pour un
travailleur, de travailler dans un chantier comme Marine Industries ou Perkins
Paper où j'étais quand j'ai commencé? Vous arrivez le
matin dans une usine sale, où même les toilettes sont sales. Les
machines ne sont pas bien entretenues, la marchandise, la matière brute
est de mauvaise qualité, les commandes ne sont pas correctes, il est
obligé, comme à Marine, non seulement de fabriquer, mais de
reprendre et de refaire deux, trois, quatre fois, et arriver à la fin de
l'année avec des pertes.
Ces jours-ci on a beaucoup parlé des profits. Je pense qu'il y a
tendance, aujourd'hui, à ne pas aimer les profits. Mais le contraire
d'un profit, M. le ministre, c'est une perte. Et une perte, c est un
gaspillage. La perte et je prends encore I exemple de Marine c
est quand vous prenez S1 million d'acier, de matières de nos richesses
naturelles, vous ajoutez une année de main-d oeuvre pour un autre
million de dollars, et vous créez quelque chose dont la valeur sur le
marché est de S1 500 000. Vous mettez S2 millions de main-d'oeuvre et de
matériel et vous créez quelque chose dont la valeur est de $1 500
000. C'est une perte et c est un gaspillage non seulement de nos richesses
naturelles, mais un gaspillage du travail d'une personne qui est obligée
de se dire à elle-même et de dire à sa famille: Qu'est-ce
que j ai fait cette année? J'ai gaspillé mon temps, j'ai
passé mon temps à faire quelque chose qui ne vaut pas tout ce que
j'y ai consacré. Pour moi, M. le ministre, il est essentiel que ces
choses ne se répètent pas. Et tous les travailleurs savent
très bien que c'est essentiel, si on veut vivre ici au Québec
dans une économie efficace, il est essentiel que nous ayons des cadres
compétents, des cadres québécois qui sont formés
ici, qui acceptent de rester ici et qui travaillent dans un climat où
ils peuvent gagner un salaire équivalent et avec des conditions
équivalentes à celles des autres régions du pays.
Alors, vous me dites: M. le député, c'est bien beau tout
cela, mais ce n'est pas nécessairement essentiel que les gens
travaillent seulement pour les salaires. Vous ne pouvez pas me dire, M. le
député, que si je change le taux d'impôt, tous les
administrateurs deviendront efficaces le lendemain. Je suis complètement
d'accord. Ce n'est pas vrai. Mais c'est une question de climat. Vous avez
admis, aujourd'hui, M. le ministre, que cette question de l'impôt n'est
pas une question de revenu. Vous avez dit vous-même que le montant que
vous allez gagner là-dessus sera minime parce que vous avez dit que le
coût, pour les cadres, sera très minime. Comme vous l'avez dit, c
est symbolique. Cela relève d'un engagement de votre parti dans son
programme "... de réduire graduellement les écarts de revenus par
divers moyens, dont l'impôt progressif". Et vous avez
répété aujourd'hui que, dans le Québec, nous avons
une certaine conception de l'équité sociale très
différente de la philosophie sociale de l'Ontario. C est symbolique.
Vous l'avez fait pour passer un message soit à votre parti, soit
à votre caucus, soit à la population je ne sais pas
mais c'est
un message que vous avez passé. La conception de
l'équité sociale que le député de Mont-Royal vous a
invité à préciser, qui est très différente
de celle de l'Ontario, d'après vous, je trouverais intéressant
aussi de savoir votre définition de l'équité sociale et de
la philosophie de l'Ontario. Mais vous insistez en effet, dans votre projet d
association, sur le fait que nous serons tous ensemble et qu'il y aura, a dit
le premier ministre, la libre circulation des produits, des capitaux et des
personnes'. C'est une contradiction, pour moi, à l'intérieur de
votre projet de souveraineté-association.
Je vais mettre cela de côté pour le moment. Je vais
simplement vous dire, pour la troisième fois cet après-midi, je
pense, que si vous ajoutez ce message aux cadres, que si vous restez ici, il
faut vous attendre à ce que nous recherchions une société
égalitaire, une société où éventuellement
les cadres recevront un salaire à peu près équivalent aux
travailleurs, si vous voulez. Si vous continuez de passer ce message et si vous
l'ajoutez aux autres mesures que le gouvernement a faites dans la même
direction, vous risquez, je pense, de perdre l'élément essentiel
pour le bonheur, la satisfaction, dans le monde du travail, des travailleurs du
Québec. Il y a des gens qui savent beaucoup plus que vous aujourd'hui
que dans l'industrie il faut des gestionnaires qui sont efficaces, qui sont
dévoués, qui sont compétents et qui peuvent travailler
avec les autres pour préparer la relève dans une compagnie. Je
pense que ce n'est pas un point qu'on peut soulever trop souvent.
En terminant, M. le Président, je voulais tout simplement faire
une toute petite réflexion avec vous sur les raisons de cette politique
du Parti québécois et, semble-t-il, du ministre des Finances.
J'ai été frappé par les paroles du député de
Mercier concernant ces questions. Pourquoi cette politique de réduire
graduellement les écarts de revenus par divers moyens, dont
l'impôt progressif? Il y a 20 ans, je pense, les cadres, les riches
étaient des anglophones et les pauvres étaient des francophones.
C'était intéressant pour la majorité de dire: Ecoutez, on
va taxer les anglophones. Mais, aujourd'hui, je ne crois pas que ce soit
l'essentiel, parce que je suis persuadé, et vous pouvez le
vérifier, qu'on a pas mal de francophones parmi les cadres; au-dessus de
$30 000, c'est probablement assez proportionnel.
Il y a certainement de l'idéalisme, l'idée que
l'humanité doit créer une société
égalitaire. Pour moi, M. le Président, cette politique c'est
quelque chose qui va beaucoup mieux dans la vie personnelle et privée
que dans la vie collective. Si tu cherches à arriver à une vie
égalitaire, il vaut mieux te regarder toi-même, ton comportement,
la façon dont tu traites les personnes que tu connais, plutôt que
d'essayer de l'imposer dans une politique d'un gouvernement. Je pense que c'est
cela. Je pense que le problème, la raison pour cette idée qui est
incarnée dans cette clause du Parti québécois se
révèle dans les paroles du député de Mercier, quand
il disait: Pour recevoir les revenus qu'il nous faut, il faut ou plus taxer les
riches ou plus taxer les pauvres. C'est lié à une conception
d'une économie où il y a un montant de richesses fixé.
C'est une idée qui est dépassée depuis 60 ans au moins,
peut-être depuis plus longtemps que cela, l'idée que nous avons un
montant de richesses fixé qu'il faut diviser entre le monde d'une
façon équitable. Mais tout ce que nous avons vécu ici en
Amérique du Nord depuis 200 ans nous révèle clairement que
ce n'est pas le cas, que c'est bien possible d'avoir une société
où les riches deviennent moins taxés et les pauvres deviennent
moins taxés et tout de monde devient plus riche. Le produit national du
Québec à l'heure actuelle est de $50 milliards, je pense. En
1900, c'était probablement $1 milliard; c'est donc augmenté de 50
fois. C'est possible de créer des richesses. Si vous mettez des
éléments ensemble, que vous travaillez ensemble, c'est possible
de découvrir, M. le Président et M. le député de
Mercier, que tout le monde peut devenir plus riche. Ce n'est pas un montant
fixé, vous comprenez? Ce n'est pas nécessaire, je veux dire, de
plus taxer les riches ou de plus taxer les pauvres...
Une Voix: On ne comprend pas. Expliquez cela!
M. Scowen: C'est l'esprit dans lequel le député
d'après moi, peut-être que je ne l'ai pas compris a
parlé, c'est un esprit qui anime la politique du Parti
québécois.
M. Alfred: M. le Président, est-ce qu'il me permet une
question? (17 h 10)
Le Vice-Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, est-ce que vous permettez une question? La question
est permise.
M. Jolivet: La question est permise.
M. Alfred: M. le député, vous venez d'argumenter en
disant qu'il faut s'arranger parfois pour que tout le monde devienne plus
riche. Pour le commun des mortels, pour le travailleur qui vous regarde, qui
vous entend, qui a bien vu le budget de M. Parizeau qui a diminué les
taxes pour 90% des travailleurs, êtes-vous capable de préciser
votre façon de penser lorsque vous critiquez le budget de M.
Parizeau?
Le Vice-Président: D'accord, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Marchand: C'est ce qu'il faisait.
M. Scowen: Je pense, M. le député, que vous et moi
pouvons nous entendre très bien sur l'idée que tout le monde peut
devenir plus riche parce que je connais un peu votre pays et, en comparaison
avec le Canada, c'est quelque chose qui est intéressant à...
M. Alfred: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président: Oui, M. le député de
Papineau.
M. Alfred: Je respecte beaucoup la science du
député de NDG, mais lorsqu'il compare Haïti et le
Québec, franchement c'est comparer, bien sûr, des arachides avec
du beurre.
M. Scowen: Oui, je vais...
Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît! Si
vous me le permettez, un instant. Juste un instant, s'il vous plaît! Il
n'y a peut-être pas de question de privilège, parce que M. le
député de Papineau a déjà déclaré en
cette Chambre que son pays, c'était le Québec.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Pour faire suite à la conversation avec le
député en dehors de la Chambre, pour répondre plus
spécifiquement à sa première question, oui, je peux le
préciser. Je suggère fortement que le ministre crée, avec
sa politique de l'impôt, un climat favorable pour que les gestionnaires,
les entrepreneurs je parle des grandes compagnies et des entrepreneurs
des petites et moyennes entreprises qui sont aussi affectés les
gens qui créent les idées, les nouveaux principes, les bons
administrateurs, les chercheurs, tous les gens qui gagnent plus de $30 000, si
vous voulez, soient moins taxés qu'en Ontario. Pour que ce soit un
élément d'attraction afin que nous puissions attirer ici au
Québec les gens les plus stimulants, les gens les plus
intéressants pour le développement de notre économie. De
cette façon, on va perdre quelques points d'impôt avec quelques
milliers de personnes, on va perdre quelques millions de dollars en impôt
pour quelques années. D'après moi, on va gagner, en impôt
sur le revenu de tout le monde et sur le revenu des compagnies, mille fois
plus. C'est un exemple concret.
Je pense que je dois terminer, M. le Président, parce qu'il y a
certainement d'autres... Franchement, je n'ai pas beaucoup plus d'idées
non plus. Je veux simplement terminer en répétant le point avec
lequel j'ai commencé.
Quand M. Parizeau...
Une Voix: M. le ministre.
M. Scowen: ... crée un climat ici, pour les cadres gagnant
au-dessus de $30 000, qui rend encore plus grand l'écart entre leur
revenu net, et celui qu'on a en Ontario, il rend un mauvais service à
ces cadres. Ces derniers sont déjà venus le lui dire amplement.
Il a parlé avec tous les hommes d'affaires. Il a reçu le message.
Le message que je voulais passer aujourd'hui, c'est que c'est un mauvais
service rendu également aux travailleurs du Québec qui ne
partagent pas ses idées d'un plan social pour tout le Québec, qui
connaissent très bien les liens entre l'efficacité et l'optimisme
de ces cadres les leaders, les boss, si vous voulez et leur
propre bonheur. C'est non seulement important pour les travailleurs, mais c'est
important pour les 110 000 personnes qui, aujourd'hui, cherchent du travail ici
au Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Armand Russell
M. Russell: M. le Président, vous me permettrez
d'intervenir pendant quelques minutes sur ce projet de loi du ministre des
Finances qui semble un peu anodin, même s'il est bien épais, en
parlant toujours du projet de loi.
Il semble que le ministre des Finances ait réussi, cette fois-ci
encore, à exposer à la population qu'il a fait un effort pour
baisser les taxes du contribuable. Ce que disait tout à l'heure le
député de Johnson d'une façon très claire, c'est
que, quand on prend ses propres chiffres et qu'on regarde ici à la page
11 de l'annexe III, on voit: "Estimation budgétaire c'est bien
écrit noir sur blanc $3 946 000 000". Quand on retourne à
la page 22 du budget, on voit: " Mode actuel de comptabilisation, $4 196 000
000. On dit: Là, il y a une petite différence de surplus de $250
millions, qu'on soit allé la chercher là où l'on veut. On
sait que c'est de l'impôt sur le revenu qu'on parle actuellement, en
général. Donc, il y a quelqu'un qui a payé la
différence de $250 millions et cela semble être le même
nombre de travailleurs. Comment le ministre a-t-il pu réussir à
réduire les taxes du contribuable et à obtenir $250 millions de
plus?
M. Parizeau: Une correction de fait. Quel article est-ce?
M. Russell: M. le Président, le ministre a certainement le
droit de réplique. Je ne voudrais pas le priver de son droit de
réplique. S'il commence à me répondre actuellement, cela
va le priver de son droit de réplique et je ne voudrais pas être
injuste.
Le Vice-Président: Quand même, comme le ministre a
posé une question, il peut toujours invoquer l'article 96 parce qu'il a
fait le discours ou il peut demander au député s'il lui permet
une question, ou il peut attendre sa réplique.
M. Parizeau: Je voudrais demander au député s'il me
permet tout simplement de corriger une question essentiellement comptable.
N'oublions pas une chose, c'est que la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, qui reçoit des revenus et qui a des dépenses, a
été intégrée dans une nouvelle comptabilité
du gouvernement cette année. Alors, forcément, entre l'ancienne
comptabilité et la nouvelle comptabilité, il y a des
différences. Cela va de soi, puisque la Régie de
l'assurance-maladie est maintenant dedans, alors que, l'an dernier, elle
était dehors.
Le Vice-Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, je comprends qu'en changeant
de comptabilité cela a dû réduire le fardeau fiscal du
contribuable. C'est ce que je tente d'expliquer au ministre et, tout à
l'heure, il
pourra, dans sa réplique, prendre tous les moyens à sa
disposition pour expliquer aux contribuables qu'ils paient moins d'impôts
qu'ils n'en payaient dans le passé. Je sais qu'il y a eu un concours de
chiffres aujourd'hui, entre le ministre des Finances et le député
d'Outremont. Je sais que ce n'est pas tellement facile de passer tous ces
grands tableaux un par un et de tâcher de les expliquer aux contribuables
afin de leur faire comprendre en quelques minutes qu'ils paient moins de taxes.
Ce que veut le contribuable, c'est savoir si, à la fin de la semaine, du
mois et de l'année, il lui reste plus d'argent. Je dis non.
La loi actuelle a soulagé certains contribuables et en a
affecté d'autres. Tout à l'heure, on a parlé du voyageur
de commerce, de l'employé autonome et de tous ces gens.
J'écoutais le député de Mercier qui parlait des gros gars
qui se promenaient dans des bagnoles avec des Z. Cela m'a réellement
impressionné. Je sais qu'il a parlé aussi de certains partis de
l'Opposition qui accusaient le Parti québécois d'être
communiste. Au sujet de cette remarque, je voudrais simplement lui dire ceci:
Je n'ai jamais voulu accuser le Parti québécois d'être
communiste et j'ai même défendu, à certains moments, le
Parti québécois en disant qu'il n'était pas communiste. Je
me rappelle qu'à l'occasion d'une assemblée publique j'avais
été interpellé par un électeur qui m'avait dit:
Est-ce vrai que le Parti québécois, ce sont tous des communistes?
J'ai dit: Non, ce serait faux de dire cela. Et j'avais dans mes mains le
programme du Parti québécois. J'ai dit simplement: Si le Parti
québécois appliquait son programme, tel qu'il l'a
énoncé, ce serait plutôt un programme socialiste qui
pourrait peut-être laisser l'impression qu'il veut gouverner à la
porte du communisme. Mais une chose qui est certaine, s'il y en a des
communistes dans la province, ils ne sont pas avec l'Union Nationale; ils sont
tous avec le Parti québécois. J'ai dit cela, oui. Ils ne sont pas
avec l'Union Nationale, c'est certain. Donc, pour répondre à
ceci, ce serait donner une fausse impression de dire qu'on a dit des choses
comme cela.
Le député de Laprairie a peut-être des remarques. Je
suis bien prêt à lui laisser quelques minutes de réplique
tout à l'heure. Le député de Mercier s'est permis de
prendre ses 20 minutes. Il a parlé à peu près de tout,
excepté du projet de loi qui est devant nous. Donc, on va être
obligé, pour tâcher de lui répondre un peu, de
dévier un peu de la loi qui est en discussion actuellement. (17 h
20)
Mais pour revenir à cette loi, sans dévier trop du
débat, on va poursuivre les énoncés du
député de Mercier. Même s'il a parlé des grosses
voitures avec des Z dessus, cela fait bien trompeur parce qu'il y a des
cultivateurs qui se promènent avec des voitures avec des Z. Là on
va voir un ouvrier qui s'en va derrière un cultivateur qui a une voiture
avec un Z, il va dire: Wo! c'est des gros qui soutirent notre argent. Si on
regarde cette mentalité qu'a le député de Mercier, je peux
lui dire que la plupart de mes voyageurs ont tous des Z; j'en ai 28. Eux autres
sont affectés par la nouvelle loi actuellement. Oui, ils sont
affectés et pas mal. Non, ce ne sont pas des grosses voitures.
Aujourd'hui, $9000, $9500, ce ne sont pas des grosses voitures. Même, le
ministre des Finances va admettre cela.
Si on regarde la loi actuelle avant les modifications, si on prend la
moyenne, ils auraient le droit de déduire $5200 par année.
L'opération, I'enregistrement, les déductions d'assurance, ce qui
était permis. Et avec la nouvelle application, ils vont avoir droit
à $2317. Cela fait une différence de $2886 et pourtant, ce ne
sont pas des gros gars. Ceux-là, je les reconnais encore comme des
ouvriers, les voyageurs. Ce sont des gens qui travaillent des heures, de
longues heures pour gagner leur argent. Ce ne sont pas des gros gars et ils se
promènent avec des Z. Encore là, cela laisse une mauvaise
impression à la face de la province que ces gens, même s'ils ont
des Z sur leur auto, ce sont des gros gars.
Par contre, ils vont payer au fisc, cette année, avec la nouvelle
loi, tout près de $3000 de plus. Cela va leur faire mal et je n'en
connais pas tellement qui vont l'accepter. Ils vont se tourner de bord. Ils
vont aller voir l'employeur. Ils vont vous dire: Nous autres, cela nous prend
une compensation. On paie $3000 de plus, tout près de $3000 de plus par
année avec la nouvelle loi. Et si on leur donne une augmentation de
salaire de $3000 de plus, cela n'arrivera pas encore. Ils vont payer sur leur
salaire une couple de mille dollars. Pour être juste et raisonnable, pour
répondre à cette augmentation, cela veut dire qu'on serait
obligé de donner à nos voyageurs au moins $4500, $5000
d'augmentation de salaire pour qu'ils arrivent au même point qu'ils
étaient en 1977. C'est cela qu'est la vérité. C'est cela
qui sont les faits.
M. Parizeau: L'impôt et le revenu imposable, ce n'est pas
la même chose.
M. Russell: Pardon?
M. Parizeau: L'impôt et le revenu imposable, ce n'est pas
la même chose.
M. Russell: C'est la même chose. Si je suis obligé
d'augmenter le salaire de mon employé parce qu'il paie plus pour sa
voiture qu'il payait avant et qui veut avoir, pour apporter chez lui le
même montant d'argent qui lui reste net, je suis obligé de lui
donner une augmentation plus l'impôt qui est imposable sur cette
augmentation de salaire. Un voyageur qui fait un salaire raisonnable est
certainement dans les "brackets" de 30% d'imposition. M. le Président,
c'est cela qu'on appelle les gros gars dont on doit se servir pour justifier
ces petites augmentations de taxes qu'on veut avoir pour augmenter les revenus
de la province. On se sert de cela. Il y en a qui ont appelé cela de la
démagogie, je ne suis pas prêt à accepter cela. Certains
intervenants, de la façon dont ils l'exposent, on étrangle les
gros pour compenser les petits.
M. le Président, c'est évident que dans une
population comme le Québec, une population ouvrière, on
n'a pas tous le même salaire. Il y en a qui sont payés plus les
uns que les autres parce qu'il y a différents paliers d'emplois. Ceux
qui travaillent plus que les autres, qui ont des métiers
différents des autres ont des revenus différents des autres. Mais
pourquoi les punir, ceux-là? Parce qu'ils ont étudié plus
longtemps? Parce qu'ils ont appris des métiers? Parce qu'ils sont des
professionnels? C'est pour cela qu'on veut les punir? On dit: Vous faites de la
démagogie quand vous pensez que les gros gars s'en vont du
Québec. Evidemment, M. le Président, qui est le gros
salarié si ce n'est celui qui est à la tête des
décisions dans le domaine industriel? C'est lui qui décide.
Evidemment, à un moment donné, il est obligé de faire un
jugement, lui qui est affecté, de prendre une décision qui peut
être marginale: Est-ce qu'on reste dans le Québec ou est-ce qu'on
s installe dans l'Ontario ou dans une autre province du Canada? Il va regarder
celle qui est la plus avantageuse. C'est cela qui est la
vérité.
La même chose pour un emploi. Ce n'est pas toujours facile, et je
parle en connaissance de cause. Je suis pris de chaque côté de la
clôture. On a des industries dans l'Ontario et dans le Québec, et
je parle en connaissance de cause, Quand il y a un gars qui paie plus de taxes
dans le Québec et au même salaire que celui de l'Ontario, il va
préférer travailler en Ontario, c'est évident, c'est
normal.
C'est cela souvent qui fait mal, c'est cela qui fait que certains gars
sont accusés de charrier, quand on veut essayer de leur faire comprendre
que, si on veut maintenir un équilibre raisonnable, il faudrait arriver
avec les mêmes poids, les mêmes mesures pour tout le monde, tant
dans l'Ontario que dans le Québec. De cette façon on s'assurerait
de garder un équilibre valable dans le domaine économique.
On pourrait vous parler du domaine agricole.
Une Voix: FEDCO.
M. Russell: Oui, on pourrait vous parler de FEDCO aussi avec
l'expérience, on a des chiffres en haut, je pourrais envoyer chercher le
dossier et vous prouver que des gars de FEDCO ont des voitures avec des Z
aussi, surtout les dirigeants de FEDCO. Ce sont des gros salariés, ils
ont certainement des voitures avec des Z, ils sont affectés, mais ils ne
s'en iront pas. Cela a l'air qu'ils sont bien compensés. Ils ont
l'intention de rester parce que FEDCO n'existe pas ailleurs qu'au
Québec; donc, ils ne peuvent pas avoir de "jobs " semblables ailleurs,
ils vont rester ici.
Mais je reviens à nos employés autonomes. On parle de
cultivateurs. Le gros cultivateur est affecté de la même
façon que le voyageur, que l'ouvrier qui travaille dans la direction des
usines et qui a un gros salaire. C'est cela, à notre sens, qui n'est pas
raisonnable, vouloir charrier en disant: Nous, nous ne voulons taxer que les
gros, nous voulons détaxer le petit. Je rappelle ceci au ministre des
Finances, je suis certain que, si on examine l'impôt qu'il paie sur son
salaire, il est beaucoup plus élevé que celui d'un de mes
ouvriers qui travaillent dans l'usine sur l'une des machines. Il paie plusieurs
milliers de dollars en impôt, il faut commencer à déduire
cela. Le gros salarié est peut-être celui qui est le plus
affligé per capita, qui paie le plus d'impôt. Pourquoi le
traîner un peu partout sur la place publique, lorsqu'on discute des lois
aussi délicates que celle qui nous a été
déposée par le ministre des Finances pour justifier le budget du
mois d'avril dernier?
On a parlé de ceux qui ont déménagé comme
Sun Life. Ils ont dit: Sun Life on leur a donné une leçon, nous,
les Québécois. Cela n'a pas été une grosse
leçon. Ne vous en faites pas. Quand vous parlez de gens qui
déménagent, je pense qu'on ne devrait pas commencer à
garrocher des pierres dans les maisons de verre. Il y a du vrai dans cela. Il y
a des gens qui ont paniqué. Ce sont justement des discours comme celui
qui a été fait aujourd'hui par le député de Mercier
qui ne font pas peur à ces gars, mais qui les placent dans un contexte
où ils disent: Si c'est cela la mentalité du gouvernement actuel,
on est peut-être mieux de déménager. On ne l'accepte pas
cette mentalité. C'est cela qu'il faut réellement se mettre dans
la tête.
Je ne suis pas l'un de ceux à qui des paroles font peur
facilement.
Une Voix: Vous faites peur.
M. Russell: Si je fais peur, c'est parce que ce ne sont pas des
gars très braves; je n'ai jamais attaqué personne.
Une Voix: Non, vous faites des peurs.
M. Russell: Je fais des peurs? Je tente d'être
réaliste. J'ai tenté, à plusieurs reprises, comme j'essaie
de le faire cet après-midi, de dire au gouvernement: Allez-y donc
lentement, n'essayez donc pas de faire peur aux hommes d'affaires du
Québec, parce que les hommes d'affaires du Québec, de
mentalité, ne sont pas tellement peureux. Ce sont encore eux qui sont
responsables dans le domaine économique. La journée qu'on va
faire en sorte que les hommes d'affaires vont commencer à se diriger
ailleurs que dans le Québec, il sera inutile au ministre des Finances
d'imposer des taxes, parce qu'il n'y aura plus personne à qui en
imposer. Ce qui me surprend le plus, c'est quand j'entends ces prophètes
dire: Dans le Québec, on augmente, on crée de plus en plus
d'emplois. Par contre, on regarde tous les mois des statistiques et le
chômage ne cesse d'augmenter. Il y a plus de chômage aujourd'hui
qu'il y en avait en 1976, puis on a créé plus de "jobs", puis il
y a moins de monde. Le produit national brut n'augmente pas comme il devrait
augmenter ailleurs, mais nos revenus augmentent. Ce sont toutes ces choses...
L'autre jour, je me faisais servir une réponse par un des ministres qui
me disait: Vous savez, la construction pour 1979 à Montréal, cela
va augmenter une affaire extraordinaire. Les bureaux, il n'y en a presque plus
qui
sont disponibles actuellement, le nombre de pieds de plancher disponible
comparativement à 1976, c'est fini, il n'y en a plus. Cela va
forcément obliger de la construction puis on s'est servi de la
construction annoncée par Bell Canada et la Banque Provinciale. (17 h
30)
Quand j'ai tenté de vérifier les chiffres, savez-vous ce
qu'on m'a donné? Je ne les ai pas vérifiés, c'est une
information que j'ai reçue. En 1976, dans le domaine industriel et dans
le domaine commercial, c'étaient cinq millions de pieds libres; quand on
a demandé les chiffres pour le mois de décembre, au début
de décembre, c'étaient trente millions de pieds. Cela semblait un
peu contraire à ce qu'on m'avait dit ici. Pourtant, je lui posais une
question très simple, je voulais qu'il y ait de l'action. Cela me
surprend, encore là, quand ils disent: La construction, on en a eu
autant que l'an dernier, cela a même dépassé. Quand on
regarde les statistiques, on s'aperçoit que quand on compare 1974 et
1978, il y a 50% de moins de construction dans la ville de Montréal
qu'il y en a eu en 1974.
C'est ce qui se passe. Ce n'est pas nous qui le disons, les chiffres
sont là. Ces gens doivent lire comme nous, ils doivent pouvoir
comprendre les statistiques comme nous. Ce n'est pas nous qui le faisons, ce
sont les faits réels qu'il faut envisager. On se dit: II n'y a plus de
construction dans la ville de Montréal, il n'y a plus de chômeurs!
Expliquez-moi cela, M. le Président! C'est ce que je voudrais que le
ministre des Finances m'explique. C'est aussi ce que le député de
Mercier aurait peut-être fait mieux d'expliquer plutôt que
d'essayer de démontrer qu'il fallait se débarrasser des gros. En
parlant de gros, je fais peut-être le poids moi aussi, je suis assez
lourd à déménager et je ne suis pas prêt à
déménager. Je vais rester ici, mais à une condition, par
exemple. A la condition que je sois respecté comme tous les autres qui
se servent de l'argent du gouvernement pour monter des usines qui ne sont que
des photos de déficits, des monstres de déficits. La semaine
dernière, le député de Notre-Dame-de-Grâce y a fait
allusion. C'est cela que je voudrais voir nettoyer dans le Québec, ces
gens qui se servent de l'argent du petit, si on peut les appeler ainsi, pour
monter des bébelles comme Marine et d'autres semblables dont je ne veux
pas faire la litanie cet après-midi, on aura l'occasion de la faire dans
d'autres circonstances.
Je veux démontrer à la face de notre gouvernement que
c'est dans ce domaine qu'il doit agir, mais pas en essayant de créer des
monstres qu'il ne peut pas contrôler. Si on continue à adopter des
lois comme on le fait actuellement, on aura semé assez de vent qu'on va
récolter la tempête. C'est ma crainte.
En terminant, sur certains points du budget du ministre, je tiens
à dire particulièrement que les augmentations de taxe sont
complètement injustes. Non pas pour les gros, pour les Z, mais pour ceux
qui gagnent plus que les petits de la manufacture, qui doivent payer beaucoup
trop cher. Ils gagnent peut-être plus parce qu'ils font plus d'heures et
parce qu'ils ont un emploi qu'ils ont mérité. Ils ne sont pas
trop payés. Pourquoi les traiter injustement, ceux-là?
Ceux-là et ceux qui voyagent sur les routes, on les taxe injustement. On
commence à en payer des taxes sur l'automobile, aujourd'hui. Ce qui me
surprend le plus aujourd'hui, j'ai eu sept ou huit appels
téléphoniques drôlement intéressants c'est
qu'on est en train de dimunuer les services sur les routes.
C'est pour cela que j'ai dit au ministre des Finances: Si vous voulez
commencer à taxer les voyageurs comme cela, tâchez de vous
arranger pour les protéger sur les routes. N'enlevez pas les services
qu'on avait sur les routes. C'est rendu pas mal drôle, ces
choses-là, et on doit prendre les mesures pour corriger cette
situation.
Je voudrais terminer là-dessus. Je sais que le ministre des
Finances est allé se reposer pour reprendre la tâche tout à
l'heure. Il fera sa réplique et il pourra me répondre. Il me dira
en quoi celui qui voyage pour gagner son pain ou celui de sa famille paie plus
de taxes. Il justifiera l'augmentation de taxes chez lui, il justifiera
l'augmentation de taxes chez l'employé autonome. Il nous expliquera
cela. L'agriculteur a aussi des augmentations de taxes. Tout à l'heure,
en discutant les articles un par un, on va les revoir et il nous expliquera
tout cela. Je sais qu'il ne peut pas administrer...
M. Parizeau: Sur une question de privilège, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le ministre
sur une question de privilège.
M. Parizeau: J'ai indiqué ce matin, au début de ce
débat, que je m'excusais à l'avance auprès des
intervenants parce qu'ayant une chose urgente, dont on comprendra mieux
à 20 heures ce soir les tenants et les aboutissants, il faudrait que je
m'absente à plusieurs reprises dans le courant de la journée pour
régler cette question.
Je m'en suis excusé à l'avance. Je m'en suis excusé
personnellement aux critiques officiels des partis d'Opposition. Je n'aimerais
tout de même pas qu'on vienne me dire maintenant: II est sorti pour aller
se reposer. Je ne suis pas sorti pour aller me reposer; je suis sorti pour
corriger un texte qui doit sortir à 20 heures et qui est une affaire, je
pense, de première importance.
Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le
député.
M. Russell: M. le Président, je sais que le ministre s'est
senti visé. Je présume que les téléspectateurs ont
entendu les remarques qu'il a faites ce matin. Il s'est excusé. Il est
bien libre de sortir de la Chambre, comme moi, s'il n'a pas la parole. J'ai,
quand même, le droit de faire des remarques. Je ne l'ai pas accusé
de manquer ni à sa tâche ni à son devoir. J'ai simplement
dit qu'il était
sorti probablement pour aller se reposer. Je n'ai pas...
Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le
député, je voudrais que vous terminiez, comme vous l'aviez
prévu tout à l'heure.
M. Russell: Oui, M. le Président, j'avais l'intention de
terminer, mais je voudrais reprendre les propos tenus par le
député de Papineau qui m'accuse de faire des niaiseries.
Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le
député, je m'excuse. Votre temps est écoulé et je
voudrais que vous terminiez.
M. Russell: Je vais le faire, M. le Président, en vous
priant de demander au député de Papineau, qui m'accuse de faire
des niaiseries et dont les propos ne sont pas tellement parlementaires, d'avoir
la politesse de retirer ses propos.
Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le
député, je m'excuse quant à votre demande; je n'ai en
aucune façon entendu ces propos dont vous affublez le
député de Papineau. M. le député de Robert
Baldwin.
M. John O'Gallagher
M. O'Gallagher: Quelques petits commentaires, M. le
Président, je ne vous retiendrai pas longtemps. Si vous me le permettez,
je vais les faire en anglais.
Mr President, at a time when this province is faced with economic
difficulty, and great difficulty at that, and when unemployment is at its
highest, it is inconceivable that the minister of Finance can use a tax law to
impose his notion of social justice. This law, granted, reduces tax on the
average person earning under $15 000. But it imposes a higher tax on those in
our society who earn more that $25 000. As a Quebecer, I am indeed delighted
that we are no longer the highest taxed in this country in the bracket of those
who earn $15 000.
But why, at this time in our history, impose higher taxes on that
element of our society who, in general, are responsible for creating jobs and
providing economic stimulus? The minister, Mr President, should have at least
held the tax line on those earning over $25 000 because, in my opinion, the
monetary gain will certainly be offset by the bad effect of this tax. The
minister's remarks, this morning, made much of the fact that, in his opinion,
Toronto and Montreal were almost neck and neck in popularity as to their
attractiveness to business in general. That is absolute nonsense. Toronto and
all of Ontario, for that matter, will always be more attractive than Montreal
to the business community regardless of the relative cost of living in each
city for as long as the Quebec government demonstrates that it is antibusiness.
The brain drain resulting from the exodus of head-offices will not be
diminished if we keep on increasing income tax at the executive level and
imposing laws such as bill 101 that harass business in general. (17 h 40)
This government, during the last two years, has introduced other
legislation that makes it more difficult for the small businessman to do
business in this province, such as law 45 and its resulting regulations that
make it difficult for the small entrepreneurs of this province to keep in
business in these difficult times, instead of imposing more and more restraints
whether they will be financial or cultural for that matter on business and
entrepreneurs, it is time that this government did something for them. The tax
increase on high wage earners and tax on business automobile for that matter is
not reasonable nor is it justified at a time like this.
Le Vice-Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, je voudrais parler pendant
quelques minutes sur ce projet de loi afin d expliquer clairement à la
population du Québec cette augmentation d'impôt sur le revenu des
particuliers qu'on veut faire voter aux députés de
l'Assemblée nationale. Lorsque j'entendais le ministre des Finances, les
députés du Parti québécois charrier que
c'était une diminution d'impôt qu on avait cette année et
qu'on se préparait à nous faire voter le projet de loi 65,
pourtant dans les rapports mêmes du ministre des Finances, on nous dit
qu'il y a une augmentation d'impôt qui sera payée en 1978-1979,
comparée à 1977-1978, donc deux années qui se suivent, et
augmentation d'impôt payée par les citoyens du Québec, par
les travailleurs, par les travailleuses du Québec.
Là-dessus, M. le Président, même si le ministre des
Finances, tout à l'heure, essaiera de nous faire accroire que c'est
parce qu'on a changé la façon de comptabiliser, qu'on a
ajouté cette année le régime d'assurance-maladie et que
c'est cela qui fait la différence, M. le Président, j'ai en main,
ici, devant moi, le discours du budget du ministre des Finances, le discours
que lui-même a prononcé en cette Chambre il y a environ 7 ou 8
mois. On nous dit: Bien sûr qu'il y aura un nouveau mode de
comptabilisation. Mais on dit aussi, dans ce même discours du budget, le
mode d'autrefois ce que c'était, et le mode actuel ce que c'est
comparé à autrefois, et avec le même système,
qu'est-ce que cela représente.
Avec l'ancien mode de comptabilisation, M. le Président, en
1977/78, cela veut dire l'an dernier, on avait collecté des
contribuables du Québec $3 946 000 000 de taxes, sans compter le
régime d'assurance-maladie. Cette année, avec exactement le
même mode de comptabilité qu'il y avait autrefois, on va collecter
$4 196 000 000 de taxes des travailleurs et des travailleuses du Québec.
M. le Président, si on compte comme il faut, si on prend notre crayon et
si on fait des chiffres précis, cela veut dire que les
Québécois et les Québécoi-
ses qui travaillent aujourd'hui au Québec paieront $250 millions
de plus d'impôt sur leurs revenus, et on va essayer maintenant de nous
faire croire que ce qu'on nous présente aujourd'hui c'est une diminution
d'impôt. C est une augmentation d'impôt. Et ceux et celles qui vont
voter tout à l'heure sur ce projet de loi, vont voter en faveur d'une
augmentation d'impôt payée par les citoyens du Québec;
augmentation de $250 millions. C'est très clair, d'après le livre
du ministre des Finances, d'après le discours du budget du ministre des
Finances.
En plus, on nous dit: Cette année, on change notre méthode
de comptabilité et il y aura $424 millions de régime
d'assurance-maladie et, finalement, ce sera $4 620 000 000; cela est correct.
Je comprends qu'il y a eu des changements, mais il faut surtout comparer les
mêmes méthodes. On n'essaiera pas de fourrer la population du
Québec en faisant croire qu'on diminue les impôts lorsqu'on les
augmente. Là-dessus, il faudrait être clair et dire à la
population du Québec clairement qu'on va chercher dans ses poches $250
millions de plus.
Chez qui maintenant va-t-on aller chercher ces sommes, M. le
Président? Bien sûr, on a diminué certains impôts, on
en a augmenté d'autres, mais l'impôt total payé par tous
les citoyens du Québec sera de l'ordre de $250 millions de plus. On a
diminué le taux d'imposition de certaines personnes, je le reconnais.
J'ai été le premier à dire que j'étais heureux de
constater une diminution d'impôt. Mais on nous avait promis, par exemple,
l'indexation des impôts, ce qu'on n'a pas fait. On ne l'a pas fait encore
et pourtant cela a été promis par le Parti
québécois avant la dernière élection. Cela a
été promis pendant la période électorale. Cela a
été promis par la suite au premier discours du budget, quand on
nous a dit: Ne vous inquiétez pas, l'an prochain on va indexer les
impôts. On n'a pas indexé les impôts. On les a
indexés à la hausse, certainement pas à la baisse parce
qu'on paie $250 millions de plus en impôt cette année.
Ce qu'on fait, on a dit: II y a certaines catégories de
contribuables au Québec, on va les pressuriser davantage, on va les
faire payer davantage. Les gens à qui on fait payer davantage sont des
gens qui décident de l'avenir économique du Québec, qui
décident d'investir ou de ne pas investir au Québec. J'ai
entendu, au cours des deux dernières années, le premier ministre,
lorsqu'on a discuté de la loi 101, le ministre d'Etat au
développement culturel, le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières, le ministre des
Finances et d'autres ministres. Lorsque des hommes d'affaires, le Conseil du
patronat, la chambre de commerce, des individus même se plaignaient de
certaines décisions du gouvernement, on disait; Ah! Ce sont des
inféodés; on n'a pas besoin d'eux autres; ce sont des
bâtards; qu'ils s'en aillent donc. Pourtant, ce sont des hommes, des
femmes, des gens, des Québécois et des Québécoises
qui prennent des décisions d'investir au Québec. Ce sont des hom-
mes, des femmes qui prennent des décisions de créer des emplois
au Québec.
Il ne faut pas se demander pourquoi on 'n'a pas beaucoup d'emplois au
Québec de créés dernièrement. Pourquoi n'avons-nous
pas beaucoup de gens qui investissent au Québec? C'est à cause de
l'attitude de ce gouvernement qui est anti-investisseur et contre ceux et
celles qui veulent faire fleurir économiquement notre province. Il ne
faut pas se surprendre à ce moment-là. L'attitude du ministre des
Finances, dans cette nouvelle table d'impôt dans le projet de loi qu'on
nous présente, est claire. C'est un message clair, net et précis
à tous ceux qui veulent investir au Québec et qui veulent
créer des emplois au Québec. C'est le suivant: Non, on ne veut
pas vous avoir. Allez-vous-en à l'extérieur du Québec. Les
sièges sociaux, les centres de recherche, tous ceux qui veulent nous
aider un petit peu à développer le Québec, on n'a pas
besoin de vous autres; sauvez-vous donc. Allez investir à
l'extérieur. Allez investir au Nouveau-Brunswick, en Ontario, en
Alberta, quelque part ailleurs. Ne venez pas investir au Québec; si vous
venez ici, nous autres on vous pressurise et on va faire en sorte de vous taxer
davantage; on va faire en sorte de vous punir si vous voulez venir investir et
lancer un commerce ou une industrie, si vous voulez venir nous aider à
faire fleurir le Québec économiquement.
La décision du ministre des Finances de ce
côté-là, en présentant le projet de loi
d'aujourd'hui, je l'ai dit à l'époque, le soir du discours du
budget, je l'ai redit par la suite et je le redis encore aujourd'hui parce que
c'est vrai: C'est un suicide économique pour le Québec à
long terme que ce qu'on nous présente présentement parce qu'on
veut éliminer tous ceux et celles qui investissent pour créer des
emplois au Québec.
M. le Président, c'est la vérité sur des chiffres
présentés par le ministre des Finances lui-même. C'est une
analyse très claire, très précise de ces chiffres. Je ne
crois pas qu'un seul député raisonnable en cette Chambre, qui
veut le développement économique du Québec puisse appuyer
un tel projet de loi.
On a ensuite trouvé une façon bien élégante
de taxer davantage tous les travailleurs autonomes: les voyageurs de commerce,
les cultivateurs, les propriétaires de petites entreprises, les petits
commerçants, les garagistes, les épiciers, les barbiers, tous
ceux qui peuvent se servir de leur automobile pour travailler et gagner leur
revenu, on a trouvé une façon indirecte, de les taxer davantage
et de les punir, parce qu'ils sont des travailleurs autonomes et parce qu'ils
ont besoin d'une automobile pour gagner leur vie au Québec. On a
trouvé une façon élégante, sans que cela paraisse,
d'augmenter leurs taxes, leur impôt sur le revenu.
Là aussi, tous ceux et celles qui voteront pour ce projet de loi
vont pénaliser l'épicier du coin, vont pénaliser le
barbier, vont pénaliser le garagiste, vont pénaliser le vendeur
d'assurance, vont pénaliser tous ces travailleurs autonomes qui
profitent à l'heure actuelle d'une automobile, qui ont besoin
d'une automobile et qui peuvent déduire leurs dépenses
d'automobile pour gagner leur vie.
Là-dessus, on a parlé des grosses automobiles tout
à l'heure. Un voyageur de commerce qui voyage dans toute notre province
il n'a même pas besoin d'aller vendre à l'extérieur
fait en moyenne de 40 000 milles à 50 000 milles par
année. Alors, en kilomètres, cela veut dire 60 000 à 80
000 kilomètres par année. Il fait cela. Il a besoin d'une
automobile convenable. A l'heure actuelle, on lui permet de
déprécier, de diminuer la valeur de son automobile de 20% sur
$7500 au maximum. On sat que pour $7500, aujourd'hui, il n'a pas une
très très grosse automobile. Donc, le bonhomme qui fait 40 000
milles par année ou 60 000 kilomètres a besoin d'une automobile
qu'il va payer environ $9000 ou $10 000. Il n'a pas le droit de diminuer plus
de 20% sur $7500. Il diminue $1500 sur une automobile de $10 000 mais, au bout
de deux ans, il a 80 000 milles de faits ou il a 120 000 kilomètres. Son
automobile est finie complètement et il faut qu'il la change pour une
autre. Tout ce qu'il va avoir, c'est peut-être $3000 pour cela. Il l'aura
déprécié de $3000. Lorsque sa voiture lui aura
coûté $10 000, il y aura $4000 de perte nette pour ce voyageur de
commerce qui travaille dans toute la province. Il faut être honnête
et il faut dire cela carrément à la population, à tous
ceux qui sont pénalisés. Il faut dire que le Parti
québécois pénalise ces gens dans tout le Québec.
Cela, c'est la vérité et il faut arrêter de faire accroire
qu'on diminue les impôts de ces gens. Au contraire, on a augmenté
les impôts de ces gens. Cela, c'est clair. (17 h 50)
Les cultivateurs qui pouvaient déduire leurs dépenses
d'automobile, eux aussi sont pénalisés, à l'heure
actuelle, à cause de cela. Cela aussi, je vous assure que c'est grave.
Les vendeurs d'assurance sont pénalisés à l'heure
actuelle. On les a pénalisés une première fois avec la Loi
sur l'assurance automobile. On les pénalise une deuxième fois
maintenant avec l'impôt vis-à-vis de la déduction de leurs
dépenses d'automobile.
