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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Wednesday, December 12, 1979 - Vol. 21 N° 79

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. M. le ministre des Finances.

Commentaires sur le budget fédéral M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, hier soir, le ministre fédéral des Finances a annoncé des changements aux impôts et aux taxes fédérales qui impliquent une augmentation nette des taxes des Québécois de près de $600 millions, soit $100 pour chaque homme, femme et enfant qui vit ici. Ce faisant, Ottawa annule les deux tiers de toutes les réductions d'impôts et de taxes qu'avec persévérance et à travers un contrôle serré des dépenses le gouvernement du Québec avait accordées aux citoyens d'ici depuis deux ans. Je comprends les affres du nouveau gouvernement fédéral; M. Crosby a hérité d'un énorme déficit, il cherche à le réduire. On peut cependant comprendre, mais ne pas approuver.

A cause de la situation économique aux Etats-Unis, les perspectives de l'économie canadienne ne sont pas brillantes. Décréter une telle hausse de taxes à un pareil moment est difficile à justifier. Le conservatisme fiscal, qui a influencé tous les ministres des Finances depuis quelques années, n'a plus guère de sens quand on s'attend pour l'an prochain à une stagnation de l'économie. Les gestes qui viennent d'être posés par Ottawa sont injustifiés et dommageables pour la prospérité économique des citoyens, mais ils sont particulièrement odieux pour le Québec. Lorsque le gouvernement fédéral annonça son programme de crédit d'impôts pour les intérêts payés sur les hypothèques, il était clair que les citoyens du Québec seraient ceux qui en tireraient le moins de profits.

Puisque la proportion de locataires est chez nous plus élevée qu'ailleurs, à peine 17% des sommes distribuées par le fédéral seront versées aux Québécois, même s'ils représentent encore 27% du nombre des Canadiens. Quel contraste d'ailleurs avec le crédit d'impôt pour taxes foncières que le gouvernement du Québec a mis en vigueur et que locataires comme propriétaires toucheront le printemps prochain, à l'occasion de leur déclaration d'impôt.

Les Québécois, qui ne sont pas égaux aux Canadiens quand il s'agit de toucher l'argent du fédéral pour les crédits d'impôt sur les intérêts hypothécaires, deviennent miraculeusement des égaux quand il s'agit de payer la taxe sur l'essence. Par cette taxe, Ottawa vient d'ailleurs chercher au Québec tout ce qu'il lui accorde comme subvention pour les importations de pétrole étranger. L'argument principal des fédéralistes, c'est-à-dire que sans le gouvernement fédéral les Québécois paieraient leur pétrole au prix international, vient en pratique de disparaître. Ce que nous n'avions pas payé aux ayatollahs doit maintenant être payé à Ottawa.

Depuis un demi-siècle, la taxe sur les carburants a été levée par les gouvernements des provinces pour financer la construction et l'entretien des routes. En 1975, Ottawa s'est servi, pour la première fois, du prétexte de la crise pétrolière pour entrer dans le champ de cette taxe en prélevant $0.10 le gallon. Le geste devait être temporaire et le taux fut d'ailleurs réduit ensuite à $0.07.

Maintenant que le gouvernement fédéral a décidé de rester dans ce champ fiscal, d'élever le taux à $0.25, de l'étendre à des groupes que, jusqu'ici, il n'avait pas taxés, tels les chauffeurs de taxi, les camionneurs, ainsi de suite, ce gouvernement va percevoir davantage que ce que les provinces prélevaient jusqu'ici. Nous devons toujours assumer fout le coût des routes, mais le gouvernement fédéral se saisit des champs fiscaux où nous opérions.

Qu'il ait besoin de l'argent, c'est bien possible. Les déficits sont exigeants. Que l'on veuille augmenter le prix de l'essence pour en limiter la consommation, cela, vu d'Ottawa, est certain, encore que très aléatoire dans ses effets réels. Encore faut-il, si l'on veut freiner, par la hausse des prix, l'augmentation de la consommation d'essence, que l'on redistribue le produit de la taxe aux citoyens. Autrement, s'il s'agit simplement de réduire le déficit des finances publiques, on se sert de l'énervement de l'opinion publique autour des questions d'énergie pour boucher des trous budgétaires qui pourraient l'être par l'augmentation d'autres impôts plus visibles et donc politiquement moins acceptables.

Pour avoir géré ses finances avec une certaine rigueur, le gouvernement du Québec n'a pas besoin de cette taxe pour financer son déficit. Advenant que pour des raisons d'économie d'énergie, nous augmentions la taxe sur l'essence du même montant que vient de le faire le gouvernement fédéral, que ferions-nous du montant ainsi perçu? Nous le redistribuerions au public intégralement. On pourrait, par exemple, réduire la taxe de vente générale de 8% à 5% ou on pourrait réduire notre impôt sur le revenu des particuliers de 12% ou on pourrait diminuer les taxes foncières au Québec de près de 25%. De telles réductions assureraient que l'expansion de l'économie du Québec puisse se poursuivre sans les entraves qu'Ottawa veut lui imposer. Au lieu de cela, Ottawa vient chercher $600 millions de plus au Québec pour payer les subventions sur le pétrole dont on nous dit, depuis quatre ans, qu'elles sont la principale raison de rester dans la fédération canadienne.

M. le Président, j'ai l'intention de présenter une motion demandant que cette Assemblée prie

le gouvernement fédéral de se retirer du champ de taxation sur les carburants où il s'est ingéré en 1975, qu'il avait abandonner et où il s'installe avec exubérance. Advenant qu'il s'en retire, le gouvernement du Québec s'engage, pour éviter la contrebande de carburant entre les provinces, à imposer la même taxe, mais il s'engage aussi à en redistribuer immédiatement la totalité du montant perçu sous forme de réduction d'autres taxes payées par les Québécois.

Des Voix: Bravo!

M. Parizeau: En terminant, M. le Président, je ne peux que souhaiter que tous les partis politiques représentés en cette Assemblée s'associent à la démarche ainsi suggérée. Le Québec n'a été fort à l'égard d'Ottawa que lorsqu'il était uni. Merci, M. le Président. (10 h 20)

Des Voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Opposition. M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, avec mes collègues, j'ai écouté attentivement les propos que vient de tenir le ministre des Finances. Le budget présenté à la Chambre des communes hier soir par le ministre fédéral des Finances soulève, évidemment, de nombreuses questions. J'ai été étonné d'entendre le ministre des Finances parler du conservatisme fiscal des ministres des Finances depuis plusieurs années. A Ottawa, au cours du dernier exercice, si mes souvenirs sont exacts, le déficit budgétaire était de l'ordre de $10 milliards, c'est-à-dire 30% du budget total.

Je comprends que le ministre des Finances a accumulé les déficits les plus élevés depuis qu'il est là dans l'histoire des budgets québécois. Mais je ne vois pas en quoi il peut qualifier de budget conservateur un budget qui donnait à Ottawa un déficit de $10 milliards.

On souhaiterait tous — évidemment, c'est facile, surtout quand on est dans l'Opposition, par rapport à l'autre pouvoir— un budget plus orienté vers l'expansion économique, mais avec des déficits de l'ampleur de ceux qu'ont revêtu les budgets des gouvernements ces dernières années, tout le monde est d'accord pour qu'on aille vers une plus grande discipline, vers une réduction de la marge déficitaire; je crois me souvenir que le ministre des Finances, lui-même, a tenu ce langage à plusieurs reprises dans cette Chambre.

Le budget qu'on nous a soumis hier soir à Ottawa est évidemment un budget incomplet, rempli d'imprécisions au sujet desquelles il faudra essayer d'obtenir des renseignements beaucoup plus exacts au cours des prochains jours. Je pense en particulier à ce projet de création d'une banque nationale de l'énergie. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral envisage avec ce projet? Nous ne le savons pas. C'est un projet qui comporte des implications très nombreuses au point de vue constitutionnel. Je ne voudrais pas que l'on pense le moindrement que nous sommes disposés à souscrire un projet comme celui-là, sans que nous sachions exactement ce qu'il doit comporter. Il est également question d'une nouvelle taxe énergétique devant faire suite à des ententes qui sont encore en discussion avec le gouvernement de l'Alberta. Ici encore, je pense que c'est une mesure qui aura un impact considérable. On nous annonce des changements dans l'assurance-chômage dont on nous donne seulement les prémisses, parce que le ministre énonce le principe que l'assurance-chômage devra devenir un régime fondé sur le principe de l'autofinancement complet. Cela veut dire une augmentation de taxes indirectes considérables au cours des années à venir. Par conséquent, il y a beaucoup d'inconnues dans ce budget qui empêchent de formuler à son sujet une opinion définitive, mais qui soulève des inquiétudes véritables.

Au sujet de la taxe d'accise sur l'essence, je voudrais faire quelques observations, M. le Président, découlant de ce qu'a dit le ministre des Finances tantôt. D'abord, je pense que le gouvernement québécois a bien pris soin d'éviter de soulever des objections d'ordre constitutionnel à l'imposition de cette taxe. Je n'ai vu, ni dans la lettre que le premier ministre déposait la semaine dernière, ni dans les propos du ministre des Finances ce matin, l'évocation d'objections de nature constitutionnelle. Le gouvernement fédéral était, d'ailleurs, déjà dans le secteur depuis quelques années. C'est vrai qu'il y était entré d'une manière qui devait être temporaire. C'est vrai que l'augmentation de la taxe d'accise sur les ventes d'essence augmente de près de 300%. C'est énorme. Nous le déplorons avec le gouvernement et nous trouvons qu'il est très dangereux, même s'il n'y a pas d'obstacle constitutionnel, de risquer de déséquilibrer ainsi le jeu de la fiscalité du Canada.

Nous déplorons aussi le fait que les exemptions ne soient pas plus généreuses. Dans la taxe qui existait jusqu'à maintenant, on exemptait le transport commercial. On exemptait également le transport par camion. Le ministre des Finances a parlé des chauffeurs de taxi en particulier. Je trouve déplorable que l'on ait imposé une mesure de caractère aussi universel sans tenir compte de l'impact énorme qu'elle aura sur des secteurs vitaux de l'économie. Je souligne cependant ce que le ministre des Finances s'est bien abstenu de faire. La taxe d'accise s'accompagne d'un crédit d'impôt énergétique dont les effets se feront sentir sur plus de 60% des foyers québécois. Ainsi que vous l'avez sans doute noté, M. le ministre des Finances, il y aura un crédit d'impôt de $80 par personne adulte, de $30 par enfant jusqu'à concurrence d'un revenu d'environ $21 300; à partir de $25 000 ou de $23 000, toute forme de crédit disparaît mais il y a quand même ici un allégement qui, dans la deuxième année du programme, devrait se traduire peut-être par une réduction de 50% de la fonction fiscale que cette taxe d'accise viendra effectuer au Québec.

Au sujet de l'impact sur le Québec, je crois que le ministre des Finances tourne les coins un peu vite, car s'il nous dit que c'en est fini des mesures de compensation ou d'égalisation dont bénéficie le Québec au titre pétrolier, je crois qu'il tourne les coins un peu rond. Pour l'année 1979, les chiffres, que nous avons fait valoir l'autre jour, lors de la question avec débat sur la politique énergétique du gouvernement et qui ont été reconnus par le ministre des Ressources naturelles, établissaient à près de $2 milliards pour l'année 1979 les compensations ou les avantages directs et indirects que le Québec retire au titre du pétrole, de son appartenance à la fédération canadienne. Ceci se répartissait sous trois titres principaux: d'abord, les paiements de péréquation, qui comportent une bonne partie tirée des revenus accrus de certaines provinces au titre du pétrole; deuxièmement, les prix réduits que nous continuons de payer pour l'essence et le pétrole que nous achetons au Québec tant les produits que nous importons de l'étranger que ceux que nous faisons venir en quantité croissante de l'Alberta — je pense que la proportion est maintenant de 60%; troisièmement, les paiements tirés de la taxe sur les exportations.

En tout cas, nous établissons $1,5 milliard des bénéfices directs au titre du pétrole plus une somme approximative de $500 millions au titre des paiements de péréquation. C'est bien loin des $600 millions dont nous a parlé le ministre des Finances. Si on veut faire le calcul de toute l'opération, si on veut mettre en question à propos de ceci le régime fédéral lui-même, il faudra faire entrer en ligne de compte l'ensemble du dossier. Il me semble que cela saute aux yeux. Nous sommes disposés à étudier en profondeur toutes les implications de ces mesures et à adopter des attitudes claires. Nous n'avons aucune espèce d'hésitation de ce côté, mais nous ne voudrions pas être emportés dans une tentative visant à tirer des bénéfices politiques partisans de ce qui s'est passé hier. Le ministre des Finances a parlé du crédit d'impôt sur des intérêts payés sur hypothèques. Je pense qu'il a soulevé un point extrêmement intéressant. Nous déplorons avec lui que les mesures fédérales ne tiennent compte que des propriétaires, ne tiennent pas compte également des locataires. Je pense que ce serait intéressant de savoir tantôt peut-être de la part du premier ministre le genre de représentations qui ont été faites par Québec auprès du gouvernement fédéral à cet égard, mais sur ce point précis nous approuvons volontiers le principe qui a été émis tantôt.

Je déplore également que le gouvernement fédéral n'ait pas tenu compte, au sujet du crédit d'impôt hypothécaire, des représentations qui avaient été faites par l'Union des municipalités qui avait demandé que certains principes contenus dans la réforme fiscale que nous débattons présentement dans cette Chambre soient également acceptés par le gouvernement fédéral dans ses prévisions budgétaires. Malheureusement, on n'en tient pas compte. Il n'est pas question du tout de paiement d'en lieu de taxes de la part du gouvernement fédéral. Il n'est pas question du tout de participation positive à cet effort d'égalisation des chances fiscales qui est entrepris sous bien des aspects de manière louable. Sur d'autres aspects, comme nous l'avons dit, de manière discutable. On a évidemment omis de souligner aussi d'autres aspects du budget qui sont plus favorables pour le Québec. Par exemple, la déductibilité du salaire de la femme qui est employée dans l'entreprise familiale. C'est une mesure qui va répondre à des voeux maintes fois exprimés au Québec au cours des derniers mois en particulier, de même que sur un autre plan, le gouvernement fédéral a suivi une voie qui a été ouverte par le ministre des Finances en matière de déduction des bénéfices réalisés sur des actions. Je pense que cela est très intéressant. D'ailleurs, nous avions approuvé dans le temps la politique préconisée par le ministre des Finances.

Je termine, M. le Président, en commentant brièvement l'avis qui nous est donné par le ministre des Finances à la fin de son message quand il nous dit qu'il a l'intention de présenter une motion demandant que cette Assemblée prie le gouvernement fédéral de se retirer du champ de taxation sur les carburants où il s'est ingéré en 1975, qu'il devait abandonner, et où il s'installe avec exubérance. (10 h 30)

Je ne sais pas quel genre de motion le ministre des Finances avait à l'esprit quand il a fait cette déclaration, il pourra nous le dire tantôt. S'il s'agit d'une motion non annoncée qu'il devra nous soumettre dans quelques minutes, je le préviens tout de suite que nous ne permettrons pas la discussion de cette motion sur la parquet de la Chambre ce matin, pour une raison bien simple, c'est que le gouvernement a eu tout le temps voulu, le gouvernement a été informé dès la conférence des premiers ministres sur l'énergie, il y a quelques semaines, que le gouvernement fédéral allait instituer une taxe accrue sur les ventes de carburant. Le ministre des Richesses naturelles lui-même s'est vanté, vendredi dernier, qu'il savait que la taxe allait être d'environ $0.30 le gallon. Le gouvernement a eu tout le temps voulu pour demander l'appui de cette Chambre dans des conditions raisonnables et réalistes. Il a eu tout le temps voulu, depuis deux ou trois semaines pour demander l'appui de la Chambre, afin de faire des démarches auprès du gouvernement fédéral, démarches auxquelles nous aurions souscrit volontiers, mais nous ne consentirons pas à ce que, dans l'espace d'un instant, on aille engager toute la Chambre dans une question aussi chargée d'implications.

Si le ministre préfère choisir la voie d'une motion précédée d'un avis régulier, comme le prévoient nos règlements, nous serons très heureux d'en discuter, nous en discuterons tout le temps qu'il faudra; mais j'ose espérer que le leader du gouvernement verra à s'entendre d'abord avec les leaders des autres partis, en particulier avec le leader de l'Opposition officielle pour que l'on prévoie un aménagement du temps d'ici

la fin de la session, qui permettra de vaquer aux autres affaires avec tout le temps et toute l'attention qui seront requis.

Une Voix: Très bien.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, dans ce pays, autant au Québec que dans le Canada on a à faire face, au cours des dernières années à des budgets de plus en plus déficitaires. En d'autres termes, nos gouvernements dépensent allègrement l'argent que demain nous ou nos enfants serons obligés de payer. Et un jour ou l'autre, cela prend quand même un gouvernement qui devient un peu plus responsable et qui dit: On va vivre selon nos moyens. Je ne suis pas le seul à le dire. D'autres l'ont dit, et en particulier le Parti québécois lui-même l'a dit, il y a quelques années, parce que j'ai un dépliant ici devant moi, qu'on distribuait allègrement en 1976, à l'occasion de l'élection, alors qu'on se plaignait que l'ancien gouvernement libéral avait un déficit de $1 milliard par année et que c'était trop, qu'il fallait mettre une fin à cela. On a dit: Cela va être beau les années qui vont venir et l'an prochain.

Le même gouvernement du Parti québécois demandait de réduire les déficits budgétaires. Ce n'est pas ce qu'il a fait depuis qu'il est au pouvoir parce que cette année on y va allègrement, on va dépasser les $1 500 000 et envoie donc! Il va falloir chercher de l'argent quelque part; on endette nos enfants et les générations à venir. On a un gouvernement à Ottawa qui, cette année, dans un moment très difficile pour le pays, a voulu poser un geste pour baisser ses déficits budgétaires afin que les Canadiens commencent à vivre un peu plus selon leurs moyens.

J'aurais aimé que le ministre des Finances du Parti québécois soit logique avec lui-même ou avec ce qu'il nous véhiculait en 1976 et nous dise à peu près la même chose qu'il disait dans ce temps-là. Il semble qu'on veuille faire le contraire aujourd'hui, maintenant qu'on est au pouvoir à Québec. Je regrette aussi qu'on fasse un charriage politique à ce moment précis de l'histoire du pays où on a besoin de beaucoup plus de jugement économique pour bien administrer les finances nationales ou provinciales. Ensuite, je regrette aussi que le ministre des Finances, sur un aspect très biaisé de la question, ait voulu analyser le budget fédéral sur seulement un, deux ou trois aspects alors qu'il aurait dû envisager le budget global du gouvernement fédéral.

Le ministre des Finances, bien sûr, nous parle de cette nouvelle taxe sur l'essence. Moi aussi, je déplore l'augmentation de cette taxe, je n'en suis pas plus heureux. Personne n'est heureux au Québec, ni au Canada, je pense bien, d'avoir à payer plus cher son gallon d'essence à compter de ce matin. Personne n'est heureux de cela. On peut bien faire de la petite politique, par exemple, et dire que c'est irresponsable, mais on est obligé de la payer parce que les Canadiens, à l'heure actuelle, paient leur essence meilleur marché qu'à peu près n'importe où ailleurs à travers le monde. Il faut qu'un jour ou l'autre on revienne à un prix un peu plus normal pour notre essence même si on n'aime pas payer plus cher. Moi non plus, je n'aime pas payer plus cher.

Le ministre des Finances, par exemple, ne nous a pas parlé de ce crédit d'impôt — en même temps qu'une augmentation de la taxe sur l'essence — énergétique qui va se chiffrer autour de $1 milliard et dont une partie va revenir au Québec. Il va certainement en revenir une partie au Québec là-dessus, possiblement dans l'ordre de $250 millions ou autour de ça, $270 millions. Ce crédit d'impôt s'applique surtout aux moyens salariés et aux petits salariés; ceux qui gagnent moins de $21 000 par année pourront recevoir un crédit d'impôt de $80 par adulte ou de $30 par enfant. Je pense que c'est important et surtout au Québec où il semble qu'au Québec on ait plus de petits et de moyens salariés que dans d'autres provinces canadiennes. Il aurait fallu que le ministre des Finances, en toute honnêteté, note ce crédit d'impôt donné par le gouvernement fédéral.

Lorsque le ministre des Finances nous dit que ce faisant Ottawa annule les deux tiers de toutes les réductions d'impôt et de taxes qu'avec persévérance, et tout cela, à travers un contrôle serré des dépenses, le gouvernement du Québec a faites, je ne suis pas d'accord avec lui là-dessus. On n'a peut-être pas lu le même discours du budget que lui-même a prononcé au courant de cette année; dans ce discours, tout ce que je vois, c'est que les taxes augmentent pour les Québécois cette année.

Des Voix: Hé! Hé! Hé!

M. Biron: Les taxes ont augmenté dans ce discours du budget. Les taxes ont augmenté. L'année passée, les Québécois de revenu autonome, en totalité, ont payé $8 658 000 000; cette année, ils vont payer $9 788 000 000, c'est une augmentation. On va arrêter de nous dire qu'on serre la ceinture partout et qu'on arrête de taxer les citoyens du Québec. Bien sûr, on enlève une taxe quelque part, on l'ajoute ailleurs et après on dit: On a diminué. Quand on diminue à une place, il faut aussi augmenter ailleurs, mais il faut être honnête d'un bout à l'autre et dire où on augmente et qui va payer plus. Il y a des gens au Québec qui paient plus de taxes à l'heure actuelle; il s'agit d'être honnête avec eux et leur dire.

Lorsque le ministre des Finances nous dit qu'il compresse les dépenses partout et quand on voit ces chiffres et les dépenses qui sont faites par le gouvernement du Québec, il faut se dire que le ministre actuel des Finances du Québec n'a peut-être pas de leçon à donner à personne là-dessus.

Le ministre des Finances a peut-être aussi oublié, lorsqu'il nous parle du programme de crédits d'impôt pour les intérêts payés sur les hypothèques du gouvernement fédéral, que cela a

aussi un but, c'est de stimuler les gens à bâtir et à construire. Des gens qui construisent travaillent et des gens qui travaillent, on en a besoin de plus en plus au Québec. Il aurait peut-être fallu noter cela aussi.

Il y a aussi un autre excellent programme et c'est peut-être bon que le gouvernement actuel du Québec en discute rapidement avec le gouvernement fédéral, c'est le programme de l'assurance-chômage. Ce serait bon de remplacer l'assurance-chômage par l'assurance-travail et faire en sorte que nos gens puissent travailler, collaborer en même temps avec ce qu'on donne en assistance sociale et en assurance-chômage, pour faire en sorte qu'on prenne les gens qui sont physiquement capables de travailler et qu'on leur donne la chance de travailler honnêtement dans leur pays et leur province. Il y aurait peut-être quelque chose à faire au lieu de critiquer; ce serait de s'asseoir avec le gouvernement fédéral sur ce secteur en particulier.

On a oublié aussi de dire ce qu'on faisait pour les petites et moyennes entreprises: le salaire du conjoint, maintenant que le petit entrepreneur pourra déduire de son revenu imposable. Je pense que c'est important aussi. Ce qu'on a fait pour les agriculteurs et les pêcheurs, il aurait fallu aussi le noter si on avait voulu faire l'exercice complet, d'un bout à l'autre.

Finalement, il faut se demander si le gouvernement fédéral n'était pas là, on a beau dire qu'on a une taxe sur l'essence de $0.18 de plus le gallon qu'on va payer à compter de ce matin, il y a quand même des revenus qui nous viennent directement du gouvernement fédéral en compensation pour l'essence. Si le gouvernement fédéral n'était pas là, à quel prix paierait-on l'essence au Québec? Est-ce qu'on paierait $1.25 le gallon ou si on paierait $1.50 ou $2 le gallon? C'est ce dont il s'agit. Il faut être honnête.

M. Blank: $2.50.

M. Biron: Essayez d'acheter l'essence au prix mondial, allez aux Etats-Unis et en Europe et vous verrez le prix qu'on paie pour l'essence. Il y a certainement ici, dans ce pays, quelque chose dont il faut profiter et il faut le reconnaître. Je ne dis pas que tout est parfait au gouvernement fédéral; au contraire, moi aussi je veux changer le régime fédéral pour un nouveau régime fédéral. Moi aussi, je veux changer des choses, comme la plupart des citoyens du Québec, comme 90% des citoyens du Québec qui veulent changer des choses. Mais je ne veux pas dire que tout est mauvais parce qu'on veut changer quelque chose. Il faudrait que de ce côté de la Chambre, on apprenne, au moins, à être honnête et qu'on reconnaisse objectivement et honnêtement ce qui se passe. (10 h 40)

M. le Président, je termine en disant que cette expérience de budget fédéral actuel, qu'on veut critiquer ici, aujourd'hui, on devrait peut-être s'en servir comme d'une expérience qui va prêcher en faveur d'une entente pour un renouvellement de la fédération canadienne et qu'on arrête de se chicaner entre les gouvernements provinciaux et fédéral, qu'on s'entende à quelque part. Et surtout, si le ministre des Finances veut être honnête et logique avec lui-même, il nous dit qu'il a l'intention de présenter une motion devant cette Assemblée pour discuter du problème fiscal au Canada et au Québec, qu'il présente sa motion; nous, aujourd'hui, sommes prêts à la discuter. Qu'il présente une motion non annoncée et on va faire le procès du gouvernement provincial en même temps. S'il veut qu'on recommence le discours du budget, on va lui parler de sa mauvaise administration du Québec. On ne fera pas que parler des points dont le ministre veut parler, on va parler aussi des points qui intéressent tous les Québécois. Il peut présenter sa motion aujourd'hui, nous sommes prêts à en discuter.

Le Président: M. le ministre des Finances. M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, j'aurais quelques observations à faire en réplique à la suite de ce que nous venons d'entendre. Le chef de l'Opposition officielle commençait par mettre en doute mon affirmation selon laquelle un certain conservatisme fiscal a influencé bien des ministres des Finances depuis quelques années, en disant: Après tout, le déficit fédéral est considérable.

Nous avons tous tendance à avoir la mémoire un peu courte. Se souvient-on de ce qu'on a appelé il y a un an et demi les coupures Chrétien? — d'ailleurs, on avait tort, c'était M. Trudeau qui les avait décidées — où le gouvernement fédéral a coupé pour pas loin de $2 milliards de dépenses dont une bonne partie, à toutes fins utiles, a été roulée vers les provinces, c'est-à-dire que le fédéral coupait un certain nombre de contributions à des programmes conjoints et où, finalement — à ce moment, j'ai parlé de quelqu'un qui pelletait sa neige dans la cour du voisin — il a fallu que nous absorbions une bonne partie du coût de ces coupures. Est-ce qu'on aurait fermé, par exemple, les COFI, ces écoles qui s'adressent aux immigrants, le jour où le fédéral a cessé de contribuer? Cela aurait eu l'air intelligent! Est-ce qu'on aurait enlevé des travaux de contrôle des inondations dans la région de Montréal parce que le fédéral s'en retirait? Cela aurait eu l'air intelligent! Le conservatisme fiscal, je comprends qu'il a eu des effets! On l'a senti dans notre dernier budget, nous!

