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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Thursday, December 14, 1978 - Vol. 20 N° 92

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Présence de représentants de neuf nations amérindiennes

J'ai l'honneur aujourd'hui de signaler la présence dans les galeries de représentants des neuf nations amérindiennes qui comprennent trois représentants par bandes indiennes que je me permets de nommer. Ces neuf nations sont: les Abénakis, les Algonquins, les Attikameks, les Cris, les Hurons, les Micmacs, les Mohawks, les Monta-gnais et les Naskapis. Je voudrais leur souhaiter la plus cordiale bienvenue à l'Assemblée nationale.

M. le premier ministre.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): On nous permettra sûrement, de tous les horizons de l'Assemblée nationale, de nous joindre à vous pour souhaiter aussi — j'ai eu l'occasion de le faire tout à l'heure — la bienvenue, pendant ces deux jours de rencontres à Québec, aux chefs et au porte-parole officiel de toutes, je crois, les bandes indiennes qui représentent, dans tous les coins du Québec, plusieurs milliers de nos concitoyens amérindiens qui coexistent avec nous de Maria jusqu'à la baie James et de Maniwaki jusqu'à Mingan. Je dis qu'ils coexistent avec nous parce que, malheureusement, nous nous connaissons très mal, même si nous vivons ensemble.

C'est pour essayer, pour une première fois systématiquement, si l'on veut, de réparer un peu cette ignorance réciproque que nous allons ici, à Québec, pendant deux jours, tâcher de faire connaissance, de mieux connaître les idées, les aspirations de nos concitoyens amérindiens et aussi les problèmes nombreux qu'ils ont à affronter, tâcher d'expliquer le mieux possible ce que nous faisons, qui est loin d'être suffisant, non seulement pour aider dans le présent, pour réparer quelque peu le passé, mais aussi pour voir si on ne peut s'habituer à préparer l'avenir ensemble.

Inutile de dire que, que ce soit aux réunionsde cet après-midi ou de demain après-midi, ou au dîner que nous partagerons ce soir, tous nos collègues de l'Assemblée nationale, de quelque parti que nous soyons, on espère que nous serons nombreux à participer à ces rencontres. Encore une fois, bienvenue à nos concitoyens.

Le Président: M. le chef de l'Opposition. M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis fort heureux ce matin de m'associer au premier ministre et à ses voeux de bienvenue à nos distingués concitoyens qui nous visitent aujourd'hui. D'une façon un peu plus formelle, je suis particulièrement heureux de m'associer ainsi au gouvernement et à l'ensemble de l'Assemblée nationale. Je suis d'autant plus heureux de le faire que j'ai le privilège de compter, dans ma circonscription électorale, deux groupes importants parmi les visiteurs de ce matin, à Maria et à Resti-gouche. Je veux les saluer d'une façon particulière, on me le permettra sans doute.

Je veux également féliciter le gouvernement, particulièrement le premier ministre, qui a toujours manifesté un intérêt particulier à cette question et à cette partie importante de notre population alors même qu'il siégeait de notre côté de la clôture et qu'il était le ministre responsable, au gouvernement du Québec, des relations avec ce groupe important de notre population. Je voudrais, tout en m'exprimant dans la langue officielle, ajouter un mot dans la langue de Shakespeare and to say to all these visitors this morning at the National Assembly that we were very pleased to see them here and we do hope that this initiative of the Québec government will be beneficial to all.

Encore une fois, au nom de l'Opposition officielle en particulier, et je suis sûr que c'est le voeu général ici, nous voulons nous associer au premier ministre pour souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos amis qui sont ici ce matin et tous ceux qu'ils représentent.

Le Président: M. le député de Gaspé. M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je crois que le geste posé par le gouvernement en ce moment revêt une dimension historique. Quand je constate que trois Gaspésiens prennent la parole en cette occasion, ceci nous reporte aux sources de notre histoire, quand Jacques-Cartier, en 1534, dans la baie des Chaleurs, dans le comté de Bonaventure et dans le comté de Gaspé, faisait cette première rencontre avec les premiers habitants de ce pays. Dans quelques mois, à Gaspé, sur le site historique national qui sera érigé, il y aura six stèles commémoratives pour illustrer à jamais dans le bronze le passé de nos premiers habitants , et ensuite la rencontre entre les Européens et les premiers habitants de ce pays. C'est donc avec joie que je m'associe au gouvernement. Je veux souhaiter la bienvenue également aux groupes de mon comté, plus spécialement de Pointe-Navarre et de Saint-Majorique, qui sont probablement ici présents dans cette salle. Je voudrais leur souhaiter aussi un bon séjour à Québec, ce qui va leur rappeler beaucoup de souvenirs quand ils vont relire les pages de leur passé.

And, as the member for Bonaventure just said, I am happy to welcome all our friends from the Gaspé coast who are here present this morning and I hope that this meeting will be for each one of

them the beginning of good negociations for the future of all your groups.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: Merci M. le Président, je voudrais également m'associer à l'honorable premier ministre pour souligner que je considère que c'est une excellente initiative que le gouvernement a eue d'inviter pour deux jours les représentants, les dirigeants des différentes nations indiennes du Québec, ces responsables d'un groupe important de nos concitoyens québécois que j'ai toujours considérés comme des citoyens à part entière de notre pays, M. le Président, bien que je considère l'initiative très valable et louable, il est cependant un peu malheureux que cette visite se fasse dans un temps où, vers la fin de la session, les travaux parlementaires sont très bousculés.

Comme nos visiteurs le savent probablement, nous devons travailler à des heures même tardives, ce qui fait que la disponibilité des députés à ce temps-ci de l'année est plus restreinte qu'à certains autres moments. Donc, j'imagine que tous feront un effort pour se rendre disponibles dans cette période un peu difficile pour nous. Si, par contre, il y avait manque de disponibilité pour des raisons que tous comprendront, j'espère que, dans ces circonstances, le gouvernement pourra répéter cette expérience à un autre moment où tous les députés de l'Assemblée nationale pourront être plus disponibles afin qu'on ait encore plus de temps, si on en manque au cours des deux prochains jours, pour pouvoir discuter avec ces gens-là aux fins de mieux comprendre leurs aspirations, que j'ai toujours considérées comme légitimes, et les différents problèmes auxquels ils ont à faire face. (10 h 20)

Je pense, M. le Président, que c'est un jour historique également aujourd'hui, mais cela ne devrait pas être le seul; c'est le premier, mais cela ne devrait pas être le dernier. Ce genre de rencontre avec nos concitoyens devrait se faire un peu plus souvent et, de cette façon, nous pourrions en arriver à une plus grande compréhension. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud. M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, après les trois voix gaspésiennes et la voix du Nord-Ouest, je pense qu'il est peut-être de mise d'ajouter la voix de la Beauce, la voix du sud. Je voudrais m'associer à mes collègues, ainsi qu'au premier ministre pour souhaiter à nos visiteurs de ce matin, à nos concitoyens la plus cordiale des bienvenues à Québec et leur souhaiter également un heureux séjour parmi nous.

Je m'associe également aux voeux pour que ce genre de rencontre, qui constitue une étape, une page importante dans l'histoire parlementaire québécoise, puisse se répéter à l'avenir, de façon que nous puissions rencontrer ces gens plus souvent pour être en mesure de mieux nous comprendre, compte tenu du fait que nous avons quand même des lois qui concernent ces personnes et que des traités ont été signés pour faire en sorte justement que les droits des uns et des autres soient respectés.

M. Shaw: M. le Président... Le Président: M. le député de Pointe-Claire. M. William Frederic Shaw

M. Shaw: ... I would like to take this opportunity to also join with the Prime Minister to welcome our representatives from the Native peoples of all over the province of Québec. I understand that they have been concerned for many years with their relationships with this government and, as a matter of fact, to the extent that at one time they were almost totally neglected and ignored by it.

I welcome the efforts that this government is presently making to make the Amerindian people of our province welcomed, since they are part of this province in contributing to its culture and to its future. Thank you very much, Mr President.

Le Président: Affaires courantes.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

Mme le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport du Surintendant des assurances

Mme Payette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du Surintendant des assurances pour 1977.

Le Président: Rapport déposé.

M. le leader parlementaire du gouvernement au nom de M. le ministre des Affaires municipales.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période des questions orales.

M. le député de Mont-Royal.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Négociations avec les Amérindiens

M. Ciaccia: M. le Président, ma question s adresse au premier ministre. L'invitation que le

gouvernement a faite aux Amérindiens, qui comprennent, je crois, trois délégués de chaque bande indienne du Québec, est en soi un geste très louable sur lequel je suis entièrement d'accord et auquel je voudrais m'associer. And I hope that the invitation that the government has made to the Native people, on this occasion, will be the beginning to finding solutions to the economic and social problems that the Native peoples of Québec have been experiencing through the years.

Le premier ministre doit certainement savoir que les réclamations des Indiens — je parle de ceux qui sont au sud de la baie James et les Indiens de tout le reste du Québec — fondées sur les droits traditionnels n'ont pas été réglées, et une des façons d'essayer de trouver des solutions aux problèmes économiques et sociaux que ces peuples ont c'est de s'attaquer au problème initial, celui du règlement de leurs réclamations.

Voici la question que je veux poser au premier ministre. Est-ce l'intention du gouvernement de reconnaître les droits de ces peuples et de prendre des mesures concrètes pour conclure une entente fondée sur leurs droits traditionnels? Afin que certains groupes de ces peuples qui ne parlent que l'anglais puissent comprendre la question que je pose au premier ministre, je voudrais résumer brièvement en anglais.

I would like to ask the Prime Minister if it is the intention of his government to recognize the claims of the Native people of Québec based on their traditional rights.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que, d'abord, le député de Mont-Royal est aussi bien placé que n'importe qui pour savoir que, dans la région du nord de la baie James, aussi bien avec nos concitoyens inuit qu'avec les représentants du peuple cri, les Naskapis aussi maintenant, à la suite de négociations qui nous avaient précédé, il y a maintenant des ententes qui ont été négociées le mieux possible. Il peut y avoir sûrement des imperfections, mais les ententes seront respectées et, au besoin, améliorées. Si d'autres ententes du même genre, ou différentes, selon les cas, peuvent nous aider à confirmer ces droits traditionnels, à condition qu'on se comprenne bien sur la façon d'y arriver — c'est justement pour cela qu'il y a ces rencontres — il est évident que le gouvernement est ouvert à toutes les possibilités de solutions légitimes.

Je crois qu'on fait un effort en ce moment, à partir d'un petit noyau de compétence qu'on appelle dans le langage courant SAGMAI, Secrétariat des affaires gouvernementales en milieu amérindien et inuit, au gouvernement du Québec, d'abord pour essayer d'avoir le maximum de connaissance des dossiers, de compréhension mutuelle. On a demandé, par exemple, à tous les ministères du gouvernement, à tous les départements administratifs de faire le plus vite possible le choix d'un cadre, de quelqu'un donc qui sera responsable dans chacun des départements et chacun des ministères pour qu'il puisse servir d'interlocuteur valable et, en même temps, de noyau d'expertise sur les problèmes de nos concitoyens amérindiens et inuit. Ainsi, quand ils auront à traiter avec le gouvernement du Québec, ils n'auront pas l'impression d'être littéralement dans une terre inconnue quand il s'agit de l'administration publique.

On sait à quel point il y a des problèmes délicats aussi avec le fédéral, parce que cela existe encore ce qu'on appelle la Loi des Indiens et ce qui en découle. A travers cette confusion et cette somme d'ignorance qui s'est accumulée, hélas, depuis des générations, on va faire un effort sans précédent, qui est déjà commencé, pour qu'il y ait cette reconnaissance, non seulement des droits traditionnels, mais aussi du droit d'aspirer à un savoir sans cesse meilleur aussi bien pour ces concitoyens à part entière que sont les Amérindiens que pour tous les autres Québécois.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, si j'ai bien compris le premier ministre, il est prêt à discuter et que son gouvernement fasse son possible pour essayer de régler les problèmes que ces peuples ont. Premièrement, il y a eu des discussions avant; par exemple, j'avais commencé des discussions, avec les Mohawks de Caughnawaga, sur des droits spécifiques basés sur les droits traditionnels. Est-ce que le premier ministre est prêt au moins à instituer un mécanisme formel? Des discussions avec les différents ministères, du gouvernement cela a toujours eu lieu, mais cela n'a mené à rien jusqu'à ce qu'il y ait eu une reconnaissance des droits. Dans la baie James et dans le Nord du Québec, la reconnaissance a eu lieu par la Convention de la baie James. Depuis ce temps-là, je crois que les relations se sont améliorées et qu'il y a de bonnes relations entre ces peuples et le reste du Québec.

Pour ceux du sud de la baie James, est-ce que le premier ministre est prêt à instituer un mécanisme formel, un cadre de discussion acceptable aux Indiens pour commencer des discussions et des négociations sur leurs droits traditionnels?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Non seulement la réponse est oui, M. le Président, mais je ferai remarquer au député de Mont-Royal que nos amis d'en face n'ont jamais été préoccupés par tout ce qui était au sud de la baie James, et je ne les en blâme pas. Mais, pour la première fois, justement, des discussions et des rencontres assez régulières ont été instituées à partir de SAGMAI, par exemple, avec le chef Delisle et ses amis de Caughnawaga et avec d'autres. J'ai parlé avec les gens de l'Ontario pour essayer de régler le problème des environs de la réserve de Saint-Régis — on sait de quoi il s'agit — et cela traîne dans le paysage depuis des générations. On va essayer le mieux

possible, dans les mois qui viennent — mais il faut commencer par essayer d'approfondir les dossiers ensemble — d'arriver à des solutions dans le genre de celle qu'évoque le député de Mont-Royal.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Puisque vous avez mentionné les gens de Caughnawaga. une des préoccupations qu'ils ont, c'est la loi 101. Ce n'est pas leur faute si les circonstances historiques se sont produites de la façon qu'elles sont arrivées. Est-ce que le premier ministre peut nous assurer que le gouvernement va modifier cette ioi afin de répondre aux besoins immédiats de ces peuples?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): On n'est pas prêts à modifier la loi à cause de cela, mais on est prêts probablement à trouver de façon administrative, et c est déjà commencé, des accommodements qui satisferont justement à cette personnalité traditionnelle de nos amis de Caughnawaga. (10 h 30)

Le Président: M. le député d'Outremont.

Besoin d'investissements

M. Raynauld: Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du commerce. Il y a quelques semaines le ministre, d'après une coupure de journal, aurait déclaré que le Québec avait besoin d'un plan d'investissements de $1 milliard. Comme le rapport dans le journal n'est pas clair, je voudrais lui demander des précisions. De quoi a-t-il voulu parler exactement par cette référence à $1 milliard? Est-ce qu'il s'agit d'une mauvaise interprétation ou s'agit-il de l'annonce d'un autre plan de relance appréhendé?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du commerce.

M. Tremblay: Je voudrais calmer les craintes du député d'Outremont. Il n'y a rien d'appréhendé. Il s'agit d'une réalité. J'ai fait allusion au fait que, depuis 30 ans, les investissements manufacturiers au Québec, par habitant, ont été systématiquement inférieurs à ceux de l'Ontario par habitant et que même pour une seule année, l'année 1977, qui était une année pratiquement normale, le taux d'investissement par habitant au plan manufacturier, au Québec, était de $293 alors qu'il a été de $390 pour l'Ontario.

Si nous avions voulu avoir un niveau d'investissements manufacturiers comparable par habitant à celui de l'Ontario, il nous aurait fallu $1 200 000 000 de plus d'investissements. De là la nécessité dans les années à venir d'avoir une relance de l'industrialisation au Québec, la reprise en main de nos affaires au plan économique et, par conséquent, une canalisation plus importante de nos épargnes vers le développement industriel. J'ai fait allusion à un problème; nous allons voir comment un gouvernement provincial peut y faire face. C'est un problème qui existe au moins depuis trente ans, depuis que nous avons des statistiques. Ce n'est donc pas un problème appréhendé ou des solutions appréhendées, il sagit d'un vrai problème. Nous sommes présentement à I étudier très attentivement.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je constate que le problème n est pas appréhendé; cela, je le savais. Ce sont les solutions qui nous intéressent, quand un ministre fait une déclaration disant qu'il faut corriger une situation. Est-ce que, dans cette conférence, le ministre a proposé quelque chose; Est-ce que le ministre a reconnu que le gouvernement allait proposer quelque chose? C'est dans ce sens que j'ai pensé qu'il s'agissait d'un autre plan de relance. On ne fait pas des constatations pour le plaisir de les faire.

Le Président: M. le député d'Outremont, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Est-ce qu'il existe à l'heure actuelle un autre plan que celui de son collègue au développement économique, qui serait un peu plus que des études, encore des études et des coordonnateurs d'études?

Le Président: M. le ministre de I Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: Le député d'Outremont devrait savoir qu'en matière économique bien poser le problème, c'est 50% de la solution.

Des Voix: Ah, ah, ah!

M. Tremblay: Les libéraux ont été au pouvoir pendant seize ans, l'Union Nationale pendant quatre ans et on a hérité de la situation que nous avons, une sous-industrialisation. Je vais vous donner une partie de la solution. Quand les compagnies de la couronne fédérale, il y en a 320, ne font que 14% de leurs dépenses au Québec, quand le gouvernement fédéral ne fait que 16% de ses dépenses créatrices d'emplois, c'est une autre partie du problème que vous avez créé dans les années passées.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: On a eu droit au couplet sur le fédéral, sur I héritage du gouvernement libéral.

Une Voix: Arrêtez donc là.

M. Raynauld: Est-ce que le ministre n'a pas fait de la propagande, là? Au lieu de répondre aux questions, il fait de la propagande et nous n'avons pas le droit de le faire!

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: II y a déjà un projet de loi qui est devant cette Assemblée nationale.

Le Président: ... pourriez-vous laisser le député d Outremont formuler sa question? M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: J'ai demandé au ministre s'il avait effectivement un plan à proposer à cette Chambre. On n'est pas ici pour s'amuser; on est ici pour essayer de faire quelque chose. Il constate qu'il y a des choses qui vont mal; est-ce qu'il apporte des solutions? C'est ce que j'ai posé comme question.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: II y a un projet de loi devant l'Assemblée nationale, soit le projet de loi no 108, qui fait passer le capital-actions de la Société générale de financement de $140 millions à $200 millions, dont $52 millions vont servir à de nouveaux projets industriels au Québec. C'est une partie de la solution; attendez les mois à venir et vous allez voir qu'il y en aura d'autres.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

Aide aux familles monoparentales

M. Biron: Ma question s'adresse au ministre des Finances. Elle aurait pu s'adresser au ministre des Affaires sociales, mais étant donné qu'il n'est pas ici je parlerai au ministre des Finances. Elle veut corriger une situation que vit une importante proportion des familles monoparentales au Québec et qui entraîne des déboursés de quelques centaines de millions de dollars pour les contribuables du Québec. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a au Québec environ 160 000 familles monoparentales; 90% à peu près sont dirigées par des femmes et là-dessus 60%, soit 80 000 familles apparemment, doivent avoir recours à l'aide sociale parce que l'ex-conjoint refuse ou néglige d'acquitter la pension alimentaire décrétée par la cour, obligeant ainsi la femme à de nouveaux frais judiciaires, à ressasser de nouvelles querelles ou finalement avoir recours à l'aide sociale.

La question que je veux poser au ministre est la suivante. D'après un rapport que le gouvernement a en main, le coût de cette aide sociale, pour les 80 000 familles monoparentales dirigées par des femmes qui reçoivent de l'aide sociale à l'heure actuelle, est de plus de $200 millions, montant qui devrait normalement être payé par les ex-conjoints d'après la cour. Le gouvernement envisage-t-il des moyens de récupérer ces sommes d'argent énormes de plus de $200 millions cette année, et ainsi de suite chaque année? Tout en récupérant cet argent, il faudrait assurer une certaine sécurité aux femmes qui sont aux prises avec ce problème.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, comme aucun de mes deux collègues, le ministre d'Etat au développement social et le ministre des Affaires sociales, n'est ici, vous comprendrez que je n'ai, comment dire, pas de précisions aussi grandes, sur le plan des chiffres, que ce qu'il me faudrait pour répondre adéquatement à la question du chef de I Union Nationale. Je ne peux pas dire vraiment — il faudrait vérifier — quelle proportion des 80 000 familles monoparentales qui se trouveraient sur le bien-être social sont sur le bien-être social parce que des pensions alimentaires ne sont pas payées. Si bien que je ne peux pas vraiment confirmer le montant dont le chef de l'Union Nationale a parlé. Il faudrait établir la distinction entre les cas de foyers monoparentaux où il y a eu divorce, où les allocations alimentaires ne sont pas payées et les autres cas. Je transmettrai à mes collègues l'avis de façon que si les statistiques sont disponibles on puisse établir la distinction entre les deux groupes.

Pour ce qui a trait aux mesures qui pourraient être prises dans les cas que souligne le chef de l'Union Nationale, il y a, évidemment, dans le milieu, beaucoup de discussions à ce sujet. En tout cas, je sais qu'il y a des groupes qui, à un moment donné, ont suggéré que le gouvernement se substitue dans le paiement des pensions alimentaires et cherche ensuite à les récupérer, par exemple, par I'impôt sur le revenu. Cela a été beaucoup discuté dans certains segments du public. Il n'y a pas, cependant, à cet égard, à l'heure actuelle, pour ce qui me concerne, de projets spécifiques.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

Mme Payette: M. le Président, en complément de réponse.

Le Président: Un moment, s'il vous plaît, M. le député de Nicolet-Yamaska, Mme le ministre voudrait apporter un complément de réponse.

Mme Payette: En complément de réponse, si on me le permet, je suis informée que le ministre de la Justice a actuellement une étude en cours sur le sujet des pensions alimentaires.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je suis bien content d'avoir cette information parce que je voulais également poser une question au ministre de la Justice qui est absent ce matin. Je la poserai au premier ministre qui est sans doute au courant de ce dossier. Nous avons appris que le gouvernement envisageait, à la suite de ce rapport, de créer une caisse de recouvrement des pensions alimentaires. Le premier ministre pourrait-il nous confirmer que les études à ce sujet sont terminées et qu'un rapport ministériel a été déposé pour donner suite à une suggestion en ce sens qui avait été formulée par le

juge en chef de la Cour supérieure, le juge Jules Deschênes, suggestion qui avait été reprise à l'occasion du colloque Justice et famille il y a quelques années, afin de créer une caisse de recouvrement des pensions alimentaires?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Non. Je vais très brièvement me contenter de dire que les études ne sont pas terminées mais qu'elles suivent leur cours. Je demanderais au député, s'il le veut bien, de poser de nouveau sa question la semaine prochaine. Le ministre de la Justice de même que le ministre des Affaires intergouvernementales sont à Toronto pour des sujets très importants à discuter là-bas, hier et aujourd'hui et peut-être demain. Mais dès le début de la semaine, le ministre de la Justice sera là et pourra donner un rapport beaucoup plus détaillé au député et à tous les membres de la Chambre.

Le Président: M. le député de Charlevoix. M. Grenier: Une question additionnelle.

Le Président: Sur une question additionnelle, M. le député de Mégantic-Compton. (10 h 40)

M. Grenier: On sait que le ministre des Affaires sociales est occupé à recevoir individuellement les groupes qu'on lui demande de recevoir en commission parlementaire; je sais que le superministre est ici. Je lui ai demandé de rentrer, on avait des questions additionnelles dans les affaires sociales. Il y a deux grosses lois importantes qui sont devant la Chambre. Même le député délégué n'est pas là...

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton, je regrette. M. le chef de l'Union Nationale, dernière question additionnelle.

M. Biron: Une question additionnelle au ministre des Finances. Est-ce que le ministre des Finances peut prendre l'engagement aujourd'hui de vérifier les montants exacts qui sont payés par le gouvernement du Québec, c'est-à-dire par les contribuables du Québec, pour remplacer les pensions alimentaires qui devraient être payées par les ex-conjoints qui disparaissent à quelque part dans la brume? Finalement ce sont les contribuables qui doivent les remplacer. Est-ce que le ministre peut nous assurer de vérifier ces montants qui sont payés à l'heure actuelle par le gouvernement du Québec?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, très volontiers, je vais transmettre le message au ministre des Affaires sociales, parce qu'évidemment c'est l'ordinateur qui... Il est là, bon! enfin, je m'excuse, il vient d'entrer. Il va donner la réponse à ma place.

M. Couture: Continuez, continuez!

M. Parizeau: Je transmettrai donc à mon collègue qui vient d'entrer et qui est derrière moi la demande du chef de l'Union Nationale. Dans la mesure où l'ordinateur au ministère des Affaires sociales est capable d'établir ce type de distinction, on le fournira volontiers.

Le Président: M. le député de Charlevoix.

M. Bellemare: Non, question additionnelle, ils sont arrivés; ils n'y étaient pas, ils viennent d'entrer.

Le Président: Je vous reconnais tout à l'heure, M. le député de Mégantic-Compton. M. le député de Charlevoix.

M. Bellemare: C'est une additionnelle.

M. Mailloux: M. le Président, il n'était pas question...

Le Président: M. le député de Charlevoix.

M. Grenier: Ils prennent l'habitude de rentrer en retard, mais j'ai des questions à leur poser.

Le Président: M. le député de Charlevoix.

Grève à la Donohue de Clermont

M. Mailloux: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre du Travail...

Une Voix: En catimini.

M. Mailloux: ... que j'ai prévenu du sujet. Depuis au-delà de deux mois dure une grève à la compagnie Donohue, de Clermont, grève qui a été qualifiée par plusieurs de pattern pour l'ensemble des conventions de travail qui devraient être signées dans les pâtes et papiers de l'Est du Québec. M. le ministre du Travail sait qu'il y a quelques jours à Port-Alfred, à la Consolidated-Bathurst, il y a eu une offre par la Consol qui a été entérinée par une large partie du syndicat de l'endroit, CSN également. Je suis valablement informé que lundi une proposition faite par le Kruger à un syndicat CSN, à Brompton, serait possiblement acceptée. Le ministre a été informé de la question que je voulais poser. Premièrement, entre l'offre faite par Donohue à son syndicat CSN et la convention que vient d'accepter le syndicat CSN de Port-Alfred, a-t-il pu, avec M. Blain et ses officiers, vérifier si la différence est tellement minime entre les deux? Est-ce que le ministre me dirait s'il croit, devant le résultat obtenu à Port-Alfred, qu'il serait temps que le gouvernement invite les deux parties à faire en sorte que cesse une grève que tous les maires de Charlevoix ont qualifiée dans des termes que le premier ministre et, je pense, tout le cabinet connaissent maintenant et qui est dramatique pour Charlevoix?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, il est vrai que le député m'a donné avis de cette question hier. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le sous-ministre adjoint, M. Blain. La situation est sensiblement celle que le député décrit. Il y a le groupe de Domtar, à Donnacona, où il y a un syndicat CSN. Il y a le groupe de Consolidated-Bathurst, où il y a également ce même syndicat CSN, et il y a finalement ce groupe dans son comté de Charlevoix, à Clermont. L'offre qui a été acceptée dans le cas de la Consolidated-Bathurst est effectivement légèrement supérieure à ce que Donohue offre de son côté au syndicat CSN à Clermont.

Cependant, l'écart entre les deux, en termes relatifs, réside non seulement dans un montant qui n'est pas très élevé, mais surtout dans une notion d'intégration ou d'absence d'intégration, la CSN demandant, dans le cas de la Donohue, l'intégration de certains montants aux salaires dans une formule d'indexation assez complexe. Ce qui a été accepté, cependant, à la Consol est un montant qui est relativement plus élevé que ce qui est offert à la Donohue, mais qui n'est pas intégré aux salaires. Donc, pour les fins d'indexation, c'est une formule d'indexation qui est différente.

Cependant, j'ai quand même confiance que les développements, dans le cas de la Consol, devraient sans doute activer considérablement le dossier de la Donohue. Les derniers rapports du bureau du sous-ministre en date de ce matin, 10 heures, indiquent qu'on est peut-être plus près d'une solution qu'on ne l'a jamais été dans ce dossier.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

Conflit chez les placiers du Colisée de Québec

M. Goulet: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse également à l'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je demande au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'il est conscient que le conflit des placiers du Colisée de Québec ressemble étrangement à celui de la Commonwealth Plywood. Que ce soit dans les différentes demandes d'accréditation, les demandes de désaffiliation, la lenteur des négociations, les requêtes en mandamus, les injonctions, tout est semblable à ce qui s'est passé à la Commonwealth Plywood. Je demande donc au ministre s'il est conscient que ce conflit, déjà pourri, risque de tourner au moisi, et ce très prochainement. Dans un deuxième temps, M. le Président, je demande au ministre ce qui l'empêche d'intervenir personnellement dans ce conflit et ce qui l'empêche d'intervenir immédiatement.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, quant à la deuxième question du député de Bellechasse, c'est la réponse habituelle. Quant à la première question, je pense qu'il ne faudrait quand même pas se mettre à grimper dans les tentures et comparer ce qui se passe au Colisée de Québec à ce qui s'est passé à la Commonwealth Plywood. Je comprends que cela ferait peut-être l'affaire du député parce que cela lui ferait un fleuron de plus à la période des questions, mais ce n'est pas le cas.

Il y a cependant, en ce moment, des ligites devant les tribunaux qui touchent cette question des placiers du Colisée de Québec. Pour des renseignements additionnels et précis, je me permets de prendre avis de la question et je pourrai fournir une réponse plus précise au député de Bellechasse.

M. Bellemare: Une question supplémentaire, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: C'est une grève qui dure depuis avril 1978, qui est en train de produire les mêmes effets qui devront avoir les mêmes remèdes que ceux que le ministre a donnés à la Commonwealth Plywood. Mais c'est la première fois qu'un juge se prononce contre un ministre publiquement, du haut de son tribunal. Il dit ceci: "II faut mettre un frein au plus tôt au conflit déjà trop long. Il faut trouver les moyens pour que le public soit en sécurité au Colisée de Québec". Il vous parle. Il ne me parle pas, il vous parle. Le ministre ne bouge pas. C'est cela que je veux savoir du ministre.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: ... sur ce que j'ai cru percevoir être une question de la part du député de Johnson, d'abord, je lui ferai remarquer que ce jugement s'adresse aux parties étant donné que celui qui vous parle a été mis en cause devant le tribunal et que le juge, initialement, a décidé que le ministre ne devait même pas être l'objet dans le litige. Il s'adresse donc aux parties. Il faudrait peut-être se comprendre là-dessus. C'est un peu facile de citer des phrases comme cela et de lancer le genre de commentaires que le député de Johnson vient de faire. Deuxièmement...

M. Bellemare: Vous avez fait cela dans le cas de la Commonwealth Plywood et vous n'avez pas voulu écouter.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: II a fallu, mon cher monsieur, insister et revenir...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: ...pour que vous puissiez vous décider.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: C'est quand vous vous êtes décidé que cela a fonctionné.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, j'ai précisé tout à l'heure que j'irai aux renseignements. Cela me fera plaisir de faire parvenir tout le dossier au député de Johnson et au député de Bellechasse. Notre ministère suit ce conflit depuis qu'il existe. On sait qu'en cours de route il y a des problèmes d'interprétation du Code du travail comme cela arrive à l'occasion. Mais en même temps, il y a eu dans ce dossier également une clarification très précise sur la notion du dépôt de convention collective.

Le Président: M. le député de Vanier.

Politique fédérale en matière de transports

M. Bertrand: M. le Président, ma question sera très brève. Le ministre fédéral de la Justice, M. Marc Lalonde, voulant mieux nous faire comprendre le Canada, a déposé hier un document intitulé "Les transports, un lien unificateur ", alléguant que le bilan des dépenses du gouvernement fédéral, dans le domaine des transports au Québec, est loin d'être négatif aujourd'hui...

Le ministre des Transports du Québec est-il disposé, aujourd'hui, à se réjouir du bilan positif dressé par le gouvernement fédéral? (10 h 50)

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lavoie: Nous savons son opinion.

Une Voix: Un instant! Vous prenez assez votre temps.

M. Lessard: M. le Président, il serait certainement trop long de dénoncer les politiques négatives du gouvernement fédéral dans le secteur du transport. S'il est un secteur où le Québec a été défavorisé, c'est bien le secteur du transport. Je voudrais donner quelques chiffres qui ne sont pas expliqués dans le document dont j'ai pris connaissance ce matin. Comment expliquer, par exemple, que le Québec n'ait reçu que 17,7% des dépenses fédérales dans la voirie?

M. Lavoie: Question de règlement, M. le Président.

Des Voix: A l'ordre.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, sur votre question de règlement.

M. Lavoie: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, vous avez la parole.

M. Lavoie: Sur la question de règlement, est-ce que je pourrais vous faire remarquer qu'à mon humble avis, M. le Président, cette question, en premier lieu, n'était pas recevable pour la simple raison que c'est une opinion qu'on demande au ministre et qu'il est établi, depuis une très longue tradition, que la période des questions est pour obtenir des renseignements et non pas, par une question plantée de la part d'un député ministériel, pour passer le message et la cassette des ministres?

En terminant, je voudrais vous dire, sur cette question de règlement, que la question n'était pas recevable, pas plus que la réponse, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, je crois qu'en la matière — et, là-dessus, je fais appel à la tradition parlementaire propre au Parlement québécois, d'ailleurs — on a toujours admis une certaine largesse dans la formulation des questions. Je crois que les membres de la majorité, qui n'ont pas les mêmes privilèges que les autres en ce qui concerne le nombre des questions, peuvent à I occasion poser une question à un ministre qui, si je ne m'abuse, était en train de fournir des renseignements. Je ne voudrais pas qu'il prolonge indûment, mais je crois que je me conforme à toute la tradition parlementaire québécoise en permettant au ministre de répondre, en lui demandant de ne pas être trop long parce que je voudrais reconnaître d'autres membres de l'Assemblée.

M. Lessard: M. le Président, je n ai pas l'intention de donner une opinion. J'ai l'intention de donner simplement quelques faits. Je disais tout à l'heure que le Québec n'a reçu que 17,7% des dépenses fédérales pour la voirie, soit $420 millions entre 1952 et 1973. A ce seul titre, le Québec a perdu entre $125 millions et $250 millions en 20 ans. M. Lalonde peut-il expliquer comment il se fait que nous avons au Québec seulement 12% du réseau ferroviaire canadien, ce qui en fait la région la moins favorisée de l'ensemble du Canada?

M. Lavoie: Cela va à votre goût, M. le Président?

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: Mais ce qui est encore plus grave...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Transports, en vous demandant votre

collaboration encore une fois pour abréger, s'il vous plaît!

M. Lessard: M. le Président, je pense que la question est claire et la réponse va être claire. Nous subissons actuellement des politiques discriminatoires de la part du gouvernement fédéral en ce qui concerne les tarifs ferroviaires, par exemple. Comment expliquer que le Canadien National — cela a des conséquences importantes sur le plan économique — exige $30.80 pour transporter une tonne de papier fabriqué à Donna-cona, au Québec, jusqu'à New York, soit sur une distance de 530 milles, alors qu'il en coûte $14.80 pour acheminer une tonne de papier de Thorold, en Ontario...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre des Transports, j'espère qu'on ne fera pas tout le tour. Encore une fois, je vous demande de terminer.

M. Lessard: M. le Président, je termine, mais je pourrais donner de nombreux exemples dans le secteur aérien, dans le secteur maritime. Simplement au point de vue des tarifs, le Québec a perdu $130 millions en 1975. Le moins qu'on puisse dire ce matin, et je termine, M. le Président...

M. Lamontagne: II y a une limite à tout. Vous avez une oreille d'un côté.

M. Lessard: ...c'est que le Québec, plus que toute autre province du Canada, a perdu considérablement dans le secteur...

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je crois qu'il est important à ce moment-ci de soulever cette question de règlement. Nous ne voudrions pas, du côté de l'Opposition — et je suis convaincu que c'est le cas, d'après les réactions qu'on voit, des autres Oppositions — qu'il s'agisse ici d'un précédent qui va passer comme une lettre à la poste. Je me lève sur cette question de règlement simplement sur un aspect. Nous avons vu, il y a quelques instants, et je le fais avec la plus grande sérénité, une question posée qu'on appelle une question plantée. Nous avons vu le ministre des Transports profiter de ce qui aurait pu être une déclaration ministérielle pour utiliser la période des questions au désavantage d'autres députés qui pourraient utiliser cette période de façon plus productive dans l'intérêt de la population. Nous avons vu une réponse qui était beaucoup plus du genre d'une déclaration ministérielle.

Cela nous aurait permis, et c'est normal, de réagir. Je vais vous donner simplement un exem- ple. Le ministre des Transports parle du réseau de voirie, où le gouvernement fédéral a moins contribué à partir de 1952. Nous aurions eu l'occasion de dire que le gouvernement du Québec a refusé catégoriquement, jusqu'en 1960, de participer à cette question de la route transcanadienne. Nous aurions eu des arguments, nous aurions pu discuter, c'était justement dans la nature d'un débat qui se serait ouvert. M. le Président, pour être bien court et ne pas permettre à ces honorables messieurs de continuer d'essayer d'interrompre par leurs cris, je voudrais, toujours avec la même sérénité, rappeler que nous allons nous opposer à ce genre de question et particulièrement à ce genre de réponse à l'avenir. Nous ne voudrions pas considérer cet événement comme un précédent.

Le Président: Mme le député de L'Acadie.

Demande de report du projet de loi no 103

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. On se souviendra que dans cette Chambre, il y a maintenant huit jours, je faisais une motion pour que le projet de loi no 103 soit reporté pour faire entendre les personnes qui étaient intéressées, compte tenu des implications très grandes de ce projet de loi. Le ministre a dû prendre connaissance, comme je l'ai fait moi-même ce matin, de communiqués qui viennent de l'Association des centres de services sociaux du Québec, l'Association des centres hospitaliers du Québec, etc. Il y a une foule d'organismes, je n'en ferai pas la liste ici, qui demandent que le projet de loi soit reporté. Je voudrais demander au ministre des Affaires sociales si c'est son intention que ce projet de loi soit reporté au début de l'an prochain tel que réclamé par un grand nombre d'organismes pour que finalement on puisse sanctionner le meilleur projet de loi possible dans l'intérêt de la population.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, ce projet de loi, nous continuons à le considérer comme contenant des modifications relativement modestes. Sur les 56 articles du projet de loi, il y en a deux ou trois qui suscitent une opposition de la part de certains groupements. (11 heures)

Je rappelle cependant qu'il y a des groupements qui ont, au début de cette semaine-ci, soit lundi à Montréal, au moment d'une conférence de presse, appuyé le projet de loi no 103: L'Association des conseils de médecins et dentistes du Québec, association qui regroupe tous les médecins et dentistes oeuvrant en milieu hospitalier, ce qui veut dire plusieurs milliers de médecins; aussi la Fédération des médecins spécialistes, tout le monde a pu voir dans les journaux de mardi l'appui de la Fédération des médecins spécialistes.

II y a aussi un télégramme que j'ai reçu ce matin, qui n'est pas mentionné par le député de L'Acadie, le télégramme de l'Association des conseils régionaux de services de santé et de services sociaux. Ce télégramme dit que l'Association des CRSSS appuie le projet de loi no 103, à l'exception de l'article 1. L'article 1, le député de L'Acadie le sait, nous avons dit hier que nous étions prêts à le retrancher et nous l'avons retranché. Donc, ayant retranché l'article 1, l'ensemble des conseils régionaux de tout le Québec appuie notre projet no 103.

Il y a un article important qui suscite, de l'inquiétude de la part des associations d'établissements ou plutôt centres d'accueil, c'est l'article qui concerne la possibilité de procéder, par le lieutenant-gouverneur en conseil, après consultation des CRSSS et publication dans la Gazette officielle, de procéder à une fusion obligatoire. Nous sommes à étudier de façon très intense la possibilité soit de modifier ou de retrancher cet article. A notre avis, après les consultations que nous avons eues ce matin, c'est vraiment le seul article qui inquiète certains établissements.

En résumé, M. le Président, nous sommes prêts à apporter des modifications sérieuses au projet de loi no 103, comme nous l'avons fait au projet de loi no 84, lequel projet rallie maintenant la plupart des intervenants.

Le Président: Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais attirer l'attention du premier ministre sur ce projet de loi pour ne pas que, dans trois semaines ou dans un mois, il puisse dire: Je n'étais pas au courant. Le ministre des Affaires sociales présentement affirme que tout ce beau monde est d'accord avec lui. N'oubliez pas que, dans sa réplique, il nous a répondu que l'Association des hôpitaux du Québec était d'accord avec lui. C'est justement l'Association des hôpitaux du Québec qui veut rencontrer le ministre et lui demander que ce projet soit reporté au printemps.

M. Lazure: M. le Président, question de privilège.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales, sur votre question de privilège.

M. Lazure: Sur une question de privilège, je veux rétablir les faits, parce que le député de L'Acadie est en train d'induire la Chambre en erreur. Au cours du débat sur le projet de loi no 103, j'ai évoqué l'appui de l'Association des hôpitaux du Québec concernant un point particulier, à savoir cet effort que nous voulons faire de réduire, dans certains cas, les effectifs médicaux dans certains grands hôpitaux des grandes villes. J'ai dit, à ce moment, que nous avions l'appui de l'Association des hôpitaux, sur le deuxième point aussi, la fusion de conseils d'administration, le regroupement de conseils d'administration des 1500 établissements du réseau des affaires socia- les. Mais j'ai ajouté, dans le cas des fusions, que l'association s'opposait à la fusion obligatoire, comme d'autres associations s'y opposent. Je n'ai jamais dit, M. le Président, que l'association appuyait aveuglément tout notre projet de loi.

Le Président: Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si vous me permettez à mon tour de soulever une question de privilège. Tant dans sa réplique à la motion que j'avais faite que dans sa réplique au discours de deuxième lecture, le ministre nous disait que le groupement le plus intéressé à cette affaire, il le répétait, était le groupe des hôpitaux, que le groupe des hôpitaux avait été consulté et qu'il était d'accord. Ceci est fortement en contradiction avec le télégramme ou le telbec qui vient d'être communiqué par l'Association des hôpitaux du Québec. Je n'ai pas le temps, je le réalise, M. le Président, de vous énumérer toute la liste. Il v a deux groupes: d'un côté des institutions, et il y a aussi de l'autre côté des médecins, qui font des objections parce qu'il y a plusieurs principes en jeu.

Est-ce l'intention du ministre que tous les principes qui font l'objet de discussions, tant du côté des associations médicales — la Fédération des omnipraticiens, la Fédération des résidents et internes du Québec, la Fédération des étudiants en médecine du Québec — qui font objection à l'article 12, que du côté des associations qui font objection à l'article 28, tous ces articles qui sont contentieux il va les enlever? On pourrait alors peut-être se rallier à lui. Mais à ce moment-ci, il n'a aboli que le premier article, et le projet reste total, et tant qu'on n'a pas d'autres indications, je pense qu'il faut continuer d'insister pour que le projet de loi soit reporté et que les gens puissent être entendus en commission parlementaire.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: En ce qui concerne l'article 12, qui touche surtout les médecins, je répète encore une fois, puisque le député de L'Acadie y revient, insinuant que tous les médecins s'opposent à ce projet de loi, que ce n'est pas le cas. La Fédération des médecins spécialistes, lundi, à Montréal, publiquement, a dit qu'elle appuyait le projet de loi. L'Association des conseils des médecins et dentistes a dit qu'elle appuyait le projet de loi no 103. J ajoute que nous avons l'intention...

M. Shaw: M. le Président, question de privilège.

M. Lazure: ... d'apporter une modification à l'article 12 qui répond aux voeux de l'ensemble du corps médical. Nous les avons tous rencontrés et il ne reste que l'article litigieux concernant les fusions obligatoires.

M. Shaw: Question de privilège, M. le Président.

M. Lazure: Nous sommes prêts à l'amender sérieusement.

Le Président: M. le député de Pointe-Claire, s'agit-il d'un privilège...

M. Shaw: The minister of Social Affairs has suggested that the Association of physicians and dentists of the province of Québec have supported his bill. On Monday night, when the press conference was given, the association gave its support of remarks without having consulted its member bodies who have not even met concerning the subject as yet.

Des Voix: Ce n'est pas une question de privilège.

Le Président: C'est un privilège de dentiste beaucoup plus qu'un privilège de député, M. le député de Pointe-Claire.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Une question additionnelle au ministre des Affaires sociales. J'aimerais savoir du ministre s'il accepterait... Bien sûr, dans le projet de loi no 103, les personnes qu'il nomme ne sont à peu près pas touchées par la loi 103, mais l'Association des hôpitaux aimerait être entendue sur le plan de redressement, par exemple, l'ACAQ, i'Association des centres d'accueil du Québec, aimerait être entendue sur l'intégration des lits. On sait que d'autres groupements ont demandé à être entendus; j'aimerais savoir du ministre s'il accepterait qu'on entende ces groupements en commission parlementaire, brièvement, répartis sur une journée, si c'est possible, ou sur une demi-journée. Je sais qu'il a fait preuve de souplesse hier, au cours de la journée, mais il reste des articles qui sont fort contentieux et on n'est pas prêt à les laisser passer ainsi.

L'Association des hôpitaux privés a certainement dû être vue au cours de la soirée, au cours de la nuit ou ce matin, mais pendant ce temps-là on ne connaît pas l'information. Il y a trois catégories très distinctes qui s'opposent à l'adoption de cette loi. Ce sont des groupes directement touchés par la loi. J'aimerais savoir du ministre s'il accepterait qu'on les rencontre avec les partis de l'Opposition.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Encore une fois, nous devons répéter qu'il n'est pas possible, pour chaque projet de loi, de mettre sur pied une commission parlementaire. Je dois répéter aussi qu'il n'est pas absolument nécessaire de consulter seulement par le biais d'une commission parlementaire. Il ne faut pas que la commission parlementaire devienne l'outil exclusif de consultation, cela n'a pas d'allure. Nous avons consulté des groupements depuis le mois de juin sur ce projet. Nous avons une rencontre à midi avec l'Association des hôpi- taux du Québec; à 13 h 30 exactement, je rencontre l'AHPQ. Je suis prêt à rencontrer, comme je l'ai fait hier avec les étudiants en médecine, avant-hier avec la Fédération des omnipraticiens, au jour le jour, tous les groupements qui voudront bien me rencontrer.

Je ferai remarquer à cette Chambre que, jusqu'à quelques jours, nous n'avions reçu aucune demande d'audience en commission parlementaire de tous ces groupements. C'est depuis le débat en Chambre de mardi dernier, depuis la motion de report du député de L'Acadie, que tout à coup, subitement, nous avons une escalade de demandes de commissions parlementaires.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. Levesque (Bonaventure): J'aurais une question à poser au ministre des Affaires sociales.

Des Voix: C'est fini, c'est fini!

M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas sur le fond, M. le Président, c'est simplement une précision. Je pense que cela est assez important. Le premier ministre a même été mis en cause là-dedans dans le sens qu'il aurait dû être informé davantage. Est-ce que le ministre des Affaires sociales croit qu'il est normal, dans le cas du projet de loi no 103, par exemple, qu'une fois qu'un projet de loi est déposé, étudié en deuxième lecture, déféré à une commission parlementaire, dans le cas présent à la commission parlementaire des affaires sociales, d'enlever la consultation à la commission parlementaire pour en faire une consultation personnelle?

Pourquoi les membres de la commission parlementaire ne pourraient-ils pas participer à cette consultation, à ce stade de l'étude d'un projet de loi?

M. Charron: C'est moi qui vais répondre à cette question, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement. (11 h 10)

M. Charron: Je vais répondre à la question: D'abord, le député de Bonaventure sait que ce n'est pas possible à chaque occasion. D'autre part, ceux dont on parle très précisément sont des organismes professionnels constitués depuis plusieurs années, qui ont pris non seulement le tour, mais la façon très intelligente de faire connaître leur position qui occupe une large place dans les media d'information chaque fois qu'ils s'expriment. Ils connaissent le chemin de ce parlement depuis des années, ils connaissent le chemin des bureaux des députés de l'Opposition pour leur faire entendre également leur opinion, n'importe quand. Ils sont dans nos murs; le député de L'Acadie peut les rencontrer à l'heure du dîner si elle le veut, le député de Mégantic-Compton aussi. Dans ce sens, il s'agit d'un projet de loi qui n'est pas de portée générale, mais qui concerne des

organismes particuliers qui, eux, sont écoutés, s'expriment clairement et peuvent rencontrer les députés n'importe quand.

M. Lazure: M. le Président, s'il vous plaît, pour compléter la réponse du leader.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Je pense que la mini-commission parlementaire d'une journée sur le projet de loi 84 a bien démontré qu'il n'était pas vraiment nécessaire d'avoir une commission parlementaire générale sur ce projet de loi. On n'a qu'à lire l'éditorial du Soleil du lendemain pour se rendre compte qu'il s'agissait d'un projet de loi avec des réformes administratives complètement normales. Bien sûr, les groupes professionnels bien organisés, soit associations d'établissements ou groupes de médecins, connaissent les façons de se faire entendre, et fort. L'ensemble des contribuables a très peu ces moyens de se faire entendre. Dans ces deux projets de loi, nous apportons des améliorations qui non seulement vont économiser des sous à l'Etat, mais vont améliorer les services.

Le Président: Motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Il n'y a pas de vote en suspens, n'est-ce pas?

M. Tardif: M. le Président, je m'excuse, j'aurais un complément de réponse à apporter au député de Notre-Dame-de-Grâce sur la question de l'habitation, avec la permission de cette Chambre.

Le Président: Y a-t-il consentement? M. Lavoie: Consentement.

Le Président: II y a consentement.

M. le ministre des Affaires municipales.

Besoin de logements au Québec

M. Tardif: M. le Président, à quelques reprises le député de Notre-Dame-de-Grâce a posé une question relativement à un soi-disant engagement du gouvernement de construire 7000 logements, ceci à partir d'une publication du Parti québécois durant la campagne électorale. J'ai donc voulu, avant de commenter ceci, retracer la déclaration en question. Je pense qu'il y aurait lieu, ici, de préciser qu'il s'agit d'une estimation des besoins en logements pour l'ensemble du Québec et non pas de logements sociaux à être construits par la Société d'habitation du Québec. C'est une première distinction importante. Je m'excuse, M. le Président, je vais lire exactement, ici, le paragraphe et on pourra apprécier. "Le nombre de ménages s'accroît annuellement depuis ciq ans de 58 000 par année. Il faut remplacer les logements démolis (4000 par année, selon le rapport Le-gault); il faut graduellement augmenter le taux de vacance des logements locatifs à 4% et, pour y parvenir, 5000 logements supplémentaires doivent être construits chaque année. Le Québec a donc besoin, au total, de 67 000 logements par année. (Si on contrôle sévèrement les démolitions, ce sera un peu moins). Il faut donc construire 7000 logements de plus que ce qui sera réalisé cette année."

C'est donc dire que l'on s'appuyait sur une étude du rapport Legault pour évaluer les besoins en logements. Or, ces besoins furent établis à partir des tendances historiques des dernières années qui étaient les suivantes: en 1971 — on n ira pas bien loin en arrière — entre les deux recensements, il s'était bâti 51 700 logements au Québec, de toute nature; en 1972, 55 000; en 1973, 59 000 — j'arrondis — en 1974, 51 000; en 1975, 54 000.

Deuxième élément de la réponse, c est que le nombre de ménages s'accroissait à un rythme tel qu'il fallait, uniquement pour satisfaire à la demande des nouveaux ménages, à peu près 7500 logements nouveaux par année. Le taux, en fait, de formation des ménages familiaux était de 2,8%, et celui des ménages non familiaux, de 5,9%.

Troisièmement, M. le Président, on démolissait assez allègrement environ 2400 à 2500 logements par année, et le taux de vacance, et c'est cela qui est important à noter, le taux de vacance en 1976 était inférieur à 1%.

Je voudrais juste rappeler que, lorsque nos amis d'en face sont arrivés au pouvoir en 1970, ce taux de vacance était, dans la région de Montréal, de 8%. Quand ils sont partis, il était moins de 1%. M. le Président, qu est-ce qu'il s'est produit depuis 1976? Un instant! En 1976 il s'est bâti 68 000 logements. Il s'est mis en chantier 68 000 logements au Québec, c'est-à-dire à peu près 15 000 de plus que la moyenne des cinq dernières années; 68 000 mises en chantier. Deuxième événement, M. le Président, le nombre de ménages, la formation des ménages a diminué. Le fait est que, pour...

Le Président: M. le ministre, vous donnez un complément de réponse; je vous demanderais d abréger, s'il vous plaît!

M. Tardif: Avec votre permission, comme le député de Notre-Dame-de-Grâce a pris la peine de revenir trois fois sur cette question, M. le Président, je voudrais donner une réponse complète.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je dois poser cette question de privilège à la suite des renseignements que vient de donner le ministre des Affaires municipales. Il a commencé sa réponse en disant qu'il y avait eu confusion quant

aux 7000 logements en question, qu'il s'agissait d'un montant global et non pas d'un montant réservé au logement social. Or, M. le Président, ceci est complètement contredit par un article du Devoir du 1er novembre 1976 où, en citant le premier ministre, on disait ceci: II instaurerait enfin un programme de mise en chantier de 67 000 logements par année, dont 7000 seraient réservés à l'usage des vieillards et des familles à faible revenu.

M. Scowen: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je voudrais tout simplement souligner, M. le Président, que j'ai posé trois questions très précises au ministre et tout ce que je demande ce sont les réponses à ces trois questions qui sont des questions dont les réponses sont chiffrables. Le ministre a parlé pendant quelques minutes et il n'a pas touché aux trois questions.

M. Léger: Ce n'est pas une question de privilège cela.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Tardif: M. le Président, je disais tantôt que le taux de formation des ménages non familiaux particulièrement, où avait été la demande au cours des dernières années, est évalué présentement à 3,9%, c'est-à-dire à peu près la moitié de ce qu'il a été pendant la période de 1971 à 1976. Troisièmement, M. le Président, on démolit moins. La ville de Montréal s'est octroyée le pouvoir de contrôler les démolitions, et d'autres municipalités s'intéressent également au problème, avec le résultat qu'au moment où nous nous parlons, le taux de vacance, dans la région de Montréal notamment, est de l'ordre de 5,5% de logements vacants, évidemment dans des catégories de logements qui sont parfois plus exigus que les logements dont ont besoin les familles. M. le Président, le taux de vacance qui était de moins de 1% en 1976 est maintenant de l'ordre de 5% dans la région de Montréal. C'est important à souligner.

La deuxième question posée par le député touche au nombre de mises en chantier par la Société d'habitations du Québec. M. le Président, de fait, depuis novembre 1976, le stock de logements sociaux, cette fois, si on veut parler uniquement de ceux-là, qui était de 19 745 en 1976, existants, et d'à peu près 10 300 qui étaient dans le moulin, comme on dit, est maintenant de 24 449 logements sociaux habitables existants, c'est-à-dire un accroissement de 4704, et le nombre de ceux qui sont en voie de réalisation est de 14 027. (11 h 20)

Ceci signifie donc un accroissement, soit des logements réalisés et habitables, soit des loge- ments déjà réalisés et habitables, soit des logements mis en oeuvre de 8368, ce qui est à l'intérieur des paramètres indiqués dans la déclaration du premier ministre, entre 7000 et 8000. Je n'inclus pas là-dedans les 962 lits des centres d'accueil qui, pour des fins de statistique, devraient normalement être aussi comptabilisés au chapitre de l'habitation sociale. Je vous remercie.

Le Président: Une question, M. le député de Notre-Da me-de-G race.

M. Scowen: M. le Président, mes questions ont été soulevées à cause d'un article qui a paru dans un journal il y a quelques mois qui disait que nous avons aujourd'hui une liste d'attente de 20 000 personnes âgées pour les HLM. J'ai été étonné de voir que les réalisations depuis mai 1978 sont de l'ordre de 700. Alors, nous avons à ce jour une liste d'attente de 20 ans pour les personnes âgées, pour les logements que vous avez promis. Alors, les questions que j'ai posées et auxquelles le ministre n'a pas répondu sont les suivantes: Combien de logements prévoyez-vous compléter cette année? Quel est le nombre? Je ne parle pas de la totalité des logements pour les personnes âgées et les personnes à faible revenu. Je pense que vous avez répondu à la deuxième question. Vous m'avez dit que les chiffres que vous m'avez donnés...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: La troisième question est la suivante: Combien de logements seront complétés pour ces personnes, l'année prochaine, en tenant compte du fait que nous avons une liste d'attente de 20 000 personnes?

Le Président: Brièvement, s'il vous plaît, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, le Conseil des ministres a autorisé, pour l'année 1978, l'inscription, à la programmation de la Société d'habitation du Québec, de 6000 logements sociaux. Ces 6000 logements sont en voie de réalisation et devraient être terminés au cours de l'année 1979, si bien que l'accroissement du parc immobilier pour l'année 1979 devrait être de l'ordre de 6000 à 7000 également, ces logements mis en oeuvre cette année devant être livrés quelque part au cours de l'année 1979.

Je voudrais uniquement donner un élément de réponse au député de Notre-Dame-de-Grâce puisque l'an dernier, à cette époque-ci, on avait fait grand état d'un fameux montant de $64 millions non utilisé par le Québec et qui était, pas une subvention incidemment, mais bien un prêt de la société centrale. M. le Président, au moment où nous nous parlons, non seulement les $64 millions ont été entièrement utilisés par le Québec, non seulement les $23 millions additionnels pour l'année 1978 ont été entièrement utilisés, mais il y a

présentement, devant la Société centrale d'hypothèques et de logement, des projets pour $46 millions de plus que ce montant de $64 millions utilisé et les $23 millions utilisés pour l'année 1978.

Le Président: Affaires du jour. M. Scowen: M. le Président...

Le Président: Affaires du jour.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Oui.

Le Président: On y reviendra demain, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Travaux parlementaires

M. Roy: En vertu de l'article 34, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Le projet de loi 110 devait être discuté hier. On a demandé qu'il soit retardé du fait qu'on avait demandé au contentieux du ministère de se prononcer.

Une Voix: Au conseil supérieur.

M. Roy: Au conseil supérieur, je m'excuse, au conseil consultatif; c'est important, les précisions; il faut dire les choses claires, nettes et précises, surtout quand on travaille tard et qu'on veille tard le soir. Alors, j'aimerais savoir ce qu'il arrive de ce projet de loi.

M. Charron: II arrive de ce projet de loi... Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: ... qu'il sera appelé en deuxième lecture demain dès que la Chambre aura disposé du projet de loi 84 en deuxième lecture.

Le Président: Affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Bellemare: En vertu de l'article 34. Trois projets de loi apparaissent en appendice dans le feuilleton d'aujourd'hui. Je comprends que le premier concerne Mme Payette, le député de Dorion et ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Quant à la Loi concernant l'acquisition d'actions de certaines sociétés de prêts hypothécaires, on a donné notre consentement. Il n'y a aucun problème. Mais pour ce qui est des deux autres projets de loi qui figurent, Loi sur les normes du travail et Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on n'a pas d'objection qu'ils soient lus en première lecture. Nous n'avons aucune objection, mais qu'on ne dépasse pas cela, en vertu de l'article 31 A.

M. Charron: Vous devancez ce qui n'est même pas un désir que je m'apprête à formuler.

M. le Président, j'ai en effet le plaisir d'annoncer que le Conseil des ministres est arrivé hier à s'entendre sur la version finale de ce qui va s'appeler la Loi sur les normes du travail, que nous avons l'intention de déposer avant l'ajournement, qu'il y aura vraisemblablement une commission parlementaire sur le sujet entre les deux sessions et que la loi sera appelée en deuxième lecture lors de la prochaine session de 1979. La même chose pour la loi au nom de mon collègue, le ministre d'Etat à l'aménagement.

M. Lavoie: M. le Président, en vertu de l'article 34, j'ai compris que le leader parlementaire de l'Union Nationale a mentionné qu'il y avait eu consentement sur le projet de loi au nom de Mme le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Mais quelle sorte de consentement? Pour le dépôt ou pour la discussion?

M. Charron: Je crois que c'est pour le dépôt et la discussion.

M. Bellemare: Si c'est au sujet du Crédit foncier, je n'aurais pas d'objection.

M. Lavoie: Pour le dépôt, il n'y a même aucun consentement à obtenir. Vous avez le droit de le déposer.

M. Bellemare: M. le Président, pour qu'il soit, après le 1er décembre, inséré dans notre législation, il faut le consentement unanime.

M. Lavoie: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Ma question est la suivante. Maintenant qu'il est déposé en avis, vous avez le droit de le déposer sans aucun consentement, mais pour qu'il soit adopté avant le 22 décembre, je demande au leader parlementaire du gouvernement s'il a l'intention de solliciter le consentement des membres de cette Chambre pour qu'il passe toutes les étapes avant le 22 décembre, ou si vous avez l'intention d'appliquer l'article 84 du règlement qui est la motion de suspension de l'application des règles pour voter un projet de loi dans un cas d'urgence.

M. Charron: J'avais l'intention de vous en parler vers midi mais ce sera l'un ou l'autre

M. Lavoie: Est-ce que vous auriez une troisième formule?

M. Charron: Une troisième voie, celle du "1,2, 3 punch" sur consentement unanime, mais je ne pense pas l'obtenir.

M. Roy: M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Le leader du gouvernement a parlé de consentement ou de l'autre formule, soit la suspension des règles. Il a parlé de consultation à midi. C'est un projet de loi extrêmement important. Il ne faudra pas qu'il oublie que s'il veut avoir le consentement — et le consentement devra être unanime — de l'Assemblée nationale, il ne devra pas se limiter à consulter uniquement l'Opposition officielle. Il y en a d'autres en cette Chambre qui ont également leur mot à dire.

M. Charron: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je ne frémis pas à ce que vient de dire le député de Beauce-Sud. Je ne l'avais pas oublié.

M. Roy: C'est important.

M. Charron: J'ai même l'intention, pendant que le député de Beauce-Sud sera en commission parlementaire tout à l'heure, de lui demander d'en sortir pour quelques minutes à ce sujet, ainsi qu'au député de Rouyn-Noranda ou, alors, que nous nous entendions pour faire pareille réunion au moment où les commissions auront achevé leur travail. Je pense que ce sera encore plus raisonnable.

M. Lavoie: J'aperçois le député de Pointe-Claire, en arrière. Ne l'oubliez pas.

M. Charron: Non, je ne l'oublie pas.

M. Bellemare: M. le Président, cela prouve que ma question en vertu de l'article 34 est valide, parce qu'en vertu de l'article 84, tel qu'on l'a suggéré, il faut que la loi soit distribuée en même temps qu'on va l'appeler.

M. Charron: M. le Président.

Le Président: Nous en sommes aux affaires du jour.

M. Charron: M. le Président, le menu de la Chambre, aujourd'hui, sont les lois fiscales au nom de M. le ministre des Finances et la loi 114 au nom du ministre du Travail. Je souhaite à tous une excellente journée.

M. Bellemare: Ah, ah!

M. Charron: D'autre part, M. le Président, pendant que la Chambre étudiera ces projets de loi, je fais motion à l'instant pour que se réunissent jusqu'à 13 heures ce matin, cet après-midi, de 15 heures à 18 heures et, ce soir, de 20 heures à 24 heures, au salon rouge, la commission de l'agriculture pour l'étude article par article du projet de loi sur la protection du territoire agricole et, à la salle 81-A, ce matin et cet après-midi, la commission de l'environnement pour l'étude article par article du projet de loi 69. Ce soir, à la même salle, il y aura réunion de la commission de l'Assemblée nationale, tel que convenu avec les partis de l'Opposition, sur la question des sociétés d'Etat, qui a été soulevée par le chef de l'Union Nationale il y a déjà quelques semaines. Si jamais la commission de l'Assemblée nationale qui sera en réunion ce soir arrivait avant 24 heures à s'entendre sur la proposition que le ministre d'Etat au développement économique y fera, nous profiterons du fait que cette commission est réunie, pour nous pencher à nouveau, quelques instants au moins, puisque le sujet le mérite, sur le projet de réorganisation administrative de l'Assemblée que vous nous avez présenté.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée? (11 h 30)

Des Voix: Adopté.

M. Bellemare: M. le Président, sur cette motion, on va demander un vote, c'est sûr, parce que le soir, pour l'Assemblée nationale, je voudrais bien y être. En tout cas, M. le Président, est-ce que je peux demander, en vertu de l'article 34, si ma motion qui apparaît au feuilleton va avoir une suite ou bien si elle va reposer au cimetière d'Argenteuil?

M. Charron: J'ai l'intention d'appeler cette motion, M. le Président, juste avant la prorogation, le 21 décembre.

Le Président: Est-ce que la motion de M. le leader parlementaire du gouvernement sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

M. Bellemare: Vote, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, je regrette, il est trop tard, la motion a été adoptée.

M. Bellemare: Je l'avais annoncé avant, M. le Président. J'avais dit que je demanderais un vote.

M. Charron: M. le Président, les commissions peuvent donc se réunir immédiatement.

M. Bellemare: Non, non. Vote! Il faut respecter la Chambre, M. le Président.

M. Charron: Le président a dit que la motion était adoptée.

M. Bellemare: Non. Je l'ai dit tout à l'heure.

Le Président: Si vous l'avez annoncé, qu'on appelle les députés.

Suspension à 11 h 31

Reprise à 11 h 41

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion présentée par M. le leader parlementaire du gouvernement visant à faire siéger la commission de l'agriculture, la commission de l'environnement et la commission des affaires sociales. Si la commission de l'environnement a terminé ses travaux, immédiatement jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures, la commission de l'agriculture sur le projet de loi no 90; la commission des affaires sociales, sur le projet de loi no 103; de même, de 20 heures à 24 heures, la commission de l'agriculture sur le projet de loi no 90; la commission de l'Assemblée nationale sur la réforme administrative, et la commission de l'Assemblée nationale sur les sociétés d'Etat.

Que ceux et celles qui sont en faveur...

M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Les derniers mots que vous avez prononcés, est-ce que c'est dans le bon ordre? Dans quel ordre la commission de l'Assemblée nationale, les deux mandats.

M. Charron: Les sociétés d'Etat et l'organisation administrative.

Le Président: Très bien, sociétés d'Etat et réforme administrative.

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Burns, Laurin, Parizeau, Marois, Léonard, Couture, Tremblay, Bérubé, Mme Ouellette, M. O'Neill, Mme Cuerrier, M. de Belleval, Mme Payette, MM. Johnson, Proulx, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, Vaugeois, Martel, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux, Chevrette, Bertrand, Fallu, Michaud, Rancourt, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, Mme LeblancBantey, MM. de Bellefeuille, Gendron, Mercier, Alfred, Marquis, Gagnon, Ouellette, Perron, Gosselin, Clair, Brassard, Godin, Dussault, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Gravel, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Jolivet, Levesque (Bonaventure), Lavoie, Vaillancourt (Orford), Forget, Mailloux, Goldbloom, Larivière, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, La-montagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher, Picotte, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Bellemare, Grenier, Russell, Goulet, Fontaine, Brochu, Dubois, Le Moignan, Cordeau, Samson, Roy. Shaw.

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît! Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire: Pour: 93 — Contre: 0 — Abstentions: 0

Le Président: La motion est adoptée. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, pourrions-nous avoir une précision?

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. M. ie leader parlementaire du gouvernement, une précision est demandée par M. le député de Saint-Laurent.

M. Charron: Volontiers.

M. Forget: Lorsque le leader du gouvernement a parlé des commissions qui étaient convoquées pour aujourd'hui, il ne me semble pas qu'il ait mentionné la commission des affaires sociales; or, dans la motion, il en a été fait mention.

M. Charron: C'est une erreur sur le papier, je m en excuse.

M. Forget: Bon, merci.

M. Charron: II faut prendre ce que j'ai dit verbalement, M. le Président, et non pas ce que vous avez lu. malheureusement.

M. Lavoie: M. le Président, on ne reprendra pas le vote, on donne notre consentement pour que ce soit le même vote.

Le Président: II faut enlever la commission des affaires sociales.

M. Charron: J'aurais deux courts avis à donner à la Chambre, si je peux avoir son attention encore pour un instant. D'abord, tout le monde aura pris connaissance qu au feuilleton d'aujourd'hui la sixième et dernière motion de blâme possible en cours de session est utilisée par les députés de I'Union Nationale; elle doit donc normalement, selon notre règlement, venir lundi matin. Je dis bien lundi matin parce que je me trouve, du fait même, à dire à chacun et à tous dès aujourd'hui que la Chambre se réunira à 10 heures le lundi 18 décembre.

Il y a entente entre les trois partis pour que le débat de cette motion soit limité à une heure et demie, c'est-à-dire que chaque parti reconnu de l'Assemblée prendrait 30 minutes. Il faut reconnaître aux députés indépendants ou de partis non reconnus officiellement que leur droit de parole pourrait être, dans les circonstances, puisque chaque parti reconnu se limite à 30 minutes, vraisemblablement de 10 minutes chacun au maxi-

mun, ce qui veut dire que le débat durerait deux heures. Il y a consentement unanime, et je propose que cela devienne un ordre de la Chambre, pour que ce débat ait lieu entre 15 heures et 17 heures dans la journée du lundi 18 décembre prochain.

M. Lavoie: Entre 15 heures et 17 heures pour un débat d'une heure et demie?

M. Charron: Oui, une heure et demie pour les partis reconnus et 10 minutes par parti ou député indépendant. Je propose que cela devienne un ordre de la Chambre, M. le Président.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Bellemare: Adopté.