M. le Président, je pense bien que ce sont des décisions
importantes qui ont été prises dernièrement par notre
gouvernement actuel, le gouvernement péquiste, pour pénaliser les
contribuables québécois. Il faudrait être honnête de
ce côté, M. le Président. Il faudrait dire clairement qu'on
taxe davantage les contribuables du Québec. Là, ce serait dire la
vérité si on le présentait comme cela de la part du
gouvernement et qu'on disait: Ecoutez, on a besoin d'argent. On vous donne des
services sociaux. On a besoin de telle ou telle chose. On veut nationaliser
l'amiante. On veut dépenser de l'argent, $140 millions dans la
Société générale de financement, une autre
entreprise d'Etat. On veut donner de l'argent à SIDBEC, encore $100
millions.
Si on disait: On a besoin d'argent pour faire vivre les
sociétés d'Etat et les administrateurs de ces
sociétés d'Etat, je pourrais peut-être comprendre et dire:
Au moins, le gouvernement est honnê- te dans ses décisions. Ce
n'est pas cela; on essaie de cacher la vérité à la
population du Québec et c'est là-dessus, M. le Président,
que les députés des partis de l'Opposition critiquent
sévèrement le gouvernement. M. le Président, je dis que du
côté du gouvernement, quand on discute de finances, ou on ne
connaît pas cela, ou on n'est pas honnête avec la population du
Québec, ou on veut cacher la vérité à la population
du Québec. C'est le temps ou jamais de démasquer un tel
gouvernement. Qu'on le dise qu'on taxe davantage et surtout qu'on dise pourquoi
on veut taxer davantage la population du Québec.
M. le Président, je veux dire en terminant que tous ceux et
celles qui vont voter tout à l'heure pour ce projet de loi vont voter
pour une augmentation de taxes venant des poches des contribuables du
Québec. Au moins, ces gens devraient se lever, se promener dans leur
comté et dire à leurs gens qu'ils les ont taxés davantage.
Quant à nous, nous voterons contre un tel projet de loi.
M. Raynauld: M. le Président, en vertu de 96. Le
Vice-Président: M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Je suppose que le ministre va faire sa
réplique, soit maintenant, soit après le dîner. Mais,
avant, je voudrais soulever une question de privilège...
Le Vice-Président: D'accord. Je me demandais quel
était...
M. Raynauld: ... en vertu de 96 pour clarifier les choses. Je
pense qu'on n'est pas ici pour confondre la population. Très
brièvement, M. le Président. J'ai examiné, dans les
chiffres que j'ai présentés ce matin et cet après-midi,
l'impact du projet de loi no 65 sur l'impôt à payer. C'est cela
que j'ai essayé de démontrer et d'examiner. Quand le ministre
nous donne des chiffres sur les variations dans les impôts payés
cette année par rapport à l'année passée, il tient
compte de facteurs additionnels qui sont légitimes, mais je voudrais
clarifier cela. Par exemple, dans les impôts payés en 1977, il y a
le financement des programmes de santé qui, en 1978, était
incorporé dans l'ensemble des taux.
Par conséquent, je veux affirmer ici que je maintiens toutes les
déclarations que j'ai faites ce matin, mais ces déclarations ne
contredisent pas nécessairement ce que le ministre a donné
lorsqu'il a comparé les impôts payables l'année
passée et les impôts payables cette année, parce qu'il
tient compte d'autres facteurs. Je pourrais même aller plus loin, je
pourrais même dire que quand on introduit, par exemple, le financement
des programmes de santé, cela pourrait très bien ne pas
être justifié dans les comparaisons que nous faisons
aujourd'hui.
M. Godin: M. le Président, question de
règlement.
M. Raynauld: Mais c'est un fait que l'année
dernière, on payait, en plus...
Le Vice-Président: Est-ce que vous maintenez votre
question de règlement?
M. Godin: Comme l'article 96 dit très clairement qu'il n'y
a pas d'éléments nouveaux, et qu'il glissait vers un
élément nouveau, je voulais l'en empêcher.
Le Vice-Président: II n'y a pas de débat qui suit
une question en vertu de l'article 96.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, sur
une question de directive.
Le Vice-Président: Oui, M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que je dois comprendre
des propos du député d'Outremont qu'il ne met plus son
siège en jeu maintenant?
Le Vice-Président: A l'ordre! Ce n'est pas à moi
d'en juger. La question est hypothétique. Le député
d'Outremont a fait une mise au point qui le concernait lui et le ministre et je
la prends comme telle.
M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, étant donné
qu'il ne reste que trois minutes, je me demande si ce ne serait pas plus simple
que je demande simplement la suspension du débat jusqu'à ce
soir.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Charron: Adopté.
Des Voix: Adopté.
M. Charron: M. le Président.
Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je dois solliciter
officiellement ce qui m'a été accordé officieusement
jusqu'ici, c'est la permission que, lorsque l'Assemblée se
réunira à 20 heures, celle-ci soit saisie d'une
déclaration ministérielle d'importance, de la part du ministre
des Finances, qui n'a pas pu être faite ce matin, pour des raisons que
les députés comprendront eux-mêmes à la lecture
même de la déclaration du ministre des Finances, et qui concerne
un sujet brûlant d'actualité.
A cette occasion, je puis affirmer que chaque parti d'Opposition et les
députés de partis non reconnus recevront copie de cette
déclaration avant 19 heures ce soir, si cela n'est déjà
fait, ce qui fait qu'à 20 heures, comme le prévoit notre
règlement, ils pourront la commenter. D'autre part, je me rends à
une demande du chef de l'Union Nationale à savoir que la réunion
de la commission de l'Assemblée nationale qui est prévue pour ce
soir, que la motion de ce matin a prévue à 20 heures, soit
retardée jusqu'à la fin de cette déclaration
ministérielle. La commission se réunira par la suite.
M. Bellemare: M. le Président.
Le Vice-Président: Oui, M. le chef parlementaire de
l'Union Nationale.
M. Bellemare: Je n'ai pas d'objection à accepter cette
proposition que nous avons formulée, le chef et moi, pendant
l'après-midi, mais je voudrais connaître un peu la suite des
débats qui auront lieu ce soir. Après que la réplique du
ministre sera faite sur le projet de loi no 65, allons-nous continuer sur les
lois de la fiscalité? Il y en a encore cinq ou six.
M. Charron: Ce n'est pas dans ma nature mais j'en informe
ce soir l'Assemblée, je suis inflexible aujourd'hui sur le menu
annoncé ce matin.
M. Bellemare: Est-ce que "inflexible" veut dire que le projet de
loi no 110 va venir à deux heures cette nuit?
M. Charron: Le projet de loi no 114.
M. Bellemare: Le projet de loi no 114, à deux heures du
matin?
M. Charron: C'est-à-dire quand les lois fiscales seront
terminées. Si les députés veulent le faire...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Comme
il approche 18 heures, la question est hypothétique et elle
dépend des députés.
M. le député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, je pense qu'il me serait
difficile, au nom de l'Opposition officielle, de refuser le consentement que
demande le leader parlementaire quant à la déclaration
ministérielle que devra faire le ministre des Finances. On comprend
qu'il y a une technicité pour laquelle on ne peut pas attendre. De toute
façon, j'ai cru comprendre tantôt que les chefs parlementaires ou
les leaders parlementaires seraient informés valablement pour qu'ils
aient le temps de faire une réplique s'il y a lieu.
Le Vice-Président: Sur ce, puis-je suspendre les travaux
de cette Assemblée jusqu'à ce soir 20 heures, avec l'entente que
nous avons?
M. Charron: C'est exact. Suspension de la séance à
17 h 58
Reprise de la séance à 20 h 12
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Veuillez vous asseoir.
Suivant l'entente intervenue entre les formations politiques
représentées à l'Assemblée nationale, contrairement
aux règles habituelles qui prévalent pour les affaires courantes,
c'est maintenant que je vais donner la parole au ministre des Finances pour
faire une déclaration ministérielle.
M. le ministre des Finances, vous avez maintenant la parole.
Déclaration ministérielle
Acquisition de la société
Asbestos
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, le 21 octobre 1977, le
gouvernement annonçait officiellement son intention de se porter,
à un prix équitable, acquéreur de la société
Asbestos Limitée. Cette acquisition projetée constituait un des
trois grands volets de la politique d'ensemble du gouvernement dans le secteur
de l'amiante. Par ailleurs, le choix de cette compagnie en particulier
résultait principalement du fait que son principal centre
d'activités se situait au Québec et qu'elle était la seule
de cette taille à ne pas posséder d'usine de transformation
à l'étranger, offrant ainsi de plus grandes possibilités
de transformation de la fibre au Québec même.
Pour donner suite à cette intention, le gouvernement retenait les
services de la firme Kidder, Peabody & Co. Inc., de New York, à
titre de conseiller financier avec pour mandat d'établir la juste valeur
marchande des actions de l'entreprise et de négocier l'achat de
celle-ci. Le contrat précisait que, pour les fins de son mandat, Kidder,
Peabody devait s'adjoindre les services de géologues et
d'ingénieurs-conseils de manière à s'assurer que toutes
les dimensions techniques des opérations de l'entreprise puissent
être tenues en ligne de compte dans l'évaluation.
A cette fin, Kidder, Peabody retenait les service de la firme Watts,
Griffiths and McOuat, de Toronto, et signait conjointement avec celle-ci un
accord de confidentialité avec la société Asbestos
Limitée relatif à l'échange de certains documents
essentiels à l'évaluation en cours.
Parallèlement, General Dynamics avisait Kidder, Peabody qu'elle
avait retenu les services de la firme Lazard Frères & Co., de New
York, pour procéder à l'évaluation de la
société Asbestos Limitée.!
Le gouvernement décida en outre de s'adjoindre les services de Me
Philip Vineberg, de Montréal, pour agir à titre de conseiller en
matière fiscale. Tout au long de son mandat, la firme Kidder, Peabody a
informé le gouvernement de l'état d'avancement de ses travaux.
Elle remettait son rapport le 20 juillet 1978. Toutefois, suite à la
mise à jour de certaines données et à l'étude plus
approfondie d'un problème technique relié à la
stabilité des pentes des mines à ciel ouvert, problème qui
avait été seulement identifié dans le rapport du 20
juillet 1978, Kidder, Peabody remettait au gouvernement, le 19 septembre de
cette année, un rapport complémentaire finalisant ainsi ses
travaux relatifs à l'évaluation de I'entreprise.
Je désire, M. le Président, déposer devant I
Assemblée les résultats de ces études. Le rapport de
Kidder, Peabody, je tenterai de le déposer demain avec le projet de loi.
J'y reviendrai tout à I heure, mais un sommaire des conclusions sera
déposé ce soir; enfin, je le dépose en même temps
que cette déclaration.
Suite à la remise de son rapport, la firme Kidder, Peabody a
entrepris, au nom du gouvernement, la deuxième phase de son mandat, soit
la négociation. C est ainsi que des démarches exploratoires
furent entreprises entre Kidder, Peabody, d'une part, et Lazard Frères,
d'autre part. Ces démarches visaient essentiellement à explorer
la position de chaque partie sur la base des études
réalisées de part et d'autre.
Au cours des premières rencontres, Kidder, Peabody a
proposé que les études soient échangées en toute
bonne foi de manière à identifier clairement la nature et la
justification des écarts. Le 14 septembre, General Dynamics, par
lintermé-diaire de Lazard Frères, refusa de se plier à un
tel échange de documents prétextant que les écarts entre
les deux évaluations étaient si substantiels que cette
opération devenait inutile.
Le 27 septembre, des représentants des consultants du
gouvernement, les maisons Kidder, Peabody et Watts, Griffiths & McOuat
Limited, rencontrèrent à Toronto des représentants des
consultants de General Dynamics, les maisons Lazard Frères, D.S.
Robertson Associates et Arthur D. Little. Lors de cette réunion, les
consultants du gouvernement prirent connaissance d'une étude
préparée par la firme Arthur D. Little concernant les
marchés de la fibre d'amiante et les projections de chiffres d'affaires
pour la société Asbestos Limitée au cours des 30
prochaines années. Aucune autre information sur les résultats de
I'étude de Lazard Frères n'a été transmise à
Kidder, Peabody.
Le 10 octobre 1978, une rencontre eut lieu entre le trésorier de
General Dynamics et ses aviseurs légaux", d'une part, et Me Philip
Vineberg, accompagné d'un représentant de Kidder, Peabody,
d'autre part. Cette réunion avait pour but d explorer les diverses
implications fiscales relatives à l'acquisition de l'entreprise.
Par ailleurs, le 18 octobre, à la demande de General Dynamics,
mon collègue des Richesses naturelles et moi-même acceptions de
recevoir le représentant de la maison Arthur D. Little pour se faire
exposer verbalement les conclusions de l'étude de marché
entreprise pour le compte de General Dynamics.
Malgré toutes ces démarches, General Dynamics
réitérait toujours sa position à l'effet qu'il
n'était pas dans ses intentions de vendre ses actions dans la
Société Asbestos Limitée et que,
dans ce contexte, elle était tout au plus prête à
considérer une offre d'achat.
Pour sa part, le gouvernement voulait que, par l'intermédiaire de
son négociateur comme je l'ai dit tout à l'heure
Kidder, Peabody, les deux parties puissent discuter des résultats de
leurs études respectives pour établir clairement la nature des
écarts substantiels qui semblaient exister entre les deux
évaluations. Ceci ne fut pas possible. D'ailleurs, parallèlement
à ces démarches, j'ai personnellement rencontré, depuis le
21 octobre 1977, M. Guy W. Fiske, vice-président exécutif de
General Dynamics, à trois reprises. J'ai rencontré une
dernière fois M. Fiske le 6 décembre dernier. Cette rencontre
visait à explorer les avenues possibles d'une solution acceptable aux
deux parties. Elle fut suivie d'une rencontre à Saint-Louis, le 12
décembre, entre mon sous-ministre et M. Wayne Wells, trésorier de
General Dynamics. Ces pourparlers n'ont pas permis de faire un rapprochement
entre les deux parties.
Devant l'échec de toutes ces démarches, je veux ici me
permettre, M. le Président, d'établir les éléments
des évaluations respectives des deux parties telles que le gouvernement
les perçoit à l'heure actuelle.
Il semble que l'étude de Lazard Frères établisse
à quelque $100 le prix des actions de la Société Asbestos
Limitée. D'autre part, l'étude de Kidder, Peabody établit
que la juste valeur marchande des actions de l'entreprise se situe entre $40 et
$42 l'action. L'écart entre les deux études est donc substantiel.
Un des seuls facteurs connus du gouvernement et permettant d'expliquer une
partie de cet écart est la prévision du prix de l'amiante au
cours des vingt prochaines années. Sur ce point, les
démonstrations qui nous ont été faites par la firme A.D.
Little ne nous ont pas convaincus, bien au contraire. (20 h 20)
De plus, par l'intermédiaire de son négociateur, le
gouvernement a déjà communiqué à General Dynamics
la fourchette des valeurs résultant de l'étude faite pour son
compte. Sur ce, General Dynamics, par l'intermédiaire de Lazard
Frères, a clairement indiqué qu'un prix entre $40 et $42 l'action
lui apparaissait complètement inacceptable.
Le 14 décembre, je faisais parvenir à M. Fiske lui
demandant de confirmer la position de General Dynamics. J'ai reçu un
télégramme cet après-midi même confirmant la
position de la compagnie. Devant une telle réponse et, par ailleurs,
devant l'impossibilité de discuter avec l'autre partie sur une base
rationnelle et concrète, la nature des écarts
présumés substantiels entre les prix suggérés par
les deux études, je désire annoncer que le gouvernement entend
déposer demain, en première lecture, sujet à ce que je
dirai tout à l'heure un projet de loi visant à amender la Loi
constituant la Société nationale de l'amiante et destinée
à exproprier une partie des actifs de la société Asbestos
Ltée.
Je désire déposer ce sommaire de l'étude de Kidder,
Peabody dont j'ai parlé tout à l'heure et j'espère pouvoir
présenter demain le rapport de l'entreprise elle-même. Je
souhaiterais vivement et, je pense, dans l'intérêt public
que l'on permette d'inscrire au feuilleton, dès aujourd'hui, ce
projet de loi qui serait présenté alors en première
lecture demain, de façon que le public soit au courant de ce qui se
trouve dans ce projet de loi le plus rapidement possible.
Je pense qu'il est d'intérêt public qu'effectivement tous
les actionnaires minoritaires d'Asbes-tos Corporation sachent ce que ce projet
de loi comporte. Il me semble que si nous pouvions obtenir ce soir
l'acceptation unanime que l'on inscrive au feuilleton, dès aujourd'hui,
ce projet de loi, cela permettrait, dès demain de faire connaître
son contenu. Merci.
Une Voix: Bravo!
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: M. le Président, il n'est sans doute pas
nécessaire de souligner devant cette Chambre que cette
déclaration est grave et que les conséquences pour le
Québec sont incalculables, mais nous savons, quant à nous, que ce
n'est pas encore le temps de la réjouissance et de la gloire, car la
voie que le gouvernement semble vouloir prendre est extrêmement
dangereuse.
On me permettra de rappeler que la décision d'acheter une
entreprise d'amiante remonte à la dernière élection et
qu'elle a donné suite à ce qu'il faut bien appeler par son nom,
une promesse électorale. Après cette élection, le
gouvernement s'est lancé dans l'aventure tête baissée et
aveuglément sur la foi de rapports incomplets et insuffisants que le
gouvernement précédent avait rejetés et que nous avions
abondamment critiqués et analysés en commission parlementaire le
printemps dernier.
Une fois prise la décision de principe, le gouvernement s'est
engagé par la suite de la façon la plus maladroite qui soit. Les
péripéties de cet engagement ont également
été discutées en commission parlementaire. Une
décision, par exemple, annoncée avant de connaître la
valeur de l'entreprise, une décision avant d'avoir vérifié
si l'entreprise était à vendre à ce moment, avant de
savoir ce qu'il en ferait s'il réussissait. Pour toutes ces raisons,
cette approche nous avait semblé, à ce moment, irresponsable et
d'inspiration idéologique sinon franchement partisane. Ne
voilà-t-il pas que cet après-midi même, M. Fiske a fait une
déclaration disant qu'à son avis, les négociations
n'étaient même pas engagées, qu'aucune offre formelle n'a
jamais été faite à General Dynamics et que la mesure que
le gouvernement prend cet après-midi est une mesure qui écarte
pour l'instant la possibilité de négociations
ultérieures.
Ce qui pouvait arriver s'est donc effectivement produit. Le
Québec aujourd'hui se retrouve sur une voie sans issue parce que
l'expropriation, c'est une mesure de dernier recours et c'est une
solution qui est la pire de toutes les solutions qui pouvaient
être engagées en admettant que le gouvernement ait raison sur
l'objectif qu'il poursuivait d'acheter une mine d'amiante. Une expropriation
permet de faire des bravades, mais le coût pour le Québec pourra
être totalement disproportionné par rapport aux avantages qu'il
pourra retirer. En effet, une expropriation ou une menace d'expropriation va
engendrer des réactions négatives c'est absolument
forcé va entraîner des réactions négatives
sur les investissements étrangers et intérieurs au
Québec.
Cette expropriation va engendrer des réactions négatives
sur les emprunts et sur le crédit de la province de Québec sur
les marchés des capitaux. Elle va également entraver la
liberté d'action financière et budgétaire du gouvernement.
Ces réactions négatives vont signifier pour les contribuables du
Québec et ces réactions ne sont pas soumises à
notre propre volonté, il faut bien le comprendre des impôts
additionnels, des intérêts plus élevés en
perspective, moins d'expansion et moins de croissance économique, et ce
n'est certainement pas une solution au problème du chômage que
nous connaissons.
C'est pourquoi en rétrospective, comme d'ailleurs c'était
auparavant, notre position nous semble aujourd'hui beaucoup plus sage. La
position que le Parti libéral a prise sur cette question a
été d'encourager le gouvernement, dans la mesure où le
gouvernement pensait qu'il avait des ressources financières disponibles,
à entreprenare des investissements productifs et rentables dans la
transformation des produits de l'amiante au Québec, parce que nous
étions intéressés, et nous le sommes encore, à des
projets d'investissements qui créent des emplois au Québec. Mais
nous nous sommes en même temps opposés vivement à l'achat
d'Asbestos Corporation, parce qu'un achat de compagnie existante n'augmente pas
le nombre d'emplois et ne fait que transférer la richesse d'un groupe de
personnes à un autre groupe de personnes.
Nous ne voulons donc pas partager la responsabilité des ennuis
que le gouvernement peut rencontrer à mettre son projet à
exécution et celui d'acheter Asbestos Corporation d'une façon ou
d'une autre. Maintenant, à lire attentivement la déclaration qui
nous est présentée ce soir, on peut se poser des questions sur
les intentions véritables du gouvernement. Pourquoi, en effet,
déposer un projet en disant en première lecture? Est-ce qu'on n'a
pas raison d'être un peu perplexe sur la volonté que le
gouvernement a d'exproprier Asbestos Corporation? S'il voulait exproprier
Asbestos Corporation, il ne nous demanderait pas un consentement pour
déposer un projet en première lecture; il nous demanderait
d'adopter un projet de loi. Ce projet de loi en première lecture va
devenir caduc avec la fin de la session.
M. Parizeau: Non, le bill omnibusl
M. Raynauld: Bien oui. C'est un projet de loi qui, s'il n'est pas
adopté, devient caduc.
M. Parizeau: Non.
M. Raynauld: On ne pourra pas le revoir avant le début de
la prochaine session.
Une Voix: II le réintroduira après.
M. Raynauld: Oui, mais cela veut dire qu'entre-temps le
gouvernement n'a pas l'intention de procéder à l'expropriation.
C'est cela que cela veut dire. Parce que, si c'était urgent et qu'il
fallait le faire, il faudrait qu'il adopte le projet de loi maintenant. Alors,
si le gouvernement n'a pas l'intention de procéder immédiatement
à l'expropriation, on peut se demander si ce n'est pas simplement une
menace que le gouvernement adresse à General Dynamics. Est-ce que ce
n'est pas du bluff, un symbole, un défi pour la galerie? On peut se
rappeler ici une lettre célèbre du même ministre des
Finances sur la taxe de vente, le printemps dernier. (20 h 30)
Le geste était de la même nature et le ballon s'est
dégonflé. D'autres questions peuvent être posées:
Est-il exact, comme M. Fiske l'a déclaré cet après-midi,
que le contenu du rapport Lazard a été largement exposé au
ministre? Est-il exact qu'aucune offre formelle n'a été faite
à General Dynamics? Nous sommes, bien sûr, à la disposition
du gouvernement en ce qui concerne la loi, mais nous voulons également
indiquer dès maintenant que nous ne serons pas partie à ces
menaces, nous ne serons pas partie à ce bluff. Et si le gouvernement
désire vraiment procéder avec le projet de loi, qu'il nous
demande de l'adopter dès cette session et nous sommes disposés
à lui donner notre réponse.
Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais, à
mon tour, au nom de l'Union nationale, émettre certains commentaires
à la suite de cette importante déclaration ministérielle
que vient de nous faire le ministre des Finances. Ce n'était pas facile
à ce moment-ci et j'ai cru le sentir également dans
l'attitude du ministre des Finances de faire une telle
déclaration ministérielle devant la Chambre. C'est là la
première difficulté, le premier écueil majeur que
rencontre le gouvernement dans cette aventure à laquelle il veut
s'adonner à tout prix.
Tout au cours de la commission parlementaire j'ai eu l'occasion, au nom
de l'Union Nationale, de mettre le gouvernement en garde contre son projet qui
était et demeure simplement une hypothèse non fondée de
travail basée sur aucune garantie réelle. Maintenant, le
gouvernement, tel qu'on le lui avait indiqué à ce
moment-là, vient de frapper son premier mur. On voit, par la teneur de
la déclaration ministérielle, qu'il n'y a pas eu effectivement de
négociations, sinon tout simplement
de considérer de part et d'autre les marges d'écart qui
existaient. C'est la réalité qui ressort du texte qui nous a
été présenté aujourd'hui. L'Union Nationale avait
averti le gouvernement qu'il n'aurait pas le choix de passer par la voie dans
laquelle il s'engage actuellement. D'ailleurs, il y a un curieux
phénomène qui se passe puisque, en 1975, la même
société General Dynamics avait offert son bloc d'actions au
gouvernement du Québec qui avait refusé à ce
moment-là.
En 1976, le gouvernement du Parti québécois avait
déclaré vouloir acquérir à tout prix un nouveau
drapeau, un nouvel emblème, s'acheter une mine. Evidemment, la loi de
l'offre et de la demande jouant, la société s'est retirée,
les actions ont monté et on a vu ce qui est arrivé, on est rendu
là où on est rendu. Cela ne fait que commencer. C'est le
rôle de l'Opposition, comme on l'a fait en commission parlementaire, de
mettre, maintenant plus que jamais, le gouvernement en garde conre les autres
difficultés qu'il va devoir rencontrer sur son chemin.
D'ailleurs, tout au cours de la discussion sur le fameux projet de loi
70, à aucun moment, et même si on l'a demandé avec
insistance, on n'a eu véritablement de la part du gouvernement le
dépôt ou la présentation d'un plan quelconque de
rentabilité avec échéancier. Au contraire. On nous a
simplement déclaré, devant les questions pressantes que nous
adressions au gouvernement, qu'on espérait que, dans un certain nombre
d'années, on pourrait être rentable avec la Société
nationale de l'amiante en s'achetant une mine. Tout ce qu'on fait, c'est
créer une autre société d'Etat, une autre parmi ces
nombreuses filles du gouvernement, qu'on dit sociétés d'Etat, qui
vient chaque année, devant l'Assemblée nationale, faire sa
procession, la main tendue, vindicative, pour demander le nombre de millions
dont elle a besoin pour budgétiser, en promettant toujours, comme c'est
le cas chaque année, que l'année d'ensuite, l'année
prochaine, ce sera l'année de la poule aux oeufs d'or et qu'enfin on
sera rentable!
C'est la même chose que le gouvernement du Parti
québécois s'apprête à faire actuellement avec le
projet de loi 108 où il va encore accorder $140 millions à la
Société générale de financement, pour Marine
Industrie, pour des dettes et des bateaux qu'on a sur les bras là-bas.
Cela a été la même chose l'an passé pour SIDBEC,
à laquelle on a accordé encore $125 millions avec la promesse que
cette année, peut-être, ce serait rentable, ce qui n'est pas le
cas. Cela a été la même chose encore dernièrement au
niveau de l'Hydro-Qué-bec, qui est venue, la main tendue, demander et
obtenir du gouvernement du Parti québécois au-delà de 40%
d'augmentation des tarifs d'électricité en trois ans. Ce n'est
pas une mince affaire sur le dos des contribuables du Québec. C'est la
réalité.
Maintenant, on crée la Société nationale de
l'amiante qui va, elle, s'acheter une mine pour entrer sur le marché
fortement concurrentiel des mines d'amiante où il n'y a pas, comme dans
l'Hydro-Québec, l'exclusivité et le monopole que
l'Hydro-Québec a au Québec mais où le gouver- nement du
Québec va devoir, au même titre que les autres, concurrencer des
entreprises qui ont la technique, qui ont le "know-how", qui ont les
marchés existants actuellement. Il y a eu d'autres difficultés
qui ne sont pas écartées, M. le Président. Je l'ai
soulevé à plusieurs reprises en commission parlementaire. Il y
avait la question de la fameuse perception en Europe, en ce qui concerne la
fibre d'amiante. A ce moment-là, lorsqu'au nom de l'Union Nationale j'ai
indiqué également un certain danger qui existait à ce
niveau-là, le gouvernement a tout simplement souri, en laissant entendre
que ce n'était pas tellement important. Il y a deux ou trois semaines,
le ministre des Richesses naturelles du Québec lui-même, avec tout
un groupe, est allé effectuer son petit pèlerinage en territoire
de la Communauté économique européenne pour essayer
d'atténuer cette mauvaise perception des produits de l'amiante qui
existe là-bas. C'était moins drôle à ce
moment-là. C'était une autre difficulté et, à ce
que je sache par le rapport qui a été ramené de
là-bas, on n'a pas complètement éliminé cette autre
difficulté.
Maintenant, il reste un autre fait, une difficulté qu'on peut
voir de façon prospective en regardant l'avenir. La position du
Québec, lorsque demain matin, avec cette loi de la nationalisation, le
gouvernement aura enfin, avec l'argent des Québécois,
acheté son drapeau et son autre emblème, c'est ceci. L'Asbestos
Corporation, de Thetford, a 50% de sa production qui va à la
Communauté économique européenne. C'est le
président de la Société nationale de l'amiante qui vient
d'ailleurs de l'indiquer et de le déclarer clairement.
La compagnie General Dynamics, qui va en souriant se laisser exproprier
parce qu'elle va pouvoir récupérer ses fonds, puisqu'elle voulait
les laisser dans les mains du gouvernement il n'y a pas tellement longtemps,
elle, il n'y a pas longtemps, a investi en Allemagne $20 millions à
Nordenham pour une usine de traitement de la fibre. Il est clair, M. le
Président, qu'avec les autres fonds que la province peut lui verser
à ce moment-là l'entreprise peut très bien mettre au point
des entreprises de transformation connexe à sa première
entreprise pouvant s'approvisionner également de la Russie, qui veut
mettre de la fibre sur le marché actuellement, et, à ce
moment-là, entrer directement en concurrence avec son usine qu'elle est
en train de passer au gouvernement du Québec, bénéficiant
en cela de l'entente InterEurope qui existe et qui stipule que lorsqu'un
produit est fabriqué par un des neuf coopérants du marché
européen, les huit autres s'engagent à ne pas acheter ce produit
d'un autre pays hors de la Communauté économique
européenne. Ce qui va garantir à l'entreprise une
rentabilité en sol européen et automatiquement couper, d'une
certaine façon, possiblement, la retraite en ce qui concerne le projet
du gouvernement du Québec dans ce sens. On va être tout simplement
pris avec une mine, avec une usine finie qu'on va devoir reconstruire et
peut-être pas de marchés garantis. Sur cela on ne nous a
aucunement donné d'indication.
L'objectif du gouvernement au point de départ, c'était
d'augmenter le pourcentage de la transformation de la fibre d'amiante en sol
québécois pour produire davantage d'emplois. C'était cela
l'objectif. Je pense que cela demeure cela. A cet objectif, l'Union Nationale a
dit oui, mais directement, en prenant des fonds et en les investissants dans
des usines de transformation pour créer demain les emplois dans ce qu'il
est possible de transformer au Québec. Mais encore là, le
rêve est devenu brutalement réalité à certains
égards, parce que des chiffres qu'on a sortis au point de départ,
qui étaient de 8000 à 10 000 emplois possiblement créables
au Québec en oeuvrant là-dedans cela a été
même inscrit dans le discours du budget une certaine année
on est passé par la suite à 4000 ou 5000 emplois pour les
réduire à une possibilité de 2000 et finalement de faire
dire par la firme Sorès que dans tout ce qui était faisable
actuellement on pourrait, au maximum, dans l'état actuel des choses,
créer 400 emplois, si tout allait bien.
C'est là dégonfler un rêve de façon assez
brutale, mais c'est quand même la réalité qu'on se doit de
décrire au gouvernement du Québec, en tant qu'Opposition
responsable, pour éviter qu'il s'engage plus avant dans une voie aussi
dangereuse que celle qu'il choisit actuellement. Le problème au
Québec, M. le Président, et l'Union Nationale l'a souligné
souventefois, ce n'est pas un problème d'approvisionnement en fibre; il
y en a de la fibre, ce n'est pas un problème. C'est un problème
de créer des industries secondaires. Le petit exemple que j'ai
donné au ministre à quelques reprises, il vaut encore son pesant
d'or. Si j'ai l'intention de m'ouvrir une laiterie dans une
municipalité, je n'ai peut-être pas besoin, M. le
Président, d'acheter toutes les fermes du voisinage ou d'acheter tous
les troupeaux. J'ai peut-être besoin par exemple de m'assurer un
approvisionnement suffisant pour être capable d'exploiter mon usine de
transformation. C'est la situation exactement, ramenée à sa plus
simple expression. Que le gouvernement s'assure de l'approvisionnement en fibre
d'amiante et qu'il passe directement à de la transformation en
créant dans des courts délais des emplois à court terme,
ce dont on a besoin. (20 h 40)
En terminant, je vous indiquerai tout simplement que plus le projet
avance, plus on se rend compte et moins on a d'indication du contraire
qu'il s'agit là d'une simple hypothèse de travail,
douteuse et non suffisamment fondée. C'est un choix, le projet de loi 70
comme l'acquisition d'une façon ou de l'autre de l'Abestos
Corporation c'est un choix uniquement politique d'un parti qui veut,
comme je l'ai indiqué, s'acheter un emblème à même
les fonds publics. Cela demeure une aventure qui dénote, dans ce dossier
précis parce que j'ai l'impression qu'il y a peut-être des
"pelleteux de nuages" derrière cela, quelques penseurs qui n'ont pas les
pieds à terre une naïveté économique assez
grande.
Une Voix: C'est cela.
M. Brochu: Plusieurs personnes s en inquiètent. Pour
terminer, j'aimerais simplement vous faire une brève citation à
ce sujet, M. le Président. Des gens sérieux ont fait des
études sérieuses à ce sujet dans le passé et qui
méritent d'être regardées de près. Le
département des sciences économiques de l'Université de
Montréal, entre autres, s'est penché longuement sur cette
question et a produit un document qui mérite d'être regardé
à sa valeur pour mettre le gouvernement en garde contre I'aventure dans
laquelle il s'embarque. Le document s'intitule Recherche des moyens concrets
pour augmenter les exportations d amiante et la production de produits finis
à base d'amiante faits au Québec. Très brièvement,
M. le Président, on y lit à la page 22, sous le titre La
nationalisation des mines d amiante, ceci: Parmi les mesures drastiques"
auxquelles un gouvernement peut avoir recours pour encourager la transformation
accrue de l'amiante, est celle de l'étatisation. Cette mesure, toujours
en derniers recours, se conçoit quand elle s'applique à un
monopole naturel et quand le marché de l'industrie est domestique et
captif". Ce n est pas le cas dans le domaine de I'amiante, je vous le fais
remarquer; ce n est pas un marché domestique, ni captif. Notre analyse
préliminaire nous indique, cependant, que lindus-trie de lamiante
écoule non seulement la majeure partie de sa production de fibre
d'amiante sur les marchés internationaux, mais que la production accrue
des produits transformés à base d'amiante devrait, elle aussi,
être surtout écoulée sur les marchés
extérieurs. Sur ce plan, la nationalisation des mines d'amiante pourrait
difficilement améliorer les conditions de mise en marché de
lamiante et des produits à base d'amiante et conduirait, en toute
probabilité, à une détérioration de ces
marchés. Si une telle mesure venait à briser I intégration
verticale, jugée présumément néfaste à la
transformation sur place, des entreprises qui exploitent les mines d'amiante,
il est douteux quelle soit compatible avec I objectif poursuivi. Des mesures ad
hoc de stimulation et d'encouragement direct à la transformation
seraient davantage appropriées' .
C est ce qu'on s'évertue à vous dire, dans le fond, depuis
le début: d'y aller directement sans passer par I'acquisition d'une
mine. Ce ne sont quand même pas des enfants d'école qui ont
écrit cela. C'est le département des sciences économiques
de l'Université de Montréal. Je pense qu'on doit prendre la
parole de ces gens-là et, en particulier, d'un éminent professeur
d'université, qui a signé ce document à ce
moment-là, un homme dont on doit prendre la parole surtout maintenant
puisqu'il siège en cette Chambre et qu'il est même ministre. C'est
nul autre que le voisin de pupitre du ministre actuel des Finances en la
personne de Rodrigue Tremblay, économiste, qui a signé cette
étude, qui est membre du gouvernement et du Parti
québécois.
Je pense que ces propos ne laissent aucun
doute. Ils sont clairs, nets et noir sur blanc. Je pourrais même
vous citer, mais je ne le ferai pas, des propos analogues qui avaient
été tenus par le ministre des Richesses naturelles au tout
début de son mandat. J'ai la coupure de presse ici.
Devant tout cela, j'invite le ministre des Finances, avec le
sérieux qu'on lui connaît, à être extrêmement
prudent dans ce dossier. Je l'invite même, devant l'évidence des
faits et du danger de vouloir perpétuer une telle aventure sur le dos
des Québécois, à faire marche arrière tout
simplement dans ce projet. Je pense qu'il en sortira tout simplement grandi,
comme un homme d'affaires qui, en analysant une situation, voyant qu'il y a un
risque trop grand à investir dans tel ou tel secteur ou à
procéder de telle ou telle façon, corrige immédiatement
son tir, réajuste ses positions et procède autrement pour arriver
à une rentabilité certaine.
C'est de la "business"; c'est de l'entreprise. Je pense que le ministre
des Finances est au courant. C'est pour cela que je disais au tout début
de mes remarques, M. le Président, que le ministre des Finances, en
faisant sa déclaration, devait être un peu mal à l'aise.
J'ai l'impression qu'il se rend compte de plus en plus, comme un paquet
d'autres, du risque que compote cette aventure. Le gouvernement sortirait
grandi d'adopter une telle attitude plutôt que de permettre à une
entreprise comme General Dynamics de partir avec des fonds, qu'on n'a pas
d'ailleurs et qu'on va devoir emprunter ailleurs, qui vont diminuer notre marge
de manoeuvre, et d'aller investir ailleurs pour peut-être même
ensuite nous faire concurrence.
Quel que soit l'état du dossier, je pense qu'il y a assez de
données maintenant pour que le ministre des Finances puisse prendre une
décision éclairée sur la question, et réviser, avec
le Conseil des ministres, l'approche du gouvernement de ce côté.
Je lui dis ceci, en terminant: L'Union Nationale, comme plusieurs membres de
l'Assemblée nationale, ici, si le gouvernement veut faire marche
arrière et aller directement dans de la transformation d'amiante, on va
l'endosser, on va l'aider et on va lui faire d'autres suggestions comme on en a
fait dans le passé.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: M. le Président, j'ai pris une minute et demie
pour lire en diagonale la déclaration du ministre et j'ai pris bien soin
de l'écouter tout à l'heure au moment où il a livré
son contenu à l'Assemblée nationale. Je pense bien que
très peu de gens, au Québec, ont compris la déclaration du
ministre, sauf que les négociations n'ont pas abouti et qu'un projet de
loi va être déposé demain. Je me demande réellement
où était la nécessité de faire une
déclaration ministérielle.
Cette déclaration fait suite à l'adoption d'une loi
à l'Assemblée nationale, l'automne dernier, qu'on a
appelée la loi 70, qui était, comme on se rappelle, une
décision politique, une loi qui décou- lait d'une décision
politique en vue de tenir une promesse électorale mais qui
répondait surtout à des impératifs idéologiques et
non pas à des impératifs économiques. Je ne pense pas
qu'en changeant le capital-actions demain, demain on puisse créer des
emplois nouveaux et automatiquement trouver de nouveaux marchés.
Je ne suis pas porté à croire non plus que la compagnie
soit malheureuse de la nationalisation. Il suffit de connaître la
région de Thetford Mines, il suffit d'avoir visité les lieux pour
se rendre compte de la situation. Nous aurons d'ailleurs largement l'occasion
d'y revenir lors de l'étude du projet de loi. Lorsque je dis que la
compagnie n'est pas malheureuse, c'est que, déjà, en 1975, au
moment où le gouvernement fédéral s'était
porté acquéreur de Canadair ce n'est pas un secret pour
personne, cela a été écrit dans les journaux la
compagnie Asbestos Corporation avait offert au gouvernement du Québec un
bloc d'actions. On sait très bien que les nationalisations sous le
couvert d'impératifs idéologiques ont fait l'affaire de bien des
investisseurs aux prises avec énormément de difficultés et
énormément de problèmes.
Si le gouvernement avait été réellement
sérieux, il aurait annoncé le gel des actions au moment de
l'annonce de sa politique. Cela, c'est la première des choses, de
quelqu'un qui veut agir de façon responsable, puisque les actions sont
passées de $22 5/8 à environ $52, à ce moment-ci.
Chose curieuse, lorsqu'il s'agit des gens ordinaires, lorsqu'il s'agit
des Québécois, lorsqu'il s'agit du petit peuple je prends
actuellement l'exemple de la Loi sur la protection du territoire agricole
au moment où on a annoncé le gel des terres au
Québec, l'annonce d'une politique, on a procédé au gel des
terres et, à partir du 8 novembre, c'était gelé. Pourquoi?
Pour éviter la spéculation. C'était dangereux que des
petits Québécois fassent de la spéculation, des gens de
chez nous. Et lorsque le ministère des Transports a besoin d'un lopin de
terrain pour l'élargissement d'une route, pour la construction d'une
nouvelle route, qu'est-ce qu'on fait? Il y a une loi. On dépose les
plans et c'est gelé automatiquement. Depuis douze mois qu'on a
annoncé une politique et depuis douze mois le jeu des actions se
promène à la bourse avec les spéculations que tout le
monde connaît.
Une Voix: Des millions.
M. Roy: Des millions. Pourquoi avoir une attitude, pourquoi avoir
une politique lorsqu'il s'agit des gens de chez nous, et pourquoi en avoir une
autre lorsqu'il s'agit des gros financiers, lorsqu'il s'agit des trusts,
lorsqu'il s'agit des cartels et apposer le timbre du gouvernement à des
monopoles? (20 h 50)
M. le Président, il est permis de nous poser bien des questions
sur le sérieux de cette politique de nationalisation de l'amiante. M. le
Président, on ne peut trouver aucun argument sérieux sur le plan
économique pour justifier cette politique. Le
seul endroit où on peut trouver des arguments, c'est sur le plan
idéologique. Il n'y en a pas sur le plan économique, surtout
qu'on va aller emprunter des Américains puisqu'effectivement le
Québec fait ses emprunts aux Etats-Unis. On va garantir un beau 10%
d'intérêts et on va payer la différence du taux de change
parce que notre monnaie est flottante. Encore 1,5% à 2% qu'on sera
obligé de payer en plus.
M. le Président, je vais dire comme on dit parfois: Le
gouvernement a fait son lit, mais je n'ai pas l'impression qu'il se soit
procuré un matelas de qualité. Le gouvernement se lance dans une
aventure dont il ne connaît même pas l'issue, un long voyage sans
boussole. C'est cela. Ce soir, et vous le savez, M. le Président, plus
que tout autre, j'ai fait un spécial pour être à
l'Assemblée nationale parce que je m'attendais véritablement
à une annonce de politiques et à une grande décision.
Comme à peu près tous les citoyens qui nous écoutent
à ce moment-ci et comme tous mes collègues de l'Assemblée
nationale, je devrai attendre à demain matin pour examiner le contenu du
projet de loi.
Le Président: Merci, M. le député de
Beauce-Sud. M. le ministre des Finances.
M. Grégoire: M. le Président, étant
donné que la compagnie et les ouvriers d'Asbestos Corporation se
trouvent dans mon comté de Frontenac, j'aimerais demander le
consentement unanime, comme je représente la population là
où est située Asbestos Corporation, les travaileurs de l'Asbestos
Corporation. J'aimerais demander le consentement unanime...
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Une Voix:
Consentement.
M. Lavoie: M. le Président, il y a plusieurs
députés de notre côté qui pourraient dire leur mot
sur cela. Les députés de Notre-Dame-de-Grâce, de
Montmagny-L'Islet et nous ne croyons pas que le député de
Frontenac puisse faire avancer le dossier, M. le Président.
Le Président: II n'y a pas de consentement. M.
Grégoire: Je remercie le député de Laval...
Le Président: M. le député de Frontenac. A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Finances, votre droit de
réplique.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, nous venons de voir se
déclencher une sorte de grande querelle idéologique alors qu'au
fond, comme le mentionnait, je pense, le critique de l'Union Nationale, il
s'agit d'affaires. Il s'agit essentiellement d'affaires, et c'est dans ce sens
qu'il faut s'en occuper. Il n'y a pas beaucoup plus de 3% de la fibre d'amiante
extraite au Québec qui serve à une fabrication quelconque, et
cela depuis fort longtemps. Tous les gouvernements qui ont regardé
passer cela depuis 50 ans ont trouvé que c'était bien comme cela.
Il a fallu que nous arrivions au pouvoir pour trouver cela anormal. Il y a deux
façons de corriger cela. La première, déjà
utilisée par la Société nationale de l'amiante, consiste
à ouvrir des entre-. prises de fabrication secondaire. La seconde
consiste à mettre la main sur suffisamment de fibre d'amiante pour
être en mesure à la fois d'influencer les autres et, si vous me
passez l'expression, M. le Président, de les faire chanter un peu.
Si vous ne voulez pas déplacer vos propres usines au
Québec, nous on le fera parce qu'on a la fibre. C'est dans ce sens que
l'opération du gouvernement se poursuit sur deux plans depuis
déjà un certain temps. D'une part, financer des entreprises de
transformation et, d'autre part, mettre la main sur une entreprise qui extrait
de la fibre et, contrairement à ce que nous disait le critique de
l'Union Nationale, qui extrait de la fibre sans avoir quelque opération
de fabrication que ce soit. L'opération allemande dont on nous parlait
tout à l'heure, ce n'est pas une opération de fabrication, c'est
une opération de nettoyage et d'ensachage. Cela met la fibre dans des
sacs. C'est cela l'opération de transformation! Cette optique, M. le
Président, a déjà été esquissée par
le premier ministre depuis le début de ce gouvernement à
l'Economic Club, tout de suite après que le Parti
québécois eut pris le pouvoir.