On nous dit, des déficits. J'entendais le chef de l'Opposition officielle et le chef de l'Union Nationale parler des plus hauts déficits dans l'histoire du Québec. Mais, M. le Président, quand nous sommes arrivés au pouvoir, l'administration précédente nous avait laissé un trou budgétaire qui représentait 17% des ressources. A l'heure actuelle, le trou est de l'ordre de 11%. On l'aura réduit d'un bon tiers, de plus d'un tiers.

Mais je reviens au fond du débat, M. le Président. En 1980, nous allons connaître une expansion très faible de l'économie canadienne. Tout le

monde à peu près s'entend là-dessus. Ce n'est pas... J'entends un député de l'autre côté dire: Au Québec! Mais enfin, il n'a pas lu le discours du budget fédéral d'hier soir. Le ministre fédéral des Finances est le premier à reconnaître que l'expansion de l'économie canadienne va être très faible. Est-ce que, quand on est dans le creux de la vague, comme cela va être le cas en 1980, il faut appliquer les freins? On sait très exactement ce que le gouvernement fédéral fait. Il va appliquer les freins au moment où l'économie est en train de freiner beaucoup trop.

C'est, M. le Président, la raison pour laquelle je n'ai pas retenu cette question du crédit d'impôt énergétique, $80 par adulte, comme on le mentionnait hier dans le discours fédéral du budget. Pourquoi? Parce qu'il ne sera pas payable en 1980. En 1980, on va chercher toute la taxe sur l'essence, mais on ne donne aucun montant sur le crédit d'impôt. La moitié viendra en 1981 et la deuxième moitié en 1982, c'est-à-dire quand le creux de la vague sera passé.

Des Voix: Ah!

M. Parizeau: Même ce crédit d'impôt, en 1981, que va-t-il représenter? Il ne représentera pas la moitié de la taxe sur l'essence. Il en représentera à peine un cinquième. Donc, ce n'est que dans un an que ces crédits d'impôt apparaîtront. Ils représenteront à ce moment-là un cinquième seulement de l'argent qu'on est venu siphonner sur l'essence. On me dit de l'autre côté de la Chambre: Mais vous n'avez pas parlé des bonnes mesures. Evidemment, il y a de bonnes mesures dans le discours fédéral, mais les mesures bonnes ou mauvaises autres que l'essence, elles s'annulent en pratique, sur le plan simplement de la fonction qu'on fait chez le contribuable. Il y a en plus, il y a en moins. Cela s'annule et que reste-t-il? Il reste effectivement $2,5 milliards de taxes sur l'essence, sans contrepartie, dont nous allons payer $600 millions. C'est cela qui reste.

Le chef de l'Opposition officielle disait: Pour ce qui a trait au bilan pétrolier, il faut tenir compte de toute une série de choses. Oui, enfin, si on veut tenir compte de toute une série de choses, il faut tenir compte de tout. On dit: Par exemple, les rentrées au titre du pétrole interviennent dans le calcul de la péréquation. Oui, bien sûr, sauf qu'au moment où le prix du pétrole va monter — et nous pourrions en tirer un bénéfice sur le plan de péréquation — le gouvernement décide, du même coup, de retirer les montants qui proviennent de la vente des terrains pétroliers dans l'Ouest, en deux ans, annulant la deuxième mesure, annulant complètement l'effet de la première. On a toujours mis les recettes au titre du pétrole dans la formule de péréquation, mais en laissant complètement de côté les recettes municipales. Les recettes scolaires sont dedans au titre des impôts scolaires, mais pas les impôts fonciers municipaux. C'est-à-dire que, dans le calcul de la péréquation, on a laissé de côté certaines ressources, comme les taxes foncières municipales, et on en a ajouté d'autres, partiellement d'ailleurs, pour le pétrole. Si on veut tenir compte de tout le portrait, M. le Président, on se rendra compte qu'il y a des plus et des moins. Mais fondamentalement, le problème est le suivant: le gouvernement fédéral nous paie aux alentours de $600 millions cette année comme subvention pour l'importation de produits pétroliers et il vient chercher depuis hier soir, $600 millions en taxes sur l'essence. Cela s'annule.

Des Voix: C'est cela... élémentaire...

M. Parizeau: Le chef de l'Opposition officielle essayait, à l'avance, de dire: Nous n'accepterons pas une motion non annoncée. Mais ce n'est absolument pas dans notre intention de présenter une motion non annoncée. La motion que je vais présenter va suivre son cours normal et je ne vois pas où on est venu me prêter l'intention que j'essayerais de "bulldozer" cela en Chambre aujourd'hui. Il n'en est pas question. Cela suivra son cours normal.

Néanmoins, le chef de l'Opposition officielle disait: Vous avez eu largement le temps de discuter de cela avec le gouvernement fédéral. Puis-je dire, M. le Président, que le premier ministre a expédié une lettre à M. Clark pour le mettre en garde, justement, contre cette mesure que nous dénonçons ce matin. Dans ce sens, nous avons suivi les étapes normales où le premier ministre du Québec s'adresse d'abord au premier ministre du Canada pour le mettre en garde, donc effectivement un geste qui est annoncé. Le gouvernement fédéral ne tient aucun compte de la présentation du premier ministre du Québec, impose la mesure et ce matin, quelques heures plus tard, nous protestons dans les termes que j'ai utilisés tout à l'heure. Je ne vois pas de quelle façon on n'aurait pas suivi à la fois les délais et le déroulement normal d'une telle opération.

Finalement, il me reste quelques mots à dire, M. le Président, sur l'Union Nationale. Quand je pense que ce parti politique descend un homme qui, autrefois, à l'égard d'Ottawa disait: Rendez-nous notre butin. Ce que l'Union Nationale vient de nous dire ce matin, c'est: Laissez-leur notre butin! C'est le virage, M. le Président. En somme, je n'aurai, je pense, en cette Assemblée, en trois ans, jamais entendu un tel panégyrique d'une hausse de taxes. Je n'aurais pas pensé qu'un parti d'Opposition puisse encenser une taxe comme nous l'avons entendu il y a quelques minutes.

Il reste à dire, M. le Président, encore une fois, que le geste que le gouvernement fédéral vient de poser, va être en 1980, extrêmement dommageable pour tous les Québécois. $600 millions d'augmentation de taxes d'un seul coup en un an, sans compensation, nous allons les payer sur le plan de la prospérité des Québécois, de la croissance de l'économie et vous comprendrez à quel point le présent gouvernement insiste pour que le produit de cette taxe soit redistribué en diminution d'autres taxes aux citoyens de ce pays. Merci, M. le Président. (10 h 50)

Le Président: Dépôt de documents. M. le ministre de la Justice.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Arrêté ministériel relatif à la protection des personnes contre la torture.

M. Bédard: M. le Président, à l'occasion de la semaine marquant l'anniversaire de l'adoption par les Nations Unies de la déclaration universelle des droits de l'homme, j'aimerais déposer un arrêté en conseil indiquant la volonté du gouvernement du Québec d'endosser et de respecter la déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre la torture et d'autres peines ou traitements cruels ou dégradants dont je dépose également copie.

Le Président: Merci.

M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

Rapports de la Régie de l'électricité et du gaz et du ministère des Terres et Forêts

M. Bérubé: J'ai le rapport annuel, M. le Président, de la Régie de l'électricité et du gaz pour l'année 1978/79 et le rapport annuel du ministère des Terres et Forêts pour la même année.

Le Président: Rapport déposé. Merci. M. le ministre du Revenu.

Rapport de la Régie des loteries et courses

M. Clair: J'ai le plaisir de vous transmettre le rapport des activités de la Régie des loteries et courses du Québec pour l'année financière terminée le 31 mars 1979.

Le Président: Rapport déposé.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le ministre du Revenu a un document.

M. Clair: M. le Président, je crois qu'il a déjà été déposé.

Le Président: Très bien.

Dépôt de rapports de commissions élues. M. le député d'Iberville.

Etude du projet de loi no 74

M. Beauséjour: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires municipales qui a siégé le 7 décembre 1979 aux fins d'étudier, article par article, le projet de loi no 74, Loi modifiant le Code municipal et la Loi sur les cités et villes concernant les ententes intermunicipales et l'a adopté avec des amendements.

Le Président: Merci. Rapport déposé.

DÉPÔT DE DOCUMENTS (suite)

Maintenant, je solliciterais un consentement unanime pour permettre à M. le ministre de la Justice de déposer un autre rapport.

M. le ministre de la Justice.

Rapport de la commission de contrôle des permis d'alcool

M. Bédard: M. le Président, je dépose le rapport des activités de la Commission de contrôle des permis d'alcool au 31 mars 1979.

Le Président: Merci. Rapport déposé. Nous revenons au dépôt de rapports de commissions élues.

M. le député de Sherbrooke.

Etude du projet de loi no 77

M. Gosselin: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires sociales qui a siégé les 10 et 11 décembre 1979 aux fins d'étudier, article par article, le projet de loi no 77, Loi sur les services de garde à l'enfance et l'a adopté avec ses amendements.

Le Président: Merci. Rapport déposé. M. le député de Verchères.

Audition des dirigeants de SIDBEC relativement au projet de loi no 73

M. Charbonneau: M. le Président, après trois ans d'attente, je vais enfin pouvoir présenter un rapport d'une commission élue. Qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme qui a siégé hier, le 11 décembre 1979, aux fins d'entendre les dirigeants de SIDBEC — les travailleurs étaient présents — sur le projet de loi 73, Loi modifiant la Loi sur l'établissement par SIDBEC d'un complexe sidérurgique intégré.

Le Président: Merci. Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période de questions orales.

M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Répercussions de la grève à Hydro-Québec

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. Il s'agit d'une question qui relève de la responsabilité du gouvernement du Québec. Nos informations sont à l'effet, ce matin, que la situation se détériore régulièrement et substantiellement dans la grève à Hydro-Québec et que le nombre de pannes a augmenté sensiblement, que le nombre d'abonnés affectés et, surtout, pour des périodes de deux à neuf jours, et qu'il y a des pannes majeures particulièrement dans la région de Québec.

Si ces informations sont exactes, le premier ministre a-t-il pris certaines décisions et le gouvernement a-t-il envisagé certaines mesures particulièrement dans la situation et les circonstances présentes où nous avons des conditions de verglas appréhendées, sinon réelles, et où les abonnés rendus à la mi-décembre sont souvent dans des conditions inacceptables.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): La seule chose que je puisse dire en ce moment, M. le Président, c'est que, tenant compte des perspectives atmosphériques et de la température qui s'adoucit — mais on me disait ce matin qu'il est possible que cela refroidisse à la fin de la journée — on pourrait avoir une situation de verglas extrêmement inquiétante. Je vais non plus simplement publiquement, mais par les canaux les plus normaux, me permettre de demander aux responsables syndicaux qui sont chargés de l'entretien du service essentiel de constituer la fourniture du courant, de faire tous leurs efforts pour ne pas risquer d'empirer gravement la situation pendant qu'une médiation spéciale est en train peut-être de nous approcher d'un règlement dans une question d'heures ou au plus de jours, peut-être même pas au pluriel. Entretemps, je crois qu'il serait d'intérêt public que le ministre de l'Energie et des Ressources, qui essaie de se tenir en contact au jour le jour avec Hydro et les rapports qu'on a sur la situation du réseau, puisse donner rapidement le résumé de cette situation.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Effectivement, M. le Président, nous avons encore un certain nombre de pannes qui durent depuis trop longtemps, des pannes depuis plus de trois jours nous en avons environ cinq. Par conséquent, ces pannes devraient normalement être réparées rapidement pour la santé et la sécurité des gens en cause. Ce qu'il est important de souligner, c'est que le nombre de pannes effectivement s'est accru considérablement à cause des conditions météorologiques, des conditions de verglas. Il y a présentement 284 pannes qui affectent 10 800 abonnés et il y a à peu près trois pannes majeures qui ont duré moins de 24 heures qui impliquent environ 7000 abonnés de la région de Québec. De ce nombre — M. le Président, c'est un vrai poulailler. —

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé:... il y a 122 pannes affectant à peu près 1900 abonnés qui ont duré plus de 48 heures. En fait, sur ces 122 pannes, il faut quand même le souligner, c'est important de s'en rendre compte, je remarque que l'Opposition n'est absolument pas intéressée à la réponse; de toute façon je la donnais à l'intention des Québécois qui eux veulent savoir.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de privilège. M. le Président, le ministre n'a pas le droit de nous imputer soit des gestes ou des intentions à ce moment-ci, c'est simplement qu'il est en train de marmonner, lui qui a le verbe d'habitude plus facile. On entend ce qu'il veut dire. Il est en train presque de cacher la réalité.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, je donne aux Québécois l'information dont ils ont besoin pour savoir exactement quelle était la situation; de fait il n'y a personne, semble-t-il, en tout cas particulièrement du côté du Parti libéral, il ne semble pas y avoir qui que ce soit d'intéressé à écouter puisqu'on n'a fait que piailler. Enfin, je vais essayer de répondre. Sur les 122 pannes qui ont duré plus de deux jours, il est important de souligner qu'il y en a 26 qui affectent des abonnés résidant dans leurs maisons, le reste étant des pannes qui affectent des chalets, des résidentes secondaires où là c'est moins dramatique. Il est donc important de souligner qu'effectivement il y a quand même le reste des 26 pannes qui ont affecté des citoyens depuis plus de deux jours. Je dois dire que, concernant le condensateur dont on a parlé hier, la partie de la capacité du condensateur a été réparée. Il reste une autre section du condensateur qui elle cependant demande des travaux en usine plus importants. Ils ne peuvent pas le réparer sur place. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que l'usine thermique de Tracy est présentement en activité et qu'on a complètement coupé les exportations aux Etats-Unis de manière à restabiliser le circuit d'une façon satisfaisante. En d'autres termes, les travaux dont s'enquérait le député de Richmond de façon tout à fait correcte hier ont été effectués.

Je pense qu'en gros, cela peut donner, M. le Président, l'ensemble.

Le Président: M. le député de Jean-Talon, (11 heures)

M. Rivest: Question supplémentaire au premier ministre. Je comprends la réponse à la question du député de Bonaventure que le premier

ministre a dit qu'il communiquerait directement avec les responsables syndicaux afin d'accélérer la réparation des pannes. Hier, à une même question, le premier ministre a répondu exactement la même chose, il devait le faire, et le premier ministre avait précisé qu'il le ferait immédiatement après la période de questions. Je ne sais trop, étant donné que les situations atmosphériques, si le premier ministre peut s'engager à le faire directement immédiatement, et surtout à faire rapport à la Chambre, et indiquer quelles mesures il entend suggérer ou il entend demander que les syndicats prennent pour que les pannes soient effectivement réparées dans des délais beaucoup plus courts.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'ai l'intention très simplement — hier, je l'ai fait demander — de demander, pour autant que cela puisse servir à quelque chose, à certains des responsables les plus directs de l'opération dépannage, pour l'amour du ciel, d'accélérer le travail. Hier, je l'ai fait demander, on va voir si cela peut donner des résultats. Mais, chose certaine, on est dans les heures possiblement finales de la négociation et de la médiation en même temps, aujourd'hui, et cela a besoin d'être les heures finales.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Simplement une précision. Je comprends que cela ne réglera pas demain matin ou ce soir le cas des abonnés, mais le gouvernement a-t-il l'intention de s'en tenir au principe du maintien des services essentiels, uniquement par les syndicats, cela autant dans les hôpitaux qu'à Hydro-Québec? Il semble que ce soit une constante, mais les résultats sont là.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je pense que la question du député de Bonaventure est légèrement inutile, puisqu'il y a eu pas mal de réflexion qui a paru dans les journaux, dans les media d'information là-dessus. Il est évident que cette expérience de la responsabilité confiée aux syndicats en dernière analyse n'est pas un succès, donc, il va falloir y repenser.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Pourrais-je demander au premier ministre, dans l'appel qu'il fera, de considérer que dans l'Outaouais, en particulier dans le comté de Gatineau, il y a deux pannes qui durent depuis samedi matin, cinq heures. Donc dans les statistiques que nous donne le ministre, il y a ces deux cas qui sont très graves, il s'agit de Queens Park dans la ville de Aylmer et Larrimack dans l'Ouest. Pourrais-je lui demander de faire un appel au syndicat de la région de l'Outaouais en particulier pour qu'au moins ces deux soient réglées.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

Statut de l'école Notre-Dame-des-Neiges

M. Ryan: M. le Président, la Commission des écoles catholiques de Montréal s'apprête, selon les informations dont nous disposons, à prendre demain une décision importante au sujet du statut de l'école Notre-Dame-des-Neiges. A ce propos, le ministre de l'Education a émis, hier, un communiqué dont on donne un résumé dans le Devoir de ce matin, dans lequel il déclare que la décision que s'apprêterait à prendre la Commission des écoles catholiques de Montréal, de redonner à l'école Notre-Dame-des-Neiges son statut d'école confessionnelle, serait nulle, sans effet, inconsidérée, méprisante, antisociale, et on a peut-être oublié d'autres qualificatifs qui viennent ajouter à la litanie de ceux que nous connaissons déjà.

Je voudrais demander au ministre d'abord, si pour émettre cette opinion très catégorique, il s'est appuyé sur des opinions juridiques précises, et s'il y aurait moyen que nous disposions de ces opinions juridiques qu'il a reçues. Je lui avais déjà demandé, il y a quelques mois, s'il avait de telles opinions juridiques, je n'ai pas été capable d'obtenir une opinion claire, encore moins, évidemment, le texte de ces opinions.

Je voudrais lui demander en même temps s'il a eu l'occasion de prendre connaissance de l'opinion juridique très élaborée dont le président de la Commission des écoles catholiques de Montréal prétend avoir été saisi?

Je voudrais lui demander encore en relation avec ceci, s'il entend se procurer ces opinions et les mettre à la portée de la Chambre, dans les plus brefs délais.

Deuxièmement, le ministre a-t-il été en contact avec les autorités de la Commission des écoles catholiques de Montréal, à ce sujet? Quelle indication aurait-il reçue de celle-ci quant à leurs intentions pour demain?

Troisièmement, on mentionne à la fin de l'article, aux dires du président de la Commission des écoles catholiques de Montréal, que des pressions auraient été faites en provenance de différents milieux, afin de favoriser la décision qui devrait être prise demain, on parle en particulier de l'autorité religieuse du diocèse de Montréal, de l'archevêché. Je voudrais savoir si le ministre a eu des contacts avec l'autorité religieuse à ce sujet et s'il envisage, au moment où nous nous parlons, que des décisions peut-être lourdes de conséquence et peu conformes aux indications de la réalité, comme elles semblent s'être dégagées depuis quelque temps, risquent d'être prises demain sans que des correctifs aient été apportés à temps.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, la première chose qu'il faut faire observer dans l'affaire de l'école Notre-Dame-des-Neiges, c'est que la décision que s'apprête à prendre la CECM, dont elle nous a donné une idée la semaine dernière, est survenue comme un coup de tonnerre dans un ciel qui, par ailleurs, était plutôt serein. La commissions scolaire elle-même avait accepté, il y a quelques mois, après avoir vérifié la volonté des parents, en attendant que les tribunaux se prononcent sur la compétence du comité catholique, de laisser l'école Notre-Dame-des-Neiges vivre une expérience multiconfessionnelle dans laquelle chaque enfant a droit de recevoir l'instruction religieuse dans la confession qui est la sienne. Le geste de la CECM est difficile à analyser, parce qu'il n'est vraiment pas rationnel. Il se peut que les élections du mois de juin y soient pour quelque chose; autrement, on ne s'explique guère pourquoi, à brûle-pourpoint, ce geste ait pu être posé de façon aussi inconsidérée.

Il faut rappeler que la CECM n'est pas seulement responsable des écoles confessionnelles, elle est responsable également des écoles communes. La loi établit que les commissions catholiques et protestantes sont responsables de toutes les écoles situées sur leur territoire. Il est donc tout à fait erroné de soutenir que la Commission des écoles catholiques de Montréal ne peut administrer que des écoles catholiques. Je pense que le chef de l'Opposition, qui doit avoir creusé ces questions au moment où il était éditorialiste, peut convenir qu'il n'y a pas, dans notre système, de possibilité, à l'heure actuelle, de faire administrer des écoles communes par un organisme autre que la Commission des écoles catholiques ou la Commission des écoles protestantes; ainsi le veut la loi et ainsi le veut l'histoire du système scolaire québécois.

Si la CECM avait des doutes sur la constitu-tionnalité de la décision qui a été prise par le comité catholique de révoquer le statut confessionnel de l'école Notre-Dame-des-Neiges, elle devait aller devant les tribunaux. Or, justement, les parents l'ont fait, pour contester la compétence du comité catholique. Même si le tribunal a débouté à deux reprises déjà, je pense, les parents sur l'injonction, il reste qu'il ne s'est pas prononcé sur le fond de la question. Nous attendons cette décision d'une semaine à l'autre. Pourquoi la CECM brusque-t-elle les choses avant même d'avoir pris connaissance de l'arrêt des tribunaux? J'appelle cela mépriser les tribunaux, en plus du mépris de la loi, comme je l'ai indiqué il y a un instant.

De plus, ce qui est le plus grave, me semble-t-il, dans cette affaire, c'est le fait que les parents, à 71% et plus, d'après les sondages et l'enquête qui ont été faits par la CECM elle-même, ont dit qu'ils appuyaient leur comité d'école dans sa démarche vers la multiconfessionnalité. Or, voici que pour des raisons qui, encore une fois, paraissent bien étranges, la CECM, sans attendre l'arrêt des tribunaux, sans non plus respecter la loi, décide de passer par-dessus les parents et le comité d'école au moment même où le gouvernement propose de faire de plus en plus appel aux parents dans le système scolaire. J'appelle cela également mépriser les parents. Je vous remercie.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, je trouve cela formidable. On a un discours magnifique, mais aucune réponse aux questions que j'ai posées au ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président...

M. Ryan: Je vais donner une chance au ministre, j'ai noté...

M. Morin (Sauvé): ... je suis prêt...

M. Ryan: Je m'excuse, M. le Président...

M. Morin (Sauvé):... à compléter ma réponse, si vous le désirez.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: ... pour être sûr que le ministre ne s'engage pas dans un autre discours, je vais lui rappeler mes questions. S'il veut les noter, cela va l'aider à donner des réponses précises. (11 h 10)

Premièrement, lui-même émet une opinion très catégorique quand il dit que la décision qu'envisage de prendre la Commission des écoles catholiques de Montréal est nulle et sans effet; il leur reproche d'agir au mépris de la procédure qui est instituée devant les tribunaux. Je lui demande une chose, je ne mets pas en doute son opinion, il a droit de l'émettre, je suis très libéral en ces matières; je lui demande: Est-ce qu'il s'appuie sur des opinions juridiques précises? Est-ce que nous pourrions en avoir connaissance? Deuxièmement, est-ce qu'il a eu connaissance de l'opinion juridique sur laquelle le président de la Commission des écoles catholiques de Montréal prétend s'être appuyé? Est-ce qu'il a fait des démarches pour l'obtenir? Est-ce qu'il peut la mettre à notre disposition?

Je lui demande également — il se lance dans une dénonciation du président de la Commission des écoles catholiques de Montréal — s'il a communiqué avec cet être au cours des derniers jours pour essayer de voir s'il y a quelque chose à faire avec lui? Troisièmement, il dit: On traîne l'autorité religieuse dans le débat. Est-ce qu'il a eu des contacts? Qu'il me réponde oui ou non, brièvement, et j'aimerais mieux cela que le discours qu'il nous a servi tantôt.

Une Voix: Oui, un très bon discours.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, depuis plusieurs mois, le ministère de l'Education, mais

également le Comité catholique, font étudier ces questions sur le plan juridique, notamment du point de vue constitutionnel. Au ministère, nous en avons discuté à plusieurs reprises avec nos conseillers juridiques. Il y a trois jours, j'ai reçu, effectivement, un avis de l'un de mes sous-ministres sur la question, lequel reflétait les conversations que nous avons constamment avec les conseillers juridiques sur des questions de cette sorte.

Je vais m'enquérir pour savoir si je puis mettre à la disposition de la Chambre les avis juridiques dont nous disposons. Il se peut qu'ils soient confidentiels et j'estime que tout gouvernement a le droit de tenir confidentielles un certain nombre d'opinions qu'il peut recevoir pour éviter de compromettre les positions du gouvernement et d'embourber davantage une situation qui est déjà extrêmement complexe.

Pour répondre à la deuxième partie de la question du chef de l'Opposition, j'ai eu l'occasion, effectivement, de m'entretenir de ces questions avec les autorités religieuses. J'ai rencontré l'archevêque de Montréal, avec qui j'ai eu une longue conversation; j'ai eu l'occasion de rencontrer d'autres évêques, il y a quelques mois, au moment de la crise du printemps dernier. J'ai rencontré également l'évêque de Saint-Jérôme et l'évêque de Saint-Jean. M. le Président, si l'on veut que je décrive toutes les conversations que j'ai pu avoir sur la question, je dirai que j'ai même eu l'occasion de m'entretenir à deux reprises de cette question avec le cardinal-archevêque de Québec.

Je sais, d'autre part, que la Conférence des évêques du Québec s'est penchée sur le problème et j'ose espérer qu'elle fera connaître son attitude le plus rapidement possible. Après tout, le Comité catholique, qui a la responsabilité exclusive de cette question de par la loi est relié de très près aux évêques du Québec. C'est au comité catholique qu'il appartient de reconnaître ou de révoquer le statut confessionnel d'une école. C'est la raison pour laquelle, en concluant, je veux simplement rappeler qu'aucune commission scolaire du Québec — et cela, le chef de l'Opposition le sait très bien — ne peut, par elle-même, reconnaître ou révoquer un statut confessionnel. Seul le Comité catholique, ou le Comité protestant, selon le cas, a la compétence pour ce faire. Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander au ministre de l'Education quelles sont les intentions du gouvernement quant à ce problème général de la confessionnalité des écoles. Nous avons présentement le problème de Notre-Dame-des-Neiges; ce problème peut être facilement débordé demain ou après-demain, compte tenu du pluralisme religieux des enfants que, maintenant, les écoles catholiques doivent accueillir.

Le gouvernement, depuis trois ans, a en main un rapport sur la restructuration scolaire de l'île de Montréal. Il est resté muet sur ce rapport et ne semble donner aucune indication quant à la direction vers laquelle il veut aller. Le ministère de l'Education ou le gouvernement entend-t-il continuer de solutionner les problèmes un à un ou entend-t-il prendre des orientations plus générales qui éviteront des problèmes comme celui de Notre-Dame-des-Neiges qui n'a comme résultat que de diviser les communautés?

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, au cours de la consultation à laquelle j'ai procédé à travers le Québec, après la publication du livre vert, les citoyens m'ont fait très clairement savoir qu'ils étaient attachés au système confessionnel et n'entendaient pas, dans leur grande majorité, voir modifier le système confessionnel. Le message ayant été très clair, le gouvernement, et le ministre de l'Education au premier chef, l'ont bien entendu. Nous avons décidé qu'il était beaucoup plus urgent de régler les problèmes pédagogiques de l'école québécoise, les problèmes de la qualité de l'enseignement avant de nous en prendre aux structures; nous n'avons donc pas l'intention de restructurer le système. Nous allons maintenir la confessionnalité des écoles.