Le Président: Adopté. Cela devient un ordre de la Chambre entre 15 heures et 17 heures — entre 15 heures et 17 heures, c'est bien ça, M. le leader parlementaire du gouvernement? — lundi prochain, aura lieu le débat sur la motion de blâme présentée par l'Union Nationale.

M. Charron: Je voudrais donner aussi un avis non formel; j'aimerais exprimer le désir de rencontrer mes collègues les leaders des autres partis et les députés indépendants qui voudraient venir également.

M. Roy: Pas indépendants, de partis non reconnus.

M. Charron: De partis non reconnus, je m'excuse.

M. Samson: Mais représentés.

M. Charron: Ce sera à mon bureau, à 13 heures, parce que j'ai l'impression, comme je l'avais dit, lorsqu'on a fixé les travaux de la Chambre jusqu'à la fin de la session, qu'il serait bon, en cours de route, de revérifier nos attitudes à chacun. Donc je convoque cette réunion pour 13 heures, à mon bureau.

Autre avis, mais heureux celui-là. Je tiens à féliciter les membres de la commission des consommateurs, coopératives et institutions financières qui ont fort bien travaillé et qui ont terminé l'étude article par article de ce volumineux projet de loi hier soir.

M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 17) de notre feuilleton d'aujourd'hui, s'il vous plaît!

Projet de loi no 65 Deuxième lecture

Le Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 65, Loi modifiant la Loi sur les impôts et certaines dispositions légis- latives d'ordre fiscal. M. le ministre des Finances, quand les membres auront quitté l'Assemblée pour rejoindre les commissions, vous aurez la parole.

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances et du Revenu.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Mme la Présidente, avant de commencer cette présentation en deuxième lecture du projet de loi no 65, je voudrais vous indiquer qu'à cause d'une affaire urgente que j'ai à traiter aujourd'hui, j'aurai possiblement à m'absenter à quelques reprises après avoir terminé mon discours. Je me suis déjà excusé auprès du critique financier de l'Opposition officielle et de celui de l'Union Nationale; je m'en excuse auprès de vous. Il arrive à certains moments, comme cela, des conflits d'horaires dont on n'est pas responsable. A l'avance, pour ceux qui auront à prendre la parole sur le projet de loi 65, si j'avais à m'absenter, je leur présente mes excuses.

Ceci étant dit, nous abordons un projet de loi considérable qui comporte 233 articles et qui est destiné à amener une série d'amendements à la Loi sur les impôts. (11 h 50)

De ces amendements, il y en a plusieurs et de nature fort différente. Je vais essayer, au moins, d'en établir les principales catégories. Un très grand nombre des articles du projet de loi correspondent essentiellement à la tentative qui se maintient au Québec d'harmoniser le plus possible nos propres lois de l'impôt avec les lois fédérales. Chaque année, le gouvernement fédéral, à l'occasion des discours du budget — nous en avons connu maintenant trois en l'espace de très peu de temps — amène une série d'amendements techniques qui n'ont pas nécessairement une très grande portée, qui très souvent servent à fermer une clause échappatoire que quelques contribuables ont découverte ou encore règlent un problème d'ordre technique qui n'avait pas été vu. Je pense, Mme la Présidente, qu'à certains égards les gouvernements d'une façon générale abusent de ce type d'amendements.

Une des raisons pour lesquelles la loi de l'impôt est devenue tellement compliquée, c'est que justement, au fur et à mesure des années, un peu par dépôts sédimentaires, chaque gouvernement apporte à ses lois de l'impôt tellement de transformations techniques que finalement d'abord le contribuable s'y perd et les spécialistes eux-mêmes doivent se recycler à peu près tous les ans. Mais nous n'avons guère le choix. Dans la mesure où on veut éviter entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Québec une espèce de jungle réglementaire et de caractère légal, il faut nous adapter et présenter des amendements qui très souvent — on le verra à l'occasion de l'examen article par article — sont une espèce de transcription dans nos lois d'amendements qui ont été apportés aux lois fédérales.

Encore une fois, une bonne partie du volume des articles dont nous parlons sont de cette nature. Evidemment, il y a beaucoup plus que cela. Ce projet de loi traduit aussi un certain nombre de modifications apportées à nos propres lois de l'impôt à l'occasion du discours du budget d'avril dernier. C'est, bien sûr, davantage de ces dispositions dont j'ai l'intention de parler que des ajustements techniques auxquels je viens de faire allusion.

Il ne s'agit pas ici évidemment de refaire le discours du budget ou de le répéter, mais peut-être de souligner certains des effets et des transformations que cela va provoquer dans les lois de l'impôt, de répondre à des objections, que nous avons souvent entendues depuis le discours du budget, émanant de certains groupes et de faire le point sur la réforme fiscale, je pense, importante, dans laquelle le gouvernement de Québec s'est engagé depuis un an. C'est, bien sûr, là-dessus que je tiens à faire l'essentiel de mes commentaires.

Je crois que, si on avait à faire ressortir une caractéristique majeure de ce projet de loi no 65 et du dernier discours du budget, ce serait vraiment la réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers dont il faudrait parler. Il s'agit effectivement d'une réforme en profondeur, d'une modification majeure. Lorsque nous avons commencé à examiner, il y a déjà plus d'un an, la possibilité de modifier la structure de l'impôt sur les revenus des particuliers, le Québec était dans une situation étonnante, extraordinaire en un certain sens. En effet, à peu près pour tous les paliers de revenus, le fardeau fiscal de l'impôt sur les particuliers au Québec était le plus élevé de toutes les provinces canadiennes. C'était vrai pour celui qui gagnait $10 000, c'était vrai pour celui qui gagnait $20 000, c'était vrai pour celui qui gagnait $50 000. Nous étions champions toutes catégories. On connaissait le phénomène depuis déjà plusieurs années. Ce n'est pas une découverte que nous avons faite en arrivant au pouvoir. Les Québécois savaient qu'ils étaient les plus taxés.

L'objectif, la cible — si je peux m'exprimer ainsi — de la réforme qui a été entreprise a été l'individu dont je pourrais dessiner les traits à peu près de la façon suivante: celui qui travaille au salaire industriel moyen, qui est marié, dont la femme ne travaille pas à l'extérieur et qui aurait un ou deux enfants. C'était cela, la cible. C'était l'individu dont on a cherché, aussi systématiquement que possible, à améliorer la situation.

Le résultat est, à bien des égards, spectaculaire. Je pense que dans ce sens, l'objectif que nous nous étions fixé, c'est-à-dire de détaxer le citoyen ordinaire, le citoyen moyen, si tant est qu'on puisse parler d'un citoyen moyen, a été atteint.

Nous arrivons au résultat suivant: de $5000 à $15 000 — même un peu plus de $15 000 — le contribuable marié au Québec a cessé d'être le plus taxé de tous les Canadiens. C'est terminé. Pour ceux qui gagnent $5000, s'ils vivent au Québec, ils doivent savoir que, dans cinq provinces, l'impôt est plus élevé. S'ils gagnent $7500, dans cinq autres provinces l'impôt est plus élevé. S'ils gagnent $10 000, dans sept autres provinces l'impôt est plus élevé. S'ils gagnent $12 500, dans trois autres provinces l'impôt est plus élevé. S'ils gagnent $15 000, il y a encore une province où l'impôt est plus élevé et cette province est l'Ontario. En fait, pour la première fois depuis très longtemps, depuis des années et des années, le citoyen qui travaille au niveau industriel moyen au Québec et qui est marié est moins taxé que son collègue de l'Ontario. C'est un résultat, Mme la Présidente, dont nous sommes très fiers de ce côté-ci de la Chambre.

Cela s'est fait de deux façons: d'une part, en modifiant les exemptions personnelles et, d'autre part, en changeant la table d'impôt. Les exemptions personnelles, on le sait, ont été modifiées de façon que celui qui est marié, dont la femme ne travaille pas à l'extérieur, voie l'exemption personnelle pour sa femme passer de $1900 à $2700. Sa femme, d'ailleurs, peut avoir des revenus sans que cela touche ces exemptions personnelles, des revenus maintenant non plus de $500 comme autrefois, mais jusqu'à $1000. Pour les personnes âgées, les exemptions personnelles, pour raison d'âge, ont été augmentées de $1000 à $1500. Pour les enfants à charge de plus de 18 ans, en particulier ceux qui sont aux études, les exemptions personnelles ont été augmentées de $550 à $900. Maintenant, ces enfants peuvent gagner jusqu'à $2000 dans l'année sans que l'exemption personnelle ne soit touchée.

On a évidemment modifié également les exemptions personnelles dans le cas d'un bon nombre de handicapés alors que l'exemption personnelle passe de $1000 à $1500. Donc, il y a eu une révision générale des exemptions personnelles dans le système. Première étape.

Deuxième étape. On a refait la table des taux de façon que, pour les revenus bas et moyens, les taux soient plus bas qu'avant et, d'autre part, bien sûr — je vais y venir dans un instant — à l'autre bout de l'échelle, pour les revenus plus élevés, la table a été redressée. Donc, changement dans les exemptions personnelles et changement dans les taux. (12 heures)

C'est la combinaison de ces deux facteurs qui fait qu'enfin le citoyen qui travaille au niveau moyen de rémunération dans notre société a cessé d'être le plus taxé des Canadiens. A peu près 90% des Québécois ont profité de cette façon d'impôts plus bas au cours de 1978. Dans le cas de ceux dont l'impôt est déduit à la source, cela s'est traduit par des réductions d'impôt depuis le 1er juillet dernier, mais c'était applicable depuis le 1er janvier 1978. Donc, à l'occasion, des formules d'impôt qui seront remplies en février, mars ou avril de l'année prochaine, il y aura remboursement pour un très grand nombre de citoyens de ce qu'ils ont payé en trop, du 1er janvier 1978 au 1er juillet 1978.

Evidemment, le changement dans la table d'impôt a eu comme résultat de provoquer un long débat quant à savoir si on ne taxait pas trop les

hauts niveaux de revenus. Il est exact que, pour un contribuable marié, nous avons augmenté les impôts à payer à partir d'environ $40 000. Mais il faut bien se rendre compte qu'à partir de $40 000 l'augmentation dont nous parlons est de l'ordre de $300 ou $350 par rapport à la situation antérieure.

Il est clair, cependant, que dès qu'on commence à déborder $50 000, $60 000, $75 000, et à plus forte raison $100 000, là, les écarts sont plus grands. J'ai eu évidemment beaucoup de réactions là-dessus. Comme vous le savez, il y a eu, dans le public, tout un débat. Beaucoup de chiffres ont circulé. La plupart des comparaisons qui ont été faites quant au fardeau fiscal des très hauts niveaux de revenus — je pense ici en particulier à ceux qui gagnent $100 000 — ont été faites avec l'Ontario. Evidemment, on comprend pourquoi. La structure des impôts, en Ontario, est passablement régressive. Ce que je veux dire par là, c'est que les hauts niveaux de revenus n'ont jamais été très fortement taxés par le gouvernement de l'Ontario. En fait, pour des revenus de $100 000, l'Ontario a un fardeau fiscal qui est presque le plus bas au Canada. Evidemment, quand on compare le Québec qui est le plus haut, et l'Ontario qui est le neuvième, on arrive à démontrer qu'effectivement il y a des écarts de taxation assez considérables.

J'aurais souhaité que, dans le débat qui s'est engagé là-dessus, on tienne compte davantage d'autres provinces. Si, par exemple, on avait comparé le Québec non seulement avec l'Ontario mais la province voisine de l'Ontario, le Manitoba, là, on se serait rendu compte que les écarts sont beaucoup moins significatifs et beaucoup moins élevés, parce que le Manitoba a une structure d'impôt sur le revenu des particuliers qui est très progressive, un peu à l'instar de celle du Québec. Mais, enfin, ont dit beaucoup de ceux qui ont soulevé cette question, taxer les hauts revenus comme on le fait au Québec, cela a des conséquences possiblement dommageables sur le développement de l'économie. Je pense que l'argument fondamental sur lequel on revenait et qui, dans l'esprit de beaucoup, justifiait que la comparaison se fasse avec l'Ontario plutôt qu'avec d'autres provinces, au fond, on peut l'exprimer rapidement sans chercher des complications inutiles à peu près de la façon suivante. Montréal, sur le plan économique, est en concurrence avec Toronto. Il faut donc comparer surtout ces deux villes et voir dans quelle mesure il y a des incitations pour des cadres, pour, comme on l'a dit dans certains milieux, des organisateurs ou des créateurs d'emplois d'être plutôt à Toronto qu'à Montréal. Je ne veux pas caricaturer des argumentations qui ont été développées mais je pense qu'en gros c'est à peu près à cela que revenait la discussion.

C'est un argument auquel il faut s'arrêter. J'ai eu l'occasion de mon côté de rencontrer beaucoup de groupes pour discuter de cette question, un assez grand nombre d'hommes d'affaires. Je reste en contact d'ailleurs avec plusieurs d'entre eux. J'ai eu l'occasion — et je remercie les grandes entreprises qui ont collaboré à cet exercice — de faire préparer par un certain nombre de grandes entreprises, sous le sceau de la confidentialité bien sûr, la répartition de leurs cadres par tranches de revenu, mettons, si vous voulez, de $25 000 à $30 000, de $30 000 à $35 000, de $35 000 à $40 000 jusqu'au salaire du président, pour déterminer combien de cadres se trouvaient à chacun des niveaux de rémunération et voir dans quelle mesure l'augmentation de cette table d'impôt au Québec représentait pour ces très grandes entreprises ou ces sièges sociaux un fardeau salarial additionnel important.

Je dois dire que les conclusions ne sont pas très probantes. Si on parle simplement de charges salariales additionnelles dans un bon nombre de cas, on constate à peu près ceci. Si ces entreprises ajustaient les revenus bruts de leurs cadres pour leur donner le même revenu net après impôt qu'ils avaient avant notre réforme fiscale, cela représenterait, dans la plupart des cas que j'ai examinés, 2%, 2 1/2% de la feuille de paie des cadres, Mme le Président. Pas de la feuille de paie de l'entreprise; de la feuille de paie des cadres. C'est donc une fraction, une toute petite fraction de la feuille de paie totale de l'entreprise. Dans ce sens, je pense qu'on a soufflé passablement l'ampleur du phénomène sur le plan simplement de la charge économique que cela représente que d'essayer, par des ajustements de salaires, advenant qu'une entreprise veuille le faire, bien sûr, de donner au cadre le même revenu net qu'il avait avant la réforme fiscale.

Ce n'est donc pas, au fond, je pense, de ça qu'on veut parler. C'est sur le plan de l'administration des cadres pour le Canada tout entier. On se dit: Est-ce qu'on peut, à l'intérieur d'un siège social ou d'une grande entreprise où il y a une très forte mobilité des cadres, bien sûr, avoir d'une ville à l'autre ou d'une province à l'autre des ajustements de salaires qui refléteraient le fardeau fiscal véritable? Cette question m'a été posée souvent, et la réponse est difficile à faire. C'est malaisé. Remarquez bien, Mme la Présidente que l'argument, là encore après l'avoir retourné longtemps — j'y ai pensé assez longtemps à cette question — ne me paraît pas non plus très probant, en ce sens que beaucoup des sociétés dont nous parlons font des ajustements de cet ordre de toute façon lorsque leurs cadres se déplacent vers les Etats-Unis, en Europe ou un peu partout dans le monde. La mobilité des cadres, cela n'existe pas seulement à l'intérieur du Canada. Cela existe d'un pays à l'autre, et beaucoup de ces grandes sociétés dont nous parlons ont des filiales, des succursales, des écoles d'entraînement, quand ce n'est pas le siège social, à l'extérieur du Canada.

Je pense qu'il y a davantage une question de principe qui est impliquée. C'est qu'on se dit: On ne devrait pas avoir à faire des ajustements comme ceux-là à l'intérieur d'un même pays. C'est un argument de principe que sans doute je respecte, mais qui ne me paraît pas une raison suffisante pour défaire, comment dire, l'échelle

d'impôt assez progressive dont le Québec s'est doté. Je pense que cette progressivité de I'impôt implique évidemment une certaine conception d'équité sociale. Il est évident que notre échelle d'impôt est plus progressive qu'elle ne l'est en Ontario et reflète une philosophie sociale du présent gouvernement qui est évidemment très différente de la philosophie sociale du gouvernement ontarien. Mais comme j'ai eu l'occasion de le dire a plusieurs reprises, à certains hommes d'affaires, il est évident que le gouvernement actuel ne s est pas fait élire comme un gouvernement d'extrême droite. On ne peut pas s'attendre de lui que sur le plan de la philosophie sociale, il monte une échelle d'impôt remarquablement régressive; ce serait le moindre des paradoxes. (12 h 10)

Si bien que, tout considéré, je ne pense pas qu'il y ait, dans toute cette argumentation qui a duré longtemps, matière suffisante à modifier les positions que j'avais adoptées.

Dans l'intervalle, cependant, d'autres études se sont poursuivies, toujours sur la même question et nous obtenons, dans le cadre de certaines de ces études, des résultats assez étonnants. Par exemple, à l'OPDQ, on a demandé une étude destinée à combiner deux choses, à examiner, pour des revenus de divers niveaux, la différence de fardeau fiscal entre Toronto et Montréal, en y ajoutant la différence dans le coût de la vie dans ces deux villes. Je ne parle pas de l'évolution de l'indice du coût de la vie; je parle du coût de la vie véritable, combien cela coûte pour un certain nombre de biens, de produits et de services si on vit à Toronto plutôt que si on vit à Montréal.

Ces chiffres sur les différences de coût de la vie entre Toronto et Montréal, ont été tirés d'une étude du Conseil économique du Canada qui a été publiée il y a quelque temps et qui s'appelle Vivre ensemble. Or, ce que cela révèle, c'est que le coût de la vie à Toronto est passablement plus élevé qu'à Montréal. Donc, si on essaie de déterminer le pouvoir d'achat réel de deux individus, l'un vivant à Toronto et l'autre vivant à Montréal, l'un, s'il a un revenu élevé, payant plus d'impôt au Québec, mais l'autre pour le même genre de biens et de services payant plus à Toronto, on arrive au résultat assez étonnant que, pour un contribuable imposé comme marié, le pouvoir d'achat réel, tel que je viens de le déterminer, est à peu près le même à Toronto et à Montréal au niveau de $50 000. Comme nous en sommes rendus là, il est clair que d'invoquer des différences d'impôt seulement pour annoncer des déplacements de cadres me paraît largement exagéré.

J'ai pensé longtemps, d'ailleurs, que de toute façon sur le plan du logement il devait y avoir une compensation. Mais l'étude beaucoup plus générale faite sur les différences de coût de la vie indique, encore une fois, que pour un contribuable marié, en tenant compte de ses impôts et de ces différences dans le coût de la vie, à $50 000, vivre à Toronto et à Montréal, c'est à peu près la même chose en termes de pouvoir d'achat. Ce dernier argument, je le présente en bout de ligne, mais il est évident qu'il est, à mon sens, très probant.

Les éléments de réforme fiscale dont je viens de parler ne sont évidemment pas les seuls dans la réforme plus générale qui a été abordée et annoncée dans le dernier discours du budget. Nous savons qu'à partir de 1979 il y aura un crédit d'impôt pour les taxes foncières scolaires et municipales disponible pour les petits ou moyens revenus. On ne trouvera pas ces dispositions, cependant, dans la loi 65; ce sera présenté dans une autre loi au début de 1979.

Une Voix: Ce sera rétroactif.

M. Parizeau: Oui. Cela commence le 1er janvier 1979, cette disposition. Elle a été annoncée dans le discours du budget, mais elle prendra effet le 1er janvier 1979.

Troisième élément de cette réforme fiscale, nous avions annoncé l'indexation des exemptions personnelles au coût de la vie dans le discours du budget, mais je vous rappelle que nous n'en parlerons pas maintenant, puisque l'application de cette mesure a été repoussée d'un an. J'ai, en effet, annoncé, à l'occasion de la distribution des $85 émanant du gouvernement fédéral, dans ce qu'on appelle maintenant la querelle de la taxe de vente, que, puisque cet argent qui était dû au gouvernement du Québec était plutôt distribué aux citoyens du Québec, nous laissions aux citoyens de Québec les $85 qu'ils avaient reçus.

Cependant, pour tout de même rentrer dans notre argent, la façon la plus simple et, je pense, la moins onéreuse pour tout le monde et la moins pénible, c'était de déplacer d'un an l'indexation des exemptions personnelles dans les tables d'impôt. Bien sûr, le 1er janvier 1980. il y aura deux exemptions qui seront combinées, mais en 1979 il n'y en aura pas. C'est le troisième morceau de cette réforme fiscale dont nous avions parlé dans le discours du budget.

Cette réforme a des à-côtés, si on peut dire, que je souhaiterais mettre en valeur. Sans doute, pour le contribuable marié à revenu moyen, c'est, je pense, très avantageux. Il y a un groupe, cependant, pour lequel c'est encore plus avantageux; je vous avouerai être ravi que ces tables aient donné ce résultat. Le groupe qui va tirer le plus de cette réforme fiscale, ce sont les couples de plus de 65 ans, les gens mariés qui ont passé 65 ans et qui commencent maintenant, grâce à la sécurité de la vieillesse, à la Régie des rentes et à un peu d'économies, à s'aménager une vieillesse un peu confortable. La réforme fiscale que nous avons faite veut dire que, pour beaucoup d'entre eux, c'est plusieurs centaines de dollars de réduction d'impôt qui leur sont accordées dans la mesure où cela les soulage, au fond, d'un fardeau fiscal qui était devenu très lourd pour eux. Je vous avouerai que c'est un des aspects de la réforme fiscale que je tiens à souligner et qui me paraît non seulement intéressant, mais justifié.

Ceci étant dit, passons à des dispositions peut-être un peu plus précises, dans certains cas.

un peu plus techniques de la loi. Un autre aspect des dispositions du dernier budget a été fort critiqué et beaucoup discuté. Il s'agit des modifications apportées au calcul des dépenses déductibles pour automobile dans le cas de voyageurs de commerce, de représentants de compagnies, d'agents d'assurances. Les groupes que je viens de mentionner ont été évidemment ceux qui ont fait des représentations peut-être les plus précises. Il y a d'autres groupes, chez les professionnels, qui n'ont pas fait beaucoup de représentations pour des raisons évidentes. J'imagine qu'ils se rendaient compte à quel point, dans leur cas en tout cas, c'était une mesure qui devait arriver tôt ou tard.

Le problème est essentiellement le suivant. Il y a beaucoup de salariés dans notre société, Mme le Président, 85% de la société constituent des salariés. Les salariés ne peuvent pas déduire, eux, des dépenses d'automobile de leur revenu imposable. On ne leur accorde pas de déductions pour automobile. Même si le salarié se tapait, matin et soir, 30 milles pour aller au travail en auto — beaucoup de salariés font 30, 40 ou 50 milles par jour pour aller à leur travail, énormément de salariés — on ne leur accorde rien. On ne leur a jamais rien accordé comme dépenses déductibles d'automobile.

Au contraire, chez ceux qu'on appelle les travailleurs autonomes, les hommes d'affaires, les professionnels et divers types de vendeurs à commission ou de voyageurs, on constate depuis plusieurs années des abus qui étaient devenus insupportables et iniques. Que certains professionnels autonomes qui, de toute façon, sur le plan professionnel, vont à leur bureau ou à leur lieu de travail le matin et reviennent le soir, soient en mesure de soustraire des frais d'automobile de leur impôt parce qu'ils sont autonomes, il n'y a pas de raison. (12 h 20)

En somme, si je comprends bien, le professionnel qui va à son bureau y aurait droit, mais sa secrétaire, parce qu'elle est embauchée par lui, qui a son auto, qui va au même bureau et possiblement revient dans le même quartier le soir, n'y aurait pas droit. Sur le plan seulement de l'équité sociale, on pouvait se poser des questions.

D'autre part, manifestement, on arrivait à des abus d'un autre ordre, très difficiles à contrôler, à moins, vraiment, de vouloir avoir des armées d'inspecteurs. Cela consistait à essayer de déterminer, dans les déclarations de tout un chacun qui réclamait des frais d'automobile, ce qui était vraiment affectable à ses dépenses personnelles d'automobile, ce qui, vraiment, venait de ses sorties de fins de semaine, son usage personnel, et ce qui découlait directement des dépenses professionnelles proprement dites. Depuis déjà plusieurs années, ce type de contrôle ou bien était tellement difficile à établir qu'on laissait passer à peu près n'importe quoi ou alors, pour être vraiment efficace, exigeait un personnel incroyable.

Donc, à la fois pour restreindre les abus et, d'autre part, pour tenir compte, là encore, d'une certaine idée que l'on se fait de l'équité sociale, nous avons modifié les dispositions applicables à la déductibilité des frais d'automobile. Le principe fondamental ici est le suivant: On se dit, ce qui est frais fixes, un individu qui a une auto — et la plupart des gens en ont, sinon l'immense majorité; j'appartiens au dernier carré de la garde de ceux qui ne conduisent pas. mais, enfin, j'ai beau regarder autour de moi, je n'en vois plus beaucoup.

La plupart des gens ont une auto et l'auraient de toute façon. Alors, on va considérer que ces gens vont tous payer les frais inhérents à la possession d'une auto quand ils en possèdent une. Tous les frais fixes. Immatriculation, assurance régulière, pas l'assurance pour fins d'affaires. L'assurance pour fins d'affaires pourra être déductible du revenu imposable. Mais assurance régulière, normale, tout le monde l'aurait, il n'y a pas de raison pour qu'on établisse une différence entre un salarié et un autonome sur ce plan-là. On va supposer que tout le monde fait un certain millage par année à des fins personnelles. On a choisi un certain niveau, 10 000 milles. Il y en a qui ne font pas cela, c'est évident, à des fins personnelles. Il y en a d'autres qui font davantage. On est toujours, dans un certain sens, lié à choisir un certain niveau. Et on se dit que tout ce qui découle de la propriété d'une automobile ne sera pas déductible du revenu imposable. Il n'y aura pas d'allocation particulière pour cela. Mais, au-delà de cela, toute dépense additionnelle encourue pour affaires sera déductible.

Evidemment, c'est un gros changement dans le système. Cela implique forcément un écart par exemple par rapport aux dispositions du gouvernement fédéral qui est assez substantiel, qui est assez important, mais qui traduit, encore une fois, l'idée que nous nous faisons de l'équité sociale dans le domaine des impôts.

Cette question de l'équité sociale, à tous égards, me paraît fondamentale dans une société qui veut être à peu près à l'aise avec elle-même. Au début, lorsque je suis devenu ministre du Revenu, je suis tombé sur un rapport du Vérificateur général attaquant solidement le ministère du Revenu à cause du montant et de la progression très rapide de ses comptes à recevoir.

L'explication était simple, Mme le Président, il y avait des cotisations qui avaient été émises, il y a deux ans, deux ans et demi, trois ans, quatre ans et demi. Cela n'avait jamais été collecté. Pourquoi? C'est difficile à dire. Il y a probablement une variété de raisons, sauf que des gens se finançaient à même le gouvernement, alors que d'autres qui paient régulièrement des impôts avaient l'air de quoi, là-dedans? De poires? J'ai mis une équipe au travail — formée, à l'heure actuelle de quelque chose comme 150 occasionnels — afin de récupérer à peu près $110 millions de vieilles cotisations qui n'ont jamais été payées, et seulement celles de plus de $3000. $3000 et plus; après cela on descendra plus bas, mais pour

le moment on va chercher tous les $3000 et plus. Des $3000 et plus non ramassés, Mme le Président, il y en avait pour $110 millions.

Cela ne rend pas populaire de faire des choses comme celles-là, j'en suis parfaitement conscient. De la même façon que de rétablir une certaine équité sur le plan des dépenses d'automobile, cela ne rend pas nécessairement populaire. De la même façon que de taxer des présidents de compagnie qui font $150 000 ou $200 000 par année, cela ne rend pas populaire, Mme le Président. L'important, c'est que l'ensemble de cette société ait l'impression que les autorités qui la représentent ont, sur le plan de l'équité sociale, quand même, un peu de principes.

Dans la mesure ou la réduction des impôts pour 90% de notre société permet enfin de casser le monopole que nous avions d'avoir les impôts, pour tout le monde, les plus élevés au Canada, je pense que comme tâche — en un an et demi, deux ans — ce n'est pas un mauvais départ.

Une Voix: C'est excellent.

M. Parizeau: J'ajouterai, pour terminer, Mme le Président, un certain nombre d'observations sur d'autres dispositions de ce projet de loi 65. Il y a eu dans ie discours du budget un certain nombre de dispositions annoncées quant à la taxation des dividendes. On m'a démontré, assez rapidement d'ailleurs, que même si nous pensions réduire un peu le fardeau de taxation sur les dividendes à l'occasion du budget, la combinaison des taux fédéraux et de l'Ontario améliorait tellement la situation là-bas que l'écart était devenu vraiment trop grand entre la taxation des dividendes au Québec et la taxation des dividendes en Ontario. Je n'ai pas hésité à annoncer des changements, d'ailleurs, il y a plusieurs mois, par déclaration ministérielle. Ces amendements on les retrouvera dans la loi 55.

Je fais état d'ailleurs de cette volte-face que j'ai dû opérer à cette occasion pour indiquer que, comment dire, dans des domaines aussi compliqués que ceux-là, il faut faire attention de ne pas se buter. Si, sur le plan de la taxation des hauts revenus, sur le plan de la taxation des frais d'automobile, je maintiens mes positions parce que je pense qu'elles sont correctes, dans le cas des dividendes, je pense que manifestement notre formule n'était pas la bonne et, par déclaration ministérielle, je l'ai amendée. On peut prendre cela de deux façons. Chaque fois que le ministre des Finances dit: Manifestement, telle disposition n'est pas au point, on va la changer, on peut dire, comme on me l'a dit en cette Chambre, à certains moments, parce que j'ai fait aussi des changements dans le cas de la taxation des canettes, par exemple, ou autres choses comme celles-là: Ils ne savent pas où ils vont. Ou bien encore, on peut interpréter cela autrement: Ils ne sont pas butés et quand on leur fait la démonstration que quelque chose ne va pas, ils changent. Je préfère la deuxième interprétation à la première, Mme le Président.

Une Voix: C'est la bonne, c'est évident!

M. Parizeau: Finalement, je voudrais tenir compte, ici, d'un certain nombre de choses, de rectifications qui ont été apportées à nos lois de l'impôt et qui, je pense, traduisent un souci d'être un peu plus juste qu'on ne l'était jusqu'à maintenant. Je pense, ici à la déductibilité des cotisations des travailleurs à l'Office de la construction du Québec. Il était quand même temps que cela soit mis dans nos lois. Je pense ici à une question qui est restée très longtemps en suspens, et j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi (12 h 30)

Peut-être qu'on veut se cacher un peu la tête dans le sable comme l'autruche devant des problèmes comme ceux-là, mais on sait très bien — on y faisait allusion, d'ailleurs, ce matin à l'occasion de la période des questions — que beaucoup de femmes, qui ont été mariées et qui sont divorcées, ont des problèmes incroyables pour récupérer les pensions alimentaires. Elles doivent encourir des frais d'avocat, des frais de cours soit pour pourchasser l'ex-mari qui ne veut pas payer, soit même pour faire rectifier, à certains moments, des pensions qui vraiment sont tout à fait insuffisantes à cause de l'inflation, ou à cause de l'amélioration des moyens financiers dont l'ex-mari dispose.

Nous avons accepté cette année que tous ces frais légaux, soit pour récupérer, soit pour faire corriger des pensions alimentaires, qui peuvent devenir très importants quand cela débouche sur des procès, puissent être déductibles du revenu imposable de la personne en question. Je pense que des amendements de cet ordre-là, il était temps de les faire. Je suis même un peu étonné qu'on ne l'ait pas fait avant.

Certains m'ont demandé, à cette occasion, de faire en sorte que les frais d'un divorce soient déductibles du revenu imposable. Je vous avouerai. Mme la Présidente, que je ne peux pas les suivre. A ce compte-là, il faudrait rendre déductibles du revenu imposable tous les frais inhérents à une cérémonie de mariage. Puisque les frais de la réception pour la mariée ne sont pas déductibles du revenu imposable, je ne vois pas très bien pourquoi les frais de divorce le seraient aussi. Mais, pour les frais légaux auxquels j'ai fait allusion, c'est autre chose. Je pense qu'il était normal que cela le devienne.

Voilà à peu près, Mme la Présidente, ce que je voulais dire sur ce très long projet de loi. Je vais maintenant laisser nos amis d'en face dire ce qu'ils en pensent et puis j'exercerai mon droit de réplique à la fin du débat. Merci, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Mme la Présidente, ce projet de loi a sûrement été préparé par un comité, car on hérite d'un dromadaire à plusieurs bosses. En effet, il s'agit d'un conglomérat de tout ce qu'on

n'a pas pu placer ailleurs. Le projet de loi comporte 233 articles, les uns de concordance interne et, par suite, sans conséquence, d'autres de concordance avec les lois fédérales et, par suite, avantageux pour la population en ce que les lois sont simplifiées, d'autres enfin d'importance majeure, en ce qu'ils donnent effet à des décisions du gouvernement du Québec déjà annoncées dans les discours et déclarations de nature fiscale du ministre des Finances.

On y trouve, par exemple, des changements relatifs à l'imposition des dividendes, aux exemptions et aux barèmes de l'impôt sur le revenu, aux dépenses d'automobile, à l'imposition des organismes de charité et des fondations privées, aux traitements des gains de capital et je passe sous silence un très grand nombre d'autres catégories. Donc, un projet de loi qui, dans l'ensemble, est un modèle de ce qu'il faudrait éviter si l'on veut un débat compréhensible et quelque peu ordonné.

Comme il s'agit d'un projet de loi d'ordre fiscal, on me permettra de revenir brièvement sur la situation financière du gouvernement du Québec à la suite des remarques que le ministre des Finances a faites lors du débat sur ses crédits supplémentaires vendredi dernier, et ce sera mon premier point. Lors de ce débat, j'ai osé comparer la gestion financière de l'actuel ministre à celle de son prédécesseur, le député de Jean-Talon. J'ai souligné, d'une part, que les emprunts de cette année, tels qu'ils sont prévus à l'heure actuelle, s'élèvent déjà à une somme comparable à celle de 1976/77 sans compter une prévision très optimiste, sinon carrément excessive, de $100 millions et sans compter, non plus, une somme de $150 millions provenant d'une variation de l'encaisse et, donc, possiblement d'emprunts bancaires. Pour l'année dernière, l'année 1977/78, le ministre s'est fait fort d'avoir emprunté moins que l'année précédente, laissant entendre par là que les finances de la province étaient en pagaille quand il a pris les leviers de commande et qu'elles sont au beau fixe depuis.

Or, les besoins financiers bruts, c'est-à-dire les besoins financiers nets plus les remboursements d'emprunts, ont bel et bien été de $1 350 000 000, l'année dernière, et s'il n'a emprunté que $1 042 000 000, c'est qu'il a comblé la différence par un emprunt à court terme de $95 millions et en puisant dans le fonds de roulement.

Comme le ministre répond à cela que le produit intérieur brut de la province de Québec a monté entre-temps, je rétorquerai que, selon les états financiers, la dette nette du Québec, en proportion du produit intérieur brut, était de 11,2%. en 1976, et qu'elle a monté à 11,4%, en 1977. Donc, on n'a pas pu avoir une dette qui monte en proportion du PIB et, en même temps, avoir une dette inférieure à celle de l'année précédente. A cause de la hausse des taux d'intérêt, le service de cette dette coûte également plus cher en proportion des dépenses publiques, 4,9%, en 1976, 5,3%, en 1977. Ces proportions, évidemment, se rapportant aux années civiles, elles ne se comparent pas strictement à celles portant sur les années fiscales.

Le ministre a aussi défendu sa nouvelle politique de raccourcir les échéances de la dette, c'est-à-dire d'emprunter à plus court terme sur le marché. Ce faisant, il a voulu confondre le député de Johnson, leader de l'Union Nationale, en affirmant que cela coûtait moins cher à la province ainsi. Or, le ministre sait très bien qu'une telle affirmation est tendancieuse et, à la limite, peut être franchement erronée, et ce pour deux raisons. Premièrement, on ne doit pas comparer le coût effectif d'obligation dont les échéances ne sont pas les mêmes, l'une, par exemple, à cinq ans, une autre, à dix ans.

La vraie question est la suivante: A supposer qu'on ait besoin d'argent d'ici à dix ans, vaut-il mieux effectuer un seul emprunt dont l'échéance sera de dix ans ou en faire deux consécutifs d'une échéance de cinq ans? Dans ce dernier cas, si on en fait deux, on sait combien le premier emprunt coûte mais, avant d'affirmer que le coût du financement sera plus bas, il faut savoir combien coûtera le deuxième emprunt. Si les taux d'intérêt doivent monter, il vaut mieux emprunter à long terme. Si les taux d'intérêt sont susceptibles de baisser, il convient d'emprunter à court terme.

La deuxième raison pour laquelle les emprunts à court terme sont moins recommandables, et c'est évident, c'est qu'il faut les rembourser plus tôt. La Palice n'aurait certainement pas dit mieux. Mais une conséquence de cette vérité première est moins évidente. C'est le risque d'instabilité dans les remboursements. Le risque qu'on doive rembourser $200 millions cette année, $500 millions, l'année suivante. A cet égard, la situation financière du Québec s'est nettement détériorée depuis deux ans, comme en fait foi l'échéancier de la dette à long terme établi au 31 mars 1978. Cette année, le Québec doit rembourser $261 millions, soit à peu près le même montant que les années précédentes.

En 1979, on devra rembourser $422 millions. Déjà, on le voit, la marche de l'escalier est assez haute. En 1980, la même somme environ mais, en 1981, on devra faire un saut très périlleux puisqu'il faudra rembourser $680 millions pour retomber l'année suivante à $338 millions. Ces très grosses variations sont dues au raccourcissement des échéances de la dette, en fait, à la difficulté qu'a rencontrée le ministre des Finances à trouver acheteur sur les marchés pour les obligations du Québec. Je suis certain, quant à moi, que le ministre n'a pas choisi un financement à plus court terme mais qu'il n'a pas eu le choix de faire autrement. Raison de plus pour que le gouvernement commence enfin à se montrer plus sérieux, puisque les engagements et les dépenses, s'ils continuent au rythme actuel, compte tenu des rentrées fiscales, mettront inévitablement en danger l'équilibre financier de la province. (12 h 40)

Avant de passer à un autre sujet, je ferai un bref commentaire sur la vente d'obligations d'épargne du Québec. C'est curieux comme on n'en a pas parlé du tout. Le 29 juin dernier, quelques jours à peine après la fin de la session comme par

hasard, c'est pour cela qu'on n'en a pas parlé, le 29 juin dernier, le ministre des Finances a émis un communiqué dans lequel il se félicite du remarquable succès de la campagne de vente des obligations d'épargne. Il déclare par la suite: C'est la confiance envers leur propre gouvernement qui a poussé les Québécois à investir dans ce mode de financement populaire. Je félicite les Québécois qui se sont acheté ces obligations, mais je me demande vraiment sur quelles données le ministre se fonde pour trouver là matière à réjouissance. A supposer que le ministre ait voulu recueillir des fonds, comment peut-il se féliciter alors qu'il n'a vendu que pour $170 millions d'obligations d'épargne en 1978 et qu'on en avait vendu plus du double en 1976, soit $347 millions, et le double encore en 1977, soit $316 millions.

Je n'ignore pas que le ministre a changé les règles de distribution de ses obligations, mais le fait demeure que les ventes ont été fortement réduites alors que notre intérêt à tous était de les voir augmenter. En effet, on admettra facilement que le fardeau d'une dette publique est beaucoup moindre, sinon nul, au point de vue de la collectivité, si les intérêts sont versés à des Québécois plutôt qu'à des étrangers. Ceci étant dit, j'aborderai en deuxième lieu la question capitale que pose le projet de loi soit celle de la réforme de l'impôt sur le revenu. Un auteur célèbre a déjà dit: "The central issue between the government and the people is taxes." En modifiant la structure et la progressivité de l'impôt sur le revenu, le gouvernement du Parti québécois affirme de nouveau ses priorités idéologiques.

Cette mesure s'inscrit dans le sillage de ces autres politiques visant à grossir t Etat et à diminuer le citoyen, à privilégier l'action collective et à pénaliser l'action individuelle. Le projet de loi, comme on sait, diminue l'impôt des classes des revenus plus faibles et augmente l'impôt des classes des revenus les plus élevés. Il a été et il sera facile au gouvernement de faire de grands sparages de démagogie en laissant croire au peuple qu'il a une notion plus haute de la justice que ses prédécesseurs et une sollicitude plus généreuse à l'égard des pauvres. Mais le ministre ne nous passera pas la couleuvre qu'il nous a passée tout à l'heure, d'enfoncer des portes ouvertes en prétendant que la justice, il la trouvait dans une perception plus rigoureuse des comptes en retard.

C'est enfoncer les portes ouvertes. Nous sommes entièrement d'accord sur ce point. Je pense que, si le ministre veut montrer qu'il est juste et qu'il est équitable, il devra apporter d'autres exemples que ces exemples absolument dérisoires. Mme la Présidente, je montrerai au contraire qu'au-delà des apparences le projet de loi contribuera...

M. Bellemare: Je veux noter que les députés nous dérangent quand un opinant a la parole. On n'a pas dit un mot pendant tout le discours du ministre des Finances. Je demande que le statu quo soit respecté dans cette Chambre. Qu'on garde au moins le silence.

Mme le Vice-Président: Je suis sûre, M. le leader de l'Union Nationale, que tous les membres de cette Assemblée sont d'accord avec votre question de règlement.

M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Mme la Présidente, je montrerai au contraire qu'au-delà des apparences que l'on trouve dans le projet de loi, ce projet contribuera à desservir les intérêts de ceux qu'on entend protéger. Pour ce faire, j'essaierai — il y aura une exception — de ne pas faire porter le débat sur les motions de justice et d'équité, car une fois débarrassées des évidences premières, ces notions deviennent bien relatives et sont sujettes essentiellement aux jugements politiques de l'heure. Ce qui était juste et équitable il y a 20 ans est peut-être devenu une injustice criante aujourd'hui et se transformera peut-être en une vertu exemplaire demain.

Je ferai cependant à cet égard quelques remarques incidentes, que je devrai allonger par suite du discours que je viens d'entendre de la part du ministre des Finances.

Premièrement, en dépit des apparences, comme je l'ai dit tout à l'heure, le taux marginal d imposition pour un couple marié sans enfant sera plus élevé au Québec qu'en Ontario. Dès le moment où le revenu devient imposable dans les tranches inférieures de revenu, dans les tranches les plus faibles des revenus, le taux marginal d imposition, à la suite de ce projet de loi, sera plus élevé au Québec qu'en Ontario. L'impôt fédéral et provincial combiné est plus élevé qu'en Ontario. Cela, le ministre y a fait allusion tout à I heure et je suis d accord avec lui. A compter d'un revenu d emploi d'environ $16 000, pour un couple sans enfants, cet impôt fédéral combiné sera à peu près équivalent en Ontario; au-delà de cette somme, au-delà de $16 838, pour être précis, le Québécois devient un riche qu'il est juste et équitable de taxer plus lourdement que son voisin de I'Ontario.

En outre, les taux sont tellement plus progressifs que le taux marginal d'imposition est de 60% à partir d'un salaire de $46 000 au Québec, et à partir d'un salaire de $96 000 en Ontario. Le taux marginal maximum atteindra 68,9% au Québec, alors qu'il ne dépasse pas 62% en Ontario. Je veux bien croire que l'Ontario ce n'est pas l'ensemble du monde, mais l'Ontario c'est la province voisine, avec laquelle nous avons le plus d'échanges, avec laquelle il y a de plus en plus d'échanges sur le plan des hommes et des personnes, les gens pouvant aller travailler dans cette province et revenir, jusqu'à récemment, avant l'imposition du règlement de placement du ministre du Travail. Mais même en dépit de ce règlement, il y a encore des mouvements de population considérables entre les deux provinces, et cette mobilité interdit qu'on ait un système d'impôt au Québec qui soit très différent de celui de l'Ontario.

La commission Carter en 1965, 1966, est-ce qu'elle commettait une injustice lorsqu'elle avait proposé de ne pas dépasser un taux marginal de 50%? Elle avait proposé qu'on arrête à 50%. Est-ce

que c'était une injustice criante? Est-ce qu'aujourd'hui cela devient une vertu exemplaire que de relever le taux marginal d'imposition jusqu'à 69% plutôt que 50%? Je dis que ce sont des points relatifs, des valeurs bien relatives que l'équité et la justice. C'est pour cela que je pense qu'il ne faut pas fonder un jugement particulier seulement sur cette notion.

J'irai plus loin. A la suite du discours que le ministre des Finances a prononcé ce matin, nous sommes en face d'une situation extrêmement confuse. En effet, le discours que le ministre des Finances fait sur ce projet de loi, comme les discours qu'il a faits antérieurement sur le même projet, ne colle pas à la réalité. Ces discours ne semblent avoir aucun rapport avec ce que le ministre a fait dans son projet de loi no 65. Je vais donner des exemples de cela parce que je pense que c'est important.

Le ministre nous dit: Voyez, à la suite de la notion d'équité sociale que nous avons, nous avons relevé — moi, je l'ai cru, je l'ai dit tout à l'heure — les impôts sur les hauts revenus et nous avons abaissé les impôts sur les bas revenus. Ou bien je ne sais pas lire ou bien le ministre ne nous dit pas la vérité. En effet, si je regarde la loi qui existait antérieurement, on disait que le taux d'imposition sur les faibles revenus était de 16%. Je lis l'article: "16% de la partie du revenu imposable qui excède $2000 si celui-ci est supérieur à $2000, mais n'excède pas $9000". Cela veut dire qu'avant l'introduction du projet de loi on avait un taux d'imposition de 16% sur des revenus allant de $2000 à $9000. Il faudra se rappeler que, pour les premiers $2000, l'impôt était nul, il n'y avait pas d'impôt. Donc, de $2000 à $9000, la loi disait 16%. (12 h 50)

Qu'est-ce que je lis dans le projet de loi maintenant? A partir d'un revenu imposable de $2000 — on ne parle pas de $40 000, on ne parle pas de $100 000 — le taux est de $284 plus 16% de la partie du revenu imposable qui excède $2015, si celui-ci est supérieur à $2015 et n'excède pas $2906. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que, pour un revenu imposable de $2000, déjà on a un taux plus élevé que celui qui s'appliquait en vertu de la loi jusqu'à maintenant. En vertu de quelle imagination peut-on nous faire croire qu'on a augmenté les impôts seulement pour les riches et pour les grandes fortunes? Je reviendrai ensuite parce que je sais que la réponse que le ministre va donner, ce sont les exemptions. Parlons-en, des exemptions! Les exemptions sont les suivantes. Avant le projet de loi, les exemptions étaient de $3600; l'exemption de base était équivalente aux $3600 que le ministre nous présente aujourd'hui. Donc, aucun changement sur l'exemption de base. Aucun changement. Ce n'est pas ce que nous dit le ministre; il nous dit qu'il a relevé l'exemption de base. Il ne l'a pas relevée parce que les premiers $2000 n'étaient pas taxés auparavant; c'était $1600 l'exemption.

M. Parizeau: Question de privilège, Mme la Présidente.

M. Raynauld: Mme le Président, j'aimerais terminer.

M. Parizeau: Question de privilège.

M. Raynauld: Question de privilège, ah bon!

Mme le Vice-Président: M. le ministre, vous pourriez invoquer l'article 96 pour rétablir les faits sur un discours que vous avez déjà prononcé.

M. Parizeau: Mme la Présidente, j'invoque une question de privilège pour la raison suivante.

Mme le Vice-Président: Vous invoquez un privilège. M. le ministre.

M. Parizeau: On vient de me faire dire que j'ai discuté, tout à l'heure, de la fusion des $2000 taxés au taux zéro avant avec les $1600 d'exemption personnelle.

Je n'ai fait aucune allusion de cet ordre dans mon discours tout à l'heure. Je n'en ai pas parlé, justement parce que cela n'a pas de signification autre que comptable. Je n'ai fait aucune allusion à cela et c'est la raison pour laquelle je me lève sur une question de privilège. Je ne vois pas pourquoi le député d'Outremont me met dans la bouche des paroles que je n'ai d'aucune façon prononcées.

Mme le Vice-Président: M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Mme la Présidente, je pensais que c'était une question de privilège sérieuse. Tout à l'heure, le ministre a laissé entendre qu'il avait augmenté les exemptions, alors je reconnais...

M. Parizeau: Sur une question de privilège, madame!

M. Raynauld: Ce n'est pas la peine de soulever une question de privilège, Mme le Président. Je reconnais que le ministre n'a pas dit, tout à l'heure, qu'il avait avancé que cela avait monté de $1600 à $3600. Je dis cependant que, premièrement, l'exemption de base, par conséquent, n'est pas changée avec ce qui existait auparavant. C'est un point important parce que l'ensemble des observations que le ministre avaient faites avaient pu laisser croire à un changement majeur du côté des exemptions. Ce n'est pas tout. On augmente ensuite l'exemption de la femme mariée ou de l'épouse de $1900 à $2700, cela veut dire une augmentation de $800 dans les exemptions. Pour un couple marié, les exemptions de base passent de $5500 à $6300. Je dirai qu'il n'y a pas là de quoi fouetter un chat. C'est une augmentation très raisonnable, très minime. Ce qui veut dire que l'exemption pour des personnes mariées est de $6300 alors qu'elles étaient de $5500. La différence de $800 fait que la comparaison que j'ai faite tout à l'heure sur les taux d'imposition n'est pas exactement comparable puisque je comparais des revenus imposables.

Cependant, si j'ajoute les exemptions, j'arriverai à dire ceci: A partir de $2000 de revenus imposables, plus les $6300 d'exemption, cela fait un revenu de salaire de $8300. A partir de ce salaire de $8300, le projet de loi fait augmenter les impôts par rapport à la situation actuelle. Et on va nous dire que c'est la notion de l'équité sociale de ce gouvernement, et on va nous dire qu'on taxe les riches et qu'on diminue les impôts chez les pauvres! Je pense que c'est de la démagogie, Mme le Président. Je m'excuse, mais ces chiffres sont exacts ou je démissionne d'ici. Je ne sais pas lire. Mais si ces choses-là sont exactes...

Une Voix: Démissionnez.

Une Voix: Bravo! Une démission sûre.

M. Raynauld: ... cela veut dire que le gouvernement a augmenté les impôts à partir d'un salaire de $8300 pour un couple marié. Evidemment, si je continue à lire les changements dans les barèmes d'impôt, je verrais que pour tous les montants supérieurs, évidemment, c'est plus de 16%. On a multiplié les barèmes d'impôt. On dit, par exemple, à partir de $2906 on va payer $426, donc les 16% du palier antérieur, plus 17%. Il faut rappeler que jusqu'à $9000, avant, on payait 16%; pour le palier supérieur, on paie 18%. Là, on est rendu à peu près à $4000. Rendu à $5000, on paie 19%, quand on payait antérieurement 16%. A $6500, on paie 20%, toujours au taux marginal, 20% d'impôt. A $8095, on paie 21% et 22% quand on arrive aux $9935, donc, au palier supérieur. Je ne continuerai pas la comparaison, et je reviens sur l'essentiel. On nous présente ce projet de loi comme étant un projet de loi qui, encore une fois, réduit les impôts chez les pauvres et les augmente chez les riches. Je réponds à cela: Le riche commence à $8300, c'est cela un riche au Québec, et on augmente les impôts! Bien sûr, ce n'est pas incompatible avec l'affirmation que le ministre fait qu'il a abaissé les impôts pour 90% de la population, sauf que j'aimerais qu'il nous fasse la démonstration des 90%. J'aimerais cela la voir, mais je suis prêt à le croire sur parole. Ce n'est pas incompatible avec ce que je dis. Ce que je dis ici, c'est que lorsqu'on présente un projet de loi, encore une fois, comme étant un projet de loi social et qu'on augmente les impôts à partir de $8300, je me demande de quelle justice et de quelle équité on parle.

Je voudrais maintenant faire porter le débat sur ce que je croyais, au départ, être le principal de mes propos, parce qu'il s'agissait, en fait, de la cohérence de l'ensemble des politiques du gouvernement, parce que c'est à l'intérieur d'une cohérence d'ensemble qu'on est capable de juger une mesure fiscale particulière sur la possibilité ou non, par exemple, d'atteindre, non pas un objectif au détriment des autres, même si c'est un objectif d'équité, mais l'ensemble des objectifs qu'un gouvernement se donne. Autrement dit, ce projet de loi est-il en accord ou vient-il en contradiction avec d'autres objectifs que la répartition plus égalitaire des revenus? Ce projet de loi, quant à moi...

Mme le Président, si vous suggérez que je suspende le débat, je demande alors l'ajournement des travaux.

Mme le Vice-Président: II est 13 heures. Cette Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 12 h 58

Reprise de la séance à 15 h 6

Le Vice-Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Veuillez vous asseoir.

Nous en sommes toujours à l'étude du projet de loi 65 et M. le député d'Outremont, qui avait commencé son discours à 12 h 33, avait demandé la suspension.

M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je n'ai jamais compris la différence entre suspension et ajournement, je m'excuse.

M. Burns: II y a des choses que vous ne comprendrez jamais.

Le Vice-Président: S'il vous plaît!

M. Raynauld: II y a des choses — oui, c'est cela — sans importance que je ne comprendrai jamais.

Le Vice-Président: La pertinence du débat, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Juste avant l'ajournement, j'ai essayé de montrer que le ministre avait augmenté les taux d'imposition à partir d'un revenu imposable de $2000, ce qui, avec une exemption de $6300 pour un couple marié sans enfant, faisait un salaire de $8300. J'ai dit qu'à partir de ce salaire, les taux d'imposition avaient été augmentés et seraient augmentés par le projet de loi 65. A partir de ce moment-là, j'ai également dit que cela ne me paraissait pas incompatible avec l'affirmation du ministre des Finances suivant laquelle il avait réduit les impôts d'un très grand nombre de personnes.

Comme cette affirmation n'est pas évidente, je vais essayer de l'expliquer en deux mots. La raison pour laquelle cela peut ne pas être incompatible, c'est qu'une exemption de $800, comme celle qui a été augmentée par le ministre des Finances, peut valoir plus en réduction d'impôt que ce que coûte en augmentation d'impôt la variation dans le taux d'imposition. Je ne sais pas si on me comprend bien. Même si on dit que sur $100 je devrai payer 2% de plus, ce qui veut dire $2, il n'est pas impossible que la réduction de l'impôt soit plus élevée que $2 si, en même temps, mon exemption est suffisamment élevée. C'est dans ce sens-là que j'ai dit cela.

Ceci dit, je dirai deux choses. La première, c'est que comme les exemptions valent plus pour

un riche que pour un pauvre, puisque le riche, avec la même exemption de $800, paierait normalement un taux d'impôt plus élevé qu'un pauvre, et que le ministre relève le taux d'imposition des pauvres, je pense qu'il est impossible qu'il invoque des notions d'équité pour faire adopter ce projet de loi.

Les apparences sont qu'effectivement il réduit les impôts des pauvres et qu'il augmente ceux des riches. En réalité, ce n'est pas ce qui se passe dans le projet de loi. Encore une fois, comme les exemptions sont relevées pour tout le monde, y compris les riches, et que ces exemptions pour les riches valent plus, je pense qu'il n'est pas possible de dire que, compte tenu de l'ensemble, les pauvres sont vraiment plus avantagés que les riches dans ce projet de loi. Avec les exemptions, le ministre des Finances réduit l'impôt de tout le monde et il favorise les riches. Avec les changements de taux qui sont proposés, le ministre pénalise tout le monde, y compris les pauvres, parce que, évidemment, l'augmentation des taux aussi s'applique à tout le monde. Cela ne s'applique pas seulement aux riches; cela s'applique à tout le monde, comme je vous l'ai montré ce matin. Les exemptions s'appliquent également à tout le monde. (15 h 10)

Comment peut-on, à partir de ces deux observations, nous présenter ce projet de loi comme étant un projet de loi progressiste, un projet de loi qui favorise d'abord les pauvres? En conséquence, je répéterai ce que j'ai demandé au ministre ce matin. Premièrement, qu'il nous fournisse la preuve qu'il y a effectivement 90% des contribuables qui verront leurs impôts baisser. Je dirai là-dessus que, comme cela me paraît invraisemblable à l'heure qu'il est, je voudrais que le ministre nous apporte des précisions sur ce sujet qui vont au-delà de ce qui est publié dans les documents budgétaires, parce que cela me paraît, encore une fois, invraisemblable que ce soit possible.

En ce qui concerne les personnes âgées, il est exact que l'exemption a été portée de $1000 à $1500 et que, par conséquent, on a une réduction d'impôt pour la grande majorité des gens qui bénéficient de cette exemption spéciale. Mais je voudrais ajouter là-dessus, simplement par un souci de vérité, pas pour dénigrer cette mesure, que ce qu'on a dans les documents budgétaires comme impact de cette mesure pour les personnes âgées, c'est une réduction d'impôt de $10 millions pour 1978 et une réduction d'impôt de $12 millions pour 1979. Des réductions d'impôt de cet ordre de grandeur, ce n'est pas considérable. Ce sont des réductions d'impôt très minimes qui sont apportées à l'heure actuelle en ce qui concerne les personnes âgées. Encore une fois, je ne nie pas qu'il y a une mesure en faveur des personnes âgées, mais je dirai que là non plus, je ne pense pas qu'il y ait matière à faire de grandes fanfaronnades et de grandes explosions de joie.

Voilà, M. le Président, ceci va terminer le point que j'avais soulevé ce matin en ce qui concerne ces notions d'équité, ces notions de justice en ce qui concerne ce projet de loi. Je voudrais mainte- nant passer à un autre point. Le point suivant, j'avais tout juste commencé de le soulever, c'était celui de la cohérence, ce que j'ai appelé la cohérence de l'ensemble des politiques gouvernementales. Cohérence des politiques gouvernementales qui exigent que toutes mesures particulières ne servent pas seulement à atteindre un objectif au détriment des autres, mais à atteindre un ensemble d'objectifs avec une espèce de compromis, si on veut, qu'on est toujours obligé de faire lorsque les objectifs sont contradictoires.

On peut vouloir, d'un côté, avoir une répartition plus égale des revenus, d'autre part, on veut aussi avoir des emplois dans une société, et là, il se peut que, ces deux objectifs étant contradictoires, un gouvernement doive prendre une position mitoyenne, chercher à trouver le meilleur équilibre possible entre ces deux objectifs contradictoires. Ce projet de loi, en ce qui me concerne, est, en fait, en contradiction avec les objectifs, un grand nombre d'objectifs autour desquels il existe un large consensus dans la société, c'est-à-dire la création d'emplois, la stabilité des prix et l'augmentation de la productivité. Une taxation plus progressive pénalise l'épargne. C'est bien connu et cela réduit les investissements. Ce qu'on sait moins, c'est que si l'épargne est plus rare, ou bien on importe l'épargne qui manque et on se vend soi-même aux étrangers, ou bien on augmente les taux d'intérêts et les taux de profits au détriment des salaires et des travailleurs.

Lorsque l'épargne est réduite, ce ne sont pas les travailleurs qui en bénéficient, on est obligé de permettre une augmentation dans les taux de profits puisque ce capital est plus rare, et ces augmentations de profits, c'est autant d'enlevé aux salaires et aux travailleurs. De même, on sait que la principale source de productivité consiste dans les équipements et le progrès technique. En réduisant l'épargne en deçà de ce qu'elle serait autrement, on limite du même coup l'accroissement de la productivité. Or, ici de nouveau, sur qui retombe finalement cette paresse des investissements et de la productivité, sinon sur les travailleurs dont on est censé vouloir le bien? La productivité, c'est elle qui détermine la capacité de payer d'une société et d'une économie, c'est elle qui, par conséquent, détermine la capacité de donner des augmentations de salaires aux travailleurs sans inflation.

Si la productivité est aussi faible qu'elle l'a été, par exemple, au cours des deux dernières années, ce n'est pas limité au Québec, mais dans l'ensemble du Canada, une augmentation de 0,5% dans une année, pour deux années consécutives à ce moment, cela veut dire qu'il n'est pas possible, sans les redistributions de revenus, de donner des augmentations de salaire supérieures à ces augmentations de productivité, sans créer l'inflation. Ce n'est pas surprenant si on en a de l'inflation.

Enfin, l'expérience de ces dernières années a démontré clairement que le poids excessif de la fiscalité a été pour beaucoup dans la perpétuation de l'inflation que nous connaissons. Et, l'inflation, à son tour, est un obstacle infranchissable à des politiques vigoureuses de stimulation de l'emploi

qui nous permettraient d'offrir du travail aux 300 000 chômeurs du Québec. La raison pour laquelle on a des chômeurs aujourd'hui, ce n'est pas parce qu'on ne sait pas comment créer des emplois — on le sait comment créer des emplois — mais on ne peut pas les créer, on ne peut pas introduire des politiques de stimulation nécessaire, parce qu'en même temps on a une inflation de l autre côté qui est aussi nuisible à long terme que le chômage que nous avons.

Le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui n'est évidemment pas à l'origine de tous les maux qui nous affligent, mais son impact va dans une certaine direction, et cette direction, c'est celle d'alourdir encore la machine, c'est celle de rendre encore plus difficile qu'autrement la poursuite de nos objectifs de croissance et d'efficacité économique. Or, je suis de ceux qui croient fermement que le progrès social passe par le plein emploi et la stabilité des prix, il ne passe pas comme autrefois par la redistribution des revenus. La redistribution, comme d'ailleurs la nationalisation des entreprises sont des instruments dépassés d'intervention, ce sont des instruments anachroniques, des instruments qui ont perdu leur efficacité et leur raison d'être, compte tenu des structures sociales contemporaines. La redistribution par l'impôt a atteint ses limites il y a déjà bon nombre d'années. Ce n'est pas en augmentant les impôts des contribuables soit-disant fortunés qu'on aide les contribuables moins fortunés, et ce n'est pas non plus occuper une place à l'extrême droite de l'échiquier des valeurs politiques que d'en faire la constatation.

Le ministre aurait été beaucoup mieux avisé s'il s'était limité à restructurer les systèmes des exemptions, comme il a fait, et à ajuster ses barèmes et paliers d'impôt sans augmenter simultanément les taux d'imposition. Je suppose qu'une telle suggestion eût coûté plus cher au trésor public, mais dans ce cas il eût mieux valu s'abstenir. Quand on n'a pas les moyens de ses ambitions, justement, on attend des jours meilleurs.

C'est d'ailleurs ce que le ministre a décidé de faire en ce qui concerne la mini-indexation qu'il avait annoncée dans son discours du budget, et pour laquelle il avait été si bruyamment applaudi à l'Assemblée nationale, puisque l'indexation des barèmes d'impôt est au programme du Parti québécois depuis si longtemps.

De fait, l'indexation des exemptions de base a été reportée au 1er janvier 1980. Qui sait si d'ici là le ministre ne trouvera pas d'autres difficultés sur son chemin qui le forceront à reporter encore plus loin l'application de cet article du programme du Parti québécois. Mais on n'est pas à un seul retard près puisque, suivant les théories officielles de ce gouvernement, il faut toujours aller par étapes.

Mon troisième point sera très bref, il se rapporte aux dépenses d'automobile. Nous avons reçu un excellent document d'information sur ce sujet du Regroupement des travailleurs autonomes de Rimouski. Ce document démontre en premier lieu que le ministre ajoute $2000 à $3000 au revenu imposable des travailleurs autonomes et, partant, augmente l'impôt payable d'environ $500. Il démontre ensuite que la prétention du ministre que les travailleurs autonomes jouissaient de privilèges relativement aux salariés n'est pas fondée en ce qui concerne les travailleurs que j'appellerai professionnels.

Ce matin, lorsque le ministre nous a donné un exemple d'absurdité, c'est à ce moment-là que j'ai dit qu'il enfonçait des portes ouvertes. Il nous a donné des exemples assez stupides où le travailleur autonome ferait exactement la même chose que sa secrétaire, c'est-à-dire prendre sa voiture, aller au bureau le matin et retourner chez lui le soir. C'est un exemple stupide parce que ce n'est pas de cela que nous parlons; nous parlons de travailleurs qui utilisent leur voiture à longueur de journée pour gagner le revenu qu'ils vont déclarer au trésor public. Pour ces travailleurs professionnels, la comparaison que le ministre nous a donnée ce matin n'est absolument pas fondée. S'il veut vendre ce projet, il devra apporter d'autres exemples un peu plus réalistes. (15 h 20)

Mon quatrième et dernier point portera sur l'harmonisation absolument nécessaire des lois fiscales du Québec et du gouvernement fédéral. Il faut bien reconnaître à cet égard que toute divergence est une source d'ennui et de frais supplémentaires d'interprétation. Je dirai aussi que le Québec a parfois de bonnes idées et que le fédéral serait bien avisé de suivre l'exemple du Québec et de s'adapter lui aussi de temps à autre à ce que le gouvernement du Québec propose.

Il en est ainsi, par exemple, de la déduction de 3% du revenu pour frais d'emploi, qui est limitée à un maximum de $250 au gouvernement fédéral et à $500 au Québec. Sur ce point, j'encouragerais le gouvernement fédéral à relever, lui aussi, le maximum de cette déduction pour frais d'emploi.

En général, cependant, c'est le Québec qui est souvent moins généreux et c'est à lui, à mon avis, qu'il appartiendrait de faire les concordances nécessaires. Sans contester que, dans le projet de loi que nous étudions, le ministre se soit attaqué à plusieurs de ces divergences, il en reste encore plusieurs autres dont je voudrais citer quelques exemples. Le premier est le suivant: la déduction de $1000 pour perte de capital, contre $2000 au niveau fédéral qui sont acceptés comme déduction pour fins d'impôt. Deuxième exemple, les dividendes versés en actions qui continuent d'être assimilés au Québec à des dividendes en argent et qui sont taxés en conséquence, tandis qu'au gouvernement fédéral ils ne sont pas taxés comme revenus. Troisième exemple, les options d'achat d'actions en faveur des employés qui sont imposables au Québec et libres d'impôt à Ottawa. Quatrième exemple, plusieurs catégories de revenus que j'appellerai invisibles, tels que les prêts aux employés à des taux d'intérêt inférieurs au marché, qui sont exonérés au fédéral et qui sont imposables au Québec. Le régime enregistré d'épargne-retraite qui est limité à un maximum de $3000 au Québec et à $5500 à Ottawa. Enfin, la divergence mineure, que j'appellerai une simple

nuisance, relative à l'exonération de 3% pour la valeur des stocks. En ce qui concerne cette divergence, il s'agit simplement d'ajuster les calendriers. Je pense que le ministre a vraiment manqué de s'aligner sur la législation fédérale, puisqu'il n'y avait pas de conséquences sérieuses à cet égard.

Donc, il faut réaffirmer ici la primauté du sens commun pour éliminer, autant que possible, ces divergences entre les législations fiscales et faciliter les choses aux contribuables dans un domaine qui est devenu une tour de Babel dans laquelle même les comptables risquent de perdre leur réputation. M. le Président, je me rends compte qu'il n'a pas été possible, dans le temps qui m'est imparti, de toucher à tous les aspects du projet de loi. J'ai indiqué que ce projet de loi était très long, j'ai indiqué qu'il touchait à toutes sortes de questions disparates, étrangères les unes aux autres, mais j'ai essayé plutôt de faire quelques réflexions sur les problèmes centraux soulevés par le projet de loi. Je m'arrêterai ici tout de même, en promettant de poursuivre le débat en commission parlementaire, dans la mesure où nous pourrons le faire compte tenu de la fin de la session. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président, vous me permettrez, sans doute, au nom de mon parti, de prendre quelques instants de cette Chambre pour entretenir cette Chambre, si vous voulez, dans le cadre du débat sur le projet de loi 65 que nous débattons présentement et qui a pour but la modification de la Loi sur les impôts. Nous savons que ce projet de loi fait suite à la déclaration ministérielle du ministre des Finances, le 21 décembre dernier, et contient la plupart des modifications proposées à la loi fédérale sanctionnée également au mois de décembre dernier, ainsi que certaines mesures contenues dans le projet sanctionné en février dernier. Nous savons également que ce projet de loi donne suite au discours sur le budget du mois d'avril dernier, discours prononcé par l'honorable ministre des Finances, et contient les mesures nécessaires au réaménagement des exemptions personnelles, la simplification du calcul de l'impôt, la modification de la table des taux d'imposition et, également, l'introduction de mesures plus restrictives visant certaines dépenses et notamment, M. le Président, les dépenses d'automobile; chapitre que je traiterai pendant ce court moment qui est mis à ma disposition. Enfin ce projet de loi contient certaines mesures pour préciser certaines règles, pour faciliter la loi de l'impôt sur le revenu.

Il est vrai que ce projet de loi a 233 articles, donc, très volumineux, et de ces 233 articles, il y en a plusieurs qui sont d'ordre technique et même de concordance. Nous pourrions, en étudiant ce projet de loi, tel que l'a mentionné le ministre des

Finances ce matin, critiquer à peu près au complet le discours du budget. Nous pourrions en profiter pour toucher à tous les aspects qu'on peut traiter lors de la réplique au discours du budget.

Personnellement, je m'attarderai à certains articles qui visent surtout les augmentations de taxes. On sait que ce projet de loi prévoit également certaines exemptions pour différents groupes de personnes. Je n'ai pas besoin de les nommer, le ministre s'en est chargé et il en a fait état lors de son discours ce matin et également, lors de son discours sur le budget, il en avait fait état largement. Comme je l'ai dit, il en a profité de nouveau ce matin pour traiter de ce sujet. Un fait à souligner, entre autres, c'est que ce projet de loi pénalise très largement tous ceux qui prennent des décisions au Québec, tous ceux qui créent de l'emploi au Québec.