Là, je reviens à ce que disait le député
d'Outremont: Catastrophe et apocalypse, les titres du Québec ne se
vendront pas, le crédit va s'écrouler et les enfants seront
mangés! Non, ils ne seront pas mangés, parce que depuis deux ans,
nous avertissons tout le monde en Amérique du Nord, mais tous. Le
premier ministre l'a dit à l'Economic Club, je l'ai
répété je ne sais pas combien de fois, monsieur mon
collègue des Richesses naturelles l'a dit un nombre de fois incroyable,
mon collègue le ministre du développement économique l'a
répété, tout le monde l'a dit, le député de
Frontenac, que nous avions avec l'industrie de l'amiante, qui exploite une
situation totalement anormale au Québec, depuis des
générations, des transformations majeures à opérer.
On l'a dit depuis qu'on est arrivé. Il n'y a pas de surprise
là-dedans, ni dans les milieux industriels, ni dans les milieux miniers,
ni dans les milieux financiers.
J'irai plus loin que cela pour le député d'Outremont. A
chaque budget et à chaque document financier que je publie, j'ajoute
habituellement une petite note en bas qui se lit ainsi: "Les besoins d'emprunt
n'incluent pas ce qui sera nécessaire pour acheter Asbestos
Corporation". On ne peut pas être plus franc que cela, M. le
Président.
Cela fait deux ans que j'écris ces petites notes. Donc tout le
monde le sait. Il n'y aura pas de surprise, cela ne sert à rien d'avoir
peur. Qu'on ait peur constamment, mais celle-là, non, les peurs sont
passées. On a eu peur il y a deux ans, un peu moins peur, il y a un an
et demi, pas peur du tout.
il y a un an et maintenant cela va de soi, on sait que le gouvernement
veut acheter Asbestos Corporation. Est-ce assez clair?
Il est évident qu'on ne va pas demander l'adoption d'une loi
pareille avant le 21 décembre. La seule raison pour laquelle on pourrait
l'invoquer, c'est l'urgence, cela fait quand même un an que cela dure.
Puisque cela dure depuis un an, on ne va quand même pas invoquer
l'urgence pour les derniers dix jours. On serait un peu ridicule. Mais,
évidemment, comme on commençait à se demander dans
certains milieux si le gouvernement était vraiment décidé,
oui, une loi déposée en première lecture c'est très
utile sur le plan des affaires et des négociations pour faire comprendre
les choses à la partie d'en face. Vous vous demandiez si on était
sérieux. Oui, on est sérieux.
Des Voix: C'est du chantage.
M. Parizeau: Non, ce n'est pas du chantage, ce sont des affaires.
Il y avait des doutes quant à la volonté du gouvernement; eh
bien! après demain matin, il n'y aura pas de doute quant à la
volonté du gouvernement. Elle sera clairement exprimée.
Je vais revenir sur une dernière chose que disait le
député de Beauce-Sud, quant au contraste entre le zonage agricole
et la spéculation boursière. Je dois lui dire ceci, et je
comprends qu'il puisse être choqué, mais je veux le lui dire:
C'est que les règlements de la Bourse sont établis par la Bourse.
L'important, c'est que la direction de la Bourse connaisse à temps
toutes les données d'une question et décide d'elle-même
quand on doit suspendre les transactions et pour combien de jours. On a
toujours accusé le Parti québécois de vouloir
comment dit-on sur les banquettes d'en face? avoir une sorte d'esprit
totalitaire. Est-ce que vous nous voyez vraiment, M. le Président,
commencer vraiment, ce serait assez unique d'ailleurs à
faire en sorte qu'un ministre du gouvernement puisse dire à la Bourse,
qui est un marché essentiellement privé: Nous allons maintenant
vous donner des ordres. Je ne fournis pas d'ordre à la Bourse de
Montréal ou à la Bourse de Toronto ou à la Bourse de New
York ou à quelque Bourse que ce soit. Je les avertis à temps de
ce qui s'en vient pour qu'elles puissent exercer leur jugement et
décider quand elles doivent arrêter les transactions et pour
combien de temps. J'imagine que nos amis d'en face, tous amateurs d'entreprise
privée, doivent adorer cela, non? Il est évident qu'il y a eu des
tas de rumeurs qui ont circulé, des tas d'articles qui ont
été écrits, des tas de prix qui ont circulé, des
tas de gens qui en ont agité d'autres au sujet de toute espèce de
prix. (21 heures)
On me donnera au moins ceci: pendant toute cette période
où, de semaine en semaine, on lâchait parfois les prix les plus
saugrenus et les plus farfelus, je m'en suis tenu à une seule attitude,
ne jamais commenter, ne pas dire un mot.
Donc, s'il y a eu des gens qui en ont excité d'autres, s'il y a
eu des articles, des exposés, des conférences amenant toute
espèce de chiffres farfelus, j'en laisse la responsabilité
à leurs auteurs, comme je laisse au président de la Bourse les
décisions à prendre quant à savoir s'il doit suspendre les
transactions, pour combien de temps et dans quelles circonstances. Je fais ce
que j'ai à faire, c'est-à-dire, dans les meilleures conditions
possible, au meilleur prix pour le Québec, chercher à
acquérir Asbestos Corporation qui, pour nous, est une des deux
clés majeures d'un développement industriel qui enfin va faire en
sorte que le Québec transforme une richesse naturelle qu'il a pris
pendant trop de générations l'habitude d'exporter brute un peu
partout dans le monde. Merci, M. le Président.
Des Voix: Bravo! Bravo!
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. le député de Vanier.
M. Bertrand: Pour les raisons que le ministre des Finances a
invoquées dans son exposé préliminaire, pourrais-je,
à ce moment-ci, demander le consentement des députés de la
Chambre pour que nous puissions inscrire au feuilleton dès aujourd'hui
le projet de loi que le ministre a lintention de déposer demain?
Le Président: Y a-t-il consentement?
M. Lavoie: En ce qui nous concerne, veuillez suivre, pour le
moment, la procédure qui est de mettre le projet de loi en avis demain.
Vous le mettrez en avis demain au feuilleton et on verra s'il y a lieu que
votre bluff se fasse demain ou après-demain.
Le Président: II n'y a pas consentement. M. le
député de Vanier.
Une Voix: Le petit notaire de Laval!
M. Johnson: Les transactions à la Bourse, qu'est-ce que
vous faites avec cela?
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Une Voix:
On se le rappellera.
Le Président: A l'ordre! M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: Si j'ai bien compris, le leader parlementaire de
l'Opposition officielle a refusé en sachant fort bien que
l'Assemblée nationale ne siège pas samedi. Il sait fort bien que,
si ce projet de loi n'est pas déposé demain, cela voudra dire
qu'il ne pourra être déposé que lundi prochain.
Le Président: M. le député de Vanier, je
regrette, mais il n'y a pas eu consentement. Je ne voudrais pas qu'on
entreprenne de débat là-dessus. Il n'y a pas de consentement.
Pourriez-vous passer aux affaires du jour, s'il vous plaît?
M. Bertrand: Je vous fais une demande de directive, M. le
Président. Est-ce que vous me permettez de vous demander, comme
président de l'Assemblée nationale, de réitérer, au
nom de l'intérêt public, ma demande au leader de l'Opposition
officielle?
M. Lavoie: J'ai dit, à l'adresse du parti
ministériel, que demain l'Assemblée siège, qu'il y aura un
feuilleton d'imprimé cette nuit. Inscrivez votre projet de loi en avis
et nous verrons demain matin. Nous donnerons notre décision demain
matin. Si vous aviez voulu que le projet de loi soit déposé
demain matin, c'était de l'inscrire aujourd'hui et de faire votre
déclaration ministérielle hier.
M. Bertrand: Est-ce que je pourrais demander, à ce
moment-là, une autre forme de consentement aux membres de
l'Assemblée nationale pour permettre, très brièvement, au
ministre des Finances d'exposer succinctement les raisons fondamentales pour
lesquelles nous croyons que ce projet de loi doit être
déposé demain et les raisons pour lesquelles il ne pouvait
être inscrit au feuilleton d'aujourd'hui?
M. Lavoie: Non. Des Voix: Non.
Le Président: M. le député de Vanier,
puis-je vous demander, comme il n'y a pas consentement, de revenir aux affaires
du jour?
M. Bertrand: Question de privilège?
M. Parizeau: M. le Président, je ne le sais pas, j'ai
besoin d'une directive. Je suis immédiatement pris par les affaires du
jour, puisque c'est moi qui ai demandé la suspension du débat
à 18 heures et que je dois commencer ma réplique sur le projet de
loi no 65.
D'un autre côté, compte tenu du refus que vient de nous
donner l'Opposition officielle, je pense qu'il est important que je puisse
avertir mes services de façon qu'ils puissent avertir la Bourse de
Montréal de cet événement assez majeur qui fait que le
projet de loi ne serait pas connu demain matin. Ils ont des décisions
à prendre. Puis-je demander à la présidence de m'autoriser
à suspendre pendant quelques minutes pour que je puisse avertir?
M. Lavoie: M. le Président, je pourrais mentionner
à l'équipe ministérielle qu'il y a des dispositions dans
notre règlement, à i'article 84, deuxième alinéa.
Si vous désirez déposer votre projet de loi, qu'il soit connu
demain, vous pouvez vous servir de l'article 84, deuxième alinéa
qui se lit comme suit: 'Quand la motion de suspension de l'application d'une
règle a lieu pour raison d'urgence, elle n'a pas à être
annoncée il n'y a pas d'annonce à faire et elle
doit contenir uniquement un exposé des motifs qui prouvent l'urgence et
justifient la suspension de l'application des rè- gles. Lorsque cette
motion est faite en vue de l'adoption d'un projet de loi, il doit être
distribué au moment où la motion est présentée. Le
débat sur cette motion est limité à deux heures." Demain,
si vous pouvez y penser, si vous désirez que votre projet de loi soit
rendu public demain, veuillez vous servir de l'article 84, deuxième
alinéa, faire votre motion d'urgence et déposer votre projet de
loi.
M. Parizeau: M. le Président, je reviens à ma
demande de directive. Je compends très bien cela, je connais l'article
en question. Mais le problème est que nous ne pouvons pas laisser, je
pense, en toute correction, une incertitude pareille demain matin. Je demande
simplement la suspension pour trois minutes, pour téléphoner et
avertir de ce qui vient de se passer. C'est tout. Je n'en demande pas plus.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. Lavoie:
D'accord. Suspension.
Le Président: Alors, il y a consentement et M. le ministre
des Finances, nous suspendons les travaux de la Chambre, le temps de vous
permettre des appels téléphoniques.
Suspension de la séance à 21 h 07
Reprise de la séance à 21 h 17
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre des Finances, sur votre droit de réplique.
M. Parizeau: Je remercie cette Assemblée de m'avoir
autorisé je voulais tout simplement exprimer des remerciements,
M. le Président à prendre les dispositions
nécessaires de façon que les autorités boursières
soient averties et puissent prendre des mesures en conséquence. Nous
aviserons de notre côté.
Le Président: Nous revenons, M. le député de
Vanier, si j'ai bien compris, à l'article 17), au projet de loi no 65,
Loi modifiant la Loi sur les impôts et sur certaines dispositions
législatives d'ordre fiscal. M. le ministre des Finances, sur votre
droit de réplique.
Projet de loi no 65
Deuxième lecture (suite)
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, j'ai entendu, comme nous
tous d'ailleurs, cet après-midi et ce matin, un certain nombre
d'observations sur les impôts qui m'ont laissé extraordinairement
perplexe quant à l'aptitude de se servir de la règle de trois et
de la preuve par neuf. Une des choses les
plus étonnantes, je pense, aura été cette
façon de remettre en cause des réductions d'impôt, faites
à partir de chiffres simples, comme les formules que remplissent, avec
l'aide des caisses populaires ou de H & R Block, 3 millions de citoyens
tous les ans. Cela c'est passé comme si tout à coup on se
demandait comment une formule d'impôt est calculée. Avant
d'aborder, cependant, ces objets de surprise, je voudrais dire une chose qui me
paraît majeure, et ceci je le dis à l'Opposition officielle, parce
qu'à plusieurs reprises, dans le courant de la journée
d'aujourd'hui, elle a perdu de vue une constatation fondamentale.
M. le Président, ce que l'Opposition officielle d'aujourd'hui et
le gouvernement d'hier nous ont laissé, comme structure d'impôt
je le répète et je ne le répéterai pas
suffisamment souvent c'est un championnat d'impôt sur le revenu,
toutes catégories et tous revenus. C'est facile à l'heure
actuelle de dire: Avez-vous détaxé davantage tel groupe
plutôt que tel autre? Est-ce qu'il est exact qu'il y a des
réductions d'impôt là plutôt qu'ailleurs? Je vous
dirai une chose, M. le Président, c'est qu'avant qu'on arrive au
pouvoir, à tous les niveaux de revenus, nous étions les plus
taxés du Canada. Ce n'était pas une question de se comparer
seulement avec l'Ontario, mais avec les neuf autres provinces canadiennes. Cela
il ne faudra jamais l'oublier. Il ne faudra jamais l'oublier, parce qu'un
gouvernement qui à l'heure actuelle cherche à se sortir de cette
situation doit, au moins, rappeler aux Québécois que le
gouvernement qui a précédé aura laissé les finances
dans une situation d'endettement extraordinairement élevée
accompagnée du plus haut niveau d'impôt qui existait au Canada
à ce moment. Et, quand c'est cela le résultat de six ans
d'administration, on devrait, je pense, avoir la pudeur, la modestie, la
capacité de rougir qui fait qu'on ne discute pas trop de savoir
où se trouvent les réductions d'impôt.
J'en viens maintenant à des choses plus spécifiques. Le
député d'Outremont m'a fait un certain nombre de remarques
à caractère qui se voulait sans doute technique, mais qui l'a
amené à dévoiler j'allais dire deux ou trois aspects,
là encore, d'une certaine philosophie sociale que je ne peux pas
m'empêcher de condamner fortement. Augmenter l'exemption personnelle pour
la femme mariée qui ne travaille pas à l'extérieur de son
foyer de $1900 à $2700, il n'y a rien là, disait-il. Ce
n'était pas son expression. C'était: "II n'y a pas de quoi
fouetter un chat!" C'est le député de Laprairie qui reprenait
l'expression cet après-midi: "II n'y a pas de quoi fouetter un chat!" M.
le Président, non, cela dépend de la grosseur du chat. Cela
représente $125 millions de diminution d'impôt. C'est
l'équivalent annuellement de deux fois et demi l'exemption de la taxe de
vente sur l'ensemble des chaussures. Quelle taille de chat faut-il au
député d'Outremont pour qu'un chat soit un chat qu'on puisse
fouetter?
Evidemment, à certains niveaux de revenu, ce sont des choses
qu'on ne regarde plus. Non pas comme ministre, mais avant cela comme profes-
seur d'université, comme consultant, cela faisait quand même un
certain temps que je ne regardais pas de très près mes exemptions
personnelles parce que j'envoyais cela à un comptable comme tout le
monde... Mais entendons-nous! Pour le travailleur moyen de notre
société, c'est beaucoup d'argent. Ce n'est pas parce qu'on arrive
à un certain niveau de revenu qu'on doit être complètement
insensible. $125 millions de réduction d'impôt, je ne sais pas si
on fouette un chat avec cela ou non, mais cela me paraît quelque chose de
majeur pour ces gens très nombreux dans notre société qui
ont un ou deux enfants, une femme qui s'en occupe parce que les enfants ne sont
pas très vieux, une hypothèque sur la maison et un petit bungalow
sur un terran de 100 x 100. Il y a beaucoup de gens au Québec qui vivent
comme cela. Dans la mesure où l'essentiel de ces $125 millions va chez
eux, je ne sais pas si j'ai fouetté un chat, M. le Président,
mais j'ai l'impression qu'on a fait quelque chose qui, sur le plan social, est
majeur.
J'en arrive maintenant à une autre des déclarations du
député d'Outremont. J'ai été accusé de deux
choses aujourd'hui, M. le Président; je trouve cela extraordinaire. J'ai
été accusé de taxer les pauvres et j'ai été
accusé de taxer les riches. En fait, j'ai été
accusé de taxer tout le monde. Dans ma candeur naïve, j'avais
l'impression qu'on avait réduit l'impôt sur le revenu des
particuliers en 1978 de $313 millions. Il paraît, si j'écoute mes
collègues de l'Opposition, qu'il n'en est rien. Cela donne des choses
comme, par exemple, ceci et là je vais citer une phrase qui est
tirée du ruban 6822 du journal des Débats, tel qu'il m'a
été communiqué aujourd'hui. Le député
d'Outremont dit: "A partir de ce salaire de $8300 pour quelqu'un de
marié le projet de loi fait augmenter les impôts par
rapport à la situation actuelle ". On s'entend bien, M. le
Président: "fait augmenter les impôts par rapport à la
situation actuelle". "Et on va nous dire que c'est la notion de
l'équité sociale de ce gouvernement, et on va nous dire qu'on
taxe les riches et qu'on diminue les impôts chez les pauvres! "Je pense
que c'est de la démagogie. Je m'excuse, mais ces chiffres sont exacts ou
je démissionne d'ici".
Une Voix: Allez!
M. Parizeau: Alors, puisqu'il choisissait $8300, j'ai fait
calculer cela à $8300. Cela donne ceci. Dans les circonstances de
l'individu que décrit le député d'Outremont, il aurait
payé, avant notre réforme fiscale, en impôt proprement dit,
$392 et à la Régie de l'assurance-maladie, $120, pour un total de
$512. Après la réforme fiscale, il va payer $230 d'impôt
proprement dit et $0 à la Régie de l'assurance-maladie. Cela
tombe donc de $512 à $230. Ce n'est pas mal. Ce n'est pas
désagréable comme baisse, au fond. Je ne sais pas si cela vaut
une démission, mais, enfin, ce n'est pas désagréable.
Vers 17 h 55, le député d'Outremont revenait sur cette
question j'imagine que quelqu'un a dû
l'avertir en disant: Je ne parlais pas de la RAMQ. Remarquez que
la RAMQ, cela se payait auparavant, mais cela ne se paie plus maintenant. C'est
quand même une réduction d'impôts. Ce n'est pas parce que
cela s'appelle la Régie de l'assurance-maladie du Québec qu'avant
ce n'était pas payant, mais aujourd'hui cela ne l'est plus.
Enfin, oublions la Régie de I'assurance-maladie. Ne prenons que
l'impôt sans parler de la Régie de l'assurance-maladie.
L'impôt tombe quand même de $392 à $230. L'intervention de
17 h 55 n'était pas meilleure que celle je ne sais pas quelle
heure il était à ce moment-là de 11 h 30. On ne
devrait pas dire des choses comme cela: "Je m'excuse, mais ces chiffres sont
exacts ou je démissionne d'ici".
Je peux suggérer une chose au député d'Outremont.
Il va prendre les tables d'impôt, elles sont dans la loi et il va aller
chez H & R Block, puisqu'il ne veut pas croire les chiffres du
ministère des Finances, ou, mieux encore, dans les caisses populaires.
Il y a un certain nombre de caisses populaires qui font des déclarations
d'impôt. Pour une déclaration d'impôt fédérale
et provinciale, H & R Block et les caisses populaires, selon les cas,
demandent de $11 à $12. Je les paierai. Puisqu'on ne croit pas les
calculs que peuvent faire les Finances quant aux déductions
d'impôt, on va s'en remettre à l'arbitrage de H & R Block ou
des caisses populaires. Maintenant, à supposer qu'effectivement cela
démontre que quelqu'un qui fait $8300 ou $10 000, d'ailleurs, ou $15 000
paie moins d'impôt, que fait le député d'Outremont?
M. Michaud: II va démissionner. Une Voix: II va retourner
à Ottawa.
M. Parizeau: Je vous avouerai, M. le Président, que c'est
un vieil ami de 25 ans. Je suis navré
Une Voix: Vous êtes trop sensible.
M. Parizeau: Oui, j'y ai songé. Je me suis dit: Quand
même, pour son chef, le comté d'Outremont, ce serait plus commode
que le comté d'Argenteuil. Ce serait plus proche de chez lui, mais,
quand même, cela ne se fait pas. Et dans ce sens, je n'ai pas à
demander de directive. Je pourrais en demander une; mettre son siège en
cause sur un calcul d'impôts, mais c'est inimaginable! C'est tellement
facile à vérifier.
M. Lavoie: Cela fluctue.
M. Parizeau: Non, c'est déterminé par la loi. Le
député de Laval dit: Cela fluctue. Mais non, cela ne fluctue pas
d'une année à l'autre. C'est déterminé par la loi.
C'est une des choses rares où justement il n'y a pas de fluctuations.
Dans des tas d'autres domaines, on peut dire: Je mets mon siège en cause
sur une question d'interprétation où on sait très bien que
trois personnes auraient huit opinions différentes, mais, sur les tables
d'impôt, c'est plus gênant. Cela se calcule ou cela ne se calcule
pas. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut envoyer l'arbitrage chez H & R
Block. Non. Ce sont des choses qu'il ne faudrait pas faire. Alors, dans ces
conditions, moi, je vais passer l'éponge. Je veux bien.
Des Voix: Non! (21 h 30)
M. Parizeau: Oui. On pourrait déchirer ses
vêtements, on pourrait tout faire en disant... Mais non, je
réitère cependant mon offre, si l'arbitrage est chez Block ou
dans une caisse populaire, je paierai les frais. Je ne peux pas faire plus que
cela, M. le Président, et on va déclarer l'incident clos. Ceci
étant dit, on va quand même revenir aux choses sérieuses.
Et les choses sérieuses, c'est tout de même ceci, et là, je
vais m'adresser à un certain nombre d'intervenants parce qu'il y a tout
de même des limites. On s'entend tous, ceux qui veulent s'adresser chez
H. & R. Block pour faire vérifier les chiffres que je vous donne, je
paie les frais. Nous sommes d'accord? Bien.
On m'a dit: Donnez des exemples de réduction d'impôt de
différents revenus pour différents statuts sociaux ou
états civils. Je vais les donner, en indiquant d'ailleurs tout de suite,
M. le Président, comment je calcule cela. J'ai déjà
calculé pour le revenu industriel moyen, le revenu moyen des
travailleurs au Québec cette année. Là je l'ai fait
calculer pour la moitié de cela, une fois et demie cela, et deux fois
cela, c'est cela qui donne les chiffres, comment dire, un peu précis
dont je vais parler tout à l'heure.
Contribuable marié: Salaire industriel moyen: $13 700 cette
année. Combien il épargne avec les nouvelles tables
d'impôts? $291. Nous sommes d'accord, messieurs de l'Union Nationale qui
demandiez des exemples concrets? C'est page 19. Renseignements
supplémentaires: impôt, gouvernement du Québec.
Vérification chez Block payé par le ministre des Finances au
besoin. $6850, la moitié du salaire industriel moyen. Réduction
de taxes, M. le Président, $225. Nous sommes d'accord? $20 550,
là on commence à entrer dans le genre de personnel qui
intéressait tout à coup le député de
Brome-Missisquoi, mon député à l'endroit où j'ai ma
propriété de campagne: moins $242. $27 400 de revenus, toujours
le contribuable marié. Lui on le détaxe moins, il commence
à gagner pas mal cher. On lui réduit son impôt de $90
seulement. Je m'en excuse. Il est rendu à $27 000. Bon. A $34 250, ce
qui est deux fois et demie le salaire industriel moyen, là on lui
demande déjà $90 de plus. Cela devient plus glissant. $41 100, on
lui demande $345 de plus qu'avant. Là on entre dans les cadres, à
$41 100, et il s'agit d'un paquet de cigarettes par jour, M. le
Président. D'un paquet de cigarettes par jour à $1.10 du paquet.
Voilà. Il y a 365 jours dans une année. Excusez-moi. Il y aura
quand même trois semaines où il ne fumera pas.
Puisqu'on m'a harcelé toute la journée avec cela, je vais
vous donner d'autres exemples. Contribuable marié avec une personne
à charge de 18 ans et plus: au salaire industriel moyen,
réduction d'impôt, $367. A $20 550, $328. A $27 400, $194 de
réduction. A $34 250, il paie encore $21 de moins. On en veut
davantage, M. le Président? Toujours d'un document parfaitement
confidentiel et distribué seulement à 6000 exemplaires:
contribuable marié âgé de 65 ans et plus; $6850, $163 de
réduction d'impôt, M. le Président. Il n'en paie plus. $13
700, $580 de réduction d'impôt pour les vieux couples de 65 ans et
plus. $20 550, pour ceux qui ont cela, il n'y a pas tellement de couples
âgés qui ont cela, $584 quand même. Voilà de quoi on
parle, M. le Président.
Je veux bien qu'à des fins essentiellement de
télévision, on remette en cause les calculs des
spécialistes d'impôt du ministère des Finances. On avouera
que c'est un peu gros. Et venir me dire: On réduit les impôts
seulement en bas de $8300. Non, mais allons donc! Venir nous dire: Vous avez
augmenté les impôts par rapport au passé.
M. le Président, pour les célibataires en bas de $20 000
et pour les gens mariés en bas de $30 000, nous avons réduit les
impôts. Evidemment, pour les gens qui gagnent $12 000, $13 000, $14 000,
$15 000, pour la première fois ils sont moins taxés qu'en
Ontario. Au-dessus, ils sont encore plus taxés qu'en Ontario, mais ils
sont moins taxés que l'année dernière, jusqu'à $20
000 et $30 000. Au-delà, bien sûr, à $50 000, $60 000,
comme je l'ai dit, c'est un peu plus pesant, cela va de soi, compte tenu que la
démonstration que je faisais ce matin, que la philosophie sociale, de ce
côté-ci de la Chambre, n'est manifestement pas tout à fait
celle qu'il y a de l'autre côté. Je pense que je n'ai rien
à ajouter, à cet égard, à ce que disait le
député de Mercier.
Ceci étant dit, quelques petites observations en passant. On m'a
dit je ne me souviens plus qui, je regrette qu'en taxant
davantage les riches on taxe l'épargne et, donc, on réduit les
investissements. M. le Président, cela fait deux ans et demi que tous
les observateurs au Canada viennent nous dire que le taux d'épargne est
trop élevé. Une des raisons pour lesquelles l'économie
canadienne a de la difficulté à se relever de sa
récession, c'est qu'effectivement il y a pas mal de particuliers qui
épargnent trop. Curieux, très curieux, une des raisons
principales du relèvement de l'économie en 1978, c'est quoi? Le
fait que le taux d'épargne a cessé de monter, que les gens
consomment davantage. En période où on a 11% de chômeurs,
curieuse augmentation!
On m'a dit: Pourquoi faire adopter le projet de loi aussi tard? Comme si
on venait d'en prendre connaissance! M. le Président, effectivement il
passe tard; dans une réforme fiscale de l'ampleur de celle que nous
avons abordée, je dois avoir quatorze ou quinze lois fiscales. On se
souviendra qu'au début de cette session d'automne les sept premiers
projets de loi, c'est moi qui les ai pilotés en Chambre. Il m'en reste
encore toute une série, mais il n'y a pas de surprise sur ce que nous
discutons aujourd'hui. Je vous rappelle, M. le Président, que le projet
de loi que nous avons devant nous fut, à cette Chambre,
présenté en première lecture le 22 juin. Extraordinaire
surprise aujourd'hui d'avoir à l'aborder. Nouvelle! Etonnement!
Nous sommes en décembre, il a été
déposé le 22 juin; que ceux qui ne l'ont pas regardé
s'habituent à lire, mais qu'on ne vienne pas nous plaider surprise. Bien
sûr, moi, de mon côté, étant donné que j'en ai
encore trois ou quatre ce soir, que j'en ai probablement pour jusqu'aux petites
heures du matin enfin par consentement mutuel, je ne sais pas
très bien comment cela fonctionne, on le verra j'aimerais mieux
que cela passe dans un autre ordre que celui-là, mais qu'on ne vienne
pas plaider surprise sur un projet de loi que tous les députés en
cette Chambre ont depuis le 22 juin, tout de même.
Je retiens, sur certaines des choses qui ont été dites sur
le plan des dépenses d'automobile, une chose qui m'embête un peu
et qui a été soulignée par le député de
Rimouski. Je crois qu'effectivement, dans la correction que nous avons
cherché à faire sur le plan des dépenses d'automobile
admissibles du point de vue de l'impôt sur les particuliers, il y a un
déséquilibre qui s'est fait par rapport à certains
employés je pense en particulier au secteur public qui
sont payés tant le mille, qui utilisent leur propre voiture mais qui
sont payés tant le mille. Evidemment, il ne faut pas exagérer le
problème. Des 40 000 fonctionnaires du Québec qui
reçoivent des allocations de ce genre, il y en a 25 000 qui font de 0
à 600 milles par an, c'est-à-dire dont on paie un ou deux voyages
à Montréal dans l'année. Donc, il n'y a rien là. Il
reste que, dans certaines observations du député de Rimouski, il
y a, quant à l'avenir, à la possibilité d'établir
certaines rectifications sur le plan de l'équité sociale, des
dispositions qui sont intéressantes, qui valent la peine d'être
analysées.
Voilà... (21 h 40)
M. Lavoie: Je ne voudrais pas être
désagréable à l'endroit du ministre des Finances, mais
depuis quelque temps il s'est établi une coutume voulant que lorsque les
députés de l'Opposition ont un droit de parole limité
à 20 minutes, en général pas vous, M. le
Président, mais en général les
vice-présidents se lèvent d'office pour prévenir
l'intervenant que son droit de parole est épuisé. D'après
mes informations, l'honorable ministre a commencé à 21 h 18 et
son droit de parole se serait terminé à 21 h 38. Cela fait
déjà cinq minutes de surplus. Je ne veux pas être
désagréable envers le ministre, nous sommes prêts,
même si vous ne vous êtes pas levé d'office, M. le
Président, comme souvent vos adjoints le font, à accorder une ou
deux minutes au ministre pour qu'il termine son intervention.
Le Président: Sans vouloir vous contredire, M. le leader
parlementaire de l'Opposition officielle, il est exact c'est pour cela
que je ne veux pas vous contredire ni engager un débat là-dessus
que son temps de parole est expiré, et je l'avais
déjà signalé à M. le ministre des Finances sans
vouloir l'interrompre. Il a commencé à parler à 21 h 20
plutôt qu'à 21 h 18, suivant les propres renseignements que j'ai.
De toute manière, le temps est expiré.
M. Lavoie: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on se
chicane là-dessus.
Le Président: C'est cela. M. le ministre des Finances, je
vous invite à conclure, s'il vous plaît.
M. Parizeau: M. le Président, ma phrase commençait
par "voilà" et elle devait se continuer de la façon suivante:
"Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire en
réplique au débat d'aujourd'hui".
Le Président: Merci, M. le ministre des Finances.
J'appelle maintenant la motion de deuxième lecture du projet de
loi no 65, Loi modifiant la Loi sur les impôts et certaines dispositions
législatives d'ordre fiscal. Cette motion sera-t-elle
adoptée?
M. Lavoie: Sur division.
Le Président: Adopté sur division.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Troisième lecture, prochaine
séance. Non?
Renvoi à la commission du revenu
M. Charron: M. le Président, je voudrais proposer que ce
projet de loi qui vient d'être adopté soit
déféré à la commission parlementaire du revenu.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Lavoie: Adopté. Le Président:
Adopté.
M. Charron: M. le Président, je ne sais plus quel article.
Article 20)? Je voudrais vous proposer d'appeler l'article 20) du feuilleton
d'aujourd'hui.
Projet de loi no 80 Deuxième lecture
Le Président: J'appelle maintenant la deuxième
lecture du projet de loi no 80, Loi modifiant de nouveau la Loi de la taxe sur
les repas et l'hôtellerie.
M. le ministre des Finances sur cette motion de deuxième lecture,
vous avez maintenant la parole.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Dans la poursuite de ces lois touchant la
fiscalité du Québec, nous nous trouvons en face d'un projet de
loi qui est essentiellement destiné à enlever une taxe, et sine
die. Non pas pour un an, pour deux ans, pour trois ans; on s'est dit: II faut
l'enlever. C'est une taxe qui non seulement gêne, mais qui fait du mal.
Donc, il faut la supprimer. Je crois qu'on n'aura pas besoin, dans ce cas-ci,
de faire appel à H. & R. Block. Il s'agit essentiellement de ceci:
Nous avions une taxe sur les chambres d'hôtel de 8%. Dans un contexte de
concurrence au niveau de l'industrie touristique extrêmement aiguë,
Montréal surtout, Québec secondairement, ont vu beaucoup de
chambres d'hôtel se construire dans ces deux villes. Depuis la grande
vague de construction qui a précédé les Jeux olympiques,
les coefficients de remplissage de ces hôtels étaient
tombés tellement bas que plusieurs hôtels passaient par des
problèmes extrêmement sérieux.
Il est évident aussi que l'industrie des congrès, qui est
devenue une industrie gigantesque en Amérique du Nord il y a des
milliards de contrats là-dedans commençait à
trouver Montréal cher par rapport à d'autres endroits en
Amérique du Nord.
Troisièmement, le gouvernement de l'Ontario venait de suspendre
jusqu'au 31 décembre 1979 sa propre taxe sur les chambres d'hôtel.
Ceci donnait à Toronto, sur le plan de l'organisation de ces grands
congrès internationaux, un avantage assez net par rapport à
Montréal; un avantage limité, cependant, parce que les
congrès se réservent normalement deux ans, trois ans d'avance. On
a trouvé ici à Québec que mettre une limite au 31
décembre 1979, comme l'avait fait le gouvernement de l'Ontario, ne
pouvait pas avoir vraiment un effet bénéfique important. Il faut
vraiment que cela puisse s'appliquer à un très grand nombre
d'années pour que cela déplace littéralement les
congrès. Alors, on a donc décidé d'enlever...
M. Marchand: Je m'excuse, Mme le Président. J'invoque le
règlement.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Laurier, sur une question de règlement.
M. Laurier: Devant une loi aussi importante, je demanderais qu'on
ait quorum.
Mme le Vice-Président: Nous allons vérifier le
quorum immédiatement, M. le député. Nous avons maintenant
quorum.
M. le ministre.
M. Parizeau: Mme le Président, on a d'autre part, dans ces
conditions, décidé de supprimer la taxe sur les chambres
d'hôtel indéfiniment, comme je le disais tout à l'heure. Je
pense qu'on constate déjà, en pratique, l'effet que ceci a eu sur
l'industrie hôtelière. Il y a évidemment des ajustements
qu'il a fallu pratiquer. C'est ainsi, par exemple, que dans ce qu'on appelle le
plan américain où les repas sont inclus dans le prix de la
Chambre d'hôtel, où il devient donc très difficile
d'établir une distinction entre le prix des repas proprement dits et la
Chambre d'hôtel elle-même, on a aussi supprimé la taxe.
C'est une autre chose, d'ailleurs, qui est importante sur le plan de
l'industrie des congrès, parce que les congrès non
seulement mobilisent 500, 2000 ou 3000 chambres à la fois, mais
un certain nombre de repas qui viennent avec. C'est dans ce sens que nous avons
pensé qu'il s'agissait là d'un geste important pour l'industrie
touristique et qui a été salué par elle, d'ailleurs, comme
une amélioration notable dans le caractère concurrentiel de
l'industrie touristique au Québec à l'heure actuelle.
Je signale un amendement qui se trouve aussi dans ce texte de loi et qui
peut surprendre un peu par rapport à ce que je viens de dire. En effet,
on se sert de ce texte de loi pour étendre la taxe sur les repas
là, on pourra considérer que c'est une augmentation de taxes
qu'on payait, par exemple, dans les trains ou sur les navires, à
un type de véhicule qui a commencé à servir des repas et
qui n'existait pas dans les anciennes lois, les autobus. Pour établir,
quand même, que tout le monde paie la même taxe dans les
mêmes circonstances, ces nouveaux autobus qui servent des repas seront
assujettis à la taxe générale sur les repas telle qu'elle
existe dans les autres "ustensiles" flottants ou véhiculés. C'est
une mesure qui n'a pas grand rapport avec ce que je viens de dire, mais on a
profité de la réouverture de la loi pour l'incorporer. Voici
à peu près ce que j'avais à dire sur ce sujet de loi.
Même en me grattant l'occiput avec énergie, franchement, je
n'aurais pas l'occasion de trouver autre chose à dire à ce
sujet!
Mme le Vice-Président: M. le député
d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Merci, Mme le Président, je ne sais pas s'il
faudra les arbitrages de l'extérieur, mais dans ce cas-ci je trouve
également surprenant que le ministre ne s'arrête pas au seul
article que j'avais l'intention de discuter dans le projet de loi, soit
l'article 4. En effet, en ce qui concerne les autres articles, je suis
généralement d'accord et je n'avais pas l'intention de faire des
commentaires très longs. (21 h 50)
Par contre, en ce qui concerne l'article 4, j'avoue ma surprise que le
minisire n'ait pas jugé bon de s'y référer et je lui
demanderai si cet article est aussi anodin qu'il m'a paru à
moi-même quand je l'ai lu pour la première fois.
M. Grégoire: Mme le Président, une question de
règlement.
Le Vice-Président: Je voyais venir la question de
règlement, M. le député de Frontenac. Je pense que
j'aurais dû rappeler au ministre aussi que le débat en
deuxième lecture doit être restreint à la portée,
à l'à-propos, au bien-fondé du projet de loi, au principe,
à la valeur intrinsèque du projet de loi et à toute
méthode d'arriver à ses fins, les fins du projet de loi, sauf
que, M. le député, je vous rappellerai, comme j'aurais dû
le rappeler au ministre, que la discussion sur un article comme tel, bien
sûr, comme vous le savez d'ailleurs, doit se faire en commission
plénière ou en commission parlementaire à la suite de la
deuxième lecture du projet de loi. Alors, je vous demanderais de
rapporter vos propos au principe. M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Mme le Président, dans des lois fiscales de
cette nature, il est difficile de trouver un seul principe. Je vais donc parler
du principe relié à l'article 4. En effet, cet article parle
d'une autre chose, il ne parle pas des mêmes choses que les articles
précédents. Ou bien on m'empêche de parler
complètement sur le projet de loi, ou bien on accepte que je
soulève justement une question générale. Je ne veux pas
m'en tenir ici aux modalités d'écriture, je veux soulever le
problème général que soulève cet article...
M. Grégoire: Mme le Président, sur une question de
règlement. Cet après-midi...
Le Vice-Président: Sur la question de règlement, M.
le député de Frontenac.
M. Grégoire: Cet après-midi, le leader
parlementaire du Parti libéral a très bien expliqué notre
règlement en disant qu'en deuxième lecture il n'était pas
permis de discuter d'un article en particulier, à l'occasion du discours
du député de Laprairie. Et le député de Laprairie,
tout de suite, a dit: Très bien, je réserverai mes discussions
sur cet article en commission parlementaire. Je crois que c'est ce que le
député d'Outremont devrait faire.
Le Vice-Président: Sauf que, M. le député de
Frontenac, vous conviendrez avec moi, comme le disait le député
d'Outremont, que les lois du ministre des Finances sont un peu
différentes et que, de toute façon, je pense que M. le
député d'Outremont va se référer aux notes
explicatives qui pourraient nous amener à parler en
général de cet article, de toute façon. M. le
député d'Outremont, nous vous faisons confiance.
M. Goulet: Mme le Président, sur la question de
règlement, je m'étais levé avant que vous
prononciez...
Le Vice-Président: Je vous demande pardon, M. le
député, je ne vous avais vu...
M. Goulet: J'y reviendrai, Mme le Président, si le
député de Frontenac décide de revenir. Il y a quatre
articles dans ce projet de loi. Il y a quatre principes différents.
Ecoutez, il faut être assez large; quatre articles qui visent quatre
principes différents. Il faudrait laisser assez de latitude aux
députés pour pouvoir parler sur le projet de loi, il y a quatre
articles.
Le Vice-Président: D'accord, M. le député de
Bellechasse, je pense que l'incident est clos.
M. Raynauld: Mme la Présidente, je veux examiner
très brièvement ce qui est contenu, pour l'essentiel, dans les
notes explicatives autant que
dans l'article, et si je suis plus près du règlement en
parlant des notes explicatives, je le ferai. Je veux soulever la question
suivante: "l'article 4 permet d'ordonner par règlement que les boissons
vendues dans les établissements le soient dans des bouteilles
identifiées de façon particulière." C'est dans les notes
explicatives. Je veux parler sur ce principe d'identification de contenants
pour des fins commerciales par opposition à des fins de consommation
domestique. L'objectif qui est poursuivi par ce projet de loi, disons, c'est de
combattre une évasion fiscale qui serait assez importante, à
cause de l'absence d'identification, à ce qu'on dit, sur ces contenants.
Il s'agirait également de combattre des échappatoires.
Dans un article de la Gazette, publié en septembre, on a
rapporté que le ministère des Finances estimait à $50
millions les pertes ou les fuites dues à des consommations dans des
lieux publics qui ne respecteraient pas la loi sur les taxes de vente ou encore
des lois reliées à l'impôt sur le revenu. On a même
rapporté dans cet article que le ministre des Finances lui-même
avait estimé à $80 millions les mêmes fuites. Donc, le
problème semble important. On m'a rapporté cette semaine qu'on
avait rabaissé un peu ces estimations et qu'elles étaient
maintenant à $35 millions environ. Donc, on dit: Là, on a un
problème à résoudre; il y a des fuites, il y a de la
fraude, disons, ou en tout cas des échappatoires à la loi qui
font que le trésor public perdrait environ $35 millions dont $21
millions en taxe de vente et environ $14 millions en impôt sur le revenu.
En ce qui concerne les brasseries ou la bière, l'estimation serait de
l'ordre de $10 millions.
Compte tenu de ce problème, le projet de loi si je le
comprends bien viserait à donner un pouvoir réglementaire
au ministre de façon à identifier par règlement des
contenants pour qu'il puisse, par cette identification, recouvrer les sommes
qu'il estime perdre. On m'a fait beaucoup de représentations à
cet égard et je dois dire que j'ai été assez sympathique
à l'idée qui m'a été soumise voulant que cette
approche réglementaire était très coûteuse, qu'elle
représentait une façon d'imposer à tout le monde un
fardeau qui devrait être limité, en fait, à des exceptions,
qu'en fait il n'y a pas beaucoup de gens qui fraudent la loi et qu'on
empêcherait de frauder la loi par cette identification des contenants
quand, d'autre part, les coûts seraient excessivement
élevés. On m'a rapporté qu'en ce qui concerne les
brasseries seulement, si on forçait les brasseries à identifier
les bouteilles vendues aux épiciers par opposition à ce qui est
vendu dans des bars, des restaurants ou des hôtels, les coûts de
distribution de la bière monteraient de $6 millions.
Je n'ai évidemment aucune façon de vérifier ces
avancés, mais il semble en tout cas, à première vue
qu'une estimation comme celle-là soit assez raisonnable. Bien
sûr, si les frais de distribution augmentent de façon aussi
considérable, c'est le prix de détail finalement qui va
également monter et ceux qui paieront pour cette mesure de
précaution imposée à tout le monde seront les
consommateurs et les détaillants ou les détenteurs de permis. Par
la suite, on ne peut pas non plus s'empêcher de songer que le ministre a
essayé d'alléger le fardeau fiscal dans cette industrie
récemment. Il pourrait se trouver, si le gouvernement utilisait cet
article et passait un règlement portant une identification
spéciale des contenants, à accroître de nouveau le fardeau,
les coûts de production dans une industrie où lui-même admet
qu'il a dû intervenir pour en favoriser l'expansion par des
réductions d'impôt.
Je n'ai pas de solution magique à proposer sur ce sujet, mais
j'aimerais beaucoup entendre le ministre nous dire si, effectivement, le
problème est aussi grave qu'on l'a supposé. (22 heures)
Est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres solutions d'identification que
celle d'imposer des contenants particuliers? Par exemple, on croit, dans
certains milieux, que ce règlement va prendre la forme d'une obligation
dans les bars, les restaurants et les hôtels de ne servir d'alcool que
dans des bouteilles miniatures qu'on appelle les mignonnettes.
Par ailleurs, en ce qui concerne la bière, on imposerait
également soit une sorte différente de bouteille, soit une
étiquette qui serait entièrement différente selon que
l'utilisation est domestique ou commerciale. C'est justement cette
identification et ces stocks qu'on devra créer, pour les fins d'un tel
règlement, qui augmenteraient les coûts de façon
considérable. Encore une fois, retenant l'idée qu'il puisse y
avoir un problème au départ, de simple fraude ou de fraude
fiscale, est-ce que le ministre et le ministère ont vraiment
examiné toutes les autres possibilités qui pouvaient exister?
Moi, de l'extérieur, j'ai été un peu surpris de voir que
ce problème se posait avec autant d'acuité semble-t-il
au Québec alors que semble-t-il il ne se poserait
pas de la même façon ni aux Etats-Unis ni en Europe. Est-ce parce
que la taxe de vente n'est pas perçue de la même façon?