Il arrive, cependant, que dans certains quartiers des grandes villes apparaisse ce qu'on pourrait appeler le phénomène de la multiconfessionnalité. De nombreux groupes, qui doivent désormais aller à l'école française, coexistent au sein d'une même école. C'est le cas à l'école Notre-Dame-des-Neiges. Dans ces cas, on doit assouplir le système et non pas le rendre aconfessionnel ou anticonfessionnel, et permettre à chaque groupe d'avoir accès à une instruction religieuse conforme à ses convictions. Le cas de Notre-Dame-des-Neiges est le premier de ce genre et il nous a permis de trouver un modus vivendi fort civilisé entre les diverses collectivités desservies par cette école. C'était l'espoir — et la CECM, je dois le dire, est en train, par ses manoeuvres, de le saboter — de voir apparaître au sein de la Commission des écoles catholiques la possibilité d'une école multiconfessionnelle respectueuse de la foi de tous les parents. Merci, M. le Président.

Le Président: Une dernière question, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, la loi 71 qui a créé le Conseil scolaire de l'île de Montréal donnait au Conseil scolaire de l'île de Montréal la possibilité de créer des écoles "autres". Est-ce une possibilité à laquelle le ministre de l'Education s'est arrêté pour tenter de solutionner certains de ces problèmes qui sont devenus une réalité de notre milieu?

Le Président: M. le ministre de l'Education, brièvement, s'il vous plaît.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne voudrais écarter aucune hypothèse de travail. Il se

pourrait que nous soyons amenés à réviser plusieurs des principes qui sous-tendent le système scolaire actuel, s'il n'y avait pas moyen de procéder à l'adaptation civilisée du système actuel. Je n'envisage pas, pour l'instant, de confier un tel rôle au conseil scolaire. J'estime que la CECM, étant responsable non seulement d'écoles confessionnelles, mais d'écoles communes, doit se montrer capable de régler ce problème.

M. le Président, je pense qu'il y va de l'avenir du Québec dans une très large mesure. La question est celle-ci. Est-il possible de respecter la foi des parents et des enfants de toutes confession-nalités et de les amener à coexister pacifiquement? Est-ce possible? La réponse que nous donnons, du côté gouvernemental, c'est oui, et nous allons tout mettre en oeuvre pour qu'on puisse régler ces problèmes dans la coexistence harmonieuse des diverses communautés qui composent le Québec. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

Acquisition de l'Asbestos Corporation

M. Brochu: M. le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de l'Energie et des Ressources et concerne le dossier de l'acquisition de l'Asbestos Corporation. Le Président de l'Asbestos Corporation a indiqué, il y a quelques semaines, l'intention de sa société d'investir dans ses installations au Québec des montants de l'ordre de $120 millions, dont $35 millions allaient pour les installations plus spécifiques des mines de l'Ungava, soit Asbestos Hill. Le président de la Société nationale de l'amiante a, par la suite, indiqué l'intention du gouvernement, apparemment, d'investir les mêmes sommes, le cas échéant, devenant propriétaire de la société, pour moderniser ses installations. (11 h 30)

J'aimerais, dans un premier temps, demander au ministre responsable, s'il est exact que le gouvernement du Québec — confirmant cela, ce qu'on lui a déjà indiqué dans le domaine — a l'intention d'investir une somme de l'ordre d'environ $100 millions ou $120 millions simplement au niveau des corrections à apporter aux installations et deuxièmement, depuis quelque temps, on a entendu parler, on a assisté aux échanges qu'il a pu y avoir entre le président de la Société Asbestos et le président de la Société nationale de l'amiante pour un transfert dit harmonieux, avant le règlement final, des installations d'Asbestos corporation et il semblerait que ces transferts dits harmonieux soient dans une impasse actuellement. J'aimerais que le ministre puisse nous faire le point sur cette situation.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, il est exact que si le gouvernemet doit procéder par expropriation dans le cas de la Société Asbestos, il devra investir des sommes assez importantes dans les usines comme telles. En effet, depuis le début, d'ailleurs, en débat parlementaire, on en a longuement discuté. Depuis le début, il est évident que, par suite de l'expansion de la mine à Asbestos Hill, dans le Nord — il faut aller sous terre — il y a des investissements importants que la compagnie s'apprête à faire. Il faut dire également que la compagnie a accumulé un fonds de roulement en caisse, de presque $70 millions, donc, c'est de l'argent liquide, justement, en prévision d'un programme d'investissement.

Il va de soi, évidemment, que si, au lieu d'acheter les actions de la compagnie, ce qui nous permettrait de mettre la main directement sur $70 millions d'argent liquide, nous devions procéder par une expropriation d'articles, dans ce cas, évidemment, nous ne prenons pas en même temps les liquidités de la compagnie. Il faudrait donc que le gouvernement réduise cela du montant à payer, d'une part et d'autre part, investisse lui-même les sommes. En fait, cela revient exactement au même: qu'on achète la compagnie avec l'argent dans le coffre-fort ou qu'on achète la compagnie, sans l'argent dans le coffre-fort, mais qu'on ajoute l'argent pour faire les transformations, c'est exactement la même chose.

Donc, c'est un fait qu'il y a des investissements importants. C'est également un fait que l'entreprise fait de très gros profits, qu'elle estime très justifiés, ces investissements, à cause de leur rentabilité, et c'est bien évident que, soumis à la même analyse de notre part, on va en tirer les mêmes conclusions et cela vaudra la peine d'investir dans cette entreprise.

Quant au transfert harmonieux, advenant le cas où il nous faut procéder à une expropriation, ce qui semble devoir être le cas présentement, il faut mettre sur pied une équipe, du côté québécois, capable de prendre la relève, et également de s'assurer qu'au moment de la transition, il y a un minimum de bouleversements, de manière qu'elle se fasse le plus en douceur possible. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que nous suivons l'avis du juge Lévesque, qui dans son jugement où il refusait la demande d'injonction, avait demandé au gouvernement de faire cette transition le plus régulièrement possible. C'est ce que nous nous engageons à faire et la Société nationale de l'amiante va nous fournir pour la fin décembre, une procédure à suivre pour la prise de possession.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Brochu: M. le Président, on sait qu'au point de départ, le projet initial comprenait l'ensemble des installations de l'Asbestos Corporation au Québec, y compris également les installations d'Asbestos Hill dans l'Ungava. Maintenant, d'après les dernières déclarations de M. Perlstein, qui est président de la Société nationale de l'amiante, il semblerait moins certain que le gouvernement du

Québec veuille mettre la main sur cette partie des actifs de l'Asbestos Corporation qui représente, pourtant, M. le Président — je vous le rappelle — un quart de la production totale de la société Asbestos et qui va, évidemment, comme cela a déjà été souligné, vers les marchés européens, où General Dynamics a une usine de transformation protégée en cela — comme on l'a déjà indiqué — par l'entente inter-Europe, voulant que lorsqu'un produit est transformé sur place, l'ensemble des pays de la Communauté européenne s'engage à ne pas acheter le même produit de l'extérieur de la Communauté économique européenne. Donc, il y a un point important là-dedans que le ministre aurait raison d'éclaircir ce matin. Je vais demander au gouvernement: Est-il exact que c'est l'intention, à ce moment-ci, du gouvernement du Québec de laisser de côté l'acquisition des installations d'Asbestos Hill, d'une part, et quel impact est-ce que cela aura sur la rentabilité totale du projet, puisqu'au point de départ, le gouvernement avait l'intention dans son projet initial — cela touche la rentabilité totale — d'acquérir l'ensemble des actifs de l'Asbestos Corporation en territoire québécois et de s'assurer par le biais d'Asbestos Hill, des marchés européens.

Le Vice-Président: M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, pour autant que le gouvernement est concerné, nous n'avons pas de position ferme concernant l'expropriation des actifs d'Asbestos Hill dans le Nord du Québec. Je pense qu'il faut comprendre que, dans le cas de la mine qui est située sur la baie de l'Ungava, il n'y a pas de transformation de cette fibre.

En d'autres termes, le minerai est simplement concentré, concassé; on fait une grossière concentration et on expédie essentiellement de la roche en Allemagne où là, on fait la finition de la préparation de la fibre et la mise en sac. Ce n'est donc pas une usine dite de transformation qu'il y a en Allemagne mais c'est une usine exactement analogue aux usines de traitement de la fibre qui existent au Québec. Or, il va de soi que dans le cas d'une prise de possession d'actifs, nous ne pouvons pas, puisque c'est constitutionnellement impossible et que de toute façon nous ne pourrions pas le faire même en droit international, prendre possession de l'usine de Nordenham en Allemagne. L'usine de Nordenham fait donc face à un problème très sérieux puisqu'il n'existe pas de marché pour ce type de produit qui lui vient de l'Ungava et, d'autre part, pour autant que nous sommes concernés, nous n'aurions pas non plus d'usine de transformation à moins de nous engager dans un programme d'investissement au Québec pour construire une telle usine, ce qui, évidemment, aurait comme conséquence de faire fermer possiblement l'usine de Nordenham en Allemagne.

Donc, compte tenu des implications financières, des investissements majeurs qu'il y a à faire pour étendre la mine en profondeur dans la baie d'Ungava, c'est donc tout à fait envisageable — je comprends que le président de la Société nationale de l'amiante l'ait regardé de très près — de ne pas exproprier la mine de l'Ungava et de laisser celle-ci continuer à exporter son produit à Nordenham, par exemple. Cela pourrait très bien être fait et je comprends que le président de la Société nationale de l'amiante, en étant obligé de procéder à une expropriation, puisse, éventuellement, suggérer de ne pas exproprier cette installation dans le nord du Québec. Mais je dois dire qu'il n'a pas encore fait son rapport et que, par conséquent, le gouvernement n'a pas eu à se prononcer.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Brochu: Question additionnelle, M. le Président. Il est exact que le gouvernement du Québec ne peut pas exproprier des actifs en territoire européen mais, est-ce qu'il est exact qu'il y a actuellement des pourparlers au gouvernement du Québec pour acquérir de gré à gré les installations de General Dynamics à Nordenham, ce qui permettrait, par la suite, de procéder à l'expropriation de l'ensemble des actifs de l'Asbestos Corporation au Québec y compris, évidemment, les mines de l'Ungava?

M. Bérubé: Oui, M. le Président, c'est-à-dire que cela fait effectivement des discussions que nous aimerions avoir avec la société Asbestos. Mais, entre aimer avoir des discussions, ce qui nous permettrait effectivement de négocier une transaction d'affaires qui serait favorable tant à la compagnie qu'à nous-mêmes, et être capables de trouver un interlocuteur qui veuille bien négocier, évidemment, c'est deux. Par conséquent, on ne peut pas assurer que la compagnie qui n'a pas manifesté plus d'empressement jusqu'à maintenant à se départir d'une entreprise extrêmement rentable, extrêmement intéressante pour elle, a fait montre de beaucoup de collaboration dans ses discussions avec le gouvernement, comme tout le monde le sait d'ailleurs.

Par conséquent, c'est dans l'hypothèse où il n'y ait pas moyen de s'entendre quant à la prise de possession des actifs — ce qui semble bien être le cas qui ne semble pas devoir changer d'ici la fin de l'année — que, à ce moment-là, il faut envisager très sérieusement de ne pas acheter les installations de Nordenham. C'est dans ce cas qu'il nous faut remettre en cause la décision concernant la baie d'Ungava.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Question additionnelle au ministre de l'Energie et des Ressources, sur le même sujet. Je trouve que le ministre est étrangement compréhensif pour une argumentation qui aurait pour effet de ne pas acheter la mine d'Asbestos Hill alors que les mêmes arguments, quand on les lui a présentés de ce côté-ci de l'Assemblée nationale il y a un an, n'ont pas reçu une seconde d'attention de sa part. Est-ce que le ministre, au nom du

gouvernement, n'est pas en train de nous annoncer un retrait stratégique de manière à pouvoir justifier un prix qui se rapprocherait des prix qui ont été avancés par le ministre des Finances. A force de diminuer la quantité de choses qu'on achète, on va peut-être parvenir à s'insérer dans la grille de $40 ou $42 qui a été annoncée par le gouvernement il y a un an.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Malheureusement, comme d'habitude, le député de Saint-Laurent omet de donner littéralement le contenu des débats et que, par conséquent, il cherche à induire en erreur; certainement pas sa députation puisque tout le monde le connaît mais l'ensemble du Québec. Or, s'il se référait aux débats en commission parlementaire, il verrait bien qu'il y a eu un très long débat autour d'un point particulier de la loi où le gouvernement se réservait justement la possibilité de ne pas exproprier certains actifs. A ce moment-là, le député de Saint-Laurent avait demandé: Est-ce que le gouvernement n'envisage justement pas d'écrire cette loi en vue, peut-être, de ne pas acheter les actifs de l'Ungava et, effectivement, j'avais confirmé à l'époque qu'il y avait une possibilité que le gouvernement décide de ne pas acheter les installations de l'Ungava si, après analyse, on devait décider que c'était plus intéressant de se contenter de celle de Thetford Mines. (11 h 30)

Par conséquent, cette discussion a eu lieu en commission parlementaire; j'ai confirmé que cela pourrait être la position du gouvernement et, par conséquent, le député de Saint-Laurent a purement et simplement tenté d'induire la Chambre en erreur sur ce point. C'est donc totalement erroné. Quant au retrait stratégique, ce n'est absolument pas le cas. Si nous procédons par expropriation, le député de Saint-Laurent sait très bien que le juge qui doit, à ce moment, au tribunal d'expropriation décider de la valeur, doit évaluer la juste valeur marchande des actifs que nous achetons. Par conséquent, ce n'est pas le gouvernement qui, à ce moment, fixera le prix, mais ce sera le juge. Il ne fait aucun doute que pour autant que nous sommes concernés, si nous achetons par voie négociée, c'est que nous achetons l'ensemble des installations d'Asbestos y compris les installations de Nordenham. Si nous ne pouvons pas acheter les installations de Nordenham, il est plus probable qu'à ce moment nous expropriions et, à ce moment, c'est un juge qui tranchera et non pas le gouvernement. A nouveau, le député de Saint-Laurent est totalement dans l'erreur, mais ce n'est pas la première fois.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Forget: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre de l'Energie et des Ressources affirme que j'induis la Chambre en erreur. Je l'invite à consulter attentivement les débats en commission parlementaire et il se rendra compte qu'il ne s'agit pas d'une question qui a été posée par l'Opposition officielle, il s'agissait d'un projet d'amendement qui a été suggéré au gouvernement de manière à réduire l'envergure ou le champ d'application de la loi justement en excluant Asbestos Hill. Cet amendement a été rejeté par le ministre et par ses collègues ministériels.

Une Voix: L'arrogance!

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Hyacinthe.

Modifications au règlement de placement dans la construction

M. Cordeau: Le 8 novembre dernier, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, dans un communiqué, nous faisait part qu'il voulait apporter des modifications au règlement de placement de l'OCQ ou Office de la construction du Québec ainsi qu'au statut des artisans dans la construction. Ce communiqué indiquait aussi que la nouvelle réglementation concernant l'OCQ était soumise pour appréciation au comité mixte de la construction pour avis avant d'être soumise au Conseil des ministres.

Ma question est la suivante: Est-ce que le Conseil des ministres a reçu l'avis du comité mixte de la construction concernant les règlements de l'OCQ et en a-t-il approuvé le contenu et également est-ce que le Conseil des ministres a approuvé les recommandations de la Régie des entreprises en construction du Québec concernant le statut des artisans dans la construction?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, la première question, en effet, la loi prévoit que le comité mixte de l'Office de la construction est saisi des projets de règlement de l'office. Or, l'office a soumis ce projet de règlement de modification au règlement de placement il y a maintenant un peu plus de 30 jours au comité mixte. Le comité mixte ne m'a encore cependant pas officiellement avisé de son opinion. Il a dû aviser l'office. Je pense que nous pourrons procéder incessamment à ces modifications au règlement de placement. Ceci dit, j'ai été informé que le comité mixte, dans un acte qui caractérise le type de courage qu'on

rencontre de la part des parties souvent dans ce genre de choses, a décidé qu'en gros il était peut-être favorable, mais n'allait pas exprimer d'opinion précise sur les projets de modification. Ce qui veut dire qu'on craint parfois de porter son chapeau.

Quant au statut de l'artisan, effectivement, le Conseil des ministres, la semaine dernière, a approuvé le projet de règlement soumis par la Régie des entreprises en construction et qui a pour effet de permettre à ceux qui, en pratique, la plupart du temps, sont des gens de métier et souvent dans des régions dites périphériques de pouvoir obtenir une fois pour toutes ce statut de ne plus être salariés parfois entrepreneurs et bel et bien d'avoir un statut très précis à l'égard de la Régie des entreprises en construction. Ces règlements entrent en vigueur, sont entrés en vigueur à toutes fins utiles et déjà la régie a commencé à administrer le nouveau règlement et ceux qui veulent, dans certains métiers, obtenir ce statut avec cependant les limites que cela explique en même temps que les droits que cela donne pourront le faire en s'adressant à la Régie des entreprises en construction.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Dans l'intérêt des milliers de travailleurs qui attendent ces modifications à la réglementation, est-ce que le ministre a l'intention d'intervenir auprès du comité mixte afin qu'ils puissent faire parvenir leur avis le plus tôt possible?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: C'est-à-dire qu'il n'y a pas vraiment de problème au sens de la loi, même si le comité décidait de ne pas donner son avis, l'office peut, après 30 jours de consultation du comité, quelle que soit l'opinion ou que le comité se soit penché ou pas, peut me transmettre. J'attends que l'office me transmette de façon définitive son avis sur le projet de modifications au règlement de placement.

Le Président: M. le député de Verchères.

Conflit à la CTRSM

M. Charbonneau: M. le Président, c'est un problème qui touche une bonne partie de la rive sud de Montréal; je veux demander au ministre des Transports s'il a des informations additionnelles sur le conflit qui sévit actuellement à la Commission de transport de la rive sud de Montréal. Je pense que vous le savez, mais pour que l'ensemble des membres de cette Chambre soient informés, c'est au sujet de l'intégration des employés de Métropolitain Sud, une compagnie privée de transport qui a été achetée par la Commission de transport de la rive sud de Montréal. Ces derniers jours, il y a eu des arrêts de travail en guise de moyens de pression exercés par les employés de la section Métropolitain Sud de la Commission de transport de la rive sud de Montréal. Je sais qu'il y a eu des démarches auprès de commissaires enquêteurs ou de médiateurs, je ne sais pas trop quoi.

J'aimerais que le ministre nous indique s'il est au courant des derniers développements dans ce dossier? Y a-t-il une possibilité de médiation dans le dossier? Peut-on s'attendre qu'une décision soit prise et que ce problème soit réglé, parce qu'actuellement, notamment dans les régions qui ne sont pas proches du fleuve Saint-Laurent, c'est-à-dire ce qu'on peut appeler la rive sud immédiate, mais des régions plus éloignées, notamment le comté de Verchères où les gens le long du fleuve, Varennes, Verchères, Contrecoeur, le comté de Chambly également, de la route 116 jusqu'à Saint-Hyacinthe, sont actuellement privés du transport en commun par les moyens de pression exercés par les employés de Métropolitain Sud?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, en effet les employés de Métropolitain Sud ont choisi d'exercer ce moyen de pression devant une situation, dont cependant ils connaissent les avenues possibles quant aux solutions. Je qualifie le problème de la façon suivante: Métropolitain Sud est une compagnie qui est intégrée maintenant à la Commission de transport de la rive sud de Montréal. Cette compagnie avait des effectifs, des travailleurs qui, dans certains cas, avaient jusqu'à 20 années d'ancienneté et ils sont intégrés à un groupe de travailleurs de la Commission de transport de la rive sud qui, eux, en général ont peut-être moins d'ancienneté dans leur poste.

Le problème n'est pas l'intégration proprement dite, parce que tous les travailleurs de Métropolitain Sud sont assurés d'avoir un emploi dans la nouvelle Commission de transport de la rive sud, mais il s'agit de savoir qui aura les droits qui viennent avec l'ancienneté et comment on déterminera l'ancienneté. Il est bien évident qu'on a affaire à deux groupes de travailleurs qui ont des droits et dont il faut harmoniser les droits, puisqu'ils vont être obligés de vivre ensemble alors qu'ils ont deux conventions collectives à l'origine qui sont différentes.

Des solutions, il y en a trois types possibles. Ou il y a une solution négociée entre le syndicat de la Commission de transport de la rive sud et le syndicat de Métropolitain Sud qui est un syndicat qui va disparaître par l'effet de l'intégration, ou encore il y a une médiation, ou encore le commissaire du travail qui est un personnage dont les fonctions relèvent, à toutes fins utiles, du quasi judiciaire, c'est-à-dire un personnage qui doit prendre sa décision sans être influencé par le législatif ou l'exécutif. Lui décidera de trancher comment se fera l'intégration et à qui on assignera tel rang d'ancienneté

Quant à nous, au ministère, dans la mesure où toutes les parties impliquées sont intéressées et

acceptent le processus, nous sommes prêts à intervenir avec un médiateur, et même idéalement, si tout le monde pouvait s'entendre sur la personne du médiateur, ce sera encore plus simple.

Maintenant, si les parties ne s'entendent pas, il faudra qu'elles acceptent en l'absence de négocier cette situation, que le commissaire du travail, probablement, décide d'appliquer les dispositions des articles 34 et suivants du code qui lui donnent le droit de décider qui va prendre rang, à quel niveau, au niveau de l'ancienneté.

M. Charbonneau: M. le Président, rapidement.

Le Président: Une question très brève, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: En additionnelle, est-ce que le ministre pourrait dire si des représentations de la part des gens du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre ont été faites auprès des parties pour indiquer que la médiation était possible? (11 h 40)

Actuellement, le commissaire du travail se penche sur le dossier et l'épée de Damoclès est là. Ou les gens se font imposer, dans les jours ou les semaines qui viennent, la décision du commissaire du travail ou encore on leur signifie que la médiation est une autre alternative. Je ne suis pas certain qu'ils aient pris conscience de cette alternative, actuellement.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: La médiation, à l'origine, avait été demandée; cependant, mon ministère avait refusé de fournir des services de médiation compte tenu du contexte dans lequel cela avait été fait. C'est-à-dire que les parties, à toutes fins utiles, en aucune façon on ne pouvait trouver d'unanimité là-dessus. Ceci dit, il semble que deux des trois parties qui sont impliquées, parce que l'employeur, en tant que partie, a un mot à dire dans tout cela également, seraient prêtes à accepter une médiation; il s'agit de savoir maintenant si le syndicat intégré accepte cette médiation, mais il faut, au départ, qu'il se soumette de bonne foi au processus, qu'il accepte le rôle du médiateur et qu'il accepte, de préférence, que cette médiation devrait donner lieu éventuellement à un règlement qui devrait être un règlement final, ne pas se mettre à contester, à retourner devant les tribunaux, devant le commissaire, etc.

Si nous avons ce type d'assurance de la part du syndicat de Métropolitain Sud, nous sommes prêts à faire des efforts plus qu'extraordinaires d'ici Noël pour permettre aux parties de régler ce problème.

Le Président: Bon. Avant de mettre un terme à la période des questions, je voudrais inviter M. le ministre d'Etat au Développement culturel à apporter un complément de réponse à une question qui a été posée hier, je crois, en rapport avec le Père Noël par M. le député de Pointe-Claire.

M. le ministre d'Etat au Développement culturel.

Santa Claus versus Père Noël

M. Laurin: Le député de Pointe-Claire m'a posé une question hier sur une attaque présumée de l'Office de la langue française à l'endroit de "Santa Claus", attaque qui pourrait aller jusqu'à l'assassinat appréhendé de ce personnage mythique. Je lui ai répondu que j'irais aux sources. Je suis allé aux sources et ce pèlerinage m'a rafraîchi et revigoré. Je peux maintenant rassurer le député de Pointe-Claire, je peux rassurer "Santa Claus" et tous ses adorateurs. L'Office de la langue française n'a émis aucune directive à l'endroit ou de "Santa Claus" ou de Saint-Nicolas ou du Père Noël. Les commerçants, les entrepreneurs pourront, dans leur vitrine de Noël, utiliser l'un ou l'autre de ces personnages dans la langue qu'ils voudront et dans toutes les autres langues également où ce personnage est connu et il n'y aura aucune poursuite de même qu'il n'y a eu aucune directive. Sur ce, je souhaite bon Noël au député de Pointe-Claire!

Le Président: M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: M. le Président, j'ai dans les mains un avis de M. Racine qui, hier, a nié le fait que certains petits commerces avaient été approchés par des fonctionnaires de la commission de surveillance les pressant d'enlever les mots "Santa Claus" de leur affichage. En posant la question hier, je savais que le premier ministre n'était pas au courant des activités des fonctionnaires de la commission de surveillance. Est-ce que le ministre est maintenant prêt à garantir tous les Québécois que les abus de la commission de surveillance seront tout de suite arrêtés dans ce domaine?

Le Président: M. le ministre d'Etat au Développement culturel.

M. Laurin: Je ne veux pas répéter ce que je viens de dire. On ne peut empêcher en vertu des articles qui régissent la Commission de surveillance de la langue française, un citoyen de s'adresser, pour quelque raison qu'il juge opportune, à la Commission de surveillance de la langue française. Il revient à la commission de surveillance de juger si la plainte est frivole, si la plainte est opportune et d'en disposer selon le jugement qu'elle porte.

Le Président: Motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Question de privilège relative à une directive de la Commission

de surveillance de la langue française

Avant l'enregistrement des noms sur les votes en suspens, j'aimerais donner lecture d'un avis de privilège qui m'a été adressé. "December the 12th 1979.

"Dear Sir, in conformance with our regulations I wish to raise a question of privilege concerning statement by Mr Gilles Racine, of l'Office de la langue française, to the media, in particular to Mr Lou Harris of Montreal Gazette, when he suggested that operative of the Commission de surveillance had not issued directive requiring the removal of reference to the name Santa Claus to shopkeepers in Montreal. These statements bring into question the veracity of my intervention and are defamatory and slenderous and are abuse of my rights as a member of this Assembly. Yours truly, William Shaw, member for Pointe-Claire."

M. le député de Pointe-Claire, brièvement, vous conformant au règlement.

M. William Shaw

M. Shaw: I think, Mr President, I have made my remarks previously in French concerning the fact that I appreciate the minister's responsibility to make sure that the abuses effected by his language police are not reflected as policy of this government. And, therefore, when Mr Racine speaks to the journalist, questioning the veracity of my intervention, I suggest further that the minister speak to Mr Racine to insure that his language police are not using pressures that exceed the mandate of the law.

M. Laurin: M. le Président, je soulève une question de privilège à mon tour. A entendre le député de Pointe-Claire, en anglais évidemment, c'est peut-être plus clair. Le député semble laisser entendre que j'ai admis que les faits ou les attaques qu'il avait portées hier étaient justes, ce qui n'est pas du tout le cas. Je pense bien que toute la députation aura compris. Je pense aussi que nous pouvons porter objection au mot qu'il emploie pour qualifier la Commission de surveillance de la langue française, qui n'est pas du tout une police de la langue, bien au contraire. C'est simplement un organisme chargé de faire respecter la loi, comme il en arrive tellement dans toutes les autres lois et que la Commission de surveillance de la langue française a toujours utilisé la souplesse...

Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît!

Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Il y a un vote en suspens, c'est celui sur la motion de deuxième lecture du projet de loi no 71. Je demande qu'on appelle les députés.

Suspension à 11 h 47

Reprise à 11 h 56

Mise aux voix de la deuxième lecture du projet de loi no 71

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît! A l'ordre! M. le député! Il s'agit maintenant pour cette Assem- blée de mettre aux voix la motion de M. le ministre de l'Education proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 71, Loi modifiant de nouveau la Loi de l'instruction publique. Que ceux qui sont pour cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Parizeau, Marois, Léonard, Couture, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Gendron, Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Tardif, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Laberge, Guay, Lefebvre, Laplante, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Dussault, Marquis, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet, Brassard, Lavigne, Mercier, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Ryan, Levesque (Bonaventure), Saint-Germain, Caron, Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, Blank, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lamontagne, Giasson, Mme Chaput-Rolland, MM. Larivière, Lalande, Mathieu, Dubois, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Biron, Brochu, Grenier, Goulet, Fontaine, Bellemare, Cordeau, Le Moignan.

La Vice-Présidente: Ceux qui s'opposent.

Le Secrétaire adjoint: M. Shaw.

La Vice-Présidente: Les abstentions.

Le Secrétaire: Pour: 88 — Contre: 1 — Abstentions: 0

La Vice-Présidente: La motion est adoptée. M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: A moins qu'il y ait des questions en vertu de l'article 34, Mme la Présidente...

M. Gratton: En vertu de l'article 34, Mme la Présidente...

Mme la Vice-Présidente: En vertu de l'article 34, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Mme la Présidente... Une Voix: ... transport...

M. Gratton:... on sait qu'on a adopté le projet de loi no 9 qui constitue une nouvelle loi électorale. Le ministre d'Etat à la Réforme électorale nous a donné l'assurance qu'elle n'entrera pas en vigueur avant la tenue du référendum, sauf pour certains articles que le gouvernement pourrait souhaiter voir promulguer, de façon à ce qu'ils s'appliquent lors de la tenue du référendum.

J'aimerais demander au leader de nous aviser s'il ne croit pas et si c'est dans l'intention du

gouvernement possiblement de faire siéger la commission permanente de l'Assemblée nationale, de façon que les membres de cette commission puissent formuler des suggestions, faire des recommandations auxquelles les articles devraient être promulgués, de façon à faciliter la tenue du référendum.

Une Voix: ... les conditions...

M. Charron: Mme la Présidente, plus tôt, l'engagement qu'a pris le ministre d'Etat à la Réforme électorale en commission, était d'aviser à l'avance les chefs de parti de l'entrée en vigueur éventuelle de certaines dispositions du projet de loi. Peut-être...

Une Voix: On va tenir notre promesse.

M. Charron: ... qu'à cette occasion, sur la nouvelle de l'entrée en vigueur prochaine de certains articles, l'Opposition officielle ou l'Union Nationale décidait de se rendre à la demande que fait le député de Gatineau à ce moment, on le considérera à ce moment-là.

M. Gratton: Sur le même sujet, Mme la Présidente. On sait que la loi 92 crée l'obligation et pour le directeur général des élections et pour le directeur général du financement des partis politiques de rédiger une version officielle de l'ensemble des lois qui régiront la tenue du référendum. Or, j'imagine que le directeur général des élections devrait normalement vouloir savoir quels articles de la nouvelle loi électorale s'appliqueront, le plus tôt possible, de façon à ce qu'on ait ce recueil des lois qui... M. le Président, je demande donc au leader du gouvernement à quel moment les chefs de partis reconnus peuvent s'attendre à être consultés ou avisés des articles de la loi 9 qui s'appliqueront lors du référendum.

Mme la Vice-Présidente: M. le leader parlementaire.

M. Charron: Je ne peux donner une réponse précise, Mme la Présidente, au député de Gatineau, sauf de l'assurer que ce n'est pas avant la fin de la présente année.

La Vice-Présidente: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Mme la Présidente, je ne sais pas si le leader du gouvernement a des réponses au feuilleton, mais j'aimerais bien lui soumettre que depuis le 18 octobre, j'ai posé des questions au feuilleton concernant le ministère de l'Agriculture, questions fort simples, d'ailleurs, à répondre, très peu longues et qui touchent certaines anomalies que des fonctionnaires auraient pu se permettre. Est-ce que le leader m'assure qu'il va pouvoir me rendre une réponse d'ici la fin de la session? Il reste une semaine environ. (12 heures)

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je suis en train, Mme la Présidente, de faire un ratissage dans tous les ministères, des questions qui sont adressées, en vue de les déposer ici à l'Assemblée dans les tout prochains jours. J'espère que la question que vise le député de Maskinongé sera dans la récolte.

M. Lavoie: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Laval.

M. Lavoie: Relativement à la première question qui a été posée concernant la loi 92, la Loi de la consultation populaire, on sait que cette loi prévoit la constitution du Conseil du référendum, qui est formé de trois membres de la Cour provinciale, déterminés par le juge en chef de la Cour provinciale. Est-ce que je pourrais demander au ministre responsable de la Réforme électorale si ce Conseil du référendum a été formé?

M. Charron: Je m'oppose à la question, Mme la Présidente. Il ne s'agit pas d'une question en vertu de l'article 34. Le député peut la conserver pour demain matin.

La Vice-Présidente: M. le député d'Orford.

M. Lavoie: Vous ne pourriez pas répondre quand même?

La Vice-Présidente: De toute façon, M. le député de Laval, ce n'est pas le moment.

M. Vaillancourt (Orford): J'ai une question au feuilleton depuis environ deux ans. Est-ce que le ministre s'attend d'y répondre prochainement?

M. Charron: Laquelle, s'il vous plaît?

M. Vaillancourt (Orford): C'est à la page 4, le numéro 5. Est-ce que vous voulez que je vous lise le texte de la question?

M. Charron: Oui.

M. Vaillancourt (Orford): Combien de nouveaux employés réguliers, temporaires ou occasionnels, contremaîtres généraux, etc., le gouvernement a-t-il exagérés — engagés dis-je — à salaire ou à honoraires à l'Assemblée nationale, etc.?

La Vice-Présidente: Vous aussi, vous faites des lapsus, M. le député. M. le leader.

M. Charron: Cela ne prend pas deux ans sans doute à poser ce genre de questions. Ce sont plutôt celles qui peuvent se poser en dedans de deux secondes parce qu'on voit bien qu'il n'y a aucun effort, on demande tout. Je termine la

question que le député d'Orford a posée: Combien de nouveaux employés réguliers, temporaires, occasionnels, de contremaîtres généraux — et il ajoute — etc., — au cas où il en aurait oublié — le gouvernement a-t-il engagés à salaire ou à honoraires à l'Assemblée nationale, dans les ministères, les bureaux, les offices, les régies, les commissions, les sociétés — êtes-vous sûr que vous n'avez pas oublié quelque chose? — relevant du gouvernement et ce, depuis le 26 novembre 1976 jusqu'au 21 mars 1979? Mme la Présidente, si le député veut savoir combien nous avons engagé de tous ces gens dans tous ces offices jusqu'au 21 mars 1979, comment peut-il avoir posé la question il y a déjà deux ans?

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Une question en vertu de l'article 34, M. le député?

M. Caron: J'ai une question du 22 mars qui date de 1977 au ministre de l'Environnement; j'aimerais bien cela, moi aussi, avoir une réponse, si vous voulez en prendre note.

M. Charron: Moi aussi, j'aimerais beaucoup que le député l'ait.

M. Caron: Je ne veux pas l'avoir ce matin, mais c'est une question qui nous reporte deux ans en arrière. Je pense que c'est tout à fait normal... Sans vouloir être haïssable, je pense que c'est normal d'avoir la réponse.

La Vice-Présidente: Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Gratton: En vertu de l'article 34, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Je vois que vous avez une nouvelle question.

M. Gratton: Une dernière question. La semaine dernière, le premier ministre a pris avis d'une question que je lui posais à la période de questions à savoir quelles seront les mesures qu'il entend prendre pour rectifier les faits dans les comtés des cinq députés...

La Vice-Présidente: Vous pourriez revenir à la période de questions, M. le député de Gatineau, s'il vous plaît!

M. Gratton: Non, je demande à quel moment... Il a pris avis et il a dit qu'il nous fournirait la réponse. A quel moment puis-je attendre du premier ministre une réponse quant aux mesures que le gouvernement prendra pour rectifier les faits dans les cinq comtés des députés qui ont utilisé le texte tronqué?

La Vice-Présidente: Cette Assemblée siégera demain. Vous pourriez revenir avec cette question demain.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Projet de loi no 71

Renvoi à la commission de l'éducation

M. Charron: Madame, je voudrais proposer d'abord que le projet de loi 71 qui a été adopté en deuxième lecture tout à l'heure soit déféré à la commission parlementaire de l'éducation.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

M. Charron: Et, du même souffle, proposer que cette commission se réunisse immédiatement jusqu'à 13 heures, ensuite, de 15 heures à 18 heures et ce soir, de 20 heures à minuit, pour faire l'étude article par article de ce projet de loi si elle a besoin de tout ce temps évidemment, 81-A. Je veux aussi proposer qu'au salon rouge, la commission des affaires municipales poursuive son travail aux mêmes heures sur le projet de loi no 57.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. Charron: Le menu de la journée, madame, je m'en tiens à ce que j'ai annoncé à mes collègues: la deuxième lecture du projet de loi no 17 au nom du ministre d'Etat au développement social, je vous prie donc d'appeler l'article 50 du feuilleton.

Projet de loi no 17 Deuxième lecture

La Vice-Présidente: M. le ministre d'Etat au Développement social propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

M. le ministre.

M. Pierre Marois

M. Marois: Mme la Présidente, selon la formule d'usage, le lieutenant gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à cette Assemblée nationale.

Après, on me permettra de le rappeler en commençant cette intervention, près de trois années de travail, de recherche, de consultation — d'une consultation telle, je pense qu'on l'admettra, qu'il n'y a peut-être pas beaucoup de projets de réforme qui auront donné lieu à une aussi large consultation à travers tout le Québec — nous abordons aujourd'hui, avec ce débat de deuxième lecture, la dernière phase d'une longue marche

vers l'adoption, enfin, au Québec d'une loi cadre, comme on dit dans le jargon tant demandée avec justesse, d'ailleurs, tant attendue, une loi cadre portant sur la santé et la sécurité du travail. Avant d'aller plus loin dans ce débat, je voudrais dire deux choses même s'il semble, d'après ce qu'on me dit, que ce n'est pas tellement la coutume parlementaire de le faire. Je tiens à le dire parce que je crois que c'est la vérité et parce que je crois que c'est une pure et stricte question d'honnêteté.

Premièrement — je pense que les citoyens et les citoyennes du Québec qui maintenant peuvent suivre nos travaux par la télévision l'admettront — ce n'est pas tous les jours qu'on voit cela, mais il arrive parfois que les hommes et les femmes en politique sont encore capables de s'élever au-dessus de petites formes de partisane-rie et même de formes mesquines de partisanerie et de mettre le meilleur d'eux-mêmes tout en ayant, bien sûr et c'est normal, des divergences de vues sur certains points, certaines modalités, mais de mettre le meilleur d'eux-mêmes pour faire ensemble cet effort qui au fond est tellement attendu des citoyens pour essayer, comme on dit dans le jargon, de bonifier au maximum une loi, un projet de loi pour en faire le meilleur instrument qui soit possible dans une conjoncture donnée, dans l'état donné d'évolution d'une société.

En ce sens, je tiens à signaler l'attitude très positive, très ouverte qui a été adoptée par les membres de cette Assemblée nationale qui, en septembre dernier, durant plusieurs jours de travaux de commission parlementaire, ont reçu près de 63 groupes et ont examiné près de 70 mémoires. Je tiens à le dire, je ne sais pas si c'est rentable ou non sur le plan électoral, mais je vais toujours bien le dire comme je le pense et comme je l'ai vécu et senti. Je tiens en particulier à signaler l'attitude des députés des partis de l'Opposition de cette Chambre, notamment, l'attitude du député de Portneuf, notamment, l'attitude du député de Richmond qui, je pense, tout au long des travaux de cette commission ont montré aussi une attitude plus que positive face au fond à un problème qui est perçu comme quelque chose de criant et de déchirant pour des centaines de milliers d'hommes et de femmes au Québec.

Deuxième remarque préliminaire que je voulais faire. Bien sûr, on sait que le gouvernement du Québec attache une très grande importance à cette réforme légitime, compte tenu de l'ampleur des problèmes dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail vécus précisément par les hommes et les femmes au travail au Québec. C'est une réforme qui, bien sûr, implique un changement de cap fondamental, un virage important et en ce sens et je pense qu'on ne le dit pas assez quand cela se présente, je ne sais pas pourquoi, cela n'a pas l'air d'attirer particulièrement l'attention, mais je tiens à le dire parce que c'est vrai. (12 h 10)

On a beau être pilote, parrain d'un projet de loi, on a beau être ministre mais jamais il n'aurait été possible et jamais je n'aurais pu réussir à mener à terme une réforme de cette envergure sans l'appui, la contribution et l'apport absolument remarquable d'une batterie de membres de l'aile de la majorité parlementaire et dont un certain nombre d'entre eux en particulier, n'ont pas hésité en plus à payer largement leur temps, en se mettant sur le chemin avec moi, pour aller voir les choses concrètement, là où les problèmes sont vécus, là où les problèmes se passent, pour examiner, comme on dit souvent dans le jargon courant, avec le monde en vie, ceux qui vivent précisément ces problèmes, les solutions possibles, parler avec eux de leur façon de voir les problèmes et les solutions qu'ils envisagent.

On me permettra de mentionner le travail absolument remarquable et incroyable qui a été abattu, notamment, en particulier, par le député de Laviolette, par le député de Joliette et également par le député de Jonquière, avant son accession à la vice-présidence qui auront été et qui sont encore, tout au long des travaux, sur cette réforme comme autant de copilotes.

On me permettra de rappeler que le gouvernement du Québec avait pris un certain nombre d'engagements en particulier à l'occasion du premier sommet socio-économique tenu à La Mal baie, notamment deux engagements dont le premier était cette réforme tant attendue de l'affaire; deuxièmement, de la faire en consultation la plus étroite possible avec ce qu'on appelle les agents socio-économiques concernés, c'est-à-dire aussi bien les représentants du monde patronal que les représentants des travailleurs, les représentants du monde syndical. Tout cela a démarré par la publication d'un livre blanc. Pour préparer ce livre blanc, il y aura eu — je tiens à le rappeler — au moins cinq rencontres dont une de deux jours avec les membres du fameux Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Par la suite, cela aura été une opération menée sur le chemin, comme je l'ai évoqué, parmi le monde, qui nous aura permis de rencontrer 42 organismes, recevoir 57 mémoires, visiter dans tout le Québec, toutes et chacune des régions du Québec, plus de 70 usines d'à peu près tous les secteurs économiques possibles, sans compter plus de 25 rencontres avec des groupes particuliers. Puis est venu le projet de loi no 17 avec ce que j'évoquais tantôt, 63 groupes entendus en commission parlementaire et près de 70 mémoires reçus.

Nous avons aussi, tout au long de cette opération, fait l'impossible pour regarder la réalité québécoise telle qu'elle était, essayé d'en faire la meilleure lecture possible, d'abord des faits, des situations dégradées dans certains cas; deuxièmement, la meilleure lecture possible aussi de ce qui pouvait, à notre point de vue, être autant de points d'appui positifs, sur lesquels points d'appui il était possible d'asseoir une réforme comme celle qui est proposée maintenant.

Bien sûr, aussi, nous avons regardé ailleurs. Nous avons regardé dans d'autres provinces du Canada où des réformes ont été menées à terme, où des réformes sont maintenant en application, ce qui est le cas de la Saskatchewan. Nous avons

eu des rencontres avec ces gens, ce qui est le cas de l'Ontario, ce qui est le cas d'autres provinces, l'Alberta, le Manitoba. Nous avons regardé aussi du côté des Etats-Unis, nous avons rencontré des porte-parole des Etats-Unis. Nous avons aussi regardé et rencontré des porte-parole des représentants de ceux qui ont piloté, administrent des réformes du genre, bien sûr, dans chacun des cas, ajustées à leur réalité sociale, à leur réalité économique, en Suède, en Allemagne, en Grande-Bretagne. Mais nous avons voulu que cette réforme reste profondément très québécoise, c'est-à-dire qu'elle soit la plus conforme à notre réalité et à notre potentiel.

J'ai dit que nous avons tenté de faire la meilleure lecture possible des faits et, au fond, en faisant la lecture de ces faits, c'est nous poser tous ensemble la question fondamentale: Pourquoi faire une loi? Pourquoi faire une réforme comme celle-là? C'était précisément parce que, d'abord, il y a un côté de cette réalité qui n'est pas particulièrement rose; dans certains cas, il est dramatique et même avec certains aspects qui sont — je crois que c'est le mot pour les traduire — tragiques.

En 1978, donc sans remonter au déluge, il y a eu au Québec 308 000 accidents de travail qui ont été rapportés sur la base des chiffres connus, ce qui signifie 35 accidents de travail à l'heure, sept jours par semaine, jour et nuit, c'est-à-dire six fois plus de victimes d'accidents de travail que de victimes d'accidents de la route. Il y a eu plus de 200 hommes et femmes au travail qui sont décédés. Pour les années 1975 et 1976, cela a été 525, ce qui signifie qu'un homme, une femme au travail sur treize est victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle. Il y a eu 2 800 000 jours ouvrables, de travail, qui ont été perdus à la suite des accidents de travail et des maladies professionnelles. Il y a 120 000 hommes et femmes, au moment où on se parle, qui sont exposés à la surdité, à devenir partiellement ou complètement sourds dans plus de 4000 établissements au Québec. Il y a 75% de ces 4000 établissements qui ne respectent pas présentement les normes de base, les fameux 90 décibels, comme on dit, normes pourtant établies par règlement.

Il y a 70 000 hommes et femmes au travail qui sont en contact avec des substances susceptibles de provoquer des maladies pulmonaires. L'état de la recherche est émietté, c'est insuffisant, tant et si bien que quand on examine les dossiers, on constate une chose: Le profil de l'état de santé des hommes et des femmes au travail, dont on dispose aujourd'hui, n'est pas plus précis qu'il ne l'était dans les années 1938/39. Cela indique le rattrapage absolument incroyable qu'il nous faut faire de ce côté et notamment du côté de la recherche.

On a beaucoup parlé des coûts de la réforme; parlons-en. On va d'abord parler des coûts, c'est-à-dire mettre un peu plus les points sur les i. Je vais le dire comme je le pense pour ceux qui ne sont pas capables de voir plus loin que leur commencement de bout de nez économique. Je suggérerais modestement qu'ils aiguisent leur crayon et qu'ils prennent des notes. En 1976, le Québec s'est payé $400 millions à des fins d'indemnisation pour compenser les accidents de travail et les maladies professionnelles. Sur la base d'une méthode de calcul qui est admis partout à travers le monde, qui n'est contestée par personne — et je dis d'avance que mon chiffre est conservateur — les $400 millions, c'est ce qu'on appelle les coûts économiques directs. On s'est payé la même année ce qu'on appelle les coûts économiques indirects, c'est-à-dire les journées de travail perdues, les dommages, les atteintes à la productivité avec l'impact que cela a sur les coûts, on s'est payé $1 600 000 000 de coûts économiques indirects, ce qui veut dire que pour cette année on s'est payé globalement — quand j'entends certaines entreprises me parler des coûts qui, pour l'essentiel, sont assumés par les entreprises et, bien sûr, répercutés sur l'ensemble de la société — $2 milliards de coûts économiques directs et indirects. C'est la suite, les dégâts, les conséquences économiques des accidents de travail et des maladies professionnelles.

En 1978, deux ans plus tard, on assiste à une hausse de 25%. Pour cette année-là, on s'est payé $500 millions d'indemnisation, ce qui signifie qu'on s'est payé $2 milliards de coûts économiques indirects, ce qui signifie que globalement le Québec, cette année-là, avait les moyens — quand on me parle des coûts de la réforme — de se payer $2 500 000 000 en coûts économiques directs et indirects comme conséquences des accidents de travail et des maladies professionnelles. (12 h 20)

Les chiffres sont conservateurs et n'ont jamais été contestés par qui que ce soit, tout au long des travaux de notre commission parlementaire, alors que de nombreux groupes équipés, étoffés, sont venus devant nous témoigner. C'est conservateur parce que je demeure convaincu, sur la base de témoignages obtenus d'experts, que la réalité, au Québec, se situe probablement autour de $3 500 000 000 à $4 milliards. C'est la dimension économique, le résultat des dégâts, et c'est sans compter le plan humain parce que, dans ce domaine, il y a des choses qui demeurent irréparables. Un homme ou une femme qui y laisse strictement sa vie, il n'y a rien de réparable de ce côté. Et ce n'est pas acceptable, ni sur le plan économique, ni sur le plan social.

Je crois qu'à la lumière de ces chiffres, d'une société comme la nôtre, qui peut se permettre de se payer de tels coûts, il faut se demander, modestement, si on n'a pas, à l'intérieur de ce qui est là, les moyens de déplacer un certain nombre de dizaines de millions de dollars pour commencer à s'attaquer à la racine des maux, une fois pour toutes.

Je ne vous cacherai pas que je commence à être pas mal "tanné" de ces distinctions, que je considère terriblement artificielles, entre le social et l'économique, comme si le Québécois se levait le matin en étant social, étant économique dans l'après-midi et se couchait culturel le soir, en aménageant un peu son espace vital. Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas comme cela que les choses se pas-

sent. Ou encore, comme si le développement économique, pourvu qu'on fasse du développement économique, n'importe comment, cela allait permettre de grossir la vieille théorie: Faisons uniquement du développement économique, à tout prix, n'importe comment, sans tenir compte du reste et cela permet de grossir l'assiette qu'on pourra se partager mieux sur le plan social. Mais quand le développement économique signifie l'anarchie et se fait de façon anarchique et débridée et au prix des humains, il y a un prix au bout et ce prix est sur le plan social, il est sur le plan des humains. Je pense que cela non plus ce n'est pas acceptable.

La réalité concrète de cela, c'est cette entreprise sur la rive sud de Montréal, une entreprise flambant neuve, six mois d'existence et, après six mois, tous les hommes et les femmes qui étaient au travail dans cette entreprise étaient déjà intoxiqués au plomb. A ce moment-là, je pense que se trouve plus que jamais fondé ce que disait le premier ministre du Québec, le 8 mars 1977: L'économie qui prétendra encore faire passer l'homme après les machines serait vouée à l'échec. C'est le premier côté de la réalité.

Mais il y a le deuxième côté. En plus de regarder à l'extérieur, quand on commence à se retourner vers notre propre maison, qu'on commence à regarder en dedans, pour s'apercevoir que c'est le fouillis. Sept lois qui existent, vingt règlements, six coins d'administration publique qui s'en mêlent, quatre services d'inspection — cela ne met pas en cause, nécessairement, la compétence des inspecteurs — qui se marchent sur les pieds, les uns, les autres; on voit sortir l'inspecteur de l'Environnement au moment où rentre en même temps l'inspecteur du ministère du Travail, tous les deux pour faire sensiblement les mêmes jobs, en se marchant sur les pieds, il n'y a plus personne qui se retrouve. C'est le fouillis! Des services émiettés, des sanctions qui sont littéralement une farce! Je prends juste le cas de la construction; en 1976, 12 500 constats d'infraction. Regardons les résultats: Cela a donné lieu à 4500 avertissements; cela a donné lieu à 8000 recommandations de poursuites — et vous connaissez le résultat net de ces 8000? — il n'y a eu des poursuites que dans 1400 cas. Pour l'essentiel, cela s'est terminé par des avis d'infraction, cela veut dire $200 d'amende. Cela fait un permis de fonctionner dans l'illégalité, dans le non-respect ni des lois, ni des règlements, ni des normes qui revient joyeusement bon marché, Mme la Présidente.

De ces 8000 cas, dans 6500 cas, il s'agissait de récidive. Dans 90% des cas de récidive, il n'y a pas eu de poursuite. Des lois et des règlements qui ignorent ceux et celles qui sont les premiers concernés, on a réussi le tour de force dans ces lois et ces règlements quand on les lit, à peu près jamais simplement mentionner le mot même de travailleur et tout cela accroché quand on lit l'économie — comme on le dit — générale de ces lois à une espèce de conception fataliste du travail, comme si le travail, cela ne pouvait pas être autre chose, forcément, fatalement, nécessairement presque obligatoirement dangereux dans le genre: II n'y a à peu près rien à faire contre cela.

Or, ce n'est pas vrai. Il est possible de changer cela. D'autres l'ont fait avant nous. Tout l'accent, en conséquence, a été mis sur ce qu'on appelle le curatif, c'est-à-dire tenter de réparer des pots cassés. Or, il y a des choses — encore une fois — qui ne se réparent pas dans ce domaine. Il faut donc renverser complètement la vapeur de ce côté-là, renverser la vapeur aussi de cette vieille théorie qui veut que pour l'essentiel, des accidents de travail et des maladies professionnelles; ce n'est pas compliqué. Si les hommes et les femmes au travail faisaient donc attention, cela réglerait les problèmes. Comme ils sont irresponsables!

Aujourd'hui, les théories modernes tendent à démontrer que pour l'essentiel, tout cela est accroché d'abord et avant tout au milieu même de travail. Je n'irai pas chercher n'importe qui à témoin de mon intervention, mais il y a un texte drôlement intéressant et je serais prêt à le déposer s'il y a consentement. Je pense que cela vaut la peine de le lire. C'est une conférence qui a été prononcée par un monsieur Little, le 23 octobre 1979 — c'est récent — le vice-président de la compagnie Price Ltd. Je voudrais citer seulement un tout petit extrait de son exposé. Il disait: "Dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, il se pourrait bien que notre pouvoir de décision — il parle d'eux — soit en train de s'effriter par notre faute. "En effet, à cause du traitement superficiel que nous avons apporté à ce problème social, nous sommes maintenant affligés de graves maux." Il veut expliquer, il enchaîne en disant: "La faiblesse qui est constatée se traduit dans les systèmes de gestion par une information inadéquate, un encadrement technique peu rigide, une supervision inappropriée et d'autres effets. Or, ces effets apparents constituent, en réalité, les causes premières des conditions et des gestes dangereux et, par conséquent, des blessures, des maladies industrielles, des pertes de biens, des dommages écologiques et des baisses de production." Il ajoute aussi: "Suite à notre incapacité — toujours d'eux autres — à proposer une méthode crédible de compte rendu et de prévention, les travailleurs sont devenus indifférents à tous les appels lancés par l'industrie en faveur de la prévention des accidents. "Soyons réalistes. Les travailleurs se méfient de nous à ce propos. Qui pourrait les en blâmer? Si nous voulons amener les travailleurs — et je le cite toujours — à collaborer aux efforts de prévention, nous ferions mieux de prouver d'abord notre intérêt, notre sincérité et notre compétence dans ce domaine." Fin de la citation.