Il me semble que le ministre des Finances aurait dû, alors que le taux de chômage est très élevé, prendre en considération le fait que les gens qu'on pénalise par ces augmentations d'impôt sont des créateurs d'emploi, des gens qui prennent des décisions; c'est sur ces gens-là que nous comptons beaucoup pour le développement économique de notre province.

Cette loi, d'après certains reporters de réseaux de télévision bien connus, contribuera à l'exode des sièges sociaux, autant que d'autres lois ont pu le faire, telles la loi 101 ou autres mesures qu'a amenées le Parti québécois depuis deux ans, mesures qui, à certains moments, ont créé un climat d'incertitude. Cette loi va avoir à peu près les mêmes répercussions. D'ailleurs, M. le Président, il me semble avoir déjà lu dans un journal que le ministre d'Etat au développement économique avait souligné que le gouvernement devait ou devrait reconsidérer ses mesures fiscales, surtout dans le cas des cadres, de façon à harmoniser notre structure de taxation avec les autres provinces pour être plus compétitif. Ce sont les propos qu'avait tenus le ministre d'Etat au développement économique.

M. le Président, il y a un chapitre qui m'intéresse particulièrement et qui intéressera davantage tous les travailleurs autonomes: voyageurs de commerce, vendeurs, petits commerçants, enfin, la plupart des travailleurs autonomes du Québec, ainsi que les particuliers qui utilisent leur auto pour gagner leur vie. Si ces gens n'ont pas pris connaissance du projet de loi que nous débattons présentement et que le gouvernement du Parti québécois nous présente, ils auront une désagréable surprise lorsque le moment sera venu de produire leur rapport d'impôt. En effet, ils s'apercevront qu'ils ne pourront plus déduire la fraction généralement acceptée des deux tiers des dépenses d'automobile. On va chercher dans ces cas plus qu'on avait promis en permettant certaines mesures avantageuses. Les avantages seront de courte durée lorsque ces travailleurs s'apercevront qu'ils ne pourront plus déduire les dépenses d'automobile, lesquelles ils avaient le droit de déduire.

En plus, bien sûr, des travailleurs mentionnés,

il y a tous les agriculteurs; c'est pour cette raison que je parle précisément de ce chapitre, que je m'attarde à ce chapitre. Vous savez, M. le Président, que le comté que j'ai l'honneur de représenter compte beaucoup d'agriculteurs. C'est pourquoi je voulais toucher ce chapitre des travailleurs autonomes, et les agriculteurs sont inclus dans la définition de travailleurs autonomes; donc, ils sont touchés par ce projet de loi. Lors de leur déclaration d'impôt, les agriculteurs auront, eux aussi, la désagréable surprise que je mentionnais tout à l'heure. En effet, les règles suivantes s'appliquent à l'égard des agriculteurs qui utilisent une automobile, à la fois pour des fins personnelles et d'affaires, et qui, par ailleurs, ont le droit de réclamer des dépenses d'automobile. Ils s'apercevront que l'amortissement est limité à un cinquième, 20%, si vous voulez, de l'amortissement, et le coût maximal admissible à $7500. Il y aura une très grande différence avec ce qu'ils avaient les années antérieures. (15 h 30)

Plusieurs dépenses ne seront plus admissibles en déduction telles que les frais d'obtention d'un permis de conduire, les frais d'intérêt relatifs à l'achat, les frais d'immatriculation et les frais d'assurance. L'essence, l'entretien et la réparation ne sont pas déductibles ou le sont à partir de $75 par mois. Si vous me le permettez, M. le Président, toujours en parlant sur le principe, mais en argumentant par des exemples, comment ces gens-là pourront-ils constater leur désagréable surprise lorsqu'ils feront leur rapport d'impôt pour l'année en cours?

L'exemple de calcul que j'apporterai illustrera clairement la différence entre l'ancienne et la nouvelle mesure proposée concernant une automobile qui peut valoir environ $9000. Si on tient compte du coût en capital admissible à l'amortissement, si on tient compte également de l'amortissement admissible, comme je l'ai dit, du permis de conduire, des frais d'intérêt, des frais de financement, de l'immatriculation, des assurances, des réparations, de l'entretien de l'essence et, dans certains cas, s'il y a lieu, du coût de location, on s'apercevra que ces travailleurs autonomes — surtout les agriculteurs qui, pour la plupart, sont touchés, parce que les agriculteurs ont au moins une automobile — paieront cette année entre $500 et $700 de plus d'impôt seulement au chapitre de leur automobile, déduction à laquelle ils avaient droit auparavant et à laquelle ils n'auront plus droit.

Lorsque le ministre des Finances nous a expliqué ce matin pourquoi on avait pris le pourcentage de 20% pour utilisation au travail, et 80% pour utilisation personnelle, il a donné des exemples comme le médecin, comme la secrétaire. J'en conviens, mais, dans bien des cas, vous savez comme moi que des travailleurs autonomes peuvent régulièrement se servir de leur automobile pour leur travail et s'en servir peut-être à 50%, 60%, 70% et même 80%. Pour les cas dont nous a fait part le ministre des Finances, avec ses 20%, je pense que cette moyenne est trop basse et qu'on devrait réviser ces chiffres. Pourquoi devrait-on les réviser? Parce qu'on a des chiffres, à un moment donné, si on se base sur les travailleurs qui sont à l'emploi de l'Etat... Pourquoi certains travailleurs de l'Etat peuvent-ils faire jusqu'à 40 000 milles par année avec leur voiture quand d'autres peuvent faire 20 000 milles et d'autres ne faire que 10 000 milles?

Or, si un travailleur de l'Etat, huit heures par jour, peut réussir à faire 40 000 milles par année pour l'Etat, si on tient compte de ce pourcentage de 20%, cela veut dire qu'on pourrait considérer que le travailleur pourrait faire au-delà de 80 000 milles à 85 000 milles par année pour son usage personnel, ce qui est tout à fait exagéré. C'est pourquoi on devrait réviser ce chiffre.

Maintenant, j'aimerais poser quelques questions au ministre des Finances, à savoir s'il peut, lors de sa réplique, nous dire clairement et nous démontrer, à l'aide d'exemples, qui, dans ceux qui interprètent ces chiffres, peuvent avoir raison. Lors de la lecture du discours du budget, l'ensemble des Québécois croyaient qu'en 1978 ils paieraient moins d'impôt que l'année précédente, l'année 1977. Le ministre, à maintes reprises, appuyé par les députés ministériels, a laissé entendre aux Québécois qu'en 1978 l'ensemble des Québécois, c'est-à-dire plusieurs Québécois, plus de la moitié des Québécois paieraient moins d'impôt qu'en 1977. Il a laissé entendre que les haut salariés paieraient plus d'impôt et que les bas salariés paieraient moins d'impôt. Or, c'est également l'impression que j'avais eue et, à la suite des applaudissements nourris de la part des députés ministériels, lorsque le ministre des Finances avait fait ces annonces, il semblait qu'en 1978 la plupart des Québécois, les petits salariés Québécois paieraient moins d'impôt.

Dans la matinée, le député d'Outremont a quasi mis son siège en jeu. Il faudrait que je relise le journal des Débats, mais, en tout cas, il a parlé de mettre son siège en jeu en affirmant qu'un couple marié sans enfant ayant un salaire d'environ $8300 par année paierait plus d'impôt que l'an passé, si on considère le salaire net. C'est ce que le député d'Outremont a semblé dire. Si tel est le cas, vous conviendrez avec moi que $8300, $8500 ou même $10 000 par année, cela ne devrait pas être considéré comme un gros salaire. Quant à moi, je qualifie un montant semblable de salaire minimum. Si le député d'Outremont a raison — je crois que ce n'est pas ce que laissaient entrevoir les propos entendus lors du discours du budget — il y a quelqu'un dans cette Chambre qui n'a pas raison et je voudrais savoir qui n'a pas raison.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, le ministre a essayé de nous démontrer qu'un cadre gagnant environ $50 000 à Montréal ou à Toronto avait à peu près le même pouvoir d'achat. Cela est un peu contradictoire avec le rapport entendu sur les ondes du réseau d'Etat de télévision. Dans ce rapport qui faisait suite à une étude effectuée sur le déménagement des sièges sociaux, on disait clairement qu'en moyenne le cadre de Toronto, aux mêmes conditions de

travail, aux mêmes conditions de salaire, avait un revenu net moyen — je dis bien moyen au niveau des sièges sociaux — de $8000 de plus par année. Ces $8000 de plus par année, les perdrait-il avec son pouvoir d'achat à Toronto? C'est ce que je voudrais savoir de l'honorable ministre lorsqu'il donnera sa réplique sur ce discours de deuxième lecture.

M. le Président, toutes sortes de chiffres aussi sophistiqués les uns que les autres ont été véhiculés et ce, de façon bien différente. Pourtant, ce qui est le plus drôle, tous semblent avoir raison même si les chiffres dans certains cas sont bien contradictoires. Chose certaine, il y a des gens qui doivent avoir en partie et en totalité raison, cela je l'accepte, mais également je crois qu'il serait logique d'affirmer que tous ne peuvent pas avoir raison en même temps. C'est pourquoi j'aimerais que le ministre soit plus clair, plus précis, bien que je ne mette nullement en doute sa parole, ni celle, d'ailleurs, de mon collègue, le député d'Outremont. J'aimerais donc que le ministre, lors de sa réplique, soit plus clair, plus précis et nous dise à un moment donné qui a raison.

Pourquoi ne pas prendre des exemples simples, clairs, nets et précis et dire aux Québécois, de façon non équivoque, ce à quoi ils doivent s'attendre lorsqu'ils produiront leur déclaration d'impôt en avril prochain? On pourrait, pour éclairer l'ensemble des Québécois, M. le Président, répondre par le biais d'exemples. Je peux poser ici une question à titre d'exemple au ministre des Finances. Est-ce qu'un couple marié sans enfant, gagnant $8000, $10 000, $12 000 ou $15 000 par année paiera, oui ou non, plus d'impôt que l'an passé? C'est ce qu'on veut savoir. Est-ce qu'un couple, par exemple, qui gagne $8000, $10 000 ou $15 000 — je veux que vous le disiez aux Québécois; vous prendrez le chiffre que vous voudrez; vous pourrez en prendre deux ou trois, pas besoin d'avoir des grandes théories — paiera plus ou moins d'impôt?

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le député me permettrait de lui donner la réponse tout de suite?

Le Vice-Président: M. le député.

M. Goulet: Vous pouvez la donner certainement, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances, on vous le permet.

M. Parizeau: On me pose une question très simple. Je vais donner une réponse aussi simple que possible. A $7000, un contribuable marié va payer, par rapport à l'ancienne échelle, cette année, $225 de moins. A $13 700, qui est le salaire industriel moyen, cette année, il paiera $291 de moins. C'est dans les documents budgétaires.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Goulet: M. le Président, j'ai permis à l'honorable ministre des Finances de donner sa réponse. Il a donné $7000, il a donné $13 000, mais, sauf erreur, à moins que je n'aie mal entendu, on semblait, dans la matinée, dire qu'à partir de $8300 pour un couple marié sans enfant on devrait payer plus d'impôt. (15 h 40)

Les chiffres que vient de véhiculer le ministre des Finances, était-ce toujours pour un couple marié sans enfant ou était-ce pour un célibataire? J'aimerais avoir la réponse juste par un signe de tête, oui ou non.

M. Parizeau: C'est: contribuable marié... M. Goulet: Sans enfant.

M. Parizeau: ... page 8, renseignements supplémentaires, impôt page 19.

Le Vice-Président: Merci, monsieur. A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Alors, M. le ministre des Finances nous dit... Oui, je pense que c'est pertinent au débat.

Le Vice-Président: Oui, d'accord.

M. Goulet: Ecoutez, il faut en profiter pour renseigner les Québécois, parce que les chiffres qui sont véhiculés sont assez contradictoires. On parle de $8000, on va payer plus cher, le ministre dit $13 000, on paie moins cher. On voudrait savoir qui a raison.

Il faudrait que les gens se mettent bien dans la tête que les Québécois qui nous écoutent ne sont pas tous des économistes diplômés des universités les plus reconnues, soit du Québec ou des Etats-Unis; ils ne sont pas non plus tous des comptables agréés. Il faudrait une fois, au moins, prendre des propos pour que l'ensemble des Québécois comprennent ces chiffres et le sachent clairement, que M. Tout-le-Monde puisse se dire ce soir, dans son salon: C'est M. Untel qui a raison ou c'est M. Untel qui a raison. C'est ce que je voudrais que le ministre des Finances puisse démontrer clairement, tout à l'heure, à M. Tout-le-Monde, le monsieur qui écoute la télévision, le Québécois moyen, afin, qu'il sache qui a raison, et donner des exemples concrets et précis.

Une autre question, M. le Président, est-ce vrai, oui ou non, que les producteurs agricoles, pour cette année, paieront en moyenne de $500 ou $700 de plus d'impôt, et cela seulement au chapitre de leur automobile? Ce sont encore là des chiffres qui ont été véhiculés par l'Union des producteurs agricoles où on dit qu'un producteur agricole qui a une voiture qui coûte environ $9000, cette année, cela lui coûtera environ de $500 à $700 d'impôt de plus, toujours si l'on compare son revenu avec celui de l'an passé, si les chiffres sont les mêmes. Je veux savoir du ministre des Finances, et qu'il le dise aux agriculteurs, si c'est vrai, oui ou non. Est-ce vrai, oui ou non, qu'un salarié non marié qui gagne $8000 ou $10 000 ou $12 000 ou $15 000 paiera également plus? Nous avons

apporté l'exemple, tout à l'heure, d'un couple marié. J'aimerais qu'on apporte un exemple d'un couple marié avec un ou deux enfants. J'aimerais qu'on apporte l'exemple également d'un salarié, pas parler de chiffres de $35 000, $40 000 et $50 000, mais parler de chiffres qu'un Québécois moyen peut gagner, le type qui va chercher son chèque de paie, le vendredi, qui peut gagner entre $8000, $10 000, $12 000 ou $15 000, la moyenne. Ce sont nos travailleurs québécois. C'est ce que je veux savoir du ministre. Il devrait le dire clairement afin que la population, afin que M. Tout-le-Monde puisse savoir dès aujourd'hui si, oui, ou non, il aura une agréable ou désagréable surprise lorsqu'il produira son rapport d'impôt en avril.

Ce sont là, M. le Président, des questions pourtant bien simples. Il me semble qu'on n'a pas besoin de dissimuler notre réponse en arrière d'un paravent de chiffres très sophistiqués qui, souvent, sont là dans le but de soutenir les propos de savants économistes, même si ces propos sont contradictoires. Je pense qu'on en a eu l'exemple, ce matin, d'un côté comme de l'autre de la Chambre. Les chiffres semblent réels, les chiffres semblent bons, tout le monde semble avoir raison, mais les chiffres sont contradictoires.

Je suis conscient que nous avons aujourd'hui six projets de loi à discuter, je suis conscient que d'autres de nos collègues veulent se prononcer sur ces projets de loi, je suis conscient également que nous sommes à la fin de la session et c'est un peu les propos que je voulais tenir au ministre des Finances, avant qu'il nous formule sa réplique, après ce discours de deuxième lecture.

Le Vice-Président: M. le député de Laprairie. M. Gilles Michaud

M. Michaud: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous un projet de loi qui vaut des centaines de millions pour les contribuables québécois, pas des centaines de millions en moins, mais des centaines de millions en plus que les contribuables québécois vont avoir dans leurs poches. Ils ont déjà commencé à en recevoir une partie au mois de juillet, et ils recevront l'autre partie lorsqu'ils feront leur rapport d'impôt en 1979 pour l'année 1978.

Ce projet de loi est extrêmement compliqué. Il comporte une partie très aride et une partie très agréable; nous allons voir cela dans quelques minutes. Ce projet de loi compte 233 articles, 118 pages et est extrêmement compliqué. Vous allez probablement me permettre de lire un article; non pas pour critiquer, mais tout simplement pour montrer quel genre de projet de loi technique nous avons. Je prendrai tout simplement l'article 106, au milieu du projet de loi.

M. Bellemare: Question de règlement.

Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: II est bien entendu qu'en deuxième lecture on n'a pas le droit de référer aux articles pour aucune considération. C'est contenu dans notre règlement.

Le Vice-Président: Je suis bien d accord si on s en tient strictement au règlement. Cependant, il est arrivé souvent... S'il n'y a pas consentement, je devrai demander... M. le député de Laprairie, il n'y a pas consentement.

M. Michaud: De toute façon... M. Godin: M. Bellemare, on s'en souviendra. Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. Bellemare: Des menaces?

Le Vice-Président: M. le député de Laprairie, je reconnais que c'est vous qui avez la parole.

M. Michaud: Je vous remercie beaucoup. M. le Président, de votre gentillesse. Quant à la première partie du projet de loi, c'est-à-dire la partie très aride, nous n'avons qu'à lire les notes explicatives, je crois que nous en avons le droit. Ce projet de loi fait suite à la déclaration ministérielle du ministre des Finances et contient la plupart des modifications proposées à la loi fédérale par le projet de loi C-11 et le projet de loi C-22.

Il y a plusieurs articles de concordance, d'amendement pour harmoniser, faciliter le fait que nous avons ici, au Québec, deux rapports d'impôt à faire, un à Québec et un à Ottawa. Je suis parmi les 3 200 000 Québécois qui font deux rapports d'impôt par année et j'ose espérer — j'en suis pas mal persuadé même — que d'ici un an ou deux nous n'en aurons qu'un à faire. Vous vous imaginez, pour les 3 200 000 Québécois qui feront seulement un rapport d'impôt plutôt que deux, le nombre d'heures de travail de moins en fin de semaine, au cours des mois de mars, avril ou mai. De toute façon, cela s'en vient bien, ça s'en vient très vite.

La deuxième partie, la partie très agréable de ce projet de loi, fait suite au discours sur le budget du 18 avril du ministre des Finances du Québec. On oublie, trop souvent, trop rapidement les bonnes choses. Dans le discours du budget, il y avait des exemptions qui ont valu aux contribuables québécois $313 millions de moins d'impôt à payer: cela a fait que les Québécois ont perdu un championnat. C'est extraordinaire, on a perdu le championnat des citoyens les plus taxés au Canada. Ces $313 millions sont retournés dans les poches des contribuables québécois. C'est une réduction d'impôt de 7,5%, ce qui veut dire que 90% des Québécois, 9 Québécois sur 10, paient ou paieront en 1978 moins d'impôt. C'est extraordinaire et cela veut dire que tous les contribuables mariés gagnant $30 000 ou moins et tous les contribuables célibataires gagnant $22 000 ou moins auront une diminution plus ou moins grande de leurs impôts.

Ici, j'aimerais tout simplement me référer aux renseignements supplémentaires qui ont suivi ou qui sont venus avec le budget d'il y a quelques mois. Nous voyons ici, à la page 23... Je crois que le député d'Outremont ne sait pas lire ou n'a pas lu tout simplement le discours du budget. Il a pourtant été lu ici, en Chambre, il aurait dû l'entendre et vérifier les renseignements supplémentaires. On voit ici: Réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers. Impact sur le revenu disponible des contribuables. Premièrement, exemptions de personne mariée, ou équivalent, portées de $1900 à $2700 et réduites du revenu net du conjoint en excédant de $1000, plutôt que $500. (15 h 50)

Le député d'Outremont a dit qu'il n'y avait rien là. Que c'était tout simplement de la frime, des petites affaires qui n'avaient aucune importance financière. Eh bien! cette exemption vaut aux Québécois $125 millions. Si le député d'Outremont trouve que $125 millions ne sont rien, que ce sont des "peanuts", je crois qu'il n'a rien à faire ici, M. le Président.

M. Grenier: Des arachides!

M. Michaud: Des arachides, exactement, merci. Il y a $125 millions là-dedans. L'exemption pour enfants ou autres personnes à charge de 18 ans est portée de $550 à $900, sept autres millions. L'exemption pour personnes âgées de 65 ans et plus est portée de $1000 à $1500, dix autres millions pour nos personnes âgées. Il ne faut pas oublier que c'est peu, d'accord, mais ce sont $10 millions de moins qu'on va chercher dans leurs poches. Il ne faut pas oublier que nous avons institué, depuis deux ans que nous sommes là, la gratuité des médicaments pour les personnes âgées, le crédit d'impôt foncier scolaire pour les personnes âgées, $125 pour les propriétaires et $75 pour les locataires. Aussi, les personnes âgées peuvent continuer à gagner un salaire sans que leur rente ne soit diminuée. Je suis persuadé que d'ici quelques jours ou une semaine, nous allons avoir d'autres bonnes nouvelles pour les personnes âgées du Québec, les personnes du troisième âge, parce que nous sommes tous conscients que la société québécoise a une lourde dette envers les personnes âgées, et c'est à peu près le temps qu'on commence à s'en occuper. Ce qui est extrêmement important et qui a fait réduire l'impôt de neuf Québécois sur dix, c'est la modification de la table des taux d'imposition, ce qui représente une diminution de $201 millions en 1978. Si on fait le total, c'est au-delà de $300 millions de moins en impôt. Le député d'Outremont trouve que ces $300 millions ne sont pas importants. J'ai même le texte précis de ce qu'il a dit: "Je dirais qu'il n'y a pas là de quoi fouetter un chat". $125 millions pour les familles québécoises, c'est très important. Il ne faut pas ridiculiser ce qui se fait, parce que ce sont des choses qui sont extrêmement importantes pour neuf familles sur dix d'avoir une diminution d'impôt à la fin de l'année.

M. le Président, je ne voudrais pas être trop long sur ce sujet. J'aimerais tout simplement résumer en disant que le projet de loi que nous étudions ici en deuxième lecture, le projet de loi no 65, Loi modifiant la Loi sur les impôts et certaines dispositions législatives d'ordre fiscal, est un projet de loi qui donne aux Québécois au-delà de $300 millions dans leurs poches cette année. L'an prochain, pour 1979, si les pronostics sont justes, ce sera au-delà de $400 millions. Vous pouvez être persuadé que je voterai pour, pour tous les Québécois, au moins pour neuf Québécois sur dix qui auront une diminution d'impôt. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Rimouski. M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, je remercie d'abord mes collègues de l'Opposition qui m'ont permis d'intervenir immédiatement parce que je fais partie de la commission de l'agriculture. Je voudrais rapidement, en quelques minutes, intervenir au sujet du projet de loi 65, sur un problème bien spécifique qui est la question de la déduction des dépenses d'automobile. Voici pourquoi je fais cette intervention. C'est que plusieurs travailleurs autonomes de mon comté, à la suite de la nouvelle politique annoncée par le gouvernement, se sont réunis, ont formé ce qu'ils appellent le Regroupement des travailleurs autonomes et ont étudié les effets de cette nouvelle loi de l'impôt sur chacun deux. Ils m'ont rencontré à plusieurs reprises dans des discussions vraiment franches et en même temps cordiales pour exprimer les conséquences qu'ils jugeaient néfastes sur leur cas personnel de ces nouvelles dispositions.

Je veux simplement poser quelques questions au ministre des Finances et attirer son attention sur un point. D'abord, il est sûr que j'ai réaffirmé, à ces personnes qui sont surtout des assureurs-vie ou des gens qui sont dans le milieu du commerce et qui ont à voyager beaucoup, j'ai affirmé à ces personnes que j'étais entièrement d'accord avec l'objectif que poursuivait le ministre des Finances, qui était d'assurer, au niveau de la déduction des dépenses d'automobile, une parfaite équité entre tous les travailleurs au Québec, parce qu'on sait que le travailleur normal qui part, admettons, de Verchères pour s'en aller travailler à Montréal n'a pas droit à des déductions de dépenses d'automobile par comparaison au travailleur autonome qui est commerçant, par exemple, qui lui avait droit à de fortes déductions. Le souci, c'était de ramener une équité entre ces travailleurs. J'ai affirmé ce principe et je pense les avoir convaincus que c'était le sens de la démarche que nous entreprenons.

Par contre, le ministre s'est dit ouvert, comme dans d'autres dossiers — il l'a illustré concrètement depuis le mois d'avril dernier — à étudier, à analyser certains problèmes qui peuvent survenir à la suite de ces dispositions. Evidemment, sur l'ensemble des modifications qui ont été apportées aux déductions de dépenses d'automobile, je

pense que d'emblée nous serons d'accord. Il y a une de ces dispositions que je demanderais au ministre, à la suite des représentations qui m ont été faites, d'examiner davantage, celle qui fixe a un maximum de $7500 le coût en capital admissible aux fins de I amortissement pour une dépense d'automobile et de $9000 pour une auto familiale. Evidemment, comme plusieurs commerçants ou voyageurs passent presque leur vie en automobile, plusieurs se paient des automobiles davantage confortables et cela ne correspond pas à la réalité de leur coût. Je ne sais pas si c'est possible de faire cette révision, mais je demanderais au ministre des Finances de l'examiner pour faire en sorte que, tout en rétablissant cette équité fiscale qui représente, en fait, environ $30 millions de revenus supplémentaires pour le gouvernement, on ne pénalise pas, non plus, les travailleurs autonomes.

Mais le point le plus important qui m'a été soulevé à la suite du travail que ces personnes ont fait durant environ trois semaines, c est une comparaison qu'ils ont établie, dans les revenus nets après impôts entre le travailleur autonome et le travailleur qui est salarié de l'Etat, qui voyage aussi, mais dont les dépenses d'automobile sont remboursées à tant le mille. Ce sont ces chiffres qui m'incitent à demander au ministre des Finances d'examiner cette situation, parce qu'il est évident que la nouvelle politique rétablit un équilibre, une équité entre l'ensemble des travailleurs autonomes et ceux qui prennent leur automobile pour aller travailler matin et soir. Il n'est pas certain que cette équité est établie entre les travailleurs salariés de l'Etat, par exemple, qui ont des dépenses d'automobile à tant le mille, qui ont un remboursement à tant le mille et les travailleurs autonomes qui ont droit à des déductions pour dépenses d'automobile.

Je veux vous donner quelques chiffres qui illustrent ceci. Un travailleur salarié qui fait 9750 milles par année pour sa fonction, pour son travail, a un remboursement qui lui est donné par le gouvernement de $2000. Le travailleur autonome a droit à $1991 de déductions selon la loi actuelle ou la loi d'avant 1978. Cela fait déjà un écart d'environ $343, écart qui est quand même assez minime actuellement, selon le statu quo avant le 1er avril.

Quand on regarde les effets sur les revenus après impôts, là, on constate que les écarts s accroissent. Un travailleur salarié qui fait $15 000 de revenu imposable avant déductions, s'il fait 9000 milles par année, ce qui lui est remboursé lui fait environ $2000. Son revenu net après impôt sera de $14 070, tandis que le travailleur autonome, qui a $15 000 de revenu imposable et qui a droit à une déduction de $1991 sur son revenu, va se retrouver avec un revenu net de $12 531. Il y a donc un écart de $1538 entre le travailleur autonome qui a un revenu imposable de $15 000 et le travailleur salarié, employé de l'Etat par exemple, qui a droit à des remboursements de dépenses d automobile à tant le mille. Cet écart, c'était sous I ancienne loi. Avec la nouvelle loi, évidemment, l'écart est accru parce qu'on sait que les travail- leurs autonomes vont payer entre $400 et $800 d impôt de plus avec la nouvelle loi. (16 heures)

II faudrait que le ministre examine cette situation. Je sais que les solutions ne sont certainement pas faciles à trouver. Après avoir rétabli l'équité entre l'ensemble des travailleurs et les travailleurs autonomes au niveau des déductions de dépenses d'automobile, maintenant il faut trouver les moyens de rétablir cette équité entre les travailleurs autonomes et tous les travailleurs qui ont droit à des remboursements de dépenses d'automobile, à tant le mille, par leur employeur, comme les employés du gouvernement, entre autres — parce que cela touche les employés du gouvernement spécialement — ainsi que les employés d'autres milieux de travail et d'autres compagnies.

La solution n'est certainement pas facile à trouver. Je sais que ce groupement de travailleurs autonomes a présenté, dans un mémoire, trois hypothèses au gouvernement. L'une d'elles était sous forme de crédit d'impôt, la deuxième était de garder le statu quo, même s'ils se jugeaient un peu pénalisés, et la troisième voulant qu ils puissent déduire de leur revenu imposable des dépenses selon le même barème que les employés du gouvernement. Mais là, on se trouverait dans d autres injustices encore beaucoup plus graves.

Je n'ai pas de solution à proposer au ministre des Finances. Je voulais simplement, au nom de ce regroupement des travailleurs autonomes, lui rappeler publiquement le problème que ces travailleurs autonomes peuvent vivre. Les problèmes sont toujours comparatifs. L'équité, c'est toujours par comparaison. C'est évident que, s'ils se comparent à l'ensemble des travailleurs, ils sont dans une situation d'équité. S'ils se comparent aux travailleurs qui bénéficient d'un remboursement des dépenses, compte tenu du millage qu ils font, et qui ne rajoutent pas à leur revenu — donc, qui n'est pas imposable — ils sont dans une situation d iniquité.

Evidemment, cela ne touche pas l'ensemble des gens qui paient de l'impôt, mais je pense que tout problème fiscal qui touche un tant soit peu de personnes doit mériter l'attention. Je sais qu'il n'y a pas de solution possible à court terme, mais je pense qu'il faut examiner toute solution qui pourrait corriger ce problème qui m'a été signalé par des travailleurs autonomes du comté de Rimouski. Je vous remercie, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, Mme le Président. Certains principes très importants ont été soulevés par le ministre à la suite de la deuxième lecture du projet de loi 65. Généralement, il fait appel au principe que ceux qui ont plus de moyens doivent payer plus d'impôt. Ce n'est pas un principe qu'on va contester; ce n'est pas une trouvaille du ministre voulant que ce soit un principe acceptable et que

tous les gouvernements appliquent. Mais il y a des limites à ces principes. Le ministre voudrait faire paraître comme normaux les changements dans les taux d'imposition et certaines autres modifications qu'il apporte.

Il serait certainement beaucoup plus facile pour nous non seulement d'accepter la position du gouvernement, mais de critiquer le gouvernement en disant: Vous n'avez pas assez taxé les gens qui sont plus riches ou qui gagnent plus d'argent. Du point de vue populaire, ce serait bien plus facile de dire cela et critiquer le gouvernement de ne pas être assez préoccupé des moins nantis et laisser encore une grande marge de manoeuvre à ceux qui gagnent des salaires plus élevés. Ce serait peut-être plus populaire, mais ce ne serait pas responsable. C'est pour cette raison qu'on critique sévèrement les changements que le ministre veut apporter par son projet de loi 65.

Dans les brefs délais qui nous sont accordés d'après le règlement, je voudrais toucher seulement deux aspects du projet de loi: l'aspect d'augmentation des impôts pour ceux qui gagnent $30 000 et plus, et certains problèmes qui sont soulevés par les déductions, par exemple, des dépenses d'automobile.

Avant d'aborder ces deux sujets, un des députés du Parti québécois s'est référé au fait qu'au Québec on remplit deux rapports d'impôt et que, dans un avenir rapproché, la population va décider qu'il n'y en aura qu'un.

Je dois vous assurer que j'ai toute la confiance au monde que la population du Québec connaît les avantages qu'elle a maintenant, même en payant de l'impôt à deux niveaux de gouvernement. Je voudrais attirer l'attention de ce député sur seulement un des avantages, les $215 millions que nous avons reçus cette année de bénéfices du gouvernement fédéral pour la compensation des paiements pétroliers, parce que le prix du pétrole que nous utilisons est moindre que le prix mondial. Ce sont des paiements directs que le fédéral a versés au profit du Québec. En plus de ce paiement direct de $215 millions, nous profitons de $315 millions de plus parce que le prix que nous payons pour le pétrole est encore plus bas que le prix mondial.

Si nous faisons le calcul, depuis 1973, des paiements que le gouvernement fédéral a effectués pour le bénéfice du Québec dans le domaine pétrolier, seulement pour l'utilisation du pétrole qu'on fait au Québec, cela se chiffre par $2 milliards. Cela a été pris d'une province, l'Alberta, qui est plus riche dans cette ressource naturelle que nous, et c'est un des avantages du fédéralisme. On prend d'une des régions du Canada qui est plus avantagée et on fait la répartition de ses richesses. L'unité ensemble, c'est ce qui nous permet d'avoir le standard de vie, d'avoir les libertés et tous les avantages que nous avons.

Alors, sur cet aspect qui a été soulevé par le député du Parti québécois, je ne suis pas inquiet du tout. La population est assez intelligente pour prendre la bonne décision quand le temps va venir.

Voici une question que je voudrais poser au ministre, et cela a été soulevé par un des députés du Parti québécois. Le député a mentionné que c'était extrêmement compliqué, cette loi, qu'il y avait 238 articles, 118 pages. Je voudrais demander pourquoi on attend au 14 décembre, quand on doit ajourner le 21, pour étudier un projet de loi si compliqué que cela, avec des répercussions pour toute la population, qu'on n'a pas le temps et que même les députés ministériels n'ont pas le temps de faire des interventions. Je viens juste de donner mon consentement à un député qui est pris en commission parlementaire et il doit repartir. Peut-être aurait-il voulu faire une intervention encore plus longue. On aurait pu apporter à l'attention de la population toutes les répercussions et les conséquences de ce projet de loi. Mais non. On attend au 14 décembre pour le déposer, pour déposer toutes les modalités, alors que le discours du budget donnant les grandes lignes du projet de loi avait été fait au mois d'avril. Cela aurait été beaucoup mieux pour la population et je crois que cela aurait démontré plus de bonne foi de la part du gouvernement, d'avoir introduit ce projet de loi au début de la session, au mois d'octobre. On aurait pu le porter à l'attention de la population, et les députés qui sont pris tout partout maintenant, parce qu'on a une série de lois à adopter avant le 21, auraient vraiment pu faire une étude approfondie.

Alors, le ministre pourrait peut-être expliquer pourquoi le délai seulement quelques jours avant la fin de la session.

Le ministre s'est référé au taux d'impôt de l'Ontario et j'ai trouvé sa comparaison assez étrange. Il a dit: En Ontario, pour ceux qui gagnent $100 000 et plus, il y a un plus grand écart avec ceux qui gagnent des salaires plus élevés au Québec. Il a dit que le Manitoba est plus près des conditions d'impôt du Québec. Je voudrais porter à l'attention du ministre que les activités commerciales et industrielles, les richesses de l'Ontario sont beaucoup plus élevées. Les conditions économiques sont beaucoup mieux en Ontario qu'elles ne le sont au Manitoba. On pourrait peut-être faire la relation entre les taux d'impôt, même à ces niveaux, et les activités commerciales et industrielles. Peut-être que ce serait une leçon à prendre pour nous, que ce n'est pas en taxant ceux qui gagnent des salaires plus élevés qu'on va augmenter l'activité industrielle et qu'on va créer des emplois. (16 h 10)

Ce n'est pas moi qui ai donné l'exemple, c'est le ministre qui nous l'a donné. C'est lui qui a porté à l'attention de cette Chambre le fait qu'en Ontario on avait certaines pratiques, certains impôts beaucoup moins élevés qu'au Québec, et si on continue cette comparaison, on voit aussi les effets pratiques.

Laissez-moi vous donner, Mme la Présidente, un exemple concret de l'effet que peut avoir l'augmentation des impôts au niveau de ce qu'on appelle les cadres. Prenons l'industrie du textile, Mme la Présidente. C'est une industrie qui a beau-

coup de difficultés. On est maintenant en train de faire ce qu'on appelle rationaliser l'industrie, c'est-à-dire que la production du textile au Québec étant beaucoup plus élevée que les besoins du Québec, même, au Canada, la production étant plus élevée que les besoins locaux de toute la population, ce qu'on va faire, c'est qu'on va concentrer certaines des usines dans certaines régions, dans différentes régions du pays.

Mais les personnes qui prennent ces décisions, qui sont-elles? Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, c'est le président, le vice-président, les cadres, ceux qui gagnent les montants que le ministre veut surtaxer. Que pensez-vous que ces gens vont faire? Mme la Présidente, mettez-vous à leur place. Quelle décision prendriez-vous si vous aviez l'occasion de le faire? Vous allez vendre vos produits au Québec. Vous allez avoir une succursale avec un vendeur au Québec. Il n'y a pas de problème avec cela. Mais vous ne voulez pas être taxée, payer plus cher que dans la province voisine. Vous essayez de garder votre patrimoine autant que possible. La décision que ces gens vont prendre va être de déménager leurs usines et d'aller dans des endroits où c'est plus avantageux économiquement pour eux. Je ne comprends pas pourquoi le ministre ne voit pas cela de cette façon.

Vraiment, je ne peux pas comprendre du tout pourquoi il insiste, malgré les représentations qui ont été faites par différents groupes, et qu'au lieu d'améliorer son projet de loi, de faire les changements qui s'imposent, il essaie de nous vendre que c'est la façon normale parce qu'il a une différente philosophie sociale que l'Ontario. J'aimerais bien qu'il nous explique sa philosophie sociale. Est-ce que sa philosophie sociale, c'est de prendre des mesures pour créer des chômeurs? Est-ce que sa philosophie sociale, c'est de s'assurer qu'on n'aura pas les revenus nécessaires, ici, qu'on n'aura pas les contribuables nécessaires, qu'on n'aura pas les industries ici et que les gens vont continuer à s'en aller, à quitter le Québec, comme 70 000 l'ont fait après la venue du Parti québécois au pouvoir? Je ne le sais pas. Je voudrais qu'il nous explique.

C'est lui qui a soulevé le problème de la philosophie sociale. C'est lui qui a soulevé le problème de l'équité sociale. Ah oui! Quand il parlait des revenus, des dépenses d'automobile, de la déduction des dépenses, il a dit: Ecoutez, prenez l'exemple du professionnel et de sa secrétaire. Comme mon collègue, le député d'Outremont l'a si bien souligné, c'était un exemple totalement absurde. Qu'il prenne donc l'exemple qui a été porté à l'attention du député de Rimouski, celui des travailleurs autonomes. Eux ont préparé un tableau et c'est très intéressant. Quand on parle d'équité sociale, on veut traiter tout le monde au même niveau. On voit le tablau comparatif de la situation du travailleur salarié, employé de l'Etat, ce qu'il reçoit en compensation, en déductions, en bénéfices pour l'utilisation de son automobile, et ce que le travailleur autonome reçoit.

On ne prend pas en considération que le salarié de l'Etat a la sécurité d'emploi, qu'une fois qu'on entre dans le service civil, à moins qu'on commette vraiment une faute flagrante, on est là pour le restant de ses jours. On enlève tous ces autres bénéfices et on commence. Quelqu'un qui a un millage de 40 000 milles reçoit, comme remboursement pour l'utilisation de son automobile, $5927. Il est salarié de l'Etat. Le travailleur autonome, lui qui doit faire les mêmes voyages, qui essaie d'augmenter ses revenus, de gagner son salaire lui aussi, pour 40 000 milles, avec les modifications proposées par la loi actuelle, il aurait droit à $5200. C'est quasiment la même valeur que l'employé de l'Etat. Avec la nouvelle loi, c'est $2300. Alors, il y a un écart de $3000 net.

Moi, je n'appelle pas cela de l'équité sociale. C est une injustice, c'est de la discrimination, c'est vouloir pénaliser un secteur de notre population sans affecter les autres. Pourquoi? Certainement pas pour des raisons économiques. Peut-être pour poursuivre certains buts idéologiques. Peut-être qu'on ne veut pas toucher les employés de l'Etat pour une raison ou pour une autre. Mais ce n'est pas une raison pour pénaliser plusieurs secteurs de notre population, qui vraiment, eux, en ont besoin. Ce n est pas un luxe pour eux. Ils ont besoin d'utiliser leur automobile pour obtenir leur salaire.

Il n'y a aucun doute que les principes qui sont à la base de ce projet de loi tel qu'énoncé par le ministre n'encouragent pas l'investissement ici, n encouragent pas la création d'emplois, n'encouragent pas l'initiative individuelle. Quand on enlève l'initiative individuelle, qu'on enlève l'ambition, qu'on enlève l'incitation pour quelqu'un d être compensé pour l'effort qu'il va mettre dans son ouvrage, on enlève les emplois. Ce n'est pas l'Etat qui va nous faire vivre. C'est une drôle de philosophie; on semble croire que ce que l'Etat fait, c est bon et ce que les individus tentent de faire, il faut les arrêter, il faut les freiner.

Je ne partage pas cette philosophie qui est soulevée par ce projet de loi. Je ne partage pas la définition ou les exemples de l'équité sociale que le ministre a inclus dans son projet de loi. Certainement, je trouve déplorable le fait qu'on nous fasse étudier ce projet de loi à peine six jours avant la fin de la session. Ce n'est pas le seul projet de loi fiscal qu'on doit étudier; il y en a plusieurs autres avec la même philosophie, avec les mêmes problèmes et on va être restreint par le temps. Il faut nous comprendre. Ce n'est pas qu'on ne veuille pas travailler, 24 heures par jour pour étudier cela, on est prêt à le faire. Le problème, c'est qu'on ne peut pas sensibiliser la population à ce qui est contenu dans ce projet de loi. Il va devenir loi automatiquement dans quelques jours, puis la population n'en saura pas les effets, les conséquences non seulement sur ses impôts, mais sur toute la société. C'est cela que je déplore. C'est cela que je critique. C'est cela que je ne peux pas accepter. Merci.

Mme le Vice-Président: M. le leader de I Union Nationale.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: Vous serez sûrement surprise, Mme le Président, de voir qu'un cheminot puisse participer à un débat de cette importance qui me semble un débat de premier ordre dans ce Parlement. Quand il s'agit d'imposition, particulièrement de taxes, et que l'on entend de la bouche de ce grand responsable, de ce grand argentier de notre gouvernement qu'il a réussi à baisser les taxes cette année, je me demande si véritablement il n'a pas directement ou indirectement peut-être trompé cette Chambre.

Je prends des chiffres qui sont contenus dans son budget. Je n'ai pas l'habitude de fouiller souvent dans ces livres noirs appelés budget de la province, mais voilà que j'y trouve une augmentation pour 1978 de $250 millions de taxes. Un instant, je le prends dans vos livres; à la page 22, on voit nouveau mode de comptabilisation, $4 620 000 000." Si on va voir les estimations contenues dans le budget de 1977, on y voit $3 946 000 000, donc, une augmentation de taxes de $250 millions. Je ne sais pas si c est vrai. A l'annexe 11, est-ce cela? (16 h 20)

M. Parizeau: Ne vous mêlez pas, le revenu a augmenté un peu.

M. Bellemare: Oui. Une chose est sûre, pour la première fois depuis longtemps, les dépenses de I Etat ne progresseront donc pas plus rapidement que la production nationale en dollars courants ". Le ministre qui voulait, par ce projet de loi, harmoniser, comme il l'a dit ce matin, les lois fédérales et provinciales, cherche, par des moyens tout à fait en dehors de la logique et du bon sens, à éviter le plus simple. Il s'est trompé royalement quand il a imposé les chaussures et vêtements des petits enfants. Il s est trompé, mais il ne l'admettra pas. Il a fait un détour tout de suite par Ottawa et il a saisi la première occasion pour dire: II n'y en a plus, de taxe, c'est fini! On a fait une erreur, mais on l'a corrigée parce que le gouvernement fédéral nous a donné une sortie. Sauvé par la cloche!

Dans sa déclaration, ce matin, il nous a dit que $2000 plus $1600, cela faisait $3600 d'exemptions. Est-ce que le ministre peut nous dire aujourd'hui si ces chiffres, dans son prochain budget, seront changés? Le ministre n'est-il pas conscient que ceux qui gagnaient, il n'y a pas si longtemps $3000 — c'est ce que j'avais quand j'ai été élu député, $3900; quand on regarde ce qu'on gagne aujourd'hui, il y a une différence — la valeur du dollar, dans ce temps-là, n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui? C'est vrai. C'est aussi vrai pour le payeur de taxes", c'est vrai pour celui qui fait un marché de $40 ou $50 par semaine, c'est vrai pour un homme qui, comme le plus humble des hommes, gagne $3.27 l'heure. Vous allez dire; Lui, il est bien protégé. Comme le disait mon collègue de Bellechasse, avec toutes les preuves à l'appui, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Le ministre disait ce matin: Nous cherchons à étancher partout les fuites, les causes échappatoi- res que le contribuable vient à bout de trouver dans les failles de notre administration ou celle du fédéral; nous sommes obligés de faire du rattrapage avec le fédéral, mais c'est rare que le fédéral nous suive, par exemple. Le ministre avait raison, il y a une jungle — c'est ce qu'il a employé comme terme ce matin — dans l'impôt fédéral et dans l'impôt provincial, il y a une jungle administrative. Ce n'est pas vrai? C'est ce qu'il a dit en toutes lettres et je l'ai noté parce que je pense que c'est exact.

Et les petits, on les rattrape toujours parce qu'ils sont plus nombreux, nécessairement, quand on va entre $3600 et $9000, chiffre qui a été contredit ce matin par l'honorable député d'Outremont et qui est resté sans réponse. L'honorable député d'Outremont a prouvé, statistiques en main, que jusqu'à $8600...

M. Parizeau: Attendez, attendez!

M. Bellemare: C'est $8000 ou $9000?

M. Parizeau: Attendez le droit de réplique.

M. Bellemare: Attendre quoi?

M. Parizeau: Le droit de réplique.

M. Bellemare: Je me sers de ce qu'il a donné. Je pense que sa parole, en tant qu'expert en statistiques, et particulièrement la véracité des propos de cet homme prouvent...

Des Voix: Méfiez-vous!

M. Bellemare: ... qu'il a véritablement...

M. Parizeau: Méfiez-vous!

M. Bellemare: Tiens!

Mme le Vice-Président: A l'ordre! A l'ordre!

M. Bellemare: Tiens, la meute! On a réussi à vous réveiller. Tant mieux, vous allez prendre part au débat. Je suis bien heureux. C'était un peu langoureux, c'est parce qu'on était entré dans des choses sérieuses. On avait peut-être endormi certains "PQuiou". Là, on les a réveillés. J'en suis enchanté, très heureux.

M. Godin: Mme la Présidente, question de privilège.

Mme le Vice-Président: M. le député de Mercier.

M. Godin: Premièrement, nous ne dormions pas; deuxièmement, je voudrais attirer l'attention de nos amis d'en face sur le fait qu'ils font ce qu'ils nous reprochaient il y a quatre mois. Ils se déplacent pour être vus à la télévision. Regardez les faire!

M. Bellemare: Nous sommes six sur dix. Combien sont-ils de l'autre bord, Mme la Présidente? Ils vont venir nous reprocher cela? Voyons donc!

M. Godin: Ils se déplacent pour...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Je sais, M. le leader, qu'on vous a incité à sortir de votre sujet, et je vous demanderais de vous en tenir à la pertinence du débat.

M. le leader.

M. Bellemare: J'aurais droit à une heure, mais je vais abréger, madame. Vous êtes très aimable pour moi, madame. Je vous remercie de cet accueil fort chaleureux, je vous en suis hautement reconnaissant. Vous avez rappelé indirectement à certaines gens qu'ils m'avaient dérangé parce que j'étais parti avec une fougue assez extraordinaire pour prouver au ministre des Finances que loin de moi l'intention de vouloir lui faire peur par la hauteur de mon verbe, mais surtout par la solidité de mes arguments! Il a dit ce matin: Nous voulons donner une preuve authentique comme quoi le pauvre sera détaxé. L'honorable député d'Outremont, quelques minutes plus tard, l'a royalement démenti. On verra, la guerre des statistiques, on la fera tout à l'heure. Mais je donne raison — à ce moment-ci, j'ai le droit de donner mon opinion et je la donne; le coassement des grenouilles, cela ne me dérangera pas pour le dire pareil! L'honorable député d'Outremont a contredit, dans un discours excellent, ce matin, les avancés du ministre des Finances. Il l'a contredit de A à Z. Je lui rends témoignage pour les recherches qu'il a faites pour le prouver. Lui, est un expert, il a véritablement les statistiques en main et les comprend; il s'en sert à bon escient, pas seulement pour faire une guerre de mots. Le ministre, cela le force assez d'entendre la vérité qu'il a été obligé de quitter son siège. Vous voyez, Mme le Président, ce n'est pas absolument rien. Je pense que les statistiques qu'il a données ce matin troublent les avancés contradictoires du ministre des Finances.

L'honorable député de Bellechasse, dans un plaidoyer magnifique, a voulu lui aussi donner sa quote-part vis-à-vis de ce projet de loi 65 par des allusions pratiques. Modifier, à la fin d'une session, un projet de loi aussi volumineux, qui contient 234 articles, c'est nous demander un tour de force inouï et cela ne passera pas comme une lettre à la poste. Non. Il y a dans cela une foule d'arguments qu'il faut soulever quand on parle de détaxer les pauvres et de taxer les riches.

Le député d'Outremont, comme le député de Bellechasse cet après-midi ont prouvé qu'il y avait erreur. Nous sommes conscients que dans le projet de loi 65 ce n'est pas la vérité vraie qu'on nous dit.

Des Voix: Ah! Ah!

M. Bellemare: Mme le Président, je ne voudrais pas offenser qui que ce soit, mais le député d'Outremont, ce matin et le député de Mont-Royal ont parlé des dépenses relatives aux automobiles, par exemple. Pourrais-je vous demander, Mme le Président, si ce serait permis de dire qu'il y a 950 cadres de la Banque de Montréal qui ont quitté le Québec pour aller à Toronto? Pourrais-je vous demander pourquoi les 580 cadres du siège social du Montreal Trust ont déménagé à Ottawa, en Ontario? (16 h 30)

Pourrais-je vous demander, Mme le Président, de me donner la raison pour laquelle les cadres de la Sun Life sont partis, ainsi que la compagnie? 575, ce sont encore des gens qui sont partis de la province de Québec. Est-ce qu'on n'a pas fait I impossible pour pousser à bout ces gens, leur dire: Go out! et marquer, Mme le Président, sur l'édifice de la Sun Life: On a pas d'objection, allez-vous-en! Au lieu d'essayer de trouver des formules pour les empêcher de nous déserter. La province de Québec, il ne faudrait pas l'oublier, est aujourd'hui une province qui est montrée du bout du doigt par plusieurs. Il s'agit d'aller en dehors de la province pour voir quelle sorte de renommée on est en train de se faire au point de vue économique, au point de vue social et même au point de vue politique.

Mme le Président, si je vous demandais pourquoi à Northern Telecom, tous les cadres, au nombre de 200, ont quitté Québec pour Toronto. Si je vous demandais pourquoi MacDonald Tobacco, siège social et marketing sont partis de Québec pour Toronto. Si je vous demandais pourquoi à la Combustion Ingineering, siège social, 323 ont déménagé à Ottawa. Si je vous parlais, Mme le Président, des ingénieurs de Canadian Industries, des 246 cadres qui ont quitté Québec. Mais, Mme le Président, j arrive avec un total extraordinairement défavorable pour la province de Québec. J arrive avec un total de 5480 cas, même si le ministre... Mais s'il voulait me démentir, ce serait le temps, où est-il? Je les ai en main, cette fois-ci, les preuves. Il a dit, c'est faux pour Victoriaville Furniture. Il m'a démenti en disant: Ce n'est pas vrai, Victoriaville Furniture progresse aujourd'hui. Victoria-ville Furniture a failli. Il a fallu la réorganisation de la compagnie avec trois membres différents pour former Victoriaville Industry avec des milliers et des milliers de dollars d'autres qui sont venus pour relancer l'industrie. Il m'a démenti dans ce temps-là. Aujourd'hui, Mme le Président, il est obligé d'admettre que j'avais bien raison.

Lorsque je m'aperçois que l'honorable ministre parle de déduction dans certaines dépenses du budget, et particulièrement dans cette loi 65 concernant les cadres, je pense que j'ai parfaitement raison de dire ce que je dis cet après-midi. C'est pour cela qu'à la dernière minute, presque quelques jours avant la fin de la session, il nous apporte un projet de loi de cette importance. Et vous pensez que le député d'Outremont, que le député de Mont-Royal, que le député de Bellechasse et moi-même nous ne sommes pas dépassés par une législation importante comme celle-là. On va nous pousser dans le dos en nous disant: Cela presse, il y a cinq lois cet après-midi, il y en a six et il y en a

une autre ce soir, et demain matin. Non, Mme le Président. On va être calme et on va prendre cela morceau par morceau. Surtout une loi de cette importance. Le député de Bellechasse l'a si bien dit tout à l'heure dans des arguments qui ont démontré au ministre des Finances qu'il avait tort d'affirmer certaines données. Je me fie encore d'une manière particulière aussi à l'honorable député d'Outremont qui est un homme qui, au point de vue de chiffres et de statistiques, peut faire des comparaisons bien plus facilement que moi.

Alors, Mme le Président, je voudrais simplement demander au ministre si c'est vrai que cette année il y a $250 millions de plus d'impôt comparativement aux statistiques qu'il nous a données. Je suis sûr, Mme le Président, que vous ne serez pas surprise si je vous dis que nous ne sommes pas prêts à voter tout de suite. Nous allons avoir d'autres députés qui vont faire exactement comme moi et vous dire que la législation qui nous est apportée au dernier moment, comme cela, nous incite à ne pas nous hâter, à ne pas adopter à la volée ces lois qui sont si importantes.

Le Vice-Président: M. le député de Mercier. M. Gérald Godin

M. Godin: Mme le Président, j'ai écouté avec une attention constante les propos de l'expert économique de l'Opposition libérale qui a fait ses preuves à Ottawa où les choses vont très bien comme tout le monde le sait. En plus, je constate qu'il y a maintenant le principe des vases communicants qui semble s'installer entre les deux branches de l'Opposition; le député de Johnson cite à qui mieux mieux les arguments de son collègue d'Outremont. Les frères siamois de l'Opposition nous étonnent de plus en plus. Il m'étonne de voir que le député d'Outremont, expert économique de l'Opposition, nous annonce comme une grande nouvelle qu'il a découvert l'idéologie du Parti québécois dans notre budget. Il a découvert cela comme si c'était une grande nouvelle alors qu'effectivement elle y est en partie. Nous prenons effectivement une partie de l'argent de ceux qui gagnent plus de façon à moins taxer ceux qui gagnent moins. Quelle a été la déclaration de leur chef, futur député d'Argenteuil si tout va bien, à la suite de cette décision budgétaire? M. Ryan considérait que les gros salariés au Québec étaient trop taxés. Alors, si l'idéologie du Parti québécois transparaît dans le budget qui a été présenté et dans cette loi, l'idéologie du Parti libéral aussi transparaît dans leurs discours. Je la résumerais de deux manières.

Ils voudraient que l'on taxe davantage les petits pour ne pas que les gros s'en aillent ailleurs. Il faudrait, par conséquent, frapper sur ceux qui sont poignés ici parce qu'ils ne partiront pas. Mais ceux qui peuvent partir, cessons de les taxer, et, pourquoi pas, détaxons-les complètement. Ils vont tomber en amour avec nous et là Sun Life va peut-être rester. Peut-être va-t-on juguler tous les départs d'entreprises, appréhendés ou réels, si on détaxe les gros. Etrange politique sociale! Etrange vue de la société! Etrange notion de l'équité!

Sans aller jusqu'à dire que le Parti québécois est un nouveau Robin des Bois, ce qui serait excessif, il faut voir l'aspect de cette loi qui détaxe la classe moyenne comme étant une mesure visant à remettre dans le circuit économique, c'est-à-dire dans la consommation, des millions de dollars. Dans le passé, Mme le Président, une trop grande partie des revenus des personnes de la classe moyenne était prélevée par le gouvernement. Grâce aux modifications de cette loi, cet argent reste entre les mains des familles et, entre autres, des femmes et elles redépensent cet argent dans l'économie du Québec. Par conséquent, on a beau faire passer, comme le député de Mont-Royal l'a fait tout à l'heure, encore une fois, le vent de la discrimination même dans le budget... C'est le mot qu'il a employé et j'ai été étonné de constater qu'il ne proposait pas de référer cette loi à la Commission des droits de la personne puisque...

Une Voix: Surprenant.

M. Godin: ... quelque loi que nous présentions, il réussit toujours à découvrir un côté qui serait discriminatoire. Nous discriminons les gros. Nous discriminons contre ceux qui gagnent plus que $16 900. Donc, les droits de la personne sont menacés. Si nous discriminons contre les petits, c'est normal. M. Ryan l'a dit, les gros salariés sont trop taxés et ils vont tous partir.

Je voudrais évoquer des événements qui datent d'une quinzaine d'années, à l'époque où l'Etat québécois avait nationalisé l'Hydro-Québec; c'étaient les messieurs d'en face de l'Opposition officielle. A l'époque, étant journaliste, j'ai suivi de près ces événements historiques et les arguments de l'époque étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Pour empêcher le Parti libéral de réaliser cette opération financière, l'opposition faite aux libéraux était celle qu'ils font aujourd'hui au Parti québécois. Les arguments qu'on lisait à l'époque contre le Parti libéral, c'était que ce parti provoquerait des départs massifs vers l'Ontario parce qu'on redistribuerait les emplois entre les mains des diplômés francophones du Québec. Deuxièmement, il n'y aurait plus d'investissements au Québec parce que le Québec devenait communiste. C'étaient les arguments que la droite de l'époque utilisait contre le Parti libéral quand il exécutait peut-être le plus beau coup de son histoire: nationaliser les réseaux d'électricité. (16 h 40)

Aujourd'hui, c'est à son tour d'employer les mêmes arguments usés comme un vieux disque 78 tours qui grince et qui griche de la discrimination, du départ des entreprises, de la fuite de capitaux. On nous donne des chiffres pour deux ans de départ alors que le seul moyen — et mon collègue nouveau de NDG le sait sûrement — le seul moyen d'avoir une perspective juste à l'égard de ces chiffres cités partout, cela aurait été de les comparer sur une période de quinze ans. L'ancien chef de votre parti, M. Lapalme, cité récemment

par un de nos ministres, montrait que, même à l'époque, les libéraux s'inquiétaient du départ de certaines entreprises. Mais la leçon que je tire de ces départs...

M. Scowen: Question de privilège.

Mme le Vice-Président: Question de privilège, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Ces comparaisons dont il parle ne sont pas justes. Si moi, je meurs de faim, ce n'est pas intéressant de me comparer avec d autres qui sont dans la même position.

Mme le Vice-Président: M. le député de Mercier.

M. Godin: Mme le Président, les chiffres qu on a publiés et que le député de Johnson, nouveau siamois du Parti libéral — il n'a plus qu'un coeur et qu'une tête...

Une Voix: Ils couchent dans le même lit.

M. Godin: ... encore chanceux qu'ils aient gardé le même nombre de pieds — les chiffres cités par le député de Johnson reviennent à nous dire que, pendant deux ans, il est tombé sur le Québec tant de pouces de pluie et que c'est très grave. Mais si on ne peut pas comparer ce qui est tombé depuis dix ans, cela n'a aucune signification de la part d'esprits aussi brillants que celui du député de Notre-Dame-de-Grâce, pour qui j'ai le plus grand respect et pour son chef aussi, exjournaliste, comme moi, qui, normalement, devrait connaître un peu le métier de journaliste. Je pense qu il aurait dû comparer et, là, on aurait vu la portée réelle. Il a peut-être raison. Il y a peut-être un problème. Mais comment peut-on en avoir la portée réelle s'il n'y a pas de point de comparaison avec le passé?

Je reviens au fond de la question qui est qu'il faut taxer les petits plus que les gros parce que les petits vont rester, de toute manière, ce qui est le principe à la base de l'idéologie libérale. On nous reproche d'avoir l'idéologie contraire, nous, de taxer un peu plus les gros en tenant compte, malheureusement — je dis malheureusement à dessein — de la réalité économique qui nous entoure. Il est sûr que la marge de manoeuvre de n'importe quel Etat en Amérique du Nord, fédéré, souverain ou non, est réduite d'autant qu'il appartient à un ensemble économique qui est extrêmement interrelié de mille et une manières. Il y a une marge de manoeuvre qui est réduite, mais on peut, à I intérieur de la marge de manoeuvre en question, taxer à la baisse les gros ou taxer à la hausse les hauts. Le choix du gouvernement, c'est d aller chercher un peu plus, de jouer la marge de manoeuvre à l'avantage des petits et au détriment des mieux nantis.

L autre aspect de la loi concerne les fameuses voitures immatriculées Z. Une entreprise, au Québec, peut louer ou acheter des voitures immatricu- lées Z et elles ne doivent servir normalement qu aux fins de I entreprise, qu aux fins des revenus ou des profits que lentreprise peut aller chercher, sauf que ces voitures immatriculées Z servent à toutes les fins imaginables. Quand tel président d entreprise, incarnation vivante de la fameuse initiative individuelle évoquée tout à l'heure par le député de Mont-Royal, va, en fin de semaine, à sa maison d été, quand il va à la chasse, à la pêche, quand il circule en dehors de son travail, il est détaxé là-dessus.

Nos amis libéraux, au nom de l'initiative personnelle, voudraient que l'Etat subventionne, car c'est bien ce qui se passe. Si l'Etat ne taxe pas les voyages de plaisir ou de tourisme, en prenant pour acquis que toutes ces dépenses de la voiture en question sont faites pour l'entreprise, il se trouve à subventionner, avec les taxes des petits, les abus des gros. Nous voulons mettre un terme à ces abus. C'est cela que nous voulons faire. Ce qui est utile dans ce débat, Mme le Président, c'est que le vrai visage du Parti libéral commence à apparaître. Le vrai visage du Parti libéral, c'est que les gros salariés au Québec sont trop taxés. Le vrai visage du Parti québécois, c'est que nous voulons que la classe moyenne ait plus d'argent dans ses poches. Elle va le chercher à la sueur de son front, elle qui se rend au travail, non pas dans une voiture de compagnie, mais en métro, en autobus ou avec sa propre bagnole, qui n'est pas, elle, détaxée. Nous voulons que ces gens aient plus d'argent dans leurs poches.

Le député d'Outremont — il est très perspicace, il l'a découvert, alors qu'on l'avait bien caché, il me semble — a vu que l'idéologie du Parti québécois, c'est précisément cela, et l'idéologie du Parti libéral, c'est le contraire. Les Québécois, j'espère, s'en souviendront quand viendra le temps de se prononcer. Ils s'en souviendront que les libéraux, eux, leur idéologie, c'est de protéger les gros. C'est de laisser les gros rouler en bagnoles Z, en bagnoles d'entreprises, 24 heures par jour, payé par les contribuables québécois, 365 jours par année, peu importe la raison, liés ou non à l'entreprise, liés ou non à la profession, liés ou non au métier, liés ou non aux profits taxables. Quand c'est pour un profit taxable, la voiture n'est pas taxée, c'est le reste qu'on veut taxer. Je pense que c'est ce qui distingue essentiellement les deux partis, les deux idéologies.

Je souhaiterais personnellement que la distinction soit plus profonde. Je souhaiterais personnellement que la marge de manoeuvre soit plus grande entre le budget du Québec et les budgets des Etats avoisinants de façon que nous puissions aller encore un peu plus loin, mais les contraintes sont là et nous devons en tenir compte. Je termine, Mme la Président, en vous disant que la leçon que les Québécois doivent tirer des fameux départs d'entreprises, de sièges sociaux, de ci de ça, évoqués abondamment, évoqués ad nauseam par l'Opposition, c'est que ce qui nous appartient ne déménage pas, ce qui nous appartient reste ici, l'Hydro-Québec reste ici. Je me demande si la Shawinigan Water & Power, si elle

existait encore, ne nous menacerait pas de déménager quelques fonctionnaires de hauts grades à Toronto, juste et uniquement pour terroriser les Québécois.

Je me demande si la leçon que les libéraux nous donnent en nous assénant l'argument du départ des entreprises, c'est que nous ne devrions pas envisager d'autres sociétés nationales de l'amiante. Pour l'instant, nous sommes plutôt discrets, nous n'avons pas beaucoup d'appétit, pour l'instant, par rapport à ce que nous pourrions avoir à cet égard. Mais je dis que, si nous recevons trop de coups il est possible que nous envisagions des contrecoups parce que le Québec, ce n'est pas de la petite bière, c'est un marché de six millions de personnes, qui dépense $50 milliards par année. Et on voit des gens jouer la petitesse du Québec, dire le Québec est menacé, ils vont tous partir, qu'allons-nous devenir? (16 h 50)

S'il est parti 80 cadres de Sun Life, est-ce que cela a affecté la vie des citoyens de mon comté? L'argument n'était pas: Cela a-t-il un poids politique quelconque? Au contraire, la réaction des Québécois n'a-t-elle pas été celle, non évoquée par le député de Johnson: Bon débarras, on prendra l'assurance ailleurs. L'assurance, c'est comme un taxi. Je sors de chez moi, il y a un taxi à la porte, il y en a dix qui suivent. Le premier, c'est Sun Life, qui dit: Je ne te prends pas, t'es un Québécois, je prends le deuxième. Résultat: Sun Life a perdu 30% de son marché. Le chauffeur de taxi de Sun Life, M. Galt, n'a pas une cote très haute maintenant à l'intérieur de l'entreprise, il est sur une tablette sûrement.

Une Voix: II ne conduit plus son taxi.

Une Voix: II est en vélo.

M. Godin: Parce que les Québécois ne se laissent pas bulldozer, bousculer par personne. La grande leçon que Sun Life voulait donner aux Québécois, en fin de compte, ce sont les Québécois qui l'ont donnée à Sun Life et à tous leurs frères. La grande leçon. J'aimerais savoir combien, parmi les amis de M. le député de NDG ou de Mont-Royal, après avoir vu le coup de pied de l'âne que les Québécois ont donné à Sun Life, se sont dit: Peut-être qu'on ne partira pas. Il y a une leçon à tirer de cet événement et la leçon est que les Québécois ont été solidaires. J'aime mieux, quant à moi, évoquer la solidarité des Québécois que de brandir à tout venant les épouvantails des départs de quelques limousines immatriculées Z vers Toronto.

Je peux vous dire une chose, c'est que quand nous étions dans l'Opposition, la loi 63 et la loi 22 ont été adoptées et nous sommes restés ici nous autres. On n'a jamais dit: On va s'en aller; si M. Ryan passe, on s'en va. On ne s'en va pas, on restera ici. Peu importe, même si le député de Johnson est réélu et devient premier ministre du Québec éventuellement, on va rester pareil, parce que notre pays est ici, nous autres, il n'est pas ailleurs.

Vous me faites signe, Mme le Président que mon temps est terminé, je m'incline parce que je meurs d'envie d'entendre la réplique du ministre des Finances.

Une Voix: ... discours...

M. Godin: Non, mais en entendant.

Mme le Vice-Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Mme le Président, je n'avais pas l'intention de parler de la fuite des entreprises, mais étant donné que cela a été soulevé, il y a peut-être deux petits points que je voudrais simplement mentionner.

Le premier, M. le député de Mercier, c'est que dans le petit rapport dont le député de Johnson a parlé tantôt, on a fait une comparaison. La comparaison révélait que, d'après nos chiffres, pour l'année 1976, il y avait une perte de 500 emplois à peu près, et pour les deux années suivantes, donc 1977 et 1978, les années du pouvoir du Parti québécois, cette perte est devenue 5000. En effet, de 500 à 5000 dans deux ans, cela veut dire un accroissement de 500%. Un ruisseau est devenu une rivière. Je ne le dis pas pour soulever des questions de nouveau, mais simplement pour vous dire que si vous lisez le rapport, vous verrez qu'on a fait une comparaison — vous pouvez l'accepter ou non — qui est au moins une base de départ.

Le deuxième point que je veux soulever, c'est que je pense que dans ses bonnes phrases, le député de Mercier — phrases que je sens moi-même en partie — a laissé tomber complètement le côté consommateur. Parce que si vous allez dans une maison québécoise, vous verrez que les choses qui nous appartiennent — pour reprendre votre phrase, M. le député — sont des poêles General Electric, les voitures Ford, les tablettes de chocolat Cadbury ou Rowntree, beaucoup de choses qui ne sont pas tout à fait québécoises, mais qui sont fabriqués à l'intérieur du Canada.

D'après tout ce que je comprends, même le Parti québécois a l'intention de maintenir un libre échange de biens et de services entre le Québec et le reste de ce pays. Le point qu'on a soulevé dans le document est simplement que, si nous créons ici un climat qui n'est pas chaleureux pour l'investissement, pour les usines et si nous insistons sur un marché commun, c'est plus ou moins inévitable que, durant une période d'années, nous verrons des compagnies, des fabricants de produits canadiens fabriquer des choses en Ontario, où le climat est plus chaleureux, pour en faire la distribution au Québec. Nous deviendrons des importateurs de produits canadiens, des consommateurs de produits canadiens parce qu'en étant Québécois, comme producteurs, nous voulons fortement rester des consommateurs de produits canadiens. Ce n'est pas dans le but de charrier qu'on a sorti ce rapport; je pense que les faits sont là et on a l'intention de continuer le débat sur cette cassette,

comme vous l'appelez, sur ce disque parce que c'est un problème fondamental, sérieux qui reste à résoudre. Le gouvernement doit y faire face.

Un Québécois, Yvon Guay, hier, dans la Presse, a publié un éditorial assez favorable à ce sujet. Je pense que tout le monde acceptera de dire qu'il nous appartient aussi.