C'est possible. Mais, quoi qu'il en soit, cette identification imposant des
coûts de livraison, des coûts de stockage, des coûts
évidemment de production relativement élevés, il semble
qu'il y aurait avantage à trouver la méthode la moins
coûteuse pour répondre aux objectifs essentiels que le
gouvernement poursuit.
On m'a également dit à cet égard qu'il y avait des
moyens d'identification qui étaient moins chers que ceux auxquels on
songeait à l'heure actuelle. Qu'on pouvait peut-être imaginer, par
exemple, l'apposition de timbres puisque c'est déjà en
partie la pratique à l'heure actuelle spéciaux pour la
bière, qui pourrait répondre en grande partie aux besoins que le
gouvernement peut avoir tout en minimisant les coûts et les impacts sur
l'industrie et éventuellement sur le consommateur lui-même. Merci,
Mme le Président.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. Quelques
commentaires, si vous me le permettez, sur
le projet de loi 80, Loi modifiant la Loi de la taxe sur les repas et
l'hôtellerie. Ce projet de loi donne suite au discours du budget et
modifie la Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie afin d'accorder
un traitement uniforme surtout aux entreprises de transport. Le but, bien
sûr, c'est d'inclure le ministre nous l'a dit les autocars
spécialisés dans la définition d'établissement
hôtelier où l'on sert des repas et de la boisson.
Ce projet de loi prévoit également que les frais de
service, les pourboires, inclus dans le prix d'un repas ne sont pas
imposés s'ils sont versés en pourboires aux employés.
Egalement, ce projet de loi abolit la taxe sur les logements et exonère
de la taxe sur les repas et l'hôtellerie la valeur d'un repas compris
dans le logement, ce qu'on appelle communément le plan américain
lorsque les repas sont compris avec la chambre. Il n'y aura donc pas de taxe
sur les repas lorsque c'est compris dans le prix de la Chambre.
Un article qui attire particulièrement mon attention le
député d'Outremont nous en a fait part prévoit
également que les boissons vendues dans les hôtels soient dans des
bouteilles identifiées de façon particulière.
Déjà, ce système existe. Les bouteilles devant servir aux
hôtels, aux restaurants ou dans les bars sont déjà
identifiées et étiquetées d'une façon
spéciale et même, sauf erreur, les propriétaires
d'établissements, d'hôtels et les restaurants, lorsque c'est pour
revendre cette boisson, paient une taxe spéciale par le biais de cette
étiquette.
Il serait important, pour cet article, que nous ayons peut-être
les règlements, même si l'article semble inoffensif par
lui-même pour savoir ce qu'on veut faire avec cela. Est-ce que pour la
vente de bière on exigera une bouteille spéciale lorsque ce sera
pour être vendu à l'hôtellerie, dans les restaurants ou dans
les autobus, tel que nous l'avons dit tout à l'heure? Est-ce que cela
prendra une bouteille spéciale ce qui pourrait peut-être faire
remonter le prix de la bière ou de cette boisson? Et, Mme le
Président, qui paiera? Ce sera le consommateur. Au niveau de la boisson
forte comme telle, même si on arrivait avec une autre sorte de bouteille,
je ne vois vraiment pas comment on pourrait remédier à la
pratique qu'on veut empêcher. Les bouteilles sont déjà
étiquetées. Si on sent le besoin d'apporter un projet de loi
comme celui-là, il se peut fort bien que certains propriétaires
d'hôtels puissent aller chercher de la boisson pour revendre et, rendus
à leur établissement, la transvident dans des bouteilles
déjà étiquetées et la placent sur les
tablettes.
Je ne vois vraiment pas comment on peut éviter cela s'il y a de
la mauvaise foi de la part des hôteliers, même si on changeait le
style, la forme de la bouteille. La seule chose que l'on pourrait faire, ce
serait d'avoir, tel que l'a mentionné le député
d'Outremont, des petites bouteilles d'une once ou d'une once et demie. Vous
imaginez, Mme la Présidente, les coûts que cela pourra occasionner
et, alors, ce sera encore là le consommateur qui paiera. Est-ce que
cette pratique est aussi frauduleuse qu'on veut le dire, qu'on veut le laisser
entendre pour qu'on sente le besoin de légiférer?
Déjà, on exige sur ces contenants des étiquettes et le
propriétaire d'un hôtel ou d'un restaurant paie déjà
une taxe spéciale là-dessus. Cela résume, madame, en
grande partie ce projet de loi.
Egalement, si on veut vraiment, suite au minisommet touristique qui
s'est tenu dernièrement à Sherbrooke, donner une chance à
l'industrie touristique au Québec... Peut-être que cela fera
sourire l'honorable ministre des Finances. On a enlevé là taxe
sur les repas compris avec le prix de la chambre d'hôtel, mais nous avons
eu maintes recommandations, maintes demandes, Mme la Présidente, de
façon à ce qu'on puisse je n'irai peut-être pas
jusqu'à dire l'enlever ramener à 8% la taxe que nous avons
mise à 10% sur les repas dans les restaurants et dans les hôtels.
Le ministre ne nous en a absolument pas parlé même si au
mini-sommet touristique à Sherbrooke ces revendications ont
été faites par à peu près tout le monde.
Etant donné que nous sommes pour la vertu, étant
donné que cette mesure, si minime soit-elle, supprime ou modifie
certaines mesures fiscales ou certaines taxes, nous appuierons, il va de soi,
ce projet de loi, Mme la Présidente.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Mme la Présidente, sans vouloir
éterniser, allonger le débat davantage, je voudrais quand
même prendre quelques minutes du temps de cette Chambre pour appuyer
fortement ce qui a été souligné par mes deux
collègues qui m'ont précédé. Nous avons entendu le
ministre lui-même proclamer, le 18 avril dernier, dans le discours du
budget, que les propriétaires d'hôtel se plaignent à juste
titre d'un fardeau fiscal particulièrement éprouvant. On aurait
pu s'attendre, peut-être, à une sollicitude du ministre encore
plus grande que celle qu'il a manifestée concernant les autocars. En
effet, comme nous l'avons vécu au sommet touristique à
Sherbrooke, à la fin d'octobre, l'industrie touristique, avec raison
d'ailleurs, se plaint beaucoup de la situation qui existe présentement
chez nous au Québec parce qu'ils ne sont absolument plus concurrentiels
non seulement à travers le Canada, mais en Amérique du Nord.
Justement, Mme la Présidente, ce fameux article 4 dont on a
parlé tantôt, je pense, peut causer non seulement préjudice
à tous les agents touristiques du Québec, aux services
d'hôtellerie, mais peut causer aussi un fort préjudice aux
consommateurs du Québec. (22 h 10)
Pour mettre à jour ce que recèle la nouvelle
rédaction, j'emprunterai le texte d'une représentation que
faisait parvenir au ministre des Finances, le 26 avril dernier, l'Association
des administrateurs de gîtes et restaurants du Vieux Qué-
bec Inc.: "Nous voudrions soumettre à votre attention, M. le
ministre, une technicité qui devient vite une injustice pour les petits
restaurateurs, fort nombreux au sein de notre association. La taxe sur les
repas ne s'applique pas lorsque le prix du séjour dans un hôtel
comprend chambre et pension, genre "package deal". Ceci ne peut que favoriser
les grandes chaînes d'hôtels multinationales au détriment de
la petite entreprise de gîte et de restauration".
Avant que les bénéficiaires de cette mesure
discriminatoire puisse se réjouir, je vous ai parlé de l'article
4 et cet article est très important. On a souligné à juste
titre, tantôt, je pense que c'est le député d'Outremont,
sans posséder des chiffres que l'on peut démontrer comme tels,
mais des chiffres qui nous semblent quand même assez près de la
réalité, que l'utilisation de ces petites bouteilles,
mignonnettes qu'on appelle, bouteille à l'intérieur des bars et
restaurants qui servent des spiritueux avec les repas, que cette utilisation
pouvait aller jusqu'à une dépense additionnelle, pour les
brasseries, de $6 millions. Qu'on le veuille ou non, Mme la Présidente,
ce ne sont jamais ni les compagnies ni les multinationales qui paient ces
dépenses occasionnées à l'intérieur d'un projet de
loi. Même s'il s'agit d'un meilleur contrôle, c'est toujours
refilé par la suite aux intermédiaires. Dans le cas
présent, les intermédiaires ce sont les hôtels du
Québec, le service d'hôtellerie du Québec avec ses
tenanciers, ses bars. Par ricochet, qu'on le veuille ou non, ces
intermédiaires, qui font des affaires au Québec, qui doivent, au
bout de la ligne, réaliser des profits sinon ils n'ont pas besoin
d'exister ils ne voudront pas exister, s'ils ne réalisent pas de
profits ces intermédiaires qui doivent réaliser un profit,
forcément, rejettent sur le consommateur cette hausse de prix qu'ils
sont obligés de payer.
Mme le Président, on sait, on en a parlé tantôt,
supposément, qu'il y avait des tricheurs, des fraudeurs à
l'intérieur de tout le système. Je pense qu'il ne faudrait pas
non plus faire payer les pots cassés par un seul groupe d'individus et,
non plus, faire payer les pots qui ne sont pas cassés encore par ce
même groupe. Je pense qu'il est extrêmement important que le
ministre des Finances, à l'intérieur du projet de loi no 80
comme le ministre l'a mentionné, de façon bien
honnête tantôt, ainsi que le député d'Outremont et le
député de Bellechasse, elle a quand même son pesant d'or,
cette loi no 80, parce qu'elle vient alléger, vient diminuer une taxe
sur les repas à l'intérieur des hôtels où quelqu'un
a pied à terre ou prend une chambre je pense que le ministre des
Finances devrait, à mon avis, repenser à son projet de loi, et
apporter un amendement concernant l'article 4. Cet article 4 va
démontrer, encore une fois, si jamais on l'applique à sa rigueur,
qu'au Québec on sera obligé, dans le domaine de
l'hôtellerie, dans le domaine de la restauration, d'augmenter encore une
fois le prix des repas à cause de cette taxe et de ce changement qui
sera effectué par les brasseries. Au mini-sommet touristique, le
député de Saint-Maurice, ministre du Tourisme, de la Chasse et de
la Pêche, le ministre d'Etat au développement économique
étaient présents, et tout le monde a fait un consensus à
cet effet, à Sherbrooke, que le Québec n'était plus, dans
le domaine de l'hôtellerie, concurrentiel.
Déjà, on a discuté depuis quelques années
les fameux congrès qu'on a voulu attirer à Québec et
à Montréal. On s'est équipé de supercentres de
congrès pour attirer les diverses conventions des Etats-Unis vers le
Québec; on a voulu attirer aussi les conventions qui pouvaient se
dérouler au Canada, on les a invitées au Québec avec un
accueil spécial. Déjà on mentionnait, depuis un an ou
deux, que nous n'étions plus concurrentiels. Les statistiques
démontraient que plusieurs conventions ne se tenaient plus au
Québec à cause de cette non-concurrence.
Je pense que cet article, à l'intérieur du projet de loi
no 80, aura un effet maléfique et va, encore une fois, démontrer
qu au Québec il en coûte un peu plus cher qu'ailleurs pour
bouffer, il en coûte un peu plus cher qu'ailleurs de prendre un bon repas
dans un restaurant. Alors qu'on a voulu, à l'intérieur du projet
de loi, favoriser l'industrie touristique; du revers de la main on va, par cet
article 4, procéder à une augmentation. La situation est comme
elle existait avant, et peut-être pire. Je prête bonne foi au
ministre des Finances, je prête bonne foi à l'Assemblée
nationale, à cette Chambre, mais les buts qu'on aura voulu atteindre
comme législateurs, au bout de la ligne, ne le seront pas, et cela va
coûter encore un peu plus cher.
Je demanderais au ministre des Finances, au nom des gens qui s'occupent
de l'hôtellerie au Québec, au nom des propriétaires
d'hôtel, au nom des propriétaires de restaurant et au nom des
consommateurs québécois, qui ont toujours à
défrayer la note, de reconsidérer cet article. Je pense que c'est
extrêmement important. Merci.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, Mme le Président. Il me fait
plaisir d'intervenir sur le projet de loi no 80 présenté par le
ministre des Finances. Il est relatif, comme mes collègues ont eu
l'occasion de l'indiquer, aux services d'hôtellerie. Je devrai vous dire
que, même si ce projet de loi concerne directement, et ce pour des sommes
fort importantes, l'industrie de l'hôtellerie en général,
je suis déçu à deux niveaux et ce, pour deux
éléments.
Dans un premier temps, vous savez comme moi que l'industrie
hôtelière au Québec est une des industries les plus
importantes. L'industrie hôtelière est une de celles qui engagent
le plus grand nombre d employés. C'est important, cela engage des
revenus, cela implique de la taxation, des revenus fiscaux très
importants. Même si on a un projet de loi ce soir qui vient affecter
toute cette industrie, tout ce secteur de notre économie, il y a deux
choses qu'il convient de constater,
deux choses qui entraînent et impliquent la déception.
C'est le fait que, du côté du gouvernement, ce soir, il y a 7
députés sur 72 qui sont ici pour discuter de ce projet de loi.
C'est décevant! Deuxième élément...
M. Johnson: ... 4 de leur côté, 4 chez les
libéraux!
M. Pagé: On est autant du côté de
l'Opposition même si on n'est qu'une trentaine. Le deuxième
élément est que le ministre du Tourisme, le responsable du
tourisme au Québec, le responsable de l'industrie hôtelière
au Québec, n'est même pas ici pour faire part de ses commentaires.
Celui-ci aurait pu être présent pour commenter les études
faites, ce sur quoi il s'est basé, ce sur quoi il s'est fondé
pour formuler un rapport favorable au ministre des Finances quand il est
arrivé avec ce projet de loi.
M. Picotte: Mme le Président, question de
règlement. Je m'excuse auprès de mon collègue de Portneuf,
mais malheureusement, pour un projet de loi aussi important, on est autant de
députés de l'Opposition que de députés au pouvoir
et on n'a pas quorum malgré tout, excepté les deux qui viennent
d'entrer. (22 h 20)
Mme le Vice-Président: Allez donc, M. le
député.
M. Pagé: Mme le Président, je conviens que les
députés péquistes sont un peu pris dans la fièvre
des Fêtes. Vous savez, ces gens-là n'ont pas de dossiers à
préparer à ce moment-ci, évidemment, ils sont là
purement et simplement assis à écouter les débats et les
échanges. Serait-ce possible, Mme le Président, de demander au
sergent d'armes de "barrer" les portes? Cela pourrait peut-être nous
garantir le quorum. Je n'en fais pas une directive, c'est une interrogation que
je formule. M. le sergent d'armes est-ce possible de "barrer" les portes?
Mme le Vice-Président: M. le député,
à l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Nous avons effectivement
quorum, maintenant. Un moment, M. le député! M. le
député de Portneuf, je vous demanderai, quand je vous redonnerai
la parole de bien vouloir vous en tenir, maintenant, vous aussi, à la
pertinence du débat.
J'avais une question de privilège de M. le député
de Papineau.
M. Alfred: Mme le Président, les propos qu'a tenus le
député de Portneuf témoignent d'une chose, de la
suffisance de ce député. Merci.
Mme le Vice-Président: A l'ordre!
M. le député de Papineau, pourrais-je vous demander, s'il
vous plaît, de ne pas abuser des questions de privilège?
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Mme le Président, je reviens au
débat, évidemment. Je ne répliquerai pas au
député de Papineau, je me limiterai à lui dire qu'il a
peut-être le nom du comté mais qu'il n'en a pas la tête, Mme
le Président.
Avant d'être interrompu de la sorte, j'étais à vous
parler du sommet touristique qu'on a eu au mois d'octobre dernier, au
début de novembre, où le ministre d'Etat au développement
économique, M. Landry, et le ministre du Tourisme se sont rendus
discuter et échanger avec tous les agents économiques qui
évoluent dans le secteur de l'industrie touristique au Québec. On
était en droit de présumer Mme le Président, que la
présente session nous amènerait des résultats bien
concrets, bien particuliers de ces échanges. On était en droit de
prétendre que possiblement, ou tout au moins on pouvait espérer
que le gouvernement pourrait déposer le projet d'un crédit
touristique au Québec, élément important au chapitre du
financement et de l'aide à la petite entreprise. Cela aurait
été et cela pourrait être un pas important dans l'aide que
l'on devrait apporter comme collectivité, à laquelle le
gouvernement devrait souscrire, l'aide par le biais du crédit
touristique administré par la Société de
développement industriel, tel que le ministre du Tourisme l'a
indiqué en réponse à une question combien pertinente de
mon collègue de Maskinongé il y a quelques jours. C'était
ce à quoi on était en droit de s'attendre.
On était en droit de s'attendre à ce que le ministre du
Tourisme donne suite à l'engagement formel que celui-ci avait pris lors
de l'étude des crédits du ministère du Tourisme en mai ou
juin 1977, si ma mémoire est fidèle, lorsque celui-ci
s'était engagé à l'égard du monde de
l'hôtellerie, à mon égard comme critique d'alors de
l'Opposition officielle en matière de tourisme, à limiter les
contrôles administratifs dans le secteur de l'hôtellerie. On se
rappellera que le député de Saint-Maurice, à ce
moment-là, s'était engagé à regrouper tous les
services de contrôle administratif. Mme le Président, le projet de
loi 80 vient ajouter un autre élément de contrôle, un
élément additionnel à ceux qu'on a déjà.
Mme le Président, je vous connais comme député
depuis déjà deux ans, bientôt trois ans. Je suis convaincu
que vous êtes suffisamment au fait des préoccupations de votre
comté, de votre milieu, pour savoir qu'une des préoccupations
fondamentales du secteur de l'hôtellerie je suis certain que vous
êtes d'accord avec moi ce sont les multiples contrôles
administratifs. Une personne qui est propriétaire d'une petite
entreprise qui évolue dans le secteur de l'hôtellerie aujourd'hui
a possiblement, dans sa journée, reçu la visite des gens du
ministère du Travail qui viennent vérifier ou constater
l'état de l'immeuble.
Il a sans doute reçu la visite des gens du service de
l'hôtellerie pour voir à l'application des normes et des
règlements adoptés par le ministre du Tourisme. Il a aussi sans
doute reçu la visite des gens du ministère du Revenu pour
contrôler les remboursements sur la taxe de vente et tout. Il
a sans doute aussi reçu la visite des inspecteurs des Affaires
sociales sur la question de la propreté et de la santé.
Possiblement qu'il a reçu la visite des représentants de la
Commission du salaire minimum. Possiblement qu'il a reçu la visite des
représentants du palier de gouvernement municipal.
Mais, Mme le Président, il y a une autre catégorie
d'inspecteurs qui vient de s'ajouter, soit les inspecteurs de petites
bouteilles. Vous allez dire avec moi: M. le député, est-ce que
c'est pertinent? Oui, c'est pertinent. C'est un des principes de ce projet de
loi qui vient changer une habitude dans l'hôtellerie et qui viendra
imposer une autre contrainte additionnelle à la petite entreprise, soit
celle de procéder à la vente de spiritueux ou de bière
avec un nouveau contenant. De prime abord, Mme le Président, cela peut
paraître défendable, cela peut paraître explicable, mais ce
n'est pas justifiable.
Le ministre des Finances et du Revenu, M. le député de
L'Assomption, a plaidé sur l'évasion fiscale. Celui-ci nous a
indiqué que le système actuel faisait en sorte que, par le fait
que certaines personnes contrevenaient à la loi et à ses
règlements, il y avait des sommes, des impôts, des taxes qui
n'étaient pas payés. Le ministre des Finances et du Revenu a
même été jusqu'à dire tout récemment, par le
biais de ses collaborateurs, que ces sommes ainsi sujettes à de
l'évasion fiscale pouvaient aller aussi loin que $30 millions ou $35
millions. Je ne vois pas en quoi, Mme le Président, le ministre ou le
ministère du Revenu ou des Finances peuvent en arriver à un tel
calcul, à un chiffre aussi précis sans être au fait d'un
inventaire de situations illégales ou illicites qui entraîneraient
des pertes de revenus pour le trésor public.
Si le gouvernement du Québec est capable d'en arriver à
une évaluation de $15 millions, $21 millions, ou $25 millions, peu
importe le montant, dès le moment où le gouvernement du
Québec est capable d'en arriver à une évaluation si
précise soit-elle, comment ce gouvernement peut-il expliquer qu'il n'est
pas capable de cerner précisément là où sont les
problèmes? Comment le gouvernement peut-il expliquer qu'il fait face
à une situation donnée, dont il connaît les effets, mais
qu'il n'est pas capable de contrer? Mme le Président, je me demande...
D'ailleurs, le ministre des Finances pourra dans sa réplique nous dire
sur quoi son ministère s'est basé pour donner quelque
évaluation que cela soit.
Mme le Président, c'est possible que, par un tel
mécanisme, il y ait plus de contrôles, c'est possible qu'on puisse
ainsi éviter la possibilité ou la probabilité, peu importe
le terme, qu'il y ait des évasions fiscales, qu'il y ait des gens qui ne
respectent pas la loi et ses règlements et qui ne versent pas
régulièrement au trésor public les impôts qu'ils se
devraient de verser. Cependant, plutôt que d'obliger toute l'industrie
demain matin à se conformer à des normes qui deviendront
coûteuses et onéreuses, le gouvernement aurait dû mettre un
accent plus particulier sur les contre- venants, quitte à mettre des
pénalités plus sévères, quitte à leur faire
payer des sommes beaucoup plus élevées avant d'en arriver
à une telle disposition. Somme toute, Mme le Président, qui
paiera pour cela? C'est encore le consommateur.
Je rencontrais des représentants de l'industrie
hôtelière la semaine dernière qui me disaient: Michel,
c'est bien dommage, mais le verre d'alcool qu'on vend actuellement $2.25,
$2.50, nous serons obligés de le vendre $3.25 et, Mme le
Président, c'est quand même très appréciable. C'est
le consommateur qui va payer cela: la manutention, le coût additionnel.
Vous savez que les distilleries et que les brasseurs vous ont fourni des
chiffres qu'ils voulaient les plus exacts possible pour identifier l'effet
d'une telle mesure sur les dépenses qu'ils auront à encourir pour
s'y conformer.
Je terminerai en vous disant ceci: II est regrettable qu'encore une fois
ce soit le consommateur qui soit obligé de payer pour cela. Il est
regrettable encore une fois que ce soit la petite entreprise qui soit
obligée de faire les frais de cette volonté du gouvernement du
Québec de tout contrôler et même de contrôler les
grosses et les petites bouteilles. Il est regrettable, Mme le Président,
que le gouvernement du Québec, dans sa volonté d'intervention
à l'intérieur de l'industrie de l'hôtellerie, ne se soit
pas penché plutôt sur non seulement la possibilité, mais
l'obligation que le gouvernement a le ministre des Finances pourrait
certainement nous en dire un mot dans sa réplique de mettre de
l'avant le programme au chapitre du crédit touristique et ce, dans les
plus brefs délais. (22 h 30)
Le problème majeur, dans notre industrie touristique, c'est la
concurrence. Est-ce qu'une mesure comme celle-là ne contribue pas, elle
aussi et elle encore, à affecter la compétitivité de
l'industrie hôtelière? C'est le problème qu'on a
actuellement et je poserais au ministre des Finances une couple de questions.
Sur quoi vous êtes-vous basé pour en arriver à un montant
aussi précis qu'une trentaine de millions de dollars? Ce sont les
informations qu'on a eues. Est-ce que vous avez étudié l'impact
de cette mesure sur l'industrie hôtelière? Est-ce que le ministre
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche vous a soumis un rapport dans
lequel il a probablement décrit les conséquences pour l'industrie
hôtelière? Serait-il possible, si ce rapport a été
confectionné, parce que je présume qu'il y en a un...
J'espère que le ministre des Finances a consulté son
collègue du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche; j'espère
que cela ne s'est pas fait au-dessus de la tête du ministre du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche, parce que si celui-ci l'a contacté
comme je l'espère, il y a certainement eu un rapport qui a
été produit au ministère du Revenu. J'aimerais que le
ministre et député de L'Assomption dépose le rapport et
les commentaires de son collègue de Saint-Maurice, le ministre du
Tourisme, de la Chasse et de la Pèche.
C'était là l'essentiel de mes commentaires, Mme le
Président.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Fernand Grenier
M. Grenier: Bien brièvement sur le projet de loi 80 qu'on
a devant nous ce soir. Je m'intéresse principalement à un article
je ne pourrai pas le mentionner parce que nous sommes en deuxième
lecture qui a fait l'objet d'études lors du sommet touristique
à Sherbrooke. Le député de Portneuf, il y a quelques
instants, a manqué une information parce que ce n'étaient pas
deux ministres qui assistaient à ce sommet, mais quatre. Il y avait le
ministre au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports,
le superministre des Affaires culturelles, le ministre du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche et un autre.
M. Pagé: Je parlais des deux importants.
M. Grenier: Ah bon! Il y en avait un autre. A partir de
là, M. le Président, les contenants qui sont inclus à
l'article 4 ont fait l'objet de discussions importantes au congrès. Il
est donné ici au ministre une possibilité, quand on dit: "II peut
aussi, par règlement, ordonner qu'une boisson qu'il désigne et
qui se trouve dans un établissement d'un genre qu'il détermine
soit dans un contenant identifié d'une façon qu'il
détermine ou, d'un format qu'il détermine..." C'est
là-dessus qu'il y avait des objections au congrès. J'ai suivi
toutes les assises de ce congrès, j'ai discuté avec les
représentants de l'Association des hôteliers et des restaurateurs
du Québec. Ils avaient des revendications à faire sur ce projet
de loi 80. Ils ont dû les faire connaître au ministre, c'est
sûr, mais ils avaient des revendications. Ils sont nettement contre ce
pouvoir que le ministre se réserve d'imposer des formats du
côté de la boisson. On sait de quoi on parle. Ce sont les petites
bouteilles qu'on ne retrouve pas dans les bars d'hôtels ou de
restaurants. Ce sont les petites bouteilles qu'on retrouve dans les Chambres,
dans les bars de "self-service" d'hôtels. Ce sont ces bouteilles qu'on ne
voudrait pas voir apparaître dans les grands bars de restaurants ou
d'hôtels. Le moindrement qu'il y a un peu de service à faire,
c'est sûr que ce sera pas mal plus dispendieux pour l'hôtelier ou
le restaurateur qui aura à servir ces formats.
Au cours de la commission parlementaire j'imagine que cela
arrivera au cours de la soirée il est bien sûr qu'il faudra
arriver avec un amendement pour enlever cette partie de l'article 4 du projet
de loi 80. Nous annonçons tout de suite que l'Union Nationale fera un
amendement pour enlever cette partie afin de ne pas laisser au ministre la
possibilité d'imposer ce format de bouteilles dans les commerces.
Il est sûr que ce gouvernement peut explorer certains secteurs de
taxation. Je ne sais pas si cela a été pensé. Il est
sûr que le ministre travaille avec des gens qui ne font que cela à
l'année, soit explorer des nouveaux secteurs de taxation. Ils les
découvrent, ce n'est pas long, puisqu'il nous annonce que dans les
autobus spéciaux qui circulent qu'on connaît mieux ici dans
la région de Québec entre Québec et
Montréal, déjà on a réussi à taxer, ou on le
fera par l'adoption de la loi, les repas dans ces autobus qui ne sont pas
nombreux et qui ne transportent pas encore un nombre de clients bien nombreux
puisqu'il n'y en a que quelques-uns seulement qui circulent par semaine. On a
déjà réussi à trouver qu'il fallait taxer les repas
dans ces autobus; on les avait oubliés antérieurement et on a
trouvé cela. On arrive avec cette possibilité qui complique la
vie des restaurateurs et des hôteliers. On nous l'a fait savoir.
Je pense que le ministre devrait s'attarder là-dessus assez
longtemps pour ne pas répéter l'erreur qu'on a faite quand on a
enlevé la taxe sur les repas, l'automne passé, ici. On s'en
souvient, je pense que c'est l'automne passé. On a enlevé la taxe
sur les repas croyant aider le petit salarié afin qu'il n'ait pas de
taxes. On a dit: On détaxe le repas de $1.24, je pense, si ma
mémoire est bonne, jusqu'à $3.24. Cela paraissait bien, aider le
pauvre petit qui est dans la misère et tout cela. On veut l'aider mais
il y a une chose, c'est qu'à partir de là il n'y avait plus de
repas à $1.24. On s'est ramassé le lendemain avec des repas de
$3.24. Alors, au lieu d'exiger $0.16 de taxe au gagne-petit, on a exigé
de lui presque $2 de plus sur ses repas. Cela a été la mesure qui
a été amenée l'an passé. Alors, il ne faudrait pas
répéter les mêmes choses ici.
Et, du même coup, le ministre est au courant de ce qu'il a
provoqué, et je pense que ses recher-chistes le lui diront. En tout cas,
cela a été une plainte là-bas, au sommet touristique. On
est en train d'amener ici, au Québec, les "fast foods". Le ministre est
au courant de cela, de tout ce qu'on retrouve chez les McDonald's et les
autres. Et on s'entendait là-bas, au sommet touristique, pour dire que
c'était là qu'étaient les plus mauvais employeurs. Je
répète des paroles que nous disait l'Association des
restaurateurs et des hôteliers. Ce sont les plus mauvais restaurateurs et
c'est à vraiment une façon de détruire la restauration
québécoise, les vrais restaurants du Québec, parce qu'on
avait détaxé les repas jusqu'à $3.24 et qu'on voyait
envahir le Québec par ces "fast foods" américains qu'on qualifie
de McDonald's ou des restaurants de ce genre.
Alors, je pense que le ministre devrait y penser à deux reprises.
Je veux bien, moi aussi, être Québécois, je veux bien aider
les Québécois mais il ne faut pas mettre dans l'embarras nos
commerces, à nous, les commerces du Québec, les hôteliers
et les restaurateurs et s'exposer à d'autres mesures qui nous
arriveront, qu'on ne voit pas encore, mais des mesures qui arriveront
peut-être ou des répercussions à l'application de ce
paragraphe à l'article 4 qui seront peut-être encore
désastreuses pour notre restauration et nos hôteliers du
Québec. Je voudrais que le ministre y réfléchisse. On ne
passera pas la nuit sur la loi mais il reste une chose, c'est qu'il y a un
amendement que nous de-
vrons faire et qui est important. M faut connaître les
implications et celle-là, ici, en est une qui est importante, qui a
certainement été signalée.
Pourquoi l'a-t-on gardé dans la loi? Je ne le sais pas, mais le
président de l'Association des restaurateurs du Québec me l'a
signalé au sommet touristique, et il a dit: Cela ne peut pas être
cela. Si c'est ce qu'on veut apporter, vous devrez vous battre, dans
l'Opposition, pour ne pas l'avoir. Cela nous complique la vie, nous, les
restaurateurs et quand on a un gouvernement... Pas nous autres, ni l'Union
Nationale ni le Parti libéral. Nous autres, on n'est pas pour les
petits. On est censés être pour les gros. C'est la
réputation que nous a faite ce gouvernement. C'est le gouvernement des
petits, du petit monde, du monde dans la misère. Ce sont eux autres,
cela. Ce n'est pas nous autres, selon ce qu'on nous a dit pendant la
dernière campagne électorale.
Si c'est cela, il faudra qu'on pense au Québécois, au
petit Québécois, au petit restaurateur qui veut s'impliquer. Il
ne faut pas l'étouffer, il faut l'aider et l'aider, c'est ce qu'on tente
ce soir, et aider le gouvernement à collaborer avec ces gens pour qu'ils
donnent un service acceptable et qu'ils ne soient pas obligés, parce que
cela va leur causer des problèmes assez importants, de doubler leur
personnel parce qu'on leur complique la vie à l'article 4. Nous ferons
certainement un amendement lorsque nous arriverons en commission. Je voudrais
bien attirer l'attention du ministre sur cette partie de l'article 4.
M. Marchand: Mme le Président.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Laurier.
M. André Marchand
M. Marchand: J'aurais quelques remarques à faire sur
quelques principes qu'il y a dans le projet de loi mais, avant d'aller plus
loin, je veux reprendre le député de Mégantic-Compton, qui
a dit que les "fast foods" n'appartiennent qu'aux chaînes. Je lui dirai
qu'il y a des petits Canadiens, des petits Québécois qui sont
déjà, depuis une couple d'années, dans ce commerce et,
juste dans la région de Montréal, ils sont déjà
rendus à neuf restaurants dans le "fast food". Cela va très bien
et cela sera plus gros dans quelques années, Vincent Sous-Marin. On ne
fera pas de commercial.
Sur certains principes, il y a une petite remarque qui me vient en
lisant le projet de loi au complet. Je me demande si on ne revient pas, dans le
projet de loi, à une vieille coutume qui existait il y a dix, quinze,
vingt ou vingt-cinq ans, le sandwich sec et la tranche de salami
séchée qui se passaient de table en table pour avoir un verre de
boisson lorsque dans un hôtel on aura le droit de servir de la boisson
seulement avec les repas pour être exempt de taxe. (22 h 40)
Autre chose, dans le projet de loi, un autre principe qui me fatigue un
peu et qui sûrement fatigue énormément nos restaurateurs,
de Québec, Montréal et de toutes les municipalités de la
province, c'est ce principe de ne pas taxer les repas compris avec la chambre
d'hôtel. Qu'est-ce qu'il advient des maisons de chambres qui
appartiennent à des particuliers? Je suis assuré, par exemple,
que plusieurs camionneurs et plusieurs personnes se priveront d'aller dans ces
maisons de chambres pour aller dans les gros hôtels multinationaux afin
d'avoir un repas sans taxe plutôt que de dépenser peut-être
$10 ou $15 de moins pour leur chambre et aller manger dans un restaurant.
La suggestion que j'aurais à faire, ce serait sûrement
d'enlever la taxe complète sur tous les repas, dans les restaurants, ce
qui réglerait le problème des petits hôteliers, des
propriétaires de maisons de chambres et en même temps aiderait le
tourisme que ce gouvernement, depuis qu'il est au pouvoir, est en train de
détruire par toutes sortes de mesures. Naturellement, cette loi va aider
les gros hôtels et le tourisme au Québec, mais il va quand
même empêcher peut-être une clientèle de s'en aller
vers les propriétaires québécois, canadiens dans nos
restaurants, dans nos maisons de chambres. Vous en avez dans le Vieux
Québec une foule, et peut-être que certains députés
même demeurent dans ces chambres d'hôtel qui ont aussi une
clientèle passante. Le camionneur artisan qui est obligé,
à l'occasion d'un voyage un peu plus long, de coucher dans la ville de
Québec, à Montréal, Saint-Hyacinthe ou ailleurs sera
obligé d'aller dans les hôtels multinationaux au lieu de faire
vivre des petits propriétaires qui ont besoin de gagner leur vie et dont
l'argent revient continuellement au Québec, retourne au Québec,
alimente le roulement, fait vivre une foule d'employés qui
dépensent leur argent ici.
C'étaient les deux choses que j'avais à dire sur les
principes du projet de loi, enfin demander au ministre s'il y avait
possibilité d'enlever la taxe complètement sur les repas, dans
les restaurants, ce qui donnerait une chance à nos petits
hôteliers, aux propriétaires de maisons de chambres, en même
temps à tous nos petits restaurateurs de gagner encore leur vie et
d'attirer le tourisme en plus grande abondance.
Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Mme la Présidente, j'ai été
impressionné par le débat jusqu'à maintenant parce que je
me rends compte qu'il y a, comment dire, toutes espèces de "lobbies"
à l'oeuvre qui manifestement font le tour dans l'Assemblée
nationale avec leurs préoccupations. Parlons au fond du droit
réglementaire qui se trouve dans cette loi sans mentionner un article en
particulier. Ce droit réglementaire, on dit que le ministre
l'utiliserait pour imposer des petites bouteilles dans les bars. Je n'en ai pas
parlé, Mme la Présidente, pour la raison suivante, c'est que cela
ne peut pas mar-
cher. Je ne sais pas d'où vient le débat. Une des raisons
pour lesquelles je n'ai pas soulevé les petites bouteilles, c'est que
cela ne peut pas fonctionner pour les raisons très simples que vous
comprendrez, j'imagine facilement, pour ceux d'entre vous qui comme moi ne
détestent pas les cocktails mélangés.
S'il s'agit de verser dans un verre un scotch ou un gin, cela va
très bien. Mais comment faites-vous un cocktail mélangé
avec un certain nombre de centaines de petites bouteilles devant vous, en
mettant un petit peu de l'une, comment vous stockez cela? Je n'ai rien à
vous dire. De toute façon, je ne le fais pas. Non. Que des gens aient
des frayeurs. Il y a des gens qui ont des frayeurs comme autrefois certaines
femmes avaient des vapeurs; cependant, cela ne peut pas fonctionner, les
petites bouteilles.
Il y a quelques Etats américains qui ont tenté
l'expérience et c'est tout à fait probable. Je veux bien qu'on en
discute pendant une heure des petites bouteilles, moi je n'en ai pas
parlé parce que je suis persuadé qu'il n'y a rien là.
On m'a demandé comment contrôle-t-on la fraude et comment
établit-on un montant précis sur la fraude? Je pense que c'est le
député de Portneuf qui disait cela. Si je pouvais établir
un montant précis sur la fraude, il n'y aurait pas de fraude.
Voilà, forcément, par définition, vous comprenez, la
fraude on ne peut pas déterminer un montant.
M. Pagé: Est-ce que le ministre me permet une
question?
M. Parizeau: Celui qui a parlé de fraude ce soir... Le
député de Portneuf, je suis entré ici en vitesse en
disant: Je vais soulever une question de privilège, il m'attribuait des
commentaires sur la fraude. Ce n'est pas moi qui ai parlé de fraude; je
pense que c'était le député d'Outremont. Moi, je n'ai pas
dit un mot là-dessus, ce soir. Je n'ai vraiment pas dit un mot sur la
fraude ce soir; je n'ai quand même pas la berlue.
M. Raynauld: Je soulève une question de privilège,
Mme le Président.
Mme le Vice-Président: Sur une question de
privilège.
Une Voix: II est encore là.
M. Raynauld: Oui, je suis encore là et j'ai l'intention de
rester. Si le ministre n'a pas parlé de fraude ce soir, c'est exact,
mais on n'a pas dit qu'il avait parlé de fraude ce soir. J'ai fait
référence à un article dans la Gazette où on a dit
que c'était son chef de cabinet, M. Séguin, qui avait
donné des estimations de fraude à cause de la non-identification
des bouteilles. Il n'a pas contesté. Le ministre n'a pas retiré
ces estimations et ce sont ces estimations auxquelles j'ai fait rapport. Il y a
quand même des limites.
M. Parizeau: Mais je ne faisais pas allusion à ce qu'avait
dit le député d'Outremont, je faisais allusion à ce que le
député de Portneuf m'attribuait. Alors, ce n'est pas moi qui en
ai parlé, c'est le député d'Outremont.
M. Pagé: Mme le Président, question de
privilège.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Mme le Président, très
brièvement, sans vouloir en faire un débat...
Mme le Vice-Président: A l'ordre, M. le
député.
Une Voix: ...
M. Pagé: Levez-vous donc, ce serait rare, vous ne vous
levez jamais, vous. Vous devriez vous lever de temps en temps, vos
électeurs seraient peut-être un peu plus satisfaits.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Duplessis, s'il vous plaît!
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Brièvement, Mme le Président, il y
a une déclaration qui a été reproduite dans la presse qui
aurait été faite par le chef de cabinet du ministre des
Finances...
Mme le Vice-Président: M. le député, est-ce
que c'est vous... Vous considérez que c'est votre privilège qui
est attaqué, M. le député, comme je l'ai demandé au
député de Papineau tantôt, je vous demanderais parce
que les questions de privilège sont quand même quelque chose de
sérieux de ne pas abuser ni les uns ni les autres des questions
de privilège. Sur ce, M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Mme le Président, le ministre des Finances
a voulu m'imputer des motifs ou des paroles. Ce à quoi j'ai fait
allusion c'était à un de ses collaborateurs, puis à ce que
je sache, son chef de cabinet, c'est un de ses collaborateurs, purement et
simplement.
Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Mme le Président, il y a des cas, si on
voulait absolument m'attribuer une évaluation très
grossière de ce qu'on perd comme argent, je pense déjà en
avoir parlé en commission parlementaire. Cela ne m'étonnerait pas
qu'en fouillant un peu mettez un recherchiste au travail vous
allez probablement trouver que j'ai moi aussi lancé des estimations
très grossières, par définition, on ne sait pas.
Néanmoins et je reviens à certaines choses qui ont
été dites tout à l'heure il y a deux
façons, dans l'hypothèse où on sait qu'il y en a
beaucoup admettons que nous nous entendons sur cela il y a deux
façons de traiter cela. Je peux recruter un bataillon d'inspecteurs.
Quand je pense que le député de Portneuf qui, déjà
tout à l'heure, déplorait le nombre d'inspecteurs, il n'aimerait
pas en avoir un de plus. A la limite, je ne peux tout de même pas mettre
un inspecteur derrière chaque "bar man". C'est le Revenu qui est
chargé de contrôler la consommation de l'alcool, par la loi. Je
peux donc recruter des centaines de braves zigs qui, au coût qu'on paie
ce genre de monde, à $0.21 le mille à part cela, vont aller faire
de l'inspection et empoisonner les hôteliers chez eux. Je peux faire
cela. Je trouve cela ridicule. C'est du gaspillage de fonds publics. D'autre
part, cela empoisonne, finalement, les braves hôteliers, qui ont quand
même autre chose à foutre que de se faire contrôler
constamment à longueur de journée. (22 h 50)
N'en faisons pas un débat, il n'y en a pas. Il n'y a pas de
débat sur cela. Il s'agit maintenant de trouver des moyens
d'identification ou possiblement de perception, d'ailleurs, des mêmes
taxes a la source, le plus loin possible ici, on entre dans des
problèmes constitutionnels qui sont assez compliqués, d'ailleurs
du détail, des ventes au détail de façon,
premièrement, afin, que le gouvernement recueille les taxes qu'il doit
percevoir; deuxièmement, de façon à empoisonner le moins
possible les hôteliers et les propriétaires de bar;
troisièmement, qu'il n'y ait pas de répercussions, en tout cas,
pas d'importantes, sur le consommateur ou le client. Il faudrait
réconcilier ces trois objectifs.
Il y a, sur le plan des techniques, toute une série de choses
qu'on peut retenir. Je suis impliqué par exemple, à l'heure
actuelle, dans de sombres discussions de bouchon. C'est pour cette raison que
j'ai besoin de la question du format. Il y a des bouchons qui sont tels qu'on
ne peut pas remplir trois ou quatre fois la même bouteille. Quand elle
est vide, elle ne peut plus être remplie. Ce n'est pas tout à fait
à l'abri de la fraude, parce qu'on m'a parlé de sombres histoires
de seringue. Vous comprenez? Il faut que j'aie un droit de
réglementation; et comment va-t-on l'exercer en fonction des objectifs
que j'expliquais tout à l'heure? Essentiellement en collaboration avec
l'industrie. Une des raisons principales pour laquelle le "lobby" de tout ce
monde a pu se manifester par les députés présents ce soir,
c'est qu'ils sont tous passés par mon bureau; on les rencontre tout le
temps et on essaie de faire en sorte, justement avec eux, de trouver le moyen
de satisfaire les objectifs dont j'ai parlé tout à l'heure, en
collaboration directe avec ces derniers.
Il y en a qui ne sont pas contents, je l'admets, parce qu'il y en a qui
profitent pas mal de la situation actuelle. On en attrape ainsi de temps
à autre. Il y en a d'autres qui règlent leurs impôts, leur
taxe de vente à payer régulièrement et qui, au fond, ne
seront pas dérangés. Tout ce que je voudrais faire, c'est mettre
un peu tout le monde en garde contre le fait que vous avez là-dedans des
gens très honnêtes et d'excellents citoyens. Vous en avez d'autres
qui, parfois, prennent une chance. Vous en avez un troisième groupe qui
prend des chances assez souvent, jusqu'à ce qu'il se fasse prendre. Il
faut apprécier les commentaires. L'humanité est aussi diverse de
ce côté-là qu'elle l'est dans la société en
général. Cela implique que j'ai évidemment beaucoup de
consultations avec ces gens-là. Il faut qu'on trouve une
réglementation qui nous permette de satisfaire en gros les trois
objectifs dont je parlais tout à l'heure.
C'est dans ce sens que je n'ai pas fait un débat de fond ici,
parce qu'à mon sens ce n'est pas un débat de fond; j'aimerais
tellement mieux que cela puisse se régler de cette façon,
plutôt que le ministère du Revenu aille embaucher 200, 300, 400
inspecteurs qui se promèneraient de bord en bord pour aller faire des
vérifications à des heures indues de la nuit ou subrepticement le
matin, le lendemain de la veille. Bon. Si on peut régler le
problème par d'autres moyens, ce serait infiniment
préférable.
Il y a effectivement des compagnies, dans le domaine des brasseries, qui
ont estimé le coût que cela pourrait représenter si on
avait des identifications différentes de bouteille. Je crois comprendre,
par les chiffres qui ont été mentionnés ce soir, que ce
sont les premières estimations, les estimations originales qui circulent
encore depuis ce temps. Grâce justement à ces gens de mon cabinet,
auxquels on a fait allusion tout à l'heure, on a raffiné les
chiffres au point où on commence à s'entendre sur des
répercussions beaucoup moins dramatiques que certaines de celles qui ont
été discutées ce soir.