Partant de là, le projet de loi, comme d'ailleurs le livre blanc reste accroché en conséquence à un objectif fondamental et à une approche qui n'a pas changé et qui maintient que le seul objectif possible qu'une société civilisée puisse se donner dans ce domaine, c'est de viser — rien d'autre que de viser — à éliminer à la source même les causes d'accidents et de maladies professionnelles, bien sûr, sans se raconter d'histoires, sans s'imaginer que demain matin, on va arriver — pour reprendre l'expression du célèbre architecte Le Corbusier

aux Usines vertes — du point où on part dans certains coins, il y a du pain sur la planche et du travail à faire et cela va supposer qu'on y aille avec un certain gradualisme en s'attaquant d'abord aux coins où il y a des priorités, des urgences.

Bien sûr. Mais c'est possible de franchir des pas de géant à certaines conditions. D'abord, qu'on s'attaque aux causes mêmes.

Deuxièmement, que dans les entreprises, on se dote de programmes de prévention tel que c'est prévu dans le projet de loi avec les ajustements qui ont été suggérés en commission parlementaire, notamment, un programme de prévention qui prévoit qu'on va adapter — par étapes, bien sûr — rétablissement aux normes qui sont prescrites par les règlements concernant l'aménagement des lieux de travail, l'organisation du travail, l'équipement, les matériels, les contaminants, les matières qui sont dangereuses, les procédés, les moyens, les équipements de protection collectifs et le reste. (12 h 30)

Troisièmement, on va faire un effort colossal — à tous les niveaux — d'information et de formation, mais à la condition que — c'est ce que prévoit le projet de loi — comme perspective, qu'on ouvre les livres, qu'on arrête les cachettes. Il n'y a pas de raison que les gens ne soient pas informés sur les matières dangereuses qui circulent, que les rapports d'accidents ne soient pas remis, notamment aux travailleurs, à leurs représentants quand ils sont organisés, qu'il y ait un accès aux informations de base.

Quatrièmement, qu'on permette l'implication des hommes et des femmes au travail.

Cinquièmement, qu'on ne s'imagine pas, bien qu'il faille le faire quand c'est nécessaire, mais qu'on ne s'imagine pas que c'est seulement par des équipements individuels ou collectifs de protection qu'on va arriver à régler le problème. Bien sûr, dans certains cas, disons le plus patent, c'est le pompier: jusqu'à nouvel ordre, le feu, cela brûle. C'est évident qu'il va falloir un équipement de base. Mais qu'on ne s'imagine pas que c'est parce qu'on équipe des travailleurs avec des protecteurs contre le bruit qu'on règle le problème. On ne règle pas le problème; on se donne l'illusion qu'on l'a réglé. Certaines entreprises dans la région même de Québec valent la peine d'être visitées, où tranquillement, par un programme de réadaptation de modernisation de l'entreprise, on a réussi à réduire le nombre de décibels, comme on le dit, ou le bruit qui se dégage des machines qui sont là, tant et si bien — je pense à une usine en particulier de la région de Québec — il est possible au travailleur d'aujourd'hui d'enlever les fameux protecteurs parce qu'ils n'en ont plus besoin.

C'est l'objectif qu'il faut viser. C'est ce que prévoit le projet de loi. On a même des suggestions et des recommandations. Je pense qu'on a eu l'occasion d'en discuter en commission parlementaire avec des groupes et avec les députés de l'Opposition. On a inscrit clairement les objectifs de cette loi dans le champ d'application pour que ce soit très clair.

Egalement, qu'on s'équipe de programmes de santé qui incluent ce qui a été ajouté dans la version maintenant réimprimée du projet de loi toute la dimension de ce qu'on appelle l'hygiène industrielle pour que les deux morceaux, les deux approches soient intimement liées. Un des principes clés de cette approche qui est inscrit dans la loi, c'est de faire en sorte qu'on puisse en arriver à un effort concerté de l'ensemble des agents socio-économiques et du gouvernement pour s'attaquer à la racine des maux. Traditionnellement, on a pensé qu'en laissant tous les pouvoirs à l'entreprise on y arriverait. Les résultats sont là. Même des hommes, comme M. Little, ont l'honnêteté de l'admettre: on fait le constat du résultat aujourd'hui. D'autres nous proposent, à l'autre extrême, de prendre le balancier et de le passer complètement à l'autre extrême et de passer tous les pouvoirs aux syndicats. Je ne pense pas non plus que ce soit la piste à partir de laquelle il va être possible de sortir des situations qui sont vécues.

Il y a aussi une autre approche à laquelle certains auraient pu penser: tout à l'Etat. Je ne pense pas qu'on y arrive non plus à une approche comme celle-là. Bien sûr, il y a ce que j'appelle les décrochés ou les "flyers", littéralement aux extrêmes et que ce soit à l'extrême droite comme à l'extrême gauche, qu'ils nous proposent des solutions extrémistes. Quant à nous, on renvoie ces gens dos à dos, parce qu'il n'y a pas de pistes de solutions concertées valables sur la base des expériences déjà vécues et constatées au Québec.

Bien sûr, certains l'abordent par une approche de refus global et je leur laisse le soin d'assumer la responsabilité des conséquences de leurs paroles et de leurs gestes, mais je ne pense pas que ce soit partagé — loin de là — par la très forte majorité des hommes et des femmes qui sont au travail. On ne peut pas accepter que ce soit laissé aux seuls rapports de force, des choses aussi fondamentales que celles-là, d'abord parce que, ne perdons pas de vue qu'autour d'environ 65% des hommes et des femmes qui sont au travail ne sont pas organisés en syndicat. Il n'y a pas de syndicats dans bon nombre de petites unités et même dans les cas où il y a des syndicats, il y en a certains. Il suffit de se pencher et de scruter ce qu'on appelle les contrats de travail et les conventions collectives qui, pour toutes sortes de raisons, sont des petites unités syndicales et n'ont pas la force nécessaire pour être capables d'améliorer leur sort par des conventions collectives qui auraient permis de faire évoluer les choses.

Il faut donc en arriver à une base qui soit là comme un plancher de base obligatoire pour tous par-dessus lequel les parties pourront toujours continuer à construire. Il faut jeter les bases d'une action qui soit dynamique mais qui soit aussi concertée de tous les agents pour, encore une fois, viser à éliminer à la source les causes mêmes d'accidents et de maladie.

Donc, tout cela suppose qu'on prend appui sur les hommes et les femmes qui sont au travail d'abord parce que, après tout, c'est d'eux dont on

parle; deuxièmement, aussi sur les employeurs et qu'ensemble, en concertation, on assume pleinement les responsabilités. Ce qui implique qu'on reconnaisse... Je dois admettre que c'est avec une très grande satisfaction que j'ai constaté, en commission parlementaire, que la très grande majorité des intervenants acceptaient l'essentiel de l'approche.

Bien sûr, il y avait des suggestions sur les modalités, mais l'essentiel de l'approche était retenu, cette idée que les parties soient impliquées, qu'on trouve des formules paritaires permettant, de bas jusqu'en haut, à partir de l'entreprise en passant par les secteurs économiques, par des associations sectorielles, jusqu'au plus haut sommet au niveau de cette commission québécoise de la santé et de la sécurité, la concertation. Cela implique donc qu'on reconnaît et qu'on permet que les deux parties, les hommes et les femmes au travail, leurs représentants lorsqu'ils sont organisés et syndiqués, et la partie patronale y soient participantes et qu'elles soient vraiment associées au sens du mot réel, non seulement sur des bases de consultation mais qu'elles soient aussi impliquées dans le processus décisionnel.

Cela implique aussi qu'on reconnaisse en conséquence aux hommes et aux femmes qui sont au travail des droits, des fonctions et des pouvoirs nouveaux qui ne leur ont pas été reconnus, par le passé, dans les lois québécoises. C'est pour cela d'abord que, par le projet de loi 17, on propose d'amender la Charte des droits et libertés pour que soit inscrit le principe sacré que toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. C'est pour cela aussi que nous reconnaissons ce qu'on a appelé le droit de refus, le droit pour un homme, une femme au travail de dire simplement — parce que c'est un droit naturel, fondamental de l'inscrire dans la loi et de reconnaître ce droit à une femme ou un homme — Non, je pense que j'ai des motifs raisonnables de croire que ma vie, ma santé ou ma sécurité est en cause si je pose tel ou tel geste, ou, de le poser s'il a des motifs raisonnables de croire que la vie, la santé et la sécurité de quelqu'un d'autre dans l'entreprise peut être mise en danger aussi.

C'est un droit profondément naturel, M. le Président. Je voudrais simplement rappeler un jugement qui est intervenu au Québec en 1961. Je voudrais seulement citer un tout petit extrait d'un jugement d'un tribunal d'arbitrage rendu par le juge Camille Beaulieu qui disait ceci: "II n'y a aucune loi au monde qui puisse obliger un ouvrier à exécuter un travail dans des conditions où sa vie est sérieusement exposée, surtout si ces conditions sont le résultat de l'acte volontaire du patron". C'est un droit naturel et fondamental. Le fait de le mettre dans un texte de loi vient simplement préciser la façon de l'exercer, les étapes, les procédures et, deuxièmement, assurer enfin — parce que ce droit, encore une fois, existe dans les faits — une protection à ceux et à celles qui exercent un droit qui est aussi fondamental.

Bien sûr, ce droit, ce n'est pas l'anarchie. Bien sûr, ce droit, c'est le droit qu'on utilise, auquel on recourt comme un moyen ultime quand les autres moyens normaux pour faire corriger les problèmes à la source ont été épuisés, ou bien parce qu'il se présente une situation d'urgence. En ce sens, personne, je crois, pas plus les hommes et les femmes qui sont au travail, j'en suis convaincu après tellement de rencontres, de tournées, de discussion, n'accepterait qu'on abuse de ce droit, c'est-à-dire, fondamentalement, qu'on cherche à s'en servir à des fins autres que les fins pour lesquelles cela est reconnu dans une loi. (12 h 40)

C'est pourquoi le projet de loi prévoit que les abus pourraient être sanctionnés. Nous avons, à la suite de recommandations, convenu de modifier ce que nous avions proposé pour faire en sorte que les seuls cas où les droits de refus ne pourraient pas être exercés soient: 1 ° le cas où le fait d'exercer le droit de refus mettrait en péril immédiat et cela au fond on trouvera l'équivalent dans la loi ontarienne, la vie, la santé, la sécurité, l'intégrité physique d'autres personnes, notamment, du public; pensons à certaines fonctions qui sont exercées, certaines tâches dans notre société; je pense notamment aux pompiers pour reprendre l'exemple qui était évoqué tantôt; 2° les cas où les conditions d'exécution d'un travail seraient normales dans ce genre de travail — normales, c'est-à-dire, conformes à des normes ou des règlements — ou alors, à défaut de normes ou de règlements ce qui fait jurisprudence devant les tribunaux, conformes à des us et coutumes, des façons de faire les choses. Cela correspond à des exemples aussi très concrets; bien certain que celui qui est appelé à laver des vitres au 52e étage peut fort bien avoir tous les équipements et le faire dans des conditions conformes aux normes et aux règlements. Mais s'il y a un vent qui ressemble à quelque chose comme une tornade, il est évident que ce ne sont pas des conditions d'exécution normales et que, dans ce cas, une personne est en droit légitime de dire: Moi, je refuse d'exécuter ce travail dans des conditions comme celles-là, c'est ma vie qui est en danger. Ce n'est pas un cadeau que de faire des métiers comme ceux qui, par exemple, procèdent à la réfection des peintures sur des ponts, en particulier. Il y a des conditions d'exécution normales. Ce ne sont pas des métiers faciles. Ce sont déjà des métiers dangereux.

Mais faut-il, en plus, qu'on ne puisse pas permettre ce droit quand les conditions deviennent absolument anormales, inacceptables? Les conditions d'exécution, j'ai bien dit. Il ne s'agit donc pas de l'empêcher dans ces cas. Ce droit pourra aussi être exercé par plusieurs hommes et femmes qui vivent en même temps le même problème. Je pense entre autres au cas de trois travailleurs d'une raffinerie de l'Est de Montréal qui, il n'y a pas si longtemps, travaillaient dans une espèce de coin où ils étaient enfermés

complètement dans une usine et où il s'est produit des émanations de monoxyde de carbone en telle quantité qu'ils avaient des motifs raisonnables de penser que leur santé et leur sécurité ou leur intégrité physique pouvait être sérieusement endommagée ou atteinte. Il n'y a pas de raison quand des gens vivent en même temps le même problème, qu'ils ne puissent pas ensemble exercer dans une même situation un droit comme celui-là, que ce soit traité comme un même cas.

On a invoqué devant nous parfois des cas et dire: Cela va être effrayant comme il va y avoir des abus. C'est drôle, tous les témoignages en commission parlementaire, l'Institut canadien des textiles, l'Association des manufacturiers canadiens qui exploitent des entreprises aussi bien au Québec qu'en Ontario et dans d'autres provinces canadiennes sont venus nous dire à des questions très précises: Donnez-nous le nombre de cas d'abus que vous avez constatés au Québec, en Ontario, dans d'autres provinces canadiennes où ce droit existe déjà; donnez-nous le nombre de cas.

A notre connaissance, dans le sens strict de ce qu'on appelle un abus, c'est-à-dire l'utilisation à d'autres fins que les fins pour lesquelles le droit est reconnu, il y a eu un cas qui s'est produit en Saskatchewan sur une période de cinq ans. Il a été sanctionné, et c'est normal qu'il soit sanctionné.

Dans le cas du Québec, les hommes et les femmes qui sont au travail seraient plus irresponsables qu'ailleurs? Je ne pense pas. Nous avons, à la suggestion de plusieurs, réduit le nombre d'étapes, assoupli et accéléré la démarche pour régler ces cas, quand le droit de refus est exercé.

Le constat qu'on peut faire, c'est que dans tous les pays du monde et les autres provinces canadiennes où ce droit existe, dans les cas où il est exercé, dans plus de 90% des cas, le problème s'est réglé à la base même, sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir d'autres instances, et très rapidement. Seulement, cela a eu d'autres effets aussi et des effets d'entraînement. Je voudrais citer le cas d'une entreprise qui fabrique des automobiles, forcément en Ontario, parce que je ne voudrais pas ouvrir une parenthèse, mais comme on sait, même si on en achète 30%, pour l'essentiel, c'est en Ontario que cela se trouve.

Des travailleurs qui siégeaient à un comité, ils étaient organisés, syndiqués, ils avaient leur comité paritaire, leur comité conjoint et ils évoquaient, depuis plusieurs mois, le problème qui se posait, dans le cas où à la fin de la ligne de montage, on essaie les véhicules. Forcément, des tuyaux d'échappement, il s'échappe du monoxyde de carbone et on relie, à ce moment, le tuyau à l'extérieur par un tuyau particulier. Ils se plaignaient du fait que cette tuyauterie était vieillie et qu'elle pouvait leur péter dans la face n'importe quand. Toutes sortes de raisons étaient alléguées: il n'était pas possible de remplacer cela tout de suite, cela prenait du temps pour faire venir les pièces, et le reste. Le problème ne s'était pas réglé jusqu'à ce qu'un matin, en rentrant au travail et en faisant démarrer les véhicules, en penant leur relève, effectivement, le dégât s'est produit. Ils ont exercé leur droit de refus. C'est extraordinaire, en l'espace de 48 heures, le problème était tout réglé; ce qui n'était pas possible de régler depuis des mois, des mois et des mois, s'est réglé en 48 heures.

Mais vous connaissez le deuxième résultat, celui-là est encore plus fondamental et plus important comme conséquence que celui que je viens d'évoquer, c'est le fait qu'il ne s'est plus produit, dans cette entreprise, depuis, un seul cas d'exercice de droit de refus. Pourquoi? Parce que maintenant, les hommes et les femmes au travail, dans cette entreprise, font valoir par leur représentant au comité paritaire, ou à la lumière des rapports des inspecteurs, qu'il se pose tel ou tel problème; c'est extraordinaire maintenant le sérieux, l'attention qu'on y apporte, et les délais extrêmement rapides qu'on met pour corriger les problèmes à la source. Cela est fondamental, parce que la conséquence ultime, c'est qu'on évite, encore une fois, des dégâts sur le plan humain, et aussi ce que cela implique sur le plan économique.

Je glisserai un mot, très rapidement, d'un droit nouveau extrêmement important qui pourrait être une clé aussi fondamentale dans cette perspective d'une politique où on met l'accent pour corriger à la source les problèmes sur le fait qu'on prolonge le principe qui était déjà dans le projet de loi, sur ce qu'on appelle dans le jargon, le retrait préventif. Vous savez qu'il était prévu, dans le cas d'une femme enceinte; pour une fois au Québec qu'on fait quelque chose de neuf et qu'on commençait par les femmes, cela faisait nouveau et, en même temps, cela répondait à quelque chose de fondamental. Maintenant, par le projet de loi avec ses amendements, on étend ce principe.

Bien sûr, il faudra y aller avec une certaine prudence et un gradualisme, mais il sera possible, pour tous les hommes et toutes les femmes au travail, dans les cas où il y a ce qu'on appelle les premiers signes d'altération à la santé, c'est-à-dire avant que s'installe ce qu'on appelle la maladie, c'est-à-dire quelque chose qui devient irréversible, qui ne peut plus être corrigé, qui laisse des traces pour le restant des jours, ce qui fait que des gens vivent d'indemnisations ou de compensations pour le restant de leurs jours, qui restent handicapés partiellement pour le restant de leurs jours, sur certificat médical et à certaines conditions prévues par le projet de loi, d'être affectés à une autre tâche qu'ils sont raisonnablement capables d'accomplir ou alors ils seront retirés préventivement de l'entreprise et compensés en conséquence pendant ce temps-là sur la base de 90% de leur salaire net avec des droits de retour au travail jusqu'à ce que, premièrement, leur situation personnelle, sur le plan de leur santé, soit rétablie puisqu'on essaie de dépister de façon précoce cette situation pour corriger le problème afin qu'ils puissent, leur problème personnel étant réglé, réintégrer leurs fonctions. Dans les cas où cela ne serait pas possible, avec un effort de politiques de réadaptation comme jamais on ne l'a fait

par le passé, alors que c'est possible cela aussi, de préparer la réadaptation dans un autre milieu de travail.

En même temps, cela permettra aussi, à partir de ce cas, de développer ce qu'on appelle une approche — dans le jargon, les médecins l'appellent ainsi, — épidémiologique. La façon normale de le dire dans notre jargon courant, c'est de dépister à partir de ce cas, de se poser la question. J'évoquais le cas de cette entreprise de la Rive Sud où on a découvert qu'il n'y avait pas un travailleur de cette entreprise, flambant neuve, de six mois d'existence, qui n'était pas intoxiqué au plomb! A partir du moment où on découvre un cas, on doit s'en servir comme une source, un point de départ non seulement pour corriger son problème, mais comme une forme de dépistage du problème à l'échelle de l'entreprise et, troisièmement, dans la mesure où les technologies, où la science a évolué et nous permet de corriger le problème à la source, qu'on fasse en sorte que soit ajusté le plan de l'entreprise pour corriger à la source le problème de telle sorte que ça devient, sur tous les plans, rentable pour tout le monde et pour l'ensemble de la société. C'est ce que j'appelle la jonction, la fin de ces distinctions artificielles avec les culs-de-sac dans lesquels cela nous mène entre le social et l'économique, qu'on puisse faire une jonction des deux dimensions. (12 h 50)

II y a des entreprises... Je ne la nommerai pas, mais certains vont peut-être se rappeler qu'il y a une entreprise, qui fabrique des produits dangereux, qui utilise des procédés et des matières dangereuses pour fabriquer ces produits, qui est une très grosse entreprise nord-américaine qui fonctionne au Québec, aux Etats-Unis et dans le monde mais qui, précisément, est une de ces entreprises qui a les taux d'accidents et de maladie les plus bas de tout le continent nord-américain. Pourquoi? Parce qu'elle en a fait comme une espèce d'obsession. Elle a fait la preuve que c'était possible que le taux, le nombre d'accidents dans cette entreprise diminue, sur un certain nombre d'années, de façon draconienne.

Une Voix: ...

M. Marois: Comme par hasard, c'est précisément l'entreprise qui n'est pas un détail, c'est DuPont de Nemours. Cette entreprise, comme par hasard — c'est amusant et en même temps intéressant, je pense à quel point c'est significatif — c'est précisément l'entreprise... Vous savez, chaque année, on remet les Oscars aux Etats-Unis. Il y a cette grande émission de télévision où on remet des prix aux vedettes de cinéma. Je ne sais pas — pour ceux qui l'ont vue, c'était frappant — moi, je ne l'ai pas vue, on me l'a raconté. C'était frappant. Le commanditaire principal de l'émission était précisément DuPont et le contenu du commercial, la thématique du commercial était justement la santé et la sécurité.

Ils ont fait la preuve que c'était possible et que c'était à la fois en même temps aussi rentable, sur tous les plans. La productivité — quand j'entends des fois des théories sur la productivité — ce n'est pas une abstraction; la productivité, ce sont des humains qui sont au travail. C'est évident que si les conditions de travail sont insalubres, inqualifiables, qu'à côté tu vois constamment des gens qui sont atteints de maladies, tu te dis: Diable, quand est-ce que mon tour va arriver? Je vous jure que le rendement et la productivité viennent d'en prendre pour leur rhume. Qu'on ne se raconte pas d'histoire sur le genre de climat qui peut régner à l'intérieur de l'entreprise en conséquence; cela affecte non seulement les humains, cela affecte tous les autres plans aussi.

Alors, il y a ce retrait préventif. Forcément, il faudrait y aller avec gradualisme dans l'implantation et l'ouverture du retrait préventif, au fur et à mesure qu'on pourra cerner, sur le plan scientifique et médical, les types d'altération et également les techniques, les technologies permettant de corriger à la source.

Je voudrais aussi indiquer — il me semble que c'est extrêmement important, M. le Président — que pour les femmes qui sont au travail, dans le cas où sur certificat médical il serait indiqué que les conditions de travail présentent des dangers, soit pour la mère, la femme qui est enceinte, ou pour l'enfant à naître, le même retrait préventif, ou déplacement préventif sera prévu et sera prévu jusque, s'il faut que la femme soit retirée de l'entreprise, à l'accouchement. Donc, on étend le principe par rapport à ce qui était prévu avant les amendements qui sont inclus dans le projet de loi qui est devant nous. On a aussi inclus le cas de la femme qui allaite au travail. On sait que certains produits hautement toxiques peuvent, à toutes fins utiles, avoir un effet d'intoxication très grave, très sérieux, sur l'enfant.

En ce qui concerne l'ensemble de ces droits, nous avons voulu assurer une protection aux hommes et aux femmes qui exercent des droits. Ainsi, le projet de loi prévoit qu'aucune mesure disciplinaire, et à la demande de la Commission des droits de la personne, nous avons ajouté aussi aucune mesure discriminatoire, aucune mise à pied, aucune suspension, ne peut être prise à cause du fait que quelqu'un a exercé l'un ou l'autre — et normalement — droit qui lui est reconnu par le présent projet de loi.

Bien sûr, s'il y a abus de droit, s'il y a abus dans l'exercice du droit, s'il y a abus dans l'exercice d'une fonction, à ce moment-là, forcément il y a des sanctions puisque la première étape c'est un renversement de fardeau de preuve. Ce que nous ajoutons, par rapport au projet de loi initial, c'est que dès que quelqu'un se croit lésé dans ses droit, se croit l'objet d'une mesure disciplinaire quelconque, à cause du fait, à son avis, qu'il a exercé un droit qui lui est prévu par la loi, et cela vaut parce qu'il faut penser non seulement aux hommes et aux femmes qui sont syndiqués mais à ceux qui ne sont pas organisés.

Ils auront le droit de s'adresser au commissaire du travail, lequel, très rapidement rendra d'abord une première décision. Est-ce que, oui ou non, cette personne a exercé un droit qui lui est reconnu par la loi? Est-ce que l'employeur plaide

qu'il y a eu abus et est-il capable de le prouver? S'il n'a pas de preuve de cela, avant de discuter du fond de la question, le commissaire du travail ordonnera à l'employeur de reprendre cette personne à son emploi, de lui verser le salaire qui lui est dû jusqu'à ce qu'une décision finale soit prise pour que des gens ne soient pas pénalisés et qu'à toutes fins utiles, ce soient des droits de papier qui ne correspondent à rien dans la réalité, conformément, d'ailleurs, à des suggestions qui sont venues en commission parlementaire et qui ont été évoquées aussi même par des députés de l'Opposition sans compter, bien sûr, forcément, par les députés de la majorité.

Il est également prévu dans le projet de loi qu'on reconnaît le droit aux hommes et aux femmes qui sont au travail d'être représentés par une personne de leur choix — ce qui est nouveau — lorsqu'il y a appel de décisions de la Commission des accidents du travail et éventuellement, de la nouvelle commission, à la Commission des Affaires sociales. On sait que c'est une demande qui est formulée depuis longtemps par les représentants des hommes et des femmes qui sont au travail et il nous semble que c'est une demande légitime de leur choix d'une personne — cela pourrait être un avocat, un représentant syndical ou une personne qu'ils choisiront eux-mêmes et elles-mêmes.

Il est également prévu le droit d'avoir — qu'il y ait un comité conjoint ou qu'il n'y en ait pas — un représentant à la prévention dans les entreprises, quelle qu'en soit la taille, c'est-à-dire essentiellement de reconnaître l'idée qu'ils aient droit à un minimum de permanence de quelqu'un qui est libéré pour les aider, leur donner un coup de main, simplement pour réétablir un équilibre normal et justre entre les parties comme cela existe d'ailleurs en Ontario. J'ai été heureux de constater que certains employeurs reconnaissaient non seulement le bien-fondé, mais acceptaient cette formule. Dans le cas où il y a un syndicat qui existe, le représentant en prévention sera choisi selon les procédures normales par le syndicat. Dans le cas où il n'y a pas de syndicat, il sera choisi par l'ensemble des travailleurs qui sont dans l'entreprise. Ce représentant à la prévention, on a précisé ses pouvoirs dans le projet de loi. Il pourra enquêter sur les lieux de travail. Il pourra assister les hommes et les femmes lorsqu'ils exercent l'un ou l'autre des droits qui sont prévus, notamment, le droit de refus. Il pourra faire venir l'inspecteur. Il pourra porter plainte auprès de l'inspecteur. Il pourra accompagner l'inspecteur. Pour la première fois, on reconnaît dans nos lois et il était peut-être temps, pourquoi la partie patronale a le droit d'accompagner un inspecteur quand il se présente. Pourquoi les hommes et les femmes qui sont au travail n'auraient-ils pas le droit d'accompagner l'inspecteur par leur représentant? Pour avoir fait personnellement et avec d'autres membres de cette assemblée, des visites d'usine, on sait que les uns nous montrent certains aspects, d'autres nous en montrent d'autres. La seule façon d'en avoir un portrait complet, c'est que chacun puisse accompagner l'inspecteur, le droit d'enquêter à l'occasion d'accidents, de faire des recommandations en conséquence également. Il sera protégé dans l'exercice de ses fonctions de la même façon que le seront les hommes et les femmes qui exerceront l'un ou l'autre des droits qui sont prévus par la présente loi.