M. le ministre, il semble que le sujet no 1, pour votre projet de loi, est le problème de l'impôt des riches. Je ne vais pas trahir cette tradition cet après-midi, je vais continuer sur cette même ligne de pensée. Je veux parler contre cette augmentation de l'impôt au nom des travailleurs. Vous pourrez me demander comment il se fait que je parle au nom des travailleurs, car je ne suis pas un travailleur moi-même. C'est vrai et je dois admettre que je n'ai pas reçu une seule suggestion d'un travailleur à ce sujet. Mais je les connais, j'en ai beaucoup dans mon comté et de plus, pendant des années, j'ai travaillé dans des usines. J'ai été l'employeur de 500 ou 600 personnes qui travaillaient dans les usines.

Cette idée est venue à mon esprit la semaine passée, M. le ministre, pendant une rencontre qu'on avait ici avec Marine Industries Limited, qui a été très révélatrice. C'était au salon rouge et cela réunissait les anciens administrateurs de cette compagnie, ainsi que les membres du syndicat qui travaillaient pour la compagnie. Le sujet était le fait que cette compagnie a réussi à perdre à peu près $60 millions depuis les deux ou trois dernières années dans la construction des navires. La compagnie, une compagnie d'Etat, est effectivement aujourd'hui en faillite. Je puis vous assurer que les travailleurs ne sont pas contents.

M. Gagné, le président du syndicat, disait quelque chose que j'ai trouvé assez triste: "La première raison pour laquelle nous sommes ici, c'est pour protéger les emplois de milliers de travailleurs des chantiers maritimes non seulement à Sorel, mais au Québec. Nous ne sommes pas venus ici pour faire le procès de qui que ce soit. Nous n'avons jamais rien eu à dire dans l'organisation de la production, sauf en ce qui concerne nos conditions de travail. Vous le savez, les travailleurs n'ont rien à dire sur l'administration dont, par ailleurs, ils subissent les conséquences. "

M. le ministre, le problème de Marine — je pense que vous l'avez constaté autant que moi — est un problème de mauvaise administration. Le personnel responsable en grande partie était devant nous et c'était un témoignage assez intéressant. Je peux vous assurer, M. le ministre, que les travailleurs du Québec ne partagent pas votre idée que les cadres, que les "boss " doivent être plus taxés ici qu'ailleurs. (17 heures)

Si vous pouvez lui donner un "boss", un administrateur efficace, un administrateur compétent et des cadres autour de lui qui sont efficaces et compétents. Cela lui est égal si le monsieur conduit une Cadillac, s'il a une grande maison, s'il a des habitudes bizarres de boss " et s il veut jouer au golf et ainsi de suite. Je peux le dire d une façon assez précise parce que j'ai moi-même été un "boss" pendant plusieurs années. Je le sais parce que j'ai vécu l'expérience moi-même. Qu est-ce que cela veut dire, pour un travailleur, de travailler dans un chantier comme Marine Industries ou Perkins Paper où j'étais quand j'ai commencé? Vous arrivez le matin dans une usine sale, où même les toilettes sont sales. Les machines ne sont pas bien entretenues, la marchandise, la matière brute est de mauvaise qualité, les commandes ne sont pas correctes, il est obligé, comme à Marine, non seulement de fabriquer, mais de reprendre et de refaire deux, trois, quatre fois, et arriver à la fin de l'année avec des pertes.

Ces jours-ci on a beaucoup parlé des profits. Je pense qu'il y a tendance, aujourd'hui, à ne pas aimer les profits. Mais le contraire d'un profit, M. le ministre, c'est une perte. Et une perte, c est un gaspillage. La perte — et je prends encore I exemple de Marine — c est quand vous prenez S1 million d'acier, de matières de nos richesses naturelles, vous ajoutez une année de main-d oeuvre pour un autre million de dollars, et vous créez quelque chose dont la valeur sur le marché est de S1 500 000. Vous mettez S2 millions de main-d'oeuvre et de matériel et vous créez quelque chose dont la valeur est de $1 500 000. C'est une perte et c est un gaspillage non seulement de nos richesses naturelles, mais un gaspillage du travail d'une personne qui est obligée de se dire à elle-même et de dire à sa famille: Qu'est-ce que j ai fait cette année? J'ai gaspillé mon temps, j'ai passé mon temps à faire quelque chose qui ne vaut pas tout ce que j'y ai consacré. Pour moi, M. le ministre, il est essentiel que ces choses ne se répètent pas. Et tous les travailleurs savent très bien que c'est essentiel, si on veut vivre ici au Québec dans une économie efficace, il est essentiel que nous ayons des cadres compétents, des cadres québécois qui sont formés ici, qui acceptent de rester ici et qui travaillent dans un climat où ils peuvent gagner un salaire équivalent et avec des conditions équivalentes à celles des autres régions du pays.

Alors, vous me dites: M. le député, c'est bien beau tout cela, mais ce n'est pas nécessairement essentiel que les gens travaillent seulement pour les salaires. Vous ne pouvez pas me dire, M. le député, que si je change le taux d'impôt, tous les administrateurs deviendront efficaces le lendemain. Je suis complètement d'accord. Ce n'est pas vrai. Mais c'est une question de climat. Vous avez admis, aujourd'hui, M. le ministre, que cette question de l'impôt n'est pas une question de revenu. Vous avez dit vous-même que le montant que vous allez gagner là-dessus sera minime parce que vous avez dit que le coût, pour les cadres, sera très minime. Comme vous l'avez dit, c est symbolique. Cela relève d'un engagement de votre parti dans son programme "... de réduire graduellement les écarts de revenus par divers moyens, dont l'impôt progressif". Et vous avez répété aujourd'hui que, dans le Québec, nous avons une certaine conception de l'équité sociale très différente de la philosophie sociale de l'Ontario. C est symbolique. Vous l'avez fait pour passer un message soit à votre parti, soit à votre caucus, soit à la population — je ne sais pas — mais c'est

un message que vous avez passé. La conception de l'équité sociale que le député de Mont-Royal vous a invité à préciser, qui est très différente de celle de l'Ontario, d'après vous, je trouverais intéressant aussi de savoir votre définition de l'équité sociale et de la philosophie de l'Ontario. Mais vous insistez en effet, dans votre projet d association, sur le fait que nous serons tous ensemble et qu'il y aura, a dit le premier ministre, la libre circulation des produits, des capitaux et des personnes'. C'est une contradiction, pour moi, à l'intérieur de votre projet de souveraineté-association.

Je vais mettre cela de côté pour le moment. Je vais simplement vous dire, pour la troisième fois cet après-midi, je pense, que si vous ajoutez ce message aux cadres, que si vous restez ici, il faut vous attendre à ce que nous recherchions une société égalitaire, une société où éventuellement les cadres recevront un salaire à peu près équivalent aux travailleurs, si vous voulez. Si vous continuez de passer ce message et si vous l'ajoutez aux autres mesures que le gouvernement a faites dans la même direction, vous risquez, je pense, de perdre l'élément essentiel pour le bonheur, la satisfaction, dans le monde du travail, des travailleurs du Québec. Il y a des gens qui savent beaucoup plus que vous aujourd'hui que dans l'industrie il faut des gestionnaires qui sont efficaces, qui sont dévoués, qui sont compétents et qui peuvent travailler avec les autres pour préparer la relève dans une compagnie. Je pense que ce n'est pas un point qu'on peut soulever trop souvent.

En terminant, M. le Président, je voulais tout simplement faire une toute petite réflexion avec vous sur les raisons de cette politique du Parti québécois et, semble-t-il, du ministre des Finances. J'ai été frappé par les paroles du député de Mercier concernant ces questions. Pourquoi cette politique de réduire graduellement les écarts de revenus par divers moyens, dont l'impôt progressif? Il y a 20 ans, je pense, les cadres, les riches étaient des anglophones et les pauvres étaient des francophones. C'était intéressant pour la majorité de dire: Ecoutez, on va taxer les anglophones. Mais, aujourd'hui, je ne crois pas que ce soit l'essentiel, parce que je suis persuadé, et vous pouvez le vérifier, qu'on a pas mal de francophones parmi les cadres; au-dessus de $30 000, c'est probablement assez proportionnel.

Il y a certainement de l'idéalisme, l'idée que l'humanité doit créer une société égalitaire. Pour moi, M. le Président, cette politique c'est quelque chose qui va beaucoup mieux dans la vie personnelle et privée que dans la vie collective. Si tu cherches à arriver à une vie égalitaire, il vaut mieux te regarder toi-même, ton comportement, la façon dont tu traites les personnes que tu connais, plutôt que d'essayer de l'imposer dans une politique d'un gouvernement. Je pense que c'est cela. Je pense que le problème, la raison pour cette idée qui est incarnée dans cette clause du Parti québécois se révèle dans les paroles du député de Mercier, quand il disait: Pour recevoir les revenus qu'il nous faut, il faut ou plus taxer les riches ou plus taxer les pauvres. C'est lié à une conception d'une économie où il y a un montant de richesses fixé. C'est une idée qui est dépassée depuis 60 ans au moins, peut-être depuis plus longtemps que cela, l'idée que nous avons un montant de richesses fixé qu'il faut diviser entre le monde d'une façon équitable. Mais tout ce que nous avons vécu ici en Amérique du Nord depuis 200 ans nous révèle clairement que ce n'est pas le cas, que c'est bien possible d'avoir une société où les riches deviennent moins taxés et les pauvres deviennent moins taxés et tout de monde devient plus riche. Le produit national du Québec à l'heure actuelle est de $50 milliards, je pense. En 1900, c'était probablement $1 milliard; c'est donc augmenté de 50 fois. C'est possible de créer des richesses. Si vous mettez des éléments ensemble, que vous travaillez ensemble, c'est possible de découvrir, M. le Président et M. le député de Mercier, que tout le monde peut devenir plus riche. Ce n'est pas un montant fixé, vous comprenez? Ce n'est pas nécessaire, je veux dire, de plus taxer les riches ou de plus taxer les pauvres...

Une Voix: On ne comprend pas. Expliquez cela!

M. Scowen: C'est l'esprit dans lequel le député — d'après moi, peut-être que je ne l'ai pas compris — a parlé, c'est un esprit qui anime la politique du Parti québécois.

M. Alfred: M. le Président, est-ce qu'il me permet une question? (17 h 10)

Le Vice-Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est-ce que vous permettez une question? La question est permise.

M. Jolivet: La question est permise.

M. Alfred: M. le député, vous venez d'argumenter en disant qu'il faut s'arranger parfois pour que tout le monde devienne plus riche. Pour le commun des mortels, pour le travailleur qui vous regarde, qui vous entend, qui a bien vu le budget de M. Parizeau qui a diminué les taxes pour 90% des travailleurs, êtes-vous capable de préciser votre façon de penser lorsque vous critiquez le budget de M. Parizeau?

Le Vice-Président: D'accord, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Marchand: C'est ce qu'il faisait.

M. Scowen: Je pense, M. le député, que vous et moi pouvons nous entendre très bien sur l'idée que tout le monde peut devenir plus riche parce que je connais un peu votre pays et, en comparaison avec le Canada, c'est quelque chose qui est intéressant à...

M. Alfred: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Papineau.

M. Alfred: Je respecte beaucoup la science du député de NDG, mais lorsqu'il compare Haïti et le Québec, franchement c'est comparer, bien sûr, des arachides avec du beurre.

M. Scowen: Oui, je vais...

Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît! Si vous me le permettez, un instant. Juste un instant, s'il vous plaît! Il n'y a peut-être pas de question de privilège, parce que M. le député de Papineau a déjà déclaré en cette Chambre que son pays, c'était le Québec.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Pour faire suite à la conversation avec le député en dehors de la Chambre, pour répondre plus spécifiquement à sa première question, oui, je peux le préciser. Je suggère fortement que le ministre crée, avec sa politique de l'impôt, un climat favorable pour que les gestionnaires, les entrepreneurs — je parle des grandes compagnies et des entrepreneurs des petites et moyennes entreprises qui sont aussi affectés — les gens qui créent les idées, les nouveaux principes, les bons administrateurs, les chercheurs, tous les gens qui gagnent plus de $30 000, si vous voulez, soient moins taxés qu'en Ontario. Pour que ce soit un élément d'attraction afin que nous puissions attirer ici au Québec les gens les plus stimulants, les gens les plus intéressants pour le développement de notre économie. De cette façon, on va perdre quelques points d'impôt avec quelques milliers de personnes, on va perdre quelques millions de dollars en impôt pour quelques années. D'après moi, on va gagner, en impôt sur le revenu de tout le monde et sur le revenu des compagnies, mille fois plus. C'est un exemple concret.

Je pense que je dois terminer, M. le Président, parce qu'il y a certainement d'autres... Franchement, je n'ai pas beaucoup plus d'idées non plus. Je veux simplement terminer en répétant le point avec lequel j'ai commencé.

Quand M. Parizeau...

Une Voix: M. le ministre.

M. Scowen: ... crée un climat ici, pour les cadres gagnant au-dessus de $30 000, qui rend encore plus grand l'écart entre leur revenu net, et celui qu'on a en Ontario, il rend un mauvais service à ces cadres. Ces derniers sont déjà venus le lui dire amplement. Il a parlé avec tous les hommes d'affaires. Il a reçu le message. Le message que je voulais passer aujourd'hui, c'est que c'est un mauvais service rendu également aux travailleurs du Québec qui ne partagent pas ses idées d'un plan social pour tout le Québec, qui connaissent très bien les liens entre l'efficacité et l'optimisme de ces cadres — les leaders, les boss, si vous voulez — et leur propre bonheur. C'est non seulement important pour les travailleurs, mais c'est important pour les 110 000 personnes qui, aujourd'hui, cherchent du travail ici au Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: M. le Président, vous me permettrez d'intervenir pendant quelques minutes sur ce projet de loi du ministre des Finances qui semble un peu anodin, même s'il est bien épais, en parlant toujours du projet de loi.

Il semble que le ministre des Finances ait réussi, cette fois-ci encore, à exposer à la population qu'il a fait un effort pour baisser les taxes du contribuable. Ce que disait tout à l'heure le député de Johnson d'une façon très claire, c'est que, quand on prend ses propres chiffres et qu'on regarde ici à la page 11 de l'annexe III, on voit: "Estimation budgétaire — c'est bien écrit noir sur blanc — $3 946 000 000". Quand on retourne à la page 22 du budget, on voit: " Mode actuel de comptabilisation, $4 196 000 000. On dit: Là, il y a une petite différence de surplus de $250 millions, qu'on soit allé la chercher là où l'on veut. On sait que c'est de l'impôt sur le revenu qu'on parle actuellement, en général. Donc, il y a quelqu'un qui a payé la différence de $250 millions et cela semble être le même nombre de travailleurs. Comment le ministre a-t-il pu réussir à réduire les taxes du contribuable et à obtenir $250 millions de plus?

M. Parizeau: Une correction de fait. Quel article est-ce?

M. Russell: M. le Président, le ministre a certainement le droit de réplique. Je ne voudrais pas le priver de son droit de réplique. S'il commence à me répondre actuellement, cela va le priver de son droit de réplique et je ne voudrais pas être injuste.

Le Vice-Président: Quand même, comme le ministre a posé une question, il peut toujours invoquer l'article 96 parce qu'il a fait le discours ou il peut demander au député s'il lui permet une question, ou il peut attendre sa réplique.

M. Parizeau: Je voudrais demander au député s'il me permet tout simplement de corriger une question essentiellement comptable. N'oublions pas une chose, c'est que la Régie de l'assurance-maladie du Québec, qui reçoit des revenus et qui a des dépenses, a été intégrée dans une nouvelle comptabilité du gouvernement cette année. Alors, forcément, entre l'ancienne comptabilité et la nouvelle comptabilité, il y a des différences. Cela va de soi, puisque la Régie de l'assurance-maladie est maintenant dedans, alors que, l'an dernier, elle était dehors.

Le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, je comprends qu'en changeant de comptabilité cela a dû réduire le fardeau fiscal du contribuable. C'est ce que je tente d'expliquer au ministre et, tout à l'heure, il

pourra, dans sa réplique, prendre tous les moyens à sa disposition pour expliquer aux contribuables qu'ils paient moins d'impôts qu'ils n'en payaient dans le passé. Je sais qu'il y a eu un concours de chiffres aujourd'hui, entre le ministre des Finances et le député d'Outremont. Je sais que ce n'est pas tellement facile de passer tous ces grands tableaux un par un et de tâcher de les expliquer aux contribuables afin de leur faire comprendre en quelques minutes qu'ils paient moins de taxes. Ce que veut le contribuable, c'est savoir si, à la fin de la semaine, du mois et de l'année, il lui reste plus d'argent. Je dis non.

La loi actuelle a soulagé certains contribuables et en a affecté d'autres. Tout à l'heure, on a parlé du voyageur de commerce, de l'employé autonome et de tous ces gens. J'écoutais le député de Mercier qui parlait des gros gars qui se promenaient dans des bagnoles avec des Z. Cela m'a réellement impressionné. Je sais qu'il a parlé aussi de certains partis de l'Opposition qui accusaient le Parti québécois d'être communiste. Au sujet de cette remarque, je voudrais simplement lui dire ceci: Je n'ai jamais voulu accuser le Parti québécois d'être communiste et j'ai même défendu, à certains moments, le Parti québécois en disant qu'il n'était pas communiste. Je me rappelle qu'à l'occasion d'une assemblée publique j'avais été interpellé par un électeur qui m'avait dit: Est-ce vrai que le Parti québécois, ce sont tous des communistes? J'ai dit: Non, ce serait faux de dire cela. Et j'avais dans mes mains le programme du Parti québécois. J'ai dit simplement: Si le Parti québécois appliquait son programme, tel qu'il l'a énoncé, ce serait plutôt un programme socialiste qui pourrait peut-être laisser l'impression qu'il veut gouverner à la porte du communisme. Mais une chose qui est certaine, s'il y en a des communistes dans la province, ils ne sont pas avec l'Union Nationale; ils sont tous avec le Parti québécois. J'ai dit cela, oui. Ils ne sont pas avec l'Union Nationale, c'est certain. Donc, pour répondre à ceci, ce serait donner une fausse impression de dire qu'on a dit des choses comme cela.

Le député de Laprairie a peut-être des remarques. Je suis bien prêt à lui laisser quelques minutes de réplique tout à l'heure. Le député de Mercier s'est permis de prendre ses 20 minutes. Il a parlé à peu près de tout, excepté du projet de loi qui est devant nous. Donc, on va être obligé, pour tâcher de lui répondre un peu, de dévier un peu de la loi qui est en discussion actuellement. (17 h 20)

Mais pour revenir à cette loi, sans dévier trop du débat, on va poursuivre les énoncés du député de Mercier. Même s'il a parlé des grosses voitures avec des Z dessus, cela fait bien trompeur parce qu'il y a des cultivateurs qui se promènent avec des voitures avec des Z. Là on va voir un ouvrier qui s'en va derrière un cultivateur qui a une voiture avec un Z, il va dire: Wo! c'est des gros qui soutirent notre argent. Si on regarde cette mentalité qu'a le député de Mercier, je peux lui dire que la plupart de mes voyageurs ont tous des Z; j'en ai 28. Eux autres sont affectés par la nouvelle loi actuellement. Oui, ils sont affectés et pas mal. Non, ce ne sont pas des grosses voitures. Aujourd'hui, $9000, $9500, ce ne sont pas des grosses voitures. Même, le ministre des Finances va admettre cela.

Si on regarde la loi actuelle avant les modifications, si on prend la moyenne, ils auraient le droit de déduire $5200 par année. L'opération, I'enregistrement, les déductions d'assurance, ce qui était permis. Et avec la nouvelle application, ils vont avoir droit à $2317. Cela fait une différence de $2886 et pourtant, ce ne sont pas des gros gars. Ceux-là, je les reconnais encore comme des ouvriers, les voyageurs. Ce sont des gens qui travaillent des heures, de longues heures pour gagner leur argent. Ce ne sont pas des gros gars et ils se promènent avec des Z. Encore là, cela laisse une mauvaise impression à la face de la province que ces gens, même s'ils ont des Z sur leur auto, ce sont des gros gars.

Par contre, ils vont payer au fisc, cette année, avec la nouvelle loi, tout près de $3000 de plus. Cela va leur faire mal et je n'en connais pas tellement qui vont l'accepter. Ils vont se tourner de bord. Ils vont aller voir l'employeur. Ils vont vous dire: Nous autres, cela nous prend une compensation. On paie $3000 de plus, tout près de $3000 de plus par année avec la nouvelle loi. Et si on leur donne une augmentation de salaire de $3000 de plus, cela n'arrivera pas encore. Ils vont payer sur leur salaire une couple de mille dollars. Pour être juste et raisonnable, pour répondre à cette augmentation, cela veut dire qu'on serait obligé de donner à nos voyageurs au moins $4500, $5000 d'augmentation de salaire pour qu'ils arrivent au même point qu'ils étaient en 1977. C'est cela qu'est la vérité. C'est cela qui sont les faits.

M. Parizeau: L'impôt et le revenu imposable, ce n'est pas la même chose.

M. Russell: Pardon?

M. Parizeau: L'impôt et le revenu imposable, ce n'est pas la même chose.

M. Russell: C'est la même chose. Si je suis obligé d'augmenter le salaire de mon employé parce qu'il paie plus pour sa voiture qu'il payait avant et qui veut avoir, pour apporter chez lui le même montant d'argent qui lui reste net, je suis obligé de lui donner une augmentation plus l'impôt qui est imposable sur cette augmentation de salaire. Un voyageur qui fait un salaire raisonnable est certainement dans les "brackets" de 30% d'imposition. M. le Président, c'est cela qu'on appelle les gros gars dont on doit se servir pour justifier ces petites augmentations de taxes qu'on veut avoir pour augmenter les revenus de la province. On se sert de cela. Il y en a qui ont appelé cela de la démagogie, je ne suis pas prêt à accepter cela. Certains intervenants, de la façon dont ils l'exposent, on étrangle les gros pour compenser les petits.

M. le Président, c'est évident que dans une

population comme le Québec, une population ouvrière, on n'a pas tous le même salaire. Il y en a qui sont payés plus les uns que les autres parce qu'il y a différents paliers d'emplois. Ceux qui travaillent plus que les autres, qui ont des métiers différents des autres ont des revenus différents des autres. Mais pourquoi les punir, ceux-là? Parce qu'ils ont étudié plus longtemps? Parce qu'ils ont appris des métiers? Parce qu'ils sont des professionnels? C'est pour cela qu'on veut les punir? On dit: Vous faites de la démagogie quand vous pensez que les gros gars s'en vont du Québec. Evidemment, M. le Président, qui est le gros salarié si ce n'est celui qui est à la tête des décisions dans le domaine industriel? C'est lui qui décide. Evidemment, à un moment donné, il est obligé de faire un jugement, lui qui est affecté, de prendre une décision qui peut être marginale: Est-ce qu'on reste dans le Québec ou est-ce qu'on s installe dans l'Ontario ou dans une autre province du Canada? Il va regarder celle qui est la plus avantageuse. C'est cela qui est la vérité.

La même chose pour un emploi. Ce n'est pas toujours facile, et je parle en connaissance de cause. Je suis pris de chaque côté de la clôture. On a des industries dans l'Ontario et dans le Québec, et je parle en connaissance de cause, Quand il y a un gars qui paie plus de taxes dans le Québec et au même salaire que celui de l'Ontario, il va préférer travailler en Ontario, c'est évident, c'est normal.

C'est cela souvent qui fait mal, c'est cela qui fait que certains gars sont accusés de charrier, quand on veut essayer de leur faire comprendre que, si on veut maintenir un équilibre raisonnable, il faudrait arriver avec les mêmes poids, les mêmes mesures pour tout le monde, tant dans l'Ontario que dans le Québec. De cette façon on s'assurerait de garder un équilibre valable dans le domaine économique.

On pourrait vous parler du domaine agricole.

Une Voix: FEDCO.

M. Russell: Oui, on pourrait vous parler de FEDCO aussi avec l'expérience, on a des chiffres en haut, je pourrais envoyer chercher le dossier et vous prouver que des gars de FEDCO ont des voitures avec des Z aussi, surtout les dirigeants de FEDCO. Ce sont des gros salariés, ils ont certainement des voitures avec des Z, ils sont affectés, mais ils ne s'en iront pas. Cela a l'air qu'ils sont bien compensés. Ils ont l'intention de rester parce que FEDCO n'existe pas ailleurs qu'au Québec; donc, ils ne peuvent pas avoir de "jobs " semblables ailleurs, ils vont rester ici.

Mais je reviens à nos employés autonomes. On parle de cultivateurs. Le gros cultivateur est affecté de la même façon que le voyageur, que l'ouvrier qui travaille dans la direction des usines et qui a un gros salaire. C'est cela, à notre sens, qui n'est pas raisonnable, vouloir charrier en disant: Nous, nous ne voulons taxer que les gros, nous voulons détaxer le petit. Je rappelle ceci au ministre des Finances, je suis certain que, si on examine l'impôt qu'il paie sur son salaire, il est beaucoup plus élevé que celui d'un de mes ouvriers qui travaillent dans l'usine sur l'une des machines. Il paie plusieurs milliers de dollars en impôt, il faut commencer à déduire cela. Le gros salarié est peut-être celui qui est le plus affligé per capita, qui paie le plus d'impôt. Pourquoi le traîner un peu partout sur la place publique, lorsqu'on discute des lois aussi délicates que celle qui nous a été déposée par le ministre des Finances pour justifier le budget du mois d'avril dernier?

On a parlé de ceux qui ont déménagé comme Sun Life. Ils ont dit: Sun Life on leur a donné une leçon, nous, les Québécois. Cela n'a pas été une grosse leçon. Ne vous en faites pas. Quand vous parlez de gens qui déménagent, je pense qu'on ne devrait pas commencer à garrocher des pierres dans les maisons de verre. Il y a du vrai dans cela. Il y a des gens qui ont paniqué. Ce sont justement des discours comme celui qui a été fait aujourd'hui par le député de Mercier qui ne font pas peur à ces gars, mais qui les placent dans un contexte où ils disent: Si c'est cela la mentalité du gouvernement actuel, on est peut-être mieux de déménager. On ne l'accepte pas cette mentalité. C'est cela qu'il faut réellement se mettre dans la tête.

Je ne suis pas l'un de ceux à qui des paroles font peur facilement.

Une Voix: Vous faites peur.

M. Russell: Si je fais peur, c'est parce que ce ne sont pas des gars très braves; je n'ai jamais attaqué personne.

Une Voix: Non, vous faites des peurs.

M. Russell: Je fais des peurs? Je tente d'être réaliste. J'ai tenté, à plusieurs reprises, comme j'essaie de le faire cet après-midi, de dire au gouvernement: Allez-y donc lentement, n'essayez donc pas de faire peur aux hommes d'affaires du Québec, parce que les hommes d'affaires du Québec, de mentalité, ne sont pas tellement peureux. Ce sont encore eux qui sont responsables dans le domaine économique. La journée qu'on va faire en sorte que les hommes d'affaires vont commencer à se diriger ailleurs que dans le Québec, il sera inutile au ministre des Finances d'imposer des taxes, parce qu'il n'y aura plus personne à qui en imposer. Ce qui me surprend le plus, c'est quand j'entends ces prophètes dire: Dans le Québec, on augmente, on crée de plus en plus d'emplois. Par contre, on regarde tous les mois des statistiques et le chômage ne cesse d'augmenter. Il y a plus de chômage aujourd'hui qu'il y en avait en 1976, puis on a créé plus de "jobs", puis il y a moins de monde. Le produit national brut n'augmente pas comme il devrait augmenter ailleurs, mais nos revenus augmentent. Ce sont toutes ces choses... L'autre jour, je me faisais servir une réponse par un des ministres qui me disait: Vous savez, la construction pour 1979 à Montréal, cela va augmenter une affaire extraordinaire. Les bureaux, il n'y en a presque plus qui

sont disponibles actuellement, le nombre de pieds de plancher disponible comparativement à 1976, c'est fini, il n'y en a plus. Cela va forcément obliger de la construction puis on s'est servi de la construction annoncée par Bell Canada et la Banque Provinciale. (17 h 30)

Quand j'ai tenté de vérifier les chiffres, savez-vous ce qu'on m'a donné? Je ne les ai pas vérifiés, c'est une information que j'ai reçue. En 1976, dans le domaine industriel et dans le domaine commercial, c'étaient cinq millions de pieds libres; quand on a demandé les chiffres pour le mois de décembre, au début de décembre, c'étaient trente millions de pieds. Cela semblait un peu contraire à ce qu'on m'avait dit ici. Pourtant, je lui posais une question très simple, je voulais qu'il y ait de l'action. Cela me surprend, encore là, quand ils disent: La construction, on en a eu autant que l'an dernier, cela a même dépassé. Quand on regarde les statistiques, on s'aperçoit que quand on compare 1974 et 1978, il y a 50% de moins de construction dans la ville de Montréal qu'il y en a eu en 1974.

C'est ce qui se passe. Ce n'est pas nous qui le disons, les chiffres sont là. Ces gens doivent lire comme nous, ils doivent pouvoir comprendre les statistiques comme nous. Ce n'est pas nous qui le faisons, ce sont les faits réels qu'il faut envisager. On se dit: II n'y a plus de construction dans la ville de Montréal, il n'y a plus de chômeurs! Expliquez-moi cela, M. le Président! C'est ce que je voudrais que le ministre des Finances m'explique. C'est aussi ce que le député de Mercier aurait peut-être fait mieux d'expliquer plutôt que d'essayer de démontrer qu'il fallait se débarrasser des gros. En parlant de gros, je fais peut-être le poids moi aussi, je suis assez lourd à déménager et je ne suis pas prêt à déménager. Je vais rester ici, mais à une condition, par exemple. A la condition que je sois respecté comme tous les autres qui se servent de l'argent du gouvernement pour monter des usines qui ne sont que des photos de déficits, des monstres de déficits. La semaine dernière, le député de Notre-Dame-de-Grâce y a fait allusion. C'est cela que je voudrais voir nettoyer dans le Québec, ces gens qui se servent de l'argent du petit, si on peut les appeler ainsi, pour monter des bébelles comme Marine et d'autres semblables dont je ne veux pas faire la litanie cet après-midi, on aura l'occasion de la faire dans d'autres circonstances.

Je veux démontrer à la face de notre gouvernement que c'est dans ce domaine qu'il doit agir, mais pas en essayant de créer des monstres qu'il ne peut pas contrôler. Si on continue à adopter des lois comme on le fait actuellement, on aura semé assez de vent qu'on va récolter la tempête. C'est ma crainte.

En terminant, sur certains points du budget du ministre, je tiens à dire particulièrement que les augmentations de taxe sont complètement injustes. Non pas pour les gros, pour les Z, mais pour ceux qui gagnent plus que les petits de la manufacture, qui doivent payer beaucoup trop cher. Ils gagnent peut-être plus parce qu'ils font plus d'heures et parce qu'ils ont un emploi qu'ils ont mérité. Ils ne sont pas trop payés. Pourquoi les traiter injustement, ceux-là? Ceux-là et ceux qui voyagent sur les routes, on les taxe injustement. On commence à en payer des taxes sur l'automobile, aujourd'hui. Ce qui me surprend le plus — aujourd'hui, j'ai eu sept ou huit appels téléphoniques drôlement intéressants — c'est qu'on est en train de dimunuer les services sur les routes.

C'est pour cela que j'ai dit au ministre des Finances: Si vous voulez commencer à taxer les voyageurs comme cela, tâchez de vous arranger pour les protéger sur les routes. N'enlevez pas les services qu'on avait sur les routes. C'est rendu pas mal drôle, ces choses-là, et on doit prendre les mesures pour corriger cette situation.

Je voudrais terminer là-dessus. Je sais que le ministre des Finances est allé se reposer pour reprendre la tâche tout à l'heure. Il fera sa réplique et il pourra me répondre. Il me dira en quoi celui qui voyage pour gagner son pain ou celui de sa famille paie plus de taxes. Il justifiera l'augmentation de taxes chez lui, il justifiera l'augmentation de taxes chez l'employé autonome. Il nous expliquera cela. L'agriculteur a aussi des augmentations de taxes. Tout à l'heure, en discutant les articles un par un, on va les revoir et il nous expliquera tout cela. Je sais qu'il ne peut pas administrer...

M. Parizeau: Sur une question de privilège, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le ministre sur une question de privilège.

M. Parizeau: J'ai indiqué ce matin, au début de ce débat, que je m'excusais à l'avance auprès des intervenants parce qu'ayant une chose urgente, dont on comprendra mieux à 20 heures ce soir les tenants et les aboutissants, il faudrait que je m'absente à plusieurs reprises dans le courant de la journée pour régler cette question.

Je m'en suis excusé à l'avance. Je m'en suis excusé personnellement aux critiques officiels des partis d'Opposition. Je n'aimerais tout de même pas qu'on vienne me dire maintenant: II est sorti pour aller se reposer. Je ne suis pas sorti pour aller me reposer; je suis sorti pour corriger un texte qui doit sortir à 20 heures et qui est une affaire, je pense, de première importance.

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le député.

M. Russell: M. le Président, je sais que le ministre s'est senti visé. Je présume que les téléspectateurs ont entendu les remarques qu'il a faites ce matin. Il s'est excusé. Il est bien libre de sortir de la Chambre, comme moi, s'il n'a pas la parole. J'ai, quand même, le droit de faire des remarques. Je ne l'ai pas accusé de manquer ni à sa tâche ni à son devoir. J'ai simplement dit qu'il était

sorti probablement pour aller se reposer. Je n'ai pas...

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le député, je voudrais que vous terminiez, comme vous l'aviez prévu tout à l'heure.

M. Russell: Oui, M. le Président, j'avais l'intention de terminer, mais je voudrais reprendre les propos tenus par le député de Papineau qui m'accuse de faire des niaiseries.

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le député, je m'excuse. Votre temps est écoulé et je voudrais que vous terminiez.

M. Russell: Je vais le faire, M. le Président, en vous priant de demander au député de Papineau, qui m'accuse de faire des niaiseries et dont les propos ne sont pas tellement parlementaires, d'avoir la politesse de retirer ses propos.

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le député, je m'excuse quant à votre demande; je n'ai en aucune façon entendu ces propos dont vous affublez le député de Papineau. M. le député de Robert Baldwin.

M. John O'Gallagher

M. O'Gallagher: Quelques petits commentaires, M. le Président, je ne vous retiendrai pas longtemps. Si vous me le permettez, je vais les faire en anglais.

Mr President, at a time when this province is faced with economic difficulty, and great difficulty at that, and when unemployment is at its highest, it is inconceivable that the minister of Finance can use a tax law to impose his notion of social justice. This law, granted, reduces tax on the average person earning under $15 000. But it imposes a higher tax on those in our society who earn more that $25 000. As a Quebecer, I am indeed delighted that we are no longer the highest taxed in this country in the bracket of those who earn $15 000.

But why, at this time in our history, impose higher taxes on that element of our society who, in general, are responsible for creating jobs and providing economic stimulus? The minister, Mr President, should have at least held the tax line on those earning over $25 000 because, in my opinion, the monetary gain will certainly be offset by the bad effect of this tax. The minister's remarks, this morning, made much of the fact that, in his opinion, Toronto and Montreal were almost neck and neck in popularity as to their attractiveness to business in general. That is absolute nonsense. Toronto and all of Ontario, for that matter, will always be more attractive than Montreal to the business community regardless of the relative cost of living in each city for as long as the Quebec government demonstrates that it is antibusiness. The brain drain resulting from the exodus of head-offices will not be diminished if we keep on increasing income tax at the executive level and imposing laws such as bill 101 that harass business in general. (17 h 40)

This government, during the last two years, has introduced other legislation that makes it more difficult for the small businessman to do business in this province, such as law 45 and its resulting regulations that make it difficult for the small entrepreneurs of this province to keep in business in these difficult times, instead of imposing more and more restraints whether they will be financial or cultural for that matter on business and entrepreneurs, it is time that this government did something for them. The tax increase on high wage earners and tax on business automobile for that matter is not reasonable nor is it justified at a time like this.

Le Vice-Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je voudrais parler pendant quelques minutes sur ce projet de loi afin d expliquer clairement à la population du Québec cette augmentation d'impôt sur le revenu des particuliers qu'on veut faire voter aux députés de l'Assemblée nationale. Lorsque j'entendais le ministre des Finances, les députés du Parti québécois charrier que c'était une diminution d'impôt qu on avait cette année et qu'on se préparait à nous faire voter le projet de loi 65, pourtant dans les rapports mêmes du ministre des Finances, on nous dit qu'il y a une augmentation d'impôt qui sera payée en 1978-1979, comparée à 1977-1978, donc deux années qui se suivent, et augmentation d'impôt payée par les citoyens du Québec, par les travailleurs, par les travailleuses du Québec.

Là-dessus, M. le Président, même si le ministre des Finances, tout à l'heure, essaiera de nous faire accroire que c'est parce qu'on a changé la façon de comptabiliser, qu'on a ajouté cette année le régime d'assurance-maladie et que c'est cela qui fait la différence, M. le Président, j'ai en main, ici, devant moi, le discours du budget du ministre des Finances, le discours que lui-même a prononcé en cette Chambre il y a environ 7 ou 8 mois. On nous dit: Bien sûr qu'il y aura un nouveau mode de comptabilisation. Mais on dit aussi, dans ce même discours du budget, le mode d'autrefois ce que c'était, et le mode actuel ce que c'est comparé à autrefois, et avec le même système, qu'est-ce que cela représente.

Avec l'ancien mode de comptabilisation, M. le Président, en 1977/78, cela veut dire l'an dernier, on avait collecté des contribuables du Québec $3 946 000 000 de taxes, sans compter le régime d'assurance-maladie. Cette année, avec exactement le même mode de comptabilité qu'il y avait autrefois, on va collecter $4 196 000 000 de taxes des travailleurs et des travailleuses du Québec. M. le Président, si on compte comme il faut, si on prend notre crayon et si on fait des chiffres précis, cela veut dire que les Québécois et les Québécoi-

ses qui travaillent aujourd'hui au Québec paieront $250 millions de plus d'impôt sur leurs revenus, et on va essayer maintenant de nous faire croire que ce qu'on nous présente aujourd'hui c'est une diminution d'impôt. C est une augmentation d'impôt. Et ceux et celles qui vont voter tout à l'heure sur ce projet de loi, vont voter en faveur d'une augmentation d'impôt payée par les citoyens du Québec; augmentation de $250 millions. C'est très clair, d'après le livre du ministre des Finances, d'après le discours du budget du ministre des Finances.

En plus, on nous dit: Cette année, on change notre méthode de comptabilité et il y aura $424 millions de régime d'assurance-maladie et, finalement, ce sera $4 620 000 000; cela est correct. Je comprends qu'il y a eu des changements, mais il faut surtout comparer les mêmes méthodes. On n'essaiera pas de fourrer la population du Québec en faisant croire qu'on diminue les impôts lorsqu'on les augmente. Là-dessus, il faudrait être clair et dire à la population du Québec clairement qu'on va chercher dans ses poches $250 millions de plus.

Chez qui maintenant va-t-on aller chercher ces sommes, M. le Président? Bien sûr, on a diminué certains impôts, on en a augmenté d'autres, mais l'impôt total payé par tous les citoyens du Québec sera de l'ordre de $250 millions de plus. On a diminué le taux d'imposition de certaines personnes, je le reconnais. J'ai été le premier à dire que j'étais heureux de constater une diminution d'impôt. Mais on nous avait promis, par exemple, l'indexation des impôts, ce qu'on n'a pas fait. On ne l'a pas fait encore et pourtant cela a été promis par le Parti québécois avant la dernière élection. Cela a été promis pendant la période électorale. Cela a été promis par la suite au premier discours du budget, quand on nous a dit: Ne vous inquiétez pas, l'an prochain on va indexer les impôts. On n'a pas indexé les impôts. On les a indexés à la hausse, certainement pas à la baisse parce qu'on paie $250 millions de plus en impôt cette année.

Ce qu'on fait, on a dit: II y a certaines catégories de contribuables au Québec, on va les pressuriser davantage, on va les faire payer davantage. Les gens à qui on fait payer davantage sont des gens qui décident de l'avenir économique du Québec, qui décident d'investir ou de ne pas investir au Québec. J'ai entendu, au cours des deux dernières années, le premier ministre, lorsqu'on a discuté de la loi 101, le ministre d'Etat au développement culturel, le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, le ministre des Finances et d'autres ministres. Lorsque des hommes d'affaires, le Conseil du patronat, la chambre de commerce, des individus même se plaignaient de certaines décisions du gouvernement, on disait; Ah! Ce sont des inféodés; on n'a pas besoin d'eux autres; ce sont des bâtards; qu'ils s'en aillent donc. Pourtant, ce sont des hommes, des femmes, des gens, des Québécois et des Québécoises qui prennent des décisions d'investir au Québec. Ce sont des hom- mes, des femmes qui prennent des décisions de créer des emplois au Québec.

Il ne faut pas se demander pourquoi on 'n'a pas beaucoup d'emplois au Québec de créés dernièrement. Pourquoi n'avons-nous pas beaucoup de gens qui investissent au Québec? C'est à cause de l'attitude de ce gouvernement qui est anti-investisseur et contre ceux et celles qui veulent faire fleurir économiquement notre province. Il ne faut pas se surprendre à ce moment-là. L'attitude du ministre des Finances, dans cette nouvelle table d'impôt dans le projet de loi qu'on nous présente, est claire. C'est un message clair, net et précis à tous ceux qui veulent investir au Québec et qui veulent créer des emplois au Québec. C'est le suivant: Non, on ne veut pas vous avoir. Allez-vous-en à l'extérieur du Québec. Les sièges sociaux, les centres de recherche, tous ceux qui veulent nous aider un petit peu à développer le Québec, on n'a pas besoin de vous autres; sauvez-vous donc. Allez investir à l'extérieur. Allez investir au Nouveau-Brunswick, en Ontario, en Alberta, quelque part ailleurs. Ne venez pas investir au Québec; si vous venez ici, nous autres on vous pressurise et on va faire en sorte de vous taxer davantage; on va faire en sorte de vous punir si vous voulez venir investir et lancer un commerce ou une industrie, si vous voulez venir nous aider à faire fleurir le Québec économiquement.

La décision du ministre des Finances de ce côté-là, en présentant le projet de loi d'aujourd'hui, je l'ai dit à l'époque, le soir du discours du budget, je l'ai redit par la suite et je le redis encore aujourd'hui parce que c'est vrai: C'est un suicide économique pour le Québec à long terme que ce qu'on nous présente présentement parce qu'on veut éliminer tous ceux et celles qui investissent pour créer des emplois au Québec.

M. le Président, c'est la vérité sur des chiffres présentés par le ministre des Finances lui-même. C'est une analyse très claire, très précise de ces chiffres. Je ne crois pas qu'un seul député raisonnable en cette Chambre, qui veut le développement économique du Québec puisse appuyer un tel projet de loi.

On a ensuite trouvé une façon bien élégante de taxer davantage tous les travailleurs autonomes: les voyageurs de commerce, les cultivateurs, les propriétaires de petites entreprises, les petits commerçants, les garagistes, les épiciers, les barbiers, tous ceux qui peuvent se servir de leur automobile pour travailler et gagner leur revenu, on a trouvé une façon indirecte, de les taxer davantage et de les punir, parce qu'ils sont des travailleurs autonomes et parce qu'ils ont besoin d'une automobile pour gagner leur vie au Québec. On a trouvé une façon élégante, sans que cela paraisse, d'augmenter leurs taxes, leur impôt sur le revenu.

Là aussi, tous ceux et celles qui voteront pour ce projet de loi vont pénaliser l'épicier du coin, vont pénaliser le barbier, vont pénaliser le garagiste, vont pénaliser le vendeur d'assurance, vont pénaliser tous ces travailleurs autonomes qui

profitent à l'heure actuelle d'une automobile, qui ont besoin d'une automobile et qui peuvent déduire leurs dépenses d'automobile pour gagner leur vie.

Là-dessus, on a parlé des grosses automobiles tout à l'heure. Un voyageur de commerce qui voyage dans toute notre province — il n'a même pas besoin d'aller vendre à l'extérieur — fait en moyenne de 40 000 milles à 50 000 milles par année. Alors, en kilomètres, cela veut dire 60 000 à 80 000 kilomètres par année. Il fait cela. Il a besoin d'une automobile convenable. A l'heure actuelle, on lui permet de déprécier, de diminuer la valeur de son automobile de 20% sur $7500 au maximum. On sat que pour $7500, aujourd'hui, il n'a pas une très très grosse automobile. Donc, le bonhomme qui fait 40 000 milles par année ou 60 000 kilomètres a besoin d'une automobile qu'il va payer environ $9000 ou $10 000. Il n'a pas le droit de diminuer plus de 20% sur $7500. Il diminue $1500 sur une automobile de $10 000 mais, au bout de deux ans, il a 80 000 milles de faits ou il a 120 000 kilomètres. Son automobile est finie complètement et il faut qu'il la change pour une autre. Tout ce qu'il va avoir, c'est peut-être $3000 pour cela. Il l'aura déprécié de $3000. Lorsque sa voiture lui aura coûté $10 000, il y aura $4000 de perte nette pour ce voyageur de commerce qui travaille dans toute la province. Il faut être honnête et il faut dire cela carrément à la population, à tous ceux qui sont pénalisés. Il faut dire que le Parti québécois pénalise ces gens dans tout le Québec. Cela, c'est la vérité et il faut arrêter de faire accroire qu'on diminue les impôts de ces gens. Au contraire, on a augmenté les impôts de ces gens. Cela, c'est clair. (17 h 50)

Les cultivateurs qui pouvaient déduire leurs dépenses d'automobile, eux aussi sont pénalisés, à l'heure actuelle, à cause de cela. Cela aussi, je vous assure que c'est grave. Les vendeurs d'assurance sont pénalisés à l'heure actuelle. On les a pénalisés une première fois avec la Loi sur l'assurance automobile. On les pénalise une deuxième fois maintenant avec l'impôt vis-à-vis de la déduction de leurs dépenses d'automobile.

M. le Président, je pense bien que ce sont des décisions importantes qui ont été prises dernièrement par notre gouvernement actuel, le gouvernement péquiste, pour pénaliser les contribuables québécois. Il faudrait être honnête de ce côté, M. le Président. Il faudrait dire clairement qu'on taxe davantage les contribuables du Québec. Là, ce serait dire la vérité si on le présentait comme cela de la part du gouvernement et qu'on disait: Ecoutez, on a besoin d'argent. On vous donne des services sociaux. On a besoin de telle ou telle chose. On veut nationaliser l'amiante. On veut dépenser de l'argent, $140 millions dans la Société générale de financement, une autre entreprise d'Etat. On veut donner de l'argent à SIDBEC, encore $100 millions.

Si on disait: On a besoin d'argent pour faire vivre les sociétés d'Etat et les administrateurs de ces sociétés d'Etat, je pourrais peut-être comprendre et dire: Au moins, le gouvernement est honnê- te dans ses décisions. Ce n'est pas cela; on essaie de cacher la vérité à la population du Québec et c'est là-dessus, M. le Président, que les députés des partis de l'Opposition critiquent sévèrement le gouvernement. M. le Président, je dis que du côté du gouvernement, quand on discute de finances, ou on ne connaît pas cela, ou on n'est pas honnête avec la population du Québec, ou on veut cacher la vérité à la population du Québec. C'est le temps ou jamais de démasquer un tel gouvernement. Qu'on le dise qu'on taxe davantage et surtout qu'on dise pourquoi on veut taxer davantage la population du Québec.

M. le Président, je veux dire en terminant que tous ceux et celles qui vont voter tout à l'heure pour ce projet de loi vont voter pour une augmentation de taxes venant des poches des contribuables du Québec. Au moins, ces gens devraient se lever, se promener dans leur comté et dire à leurs gens qu'ils les ont taxés davantage. Quant à nous, nous voterons contre un tel projet de loi.

M. Raynauld: M. le Président, en vertu de 96. Le Vice-Président: M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je suppose que le ministre va faire sa réplique, soit maintenant, soit après le dîner. Mais, avant, je voudrais soulever une question de privilège...

Le Vice-Président: D'accord. Je me demandais quel était...

M. Raynauld: ... en vertu de 96 pour clarifier les choses. Je pense qu'on n'est pas ici pour confondre la population. Très brièvement, M. le Président. J'ai examiné, dans les chiffres que j'ai présentés ce matin et cet après-midi, l'impact du projet de loi no 65 sur l'impôt à payer. C'est cela que j'ai essayé de démontrer et d'examiner. Quand le ministre nous donne des chiffres sur les variations dans les impôts payés cette année par rapport à l'année passée, il tient compte de facteurs additionnels qui sont légitimes, mais je voudrais clarifier cela. Par exemple, dans les impôts payés en 1977, il y a le financement des programmes de santé qui, en 1978, était incorporé dans l'ensemble des taux.

Par conséquent, je veux affirmer ici que je maintiens toutes les déclarations que j'ai faites ce matin, mais ces déclarations ne contredisent pas nécessairement ce que le ministre a donné lorsqu'il a comparé les impôts payables l'année passée et les impôts payables cette année, parce qu'il tient compte d'autres facteurs. Je pourrais même aller plus loin, je pourrais même dire que quand on introduit, par exemple, le financement des programmes de santé, cela pourrait très bien ne pas être justifié dans les comparaisons que nous faisons aujourd'hui.

M. Godin: M. le Président, question de règlement.

M. Raynauld: Mais c'est un fait que l'année dernière, on payait, en plus...

Le Vice-Président: Est-ce que vous maintenez votre question de règlement?

M. Godin: Comme l'article 96 dit très clairement qu'il n'y a pas d'éléments nouveaux, et qu'il glissait vers un élément nouveau, je voulais l'en empêcher.

Le Vice-Président: II n'y a pas de débat qui suit une question en vertu de l'article 96.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, sur une question de directive.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que je dois comprendre des propos du député d'Outremont qu'il ne met plus son siège en jeu maintenant?

Le Vice-Président: A l'ordre! Ce n'est pas à moi d'en juger. La question est hypothétique. Le député d'Outremont a fait une mise au point qui le concernait lui et le ministre et je la prends comme telle.

M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, étant donné qu'il ne reste que trois minutes, je me demande si ce ne serait pas plus simple que je demande simplement la suspension du débat jusqu'à ce soir.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Charron: Adopté.

Des Voix: Adopté.

M. Charron: M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je dois solliciter officiellement ce qui m'a été accordé officieusement jusqu'ici, c'est la permission que, lorsque l'Assemblée se réunira à 20 heures, celle-ci soit saisie d'une déclaration ministérielle d'importance, de la part du ministre des Finances, qui n'a pas pu être faite ce matin, pour des raisons que les députés comprendront eux-mêmes à la lecture même de la déclaration du ministre des Finances, et qui concerne un sujet brûlant d'actualité.

A cette occasion, je puis affirmer que chaque parti d'Opposition et les députés de partis non reconnus recevront copie de cette déclaration avant 19 heures ce soir, si cela n'est déjà fait, ce qui fait qu'à 20 heures, comme le prévoit notre règlement, ils pourront la commenter. D'autre part, je me rends à une demande du chef de l'Union Nationale à savoir que la réunion de la commission de l'Assemblée nationale qui est prévue pour ce soir, que la motion de ce matin a prévue à 20 heures, soit retardée jusqu'à la fin de cette déclaration ministérielle. La commission se réunira par la suite.

M. Bellemare: M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le chef parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Je n'ai pas d'objection à accepter cette proposition que nous avons formulée, le chef et moi, pendant l'après-midi, mais je voudrais connaître un peu la suite des débats qui auront lieu ce soir. Après que la réplique du ministre sera faite sur le projet de loi no 65, allons-nous continuer sur les lois de la fiscalité? Il y en a encore cinq ou six.

M. Charron: Ce n'est pas dans ma nature mais — j'en informe ce soir l'Assemblée, — je suis inflexible aujourd'hui sur le menu annoncé ce matin.

M. Bellemare: Est-ce que "inflexible" veut dire que le projet de loi no 110 va venir à deux heures cette nuit?

M. Charron: Le projet de loi no 114.

M. Bellemare: Le projet de loi no 114, à deux heures du matin?

M. Charron: C'est-à-dire quand les lois fiscales seront terminées. Si les députés veulent le faire...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Comme il approche 18 heures, la question est hypothétique et elle dépend des députés.

M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, je pense qu'il me serait difficile, au nom de l'Opposition officielle, de refuser le consentement que demande le leader parlementaire quant à la déclaration ministérielle que devra faire le ministre des Finances. On comprend qu'il y a une technicité pour laquelle on ne peut pas attendre. De toute façon, j'ai cru comprendre tantôt que les chefs parlementaires ou les leaders parlementaires seraient informés valablement pour qu'ils aient le temps de faire une réplique s'il y a lieu.

Le Vice-Président: Sur ce, puis-je suspendre les travaux de cette Assemblée jusqu'à ce soir 20 heures, avec l'entente que nous avons?

M. Charron: C'est exact. Suspension de la séance à 17 h 58

Reprise de la séance à 20 h 12

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Veuillez vous asseoir.

Suivant l'entente intervenue entre les formations politiques représentées à l'Assemblée nationale, contrairement aux règles habituelles qui prévalent pour les affaires courantes, c'est maintenant que je vais donner la parole au ministre des Finances pour faire une déclaration ministérielle.

M. le ministre des Finances, vous avez maintenant la parole.

Déclaration ministérielle

Acquisition de la société Asbestos

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, le 21 octobre 1977, le gouvernement annonçait officiellement son intention de se porter, à un prix équitable, acquéreur de la société Asbestos Limitée. Cette acquisition projetée constituait un des trois grands volets de la politique d'ensemble du gouvernement dans le secteur de l'amiante. Par ailleurs, le choix de cette compagnie en particulier résultait principalement du fait que son principal centre d'activités se situait au Québec et qu'elle était la seule de cette taille à ne pas posséder d'usine de transformation à l'étranger, offrant ainsi de plus grandes possibilités de transformation de la fibre au Québec même.

Pour donner suite à cette intention, le gouvernement retenait les services de la firme Kidder, Peabody & Co. Inc., de New York, à titre de conseiller financier avec pour mandat d'établir la juste valeur marchande des actions de l'entreprise et de négocier l'achat de celle-ci. Le contrat précisait que, pour les fins de son mandat, Kidder, Peabody devait s'adjoindre les services de géologues et d'ingénieurs-conseils de manière à s'assurer que toutes les dimensions techniques des opérations de l'entreprise puissent être tenues en ligne de compte dans l'évaluation.

A cette fin, Kidder, Peabody retenait les service de la firme Watts, Griffiths and McOuat, de Toronto, et signait conjointement avec celle-ci un accord de confidentialité avec la société Asbestos Limitée relatif à l'échange de certains documents essentiels à l'évaluation en cours.

Parallèlement, General Dynamics avisait Kidder, Peabody qu'elle avait retenu les services de la firme Lazard Frères & Co., de New York, pour procéder à l'évaluation de la société Asbestos Limitée.!

Le gouvernement décida en outre de s'adjoindre les services de Me Philip Vineberg, de Montréal, pour agir à titre de conseiller en matière fiscale. Tout au long de son mandat, la firme Kidder, Peabody a informé le gouvernement de l'état d'avancement de ses travaux. Elle remettait son rapport le 20 juillet 1978. Toutefois, suite à la mise à jour de certaines données et à l'étude plus approfondie d'un problème technique relié à la stabilité des pentes des mines à ciel ouvert, problème qui avait été seulement identifié dans le rapport du 20 juillet 1978, Kidder, Peabody remettait au gouvernement, le 19 septembre de cette année, un rapport complémentaire finalisant ainsi ses travaux relatifs à l'évaluation de I'entreprise.

Je désire, M. le Président, déposer devant I Assemblée les résultats de ces études. Le rapport de Kidder, Peabody, je tenterai de le déposer demain avec le projet de loi. J'y reviendrai tout à I heure, mais un sommaire des conclusions sera déposé ce soir; enfin, je le dépose en même temps que cette déclaration.

Suite à la remise de son rapport, la firme Kidder, Peabody a entrepris, au nom du gouvernement, la deuxième phase de son mandat, soit la négociation. C est ainsi que des démarches exploratoires furent entreprises entre Kidder, Peabody, d'une part, et Lazard Frères, d'autre part. Ces démarches visaient essentiellement à explorer la position de chaque partie sur la base des études réalisées de part et d'autre.

Au cours des premières rencontres, Kidder, Peabody a proposé que les études soient échangées en toute bonne foi de manière à identifier clairement la nature et la justification des écarts. Le 14 septembre, General Dynamics, par lintermé-diaire de Lazard Frères, refusa de se plier à un tel échange de documents prétextant que les écarts entre les deux évaluations étaient si substantiels que cette opération devenait inutile.

Le 27 septembre, des représentants des consultants du gouvernement, les maisons Kidder, Peabody et Watts, Griffiths & McOuat Limited, rencontrèrent à Toronto des représentants des consultants de General Dynamics, les maisons Lazard Frères, D.S. Robertson Associates et Arthur D. Little. Lors de cette réunion, les consultants du gouvernement prirent connaissance d'une étude préparée par la firme Arthur D. Little concernant les marchés de la fibre d'amiante et les projections de chiffres d'affaires pour la société Asbestos Limitée au cours des 30 prochaines années. Aucune autre information sur les résultats de I'étude de Lazard Frères n'a été transmise à Kidder, Peabody.

Le 10 octobre 1978, une rencontre eut lieu entre le trésorier de General Dynamics et ses aviseurs légaux", d'une part, et Me Philip Vineberg, accompagné d'un représentant de Kidder, Peabody, d'autre part. Cette réunion avait pour but d explorer les diverses implications fiscales relatives à l'acquisition de l'entreprise.

Par ailleurs, le 18 octobre, à la demande de General Dynamics, mon collègue des Richesses naturelles et moi-même acceptions de recevoir le représentant de la maison Arthur D. Little pour se faire exposer verbalement les conclusions de l'étude de marché entreprise pour le compte de General Dynamics.

Malgré toutes ces démarches, General Dynamics réitérait toujours sa position à l'effet qu'il n'était pas dans ses intentions de vendre ses actions dans la Société Asbestos Limitée et que,

dans ce contexte, elle était tout au plus prête à considérer une offre d'achat.

Pour sa part, le gouvernement voulait que, par l'intermédiaire de son négociateur — comme je l'ai dit tout à l'heure — Kidder, Peabody, les deux parties puissent discuter des résultats de leurs études respectives pour établir clairement la nature des écarts substantiels qui semblaient exister entre les deux évaluations. Ceci ne fut pas possible. D'ailleurs, parallèlement à ces démarches, j'ai personnellement rencontré, depuis le 21 octobre 1977, M. Guy W. Fiske, vice-président exécutif de General Dynamics, à trois reprises. J'ai rencontré une dernière fois M. Fiske le 6 décembre dernier. Cette rencontre visait à explorer les avenues possibles d'une solution acceptable aux deux parties. Elle fut suivie d'une rencontre à Saint-Louis, le 12 décembre, entre mon sous-ministre et M. Wayne Wells, trésorier de General Dynamics. Ces pourparlers n'ont pas permis de faire un rapprochement entre les deux parties.

Devant l'échec de toutes ces démarches, je veux ici me permettre, M. le Président, d'établir les éléments des évaluations respectives des deux parties telles que le gouvernement les perçoit à l'heure actuelle.

Il semble que l'étude de Lazard Frères établisse à quelque $100 le prix des actions de la Société Asbestos Limitée. D'autre part, l'étude de Kidder, Peabody établit que la juste valeur marchande des actions de l'entreprise se situe entre $40 et $42 l'action. L'écart entre les deux études est donc substantiel. Un des seuls facteurs connus du gouvernement et permettant d'expliquer une partie de cet écart est la prévision du prix de l'amiante au cours des vingt prochaines années. Sur ce point, les démonstrations qui nous ont été faites par la firme A.D. Little ne nous ont pas convaincus, bien au contraire. (20 h 20)

De plus, par l'intermédiaire de son négociateur, le gouvernement a déjà communiqué à General Dynamics la fourchette des valeurs résultant de l'étude faite pour son compte. Sur ce, General Dynamics, par l'intermédiaire de Lazard Frères, a clairement indiqué qu'un prix entre $40 et $42 l'action lui apparaissait complètement inacceptable.

Le 14 décembre, je faisais parvenir à M. Fiske lui demandant de confirmer la position de General Dynamics. J'ai reçu un télégramme cet après-midi même confirmant la position de la compagnie. Devant une telle réponse et, par ailleurs, devant l'impossibilité de discuter avec l'autre partie sur une base rationnelle et concrète, la nature des écarts présumés substantiels entre les prix suggérés par les deux études, je désire annoncer que le gouvernement entend déposer demain, en première lecture, sujet à ce que je dirai tout à l'heure un projet de loi visant à amender la Loi constituant la Société nationale de l'amiante et destinée à exproprier une partie des actifs de la société Asbestos Ltée.

Je désire déposer ce sommaire de l'étude de Kidder, Peabody dont j'ai parlé tout à l'heure et j'espère pouvoir présenter demain le rapport de l'entreprise elle-même. Je souhaiterais vivement — et, je pense, dans l'intérêt public — que l'on permette d'inscrire au feuilleton, dès aujourd'hui, ce projet de loi qui serait présenté alors en première lecture demain, de façon que le public soit au courant de ce qui se trouve dans ce projet de loi le plus rapidement possible.

Je pense qu'il est d'intérêt public qu'effectivement tous les actionnaires minoritaires d'Asbes-tos Corporation sachent ce que ce projet de loi comporte. Il me semble que si nous pouvions obtenir ce soir l'acceptation unanime que l'on inscrive au feuilleton, dès aujourd'hui, ce projet de loi, cela permettrait, dès demain de faire connaître son contenu. Merci.

Une Voix: Bravo!

Le Président: M. le député d'Outremont. M. André Raynauld

M. Raynauld: M. le Président, il n'est sans doute pas nécessaire de souligner devant cette Chambre que cette déclaration est grave et que les conséquences pour le Québec sont incalculables, mais nous savons, quant à nous, que ce n'est pas encore le temps de la réjouissance et de la gloire, car la voie que le gouvernement semble vouloir prendre est extrêmement dangereuse.

On me permettra de rappeler que la décision d'acheter une entreprise d'amiante remonte à la dernière élection et qu'elle a donné suite à ce qu'il faut bien appeler par son nom, une promesse électorale. Après cette élection, le gouvernement s'est lancé dans l'aventure tête baissée et aveuglément sur la foi de rapports incomplets et insuffisants que le gouvernement précédent avait rejetés et que nous avions abondamment critiqués et analysés en commission parlementaire le printemps dernier.

Une fois prise la décision de principe, le gouvernement s'est engagé par la suite de la façon la plus maladroite qui soit. Les péripéties de cet engagement ont également été discutées en commission parlementaire. Une décision, par exemple, annoncée avant de connaître la valeur de l'entreprise, une décision avant d'avoir vérifié si l'entreprise était à vendre à ce moment, avant de savoir ce qu'il en ferait s'il réussissait. Pour toutes ces raisons, cette approche nous avait semblé, à ce moment, irresponsable et d'inspiration idéologique sinon franchement partisane. Ne voilà-t-il pas que cet après-midi même, M. Fiske a fait une déclaration disant qu'à son avis, les négociations n'étaient même pas engagées, qu'aucune offre formelle n'a jamais été faite à General Dynamics et que la mesure que le gouvernement prend cet après-midi est une mesure qui écarte pour l'instant la possibilité de négociations ultérieures.

Ce qui pouvait arriver s'est donc effectivement produit. Le Québec aujourd'hui se retrouve sur une voie sans issue parce que l'expropriation, c'est une mesure de dernier recours et c'est une

solution qui est la pire de toutes les solutions qui pouvaient être engagées en admettant que le gouvernement ait raison sur l'objectif qu'il poursuivait d'acheter une mine d'amiante. Une expropriation permet de faire des bravades, mais le coût pour le Québec pourra être totalement disproportionné par rapport aux avantages qu'il pourra retirer. En effet, une expropriation ou une menace d'expropriation va engendrer des réactions négatives — c'est absolument forcé — va entraîner des réactions négatives sur les investissements étrangers et intérieurs au Québec.

Cette expropriation va engendrer des réactions négatives sur les emprunts et sur le crédit de la province de Québec sur les marchés des capitaux. Elle va également entraver la liberté d'action financière et budgétaire du gouvernement. Ces réactions négatives vont signifier pour les contribuables du Québec — et ces réactions ne sont pas soumises à notre propre volonté, il faut bien le comprendre — des impôts additionnels, des intérêts plus élevés en perspective, moins d'expansion et moins de croissance économique, et ce n'est certainement pas une solution au problème du chômage que nous connaissons.

C'est pourquoi en rétrospective, comme d'ailleurs c'était auparavant, notre position nous semble aujourd'hui beaucoup plus sage. La position que le Parti libéral a prise sur cette question a été d'encourager le gouvernement, dans la mesure où le gouvernement pensait qu'il avait des ressources financières disponibles, à entreprenare des investissements productifs et rentables dans la transformation des produits de l'amiante au Québec, parce que nous étions intéressés, et nous le sommes encore, à des projets d'investissements qui créent des emplois au Québec. Mais nous nous sommes en même temps opposés vivement à l'achat d'Asbestos Corporation, parce qu'un achat de compagnie existante n'augmente pas le nombre d'emplois et ne fait que transférer la richesse d'un groupe de personnes à un autre groupe de personnes.

Nous ne voulons donc pas partager la responsabilité des ennuis que le gouvernement peut rencontrer à mettre son projet à exécution et celui d'acheter Asbestos Corporation d'une façon ou d'une autre. Maintenant, à lire attentivement la déclaration qui nous est présentée ce soir, on peut se poser des questions sur les intentions véritables du gouvernement. Pourquoi, en effet, déposer un projet en disant en première lecture? Est-ce qu'on n'a pas raison d'être un peu perplexe sur la volonté que le gouvernement a d'exproprier Asbestos Corporation? S'il voulait exproprier Asbestos Corporation, il ne nous demanderait pas un consentement pour déposer un projet en première lecture; il nous demanderait d'adopter un projet de loi. Ce projet de loi en première lecture va devenir caduc avec la fin de la session.

M. Parizeau: Non, le bill omnibusl

M. Raynauld: Bien oui. C'est un projet de loi qui, s'il n'est pas adopté, devient caduc.

M. Parizeau: Non.

M. Raynauld: On ne pourra pas le revoir avant le début de la prochaine session.

Une Voix: II le réintroduira après.

M. Raynauld: Oui, mais cela veut dire qu'entre-temps le gouvernement n'a pas l'intention de procéder à l'expropriation. C'est cela que cela veut dire. Parce que, si c'était urgent et qu'il fallait le faire, il faudrait qu'il adopte le projet de loi maintenant. Alors, si le gouvernement n'a pas l'intention de procéder immédiatement à l'expropriation, on peut se demander si ce n'est pas simplement une menace que le gouvernement adresse à General Dynamics. Est-ce que ce n'est pas du bluff, un symbole, un défi pour la galerie? On peut se rappeler ici une lettre célèbre du même ministre des Finances sur la taxe de vente, le printemps dernier. (20 h 30)

Le geste était de la même nature et le ballon s'est dégonflé. D'autres questions peuvent être posées: Est-il exact, comme M. Fiske l'a déclaré cet après-midi, que le contenu du rapport Lazard a été largement exposé au ministre? Est-il exact qu'aucune offre formelle n'a été faite à General Dynamics? Nous sommes, bien sûr, à la disposition du gouvernement en ce qui concerne la loi, mais nous voulons également indiquer dès maintenant que nous ne serons pas partie à ces menaces, nous ne serons pas partie à ce bluff. Et si le gouvernement désire vraiment procéder avec le projet de loi, qu'il nous demande de l'adopter dès cette session et nous sommes disposés à lui donner notre réponse.

Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Richmond. M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais, à mon tour, au nom de l'Union nationale, émettre certains commentaires à la suite de cette importante déclaration ministérielle que vient de nous faire le ministre des Finances. Ce n'était pas facile à ce moment-ci — et j'ai cru le sentir également dans l'attitude du ministre des Finances — de faire une telle déclaration ministérielle devant la Chambre. C'est là la première difficulté, le premier écueil majeur que rencontre le gouvernement dans cette aventure à laquelle il veut s'adonner à tout prix.

Tout au cours de la commission parlementaire j'ai eu l'occasion, au nom de l'Union Nationale, de mettre le gouvernement en garde contre son projet qui était et demeure simplement une hypothèse non fondée de travail basée sur aucune garantie réelle. Maintenant, le gouvernement, tel qu'on le lui avait indiqué à ce moment-là, vient de frapper son premier mur. On voit, par la teneur de la déclaration ministérielle, qu'il n'y a pas eu effectivement de négociations, sinon tout simplement

de considérer de part et d'autre les marges d'écart qui existaient. C'est la réalité qui ressort du texte qui nous a été présenté aujourd'hui. L'Union Nationale avait averti le gouvernement qu'il n'aurait pas le choix de passer par la voie dans laquelle il s'engage actuellement. D'ailleurs, il y a un curieux phénomène qui se passe puisque, en 1975, la même société General Dynamics avait offert son bloc d'actions au gouvernement du Québec qui avait refusé à ce moment-là.

En 1976, le gouvernement du Parti québécois avait déclaré vouloir acquérir à tout prix un nouveau drapeau, un nouvel emblème, s'acheter une mine. Evidemment, la loi de l'offre et de la demande jouant, la société s'est retirée, les actions ont monté et on a vu ce qui est arrivé, on est rendu là où on est rendu. Cela ne fait que commencer. C'est le rôle de l'Opposition, comme on l'a fait en commission parlementaire, de mettre, maintenant plus que jamais, le gouvernement en garde conre les autres difficultés qu'il va devoir rencontrer sur son chemin.