Encore une fois, ces choses ne seront pas établies par
règlement avant que l'industrie ait été continuellement et
jusqu'au bout sondée de façon à réaliser les trois
objectifs dont je parlais tout à l'heure. Quant à l'aide
apportée à l'industrie touristique elle-même, je comprends
qu'on peut déborder dans toute espèce de direction, on veut
toujours faire mieux, on peut toujours dire: Oui, mais pourquoi n'y a-t-il pas
de crédit touristique là-dedans? Il n'y a pas de crédit
touristique là-dedans pour une bien bonne raison, le projet de loi ne
porte pas là-dessus.
Pourquoi ne supprimerait-on pas la taxe sur les repas? Je pense que
c'est le député de Laurier, tout à l'heure, qui disait:
Supprimons la taxe sur les repas. Supprimer la taxe sur les repas, je ne sais
pas comment interpréter cela. Pour le député d'Outremont,
il n'y a pas de quoi fouetter un chat, parce que cela ne rapporte que $157
millions. On l'a entendu dire, ce matin, que l'augmentation des exemptions
personnelles pour les femmes mariées, il n'y avait pas là de quoi
fouetter un chat et cela exemptait de $125 millions.
J imagine que c'est un deuxième chat, à $157 millions,
c'est presque le même montant! Cela peut paraître une mesure
secondaire qui aiderait lindustrie touristique. Pour moi, ce n'est pas une
industrie secondaire. Qu'est-ce que vous voulez?
C'est $157 millions. Et l'équilibre des finances publiques du
Québec fait qu'on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a. $157 millions, le
faire tout de suite, mais, évidemment, je n'ai pas les moyens de faire
cela. Evidemment, le trésor québécois n'a pas les moyens
de faire cela. Plus modestement, on a enlevé 8% de taxation sur les
chambres d'hôtel, ce qui enlève $20 millions de taxation sur une
industrie qui en avait sérieusement besoin et qui, depuis ce temps,
félicite le gouvernement d'avoir posé ce geste et a, avec nous,
de ce temps-ci, les meilleurs rapports. Qu'est-ce qu'on veut de plus? Merci,
Mme le Président.
Mme le Vice-Président: Cette motion du ministre des
Finances proposant que soit maintenant lu pour la deuxième fois le
projet de loi no 80, Loi modifiant de nouveau la Loi de la taxe sur les repas
et l'hôtellerie, est-elle adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Secrétaire: Deuxième lecture de ce projet de
loi.
Renvoi à la commission du revenu
M. Charron: Madame, je propose que ce projet de loi soit
déféré à la commission parlementaire du revenu qui
veillera à l'étudier article par article.
Mme le Vice-Président: A la commission parlementaire des
finances, M. le leader?
M. Charron: Du revenu, madame, parce que. j'ai l'intention de
convoquer une seule commission pour étudier les projets de loi que nous
étudions ce soir.
Mme le Vice-Président: Cette motion est-elle
adoptée?
Des Voix: Adopté.
M. Charron: Madame, nous avons donc adopté deux des sept
projets de loi que nous devons adopter avant d'ajourner l'Assemblée. Je
propose maintenant que vous appeliez le troisième, c'est-à-dire
l'article 21 de notre feuilleton aujourd'hui.
M. Goulet: Mme le Président, un détail technique,
je m'excuse. C'est écrit que le projet de loi est présenté
par le ministre des Finances, il n'y a aucune différence, on le
défère à la commission du revenu?
M. Charron: II n'y a rien d'illégal à ce que je
viens de faire. On pourrait toujours faire la concordance, mais vous savez que,
théoriquement, j'aurais pu le déférer à la
commission des terres et forêts; pour un projet de loi, l'important est
que des députés veillent à l'étudier article par
article. C'est ce qu'impose notre règlement et je ne pense pas que j'aie
de corrections à faire à ce que j'ai proposé.
Projet de loi no 81
Deuxième
lecture
Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances propose
la deuxième lecture du projet de loi no 81, Loi modifiant de nouveau la
Loi de l'impôt sur la vente au détail.
M. le ministre.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Mme le Président, je vous avouerai que je ne
peux pas aborder cette question de l'impôt sur la vente au détail
sans une certaine émotion. Je crois que, effectivement, cela a
marqué ce qu'on appelle maintenant la crise de la taxe de vente, que
cela a marqué, au Québec, un moment important à la fois
d'unanimité des Québécois et de leurs partis politiques
face à l'intrusion d'un gouvernement fédéral dans un champ
de taxation qui n'était manifestement pas le sien. C'est un moment de
collaboration entre nous tous, d'ailleurs, que personnellement j'ai vivement
apprécié, une sorte de je pense que le terme n'est pas
trop fort ferveur dans beaucoup de milieux québécois,
devant l'aptitude de leurs institutions à se tenir debout, et je fais
cela absolument sans partisanerie. Je suis persuadé que si l'appui
général que nous avons reçu n'avait pas été
disponible, nous n'aurions jamais pu faire vraiment aboutir, comme cela a
abouti, cette démarche. Bien sûr, le gouvernement du
Québec, en abolissant la taxe de vente sur les vêtements, les
chaussures, les meubles et les tissus, pour un an, jusqu'au 31 mars, s'est fait
prendre dans un tour de passe-passe où le gouvernement
fédéral a distribué des chèques aux particuliers au
lieu de rembourser au gouvernement du Québec ce qui aurait dû lui
être versé, mais ce sont les aléas de nos relations
fédérales-provinciales dont des vieux routiers comme moi
finissent par avoir un peu l'habitude. (23 heures)
II y a toujours moyen de s'en sortir, d'ailleurs, la preuve est faite
qu'on s'en est sorti. Cela a aussi marqué, je pense, à
l'égard des consommateurs et des producteurs du Québec, un moment
important. Sur le plan du relèvement de l'économie du
Québec, nous avions perdu, en 1977, presque 40 000 emplois dans le
domaine industriel, dont les trois quarts étaient concentrés dans
ces secteurs traditionnels d'activités; 1977 a été une
année très dure sur ce plan.
D'autre part, un relèvement de l'économie implique
évidemment qu'on relève les emplois industriels, mais pour faire
cela, il faut quand même que le consommateur ait davantage d'argent dans
ses poches. Or, jusqu'à la fin de 1977, le consommateur, au
Québec, voyait, année après année, l'augmentation
de son pouvoir d'achat réel transférée en impôts
provinciaux, municipaux, systématiquement, chaque année, et cela
pendant quatre ans. On ne peut pas relever une économie avec des
consommateurs dont l'augmentation du pouvoir d'achat s'en va constamment en
impôts. Cela aura marqué, et pour les consommateurs et
pour la production, un moment important. Pour les consommateurs,
évidemment, compte tenu de la réforme fiscale dont je parlais
plus tôt aujourd'hui, laquelle aura transféré à peu
près $300 millions, plus les $85 expédiés par le
gouvernement fédéral qu'on a laissés aux
Québécois, plus les réductions de la taxe de vente, cela
implique une chose: Au cours de l'année qui vient de s'écouler,
on aura transféré aux contribuables des réductions
d'impôts totales d'à peu près trois quarts de milliards de
dollars.
On a l'habitude, quand on pense aux chiffres qu'émet un ministre
des Finances du gouvernement fédéral, d'avoir des chiffres assez
gros; mais cela date de quand l'époque où le gouvernement
fédéral aurait accordé aux particuliers une
réduction des impôts, pour tout le Canada, de $2,5 milliards ou de
$3 milliards? On n'a pas vu cela depuis très longtemps. Or, sur la
même échelle, c'est ce que nous avons fait en 1978 au
Québec. Et l'exemption de la taxe de vente est une des pièces
importantes, majeures, pour les producteurs, évidemment. Cela s'est
associé à d'autres mesures prises par le ministère de
l'Industrie et du Commerce, prises par la Société de
développement industriel, prises par toute une série d'instances
gouvernementales qui, à la suite de consultations avec l'industrie, se
sont rendu compte que par un faisceau de mesures différentes, on pouvait
redonner à cette industrie un allant, une productivité, un
développement qui permettraient d'espérer beaucoup plus pour
l'avenir.
Habituellement, je suis très critique vis-à-vis du
gouvernement fédéral à cet égard. Je dois
reconnaître ici qu'en accordant des quotas, des contingents de trois ans
à l'industrie de la chaussure et à celle du vêtement, le
gouvernement fédéral aura donné un solide coup de main. Je
peux le dire de temps à autre, une fois n'est pas coutume, mais cela
s'est inscrit clairement dans un programme de relèvement dont ces
industries avaient sérieusement besoin.
Je ne veux pas aller plus loin dans la description des effets de ces
mesures. Nous avons eu l'occasion d'en discuter souvent en Chambre et d'essayer
de faire le point sur cette question. Il est un peu tard, ce soir, je pense,
pour reprendre tout ce débat et toutes les caractéristiques de
l'évolution qui s'en est suivi. Cependant, je voudrais simplement
ajouter qu'à l'occasion de l'ouverture de la Loi de la vente au
détail, pour consacrer par la loi ce que nous avons fait
déjà depuis le 12 avril dernier, on aura ajouté un certain
nombre d'exemptions de la taxe de vente essentiellement de deux types:
Exemption de la taxe de vente sur un certain nombre de produits ou de
véhicules qui sont utilisés par les handicapés. Je pense
que c'est une mesure qui va de soi, qui est de caractère social
évident et qui ne demande pas de commentaires très longs. Cela
s'inscrit dans cette législation à l'égard des
handicapés, dans ces mesures d'aide à l'égard des
handicapés, dans ces mesures fiscales pour les aider; c'est une
législation qui, depuis un an ou un an et demi, a connu un certain
réveil, comme on le sait, dans le cadre du présent
gouvernement.
Deuxièmement, nous avons accepté aussi d'exonérer
de la taxe de vente les rubans magnétiques ou les ventes de disques pour
les fins de diffusion publique par des stations de radio ou de
télévision, ainsi que les ventes de films. C'est un geste qui,
pour cette industrie qui éprouve, sur le plan de la concurrence, des
difficultés qu'on connaît bien en raison même de la petite
taille du marché que nous occupons en Amérique du Nord,
était demandé depuis très longtemps. Là encore,
cela ne réglera pas du tout, bien sûr. On me dira: Cela ne
remplace pas la société des industries culturelles. Mais non,
forcément. Mais cela s'ajoute, là encore, à une sorte de
coordination, vers des objectifs de développement que le gouvernement
s'est fixés.
Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire dans un
premier temps à l'égard de ce projet de loi 81. Je reviendrai, au
besoin, en réplique, en y ajoutant des éléments, s'il le
faut. Merci, M. le Président.
Le Président suppléant (M. Clair): M. le
député d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Oui, M. le Président, je serai très
bref. Je pense aussi qu'il est un peu tard pour s'engager dans un débat
de fond sur les réductions sélectives de la taxe de vente; donc,
je m'en abstiendrai. Mais j'ajouterai deux petites remarques à propos
des réductions de taxe de vente qui s'ajoutent au projet de loi, l'une
qui se rapporte à l'exénoration de la taxe de vente sur les
produits, médicaments et même les véhicules et
équipements servant aux handicapés, que je voudrais approuver
explicitement, de même que la seconde portant sur l'exonération de
la taxe de vente en matière de films et de disques. Ce sont deux mesures
que nous accueillons favorablement, même si elles ne règlent pas
l'ensemble des problèmes. Mais, comme telles, ce sont deux mesures que
je tenais à souligner comme ayant notre appui. Merci, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Clair): M. le
député de Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: M. le Président, sur le projet de loi 81, je
serai quasiment obligé de suivre l'exemple de mon collègue
d'Outremont. M. le Président, ce projet de loi...
Une Voix: ...
M. Goulet: Non, quelques commentaires quand même. Ce projet
de loi modifie la Loi sur la taxe de vente; il abolit surtout la taxe sur les
vêtements, les chaussures et les meubles. On se rappelle que cette mesure
a permis de donner un très bon élan à l'industrie de ce
qu'on appelait communément le secteur mou. Vous savez sans doute que
l'on pourrait passer de nombreuses
heures à discuter. Seulement, lorsqu'on aperçoit le titre
de ce chapitre, on se rappelle ici les débats qui ont été
tenus, on se rappelle l'unanimité qu'il y a eu, le vote de confiance que
tous les membres de l'Assemblée nationale avaient alors donné au
ministre des Finances. Je pense, étant donné l'heure, qu'il va de
soi, Mme le Président, qu'on ne reviendra pas sur ce chapitre, bien
qu'on puisse se rappeler, par exemple, la solidarité qu'il y avait eue
en cette Chambre lorsque ces mesures avaient été
annoncées.
Est-ce que l'on reverra ces mesures l'an prochain parce qu'elles ont
été votées pour un an? Le premier ministre l'a
déjà annoncé, je crois que c'est dimanche dernier; il l'a
souligné et a semblé dire que nous pourrons revoir ces mesures.
Tant mieux! Félicitations! Elles pourront encore avantager les
Québécois et surtout ceux qui achètent ces articles et
surtout ceux qui oeuvrent dans cette industrie.
J'aimerais également rappeler au ministre que j'étais
heureux lorsqu'il a annoncé ce projet de loi. Il se rappellera sans
doute que, dès octobre ou novembre dernier, j'avais, lors d'une
allocution, demandé et insisté auprès du ministre pour
qu'on enlève justement la taxe sur ces trois articles. J'en avais
ajouté un autre. Vous comprenez, Mme le Président, pourquoi je
suis heureux de voir un tel projet de loi.
Il y a une très courte question que j'aimerais poser au ministre
concernant le remboursement à une personne privée de l'usage de
ses membres. Bien sûr, je change de chapitre. C'est concernant le
remboursement à une personne privée de l'usage de ses membres
inférieurs, l'abolition de la taxe payée sur l'achat d'un
véhicule conçu pour lui en permettre la conduite. Cela vaut
également pour une personne qui effectue dans un but non lucratif le
transport de ces personnes. (23 h 10)
J'ai vérifié cet article, c'est-à-dire le principe
énoncé dans cet article, mais on voudrait que le ministre nous
dise, lors de sa réplique... Si un véhicule est acheté par
un handicapé, c'est-à-dire handicapé des deux membres
inférieurs, mais qu'il n'est pas modifié... Je prends comme
exemple une personne, un homme qui achèterait ce véhicule, qui
n'a pas besoin de le faire transformer, un véhicule ordinaire, et que
cela pourrait être son épouse ou son fils qui conduirait
l'automobile, mais le véhicule est bel et bien acheté au nom et
payé par la personne handicapée. Etant donné que le
véhicule n'aura pas besoin de modification, est-ce qu'il aura droit
quand même à la réduction de la taxe?
Je pense que c'est bien important, parce qu'il y a là un
principe. Je ne vois pas la différence entre une personne, deux
handicapés, par exemple, deux voisins, qui ont tous les deux les jambes
coupées et dont un devra faire modifier son véhicule... D'accord,
si on enlevait la taxe sur le prix de la modification, les pièces
à modifier, je serais d'accord mais, si je comprends bien le projet de
loi, on enlève la taxe sur le prix total du véhicule, y compris
les modifications. Vous savez, l'autre personne qui a le même handicap et
qui n'aurait pas besoin de faire modifier son véhicule, mais qui a quand
même besoin d'un véhicule, parce que son épouse peut le
conduire... Pourquoi, à ce moment, le principe ne vaut-il pas?
Egalement, si on a senti le besoin, madame, d'enlever la taxe sur un
véhicule transformé quand une personne n'a pas ses deux jambes,
il me semble qu'on aurait dû faire la même chose pour les gens qui
sont obligés de faire modifier leur véhicule, les gens qui ont
seulement un bras. On sait souvent qu'ils sont obligés de changer le
bras de vitesse de côté ou des modifications semblables. Je me
demande pourquoi on n'aurait pas pu l'inclure également, quand c'est un
véhicule qui est modifié. Je ne vois pas pourquoi l'idée
des deux jambes, parce que souvent, quelqu'un a seulement un bras ou seulement
une jambe et doit quand même faire modifier son véhicule... Ou
encore un certain pourcentage de taxe, une certaine
rémunération... mais là, il fallait que ce soient les deux
jambes. C'est simplement cette question que je voudrais que le ministre, lors
de sa réplique tout à l'heure, nous dise à quoi on doit
s'en tenir quant au principe parce qu'il me semble que ce n'est pas tout
à fait clair.
Etant donné, madame, il va de soi, encore là, que ces
mesures sont des coupures de taxes et que dans les domaines de la chaussure, du
vêtement et du meuble, nous avons pu constater l'efficacité de ces
mesures, il va de soi que nous appuierons ce projet de loi en deuxième
lecture.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Frontenac.
M. Gilles Grégoire
M. Grégoire: Mme le Président, je voudrais dire
quelques mots sur ce projet de loi, d'autant plus que je crois que c'est un des
meilleurs projets de loi qui aient été apportés au cours
de la présente année, surtout que ce projet de loi, abolissant la
taxe de vente dans trois domaines bien particuliers, a permis au Québec
de faire valoir plusieurs points: d'abord le fait que toute cette
Assemblée nationale, que tous les députés du Québec
ont été unanimes à réaffirmer la juridiction
complète et entière du Québec sur la taxe directe de
vente, étant donné que tous se sont unis pour réaffirmer
cette juridiction et cette autorité du Québec sur la taxe de
vente, je crois que cela a été là quelque chose de rare
qui a été accompli, puisque tous se sont unis pour affirmer que
le Québec a des droits et qu'il doit les protéger.
Je dirai également que cela nous a permis également de
constater quelque chose de très important, à savoir que, s'il y a
un gouvernement qui est capable de bien cerner, de bien constater quelles sont
les priorités du Québec, c'est bien le gouvernement du
Québec, et que ce n'est pas le gouvernement d'Ottawa qui a su cerner
quelles étaient les priorités dans le domaine de réduction
de taxe, dans le domaine économique pour le
Québec. Cela a été le gouvernement du
Québec, plus proche des citoyens, qui a été celui qui a
été capable de réellement cerner les besoins.
En effet, quels étaient les besoins? C'était de voir
à détaxer le plus possible les produits du Québec, ceux,
par exemple, comme le textile, où il y a de nombreuses industries un peu
partout dans le Québec, les produits du meuble, les meubles par exemple,
où nous avons plusieurs industries et plusieurs milliers
d'employés, le textile, le vêtement, tous ces secteurs de la
production industrielle où nous avons des dizaines de milliers de
travailleurs. Mais ces secteurs s'en allaient de plus en plus en
décroissant parce qu'Ottawa le gouvernement fédéral
permettait des entrées de produits venant de l'extérieur
à des prix inférieurs à ceux qui sont produits ici au
Québec et le fait d'enlever la taxe de vente sur ces produits a permis
un regain dans ces industries et, on a pu le constater, ces industries ont
recommencé à prospérer, mais c'est grâce à la
loi qui abolissait complètement la taxe de vente sur certains produits
dont le meuble, le vêtement, le textile et le reste.
On a donc pu en voir les effets bénéfiques et c'est
pourquoi je dis que, s'il y a un gouvernement qui est capable de cerner les
priorités, c'est bien le gouvernement de Québec et il a
joué son rôle. On a pu voir, par ce projet de loi, par cette taxe
de vente abolie dans certains secteurs, quelque chose qui a été
unique cette année à l'Assemblée nationale. On a pu voir
le Québec discerner les besoins et on a pu voir l'unanimité des
députés autour de la réaffirmation de la juridiction du
Québec sur la taxe de vente. C'est pourquoi je suis heureux de m'unir au
député d'Outremont, de munir également aux
députés de l'Union Nationale et aux autres partis de l'Opposition
en cette Chambre pour féliciter le ministre des Finances du
Québec qui a su apporter la bonne solution à ce problème
de la taxe de vente.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Drummond.
M. Michel Clair
M. Clair: Rarement une mesure comme celle qui a été
prise par le ministre des Finances au Québec aura eu des effets aussi
diversifiés et aussi positifs à plusieurs points de vue, Mme le
Président.
Venant d'une région où l'industrie du textile est
largement implantée, où l'industrie du textile domine le secteur
manufacturier, ce soir, c'est l'expression, je dirais presque de gratitude, de
toute une population que je voudrais rendre au ministre des Finances à
ce sujet.
Le premier résultat de l'abolition sélective de la taxe de
vente dans le domaine du textile et du vêtement a certes
été, dans des régions comme la mienne, de relancer
l'industrie, l'industrie du textile. Pour vous donner simplement, sans la
nommer, le cas d'une entreprise chez nous, en moins de trois ans, elle avait
connu une baisse, dans le niveau de l'emploi, de plus de 500 emplois. Pour une
ville qui a une main-d'oeuvre d'environ 9000 travailleurs, inutile de vous dire
l'immensité de l'impact d'une industrie textile et du vêtement qui
allait en déclinant.
Je voudrais vous donner le nom de cinq ou six villes du Québec et
l'importance du secteur bien précis du textile dans le domaine des
emplois manufacturiers. A Magog, le secteur manufacturier comprend 2900
travailleurs; on retrouve dans le domaine de l'industrie du textile 2200
personnes, soit 75,9% des gens qui y oeuvrent.
A Louiseville, sur 2174 travailleurs et travailleuses du secteur
manufacturier, 1142, soit 52%, travaillent dans l'industrie du textile.
A Saint-Georges-de-Beauce, 49,8% des 7167 travailleurs et
travailleuses.
A Cowansville, 42,5% avec 1683 travailleurs sur 3956.
A Drummondville, sur une main-d'oeuvre totale, en 1975
toujours, de 9652 travailleurs, 4057 oeuvraient dans l'industrie du
textile.
Je pense qu'à ce moment-ci, je suis en mesure de vous dire que
les deux principales industries de textile dans ma ville m'ont confirmé
la semaine dernière que l'ensemble de leurs métiers à
tisser fonctionnait à plein rendement et elles reconnaissaient que l'une
des raisons importantes pour cela, c'était justement l'abolition de la
taxe de vente sur les vêtements et les textiles. (23 h 20)
Mme le Président, comme le disait si bien mon collègue de
Frontenac tantôt, je pense que cela démontre à quel point
on peut compter sur le gouvernement du Québec et à quel point ce
gouvernement est bien placé pour répondre aux besoins de
l'industrie locale en vue du développement et surtout de la
stabilisation du niveau d'emploi dans ce domaine.
L'abolition de la taxe de vente dans le domaine des textiles a
également eu un effet social très important. Encore une fois,
l'abolition de la taxe sur les vêtements a permis à des gens de
répondre à des besoins fondamentaux dans le domaine de la
chaussure, dans le domaine du vêtement, dans le domaine des meubles et
cet effet social positif est venu s'additionner à l'effet positif sur
l'industrie.
Un troisième effet important a été de relancer le
commerce dans un grand nombre de villes et de régions, chez un grand
nombre de petits et moyens commerçants. Là non plus ce n'est pas
un effet négligeable parce que le niveau d'emploi dans les villes du
Québec passe également par l'intensité des
activités du commerce.
Enfin, je n'ai pas l'intention d'être très long, Mme le
Président, je conclurai en disant que l'abolition de la taxe de vente
aura également eu un effet positif indirect. Même si cela a
témoigné d'un manque de collaboration évident de la part
du gouvernement fédéral, bien des Québécois ont eu
$85 en poche pour les réinvestir dans l'économie du Québec
à d'autres fins. Merci, Mme le Président.
Le Vice-président (Mme Cuerrier): M. le
député de Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: Très brièvement, Mme le Président,
pour constater le silence de mort de l'Opposition là-dessus et
deuxièmement pour dire que, malgré les remarques qui furent
faites à l'époque, la décision du Québec
était une décision égoïste, la décision du
Québec était une décision totalement égoïste
ce furent les propos de l'Opposition libérale à
l'époque. Les chiffres du fédéral que vient de citer mon
collègue ont montré que la décision du Québec avait
également servi les intérêts d'entreprises du textile et de
la chaussure en Ontario, chez nos chers voisins.
Je me souviens très bien que le président de Savage Shoe,
établi en Ontario, félicitait le ministre québécois
des Finances pour cette décision qui relançait son entreprise.
Par conséquent, il ne s'agissait pas, comme on l'a dit, d'une mesure qui
ne prenait en considération que les intérêts du
Québec, mais qui prenait en considération les
intérêts de tout un secteur de l'industrie au Canada et c'est cet
aspect sur lequel je tenais à insister brièvement, Mme le
Président, pour montrer que déjà nous avons à
l'esprit l'association économique et que déjà nos voisins
ont vu ce que cela voulait dire. Merci.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Fabien Cordeau
M. Cordeau: Devant la provocation, nous devons réagir.
Tantôt on nous a accusés d'être le silence de l'Opposition.
Nous allons parler, étant donné qu'il faut absolument parler sur
ce projet de loi afin de n'être pas silencieux. Ce ne sera pas long, mais
je dois dire ici que nous-mêmes de l'Opposition nous avons appuyé
le projet de loi du ministre des Finances en ce qui regarde l'abolition de la
taxe de vente concernant les secteurs mous. Je crois que cette
Assemblée, à cette occasion, fut unanime et que nous-mêmes
avons revendiqué pour l'Opposition les droits et prérogatives de
la province de Québec en ce qui regarde la taxe de vente. Nous avons
appuyé le ministre des Finances et cette Assemblée a pris une
décision unanime à cette occasion.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le
député de Papineau.
M. Jean Alfred
M. Alfred: Mme le Président, je dirai quelques mots
étant donné que j'habite l'Outaouais québécois,
zone où s'établira la capitale de l'association économique
avec le Canada. Pour la première fois, les marchands de l'Outaouais
québécois ont profité d'un projet de loi utile à la
population de l'Outaouais québécois. Les Ontariens viennent
encore nombreux acheter chez nous. Ils sont heureux d'acheter chez nous.
Bien sûr, le ministre fédéral des Finances avait
voulu faire adopter une loi réduisant de 3% la taxe de vente. Comme
après trois, six ou neuf mois, les taxes ont repris l'allure initiale,
nous sommes encore d'autant plus heureux que les Ontariens viennent encore chez
nous faire faire des profits aux vendeurs de la chaussure, des textiles, des
meubles, des vêtements. C'est la première fois aussi, Mme la
Présidente, que les marchands de l'Outaouais québécois ont
vanté, ont magnifié un ministre des Finances qui a adopté
une loi dans l'intérêt des Québécois de chez nous,
surtout les Québécois de l'Outaouais.
Ils ont toujours été des victimes, parce que les taxes
étaient toujours plus élevées chez nous qu'en Ontario.
Pour les vendeurs de l'Outaouais, québécois, Jean Alfred,
député de Papineau, dit merci au ministre des Finances, dit merci
à l'équipe Lévesque.
Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances
exercera-t-il son droit de réplique?
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Très brièvement, Mme la
Présidente, pour remercier sincèrement les membres des
commentaires que je viens d'entendre des deux côtés de la Chambre,
effectivement, ce n'est pas un droit de réplique que je veux exercer, je
veux seulement donner certains éclaircissements qui avaient
été demandés tout à l'heure par le
député de Bellechasse.
Actuellement, nous n'envisageons pas de détaxer un
véhicule non transformé. Là encore, nous avons
l'impression que le contrôle de ces véhicules qui seraient vendus
à certaines personnes souffrant de certaines infirmités, mais
sans transformation aucune, pourrait donner lieu à une porte ouverte
à un trafic difficile à contrôler. Nous n'avons pas encore
envisagé d'exempter de la taxe de vente des véhicules qui ne
seraient transformés que, par exemple, pour répondre à
l'absence d'un bras, mais ce n'est pas par intention, c'est parce que nous ne
connaissons pas encore suffisamment le type de transformation auquel il faut se
livrer.
Ce que je souhaiterais simplement, c'est que le député de
Bellechasse prenne ces modifications à la loi comme une ouverture, une
porte que nous ouvrons sur un secteur nouveau, que nous connaissons encore
assez mal. Là, nous savons très bien qu'en visant ces articles,
il y a difficilement moyen de se tromper, mais il est évident que si,
sur le plan technique, il y a moyen d'élargir, de ce côté,
il y a d'autres budgets qui viendront. Au fur et à mesure que nous
gagnerons plus d'expérience dans ce type de technique, je pense qu'il
faudra s'engager dans cette voie.
Merci, Mme la Présidente.
Mme le Vice-Président: Cette motion du ministre des
Finances proposant la deuxième lecture
du projet de loi no 81, Loi modifiant de nouveau la Loi de l'impôt
sur la vente au détail, est-elle adoptée?
Des Voix: Adopté.
Mme le Vice-Président: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
M. Charron: Mme la Président, et de trois.
Mme le Vice-Président: Vous allez sans doute, M. le
leader, faire déférence à la commission?
Renvoi à la commission du revenu
M. Charron: Oui, Madame, j'allais le faire à l'instant. Je
fais motion pour ce projet de loi soit déféré à la
commission du revenu.
Mme le Vice-Président: Cette motion est-elle
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Mme le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Voulez-vous, Madame, s'il vous plaît, appeler
l'article 22) du feuilleton?
Projet de loi no 88 Deuxième lecture
Mme le Vice-Président: II s'agit de la motion de
deuxième lecture de M. le ministre des Finances proposant que le projet
de loi no 88, Loi modifiant la Loi des licences, soit adopté en
deuxième lecture.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Mme la Présidente, la disposition de ce
projet de loi comporte une disposition fondamentale et deux dispositions
accessoires. La disposition fondamentale, bien sûr, c'est de traduire,
par législation, une décision qui a déjà
été prise d'imposer un droit sur les contenants non
consignés de boisson gazeuse ou de bière. (23 h 30)
II s'agit là, on s'en souviendra, d'un de ces cas où,
après avoir assez longuement examiné, avec les partis, les
dispositions qui avaient été annoncées dans le discours du
budget, j'ai été amené à annoncer à cette
Chambre que je pensais qu'il fallait les modifier; effectivement je les ai fait
modifier.
Au début, je pensais qu'une taxe assez forte, d'une part, pouvait
rapporter, bien sûr, les sommes dont le trésor public ne se passe
pas, mais d'autre part, ramener une contraction graduelle et le remplacement
graduel de ces contenants par des contenants consignés, donc,
réduire la pollution, il faut bien le dire, que ces contenants non
consignés représentent dans notre société.
A l'origine, sur la foi d'études poursuivies à
l'étranger, en particulier aux Etats-Unis, il était apparu
clairement que les formes de contrôle et de taxation de ces contenants
non consignés variaient considérablement d'un Etat à
l'autre. Toute espèce d'expériences ont été
tentées à cet égard aux Etats-Unis, dont les
résultats ont été souvent analysés. Ces
expériences révèlent des résultats ou des effets
très divers, et difficiles à interpréter.
Mon impression première, c'était qu'au niveau de taxation
prévu de $0.05 par canette, le déplacement se ferait vers des
contenants consignés, mais graduellement, petit à petit, donc que
l'impact sur l'emploi, sur la production, sur les entreprises
elles-mêmes, se ferait graduellement et sans trop de heurts.
Or, en discutant à la fois avec les entrepreneurs, les
propriétaires d'entreprises dans ce domaine et les syndicats
eux-mêmes, on sest rendu compte que l'on prenait un risque assez
sérieux avec plusieurs centaines d'emplois, et cela, à assez
court terme, même si on avait la certitude que chez les embouteilleurs
régionaux, on allait créer un nombre d'emplois assez important
aussi.
Seulement, on finit par se demander, lorsqu'on veut pratiquer une
politique brutale comme celle-là, en vertu de quoi on a le droit de
jouer à Dieu et décider que l'on supprimera, dans telle ville,
à Montréal par exemple, quelques centaines d emplois, pour en
créer ailleurs d'un seul coup, et manifestement de façon bien
plus brutale qu'il avait été envisagé à
l'origine.
Dans ces conditions, la décision a été prise de
réduire le droit à $0.02 pour les contenants ordinaires et de le
faire monter cependant de $0.01 par an, à moins que les producteurs de
contenants non consignés ne s'entendent avec le ministère de
l'environnement sur des mesures de contrôle à prendre.
Nous approchons, évidemment, de la prochaine étape,
c'est-à-dire $0.01 de plus. Pour le moment, je peux simplement dire
ceci, c'est que je n'envisage pas immédiatement d'avoir à monter
ces droits de $0.01, parce que les discussions qui ont eu lieu jusqu'à
maintenant entre les producteurs de ces contenants non consignés et le
ministère de l'environnement se sont déroulées à
vive allure. Il y a un certain nombre de propositions fort intéressantes
qui sont discutées de part et d'autre, et dans ce sens, je pense que
l'effet aura été atteint. En ne mettant que $0.02, on n'a pas
provoqué de drame sur le plan de l'emploi, mais néanmoins, on a
amené les producteurs à venir discuter directement avec le
gouvernement des mesures à prendre pour réduire graduellement la
pollution.
Bien sûr, dans ce sens, le trésor public va recevoir un peu
moins d'argent, mais je pense que les discussions sur le plan du contrôle
de la pollution entre les entreprises et le ministère de
l'environnement, elles, ont des chances d être un
peu plus intelligentes que ce qu'un droit aveugle et assez lourd aurait
simplement produit.
Si bien que, même si cela représente une modification
d'orientation en cours de route de ma part, je pense que, finalement, la
solution à laquelle on est arrivé est, je crois, meilleure que la
première. C'est en tout cas celle qui apparaît dans le projet de
loi no 88 et je pense qu'ici, il fallait faire preuve non seulement de
souplesse, mais il faut probablement, Mme le Président, dans des
domaines nouveaux comme ceux-là, accepter, dans la mesure où on
tient à maintenir des contacts avec l'activité économique
aussi bien sur le plan syndical que sur le plan des entreprises, de prendre des
virages quand il faut les prendre et quand cela paraît plus juste de les
prendre.
Les deux effets accessoires de cette loi ont trait, d'une part, à
la conversion de certaines mesures au système métrique, et cela
s'inscrit dans toute espèce de gestes du même genre que nous
prenons les uns après les autres et, d'autre part, à faire
disparaître les percepteurs de revenus, ce qui est un charmant
anachronisme de notre système fiscal, qui n'existe plus dans beaucoup de
pays d'ailleurs, qui a bien existé autrefois sous les rois de France,
mais qu'on ne connaît plus depuis longtemps dans les
sociétés civilisées. On en avait encore une trentaine. Il
s'agissait littéralement de percepteurs de droits et de licenses
à commission pour le gouvernement. Ce n'est pas banal. La plupart de ces
braves gens ont été nommés, enfin un assez grand nombre
d'entre eux, par patronage autrefois, mais le patronage n'étant plus
très actif, même depuis plusieurs années, on avait presque
oublié leur existence. On consacre, avec leur disparition, les derniers
restes du Moyen Age fiscal qui restaient chez nous. Dorénavant, leurs
fonctions seront assumées par le ministère du Revenu, comme cela
se fait partout ailleurs. Voilà à peu près le contenu de
ce projet de loi 88 dont je recommande l'adoption.
Mme le Vice-Président: M. le député
d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Oui, Mme la Présidente. Mes commentaires
seront brefs sur ce projet de loi. J'abonde dans le sens que le ministre vient
d'expliquer à propos des percepteurs du revenu. Il est bien entendu que
nous ne nous opposerons pas à l'adoption du système
métrique pour les mesures. Il reste la question des contenants non
consignés. Même là-dessus, je serais plutôt favorable
à cette taxe, sauf qu'il semble y avoir un problème technique que
je n'ai pas vraiment cherché à résoudre, mais qui consiste
dans le fait que les canettes ou les contenants à usage unique semblent
se recycler assez rapidement. On me dit que des canettes se dégradent
à peu près dans un an et demi ou deux ans. Lorsqu'elles sont
laissées dans une forêt, on dit: La canette, au bout de deux ans,
s'est oxydée. Je ne suis pas un ingénieur, mais c'est ce qu'on
m'a dit. Elle s'oxyde et, finalement, le résidu solide, s'il en reste,
n'est pas très important, tandis que, s'il s'agit de bouteille, on me
dit que la bouteille ne se recycle pas. Le verre va rester à
l'état solide de façon indéfinie, d'une manière
indéfinie dans le temps, de sorte que, c'est un peu paradoxal, on veut,
en fait, réduire la pollution en taxant les canettes, parce que les
canettes sont jetées après usage, tandis qu'en ayant des
consignes, à ce moment-là, on dit: Les contenants vont revenir,
donc on ne créera pas de pollution, sauf que là, il y a un
curieux arbitrage à faire, étant donné que, si on impose
les canettes, on va augmenter la consommation de bouteilles, si on augmente la
consommation de bouteilles et que cela va à ces consommateurs qui
habituellement utilisent les canettes, il va y avoir plus de bouteilles qui
vont être laissées dans la nature, avec justement des effets plus
nocifs que ceux des canettes. (23 h 40)
Je ne sais pas où se fait l'arbitrage et comment va s'harmoniser,
si je peux dire, le double objectif qu'on poursuit, mais je suis bien
prêt à m'en remettre aux discussions qui ont cours à
l'heure actuelle entre le ministère de l'environnement et l'industrie
manufacturière. Pour ce qui me concerne, par conséquent, je
souhaiterais que ces rencontres, ces discussions en arrivent à une
conclusion heureuse, de sorte qu'on n'ait pas à augmenter encore
davantage le poids de la fiscalité pour ces produits. Par ailleurs,
j'aimerais qu'en même temps, on trouve une solution à ce
problème que je soulève, donc une consommation accrue de
bouteilles dont la pollution qui en résulte est plus grande encore que
les canettes que l'on veut interdire. Dans sa réplique, le ministre
pourrait peut-être ajouter quelques renseignements supplémentaires
dans l'intérêt de cette Chambre sur ce sujet et de la façon
qu'il entend le traiter. Merci, Mme la Présidente.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. Encore une fois, je
vous dirai que sur le projet de loi 88, Loi modifiant la Loi des licences, je
serai très bref, bien que j'aurais envie de relever le défi du
député de Mercier quand il nous invite à parler plus
longtemps. Bien sûr, à cette heure, il y a des mots purs et
simples, et il y a des mots qui véhiculent des idées; mais
à peser le pour et le contre, j'essaierai de ne pas tomber dans le
piège et je me limiterai aux mots qui, d'après moi,
véhiculent des idées.
Il y a trois principes dans ce projet de loi. Il y a d'abord la
modification destinée à faire disparaître la fonction de
percepteur revenu, dont les pouvoirs seront dorénavant dévolus au
ministre des Finances. Je n'ai aucune objection à ce principe
exprimé dans la première partie de ce projet de loi.
Deuxièmement, quant à la conversion au système
international, le système métrique, changer les milles en
kilomètres, encore là, madame, je
ne vois aucune objection. Par contre, si vous le permettez, je
m'attarderai un peu au troisième principe, soit les licences. Ce mot
veut dire également une taxe pour ceux qui distribuent au Québec
des contenants non réutilisables, soit pour les eaux gazeuses ou la
bière.
J'aimerais vous faire remarquer que dès la première
réplique du chef de l'Union Nationale, le soir même du discours du
budget, M. Biron a dénoncé ces mesures qui mettaient en
péril les emplois reliés à la fabrication de ces
contenants. Je me souviens, cela avait fait sourire certains journalistes, cela
avait fait sourire peut-être les gens de l'autre côté, parce
que le soir même du budget, dans la réplique immédiate au
discours du budget, le chef de l'Union Nationale avait jugé bon de
souligner ce fait au ministre des Finances. On avait alors fait des gorges
chaudes dans cette Chambre. Je peux vous dire que le chef de l'Union Nationale
a prouvé qu'il avait vu juste, il l'avait vu immédiatement. Il a
prouvé qu'il avait raison.
Donc, en juin, le ministre des Finances est revenu partiellement sur sa
décision et a baissé de $0,05 à $0,02, et également
de $0,10 à $0,05, selon la capacité des contenants, les montants
prévus pour cette taxe. Il faut se rappeler qu'entre-temps, le chef de
l'Union Nationale était intervenu à cinq reprises, si on inclut
le soir de la réplique sur le discours du budget, afin de
dénoncer ces nouvelles mesures. Il avait demandé, même
imploré le ministre des Finances et le ministre de l'Industrie et du
Commerce de revenir sur leur décision. Je suis heureux que cela ait
donné partiellement des résultats.
On se rappelle qu'en plus du soir sur le discours du budget, M. Biron,
le chef de l'Union Nationale, le député de Lotbinière,
était intervenu, et s'était adressé, le 10 mai, au
ministre de l'Industrie et du Commerce, afin de lui souligner l'impact que cela
pouvait avoir chez les fabricants de canettes ou de contenants. Il était
intervenu une deuxième fois, pour implorer le ministre des Finances, le
17 mai. Le chef de l'Union Nationale, encore une fois, le 23 mai, s'est encore
adressé au ministre des Finances. Le 6 juin, ayant convaincu
partiellement le ministre des Finances, ce dernier revenait sur sa
décision de diminuer cette taxe sur les contenants non
réutilisables.
Néanmoins, nous continuons et je continue de penser que cette loi
continuera à entraîner dans une mesure une dislocation de l'emploi
dans le secteur relié à la fabrication des contenants.
On se rappelle que des chiffres ont été
véhiculés dans cette Chambre selon lesquels les contenants
mentionnés dans ce projet de loi comptent pour environ 3% de la
pollution au Québec. Je pense que si cela ne compte que pour 3%, les
objectifs visés pour la protection de l'environnement parce que
c'était un objectif qui était visé par ce projet de loi ou
cette mesure annoncée dans le discours du budget je pense que les
objectifs visés à la fois par le ministère de la
protection de l'environnement, et par le ministère responsable de
l'économie de l'énergie, ne compenseront pas les pertes d'emploi
que cela pourra causer, même si c'est $0.02 et $0.05 parce que,
dès l'an prochain, cela pourra monter de $0.01 et aller jusqu'à
$0.11 le contenant.
Alors, ce qui était mal hier et que nous avons jugé tel
continuera de l'être demain. C'est pour cela que je ne crois pas que ces
mesures puissent compenser les pertes d'emploi que cela pourra causer et je me
permets à cette heure tardive de rappeler au ministre des Finances que
le nombre des chômeurs dépasse encore les 300 000. Il ne faudrait
pas, même si ce n'est que pour quelques centaines, que cette mesure
vienne augmenter le nombre de ces chômeurs.
Voilà ce que j'avais à dire sur ce projet de loi 88.
Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances et du
Revenu.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Mme la Présidente, c'est un
intéressant débat qui vient d'être alimenté par le
député d'Outremont et par le député de Bellechasse.
Je voudrais simplement, en terminant, donner quelques renseignements
additionnels qui, en tout cas pour moi, paraissent présenter un certain
intérêt.
D'abord, on dit que les canettes ou que ce type de contenants non
retournables représentent encore une source assez faible de pollution
dans le milieu où nous vivons. C'est exact, mais on voit très
bien, dans plusieurs Etats américains et dans la province voisine de
l'Ontario, à quel point cela a monté vite. Nous avons pris dans
l'utilisation de ces contenants au Québec un certain retard sur les
Etats voisins ou les sociétés qui nous entourent, mais on voit
très bien à quel point, cela s'est mis à galoper
là-bas. Cela serait dans un certain sens un peu ridicule qu'on
intervienne simplement quand les dégâts faits ailleurs seraient
enfin visibles chez nous. Aussi bien arrêter cela avant que cela n'aille
trop loin.
Deuxièmement, ce que l'on vise par cette taxe, ce ne sont pas
seulement les canettes, ce sont les bouteilles non retournables aussi et de la
même façon. Il y a une différence considérable dans
le nombre de récipients utilisés selon qu'ils sont retournables
ou non retournables. Une bouteille retournable tourne en moyenne 20 fois,
c'est-à-dire qu'elle sert 20 fois de récipient. Alors, on discute
dans ces conditions, en termes de nombre de récipients qui peuvent
être laisser dans la nature ou qui circulent dans une
société à un certain moment, de choses tout à fait
différentes, parce que l'un tourne une fois et l'autre vingt, eu
égard à la consommation.
Je suis convaincu que les conversations qui ont lieu entre les
fabricants à l'heure actuelle et l'environnement, comme le disait le
député d'Outremont, je l'espère, ont déjà
donné des résultats intéressants et devraient en donner
davantage et devraient surtout nous permettre de connaître davantage le
phénomène et de voir jusqu'où il faut aller et
jusqu'où il ne faut pas aller trop loin. Là-dessus, je
m'arrête et je termine là.
Mme le Vice-Président: La motion de M. le ministre des
Finances et du Revenu proposant que soit maintenant lu la deuxième fois
le projet de loi no 88, Loi modifiant la Loi des licences, est-elle
adoptée?
M. Raynauld: Adopté.
Mme le vice-Président: Adopté.
Le Secrétaire-adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
M. Parizeau: Est-ce que le leader...? Je peux le faire. Alors,
je... Ah voilà! Pardon. (23 h 50)
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission du revenu
M. Charron: Alors, je propose la déférence du
projet de loi à la commission parlementaire du revenu, une fois de plus,
Mme le Président.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Cette motion est-elle
adoptée?