La Vice-Présidente: Excusez-moi, M. le ministre, il est 13 heures.

Une Voix: II y a consentement de continuer.

M. Bertrand: Mme la Présidente, comme le ministre doit terminer à 13 h 7, il y a un consentement obtenu avec la collaboration de l'Opposition pour que nous puissions terminer le discours du ministre en deuxième lecture.

M. Brochu: Cela n'a pas été demandé mais on peut le donner.

Le Vice-Président: De consentement, allez, M. le ministre.

M. Bertrand: Merci, je pensais que cela avait été demandé.

M. Marois: L'Opposition est bien bonne. Merci, M. le Président. En plus de ce représentant à la prévention, il y a également un assouplissement qui a été apporté dans le cas des comités de santé et de sécurité. Je voudrais surtout insister, étant donné que le temps passe rapidement, sur le fait que, conformément à des demandes qui ont été faites, on a élargi les pouvoirs des comités de santé et de sécurité. Bien sûr, que ces comités existeront dans les entreprises où il y aura plus de 20 travailleurs. En plus d'avoir un pouvoir décisionnel sur les équipements de protection individuel ou collectif, sur les programmes de formation et d'information, en plus de choisir le médecin qui sera responsable de la santé au travail, ils auront à approuver le programme de santé, ils auront le droit d'être consultés sur le programme de prévention, c'est-à-dire d'ajustement de l'entreprise aux normes et aux règlements et de faire valoir leur point de vue, en conséquence, auprès de la commission et le cas échéant, si cela ne devait pas respecter les normes et les règlements, la commission aurait le pouvoir d'intervenir. (13 heures)

Je pense que cela permettra aussi, et cela leur est reconnu comme droit, aux membres des comités, de participer à l'identification et à l'évaluation des risques qui sont reliés au poste de travail, ainsi qu'à l'identification des matières dangereuses qui sont utilisées. Sur ce plan-là, il y a une chose qu'il est extrêmement important de ne pas perdre de vue. Il y a 3000 nouveaux produits chimiques qui sont synthétisés par année. Là-dessus, il y en a 500 chaque année qui trouvent une utilisation industrielle.

Par ailleurs, en tout et pour tout, il n'y en a que 650 pour lesquels il existe des normes. Il n'y a

aucune loi qui, jusqu'à maintenant, n'obligeait les entreprises à fournir et les fournisseurs surtout de ces matières dangereuses, des produits toxiques, à faire connaître les composés, à faire connaître tout simplement le fait qu'ils les mettent sur le marché. Or, c'est une information qui est essentielle si on veut en arriver à développer des programmes de prévention. Comment peut-on y arriver quand on ne connaît même pas les produits qui sont utilisés dans l'entreprise? Non seulement la teneur de ces produits devrait être connue mais, lorsqu'il s'agit de produits nouveaux, il faudra l'autorisation de la commission, il faudra faire la preuve. La commission aura le pouvoir, le cas échéant, de déclencher des enquêtes, des études, des recherches pour s'assurer que ces produits sont sécuritaires ou que les procédés d'utilisation le sont parce que tout cela est aussi relié à la dimension de la santé comme je l'évoquais.

C'est une médecine curative. L'approche l'est fondamentalement maintenant quand on regarde la partie du dossier santé de passer à une médecine qui, bien sûr, va continuer à donner des soins aux gens, cela est certain, mais, en même temps, va viser à dépister les problèmes. Dans ce sens, nous maintenons ce qui était évoqué, que c'est la fin de ce que les uns ont appelés les médecins de compagnie, c'est-à-dire que les médecins ne seront plus salariés des entreprises. Il n'y a là non seulement un problème de crédibilité qu'on a constaté — il faut dire les choses telles qu'elles nous sont communiquées et telles qu'on les constate — mais il fallait que cela change. Les médecins seront dorénavant rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ils seront choisis selon les critères normaux, sur la base des compétences des uns et des autres.

Egalement, en ce qui concerne les services de santé, on introduit un élément de souplesse qui permettra aux entreprises, dans la mesure où il y a consentement des représentants des travailleurs et dans la mesure où les services existants répondent aux normes et aux minimums de base parce que l'objectif, ce n'est pas de réduire, de diminuer, de niveler par le bas la qualité des services, mais, au contraire, d'en développer. On se raconte des histoires là-dessus. Il n'y a pas 100 médecins présentement qui font du travail à temps plein dans des entreprises. On a la, non seulement le problème de crédibilité qui a été évoqué, mais un manque qu'il faut absolument corriger.

C'est aussi notre intention de donner, par le projet de loi, beaucoup plus de pouvoirs aux inspecteurs, d'assurer une présence permanente en région de l'inspection, qu'ils puissent être rapidement sur les lieux. Il faut réorganiser, regrouper les services d'inspection. On doit incessamment décider du rattachement ou non à la Commission des services d'inspection et, aussi, du choix du ministre qui sera responsable de l'administration de la réforme.

Les sanctions seront beaucoup plus sévères que par le passé. Cela pourra aller jusqu'au retrait du permis d'opérer et je pense en particulier au cas des entreprises de la construction. La période pour poursuivre et loger et prendre des poursuites sera aussi allongée. Une chose extrêmement importante à signaler, c'est que le gouvernement lui-même et ses prolongements publics, parapublics vont dorénavant tomber sous la coupe de la loi ce qui n'était pas le cas par le passé. Tout cela, M. le Président, je pense, nous indique qu'on peut arriver au Québec à faire ce qui s'est fait dans d'autres coins, en Saskatchewan, en Allemagne, notamment, où là il y a plus de quatre, cinq ans d'expérience. On constate partout une chose, c'est qu'avec des réformes du genre basées sur leur réalité au bout de quatre, cinq ans, il y a une brisure, une cassure dans le nombre d'accidents et de maladies de l'ordre de 15% à 20%, par exemple, en Allemagne. On est capable ensemble peut-être au point de nous étonner nous autres mêmes de ce qu'on peut réaliser quand, non seulement on s'en donne les moyens, mais qu'on se donne la peine de s'y mettre, c'est un gros défi. Il est sûr qu'il faut miser sur la responsabilité, l'implication de chacun des agents socio-économiques et aussi du gouvernement.

Je ne vous cacherai pas que c'est avec beaucoup de fierté que je pilote cette réforme qui était tellement attendue et si elle était venue plus avant depuis le temps qu'on en parle, il y a peut-être des hommes et des femmes qui ne sont plus là aujourd'hui, mais qui y seraient encore si des réformes comme celle-là avaient été faites plus rapidement. En ce sens, je dirais simplement, en terminant, je voudrais simplement citer ce qu'on mettait en tout début du livre blanc quand on l'a publié, une politique de développement social doit comporter l'ambition légitime de créer les conditions qui permettront que soient reconnues la valeur et la dignité fondamentales de l'être humain sur tous les aspects de son existence, dans tous les lieux de son activité et de façon privilégiée une telle reconnaissance doit être garantie là où la majorité des citoyens et des citoyennes passent une grande partie de leur vie, c'est-à-dire, au travail.

Cela passe par une réforme, aussi fondamentale soit-elle, qu'elle implique un changement de cap important, j'en conviens, mais aussi fondamentale soit-elle, cela passe par une réforme comme celle-là et j'invite simplement, en terminant, cette Assemblée nationale à adopter à l'unanimité le projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité des travailleurs avant Noël pour qu'au moins on puisse le laisser, j'allais dire presque comme un cadeau, mais ce n'est pas un cadeau parce que c'est essentiellement et fondamentalement quelque chose qui est non seulement mérité, mais qui est un droit pour les hommes et les femmes au travail au Québec.

Le Vice-Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je demande la suspension du débat et l'ajournement de nos travaux.

Le Vice-Président: Les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.

Suspension de la séance à 13 h 7

Reprise de la séance à 15 h 8

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Cette Assemblée est invitée à reprendre le débat sur la motion de M. le ministre d'Etat au Développement social, proposant la deuxième lecture du projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

M. le député de Portneuf avait demandé la parole au moment de la suspension.

M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, 12 décembre, nous étudions effectivement en deuxième lecture le projet de loi no 17, projet de loi qui est le résultat évidemment de beaucoup d'échanges, quelques tonnes de papier certainement qui ont été produites, tant en commission parlementaire qu'au chapitre des analyses faisant suite au livre blanc et des commentaires faisant suite au projet de loi no 17 dans sa première version, et évidemment au projet de loi no 17 tel que réimprimé et déposé, il y a quelques jours.

Mme la Présidente, au Québec, en 1978, c'est le cas que 200 travailleurs sont décédés à la suite de ce que l'on a considéré être des accidents ou des maladies reliés à leur travail. Au cours de cette même année, effectivement, malheureusement, plus de 308 000 accidents du travail ont été rapportés à la Commission des accidents du travail et la commission a, de plus, ouvert au cours de cette année, 6500 nouveaux dossiers relatifs à des maladies reliées au travail.

Les conséquences sociales d'un tel état de fait sont faciles à comprendre, faciles à saisir. Sur le plan économique, les chiffres publiés par le gouvernement font état de déboursés en frais d'indemnisation directs de la part de la Comrnision des accidents du travail d'un montant de l'ordre d'un demi-milliard de dollars pour l'année 1978. Bien entendu, ces chiffres ne tiennent pas compte des coûts indirects qui découlent des décès, des maladies, des accidents du travail, lesquels sont certainement supérieurs aux coûts directs eux-mêmes. (15 h 10)

Ces quelques statistiques rapportées plus haut et citées par le gouvernement justifient une action à court terme de la part de celui-ci. Je pense que tout le monde, tous les intervenants dans le débat ont constaté que le gouvernement devait intervenir; nous y avons souscrit et je pense que tous les interlocuteurs, tant dans le monde syndical que dans le monde patronal ont souscrit à l'idée d'une intervention législative dans le domaine.

Tout programme d'action suppose cependant qu'on identifie clairement les objectifs que l'on veut atteindre et que l'on se donne des priorités, compte tenu de l'accessibilité et de la disponibilité des ressources que l'on veut bien investir dans un domaine donné.

Jusqu'ici, ni dans son livre blanc, ni ailleurs le gouvernement ne nous a fait part de quelque étude comparative que ce soit entre la situation qui prévaut ici, au Québec, par rapport à celle qui prévaut dans d'autres provinces ou dans d'autres pays. De la même façon, il ne nous livre pas les analyses qu'il a dû faire en ce qui concerne les causes principales des décès, accidents et maladies de même qu'il ne semble pas s'être soucié de comparer les statistiques provenant des différents secteurs industriels.

Cette absence de recherche plus poussée de la part du gouvernement est lourde de conséquences, elle explique probablement le fait que la réforme qu'on nous propose en soit une de structure d'abord et avant tout, elle explique aussi très certainement le fait qu'à l'intérieur de cette réforme on ne puisse déceler que très peu d'actions prioritaires concrètes qui devront être entreprises et qui sont directement reliées à la santé et à la sécurité des travailleurs. Le livre blanc a été déposé, il nous a conviés à prendre connaissance de certains engagements du gouvernement, à certains voeux formulés par le gouvernement. Ce livre blanc sur la santé et la sécurité au travail nous conviait, on s'en rappellera — c'est là l'essentiel de tout le débat, c'est d'ailleurs là l'essentiel de mon intervention aujourd'hui — à un programme global dont le but ultime était l'élimination des accidents du travail et les maladies professionnelles. Or, ce n'est pas ce qu'on retrouve dans le projet de loi no 17, ni tel qu'il était rédigé au début, ni celui qui a été réimprimé.

Le projet de loi nous apprend maintenant que le gouvernement vise à établir des mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles. Autant on nous promettait un programme de santé et de sécurité au travail, autant aujourd'hui on nous propose encore une fois, même si le bill a été réimprimé, des mécanismes de participation.

J'aimerais, dans un premier temps, dresser un tableau que je veux le plus sommaire possible de ce qui est prévu dans le projet de loi no 17, de ce qu'il contient. Le projet de loi, pour réaliser cet objectif de mettre sur pied des mécanismes de participation qui, ultimement, pourront favoriser une situation où il y aura moins d'accidents, moins de maladies industrielles et un meilleur contrôle de la santé et de la sécurité au travail, un premier élément qui s'en dégage c'est que le projet de loi vient rapatrier sous une même autorité la quasi totalité des éléments du cadre législatif applicable au domaine de la santé au travail. C'est notamment le cas de la nouvelle commission, la Commission de santé et de sécurité au travail, c'est-à-dire l'ancienne Commission des accidents du travail qui est susceptible de devenir, quelques jours après l'adoption de cette loi, si elle est adoptée telle quelle, la Commission de santé et de sécurité au travail, une commission qui aura une composition paritaire, c'est-à-dire formée de sept personnes nommées à partir des associations

représentatives syndicales et sept autres personnes nommées à partir des associations représentatives patronales: un président directeur général à temps plein qui, lui, sera nommé par le gouvernement, des vice-présidents et, évidemment, un observateur du ministère des Affaires sociales. Cette commission, ses fonctions, ses pouvoirs, il y en a beaucoup, Mme la Présidente.

La première fonction, c'est d'élaborer, de proposer et de mettre en oeuvre des politiques relatives à la santé et à la sécurité des travailleurs. Sa deuxième fonction principale, c'est d'établir les priorités d'intervention en matière de santé. Ici, je veux me référer à l'article 167 qui prévoit les pouvoirs de ladite commission. Vous me permettrez, Mme la Présidente, de le faire. On constate que la commission a pas moins de 17 pouvoirs particuliers. En fait, l'ensemble des pouvoirs ou la très grande majorité des pouvoirs sont centralisés, la quasi totalité du pouvoir législatif et d'intervention dans ce domaine, du pouvoir réglementaire, dis-je, est confié à la Commission de santé et de sécurité du travail.

Le deuxième élément prévu dans le projet de loi, c'est que le gouvernement fait sien le principe, exprime sa volonté de confier au réseau public l'organisation et la dispensation des services de santé sur les lieux de travail. Je fais référence ici à l'article 109 du projet de loi et même de le citer, un des éléments de fond du projet de loi. La Commission de santé et de sécurité du travail, qui serait éventuellement formée, conclut avec chaque centre hospitalier où existe un service de santé communautaire, un contrat aux termes duquel le centre hospitalier s'engage à assurer les services nécessaires à la mise en application des programmes de santé au travail sur le territoire délimité par le contrat.

Cela veut donc dire qu'à compter de l'adoption du projet de loi no 17, s'il est adopté tel quel, on fait déborder du cadre actuel et on remet dans les mains du réseau public les centres hospitaliers, les services de santé communautaires dans certains centres hospitaliers, on leur donne plein pouvoir, pleine juridiction au chapitre du contrôle et de la dispensation de certains services. On pourra y revenir ultérieurement.

Troisième élément de fond qui sous-tend et qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est de confier au réseau public — j'en ai fait état — et l'établissement du principe de la parité à l'égard de l'ensemble des actions, des décisions et des démarches relatives à la santé et à la sécurité à l'intérieur de l'entreprise. On aura ce qu'on appelle communément des comités paritaires. Le libellé exact, ce sont des comités de santé et de sécurité du travail qui seront formés à partir des dispositions de l'article 78, lesquels seront formés des représentants de l'employeur et des représentants des employés ou, encore, du syndicat.

On introduit dans le projet de loi la notion d'un représentant à la prévention qui aura, lui aussi, beaucoup de pouvoirs, beaucoup d'attributs, et qui sera habilité à exercer certains de ses pouvoirs à l'intérieur de l'entreprise et j'aurai l'occasion de revenir tout à l'heure sur le sujet.

Le quatrième élément prévu, c'est la quasi-universitalité du champ d'application de la loi. Le gouvernement sera lui-même lié par la loi à ces sociétés et nous avons déjà eu l'occasion d'y souscrire et de dire oui à cette mesure mécanique à l'intérieur du projet. Le projet est aussi susceptible de s'appliquer à toute entreprise de plus de 20 employés. Au début, c'était "des employés" dans la version initiale. Le projet de loi no 17, tel que réimprimé prévoit que tout ce mécanisme de comités paritaires, de programmes de santé au sein de chacune des entreprises devra être appliqué dans toutes les entreprises de plus de 20 employés et même dans certaines entreprises de moins de 20 employés lorsque la Commission de santé et de sécurité au travail, par règlement, dira: Dans tel secteur, même s'il y a moins de 20 employés, vous devez élaborer un programme de santé, avoir un comité paritaire et vous conformer à toutes les dispositions à la fois législatives et les dispositions réglementaires qui sont nombreuses dans le projet de loi.

Au cours de cette commission parlementaire, dans tout ce débat, l'Opposition officielle, mes collègues et moi-même nous sommes associés, dans une certaine mesure, par une contribution qui a certainement été au-delà de toute partisanerie, une contribution qui, je l'espère, a été utile et on le verra, compte tenu des amendements qui pourront être apportés, qu'on apportera entre la deuxième et la troisième lecture. Nous avons entendu effectivement 63 groupes, analysé 70 mémoires. On a eu des échanges de fond régulièrement, constamment, tant avec les groupes qu'avec les parties qui comparaissaient, qu'entre le ministre et les membres de la commission autour de la table. J'ai eu l'occasion, au nom de ma formation politique, de faire part au gouvernement de la position que nous adoptons face à cette intervention législative du gouvernement dans le secteur de la santé et de la sécurité du travail. Nous avons voulu explorer avec le gouvernement des avenues possibles d'intervention et quant à moi, je dois vous dire que j'en sors quand même satisfait, même si je suis un peu déçu des travaux de cette commission dans le sens que j'aurais souhaité, évidemment — et c'est là le propre d'un parlementaire qui intervient — que le projet de loi, tel que réimprimé, traduise davantage les volontés, les suggestions que nous avons formulées lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire. De toute façon, on aura l'occasion de revenir sur le sujet. (15 h 20)

Ce a quoi avec quoi nous ne sommes pas d'accord, Mme la Présidente, c'est que le principe de fond du projet de loi, c'est le caractère immédiatement universel du programme de santé qui est édicté par la commission. Ce que nous avons soutenu en commission et ce que nous continuons à soutenir, c'est l'obligation qu'a le gouvernement d'intervenir dans des secteurs prioritaires bien identifiés dans le livre blanc. L'obligation qu'il a de reconnaître et de maintenir des programmes de santé éprouvés et efficaces qui existent dans plusieurs établissements. Je m'explique, Mme la Présidente. Ce que la commission de

santé et de sécurité fera, c'est évidemment d'adopter un programme global des normes générales qui s'appliqueront à l'égard de toutes les entreprises du Québec. C'est l'universalité du pouvoir et de l'obligation qui sera faite par la Loi à la commission de santé et de sécurité d'édicter et d'adopter des normes qui, elles, s'appliqueront à toutes les entreprises du Québec.

Le livre blanc nous donnait des statistiques, entre autres, à la page 43, du nombre de décès, le taux de mortalité par secteur d'activité économique. Le livre blanc nous informait aussi du nombre de maladies industrielles déclarées à la CAT, selon les secteurs de l'activité économique. Somme toute, notre position est la suivante. Plutôt que de se lancer dans une réforme globale, universelle, à l'égard de laquelle on peut avoir beaucoup de réserves — et je reviendrai là-dessus tantôt — le gouvernement aurait dû, dans un premier temps, déterminer les secteurs prioritaires d'intervention où il faut intervenir où il faille intervenir. Il y a certains secteurs de l'industrie manufacturière, le secteur de la forêt, notamment, entre autres, en ce qui concerne la statistique énoncée à la page 43 du livre blanc, en ce qui concerne les personnes décédées en 1975. Le gouvernement n'a pas retenu notre suggestion qui est une distinction de fonds entre ce que nous préconisons et l'approche gouvernementale. Quand je soutiens et que nous soutenons de ce côté-ci de la Chambre, comme nous l'avons fait, d'ailleurs, en commission parlementaire, que le gouvernement ne doit pas se laisser aller et tomber dans recueil d'un nivellement vers la base, c'est que nous craignons. Quant à nous, en ce qui concerne certaines entreprises du Québec, compte tenu que le programme qui sera adopté, les normes qui seront édictées par la Commission de santé et de sécurité, seront nécessairement générales, ce sera un programme général applicable à l'industrie, aux entreprises en général.

Nous craignons que, dans certains cas, cela amène un nivellement vers la base et cela revient, Mme la Présidente, au deuxième élément de mon argumentation et la distinction qu'on a en termes de principes avec le gouvernement, c'est que c'est vrai que dans certaines entreprises au Québec, il s'est fait des choses qui sont tout à fait concluantes. D'ailleurs, Mme la Présidente, le ministre et moi avons eu l'occasion, à la lecture des mémoires, d'entendre plusieurs groupes du secteur privé, des représentants de certaines industries manufacturières. On est à même de constater que les efforts non seulement louables ont été faits, mais des efforts qui ont donné des résultats bien concrets et bien tangibles.

Le ministre donnait l'exemple d'une compagnie tout à l'heure: DuPont. C'est vrai que des entreprises comme celles-là ont déployé des énergies. Elles se sont associées avec leurs employés et sont arrivées à des résultats dans des délais assez brefs et des résultats qui sont dignes de mention.

Lorsque nous demandons et lorsque nous soutenons de reconnaître que le gouvernement a l'obligation de reconnaître et de maintenir certains services existants, ce n'est pas cautionner tout ce qui a été fait par certaines entreprises. Je l'ai dit en commission parlementaire; je le redis ici. Il est vrai qu'il y a eu des abus. Il est vrai qu'il y a eu des attitudes tout à fait injustifiables de la part de certaines entreprises au Québec, mais ce n'est pas parce que certaines entreprises se sont conduites de façon irresponsable, de façon à être blâmées, qu'on doit, aujourd'hui accepter de faire table rase de tout ce qui s'est fait, de tous les efforts qui ont été déployés pour en arriver à donner à une commission de santé et de sécurité un pouvoir aussi large, un pouvoir aussi important qu'un pouvoir général de réglementer et d'intervenir. On en a eu des exemples concrets et on pourra toujours donner des exemples qui, le plus souvent, sont donnés et cités en référence de cas où l'intégrité physique d'un travailleur a été affectée compte tenu d'une faute lourde, pour ne pas dire une faute criminelle.

Il ne faut pas, pour corriger des situations et des exemples que je peux vous donner, mettre de côté tout ce qui s'est fait dans le passé, mettre de côté l'obligation que le gouvernement aurait d'intervenir dans un secteur prioritaire. Cela ne justifie pas, selon nous, l'action du gouvernement de mettre tout cela de côté pour en arriver à un programme général qui risque d'amener un nivellement vers la base. Il y a eu des exemples, comme l'exemple qui nous a été donné en commission parlementaire où même si un inspecteur, dans certains cas, apposait des scellés sur un équipement et qu'une personne en autorité arrivait le lendemain et disait aux travailleurs "faites sauter les scellés et travaillez avec l'équipement", c'est inacceptable. Ce qu'il aurait fallu dans ces cas, ce n'est pas une réforme nécessairement globale, totale et universelle de la loi et du secteur concerné mais il aurait fallu, entre autres, le respect des règlements et des lois déjà existants.

On a eu des exemples à la Baie James notamment. Un exemple nous a été donné sur une défaillance mécanique qui a été constatée sur un camion. Des avis ont même été envoyés à certaines personnes responsables. Il n'y a pas eu d'action entreprise. Quelques jours après, il y avait des accidents avec des blessés très graves. J'ai déjà donné l'exemple du dynamitage. On a eu des personnes qui sont décédées. Il y a eu des fautes lourdes qui ont été commises. Lorsqu'on demande à un travailleur de perforer — comme on le dit dans le jargon de "driller" — dans un trou où déjà, il y avait eu du dynamitage qui avait entraîné des explosions, on a vu des travailleurs qui sont décédés des suites de cela. On a eu l'exemple qui nous a été donné d'une entreprise qui, après avoir reçu un avis du ministère de l'Environnement de cesser d'envoyer des émanations dans l'air, les a envoyées à l'intérieur de l'entreprise.

C'est condamnable, on en convient. On convient, Mme la Présidente, qu'on se doit non seulement de reprocher des gestes comme ceux-là, mais des gestes comme ceux-là auraient pu être régis en fonction des lois et des règlements déjà existants. Il faut se poser des questions là-dessus.

Même si nous différons d'opinion avec le gou-

vernement sur les éléments de base et de principe d'interventions et d'action contenus dans le projet de loi, il y a lieu de regarder quand même certains aspects à l'égard desquels nous pouvons tantôt être favorables, tantôt défavorables ou à l'égard desquels on peut aussi exprimer certaines réserves. Cette commission de santé et de sécurité, cet empire, ce gros organisme qui sera créé, la première inquiétude que j'ai à son égard, c'est que la commission sera à la fois juge et partie jusque dans une certaine mesure, et on pourra revenir là-dessus en commission parlementaire, parce qu'autant, dans un premier temps, elle édicte des normes, autant dans le cas de désaccord entre les parties, elle tranchera et décidera; entre autres, lorsque les comités paritaires au niveau de l'entreprise ne pourront s'entendre, ce sera la commission de santé et de sécurité qui sera habilitée à trancher les litiges.

De sérieuses interrogations, Mme la Présidente, sur la capacité de gestion d'un tel programme de la part de la commission. Sans vouloir adresser un blâme ou un reproche à la Commission des accidents du travail, on connaît tous et on sait tous et toutes comme députés, Mme la Présidente, les problèmes que connaît la Commission des accidents du travail au chapitre de l'indemnisation. On connaît la lourdeur administrative malheureuse qui existe à la Commission des accidents du travail. On a tous ou toutes été saisis à un moment ou l'autre de notre travail comme député de l'engorgement qui existe dans les bureaux de révision et du temps qu'il faut pour un travailleur d'avoir une décision de la part de la Commission des accidents du travail. Sa capacité, cette commission de santé et de sécurité d'édicter des normes; là je veux reprendre un chiffre que le ministre nous a cité comme étant très intéressant ce matin, il pourra me corriger. Il y avait à peu près 600 nouveaux produits qui étaient susceptibles d'entrer sur le marché à chaque année. On peut s'interroger sur la capacité de la commission de se doter immédiatement des effectifs capables d'évaluer et de recommander l'adoption d'une norme relativement à l'aspect toxique d'un produit. Là je ne veux pas faire entrer dans le débat toute la question des secrets de fabrication. Je ne veux pas entrer dans le débat, on pourra y revenir en commission parlementaire, du pouvoir que le fédéral a, par certains services, de contrôler la qualité des produits qui sont mis sur le marché.

J'hésite à croire que la commission au lendemain de l'adoption de la loi soit capable en un temps, deux mouvements, de se doter des effectifs qui seront capables d'assumer cette responsabilité qui leur est donnée par le projet de loi. La grande crainte que j'ai c'est que la commission pourra statuer sur le caractère de qualité d'un produit quelconque peut-être six mois, un an, 18 mois, peut-être, dans certains cas, deux ans après que ledit produit aura été mis sur le marché. Il y a toute la lourdeur administrative de la commission.

On sait que les gouvernements ont le défaut d'ajouter à la paperasse administrative. Je suis convaincu que vous-même vous l'avez lu le projet de loi no 17, vous avez pris connaissance des pouvoirs de la commission, du pouvoir réglementaire, des avis qui doivent être envoyés à Pierre, à Jean et à Jacques et évidemment à la commission.