D'ailleurs, tout au cours de la discussion sur le fameux projet de loi 70, à aucun moment, et même si on l'a demandé avec insistance, on n'a eu véritablement de la part du gouvernement le dépôt ou la présentation d'un plan quelconque de rentabilité avec échéancier. Au contraire. On nous a simplement déclaré, devant les questions pressantes que nous adressions au gouvernement, qu'on espérait que, dans un certain nombre d'années, on pourrait être rentable avec la Société nationale de l'amiante en s'achetant une mine. Tout ce qu'on fait, c'est créer une autre société d'Etat, une autre parmi ces nombreuses filles du gouvernement, qu'on dit sociétés d'Etat, qui vient chaque année, devant l'Assemblée nationale, faire sa procession, la main tendue, vindicative, pour demander le nombre de millions dont elle a besoin pour budgétiser, en promettant toujours, comme c'est le cas chaque année, que l'année d'ensuite, l'année prochaine, ce sera l'année de la poule aux oeufs d'or et qu'enfin on sera rentable!

C'est la même chose que le gouvernement du Parti québécois s'apprête à faire actuellement avec le projet de loi 108 où il va encore accorder $140 millions à la Société générale de financement, pour Marine Industrie, pour des dettes et des bateaux qu'on a sur les bras là-bas. Cela a été la même chose l'an passé pour SIDBEC, à laquelle on a accordé encore $125 millions avec la promesse que cette année, peut-être, ce serait rentable, ce qui n'est pas le cas. Cela a été la même chose encore dernièrement au niveau de l'Hydro-Qué-bec, qui est venue, la main tendue, demander et obtenir du gouvernement du Parti québécois au-delà de 40% d'augmentation des tarifs d'électricité en trois ans. Ce n'est pas une mince affaire sur le dos des contribuables du Québec. C'est la réalité.

Maintenant, on crée la Société nationale de l'amiante qui va, elle, s'acheter une mine pour entrer sur le marché fortement concurrentiel des mines d'amiante où il n'y a pas, comme dans l'Hydro-Québec, l'exclusivité et le monopole que l'Hydro-Québec a au Québec mais où le gouver- nement du Québec va devoir, au même titre que les autres, concurrencer des entreprises qui ont la technique, qui ont le "know-how", qui ont les marchés existants actuellement. Il y a eu d'autres difficultés qui ne sont pas écartées, M. le Président. Je l'ai soulevé à plusieurs reprises en commission parlementaire. Il y avait la question de la fameuse perception en Europe, en ce qui concerne la fibre d'amiante. A ce moment-là, lorsqu'au nom de l'Union Nationale j'ai indiqué également un certain danger qui existait à ce niveau-là, le gouvernement a tout simplement souri, en laissant entendre que ce n'était pas tellement important. Il y a deux ou trois semaines, le ministre des Richesses naturelles du Québec lui-même, avec tout un groupe, est allé effectuer son petit pèlerinage en territoire de la Communauté économique européenne pour essayer d'atténuer cette mauvaise perception des produits de l'amiante qui existe là-bas. C'était moins drôle à ce moment-là. C'était une autre difficulté et, à ce que je sache par le rapport qui a été ramené de là-bas, on n'a pas complètement éliminé cette autre difficulté.

Maintenant, il reste un autre fait, une difficulté qu'on peut voir de façon prospective en regardant l'avenir. La position du Québec, lorsque demain matin, avec cette loi de la nationalisation, le gouvernement aura enfin, avec l'argent des Québécois, acheté son drapeau et son autre emblème, c'est ceci. L'Asbestos Corporation, de Thetford, a 50% de sa production qui va à la Communauté économique européenne. C'est le président de la Société nationale de l'amiante qui vient d'ailleurs de l'indiquer et de le déclarer clairement.

La compagnie General Dynamics, qui va en souriant se laisser exproprier parce qu'elle va pouvoir récupérer ses fonds, puisqu'elle voulait les laisser dans les mains du gouvernement il n'y a pas tellement longtemps, elle, il n'y a pas longtemps, a investi en Allemagne $20 millions à Nordenham pour une usine de traitement de la fibre. Il est clair, M. le Président, qu'avec les autres fonds que la province peut lui verser à ce moment-là l'entreprise peut très bien mettre au point des entreprises de transformation connexe à sa première entreprise pouvant s'approvisionner également de la Russie, qui veut mettre de la fibre sur le marché actuellement, et, à ce moment-là, entrer directement en concurrence avec son usine qu'elle est en train de passer au gouvernement du Québec, bénéficiant en cela de l'entente InterEurope qui existe et qui stipule que lorsqu'un produit est fabriqué par un des neuf coopérants du marché européen, les huit autres s'engagent à ne pas acheter ce produit d'un autre pays hors de la Communauté économique européenne. Ce qui va garantir à l'entreprise une rentabilité en sol européen et automatiquement couper, d'une certaine façon, possiblement, la retraite en ce qui concerne le projet du gouvernement du Québec dans ce sens. On va être tout simplement pris avec une mine, avec une usine finie qu'on va devoir reconstruire et peut-être pas de marchés garantis. Sur cela on ne nous a aucunement donné d'indication.

L'objectif du gouvernement au point de départ, c'était d'augmenter le pourcentage de la transformation de la fibre d'amiante en sol québécois pour produire davantage d'emplois. C'était cela l'objectif. Je pense que cela demeure cela. A cet objectif, l'Union Nationale a dit oui, mais directement, en prenant des fonds et en les investissants dans des usines de transformation pour créer demain les emplois dans ce qu'il est possible de transformer au Québec. Mais encore là, le rêve est devenu brutalement réalité à certains égards, parce que des chiffres qu'on a sortis au point de départ, qui étaient de 8000 à 10 000 emplois possiblement créables au Québec en oeuvrant là-dedans — cela a été même inscrit dans le discours du budget une certaine année — on est passé par la suite à 4000 ou 5000 emplois pour les réduire à une possibilité de 2000 et finalement de faire dire par la firme Sorès que dans tout ce qui était faisable actuellement on pourrait, au maximum, dans l'état actuel des choses, créer 400 emplois, si tout allait bien.

C'est là dégonfler un rêve de façon assez brutale, mais c'est quand même la réalité qu'on se doit de décrire au gouvernement du Québec, en tant qu'Opposition responsable, pour éviter qu'il s'engage plus avant dans une voie aussi dangereuse que celle qu'il choisit actuellement. Le problème au Québec, M. le Président, et l'Union Nationale l'a souligné souventefois, ce n'est pas un problème d'approvisionnement en fibre; il y en a de la fibre, ce n'est pas un problème. C'est un problème de créer des industries secondaires. Le petit exemple que j'ai donné au ministre à quelques reprises, il vaut encore son pesant d'or. Si j'ai l'intention de m'ouvrir une laiterie dans une municipalité, je n'ai peut-être pas besoin, M. le Président, d'acheter toutes les fermes du voisinage ou d'acheter tous les troupeaux. J'ai peut-être besoin par exemple de m'assurer un approvisionnement suffisant pour être capable d'exploiter mon usine de transformation. C'est la situation exactement, ramenée à sa plus simple expression. Que le gouvernement s'assure de l'approvisionnement en fibre d'amiante et qu'il passe directement à de la transformation en créant dans des courts délais des emplois à court terme, ce dont on a besoin. (20 h 40)

En terminant, je vous indiquerai tout simplement que plus le projet avance, plus on se rend compte — et moins on a d'indication du contraire — qu'il s'agit là d'une simple hypothèse de travail, douteuse et non suffisamment fondée. C'est un choix, le projet de loi 70 — comme l'acquisition d'une façon ou de l'autre de l'Abestos Corporation — c'est un choix uniquement politique d'un parti qui veut, comme je l'ai indiqué, s'acheter un emblème à même les fonds publics. Cela demeure une aventure qui dénote, dans ce dossier précis — parce que j'ai l'impression qu'il y a peut-être des "pelleteux de nuages" derrière cela, quelques penseurs qui n'ont pas les pieds à terre — une naïveté économique assez grande.

Une Voix: C'est cela.

M. Brochu: Plusieurs personnes s en inquiètent. Pour terminer, j'aimerais simplement vous faire une brève citation à ce sujet, M. le Président. Des gens sérieux ont fait des études sérieuses à ce sujet dans le passé et qui méritent d'être regardées de près. Le département des sciences économiques de l'Université de Montréal, entre autres, s'est penché longuement sur cette question et a produit un document qui mérite d'être regardé à sa valeur pour mettre le gouvernement en garde contre I'aventure dans laquelle il s'embarque. Le document s'intitule Recherche des moyens concrets pour augmenter les exportations d amiante et la production de produits finis à base d'amiante faits au Québec. Très brièvement, M. le Président, on y lit à la page 22, sous le titre La nationalisation des mines d amiante, ceci: Parmi les mesures drastiques" auxquelles un gouvernement peut avoir recours pour encourager la transformation accrue de l'amiante, est celle de l'étatisation. Cette mesure, toujours en derniers recours, se conçoit quand elle s'applique à un monopole naturel et quand le marché de l'industrie est domestique et captif". Ce n est pas le cas dans le domaine de I'amiante, je vous le fais remarquer; ce n est pas un marché domestique, ni captif. Notre analyse préliminaire nous indique, cependant, que lindus-trie de lamiante écoule non seulement la majeure partie de sa production de fibre d'amiante sur les marchés internationaux, mais que la production accrue des produits transformés à base d'amiante devrait, elle aussi, être surtout écoulée sur les marchés extérieurs. Sur ce plan, la nationalisation des mines d'amiante pourrait difficilement améliorer les conditions de mise en marché de lamiante et des produits à base d'amiante et conduirait, en toute probabilité, à une détérioration de ces marchés. Si une telle mesure venait à briser I intégration verticale, jugée présumément néfaste à la transformation sur place, des entreprises qui exploitent les mines d'amiante, il est douteux quelle soit compatible avec I objectif poursuivi. Des mesures ad hoc de stimulation et d'encouragement direct à la transformation seraient davantage appropriées' .

C est ce qu'on s'évertue à vous dire, dans le fond, depuis le début: d'y aller directement sans passer par I'acquisition d'une mine. Ce ne sont quand même pas des enfants d'école qui ont écrit cela. C'est le département des sciences économiques de l'Université de Montréal. Je pense qu'on doit prendre la parole de ces gens-là et, en particulier, d'un éminent professeur d'université, qui a signé ce document à ce moment-là, un homme dont on doit prendre la parole surtout maintenant puisqu'il siège en cette Chambre et qu'il est même ministre. C'est nul autre que le voisin de pupitre du ministre actuel des Finances en la personne de Rodrigue Tremblay, économiste, qui a signé cette étude, qui est membre du gouvernement et du Parti québécois.

Je pense que ces propos ne laissent aucun

doute. Ils sont clairs, nets et noir sur blanc. Je pourrais même vous citer, mais je ne le ferai pas, des propos analogues qui avaient été tenus par le ministre des Richesses naturelles au tout début de son mandat. J'ai la coupure de presse ici.

Devant tout cela, j'invite le ministre des Finances, avec le sérieux qu'on lui connaît, à être extrêmement prudent dans ce dossier. Je l'invite même, devant l'évidence des faits et du danger de vouloir perpétuer une telle aventure sur le dos des Québécois, à faire marche arrière tout simplement dans ce projet. Je pense qu'il en sortira tout simplement grandi, comme un homme d'affaires qui, en analysant une situation, voyant qu'il y a un risque trop grand à investir dans tel ou tel secteur ou à procéder de telle ou telle façon, corrige immédiatement son tir, réajuste ses positions et procède autrement pour arriver à une rentabilité certaine.

C'est de la "business"; c'est de l'entreprise. Je pense que le ministre des Finances est au courant. C'est pour cela que je disais au tout début de mes remarques, M. le Président, que le ministre des Finances, en faisant sa déclaration, devait être un peu mal à l'aise. J'ai l'impression qu'il se rend compte de plus en plus, comme un paquet d'autres, du risque que compote cette aventure. Le gouvernement sortirait grandi d'adopter une telle attitude plutôt que de permettre à une entreprise comme General Dynamics de partir avec des fonds, qu'on n'a pas d'ailleurs et qu'on va devoir emprunter ailleurs, qui vont diminuer notre marge de manoeuvre, et d'aller investir ailleurs pour peut-être même ensuite nous faire concurrence.

Quel que soit l'état du dossier, je pense qu'il y a assez de données maintenant pour que le ministre des Finances puisse prendre une décision éclairée sur la question, et réviser, avec le Conseil des ministres, l'approche du gouvernement de ce côté. Je lui dis ceci, en terminant: L'Union Nationale, comme plusieurs membres de l'Assemblée nationale, ici, si le gouvernement veut faire marche arrière et aller directement dans de la transformation d'amiante, on va l'endosser, on va l'aider et on va lui faire d'autres suggestions comme on en a fait dans le passé.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, j'ai pris une minute et demie pour lire en diagonale la déclaration du ministre et j'ai pris bien soin de l'écouter tout à l'heure au moment où il a livré son contenu à l'Assemblée nationale. Je pense bien que très peu de gens, au Québec, ont compris la déclaration du ministre, sauf que les négociations n'ont pas abouti et qu'un projet de loi va être déposé demain. Je me demande réellement où était la nécessité de faire une déclaration ministérielle.

Cette déclaration fait suite à l'adoption d'une loi à l'Assemblée nationale, l'automne dernier, qu'on a appelée la loi 70, qui était, comme on se rappelle, une décision politique, une loi qui décou- lait d'une décision politique en vue de tenir une promesse électorale mais qui répondait surtout à des impératifs idéologiques et non pas à des impératifs économiques. Je ne pense pas qu'en changeant le capital-actions demain, demain on puisse créer des emplois nouveaux et automatiquement trouver de nouveaux marchés.

Je ne suis pas porté à croire non plus que la compagnie soit malheureuse de la nationalisation. Il suffit de connaître la région de Thetford Mines, il suffit d'avoir visité les lieux pour se rendre compte de la situation. Nous aurons d'ailleurs largement l'occasion d'y revenir lors de l'étude du projet de loi. Lorsque je dis que la compagnie n'est pas malheureuse, c'est que, déjà, en 1975, au moment où le gouvernement fédéral s'était porté acquéreur de Canadair — ce n'est pas un secret pour personne, cela a été écrit dans les journaux — la compagnie Asbestos Corporation avait offert au gouvernement du Québec un bloc d'actions. On sait très bien que les nationalisations sous le couvert d'impératifs idéologiques ont fait l'affaire de bien des investisseurs aux prises avec énormément de difficultés et énormément de problèmes.

Si le gouvernement avait été réellement sérieux, il aurait annoncé le gel des actions au moment de l'annonce de sa politique. Cela, c'est la première des choses, de quelqu'un qui veut agir de façon responsable, puisque les actions sont passées de $22 5/8 à environ $52, à ce moment-ci.

Chose curieuse, lorsqu'il s'agit des gens ordinaires, lorsqu'il s'agit des Québécois, lorsqu'il s'agit du petit peuple — je prends actuellement l'exemple de la Loi sur la protection du territoire agricole — au moment où on a annoncé le gel des terres au Québec, l'annonce d'une politique, on a procédé au gel des terres et, à partir du 8 novembre, c'était gelé. Pourquoi? Pour éviter la spéculation. C'était dangereux que des petits Québécois fassent de la spéculation, des gens de chez nous. Et lorsque le ministère des Transports a besoin d'un lopin de terrain pour l'élargissement d'une route, pour la construction d'une nouvelle route, qu'est-ce qu'on fait? Il y a une loi. On dépose les plans et c'est gelé automatiquement. Depuis douze mois qu'on a annoncé une politique et depuis douze mois le jeu des actions se promène à la bourse avec les spéculations que tout le monde connaît.

Une Voix: Des millions.

M. Roy: Des millions. Pourquoi avoir une attitude, pourquoi avoir une politique lorsqu'il s'agit des gens de chez nous, et pourquoi en avoir une autre lorsqu'il s'agit des gros financiers, lorsqu'il s'agit des trusts, lorsqu'il s'agit des cartels et apposer le timbre du gouvernement à des monopoles? (20 h 50)

M. le Président, il est permis de nous poser bien des questions sur le sérieux de cette politique de nationalisation de l'amiante. M. le Président, on ne peut trouver aucun argument sérieux sur le plan économique pour justifier cette politique. Le

seul endroit où on peut trouver des arguments, c'est sur le plan idéologique. Il n'y en a pas sur le plan économique, surtout qu'on va aller emprunter des Américains puisqu'effectivement le Québec fait ses emprunts aux Etats-Unis. On va garantir un beau 10% d'intérêts et on va payer la différence du taux de change parce que notre monnaie est flottante. Encore 1,5% à 2% qu'on sera obligé de payer en plus.

M. le Président, je vais dire comme on dit parfois: Le gouvernement a fait son lit, mais je n'ai pas l'impression qu'il se soit procuré un matelas de qualité. Le gouvernement se lance dans une aventure dont il ne connaît même pas l'issue, un long voyage sans boussole. C'est cela. Ce soir, et vous le savez, M. le Président, plus que tout autre, j'ai fait un spécial pour être à l'Assemblée nationale parce que je m'attendais véritablement à une annonce de politiques et à une grande décision. Comme à peu près tous les citoyens qui nous écoutent à ce moment-ci et comme tous mes collègues de l'Assemblée nationale, je devrai attendre à demain matin pour examiner le contenu du projet de loi.

Le Président: Merci, M. le député de Beauce-Sud. M. le ministre des Finances.

M. Grégoire: M. le Président, étant donné que la compagnie et les ouvriers d'Asbestos Corporation se trouvent dans mon comté de Frontenac, j'aimerais demander le consentement unanime, comme je représente la population là où est située Asbestos Corporation, les travaileurs de l'Asbestos Corporation. J'aimerais demander le consentement unanime...

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Une Voix: Consentement.

M. Lavoie: M. le Président, il y a plusieurs députés de notre côté qui pourraient dire leur mot sur cela. Les députés de Notre-Dame-de-Grâce, de Montmagny-L'Islet et nous ne croyons pas que le député de Frontenac puisse faire avancer le dossier, M. le Président.

Le Président: II n'y a pas de consentement. M. Grégoire: Je remercie le député de Laval...

Le Président: M. le député de Frontenac. A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Finances, votre droit de réplique.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, nous venons de voir se déclencher une sorte de grande querelle idéologique alors qu'au fond, comme le mentionnait, je pense, le critique de l'Union Nationale, il s'agit d'affaires. Il s'agit essentiellement d'affaires, et c'est dans ce sens qu'il faut s'en occuper. Il n'y a pas beaucoup plus de 3% de la fibre d'amiante extraite au Québec qui serve à une fabrication quelconque, et cela depuis fort longtemps. Tous les gouvernements qui ont regardé passer cela depuis 50 ans ont trouvé que c'était bien comme cela. Il a fallu que nous arrivions au pouvoir pour trouver cela anormal. Il y a deux façons de corriger cela. La première, déjà utilisée par la Société nationale de l'amiante, consiste à ouvrir des entre-. prises de fabrication secondaire. La seconde consiste à mettre la main sur suffisamment de fibre d'amiante pour être en mesure à la fois d'influencer les autres et, si vous me passez l'expression, M. le Président, de les faire chanter un peu.

Si vous ne voulez pas déplacer vos propres usines au Québec, nous on le fera parce qu'on a la fibre. C'est dans ce sens que l'opération du gouvernement se poursuit sur deux plans depuis déjà un certain temps. D'une part, financer des entreprises de transformation et, d'autre part, mettre la main sur une entreprise qui extrait de la fibre et, contrairement à ce que nous disait le critique de l'Union Nationale, qui extrait de la fibre sans avoir quelque opération de fabrication que ce soit. L'opération allemande dont on nous parlait tout à l'heure, ce n'est pas une opération de fabrication, c'est une opération de nettoyage et d'ensachage. Cela met la fibre dans des sacs. C'est cela l'opération de transformation! Cette optique, M. le Président, a déjà été esquissée par le premier ministre depuis le début de ce gouvernement à l'Economic Club, tout de suite après que le Parti québécois eut pris le pouvoir.

Là, je reviens à ce que disait le député d'Outremont: Catastrophe et apocalypse, les titres du Québec ne se vendront pas, le crédit va s'écrouler et les enfants seront mangés! Non, ils ne seront pas mangés, parce que depuis deux ans, nous avertissons tout le monde en Amérique du Nord, mais tous. Le premier ministre l'a dit à l'Economic Club, je l'ai répété je ne sais pas combien de fois, monsieur mon collègue des Richesses naturelles l'a dit un nombre de fois incroyable, mon collègue le ministre du développement économique l'a répété, tout le monde l'a dit, le député de Frontenac, que nous avions avec l'industrie de l'amiante, qui exploite une situation totalement anormale au Québec, depuis des générations, des transformations majeures à opérer. On l'a dit depuis qu'on est arrivé. Il n'y a pas de surprise là-dedans, ni dans les milieux industriels, ni dans les milieux miniers, ni dans les milieux financiers.

J'irai plus loin que cela pour le député d'Outremont. A chaque budget et à chaque document financier que je publie, j'ajoute habituellement une petite note en bas qui se lit ainsi: "Les besoins d'emprunt n'incluent pas ce qui sera nécessaire pour acheter Asbestos Corporation". On ne peut pas être plus franc que cela, M. le Président.

Cela fait deux ans que j'écris ces petites notes. Donc tout le monde le sait. Il n'y aura pas de surprise, cela ne sert à rien d'avoir peur. Qu'on ait peur constamment, mais celle-là, non, les peurs sont passées. On a eu peur il y a deux ans, un peu moins peur, il y a un an et demi, pas peur du tout.

il y a un an et maintenant cela va de soi, on sait que le gouvernement veut acheter Asbestos Corporation. Est-ce assez clair?

Il est évident qu'on ne va pas demander l'adoption d'une loi pareille avant le 21 décembre. La seule raison pour laquelle on pourrait l'invoquer, c'est l'urgence, cela fait quand même un an que cela dure. Puisque cela dure depuis un an, on ne va quand même pas invoquer l'urgence pour les derniers dix jours. On serait un peu ridicule. Mais, évidemment, comme on commençait à se demander dans certains milieux si le gouvernement était vraiment décidé, oui, une loi déposée en première lecture c'est très utile sur le plan des affaires et des négociations pour faire comprendre les choses à la partie d'en face. Vous vous demandiez si on était sérieux. Oui, on est sérieux.

Des Voix: C'est du chantage.

M. Parizeau: Non, ce n'est pas du chantage, ce sont des affaires. Il y avait des doutes quant à la volonté du gouvernement; eh bien! après demain matin, il n'y aura pas de doute quant à la volonté du gouvernement. Elle sera clairement exprimée.

Je vais revenir sur une dernière chose que disait le député de Beauce-Sud, quant au contraste entre le zonage agricole et la spéculation boursière. Je dois lui dire ceci, et je comprends qu'il puisse être choqué, mais je veux le lui dire: C'est que les règlements de la Bourse sont établis par la Bourse. L'important, c'est que la direction de la Bourse connaisse à temps toutes les données d'une question et décide d'elle-même quand on doit suspendre les transactions et pour combien de jours. On a toujours accusé le Parti québécois de vouloir — comment dit-on sur les banquettes d'en face? — avoir une sorte d'esprit totalitaire. Est-ce que vous nous voyez vraiment, M. le Président, commencer — vraiment, ce serait assez unique d'ailleurs — à faire en sorte qu'un ministre du gouvernement puisse dire à la Bourse, qui est un marché essentiellement privé: Nous allons maintenant vous donner des ordres. Je ne fournis pas d'ordre à la Bourse de Montréal ou à la Bourse de Toronto ou à la Bourse de New York ou à quelque Bourse que ce soit. Je les avertis à temps de ce qui s'en vient pour qu'elles puissent exercer leur jugement et décider quand elles doivent arrêter les transactions et pour combien de temps. J'imagine que nos amis d'en face, tous amateurs d'entreprise privée, doivent adorer cela, non? Il est évident qu'il y a eu des tas de rumeurs qui ont circulé, des tas d'articles qui ont été écrits, des tas de prix qui ont circulé, des tas de gens qui en ont agité d'autres au sujet de toute espèce de prix. (21 heures)

On me donnera au moins ceci: pendant toute cette période où, de semaine en semaine, on lâchait parfois les prix les plus saugrenus et les plus farfelus, je m'en suis tenu à une seule attitude, ne jamais commenter, ne pas dire un mot.

Donc, s'il y a eu des gens qui en ont excité d'autres, s'il y a eu des articles, des exposés, des conférences amenant toute espèce de chiffres farfelus, j'en laisse la responsabilité à leurs auteurs, comme je laisse au président de la Bourse les décisions à prendre quant à savoir s'il doit suspendre les transactions, pour combien de temps et dans quelles circonstances. Je fais ce que j'ai à faire, c'est-à-dire, dans les meilleures conditions possible, au meilleur prix pour le Québec, chercher à acquérir Asbestos Corporation qui, pour nous, est une des deux clés majeures d'un développement industriel qui enfin va faire en sorte que le Québec transforme une richesse naturelle qu'il a pris pendant trop de générations l'habitude d'exporter brute un peu partout dans le monde. Merci, M. le Président.

Des Voix: Bravo! Bravo!

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Pour les raisons que le ministre des Finances a invoquées dans son exposé préliminaire, pourrais-je, à ce moment-ci, demander le consentement des députés de la Chambre pour que nous puissions inscrire au feuilleton dès aujourd'hui le projet de loi que le ministre a lintention de déposer demain?

Le Président: Y a-t-il consentement?

M. Lavoie: En ce qui nous concerne, veuillez suivre, pour le moment, la procédure qui est de mettre le projet de loi en avis demain. Vous le mettrez en avis demain au feuilleton et on verra s'il y a lieu que votre bluff se fasse demain ou après-demain.

Le Président: II n'y a pas consentement. M. le député de Vanier.

Une Voix: Le petit notaire de Laval!

M. Johnson: Les transactions à la Bourse, qu'est-ce que vous faites avec cela?

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Une Voix: On se le rappellera.

Le Président: A l'ordre! M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Si j'ai bien compris, le leader parlementaire de l'Opposition officielle a refusé en sachant fort bien que l'Assemblée nationale ne siège pas samedi. Il sait fort bien que, si ce projet de loi n'est pas déposé demain, cela voudra dire qu'il ne pourra être déposé que lundi prochain.

Le Président: M. le député de Vanier, je regrette, mais il n'y a pas eu consentement. Je ne voudrais pas qu'on entreprenne de débat là-dessus. Il n'y a pas de consentement. Pourriez-vous passer aux affaires du jour, s'il vous plaît?

M. Bertrand: Je vous fais une demande de directive, M. le Président. Est-ce que vous me permettez de vous demander, comme président de l'Assemblée nationale, de réitérer, au nom de l'intérêt public, ma demande au leader de l'Opposition officielle?

M. Lavoie: J'ai dit, à l'adresse du parti ministériel, que demain l'Assemblée siège, qu'il y aura un feuilleton d'imprimé cette nuit. Inscrivez votre projet de loi en avis et nous verrons demain matin. Nous donnerons notre décision demain matin. Si vous aviez voulu que le projet de loi soit déposé demain matin, c'était de l'inscrire aujourd'hui et de faire votre déclaration ministérielle hier.

M. Bertrand: Est-ce que je pourrais demander, à ce moment-là, une autre forme de consentement aux membres de l'Assemblée nationale pour permettre, très brièvement, au ministre des Finances d'exposer succinctement les raisons fondamentales pour lesquelles nous croyons que ce projet de loi doit être déposé demain et les raisons pour lesquelles il ne pouvait être inscrit au feuilleton d'aujourd'hui?

M. Lavoie: Non. Des Voix: Non.

Le Président: M. le député de Vanier, puis-je vous demander, comme il n'y a pas consentement, de revenir aux affaires du jour?

M. Bertrand: Question de privilège?

M. Parizeau: M. le Président, je ne le sais pas, j'ai besoin d'une directive. Je suis immédiatement pris par les affaires du jour, puisque c'est moi qui ai demandé la suspension du débat à 18 heures et que je dois commencer ma réplique sur le projet de loi no 65.

D'un autre côté, compte tenu du refus que vient de nous donner l'Opposition officielle, je pense qu'il est important que je puisse avertir mes services de façon qu'ils puissent avertir la Bourse de Montréal de cet événement assez majeur qui fait que le projet de loi ne serait pas connu demain matin. Ils ont des décisions à prendre. Puis-je demander à la présidence de m'autoriser à suspendre pendant quelques minutes pour que je puisse avertir?

M. Lavoie: M. le Président, je pourrais mentionner à l'équipe ministérielle qu'il y a des dispositions dans notre règlement, à i'article 84, deuxième alinéa. Si vous désirez déposer votre projet de loi, qu'il soit connu demain, vous pouvez vous servir de l'article 84, deuxième alinéa qui se lit comme suit: 'Quand la motion de suspension de l'application d'une règle a lieu pour raison d'urgence, elle n'a pas à être annoncée — il n'y a pas d'annonce à faire — et elle doit contenir uniquement un exposé des motifs qui prouvent l'urgence et justifient la suspension de l'application des rè- gles. Lorsque cette motion est faite en vue de l'adoption d'un projet de loi, il doit être distribué au moment où la motion est présentée. Le débat sur cette motion est limité à deux heures." Demain, si vous pouvez y penser, si vous désirez que votre projet de loi soit rendu public demain, veuillez vous servir de l'article 84, deuxième alinéa, faire votre motion d'urgence et déposer votre projet de loi.

M. Parizeau: M. le Président, je reviens à ma demande de directive. Je compends très bien cela, je connais l'article en question. Mais le problème est que nous ne pouvons pas laisser, je pense, en toute correction, une incertitude pareille demain matin. Je demande simplement la suspension pour trois minutes, pour téléphoner et avertir de ce qui vient de se passer. C'est tout. Je n'en demande pas plus.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. Lavoie: D'accord. Suspension.

Le Président: Alors, il y a consentement et M. le ministre des Finances, nous suspendons les travaux de la Chambre, le temps de vous permettre des appels téléphoniques.

Suspension de la séance à 21 h 07

Reprise de la séance à 21 h 17

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Finances, sur votre droit de réplique.

M. Parizeau: Je remercie cette Assemblée de m'avoir autorisé — je voulais tout simplement exprimer des remerciements, M. le Président — à prendre les dispositions nécessaires de façon que les autorités boursières soient averties et puissent prendre des mesures en conséquence. Nous aviserons de notre côté.

Le Président: Nous revenons, M. le député de Vanier, si j'ai bien compris, à l'article 17), au projet de loi no 65, Loi modifiant la Loi sur les impôts et sur certaines dispositions législatives d'ordre fiscal. M. le ministre des Finances, sur votre droit de réplique.

Projet de loi no 65

Deuxième lecture (suite)

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, j'ai entendu, comme nous tous d'ailleurs, cet après-midi et ce matin, un certain nombre d'observations sur les impôts qui m'ont laissé extraordinairement perplexe quant à l'aptitude de se servir de la règle de trois et de la preuve par neuf. Une des choses les

plus étonnantes, je pense, aura été cette façon de remettre en cause des réductions d'impôt, faites à partir de chiffres simples, comme les formules que remplissent, avec l'aide des caisses populaires ou de H & R Block, 3 millions de citoyens tous les ans. Cela c'est passé comme si tout à coup on se demandait comment une formule d'impôt est calculée. Avant d'aborder, cependant, ces objets de surprise, je voudrais dire une chose qui me paraît majeure, et ceci je le dis à l'Opposition officielle, parce qu'à plusieurs reprises, dans le courant de la journée d'aujourd'hui, elle a perdu de vue une constatation fondamentale.

M. le Président, ce que l'Opposition officielle d'aujourd'hui et le gouvernement d'hier nous ont laissé, comme structure d'impôt — je le répète et je ne le répéterai pas suffisamment souvent — c'est un championnat d'impôt sur le revenu, toutes catégories et tous revenus. C'est facile à l'heure actuelle de dire: Avez-vous détaxé davantage tel groupe plutôt que tel autre? Est-ce qu'il est exact qu'il y a des réductions d'impôt là plutôt qu'ailleurs? Je vous dirai une chose, M. le Président, c'est qu'avant qu'on arrive au pouvoir, à tous les niveaux de revenus, nous étions les plus taxés du Canada. Ce n'était pas une question de se comparer seulement avec l'Ontario, mais avec les neuf autres provinces canadiennes. Cela il ne faudra jamais l'oublier. Il ne faudra jamais l'oublier, parce qu'un gouvernement qui à l'heure actuelle cherche à se sortir de cette situation doit, au moins, rappeler aux Québécois que le gouvernement qui a précédé aura laissé les finances dans une situation d'endettement extraordinairement élevée accompagnée du plus haut niveau d'impôt qui existait au Canada à ce moment. Et, quand c'est cela le résultat de six ans d'administration, on devrait, je pense, avoir la pudeur, la modestie, la capacité de rougir qui fait qu'on ne discute pas trop de savoir où se trouvent les réductions d'impôt.

J'en viens maintenant à des choses plus spécifiques. Le député d'Outremont m'a fait un certain nombre de remarques à caractère qui se voulait sans doute technique, mais qui l'a amené à dévoiler j'allais dire deux ou trois aspects, là encore, d'une certaine philosophie sociale que je ne peux pas m'empêcher de condamner fortement. Augmenter l'exemption personnelle pour la femme mariée qui ne travaille pas à l'extérieur de son foyer de $1900 à $2700, il n'y a rien là, disait-il. Ce n'était pas son expression. C'était: "II n'y a pas de quoi fouetter un chat!" C'est le député de Laprairie qui reprenait l'expression cet après-midi: "II n'y a pas de quoi fouetter un chat!" M. le Président, non, cela dépend de la grosseur du chat. Cela représente $125 millions de diminution d'impôt. C'est l'équivalent annuellement de deux fois et demi l'exemption de la taxe de vente sur l'ensemble des chaussures. Quelle taille de chat faut-il au député d'Outremont pour qu'un chat soit un chat qu'on puisse fouetter?

Evidemment, à certains niveaux de revenu, ce sont des choses qu'on ne regarde plus. Non pas comme ministre, mais avant cela comme profes- seur d'université, comme consultant, cela faisait quand même un certain temps que je ne regardais pas de très près mes exemptions personnelles parce que j'envoyais cela à un comptable comme tout le monde... Mais entendons-nous! Pour le travailleur moyen de notre société, c'est beaucoup d'argent. Ce n'est pas parce qu'on arrive à un certain niveau de revenu qu'on doit être complètement insensible. $125 millions de réduction d'impôt, je ne sais pas si on fouette un chat avec cela ou non, mais cela me paraît quelque chose de majeur pour ces gens très nombreux dans notre société qui ont un ou deux enfants, une femme qui s'en occupe parce que les enfants ne sont pas très vieux, une hypothèque sur la maison et un petit bungalow sur un terran de 100 x 100. Il y a beaucoup de gens au Québec qui vivent comme cela. Dans la mesure où l'essentiel de ces $125 millions va chez eux, je ne sais pas si j'ai fouetté un chat, M. le Président, mais j'ai l'impression qu'on a fait quelque chose qui, sur le plan social, est majeur.

J'en arrive maintenant à une autre des déclarations du député d'Outremont. J'ai été accusé de deux choses aujourd'hui, M. le Président; je trouve cela extraordinaire. J'ai été accusé de taxer les pauvres et j'ai été accusé de taxer les riches. En fait, j'ai été accusé de taxer tout le monde. Dans ma candeur naïve, j'avais l'impression qu'on avait réduit l'impôt sur le revenu des particuliers en 1978 de $313 millions. Il paraît, si j'écoute mes collègues de l'Opposition, qu'il n'en est rien. Cela donne des choses comme, par exemple, ceci et là je vais citer une phrase qui est tirée du ruban 6822 du journal des Débats, tel qu'il m'a été communiqué aujourd'hui. Le député d'Outremont dit: "A partir de ce salaire de $8300 — pour quelqu'un de marié — le projet de loi fait augmenter les impôts par rapport à la situation actuelle ". On s'entend bien, M. le Président: "fait augmenter les impôts par rapport à la situation actuelle". "Et on va nous dire que c'est la notion de l'équité sociale de ce gouvernement, et on va nous dire qu'on taxe les riches et qu'on diminue les impôts chez les pauvres! "Je pense que c'est de la démagogie. Je m'excuse, mais ces chiffres sont exacts ou je démissionne d'ici".

Une Voix: Allez!

M. Parizeau: Alors, puisqu'il choisissait $8300, j'ai fait calculer cela à $8300. Cela donne ceci. Dans les circonstances de l'individu que décrit le député d'Outremont, il aurait payé, avant notre réforme fiscale, en impôt proprement dit, $392 et à la Régie de l'assurance-maladie, $120, pour un total de $512. Après la réforme fiscale, il va payer $230 d'impôt proprement dit et $0 à la Régie de l'assurance-maladie. Cela tombe donc de $512 à $230. Ce n'est pas mal. Ce n'est pas désagréable comme baisse, au fond. Je ne sais pas si cela vaut une démission, mais, enfin, ce n'est pas désagréable.

Vers 17 h 55, le député d'Outremont revenait sur cette question — j'imagine que quelqu'un a dû

l'avertir — en disant: Je ne parlais pas de la RAMQ. Remarquez que la RAMQ, cela se payait auparavant, mais cela ne se paie plus maintenant. C'est quand même une réduction d'impôts. Ce n'est pas parce que cela s'appelle la Régie de l'assurance-maladie du Québec qu'avant ce n'était pas payant, mais aujourd'hui cela ne l'est plus.

Enfin, oublions la Régie de I'assurance-maladie. Ne prenons que l'impôt sans parler de la Régie de l'assurance-maladie. L'impôt tombe quand même de $392 à $230. L'intervention de 17 h 55 n'était pas meilleure que celle — je ne sais pas quelle heure il était à ce moment-là — de 11 h 30. On ne devrait pas dire des choses comme cela: "Je m'excuse, mais ces chiffres sont exacts ou je démissionne d'ici".

Je peux suggérer une chose au député d'Outremont. Il va prendre les tables d'impôt, elles sont dans la loi et il va aller chez H & R Block, puisqu'il ne veut pas croire les chiffres du ministère des Finances, ou, mieux encore, dans les caisses populaires. Il y a un certain nombre de caisses populaires qui font des déclarations d'impôt. Pour une déclaration d'impôt fédérale et provinciale, H & R Block et les caisses populaires, selon les cas, demandent de $11 à $12. Je les paierai. Puisqu'on ne croit pas les calculs que peuvent faire les Finances quant aux déductions d'impôt, on va s'en remettre à l'arbitrage de H & R Block ou des caisses populaires. Maintenant, à supposer qu'effectivement cela démontre que quelqu'un qui fait $8300 ou $10 000, d'ailleurs, ou $15 000 paie moins d'impôt, que fait le député d'Outremont?

M. Michaud: II va démissionner. Une Voix: II va retourner à Ottawa.

M. Parizeau: Je vous avouerai, M. le Président, que c'est un vieil ami de 25 ans. Je suis navré

Une Voix: Vous êtes trop sensible.

M. Parizeau: Oui, j'y ai songé. Je me suis dit: Quand même, pour son chef, le comté d'Outremont, ce serait plus commode que le comté d'Argenteuil. Ce serait plus proche de chez lui, mais, quand même, cela ne se fait pas. Et dans ce sens, je n'ai pas à demander de directive. Je pourrais en demander une; mettre son siège en cause sur un calcul d'impôts, mais c'est inimaginable! C'est tellement facile à vérifier.

M. Lavoie: Cela fluctue.

M. Parizeau: Non, c'est déterminé par la loi. Le député de Laval dit: Cela fluctue. Mais non, cela ne fluctue pas d'une année à l'autre. C'est déterminé par la loi. C'est une des choses rares où justement il n'y a pas de fluctuations. Dans des tas d'autres domaines, on peut dire: Je mets mon siège en cause sur une question d'interprétation où on sait très bien que trois personnes auraient huit opinions différentes, mais, sur les tables d'impôt, c'est plus gênant. Cela se calcule ou cela ne se calcule pas. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut envoyer l'arbitrage chez H & R Block. Non. Ce sont des choses qu'il ne faudrait pas faire. Alors, dans ces conditions, moi, je vais passer l'éponge. Je veux bien.

Des Voix: Non! (21 h 30)

M. Parizeau: Oui. On pourrait déchirer ses vêtements, on pourrait tout faire en disant... Mais non, je réitère cependant mon offre, si l'arbitrage est chez Block ou dans une caisse populaire, je paierai les frais. Je ne peux pas faire plus que cela, M. le Président, et on va déclarer l'incident clos. Ceci étant dit, on va quand même revenir aux choses sérieuses. Et les choses sérieuses, c'est tout de même ceci, et là, je vais m'adresser à un certain nombre d'intervenants parce qu'il y a tout de même des limites. On s'entend tous, ceux qui veulent s'adresser chez H. & R. Block pour faire vérifier les chiffres que je vous donne, je paie les frais. Nous sommes d'accord? Bien.

On m'a dit: Donnez des exemples de réduction d'impôt de différents revenus pour différents statuts sociaux ou états civils. Je vais les donner, en indiquant d'ailleurs tout de suite, M. le Président, comment je calcule cela. J'ai déjà calculé pour le revenu industriel moyen, le revenu moyen des travailleurs au Québec cette année. Là je l'ai fait calculer pour la moitié de cela, une fois et demie cela, et deux fois cela, c'est cela qui donne les chiffres, comment dire, un peu précis dont je vais parler tout à l'heure.

Contribuable marié: Salaire industriel moyen: $13 700 cette année. Combien il épargne avec les nouvelles tables d'impôts? $291. Nous sommes d'accord, messieurs de l'Union Nationale qui demandiez des exemples concrets? C'est page 19. Renseignements supplémentaires: impôt, gouvernement du Québec. Vérification chez Block payé par le ministre des Finances au besoin. $6850, la moitié du salaire industriel moyen. Réduction de taxes, M. le Président, $225. Nous sommes d'accord? $20 550, là on commence à entrer dans le genre de personnel qui intéressait tout à coup le député de Brome-Missisquoi, mon député à l'endroit où j'ai ma propriété de campagne: moins $242. $27 400 de revenus, toujours le contribuable marié. Lui on le détaxe moins, il commence à gagner pas mal cher. On lui réduit son impôt de $90 seulement. Je m'en excuse. Il est rendu à $27 000. Bon. A $34 250, ce qui est deux fois et demie le salaire industriel moyen, là on lui demande déjà $90 de plus. Cela devient plus glissant. $41 100, on lui demande $345 de plus qu'avant. Là on entre dans les cadres, à $41 100, et il s'agit d'un paquet de cigarettes par jour, M. le Président. D'un paquet de cigarettes par jour à $1.10 du paquet. Voilà. Il y a 365 jours dans une année. Excusez-moi. Il y aura quand même trois semaines où il ne fumera pas.

Puisqu'on m'a harcelé toute la journée avec cela, je vais vous donner d'autres exemples. Contribuable marié avec une personne à charge de 18 ans et plus: au salaire industriel moyen, réduction d'impôt, $367. A $20 550, $328. A $27 400, $194 de

réduction. A $34 250, il paie encore $21 de moins. On en veut davantage, M. le Président? Toujours d'un document parfaitement confidentiel et distribué seulement à 6000 exemplaires: contribuable marié âgé de 65 ans et plus; $6850, $163 de réduction d'impôt, M. le Président. Il n'en paie plus. $13 700, $580 de réduction d'impôt pour les vieux couples de 65 ans et plus. $20 550, pour ceux qui ont cela, il n'y a pas tellement de couples âgés qui ont cela, $584 quand même. Voilà de quoi on parle, M. le Président.

Je veux bien qu'à des fins essentiellement de télévision, on remette en cause les calculs des spécialistes d'impôt du ministère des Finances. On avouera que c'est un peu gros. Et venir me dire: On réduit les impôts seulement en bas de $8300. Non, mais allons donc! Venir nous dire: Vous avez augmenté les impôts par rapport au passé.

M. le Président, pour les célibataires en bas de $20 000 et pour les gens mariés en bas de $30 000, nous avons réduit les impôts. Evidemment, pour les gens qui gagnent $12 000, $13 000, $14 000, $15 000, pour la première fois ils sont moins taxés qu'en Ontario. Au-dessus, ils sont encore plus taxés qu'en Ontario, mais ils sont moins taxés que l'année dernière, jusqu'à $20 000 et $30 000. Au-delà, bien sûr, à $50 000, $60 000, comme je l'ai dit, c'est un peu plus pesant, cela va de soi, compte tenu que la démonstration que je faisais ce matin, que la philosophie sociale, de ce côté-ci de la Chambre, n'est manifestement pas tout à fait celle qu'il y a de l'autre côté. Je pense que je n'ai rien à ajouter, à cet égard, à ce que disait le député de Mercier.

Ceci étant dit, quelques petites observations en passant. On m'a dit — je ne me souviens plus qui, je regrette — qu'en taxant davantage les riches on taxe l'épargne et, donc, on réduit les investissements. M. le Président, cela fait deux ans et demi que tous les observateurs au Canada viennent nous dire que le taux d'épargne est trop élevé. Une des raisons pour lesquelles l'économie canadienne a de la difficulté à se relever de sa récession, c'est qu'effectivement il y a pas mal de particuliers qui épargnent trop. Curieux, très curieux, une des raisons principales du relèvement de l'économie en 1978, c'est quoi? Le fait que le taux d'épargne a cessé de monter, que les gens consomment davantage. En période où on a 11% de chômeurs, curieuse augmentation!

On m'a dit: Pourquoi faire adopter le projet de loi aussi tard? Comme si on venait d'en prendre connaissance! M. le Président, effectivement il passe tard; dans une réforme fiscale de l'ampleur de celle que nous avons abordée, je dois avoir quatorze ou quinze lois fiscales. On se souviendra qu'au début de cette session d'automne les sept premiers projets de loi, c'est moi qui les ai pilotés en Chambre. Il m'en reste encore toute une série, mais il n'y a pas de surprise sur ce que nous discutons aujourd'hui. Je vous rappelle, M. le Président, que le projet de loi que nous avons devant nous fut, à cette Chambre, présenté en première lecture le 22 juin. Extraordinaire surprise aujourd'hui d'avoir à l'aborder. Nouvelle! Etonnement!

Nous sommes en décembre, il a été déposé le 22 juin; que ceux qui ne l'ont pas regardé s'habituent à lire, mais qu'on ne vienne pas nous plaider surprise. Bien sûr, moi, de mon côté, étant donné que j'en ai encore trois ou quatre ce soir, que j'en ai probablement pour jusqu'aux petites heures du matin — enfin par consentement mutuel, je ne sais pas très bien comment cela fonctionne, on le verra — j'aimerais mieux que cela passe dans un autre ordre que celui-là, mais qu'on ne vienne pas plaider surprise sur un projet de loi que tous les députés en cette Chambre ont depuis le 22 juin, tout de même.

Je retiens, sur certaines des choses qui ont été dites sur le plan des dépenses d'automobile, une chose qui m'embête un peu et qui a été soulignée par le député de Rimouski. Je crois qu'effectivement, dans la correction que nous avons cherché à faire sur le plan des dépenses d'automobile admissibles du point de vue de l'impôt sur les particuliers, il y a un déséquilibre qui s'est fait par rapport à certains employés — je pense en particulier au secteur public — qui sont payés tant le mille, qui utilisent leur propre voiture mais qui sont payés tant le mille. Evidemment, il ne faut pas exagérer le problème. Des 40 000 fonctionnaires du Québec qui reçoivent des allocations de ce genre, il y en a 25 000 qui font de 0 à 600 milles par an, c'est-à-dire dont on paie un ou deux voyages à Montréal dans l'année. Donc, il n'y a rien là. Il reste que, dans certaines observations du député de Rimouski, il y a, quant à l'avenir, à la possibilité d'établir certaines rectifications sur le plan de l'équité sociale, des dispositions qui sont intéressantes, qui valent la peine d'être analysées.

Voilà... (21 h 40)

M. Lavoie: Je ne voudrais pas être désagréable à l'endroit du ministre des Finances, mais depuis quelque temps il s'est établi une coutume voulant que lorsque les députés de l'Opposition ont un droit de parole limité à 20 minutes, en général — pas vous, M. le Président, mais en général — les vice-présidents se lèvent d'office pour prévenir l'intervenant que son droit de parole est épuisé. D'après mes informations, l'honorable ministre a commencé à 21 h 18 et son droit de parole se serait terminé à 21 h 38. Cela fait déjà cinq minutes de surplus. Je ne veux pas être désagréable envers le ministre, nous sommes prêts, même si vous ne vous êtes pas levé d'office, M. le Président, comme souvent vos adjoints le font, à accorder une ou deux minutes au ministre pour qu'il termine son intervention.

Le Président: Sans vouloir vous contredire, M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, il est exact — c'est pour cela que je ne veux pas vous contredire ni engager un débat là-dessus — que son temps de parole est expiré, et je l'avais déjà signalé à M. le ministre des Finances sans vouloir l'interrompre. Il a commencé à parler à 21 h 20 plutôt qu'à 21 h 18, suivant les propres renseignements que j'ai. De toute manière, le temps est expiré.

M. Lavoie: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on se chicane là-dessus.

Le Président: C'est cela. M. le ministre des Finances, je vous invite à conclure, s'il vous plaît.

M. Parizeau: M. le Président, ma phrase commençait par "voilà" et elle devait se continuer de la façon suivante: "Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire en réplique au débat d'aujourd'hui".

Le Président: Merci, M. le ministre des Finances.

J'appelle maintenant la motion de deuxième lecture du projet de loi no 65, Loi modifiant la Loi sur les impôts et certaines dispositions législatives d'ordre fiscal. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Lavoie: Sur division.

Le Président: Adopté sur division.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Président: Troisième lecture, prochaine séance. Non?

Renvoi à la commission du revenu

M. Charron: M. le Président, je voudrais proposer que ce projet de loi qui vient d'être adopté soit déféré à la commission parlementaire du revenu.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Lavoie: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Charron: M. le Président, je ne sais plus quel article. Article 20)? Je voudrais vous proposer d'appeler l'article 20) du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 80 Deuxième lecture

Le Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 80, Loi modifiant de nouveau la Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie.

M. le ministre des Finances sur cette motion de deuxième lecture, vous avez maintenant la parole.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Dans la poursuite de ces lois touchant la fiscalité du Québec, nous nous trouvons en face d'un projet de loi qui est essentiellement destiné à enlever une taxe, et sine die. Non pas pour un an, pour deux ans, pour trois ans; on s'est dit: II faut l'enlever. C'est une taxe qui non seulement gêne, mais qui fait du mal. Donc, il faut la supprimer. Je crois qu'on n'aura pas besoin, dans ce cas-ci, de faire appel à H. & R. Block. Il s'agit essentiellement de ceci: Nous avions une taxe sur les chambres d'hôtel de 8%. Dans un contexte de concurrence au niveau de l'industrie touristique extrêmement aiguë, Montréal surtout, Québec secondairement, ont vu beaucoup de chambres d'hôtel se construire dans ces deux villes. Depuis la grande vague de construction qui a précédé les Jeux olympiques, les coefficients de remplissage de ces hôtels étaient tombés tellement bas que plusieurs hôtels passaient par des problèmes extrêmement sérieux.

Il est évident aussi que l'industrie des congrès, qui est devenue une industrie gigantesque en Amérique du Nord — il y a des milliards de contrats là-dedans — commençait à trouver Montréal cher par rapport à d'autres endroits en Amérique du Nord.

Troisièmement, le gouvernement de l'Ontario venait de suspendre jusqu'au 31 décembre 1979 sa propre taxe sur les chambres d'hôtel. Ceci donnait à Toronto, sur le plan de l'organisation de ces grands congrès internationaux, un avantage assez net par rapport à Montréal; un avantage limité, cependant, parce que les congrès se réservent normalement deux ans, trois ans d'avance. On a trouvé ici à Québec que mettre une limite au 31 décembre 1979, comme l'avait fait le gouvernement de l'Ontario, ne pouvait pas avoir vraiment un effet bénéfique important. Il faut vraiment que cela puisse s'appliquer à un très grand nombre d'années pour que cela déplace littéralement les congrès. Alors, on a donc décidé d'enlever...

M. Marchand: Je m'excuse, Mme le Président. J'invoque le règlement.

Mme le Vice-Président: M. le député de Laurier, sur une question de règlement.

M. Laurier: Devant une loi aussi importante, je demanderais qu'on ait quorum.

Mme le Vice-Président: Nous allons vérifier le quorum immédiatement, M. le député. Nous avons maintenant quorum.

M. le ministre.

M. Parizeau: Mme le Président, on a d'autre part, dans ces conditions, décidé de supprimer la taxe sur les chambres d'hôtel indéfiniment, comme je le disais tout à l'heure. Je pense qu'on constate déjà, en pratique, l'effet que ceci a eu sur l'industrie hôtelière. Il y a évidemment des ajustements qu'il a fallu pratiquer. C'est ainsi, par exemple, que dans ce qu'on appelle le plan américain où les repas sont inclus dans le prix de la Chambre d'hôtel, où il devient donc très difficile d'établir une distinction entre le prix des repas proprement dits et la Chambre d'hôtel elle-même, on a aussi supprimé la taxe. C'est une autre chose, d'ailleurs, qui est importante sur le plan de l'industrie des congrès, parce que les congrès non

seulement mobilisent 500, 2000 ou 3000 chambres à la fois, mais un certain nombre de repas qui viennent avec. C'est dans ce sens que nous avons pensé qu'il s'agissait là d'un geste important pour l'industrie touristique et qui a été salué par elle, d'ailleurs, comme une amélioration notable dans le caractère concurrentiel de l'industrie touristique au Québec à l'heure actuelle.

Je signale un amendement qui se trouve aussi dans ce texte de loi et qui peut surprendre un peu par rapport à ce que je viens de dire. En effet, on se sert de ce texte de loi pour étendre la taxe sur les repas — là, on pourra considérer que c'est une augmentation de taxes — qu'on payait, par exemple, dans les trains ou sur les navires, à un type de véhicule qui a commencé à servir des repas et qui n'existait pas dans les anciennes lois, les autobus. Pour établir, quand même, que tout le monde paie la même taxe dans les mêmes circonstances, ces nouveaux autobus qui servent des repas seront assujettis à la taxe générale sur les repas telle qu'elle existe dans les autres "ustensiles" flottants ou véhiculés. C'est une mesure qui n'a pas grand rapport avec ce que je viens de dire, mais on a profité de la réouverture de la loi pour l'incorporer. Voici à peu près ce que j'avais à dire sur ce sujet de loi. Même en me grattant l'occiput avec énergie, franchement, je n'aurais pas l'occasion de trouver autre chose à dire à ce sujet!

Mme le Vice-Président: M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Merci, Mme le Président, je ne sais pas s'il faudra les arbitrages de l'extérieur, mais dans ce cas-ci je trouve également surprenant que le ministre ne s'arrête pas au seul article que j'avais l'intention de discuter dans le projet de loi, soit l'article 4. En effet, en ce qui concerne les autres articles, je suis généralement d'accord et je n'avais pas l'intention de faire des commentaires très longs. (21 h 50)

Par contre, en ce qui concerne l'article 4, j'avoue ma surprise que le minisire n'ait pas jugé bon de s'y référer et je lui demanderai si cet article est aussi anodin qu'il m'a paru à moi-même quand je l'ai lu pour la première fois.

M. Grégoire: Mme le Président, une question de règlement.

Le Vice-Président: Je voyais venir la question de règlement, M. le député de Frontenac. Je pense que j'aurais dû rappeler au ministre aussi que le débat en deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-propos, au bien-fondé du projet de loi, au principe, à la valeur intrinsèque du projet de loi et à toute méthode d'arriver à ses fins, les fins du projet de loi, sauf que, M. le député, je vous rappellerai, comme j'aurais dû le rappeler au ministre, que la discussion sur un article comme tel, bien sûr, comme vous le savez d'ailleurs, doit se faire en commission plénière ou en commission parlementaire à la suite de la deuxième lecture du projet de loi. Alors, je vous demanderais de rapporter vos propos au principe. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Mme le Président, dans des lois fiscales de cette nature, il est difficile de trouver un seul principe. Je vais donc parler du principe relié à l'article 4. En effet, cet article parle d'une autre chose, il ne parle pas des mêmes choses que les articles précédents. Ou bien on m'empêche de parler complètement sur le projet de loi, ou bien on accepte que je soulève justement une question générale. Je ne veux pas m'en tenir ici aux modalités d'écriture, je veux soulever le problème général que soulève cet article...

M. Grégoire: Mme le Président, sur une question de règlement. Cet après-midi...

Le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Cet après-midi, le leader parlementaire du Parti libéral a très bien expliqué notre règlement en disant qu'en deuxième lecture il n'était pas permis de discuter d'un article en particulier, à l'occasion du discours du député de Laprairie. Et le député de Laprairie, tout de suite, a dit: Très bien, je réserverai mes discussions sur cet article en commission parlementaire. Je crois que c'est ce que le député d'Outremont devrait faire.

Le Vice-Président: Sauf que, M. le député de Frontenac, vous conviendrez avec moi, comme le disait le député d'Outremont, que les lois du ministre des Finances sont un peu différentes et que, de toute façon, je pense que M. le député d'Outremont va se référer aux notes explicatives qui pourraient nous amener à parler en général de cet article, de toute façon. M. le député d'Outremont, nous vous faisons confiance.

M. Goulet: Mme le Président, sur la question de règlement, je m'étais levé avant que vous prononciez...

Le Vice-Président: Je vous demande pardon, M. le député, je ne vous avais vu...

M. Goulet: J'y reviendrai, Mme le Président, si le député de Frontenac décide de revenir. Il y a quatre articles dans ce projet de loi. Il y a quatre principes différents. Ecoutez, il faut être assez large; quatre articles qui visent quatre principes différents. Il faudrait laisser assez de latitude aux députés pour pouvoir parler sur le projet de loi, il y a quatre articles.

Le Vice-Président: D'accord, M. le député de Bellechasse, je pense que l'incident est clos.

M. Raynauld: Mme la Présidente, je veux examiner très brièvement ce qui est contenu, pour l'essentiel, dans les notes explicatives autant que

dans l'article, et si je suis plus près du règlement en parlant des notes explicatives, je le ferai. Je veux soulever la question suivante: "l'article 4 permet d'ordonner par règlement que les boissons vendues dans les établissements le soient dans des bouteilles identifiées de façon particulière." C'est dans les notes explicatives. Je veux parler sur ce principe d'identification de contenants pour des fins commerciales par opposition à des fins de consommation domestique. L'objectif qui est poursuivi par ce projet de loi, disons, c'est de combattre une évasion fiscale qui serait assez importante, à cause de l'absence d'identification, à ce qu'on dit, sur ces contenants. Il s'agirait également de combattre des échappatoires.

Dans un article de la Gazette, publié en septembre, on a rapporté que le ministère des Finances estimait à $50 millions les pertes ou les fuites dues à des consommations dans des lieux publics qui ne respecteraient pas la loi sur les taxes de vente ou encore des lois reliées à l'impôt sur le revenu. On a même rapporté dans cet article que le ministre des Finances lui-même avait estimé à $80 millions les mêmes fuites. Donc, le problème semble important. On m'a rapporté cette semaine qu'on avait rabaissé un peu ces estimations et qu'elles étaient maintenant à $35 millions environ. Donc, on dit: Là, on a un problème à résoudre; il y a des fuites, il y a de la fraude, disons, ou en tout cas des échappatoires à la loi qui font que le trésor public perdrait environ $35 millions dont $21 millions en taxe de vente et environ $14 millions en impôt sur le revenu. En ce qui concerne les brasseries ou la bière, l'estimation serait de l'ordre de $10 millions.

Compte tenu de ce problème, le projet de loi — si je le comprends bien — viserait à donner un pouvoir réglementaire au ministre de façon à identifier par règlement des contenants pour qu'il puisse, par cette identification, recouvrer les sommes qu'il estime perdre. On m'a fait beaucoup de représentations à cet égard et je dois dire que j'ai été assez sympathique à l'idée qui m'a été soumise voulant que cette approche réglementaire était très coûteuse, qu'elle représentait une façon d'imposer à tout le monde un fardeau qui devrait être limité, en fait, à des exceptions, qu'en fait il n'y a pas beaucoup de gens qui fraudent la loi et qu'on empêcherait de frauder la loi par cette identification des contenants quand, d'autre part, les coûts seraient excessivement élevés. On m'a rapporté qu'en ce qui concerne les brasseries seulement, si on forçait les brasseries à identifier les bouteilles vendues aux épiciers par opposition à ce qui est vendu dans des bars, des restaurants ou des hôtels, les coûts de distribution de la bière monteraient de $6 millions.

Je n'ai évidemment aucune façon de vérifier ces avancés, mais il semble — en tout cas, à première vue — qu'une estimation comme celle-là soit assez raisonnable. Bien sûr, si les frais de distribution augmentent de façon aussi considérable, c'est le prix de détail finalement qui va également monter et ceux qui paieront pour cette mesure de précaution imposée à tout le monde seront les consommateurs et les détaillants ou les détenteurs de permis. Par la suite, on ne peut pas non plus s'empêcher de songer que le ministre a essayé d'alléger le fardeau fiscal dans cette industrie récemment. Il pourrait se trouver, si le gouvernement utilisait cet article et passait un règlement portant une identification spéciale des contenants, à accroître de nouveau le fardeau, les coûts de production dans une industrie où lui-même admet qu'il a dû intervenir pour en favoriser l'expansion par des réductions d'impôt.

Je n'ai pas de solution magique à proposer sur ce sujet, mais j'aimerais beaucoup entendre le ministre nous dire si, effectivement, le problème est aussi grave qu'on l'a supposé. (22 heures)

Est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres solutions d'identification que celle d'imposer des contenants particuliers? Par exemple, on croit, dans certains milieux, que ce règlement va prendre la forme d'une obligation dans les bars, les restaurants et les hôtels de ne servir d'alcool que dans des bouteilles miniatures qu'on appelle les mignonnettes.

Par ailleurs, en ce qui concerne la bière, on imposerait également soit une sorte différente de bouteille, soit une étiquette qui serait entièrement différente selon que l'utilisation est domestique ou commerciale. C'est justement cette identification et ces stocks qu'on devra créer, pour les fins d'un tel règlement, qui augmenteraient les coûts de façon considérable. Encore une fois, retenant l'idée qu'il puisse y avoir un problème au départ, de simple fraude ou de fraude fiscale, est-ce que le ministre et le ministère ont vraiment examiné toutes les autres possibilités qui pouvaient exister? Moi, de l'extérieur, j'ai été un peu surpris de voir que ce problème se posait avec autant d'acuité — semble-t-il — au Québec alors que — semble-t-il — il ne se poserait pas de la même façon ni aux Etats-Unis ni en Europe. Est-ce parce que la taxe de vente n'est pas perçue de la même façon? C'est possible. Mais, quoi qu'il en soit, cette identification imposant des coûts de livraison, des coûts de stockage, des coûts évidemment de production relativement élevés, il semble qu'il y aurait avantage à trouver la méthode la moins coûteuse pour répondre aux objectifs essentiels que le gouvernement poursuit.

On m'a également dit à cet égard qu'il y avait des moyens d'identification qui étaient moins chers que ceux auxquels on songeait à l'heure actuelle. Qu'on pouvait peut-être imaginer, par exemple, l'apposition de timbres — puisque c'est déjà en partie la pratique à l'heure actuelle — spéciaux pour la bière, qui pourrait répondre en grande partie aux besoins que le gouvernement peut avoir tout en minimisant les coûts et les impacts sur l'industrie et éventuellement sur le consommateur lui-même. Merci, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. Quelques commentaires, si vous me le permettez, sur

le projet de loi 80, Loi modifiant la Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie. Ce projet de loi donne suite au discours du budget et modifie la Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie afin d'accorder un traitement uniforme surtout aux entreprises de transport. Le but, bien sûr, c'est d'inclure — le ministre nous l'a dit — les autocars spécialisés dans la définition d'établissement hôtelier où l'on sert des repas et de la boisson.

Ce projet de loi prévoit également que les frais de service, les pourboires, inclus dans le prix d'un repas ne sont pas imposés s'ils sont versés en pourboires aux employés. Egalement, ce projet de loi abolit la taxe sur les logements et exonère de la taxe sur les repas et l'hôtellerie la valeur d'un repas compris dans le logement, ce qu'on appelle communément le plan américain lorsque les repas sont compris avec la chambre. Il n'y aura donc pas de taxe sur les repas lorsque c'est compris dans le prix de la Chambre.

Un article qui attire particulièrement mon attention — le député d'Outremont nous en a fait part — prévoit également que les boissons vendues dans les hôtels soient dans des bouteilles identifiées de façon particulière. Déjà, ce système existe. Les bouteilles devant servir aux hôtels, aux restaurants ou dans les bars sont déjà identifiées et étiquetées d'une façon spéciale et même, sauf erreur, les propriétaires d'établissements, d'hôtels et les restaurants, lorsque c'est pour revendre cette boisson, paient une taxe spéciale par le biais de cette étiquette.

Il serait important, pour cet article, que nous ayons peut-être les règlements, même si l'article semble inoffensif par lui-même pour savoir ce qu'on veut faire avec cela. Est-ce que pour la vente de bière on exigera une bouteille spéciale lorsque ce sera pour être vendu à l'hôtellerie, dans les restaurants ou dans les autobus, tel que nous l'avons dit tout à l'heure? Est-ce que cela prendra une bouteille spéciale ce qui pourrait peut-être faire remonter le prix de la bière ou de cette boisson? Et, Mme le Président, qui paiera? Ce sera le consommateur. Au niveau de la boisson forte comme telle, même si on arrivait avec une autre sorte de bouteille, je ne vois vraiment pas comment on pourrait remédier à la pratique qu'on veut empêcher. Les bouteilles sont déjà étiquetées. Si on sent le besoin d'apporter un projet de loi comme celui-là, il se peut fort bien que certains propriétaires d'hôtels puissent aller chercher de la boisson pour revendre et, rendus à leur établissement, la transvident dans des bouteilles déjà étiquetées et la placent sur les tablettes.

Je ne vois vraiment pas comment on peut éviter cela s'il y a de la mauvaise foi de la part des hôteliers, même si on changeait le style, la forme de la bouteille. La seule chose que l'on pourrait faire, ce serait d'avoir, tel que l'a mentionné le député d'Outremont, des petites bouteilles d'une once ou d'une once et demie. Vous imaginez, Mme la Présidente, les coûts que cela pourra occasionner et, alors, ce sera encore là le consommateur qui paiera. Est-ce que cette pratique est aussi frauduleuse qu'on veut le dire, qu'on veut le laisser entendre pour qu'on sente le besoin de légiférer? Déjà, on exige sur ces contenants des étiquettes et le propriétaire d'un hôtel ou d'un restaurant paie déjà une taxe spéciale là-dessus. Cela résume, madame, en grande partie ce projet de loi.

Egalement, si on veut vraiment, suite au minisommet touristique qui s'est tenu dernièrement à Sherbrooke, donner une chance à l'industrie touristique au Québec... Peut-être que cela fera sourire l'honorable ministre des Finances. On a enlevé là taxe sur les repas compris avec le prix de la chambre d'hôtel, mais nous avons eu maintes recommandations, maintes demandes, Mme la Présidente, de façon à ce qu'on puisse — je n'irai peut-être pas jusqu'à dire l'enlever — ramener à 8% la taxe que nous avons mise à 10% sur les repas dans les restaurants et dans les hôtels. Le ministre ne nous en a absolument pas parlé même si au mini-sommet touristique à Sherbrooke ces revendications ont été faites par à peu près tout le monde.

Etant donné que nous sommes pour la vertu, étant donné que cette mesure, si minime soit-elle, supprime ou modifie certaines mesures fiscales ou certaines taxes, nous appuierons, il va de soi, ce projet de loi, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Mme la Présidente, sans vouloir éterniser, allonger le débat davantage, je voudrais quand même prendre quelques minutes du temps de cette Chambre pour appuyer fortement ce qui a été souligné par mes deux collègues qui m'ont précédé. Nous avons entendu le ministre lui-même proclamer, le 18 avril dernier, dans le discours du budget, que les propriétaires d'hôtel se plaignent à juste titre d'un fardeau fiscal particulièrement éprouvant. On aurait pu s'attendre, peut-être, à une sollicitude du ministre encore plus grande que celle qu'il a manifestée concernant les autocars. En effet, comme nous l'avons vécu au sommet touristique à Sherbrooke, à la fin d'octobre, l'industrie touristique, avec raison d'ailleurs, se plaint beaucoup de la situation qui existe présentement chez nous au Québec parce qu'ils ne sont absolument plus concurrentiels non seulement à travers le Canada, mais en Amérique du Nord.

Justement, Mme la Présidente, ce fameux article 4 dont on a parlé tantôt, je pense, peut causer non seulement préjudice à tous les agents touristiques du Québec, aux services d'hôtellerie, mais peut causer aussi un fort préjudice aux consommateurs du Québec. (22 h 10)

Pour mettre à jour ce que recèle la nouvelle rédaction, j'emprunterai le texte d'une représentation que faisait parvenir au ministre des Finances, le 26 avril dernier, l'Association des administrateurs de gîtes et restaurants du Vieux Qué-

bec Inc.: "Nous voudrions soumettre à votre attention, M. le ministre, une technicité qui devient vite une injustice pour les petits restaurateurs, fort nombreux au sein de notre association. La taxe sur les repas ne s'applique pas lorsque le prix du séjour dans un hôtel comprend chambre et pension, genre "package deal". Ceci ne peut que favoriser les grandes chaînes d'hôtels multinationales au détriment de la petite entreprise de gîte et de restauration".