M. Raynauld: Adopté.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Adopté.
M. Charron: Je vous invite à appeler l'article 23) du
feuilleton, madame, s'il vous plaît.
Projet de loi no 89 Deuxième lecture
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): II s'agit de la motion
de deuxième lecture du projet de loi no 89, Loi modifiant de nouveau la
Loi de la taxe sur les carburants.
M. le ministre des Finances et du Revenu.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: J'aurais peu de commentaires à faire sur
cette loi, Mme la Présidente. Nous transformons par ce projet de loi
tout le système de la taxe sur les carburants pour l'adapter au
système métrique. Donc, tout ce qui était gallon est
transformé en litres, les températures passent du fahrenheit aux
degrés celsius, etc. Cela fait partie de ce phénomène dont
je parlais déjà à l'occasion d'un projet de loi
précédent; graduellement, petit à petit, nos lois vont
avoir à être transformées en ce sens. Il y a
peut-être seulement un aspect de ce projet de loi que je voudrais
souligner, ce ne serait pas correct si je ne le soulignais pas à cette
Chambre, et de façon bien involontaire, le trésor public va se
faire encore un peu d'argent avec cela. Comme il y a plus de chiffres...
M. Charron: Vous n'êtes pas contre.
M. Parizeau: Non, je ne suis pas contre. Ce qui s'est produit
simplement c'est qu'on passe des gallons aux litres, on ne peut pas
traîner un nombre de décimales à l'infini. Alors, si c'est
plus que ,5, on arrondit à la décimale supérieure et si
c'est inférieur à ,5, on arrondit à la décimale
inférieure. Or, il s'adonne qu'il y a eu plus d'arrondissements
automatiques vers le haut que vers le bas, si bien que le trésor public
va tirer, dans l'application de cette loi, d'après nos calculs, à
peu près $2 millions de plus. Cela veut dire moins de 0,5% de ce que la
taxe rapporte. Ce n'est pas encore quelque chose de spectaculaire, mais je
pense que cela n'aurait pas été correct de ma part de ne pas
signaler cet effet à la Chambre.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le
député d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Mme la Présidente, en réalité,
je n'ai rien à dire sur ce projet de loi. Je me lève un peu par
habitude ce soir et je pense qu'on doit simplement appuyer ce projet de loi
puisqu'il s'agit encore une fois de traduire un système de mesures que
nous avons commencé à traduire dans les unités du
système international. Je remercie le ministre d'avoir mentionné
qu'incidemment cela pouvait également produire une augmentation de taxe
de vente. Je pense qu'on ne lui tiendra sûrement pas rigueur de
récupérer $2 millions à cette occasion.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le
député de Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Mme le Président, tel que l'a mentionné
le ministre, c'est seulement pour la conversion. Il a ouvert la porte en
disant: C'est bien involontaire, le petit surplus de la décimale. Je lui
demande, si c'est involontaire, Mme le Président, ces petits $2
millions, d'en passer un petit peu à son collègue du
Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports. On attend
justement un petit $150 000 dans le comté et, apparemment, c'est
bloqué au Conseil du trésor. Alors, si c'est involontaire, passez
le donc au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports et
cela va boucher bien des petits trous, M. le ministre des Finances.
M. Charron: Je ne voulais pas intervenir dans le débat,
Mme le Président, mais je suis d'accord sur la suggestion du
député de Bellechasse.
M. Parizeau: A titre de droit de réplique, Mme la
Présidente, je promets d'en parler au président du Conseil du
trésor.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Cette motion de
deuxième lecture du projet de loi no 89 est-elle adoptée?
M. Raynauld: Adopté.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Adopté.
Le Secrétaire général: Deuxième
lecture de ce projet de loi.
Renvoi à la commission du revenu
M. Charron: Madame, je propose également que ce projet de
loi soit déféré à la commission du revenu pour
étude article par article.
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Cette motion est-elle
adoptée? Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Je vous invite à appeler l'article 31) de
notre feuilleton, madame, s'il vous plaît.
Projet de loi no 102 Deuxième lecture
Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Alors. M. le ministre
des Finances et du Revenu propose la deuxième lecture du projet de loi
no 102, Loi modifiant la Loi du ministère du Revenu.
M. le ministre.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Mme la Présidente, le projet de loi 102
comporte certains amendements à la Loi du ministère du Revenu qui
date de 1972. Je voudrais souligner que cette loi ne régit pas seulement
l'organisation et certaines fonctions du ministère du Revenu, elle
renferme également une bonne partie des dispositions administratives,
pénales et procédurales s'appliquant à toutes nos lois
fiscales.
D'un côté, la loi contient donc des articles se rapportant
au mécanisme général de l'administration fiscale; de
l'autre côté, elle ajoute aux dispositions du Code de
procédure civile en matière fiscale civile et de la Loi des
poursuites sommaires en matière pénale.
Depuis 1972, un grand nombre d'amendements ont été
apportés aux lois qui déterminent l'assiette fiscale proprement
dite, les impôts, mais on a préféré toucher le moins
possible à la Loi du ministère du Revenu. Cependant, six ans de
pratique et de jurisprudence ont démontré la
nécessité d'y apporter certaines modifications, tantôt pour
une administration plus efficace de la vérification et du recouvrement
des sommes dues au gouvernement et tantôt, pour assouplir ou autrement
améliorer la procédure, que ce soit en faveur du ministère
du Revenu ou du contribuable ou mandataire.
Ce que ça veut dire en termes clairs, ce paragraphe, c'est que
nous avons eu depuis six ans, toute une série de décisions
rendues par les cours de justice qui font apparaître des
nécessités de clarification, soit dans un texte, soit à
l'occasion de l'interprétation de l'un ou l'autre des articles.
Quand on voit bien que deux ou trois décisions ont
été rendues à peu près toutes dans la même
direction et qu'effectivement, il faut clarifier un texte, on se sert de la
réouverture de la loi pour le faire.
Ainsi, le projet prévoit quelques mesures devant fait
échec à des pratiques ayant pour objet d'échapper à
la perception des créances du fisc, pratiques qui, après tout, ne
font que déposer un fardeau relativement plus lourd sur les
épaules de celui qui paie volontairement sa juste part et qui ne saurait
pas se soustraire au système de déduction à la source
s'appliquant à la plupart de nos concitoyens. La complexité
croissante de l'assiette fiscale et notamment la gamme accrue des
possibilités de déduction d'exemption nous oblige
également à exiger des renseignements d'identification plus
complets.
Par contre, s'il n'est que juste que le fisc dispose des données
absolument nécessaires pour pouvoir vérifier les
déclarations des assujettis, il est aussi juste que les renseignements
fournis par ces derniers soient protégés par une
confidentialité à toute épreuve. C'est pourquoi on trouve
dans le même projet, un article qui resserre cette confidentialité
de façon considérable.
Parmi les dispositions de nature procédurale, il y a, entre
autres, une solution que nous croyons équitable quant au problème
de l'envoi par la poste des avis de cotisation et de certains délais qui
s'y rapportent, sujet qui a causé des difficultés aux
cotisés, comme au ministère, pendant des périodes de
perturbation dans les services postaux.
Enfin, le projet de loi contient un nombre de dispositions devenues
nécessaires à la suite de changements dans le texte d'autres lois
fiscales, de l'adoption de nouvelles lois, de jugements signalant certaines
ambiguïtés ou de l'expérience pratique du ministère
et de sa clientèle.
Je voudrais, avant de terminer cet exposé, revenir sur cette
question de la confidentialité. Il y a toujours eu beaucoup de
discussions quant au caractère de secret que doivent avoir les dossiers
des contribuables qui sont entre les mains du gouvernement. C'est un signe de
société à peu près civilisée que de
maintenir ce type de secret, de savoir qui a accès aux documents, en
quelles circonstances, dans quelles circonstances on peut être
amené à les dévoiler, par exemple à la demande d'un
juge dans certaines causes, etc.
Le texte dont nous disposions jusqu'à maintenant était
assez serré, mais a donné néanmoins lieu à
certaines ambiguïtés, à certaines discussions, je pense ici
à l'occasion de commissions d'enquête, et nous proposons un texte
sur la confidentialité qui nous paraît plus serré, plus
précis, plus protecteur, au fond, de l'intérêt du citoyen
qu'il ne l'était jusqu'à maintenant.
C'est dans ce sens, Mme la Présidente, que je conclus et que je
propose l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi modifiant la
Loi du ministère du Revenu.
Mme le Vice-Président: M. le député
d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Mme la Présidente, j'ai lu ce projet de loi
avec une certaine difficulté, étant donné qu'il porte
surtout sur des procédures et sur des aspects légaux avec
lesquels je suis moins familier. J'avais également observé cet
article auquel le ministre vient de faire allusion sur la
confidentialité et je voudrais marquer mon accord le plus complet sur
l'intention qui s'exprime, à travers ce projet de loi, d'assurer, hors
de tout doute la confidentialité des rapports d'impôt.
(Minuit)
J'ajouterai simplement une question, Mme la Présidente. Il existe
possiblement une autre difficulté qui exigerait des informations
supplémentaires. Il s'agit d'un article qu'on désigne, dans les
notes explicatives, comme étant de droit nouveau et qui se rapporte
à la possibilité pour le ministre d'exiger des renseignements
d'identification prescrits, donc des renseignements d'identification qui seront
établis par règlement, dont on ne sait pas évidemment la
nature à cette étape-ci, mais renseignements d'identification qui
pourraient éventuellement soulever des problèmes.
Qu'est-ce qu'on entend par des renseignements d'identification? Est-ce
qu'on a l'intention de faire des relations entre les dossiers qui sont
conservés pour fins d'impôt et d'autres types de dossiers, soit
pour fins électorales, soit en vue du recensement permanent, par
exemple, soit en vue d'établir des enquêtes plus poussées
entre les données qu'on peut obtenir de façon administrative dans
certaines agences ou ministères et les données du revenu?
Je pose ici une question. Je saurais gré au ministre de nous
éclairer davantage, si c'est possible. Merci, Mme la
Présidente.
Mme le Vice-Président: M. le ministre. M. le
député de Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Je m'excuse auprès de la Chambre. Non, ce n'est
pas cela, c'est que je cherchais... Justement, je vais poser la question
à l'honorable ministre, concernant trois points précis quant au
principe visé par ce projet de loi.
Lorsqu'on parle de confirmer la validité des avis de cotisation
émis en vertu de la loi fiscale, est-ce parce que, auparavant, les avis
n'étaient pas valides? Comment est-ce que cela se passait? C'est pour
cela que je demande au ministre la raison d'être d'un tel principe dans
cette loi. J'aimerais qu'il me dise si c'est parce que cela n'existait pas
auparavant ou parce que cela n'était pas efficace.
Ma deuxième remarque, sous forme interrogative, Mme la
Présidente, serait celle-ci. Ce projet de loi permettra la destruction
des documents ou des originaux du ministère, après la
reproduction photographique. Encore là, lorsqu'on a parlé de
confidentialité, je voudrais savoir si c'est seulement à cause du
volume ou également par le biais de ce système de reproduction
photographique des documents, si on n'assure pas là une certaine
confidentialité, un certain secret. Ce n'est pas n'importe qui qui
pourra sortir un document des tiroirs. A ce moment-là, il faudra qu'il
sorte le petit film et qu'il ait l'appareil nécessaire pour reproduire
ce film sur papier.
Je veux savoir si le but visé par ce projet de loi est seulement
pour éliminer le volume de paperasse ou également, concernant la
confidentialité ou le secret des documents. Ce que je cherchais, dans le
projet de loi, au moment où vous m'avez surpris, Mme la
Présidente, c'est que j'avais vu quelque part quelque chose comme: La
modification proposée ajoute aux objets... Des ententes fiscales
intergouvernementales ajoutent l'élimination de la double imposition. Je
voudrais que le ministre puisse commenter ces passages.
Ce projet de loi, tel qu'on l'a dit, est assez complexe, il est surtout
technique. C'est pour une meilleure administration ou une administration plus
efficace, dans le sens qu'on ne peut pas être contre tel principe que le
gouvernement ou le ministère du Revenu puisse augmenter son
efficacité et préciser les procédures apportées,
les modifications. C'est le but que vise ce projet de loi. Il y a
également des modifications de concordance avec d'autres lois et
certaines corrections devenues nécessaires. On en profitera pour ajouter
les lois que nous sommes en train de discuter en commission parlementaire, soit
la Loi des loteries et courses, il y a les concours publicitaires et la loi sur
les taxes relativement aux appareils d'amusement. Le but visé par ce
projet de loi sera justement d'insérer, par le biais de la loi 102, ces
nouvelles lois à l'intérieur du ministère du Revenu.
Voilà, Mme la Présidente, les deux ou trois questions que
je pose au ministre. J'aimerais que, brièvement, il puisse y
répondre.
M. Lavoie: Mme la Présidente...
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition
officielle.
M. Jean-Noël Lavoie
M. Lavoie: II s'agit d'une loi tout à fait technique
où les principes sont peut-être absents ou présents
à chacun des articles et à chacun des alinéas. Mon
intervention va se limiter à une question. Il est vrai que cette
intervention devrait se faire peut-être normalement en commission, mais
je voudrais porter à l'attention du ministre une difficulté qui
peut se présenter à l'article 12 je considère que,
même à l'article 12, il peut y avoir un principe où
on ajoute l'article 58a à la Loi du ministère du Revenu où
il est dit que dans toute déclaration, tout rapport ou tout autre
docu-
ment exigible en vertu d'une loi fiscale, le ministre peut exiger d'une
personne des renseignements d'identification prescrits à son sujet ou au
sujet d'une autre personne visée dans cette déclaration, ce
rapport ou cet autre document. Le ministre peut également exiger des
personnes visées au premier alinéa qu'elles obtiennent un
numéro d'identification prescrit.
Je voudrais, sous forme interrogative, soulever la question, la
difficulté suivante qui peut se présenter dans l'application de
la loi 2 que nous avons adoptée l'année dernière sur le
financement des partis politiques où les gens qui souscrivent à
un parti politique ont le droit, comme tout le monde le sait, à un
crédit d'impôt jusqu'à concurrence de 50% pour les premiers
$100 qu'ils contribuent et de 25% pour le deuxième $100. Vous voyez, au
point de vue pratique le ministre me dira si j'ai bien compris cet
article que, si quelqu'un désire réclamer un crédit
d'impôt... Prenons l'exemple d'un contribuable, d'un citoyen, d'un
Québécois à qui on demande une souscription, dans un
restaurant, une place publique, de $20 ou $40 et que la personne qui sollicite
exige, à ce moment-là, son numéro soit
d'assurance-sociale, soit d'assurance-maladie. Les gens ne l'ont pas toujours.
L'autre difficulté, c'est que souvent les partis poliques
reçoivent, par le courrier, des souscriptions de $10, $20 ou $30. Si ce
contribuable veut bénéficier de son crédit d'impôt
jusqu'à concurrence de 50% et qu'il ne l'inclut pas, lorsqu'il envoie sa
contribution, vous ne voyez pas la permanence d'un parti qui est obligée
de communiquer avec quelqu'un qui est souvent assez éloigné pour
lui dire: Monsieur, fournissez-nous votre numéro d'assurance-sociale ou
d'assurance-maladie. C'est la difficulté. Si mon interprétation
est bonne de cet article 12, je me demande, en le lisant, si le ministre a la
discrétion de demander ces numéros d'identification dans certains
cas et non dans d'autres cas. Je souligne uniquement cette difficulté.
Je me demande s'il y aurait lieu d'apporter un amendement ou une exclusion
peut-être lors de l'étude en commission parlementaire. Je vous
remercie, Mme la Présidente.
Une Voix: Excellent discours. Mme le Président: M. le
ministre.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Je pense qu'effectivement, Mme la Présidente,
on en est rendu presque à faire du travail de commission, mais je vais
essayer de donner quelques réponses rapides, quitte à ce qu'on
reprenne cela plus longuement en commission par la suite.
Commençons d'abord par la question de l'identification qui a
été soulevée par le député de Laval et le
député d'Outremont. Voici de quoi il s'agit: Effectivement, ce
n'est pas seulement que c'est du droit nouveau, c'est que nous nous engageons
vers des types d'impôt nouveaux où le revenu du ménage
devient une donnée importante. Je pense, par exemple, au crédit
d'impôt foncier qui va commencer l'année prochaine. Ce
crédit d'impôt foncier n'est pas déterminé par le
revenu du chef de famille, ou en fonction du revenu du chef de famille, mais en
fonction du revenu total du ménage.
Or, à l'heure actuelle, chaque fois qu'on essaie... Il y aurait
des quantités de domaines où, au fond, ce serait bien plus juste
sur le plan fiscal d'appliquer les impôts au ménage, dans certains
cas, plutôt qu'à une personne en particulier et
désignée dans le ménage. Dans ce sens, ce qu'on demande,
c'est le pouvoir d'imposer ou d'exiger que chacun ait un numéro
d'identification. Je peux dire tout de suite que ce sera le numéro
d'assurance-sociale parce qu'il est employé à peu près par
tout le monde à l'heure actuelle, par à peu près tous les
employeurs. Presque tout le monde l'a et il est très facile, pour ceux
qui ne l'ont pas, d'en avoir un par la Régie des rentes qui en assure la
distribution. (0 h 10)
Alors, il ne s'agit pas d'une identification pour chaque transaction ou
tractation d'un contribuable, mais pour sa déclaration. Il ne s'agit
surtout pas d'établir une liaison entre les déclarations
identifiées par ce numéro et quelque autre renseignement que ce
soit. La loi du secret est formelle. Je comprends qu'à cet égard
il y aura toujours des caractères soupçonneux qui diront: Enfin,
est-ce qu'ils ne peuvent pas se servir de ces identifications
d'ailleurs, déjà existantes, parce qu'il y a beaucoup de gens qui
sont clairement identifiés par leurs déclarations pour
faire des concordances avec d'autres types de renseignements.
Le fait est que la loi est formelle sur le degré de
confidentialité, et que, je dois le dire, sans partisanerie aucune, les
ministres du Revenu qui se sont succédé depuis que ce
ministère a été créé ont toujours maintenu
cette tradition, avec les sous-ministres, d'ailleurs, que le secret qui leur
est imposé par la loi demeure.
Donc, il s'agit là d'identifications dont nous avons besoin pour
faire fonctionner de nouvelles structures fiscales ou de nouveaux arrangements
fiscaux. Un point c'est tout, il n'y a rien d'autre. Si tant est que cela ne
l'indiquait pas assez clairement, d'ici à ce qu'on passe en commission,
je le ferai examiner pour être bien certain que la lettre correspond bien
à l'esprit de la chose.
J avais deux autres questions... Quant à la question de la
validité des avis de cotisation, il s'agit simplement de changer dans le
libellé ce qui donnait lieu à contestation quant à son
sens précis. C est une reformulation.
Finalement, pour ce qui a trait à la destruction des dossiers,
c'est essentiellement une question de volume. C'est quelque chose
d'inimaginable, ce qu'il peut y avoir comme espace dans ce gouvernement
destiné à stocker du papier. Maintenant que le microfilm a
été inventé, que l'ordinateur a été
inventé, etc., garder tout de même des cathédrales remplies
de papiers, vraiment, cela semble un peu abusif. Les cathédrales
devraient servir à autre chose. Merci, Mme la Présidente.
Mme le Vice-Président: Cette motion de deuxième
lecture du projet de loi no 102, Loi modifiant la Loi du ministère du
Revenu, est-elle adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Renvoi à la commission du revenu
M. Charron: Madame, je propose que ce projet de loi
déféré à nouveau à la commission
parlementaire du revenu pour l'étude article par article.
Mme le Vice-Président: Cette motion est-elle
adoptée?
M. Lavoie: Adopté.
Mme le Vice-Président: Adopté.
M. Charron: Mme la Présidente, je dois remercier le
député d'Outremont, le député de Bellechasse et
bien sûr le ministre des Finances de s'être livrés d'une
façon aussi assidue aux travaux de l'Assemblée depuis ce matin.
Je les en remercie, de même que tous ceux qui ont bien voulu collaborer
aux débats, et je vous prie d'appeler maintenant le dernier projet de
loi pour la journée d'aujourd'hui, ou alors le tout premier de la
journée de vendredi, l'article 37) de notre feuilleton.
Projet de loi no 114 Deuxième lecture
Mme le Vice-Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet
de loi no 114, Loi modifiant la Loi des accidents du travail et d'autres
dispositions législatives.
M. le ministre du Travail.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: Mme le Président, les amendements
proposés à la Loi des accidents du travail ont été
sélectionnés en tenant compte de leur caractère d'urgence
sociale et économique et de leur pressante nécessité sur
le plan administratif. Il ne vise pas à réformer en profondeur le
régime d'indemnisation de la Loi des accidents du travail, mais la
Commission des accidents du travail du Québec poursuit actuellement
toutes les études que commande une telle réforme et des
propositions précises pourront être faites au gouvernement au
cours de l'année 1979.
Ces propositions tiendront alors compte de l'expérience
très jeune du régime d'indemnisation retenu pour la Loi sur
l'assurance automobile et de la propre expérience de la commission en ce
domaine. Certains des amendements proposés s'inspirent de la Loi sur
l'assurance automobile. C'est particulièrement le cas des dispositions
traitant des personnes à charge. Il ne s'agit pas, cependant, d'adopter
immédiatement le régime intégral de la Loi sur l'assurance
automobile dans ces cas, mais plutôt de retenir une solution transitoire
qui tienne compte de toutes les contraintes de remplacement de régime
par un autre dont les effets n'ont pas encore pu être
évalués et qu'on peut imposer à un organisme comme la
Commission des accidents du travail.
Les amendements proposés sont des modifications qu'on peut
regrouper sur cinq chapitres: la modification au régime d'indemnisation,
l'extension du champ d'application de la loi, la classification des employeurs,
la réadaptation et les modifications de nature administrative.
Quant aux modifications du régime d'indemnisation, le
régime, sans être complètement transformé, subit
d'importantes modifications apparaissant urgentes et pouvant s'effectuer
immédiatement, sans aucun risque de compromettre la réforme
générale ultérieure dont nous verrons les premiers
paramètres en 1979.
Ainsi, l'indemnité qui est actuellement calculée sur 75%
des gains bruts du travailleur le sera dorénavant sur 90% du revenu net
du travailleur. Avec l'augmentation du plafond assurable de $20 000 en 1979,
les distorsions qui existent entre les différents niveaux de revenu ne
cessent de s'accroître.
En fait, les victimes dont le salaire est inférieur à
$9000 ou celles avec charge de famille sont actuellement
sous-indemnisées alors que celles dont les salaires sont
supérieurs à $9000 ou qui sont sans charge de famille
reçoivent une indemnité qui est parfois supérieure
à leur revenu net avant l'accident.
Puis-je continuer, Mme le Président? Merci.
En plus d'augmenter indûment le coût du régime, cet
état de fait ne facilite évidemment pas les programmes de
réinsertion du travail de la commission. Cette situation est
causée particulièrement par le fait que le calcul actuel de
l'indemnité ignore l'effet progressif des tables d'impôt de
même que les différentes charges de familles qui sont reconnues
par notre système fiscal.
La méthode proposée paraît actuellement être
la meilleure pour effectuer une redistribution du revenu sans recourir à
l'imposition des indemnités.
Une autre modification majeure vise à changer le régime
d'indemnisation des personnes à charge. Les indemnités
statutaires nettement inadéquates font place à des prestations
équivalentes à un pourcentage de l'indemnité à
laquelle le travailleur aurait eu droit s'il avait survécu et avait
été rendu incapable de gagner son salaire.
Au 1er janvier 1978, la rente d'une veuve seule était de $227.24,
celle de la veuve avec un enfant de $286.34, celle de la veuve avec deux
enfants de $345.44, celle de la veuve avec trois enfants de $404.54. A la
même époque, dans la province voisine de l'Ontario, la rente d'une
veuve était de
$344 plus $93 par enfant. Elle est aujourd'hui, respectivement, de $365
et $99.
On se rend donc compte que cette formule est surtout destinée
à assurer les besoins de base à la manière d'une
assistance sociale. Afin de traiter des différentes catégories de
victimes d'une façon équitable face aux pertes qu'elles subissent
par suite d'un accident de travail, le gouvernement croit que les rentes
payables aux personnes à charge en cas de décès devraient
essentiellement être basées sur le revenu du travailleur
décédé.
Le gouvernement estime qu'il est urgent de définir un nouvel
objectif pour le régime des prestations de décès payables
par la Commission des accidents du travail. Cet objectif consiste à
maintenir aux personnes à charge un niveau de vie décent
après le décès d'un travailleur.
Le concept nouveau vise à considérer le maintien de
l'unité familiale et à accorder une indemnité
équivalente à un pourcentage de l'indemnité à
laquelle le travailleur aurait eu droit s'il avait survécu ou avait
été rendu totalement incapable de gagner son salaire.
Ainsi, par exemple, la veuve d'un travailleur qui gagnait $13 500 lors
de son accident de travail, qui a charge d'un enfant, recevrait, en vertu du
régime actuel, une rente mensuelle de $286. Selon la formule
projetée, elle recevra $561 et, si elle a charge de trois enfants, cette
rente sera de $675. (0 h 20)
D'autres modifications sont aussi apportées pour améliorer
le sort des personnes à charge. Ainsi, les personnes vivant maritalement
sont considérées comme conjoints et peuvent
bénéficier des avantages de la loi. Le droit aux prestations de
décès est reconnu non plus seulement à la veuve, mais
aussi au conjoint de l'autre sexe, quel qu'il soit. Lorsqu'un travailleur
décède après une longue période
d'incapacité, les prestations de décès sont
calculées sur le dernier revenu du travailleur ou sur le revenu qu'il
avait au moment de son accident, mais revalorisé annuellement selon le
plus élevé des deux. Les frais de transport du corps du
travailleur décédé seront désormais assumés
par la commission en entier, sans tenir compte de la limite actuelle de $150.
Lorsqu'un bénéficiaire aura gain de cause devant un bureau de
révision, les frais encourus, les frais d'expertise, de
témoignage, etc., lors de l'enquête et de l'audition pourront lui
être remboursés. Une demande de révision ou un appel
à la Commission des affaires sociales ne suspendra plus le paiement
d'une indemnité versée sous forme de rente. Un travailleur aura
droit d'être assisté ou représenté par un conseiller
syndical devant un bureau de révision de la commission.
Sur le plan des autres maladies professionnelles, le projet en clarifie
la notion de plus en plus contestée au cours des dernières
années et permet à la commission d'indemniser sans
équivoque les travailleurs qui sans être rendus soudainement
incapables de gagner leur salaire intégral le sont progressivement en
étant atteints dans leur intégrité physique. Enfin,
l'article 47a qui avait pour objet de déduire de l'indemnité
payable aux tra- vailleurs une certaine partie de la rente d'invalidité
qu'ils pouvaient recevoir en vertu du Régime de rentes du Québec,
est abrogé.
L'extension du champ d'application de la loi. Les seules exclusions du
champ d'application de la loi que la commission a retenues sont les services
domestiques et les activités des athlètes participants.
L'exclusion de l'industrie agricole est abrogée. Actuellement, les
artisans, d'autre part, ne bénéficient pas de la protection de la
loi. Or, le statut de certaines catégories de travailleurs est de plus
en plus difficile à établir et nombre d'artisans, qu'ils soient
artisans boulangers, livreurs de pain, livreurs d'huile ou artisans dans
d'autres domaines d'activité ont un statut nébuleux que la
commission ne peut pas toujours clarifier. De plus, la multiplication des
contrats de sous-traitance a pour effet de soustraire de nombreux travailleurs
au régime de protection accordé par la loi. Le statut de
l'artisan est donc clarifié lorsqu'il exécute pour une personne
exploitant une industrie visée par la loi un travail quelconque se
rattachant à cette industrie, il acquiert automatiquement le statut de
travailleur et bénéficie maintenant des avantages de la loi. Dans
les autres cas, il peut, sur une base volontaire, se prévaloir de la
protection que la loi accorde aux administrateurs d'une compagnie. Le
travailleur effectuant un travail non rémunéré dans une
industrie, comme par exemple un pompier volontaire, pourra aussi
bénéficier de la protection de la loi moyennant certaines
conditions établies par règlement.
Jusqu'à présent, la commission accordait la protection de
la loi à certaines catégories de travailleurs
bénévoles à la demande de certaines entreprises, mais
cette pratique n'avait pas d'assises légales précises. La
durée de l'emploi assurable en-dehors du Québec passe de 18
à 36 mois. Cette modification répondant à une demande
pressante de la part de certaines entreprises qui ont à exécuter
d'importants travaux en dehors du Québec. Citons, par exemple, Bell
Canada, l'Hydro-Québec, le ministère des Affaires
intergouvernementales qui peuvent avoir des contrats à I extérieu
r du Québec, au Canada ou encore dans d'autres pays
étrangers.
La classification des employeurs. Le système actuel de
classification des entreprises de la commission se divise en 27 classes
d'industries et 81 sous-classes. Cette classification présente une
variation considérable dans la masse salariale, dans le nombre
d'employeurs au niveau de chaque classe ou de sous-classe. L'expérience
de plusieurs de celles-ci est peu significative et le taux de cotisation qui en
découle n'est donc pas toujours équitable dans un sens ou dans
l'autre. La commission a fait effectuer une analyse complète de la
situation, a entrepris, suite à cette étude, une reclassification
des quelque 125 000 employeurs de son fichier et cette nouvelle classification
est prête à entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Les
amendements proposés à la loi, qui incidemment ont fait l'objet
d'une très vaste consultation auprès du patronat, visent à
simplifier le système de classification en vigueur en créant
huit grands secteurs d'activité économique et en
répartissant les diverses industries en unités ou en classes
d'unités à l'intérieur de chacun de ces secteurs. Les
classes d'unités constitueront des mutuelles d'assurance auxquelles
correspondront un taux de cotisation. Cette réforme permettra à
la commission de mieux cataloguer un employeur et de lui rendre justice en le
cotisant selon le coût réel des accidents qui surviendront dans
son unité de classification.
En second lieu, de réduire les écarts au chapitre du
risque d'accidents chez les employeurs faisant partie d'une même classe,
en créant plusieurs dizaines de classes d'unités qui grouperont
les unités dont le risque d'accidents est aussi semblable que possible;
Troisièmement, de transférer d'une classe d'unités
à une autre des groupes d'employeurs dont les coûts d'accidents
seraient nettement différents des autres groupes avec lesquels ils sont
classés et de permettre une plus grande incitation à la
prévention, chaque employeur sera ainsi intéressé à
améliorer davantage les expériences-accidents afin d'obtenir une
meilleure classification et ainsi rabaisser son taux de cotisation.
Quant à la réadaptation, la loi actuelle ne possède
qu'un seul article sur la question et on sait que la commission a
déjà entrepris différentes activités ou même
différents programmes dans ce domaine. Le texte de loi proposé
accorde à la commission un mandat de réadaptation globale quant
aux travailleurs accidentés.
Au sujet des modifications administratives, un bon nombre de celles-ci
sont devenues imperatives. D'abord, la commission se voit dotée du
pouvoir de conclure des accords de réciprocité ou des ententes de
service avec d'autres personnes ou d'autres organismes pour les fins de
l'application de la loi. Ensuite, le recours de droit commun pouvant
résulter d'un accident de travail est aboli contre un employeur dont
l'industrie est assujettie à la loi, ce qui correspond d'ailleurs
à ce qui se passe dans l'ensemble des provinces canadiennes.
Deux réserves sont cependant faites à cette mesure, par
souci d'équité, le recours d'un bénéficiaire contre
une personne autre que son employeur, pour la différence entre
l'indemnité payée par la commission et celle à laquelle il
aurait droit en vertu du droit commun, c'est-à-dire l'indemnité
pour la souffrance, les douleurs, les inconvénients, la perte de
jouissance de la vie, est maintenu. De plus, est conservé le recours
contre un employeur autre que l'employeur de l'accidenté dont la faute
à l'origine de l'accident constitue un acte criminel. Il s'agit d'une
mesure préventive visant à atteindre les employeurs les plus
négligents et les plus insouciants, particulièrement dans les cas
de négligence criminelle entraînant la mort.
Le recours de droit commun est évidemment conservé contre
le responsable d'un accident de travail autre qu'un employeur
bénéficiant de la protection de la loi ou qu'un automobiliste.
Quant aux coûts résultant du non-exercice du recours subrogatoire
de la commission, ils seront imputés, pour le tout ou pour une partie,
au fonds spécial, à une unité ou à une classe
d'unités selon la nature du cas ou selon le degré de l'auteur qui
est responsable. Certaines autres dispositions de la loi jugées
anachroniques et inutiles sont abrogées.
D'autre part j'ai presque terminé, Mme la
Présidente le travailleur qui jusqu'à présent se
voyait attribuer un taux d'incapacité de 10% ou moins, recevait la
valeur capitalisée de sa rente plutôt qu'une rente mensuelle.
Cette mesure avait notamment pour but de réduire la tâche
administrative de la commission qui, autrement, aurait eu à maintenir
ouverts ou à traiter un nombre important de dossiers représentant
finalement des rentes mensuelles absolument infimes. Cependant, avec
l'augmentation du maximum annuel assurable, qui sera, l'an prochain, comme on
le sait, de $20 000, la valeur capitalisée de certaines rentes qui se
situait au début des années soixante-dix à un maximum de
plus ou moins $10 000 en arrive aujourd'hui à dépasser $30
000.
Le versement d'un tel capital n'est pas toujours à l'avantage du
travailleur, qui perd ainsi la revalorisation annuelle de sa rente. De plus,
cette façon de procéder crée d'importantes distorsions
dans la manière de traiter les accidentés, surtout lorsque le
pourcentage d'incapacité de ceux-ci excède 10% de très
peu. La nouvelle formule proposée, en se basant sur le montant de la
rente, soit $60 par mois, plutôt que sur le taux d'incapacité,
corrige un bon nombre des distorsions dans le système et ramène
la valeur capitale d'une rente à un maximum d'environ $10 000. Une table
de la valeur des rentes est annexée à la loi permettant à
tout travailleur d'évaluer lui-même les sommes auxquelles il aura
droit. Le montant de la rente maximum de $60 serait revalorisé
annuellement pour tenir compte de l'inflation et de la hausse maximum
assurable.
Une autre réforme porte sur l'exercice de certains pouvoirs
discrétionnaires de la commission; jusqu'à présent,
celle-ci établissait ses politiques par voie de directives internes et
non par règlements, ce qui devrait plaire à l'Opposition, Mme la
Présidente. Cette façon de fonctionner, qui était depuis
longtemps critiquée, sera maintenant changée pour faire en sorte
que le gouvernement oblige la commission à procéder par voie de
règlements dans une série de domaines où elle a le pouvoir
de faire des normes et de préciser les modalitées de la loi. (0 h
30)
Ces règlements recevront une prépublication de 30 jours et
devront, pour entrer en vigueur, être approuvés par le
gouvernement.
Sur un autre plan, le projet regroupe, dans un tel article, toutes les
infractions possibles à la loi et précise les montants des
pénalités imposables aux contrevenants. Ces
pénalités ont été revisées elles ne
l'avaient généralement pas été depuis 1931
et substantiellement augmentées, inutile de vous le dire, ne serait-ce
qu'au coût de la vie. Cela deviendra important, en tenant compte de la
gravité relative de la contravention par rapport à
ses conséquences, soit pour le travailleur accidenté, soit
pour le fonctionnement général de la commission.
Enfin, certaines expressions désuètes ont
été remplacées par d'autres plus modernes, mieux
adaptées à la réalité linguistique actuelle et plus
conformes aux nouvelles législations en matière
d'indemnisation.
En conclusion, il s'agit là d'une révision qui est la plus
substantielle jamais faite de la Loi des accidents de travail, depuis 1931.
Elle est cependant une révision qui n'est pas terminée, puisque
c'est en 1979 que nous verrons les premiers résultats de cette
révision globale.
Le gouvernement envisage d'entreprendre, avant la fin de son premier
mandat, cette révision et il a habituellement la réputation de
tenir ses promesses. Cependant, certaines lacunes sont apparues si
évidentes, si importantes, que le gouvernement a choisi de faire ce qui
n'avait pas été fait avant, c'est-à-dire de franchir une
première étape en attendant de posséder toutes les
données pertinentes à cette réforme globale et
substantielle. Merci, Mme la Présidente.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, Mme le Président. Je suis un peu
peiné, comme c'est certainement le cas pour le ministre, qu'on soit
obligé d'aborder cette question combien importante des actions, des
opérations, des activités de la Commission des accidents du
travail, à une heure aussi tardive, au début d'une nouvelle nuit.
Mais quand même, Mme le Président, il me fait plaisir de vous
faire part des commentaires, des miens et de ceux de l'Opposition officielle
sur le projet de loi présenté par le ministre du Travail et qui
est appelé, en deuxième lecture, le projet de loi 114 sur la
Commission des accidents du travail.
Mme le Président, à la fin de la session, soit le 29
novembre dernier, presque au début de décembre, le ministre du
Travail déposait le projet de loi 114 modifiant la Loi des accidents du
travail. Après une analyse détaillée de ce projet, il est
justifié, je pense, qu'on s'interroge sur les intentions du
gouvernement.
Cette loi peut nous laisser croire que le ministre d'Etat au
développement social ne nous présentera pas, ou qu'il profitera
du dépôt de cette loi pour retarder la présentation ou le
dépôt de sa loi-cadre sur la santé et la
sécurité des travailleurs.
Le projet de loi 114 peut nous laisser présumer que le
gouvernement a décidé, après un battage publicitaire sur
le livre blanc sur la santé et la sécurité, de mettre cela
de côté pour légiférer à la pièce, sur
des aspects bien spécifiques et bien concrets, des questions et des
opérations de la Commission des accidents du travail.
Je m'explique, car le présent projet de loi a été
soumis au conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et, de cette
consultation, il en est ressorti un consensus, soit celui d'adopter
immédiatement les mesures qui visaient à remettre à la
Commission des accidents du travail... et de mettre en place un nouveau
système de classification des entreprises aux fins de cotisation.
Nous sommes tous d'accord avec cette classification, je crois. Nous
sommes convaincus, comme le ministre, que ce système est
caractérisé par la flexibilité et par une meilleure
équité. L'Opposition officielle appuiera évidemment le
ministre pour que ce système puisse entrer en vigueur tel que
prévu et ce, dès le 1er janvier prochain.
Ainsi, Mme le Président, la Commission des accidents du travail
reclassera les employeurs, les entreprises, selon la nature de leur entreprise
et les coûts des accidents. Un aspect, et non pas le moindre, de cette
classification est qu'elle est une incitation à la prévention,
car les employeurs chercheront évidemment, compte tenu de ce que le
ministre nous a dit ou nous a cité tout à l'heure, à
améliorer leur dossier de façon à faire jouer en leur
faveur le nouveau régime pour diminuer leur taux et pour que ce soit
moins onéreux pour eux, au sein de leur entreprise.
J aimerais, Mme le Président, que le ministre m assure cependant
et qu'il me dise, dans sa réplique, ou encore il pourra peut-être
nous en faire part en commission parlementaire c'est là le sens
d'une première question si la tarification que la Commission des
accidents du travail a fait parvenir il y a quelques jours aux entreprises du
Québec est basée sur l'ancien système ou si cette
tarification est basée sur la probabilité que la loi serait
adoptée avant le 1er janvier.
Je m'explique. J'ai eu quelques exemples dans mon comté
cela se limite à quelques exemples, je dois vous en faire part bien
humblement où des entreprises, entre autres, étaient
cotisées à, si ma mémoire est fidèle, $0.96 les
$100 gagnés, en 1978. En 1976, ces entreprises étaient
cotisées à $1.38 de sorte qu'elles ont connu une diminution assez
importante de 1977 à 1978. Le nouveau taux de ces entreprises, à
ma grande surprise, qui était, en 1977, établi à peu
près à $0.96 était majoré à $2.48 dans la
nouvelle codification énoncée par la Commission des accidents du
travail il y a quelques semaines. C'étaient des entreprises qui
n'avaient pas eu d'accidents en 1977, de moyennes entreprises, de petites
entreprises du Québec.
J aimerais savoir, dans un premier temps, si les avis de cotisation qui
ont été envoyés aux entreprises en question l'ont
été en vertu de la probabilité de l'adoption de ce nouveau
projet de loi.
Aussi sur cet aspect, Mme le Président, il y a un autre
commentaire ou d'autres interrogations que je formule sur cet aspect bien
spécifique de la tarification aux entreprises et d'une tarification
distincte à l'intérieur de chacune des entreprises.
J aimerais que le ministre me dise s'il sera possible
qu'éventuellement la Commission des accidents du travail, dans
l'établissement de sa tarification, tienne compte de l'affectation des
employés à l'intérieur de cette entreprise.
Je m'explique. Qu'on prenne le cas d'une fonderie. En prenant l'exemple
d'une fonderie où il y a cent personnes qui travaillent, il peut
peut-être y avoir une cinquantaine de personnes, à peu près
50% qui font du travail de fonderie qui comporte des dangers ou des
possibilités d'accidents assez élevés, parce que c'est le
transport, la manipulation de matière à haut degré de
température. Vous avez dans cette même entreprise peut-être
20 ou 25 personnes qui sont affectées aux travaux de sablage, aux
travaux de peinture du produit avant qu'il ne soit fini. Vous avez des
contremaîtres, vous avez des personnes qui travaillent à
l'intérieur de cette entreprise pour veiller à la
sécurité etc. Vous avez des personnes qui s'occupent des ventes.
Vous avez des personnes de secrétariat. Vous avez les personnes qui sont
sur la route. Mais les cent personnes de l'entreprise sont cotisées
selon une même tarification, comme si elles effectuaient tous les jours
et régulièrement, constamment, le travail qu'implique et avec
tous les dangers que cela peut comporter la fonderie.
Est-il possible que la Commission des accidents du travail arrive
à l'établissement d'une tarification, évidemment comme le
ministre l'annonce dans son projet de loi, comme le gouvernement le veut,
basée sur chacune des entreprises, sur le type d'entreprise, sur la
prévention ou l'effort que l'entreprise déploie pour la
prévention avec un genre de système de mérite ou de
démérite, est-ce qu'il est possible d'en arriver à une
tarification, dis-je, selon l'affectation des employés à
l'intérieur de cette usine ou de cette entreprise?
Le projet de loi étend l'application de la Loi des accidents du
travail de manière à permettre aux agriculteurs de
bénéficier de la protection de cette loi. Je dois vous dire que
nous accueillons d'emblée cette proposition ou cet amendement dans nos
lois de la Commission des accidents du travail. C'est une mesure positive. Vous
savez, nos producteurs agricoles ont été particulièrement
frappés, entre autres, depuis quelques semaines, en prenant connaissance
de la loi sur le zonage agricole qui les affecte beaucoup. Je vois un
député ici qui nous fait des signes, qui vient de se
réveiller, probablement. Je ne sais même pas le nom de son
comté, je m'excuse, Mme la Présidente.
Il est quand même positif, selon moi, le fait que les producteurs
agricoles soient couverts par cette loi. Il y a deux ans ou à peu
près, un an et demi, deux ans, nous avions étendu la couverture
de la Commission des accidents du travail aux employés de la ferme. (0 h
40)
Les agriculteurs eux-mêmes maintenant pourront être
protégés par cette loi et c'est heureux. Cependant, Mme le
Président, il est essentiel, selon moi, et ce, dans un esprit de
justice, pour tous les employeurs du Québec, d'établir des
mécanismes de contrôle qui pourront faire en sorte que ce secteur
pourra éventuellement assumer pleinement les coûts
inhérents à cette couverture par la loi.
Mme le Président, l'Opposition officielle espè- re et
souhaite que le ministre du Travail, en collaboration avec les personnes
concernés, poursuive ses recherches de façon qu'un jour, tous les
travailleurs soient couverts par la loi. Tous savent que désormais seuls
les services domestiques et les athlètes seront exclus du champ
d'application de la Loi des accidents du travail. Le livre blanc sur la
santé et la sécurité a suscité beaucoup d'espoir en
ce domaine. Cela fait l'objet d'un débat qui a cours actuellement au
Québec. Je pense qu'il n'y a personne ou très peu de citoyens du
Québec, j'espère encore moins de législateurs ou de
personnes qui ont à évoluer dans le cadre de ces lois, qui ne
sont pas au fait du livre blanc sur la santé et la
sécurité des travailleurs.
J'espère, Mme le Président, que le gouvernement,
après avoir suscité l'espoir qui est créé et qui
est né du livre blanc sur la santé et la sécurité,
ne reléguera pas le tout aux oubliettes ou aux calendes grecques, comme
il l'a fait avec ses promesses sur la gratuité scolaire et le
présalaire aux étudiants. Comme je l'ai dit au début, Mme
le Président, il ne faudrait pas que cette loi qui amende les lois de la
Commission des accidents du travail serve de prétexte à retarder
d'une journée ou d'une semaine le dépôt du livre blanc sur
la santé et la sécurité des travailleurs.