La question du réseau public, qui est un élément de fond dans le projet. Le réseau public est un principe évidemment nouveau dans le projet. Le réseau public se voit confier des responsabilités importantes, pour ne pas dire capitales dans l'exercice du contrôle de la santé et de la sécurité. (15 h 30)

La prévention des maladies ou des décès industriels ne peut se réaliser, et cela on l'a soutenu en commission parlementaire, que par une organisation différente du travail et au sein même de l'entreprise, et cela suppose une relation étroite entre la détection des problèmes de santé et la prise de décision relative à l'organisation du travail. En situant au niveau du service de santé communautaire, c'est-à-dire l'hôpital de la région, la détection des problèmes on vient briser cette relation organique au sein de l'entreprise et la transforme en une relation entre l'entreprise et une bureaucratie gouvernementale. C'est un élément sur lequel plusieurs intervenants sont revenus, c'est-à-dire l'obligation de laisser l'initiative dans l'action aux entreprises, sous ce volet.

Il y a aussi lieu de s'interroger à l'égard du réseau public sur l'avenir de ces services de santé communautaire, lesquels n'ont pas été conçus, et on s'en rappellera, pour être des dispensateurs directs de services à la population, mais plutôt pour être des agences de contrôle épidomologique ou plus simplement des services d'inspection dans le sens large de la santé publique dispensée sur le territoire.

De toute façon, je pense que tous en conviennent dans le moment, les services de santé communautaire ne disposent pas actuellement des ressources humaines pour assumer l'immense responsabilité qu'on leur attribue tout d'un coup par le projet de loi no 17. Sous cet aspect des réseaux de santé, nous considérons un autre élément qui est revenu à plusieurs reprises dans nos échanges, la crainte que nous exprimons, la constatation que nous formulons, c'est que nous déplorons le fait que jusque dans une certaine mesure, le gouvernement a tenté de médicaliser le problème. On fait référence au programme de santé, lequel programme devrait être adopté par le comité de santé et de sécurité, les pouvoirs de désigner le médecin. On a parlé beaucoup des médecins, vous vous en rappellerez. Il y a d'autres intervenants dans tout ce débat, dans l'action qui doit être faite peu importe d'où qu'elle vienne pour contribuer à détecter des problèmes de sécurité et contribuer à les régler. Il y a les hygiénistes industriels qui sont venus se faire représenter et qui ont déposé devant la commission et qui ont été à même de nous sensibiliser au rôle important que ceux-ci peuvent jouer dans cette organisation, dans cette structure organique qui est l'entreprise pour détecter d'une part les problèmes et d'autre part apporter des correctifs. Il y a les ingénieurs, il y a les architectes, il y a les fabricants des produits

ou de la mécanique, et cela est un élément qui, selon nous, n'a pas suffisamment été élaboré dans le projet de loi, cette obligation que le gouvernement a de considérer l'approche comme une approche multidisciplinaire.

Au sein de l'entreprise, des réserves à l'égard du comité paritaire. Nous sommes favorables, quant à nous, à la participation accrue des parties, que les parties s'assoient ensemble et que les parties puissent éventuellement se concerter sur certaines actions, mais il faut constater que les pouvoirs véritables sont très limités.

Vu que c'est un élément important du projet de loi, ces comités de santé et de sécurité au sein des entreprises, vous me permettrez de faire référence aux articles 78 et 79. Ce sont des comités qui devront être formés dans toute entreprise de plus de 20 employés ou dans toute entreprise qui sera prévue dans la catégorie des entreprises devant avoir un comité de santé et de sécurité, selon le règlement de la Commission de santé et de sécurité au travail.

Les fonctions du comité de santé et de sécurité à l'intérieur de l'entreprise sont, premièrement, de choisir, conformément à l'article 118, le médecin responsable des services de santé dans l'établissement, d'approuver le programme de santé élaboré par le médecin responsable, d'établir au sein du programme de prévention les programmes de formation et d'information et de choisir les moyens et équipements de protection individuels. Ce sont quatre pouvoirs bien particuliers et très importants dans la vie, dans l'activité de l'entreprise. On constate, à l'article 79, qu'en cas de désaccord au sein du comité de santé et de sécurité, quant aux décisions que celui-ci doit prendre conformément aux paragraphes 1 à 4 de l'article 78, cela veut donc dire que chaque fois qu'au comité de santé et de sécurité on sera en désaccord sur le choix du médecin, sur l'approbation ou non du programme de santé, sur l'établissement du programme de prévention, etc., ce sera, en ultime recours, la Commission de santé et de sécurité du travail, la commission provinciale qui viendra statuer.

Je suis revenu et j'ai insisté là-dessus à plusieurs reprises: là où le comité a des pouvoirs définitifs, pleins pouvoirs, c'est de prendre connaissance des autres éléments du programme de prévention, de participer à l'identification et à l'évaluation des risques, de tenir des registres, de transmettre des informations à la commission et de recevoir une copie des avis d'accidents. Quant à moi, je soutiens que ce ne sont pas de véritables pouvoirs décisionnels qui sont donnés au comité paritaire, en l'occurrence.

Les services d'inspection. Je veux évidemment en dire un mot. Je souscris à l'idée qu'il faille regrouper les services d'inspection. C'est le cas, dans le moment; les actions sont éparses, sont éparpillées un peu à gauche et à droite. On a les services d'inspection dans le monde de la construction à l'OCQ, on a les services d'inspection du ministère du Travail, ceux du ministère des Richesses naturelles ou nouveau ministère de l'Energie, les inspecteurs du ministère de l'Environnement, etc. Il faut, pour que l'action soit beaucoup plus rationnelle, selon moi, beaucoup mieux intégrée, regrouper les services d'inspection sous une même égide quitte à ce que des inspecteurs puissent avoir une spécialité particulière. Cet élément qui fait partie de la mécanique du projet de loi, nous y avons souscrit, nous avons dit oui au ministre.

Il y a cependant une interrogation qu'on peut formuler, c'est qu'est-ce qui arrivera? Là-dessus, j'ai d'ailleurs posé une question au ministre du Travail, lors d'une question avec débat, vendredi il y a trois semaines ou à peu près, sur ce qui arriverait aux inspecteurs qui sont actuellement à l'Office de la construction du Québec. On sait que l'OCQ s'est permis des congédiements, des licenciements il y a quelques jours, le 6 décembre dernier, à l'égad de certains de leurs employés. J'aimerais bien que dans sa réplique, ou tout au moins lors de l'étude du projet de loi article par article, le ministre puisse me confirmer ce qui arrivera des gens qui sont actuellement en place, entre autres, à l'Office de la construction du Québec.

Il y a le représentant à la prévention. C'est une introduction d'un élément nouveau, encore une fois, dans le mécanisme. Ce représentant a beaucoup de pouvoirs en vertu de la loi. Il suffit de regarder l'article 210 pour le constater. Nous sommes d'accord, encore une fois, avec l'idée de cette mécanique qu'une personne au sein de l'entreprise soit préposée à la prévention. Cependant — et c'est là que je veux formuler un commentaire particulier à l'égard du ministre — il faudra absolument que son choix soit fort judicieux si on se réfère aux pouvoirs prévus à l'article 210.

Est-ce que le ministre me permettra de toucher quelques éléments des pouvoirs qui sont attribués au représentant à la prévention? A l'article 210, il est stipulé que le représentant en question a le pouvoir de faire l'inspection des lieux, recevoir copie des avis d'accident et d'enquêter sur les événements, d'identifier les situations qui peuvent être source de danger pour les travailleurs de la construction, de faire des recommandations qu'il juge opportunes au comité de chantier, d'assister les travailleurs de la construction dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus, d'accompagner l'inspecteur à l'occasion de visites d'industries, ainsi de suite.

Il faudra que le trait marquant ou dénominateur commun du travail, de l'action et des efforts, des énergies déployées par le représentant à la prévention soit uniquement et essentiellement basé sur un objectif de santé et de sécurité, de prévention. Il ne faudra pas que les pouvoirs ou les fonctions, ou les attributs de cette personne au sein de l'entreprise débordent le cadre de la santé et de la sécurité. Il ne faut pas que cette personne qui est prévue dans le projet de loi no 17 devienne un agent syndical; il ne faut pas non plus — et je ne crois pas que ce soit là l'objectif recherché — que cela ne devienne un délégué de

chantier comme on a déjà connu, malheureusement, au Québec.

La mise en garde que je veux faire au ministre, c'est que j'espère qu'on sera en mesure, lors de l'étude du projet de loi article par article, d'avoir plus d'information là-dessus; la façon dont, d'une part, il sera désigné par les travailleurs mais la façon dont on peut s'assurer, comme législateur, que ses fonctions ne déborderont pas le cadre particulier pour lequel la fonction a été prévue dans le projet de loi.

Un autre aspect important dans tout ce débat, c'est le droit de refus. Ce sujet a été abondamment discuté; plusieurs ont émis des réserves, d'autres — on le sait en commission parlementaire — sont venus nous dire qu'ils étaient en complet désaccord. Il m'apparaît qu'il n'y a pas de droit plus fondamental, de droit plus naturel que le droit qui appartient à un individu qui est placé dans une situation particulière, à un moment donné de l'exercice de son travail, le droit de dire non à une situation où son intégrité physique est en danger, dans une situation où il a des motifs raisonnables de croire qu'il pourrait être blessé ou qu'il pourrait subir un accident de travail. C'est un droit qui est reconnu par la jurisprudence; c'est un droit qui est même prévu dans certains règlements ou dans plusieurs conventions collectives, entre autres.

Certains craignaient des abus. Il faut appeler les choses par ce qu'elles sont. Les représentations qui ont été formulées, qui ont été faites en commission parlementaire, on a dit au législateur, on a dit au ministre, on a dit aux membres de la commission: Nous craignons que ce droit soit utilisé de façon abusive, que ce droit soit utilisé entre autres, surtout dans les périodes de renouvellement de conventions collectives. (15 h 40)

Quant à moi, Mme la Présidente, on a pris connaissance des statistiques qui ont été invoquées; on a pris connaissance de l'utilisation de ce droit dans d'autres provinces de notre pays et on a constaté qu'il n'y a pas eu d'abus. Quant à moi, je soutiens et j'ai confiance, je suis assuré, dis-je, que la maturité des travailleurs québécois et tout au moins la maturité des travailleurs d'autres provinces. Cependant, on se doit d'émettre une réserve et il faut appeler les choses par ce qu'elles sont. J'espère — et je formule un voeu ici — que ce droit ne sera pas utilisé de façon abusive. J'espère que ce droit ne servira pas à d'autres fins que celles pour lesquelles il a été inclus et prévu dans le projet de loi.

A voir le caractère irresponsable de certains gestes posés par certains syndicats dans certaines circonstances, entre autres, lors des dernières négociations dans les secteurs public et parapublic, à voir le geste irresponsable de certains groupes qui ont même refusé de se conformer à une loi adoptée par l'Assemblée nationale, il y a peut-être lieu d'exprimer certaines réserves. Le pari, on se doit de le faire et on se doit de le faire sur la confiance à l'égard de la maturité des travailleurs du Québec. J'ose d'ores et déjà croire que ce droit sera véritablement utilisé pour les fins pour lesquelles il a été prévu.

Le retrait préventif, un élément quand même très substantiel dans le projet de loi, accorde à un travailleur, lorsqu'il est décelé chez lui le fait qu'il est en contact avec un contaminant, un agent agresseur quelconque, le droit de demander d'être retiré du travail sur production d'un certificat médical et autre. C'est une notion, un élément qui est généralisé dans le projet de loi. Nous avions le retrait préventif dans les cas de la femme enceinte. Le retrait préventif qui devient général s'inscrit dans une démarche de véritable prévention, même si, évidemment, pour que le retrait préventif puisse être exercé, il faut déjà avoir un certain degré de contamination pour être capable de démontrer que le contact du travailleur avec ce produit risque d'avoir des répercussions très graves. Lors de l'étude en commission parlementaire, après la deuxième lecture, nous aurons des questions; je donne immédiatement avis au ministre des questions que nous lui formulerons à cet égard, soit sur le fait que même si c'est un droit qui est tout à fait louable d'introduire dans le projet de loi le retrait préventif, son exercice est quand même limité par l'article 34 du projet où il est clairement indiqué que ce retrait pourra s'effectuer sur la base d'un règlement qui, encore une fois, sera adopté par la Commission de la santé et de la sécurité, ce qu'on n'a évidemment pas l'occasion de discuter ici. Mais encore une fois, même si cet aspect fait partie du mécanisme, même si ce n'est pas un des principes de fond qu'évoque le projet de loi, le retrait préventif en soi est une mesure tout à fait louable. C'est une mesure qui nous paraît justifiée et qui s'inscrit dans le cadre d'une démarche de réelle prévention, de correction à la source même, au moment où la personne est dans un premier contact avec un agent agresseur, mais le ministre devra détailler davantage la façon dont ce pouvoir réglementaire — encore une fois, parce qu'à toutes les pages, il y a des pouvoirs réglementaires — sera appliqué. Le ministre devra nous éclairer sur la façon dont la Commission de la santé et de la sécurité sera appelée à limiter ou à exercer son droit à cet égard.

Cette commission nous a permis, de plus, de formuler certaines demandes au ministre à l'égard de certains éléments spécifiques, entre autres, sur le maintien des services existants. C'est vrai, Mme la Présidente. Il faut reconnaître que, dans certaines entreprises au Québec, il y a du bon travail qui s'est fait, des efforts louables qui ont été faits et il y a des services existants qui sont dispensés au travailleur et qui profitent aux travailleurs du Québec. Le projet de loi prévoit, dans une certaine limite, évidemment, le maintien, le droit pour une entreprise de demander à la Commission de la santé et de la sécurité de maintenir des services déjà existants en date du 20 juin 1979, lors du dépôt de la première version de la loi.

Cet aspect provient des échanges qu'on a eus, entre autres, avec l'Ordre des infirmières. L'Association des infirmières qui oeuvrent en milieu de santé industrielle nous a fait des représentations auxquelles j'ai personnellement souscrit. C'est vrai que, dans plusieurs établissements industriels, plusieurs industries manufacturières, on a déjà

des services de santé; on a des infirmières qui oeuvrent au sein de ces entreprises depuis plusieurs années, des infirmières qui connaissent le degré de "dangerosité", si on peut utiliser le terme, de telle ou telle fonction au sein de l'entreprise, qui connaissent le "know-how" et la technologie de l'entreprise, le contact quotidien des employés et des travailleurs et des travailleuses avec certains agents agresseurs, le risque de certains accidents qui sont plus susceptibles d'arriver que d'autres, etc.

La relation entre l'infirmière et le travailleur va aussi loin que, dans plusieurs cas, l'infirmière à l'intérieur d'un établissement va connaître le dossier de santé de la très grande majorité des travailleurs. C'est souvent la personne qui sera capable de formuler des recommandations ou bien souvent d'agir plus particulièrement au niveau de la prévention en recommandant aux travailleurs tels ou tels gestes ou tels ou tels examens périodiques ou autres.

Ce que le projet de loi initial prévoyait, c'était que ce service ne pourrait pas être validé, ne pourrait pas continuer comme il l'était dans le passé. Ce qui serait arrivé avec le projet de loi no 17, dans sa première version, c'est que le département de santé communautaire aurait mis sur pied des équipes volantes d'infirmières avec mandat de travailler dans plusieurs industries et plusieurs entreprises de la région ou du comté donné. Le gouvernement a donné suite aux représentations qui ont été faites, à savoir le maintien des services existants en date du 20 juin et, quant à moi, je suis heureux de constater, sous cet aspect technique de la loi, que les infirmières et les établissements commerciaux, industriels pourront présenter une requête pour garder les infirmières et les services actuellement dispensés au sein de leurs entreprises.

Un autre aspect sur lequel on a élaboré, mais pas trop longuement — nous sommes revenus à quelques reprises, on a eu des mémoires très intéressants sur le sujet, entre autres, par des groupes universitaires — cela a été l'aspect de la recherche. L'aspect de la recherche, c'est que la Commission de santé et de sécurité, l'empire encore une fois, pourra octroyer des subventions, des contrats à des organismes pour effectuer telle ou telle recherche sur tel ou tel problème en particulier. Les représentations que nous faisons c'est que le gouvernement aille au-delà des dispositions de la loi 17, qu'il modifie le projet de loi tel que libellé dans le moment et qu'il fasse le partage, parce qu'il faudra éventuellement que le partage soit fait et que des responsabilités particulières soient attribuées dans le cadre de la recherche. On a plusieurs intervenants. On a les universités qui font la recherche dans le moment. On a le Centre de recherches industrielles du Québec. On a certaines entreprises dans certains secteurs de l'économie qui ont leurs propres services de recherche. On a les fabricants qui, eux, font de la recherche. J'ai eu l'occasion de formuler certaines propositions au ministre, entre autres, sur ce que j'avais eu le privilège de constater au Centre de recher- ches industrielles de Nancy où est élaboré ou existe une structure permettant aux entreprises, entre autres, aux petites et aux moyennes entreprises de contracter avec un centre de recherche pour la correction et la modification pour trouver la solution à certains problèmes donnés.

L'accent devrait davantage porter sur l'aspect de la recherche. La Commission des accidents du travail, comme la Commission de santé et de sécurité dans quelque temps sera à même de déceler et de constater là où il y a le plus de réclamations, là où il y a des problèmes, si le gouvernement clarifiait toutes les questions de la recherche, plutôt que de se laisser strictement à un pouvoir appartenant à la commission de passer certains contrats, on pourrait voir naître, à l'intérieur du projet de loi no 17, une structure particulière où seraient coordonnées toutes les activités à l'intérieur de la recherche.

Mme la Présidente, c'étaient les aspects particuliers de la technique, du mécanisme que je voulais expliquer à l'égard du projet de loi. Nous avons fait, je pense, du bon boulot en commission parlementaire. Cela a duré plusieurs jours, on a entendu plusieurs intervenants, tant du monde patronal que du monde syndical, d'autres intervenants dans certains secteurs particuliers, entre autres, dans le secteur de la santé. Ce débat a été utile. Ce débat était nécessaire pour entendre les parties entre la première et la deuxième lectures. Ce débat a conduit à certaines modifications, à certains amendements. Tout au long des travaux de cette commission, nous avons, de l'Opposition officielle, entre autres, formulé des recommandations particulières au ministre. Notre contribution, la façon dont nous nous sommes associés à la commission parlementaire a été de formuler des propositions sous deux volets tout à fait distincts. Un premier volet de fond, un volet fondamental qui va au niveau des principes mêmes du projet de loi et le volet de la technique. Sur les volets de la technique et du mécanisme à définir, à mettre par écrit et à libeller, à plusieurs, nous nous sommes entendus sur certains sujets bien particuliers, bien spécifiques. Je fais référence, entre autres, à la reconnaissance des services existants, au droit de refus, au retrait préventif. (15 h 50)

Sur d'autres aspects, on a émis des réserves; on a formulé des questions. On n'a pas toujours eu des réponses qui étaient satisfaisantes mais je pense qu'il faut accepter cela en politique. Mais, il y a un élément fondamental sur lequel je suis revenu souvent. J'ai même été taxé, à certains moments, de me répéter. C'était l'obligation qu'a le gouvernement... parce que autant la situation est urgente, autant nous sommes d'accord avec le postulat voulant qu'on doive intervenir, autant on ne peut demeurer insensible à plus de 200 personnes par année qui perdent la vie suite à un accident de travail ou à une maladie industrielle, autant on ne peut demeurer insensible à près de 6000 dossiers par année et 300 000 réclamations, autant, je pense, on ne peut pas manquer notre coup avec ce projet de loi. On ne peut pas se

permettre, comme législateurs, comme société, de s'en aller dans une réforme qui est universelle, globale et au bout de laquelle il y a trop d'inconnu, au bout de laquelle on a, entre autres — cela, c'est un élément bien concret — aucune preuve.

Rien ne nous permet de croire, entre autres, que, dans un délai immédiat, l'année prochaine ou dans un délai peut-être un peu plus long mais quand même dans un délai immédiat, on pourra avoir une diminution sensible des accidents de travail au Québec. Rien ne nous garantit qu'il y aura moins de personnes qui mourront l'année prochaine ou suite à l'adoption de la loi 17 qu'il y en a actuellement malheureusement. Autant on est sensible à cet état de fait, autant on se doit d'être conscient que le projet de loi 17, tel que libellé, ne nous donne malheureusement aucune garantie à cet égard. Autant il faut être conscient que la commission de santé, l'approche, la démarche, au lieu d'embrasser l'universalité du problème, au lieu de permettre à une commission qui vivra avec un pouvoir réglementaire important, exorbitant à certains égards, une commission qui sera, somme toute, un genre de petit empire, au lieu de permettre à cette commission d'adopter des programmes généraux, des conditions minimales de santé et de sécurité au Québec, il faut absolument intervenir dans certains secteurs prioritaires. C'était là l'essentiel de la représentation que j'ai formulée, reformulée et signalée presque à tous les jours lors de cette commission.

Aujourd'hui, je suis peiné de constater que, suite à des heures et des jours de débat en commission parlementaire où on s'est assis autour de la table de façon sereine, positive, constructive, où on a échangé ensemble, où on a questionné, où on s'est fait questionner par des intervenants, où on a eu à montrer nos couleurs, nos attitudes et les mettre sur la table, les résultats soient aussi minces. Je n'en fais pas de reproche au gouvernement. Le gouvernement, à partir des statistiques, des échanges que lui aussi a eus avec les groupes intervenants, a décidé de modifier le projet de loi 17 jusqu'à une certaine mesure à laquelle on a souscrit à plusieurs égards mais souscrit à la mécanique, à l'aspect technique du projet. Le principe de fond, notre grande réclamation, ce qu'on a demandé et ce que je réitère aujourd'hui au nom de ma formation politique, c'est que plutôt d'embrasser une réforme universelle qui a trop d'inconnu, pourquoi le gouvernement, à partir des statistiques qu'il a à la Commission des accidents du travail, lesquelles ont été reproduites dans le livre blanc, n'intervient pas, premièrement, sur une base prioritaire dans les secteurs où il faut intervenir de façon à avoir des résultats concrets, tangibles et palpables dans les meilleurs délais?

Pourquoi le gouvernement, plutôt que de courir le risque d'un nivellement par la base de conditions minimales adoptées, édictées par cette commission, commission où nous, comme législateurs, comme parlementaires, comme porte-parole d'une région, de travailleurs et d'employeurs de la communauté et de la collectivité, n'aurons pas à nous prononcer là-dessus, n'aurons aucun jugement à faire valoir à ladite commission une fois que la loi 17 sera adoptée.

Pourquoi, entre autres, ne pas reconnaître les efforts louables et les résultats concrets et tangibles qui ont été atteints dans certaines entreprises? Le ministre d'Etat au Développement social aura connu ce matin... On a constaté, lors des échanges en commission parlementaire, que dans certains cas, certains seceurs, certains types d'industries, il y avait des résultats concrets qui ont déjà été obtenus. Pourquoi ne pas reconnaître tout cela et intervenir dans d'autres secteurs?

Il y a des entreprises au Québec, Mme la Présidente, et c'est là un des éléments moteurs de l'argumentation. Il y a des entreprises où les travailleurs, l'employeur, les parties, les agents intervenants, les professionnels intervenants tout ce groupe qu'on peut appeler ou placer sous le vocable d'entreprise sont parvenus à certains niveaux dans le domaine de la santé et de la sécurité. La crainte que j'ai, c'est qu'on fasse table rase de tout cela puisque dans certains cas, certaines entreprises, c'est une crainte qui est peut-être simplement appréhendée, c'est une crainte qui n'est peut-être pas démontrée ni prouvée, mais cela c'est l'expérience qui va nous permettre de le constater. La crainte qu'on a c'est que ce soit un nivellement par la base et que dans certains cas, certaines entreprises légalement comme ils seront en droit de le dire, nous à l'avenir, messieurs, le programme de santé auquel on se conformera c'est celui qui est édicté par la commission de santé et de sécurité du travail et non pas ce à quoi on est arrivé depuis quelques années.

Nous nous devons, et c'est ainsi, Mme la Présidente, comme je vous disais tantôt, c'est pénible du fait de tout cela, quoique je ne désespère pas parce qu'encore une fois, en commission parlementaire, dans quelques jours on va présenter des amendements, on va présenter des modifications de façon que ce sur quoi on a plaidé, ce sur quoi on a insisté soit traduit bien concrètement par des modifications qui seront présentées. Compte tenu de cet élément, de cette distinction de fond entre la position que nous adoptons, que nous demandons et la position adoptée par le gouvernement, nous nous voyons dans l'obligation de voter contre le projet de loi en deuxième lecture. Mme la Présidente — que vous ayez votre voyage ou que vous ne l'ayez pas, on s'en reparlera et je vous ai énoncé — pour votre bénéfice, je parle au député de Duplessis qui intervient en arrière, vous viendrez en commission parlementaire et vous vous prononcerez sur les modifications qu'on va apporter et jusqu'à maintenant. Je dois vous dire, Mme la Présidente, que le débat a été serein.

Mme la Présidente, est-ce qu'on peut avoir l'ordre, oui?

La Vice-Présidente: L'ordre se fait, M. le député de Portneuf. Vous pouvez continuer.

M. Pagé: Nous conservons, cependant, Mme la Présidente, une attitude qui se veut responsable en ce qu'une fois notre position telle qu'elle a été énoncée à plusieurs reprises en commission parlementaire la suite logique à cette position constatant que dans le projet de loi que nous avons demandé ne s'y retrouve pas, nous continuerons à travailler ferme, nous continuerons par le règlement, par les procédures qui nous sont prévues dans le règlement, c'est-à-dire, la possibilité pour l'Opposition de présenter des amendements en commission parlementaire, nous allons en présenter. Je veux tout de suite dire à l'attention des membres du gouvernement, notamment — peut-être pas à l'égard de certains députés d'arrière ban — je veux tout simplement vous dire, Mme la Présidente, que cette attitude se veut conséquente, elle se veut responsable. Cela aurait été certainement beaucoup plus facile de se laisser aller dans des motions purement dilatoires. Ce n'est pas cela l'esprit et l'objectif de la position qu'on adopte aujourd'hui. Ce n'est pas d'en arriver à ce qu'on appelle dans le langage parlementaire un "filibuster" où notamment on peut faire des débats, des motions et passer 20 minutes sur chacun des iotas, des virgules et des points-virgules.