Avant que les bénéficiaires de cette mesure discriminatoire puisse se réjouir, je vous ai parlé de l'article 4 et cet article est très important. On a souligné à juste titre, tantôt, je pense que c'est le député d'Outremont, sans posséder des chiffres que l'on peut démontrer comme tels, mais des chiffres qui nous semblent quand même assez près de la réalité, que l'utilisation de ces petites bouteilles, mignonnettes qu'on appelle, bouteille à l'intérieur des bars et restaurants qui servent des spiritueux avec les repas, que cette utilisation pouvait aller jusqu'à une dépense additionnelle, pour les brasseries, de $6 millions. Qu'on le veuille ou non, Mme la Présidente, ce ne sont jamais ni les compagnies ni les multinationales qui paient ces dépenses occasionnées à l'intérieur d'un projet de loi. Même s'il s'agit d'un meilleur contrôle, c'est toujours refilé par la suite aux intermédiaires. Dans le cas présent, les intermédiaires ce sont les hôtels du Québec, le service d'hôtellerie du Québec avec ses tenanciers, ses bars. Par ricochet, qu'on le veuille ou non, ces intermédiaires, qui font des affaires au Québec, qui doivent, au bout de la ligne, réaliser des profits sinon ils n'ont pas besoin d'exister — ils ne voudront pas exister, s'ils ne réalisent pas de profits — ces intermédiaires qui doivent réaliser un profit, forcément, rejettent sur le consommateur cette hausse de prix qu'ils sont obligés de payer.

Mme le Président, on sait, on en a parlé tantôt, supposément, qu'il y avait des tricheurs, des fraudeurs à l'intérieur de tout le système. Je pense qu'il ne faudrait pas non plus faire payer les pots cassés par un seul groupe d'individus et, non plus, faire payer les pots qui ne sont pas cassés encore par ce même groupe. Je pense qu'il est extrêmement important que le ministre des Finances, à l'intérieur du projet de loi no 80 — comme le ministre l'a mentionné, de façon bien honnête tantôt, ainsi que le député d'Outremont et le député de Bellechasse, elle a quand même son pesant d'or, cette loi no 80, parce qu'elle vient alléger, vient diminuer une taxe sur les repas à l'intérieur des hôtels où quelqu'un a pied à terre ou prend une chambre — je pense que le ministre des Finances devrait, à mon avis, repenser à son projet de loi, et apporter un amendement concernant l'article 4. Cet article 4 va démontrer, encore une fois, si jamais on l'applique à sa rigueur, qu'au Québec on sera obligé, dans le domaine de l'hôtellerie, dans le domaine de la restauration, d'augmenter encore une fois le prix des repas à cause de cette taxe et de ce changement qui sera effectué par les brasseries. Au mini-sommet touristique, le député de Saint-Maurice, ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, le ministre d'Etat au développement économique étaient présents, et tout le monde a fait un consensus à cet effet, à Sherbrooke, que le Québec n'était plus, dans le domaine de l'hôtellerie, concurrentiel.

Déjà, on a discuté depuis quelques années les fameux congrès qu'on a voulu attirer à Québec et à Montréal. On s'est équipé de supercentres de congrès pour attirer les diverses conventions des Etats-Unis vers le Québec; on a voulu attirer aussi les conventions qui pouvaient se dérouler au Canada, on les a invitées au Québec avec un accueil spécial. Déjà on mentionnait, depuis un an ou deux, que nous n'étions plus concurrentiels. Les statistiques démontraient que plusieurs conventions ne se tenaient plus au Québec à cause de cette non-concurrence.

Je pense que cet article, à l'intérieur du projet de loi no 80, aura un effet maléfique et va, encore une fois, démontrer qu au Québec il en coûte un peu plus cher qu'ailleurs pour bouffer, il en coûte un peu plus cher qu'ailleurs de prendre un bon repas dans un restaurant. Alors qu'on a voulu, à l'intérieur du projet de loi, favoriser l'industrie touristique; du revers de la main on va, par cet article 4, procéder à une augmentation. La situation est comme elle existait avant, et peut-être pire. Je prête bonne foi au ministre des Finances, je prête bonne foi à l'Assemblée nationale, à cette Chambre, mais les buts qu'on aura voulu atteindre comme législateurs, au bout de la ligne, ne le seront pas, et cela va coûter encore un peu plus cher.

Je demanderais au ministre des Finances, au nom des gens qui s'occupent de l'hôtellerie au Québec, au nom des propriétaires d'hôtel, au nom des propriétaires de restaurant et au nom des consommateurs québécois, qui ont toujours à défrayer la note, de reconsidérer cet article. Je pense que c'est extrêmement important. Merci.

Mme le Vice-Président: M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, Mme le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi no 80 présenté par le ministre des Finances. Il est relatif, comme mes collègues ont eu l'occasion de l'indiquer, aux services d'hôtellerie. Je devrai vous dire que, même si ce projet de loi concerne directement, et ce pour des sommes fort importantes, l'industrie de l'hôtellerie en général, je suis déçu à deux niveaux et ce, pour deux éléments.

Dans un premier temps, vous savez comme moi que l'industrie hôtelière au Québec est une des industries les plus importantes. L'industrie hôtelière est une de celles qui engagent le plus grand nombre d employés. C'est important, cela engage des revenus, cela implique de la taxation, des revenus fiscaux très importants. Même si on a un projet de loi ce soir qui vient affecter toute cette industrie, tout ce secteur de notre économie, il y a deux choses qu'il convient de constater,

deux choses qui entraînent et impliquent la déception. C'est le fait que, du côté du gouvernement, ce soir, il y a 7 députés sur 72 qui sont ici pour discuter de ce projet de loi. C'est décevant! Deuxième élément...

M. Johnson: ... 4 de leur côté, 4 chez les libéraux!

M. Pagé: On est autant du côté de l'Opposition même si on n'est qu'une trentaine. Le deuxième élément est que le ministre du Tourisme, le responsable du tourisme au Québec, le responsable de l'industrie hôtelière au Québec, n'est même pas ici pour faire part de ses commentaires. Celui-ci aurait pu être présent pour commenter les études faites, ce sur quoi il s'est basé, ce sur quoi il s'est fondé pour formuler un rapport favorable au ministre des Finances quand il est arrivé avec ce projet de loi.

M. Picotte: Mme le Président, question de règlement. Je m'excuse auprès de mon collègue de Portneuf, mais malheureusement, pour un projet de loi aussi important, on est autant de députés de l'Opposition que de députés au pouvoir et on n'a pas quorum malgré tout, excepté les deux qui viennent d'entrer. (22 h 20)

Mme le Vice-Président: Allez donc, M. le député.

M. Pagé: Mme le Président, je conviens que les députés péquistes sont un peu pris dans la fièvre des Fêtes. Vous savez, ces gens-là n'ont pas de dossiers à préparer à ce moment-ci, évidemment, ils sont là purement et simplement assis à écouter les débats et les échanges. Serait-ce possible, Mme le Président, de demander au sergent d'armes de "barrer" les portes? Cela pourrait peut-être nous garantir le quorum. Je n'en fais pas une directive, c'est une interrogation que je formule. M. le sergent d'armes est-ce possible de "barrer" les portes?

Mme le Vice-Président: M. le député, à l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Nous avons effectivement quorum, maintenant. Un moment, M. le député! M. le député de Portneuf, je vous demanderai, quand je vous redonnerai la parole de bien vouloir vous en tenir, maintenant, vous aussi, à la pertinence du débat.

J'avais une question de privilège de M. le député de Papineau.

M. Alfred: Mme le Président, les propos qu'a tenus le député de Portneuf témoignent d'une chose, de la suffisance de ce député. Merci.

Mme le Vice-Président: A l'ordre!

M. le député de Papineau, pourrais-je vous demander, s'il vous plaît, de ne pas abuser des questions de privilège?

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Mme le Président, je reviens au débat, évidemment. Je ne répliquerai pas au député de Papineau, je me limiterai à lui dire qu'il a peut-être le nom du comté mais qu'il n'en a pas la tête, Mme le Président.

Avant d'être interrompu de la sorte, j'étais à vous parler du sommet touristique qu'on a eu au mois d'octobre dernier, au début de novembre, où le ministre d'Etat au développement économique, M. Landry, et le ministre du Tourisme se sont rendus discuter et échanger avec tous les agents économiques qui évoluent dans le secteur de l'industrie touristique au Québec. On était en droit de présumer Mme le Président, que la présente session nous amènerait des résultats bien concrets, bien particuliers de ces échanges. On était en droit de prétendre que possiblement, ou tout au moins on pouvait espérer que le gouvernement pourrait déposer le projet d'un crédit touristique au Québec, élément important au chapitre du financement et de l'aide à la petite entreprise. Cela aurait été et cela pourrait être un pas important dans l'aide que l'on devrait apporter comme collectivité, à laquelle le gouvernement devrait souscrire, l'aide par le biais du crédit touristique administré par la Société de développement industriel, tel que le ministre du Tourisme l'a indiqué en réponse à une question combien pertinente de mon collègue de Maskinongé il y a quelques jours. C'était ce à quoi on était en droit de s'attendre.

On était en droit de s'attendre à ce que le ministre du Tourisme donne suite à l'engagement formel que celui-ci avait pris lors de l'étude des crédits du ministère du Tourisme en mai ou juin 1977, si ma mémoire est fidèle, lorsque celui-ci s'était engagé à l'égard du monde de l'hôtellerie, à mon égard comme critique d'alors de l'Opposition officielle en matière de tourisme, à limiter les contrôles administratifs dans le secteur de l'hôtellerie. On se rappellera que le député de Saint-Maurice, à ce moment-là, s'était engagé à regrouper tous les services de contrôle administratif. Mme le Président, le projet de loi 80 vient ajouter un autre élément de contrôle, un élément additionnel à ceux qu'on a déjà.

Mme le Président, je vous connais comme député depuis déjà deux ans, bientôt trois ans. Je suis convaincu que vous êtes suffisamment au fait des préoccupations de votre comté, de votre milieu, pour savoir qu'une des préoccupations fondamentales du secteur de l'hôtellerie — je suis certain que vous êtes d'accord avec moi — ce sont les multiples contrôles administratifs. Une personne qui est propriétaire d'une petite entreprise qui évolue dans le secteur de l'hôtellerie aujourd'hui a possiblement, dans sa journée, reçu la visite des gens du ministère du Travail qui viennent vérifier ou constater l'état de l'immeuble.

Il a sans doute reçu la visite des gens du service de l'hôtellerie pour voir à l'application des normes et des règlements adoptés par le ministre du Tourisme. Il a aussi sans doute reçu la visite des gens du ministère du Revenu pour contrôler les remboursements sur la taxe de vente et tout. Il

a sans doute aussi reçu la visite des inspecteurs des Affaires sociales sur la question de la propreté et de la santé. Possiblement qu'il a reçu la visite des représentants de la Commission du salaire minimum. Possiblement qu'il a reçu la visite des représentants du palier de gouvernement municipal.

Mais, Mme le Président, il y a une autre catégorie d'inspecteurs qui vient de s'ajouter, soit les inspecteurs de petites bouteilles. Vous allez dire avec moi: M. le député, est-ce que c'est pertinent? Oui, c'est pertinent. C'est un des principes de ce projet de loi qui vient changer une habitude dans l'hôtellerie et qui viendra imposer une autre contrainte additionnelle à la petite entreprise, soit celle de procéder à la vente de spiritueux ou de bière avec un nouveau contenant. De prime abord, Mme le Président, cela peut paraître défendable, cela peut paraître explicable, mais ce n'est pas justifiable.

Le ministre des Finances et du Revenu, M. le député de L'Assomption, a plaidé sur l'évasion fiscale. Celui-ci nous a indiqué que le système actuel faisait en sorte que, par le fait que certaines personnes contrevenaient à la loi et à ses règlements, il y avait des sommes, des impôts, des taxes qui n'étaient pas payés. Le ministre des Finances et du Revenu a même été jusqu'à dire tout récemment, par le biais de ses collaborateurs, que ces sommes ainsi sujettes à de l'évasion fiscale pouvaient aller aussi loin que $30 millions ou $35 millions. Je ne vois pas en quoi, Mme le Président, le ministre ou le ministère du Revenu ou des Finances peuvent en arriver à un tel calcul, à un chiffre aussi précis sans être au fait d'un inventaire de situations illégales ou illicites qui entraîneraient des pertes de revenus pour le trésor public.

Si le gouvernement du Québec est capable d'en arriver à une évaluation de $15 millions, $21 millions, ou $25 millions, peu importe le montant, dès le moment où le gouvernement du Québec est capable d'en arriver à une évaluation si précise soit-elle, comment ce gouvernement peut-il expliquer qu'il n'est pas capable de cerner précisément là où sont les problèmes? Comment le gouvernement peut-il expliquer qu'il fait face à une situation donnée, dont il connaît les effets, mais qu'il n'est pas capable de contrer? Mme le Président, je me demande... D'ailleurs, le ministre des Finances pourra dans sa réplique nous dire sur quoi son ministère s'est basé pour donner quelque évaluation que cela soit.

Mme le Président, c'est possible que, par un tel mécanisme, il y ait plus de contrôles, c'est possible qu'on puisse ainsi éviter la possibilité ou la probabilité, peu importe le terme, qu'il y ait des évasions fiscales, qu'il y ait des gens qui ne respectent pas la loi et ses règlements et qui ne versent pas régulièrement au trésor public les impôts qu'ils se devraient de verser. Cependant, plutôt que d'obliger toute l'industrie demain matin à se conformer à des normes qui deviendront coûteuses et onéreuses, le gouvernement aurait dû mettre un accent plus particulier sur les contre- venants, quitte à mettre des pénalités plus sévères, quitte à leur faire payer des sommes beaucoup plus élevées avant d'en arriver à une telle disposition. Somme toute, Mme le Président, qui paiera pour cela? C'est encore le consommateur.

Je rencontrais des représentants de l'industrie hôtelière la semaine dernière qui me disaient: Michel, c'est bien dommage, mais le verre d'alcool qu'on vend actuellement $2.25, $2.50, nous serons obligés de le vendre $3.25 et, Mme le Président, c'est quand même très appréciable. C'est le consommateur qui va payer cela: la manutention, le coût additionnel. Vous savez que les distilleries et que les brasseurs vous ont fourni des chiffres qu'ils voulaient les plus exacts possible pour identifier l'effet d'une telle mesure sur les dépenses qu'ils auront à encourir pour s'y conformer.

Je terminerai en vous disant ceci: II est regrettable qu'encore une fois ce soit le consommateur qui soit obligé de payer pour cela. Il est regrettable encore une fois que ce soit la petite entreprise qui soit obligée de faire les frais de cette volonté du gouvernement du Québec de tout contrôler et même de contrôler les grosses et les petites bouteilles. Il est regrettable, Mme le Président, que le gouvernement du Québec, dans sa volonté d'intervention à l'intérieur de l'industrie de l'hôtellerie, ne se soit pas penché plutôt sur non seulement la possibilité, mais l'obligation que le gouvernement a — le ministre des Finances pourrait certainement nous en dire un mot dans sa réplique — de mettre de l'avant le programme au chapitre du crédit touristique et ce, dans les plus brefs délais. (22 h 30)

Le problème majeur, dans notre industrie touristique, c'est la concurrence. Est-ce qu'une mesure comme celle-là ne contribue pas, elle aussi et elle encore, à affecter la compétitivité de l'industrie hôtelière? C'est le problème qu'on a actuellement et je poserais au ministre des Finances une couple de questions. Sur quoi vous êtes-vous basé pour en arriver à un montant aussi précis qu'une trentaine de millions de dollars? Ce sont les informations qu'on a eues. Est-ce que vous avez étudié l'impact de cette mesure sur l'industrie hôtelière? Est-ce que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche vous a soumis un rapport dans lequel il a probablement décrit les conséquences pour l'industrie hôtelière? Serait-il possible, si ce rapport a été confectionné, parce que je présume qu'il y en a un... J'espère que le ministre des Finances a consulté son collègue du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche; j'espère que cela ne s'est pas fait au-dessus de la tête du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, parce que si celui-ci l'a contacté comme je l'espère, il y a certainement eu un rapport qui a été produit au ministère du Revenu. J'aimerais que le ministre et député de L'Assomption dépose le rapport et les commentaires de son collègue de Saint-Maurice, le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pèche.

C'était là l'essentiel de mes commentaires, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fernand Grenier

M. Grenier: Bien brièvement sur le projet de loi 80 qu'on a devant nous ce soir. Je m'intéresse principalement à un article — je ne pourrai pas le mentionner parce que nous sommes en deuxième lecture — qui a fait l'objet d'études lors du sommet touristique à Sherbrooke. Le député de Portneuf, il y a quelques instants, a manqué une information parce que ce n'étaient pas deux ministres qui assistaient à ce sommet, mais quatre. Il y avait le ministre au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, le superministre des Affaires culturelles, le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et un autre.

M. Pagé: Je parlais des deux importants.

M. Grenier: Ah bon! Il y en avait un autre. A partir de là, M. le Président, les contenants qui sont inclus à l'article 4 ont fait l'objet de discussions importantes au congrès. Il est donné ici au ministre une possibilité, quand on dit: "II peut aussi, par règlement, ordonner qu'une boisson qu'il désigne et qui se trouve dans un établissement d'un genre qu'il détermine soit dans un contenant identifié d'une façon qu'il détermine ou, d'un format qu'il détermine..." C'est là-dessus qu'il y avait des objections au congrès. J'ai suivi toutes les assises de ce congrès, j'ai discuté avec les représentants de l'Association des hôteliers et des restaurateurs du Québec. Ils avaient des revendications à faire sur ce projet de loi 80. Ils ont dû les faire connaître au ministre, c'est sûr, mais ils avaient des revendications. Ils sont nettement contre ce pouvoir que le ministre se réserve d'imposer des formats du côté de la boisson. On sait de quoi on parle. Ce sont les petites bouteilles qu'on ne retrouve pas dans les bars d'hôtels ou de restaurants. Ce sont les petites bouteilles qu'on retrouve dans les Chambres, dans les bars de "self-service" d'hôtels. Ce sont ces bouteilles qu'on ne voudrait pas voir apparaître dans les grands bars de restaurants ou d'hôtels. Le moindrement qu'il y a un peu de service à faire, c'est sûr que ce sera pas mal plus dispendieux pour l'hôtelier ou le restaurateur qui aura à servir ces formats.

Au cours de la commission parlementaire — j'imagine que cela arrivera au cours de la soirée — il est bien sûr qu'il faudra arriver avec un amendement pour enlever cette partie de l'article 4 du projet de loi 80. Nous annonçons tout de suite que l'Union Nationale fera un amendement pour enlever cette partie afin de ne pas laisser au ministre la possibilité d'imposer ce format de bouteilles dans les commerces.

Il est sûr que ce gouvernement peut explorer certains secteurs de taxation. Je ne sais pas si cela a été pensé. Il est sûr que le ministre travaille avec des gens qui ne font que cela à l'année, soit explorer des nouveaux secteurs de taxation. Ils les découvrent, ce n'est pas long, puisqu'il nous annonce que dans les autobus spéciaux qui circulent — qu'on connaît mieux ici dans la région de Québec — entre Québec et Montréal, déjà on a réussi à taxer, ou on le fera par l'adoption de la loi, les repas dans ces autobus qui ne sont pas nombreux et qui ne transportent pas encore un nombre de clients bien nombreux puisqu'il n'y en a que quelques-uns seulement qui circulent par semaine. On a déjà réussi à trouver qu'il fallait taxer les repas dans ces autobus; on les avait oubliés antérieurement et on a trouvé cela. On arrive avec cette possibilité qui complique la vie des restaurateurs et des hôteliers. On nous l'a fait savoir.

Je pense que le ministre devrait s'attarder là-dessus assez longtemps pour ne pas répéter l'erreur qu'on a faite quand on a enlevé la taxe sur les repas, l'automne passé, ici. On s'en souvient, je pense que c'est l'automne passé. On a enlevé la taxe sur les repas croyant aider le petit salarié afin qu'il n'ait pas de taxes. On a dit: On détaxe le repas de $1.24, je pense, si ma mémoire est bonne, jusqu'à $3.24. Cela paraissait bien, aider le pauvre petit qui est dans la misère et tout cela. On veut l'aider mais il y a une chose, c'est qu'à partir de là il n'y avait plus de repas à $1.24. On s'est ramassé le lendemain avec des repas de $3.24. Alors, au lieu d'exiger $0.16 de taxe au gagne-petit, on a exigé de lui presque $2 de plus sur ses repas. Cela a été la mesure qui a été amenée l'an passé. Alors, il ne faudrait pas répéter les mêmes choses ici.

Et, du même coup, le ministre est au courant de ce qu'il a provoqué, et je pense que ses recher-chistes le lui diront. En tout cas, cela a été une plainte là-bas, au sommet touristique. On est en train d'amener ici, au Québec, les "fast foods". Le ministre est au courant de cela, de tout ce qu'on retrouve chez les McDonald's et les autres. Et on s'entendait là-bas, au sommet touristique, pour dire que c'était là qu'étaient les plus mauvais employeurs. Je répète des paroles que nous disait l'Association des restaurateurs et des hôteliers. Ce sont les plus mauvais restaurateurs et c'est à vraiment une façon de détruire la restauration québécoise, les vrais restaurants du Québec, parce qu'on avait détaxé les repas jusqu'à $3.24 et qu'on voyait envahir le Québec par ces "fast foods" américains qu'on qualifie de McDonald's ou des restaurants de ce genre.

Alors, je pense que le ministre devrait y penser à deux reprises. Je veux bien, moi aussi, être Québécois, je veux bien aider les Québécois mais il ne faut pas mettre dans l'embarras nos commerces, à nous, les commerces du Québec, les hôteliers et les restaurateurs et s'exposer à d'autres mesures qui nous arriveront, qu'on ne voit pas encore, mais des mesures qui arriveront peut-être ou des répercussions à l'application de ce paragraphe à l'article 4 qui seront peut-être encore désastreuses pour notre restauration et nos hôteliers du Québec. Je voudrais que le ministre y réfléchisse. On ne passera pas la nuit sur la loi mais il reste une chose, c'est qu'il y a un amendement que nous de-

vrons faire et qui est important. M faut connaître les implications et celle-là, ici, en est une qui est importante, qui a certainement été signalée.

Pourquoi l'a-t-on gardé dans la loi? Je ne le sais pas, mais le président de l'Association des restaurateurs du Québec me l'a signalé au sommet touristique, et il a dit: Cela ne peut pas être cela. Si c'est ce qu'on veut apporter, vous devrez vous battre, dans l'Opposition, pour ne pas l'avoir. Cela nous complique la vie, nous, les restaurateurs et quand on a un gouvernement... Pas nous autres, ni l'Union Nationale ni le Parti libéral. Nous autres, on n'est pas pour les petits. On est censés être pour les gros. C'est la réputation que nous a faite ce gouvernement. C'est le gouvernement des petits, du petit monde, du monde dans la misère. Ce sont eux autres, cela. Ce n'est pas nous autres, selon ce qu'on nous a dit pendant la dernière campagne électorale.

Si c'est cela, il faudra qu'on pense au Québécois, au petit Québécois, au petit restaurateur qui veut s'impliquer. Il ne faut pas l'étouffer, il faut l'aider et l'aider, c'est ce qu'on tente ce soir, et aider le gouvernement à collaborer avec ces gens pour qu'ils donnent un service acceptable et qu'ils ne soient pas obligés, parce que cela va leur causer des problèmes assez importants, de doubler leur personnel parce qu'on leur complique la vie à l'article 4. Nous ferons certainement un amendement lorsque nous arriverons en commission. Je voudrais bien attirer l'attention du ministre sur cette partie de l'article 4.

M. Marchand: Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le député de Laurier.

M. André Marchand

M. Marchand: J'aurais quelques remarques à faire sur quelques principes qu'il y a dans le projet de loi mais, avant d'aller plus loin, je veux reprendre le député de Mégantic-Compton, qui a dit que les "fast foods" n'appartiennent qu'aux chaînes. Je lui dirai qu'il y a des petits Canadiens, des petits Québécois qui sont déjà, depuis une couple d'années, dans ce commerce et, juste dans la région de Montréal, ils sont déjà rendus à neuf restaurants dans le "fast food". Cela va très bien et cela sera plus gros dans quelques années, Vincent Sous-Marin. On ne fera pas de commercial.

Sur certains principes, il y a une petite remarque qui me vient en lisant le projet de loi au complet. Je me demande si on ne revient pas, dans le projet de loi, à une vieille coutume qui existait il y a dix, quinze, vingt ou vingt-cinq ans, le sandwich sec et la tranche de salami séchée qui se passaient de table en table pour avoir un verre de boisson lorsque dans un hôtel on aura le droit de servir de la boisson seulement avec les repas pour être exempt de taxe. (22 h 40)

Autre chose, dans le projet de loi, un autre principe qui me fatigue un peu et qui sûrement fatigue énormément nos restaurateurs, de Québec, Montréal et de toutes les municipalités de la province, c'est ce principe de ne pas taxer les repas compris avec la chambre d'hôtel. Qu'est-ce qu'il advient des maisons de chambres qui appartiennent à des particuliers? Je suis assuré, par exemple, que plusieurs camionneurs et plusieurs personnes se priveront d'aller dans ces maisons de chambres pour aller dans les gros hôtels multinationaux afin d'avoir un repas sans taxe plutôt que de dépenser peut-être $10 ou $15 de moins pour leur chambre et aller manger dans un restaurant.

La suggestion que j'aurais à faire, ce serait sûrement d'enlever la taxe complète sur tous les repas, dans les restaurants, ce qui réglerait le problème des petits hôteliers, des propriétaires de maisons de chambres et en même temps aiderait le tourisme que ce gouvernement, depuis qu'il est au pouvoir, est en train de détruire par toutes sortes de mesures. Naturellement, cette loi va aider les gros hôtels et le tourisme au Québec, mais il va quand même empêcher peut-être une clientèle de s'en aller vers les propriétaires québécois, canadiens dans nos restaurants, dans nos maisons de chambres. Vous en avez dans le Vieux Québec une foule, et peut-être que certains députés même demeurent dans ces chambres d'hôtel qui ont aussi une clientèle passante. Le camionneur artisan qui est obligé, à l'occasion d'un voyage un peu plus long, de coucher dans la ville de Québec, à Montréal, Saint-Hyacinthe ou ailleurs sera obligé d'aller dans les hôtels multinationaux au lieu de faire vivre des petits propriétaires qui ont besoin de gagner leur vie et dont l'argent revient continuellement au Québec, retourne au Québec, alimente le roulement, fait vivre une foule d'employés qui dépensent leur argent ici.

C'étaient les deux choses que j'avais à dire sur les principes du projet de loi, enfin demander au ministre s'il y avait possibilité d'enlever la taxe complètement sur les repas, dans les restaurants, ce qui donnerait une chance à nos petits hôteliers, aux propriétaires de maisons de chambres, en même temps à tous nos petits restaurateurs de gagner encore leur vie et d'attirer le tourisme en plus grande abondance.

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Mme la Présidente, j'ai été impressionné par le débat jusqu'à maintenant parce que je me rends compte qu'il y a, comment dire, toutes espèces de "lobbies" à l'oeuvre qui manifestement font le tour dans l'Assemblée nationale avec leurs préoccupations. Parlons au fond du droit réglementaire qui se trouve dans cette loi sans mentionner un article en particulier. Ce droit réglementaire, on dit que le ministre l'utiliserait pour imposer des petites bouteilles dans les bars. Je n'en ai pas parlé, Mme la Présidente, pour la raison suivante, c'est que cela ne peut pas mar-

cher. Je ne sais pas d'où vient le débat. Une des raisons pour lesquelles je n'ai pas soulevé les petites bouteilles, c'est que cela ne peut pas fonctionner pour les raisons très simples que vous comprendrez, j'imagine facilement, pour ceux d'entre vous qui comme moi ne détestent pas les cocktails mélangés.

S'il s'agit de verser dans un verre un scotch ou un gin, cela va très bien. Mais comment faites-vous un cocktail mélangé avec un certain nombre de centaines de petites bouteilles devant vous, en mettant un petit peu de l'une, comment vous stockez cela? Je n'ai rien à vous dire. De toute façon, je ne le fais pas. Non. Que des gens aient des frayeurs. Il y a des gens qui ont des frayeurs comme autrefois certaines femmes avaient des vapeurs; cependant, cela ne peut pas fonctionner, les petites bouteilles.

Il y a quelques Etats américains qui ont tenté l'expérience et c'est tout à fait probable. Je veux bien qu'on en discute pendant une heure des petites bouteilles, moi je n'en ai pas parlé parce que je suis persuadé qu'il n'y a rien là.

On m'a demandé comment contrôle-t-on la fraude et comment établit-on un montant précis sur la fraude? Je pense que c'est le député de Portneuf qui disait cela. Si je pouvais établir un montant précis sur la fraude, il n'y aurait pas de fraude. Voilà, forcément, par définition, vous comprenez, la fraude on ne peut pas déterminer un montant.

M. Pagé: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. Parizeau: Celui qui a parlé de fraude ce soir... Le député de Portneuf, je suis entré ici en vitesse en disant: Je vais soulever une question de privilège, il m'attribuait des commentaires sur la fraude. Ce n'est pas moi qui ai parlé de fraude; je pense que c'était le député d'Outremont. Moi, je n'ai pas dit un mot là-dessus, ce soir. Je n'ai vraiment pas dit un mot sur la fraude ce soir; je n'ai quand même pas la berlue.

M. Raynauld: Je soulève une question de privilège, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: Sur une question de privilège.

Une Voix: II est encore là.

M. Raynauld: Oui, je suis encore là et j'ai l'intention de rester. Si le ministre n'a pas parlé de fraude ce soir, c'est exact, mais on n'a pas dit qu'il avait parlé de fraude ce soir. J'ai fait référence à un article dans la Gazette où on a dit que c'était son chef de cabinet, M. Séguin, qui avait donné des estimations de fraude à cause de la non-identification des bouteilles. Il n'a pas contesté. Le ministre n'a pas retiré ces estimations et ce sont ces estimations auxquelles j'ai fait rapport. Il y a quand même des limites.

M. Parizeau: Mais je ne faisais pas allusion à ce qu'avait dit le député d'Outremont, je faisais allusion à ce que le député de Portneuf m'attribuait. Alors, ce n'est pas moi qui en ai parlé, c'est le député d'Outremont.

M. Pagé: Mme le Président, question de privilège.

Mme le Vice-Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Mme le Président, très brièvement, sans vouloir en faire un débat...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, M. le député.

Une Voix: ...

M. Pagé: Levez-vous donc, ce serait rare, vous ne vous levez jamais, vous. Vous devriez vous lever de temps en temps, vos électeurs seraient peut-être un peu plus satisfaits.

Mme le Vice-Président: M. le député de Duplessis, s'il vous plaît!

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Brièvement, Mme le Président, il y a une déclaration qui a été reproduite dans la presse qui aurait été faite par le chef de cabinet du ministre des Finances...

Mme le Vice-Président: M. le député, est-ce que c'est vous... Vous considérez que c'est votre privilège qui est attaqué, M. le député, comme je l'ai demandé au député de Papineau tantôt, je vous demanderais — parce que les questions de privilège sont quand même quelque chose de sérieux — de ne pas abuser ni les uns ni les autres des questions de privilège. Sur ce, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Mme le Président, le ministre des Finances a voulu m'imputer des motifs ou des paroles. Ce à quoi j'ai fait allusion c'était à un de ses collaborateurs, puis à ce que je sache, son chef de cabinet, c'est un de ses collaborateurs, purement et simplement.

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Mme le Président, il y a des cas, si on voulait absolument m'attribuer une évaluation très grossière de ce qu'on perd comme argent, je pense déjà en avoir parlé en commission parlementaire. Cela ne m'étonnerait pas qu'en fouillant un peu — mettez un recherchiste au travail — vous allez probablement trouver que j'ai moi aussi lancé des estimations très grossières, par définition, on ne sait pas.

Néanmoins — et je reviens à certaines choses qui ont été dites tout à l'heure — il y a deux

façons, dans l'hypothèse où on sait qu'il y en a beaucoup — admettons que nous nous entendons sur cela — il y a deux façons de traiter cela. Je peux recruter un bataillon d'inspecteurs. Quand je pense que le député de Portneuf qui, déjà tout à l'heure, déplorait le nombre d'inspecteurs, il n'aimerait pas en avoir un de plus. A la limite, je ne peux tout de même pas mettre un inspecteur derrière chaque "bar man". C'est le Revenu qui est chargé de contrôler la consommation de l'alcool, par la loi. Je peux donc recruter des centaines de braves zigs qui, au coût qu'on paie ce genre de monde, à $0.21 le mille à part cela, vont aller faire de l'inspection et empoisonner les hôteliers chez eux. Je peux faire cela. Je trouve cela ridicule. C'est du gaspillage de fonds publics. D'autre part, cela empoisonne, finalement, les braves hôteliers, qui ont quand même autre chose à foutre que de se faire contrôler constamment à longueur de journée. (22 h 50)

N'en faisons pas un débat, il n'y en a pas. Il n'y a pas de débat sur cela. Il s'agit maintenant de trouver des moyens d'identification ou possiblement de perception, d'ailleurs, des mêmes taxes a la source, le plus loin possible — ici, on entre dans des problèmes constitutionnels qui sont assez compliqués, d'ailleurs — du détail, des ventes au détail de façon, premièrement, afin, que le gouvernement recueille les taxes qu'il doit percevoir; deuxièmement, de façon à empoisonner le moins possible les hôteliers et les propriétaires de bar; troisièmement, qu'il n'y ait pas de répercussions, en tout cas, pas d'importantes, sur le consommateur ou le client. Il faudrait réconcilier ces trois objectifs.

Il y a, sur le plan des techniques, toute une série de choses qu'on peut retenir. Je suis impliqué par exemple, à l'heure actuelle, dans de sombres discussions de bouchon. C'est pour cette raison que j'ai besoin de la question du format. Il y a des bouchons qui sont tels qu'on ne peut pas remplir trois ou quatre fois la même bouteille. Quand elle est vide, elle ne peut plus être remplie. Ce n'est pas tout à fait à l'abri de la fraude, parce qu'on m'a parlé de sombres histoires de seringue. Vous comprenez? Il faut que j'aie un droit de réglementation; et comment va-t-on l'exercer en fonction des objectifs que j'expliquais tout à l'heure? Essentiellement en collaboration avec l'industrie. Une des raisons principales pour laquelle le "lobby" de tout ce monde a pu se manifester par les députés présents ce soir, c'est qu'ils sont tous passés par mon bureau; on les rencontre tout le temps et on essaie de faire en sorte, justement avec eux, de trouver le moyen de satisfaire les objectifs dont j'ai parlé tout à l'heure, en collaboration directe avec ces derniers.

Il y en a qui ne sont pas contents, je l'admets, parce qu'il y en a qui profitent pas mal de la situation actuelle. On en attrape ainsi de temps à autre. Il y en a d'autres qui règlent leurs impôts, leur taxe de vente à payer régulièrement et qui, au fond, ne seront pas dérangés. Tout ce que je voudrais faire, c'est mettre un peu tout le monde en garde contre le fait que vous avez là-dedans des gens très honnêtes et d'excellents citoyens. Vous en avez d'autres qui, parfois, prennent une chance. Vous en avez un troisième groupe qui prend des chances assez souvent, jusqu'à ce qu'il se fasse prendre. Il faut apprécier les commentaires. L'humanité est aussi diverse de ce côté-là qu'elle l'est dans la société en général. Cela implique que j'ai évidemment beaucoup de consultations avec ces gens-là. Il faut qu'on trouve une réglementation qui nous permette de satisfaire en gros les trois objectifs dont je parlais tout à l'heure.

C'est dans ce sens que je n'ai pas fait un débat de fond ici, parce qu'à mon sens ce n'est pas un débat de fond; j'aimerais tellement mieux que cela puisse se régler de cette façon, plutôt que le ministère du Revenu aille embaucher 200, 300, 400 inspecteurs qui se promèneraient de bord en bord pour aller faire des vérifications à des heures indues de la nuit ou subrepticement le matin, le lendemain de la veille. Bon. Si on peut régler le problème par d'autres moyens, ce serait infiniment préférable.

Il y a effectivement des compagnies, dans le domaine des brasseries, qui ont estimé le coût que cela pourrait représenter si on avait des identifications différentes de bouteille. Je crois comprendre, par les chiffres qui ont été mentionnés ce soir, que ce sont les premières estimations, les estimations originales qui circulent encore depuis ce temps. Grâce justement à ces gens de mon cabinet, auxquels on a fait allusion tout à l'heure, on a raffiné les chiffres au point où on commence à s'entendre sur des répercussions beaucoup moins dramatiques que certaines de celles qui ont été discutées ce soir.

Encore une fois, ces choses ne seront pas établies par règlement avant que l'industrie ait été continuellement et jusqu'au bout sondée de façon à réaliser les trois objectifs dont je parlais tout à l'heure. Quant à l'aide apportée à l'industrie touristique elle-même, je comprends qu'on peut déborder dans toute espèce de direction, on veut toujours faire mieux, on peut toujours dire: Oui, mais pourquoi n'y a-t-il pas de crédit touristique là-dedans? Il n'y a pas de crédit touristique là-dedans pour une bien bonne raison, le projet de loi ne porte pas là-dessus.

Pourquoi ne supprimerait-on pas la taxe sur les repas? Je pense que c'est le député de Laurier, tout à l'heure, qui disait: Supprimons la taxe sur les repas. Supprimer la taxe sur les repas, je ne sais pas comment interpréter cela. Pour le député d'Outremont, il n'y a pas de quoi fouetter un chat, parce que cela ne rapporte que $157 millions. On l'a entendu dire, ce matin, que l'augmentation des exemptions personnelles pour les femmes mariées, il n'y avait pas là de quoi fouetter un chat et cela exemptait de $125 millions.

J imagine que c'est un deuxième chat, à $157 millions, c'est presque le même montant! Cela peut paraître une mesure secondaire qui aiderait lindustrie touristique. Pour moi, ce n'est pas une industrie secondaire. Qu'est-ce que vous voulez?

C'est $157 millions. Et l'équilibre des finances publiques du Québec fait qu'on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a. $157 millions, le faire tout de suite, mais, évidemment, je n'ai pas les moyens de faire cela. Evidemment, le trésor québécois n'a pas les moyens de faire cela. Plus modestement, on a enlevé 8% de taxation sur les chambres d'hôtel, ce qui enlève $20 millions de taxation sur une industrie qui en avait sérieusement besoin et qui, depuis ce temps, félicite le gouvernement d'avoir posé ce geste et a, avec nous, de ce temps-ci, les meilleurs rapports. Qu'est-ce qu'on veut de plus? Merci, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: Cette motion du ministre des Finances proposant que soit maintenant lu pour la deuxième fois le projet de loi no 80, Loi modifiant de nouveau la Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie, est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Renvoi à la commission du revenu

M. Charron: Madame, je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire du revenu qui veillera à l'étudier article par article.

Mme le Vice-Président: A la commission parlementaire des finances, M. le leader?

M. Charron: Du revenu, madame, parce que. j'ai l'intention de convoquer une seule commission pour étudier les projets de loi que nous étudions ce soir.

Mme le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

M. Charron: Madame, nous avons donc adopté deux des sept projets de loi que nous devons adopter avant d'ajourner l'Assemblée. Je propose maintenant que vous appeliez le troisième, c'est-à-dire l'article 21 de notre feuilleton aujourd'hui.

M. Goulet: Mme le Président, un détail technique, je m'excuse. C'est écrit que le projet de loi est présenté par le ministre des Finances, il n'y a aucune différence, on le défère à la commission du revenu?

M. Charron: II n'y a rien d'illégal à ce que je viens de faire. On pourrait toujours faire la concordance, mais vous savez que, théoriquement, j'aurais pu le déférer à la commission des terres et forêts; pour un projet de loi, l'important est que des députés veillent à l'étudier article par article. C'est ce qu'impose notre règlement et je ne pense pas que j'aie de corrections à faire à ce que j'ai proposé.

Projet de loi no 81 Deuxième lecture

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances propose la deuxième lecture du projet de loi no 81, Loi modifiant de nouveau la Loi de l'impôt sur la vente au détail.

M. le ministre.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Mme le Président, je vous avouerai que je ne peux pas aborder cette question de l'impôt sur la vente au détail sans une certaine émotion. Je crois que, effectivement, cela a marqué ce qu'on appelle maintenant la crise de la taxe de vente, que cela a marqué, au Québec, un moment important à la fois d'unanimité des Québécois et de leurs partis politiques face à l'intrusion d'un gouvernement fédéral dans un champ de taxation qui n'était manifestement pas le sien. C'est un moment de collaboration entre nous tous, d'ailleurs, que personnellement j'ai vivement apprécié, une sorte de — je pense que le terme n'est pas trop fort — ferveur dans beaucoup de milieux québécois, devant l'aptitude de leurs institutions à se tenir debout, et je fais cela absolument sans partisanerie. Je suis persuadé que si l'appui général que nous avons reçu n'avait pas été disponible, nous n'aurions jamais pu faire vraiment aboutir, comme cela a abouti, cette démarche. Bien sûr, le gouvernement du Québec, en abolissant la taxe de vente sur les vêtements, les chaussures, les meubles et les tissus, pour un an, jusqu'au 31 mars, s'est fait prendre dans un tour de passe-passe où le gouvernement fédéral a distribué des chèques aux particuliers au lieu de rembourser au gouvernement du Québec ce qui aurait dû lui être versé, mais ce sont les aléas de nos relations fédérales-provinciales dont des vieux routiers comme moi finissent par avoir un peu l'habitude. (23 heures)

II y a toujours moyen de s'en sortir, d'ailleurs, la preuve est faite qu'on s'en est sorti. Cela a aussi marqué, je pense, à l'égard des consommateurs et des producteurs du Québec, un moment important. Sur le plan du relèvement de l'économie du Québec, nous avions perdu, en 1977, presque 40 000 emplois dans le domaine industriel, dont les trois quarts étaient concentrés dans ces secteurs traditionnels d'activités; 1977 a été une année très dure sur ce plan.

D'autre part, un relèvement de l'économie implique évidemment qu'on relève les emplois industriels, mais pour faire cela, il faut quand même que le consommateur ait davantage d'argent dans ses poches. Or, jusqu'à la fin de 1977, le consommateur, au Québec, voyait, année après année, l'augmentation de son pouvoir d'achat réel transférée en impôts provinciaux, municipaux, systématiquement, chaque année, et cela pendant quatre ans. On ne peut pas relever une économie avec des consommateurs dont l'augmentation du pouvoir d'achat s'en va constamment en impôts. Cela aura marqué, et pour les consommateurs et

pour la production, un moment important. Pour les consommateurs, évidemment, compte tenu de la réforme fiscale dont je parlais plus tôt aujourd'hui, laquelle aura transféré à peu près $300 millions, plus les $85 expédiés par le gouvernement fédéral qu'on a laissés aux Québécois, plus les réductions de la taxe de vente, cela implique une chose: Au cours de l'année qui vient de s'écouler, on aura transféré aux contribuables des réductions d'impôts totales d'à peu près trois quarts de milliards de dollars.

On a l'habitude, quand on pense aux chiffres qu'émet un ministre des Finances du gouvernement fédéral, d'avoir des chiffres assez gros; mais cela date de quand l'époque où le gouvernement fédéral aurait accordé aux particuliers une réduction des impôts, pour tout le Canada, de $2,5 milliards ou de $3 milliards? On n'a pas vu cela depuis très longtemps. Or, sur la même échelle, c'est ce que nous avons fait en 1978 au Québec. Et l'exemption de la taxe de vente est une des pièces importantes, majeures, pour les producteurs, évidemment. Cela s'est associé à d'autres mesures prises par le ministère de l'Industrie et du Commerce, prises par la Société de développement industriel, prises par toute une série d'instances gouvernementales qui, à la suite de consultations avec l'industrie, se sont rendu compte que par un faisceau de mesures différentes, on pouvait redonner à cette industrie un allant, une productivité, un développement qui permettraient d'espérer beaucoup plus pour l'avenir.

Habituellement, je suis très critique vis-à-vis du gouvernement fédéral à cet égard. Je dois reconnaître ici qu'en accordant des quotas, des contingents de trois ans à l'industrie de la chaussure et à celle du vêtement, le gouvernement fédéral aura donné un solide coup de main. Je peux le dire de temps à autre, une fois n'est pas coutume, mais cela s'est inscrit clairement dans un programme de relèvement dont ces industries avaient sérieusement besoin.

Je ne veux pas aller plus loin dans la description des effets de ces mesures. Nous avons eu l'occasion d'en discuter souvent en Chambre et d'essayer de faire le point sur cette question. Il est un peu tard, ce soir, je pense, pour reprendre tout ce débat et toutes les caractéristiques de l'évolution qui s'en est suivi. Cependant, je voudrais simplement ajouter qu'à l'occasion de l'ouverture de la Loi de la vente au détail, pour consacrer par la loi ce que nous avons fait déjà depuis le 12 avril dernier, on aura ajouté un certain nombre d'exemptions de la taxe de vente essentiellement de deux types: Exemption de la taxe de vente sur un certain nombre de produits ou de véhicules qui sont utilisés par les handicapés. Je pense que c'est une mesure qui va de soi, qui est de caractère social évident et qui ne demande pas de commentaires très longs. Cela s'inscrit dans cette législation à l'égard des handicapés, dans ces mesures d'aide à l'égard des handicapés, dans ces mesures fiscales pour les aider; c'est une législation qui, depuis un an ou un an et demi, a connu un certain réveil, comme on le sait, dans le cadre du présent gouvernement.

Deuxièmement, nous avons accepté aussi d'exonérer de la taxe de vente les rubans magnétiques ou les ventes de disques pour les fins de diffusion publique par des stations de radio ou de télévision, ainsi que les ventes de films. C'est un geste qui, pour cette industrie qui éprouve, sur le plan de la concurrence, des difficultés qu'on connaît bien en raison même de la petite taille du marché que nous occupons en Amérique du Nord, était demandé depuis très longtemps. Là encore, cela ne réglera pas du tout, bien sûr. On me dira: Cela ne remplace pas la société des industries culturelles. Mais non, forcément. Mais cela s'ajoute, là encore, à une sorte de coordination, vers des objectifs de développement que le gouvernement s'est fixés.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire dans un premier temps à l'égard de ce projet de loi 81. Je reviendrai, au besoin, en réplique, en y ajoutant des éléments, s'il le faut. Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Clair): M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Oui, M. le Président, je serai très bref. Je pense aussi qu'il est un peu tard pour s'engager dans un débat de fond sur les réductions sélectives de la taxe de vente; donc, je m'en abstiendrai. Mais j'ajouterai deux petites remarques à propos des réductions de taxe de vente qui s'ajoutent au projet de loi, l'une qui se rapporte à l'exénoration de la taxe de vente sur les produits, médicaments et même les véhicules et équipements servant aux handicapés, que je voudrais approuver explicitement, de même que la seconde portant sur l'exonération de la taxe de vente en matière de films et de disques. Ce sont deux mesures que nous accueillons favorablement, même si elles ne règlent pas l'ensemble des problèmes. Mais, comme telles, ce sont deux mesures que je tenais à souligner comme ayant notre appui. Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Clair): M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: M. le Président, sur le projet de loi 81, je serai quasiment obligé de suivre l'exemple de mon collègue d'Outremont. M. le Président, ce projet de loi...

Une Voix: ...

M. Goulet: Non, quelques commentaires quand même. Ce projet de loi modifie la Loi sur la taxe de vente; il abolit surtout la taxe sur les vêtements, les chaussures et les meubles. On se rappelle que cette mesure a permis de donner un très bon élan à l'industrie de ce qu'on appelait communément le secteur mou. Vous savez sans doute que l'on pourrait passer de nombreuses

heures à discuter. Seulement, lorsqu'on aperçoit le titre de ce chapitre, on se rappelle ici les débats qui ont été tenus, on se rappelle l'unanimité qu'il y a eu, le vote de confiance que tous les membres de l'Assemblée nationale avaient alors donné au ministre des Finances. Je pense, étant donné l'heure, qu'il va de soi, Mme le Président, qu'on ne reviendra pas sur ce chapitre, bien qu'on puisse se rappeler, par exemple, la solidarité qu'il y avait eue en cette Chambre lorsque ces mesures avaient été annoncées.

Est-ce que l'on reverra ces mesures l'an prochain parce qu'elles ont été votées pour un an? Le premier ministre l'a déjà annoncé, je crois que c'est dimanche dernier; il l'a souligné et a semblé dire que nous pourrons revoir ces mesures. Tant mieux! Félicitations! Elles pourront encore avantager les Québécois et surtout ceux qui achètent ces articles et surtout ceux qui oeuvrent dans cette industrie.

J'aimerais également rappeler au ministre que j'étais heureux lorsqu'il a annoncé ce projet de loi. Il se rappellera sans doute que, dès octobre ou novembre dernier, j'avais, lors d'une allocution, demandé et insisté auprès du ministre pour qu'on enlève justement la taxe sur ces trois articles. J'en avais ajouté un autre. Vous comprenez, Mme le Président, pourquoi je suis heureux de voir un tel projet de loi.

Il y a une très courte question que j'aimerais poser au ministre concernant le remboursement à une personne privée de l'usage de ses membres. Bien sûr, je change de chapitre. C'est concernant le remboursement à une personne privée de l'usage de ses membres inférieurs, l'abolition de la taxe payée sur l'achat d'un véhicule conçu pour lui en permettre la conduite. Cela vaut également pour une personne qui effectue dans un but non lucratif le transport de ces personnes. (23 h 10)

J'ai vérifié cet article, c'est-à-dire le principe énoncé dans cet article, mais on voudrait que le ministre nous dise, lors de sa réplique... Si un véhicule est acheté par un handicapé, c'est-à-dire handicapé des deux membres inférieurs, mais qu'il n'est pas modifié... Je prends comme exemple une personne, un homme qui achèterait ce véhicule, qui n'a pas besoin de le faire transformer, un véhicule ordinaire, et que cela pourrait être son épouse ou son fils qui conduirait l'automobile, mais le véhicule est bel et bien acheté au nom et payé par la personne handicapée. Etant donné que le véhicule n'aura pas besoin de modification, est-ce qu'il aura droit quand même à la réduction de la taxe?

Je pense que c'est bien important, parce qu'il y a là un principe. Je ne vois pas la différence entre une personne, deux handicapés, par exemple, deux voisins, qui ont tous les deux les jambes coupées et dont un devra faire modifier son véhicule... D'accord, si on enlevait la taxe sur le prix de la modification, les pièces à modifier, je serais d'accord mais, si je comprends bien le projet de loi, on enlève la taxe sur le prix total du véhicule, y compris les modifications. Vous savez, l'autre personne qui a le même handicap et qui n'aurait pas besoin de faire modifier son véhicule, mais qui a quand même besoin d'un véhicule, parce que son épouse peut le conduire... Pourquoi, à ce moment, le principe ne vaut-il pas?

Egalement, si on a senti le besoin, madame, d'enlever la taxe sur un véhicule transformé quand une personne n'a pas ses deux jambes, il me semble qu'on aurait dû faire la même chose pour les gens qui sont obligés de faire modifier leur véhicule, les gens qui ont seulement un bras. On sait souvent qu'ils sont obligés de changer le bras de vitesse de côté ou des modifications semblables. Je me demande pourquoi on n'aurait pas pu l'inclure également, quand c'est un véhicule qui est modifié. Je ne vois pas pourquoi l'idée des deux jambes, parce que souvent, quelqu'un a seulement un bras ou seulement une jambe et doit quand même faire modifier son véhicule... Ou encore un certain pourcentage de taxe, une certaine rémunération... mais là, il fallait que ce soient les deux jambes. C'est simplement cette question que je voudrais que le ministre, lors de sa réplique tout à l'heure, nous dise à quoi on doit s'en tenir quant au principe parce qu'il me semble que ce n'est pas tout à fait clair.

Etant donné, madame, il va de soi, encore là, que ces mesures sont des coupures de taxes et que dans les domaines de la chaussure, du vêtement et du meuble, nous avons pu constater l'efficacité de ces mesures, il va de soi que nous appuierons ce projet de loi en deuxième lecture.

Mme le Vice-Président: M. le député de Frontenac.

M. Gilles Grégoire

M. Grégoire: Mme le Président, je voudrais dire quelques mots sur ce projet de loi, d'autant plus que je crois que c'est un des meilleurs projets de loi qui aient été apportés au cours de la présente année, surtout que ce projet de loi, abolissant la taxe de vente dans trois domaines bien particuliers, a permis au Québec de faire valoir plusieurs points: d'abord le fait que toute cette Assemblée nationale, que tous les députés du Québec ont été unanimes à réaffirmer la juridiction complète et entière du Québec sur la taxe directe de vente, étant donné que tous se sont unis pour réaffirmer cette juridiction et cette autorité du Québec sur la taxe de vente, je crois que cela a été là quelque chose de rare qui a été accompli, puisque tous se sont unis pour affirmer que le Québec a des droits et qu'il doit les protéger.

Je dirai également que cela nous a permis également de constater quelque chose de très important, à savoir que, s'il y a un gouvernement qui est capable de bien cerner, de bien constater quelles sont les priorités du Québec, c'est bien le gouvernement du Québec, et que ce n'est pas le gouvernement d'Ottawa qui a su cerner quelles étaient les priorités dans le domaine de réduction de taxe, dans le domaine économique pour le

Québec. Cela a été le gouvernement du Québec, plus proche des citoyens, qui a été celui qui a été capable de réellement cerner les besoins.

En effet, quels étaient les besoins? C'était de voir à détaxer le plus possible les produits du Québec, ceux, par exemple, comme le textile, où il y a de nombreuses industries un peu partout dans le Québec, les produits du meuble, les meubles par exemple, où nous avons plusieurs industries et plusieurs milliers d'employés, le textile, le vêtement, tous ces secteurs de la production industrielle où nous avons des dizaines de milliers de travailleurs. Mais ces secteurs s'en allaient de plus en plus en décroissant parce qu'Ottawa — le gouvernement fédéral — permettait des entrées de produits venant de l'extérieur à des prix inférieurs à ceux qui sont produits ici au Québec et le fait d'enlever la taxe de vente sur ces produits a permis un regain dans ces industries et, on a pu le constater, ces industries ont recommencé à prospérer, mais c'est grâce à la loi qui abolissait complètement la taxe de vente sur certains produits dont le meuble, le vêtement, le textile et le reste.

On a donc pu en voir les effets bénéfiques et c'est pourquoi je dis que, s'il y a un gouvernement qui est capable de cerner les priorités, c'est bien le gouvernement de Québec et il a joué son rôle. On a pu voir, par ce projet de loi, par cette taxe de vente abolie dans certains secteurs, quelque chose qui a été unique cette année à l'Assemblée nationale. On a pu voir le Québec discerner les besoins et on a pu voir l'unanimité des députés autour de la réaffirmation de la juridiction du Québec sur la taxe de vente. C'est pourquoi je suis heureux de m'unir au député d'Outremont, de munir également aux députés de l'Union Nationale et aux autres partis de l'Opposition en cette Chambre pour féliciter le ministre des Finances du Québec qui a su apporter la bonne solution à ce problème de la taxe de vente.

Mme le Vice-Président: M. le député de Drummond.

M. Michel Clair

M. Clair: Rarement une mesure comme celle qui a été prise par le ministre des Finances au Québec aura eu des effets aussi diversifiés et aussi positifs à plusieurs points de vue, Mme le Président.

Venant d'une région où l'industrie du textile est largement implantée, où l'industrie du textile domine le secteur manufacturier, ce soir, c'est l'expression, je dirais presque de gratitude, de toute une population que je voudrais rendre au ministre des Finances à ce sujet.

Le premier résultat de l'abolition sélective de la taxe de vente dans le domaine du textile et du vêtement a certes été, dans des régions comme la mienne, de relancer l'industrie, l'industrie du textile. Pour vous donner simplement, sans la nommer, le cas d'une entreprise chez nous, en moins de trois ans, elle avait connu une baisse, dans le niveau de l'emploi, de plus de 500 emplois. Pour une ville qui a une main-d'oeuvre d'environ 9000 travailleurs, inutile de vous dire l'immensité de l'impact d'une industrie textile et du vêtement qui allait en déclinant.

Je voudrais vous donner le nom de cinq ou six villes du Québec et l'importance du secteur bien précis du textile dans le domaine des emplois manufacturiers. A Magog, le secteur manufacturier comprend 2900 travailleurs; on retrouve dans le domaine de l'industrie du textile 2200 personnes, soit 75,9% des gens qui y oeuvrent.

A Louiseville, sur 2174 travailleurs et travailleuses du secteur manufacturier, 1142, soit 52%, travaillent dans l'industrie du textile.

A Saint-Georges-de-Beauce, 49,8% des 7167 travailleurs et travailleuses.

A Cowansville, 42,5% avec 1683 travailleurs sur 3956.

A Drummondville, sur une main-d'oeuvre totale, en 1975 toujours, de 9652 travailleurs, 4057 oeuvraient dans l'industrie du textile.

Je pense qu'à ce moment-ci, je suis en mesure de vous dire que les deux principales industries de textile dans ma ville m'ont confirmé la semaine dernière que l'ensemble de leurs métiers à tisser fonctionnait à plein rendement et elles reconnaissaient que l'une des raisons importantes pour cela, c'était justement l'abolition de la taxe de vente sur les vêtements et les textiles. (23 h 20)

Mme le Président, comme le disait si bien mon collègue de Frontenac tantôt, je pense que cela démontre à quel point on peut compter sur le gouvernement du Québec et à quel point ce gouvernement est bien placé pour répondre aux besoins de l'industrie locale en vue du développement et surtout de la stabilisation du niveau d'emploi dans ce domaine.

L'abolition de la taxe de vente dans le domaine des textiles a également eu un effet social très important. Encore une fois, l'abolition de la taxe sur les vêtements a permis à des gens de répondre à des besoins fondamentaux dans le domaine de la chaussure, dans le domaine du vêtement, dans le domaine des meubles et cet effet social positif est venu s'additionner à l'effet positif sur l'industrie.

Un troisième effet important a été de relancer le commerce dans un grand nombre de villes et de régions, chez un grand nombre de petits et moyens commerçants. Là non plus ce n'est pas un effet négligeable parce que le niveau d'emploi dans les villes du Québec passe également par l'intensité des activités du commerce.

Enfin, je n'ai pas l'intention d'être très long, Mme le Président, je conclurai en disant que l'abolition de la taxe de vente aura également eu un effet positif indirect. Même si cela a témoigné d'un manque de collaboration évident de la part du gouvernement fédéral, bien des Québécois ont eu $85 en poche pour les réinvestir dans l'économie du Québec à d'autres fins. Merci, Mme le Président.

Le Vice-président (Mme Cuerrier): M. le député de Mercier.

M. Gérald Godin

M. Godin: Très brièvement, Mme le Président, pour constater le silence de mort de l'Opposition là-dessus et deuxièmement pour dire que, malgré les remarques qui furent faites à l'époque, la décision du Québec était une décision égoïste, la décision du Québec était une décision totalement égoïste — ce furent les propos de l'Opposition libérale à l'époque. Les chiffres du fédéral que vient de citer mon collègue ont montré que la décision du Québec avait également servi les intérêts d'entreprises du textile et de la chaussure en Ontario, chez nos chers voisins.

Je me souviens très bien que le président de Savage Shoe, établi en Ontario, félicitait le ministre québécois des Finances pour cette décision qui relançait son entreprise. Par conséquent, il ne s'agissait pas, comme on l'a dit, d'une mesure qui ne prenait en considération que les intérêts du Québec, mais qui prenait en considération les intérêts de tout un secteur de l'industrie au Canada et c'est cet aspect sur lequel je tenais à insister brièvement, Mme le Président, pour montrer que déjà nous avons à l'esprit l'association économique et que déjà nos voisins ont vu ce que cela voulait dire. Merci.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: Devant la provocation, nous devons réagir. Tantôt on nous a accusés d'être le silence de l'Opposition. Nous allons parler, étant donné qu'il faut absolument parler sur ce projet de loi afin de n'être pas silencieux. Ce ne sera pas long, mais je dois dire ici que nous-mêmes de l'Opposition nous avons appuyé le projet de loi du ministre des Finances en ce qui regarde l'abolition de la taxe de vente concernant les secteurs mous. Je crois que cette Assemblée, à cette occasion, fut unanime et que nous-mêmes avons revendiqué pour l'Opposition les droits et prérogatives de la province de Québec en ce qui regarde la taxe de vente. Nous avons appuyé le ministre des Finances et cette Assemblée a pris une décision unanime à cette occasion.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le député de Papineau.

M. Jean Alfred

M. Alfred: Mme le Président, je dirai quelques mots étant donné que j'habite l'Outaouais québécois, zone où s'établira la capitale de l'association économique avec le Canada. Pour la première fois, les marchands de l'Outaouais québécois ont profité d'un projet de loi utile à la population de l'Outaouais québécois. Les Ontariens viennent encore nombreux acheter chez nous. Ils sont heureux d'acheter chez nous.

Bien sûr, le ministre fédéral des Finances avait voulu faire adopter une loi réduisant de 3% la taxe de vente. Comme après trois, six ou neuf mois, les taxes ont repris l'allure initiale, nous sommes encore d'autant plus heureux que les Ontariens viennent encore chez nous faire faire des profits aux vendeurs de la chaussure, des textiles, des meubles, des vêtements. C'est la première fois aussi, Mme la Présidente, que les marchands de l'Outaouais québécois ont vanté, ont magnifié un ministre des Finances qui a adopté une loi dans l'intérêt des Québécois de chez nous, surtout les Québécois de l'Outaouais.

Ils ont toujours été des victimes, parce que les taxes étaient toujours plus élevées chez nous qu'en Ontario. Pour les vendeurs de l'Outaouais, québécois, Jean Alfred, député de Papineau, dit merci au ministre des Finances, dit merci à l'équipe Lévesque.

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances exercera-t-il son droit de réplique?

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Très brièvement, Mme la Présidente, pour remercier sincèrement les membres des commentaires que je viens d'entendre des deux côtés de la Chambre, effectivement, ce n'est pas un droit de réplique que je veux exercer, je veux seulement donner certains éclaircissements qui avaient été demandés tout à l'heure par le député de Bellechasse.

Actuellement, nous n'envisageons pas de détaxer un véhicule non transformé. Là encore, nous avons l'impression que le contrôle de ces véhicules qui seraient vendus à certaines personnes souffrant de certaines infirmités, mais sans transformation aucune, pourrait donner lieu à une porte ouverte à un trafic difficile à contrôler. Nous n'avons pas encore envisagé d'exempter de la taxe de vente des véhicules qui ne seraient transformés que, par exemple, pour répondre à l'absence d'un bras, mais ce n'est pas par intention, c'est parce que nous ne connaissons pas encore suffisamment le type de transformation auquel il faut se livrer.

Ce que je souhaiterais simplement, c'est que le député de Bellechasse prenne ces modifications à la loi comme une ouverture, une porte que nous ouvrons sur un secteur nouveau, que nous connaissons encore assez mal. Là, nous savons très bien qu'en visant ces articles, il y a difficilement moyen de se tromper, mais il est évident que si, sur le plan technique, il y a moyen d'élargir, de ce côté, il y a d'autres budgets qui viendront. Au fur et à mesure que nous gagnerons plus d'expérience dans ce type de technique, je pense qu'il faudra s'engager dans cette voie.

Merci, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: Cette motion du ministre des Finances proposant la deuxième lecture

du projet de loi no 81, Loi modifiant de nouveau la Loi de l'impôt sur la vente au détail, est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Mme le Vice-Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

M. Charron: Mme la Président, et de trois.

Mme le Vice-Président: Vous allez sans doute, M. le leader, faire déférence à la commission?

Renvoi à la commission du revenu

M. Charron: Oui, Madame, j'allais le faire à l'instant. Je fais motion pour ce projet de loi soit déféré à la commission du revenu.

Mme le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Mme le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Voulez-vous, Madame, s'il vous plaît, appeler l'article 22) du feuilleton?

Projet de loi no 88 Deuxième lecture

Mme le Vice-Président: II s'agit de la motion de deuxième lecture de M. le ministre des Finances proposant que le projet de loi no 88, Loi modifiant la Loi des licences, soit adopté en deuxième lecture.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Mme la Présidente, la disposition de ce projet de loi comporte une disposition fondamentale et deux dispositions accessoires. La disposition fondamentale, bien sûr, c'est de traduire, par législation, une décision qui a déjà été prise d'imposer un droit sur les contenants non consignés de boisson gazeuse ou de bière. (23 h 30)

II s'agit là, on s'en souviendra, d'un de ces cas où, après avoir assez longuement examiné, avec les partis, les dispositions qui avaient été annoncées dans le discours du budget, j'ai été amené à annoncer à cette Chambre que je pensais qu'il fallait les modifier; effectivement je les ai fait modifier.

Au début, je pensais qu'une taxe assez forte, d'une part, pouvait rapporter, bien sûr, les sommes dont le trésor public ne se passe pas, mais d'autre part, ramener une contraction graduelle et le remplacement graduel de ces contenants par des contenants consignés, donc, réduire la pollution, il faut bien le dire, que ces contenants non consignés représentent dans notre société.

A l'origine, sur la foi d'études poursuivies à l'étranger, en particulier aux Etats-Unis, il était apparu clairement que les formes de contrôle et de taxation de ces contenants non consignés variaient considérablement d'un Etat à l'autre. Toute espèce d'expériences ont été tentées à cet égard aux Etats-Unis, dont les résultats ont été souvent analysés. Ces expériences révèlent des résultats ou des effets très divers, et difficiles à interpréter.

Mon impression première, c'était qu'au niveau de taxation prévu de $0.05 par canette, le déplacement se ferait vers des contenants consignés, mais graduellement, petit à petit, donc que l'impact sur l'emploi, sur la production, sur les entreprises elles-mêmes, se ferait graduellement et sans trop de heurts.

Or, en discutant à la fois avec les entrepreneurs, les propriétaires d'entreprises dans ce domaine et les syndicats eux-mêmes, on sest rendu compte que l'on prenait un risque assez sérieux avec plusieurs centaines d'emplois, et cela, à assez court terme, même si on avait la certitude que chez les embouteilleurs régionaux, on allait créer un nombre d'emplois assez important aussi.

Seulement, on finit par se demander, lorsqu'on veut pratiquer une politique brutale comme celle-là, en vertu de quoi on a le droit de jouer à Dieu et décider que l'on supprimera, dans telle ville, à Montréal par exemple, quelques centaines d emplois, pour en créer ailleurs d'un seul coup, et manifestement de façon bien plus brutale qu'il avait été envisagé à l'origine.

Dans ces conditions, la décision a été prise de réduire le droit à $0.02 pour les contenants ordinaires et de le faire monter cependant de $0.01 par an, à moins que les producteurs de contenants non consignés ne s'entendent avec le ministère de l'environnement sur des mesures de contrôle à prendre.

Nous approchons, évidemment, de la prochaine étape, c'est-à-dire $0.01 de plus. Pour le moment, je peux simplement dire ceci, c'est que je n'envisage pas immédiatement d'avoir à monter ces droits de $0.01, parce que les discussions qui ont eu lieu jusqu'à maintenant entre les producteurs de ces contenants non consignés et le ministère de l'environnement se sont déroulées à vive allure. Il y a un certain nombre de propositions fort intéressantes qui sont discutées de part et d'autre, et dans ce sens, je pense que l'effet aura été atteint. En ne mettant que $0.02, on n'a pas provoqué de drame sur le plan de l'emploi, mais néanmoins, on a amené les producteurs à venir discuter directement avec le gouvernement des mesures à prendre pour réduire graduellement la pollution.

Bien sûr, dans ce sens, le trésor public va recevoir un peu moins d'argent, mais je pense que les discussions sur le plan du contrôle de la pollution entre les entreprises et le ministère de l'environnement, elles, ont des chances d être un

peu plus intelligentes que ce qu'un droit aveugle et assez lourd aurait simplement produit.

Si bien que, même si cela représente une modification d'orientation en cours de route de ma part, je pense que, finalement, la solution à laquelle on est arrivé est, je crois, meilleure que la première. C'est en tout cas celle qui apparaît dans le projet de loi no 88 et je pense qu'ici, il fallait faire preuve non seulement de souplesse, mais il faut probablement, Mme le Président, dans des domaines nouveaux comme ceux-là, accepter, dans la mesure où on tient à maintenir des contacts avec l'activité économique aussi bien sur le plan syndical que sur le plan des entreprises, de prendre des virages quand il faut les prendre et quand cela paraît plus juste de les prendre.

Les deux effets accessoires de cette loi ont trait, d'une part, à la conversion de certaines mesures au système métrique, et cela s'inscrit dans toute espèce de gestes du même genre que nous prenons les uns après les autres et, d'autre part, à faire disparaître les percepteurs de revenus, ce qui est un charmant anachronisme de notre système fiscal, qui n'existe plus dans beaucoup de pays d'ailleurs, qui a bien existé autrefois sous les rois de France, mais qu'on ne connaît plus depuis longtemps dans les sociétés civilisées. On en avait encore une trentaine. Il s'agissait littéralement de percepteurs de droits et de licenses à commission pour le gouvernement. Ce n'est pas banal. La plupart de ces braves gens ont été nommés, enfin un assez grand nombre d'entre eux, par patronage autrefois, mais le patronage n'étant plus très actif, même depuis plusieurs années, on avait presque oublié leur existence. On consacre, avec leur disparition, les derniers restes du Moyen Age fiscal qui restaient chez nous. Dorénavant, leurs fonctions seront assumées par le ministère du Revenu, comme cela se fait partout ailleurs. Voilà à peu près le contenu de ce projet de loi 88 dont je recommande l'adoption.