Mme le Président, nous croyons vraiment que la
société québécoise doit prendre tous les moyens
nécessaires de façon à assurer aux travailleurs
québécois leur pleine intégrité physique dans
l'exercice de leurs fonctions. Je conviens que ce projet de loi 114 est un pas
en avant mais il faudra je l'espère, comme je vous le disais
en arriver dans les plus brefs délais au dépôt de ce
projet de loi qui entraînera, encore une fois, un processus de
consultations assez important. L'on doit se pencher sur les résultats de
ce livre blanc dans les plus brefs délais.
Toujours en ce qui concerne, Mme le Président, le champ
d'application de la loi, je tiens à vous signaler qu'après
l'adoption de cette loi, le mot accident couvrira la notion de maladie
psychique. Il est vrai, Mme le Président, que l'exercice d'un emploi a
un lien avec l'évolution psychique de l'homme. Je conviens que le fait
d'occuper une fonction quelconque peut, pour plusieurs motifs mon but ce
soir n'est pas de vous faire un cours là-dessus évidemment,
d'ailleurs j'hésite à croire que j'en serais capable de toute
façon; j'hésite à croire, Mme le Président, qu'on
puisse...
M. Johnson: Si le député de Portneuf me le permet
pour...
M. Pagé: Oui.
M Johson: ... couper court peut-être à une longue
envolée qu'il avait préparée, j'ai l'intention de retirer
les dispositions sur la notion de maladie psychique lors de la commission pour
que nous en discutions plus à fond lors du projet de loi-cadre au mois
de mars.
M. Pagé: Mme le Président, vous voyez, il a suffi
que l'Opposition officielle... Mme le Prési-
dent, c'est votre premier mandat comme député à
l'Assemblée; vous venez de voir de façon concrète et bien
tangible l'effet de la position de l'Opposition officielle. Il a suffi, Mme le
Président, qu'on l'énonce, qu'on le souligne pour que le
gouvernement recule. Vous avez vu Mme le Président. C'est vrai
d'ailleurs, c'est vrai. Que le député de Joliette prenne son
fauteuil et qu'il essaie de venir me contredire là-dessus.
Mme le Président, le député de Joliette pourrait
peut-être être le premier cas traité par la Commission des
accidents du travail si le ministre n'avait pas retiré son amendement.
Effectivement, Mme le Président, je pense qu'avant que notre
société, que le gouvernement et, nos lois sur les accidents du
travail puissent aborder et couvrir cette question des maladies psychiques, je
pense qu'il est bien explicable et bien normal que ce que vient de nous
annoncer le ministre du travail et que c'est justifié que cela soit
traité dans le cadre du livre blanc sur la santé et la
sécurité des travailleurs parce qu'on avait plusieurs
interrogations et je sais que mes collègues de l'Union Nationale
entre autres, je sais que le député de Mégantic-Compton
voulait intervenir là-dessus, c'était son intention, il me
l'avait manifestée tout à l'heure, mon collègue de
Gatineau voulait intervenir sur le sujet compte tenu des préoccupations
que cela pouvait impliquer dans le milieu, compte tenu des questions qu'on
pouvait se poser là-dessus: Comment cela aurait pu être
vérifiable? Comment le contrôle médical se serait fait?
Quels auraient été les appels ou la possibilité pour une
personne affectée par une décision de la Commission des accidents
du travail sur une maladie psychique d'intervenir et de faire valoir son point
de vue?
De toute façon, Mme le Président, quant à moi, je
conviens, dans un premier temps, que cet aspect du projet de loi qui vient
d'être retiré le cas des maladies psychiques devra
être abordé dans l'étude et l'analyse qu'on aura à
faire du livre blanc sur la santé et la sécurité des
travailleurs. De toute façon, je crois qu'avant d'aborder cette
question, le ministre du Travail devrait se préoccuper et je
pense que cela serait peut-être plus urgent, plus impérieux
du cas de ce qu'on appelle les vieux accidentés, ceux qui ont eu
à subir des accidents il y a plusieurs années et qui, encore
aujourd'hui, malheureusement, ont des rentes qui sont très minimes.
Mme le Président, ce projet de loi permettra également
à un travailleur de réclamer à la Commission des accidents
du travail dans le cas de rechute. Nous sommes heureux que cette exten-tion de
la couverture lui soit apportée. Cependant, Mme le Président,
cette notion soulève certaines difficultés d'application, non pas
au niveau de l'indemnisation mais au niveau de la tarification des employeurs.
En effet, comme la classification se veut incitative et se veut une incitation
à la prévention par le biais de la tarification et compte tenu de
la mobilité de la main-d'oeuvre, je demande au ministre du Travail de
songer à la possibilité d'inclure dans sa loi que le cas d'une
rechute ne soit imputable qu'à l'employeur initial où s'est
produit l'accident.
Je m'explique, Mme le Président. Dans le projet de loi 114, la
personne qui a un premier accident chez l'employeur X est évidemment
indemnisée; cette personne quitte son emploi pour se rendre chez
l'employeur Y. Elle a une rechute. Evidemment, elle sera indemnisée.
Cette rechute sera calculée sur la tarification de l'employeur Y, du
deuxième employeur, Mme le Président. Ce que je soutiens et
demande au ministre du Travail c'est, d'accord, que les cas de rechute soient
considérés et traités comme c'est le cas dans la loi; j'en
conviens et j'y souscris mais que l'impact sur la tarification de cet accident,
l'effet financier et monétaire de cet accident soit imputé au
premier employeur.
Je vais vous donner un exemple. Il serait possible qu'à l'avenir,
un employeur toujours mon employeur X qui a besoin de
travailleurs les fasse venir, les rencontre pour discuter avec eux
évidemment de leurs capacités, de leur compétence à
occuper la fonction qu'il offre mais il pourrait leur poser une question, Mme
le Président: Est-ce que vous avez déjà eu un accident de
travail? Si oui, à quelle date, etc., et aller voir dans le dossier.
Aussitôt que cet employeur verrait je ne veux pas mettre en doute
l'honnêteté des employeurs, mais il serait possible que, lorsque
cet employeur verrait qu'un travailleur a déjà été
affecté et qu'il y a une possibilité de rechute, cela puisse
l'influencer dans son choix et il pourrait dire: C'est bien de valeur, vous
avez déjà eu un accident de travail, il y a un danger de rechute.
S'il ne le dit pas à l'employé, il pourrait se le dire à
lui-même tout au moins. Cette personne est peut-être bien
compétente; elle a déjà subi un accident de travail assez
grave; il y a un danger ou un potentiel de rechute et moi, je ne veux pas payer
pour cela. Cela pourrait, Mme le Président, brimer ce travailleur et
limiter ses possibilités d'embauche au sein d'autres entreprises.
J'invite le ministre du Travail à y songer et peut-être que
dans le débat en commission parlementaire, lors de l'étude du
projet de loi article par article, il pourrait présenter des
amendements.
Mme le Président, ce projet de loi nous propose un nouveau
système d'indemnisation lequel prévoira désormais une
indemnité au bénéficiaire équivalant à 90%
de son revenu net au lieu d'une indemnité de 75% de son revenu brut.
Toutes les personnes ou les groupes consultés par le biais du Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre se sont dits d'accord avec ce
nouveau système d'indemnisation. Cependant, dans le cadre de cette
consultation, il a toujours été question de mettre en application
un système d'indemnisation basé sur le rapport Gauvin soumis
à la Commission des accidents du travail en décembre 1974. Ce
n'est pas tout à fait ce que fait actuellement le gouvernement. Bien
entendu, le ministre va nous dire tout à l'heure, dans sa
réplique, qu'il a retenu la formule d'établissement du plafond
des gains assurables proposée par le
rapport Gauvin. Ceci est vrai et nous en sommes heureux car,
désormais, ce plafond permettra de protéger la totalité
des gains d'environ 85% des travailleurs québécois. De plus, ce
plafond sera indexé annuellement.
Cependant, Mme le Président, le ministre devra travailler
à ce que l'écart entre le salaire assurable au Québec et
celui, par exemple, de l'Ontario, ne devienne pas trop grand afin de ne pas
créer un fardeau financier trop lourd lequel pourrait nuire à
l'équilibre financier de la petite entreprise québécoise
et dans sa compétitivité, sa concurrence par rapport aux
entreprises voisines. (0 h 50)
D'ailleurs, Mme le Président, tout le monde sait ou tout le monde
devrait savoir que ce sont seulement les employeurs qui sont cotisés
à la Commission des accidents du travail et que ce sont eux qui
défraient le coût du système d'indemnisation dans lequel on
vit aujourd'hui.
Mme le Président, la deuxième recommandation importante du
rapport visait à établir, pour une incapacité totale
permanente ou temporaire, une indemnisation sur la base de 90% du revenu net
disponible. Cette recommandation, le ministre l'a retenue également et
je l'en remercie.
La troisième, Mme le Président, relativement à
l'indemnisation proposait d'établir la rente de veuve à 50% du
revenu brut du conjoint décédé et, par le fait même,
l'on faisait disparaître la rente d'enfant. Le ministre retient une
formule qui est différente, qui est peut-être un peu plus
généreuse mais qui, selon moi, est plus juste.
J'aimerais savoir, Mme le Président, si le ministre a fait une
étude sur le coût imputé aux employeurs pour cette
augmentation ou cette générosité, comme certains peuvent
l'utiliser. Le ministre a-t-il songé, a-t-il analysé l'impact
pour la petite et la moyenne entreprise du Québec, en nous proposant
cette mesure et, entre autres, je le prierais de déposer, si possible,
les études et les analyses qu'il a faites, pour voir l'impact de cette
loi sur l'entreprise québécoise.
Enfin, Mme le Président, le ministre touche, dans sa loi, le
secteur des maladies professionnelles. Je n'ai pas l'intention de l'aborder
longuement ici, compte tenu de l'heure tardive. Nous pourrons y revenir,
évidemment, en commission parlementaire, lors de l'étude du
projet de loi, article par article.
Le rapport Gauvin, à ce sujet, proposait la formule qui a
été retenue par le gouvernement, le précédent
gouvernement, le gouvernement libéral, et mieux connue sous le nom de la
loi 52 pour le cas de silicose et d'amiantose.
Mme le Président, je suis surpris de constater que toute cette
question n'ait pas été abordée et que le ministre n'ait
pas attendu, pour traiter toute cette question des maladies professionnelles.
Pourquoi le ministre, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas attendu pour la
traiter dans le cadre du livre blanc et des résultats du livre blanc sur
la santé et la sécurité des travailleurs? Je conviens que
le ministre a dû intervenir pour régler des cas spécifiques
en attendant, mais si le ministre inter- vient dans ce dossier, il se devrait,
selon moi, Mme le Président, et le gouvernement se devrait d'intervenir
plus généralement, il devrait intervenir de façon à
couvrir les industries de transformation dans l'amiante.
J'ai fait part au ministre du Travail et au ministre d'état au
Développement social, il y a quelques semaines, de l'obligation que le
gouvernement aurait d'intervenir dans des cas aussi spécifiques que
celui de la Compagnie Atlas Asbestos Corporation, à Montréal,
où entre autres, plus de 100 travailleurs sur 400, sont
déjà affectés et ne sont pas couverts par cette loi.
L'étude du projet de loi 114 aurai été, selon moi
et selon le Parti libéral et l'Opposition officielle, le moment le mieux
choisi pour traiter de cette question de la couverture par la loi 52, des
usines de transformation de l'amiante et je suis convaincu que mon
collègue de Frontenac pourrait abonder dans le même sens que moi,
tout à l'heure, s'il intervient sur le projet de loi.
Mme le Président, en ce qui concerne la rente minimale, le
ministre du Travail nous a fait part de chiffres tout à l'heure. Il nous
a donné des montants, il nous a donné des exemples de montants,
compte tenu du nombre de personnes dans la famille. Evidemment, il a fait
état de la rente minimale. Cette volonté d'implanter une rente
minimale, Mme le Président, nous sommes d'accord avec cela. Ce
système aura l'avantage de protéger d'une façon beaucoup
plus adéquate les personnes à faible revenu.
Un quatrième point, Mme le Président, que je voudrais
aborder: celui de confier à la Commission des accidents du travail un
mandat l'autorisant à appliquer une politique globale de
réadaptation sociale des bénéficiaires. Sur ce point,
madame, l'Opposition officielle appuie le gouvernement avec la réserve
suivante: pourquoi le ministre tient-il à tout prix à adopter ces
dispositions assez rapidement? Il est une heure du matin, on est à la
veille de Noël et son collègue au Développement social ne
nous a pas encore présenté sa fameuse loi cadre.
La philosophie de notre parti à ce sujet est que le travailleur
qui a subi un accident au travail a droit à une indemnité
économique, mais il a également droit à une aide lui
facilitant la réinsertion sociale dans le cas de préjudice grave.
Cette philosophie est, en somme, la même que sous-tend tout l'exercice du
livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs.
Ce principe, Mme le Président, de réinsertion sociale devrait
être traité par le gouvernement. Le gouvernement devrait profiter
du projet de loi 114 et du livre blanc sur la santé des travailleurs
pour traiter les cas de réinsertion sociale, non seulement dans le cas
d'accidents. Je vais vous donner un exemple. Je suis convaincu qu'il y a
plusieurs députés qui ont vécu cette situation. Prenez le
cas, Mme le Président, d'une personne qui a passé sa vie, 20 ans,
25 ans, à conduire un véhicule automobile. On a le cas des
chauffeurs de véhicules lourds, qu'on appelle chez nous les
camions-remorques, les vans, pour être plus explicite.
On voit souvent, Mme le Président, une de ces personnes, c'est
son seul métier, c'est sa seule possibilité, sa seule
capacité de gagner son pain, effectuer ce travail. On voit souvent de
ces personnes qui ont un infarctus du myocarde et qui, compte tenu des normes
exigées par le Bureau des véhicules automobiles, se voient
retirer leur permis de chauffeur. Ces personnes, du jour au lendemain, compte
tenu d'une maladie, se voient privées de leur gagne-pain, qui est le
permis de pouvoir conduire un véhicule automobile. Le livre blanc sur la
santé et la sécurité des travailleurs devrait aussi
traiter ces cas et j'espère que le projet de loi-cadre ou le projet de
loi global, auquel le ministre a fait allusion tout à l'heure, pourra
traiter de tels cas et ne se limitera pas seulement à des cas
d'accidents de travail, mais couvrira aussi et envisagera la possibilité
d'un service de réadaptation et de réinsertion au travail pour
ces personnes.
Mme le Président, ceci amène plusieurs projets de loi; on
m'informait tout à l'heure qu'on en a encore une quarantaine à
adopter d'ici quatre jours. La vitesse à laquelle le ministre se
prépare à adopter ces mesures laisse quand même
présager que ce sont là, peut-être j'aimerais qu'il
me rassure là-dessus les seuls efforts que fera le gouvernement
dans le domaine de la réadaptation. Qu'adviendra-t-il des promesses du
livre blanc? Le ministre se targuait tout à l'heure de respecter ses
promesses. Qu'il nous réponde clairement là-dessus! Quand le
gouvernement aura-t-il le courage de déposer, quand déposera-t-il
son fameux projet de loi? J'espère que ce sera d'ici la fin de la
présente session, c'est-à-dire avant Noël. Le ministre du
Travail est devenu le spécialiste des réformes globales. Vous en
savez quelque chose, Mme le Président. Je suis certain que vous vous
êtes interrogée, vous aussi, sur ces fameux engagements de
réforme globale. On se rappelle l'engagement qu'il avait pris il y a
quelque temps d'une réforme globale des lois ouvrières du
Québec. Il a fallu que j'intervienne régulièrement
à l'Assemblée pour enfin savoir du ministre que c'étaient
des comités sectoriels qui allaient siéger sur des
problèmes spécifiques, mais qu'il n'y avait pas, somme toute, de
réforme globale.
Mme le Président, sur cette question, j'espère que la
réforme présumée, dans le cas du livre blanc, n'aboutira
pas à des réformettes spécifiques et des réformes
trop limitatives. Il y a d'autres mesures sur lesquelles nous reviendrons lors
de l'étude en commissions parlementaires. Parmi ces mesures avec
lesquelles nous sommes d'accord, je peux vous citer, entre autres, le
regroupement des infractions, le regroupement du pouvoir réglementaire,
la durée de l'emploi assurable en dehors du Québec, le
remboursement de certains coûts accessoires à un accident: les
vêtements, les prothèses, entre autres, où il y a
particulièrement des problèmes; la prépublication des
règlements de la Commission des accidents du travail. Entre autres, Mme
le Président, il y a un aspect bien particulier que j'aimerais toucher
avant de terminer là-dessus, et c'est l'aspect de la loi 114. Le minis-
tre nous a dit tout à l'heure qu'à l'avenir une personne allait
avoir le droit d'être représentée à la Commission
des accidents du travail, dans toutes les procédures, par une autre
personne qu'un avocat. J'aimerais que le ministre du Travail, qui, par
surcroît, est avocat, nous fasse part de ses commentaires à la
suite du télégramme qu'il recevait cet après-midi du
Barreau du Québec, qui s'opposait à l'adoption de cet article de
la loi 114. J'aimerais que le ministre du Travail profite soit de sa
réplique ou, encore, du débat en commission parlementaire, pour
nous dire pourquoi, en plus de voter pour le principe du projet de loi
chose que nous ferons, évidemment on devrait
particulièrement voter pour cet article.
Ceci dit, Mme le Président, et là je ne voudrais pas trop
insister, vous allez me dire: M. le député, vous défendez
votre profession. J'en suis venu presque à me demander ce que le
gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois
a contre les avocats du Québec. Il n'y a pas une session où il
n'y a pas une loi qui vienne limiter le champ de pratique d'un avocat. On a vu,
évidemment, les effets de l'assurance automobile, et différentes
mesures législatives qui sont venues affecter le droit de l'avocat, et
les champs de juridiction de cette discipline. Mme le Président,
c'étaient là les quelques remarques que je voulais vous formuler
sur ce projet de loi. Nous aimerions que le ministre du Travail, ainsi que son
collègue, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire à plusieurs
reprises mais j'insiste particulièrement là-dessus
le ministre d'Etat au développement social, qui n'est pas ici ce soir,
prennent ici I engagement formel, dans les plus brefs délais, de
déposer la loi-cadre sur la santé et la sécurité
des travailleurs pour que cessent des réformes comme le dit le
ministre un peu à la pièce et comme celles que le ministre
du Travail nous demande d'adopter. (1 heure)
J'espère que le ministre pourra répondre aux
différentes interrogations que nous avons formulées.
J'espère que celui-ci profitera de sa réplique ou du débat
en deuxième lecture pour nous rassurer ou nous donner des informations
sur plusieurs éléments qu'on a soulevés.
Une Voix: Le ministre est fatigué. Il veut se reposer.
M. Pagé: J'aimerais enfin, Mme le Président
ce serait peut-être une bonne nouvelle à annoncer cette nuit, en
date du 15 décembre, à une centaine de milliers de travailleurs
du Québec que le ministre du Travail s'engage, au nom du
gouvernement, à déposer avant l'ajournement de la session le
projet de loi auquel on est en droit de s'attendre à la suite du livre
blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs du
Québec.
Une Voix: Très bien!
Mme le Vice-Président: M. le député de
Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Je vous remercie, Mme le Président. J'aimerais
aussi émettre certains commentaires, le plus brièvement possible,
au nom de l'Union Nationale, sur cet important projet de loi no 114 qui est
présenté par le ministre du Travail et qui vise à apporter
certaines modifications à la Commission des accidents du travail.
Mme le Président, on sait que ces modifications touchent quatre
aspects. D'abord, au régime d'indemnisation, ensuite à
l'extension du champ d'application de la loi, à la classification des
employeurs et, enfin, à la réadaptation. En ce qui concerne
l'indemnité au travailleur, celui-ci bénéficiera
désormais d'un montant qui sera calculé sur 90% de son salaire
net plutôt que sur 75% de son salaire brut. A prime abord, cela peut
sembler une approche intéressante. Cependant et cela n'a pas
été fait encore, peut-être que cela pourrait être
fait au niveau de la commission parlementaire on n'a pas eu tellement
d'informations en ce qui concerne les coûts exacts de ces modifications
au niveau des employeurs, d'une part, et des bénéfices si
bénéfices il y a pour les bénéficiaires de
telles mesures. Qu'est-ce que cela changera, fondamentalement? Je sais qu'il y
aura certaines réserves à apporter également au niveau des
personnes qui sont célibataires et qui pourraient, dans un certain sens,
se voir privées d'une certaine forme de revenu, si ces personnes sont
indemnisées par la Commission des accidents du travail pendant un
certain temps et si on doit le calculer sur leur salaire net,
évidemment, l'impôt payé est beaucoup plus important que
celui d'un père de famille avec plusieurs enfants à charge.
Mme le Président, il y a un deuxième point que j aimerais
également toucher. C'est la question des dispositions prévoyant
que la commission doit déduire de l'indemnité du travailleur
toute somme excédant la moyenne des gains ayant servi à
établir cette indemnité et provenant d'une rente
d'invalidité en vertu du Régime de rentes du Québec. Cette
disposition est abolie et je suis un des premiers à m'en réjouir.
Vous vous en souviendrez, M. le Président, j'ai dû intervenir
plusieurs fois à l'Assemblée nationale sur cette fameuse question
des coupures qu'on faisait aux travailleurs, en particulier aux travailleurs
dans le domaine de l'amiante, ceux qui doivent subsister en fonction de la
partie du salaire qu'ils reçoivent en fonction de la loi 52. Depuis un
certain temps, ce qu'ils recevaient en termes d'invalidité de la
Régie des rentes du Québec leur était enlevé par la
Commission des accidents du travail, ce qui me semblait une mesure tout
à fait injuste puisque, étant reconnus avoir un degré de
maladie industrielle suffisant pour être déclassés en terme
d'invalidité, au point de vue de la Régie des rentes du
Québec, il devenait illogique que la Commission des accidents du travail
puisse, à même cette sécurité que, dans le fond,
tout le monde paie au niveau du régime des rentes d'invalidité,
déduire cela de leur revenu. C'est donc une correction majeure,
importante, qui est introduite dans le projet de loi et qui répond aux
nombreuses demandes que j'ai eu l'occasion de faire en cette Assemblée
nationale au nom de ces travailleurs.
En deuxième lieu, ce que j'espère à ce chapitre,
c'est de cesser d'enlever le montant reçu du régime des rentes
d'invalidité de ce que les gens reçoivent, par exemple, de la loi
52 comme indemnisation; étant donné qu'on l'a reconnu, puisqu'on
a cessé d'enlever le régime des rentes d'invalidité des
prestations de la loi 52, j'aimerais maintenant que, par principe de justice et
d'équité, on remette à ceux à qui on a
enlevé ce revenu supplémentaire ce qu'on leur a retenu de
façon injuste, d'une part.
D'autre part, j'aimerais que le ministre profite de l'occasion pour
faire un peu le ménage sur cette situation puisque, actuellement, il
reste encore des lacunes. Il y a sûrement eu des directives émises
puisqu'on a cessé les coupures pour un certain nombre de travailleurs.
Par contre, il y en a d'autres actuellement qui, malgré ces directives,
continuent à se voir enlever de leur revenu,
régulièrement, la partie qu'ils reçoivent en terme de
régie des rentes au chapitre de l'invalidité. Cela veut donc dire
que la situation est encore assez confuse dans ce domaine. J'aimerais que le
ministre profite de l'occasion qu'on lui donne aujourd'hui pour recevoir ces
commentaires de notre part, en tenir bien compte et surtout apporter les
corrections qui s'imposent dans les plus brefs délais.
Maintenant, M. le Président, tel que c'est indiqué ici, il
s'agit d'un nouveau système de classification, également: les
employeurs assujettis à la Loi des accidents de travail qui doit entrer
en vigueur le 1er janvier, 1979. Je pense que, fondamentalement, au point de
départ, c'était là, l'objectif visé pour introduire
ce projet de loi devant l'Assemblée nationale à ce moment-ci. On
avait ce délai à respecter et on devait faire face à
l'échéance du 1er janvier, 1979. On a cru bon, cependant, d'y
introduire un certain nombre de modifications, d'apporter aussi, en quelque
sorte, certains éléments qu'on aurait dû s'attendre
à voir discuter dans le cadre général de tout le livre
blanc sur la santé et la sécurité au travail au
Québec.
Malheureusement, cela m'est apparu une façon "à la
pièce", de vouloir aborder la question. Le ministre a indiqué
tout à l'heure que certains aspects cependant, qui sont
présentés dans son projet de loi 114, seront carrément mis
de côté au niveau de la commission parlementaire, pour finalement
limiter le projet de loi à un certain nombre de données
précises. J'espère que le ministre pourra nous donner davantage
d'explications à ce sujet.
Maintenant, M. le Président, je suis heureux de voir aussi qu'on
s'apprête maintenant à considérer les agriculteurs comme
des travailleurs au même titre que tous les travailleurs dans la province
de Québec et que ces gens, cette classe de notre société,
vont être en mesure d'être "chapeautés" comme les autres par
la Loi des accidents de travail et donc, par la même occasion
aussi, le cas échéant, lorsqu'il y a accident,
d'être compensés au même titre qu'un autre travailleur. Le
même cas, d'ailleurs et je m'en réjouis au nom de l'Union
Nationale également en ce qui concerne l'artisan, dont on
définit le statut de façon beaucoup plus précise et qui
pourra également, bénéficier des retombées
positives de la loi et de la Commission des accidents de travail en termes de
protection.
Il y a un autre aspect que j'aimerais toucher brièvement, M. le
Président, pour indiquer que nous avons reçu, quand même,
un certain nombre de commentaires concernant ce projet de loi d'organismes
intéressés. J'ai pu également, en tant que personne
intéressée et impliquée au niveau de ce genre de
législation, faire certains contacts et j'ai pu obtenir certaines
informations ou certaines opinions concernant le projet de loi en question.
J'aimerais simplement vous indiquer ici que l'Association des mines et
métaux du Québec s'est dite d'accord entièrement,
d'ailleurs, elle a été consultée à ce sujet par le
gouvernement comme le Conseil du patronat, l'Association des mines et
métaux du Québec s'est donc dite entièrement d'accord avec
le nouveau système de classification et de tarification, même
qu'elle veut y voir, aussi, appliquées et vues comme un tout, cependant,
les recommandations du rapport Gauvin. On précise, cependant, qu'on
devrait pour le moment, se limiter strictement à la classification,
à la tarification et à ces recommandations du rapport Gauvin pour
ne pas doubler le débat en ce qui concerne la santé et la
sécurité du travail et commencer immédiatement dans ce
projet de loi à effectuer certaines modifications à
l'intérieur de la Commission des accidents de travail; celui-ci devra
être rediscuté d'ailleurs au complet lorsqu'il s'agira de
reprendre tout le livre blanc de la sécurité et de la
santé au travail et d'arriver, par la suite, à une loi-cadre sur
le sujet.
Il y a quelques points que je voulais retenir, dont un point, entre
autres, M. le Président, en ce qui concerne la fameuse question des
rechutes et ce qu'on prévoit dans la loi à ce chapitre. Je lirai
simplement les remarques de l'Association des mines et métaux à
ce sujet: "Si, en 1977, les employeurs se sont conformés de bonne
grâce à l'obligation de verser les cinq premiers jours à
l'accidenté, pour diminuer les délais, en se suppléant
à l'administration de la Commission des accidents de travail, ils n'ont
plus les mêmes raisons d'accepter des raisons similaires pour les
rechutes et les aggravations. En effet, lors des rechutes, la Commission des
accidents de travail a déjà en main les dossiers des
accidentés et ne peut invoquer les mêmes raisons de délais
administratifs pour ne pas verser, elle-même, ces indemnités. On
comprendra, aussi, que, dans toute la question de ces rechutes, il peut y avoir
aussi, à un certain moment, des abus de ce côté, de sorte
qu'on pourrait également placer certains de nos employeurs dans une
situation passablement difficile en ce qui concerne les abus possibles dans ce
domaine."
II y a un point sur lequel j'aimerais m'arrêter plus
brièvement que prévu, évidemment, puisque j'ai
été content d'apprendre que le ministre va retirer de son projet
de loi tout ce qui concerne la question des maladies phychiques qu'on voulait
inclure au niveau du projet de loi et au niveau, également, des
situations apportant une compensation par la Commission des accidents du
travail. (1 h 10)
C'était là, évidemment, une manifestation de
l'intention que le gouvernement a indiquée dans son livre blanc sur la
façon dont il veut aborder la question de la santé et de la
sécurité au travail. On sait que d'ailleurs, c'est
à la page 7 du document qui a été déposé par
le ministre Marois le gouvernement tente d'opter pour l'approche
psychosociologique dans le domaine des maladies industrielles et, à ce
moment-là, on veut automatiquement y inclure les maladies psychiques.
Ceci doit, je pense, faire l'objet d'un débat beaucoup plus large que
lors de la présentation d'un projet de loi comme la loi 114 que nous
avons devant nous à cette heure-ci de la nuit, M. le Président,
à la toute fin de la session. Cela a des implications tellement
importantes qu'on doit en discuter dans un cadre beaucoup plus large que celui
qui nous est donné actuellement.
A ce chapitre, je suis bien content que le ministre ait
décidé de retirer tout cet aspect ou toute cette notion de
l'approche psychosociologique des maladies industrielles.
Maintenant, M. le Président, j'aimerais aussi demander au
ministre pas nécessairement dans son projet de loi mais cela peut
se discuter dans ce cadre-ci de revoir la décision
gouvernementale de ne pas étendre à toutes les industries de
transformation la question de la loi 52, par exemple. J'ai posé une
question, dernièrement, à l'Assemblée nationale, au
ministre Marois, à ce sujet, lui demandant s'il avait l'intention que
soient couverts par la loi 52, les gens qui ne travaillent pas dans les mines
et carrières, mais qui oeuvrent actuellement dans le domaine de la
transformation de l'amiante et qui sont, pour certains d'entre eux, atteints
d'amiantose à des degrés souvent beaucoup plus
élevés que d'autres qui oeuvrent dans des mines. Ils ne peuvent
pas, à cause de technicités qui ne sont pas dans la loi,
être protégés actuellement par la loi 52 et ils ne peuvent
donc pas, même s'ils sont amiantosés au même degré
que les autres et au même titre que les autres, recevoir les
compensations de la loi 52. On a des cas assez pénibles dans ce sens, il
y a des personnes qui viennent à nos bureaux... Pour ma part, je suis un
député d'une région de l'amiante et j'ai eu l'occasion
d'accumuler un certain nombre de cas dans ce domaine. Au moment où on se
parle, M. le Président, il y a des gens qui travaillent à
quelques pieds du cratère de la mine, qui oeuvrent dans une usine de
transformation, à Asbestos, et qui sont atteints d'amiantose à
15%, 20% et 25%. Ils seraient donc susceptibles de se retirer du marché
du travail s'ils étaient dans les mines et carrières, mais
simplement parce qu'ils oeuvrent dans une industrie de transformation et
qu'ils n'ont pas de droits parce qu'ils ne sont pas chapeautés,
ils ne sont pas compris dans la loi telle que rédigée
actuellement.
Je pense que c'est une grave carence qui doit être
corrigée. J'ai été, d'ailleurs, agréablement
surpris de voir, dans un mémoire qui nous a été transmis
par l'Association patronale, qu'elle-même semblait être d'accord
pour que soient compris dans la loi 52 ces gens qui oeuvrent au niveau de la
fibre d'amiante et qui peuvent être atteints par la même maladie
que ceux qui oeuvrent dans les mines et carrières.
M. le Président, en ce qui concerne plus spécifiquement
cette question de la loi 52, l'approche qui est faite ici, évidemment,
dans la loi 114, ne prétend pas tout régler et ne réglera
pas tout non plus. On le sait parce que c'est simplement une approche à
la pièce; au fond, on sait qu'il va falloir attendre toute la discussion
sur le livre blanc, en fait, la loi-cadre qui va être adoptée
à l'Assemblée nationale là-dessus.
En attendant, je le rappelle au ministre, j'aimerais qu'il corrige la
question des coupures qu'on a faites au niveau du régime de
rentes-invalidité; qu'on cesse toute coupure et qu'on rembourse ceux qui
ont injustement subi des coupures dan le passé. Aussi, il serait
peut-être temps et on aura l'occasion d'y revenir en commission
parlementaire puisqu'on discute de préoccupations sociales,
d'ajuster les montants pour les veuves et les dépendants à
charge. Il serait peut-être temps d'avoir la même
préoccupation sociale pour ceux qui ont définitivement pris la
route de l'indemnisation complète au niveau des années, qui sont
indemnisés par la Commission des accidents du travail,
c'est-à-dire ceux qui sont retirés complètement du
marché du travail parce qu'ils sont atteints d'une maladie industrielle
ou parce qu'ils ont été victimes d'accidents industriels depuis
un certain nombre d'années et qui sont gelés, en termes de
revenus, à ce qu'ils avaient dans les années soixante-dix,
soixante et onze, soixante-douze. On sait que cela a monté en
flèche, de sorte que quelqu'un qui pouvait gagner $15 000 dans
l'industrie à ce moment-là, peut avoir un compagnon qui gagne $18
000 à $20 000 aujourd'hui. Pour lui, on calcule encore selon le montant
qu'il recevait à ce moment-là, ce qui revient à dire que
le gouvernement consacre, par une telle situation, le fait qu'on laisse ce type
dans la misère parce qu'il n'est plus capable de faire face au
coût de la vie comme les autres. Il faudrait peut-être ajuster...
Il n'y en a pas un très grand nombre; cependant, il y a des cas qui sont
vraiment pitoyables et sur lesquels, si on a vraiment l'intention de voir
l'aspect social de cette question, on devra s'attabler et les corriger
tôt ou tard.
J'aimerais également, en terminant, déplorer ce
n'est pas un procès en bonne et due forme que je veux faire ici, M. le
Président, mais je veux faire des remarques assez sérieuses
à ce sujet ce qui se passe actuellement comme efficacité,
ou surtout comme non-efficacité, au niveau de la Commission des
accidents du travail du Québec. Seulement pour vous donner un exemple,
M. le Président, et cela entre dans le cadre de nos discussions et il
faudra aller plus loin dans ce domaine, simplement depuis deux semaines, mon
bureau a eu l'occasion de soumettre 20 cas à la Commission des accidents
du travail du Québec. Sur ces 20 cas, on devait avoir, dans un ou dans
l'autre cas des réponses dans une journée, deux journées,
trois journées d'intervalle, parfois des appels
téléphoniques dans la même journée et tout cela. Sur
les 20 cas, on n'a eu aucune réponse depuis deux semaines; on est revenu
à la charge mardi de cette semaine. On devait nous rappeler et nous
fournir un certain nombre de réponses au cours de la même
journée, ce qui n'a même pas été fait.
Je comprends qu'il n'y a sûrement pas eu de directives de
données de la part du gouvernement de ne plus répondre aux
députés qui font leur travail, qui défendent ces gens qui
sont atteints d'une maladie industrielle et qui veulent avoir justice au niveau
de la Commission des accidents du travail. Mais je pense qu'à ce niveau,
on est conscient, par des expériences comme celles-là, que rien
ne va plus. Je me dis une chose: Si un député, membre de
l'Assemblée nationale, dûment élu, avec les pouvoirs qui
lui sont conférés d'intervenir pour ces gens, ne peut même
pas, dans certains cas, obtenir de réponse de la Commission des
accidents du travail, comment voulez-vous qu'un simple citoyen, qui essaie
d'obtenir justice dans ce domaine, puisse être capable de se retrouver
là-dedans et d'obtenir une réponse?
Cela n'a vraiment pas de sens et j'aimerais attirer l'attention du
ministre là-dessus pour lui demander qu'il jette un oeil de ce
côté pour voir ce qui se passe au juste. Je suis certain qu'il y
aurait d'autres députés dans cette Chambre qui pourraient donner
des témoignages sur ces choses parmi les députés qui ont
à oeuvrer au niveau des maladies industrielles et à recevoir
à leurs bureaux des gens qui sont concernés.
On a procédé à la "régionalisation"; on
pourrait en discuter; je n'ai pas l'intention d'entrer dans tout ce domaine.
Mais cela a donné ce que cela a donné. On n'a peut-être pas
donné la chance aux gens concernés d'avoir toute la
préparation, toutes les données non plus. On a "garro-ché"
cela un peu comme c'est venu et cela a donné les problèmes que
cela donne. Il y a beaucoup de fonctionnaires qui essaient de travailler avec
le meilleur de leurs possibilités dans ce domaine, mais, tel que c'est
organisé actuellement, cela ne fonctionne vraiment pas et il y a lieu de
se poser des questions là-dessus.
En terminant, M. le Président, je veux simplement vous indiquer
qu'il est urgent qu'on procède à l'étude du livre blanc.
Cela fait deux ans que le gouvernement nous dit que cela va être de six
mois à six mois qu'il va le déposer. On est venu à bout de
l'avoir; on l'a devant nous maintenant. Maintenant, il reste à passer
à l'étape de la fameuse loi-cadre où on est supposé
revoir en profondeur toutes les questions des maladies professionnelles, des
maladies industrielles, des accidents de travail avec tout ce que cela
impli-
que, pour essayer de donner une nouvelle approche à ces
problèmes, pour essayer de donner vraiment la possibilité
à ceux qui sont dans des situations comme cela de voir leurs causes
réglées en toute justice.
M. le Président, c'est sur ces quelques points que je voulais
attirer l'attention du ministre et je lui demande, en particulier, de
considérer la question des coupures de régimes de
rentes-invalidité, par rapport aux travailleurs atteints d'amiantose, en
lui rappelant brièvement que, à la suite des interventions que
j'ai faites en Chambre, il avait donné des directives, je pense,
à la Commission des accidents du travail qui a cessé les
coupures, mais pas pour tout le monde. C'est dire qu'il y a encore de la
confusion dans ce domaine, puisqu'il y a encore des gens qu'on continue
à couper injustement de ce côté. En même temps, je
veux lui demander de regarder la possibilité de rembourser; étant
donné qu'on a reconnu le principe qu'on ne devait pas leur enlever ce
qu'ils avaient justement payé, qu'on leur redonne maintenant ce qui leur
revient.
Je remercie le ministre de nous avoir informés qu'il faisait des
coupures majeures au niveau de l'approche de son projet de loi. Ce dont il a
besoin dans le projet de loi, c'est de faire face à son
échéance, en termes de classification, du 1er janvier, 1979; on
est prêt à le lui accorder avec certaines autres modifications
qu'il apporte dans son projet de loi et, au cours de la commission
parlementaire, on aura l'occasion de revenir sur un certain nombre de points
qui nous préoccupent.
Le Président suppléant (M. Dussault): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président, même si nous sommes
des ouvriers de la dix-septième heure je pense que c'est le cas
il faut dire les choses telles qu'elles sont. Je vais tenter d'apporter,
sur le projet de loi qui est en discussion, quelques commentaires, quelques
observations, voire quelques recommandations au parrain du projet de loi,
l'honorable ministre du Travail, et à nos collègues du
côté ministériel.
M. le Président, même si la loi comporte des
améliorations je pense qu'il faut en convenir je
m'interroge sur les raisons qui font que ce projet de loi nous est
apporté à ce moment, un projet de loi qui a été
déposé en première lecture le 22 novembre 1978 et qui est
discuté en deuxième lecture à partir d'aujourd'hui,
à partir d'hier puisque, effectivement, c'est hier que le débat a
été entamé, que le débat en deuxième lecture
a été entamé. (1 h 20)
M. le Président, je me serais attendu à bien autre chose
que cela, et je pense que les travailleurs et les victimes d'accidents de
travail les victimes de maladies industrielles se seraient
attendus aussi à autre chose que cela.
Je me souviens très bien qu'à la suite d'une motion
présentée à l'Assemblée nationale en 1974, si ma
mémoire est bonne, et qui avait été appuyée par mes
collègues de l'Opposition officielle, qui forment le gouvernement
actuel, et qui avait été finalement appuyée par le
gouvernement du temps, qui forme aujourd'hui l'Opposition officielle, pour
faire en sorte que la Commission des accidents de travail soit convoquée
devant une commission parlementaire, il a fallu attendre un an avant que cette
dite commission soit convoquée et que, pour la première fois de
son histoire, les administrateurs de cette commission, le président, le
vice-président et les commissaires rencontrent leur patron, les
élus du peuple pour la première fois depuis la fondation, soit
depuis 42 ans.
On ne me dira quand même pas qu'il y a abus de pouvoir de faire en
sorte que les employés voient le patron au moins à tous les 42
ans. C'est un fait et ce fut une surprise pour moi. Ce qui a été
révélé à l'occasion de cette commission
parlementaire j'inviterais le ministre du Travail actuel à relire
les propos qu'avait tenus le leader parlementaire de l'Opposition officielle du
temps, le député de Maisonneuve, et les recommandations qu'il
avait faites à l'issue des travaux de cette commission parlementaire
alors qu'il avait été recommandé et convenu qu'il
était urgent, très urgent, de revoir toute la structure de la
Commission des accidents de travail, de faire en sorte d'avoir une
révision complète de la loi. Cela a été tellement
vrai qu'on l'avait compris, que le discours inaugural du premier ministre de
1975 en faisait mention. C'était une des priorités de
l'année. Pour des raisons que j'ignore, cela n'a pas été
possible en 1975. Cela a été repris dans le discours inaugural de
1976, à savoir que c'était une des priorités de
l'année que de revoir en profondeur la Loi des accidents de travail. Il
y a eu des élections le 15 novembre et un nouveau gouvernement a
été élu et j'entends mon collègue qui dit:
Dieu merci! Le nouveau premier ministre, dans son discours inaugural avait dit
qu'il fallait et c'était une des priorités de
l'année revoir la Loi des accidents de travail en profondeur.
En 1978 j'ai posé des questions au ministre du Travail, j'en ai
posé également à la fin de l'année 1977 et on
était en train d'examiner toute la structure, toute la
législation qui régit les accidents de travail, pour
présenter un projet de loi qui apporterait des modifications
substantielles, voire même radicales, pour moderniser cette institution
qui commençait à prendre de l'âge, ultraconservatrice, pour
moderniser cette institution, de façon à ce qu'elle
réponde davantage aux besoins des travailleurs et aux besoins des
victimes des accidents de travail.
Le moindre que l'on puisse dire c'est que la montagne a accouché
d'une souris.
Nous avons une petite loi de replâtrage, présentée
dans les derniers jours de la session, s'il vous plaît, par dessus le
marché, alors que nous sommes obligés d'intervenir à une
heure et demie du matin, après avoir siégé à une
commission
parlementaire depuis 10 heures la veille. Une chance qu'on n'est pas
régis par la Loi du salaire minimum.
M. Johnson: Cela s'en vient, la semaine prochaine.
M. Roy: Une chance que les parlementaires ne sont pas
régis par la Loi du salaire minimum. Je ne parle pas au point de vue
salaire, je parle au point de vue heures de travail, pour faire en sorte qu'on
travaille de façon intelligente et qu'on travaille de façon
vraiment responsable dans des situations de ce genre.
M. le Président, il a été dit, à l'issue des
travaux de cette commission parlementaire, que la Commission des accidents du
travail et je partageais l'opinion du député de
Maisonneuve à l'époque, je la partage encore aujourd'hui, je ne
sais pas si lui a changé d'idée, mais je présume que non,
je lui prête bonne foi avait été une
assurance-patrons puisque effectivement, à partir du moment où
cette loi a été adoptée au Parlement, l'Assemblée
législative du Québec d'alors, il n'était plus possible
pour un travailleur de poursuivre un patron à la suite d'un accident de
travail puisque l'Etat prenait sous sa responsabilité le soin
d'indemniser lui-même les victimes et de faire en sorte qu'il n'y ait
plus de poursuite contre le patron. C'est ce qui avait été dit,
c'est ce que comportait la loi puisque les travailleurs, les catégories
de travailleurs ne pouvaient faire en sorte, lorsqu'ils étaient couverts
par la Loi des accidents du travail, de poursuivre les patrons.
Ce fut une assurance patron, pas pour les petits patrons, mais pour les
gros patrons parce que, à l'époque, quels étaient les
patrons, au Québec, qui pouvaient être couverts et
protégés par la Loi des accidents du travail en cas de poursuites
des travailleurs? C'étaient d'abord les compagnies papetières. Je
n'apprends rien à personne en disant ces choses, sauf peut-être
aux plus jeunes pour leur rappeler quelques pages de notre histoire.
C'étaient aussi les compagnies minières, c'étaient
également les grosses entreprises, parce que de la petite entreprise, au
Québec, nous en avions très peu, c'était une
économie de type rural et on sait très bien que la
majorité des travailleurs vivait de l'agriculture à cette
époque. C'est ce qui a été dit.
Lorsqu'on a eu l'occasion de travailler pour les compagnies
papetières, il y a quelques années, on a été en
mesure de vérifier la véracité de ces faits, parce que
lorsqu'un travailleur était victime d'un accident de travail, il devait
évidemment s'adresser à la Commission des accidents du travail,
passer des examens devant les "experts" de la Commission des accidents du
travail et accepter, bon gré mal gré, des indemnités que
devait verser cette dernière.