Mme le Vice-Président: M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Oui, Mme la Présidente. Mes commentaires seront brefs sur ce projet de loi. J'abonde dans le sens que le ministre vient d'expliquer à propos des percepteurs du revenu. Il est bien entendu que nous ne nous opposerons pas à l'adoption du système métrique pour les mesures. Il reste la question des contenants non consignés. Même là-dessus, je serais plutôt favorable à cette taxe, sauf qu'il semble y avoir un problème technique que je n'ai pas vraiment cherché à résoudre, mais qui consiste dans le fait que les canettes ou les contenants à usage unique semblent se recycler assez rapidement. On me dit que des canettes se dégradent à peu près dans un an et demi ou deux ans. Lorsqu'elles sont laissées dans une forêt, on dit: La canette, au bout de deux ans, s'est oxydée. Je ne suis pas un ingénieur, mais c'est ce qu'on m'a dit. Elle s'oxyde et, finalement, le résidu solide, s'il en reste, n'est pas très important, tandis que, s'il s'agit de bouteille, on me dit que la bouteille ne se recycle pas. Le verre va rester à l'état solide de façon indéfinie, d'une manière indéfinie dans le temps, de sorte que, c'est un peu paradoxal, on veut, en fait, réduire la pollution en taxant les canettes, parce que les canettes sont jetées après usage, tandis qu'en ayant des consignes, à ce moment-là, on dit: Les contenants vont revenir, donc on ne créera pas de pollution, sauf que là, il y a un curieux arbitrage à faire, étant donné que, si on impose les canettes, on va augmenter la consommation de bouteilles, si on augmente la consommation de bouteilles et que cela va à ces consommateurs qui habituellement utilisent les canettes, il va y avoir plus de bouteilles qui vont être laissées dans la nature, avec justement des effets plus nocifs que ceux des canettes. (23 h 40)

Je ne sais pas où se fait l'arbitrage et comment va s'harmoniser, si je peux dire, le double objectif qu'on poursuit, mais je suis bien prêt à m'en remettre aux discussions qui ont cours à l'heure actuelle entre le ministère de l'environnement et l'industrie manufacturière. Pour ce qui me concerne, par conséquent, je souhaiterais que ces rencontres, ces discussions en arrivent à une conclusion heureuse, de sorte qu'on n'ait pas à augmenter encore davantage le poids de la fiscalité pour ces produits. Par ailleurs, j'aimerais qu'en même temps, on trouve une solution à ce problème que je soulève, donc une consommation accrue de bouteilles dont la pollution qui en résulte est plus grande encore que les canettes que l'on veut interdire. Dans sa réplique, le ministre pourrait peut-être ajouter quelques renseignements supplémentaires dans l'intérêt de cette Chambre sur ce sujet et de la façon qu'il entend le traiter. Merci, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. Encore une fois, je vous dirai que sur le projet de loi 88, Loi modifiant la Loi des licences, je serai très bref, bien que j'aurais envie de relever le défi du député de Mercier quand il nous invite à parler plus longtemps. Bien sûr, à cette heure, il y a des mots purs et simples, et il y a des mots qui véhiculent des idées; mais à peser le pour et le contre, j'essaierai de ne pas tomber dans le piège et je me limiterai aux mots qui, d'après moi, véhiculent des idées.

Il y a trois principes dans ce projet de loi. Il y a d'abord la modification destinée à faire disparaître la fonction de percepteur revenu, dont les pouvoirs seront dorénavant dévolus au ministre des Finances. Je n'ai aucune objection à ce principe exprimé dans la première partie de ce projet de loi. Deuxièmement, quant à la conversion au système international, le système métrique, changer les milles en kilomètres, encore là, madame, je

ne vois aucune objection. Par contre, si vous le permettez, je m'attarderai un peu au troisième principe, soit les licences. Ce mot veut dire également une taxe pour ceux qui distribuent au Québec des contenants non réutilisables, soit pour les eaux gazeuses ou la bière.

J'aimerais vous faire remarquer que dès la première réplique du chef de l'Union Nationale, le soir même du discours du budget, M. Biron a dénoncé ces mesures qui mettaient en péril les emplois reliés à la fabrication de ces contenants. Je me souviens, cela avait fait sourire certains journalistes, cela avait fait sourire peut-être les gens de l'autre côté, parce que le soir même du budget, dans la réplique immédiate au discours du budget, le chef de l'Union Nationale avait jugé bon de souligner ce fait au ministre des Finances. On avait alors fait des gorges chaudes dans cette Chambre. Je peux vous dire que le chef de l'Union Nationale a prouvé qu'il avait vu juste, il l'avait vu immédiatement. Il a prouvé qu'il avait raison.

Donc, en juin, le ministre des Finances est revenu partiellement sur sa décision et a baissé de $0,05 à $0,02, et également de $0,10 à $0,05, selon la capacité des contenants, les montants prévus pour cette taxe. Il faut se rappeler qu'entre-temps, le chef de l'Union Nationale était intervenu à cinq reprises, si on inclut le soir de la réplique sur le discours du budget, afin de dénoncer ces nouvelles mesures. Il avait demandé, même imploré le ministre des Finances et le ministre de l'Industrie et du Commerce de revenir sur leur décision. Je suis heureux que cela ait donné partiellement des résultats.

On se rappelle qu'en plus du soir sur le discours du budget, M. Biron, le chef de l'Union Nationale, le député de Lotbinière, était intervenu, et s'était adressé, le 10 mai, au ministre de l'Industrie et du Commerce, afin de lui souligner l'impact que cela pouvait avoir chez les fabricants de canettes ou de contenants. Il était intervenu une deuxième fois, pour implorer le ministre des Finances, le 17 mai. Le chef de l'Union Nationale, encore une fois, le 23 mai, s'est encore adressé au ministre des Finances. Le 6 juin, ayant convaincu partiellement le ministre des Finances, ce dernier revenait sur sa décision de diminuer cette taxe sur les contenants non réutilisables.

Néanmoins, nous continuons et je continue de penser que cette loi continuera à entraîner dans une mesure une dislocation de l'emploi dans le secteur relié à la fabrication des contenants.

On se rappelle que des chiffres ont été véhiculés dans cette Chambre selon lesquels les contenants mentionnés dans ce projet de loi comptent pour environ 3% de la pollution au Québec. Je pense que si cela ne compte que pour 3%, les objectifs visés pour la protection de l'environnement — parce que c'était un objectif qui était visé par ce projet de loi ou cette mesure annoncée dans le discours du budget — je pense que les objectifs visés à la fois par le ministère de la protection de l'environnement, et par le ministère responsable de l'économie de l'énergie, ne compenseront pas les pertes d'emploi que cela pourra causer, même si c'est $0.02 et $0.05 parce que, dès l'an prochain, cela pourra monter de $0.01 et aller jusqu'à $0.11 le contenant.

Alors, ce qui était mal hier et que nous avons jugé tel continuera de l'être demain. C'est pour cela que je ne crois pas que ces mesures puissent compenser les pertes d'emploi que cela pourra causer et je me permets à cette heure tardive de rappeler au ministre des Finances que le nombre des chômeurs dépasse encore les 300 000. Il ne faudrait pas, même si ce n'est que pour quelques centaines, que cette mesure vienne augmenter le nombre de ces chômeurs.

Voilà ce que j'avais à dire sur ce projet de loi 88.

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Finances et du Revenu.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Mme la Présidente, c'est un intéressant débat qui vient d'être alimenté par le député d'Outremont et par le député de Bellechasse. Je voudrais simplement, en terminant, donner quelques renseignements additionnels qui, en tout cas pour moi, paraissent présenter un certain intérêt.

D'abord, on dit que les canettes ou que ce type de contenants non retournables représentent encore une source assez faible de pollution dans le milieu où nous vivons. C'est exact, mais on voit très bien, dans plusieurs Etats américains et dans la province voisine de l'Ontario, à quel point cela a monté vite. Nous avons pris dans l'utilisation de ces contenants au Québec un certain retard sur les Etats voisins ou les sociétés qui nous entourent, mais on voit très bien à quel point, cela s'est mis à galoper là-bas. Cela serait dans un certain sens un peu ridicule qu'on intervienne simplement quand les dégâts faits ailleurs seraient enfin visibles chez nous. Aussi bien arrêter cela avant que cela n'aille trop loin.

Deuxièmement, ce que l'on vise par cette taxe, ce ne sont pas seulement les canettes, ce sont les bouteilles non retournables aussi et de la même façon. Il y a une différence considérable dans le nombre de récipients utilisés selon qu'ils sont retournables ou non retournables. Une bouteille retournable tourne en moyenne 20 fois, c'est-à-dire qu'elle sert 20 fois de récipient. Alors, on discute dans ces conditions, en termes de nombre de récipients qui peuvent être laisser dans la nature ou qui circulent dans une société à un certain moment, de choses tout à fait différentes, parce que l'un tourne une fois et l'autre vingt, eu égard à la consommation.

Je suis convaincu que les conversations qui ont lieu entre les fabricants à l'heure actuelle et l'environnement, comme le disait le député d'Outremont, je l'espère, ont déjà donné des résultats intéressants et devraient en donner davantage et devraient surtout nous permettre de connaître davantage le phénomène et de voir jusqu'où il faut aller et jusqu'où il ne faut pas aller trop loin. Là-dessus, je m'arrête et je termine là.

Mme le Vice-Président: La motion de M. le ministre des Finances et du Revenu proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 88, Loi modifiant la Loi des licences, est-elle adoptée?

M. Raynauld: Adopté.

Mme le vice-Président: Adopté.

Le Secrétaire-adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

M. Parizeau: Est-ce que le leader...? Je peux le faire. Alors, je... Ah voilà! Pardon. (23 h 50)

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du revenu

M. Charron: Alors, je propose la déférence du projet de loi à la commission parlementaire du revenu, une fois de plus, Mme le Président.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Cette motion est-elle adoptée?

M. Raynauld: Adopté.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Adopté.

M. Charron: Je vous invite à appeler l'article 23) du feuilleton, madame, s'il vous plaît.

Projet de loi no 89 Deuxième lecture

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): II s'agit de la motion de deuxième lecture du projet de loi no 89, Loi modifiant de nouveau la Loi de la taxe sur les carburants.

M. le ministre des Finances et du Revenu.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: J'aurais peu de commentaires à faire sur cette loi, Mme la Présidente. Nous transformons par ce projet de loi tout le système de la taxe sur les carburants pour l'adapter au système métrique. Donc, tout ce qui était gallon est transformé en litres, les températures passent du fahrenheit aux degrés celsius, etc. Cela fait partie de ce phénomène dont je parlais déjà à l'occasion d'un projet de loi précédent; graduellement, petit à petit, nos lois vont avoir à être transformées en ce sens. Il y a peut-être seulement un aspect de ce projet de loi que je voudrais souligner, ce ne serait pas correct si je ne le soulignais pas à cette Chambre, et de façon bien involontaire, le trésor public va se faire encore un peu d'argent avec cela. Comme il y a plus de chiffres...

M. Charron: Vous n'êtes pas contre.

M. Parizeau: Non, je ne suis pas contre. Ce qui s'est produit simplement c'est qu'on passe des gallons aux litres, on ne peut pas traîner un nombre de décimales à l'infini. Alors, si c'est plus que ,5, on arrondit à la décimale supérieure et si c'est inférieur à ,5, on arrondit à la décimale inférieure. Or, il s'adonne qu'il y a eu plus d'arrondissements automatiques vers le haut que vers le bas, si bien que le trésor public va tirer, dans l'application de cette loi, d'après nos calculs, à peu près $2 millions de plus. Cela veut dire moins de 0,5% de ce que la taxe rapporte. Ce n'est pas encore quelque chose de spectaculaire, mais je pense que cela n'aurait pas été correct de ma part de ne pas signaler cet effet à la Chambre.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Mme la Présidente, en réalité, je n'ai rien à dire sur ce projet de loi. Je me lève un peu par habitude ce soir et je pense qu'on doit simplement appuyer ce projet de loi puisqu'il s'agit encore une fois de traduire un système de mesures que nous avons commencé à traduire dans les unités du système international. Je remercie le ministre d'avoir mentionné qu'incidemment cela pouvait également produire une augmentation de taxe de vente. Je pense qu'on ne lui tiendra sûrement pas rigueur de récupérer $2 millions à cette occasion.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Mme le Président, tel que l'a mentionné le ministre, c'est seulement pour la conversion. Il a ouvert la porte en disant: C'est bien involontaire, le petit surplus de la décimale. Je lui demande, si c'est involontaire, Mme le Président, ces petits $2 millions, d'en passer un petit peu à son collègue du Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports. On attend justement un petit $150 000 dans le comté et, apparemment, c'est bloqué au Conseil du trésor. Alors, si c'est involontaire, passez le donc au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports et cela va boucher bien des petits trous, M. le ministre des Finances.

M. Charron: Je ne voulais pas intervenir dans le débat, Mme le Président, mais je suis d'accord sur la suggestion du député de Bellechasse.

M. Parizeau: A titre de droit de réplique, Mme la Présidente, je promets d'en parler au président du Conseil du trésor.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 89 est-elle adoptée?

M. Raynauld: Adopté.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Adopté.

Le Secrétaire général: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Renvoi à la commission du revenu

M. Charron: Madame, je propose également que ce projet de loi soit déféré à la commission du revenu pour étude article par article.

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je vous invite à appeler l'article 31) de notre feuilleton, madame, s'il vous plaît.

Projet de loi no 102 Deuxième lecture

Le Vice-Président (Mme Cuerrier): Alors. M. le ministre des Finances et du Revenu propose la deuxième lecture du projet de loi no 102, Loi modifiant la Loi du ministère du Revenu.

M. le ministre.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Mme la Présidente, le projet de loi 102 comporte certains amendements à la Loi du ministère du Revenu qui date de 1972. Je voudrais souligner que cette loi ne régit pas seulement l'organisation et certaines fonctions du ministère du Revenu, elle renferme également une bonne partie des dispositions administratives, pénales et procédurales s'appliquant à toutes nos lois fiscales.

D'un côté, la loi contient donc des articles se rapportant au mécanisme général de l'administration fiscale; de l'autre côté, elle ajoute aux dispositions du Code de procédure civile en matière fiscale civile et de la Loi des poursuites sommaires en matière pénale.

Depuis 1972, un grand nombre d'amendements ont été apportés aux lois qui déterminent l'assiette fiscale proprement dite, les impôts, mais on a préféré toucher le moins possible à la Loi du ministère du Revenu. Cependant, six ans de pratique et de jurisprudence ont démontré la nécessité d'y apporter certaines modifications, tantôt pour une administration plus efficace de la vérification et du recouvrement des sommes dues au gouvernement et tantôt, pour assouplir ou autrement améliorer la procédure, que ce soit en faveur du ministère du Revenu ou du contribuable ou mandataire.

Ce que ça veut dire en termes clairs, ce paragraphe, c'est que nous avons eu depuis six ans, toute une série de décisions rendues par les cours de justice qui font apparaître des nécessités de clarification, soit dans un texte, soit à l'occasion de l'interprétation de l'un ou l'autre des articles.

Quand on voit bien que deux ou trois décisions ont été rendues à peu près toutes dans la même direction et qu'effectivement, il faut clarifier un texte, on se sert de la réouverture de la loi pour le faire.

Ainsi, le projet prévoit quelques mesures devant fait échec à des pratiques ayant pour objet d'échapper à la perception des créances du fisc, pratiques qui, après tout, ne font que déposer un fardeau relativement plus lourd sur les épaules de celui qui paie volontairement sa juste part et qui ne saurait pas se soustraire au système de déduction à la source s'appliquant à la plupart de nos concitoyens. La complexité croissante de l'assiette fiscale et notamment la gamme accrue des possibilités de déduction d'exemption nous oblige également à exiger des renseignements d'identification plus complets.

Par contre, s'il n'est que juste que le fisc dispose des données absolument nécessaires pour pouvoir vérifier les déclarations des assujettis, il est aussi juste que les renseignements fournis par ces derniers soient protégés par une confidentialité à toute épreuve. C'est pourquoi on trouve dans le même projet, un article qui resserre cette confidentialité de façon considérable.

Parmi les dispositions de nature procédurale, il y a, entre autres, une solution que nous croyons équitable quant au problème de l'envoi par la poste des avis de cotisation et de certains délais qui s'y rapportent, sujet qui a causé des difficultés aux cotisés, comme au ministère, pendant des périodes de perturbation dans les services postaux.

Enfin, le projet de loi contient un nombre de dispositions devenues nécessaires à la suite de changements dans le texte d'autres lois fiscales, de l'adoption de nouvelles lois, de jugements signalant certaines ambiguïtés ou de l'expérience pratique du ministère et de sa clientèle.

Je voudrais, avant de terminer cet exposé, revenir sur cette question de la confidentialité. Il y a toujours eu beaucoup de discussions quant au caractère de secret que doivent avoir les dossiers des contribuables qui sont entre les mains du gouvernement. C'est un signe de société à peu près civilisée que de maintenir ce type de secret, de savoir qui a accès aux documents, en quelles circonstances, dans quelles circonstances on peut être amené à les dévoiler, par exemple à la demande d'un juge dans certaines causes, etc.

Le texte dont nous disposions jusqu'à maintenant était assez serré, mais a donné néanmoins lieu à certaines ambiguïtés, à certaines discussions, je pense ici à l'occasion de commissions d'enquête, et nous proposons un texte sur la confidentialité qui nous paraît plus serré, plus précis, plus protecteur, au fond, de l'intérêt du citoyen qu'il ne l'était jusqu'à maintenant.

C'est dans ce sens, Mme la Présidente, que je conclus et que je propose l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi modifiant la Loi du ministère du Revenu.

Mme le Vice-Président: M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Mme la Présidente, j'ai lu ce projet de loi avec une certaine difficulté, étant donné qu'il porte surtout sur des procédures et sur des aspects légaux avec lesquels je suis moins familier. J'avais également observé cet article auquel le ministre vient de faire allusion sur la confidentialité et je voudrais marquer mon accord le plus complet sur l'intention qui s'exprime, à travers ce projet de loi, d'assurer, hors de tout doute la confidentialité des rapports d'impôt. (Minuit)

J'ajouterai simplement une question, Mme la Présidente. Il existe possiblement une autre difficulté qui exigerait des informations supplémentaires. Il s'agit d'un article qu'on désigne, dans les notes explicatives, comme étant de droit nouveau et qui se rapporte à la possibilité pour le ministre d'exiger des renseignements d'identification prescrits, donc des renseignements d'identification qui seront établis par règlement, dont on ne sait pas évidemment la nature à cette étape-ci, mais renseignements d'identification qui pourraient éventuellement soulever des problèmes.

Qu'est-ce qu'on entend par des renseignements d'identification? Est-ce qu'on a l'intention de faire des relations entre les dossiers qui sont conservés pour fins d'impôt et d'autres types de dossiers, soit pour fins électorales, soit en vue du recensement permanent, par exemple, soit en vue d'établir des enquêtes plus poussées entre les données qu'on peut obtenir de façon administrative dans certaines agences ou ministères et les données du revenu?

Je pose ici une question. Je saurais gré au ministre de nous éclairer davantage, si c'est possible. Merci, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le ministre. M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Je m'excuse auprès de la Chambre. Non, ce n'est pas cela, c'est que je cherchais... Justement, je vais poser la question à l'honorable ministre, concernant trois points précis quant au principe visé par ce projet de loi.

Lorsqu'on parle de confirmer la validité des avis de cotisation émis en vertu de la loi fiscale, est-ce parce que, auparavant, les avis n'étaient pas valides? Comment est-ce que cela se passait? C'est pour cela que je demande au ministre la raison d'être d'un tel principe dans cette loi. J'aimerais qu'il me dise si c'est parce que cela n'existait pas auparavant ou parce que cela n'était pas efficace.

Ma deuxième remarque, sous forme interrogative, Mme la Présidente, serait celle-ci. Ce projet de loi permettra la destruction des documents ou des originaux du ministère, après la reproduction photographique. Encore là, lorsqu'on a parlé de confidentialité, je voudrais savoir si c'est seulement à cause du volume ou également par le biais de ce système de reproduction photographique des documents, si on n'assure pas là une certaine confidentialité, un certain secret. Ce n'est pas n'importe qui qui pourra sortir un document des tiroirs. A ce moment-là, il faudra qu'il sorte le petit film et qu'il ait l'appareil nécessaire pour reproduire ce film sur papier.

Je veux savoir si le but visé par ce projet de loi est seulement pour éliminer le volume de paperasse ou également, concernant la confidentialité ou le secret des documents. Ce que je cherchais, dans le projet de loi, au moment où vous m'avez surpris, Mme la Présidente, c'est que j'avais vu quelque part quelque chose comme: La modification proposée ajoute aux objets... Des ententes fiscales intergouvernementales ajoutent l'élimination de la double imposition. Je voudrais que le ministre puisse commenter ces passages.

Ce projet de loi, tel qu'on l'a dit, est assez complexe, il est surtout technique. C'est pour une meilleure administration ou une administration plus efficace, dans le sens qu'on ne peut pas être contre tel principe que le gouvernement ou le ministère du Revenu puisse augmenter son efficacité et préciser les procédures apportées, les modifications. C'est le but que vise ce projet de loi. Il y a également des modifications de concordance avec d'autres lois et certaines corrections devenues nécessaires. On en profitera pour ajouter les lois que nous sommes en train de discuter en commission parlementaire, soit la Loi des loteries et courses, il y a les concours publicitaires et la loi sur les taxes relativement aux appareils d'amusement. Le but visé par ce projet de loi sera justement d'insérer, par le biais de la loi 102, ces nouvelles lois à l'intérieur du ministère du Revenu.

Voilà, Mme la Présidente, les deux ou trois questions que je pose au ministre. J'aimerais que, brièvement, il puisse y répondre.

M. Lavoie: Mme la Présidente...

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: II s'agit d'une loi tout à fait technique où les principes sont peut-être absents ou présents à chacun des articles et à chacun des alinéas. Mon intervention va se limiter à une question. Il est vrai que cette intervention devrait se faire peut-être normalement en commission, mais je voudrais porter à l'attention du ministre une difficulté qui peut se présenter à l'article 12 — je considère que, même à l'article 12, il peut y avoir un principe — où on ajoute l'article 58a à la Loi du ministère du Revenu où il est dit que dans toute déclaration, tout rapport ou tout autre docu-

ment exigible en vertu d'une loi fiscale, le ministre peut exiger d'une personne des renseignements d'identification prescrits à son sujet ou au sujet d'une autre personne visée dans cette déclaration, ce rapport ou cet autre document. Le ministre peut également exiger des personnes visées au premier alinéa qu'elles obtiennent un numéro d'identification prescrit.

Je voudrais, sous forme interrogative, soulever la question, la difficulté suivante qui peut se présenter dans l'application de la loi 2 que nous avons adoptée l'année dernière sur le financement des partis politiques où les gens qui souscrivent à un parti politique ont le droit, comme tout le monde le sait, à un crédit d'impôt jusqu'à concurrence de 50% pour les premiers $100 qu'ils contribuent et de 25% pour le deuxième $100. Vous voyez, au point de vue pratique — le ministre me dira si j'ai bien compris cet article — que, si quelqu'un désire réclamer un crédit d'impôt... Prenons l'exemple d'un contribuable, d'un citoyen, d'un Québécois à qui on demande une souscription, dans un restaurant, une place publique, de $20 ou $40 et que la personne qui sollicite exige, à ce moment-là, son numéro soit d'assurance-sociale, soit d'assurance-maladie. Les gens ne l'ont pas toujours. L'autre difficulté, c'est que souvent les partis poliques reçoivent, par le courrier, des souscriptions de $10, $20 ou $30. Si ce contribuable veut bénéficier de son crédit d'impôt jusqu'à concurrence de 50% et qu'il ne l'inclut pas, lorsqu'il envoie sa contribution, vous ne voyez pas la permanence d'un parti qui est obligée de communiquer avec quelqu'un qui est souvent assez éloigné pour lui dire: Monsieur, fournissez-nous votre numéro d'assurance-sociale ou d'assurance-maladie. C'est la difficulté. Si mon interprétation est bonne de cet article 12, je me demande, en le lisant, si le ministre a la discrétion de demander ces numéros d'identification dans certains cas et non dans d'autres cas. Je souligne uniquement cette difficulté. Je me demande s'il y aurait lieu d'apporter un amendement ou une exclusion peut-être lors de l'étude en commission parlementaire. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Une Voix: Excellent discours. Mme le Président: M. le ministre.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Je pense qu'effectivement, Mme la Présidente, on en est rendu presque à faire du travail de commission, mais je vais essayer de donner quelques réponses rapides, quitte à ce qu'on reprenne cela plus longuement en commission par la suite.

Commençons d'abord par la question de l'identification qui a été soulevée par le député de Laval et le député d'Outremont. Voici de quoi il s'agit: Effectivement, ce n'est pas seulement que c'est du droit nouveau, c'est que nous nous engageons vers des types d'impôt nouveaux où le revenu du ménage devient une donnée importante. Je pense, par exemple, au crédit d'impôt foncier qui va commencer l'année prochaine. Ce crédit d'impôt foncier n'est pas déterminé par le revenu du chef de famille, ou en fonction du revenu du chef de famille, mais en fonction du revenu total du ménage.

Or, à l'heure actuelle, chaque fois qu'on essaie... Il y aurait des quantités de domaines où, au fond, ce serait bien plus juste sur le plan fiscal d'appliquer les impôts au ménage, dans certains cas, plutôt qu'à une personne en particulier et désignée dans le ménage. Dans ce sens, ce qu'on demande, c'est le pouvoir d'imposer ou d'exiger que chacun ait un numéro d'identification. Je peux dire tout de suite que ce sera le numéro d'assurance-sociale parce qu'il est employé à peu près par tout le monde à l'heure actuelle, par à peu près tous les employeurs. Presque tout le monde l'a et il est très facile, pour ceux qui ne l'ont pas, d'en avoir un par la Régie des rentes qui en assure la distribution. (0 h 10)

Alors, il ne s'agit pas d'une identification pour chaque transaction ou tractation d'un contribuable, mais pour sa déclaration. Il ne s'agit surtout pas d'établir une liaison entre les déclarations identifiées par ce numéro et quelque autre renseignement que ce soit. La loi du secret est formelle. Je comprends qu'à cet égard il y aura toujours des caractères soupçonneux qui diront: Enfin, est-ce qu'ils ne peuvent pas se servir de ces identifications — d'ailleurs, déjà existantes, parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont clairement identifiés par leurs déclarations — pour faire des concordances avec d'autres types de renseignements.

Le fait est que la loi est formelle sur le degré de confidentialité, et que, je dois le dire, sans partisanerie aucune, les ministres du Revenu qui se sont succédé depuis que ce ministère a été créé ont toujours maintenu cette tradition, avec les sous-ministres, d'ailleurs, que le secret qui leur est imposé par la loi demeure.

Donc, il s'agit là d'identifications dont nous avons besoin pour faire fonctionner de nouvelles structures fiscales ou de nouveaux arrangements fiscaux. Un point c'est tout, il n'y a rien d'autre. Si tant est que cela ne l'indiquait pas assez clairement, d'ici à ce qu'on passe en commission, je le ferai examiner pour être bien certain que la lettre correspond bien à l'esprit de la chose.

J avais deux autres questions... Quant à la question de la validité des avis de cotisation, il s'agit simplement de changer dans le libellé ce qui donnait lieu à contestation quant à son sens précis. C est une reformulation.

Finalement, pour ce qui a trait à la destruction des dossiers, c'est essentiellement une question de volume. C'est quelque chose d'inimaginable, ce qu'il peut y avoir comme espace dans ce gouvernement destiné à stocker du papier. Maintenant que le microfilm a été inventé, que l'ordinateur a été inventé, etc., garder tout de même des cathédrales remplies de papiers, vraiment, cela semble un peu abusif. Les cathédrales devraient servir à autre chose. Merci, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: Cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 102, Loi modifiant la Loi du ministère du Revenu, est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Renvoi à la commission du revenu

M. Charron: Madame, je propose que ce projet de loi déféré à nouveau à la commission parlementaire du revenu pour l'étude article par article.

Mme le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Mme le Vice-Président: Adopté.

M. Charron: Mme la Présidente, je dois remercier le député d'Outremont, le député de Bellechasse et bien sûr le ministre des Finances de s'être livrés d'une façon aussi assidue aux travaux de l'Assemblée depuis ce matin. Je les en remercie, de même que tous ceux qui ont bien voulu collaborer aux débats, et je vous prie d'appeler maintenant le dernier projet de loi pour la journée d'aujourd'hui, ou alors le tout premier de la journée de vendredi, l'article 37) de notre feuilleton.

Projet de loi no 114 Deuxième lecture

Mme le Vice-Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 114, Loi modifiant la Loi des accidents du travail et d'autres dispositions législatives.

M. le ministre du Travail.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: Mme le Président, les amendements proposés à la Loi des accidents du travail ont été sélectionnés en tenant compte de leur caractère d'urgence sociale et économique et de leur pressante nécessité sur le plan administratif. Il ne vise pas à réformer en profondeur le régime d'indemnisation de la Loi des accidents du travail, mais la Commission des accidents du travail du Québec poursuit actuellement toutes les études que commande une telle réforme et des propositions précises pourront être faites au gouvernement au cours de l'année 1979.

Ces propositions tiendront alors compte de l'expérience très jeune du régime d'indemnisation retenu pour la Loi sur l'assurance automobile et de la propre expérience de la commission en ce domaine. Certains des amendements proposés s'inspirent de la Loi sur l'assurance automobile. C'est particulièrement le cas des dispositions traitant des personnes à charge. Il ne s'agit pas, cependant, d'adopter immédiatement le régime intégral de la Loi sur l'assurance automobile dans ces cas, mais plutôt de retenir une solution transitoire qui tienne compte de toutes les contraintes de remplacement de régime par un autre dont les effets n'ont pas encore pu être évalués et qu'on peut imposer à un organisme comme la Commission des accidents du travail.

Les amendements proposés sont des modifications qu'on peut regrouper sur cinq chapitres: la modification au régime d'indemnisation, l'extension du champ d'application de la loi, la classification des employeurs, la réadaptation et les modifications de nature administrative.

Quant aux modifications du régime d'indemnisation, le régime, sans être complètement transformé, subit d'importantes modifications apparaissant urgentes et pouvant s'effectuer immédiatement, sans aucun risque de compromettre la réforme générale ultérieure dont nous verrons les premiers paramètres en 1979.

Ainsi, l'indemnité qui est actuellement calculée sur 75% des gains bruts du travailleur le sera dorénavant sur 90% du revenu net du travailleur. Avec l'augmentation du plafond assurable de $20 000 en 1979, les distorsions qui existent entre les différents niveaux de revenu ne cessent de s'accroître.

En fait, les victimes dont le salaire est inférieur à $9000 ou celles avec charge de famille sont actuellement sous-indemnisées alors que celles dont les salaires sont supérieurs à $9000 ou qui sont sans charge de famille reçoivent une indemnité qui est parfois supérieure à leur revenu net avant l'accident.

Puis-je continuer, Mme le Président? Merci.

En plus d'augmenter indûment le coût du régime, cet état de fait ne facilite évidemment pas les programmes de réinsertion du travail de la commission. Cette situation est causée particulièrement par le fait que le calcul actuel de l'indemnité ignore l'effet progressif des tables d'impôt de même que les différentes charges de familles qui sont reconnues par notre système fiscal.

La méthode proposée paraît actuellement être la meilleure pour effectuer une redistribution du revenu sans recourir à l'imposition des indemnités.

Une autre modification majeure vise à changer le régime d'indemnisation des personnes à charge. Les indemnités statutaires nettement inadéquates font place à des prestations équivalentes à un pourcentage de l'indemnité à laquelle le travailleur aurait eu droit s'il avait survécu et avait été rendu incapable de gagner son salaire.

Au 1er janvier 1978, la rente d'une veuve seule était de $227.24, celle de la veuve avec un enfant de $286.34, celle de la veuve avec deux enfants de $345.44, celle de la veuve avec trois enfants de $404.54. A la même époque, dans la province voisine de l'Ontario, la rente d'une veuve était de

$344 plus $93 par enfant. Elle est aujourd'hui, respectivement, de $365 et $99.

On se rend donc compte que cette formule est surtout destinée à assurer les besoins de base à la manière d'une assistance sociale. Afin de traiter des différentes catégories de victimes d'une façon équitable face aux pertes qu'elles subissent par suite d'un accident de travail, le gouvernement croit que les rentes payables aux personnes à charge en cas de décès devraient essentiellement être basées sur le revenu du travailleur décédé.

Le gouvernement estime qu'il est urgent de définir un nouvel objectif pour le régime des prestations de décès payables par la Commission des accidents du travail. Cet objectif consiste à maintenir aux personnes à charge un niveau de vie décent après le décès d'un travailleur.

Le concept nouveau vise à considérer le maintien de l'unité familiale et à accorder une indemnité équivalente à un pourcentage de l'indemnité à laquelle le travailleur aurait eu droit s'il avait survécu ou avait été rendu totalement incapable de gagner son salaire.

Ainsi, par exemple, la veuve d'un travailleur qui gagnait $13 500 lors de son accident de travail, qui a charge d'un enfant, recevrait, en vertu du régime actuel, une rente mensuelle de $286. Selon la formule projetée, elle recevra $561 et, si elle a charge de trois enfants, cette rente sera de $675. (0 h 20)

D'autres modifications sont aussi apportées pour améliorer le sort des personnes à charge. Ainsi, les personnes vivant maritalement sont considérées comme conjoints et peuvent bénéficier des avantages de la loi. Le droit aux prestations de décès est reconnu non plus seulement à la veuve, mais aussi au conjoint de l'autre sexe, quel qu'il soit. Lorsqu'un travailleur décède après une longue période d'incapacité, les prestations de décès sont calculées sur le dernier revenu du travailleur ou sur le revenu qu'il avait au moment de son accident, mais revalorisé annuellement selon le plus élevé des deux. Les frais de transport du corps du travailleur décédé seront désormais assumés par la commission en entier, sans tenir compte de la limite actuelle de $150. Lorsqu'un bénéficiaire aura gain de cause devant un bureau de révision, les frais encourus, les frais d'expertise, de témoignage, etc., lors de l'enquête et de l'audition pourront lui être remboursés. Une demande de révision ou un appel à la Commission des affaires sociales ne suspendra plus le paiement d'une indemnité versée sous forme de rente. Un travailleur aura droit d'être assisté ou représenté par un conseiller syndical devant un bureau de révision de la commission.

Sur le plan des autres maladies professionnelles, le projet en clarifie la notion de plus en plus contestée au cours des dernières années et permet à la commission d'indemniser sans équivoque les travailleurs qui sans être rendus soudainement incapables de gagner leur salaire intégral le sont progressivement en étant atteints dans leur intégrité physique. Enfin, l'article 47a qui avait pour objet de déduire de l'indemnité payable aux tra- vailleurs une certaine partie de la rente d'invalidité qu'ils pouvaient recevoir en vertu du Régime de rentes du Québec, est abrogé.

L'extension du champ d'application de la loi. Les seules exclusions du champ d'application de la loi que la commission a retenues sont les services domestiques et les activités des athlètes participants. L'exclusion de l'industrie agricole est abrogée. Actuellement, les artisans, d'autre part, ne bénéficient pas de la protection de la loi. Or, le statut de certaines catégories de travailleurs est de plus en plus difficile à établir et nombre d'artisans, qu'ils soient artisans boulangers, livreurs de pain, livreurs d'huile ou artisans dans d'autres domaines d'activité ont un statut nébuleux que la commission ne peut pas toujours clarifier. De plus, la multiplication des contrats de sous-traitance a pour effet de soustraire de nombreux travailleurs au régime de protection accordé par la loi. Le statut de l'artisan est donc clarifié lorsqu'il exécute pour une personne exploitant une industrie visée par la loi un travail quelconque se rattachant à cette industrie, il acquiert automatiquement le statut de travailleur et bénéficie maintenant des avantages de la loi. Dans les autres cas, il peut, sur une base volontaire, se prévaloir de la protection que la loi accorde aux administrateurs d'une compagnie. Le travailleur effectuant un travail non rémunéré dans une industrie, comme par exemple un pompier volontaire, pourra aussi bénéficier de la protection de la loi moyennant certaines conditions établies par règlement.

Jusqu'à présent, la commission accordait la protection de la loi à certaines catégories de travailleurs bénévoles à la demande de certaines entreprises, mais cette pratique n'avait pas d'assises légales précises. La durée de l'emploi assurable en-dehors du Québec passe de 18 à 36 mois. Cette modification répondant à une demande pressante de la part de certaines entreprises qui ont à exécuter d'importants travaux en dehors du Québec. Citons, par exemple, Bell Canada, l'Hydro-Québec, le ministère des Affaires intergouvernementales qui peuvent avoir des contrats à I extérieu r du Québec, au Canada ou encore dans d'autres pays étrangers.

La classification des employeurs. Le système actuel de classification des entreprises de la commission se divise en 27 classes d'industries et 81 sous-classes. Cette classification présente une variation considérable dans la masse salariale, dans le nombre d'employeurs au niveau de chaque classe ou de sous-classe. L'expérience de plusieurs de celles-ci est peu significative et le taux de cotisation qui en découle n'est donc pas toujours équitable dans un sens ou dans l'autre. La commission a fait effectuer une analyse complète de la situation, a entrepris, suite à cette étude, une reclassification des quelque 125 000 employeurs de son fichier et cette nouvelle classification est prête à entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Les amendements proposés à la loi, qui incidemment ont fait l'objet d'une très vaste consultation auprès du patronat, visent à simplifier le système de classification en vigueur en créant

huit grands secteurs d'activité économique et en répartissant les diverses industries en unités ou en classes d'unités à l'intérieur de chacun de ces secteurs. Les classes d'unités constitueront des mutuelles d'assurance auxquelles correspondront un taux de cotisation. Cette réforme permettra à la commission de mieux cataloguer un employeur et de lui rendre justice en le cotisant selon le coût réel des accidents qui surviendront dans son unité de classification.

En second lieu, de réduire les écarts au chapitre du risque d'accidents chez les employeurs faisant partie d'une même classe, en créant plusieurs dizaines de classes d'unités qui grouperont les unités dont le risque d'accidents est aussi semblable que possible; Troisièmement, de transférer d'une classe d'unités à une autre des groupes d'employeurs dont les coûts d'accidents seraient nettement différents des autres groupes avec lesquels ils sont classés et de permettre une plus grande incitation à la prévention, chaque employeur sera ainsi intéressé à améliorer davantage les expériences-accidents afin d'obtenir une meilleure classification et ainsi rabaisser son taux de cotisation.

Quant à la réadaptation, la loi actuelle ne possède qu'un seul article sur la question et on sait que la commission a déjà entrepris différentes activités ou même différents programmes dans ce domaine. Le texte de loi proposé accorde à la commission un mandat de réadaptation globale quant aux travailleurs accidentés.

Au sujet des modifications administratives, un bon nombre de celles-ci sont devenues imperatives. D'abord, la commission se voit dotée du pouvoir de conclure des accords de réciprocité ou des ententes de service avec d'autres personnes ou d'autres organismes pour les fins de l'application de la loi. Ensuite, le recours de droit commun pouvant résulter d'un accident de travail est aboli contre un employeur dont l'industrie est assujettie à la loi, ce qui correspond d'ailleurs à ce qui se passe dans l'ensemble des provinces canadiennes.

Deux réserves sont cependant faites à cette mesure, par souci d'équité, le recours d'un bénéficiaire contre une personne autre que son employeur, pour la différence entre l'indemnité payée par la commission et celle à laquelle il aurait droit en vertu du droit commun, c'est-à-dire l'indemnité pour la souffrance, les douleurs, les inconvénients, la perte de jouissance de la vie, est maintenu. De plus, est conservé le recours contre un employeur autre que l'employeur de l'accidenté dont la faute à l'origine de l'accident constitue un acte criminel. Il s'agit d'une mesure préventive visant à atteindre les employeurs les plus négligents et les plus insouciants, particulièrement dans les cas de négligence criminelle entraînant la mort.

Le recours de droit commun est évidemment conservé contre le responsable d'un accident de travail autre qu'un employeur bénéficiant de la protection de la loi ou qu'un automobiliste. Quant aux coûts résultant du non-exercice du recours subrogatoire de la commission, ils seront imputés, pour le tout ou pour une partie, au fonds spécial, à une unité ou à une classe d'unités selon la nature du cas ou selon le degré de l'auteur qui est responsable. Certaines autres dispositions de la loi jugées anachroniques et inutiles sont abrogées.

D'autre part — j'ai presque terminé, Mme la Présidente — le travailleur qui jusqu'à présent se voyait attribuer un taux d'incapacité de 10% ou moins, recevait la valeur capitalisée de sa rente plutôt qu'une rente mensuelle. Cette mesure avait notamment pour but de réduire la tâche administrative de la commission qui, autrement, aurait eu à maintenir ouverts ou à traiter un nombre important de dossiers représentant finalement des rentes mensuelles absolument infimes. Cependant, avec l'augmentation du maximum annuel assurable, qui sera, l'an prochain, comme on le sait, de $20 000, la valeur capitalisée de certaines rentes qui se situait au début des années soixante-dix à un maximum de plus ou moins $10 000 en arrive aujourd'hui à dépasser $30 000.

Le versement d'un tel capital n'est pas toujours à l'avantage du travailleur, qui perd ainsi la revalorisation annuelle de sa rente. De plus, cette façon de procéder crée d'importantes distorsions dans la manière de traiter les accidentés, surtout lorsque le pourcentage d'incapacité de ceux-ci excède 10% de très peu. La nouvelle formule proposée, en se basant sur le montant de la rente, soit $60 par mois, plutôt que sur le taux d'incapacité, corrige un bon nombre des distorsions dans le système et ramène la valeur capitale d'une rente à un maximum d'environ $10 000. Une table de la valeur des rentes est annexée à la loi permettant à tout travailleur d'évaluer lui-même les sommes auxquelles il aura droit. Le montant de la rente maximum de $60 serait revalorisé annuellement pour tenir compte de l'inflation et de la hausse maximum assurable.

Une autre réforme porte sur l'exercice de certains pouvoirs discrétionnaires de la commission; jusqu'à présent, celle-ci établissait ses politiques par voie de directives internes et non par règlements, ce qui devrait plaire à l'Opposition, Mme la Présidente. Cette façon de fonctionner, qui était depuis longtemps critiquée, sera maintenant changée pour faire en sorte que le gouvernement oblige la commission à procéder par voie de règlements dans une série de domaines où elle a le pouvoir de faire des normes et de préciser les modalitées de la loi. (0 h 30)

Ces règlements recevront une prépublication de 30 jours et devront, pour entrer en vigueur, être approuvés par le gouvernement.

Sur un autre plan, le projet regroupe, dans un tel article, toutes les infractions possibles à la loi et précise les montants des pénalités imposables aux contrevenants. Ces pénalités ont été revisées — elles ne l'avaient généralement pas été depuis 1931 — et substantiellement augmentées, inutile de vous le dire, ne serait-ce qu'au coût de la vie. Cela deviendra important, en tenant compte de la gravité relative de la contravention par rapport à

ses conséquences, soit pour le travailleur accidenté, soit pour le fonctionnement général de la commission.

Enfin, certaines expressions désuètes ont été remplacées par d'autres plus modernes, mieux adaptées à la réalité linguistique actuelle et plus conformes aux nouvelles législations en matière d'indemnisation.

En conclusion, il s'agit là d'une révision qui est la plus substantielle jamais faite de la Loi des accidents de travail, depuis 1931. Elle est cependant une révision qui n'est pas terminée, puisque c'est en 1979 que nous verrons les premiers résultats de cette révision globale.

Le gouvernement envisage d'entreprendre, avant la fin de son premier mandat, cette révision et il a habituellement la réputation de tenir ses promesses. Cependant, certaines lacunes sont apparues si évidentes, si importantes, que le gouvernement a choisi de faire ce qui n'avait pas été fait avant, c'est-à-dire de franchir une première étape en attendant de posséder toutes les données pertinentes à cette réforme globale et substantielle. Merci, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, Mme le Président. Je suis un peu peiné, comme c'est certainement le cas pour le ministre, qu'on soit obligé d'aborder cette question combien importante des actions, des opérations, des activités de la Commission des accidents du travail, à une heure aussi tardive, au début d'une nouvelle nuit. Mais quand même, Mme le Président, il me fait plaisir de vous faire part des commentaires, des miens et de ceux de l'Opposition officielle sur le projet de loi présenté par le ministre du Travail et qui est appelé, en deuxième lecture, le projet de loi 114 sur la Commission des accidents du travail.

Mme le Président, à la fin de la session, soit le 29 novembre dernier, presque au début de décembre, le ministre du Travail déposait le projet de loi 114 modifiant la Loi des accidents du travail. Après une analyse détaillée de ce projet, il est justifié, je pense, qu'on s'interroge sur les intentions du gouvernement.

Cette loi peut nous laisser croire que le ministre d'Etat au développement social ne nous présentera pas, ou qu'il profitera du dépôt de cette loi pour retarder la présentation ou le dépôt de sa loi-cadre sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Le projet de loi 114 peut nous laisser présumer que le gouvernement a décidé, après un battage publicitaire sur le livre blanc sur la santé et la sécurité, de mettre cela de côté pour légiférer à la pièce, sur des aspects bien spécifiques et bien concrets, des questions et des opérations de la Commission des accidents du travail.

Je m'explique, car le présent projet de loi a été soumis au conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et, de cette consultation, il en est ressorti un consensus, soit celui d'adopter immédiatement les mesures qui visaient à remettre à la Commission des accidents du travail... et de mettre en place un nouveau système de classification des entreprises aux fins de cotisation.

Nous sommes tous d'accord avec cette classification, je crois. Nous sommes convaincus, comme le ministre, que ce système est caractérisé par la flexibilité et par une meilleure équité. L'Opposition officielle appuiera évidemment le ministre pour que ce système puisse entrer en vigueur tel que prévu et ce, dès le 1er janvier prochain.

Ainsi, Mme le Président, la Commission des accidents du travail reclassera les employeurs, les entreprises, selon la nature de leur entreprise et les coûts des accidents. Un aspect, et non pas le moindre, de cette classification est qu'elle est une incitation à la prévention, car les employeurs chercheront évidemment, compte tenu de ce que le ministre nous a dit ou nous a cité tout à l'heure, à améliorer leur dossier de façon à faire jouer en leur faveur le nouveau régime pour diminuer leur taux et pour que ce soit moins onéreux pour eux, au sein de leur entreprise.

J aimerais, Mme le Président, que le ministre m assure cependant et qu'il me dise, dans sa réplique, ou encore il pourra peut-être nous en faire part en commission parlementaire — c'est là le sens d'une première question — si la tarification que la Commission des accidents du travail a fait parvenir il y a quelques jours aux entreprises du Québec est basée sur l'ancien système ou si cette tarification est basée sur la probabilité que la loi serait adoptée avant le 1er janvier.

Je m'explique. J'ai eu quelques exemples dans mon comté — cela se limite à quelques exemples, je dois vous en faire part bien humblement — où des entreprises, entre autres, étaient cotisées à, si ma mémoire est fidèle, $0.96 les $100 gagnés, en 1978. En 1976, ces entreprises étaient cotisées à $1.38 de sorte qu'elles ont connu une diminution assez importante de 1977 à 1978. Le nouveau taux de ces entreprises, à ma grande surprise, qui était, en 1977, établi à peu près à $0.96 était majoré à $2.48 dans la nouvelle codification énoncée par la Commission des accidents du travail il y a quelques semaines. C'étaient des entreprises qui n'avaient pas eu d'accidents en 1977, de moyennes entreprises, de petites entreprises du Québec.

J aimerais savoir, dans un premier temps, si les avis de cotisation qui ont été envoyés aux entreprises en question l'ont été en vertu de la probabilité de l'adoption de ce nouveau projet de loi.

Aussi sur cet aspect, Mme le Président, il y a un autre commentaire ou d'autres interrogations que je formule sur cet aspect bien spécifique de la tarification aux entreprises et d'une tarification distincte à l'intérieur de chacune des entreprises.

J aimerais que le ministre me dise s'il sera possible qu'éventuellement la Commission des accidents du travail, dans l'établissement de sa tarification, tienne compte de l'affectation des employés à l'intérieur de cette entreprise.

Je m'explique. Qu'on prenne le cas d'une fonderie. En prenant l'exemple d'une fonderie où il y a cent personnes qui travaillent, il peut peut-être y avoir une cinquantaine de personnes, à peu près 50% qui font du travail de fonderie qui comporte des dangers ou des possibilités d'accidents assez élevés, parce que c'est le transport, la manipulation de matière à haut degré de température. Vous avez dans cette même entreprise peut-être 20 ou 25 personnes qui sont affectées aux travaux de sablage, aux travaux de peinture du produit avant qu'il ne soit fini. Vous avez des contremaîtres, vous avez des personnes qui travaillent à l'intérieur de cette entreprise pour veiller à la sécurité etc. Vous avez des personnes qui s'occupent des ventes. Vous avez des personnes de secrétariat. Vous avez les personnes qui sont sur la route. Mais les cent personnes de l'entreprise sont cotisées selon une même tarification, comme si elles effectuaient tous les jours et régulièrement, constamment, le travail qu'implique et avec tous les dangers que cela peut comporter la fonderie.

Est-il possible que la Commission des accidents du travail arrive à l'établissement d'une tarification, évidemment comme le ministre l'annonce dans son projet de loi, comme le gouvernement le veut, basée sur chacune des entreprises, sur le type d'entreprise, sur la prévention ou l'effort que l'entreprise déploie pour la prévention avec un genre de système de mérite ou de démérite, est-ce qu'il est possible d'en arriver à une tarification, dis-je, selon l'affectation des employés à l'intérieur de cette usine ou de cette entreprise?

Le projet de loi étend l'application de la Loi des accidents du travail de manière à permettre aux agriculteurs de bénéficier de la protection de cette loi. Je dois vous dire que nous accueillons d'emblée cette proposition ou cet amendement dans nos lois de la Commission des accidents du travail. C'est une mesure positive. Vous savez, nos producteurs agricoles ont été particulièrement frappés, entre autres, depuis quelques semaines, en prenant connaissance de la loi sur le zonage agricole qui les affecte beaucoup. Je vois un député ici qui nous fait des signes, qui vient de se réveiller, probablement. Je ne sais même pas le nom de son comté, je m'excuse, Mme la Présidente.

Il est quand même positif, selon moi, le fait que les producteurs agricoles soient couverts par cette loi. Il y a deux ans ou à peu près, un an et demi, deux ans, nous avions étendu la couverture de la Commission des accidents du travail aux employés de la ferme. (0 h 40)

Les agriculteurs eux-mêmes maintenant pourront être protégés par cette loi et c'est heureux. Cependant, Mme le Président, il est essentiel, selon moi, et ce, dans un esprit de justice, pour tous les employeurs du Québec, d'établir des mécanismes de contrôle qui pourront faire en sorte que ce secteur pourra éventuellement assumer pleinement les coûts inhérents à cette couverture par la loi.

Mme le Président, l'Opposition officielle espè- re et souhaite que le ministre du Travail, en collaboration avec les personnes concernés, poursuive ses recherches de façon qu'un jour, tous les travailleurs soient couverts par la loi. Tous savent que désormais seuls les services domestiques et les athlètes seront exclus du champ d'application de la Loi des accidents du travail. Le livre blanc sur la santé et la sécurité a suscité beaucoup d'espoir en ce domaine. Cela fait l'objet d'un débat qui a cours actuellement au Québec. Je pense qu'il n'y a personne ou très peu de citoyens du Québec, j'espère encore moins de législateurs ou de personnes qui ont à évoluer dans le cadre de ces lois, qui ne sont pas au fait du livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs.

J'espère, Mme le Président, que le gouvernement, après avoir suscité l'espoir qui est créé et qui est né du livre blanc sur la santé et la sécurité, ne reléguera pas le tout aux oubliettes ou aux calendes grecques, comme il l'a fait avec ses promesses sur la gratuité scolaire et le présalaire aux étudiants. Comme je l'ai dit au début, Mme le Président, il ne faudrait pas que cette loi qui amende les lois de la Commission des accidents du travail serve de prétexte à retarder d'une journée ou d'une semaine le dépôt du livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Mme le Président, nous croyons vraiment que la société québécoise doit prendre tous les moyens nécessaires de façon à assurer aux travailleurs québécois leur pleine intégrité physique dans l'exercice de leurs fonctions. Je conviens que ce projet de loi 114 est un pas en avant mais il faudra — je l'espère, comme je vous le disais — en arriver dans les plus brefs délais au dépôt de ce projet de loi qui entraînera, encore une fois, un processus de consultations assez important. L'on doit se pencher sur les résultats de ce livre blanc dans les plus brefs délais.

Toujours en ce qui concerne, Mme le Président, le champ d'application de la loi, je tiens à vous signaler qu'après l'adoption de cette loi, le mot accident couvrira la notion de maladie psychique. Il est vrai, Mme le Président, que l'exercice d'un emploi a un lien avec l'évolution psychique de l'homme. Je conviens que le fait d'occuper une fonction quelconque peut, pour plusieurs motifs — mon but ce soir n'est pas de vous faire un cours là-dessus évidemment, d'ailleurs j'hésite à croire que j'en serais capable de toute façon; j'hésite à croire, Mme le Président, qu'on puisse...

M. Johnson: Si le député de Portneuf me le permet pour...

M. Pagé: Oui.

M Johson: ... couper court peut-être à une longue envolée qu'il avait préparée, j'ai l'intention de retirer les dispositions sur la notion de maladie psychique lors de la commission pour que nous en discutions plus à fond lors du projet de loi-cadre au mois de mars.

M. Pagé: Mme le Président, vous voyez, il a suffi que l'Opposition officielle... Mme le Prési-

dent, c'est votre premier mandat comme député à l'Assemblée; vous venez de voir de façon concrète et bien tangible l'effet de la position de l'Opposition officielle. Il a suffi, Mme le Président, qu'on l'énonce, qu'on le souligne pour que le gouvernement recule. Vous avez vu Mme le Président. C'est vrai d'ailleurs, c'est vrai. Que le député de Joliette prenne son fauteuil et qu'il essaie de venir me contredire là-dessus.

Mme le Président, le député de Joliette pourrait peut-être être le premier cas traité par la Commission des accidents du travail si le ministre n'avait pas retiré son amendement. Effectivement, Mme le Président, je pense qu'avant que notre société, que le gouvernement et, nos lois sur les accidents du travail puissent aborder et couvrir cette question des maladies psychiques, je pense qu'il est bien explicable et bien normal que ce que vient de nous annoncer le ministre du travail et que c'est justifié que cela soit traité dans le cadre du livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs parce qu'on avait plusieurs interrogations et je sais que mes collègues de l'Union Nationale — entre autres, je sais que le député de Mégantic-Compton voulait intervenir là-dessus, c'était son intention, il me l'avait manifestée tout à l'heure, mon collègue de Gatineau voulait intervenir sur le sujet compte tenu des préoccupations que cela pouvait impliquer dans le milieu, compte tenu des questions qu'on pouvait se poser là-dessus: Comment cela aurait pu être vérifiable? Comment le contrôle médical se serait fait? Quels auraient été les appels ou la possibilité pour une personne affectée par une décision de la Commission des accidents du travail sur une maladie psychique d'intervenir et de faire valoir son point de vue?

De toute façon, Mme le Président, quant à moi, je conviens, dans un premier temps, que cet aspect du projet de loi qui vient d'être retiré — le cas des maladies psychiques — devra être abordé dans l'étude et l'analyse qu'on aura à faire du livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs. De toute façon, je crois qu'avant d'aborder cette question, le ministre du Travail devrait se préoccuper — et je pense que cela serait peut-être plus urgent, plus impérieux — du cas de ce qu'on appelle les vieux accidentés, ceux qui ont eu à subir des accidents il y a plusieurs années et qui, encore aujourd'hui, malheureusement, ont des rentes qui sont très minimes.

Mme le Président, ce projet de loi permettra également à un travailleur de réclamer à la Commission des accidents du travail dans le cas de rechute. Nous sommes heureux que cette exten-tion de la couverture lui soit apportée. Cependant, Mme le Président, cette notion soulève certaines difficultés d'application, non pas au niveau de l'indemnisation mais au niveau de la tarification des employeurs. En effet, comme la classification se veut incitative et se veut une incitation à la prévention par le biais de la tarification et compte tenu de la mobilité de la main-d'oeuvre, je demande au ministre du Travail de songer à la possibilité d'inclure dans sa loi que le cas d'une rechute ne soit imputable qu'à l'employeur initial où s'est produit l'accident.

Je m'explique, Mme le Président. Dans le projet de loi 114, la personne qui a un premier accident chez l'employeur X est évidemment indemnisée; cette personne quitte son emploi pour se rendre chez l'employeur Y. Elle a une rechute. Evidemment, elle sera indemnisée. Cette rechute sera calculée sur la tarification de l'employeur Y, du deuxième employeur, Mme le Président. Ce que je soutiens et demande au ministre du Travail c'est, d'accord, que les cas de rechute soient considérés et traités comme c'est le cas dans la loi; j'en conviens et j'y souscris mais que l'impact sur la tarification de cet accident, l'effet financier et monétaire de cet accident soit imputé au premier employeur.

Je vais vous donner un exemple. Il serait possible qu'à l'avenir, un employeur — toujours mon employeur X — qui a besoin de travailleurs les fasse venir, les rencontre pour discuter avec eux évidemment de leurs capacités, de leur compétence à occuper la fonction qu'il offre mais il pourrait leur poser une question, Mme le Président: Est-ce que vous avez déjà eu un accident de travail? Si oui, à quelle date, etc., et aller voir dans le dossier. Aussitôt que cet employeur verrait — je ne veux pas mettre en doute l'honnêteté des employeurs, mais il serait possible que, lorsque cet employeur verrait qu'un travailleur a déjà été affecté et qu'il y a une possibilité de rechute, cela puisse l'influencer dans son choix et il pourrait dire: C'est bien de valeur, vous avez déjà eu un accident de travail, il y a un danger de rechute. S'il ne le dit pas à l'employé, il pourrait se le dire à lui-même tout au moins. Cette personne est peut-être bien compétente; elle a déjà subi un accident de travail assez grave; il y a un danger ou un potentiel de rechute et moi, je ne veux pas payer pour cela. Cela pourrait, Mme le Président, brimer ce travailleur et limiter ses possibilités d'embauche au sein d'autres entreprises.

J'invite le ministre du Travail à y songer et peut-être que dans le débat en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi article par article, il pourrait présenter des amendements.

Mme le Président, ce projet de loi nous propose un nouveau système d'indemnisation lequel prévoira désormais une indemnité au bénéficiaire équivalant à 90% de son revenu net au lieu d'une indemnité de 75% de son revenu brut. Toutes les personnes ou les groupes consultés par le biais du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre se sont dits d'accord avec ce nouveau système d'indemnisation. Cependant, dans le cadre de cette consultation, il a toujours été question de mettre en application un système d'indemnisation basé sur le rapport Gauvin soumis à la Commission des accidents du travail en décembre 1974. Ce n'est pas tout à fait ce que fait actuellement le gouvernement. Bien entendu, le ministre va nous dire tout à l'heure, dans sa réplique, qu'il a retenu la formule d'établissement du plafond des gains assurables proposée par le

rapport Gauvin. Ceci est vrai et nous en sommes heureux car, désormais, ce plafond permettra de protéger la totalité des gains d'environ 85% des travailleurs québécois. De plus, ce plafond sera indexé annuellement.

Cependant, Mme le Président, le ministre devra travailler à ce que l'écart entre le salaire assurable au Québec et celui, par exemple, de l'Ontario, ne devienne pas trop grand afin de ne pas créer un fardeau financier trop lourd lequel pourrait nuire à l'équilibre financier de la petite entreprise québécoise et dans sa compétitivité, sa concurrence par rapport aux entreprises voisines. (0 h 50)

D'ailleurs, Mme le Président, tout le monde sait ou tout le monde devrait savoir que ce sont seulement les employeurs qui sont cotisés à la Commission des accidents du travail et que ce sont eux qui défraient le coût du système d'indemnisation dans lequel on vit aujourd'hui.

Mme le Président, la deuxième recommandation importante du rapport visait à établir, pour une incapacité totale permanente ou temporaire, une indemnisation sur la base de 90% du revenu net disponible. Cette recommandation, le ministre l'a retenue également et je l'en remercie.

La troisième, Mme le Président, relativement à l'indemnisation proposait d'établir la rente de veuve à 50% du revenu brut du conjoint décédé et, par le fait même, l'on faisait disparaître la rente d'enfant. Le ministre retient une formule qui est différente, qui est peut-être un peu plus généreuse mais qui, selon moi, est plus juste.

J'aimerais savoir, Mme le Président, si le ministre a fait une étude sur le coût imputé aux employeurs pour cette augmentation ou cette générosité, comme certains peuvent l'utiliser. Le ministre a-t-il songé, a-t-il analysé l'impact pour la petite et la moyenne entreprise du Québec, en nous proposant cette mesure et, entre autres, je le prierais de déposer, si possible, les études et les analyses qu'il a faites, pour voir l'impact de cette loi sur l'entreprise québécoise.

Enfin, Mme le Président, le ministre touche, dans sa loi, le secteur des maladies professionnelles. Je n'ai pas l'intention de l'aborder longuement ici, compte tenu de l'heure tardive. Nous pourrons y revenir, évidemment, en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi, article par article.

Le rapport Gauvin, à ce sujet, proposait la formule qui a été retenue par le gouvernement, le précédent gouvernement, le gouvernement libéral, et mieux connue sous le nom de la loi 52 pour le cas de silicose et d'amiantose.

Mme le Président, je suis surpris de constater que toute cette question n'ait pas été abordée et que le ministre n'ait pas attendu, pour traiter toute cette question des maladies professionnelles. Pourquoi le ministre, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas attendu pour la traiter dans le cadre du livre blanc et des résultats du livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs? Je conviens que le ministre a dû intervenir pour régler des cas spécifiques en attendant, mais si le ministre inter- vient dans ce dossier, il se devrait, selon moi, Mme le Président, et le gouvernement se devrait d'intervenir plus généralement, il devrait intervenir de façon à couvrir les industries de transformation dans l'amiante.

J'ai fait part au ministre du Travail et au ministre d'état au Développement social, il y a quelques semaines, de l'obligation que le gouvernement aurait d'intervenir dans des cas aussi spécifiques que celui de la Compagnie Atlas Asbestos Corporation, à Montréal, où entre autres, plus de 100 travailleurs sur 400, sont déjà affectés et ne sont pas couverts par cette loi.

L'étude du projet de loi 114 aurai été, selon moi et selon le Parti libéral et l'Opposition officielle, le moment le mieux choisi pour traiter de cette question de la couverture par la loi 52, des usines de transformation de l'amiante et je suis convaincu que mon collègue de Frontenac pourrait abonder dans le même sens que moi, tout à l'heure, s'il intervient sur le projet de loi.

Mme le Président, en ce qui concerne la rente minimale, le ministre du Travail nous a fait part de chiffres tout à l'heure. Il nous a donné des montants, il nous a donné des exemples de montants, compte tenu du nombre de personnes dans la famille. Evidemment, il a fait état de la rente minimale. Cette volonté d'implanter une rente minimale, Mme le Président, nous sommes d'accord avec cela. Ce système aura l'avantage de protéger d'une façon beaucoup plus adéquate les personnes à faible revenu.

Un quatrième point, Mme le Président, que je voudrais aborder: celui de confier à la Commission des accidents du travail un mandat l'autorisant à appliquer une politique globale de réadaptation sociale des bénéficiaires. Sur ce point, madame, l'Opposition officielle appuie le gouvernement avec la réserve suivante: pourquoi le ministre tient-il à tout prix à adopter ces dispositions assez rapidement? Il est une heure du matin, on est à la veille de Noël et son collègue au Développement social ne nous a pas encore présenté sa fameuse loi cadre.

La philosophie de notre parti à ce sujet est que le travailleur qui a subi un accident au travail a droit à une indemnité économique, mais il a également droit à une aide lui facilitant la réinsertion sociale dans le cas de préjudice grave. Cette philosophie est, en somme, la même que sous-tend tout l'exercice du livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs. Ce principe, Mme le Président, de réinsertion sociale devrait être traité par le gouvernement. Le gouvernement devrait profiter du projet de loi 114 et du livre blanc sur la santé des travailleurs pour traiter les cas de réinsertion sociale, non seulement dans le cas d'accidents. Je vais vous donner un exemple. Je suis convaincu qu'il y a plusieurs députés qui ont vécu cette situation. Prenez le cas, Mme le Président, d'une personne qui a passé sa vie, 20 ans, 25 ans, à conduire un véhicule automobile. On a le cas des chauffeurs de véhicules lourds, qu'on appelle chez nous les camions-remorques, les vans, pour être plus explicite.

On voit souvent, Mme le Président, une de ces personnes, c'est son seul métier, c'est sa seule possibilité, sa seule capacité de gagner son pain, effectuer ce travail. On voit souvent de ces personnes qui ont un infarctus du myocarde et qui, compte tenu des normes exigées par le Bureau des véhicules automobiles, se voient retirer leur permis de chauffeur. Ces personnes, du jour au lendemain, compte tenu d'une maladie, se voient privées de leur gagne-pain, qui est le permis de pouvoir conduire un véhicule automobile. Le livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs devrait aussi traiter ces cas et j'espère que le projet de loi-cadre ou le projet de loi global, auquel le ministre a fait allusion tout à l'heure, pourra traiter de tels cas et ne se limitera pas seulement à des cas d'accidents de travail, mais couvrira aussi et envisagera la possibilité d'un service de réadaptation et de réinsertion au travail pour ces personnes.

Mme le Président, ceci amène plusieurs projets de loi; on m'informait tout à l'heure qu'on en a encore une quarantaine à adopter d'ici quatre jours. La vitesse à laquelle le ministre se prépare à adopter ces mesures laisse quand même présager que ce sont là, peut-être — j'aimerais qu'il me rassure là-dessus — les seuls efforts que fera le gouvernement dans le domaine de la réadaptation. Qu'adviendra-t-il des promesses du livre blanc? Le ministre se targuait tout à l'heure de respecter ses promesses. Qu'il nous réponde clairement là-dessus! Quand le gouvernement aura-t-il le courage de déposer, quand déposera-t-il son fameux projet de loi? J'espère que ce sera d'ici la fin de la présente session, c'est-à-dire avant Noël. Le ministre du Travail est devenu le spécialiste des réformes globales. Vous en savez quelque chose, Mme le Président. Je suis certain que vous vous êtes interrogée, vous aussi, sur ces fameux engagements de réforme globale. On se rappelle l'engagement qu'il avait pris il y a quelque temps d'une réforme globale des lois ouvrières du Québec. Il a fallu que j'intervienne régulièrement à l'Assemblée pour enfin savoir du ministre que c'étaient des comités sectoriels qui allaient siéger sur des problèmes spécifiques, mais qu'il n'y avait pas, somme toute, de réforme globale.

Mme le Président, sur cette question, j'espère que la réforme présumée, dans le cas du livre blanc, n'aboutira pas à des réformettes spécifiques et des réformes trop limitatives. Il y a d'autres mesures sur lesquelles nous reviendrons lors de l'étude en commissions parlementaires. Parmi ces mesures avec lesquelles nous sommes d'accord, je peux vous citer, entre autres, le regroupement des infractions, le regroupement du pouvoir réglementaire, la durée de l'emploi assurable en dehors du Québec, le remboursement de certains coûts accessoires à un accident: les vêtements, les prothèses, entre autres, où il y a particulièrement des problèmes; la prépublication des règlements de la Commission des accidents du travail. Entre autres, Mme le Président, il y a un aspect bien particulier que j'aimerais toucher avant de terminer là-dessus, et c'est l'aspect de la loi 114. Le minis- tre nous a dit tout à l'heure qu'à l'avenir une personne allait avoir le droit d'être représentée à la Commission des accidents du travail, dans toutes les procédures, par une autre personne qu'un avocat. J'aimerais que le ministre du Travail, qui, par surcroît, est avocat, nous fasse part de ses commentaires à la suite du télégramme qu'il recevait cet après-midi du Barreau du Québec, qui s'opposait à l'adoption de cet article de la loi 114. J'aimerais que le ministre du Travail profite soit de sa réplique ou, encore, du débat en commission parlementaire, pour nous dire pourquoi, en plus de voter pour le principe du projet de loi — chose que nous ferons, évidemment — on devrait particulièrement voter pour cet article.

Ceci dit, Mme le Président, et là je ne voudrais pas trop insister, vous allez me dire: M. le député, vous défendez votre profession. J'en suis venu presque à me demander ce que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois a contre les avocats du Québec. Il n'y a pas une session où il n'y a pas une loi qui vienne limiter le champ de pratique d'un avocat. On a vu, évidemment, les effets de l'assurance automobile, et différentes mesures législatives qui sont venues affecter le droit de l'avocat, et les champs de juridiction de cette discipline. Mme le Président, c'étaient là les quelques remarques que je voulais vous formuler sur ce projet de loi. Nous aimerions que le ministre du Travail, ainsi que son collègue, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire à plusieurs reprises — mais j'insiste particulièrement là-dessus — le ministre d'Etat au développement social, qui n'est pas ici ce soir, prennent ici I engagement formel, dans les plus brefs délais, de déposer la loi-cadre sur la santé et la sécurité des travailleurs pour que cessent des réformes — comme le dit le ministre — un peu à la pièce et comme celles que le ministre du Travail nous demande d'adopter. (1 heure)

J'espère que le ministre pourra répondre aux différentes interrogations que nous avons formulées. J'espère que celui-ci profitera de sa réplique ou du débat en deuxième lecture pour nous rassurer ou nous donner des informations sur plusieurs éléments qu'on a soulevés.