Ce sont des situations que nous avons vécues et ce sont des
situations que les travailleurs vivent encore. Il y a bien eu des petits
amendements, de temps à autre, pour permettre d'indemniser davantage les
travailleurs, victimes d'accidents de tra- vail, à cause des
augmentations de salaires et à cause de l'augmentation du coût de
la vie. Ce sont des choses qui ont été faites à plusieurs
reprises; nous avons vu des projets de loi minimes, des projets de loi mineurs
qui ont été déposés, ici, à
l'Assemblée nationale et qui ont été acceptés parce
que ces projets de loi avaient pour effet de bonifier le régime des
indemnités.
Or, M. le Président, même si ce projet de loi comporte des
amendements, je dis qu'il ne nous donne pas satisfaction et je déplore
que nous ne puissions pas y apporter une attention plus grande, par un plus
grand nombre de membres de l'Assemblée nationale, par un plus grand
nombre d'élus, étant donné les subdivisions de
l'Assemblée nationale dans les différentes commissions
parlementaires qui siègent, compte tenu des préoccupations et des
importants projets de loi qui leur sont soumis, pour qu'il puisse être
étudié article par article pour franchir l'étape de
l'adoption du rapport, franchir l'étape de la troisième lecture
et finalement faire force de loi.
M. le Président, dans ce projet de loi on change le maximum
d'indemnité de 75% à 90% du revenu net. Il faudrait s'interroger
vraiment à savoir s'il y a une amélioration pour les
travailleurs. Dans certains cas, je pourrais dire que oui, dans d'autres cas je
ne suis pas sûr. Il faudra attendre de voir, de vérifier des cas
et prendre des cas-types pour bien examiner s'il y a un avantage réel
pour toutes les catégories de travailleurs, peu importe leur
échelle de salaire. Pour certaines catégories de salariés,
je dis oui, mais je ne suis pas en mesure de vous dire, à ce moment-ci,
que cela peut réellement apporter un avantage vraiment significatif pour
l'ensemble des travailleurs parmi les bas salariés.
M. le Président, il y a une disposition additionnelle qui devrait
être incluse dans le projet de loi parce que, dans l'ancienne loi, avant
que les amendements ne soient présentés, c'est 75% maximum qui
étaient prévu au niveau de l'indemnité, mais lorsqu'un
travailleur était évalué à 40%, il ne
bénéficiait pas de 40% d'indemnité, il
bénéficiait d'une indemnité de 40% de 75%, ce qui est bien
différent et ce qui a toujours causé un préjudice pour
ceux qui sont victimes d'incapacité partielle au niveau des accidents du
travail. (1 h 30)
M. de Bellefeuille: Cela fait 30%...
M. Roy: Cela fait 30% au lieu de 40% comme dit mon
collègue, le député de Deux-Montagnes. C'est un homme qui
calcule rapidement, M. le Président.
M. de Bellefeuille: C'est une façon de
préciser.
M. Roy: M. le Président, il y a aussi un autre point. Je
pense à cette personne qui a téléphoné à mon
bureau pour me poser une question. Elle avait entendu dire, évidemment,
que l'Assemblée nationale allait en venir à l'étude d'un
nouveau projet de loi visant à améliorer le cas des acci-
dentés de travail, des victimes des accidents du travail. Que
fait-on des vieux accidentés de travail? Que fait-on des
accidentés de travail de 1950, des accidentés de travail de 1948,
de 1945? Dans le cas de cette personne, on me parlait d'un accidenté de
travail de 1941, dont l'incapacité a été
évaluée à 100% et qui reçoit actuellement $249 par
mois.
Cette personne me disait: Le coût de la vie est aussi
élevé pour un accidenté de 1941 que pour un
accidenté de 1978. Personne ne peut dire qu'elle n'a pas raison. Quant
à apporter des amendements à la Loi des accidents du travail, il
faudrait qu'on ait le courage de faire en sorte de ne pas créer de
discrimination entre les accidentés de travail qui ont eu le malheur
d'être victimes d'un accident à telle époque, en telle
année, et ceux des années subséquentes ou ceux des
dernières années.
C'est un autre point que je veux soulever à l'attention du
ministre du Travail, en toute objectivité, pour tâcher de faire en
sorte d'apporter les correctifs qui s'imposent. Ce n'est pas la première
fois que j'ai l'occasion de déplorer, à l'Assemblée
nationale, voire de dénoncer l'immense pouvoir de réglementation
qu'on se donne dans des lois. Il faut voir le projet de loi 114, examiner le
pouvoir de réglementation que se donne la Commission des accidents de
travail dans ce projet de loi, pour constater que l'on en revient presque
à une loi-cadre qui va permettre au lieutenant-gouverneur en conseil,
aux administrateurs de la commission d'élargir la portée de la
loi ou de rétrécir la portée de la loi.
C'est bien beau de voter des lois à l'Assemblée nationale,
mais on en est rendu à voter pour donner des autorisations de
décider qui pourra être bénéficiaire, qui pourra
être admissible, à quelle condition ces gens pourront être
admissibles. Ce n'est plus l'Assemblée nationale qui décide, nous
votons des lois-cadres, nous donnons des chèques en blanc. J'inviterais
mes collègues à regarder l'article 110 de la loi et à
examiner l'immense pouvoir de réglementation qu'on y retrouve. On est
à la veille de voter une petite loi à I'Assemblée ntionale
pour autoriser le Conseil exécutif à administrer la province et
à voir à faire en sorte que les lois sociales, les lois
économiques répondent aux objectifs d'une bonne et saine
administration et qu'il ait tous les pouvoirs d'appeler les règlements
qui s'imposent pour que cela puisse se réaliser.
Le ministre du Travail est en train de me dire que c'est une bonne
formule. Quand je regarde le rôle qui nous est dévolu, les
conditions dans lesquelles les parlementaires sont obligés de
travailler, c'est un peu ce que nous avons comme système, le pouvoir de
réglementation.
J'aimerais aussi qu'on aborde le système de révision des
victimes des accidents de travail. Il faut recevoir les gens à nos
bureaux de comté, recevoir leurs plaintes, comme le disait le
député de Richmond, comme ont dit mes collègues du
côté de l'Opposition officielle tout à l'heure, pour se
rendre compte des difficultés qu'ont les victi- mes des accidents du
travail. Elles doivent faire appel à des spécialistes de leur
choix, payer elles-mêmes afin de faire réviser leur dossier.
J'ai des témoins, M. le Président. Je pourrais citer des
noms de personnes qui, après avoir rencontré des
spécialistes, ont vu ceux-ci faire venir le dossier de la Commission des
accidents du travail avant de rendre leur verdict.
Je ne dis pas que tous les spécialistes le font. Mais c'est
malheureux de voir jusqu'à quel point les victimes d'accidents de
travail sont démunies. Il y a des gens qui voyagent à mon bureau
depuis 3 ans, ils sont incapables de travailler. Après 2 ou 3 essais,
ils ont dû abandonner en plein milieu de la journée parce
qu'effectivement ils étaient incapables de travailler, trop souffrants,
ne recevant pas un seul sou de la Commission des accidents du travail, pas un
seul sou, après 3 ans. Et ces cas-là ne sont pas uniques.
Qu'on s'informe pour voir quels sont les mécanismes de
révision ou les possibilités de recours! C'est bien écrit
dans la loi, c'est beau en principe, mais qu'on aille sur le plan pratique
examiner ce qui se passe!
Alors, tout cela fait en sorte que les décisions qui sont prises
ne le sont pas toujours en fonction d'un préjugé favorable
à l'endroit des travailleurs.
M. le Président, je ne veux pas éterniser le débat,
ce n'est pas mon style de bloquer les travaux de l'Assemblée nationale,
mais il y a des choses qui doivent être dites en cette Chambre. C'est
notre devoir et notre responsabilité de les dire. C'est notre
responsabilité de nous lever et de dire ces choses au gouvernement et de
plaider la cause de ceux qui nous ont mandatés pour les
représenter.
Je trouve extrêmement déplorable, bien que ce soit un petit
pas vers une amélioration, que ce petit pas risque de retarder la grande
amélioration tant souhaitée et tant désirée par les
travailleurs et par un grand nombre de députés de cette
Assemblée.
M. Grégoire: M. le Président...
Le Président suppléant (M. Dussault): M. le
député de Frontenac.
M. Gilles Grégoire
M. Grégoire: M. le Président, la loi 114 amende la
Loi des accidents du travail et d'autres dispositions législatives et,
parmi celles-là, il y a la loi 52 sur l'indemnisation des victimes
d'amiantose et de silicose. C'est surtout sur les principes qui sont
émis dans les amendements à la loi 52 que je voudrais m'attarder
ce soir.
Tout d'abord, je crois qu'il serait bon, M. le Président, en deux
ou trois minutes, de faire I historique des travailleurs de l'amiante. Ces
mines sont exploitées depuis 100 ans et au cours des premières
années, la technologie médicale n'a pas renseigné les
travailleurs des effets nocifs sur leur santé de la poussière
dans les mines d'amiante et dans les moulins.
Alors on réalisait que dans la région de l'amiante,
à Thetford, Black Lake, Asbestos, les hommes qui, depuis l'âge de
18, 19 ou 20 ans, travaillaient dans les mines d'amiante, rendus à la
force de l'âge ou vers 50, 55 ans, ne pouvaient plus travailler parce
qu'ils avaient des difficultés respiratoires, parce qu'ils avaient les
poumons attaqués, parce qu'ils travaillaient dans des conditions qui
n'avaient pas de bon sens.
Au cours des 70 premières années, la médecine ne
s'est pas attaquée à ce problème-là. Elle n'avait
pas fait les progrès suffisants de telle sorte que les pauvres mineurs
de la région de l'amiante, une toute petite région du
Québec, une bande de terrain d'à peine 50, 55 milles de long sur
8, 9 milles de large où se trouve l'amiante, eh bien! dans cette
région-là, les pauvres mineurs se voyaient terrassés par
la maladie sans trop savoir ce qui se produisait.
Mais, au bout de 70 ans, en 1949, les travailleurs de l'amiante se sont
réveillés. Il y eut une fameuse grève. On a vu alors des
hommes politiques, du genre de Jean Marchand, Pierre Elliott Trudeau,
Gérard Pelletier, Jean Drapeau, aller appuyer les travailleurs de
l'amiante. On a vu les curés en chaire appuyer les travailleurs de
l'amiante et demander un peu partout dans les paroisses du Québec de
fournir... Jean Drapeau...
Des Voix: Non, non, non.
Une Voix: Monseigneur Charbonneau.
M. Grégoire: Jean Drapeau, également. Non... On a
vu également en chaire des curés demander aux citoyens d'aider
les travailleurs de l'amiante qui se battaient pour leur santé dans les
mines d'amiante. On a même vu l'archevêque de Montréal
exilé à Vancouver pour avoir pris partie dans cette
grève-là. (1 h 40)
On a vu l'équipe des Jésuites, l'équipe de
Relations sous la direction du Père Archambault, du Père Richard,
du Père Cousineau se mêler directement à cette grève
et au problème crucial qui était évoqué par cette
grève. On a vu la police provinciale intervenir d'une façon dure
avec la matraque. La grève de 1949 s'est terminée, mais
après, on n'a plus revu Jean Marchand à Thetford Mines, ni Pierre
Elliott Trudeau, ni Gérard Pelletier. Monseigneur Charbonneau
était en exil à Vancouver. Les travailleurs sont rentrés
au fond de la mine en arrière des tas. Et là encore, pendant 26
ans, les travailleurs de l'amiante ont fait montre de patience. Pendant...
M. Lalonde: Question de règlement. Je m'excuse
d'interrompre le député de Frontenac dans son envolée,
mais je ne pense pas que nous ayons quorum, Mme le Président.
Mme le Vice-Président: Nous vérifions
immédiatement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
Pourrions-nous compter les députés de façon que nous
voyions si nous avons bien quorum? Il manque trois députés pour
que nous ayons quorum.
Une Voix: Qu'on appelle les députés.
Mme le Vice-Président: Voulez-vous aller sortir les
députés de derrière leur fauteuil, s'il vous
plaît!
Une Voix: Nous n'avons pas encore quorum.
Mme le Vice-Président: II nous manque encore un
député.
Une Voix: Qu'on appelle les députés.
Mme le Vice-Président: Monsieur, voulez-vous
vérifier s'il n'y aurait pas un député juste à
côté de la porte, s'il vous plaît, pour éviter de
faire sonner les cloches?
Des Voix: Ah! Ah!
Mme le Vice-Président: Je recommanderais aux membres de
cette Assemblée de bien vouloir se tenir cois et de ne pas bouger. M. le
député de Frontenac a une intervention à faire et nous
voudrions bien ne pas partir sans qu'elle soit terminée.
M. Grégoire: Mme le Président, après la
grève de 1949, les ouvriers de l'amiante se sont une fois de plus
montrés très patients puisqu'ils ont attendu encore 26 ans avant
de manifester leur insatisfaction et leur mécontentement devant les
conditions de travail qui leur ont été faites. Pendant la
grève de 1975, on a vu d'autres politiciens se présenter à
Thetford pour venir appuyer les travailleurs de l'amiante.
Une Voix: Les noms.
M. Grégoire: Les noms? Je lis les journaux du temps, 21
avril 1975: "Le Parti québécois a réuni ses gros canons
hier à Black Lake près de Thetford pour dramatiser l'appui qu'il
accorde aux mineurs de cette ville qui sont en grève depuis deux
semaines et dévoiler les politiques qu'il entend défendre
à l'Assemblée nationale, en particulier au sujet de la
santé des travailleurs de l'amiante".
Une Voix: Les noms.
M. Grégoire: Les noms? Je les cite. Jacques-Yvan Morin, le
chef de l'Opposition, a déclaré que l'aile parlementaire
déposera une ou plusieurs motions sur les limitations de fibres
d'amiante en suspension dans l'air dans les lieux de travail des mineurs et sur
la reprise en main du secteur de l'amiante par le gouvernement
québécois.
Une Voix: ...
M. Grégoire: II y en a déjà une partie qui
est en train de se faire. "M. Camille Laurin et je cite
toujours rappelant les dernières statistiques concernant
l'amiantose, a brossé un sombre tableau de la santé des
travailleurs de la population de la région de l'amiante". Je continue la
citation. "M. Robert Burns a mis en lumière le parallèle
existant, selon lui, entre la grève de l'amiante de 1949 et celle de
1975. Tant dans les revendications que dans les parties en cause, la
ressemblance est frappante, estime le député de Maisonneuve. Les
demandes des mineurs sont des demandes minimales", de dire M. Burns,
assuré que les travailleurs entreront debout au travail.
M. Parizeau, rappelant que les trois quarts de toutes les exportations
de fibre d'amiante proviennent du Québec, s'est demandé si les
Québécois ne pourraient pas devenir les Arabes de l'amiante.
C'éiait en 1975 et un an plus tard, le Parti québécois a
pris le pouvoir... il y a deux ans de cela.
Mme le Président, je pense que le député de Vanier,
même s'il n'y a pas d'amiantosés dans son comté, pourrait
au moins prendre au sérieux la situation dans laquelle se trouvent les
travailleurs de l'amiante dans le comté de Frontenac.
Aussitôt après l'élection du Parti
québécois en 1976, au printemps de 1977, on a vu apparaître
au feuilleton de l'Assemblée nationale il y a un peu plus d'un an
et demi, cela fait vingt mois un avis présenté par le
ministre du Travail du temps, l'actuel ministre de l'Immigration,
annonçant un projet de loi amendant la loi 52 sur l'indemnisation des
victimes d'amiantose et de silicose. Nous avions hâte de voir le projet
de loi, on m'en demandait des copies mais, comme il n'avait pas encore
été présenté en première lecture, le projet
de loi n'avait pas été déposé.
Nous avons attendu toute l'année 1977 et le projet de loi n'a pas
été déposé. En 1978, parce que débutait une
nouvelle session, ledit projet de loi n'a même pas été
redéposé en avis au feuilleton. Ce n'est que le 29 novembre que
nous avons enfin eu des amendements à la Loi des accidents du travail et
un peu à la loi 52; un peu, et j'y reviendrai tantôt parce que
c'est loin d'être satisfaisant.
Il faut bien se dire que, depuis 1949, les équipes
médicales avaient fait des études sur les dangers de la
poussière d'amiante dans les poumons des travailleurs des mines. On en
est arrivé à conclure que plus de 5 fibres par centimètre
cube de l'air que peuvent respirer les travailleurs de l'amiante deviennent
dommageables à la santé et que la norme pour qu'il n'y ait aucun
danger, c'est 2 fibres par centimètre cube. Les compagnies ne se sont
jamais souciées de la santé de leurs travailleurs; ils n'ont
jamais eu l'idée de modifier leur moulin pour au moins protéger
la santé de leurs travailleurs et ce, jusqu'à ces
dernières années.
Il y a eu des mines, comme Johns-Manville à Asbestos, qui ont
fait de très gros progrès pour améliorer le climat dans
lequel travaillent les mineurs de l'amiante. Il y a eu la mine du Lac ou la
Lake Asbestos, à Thetford, qui a fait de très gros
progrès; je suis allé la visiter et c'est devenu propre. Mais il
y a une compagnie l'Asbestos Corporation, celle qui voudrait faire des
dizaines et des dizaines de millions de profit de capital il y a une
compagnie qui, même à l'heure actuelle, est loin de satisfaire aux
normes. J'ai ici un rapport du ministère des Richesses naturelles, un
rapport des inspecteurs du ministère des Richesses naturelles,
daté du 19 septembre 1974 cela fait quatre ans
adressé à la compagnie Asbestos Corporation Ltd., 1940,
édifice Sun Life, rue Metcalfe, Montréal. On dit au début:
"Rapport du 27 au 29 août 1974" et on commence par dire: "Seuil de
tolérance de la poussière d'amiante: cinq fibres au
centimètre cube." Là, on a ramassé les renseignements pour
chaque endroit de la mine et du moulin.
Vous avez bien remarqué, Mme le Président, on dit: "Seuil
de tolérance: cinq fibres au centimètre cube" et, au
septième plancher, on retrouve 33.3 fibres au centimètre cube,
près de sept fois le seuil de tolérance. On dit, dans les
remarques: "Trois ventilateurs sur quatre seulement sont en marche". Quelle
négligence de la part d'une compagnie! Exposer les travailleurs
plutôt que de faire réparer un ventilateur. Au sixième
plancher, on retrouve 33.3 fibres d'amiante par centimètre cube; il
manquait un couvercle au convoyeur afin de permettre aux vapeurs de
s'échapper et éviter ainsi les bloquages. (1 h 50)
II faudrait aller voir ce qui s'est produit. La situation ne s'est pas
améliorée aux mines de l'Asbestos Corporation. Cinquième
plancher, 19,7 fibres et ainsi de suite. Le quatrième plancher est
propre, 5,1. Donc, on peut atteindre des normes raisonnables. Deuxième
plancher 23,1. Réserve: la galerie de sous-tirage, 53 fibres au
centimètre cube, dix fois et demie la poussière accumulée,
dit-on dans les remarques: odeur d'ammoniaque. Réserve de la fibre
à l'intérieur, 726 fibres au centimètre cube. A la galerie
du convoyeur: trop de poussière pour la mesure. La remarque de
l'inspecteur: trop de poussière pour être mesurée. Au
chargement par Kenworth: 128 fibres au centimètre cube, trois hommes
enlèvent et reposent la toile, ils doivent utiliser leur masque. A la
galerie du convoyeur des halls de rejet, tantôt, il y avait trop de
poussière pour que ce soit mesuré, là, il y a trop de
poussière pour prendre un échantillon. On peut continuer: 28, 54,
128. Qu'est-ce qu'on dit dans les remarques? Il y a des remarques. Remarquez
bien ce que l'on dit: Les poussières captées à
l'intérieur des bâtisses sont directement jetées au dehors,
contaminant ainsi l'air à l'extérieur. C'est la situation qui
prévaut dans la région de l'amiante.
Mme le Président, à l'heure actuelle, ce que la Commission
des accidents de travail est obligée de payer, c'est pour ses vieux
péchés. C'est pour les fibres qui étaient en trop dans
l'atmosphère il y a 20 ans, 25 ans, 15 ans ou 10 ans. Aujourd'hui, la
situation s'améliore, mais, quand on demande des améliorations
à la loi 52, c'est surtout pour ceux qui travaillent depuis 30 ans, 35
ans ou 40 ans dans les mines, et la loi n'est pas convenable pour
les indemnisés. Je vais vous en donner des exemples. A la
Commission des accidents de travail, je vais vous donner quelques cas. Entre
autres vous allez voir que c'est assez grave un ouvrier des mines
d'amiante a 62 ans, il est depuis 41 ans dans les mines, il va à
l'hôpital de Sherbrooke et la Clinique de pneumologues le déclare
"amiantosé" les poumons bouchés d'amiante. Les médecins de
la Commission des accidents de travail l'examinent. On dit: Non, il n'est pas
"amiantosé". Un à un. Les membres de la Commission des accidents
de travail prennent ce même individu et l'envoient à une clinique
de New York où on le déclare "amiantosé", les poumons
bouchés d'amiante. Deux à un. La Commission des accidents de
travail n'est pas encore contente. On décide de le faire examiner par la
clinique de Winnipeg. Là bas, on dit qu'il faudrait faire une autre
biopsie. On lui avait déjà fait une biopsie, ce qui est une
opération très délicate. On ouvre l'estomac du mineur, on
va lui chercher une partie du poumon, de la plèvre du poumon. Tous les
pneumologues disent que c'est très dangereux. La Commission des
accidents de travail reconnaît le danger de cette opération et,
rendu à la quatrième clinique où on l'envoie, on lui dit:
C'est bien dommage, nous aussi, on voudrait aller chercher un morceau de
poumon. C'est épouvantable de voir des cas comme cela. Le ministre du
Travail a rencontré ces types dans mon bureau à Thetford. Il y en
a un qui a ouvert sa chemise pour lui montrer les ouvertures de la cage
thoracique par où on était allé lui chercher des morceaux
de poumon, pour faire un examen et pour être sûr que le gars est
"amiantosé " ou ne l'est pas, alors que, déjà, trois
cliniques l'ont déclaré "amiantosé". Dans le projet de loi
114, quand on arrive pour "amianter", pour amender...
Une Voix: "Amianter"?
M. Grégoire: Vous voyez que j'ai le terme "amiante"
présent à l'esprit.
Mme le Président, au principe qui est évoqué dans
les amendements à l'article 76, on voudrait tout simplement ajouter
d'autres médecins à ceux qui sont déjà là
pour qu'ils rendent un diagnostic sur chaque mineur qui se présente.
Déjà, la Commission des accidents du travail a des
médecins qui examinent les mineurs, mais on voudrait que le bureau de
révision soit un nouveau groupe composé de trois experts
médicaux qui feraient la révision et après quoi ils
enverraient le mineur en appel à la Commission des affaires sociales
où un autre groupe de médecins examinerait le même mineur,
ce qui ferait qu'une dizaine de médecins seraient là pour
examiner un mineur, pour voir s'il a l'amiantose.
Evidemment, sur dix médecins la médecine
n'étant pas une science exacte il y en a toujours qui disent oui,
d'autres qui disent non. A force d'envoyer le mineur chez une quantité
de médecins, il s'en trouve toujours qui disent oui et d'autres qui
disent non. Le pauvre mineur est aux prises avec une quantité de
verdicts souvent contradictoires et il se demande s'il a l'amiantose ou s'il ne
l'a pas. C'est la situation qu'on a présentement.
Dans la loi 52, il y a un mot de trop. On demande un diagnostic positif,
sans donner le bénéfice du doute. A l'article 2, on dit: "... un
diagnostic médical positif... " sans donner le bénéfice du
doute au travailleur. Le médecin ne peut plus se servir de ce qu'il
croit raisonnable comme diagnostic. Cela lui prend quelque chose de positif.
Dans ces conditions, on est obligé de faire une biopsie et d'aller
chercher un morceau de poumon du gars. Ils ne le font pas dans tous les cas,
mais pour avoir un diagnostic positif, un verdict définitif, il faut
ouvrir et en dernier ressort, il faut toujours aller chercher un morceau de
poumon, aller enlever un morceau de chair à un gars de 60 ou 61 ans qui
a travaillé souvent pendant 35 ou 40 ans dans les mines d'amiante. Il a
de la misère à respirer et on va lui chercher un morceau de
chair. Cela n'est pas acceptable.
Une Voix: Non!
M. Grégoire: Puisque mon temps achève, je voudrais
proposer...
Des Voix: Non!
M. Pagé: ... officiel. On donne notre consentement pour
qu'il termine son intervention.
M. Grégoire: Je vais terminer simplement en mentionnant
les suggestions que je veux faire au ministre. Je crois d'abord qu'à
l'article 2 de la loi 52, on devrait enlever le mot "positif" pour que le
médecin puisse se servir de son jugement et ne soit pas obligé,
en dernier ressort, d'aller chercher une livre de chair au gars pour savoir
s'il aura son indemnisation ou non. Qu'on laisse le bénéfice du
doute au travailleur. Il faudrait également que le mineur, au lieu
d'être promené de clinique médicale en clinique
médicale, à la Commission des accidents du travail ou ailleurs,
ait une clinique médicale ici, au Québec, dans le coin où
sont les travailleurs de l'amiante, une clinique formée de pneumologues,
non pas payés par la Commission des accidents du travail, mais une
clinique médicale rattachée à un hôpital,
payée par l'hôpital, dépendante du code d'éthique du
collège des médecins, les budgets étant mis à leur
disposition par le ministère des Affaires sociales; eux, rendront un
verdict. Si le mineur est déclaré "amiantosé ", il sera
indemnisé. C'est tout. C'est fini. Pourquoi les compagnies, qui ont
accepté des situations pendant des dizaines d'années comme celle
que j'ai mentionnée tout à l'heure, auraient-elles le droit
d'aller toujours en appel devant les tribunaux, ou de prendre des injonctions?
Les décisions seront prises par une clinique impartiale qui ne
relèvera ni des compagnies, ni des syndicats, mais qui relèvera
d'un hôpital, du ministère des Affaires sociales. Ce ne sera pas
en même temps la Commission des accidents du travail qui sera juge et
partie.
Une troisième suggestion. Celui qui est déclaré
"amiantosé" à 55 ou à 60 ans, devrait continuer à
jouir des privilèges de la convention collective, c'est-à-dire
que lui qui, toute sa vie, a payé son assurance-vie avec le syndicat,
devrait, même indemnisé, pouvoir continuer à payer son
assurance-vie parce que c'est une assurance-vie de groupe, et
bénéficier de cet avantage, de même que son
assurance-maladie et son fonds de pension avec la compagnie; pourvu que
l'ouvrier paie.
Quatrième suggestion: On sait que l'indemnisation du travailleur
"amiantosé", en vertu de la loi 52, est indexée. Elle ne l'est
qu'une fois par année à l'heure actuelle. Je crois que cela
devrait être fait deux fois par année comme dans bien d'autres
cas. (2 heures)
Mme la Présidente, j'ai apporté des suggestions
pratiques.
Une Voix: Pour ou contre?
M. Grégoire: Je sais fort bien qu'aujourd'hui il s'agit,
pour le ministre du Travail, d'apporter des cas urgents et pressants. Je sais
fort bien que le ministre du Travail et le ministre des Affaires sociales ont
l'intention de présenter, dès le début de l'année
prochaine, une nouvelle loi résultant du livre blanc, mais j'ai voulu
faire mes propositions publiquement, ici, aujourd'hui, pour que le ministre du
Travail et le ministre des Affaires sociales prennent en considération
les suggestions qui sont faites aujourd'hui pour améliorer le sort de
ceux qui, pendant trop longtemps, ont travaillé dans des conditions
inacceptables, les compagnies n'ayant jamais su ou n'ayant jamais voulu
améliorer les conditions de vie de ces travailleurs dans les mines
d'amiante.
Mme le Vice-Président: M. le chef de I Opposition
officielle.
M. Gérard O. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je voudrais
simplement ajouter quelques mots sur ce projet de loi no 114 qui touche
évidemment certains amendements apportés à la Loi des
accidents du travail. Je pense qu'il est important de rappeler l'intervention
du député de Portneuf qui a donné la critique officielle
de l'Opposition officielle.
Cependant, Mme la Présidente, sans vouloir ajouter, je
pense que c'était assez complet mais, malgré l'heure
tardive, je pense qu'il est important et je me sens le devoir de le
faire de rappeler au ministre l'importance de se soucier des anciens
accidentés du travail dont les indemnités ne correspondent plus
aujourd'hui au coût de la vie. J'ai eu, en de nombreuses occasions,
à rencontrer dans mon bureau des accidentés du travail ou
d'anciens accidentés du travail qui se trouvent dans des circonstances
extrêmement difficiles et je me demande si ces amendements je
pense qu'on peut les qualifier de meilleurs touchent d'une façon
significative le sort qui est fait à ces accidentés du
travail.
Je veux formuler le voeu que, dans un avenir prochain, on puisse
améliorer le sort de ces accidentés du travail qui, aujourd'hui,
sont un peu laissés pour compte. Je comprends qu'il y a l'indexation,
mais quand on avait presque rien et quand on connaît l'inflation
galopante qu'on a connue ces dernières années, je pense que le
sort qui est fait à ces accidentés devrait attirer l'attention du
gouvernement et particulièrement du ministre du Travail et de la
commission elle-même.
Mme la Présidente, je voudrais rappeler que ce projet de loi ne
remplace sûrement pas le projet annoncé je ne sais combien de fois
par le gouvernement, relativement à la santé et à la
sécurité des travailleurs. Il s'agit là d'un projet de loi
qui revient assez régulièrement et qui essaie d'améliorer
la situation, mais pas d'une façon globale ni essentielle.
Mme la Présidente, je voudrais également rappeler que,
lorsque nous nous sommes opposés à l'assurance automobile dans
certains de ses aspects, l'un de ces aspects était justement
celui-là: Dans quelques années, on aura peut-être des
victimes d'accidents d'automobiles qui se retrouveront dans la même
situation que celle dans laquelle on retrouve certains accidentés du
travail aujourd'hui. C'est un aspect que j'avais développé dans
le temps et je pense que nous avons ici devant nous et chaque jour dans nos
bureaux des exemples de ce qu'une loi qui, au début, peut avoir
certaines valeurs... Lorsqu'on se retrouve quelques années plus tard, on
trouve que les accidentés, les victimes seraient beaucoup plus
avantagées si elles pouvaient avoir recours aux tribunaux de droit
commun plutôt que d'avoir recours à certaines mesures
administratives qui ne tiennent pas compte d'une évolution qui souvent
est faite indépendamment de leur situation, et cette situation, qui est
la leur, devient intenable. Je voudrais simplement souligner, non pas d'une
façon négative, que c'est quelque chose qu'on peut ajouter au
projet de loi.
Ce n'est pas le projet de loi lui-même que je veux critiquer, mais
je pense que le ministre devrait se soucier d'une façon
particulière du sort qui est fait à ces accidentés,
peut-être pas d'aujourd'hui ou d'hier, mais d'il y a déjà
quelques années, et dont le sort n'est réellement pas
enviable.
Je voudrais, en même temps, poser une question au ministre du
Travail, question que j'avais d'ailleurs posée à son
prédécesseur et à laquelle je n'ai pas eu de
réponse j'en profite parce que ce projet de loi est devant nous
relativement à celui qui nous visite chaque jour quant au
problème de silicose dont il a été victime et qui vient,
chaque jour, devant le parlement. C'était le cas, lorsque nous
étions au pouvoir, c'était le cas pour les gouvernements qui nous
ont précédés et c'est le cas pour le gouvernement actuel.
Est-ce que ce cas a réellement été examiné d'une
façon sérieuse et est-ce qu'on ne pourrait pas y trouver une
solution, parce que je ne pense pas que ce soit là une façon
d'annoncer la
préoccupation sociale de notre gouvernement, quel qu'il soit, et
de notre société? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de trouver une
solution ad hoc pour régler ce cas?
Finalement, Mme la Présidente, dans la pratique du droit que j'ai
faite je me suis aperçu souvent que si on pouvait trouver un tiers
responsable d'un accident du travail, la victime était en bien meilleure
situation que si on ne trouvait pas un tiers. Je me rappelle, en particulier,
un accident ferroviaire où, si l'une des compagnies avait
été différente de l'autre, les victimes auraient
été compensées d'une façon plus adéquate.
Mais, comme les deux trains appartenaient à la même compagnie, les
victimes et surtout les survivants ont dû se contenter d'une
indemnité bien inférieure. Je veux simplement encore signaler
cette anomalie et j'espère que... Le ministre ne pourra peut-être
pas trouver de réponse adéquate ce soir, mais je veux tout de
même utiliser cette intervention, comme on le dirait dans la langue de
Shakespeare, "a food for thought, even if it is after two in the morning".
M. Bisaillon: Pardon?
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je voulais
simplement apporter ces quelques remarques. J'avais beaucoup d'autres points
que j'aurais aimé soulever à ce moment-ci. Je sais, Mme la
Présidente, que j'ai droit à une heure, mais je pense qu'il faut
être humain.
M. Bisaillon: Vous n'en êtes pas capable!
M. Levesque (Bonaventure): Ah oui, sûrement! Je voudrais
dire au député de Sainte-Marie que ce n'est pas le désir
qui manque et je vois que le ministre du Travail vient de jeter un
regard très dur sur le député de Saint-Marie mais,
Mme la Présidente, soyez rassurée, j'aurai l'occasion, en
d'autres circonstances, d'attirer l'attention de la Chambre sur le sort de
certains accidentés du travail. Je ne voulais cependant pas laisser
passer cette occasion, même à une heure aussi tardive, sans
attirer l'attention du ministre et de l'Assemblée nationale sur
l'importance d'apporter les meilleures dispositions législatives
possible dans des cas comme ceux que j'ai essayé de souligner.
Mme le Vice-Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: Mme le Président, à tout seigneur tout
honneur, je répondrai brièvement à quelques-unes des
préoccupations du chef de l'Opposition officielle, dont je connais
l'intérêt pour ces questions.
Quant à la plupart des autres questions, je pourrais ici ce soir,
fournir probablement une série de réponses. Je me contenterai
d'énumérer celles pour lesquelles c'est immédiat et cela
ne me prendra que quelques minutes. Quant aux autres, je pense qu'on pourra y
répondre en commission parlementaire, compte tenu de l'heure
tardive.
En ce qui concerne les anciens accidentés du travail, c'est un
problème qui n'est pas réglé par cette loi, c'est vrai.
C'est un problème qui ne sera pas non plus réglé
complètement par le projet de loi qui est en ce moment en voie
d'étude et de rédaction même, par le ministre d'Etat au
développement social. Je pense qu'on aura l'amorce, au cours de
l'année 1979, de certaines solutions dans ce domaine qui touche
essentiellement le revenu des personnes, indépendamment du type ou de
l'origine de l'indemnisation. (2 h 10)
Quant au cas de M. Christini qui hante la terrasse devant la porte du
sauvage depuis de nombreuses années, j'ai fait venir, comme mon
prédécesseur et comme sans doute les huit
prédécesseurs au ministère depuis dix ans, le dossier de
M. Christini qui, d'année en année, s'épaissit d'environ
un pouce d'avis juridiques et de sommaires des avis précédents.
Je dois dire que, malheureusement, dans le cas de M. Christini, les
dispositions de la loi s'appliquant à lui, même à
l'occasion de cette révision, le maintiennent dans le sophisme qu'il a
toujours défendu et qui est à l'origine de son incapacité
d'admettre qu'il pouvait retourner au travail.
Quant aux tiers responsables, j'aurai l'occasion d'en parler en
commission parlementaire. Brièvement, le représentant
libéral de Portneuf a parlé de la tarification et a donné
un exemple. Il lui faudra revoir l'exemple, étant donné que les
méthodes de calcul feront qu'il ne peut pas y avoir, pour la
première année, d'augmentation de plus de 75% de la cotisation
dans la reclassification. Donc, passer de $0.96 à $2.48 m'apparaît
impossible. Dans le cas des affectations du personnel à
l'intérieur d'une industrie pour répartir le risque, oui, il y a
effectivement des possibilités, au niveau des classifications, de tenir
compte partiellement de ce phénomène. Dans le cas des maladies
psychiques, je pense que j'ai eu l'occasion, avant que le député
de Portneuf ne s'adonne à sa longue diatribe, de lui dire qu'elle
était inutile et qu'elle reviendra sans doute au mois de mars.
Les dispositions de l'article 93, paragraphe 3, prévoient le cas
des rechutes. Dans le cas des 75% du brut par rapport aux 90% du net, de
façon générale, je peux dire et pour rassurer le
député de Beauce-Sud, entre autres que cela favorisera
l'immense majorité de ceux qui touchent des prestations et ceux qui ne
seront pas favorisés par cette formule sont ceux qui, finalement,
touchent plus, lors de certains accidents de travail, que leur revenu habituel.
Ce qui est évidemment complètement aberrant. Quant aux
ajustements sur les rentes d'invalidité, oui, nous avons fait
l'évaluation qui est de l'ordre d'environ $5 495 000. Dans les cas de la
silicose et de l'amiantose, j'y reviendrai tout à l'heure. La
réadaptation des conducteurs qui subissent des infarctus à 53
ans, dans la mesure où c'est au travail et que c'est
considéré comme associé au travail, oui, ils sont sujets
à la réadaptation.
On aura l'occasion de rediscuter du cas du Barreau en conmmission
parlementaire. Quant au député de Richmond, je pense que cette
loi répond à une de ses principales préoccupations au
sujet des "amiantosés", quant à la possibilité pour eux de
recevoir de la Régie des rentes du Québec une indemnisation, en
même temps qu'ils en reçoivent une autre. Je pense qu'il faudrait
peut-être qu'on se redise ce qu'est la Commission des accidents du
travail. C'est un système juridique d'indemnisation qui présume
d'une faute collective des employeurs, alors que la Régie des rentes du
Québec, c'est un régime auquel tous les Québécois
contribuent. Je pense que, lorsqu'on est citoyen, on doit pouvoir
bénéficier de la Régie des rentes et cela n'a rien
à voir, en principe, avec la faute collective présumée des
employeurs. Je ne vois pas pourquoi les gens ne recevraient pas les deux. C'est
pour cela qu'on amende la loi dans ce sens. Quant à la notion de
rétroactivité, il faudra la revoir, on aura l'occasion
d'élucider cela en commission parlementaire.
Le député de Beauce-Sud a dit qu'il attendait autre chose,
je vous en parlerai dans deux secondes.
Le député gouvernemental de Frontenac a, je pense, fait un
long exposé. Nous nous entretenons des problèmes de l'amiantose
depuis au-delà d'un an et nous allons continuer à nous en
entretenir. Je pense que, malgré son don de la caricature et de l'image,
il a quand même mis en évidence des problèmes réels
pour les travailleurs du secteur de l'amiante. Ce projet de loi, c'est vrai,
n'apporte pas la solution au niveau du problème du diagnostic. C'est une
situation extrêmement complexe et, sur un plan scientifique, sur un plan
médical, je me permettrai une parenthèse ici pour dire qu'une
biopsie pulmonaire, habituellement, ne passe pas à travers l'estomac.
C'est également un problème extrêmement complexe, non
seulement au niveau scientifique, entre les spécialistes, mais
extrêmement complexe...
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais tout de
même dire et je pense que le ministre me le permettra que
j'ai repris en disant à travers la cage thoracique. J'ai rectifié
par la suite.
M. Johnson: J'ai remarqué, d'ailleurs, que le
député de Frontenac, qui a l'habitude de faire venir des
documents, avait fait venir un livre d'anatomie tout à l'heure et qu'il
confirme effectivement qu'il faut passer par la cage thoracique pour atteindre
les poumons. C'est un problème très complexe et, bien sûr,
très douloureux sur le plan humain.
Il faut se rappeler que, dans le cas de l'amiante, les problèmes
cruciaux qu'on affronte sont des problèmes qui découlent de cette
époque où il n'y avait aucune norme de salubrité,
où les normes étaient telles, finalement, que c'était
l'équivalent d une absence de normes et ce sont les travailleurs qui,
pendant de nombreuses années, ont été dans le secteur des
mines de l'amiante ou même de l'industrie de l'amiante, à ces
époques où les normes n'étaient pas suffisamment
sévères, qui, aujourd'hui, se retrouvent avec des
incapacités importantes, graves et, dans certains cas, carrément
mortelles.
Ce qui m'amène finalement à résumer ce projet de
loi et je pense que la plupart des intervenants ont reconnu qu'il manquait des
améliorations certaines sur cette loi qui n'avait jamais
été touchée aussi substantiellement depuis 1931,
c'est-à-dire depuis au-delà de 45 ans. Nous y incluons d'abord
cette notion quant aux 90% du salaire net qui aura comme effet une
répartition du revenu qui, je pense 90% du salaire net par
opposition à 75% du salaire brut sera en faveur de ceux qui sont
le plus mal pris. Nous augmentons de façon considérable les
pensions aux veuves, aux conjoints et aux enfants, ou enfin à ceux qui
ont des enfants et aux conjoints qui ont également des enfants.
Nous augmentons les frais de transport qui peuvent être
occasionnés lors du décès d'un accidenté du
travail. Nous voyons à couvrir non seulement les accidents de travail,
mais également les maladies professionnelles. Nous incluons
également cette notion de la possibilité de toucher les deux
régimes, celui des rentes et celui de la Commission des accidents du
travail. On applique enfin cette loi aux travailleurs agricoles, aux artisans,
aux travailleurs volontaires comme, par exemple, les pompiers volontaires. Au
niveau de la classification, je pense qu'on réorganise
sérieusement cette loi.
Finalement, au niveau de la réadaptation, je pense qu'on y fait
des efforts considérables qui viennent finalement confirmer ce que la
CAT avait déjà entrepris depuis quelque temps et quelle
continuera à entreprendre. Ce n'est pas fini, dans la mesure où
cette loi n'est que l'amorce d'une réforme globale. Quand j'entends
l'Opposition libérale, qui a très peu touché à
cette loi dans les sept dernières années, sourire et rire quand
ce gouvernement parle de réforme globale, à ce que je sache, le
Parti québécois qui est aujourd'hui au pouvoir est reconnu pour
avoir respecté ses engagements et le ministre d'Etat au
développement social respectera, dans les six prochains mois, cet
engagement de faire une réforme globale en matière de
santé et de sécurité, ce que nos adversaires n'ont pas
fait.
On nous reprochera de ne pas avoir déposé le projet de loi
général sur la santé et la sécurité avant le
22 décembre; je pense que ce projet qui attend depuis 20 ans peut encore
attendre trois mois, mais il sera là, il sera efficace et il sera
adopté en 1979.
Dans les circonstances, je me permets de demander si la motion de
deuxième lecture est adoptée.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
Le Président: M. le chef parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Je pense qu'on ne peut pas laisser
passer une affirmation comme celle que vient de faire le ministre du Travail
relativement aux amendements qu'il apporte. Il a pu avoir
généralement l'assentiment des membres de l'Assemblée sur
les amendements qu'il propose, mais qu'il ne vienne pas dire qu'il n'y a pas eu
d'amendement substantiel à la loi depuis 1931. Nous n'avons qu'à
nous référer aux Statuts refondus de 1964, je puis vous donner
une liste de presque tous les articles de la Loi sur les accidents du travail
qui ont été modifiés. Je n'ai qu'à parler de
l'article 2, 1972, chapitre 60; de l'article 3, 1966-1967, chapitre 52; 1969,
chapitre 52; l'article 7, 1972, chapitre 60; l'article 12, l'article 34 et
ainsi de suite, 37, 38a, 38b, 40, 41, 42, 47a, 52, 53, 58, 66, 76a, 90, 108,
etc., seulement depuis 1964.
Je pense que la vérité a ses droits. Je pense bien qu'on
va approuver le ministre, on va l'appuyer, mais on ne lui laissera pas dire
n'importe quoi.
Le Président: J'appelle maintenant le vote sur la motion
de deuxième lecture du projet de loi no 114, Loi modifiant la Loi des
accidents du travail et d'autres dispositions législatives. (2 h 20)
Une Voix: Adopté.
Le Président: Est-ce que cette motion de deuxième
lecture sera adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Des Voix:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Adopté.
M. Charron: M. le Président, je propose l'ajournement
à tout à l'heure...
M. Levesque (Bonaventure): Oh! Oh! Oh! Est-ce qu'on peut avoir
une référence ou une "déférence"?
Le Président: Une "déférence".
M. Charron: A quelle commission voulez-vous que je la
défère? En avez-vous une en particulier? A cette heure-ci, je
suis prêt à vous faire plaisir sur n'importe quoi.
Renvoi à la commission du Travail
M. Levesque (Bonaventure): Je pense bien qu'il serait normal que
vous défériez le projet de loi à la commission
parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre.
M. Charron: Alors, M. le Président, pour montrer mon
esprit de collaboration...
Le Président: En toute déférence, je vous le
suggère.
M. Charron: ... je propose la déférence du projet
de loi à la commission parlementaire du travail et de la
main-d'oeuvre.
Le Président: Est-ce que cette motion de
déférence sera adoptée?
Une Voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
M. Charron: M. le Président, je propose l'ajournement de
la Chambre à tout à l'heure, 10 heures.
Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux
à tout à l'heure, 10 heures.
Fin de la séance à 2 h 21