Une Voix: Le ministre est fatigué. Il veut se reposer.

M. Pagé: J'aimerais enfin, Mme le Président — ce serait peut-être une bonne nouvelle à annoncer cette nuit, en date du 15 décembre, à une centaine de milliers de travailleurs du Québec — que le ministre du Travail s'engage, au nom du gouvernement, à déposer avant l'ajournement de la session le projet de loi auquel on est en droit de s'attendre à la suite du livre blanc sur la santé et la sécurité des travailleurs du Québec.

Une Voix: Très bien!

Mme le Vice-Président: M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Je vous remercie, Mme le Président. J'aimerais aussi émettre certains commentaires, le plus brièvement possible, au nom de l'Union Nationale, sur cet important projet de loi no 114 qui est présenté par le ministre du Travail et qui vise à apporter certaines modifications à la Commission des accidents du travail.

Mme le Président, on sait que ces modifications touchent quatre aspects. D'abord, au régime d'indemnisation, ensuite à l'extension du champ d'application de la loi, à la classification des employeurs et, enfin, à la réadaptation. En ce qui concerne l'indemnité au travailleur, celui-ci bénéficiera désormais d'un montant qui sera calculé sur 90% de son salaire net plutôt que sur 75% de son salaire brut. A prime abord, cela peut sembler une approche intéressante. Cependant — et cela n'a pas été fait encore, peut-être que cela pourrait être fait au niveau de la commission parlementaire — on n'a pas eu tellement d'informations en ce qui concerne les coûts exacts de ces modifications au niveau des employeurs, d'une part, et des bénéfices — si bénéfices il y a — pour les bénéficiaires de telles mesures. Qu'est-ce que cela changera, fondamentalement? Je sais qu'il y aura certaines réserves à apporter également au niveau des personnes qui sont célibataires et qui pourraient, dans un certain sens, se voir privées d'une certaine forme de revenu, si ces personnes sont indemnisées par la Commission des accidents du travail pendant un certain temps et si on doit le calculer sur leur salaire net, évidemment, l'impôt payé est beaucoup plus important que celui d'un père de famille avec plusieurs enfants à charge.

Mme le Président, il y a un deuxième point que j aimerais également toucher. C'est la question des dispositions prévoyant que la commission doit déduire de l'indemnité du travailleur toute somme excédant la moyenne des gains ayant servi à établir cette indemnité et provenant d'une rente d'invalidité en vertu du Régime de rentes du Québec. Cette disposition est abolie et je suis un des premiers à m'en réjouir. Vous vous en souviendrez, M. le Président, j'ai dû intervenir plusieurs fois à l'Assemblée nationale sur cette fameuse question des coupures qu'on faisait aux travailleurs, en particulier aux travailleurs dans le domaine de l'amiante, ceux qui doivent subsister en fonction de la partie du salaire qu'ils reçoivent en fonction de la loi 52. Depuis un certain temps, ce qu'ils recevaient en termes d'invalidité de la Régie des rentes du Québec leur était enlevé par la Commission des accidents du travail, ce qui me semblait une mesure tout à fait injuste puisque, étant reconnus avoir un degré de maladie industrielle suffisant pour être déclassés en terme d'invalidité, au point de vue de la Régie des rentes du Québec, il devenait illogique que la Commission des accidents du travail puisse, à même cette sécurité que, dans le fond, tout le monde paie au niveau du régime des rentes d'invalidité, déduire cela de leur revenu. C'est donc une correction majeure, importante, qui est introduite dans le projet de loi et qui répond aux nombreuses demandes que j'ai eu l'occasion de faire en cette Assemblée nationale au nom de ces travailleurs.

En deuxième lieu, ce que j'espère à ce chapitre, c'est de cesser d'enlever le montant reçu du régime des rentes d'invalidité de ce que les gens reçoivent, par exemple, de la loi 52 comme indemnisation; étant donné qu'on l'a reconnu, puisqu'on a cessé d'enlever le régime des rentes d'invalidité des prestations de la loi 52, j'aimerais maintenant que, par principe de justice et d'équité, on remette à ceux à qui on a enlevé ce revenu supplémentaire ce qu'on leur a retenu de façon injuste, d'une part.

D'autre part, j'aimerais que le ministre profite de l'occasion pour faire un peu le ménage sur cette situation puisque, actuellement, il reste encore des lacunes. Il y a sûrement eu des directives émises puisqu'on a cessé les coupures pour un certain nombre de travailleurs. Par contre, il y en a d'autres actuellement qui, malgré ces directives, continuent à se voir enlever de leur revenu, régulièrement, la partie qu'ils reçoivent en terme de régie des rentes au chapitre de l'invalidité. Cela veut donc dire que la situation est encore assez confuse dans ce domaine. J'aimerais que le ministre profite de l'occasion qu'on lui donne aujourd'hui pour recevoir ces commentaires de notre part, en tenir bien compte et surtout apporter les corrections qui s'imposent dans les plus brefs délais.

Maintenant, M. le Président, tel que c'est indiqué ici, il s'agit d'un nouveau système de classification, également: les employeurs assujettis à la Loi des accidents de travail qui doit entrer en vigueur le 1er janvier, 1979. Je pense que, fondamentalement, au point de départ, c'était là, l'objectif visé pour introduire ce projet de loi devant l'Assemblée nationale à ce moment-ci. On avait ce délai à respecter et on devait faire face à l'échéance du 1er janvier, 1979. On a cru bon, cependant, d'y introduire un certain nombre de modifications, d'apporter aussi, en quelque sorte, certains éléments qu'on aurait dû s'attendre à voir discuter dans le cadre général de tout le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail au Québec.

Malheureusement, cela m'est apparu une façon "à la pièce", de vouloir aborder la question. Le ministre a indiqué tout à l'heure que certains aspects cependant, qui sont présentés dans son projet de loi 114, seront carrément mis de côté au niveau de la commission parlementaire, pour finalement limiter le projet de loi à un certain nombre de données précises. J'espère que le ministre pourra nous donner davantage d'explications à ce sujet.

Maintenant, M. le Président, je suis heureux de voir aussi qu'on s'apprête maintenant à considérer les agriculteurs comme des travailleurs au même titre que tous les travailleurs dans la province de Québec et que ces gens, cette classe de notre société, vont être en mesure d'être "chapeautés" comme les autres par la Loi des accidents de travail et donc, par la même occasion

aussi, le cas échéant, lorsqu'il y a accident, d'être compensés au même titre qu'un autre travailleur. Le même cas, d'ailleurs — et je m'en réjouis au nom de l'Union Nationale également — en ce qui concerne l'artisan, dont on définit le statut de façon beaucoup plus précise et qui pourra également, bénéficier des retombées positives de la loi et de la Commission des accidents de travail en termes de protection.

Il y a un autre aspect que j'aimerais toucher brièvement, M. le Président, pour indiquer que nous avons reçu, quand même, un certain nombre de commentaires concernant ce projet de loi d'organismes intéressés. J'ai pu également, en tant que personne intéressée et impliquée au niveau de ce genre de législation, faire certains contacts et j'ai pu obtenir certaines informations ou certaines opinions concernant le projet de loi en question.

J'aimerais simplement vous indiquer ici que l'Association des mines et métaux du Québec s'est dite d'accord entièrement, d'ailleurs, elle a été consultée à ce sujet par le gouvernement comme le Conseil du patronat, l'Association des mines et métaux du Québec s'est donc dite entièrement d'accord avec le nouveau système de classification et de tarification, même qu'elle veut y voir, aussi, appliquées et vues comme un tout, cependant, les recommandations du rapport Gauvin. On précise, cependant, qu'on devrait pour le moment, se limiter strictement à la classification, à la tarification et à ces recommandations du rapport Gauvin pour ne pas doubler le débat en ce qui concerne la santé et la sécurité du travail et commencer immédiatement dans ce projet de loi à effectuer certaines modifications à l'intérieur de la Commission des accidents de travail; celui-ci devra être rediscuté d'ailleurs au complet lorsqu'il s'agira de reprendre tout le livre blanc de la sécurité et de la santé au travail et d'arriver, par la suite, à une loi-cadre sur le sujet.

Il y a quelques points que je voulais retenir, dont un point, entre autres, M. le Président, en ce qui concerne la fameuse question des rechutes et ce qu'on prévoit dans la loi à ce chapitre. Je lirai simplement les remarques de l'Association des mines et métaux à ce sujet: "Si, en 1977, les employeurs se sont conformés de bonne grâce à l'obligation de verser les cinq premiers jours à l'accidenté, pour diminuer les délais, en se suppléant à l'administration de la Commission des accidents de travail, ils n'ont plus les mêmes raisons d'accepter des raisons similaires pour les rechutes et les aggravations. En effet, lors des rechutes, la Commission des accidents de travail a déjà en main les dossiers des accidentés et ne peut invoquer les mêmes raisons de délais administratifs pour ne pas verser, elle-même, ces indemnités. On comprendra, aussi, que, dans toute la question de ces rechutes, il peut y avoir aussi, à un certain moment, des abus de ce côté, de sorte qu'on pourrait également placer certains de nos employeurs dans une situation passablement difficile en ce qui concerne les abus possibles dans ce domaine."

II y a un point sur lequel j'aimerais m'arrêter plus brièvement que prévu, évidemment, puisque j'ai été content d'apprendre que le ministre va retirer de son projet de loi tout ce qui concerne la question des maladies phychiques qu'on voulait inclure au niveau du projet de loi et au niveau, également, des situations apportant une compensation par la Commission des accidents du travail. (1 h 10)

C'était là, évidemment, une manifestation de l'intention que le gouvernement a indiquée dans son livre blanc sur la façon dont il veut aborder la question de la santé et de la sécurité au travail. On sait que — d'ailleurs, c'est à la page 7 du document qui a été déposé par le ministre Marois — le gouvernement tente d'opter pour l'approche psychosociologique dans le domaine des maladies industrielles et, à ce moment-là, on veut automatiquement y inclure les maladies psychiques. Ceci doit, je pense, faire l'objet d'un débat beaucoup plus large que lors de la présentation d'un projet de loi comme la loi 114 que nous avons devant nous à cette heure-ci de la nuit, M. le Président, à la toute fin de la session. Cela a des implications tellement importantes qu'on doit en discuter dans un cadre beaucoup plus large que celui qui nous est donné actuellement.

A ce chapitre, je suis bien content que le ministre ait décidé de retirer tout cet aspect ou toute cette notion de l'approche psychosociologique des maladies industrielles.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais aussi demander au ministre — pas nécessairement dans son projet de loi mais cela peut se discuter dans ce cadre-ci — de revoir la décision gouvernementale de ne pas étendre à toutes les industries de transformation la question de la loi 52, par exemple. J'ai posé une question, dernièrement, à l'Assemblée nationale, au ministre Marois, à ce sujet, lui demandant s'il avait l'intention que soient couverts par la loi 52, les gens qui ne travaillent pas dans les mines et carrières, mais qui oeuvrent actuellement dans le domaine de la transformation de l'amiante et qui sont, pour certains d'entre eux, atteints d'amiantose à des degrés souvent beaucoup plus élevés que d'autres qui oeuvrent dans des mines. Ils ne peuvent pas, à cause de technicités qui ne sont pas dans la loi, être protégés actuellement par la loi 52 et ils ne peuvent donc pas, même s'ils sont amiantosés au même degré que les autres et au même titre que les autres, recevoir les compensations de la loi 52. On a des cas assez pénibles dans ce sens, il y a des personnes qui viennent à nos bureaux... Pour ma part, je suis un député d'une région de l'amiante et j'ai eu l'occasion d'accumuler un certain nombre de cas dans ce domaine. Au moment où on se parle, M. le Président, il y a des gens qui travaillent à quelques pieds du cratère de la mine, qui oeuvrent dans une usine de transformation, à Asbestos, et qui sont atteints d'amiantose à 15%, 20% et 25%. Ils seraient donc susceptibles de se retirer du marché du travail s'ils étaient dans les mines et carrières, mais simplement parce qu'ils oeuvrent dans une industrie de transformation et

qu'ils n'ont pas de droits parce qu'ils ne sont pas chapeautés, ils ne sont pas compris dans la loi telle que rédigée actuellement.

Je pense que c'est une grave carence qui doit être corrigée. J'ai été, d'ailleurs, agréablement surpris de voir, dans un mémoire qui nous a été transmis par l'Association patronale, qu'elle-même semblait être d'accord pour que soient compris dans la loi 52 ces gens qui oeuvrent au niveau de la fibre d'amiante et qui peuvent être atteints par la même maladie que ceux qui oeuvrent dans les mines et carrières.

M. le Président, en ce qui concerne plus spécifiquement cette question de la loi 52, l'approche qui est faite ici, évidemment, dans la loi 114, ne prétend pas tout régler et ne réglera pas tout non plus. On le sait parce que c'est simplement une approche à la pièce; au fond, on sait qu'il va falloir attendre toute la discussion sur le livre blanc, en fait, la loi-cadre qui va être adoptée à l'Assemblée nationale là-dessus.

En attendant, je le rappelle au ministre, j'aimerais qu'il corrige la question des coupures qu'on a faites au niveau du régime de rentes-invalidité; qu'on cesse toute coupure et qu'on rembourse ceux qui ont injustement subi des coupures dan le passé. Aussi, il serait peut-être temps — et on aura l'occasion d'y revenir en commission parlementaire — puisqu'on discute de préoccupations sociales, d'ajuster les montants pour les veuves et les dépendants à charge. Il serait peut-être temps d'avoir la même préoccupation sociale pour ceux qui ont définitivement pris la route de l'indemnisation complète au niveau des années, qui sont indemnisés par la Commission des accidents du travail, c'est-à-dire ceux qui sont retirés complètement du marché du travail parce qu'ils sont atteints d'une maladie industrielle ou parce qu'ils ont été victimes d'accidents industriels depuis un certain nombre d'années et qui sont gelés, en termes de revenus, à ce qu'ils avaient dans les années soixante-dix, soixante et onze, soixante-douze. On sait que cela a monté en flèche, de sorte que quelqu'un qui pouvait gagner $15 000 dans l'industrie à ce moment-là, peut avoir un compagnon qui gagne $18 000 à $20 000 aujourd'hui. Pour lui, on calcule encore selon le montant qu'il recevait à ce moment-là, ce qui revient à dire que le gouvernement consacre, par une telle situation, le fait qu'on laisse ce type dans la misère parce qu'il n'est plus capable de faire face au coût de la vie comme les autres. Il faudrait peut-être ajuster... Il n'y en a pas un très grand nombre; cependant, il y a des cas qui sont vraiment pitoyables et sur lesquels, si on a vraiment l'intention de voir l'aspect social de cette question, on devra s'attabler et les corriger tôt ou tard.

J'aimerais également, en terminant, déplorer — ce n'est pas un procès en bonne et due forme que je veux faire ici, M. le Président, mais je veux faire des remarques assez sérieuses à ce sujet — ce qui se passe actuellement comme efficacité, ou surtout comme non-efficacité, au niveau de la Commission des accidents du travail du Québec. Seulement pour vous donner un exemple, M. le Président, et cela entre dans le cadre de nos discussions et il faudra aller plus loin dans ce domaine, simplement depuis deux semaines, mon bureau a eu l'occasion de soumettre 20 cas à la Commission des accidents du travail du Québec. Sur ces 20 cas, on devait avoir, dans un ou dans l'autre cas des réponses dans une journée, deux journées, trois journées d'intervalle, parfois des appels téléphoniques dans la même journée et tout cela. Sur les 20 cas, on n'a eu aucune réponse depuis deux semaines; on est revenu à la charge mardi de cette semaine. On devait nous rappeler et nous fournir un certain nombre de réponses au cours de la même journée, ce qui n'a même pas été fait.

Je comprends qu'il n'y a sûrement pas eu de directives de données de la part du gouvernement de ne plus répondre aux députés qui font leur travail, qui défendent ces gens qui sont atteints d'une maladie industrielle et qui veulent avoir justice au niveau de la Commission des accidents du travail. Mais je pense qu'à ce niveau, on est conscient, par des expériences comme celles-là, que rien ne va plus. Je me dis une chose: Si un député, membre de l'Assemblée nationale, dûment élu, avec les pouvoirs qui lui sont conférés d'intervenir pour ces gens, ne peut même pas, dans certains cas, obtenir de réponse de la Commission des accidents du travail, comment voulez-vous qu'un simple citoyen, qui essaie d'obtenir justice dans ce domaine, puisse être capable de se retrouver là-dedans et d'obtenir une réponse?

Cela n'a vraiment pas de sens et j'aimerais attirer l'attention du ministre là-dessus pour lui demander qu'il jette un oeil de ce côté pour voir ce qui se passe au juste. Je suis certain qu'il y aurait d'autres députés dans cette Chambre qui pourraient donner des témoignages sur ces choses parmi les députés qui ont à oeuvrer au niveau des maladies industrielles et à recevoir à leurs bureaux des gens qui sont concernés.

On a procédé à la "régionalisation"; on pourrait en discuter; je n'ai pas l'intention d'entrer dans tout ce domaine. Mais cela a donné ce que cela a donné. On n'a peut-être pas donné la chance aux gens concernés d'avoir toute la préparation, toutes les données non plus. On a "garro-ché" cela un peu comme c'est venu et cela a donné les problèmes que cela donne. Il y a beaucoup de fonctionnaires qui essaient de travailler avec le meilleur de leurs possibilités dans ce domaine, mais, tel que c'est organisé actuellement, cela ne fonctionne vraiment pas et il y a lieu de se poser des questions là-dessus.

En terminant, M. le Président, je veux simplement vous indiquer qu'il est urgent qu'on procède à l'étude du livre blanc. Cela fait deux ans que le gouvernement nous dit que cela va être de six mois à six mois qu'il va le déposer. On est venu à bout de l'avoir; on l'a devant nous maintenant. Maintenant, il reste à passer à l'étape de la fameuse loi-cadre où on est supposé revoir en profondeur toutes les questions des maladies professionnelles, des maladies industrielles, des accidents de travail avec tout ce que cela impli-

que, pour essayer de donner une nouvelle approche à ces problèmes, pour essayer de donner vraiment la possibilité à ceux qui sont dans des situations comme cela de voir leurs causes réglées en toute justice.

M. le Président, c'est sur ces quelques points que je voulais attirer l'attention du ministre et je lui demande, en particulier, de considérer la question des coupures de régimes de rentes-invalidité, par rapport aux travailleurs atteints d'amiantose, en lui rappelant brièvement que, à la suite des interventions que j'ai faites en Chambre, il avait donné des directives, je pense, à la Commission des accidents du travail qui a cessé les coupures, mais pas pour tout le monde. C'est dire qu'il y a encore de la confusion dans ce domaine, puisqu'il y a encore des gens qu'on continue à couper injustement de ce côté. En même temps, je veux lui demander de regarder la possibilité de rembourser; étant donné qu'on a reconnu le principe qu'on ne devait pas leur enlever ce qu'ils avaient justement payé, qu'on leur redonne maintenant ce qui leur revient.

Je remercie le ministre de nous avoir informés qu'il faisait des coupures majeures au niveau de l'approche de son projet de loi. Ce dont il a besoin dans le projet de loi, c'est de faire face à son échéance, en termes de classification, du 1er janvier, 1979; on est prêt à le lui accorder avec certaines autres modifications qu'il apporte dans son projet de loi et, au cours de la commission parlementaire, on aura l'occasion de revenir sur un certain nombre de points qui nous préoccupent.

Le Président suppléant (M. Dussault): M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président, même si nous sommes des ouvriers de la dix-septième heure — je pense que c'est le cas — il faut dire les choses telles qu'elles sont. Je vais tenter d'apporter, sur le projet de loi qui est en discussion, quelques commentaires, quelques observations, voire quelques recommandations au parrain du projet de loi, l'honorable ministre du Travail, et à nos collègues du côté ministériel.

M. le Président, même si la loi comporte des améliorations — je pense qu'il faut en convenir — je m'interroge sur les raisons qui font que ce projet de loi nous est apporté à ce moment, un projet de loi qui a été déposé en première lecture le 22 novembre 1978 et qui est discuté en deuxième lecture à partir d'aujourd'hui, à partir d'hier puisque, effectivement, c'est hier que le débat a été entamé, que le débat en deuxième lecture a été entamé. (1 h 20)

M. le Président, je me serais attendu à bien autre chose que cela, et je pense que les travailleurs et les victimes d'accidents de travail — les victimes de maladies industrielles — se seraient attendus aussi à autre chose que cela.

Je me souviens très bien qu'à la suite d'une motion présentée à l'Assemblée nationale en 1974, si ma mémoire est bonne, et qui avait été appuyée par mes collègues de l'Opposition officielle, qui forment le gouvernement actuel, et qui avait été finalement appuyée par le gouvernement du temps, qui forme aujourd'hui l'Opposition officielle, pour faire en sorte que la Commission des accidents de travail soit convoquée devant une commission parlementaire, il a fallu attendre un an avant que cette dite commission soit convoquée et que, pour la première fois de son histoire, les administrateurs de cette commission, le président, le vice-président et les commissaires rencontrent leur patron, les élus du peuple pour la première fois depuis la fondation, soit depuis 42 ans.

On ne me dira quand même pas qu'il y a abus de pouvoir de faire en sorte que les employés voient le patron au moins à tous les 42 ans. C'est un fait et ce fut une surprise pour moi. Ce qui a été révélé à l'occasion de cette commission parlementaire — j'inviterais le ministre du Travail actuel à relire les propos qu'avait tenus le leader parlementaire de l'Opposition officielle du temps, le député de Maisonneuve, et les recommandations qu'il avait faites à l'issue des travaux de cette commission parlementaire alors qu'il avait été recommandé et convenu qu'il était urgent, très urgent, de revoir toute la structure de la Commission des accidents de travail, de faire en sorte d'avoir une révision complète de la loi. Cela a été tellement vrai qu'on l'avait compris, que le discours inaugural du premier ministre de 1975 en faisait mention. C'était une des priorités de l'année. Pour des raisons que j'ignore, cela n'a pas été possible en 1975. Cela a été repris dans le discours inaugural de 1976, à savoir que c'était une des priorités de l'année que de revoir en profondeur la Loi des accidents de travail. Il y a eu des élections le 15 novembre et un nouveau gouvernement a été élu — et j'entends mon collègue qui dit: Dieu merci! Le nouveau premier ministre, dans son discours inaugural avait dit qu'il fallait — et c'était une des priorités de l'année — revoir la Loi des accidents de travail en profondeur.

En 1978 j'ai posé des questions au ministre du Travail, j'en ai posé également à la fin de l'année 1977 et on était en train d'examiner toute la structure, toute la législation qui régit les accidents de travail, pour présenter un projet de loi qui apporterait des modifications substantielles, voire même radicales, pour moderniser cette institution qui commençait à prendre de l'âge, ultraconservatrice, pour moderniser cette institution, de façon à ce qu'elle réponde davantage aux besoins des travailleurs et aux besoins des victimes des accidents de travail.

Le moindre que l'on puisse dire c'est que la montagne a accouché d'une souris.

Nous avons une petite loi de replâtrage, présentée dans les derniers jours de la session, s'il vous plaît, par dessus le marché, alors que nous sommes obligés d'intervenir à une heure et demie du matin, après avoir siégé à une commission

parlementaire depuis 10 heures la veille. Une chance qu'on n'est pas régis par la Loi du salaire minimum.

M. Johnson: Cela s'en vient, la semaine prochaine.

M. Roy: Une chance que les parlementaires ne sont pas régis par la Loi du salaire minimum. Je ne parle pas au point de vue salaire, je parle au point de vue heures de travail, pour faire en sorte qu'on travaille de façon intelligente et qu'on travaille de façon vraiment responsable dans des situations de ce genre.

M. le Président, il a été dit, à l'issue des travaux de cette commission parlementaire, que la Commission des accidents du travail — et je partageais l'opinion du député de Maisonneuve à l'époque, je la partage encore aujourd'hui, je ne sais pas si lui a changé d'idée, mais je présume que non, je lui prête bonne foi — avait été une assurance-patrons puisque effectivement, à partir du moment où cette loi a été adoptée au Parlement, l'Assemblée législative du Québec d'alors, il n'était plus possible pour un travailleur de poursuivre un patron à la suite d'un accident de travail puisque l'Etat prenait sous sa responsabilité le soin d'indemniser lui-même les victimes et de faire en sorte qu'il n'y ait plus de poursuite contre le patron. C'est ce qui avait été dit, c'est ce que comportait la loi puisque les travailleurs, les catégories de travailleurs ne pouvaient faire en sorte, lorsqu'ils étaient couverts par la Loi des accidents du travail, de poursuivre les patrons.

Ce fut une assurance patron, pas pour les petits patrons, mais pour les gros patrons parce que, à l'époque, quels étaient les patrons, au Québec, qui pouvaient être couverts et protégés par la Loi des accidents du travail en cas de poursuites des travailleurs? C'étaient d'abord les compagnies papetières. Je n'apprends rien à personne en disant ces choses, sauf peut-être aux plus jeunes pour leur rappeler quelques pages de notre histoire. C'étaient aussi les compagnies minières, c'étaient également les grosses entreprises, parce que de la petite entreprise, au Québec, nous en avions très peu, c'était une économie de type rural et on sait très bien que la majorité des travailleurs vivait de l'agriculture à cette époque. C'est ce qui a été dit.

Lorsqu'on a eu l'occasion de travailler pour les compagnies papetières, il y a quelques années, on a été en mesure de vérifier la véracité de ces faits, parce que lorsqu'un travailleur était victime d'un accident de travail, il devait évidemment s'adresser à la Commission des accidents du travail, passer des examens devant les "experts" de la Commission des accidents du travail et accepter, bon gré mal gré, des indemnités que devait verser cette dernière.

Ce sont des situations que nous avons vécues et ce sont des situations que les travailleurs vivent encore. Il y a bien eu des petits amendements, de temps à autre, pour permettre d'indemniser davantage les travailleurs, victimes d'accidents de tra- vail, à cause des augmentations de salaires et à cause de l'augmentation du coût de la vie. Ce sont des choses qui ont été faites à plusieurs reprises; nous avons vu des projets de loi minimes, des projets de loi mineurs qui ont été déposés, ici, à l'Assemblée nationale et qui ont été acceptés parce que ces projets de loi avaient pour effet de bonifier le régime des indemnités.

Or, M. le Président, même si ce projet de loi comporte des amendements, je dis qu'il ne nous donne pas satisfaction et je déplore que nous ne puissions pas y apporter une attention plus grande, par un plus grand nombre de membres de l'Assemblée nationale, par un plus grand nombre d'élus, étant donné les subdivisions de l'Assemblée nationale dans les différentes commissions parlementaires qui siègent, compte tenu des préoccupations et des importants projets de loi qui leur sont soumis, pour qu'il puisse être étudié article par article pour franchir l'étape de l'adoption du rapport, franchir l'étape de la troisième lecture et finalement faire force de loi.

M. le Président, dans ce projet de loi on change le maximum d'indemnité de 75% à 90% du revenu net. Il faudrait s'interroger vraiment à savoir s'il y a une amélioration pour les travailleurs. Dans certains cas, je pourrais dire que oui, dans d'autres cas je ne suis pas sûr. Il faudra attendre de voir, de vérifier des cas et prendre des cas-types pour bien examiner s'il y a un avantage réel pour toutes les catégories de travailleurs, peu importe leur échelle de salaire. Pour certaines catégories de salariés, je dis oui, mais je ne suis pas en mesure de vous dire, à ce moment-ci, que cela peut réellement apporter un avantage vraiment significatif pour l'ensemble des travailleurs parmi les bas salariés.

M. le Président, il y a une disposition additionnelle qui devrait être incluse dans le projet de loi parce que, dans l'ancienne loi, avant que les amendements ne soient présentés, c'est 75% maximum qui étaient prévu au niveau de l'indemnité, mais lorsqu'un travailleur était évalué à 40%, il ne bénéficiait pas de 40% d'indemnité, il bénéficiait d'une indemnité de 40% de 75%, ce qui est bien différent et ce qui a toujours causé un préjudice pour ceux qui sont victimes d'incapacité partielle au niveau des accidents du travail. (1 h 30)

M. de Bellefeuille: Cela fait 30%...

M. Roy: Cela fait 30% au lieu de 40% comme dit mon collègue, le député de Deux-Montagnes. C'est un homme qui calcule rapidement, M. le Président.

M. de Bellefeuille: C'est une façon de préciser.

M. Roy: M. le Président, il y a aussi un autre point. Je pense à cette personne qui a téléphoné à mon bureau pour me poser une question. Elle avait entendu dire, évidemment, que l'Assemblée nationale allait en venir à l'étude d'un nouveau projet de loi visant à améliorer le cas des acci-

dentés de travail, des victimes des accidents du travail. Que fait-on des vieux accidentés de travail? Que fait-on des accidentés de travail de 1950, des accidentés de travail de 1948, de 1945? Dans le cas de cette personne, on me parlait d'un accidenté de travail de 1941, dont l'incapacité a été évaluée à 100% et qui reçoit actuellement $249 par mois.

Cette personne me disait: Le coût de la vie est aussi élevé pour un accidenté de 1941 que pour un accidenté de 1978. Personne ne peut dire qu'elle n'a pas raison. Quant à apporter des amendements à la Loi des accidents du travail, il faudrait qu'on ait le courage de faire en sorte de ne pas créer de discrimination entre les accidentés de travail qui ont eu le malheur d'être victimes d'un accident à telle époque, en telle année, et ceux des années subséquentes ou ceux des dernières années.

C'est un autre point que je veux soulever à l'attention du ministre du Travail, en toute objectivité, pour tâcher de faire en sorte d'apporter les correctifs qui s'imposent. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de déplorer, à l'Assemblée nationale, voire de dénoncer l'immense pouvoir de réglementation qu'on se donne dans des lois. Il faut voir le projet de loi 114, examiner le pouvoir de réglementation que se donne la Commission des accidents de travail dans ce projet de loi, pour constater que l'on en revient presque à une loi-cadre qui va permettre au lieutenant-gouverneur en conseil, aux administrateurs de la commission d'élargir la portée de la loi ou de rétrécir la portée de la loi.

C'est bien beau de voter des lois à l'Assemblée nationale, mais on en est rendu à voter pour donner des autorisations de décider qui pourra être bénéficiaire, qui pourra être admissible, à quelle condition ces gens pourront être admissibles. Ce n'est plus l'Assemblée nationale qui décide, nous votons des lois-cadres, nous donnons des chèques en blanc. J'inviterais mes collègues à regarder l'article 110 de la loi et à examiner l'immense pouvoir de réglementation qu'on y retrouve. On est à la veille de voter une petite loi à I'Assemblée ntionale pour autoriser le Conseil exécutif à administrer la province et à voir à faire en sorte que les lois sociales, les lois économiques répondent aux objectifs d'une bonne et saine administration et qu'il ait tous les pouvoirs d'appeler les règlements qui s'imposent pour que cela puisse se réaliser.

Le ministre du Travail est en train de me dire que c'est une bonne formule. Quand je regarde le rôle qui nous est dévolu, les conditions dans lesquelles les parlementaires sont obligés de travailler, c'est un peu ce que nous avons comme système, le pouvoir de réglementation.

J'aimerais aussi qu'on aborde le système de révision des victimes des accidents de travail. Il faut recevoir les gens à nos bureaux de comté, recevoir leurs plaintes, comme le disait le député de Richmond, comme ont dit mes collègues du côté de l'Opposition officielle tout à l'heure, pour se rendre compte des difficultés qu'ont les victi- mes des accidents du travail. Elles doivent faire appel à des spécialistes de leur choix, payer elles-mêmes afin de faire réviser leur dossier.

J'ai des témoins, M. le Président. Je pourrais citer des noms de personnes qui, après avoir rencontré des spécialistes, ont vu ceux-ci faire venir le dossier de la Commission des accidents du travail avant de rendre leur verdict.

Je ne dis pas que tous les spécialistes le font. Mais c'est malheureux de voir jusqu'à quel point les victimes d'accidents de travail sont démunies. Il y a des gens qui voyagent à mon bureau depuis 3 ans, ils sont incapables de travailler. Après 2 ou 3 essais, ils ont dû abandonner en plein milieu de la journée parce qu'effectivement ils étaient incapables de travailler, trop souffrants, ne recevant pas un seul sou de la Commission des accidents du travail, pas un seul sou, après 3 ans. Et ces cas-là ne sont pas uniques.

Qu'on s'informe pour voir quels sont les mécanismes de révision ou les possibilités de recours! C'est bien écrit dans la loi, c'est beau en principe, mais qu'on aille sur le plan pratique examiner ce qui se passe!

Alors, tout cela fait en sorte que les décisions qui sont prises ne le sont pas toujours en fonction d'un préjugé favorable à l'endroit des travailleurs.

M. le Président, je ne veux pas éterniser le débat, ce n'est pas mon style de bloquer les travaux de l'Assemblée nationale, mais il y a des choses qui doivent être dites en cette Chambre. C'est notre devoir et notre responsabilité de les dire. C'est notre responsabilité de nous lever et de dire ces choses au gouvernement et de plaider la cause de ceux qui nous ont mandatés pour les représenter.

Je trouve extrêmement déplorable, bien que ce soit un petit pas vers une amélioration, que ce petit pas risque de retarder la grande amélioration tant souhaitée et tant désirée par les travailleurs et par un grand nombre de députés de cette Assemblée.

M. Grégoire: M. le Président...

Le Président suppléant (M. Dussault): M. le député de Frontenac.

M. Gilles Grégoire

M. Grégoire: M. le Président, la loi 114 amende la Loi des accidents du travail et d'autres dispositions législatives et, parmi celles-là, il y a la loi 52 sur l'indemnisation des victimes d'amiantose et de silicose. C'est surtout sur les principes qui sont émis dans les amendements à la loi 52 que je voudrais m'attarder ce soir.

Tout d'abord, je crois qu'il serait bon, M. le Président, en deux ou trois minutes, de faire I historique des travailleurs de l'amiante. Ces mines sont exploitées depuis 100 ans et au cours des premières années, la technologie médicale n'a pas renseigné les travailleurs des effets nocifs sur leur santé de la poussière dans les mines d'amiante et dans les moulins.

Alors on réalisait que dans la région de l'amiante, à Thetford, Black Lake, Asbestos, les hommes qui, depuis l'âge de 18, 19 ou 20 ans, travaillaient dans les mines d'amiante, rendus à la force de l'âge ou vers 50, 55 ans, ne pouvaient plus travailler parce qu'ils avaient des difficultés respiratoires, parce qu'ils avaient les poumons attaqués, parce qu'ils travaillaient dans des conditions qui n'avaient pas de bon sens.

Au cours des 70 premières années, la médecine ne s'est pas attaquée à ce problème-là. Elle n'avait pas fait les progrès suffisants de telle sorte que les pauvres mineurs de la région de l'amiante, une toute petite région du Québec, une bande de terrain d'à peine 50, 55 milles de long sur 8, 9 milles de large où se trouve l'amiante, eh bien! dans cette région-là, les pauvres mineurs se voyaient terrassés par la maladie sans trop savoir ce qui se produisait.

Mais, au bout de 70 ans, en 1949, les travailleurs de l'amiante se sont réveillés. Il y eut une fameuse grève. On a vu alors des hommes politiques, du genre de Jean Marchand, Pierre Elliott Trudeau, Gérard Pelletier, Jean Drapeau, aller appuyer les travailleurs de l'amiante. On a vu les curés en chaire appuyer les travailleurs de l'amiante et demander un peu partout dans les paroisses du Québec de fournir... — Jean Drapeau...

Des Voix: Non, non, non.

Une Voix: Monseigneur Charbonneau.

M. Grégoire: Jean Drapeau, également. Non... On a vu également en chaire des curés demander aux citoyens d'aider les travailleurs de l'amiante qui se battaient pour leur santé dans les mines d'amiante. On a même vu l'archevêque de Montréal exilé à Vancouver pour avoir pris partie dans cette grève-là. (1 h 40)

On a vu l'équipe des Jésuites, l'équipe de Relations sous la direction du Père Archambault, du Père Richard, du Père Cousineau se mêler directement à cette grève et au problème crucial qui était évoqué par cette grève. On a vu la police provinciale intervenir d'une façon dure avec la matraque. La grève de 1949 s'est terminée, mais après, on n'a plus revu Jean Marchand à Thetford Mines, ni Pierre Elliott Trudeau, ni Gérard Pelletier. Monseigneur Charbonneau était en exil à Vancouver. Les travailleurs sont rentrés au fond de la mine en arrière des tas. Et là encore, pendant 26 ans, les travailleurs de l'amiante ont fait montre de patience. Pendant...

M. Lalonde: Question de règlement. Je m'excuse d'interrompre le député de Frontenac dans son envolée, mais je ne pense pas que nous ayons quorum, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: Nous vérifions immédiatement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Pourrions-nous compter les députés de façon que nous voyions si nous avons bien quorum? Il manque trois députés pour que nous ayons quorum.

Une Voix: Qu'on appelle les députés.

Mme le Vice-Président: Voulez-vous aller sortir les députés de derrière leur fauteuil, s'il vous plaît!

Une Voix: Nous n'avons pas encore quorum.

Mme le Vice-Président: II nous manque encore un député.

Une Voix: Qu'on appelle les députés.

Mme le Vice-Président: Monsieur, voulez-vous vérifier s'il n'y aurait pas un député juste à côté de la porte, s'il vous plaît, pour éviter de faire sonner les cloches?

Des Voix: Ah! Ah!

Mme le Vice-Président: Je recommanderais aux membres de cette Assemblée de bien vouloir se tenir cois et de ne pas bouger. M. le député de Frontenac a une intervention à faire et nous voudrions bien ne pas partir sans qu'elle soit terminée.

M. Grégoire: Mme le Président, après la grève de 1949, les ouvriers de l'amiante se sont une fois de plus montrés très patients puisqu'ils ont attendu encore 26 ans avant de manifester leur insatisfaction et leur mécontentement devant les conditions de travail qui leur ont été faites. Pendant la grève de 1975, on a vu d'autres politiciens se présenter à Thetford pour venir appuyer les travailleurs de l'amiante.

Une Voix: Les noms.

M. Grégoire: Les noms? Je lis les journaux du temps, 21 avril 1975: "Le Parti québécois a réuni ses gros canons hier à Black Lake près de Thetford pour dramatiser l'appui qu'il accorde aux mineurs de cette ville qui sont en grève depuis deux semaines et dévoiler les politiques qu'il entend défendre à l'Assemblée nationale, en particulier au sujet de la santé des travailleurs de l'amiante".

Une Voix: Les noms.

M. Grégoire: Les noms? Je les cite. Jacques-Yvan Morin, le chef de l'Opposition, a déclaré que l'aile parlementaire déposera une ou plusieurs motions sur les limitations de fibres d'amiante en suspension dans l'air dans les lieux de travail des mineurs et sur la reprise en main du secteur de l'amiante par le gouvernement québécois.

Une Voix: ...

M. Grégoire: II y en a déjà une partie qui est en train de se faire. "M. Camille Laurin — et je cite

toujours — rappelant les dernières statistiques concernant l'amiantose, a brossé un sombre tableau de la santé des travailleurs de la population de la région de l'amiante". Je continue la citation. "M. Robert Burns a mis en lumière le parallèle existant, selon lui, entre la grève de l'amiante de 1949 et celle de 1975. Tant dans les revendications que dans les parties en cause, la ressemblance est frappante, estime le député de Maisonneuve. Les demandes des mineurs sont des demandes minimales", de dire M. Burns, assuré que les travailleurs entreront debout au travail.

M. Parizeau, rappelant que les trois quarts de toutes les exportations de fibre d'amiante proviennent du Québec, s'est demandé si les Québécois ne pourraient pas devenir les Arabes de l'amiante. C'éiait en 1975 et un an plus tard, le Parti québécois a pris le pouvoir... il y a deux ans de cela.

Mme le Président, je pense que le député de Vanier, même s'il n'y a pas d'amiantosés dans son comté, pourrait au moins prendre au sérieux la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs de l'amiante dans le comté de Frontenac.

Aussitôt après l'élection du Parti québécois en 1976, au printemps de 1977, on a vu apparaître au feuilleton de l'Assemblée nationale — il y a un peu plus d'un an et demi, cela fait vingt mois — un avis présenté par le ministre du Travail du temps, l'actuel ministre de l'Immigration, annonçant un projet de loi amendant la loi 52 sur l'indemnisation des victimes d'amiantose et de silicose. Nous avions hâte de voir le projet de loi, on m'en demandait des copies mais, comme il n'avait pas encore été présenté en première lecture, le projet de loi n'avait pas été déposé.

Nous avons attendu toute l'année 1977 et le projet de loi n'a pas été déposé. En 1978, parce que débutait une nouvelle session, ledit projet de loi n'a même pas été redéposé en avis au feuilleton. Ce n'est que le 29 novembre que nous avons enfin eu des amendements à la Loi des accidents du travail et un peu à la loi 52; un peu, et j'y reviendrai tantôt parce que c'est loin d'être satisfaisant.

Il faut bien se dire que, depuis 1949, les équipes médicales avaient fait des études sur les dangers de la poussière d'amiante dans les poumons des travailleurs des mines. On en est arrivé à conclure que plus de 5 fibres par centimètre cube de l'air que peuvent respirer les travailleurs de l'amiante deviennent dommageables à la santé et que la norme pour qu'il n'y ait aucun danger, c'est 2 fibres par centimètre cube. Les compagnies ne se sont jamais souciées de la santé de leurs travailleurs; ils n'ont jamais eu l'idée de modifier leur moulin pour au moins protéger la santé de leurs travailleurs et ce, jusqu'à ces dernières années.

Il y a eu des mines, comme Johns-Manville à Asbestos, qui ont fait de très gros progrès pour améliorer le climat dans lequel travaillent les mineurs de l'amiante. Il y a eu la mine du Lac ou la Lake Asbestos, à Thetford, qui a fait de très gros progrès; je suis allé la visiter et c'est devenu propre. Mais il y a une compagnie — l'Asbestos Corporation, celle qui voudrait faire des dizaines et des dizaines de millions de profit de capital — il y a une compagnie qui, même à l'heure actuelle, est loin de satisfaire aux normes. J'ai ici un rapport du ministère des Richesses naturelles, un rapport des inspecteurs du ministère des Richesses naturelles, daté du 19 septembre 1974 — cela fait quatre ans — adressé à la compagnie Asbestos Corporation Ltd., 1940, édifice Sun Life, rue Metcalfe, Montréal. On dit au début: "Rapport du 27 au 29 août 1974" et on commence par dire: "Seuil de tolérance de la poussière d'amiante: cinq fibres au centimètre cube." Là, on a ramassé les renseignements pour chaque endroit de la mine et du moulin.

Vous avez bien remarqué, Mme le Président, on dit: "Seuil de tolérance: cinq fibres au centimètre cube" et, au septième plancher, on retrouve 33.3 fibres au centimètre cube, près de sept fois le seuil de tolérance. On dit, dans les remarques: "Trois ventilateurs sur quatre seulement sont en marche". Quelle négligence de la part d'une compagnie! Exposer les travailleurs plutôt que de faire réparer un ventilateur. Au sixième plancher, on retrouve 33.3 fibres d'amiante par centimètre cube; il manquait un couvercle au convoyeur afin de permettre aux vapeurs de s'échapper et éviter ainsi les bloquages. (1 h 50)

II faudrait aller voir ce qui s'est produit. La situation ne s'est pas améliorée aux mines de l'Asbestos Corporation. Cinquième plancher, 19,7 fibres et ainsi de suite. Le quatrième plancher est propre, 5,1. Donc, on peut atteindre des normes raisonnables. Deuxième plancher 23,1. Réserve: la galerie de sous-tirage, 53 fibres au centimètre cube, dix fois et demie la poussière accumulée, dit-on dans les remarques: odeur d'ammoniaque. Réserve de la fibre à l'intérieur, 726 fibres au centimètre cube. A la galerie du convoyeur: trop de poussière pour la mesure. La remarque de l'inspecteur: trop de poussière pour être mesurée. Au chargement par Kenworth: 128 fibres au centimètre cube, trois hommes enlèvent et reposent la toile, ils doivent utiliser leur masque. A la galerie du convoyeur des halls de rejet, tantôt, il y avait trop de poussière pour que ce soit mesuré, là, il y a trop de poussière pour prendre un échantillon. On peut continuer: 28, 54, 128. Qu'est-ce qu'on dit dans les remarques? Il y a des remarques. Remarquez bien ce que l'on dit: Les poussières captées à l'intérieur des bâtisses sont directement jetées au dehors, contaminant ainsi l'air à l'extérieur. C'est la situation qui prévaut dans la région de l'amiante.

Mme le Président, à l'heure actuelle, ce que la Commission des accidents de travail est obligée de payer, c'est pour ses vieux péchés. C'est pour les fibres qui étaient en trop dans l'atmosphère il y a 20 ans, 25 ans, 15 ans ou 10 ans. Aujourd'hui, la situation s'améliore, mais, quand on demande des améliorations à la loi 52, c'est surtout pour ceux qui travaillent depuis 30 ans, 35 ans ou 40 ans dans les mines, et la loi n'est pas convenable pour

les indemnisés. Je vais vous en donner des exemples. A la Commission des accidents de travail, je vais vous donner quelques cas. Entre autres — vous allez voir que c'est assez grave — un ouvrier des mines d'amiante a 62 ans, il est depuis 41 ans dans les mines, il va à l'hôpital de Sherbrooke et la Clinique de pneumologues le déclare "amiantosé" les poumons bouchés d'amiante. Les médecins de la Commission des accidents de travail l'examinent. On dit: Non, il n'est pas "amiantosé". Un à un. Les membres de la Commission des accidents de travail prennent ce même individu et l'envoient à une clinique de New York où on le déclare "amiantosé", les poumons bouchés d'amiante. Deux à un. La Commission des accidents de travail n'est pas encore contente. On décide de le faire examiner par la clinique de Winnipeg. Là bas, on dit qu'il faudrait faire une autre biopsie. On lui avait déjà fait une biopsie, ce qui est une opération très délicate. On ouvre l'estomac du mineur, on va lui chercher une partie du poumon, de la plèvre du poumon. Tous les pneumologues disent que c'est très dangereux. La Commission des accidents de travail reconnaît le danger de cette opération et, rendu à la quatrième clinique où on l'envoie, on lui dit: C'est bien dommage, nous aussi, on voudrait aller chercher un morceau de poumon. C'est épouvantable de voir des cas comme cela. Le ministre du Travail a rencontré ces types dans mon bureau à Thetford. Il y en a un qui a ouvert sa chemise pour lui montrer les ouvertures de la cage thoracique par où on était allé lui chercher des morceaux de poumon, pour faire un examen et pour être sûr que le gars est "amiantosé " ou ne l'est pas, alors que, déjà, trois cliniques l'ont déclaré "amiantosé". Dans le projet de loi 114, quand on arrive pour "amianter", pour amender...

Une Voix: "Amianter"?

M. Grégoire: Vous voyez que j'ai le terme "amiante" présent à l'esprit.

Mme le Président, au principe qui est évoqué dans les amendements à l'article 76, on voudrait tout simplement ajouter d'autres médecins à ceux qui sont déjà là pour qu'ils rendent un diagnostic sur chaque mineur qui se présente. Déjà, la Commission des accidents du travail a des médecins qui examinent les mineurs, mais on voudrait que le bureau de révision soit un nouveau groupe composé de trois experts médicaux qui feraient la révision et après quoi ils enverraient le mineur en appel à la Commission des affaires sociales où un autre groupe de médecins examinerait le même mineur, ce qui ferait qu'une dizaine de médecins seraient là pour examiner un mineur, pour voir s'il a l'amiantose.

Evidemment, sur dix médecins — la médecine n'étant pas une science exacte — il y en a toujours qui disent oui, d'autres qui disent non. A force d'envoyer le mineur chez une quantité de médecins, il s'en trouve toujours qui disent oui et d'autres qui disent non. Le pauvre mineur est aux prises avec une quantité de verdicts souvent contradictoires et il se demande s'il a l'amiantose ou s'il ne l'a pas. C'est la situation qu'on a présentement.

Dans la loi 52, il y a un mot de trop. On demande un diagnostic positif, sans donner le bénéfice du doute. A l'article 2, on dit: "... un diagnostic médical positif... " sans donner le bénéfice du doute au travailleur. Le médecin ne peut plus se servir de ce qu'il croit raisonnable comme diagnostic. Cela lui prend quelque chose de positif. Dans ces conditions, on est obligé de faire une biopsie et d'aller chercher un morceau de poumon du gars. Ils ne le font pas dans tous les cas, mais pour avoir un diagnostic positif, un verdict définitif, il faut ouvrir et en dernier ressort, il faut toujours aller chercher un morceau de poumon, aller enlever un morceau de chair à un gars de 60 ou 61 ans qui a travaillé souvent pendant 35 ou 40 ans dans les mines d'amiante. Il a de la misère à respirer et on va lui chercher un morceau de chair. Cela n'est pas acceptable.

Une Voix: Non!

M. Grégoire: Puisque mon temps achève, je voudrais proposer...

Des Voix: Non!

M. Pagé: ... officiel. On donne notre consentement pour qu'il termine son intervention.

M. Grégoire: Je vais terminer simplement en mentionnant les suggestions que je veux faire au ministre. Je crois d'abord qu'à l'article 2 de la loi 52, on devrait enlever le mot "positif" pour que le médecin puisse se servir de son jugement et ne soit pas obligé, en dernier ressort, d'aller chercher une livre de chair au gars pour savoir s'il aura son indemnisation ou non. Qu'on laisse le bénéfice du doute au travailleur. Il faudrait également que le mineur, au lieu d'être promené de clinique médicale en clinique médicale, à la Commission des accidents du travail ou ailleurs, ait une clinique médicale ici, au Québec, dans le coin où sont les travailleurs de l'amiante, une clinique formée de pneumologues, non pas payés par la Commission des accidents du travail, mais une clinique médicale rattachée à un hôpital, payée par l'hôpital, dépendante du code d'éthique du collège des médecins, les budgets étant mis à leur disposition par le ministère des Affaires sociales; eux, rendront un verdict. Si le mineur est déclaré "amiantosé ", il sera indemnisé. C'est tout. C'est fini. Pourquoi les compagnies, qui ont accepté des situations pendant des dizaines d'années comme celle que j'ai mentionnée tout à l'heure, auraient-elles le droit d'aller toujours en appel devant les tribunaux, ou de prendre des injonctions? Les décisions seront prises par une clinique impartiale qui ne relèvera ni des compagnies, ni des syndicats, mais qui relèvera d'un hôpital, du ministère des Affaires sociales. Ce ne sera pas en même temps la Commission des accidents du travail qui sera juge et partie.

Une troisième suggestion. Celui qui est déclaré "amiantosé" à 55 ou à 60 ans, devrait continuer à jouir des privilèges de la convention collective, c'est-à-dire que lui qui, toute sa vie, a payé son assurance-vie avec le syndicat, devrait, même indemnisé, pouvoir continuer à payer son assurance-vie parce que c'est une assurance-vie de groupe, et bénéficier de cet avantage, de même que son assurance-maladie et son fonds de pension avec la compagnie; pourvu que l'ouvrier paie.

Quatrième suggestion: On sait que l'indemnisation du travailleur "amiantosé", en vertu de la loi 52, est indexée. Elle ne l'est qu'une fois par année à l'heure actuelle. Je crois que cela devrait être fait deux fois par année comme dans bien d'autres cas. (2 heures)

Mme la Présidente, j'ai apporté des suggestions pratiques.

Une Voix: Pour ou contre?

M. Grégoire: Je sais fort bien qu'aujourd'hui il s'agit, pour le ministre du Travail, d'apporter des cas urgents et pressants. Je sais fort bien que le ministre du Travail et le ministre des Affaires sociales ont l'intention de présenter, dès le début de l'année prochaine, une nouvelle loi résultant du livre blanc, mais j'ai voulu faire mes propositions publiquement, ici, aujourd'hui, pour que le ministre du Travail et le ministre des Affaires sociales prennent en considération les suggestions qui sont faites aujourd'hui pour améliorer le sort de ceux qui, pendant trop longtemps, ont travaillé dans des conditions inacceptables, les compagnies n'ayant jamais su ou n'ayant jamais voulu améliorer les conditions de vie de ces travailleurs dans les mines d'amiante.

Mme le Vice-Président: M. le chef de I Opposition officielle.

M. Gérard O. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je voudrais simplement ajouter quelques mots sur ce projet de loi no 114 qui touche évidemment certains amendements apportés à la Loi des accidents du travail. Je pense qu'il est important de rappeler l'intervention du député de Portneuf qui a donné la critique officielle de l'Opposition officielle.

Cependant, Mme la Présidente, sans vouloir ajouter, — je pense que c'était assez complet — mais, malgré l'heure tardive, je pense qu'il est important — et je me sens le devoir de le faire — de rappeler au ministre l'importance de se soucier des anciens accidentés du travail dont les indemnités ne correspondent plus aujourd'hui au coût de la vie. J'ai eu, en de nombreuses occasions, à rencontrer dans mon bureau des accidentés du travail ou d'anciens accidentés du travail qui se trouvent dans des circonstances extrêmement difficiles et je me demande si ces amendements — je pense qu'on peut les qualifier de meilleurs — touchent d'une façon significative le sort qui est fait à ces accidentés du travail.

Je veux formuler le voeu que, dans un avenir prochain, on puisse améliorer le sort de ces accidentés du travail qui, aujourd'hui, sont un peu laissés pour compte. Je comprends qu'il y a l'indexation, mais quand on avait presque rien et quand on connaît l'inflation galopante qu'on a connue ces dernières années, je pense que le sort qui est fait à ces accidentés devrait attirer l'attention du gouvernement et particulièrement du ministre du Travail et de la commission elle-même.

Mme la Présidente, je voudrais rappeler que ce projet de loi ne remplace sûrement pas le projet annoncé je ne sais combien de fois par le gouvernement, relativement à la santé et à la sécurité des travailleurs. Il s'agit là d'un projet de loi qui revient assez régulièrement et qui essaie d'améliorer la situation, mais pas d'une façon globale ni essentielle.

Mme la Présidente, je voudrais également rappeler que, lorsque nous nous sommes opposés à l'assurance automobile dans certains de ses aspects, l'un de ces aspects était justement celui-là: Dans quelques années, on aura peut-être des victimes d'accidents d'automobiles qui se retrouveront dans la même situation que celle dans laquelle on retrouve certains accidentés du travail aujourd'hui. C'est un aspect que j'avais développé dans le temps et je pense que nous avons ici devant nous et chaque jour dans nos bureaux des exemples de ce qu'une loi qui, au début, peut avoir certaines valeurs... Lorsqu'on se retrouve quelques années plus tard, on trouve que les accidentés, les victimes seraient beaucoup plus avantagées si elles pouvaient avoir recours aux tribunaux de droit commun plutôt que d'avoir recours à certaines mesures administratives qui ne tiennent pas compte d'une évolution qui souvent est faite indépendamment de leur situation, et cette situation, qui est la leur, devient intenable. Je voudrais simplement souligner, non pas d'une façon négative, que c'est quelque chose qu'on peut ajouter au projet de loi.

Ce n'est pas le projet de loi lui-même que je veux critiquer, mais je pense que le ministre devrait se soucier d'une façon particulière du sort qui est fait à ces accidentés, peut-être pas d'aujourd'hui ou d'hier, mais d'il y a déjà quelques années, et dont le sort n'est réellement pas enviable.

Je voudrais, en même temps, poser une question au ministre du Travail, question que j'avais d'ailleurs posée à son prédécesseur et à laquelle je n'ai pas eu de réponse — j'en profite parce que ce projet de loi est devant nous — relativement à celui qui nous visite chaque jour quant au problème de silicose dont il a été victime et qui vient, chaque jour, devant le parlement. C'était le cas, lorsque nous étions au pouvoir, c'était le cas pour les gouvernements qui nous ont précédés et c'est le cas pour le gouvernement actuel. Est-ce que ce cas a réellement été examiné d'une façon sérieuse et est-ce qu'on ne pourrait pas y trouver une solution, parce que je ne pense pas que ce soit là une façon d'annoncer la

préoccupation sociale de notre gouvernement, quel qu'il soit, et de notre société? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de trouver une solution ad hoc pour régler ce cas?

Finalement, Mme la Présidente, dans la pratique du droit que j'ai faite je me suis aperçu souvent que si on pouvait trouver un tiers responsable d'un accident du travail, la victime était en bien meilleure situation que si on ne trouvait pas un tiers. Je me rappelle, en particulier, un accident ferroviaire où, si l'une des compagnies avait été différente de l'autre, les victimes auraient été compensées d'une façon plus adéquate. Mais, comme les deux trains appartenaient à la même compagnie, les victimes et surtout les survivants ont dû se contenter d'une indemnité bien inférieure. Je veux simplement encore signaler cette anomalie et j'espère que... Le ministre ne pourra peut-être pas trouver de réponse adéquate ce soir, mais je veux tout de même utiliser cette intervention, comme on le dirait dans la langue de Shakespeare, "a food for thought, even if it is after two in the morning".

M. Bisaillon: Pardon?

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je voulais simplement apporter ces quelques remarques. J'avais beaucoup d'autres points que j'aurais aimé soulever à ce moment-ci. Je sais, Mme la Présidente, que j'ai droit à une heure, mais je pense qu'il faut être humain.

M. Bisaillon: Vous n'en êtes pas capable!

M. Levesque (Bonaventure): Ah oui, sûrement! Je voudrais dire au député de Sainte-Marie que ce n'est pas le désir qui manque — et je vois que le ministre du Travail vient de jeter un regard très dur sur le député de Saint-Marie — mais, Mme la Présidente, soyez rassurée, j'aurai l'occasion, en d'autres circonstances, d'attirer l'attention de la Chambre sur le sort de certains accidentés du travail. Je ne voulais cependant pas laisser passer cette occasion, même à une heure aussi tardive, sans attirer l'attention du ministre et de l'Assemblée nationale sur l'importance d'apporter les meilleures dispositions législatives possible dans des cas comme ceux que j'ai essayé de souligner.

Mme le Vice-Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: Mme le Président, à tout seigneur tout honneur, je répondrai brièvement à quelques-unes des préoccupations du chef de l'Opposition officielle, dont je connais l'intérêt pour ces questions.

Quant à la plupart des autres questions, je pourrais ici ce soir, fournir probablement une série de réponses. Je me contenterai d'énumérer celles pour lesquelles c'est immédiat et cela ne me prendra que quelques minutes. Quant aux autres, je pense qu'on pourra y répondre en commission parlementaire, compte tenu de l'heure tardive.

En ce qui concerne les anciens accidentés du travail, c'est un problème qui n'est pas réglé par cette loi, c'est vrai. C'est un problème qui ne sera pas non plus réglé complètement par le projet de loi qui est en ce moment en voie d'étude et de rédaction même, par le ministre d'Etat au développement social. Je pense qu'on aura l'amorce, au cours de l'année 1979, de certaines solutions dans ce domaine qui touche essentiellement le revenu des personnes, indépendamment du type ou de l'origine de l'indemnisation. (2 h 10)

Quant au cas de M. Christini qui hante la terrasse devant la porte du sauvage depuis de nombreuses années, j'ai fait venir, comme mon prédécesseur et comme sans doute les huit prédécesseurs au ministère depuis dix ans, le dossier de M. Christini qui, d'année en année, s'épaissit d'environ un pouce d'avis juridiques et de sommaires des avis précédents. Je dois dire que, malheureusement, dans le cas de M. Christini, les dispositions de la loi s'appliquant à lui, même à l'occasion de cette révision, le maintiennent dans le sophisme qu'il a toujours défendu et qui est à l'origine de son incapacité d'admettre qu'il pouvait retourner au travail.

Quant aux tiers responsables, j'aurai l'occasion d'en parler en commission parlementaire. Brièvement, le représentant libéral de Portneuf a parlé de la tarification et a donné un exemple. Il lui faudra revoir l'exemple, étant donné que les méthodes de calcul feront qu'il ne peut pas y avoir, pour la première année, d'augmentation de plus de 75% de la cotisation dans la reclassification. Donc, passer de $0.96 à $2.48 m'apparaît impossible. Dans le cas des affectations du personnel à l'intérieur d'une industrie pour répartir le risque, oui, il y a effectivement des possibilités, au niveau des classifications, de tenir compte partiellement de ce phénomène. Dans le cas des maladies psychiques, je pense que j'ai eu l'occasion, avant que le député de Portneuf ne s'adonne à sa longue diatribe, de lui dire qu'elle était inutile et qu'elle reviendra sans doute au mois de mars.

Les dispositions de l'article 93, paragraphe 3, prévoient le cas des rechutes. Dans le cas des 75% du brut par rapport aux 90% du net, de façon générale, je peux dire — et pour rassurer le député de Beauce-Sud, entre autres — que cela favorisera l'immense majorité de ceux qui touchent des prestations et ceux qui ne seront pas favorisés par cette formule sont ceux qui, finalement, touchent plus, lors de certains accidents de travail, que leur revenu habituel. Ce qui est évidemment complètement aberrant. Quant aux ajustements sur les rentes d'invalidité, oui, nous avons fait l'évaluation qui est de l'ordre d'environ $5 495 000. Dans les cas de la silicose et de l'amiantose, j'y reviendrai tout à l'heure. La réadaptation des conducteurs qui subissent des infarctus à 53 ans, dans la mesure où c'est au travail et que c'est considéré comme associé au travail, oui, ils sont sujets à la réadaptation.

On aura l'occasion de rediscuter du cas du Barreau en conmmission parlementaire. Quant au député de Richmond, je pense que cette loi répond à une de ses principales préoccupations au sujet des "amiantosés", quant à la possibilité pour eux de recevoir de la Régie des rentes du Québec une indemnisation, en même temps qu'ils en reçoivent une autre. Je pense qu'il faudrait peut-être qu'on se redise ce qu'est la Commission des accidents du travail. C'est un système juridique d'indemnisation qui présume d'une faute collective des employeurs, alors que la Régie des rentes du Québec, c'est un régime auquel tous les Québécois contribuent. Je pense que, lorsqu'on est citoyen, on doit pouvoir bénéficier de la Régie des rentes et cela n'a rien à voir, en principe, avec la faute collective présumée des employeurs. Je ne vois pas pourquoi les gens ne recevraient pas les deux. C'est pour cela qu'on amende la loi dans ce sens. Quant à la notion de rétroactivité, il faudra la revoir, on aura l'occasion d'élucider cela en commission parlementaire.

Le député de Beauce-Sud a dit qu'il attendait autre chose, je vous en parlerai dans deux secondes.

Le député gouvernemental de Frontenac a, je pense, fait un long exposé. Nous nous entretenons des problèmes de l'amiantose depuis au-delà d'un an et nous allons continuer à nous en entretenir. Je pense que, malgré son don de la caricature et de l'image, il a quand même mis en évidence des problèmes réels pour les travailleurs du secteur de l'amiante. Ce projet de loi, c'est vrai, n'apporte pas la solution au niveau du problème du diagnostic. C'est une situation extrêmement complexe et, sur un plan scientifique, sur un plan médical, je me permettrai une parenthèse ici pour dire qu'une biopsie pulmonaire, habituellement, ne passe pas à travers l'estomac. C'est également un problème extrêmement complexe, non seulement au niveau scientifique, entre les spécialistes, mais extrêmement complexe...

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais tout de même dire — et je pense que le ministre me le permettra — que j'ai repris en disant à travers la cage thoracique. J'ai rectifié par la suite.

M. Johnson: J'ai remarqué, d'ailleurs, que le député de Frontenac, qui a l'habitude de faire venir des documents, avait fait venir un livre d'anatomie tout à l'heure et qu'il confirme effectivement qu'il faut passer par la cage thoracique pour atteindre les poumons. C'est un problème très complexe et, bien sûr, très douloureux sur le plan humain.

Il faut se rappeler que, dans le cas de l'amiante, les problèmes cruciaux qu'on affronte sont des problèmes qui découlent de cette époque où il n'y avait aucune norme de salubrité, où les normes étaient telles, finalement, que c'était l'équivalent d une absence de normes et ce sont les travailleurs qui, pendant de nombreuses années, ont été dans le secteur des mines de l'amiante ou même de l'industrie de l'amiante, à ces époques où les normes n'étaient pas suffisamment sévères, qui, aujourd'hui, se retrouvent avec des incapacités importantes, graves et, dans certains cas, carrément mortelles.

Ce qui m'amène finalement à résumer ce projet de loi et je pense que la plupart des intervenants ont reconnu qu'il manquait des améliorations certaines sur cette loi qui n'avait jamais été touchée aussi substantiellement depuis 1931, c'est-à-dire depuis au-delà de 45 ans. Nous y incluons d'abord cette notion quant aux 90% du salaire net qui aura comme effet une répartition du revenu qui, je pense — 90% du salaire net par opposition à 75% du salaire brut — sera en faveur de ceux qui sont le plus mal pris. Nous augmentons de façon considérable les pensions aux veuves, aux conjoints et aux enfants, ou enfin à ceux qui ont des enfants et aux conjoints qui ont également des enfants.

Nous augmentons les frais de transport qui peuvent être occasionnés lors du décès d'un accidenté du travail. Nous voyons à couvrir non seulement les accidents de travail, mais également les maladies professionnelles. Nous incluons également cette notion de la possibilité de toucher les deux régimes, celui des rentes et celui de la Commission des accidents du travail. On applique enfin cette loi aux travailleurs agricoles, aux artisans, aux travailleurs volontaires comme, par exemple, les pompiers volontaires. Au niveau de la classification, je pense qu'on réorganise sérieusement cette loi.

Finalement, au niveau de la réadaptation, je pense qu'on y fait des efforts considérables qui viennent finalement confirmer ce que la CAT avait déjà entrepris depuis quelque temps et quelle continuera à entreprendre. Ce n'est pas fini, dans la mesure où cette loi n'est que l'amorce d'une réforme globale. Quand j'entends l'Opposition libérale, qui a très peu touché à cette loi dans les sept dernières années, sourire et rire quand ce gouvernement parle de réforme globale, à ce que je sache, le Parti québécois qui est aujourd'hui au pouvoir est reconnu pour avoir respecté ses engagements et le ministre d'Etat au développement social respectera, dans les six prochains mois, cet engagement de faire une réforme globale en matière de santé et de sécurité, ce que nos adversaires n'ont pas fait.

On nous reprochera de ne pas avoir déposé le projet de loi général sur la santé et la sécurité avant le 22 décembre; je pense que ce projet qui attend depuis 20 ans peut encore attendre trois mois, mais il sera là, il sera efficace et il sera adopté en 1979.

Dans les circonstances, je me permets de demander si la motion de deuxième lecture est adoptée.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

Le Président: M. le chef parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Je pense qu'on ne peut pas laisser passer une affirmation comme celle que vient de faire le ministre du Travail relativement aux amendements qu'il apporte. Il a pu avoir généralement l'assentiment des membres de l'Assemblée sur les amendements qu'il propose, mais qu'il ne vienne pas dire qu'il n'y a pas eu d'amendement substantiel à la loi depuis 1931. Nous n'avons qu'à nous référer aux Statuts refondus de 1964, je puis vous donner une liste de presque tous les articles de la Loi sur les accidents du travail qui ont été modifiés. Je n'ai qu'à parler de l'article 2, 1972, chapitre 60; de l'article 3, 1966-1967, chapitre 52; 1969, chapitre 52; l'article 7, 1972, chapitre 60; l'article 12, l'article 34 et ainsi de suite, 37, 38a, 38b, 40, 41, 42, 47a, 52, 53, 58, 66, 76a, 90, 108, etc., seulement depuis 1964.

Je pense que la vérité a ses droits. Je pense bien qu'on va approuver le ministre, on va l'appuyer, mais on ne lui laissera pas dire n'importe quoi.

Le Président: J'appelle maintenant le vote sur la motion de deuxième lecture du projet de loi no 114, Loi modifiant la Loi des accidents du travail et d'autres dispositions législatives. (2 h 20)

Une Voix: Adopté.

Le Président: Est-ce que cette motion de deuxième lecture sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Président: Adopté.

M. Charron: M. le Président, je propose l'ajournement à tout à l'heure...

M. Levesque (Bonaventure): Oh! Oh! Oh! Est-ce qu'on peut avoir une référence ou une "déférence"?

Le Président: Une "déférence".

M. Charron: A quelle commission voulez-vous que je la défère? En avez-vous une en particulier? A cette heure-ci, je suis prêt à vous faire plaisir sur n'importe quoi.

Renvoi à la commission du Travail

M. Levesque (Bonaventure): Je pense bien qu'il serait normal que vous défériez le projet de loi à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre.

M. Charron: Alors, M. le Président, pour montrer mon esprit de collaboration...

Le Président: En toute déférence, je vous le suggère.

M. Charron: ... je propose la déférence du projet de loi à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre.

Le Président: Est-ce que cette motion de déférence sera adoptée?

Une Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Charron: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à tout à l'heure, 10 heures.

Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux à tout à l'heure, 10 heures.

Fin de la séance à 2 h 21

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