Ce n'est pas là l'essentiel de l'attitude. Ce n'est pas ce qui va nous caractériser dans ce débat. Ce qui nous caractérise dans le moment, Mme la Présidente, c'est d'adopter une attitude qui est conséquente. On sait ce qu'on veut. On l'a déjà fait valoir On n'y a pas eu droit par les modifications au projet de loi no 17, mais l'intervention et cela je reviens là-dessus une dernière fois, l'obligation que le gouvernement a par la loi 17 d'intervenir sur une base prioritaire là où il faut intervenir parce que ce sont des secteurs où il y a un haut danger, beaucoup d'accidents, beaucoup de maladies industrielles ou beaucoup de décès, cette obligation que le gouvernement a, nous allons continuer à la plaider et nous allons continuer à nous défendre pour qu'elle soit introduite dans le projet de loi comme type d'action plutôt qu'une réforme universelle avec beaucoup d'inconnu et c'est dans ce sens qu'iront nos représentations en commission parlementaire et celles de mes collègues. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, madame. J'aimerais également, au nom de l'Union Nationale, prendre part à ce débat sur ce projet de loi no 17 qui est devant l'Assemblée nationale, cette pièce législative qui est quand même d'importance majeure même si on se trouve à la toute fin pratiquement de nos travaux parlementaires pour cette session d'hiver. (16 heures)

Je pense qu'après l'importance qu'on a accordée aux travaux de la commission parlementaire, on doit également accorder une importance équivalente aux travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture de ce projet de loi no 17 qui a subi, comme vous le savez, différentes modifications et qui a même dû être réimprimé à la suite des travaux qu'a effectués la commission parlementaire dont avait la responsabilité le ministre d'Etat au Développement social.

Il s'agit donc là d'une réforme de très grande envergure, comme l'a indiqué le ministre, et comme l'ont reconnu également mes collègues qui ont eu à se prononcer sur ce projet de loi et à travailler à cette commission parlementaire; on doit souligner le mérite également de tous ceux qui ont participé à ces débats d'un côté comme de l'autre de la table, et également du côté de l'équipe de soutien du ministre dans ce sens.

La commission parlementaire, on le sait, et le ministre l'a indiqué, a entendu plus de 63 groupes. Nous avons eu l'occasion de recevoir 70 mémoires, et cela indique de l'importance de cette pièce de législation, les implications majeures que ce projet de loi a justement, au niveau de l'ensemble du monde du travail, tant au niveau patronal qu'au niveau syndical, qu'au niveau des employés eux-mêmes de l'ensemble des entreprises du Québec. Je pense qu'à ce moment-ci on doit reconnaître que l'on modifie en profondeur l'ensemble des règles du jeu s'appliquant à la santé et la sécurité au travail.

Il y avait évidemment besoin d'une modification d'une approche globale dans ce sens, à cause de l'éparpillement des pièces de législation dans ce domaine, tant au niveau de la réglementation que de la législation comme telle. On sait que la santé et la sécurité au travail se diluaient dans plusieurs ministères, dans plusieurs réglementations de sorte qu'il y avait des champs entremêlés, des champs d'application venant de différents organismes. Je pense qu'il était temps qu'un gouvernement s'attarde à faire cette analyse en profondeur, à revoir l'ensemble des réglementations des lois et à faire une approche plus globale de toute cette question de la santé et de la sécurité au travail.

Au Québec, on sait qu'il y a environ une centaine d'omnipraticiens, une trentaine de médecins spécialistes et environ 600 infirmières qui travaillent en médecine du travail à plein temps. On observe qu'à peine 6% des entreprises manufacturières québécoises de plus de 50 travailleurs offrent un service de santé à leurs employés. L'année 1931, par la Loi des accidents du travail, a marqué le début de la médecine du travail au Québec. En 1936, la division de l'hygiène industrielle est créée au ministère de la santé et en 1973, un service de santé au travail a été créé spécifiquement au ministère des Affaires sociales. En 1975, d'autres améliorations ont été apportées en vertu de la Loi des établissements industriels et commerciaux, ainsi qu'à la Loi de l'hygiène publique. En 1976, plus près de nous maintenant, les services de santé communautaires ou CLSC, créés en 1971, bénéficient d'un personnel spécifiquement affecté à la médecine du travail.

Quant à la position de l'Union Nationale, traditionnellement sur cette question — je me réfère pour cela au programme même de notre

formation politique, programme qui a été utilisé lors de la dernière campagne électorale — on reconnaît évidemment le besoin d'adopter une politique globale de sécurité industrielle. On avait indiqué, à ce moment, et je pense sur d'autres tribunes par la suite, le besoin de réviser la Loi sur les accidents du travail qui, dans son applicaton et sa nature même avait besoin de subir des modifications en profondeur, tant pour assurer aux travailleurs qui ont à vivre sous le chapeau de ces lois, une efficacité au niveau de leur protection et de leur compensation, ainsi de suite, et également pour, de l'autre côté, permettre à la Commission des accidents du travail d'effectuer, elle, de son côté un travail plus efficace plutôt que de s'embourber dans une situation administrative de plus en plus complexe à laquelle ont à faire face les commissaires et ceux qui ont à vivre avec l'application constante des lois et des règlements régissant la santé et la sécurité au travail.

Là-dessus, nous avons toujours reconnu le besoin — et nous insistons encore — d'une politique globale de sécurité industrielle au Québec et de revoir en profondeur toutes les lois et la question de l'approche actuelle, concernant les accidents du travail.

De plus, durant la commission parlementaire, à ce sujet, le député de Johnson a déclaré: "... et malgré ses limites, le projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité au travail représente en réalité plus qu'un pas en avant, c'est plutôt un véritable saut en avant pour l'amélioration des conditions de travail chez le travailleur. On passe presque du noir au blanc. S'il est adopté, ce projet de loi placera le Québec au rang des pays les plus avancés quant à la protection du travailleur. C'est le juge Beaudry qui vient de dire cela, le 10 septembre: Est-ce qu'on peut contrarier cette opinion qui est juste."

C'était le député de Johnson qui, dans la foulée des déclarations du juge Beaudry indiquait une reconnaissance large du principe et du bien-fondé du projet de loi no 17 dans sa version originale telle que déposée la première fois. Il faut maintenant souligner que parmi les intervenants venus témoigner à la commission parlementaire, au-delà de 90% de ceux qui se sont présentés à ce moment-là, sauf, je pense, si ma mémoire est bonne, la CSN et le SFPQ, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, se sont montrés favorables au grand principe qui était contenu et qui est encore contenu dans le projet de loi no 17 concernant la santé et la sécurité au travail.

Evidemment, au niveau des modalités d'application, on a eu plusieurs recommandations d'ordre différent venant évidemment selon les préoccupations de chacun des organismes qui se sont présentés devant la commission parlementaire et ils ont été nombreux, 63, je vous le rappelle. Cette commission parlementaire a d'ailleurs siégé tout le mois de septembre et je pense dans la dernière semaine du mois d'août également. Donc, il y a eu un travail majeur de fait de ce côté, mais sur le principe général, l'ensemble des intervenants se sont dits d'accord avec le principe d'une réforme quoique certains, d'un côté comme de l'autre, avaient des réserves sur les modalités d'application.

Avant de se prononcer pour ou contre un tel projet de loi, je pense qu'il est bon de revoir rapidement les principaux principes qui sont contenus dans ce projet de loi. Qu'on le veuille ou non, lorsqu'on parle du principe général contenu dans la loi, il y a quand même plus d'un principe à cause de l'ampleur de la réforme qu'on présente et à cause des multiples domaines auxquels il s'applique. On peut difficilement parler d'un principe majeur au niveau du projet de loi, sinon la philosophie générale du gouvernement dans l'approche qu'il a choisie par rapport à la santé et à la sécurité au travail. Il y a donc, je pense, plusieurs principes qui se rattachent à cette grande philosophie, mais ils sont contenus dans le projet de loi à cause des nombreux secteurs que cela touche et du vaste champ d'application de la loi comme telle.

Il y a la question de la Commission de la santé et de la sécurité au travail qui remplace la Commission des accidents du travail. On ne sait pas, en réalité, combien cette commission va coûter au gouvernement et à l'entreprise privée. Le ministre a donné des chiffres qui sont, je pense, factuels, des données réelles sur les coûts, dans les récentes années, de tout le programme de la santé et de la sécurité au travail tel qu'il existe actuellement à la suite des accidents du travail. Il a parlé d'un montant de $2 milliards en 1976 de coûts directs ou indirects qu'occasionnent les accidents du travail au Québec. Il a parlé d'un montant global comprenant les coûts directs et indirects en 1978 de $2 500 000 000, donc une augmentation assez considérable seulement à ce chapitre qui couvre quand même l'ensemble des coûts réels, directs ou indirects, des accidents du travail au Québec.

Cependant, on n'a pas eu le pendant — si le ministre a les réponses à ces questions peut-être que lors de sa réplique il pourra nous donner davantage d'information — on ne nous a pas dit combien pourrait coûter — est-ce qu'il y a eu des estimations ou des analyses de faites pour nous indiquer le coût? — l'application de la nouvelle loi de santé et de sécurité au travail chapeautée par ce nouvel organisme. C'est dans ce sens, lorsqu'on pose la question de coût, qu'on veut demander au gouvernement une estimation la plus juste possible évidemment en termes de prévisions de ce que cela va coûter à ce moment-là. On sait ce que ça coûte actuellement, le coût direct ou indirect, est-ce qu'on va faire une économie réelle? Si oui, de quel ordre pourrait être l'économie qui pourrait être réalisée à ce moment-là? Je pense que c'est un élément important sur lequel plusieurs se posent des questions normales à ce stade-ci et sur lequel le gouvernement aurait peut-être intérêt à apporter de la lumière.

Donc, la Commission de santé et de sécurité au travail va remplacer la Commission des accidents du travail, mais on ne sait pas comment cette modalité va coûter en appareils bureaucati-ques, en retombées directes ou indirectes, en fin

de compte, et c'est là-dessus que j'aimerais avoir plus d'éclaircissements. Cette nouvelle commission permettra-t-elle de faire de l'ordre dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail? C'est une autre question qu'on peut se poser. Simplement en regardant ce qui existe actuellement, on n'a pas besoin d'un tableau bien étendu pour se convaincre qu'au point de vue de remettre de l'ordre dans ce qui existe, ce sera déjà mieux que ce qui existait avant parce qu'on vit actuellement sous l'empire de sept lois différentes et de vingt règlements différents lorsqu'on parle de santé et de sécurité au travail et cela touche de quatre à cinq ministères et organismes gouvernementaux quant à la question de l'inspection. Le ministre, dans son discours de deuxième lecture, a d'ailleurs fait un tableau assez réaliste, dans le domaine de l'inspection, des parades d'inspecteurs qui vont sur les chantiers, un peu partout, et qui se pilent pour ainsi dire sur les pieds. (16 h 10)

Je pense que lorsqu'on parle de réorganiser, pour être plus fonctionnel, l'ensemble de nos lois et de nos réglementations, là-dessus je pense qu'on ne peut que souligner le bien-fondé de l'approche en cette matière pour unifier, si vous voulez, l'approche du gouvernement dans ce secteur.

Maintenant, en ce qui concerne le droit de refus et le retrait préventif, là on peut se demander s'il y aura beaucoup d'abus, quel en sera le coût également. Ce sont des questions qu'on peut se poser et j'aurai l'occasion d'y revenir parce qu'on fait appel à des questions d'attitudes fondamentales tant de la part des syndicats que de la part des syndiqués. Je pense qu'en tant que législateur responsable, on doit se poser des questions, on doit regarder ce qui s'est fait dans le passé, ce qui s'est fait ailleurs, ce qu'on a eu comme résultats lorsqu'on a confié ou lorsqu'on a voulu confier de telles responsabilités ou de semblables responsabilités aux syndicats, à venir jusqu'à maintenant.

Dans les lois semblables à celle que le gouvernement du Québec s'apprête à adopter et qui ont été adoptées dans d'autres provinces, je pense qu'à ce jour, si ma mémoire est bonne, il n'y a pas eu de cas majeurs où il y a eu abus flagrant, du côté des syndicats, sur la question du retrait préventif. Maintenant, le ministre pourra peut-être nous donner des précisions dans ce sens; je pense que ce serait intéressant de voir ce qui s'est fait ailleurs. J'aurai l'occasion de revenir là-dessus un peu plus loin.

En ce qui concerne la question des comités paritaires, il y a certaines réserves qu'on peut exprimer même si, au point de départ, la démarche peut sembler intéressante. Est-ce qu'on est d'accord avec ce principe fondamental qui a pour objet, en fin de compte, d'établir les mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles? On peut être d'accord en principe sur la démarche mais la question qui se pose maintenant est une question pratique d'efficacité au niveau de l'autorité, et de l'autorité morcelée parce qu'en fin de compte, on va multi- plier les centres de décision qui vont devoir se consulter pour être capables de fonctionner. C'est dans ce sens que j'ai certaines questions et peut-être certaines réserves au sujet des comités paritaires.

Les professionnels de la santé. Est-ce nécessaire qu'ils soient indépendants de l'entreprise lorsqu'on parle des médecins comme tels? Je pense que c'est un pas en avant. Le ministre a indiqué lui-même, d'ailleurs, qu'il s'agit d'une question de confiance de la part des travailleurs aussi et je pense qu'il est normal que ce soient des gens indépendants de la structure de l'entreprise qui aient à se prononcer en tant que médecins qui aient à prononcer un diagnostic, qui aient à recevoir les gens atteints de maladies industrielles ou d'accidents du travail. Trop longtemps dans le passé, je pense, on a eu des situations douteuses là-dessus et je pense que c'est de là qu'est venue cette sorte de sentiment de non confiance, disons-le tel quel, de la part des travailleurs vis-à-vis du médecin de l'entreprise, même si, dans plusieurs cas, je suis certain, le médecin d'entreprise pouvait faire un excellent travail. On a eu d'autres cas par ailleurs, et j'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure, où c'était moins évident que le médecin de l'entreprise pouvait être, disons le mot, neutre et, à ce moment-là, rendre un service efficace, adéquat aux travailleurs qui sollicitaient ses bons offices en tant que médecin responsable. Mais j'aurais l'occasion de revenir là-dessus.

Quant au service d'inspection, évidemment, je passe rapidement, j'ai eu l'occasion d'indiquer au ministre qu'on était satisfait de voir qu'il y avait un resserrement des programmes déjà existants pour arriver à une unité d'action dans ce sens.

Maintenant, au niveau de la réglementation, évidemment on va se retrouver encore là, vis-à-vis du projet de loi no 17 comme vis-à-vis de plusieurs lois sur un pouvoir de réglementation qui est immense et on saura seulement une fois qu'elle sera en application ce que cela va donner et en espérant que la réglementation soit conforme à l'esprit que le ministre a voulu voir dans le projet de loi.

Il y aurait peut-être un sujet à retenir, c'est qu'il y a eu quelques organismes qui sont venus devant la commission parlementaire qui ont suggéré l'idée d'une table ronde patronale-syndicale et gouvernementale pour l'établissement desdits règlements. Je pense que ce serait peut-être là un fil conducteur qu'il faudrait retenir pour assurer le bon fonctionnement du projet de loi, pour s'assurer que la réglementation qui pourra être adoptée dans l'avenir puisse répondre le plus adéquatement possible aux situations; et je pense que la seule façon à ce moment-là c'est de demander aux gens concernés de participer à l'élaboration de ces règlements. Si le gouvernement n'a pas d'objection à ouvrir les portes au niveau de la philosophie de son projet de loi, je pense qu'il n'aura pas d'objection non plus à ouvrir les portes quant au champ d'application beaucoup plus en détails lorsqu'on arrive à la question de la réglementation qui est, en fait, toute la tuyauterie d'application d'un projet de loi.

Je retiens cela et je rappelle au ministre l'importance de consulter les trois parties en cause dans l'élaboration de cette réglementation. C'est toujours la même question, lorsqu'on vient devant l'Assemblée nationale; la question des règlements qui ne font pas partie du projet de loi est toujours mise en question, en disant: Oui, mais on ne sait pas ce que seront les règlements. Surtout dans ce cas, si on veut arriver à un milieu de vie souhaitable pour l'ensemble de ceux qui sont impliqués, je pense qu'on doit leur demander de participer à l'élaboration desdits règlements. Cela va décharger aussi l'Assemblée nationale dans ce sens-là. On aura au moins la garantie que les personnes concernées auront un mot à dire dans ledit projet.

Mme la Présidente, le projet de loi sur la santé et la sécurité du travail est un projet de loi cadre qui vise à établir des mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs dans le but d'éliminer à la source les causes d'accidents de travail et de maladies professionnelles. La loi est d'ordre public et lie le gouvernement, ses ministères ou ses organismes qui en sont mandataires. Le nouveau projet de loi 17 affirme beaucoup plus clairement son objectif d'éliminer le danger à la source. Cette obligation demeure — comme l'a précisé, d'ailleurs, le ministre d'Etat au Développement social — et cela, même une fois qu'on a fourni des équipements de protection individuelle au personnel. On y affirme aussi la nullité de toute entente qui accorderait moins de droits aux travailleurs et aux syndicats. Par contre, on permet la conclusion d'ententes et de conventions qui accorderaient à un travailleur, à un syndicat ou au titulaire d'une fonction créée par la loi des dispositions évidemment plus avantageuses pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs.

Maintenant, j'aimerais toucher quelque peu, quitte à y revenir, la question du refus de travailler. La loi reconnaît au travailleur le droit de refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé ou sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à semblables dangers. La procédure pour remplacer le travailleur qui exerce son refus de travailler est largement simplifiée et les délais beaucoup plus courts que dans la première version. Je pense que cela a été une amélioration et les discussions qui ont eu cours en commission parlementaire ont pu favoriser le fait qu'on a rétréci ce corridor pour permettre une intervention beaucoup plus rapide dans la procédure pour qu'un travailleur puisse exercer son droit de refus. De plus, si le travailleur et/ou son représentant exercent leur droit de façon abusive, ils peuvent encourir des mesures disciplinaires, ce qui était impossible dans la première version. Je pense qu'à un pouvoir on doit associer la responsabilité et si on donne un pouvoir à un travailleur, comme à un syndicat ou comme à une entreprise, à ce moment-là, on doit avoir la sagesse de lui accorder la responsabilité équivalente, c'est-à-dire que, s'ils vont trop loin dans ce domaine, ils aient à encourir les sanctions prévues. Ce sont les règles du jeu dans l'ensemble de la société et cela doit être dans le monde du travail comme dans le restant des autres activités.

Le projet de loi précise aussi que le travailleur ne peut exercer son droit de refus dans les situations suivantes: soit lorsque l'arrêt de travail mettrait en péril immédiat la vie et la santé d'une autre personne — je pense que c'est compréhensible — soit lorsque les conditions d'exécution de ce travail sont normales dans le genre de travail qu'il exerce. Là-dessus, le ministre a d'ailleurs donné des exemples assez éloquents pour souligner le bien-fondé de cette disposition. Malgré les pressions très fortes du mouvement syndical, la loi ne permet pas le droit collectif, par exemple, de refuser un travail dangereux, c'est-à-dire le droit pour un syndicat de déclencher un arrêt de travail pour protéger la santé de ses membres.

Par contre, plusieurs travailleurs qui font un même travail dangereux peuvent cesser de travailler simultanément et leur cause sera alors traitée dans un cas unique. Je pense que la nuance est importante à faire parce qu'il ne faut quand même pas ouvrir la porte à ce que cela devienne des grèves déguisées et, à ce moment-là, qu'on permette à des groupements de travailleurs de paralyser des entreprises. Il faut essayer de viser un équilibre des deux côtés. Cette nuance, du moins, m'appa-raît être une amélioration sur ce qu'il y avait dans le projet de loi auparavant.

En ce qui concerne le retrait préventif, les amendements à la loi 17 étendent le droit de la femme enceinte à un retrait préventif d'un milieu de travail qui pourrait mettre en danger sa santé et celle de son enfant pendant toute la durée de sa grossesse et même pendant la période d'allaitement. Ils étendent ce concept aux autres catégories de travailleurs chez qui on pourrait découvrir des signes précoces de dommages causés par certaines maladies industrielles. Ces deux catégories de bénéficiaires seraient dorénavant compensées comme les victimes de l'amiantose si leur employeur ne peut pas leur fournir un travail convenant à leur santé. On a parlé un peu de la loi 52 dans le projet de loi. On a dit que le même mécanisme va pouvoir s'appliquer ici. J'aurai l'occasion de revenir aussi en ce qui concerne les maladies industrielles, plus spécifiquement la question de l'amiantose et de la silicose.

Quant aux comités paritaires, le gouvernement maintient toujours que les problèmes de santé au travail doivent être pris en main à la fois par les salariés et par les employeurs. On conserve donc les mécanismes des comités paritaires en leur accordant même des pouvoirs accrus. Cependant, à la suite des demandes patronales, la nouvelle version du projet de loi 17 précise qu'un tel comité peut être formé dans les établissements de 20 travailleurs et plus et appartenant à une catégorie identifiée à cette fin par règlement. On prévoit aussi la possibilité de former un tel comité dans un établissement de moins de 20 employés si la commission le juge opportun, c'est-à-dire s'il y a un secteur particulier, même s'il y a moins de 20

employés, où il y a vraiment un nombre d'accidents anormalement élevé, de sorte qu'à ce moment-là on peut procéder comme l'indique le projet de loi actuellement. (16 h 20)

Le comité paritaire conserve toujours son pouvoir de nommer le médecin responsable de l'établissement, mais il devra en outre approuver le programme de santé proposé par ce médecin. C'est un élément nouveau qui est introduit. Il garde son pouvoir de choisir les équipements de protection les mieux adaptés à rétablissement, mais il acquiert en outre la responsabilité des programmes d'information et de formation en matière de santé et de sécurité au travail, ce qui est également un élément qui a été ajouté.

Les membres de ce comité sont nommés respectivement par l'employeur et le syndicat, si ce dernier représente tous les employés de l'établissement. S'il y a plusieurs syndicats, ces derniers sont libres de s'entendre sur le choix des représentants, mais ils peuvent aussi s'entendre avec l'employeur pour mettre en place plusieurs comités paritaires différents. Malgré tout, il ne peut y avoir qu'un seul médecin et qu'un seul programme de prévention par établissement. L'époque où le médecin était engagé et payé par le patron est terminée, elle est révolue. Le médecin d'entreprise sera dorénavant payé par la Régie de l'assurance-maladie du Québec et il faut souligner que très souvent le médecin d'entreprise était aussi un cadre de ladite entreprise.

Cela rejoint la préoccupation qui nous a été souventefois exprimée par des syndiqués ou par des syndicats, par des gens qui avaient à vivre dans ce domaine. Même, cela a été reconnu — j'aurai une déclaration intéressante à apporter au ministre à ce sujet — par un médecin d'entreprise. J'ai l'intention — je n'ai pas la coupure de presse devant moi — de la ramener devant l'Assemblée nationale pour montrer le bien-fondé de cette ligne de démarcation qu'on fait en ce qui concerne la médecine d'entreprise pour que le médecin ne soit pas un cadre de l'entreprise et qu'il ne soit pas payé par l'entreprise, parce qu'il est arrivé malheureusement des situations pénibles dans ce domaine dans le passé et ce n'est pas moi qui le dis. C'est, d'ailleurs, un médecin qui le confirme, un médecin qui a eu à vivre ces situations.

Maintenant, en ce qui concerne le représentant à la prévention, la loi prévoit la nomination d'un représentant à la prévention parmi les travailleurs. Ses fonctions sont, en particulier, de s'assurer que les règlements et les dispositions du programme de prévention soient respectés et d'assister les travailleurs dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente loi et les règlements. De plus, la nomination de ce dernier pourrait même remplacer la création d'un comité paritaire dans les entreprises de moins de 20 employés. Nommés par les travailleurs ou leur syndicat, les délégués à la sécurité devront être membres du comité paritaire, mais ils posséderont personnellement un pouvoir d'enquête sur le milieu de travail et l'employeur devra leur fournir toutes les informations utiles et le matériel nécessaire pour vérifier la qualité du milieu de travail. Là aussi, évidemment, il y a une question de coûts qui est impliquée, surtout, je pense, lorsqu'on touche à la question de surdité et de bruits industriels. Je pense que, dans ce secteur, il y a des coûts qui sont impliqués qui sont assez élevés.

Le gouvernement fait donc une importante concession aux demandes patronales, car la nouvelle version du projet de loi no 17 permet aux entreprises qui le désirent — lorsqu'on parle de santé au travail — de conserver les services de santé qu'elles avaient au 20 juin si leur fonctionnement est acceptable aux travailleurs et à la direction médicale du territoire. Je pense que cela a été une concession majeure, importante qui est de nature à respecter quelque chose de bon qu'on a déjà. C'est tout à l'honneur du ministre et de son équipe d'avoir accepté cette modification au projet de loi initial, de sorte qu'on puisse maintenir ce qu'il y a de bon pour ne pas risquer de niveler les services par le bas, comme on le disait, et, sous le chapeau de la nouvelle loi, en donner moins qu'il n'y en avait avant. Il reste qu'il faut être réaliste, qu'il faut s'ouvrir les yeux. Il y a un bon nombre d'entreprises qui ont un service de santé à elles, qui est tout à fait louable, qui fonctionne très bien, dont les syndicats et les syndiqués sont satisfaits. En partant de là, il faut considérer les situations de façon factuelle et je pense que c'est reconnaître ces situations d'avoir permis que ceux qui existaient au 20 juin dernier et qui étaient à la satisfaction et des travailleurs et de la direction médicale puissent être conservés.

Au cas contraire, le personnel de la santé sera intégré à un CH ou à un CLSC. Là-dessus, évidemment, la démarche peut être discutable. On peut en discuter fort longtemps, parce que, lorsqu'on parle d'un CLSC, on parle d'un domaine qui actuellement est remis fortement en question dans plusieurs secteurs. Ce n'est pas le moment pour faire ce débat ici, mais plusieurs se posent des questions sur le fonctionnement des CLSC actuellement et je pense qu'accoler ces services aux CLSC et aux médecins des CLSC, c'est une question qu'on pourrait fortement discuter. On aura l'occasion, d'ailleurs, d'y revenir.

A l'exception des médecins, le personnel oeuvrant dans les services de santé reconnus par le centre hospitalier est rémunéré par l'employeur qui assume également les coûts reliés aux examens et analyses de même qu'à la fourniture de locaux et d'équipement. Il faut souligner que le médecin ne pourra jamais être à l'emploi de l'entreprise et qu'il sera toujours rémunéré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

En ce qui concerne la Commission de la santé et de la sécurité du travail, l'actuelle Commission des accidents du travail est remplacée complètement, à toutes fins utiles, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui sera responsable de l'application du régime de santé et de sécurité. Au sein du conseil d'administration de cette commission, les travailleurs et les employeurs seront représentés en nombre égal plus

un président. Les fonctions de la commission sont principalement d'élaborer, de proposer et de mettre en oeuvre des politiques relatives à la santé et la sécurité des travailleurs de façon à assurer une meilleure qualité du milieu de travail.

En ce qui concerne l'inspection, il existe actuellement quatre services d'inspection qui sont tous sous la juridiction de six ministères ou organismes et qui sont régis par au moins sept lois et 20 règlements. Le chapitre X de la nouvelle loi prévoit une unification, comme je l'ai dit tout à l'heure, des services d'inspection sous l'autorité du même ministre qui aura la tâche d'administrer cette réforme et dont on devrait connaître l'identité d'ici la fin de nos travaux parlementaires à la fin de décembre.

Le ministre d'Etat au Développement social insiste sur le fait que ces services d'inspection auront une structure fortement régionalisée. Il a d'ailleurs proposé au cabinet tout un plan de réorganisation plus détaillé et cela devrait être soumis, je pense, au cours des prochains jours. Cette réorganisation n'exclut pas nécessairement la délégation de certaines responsabilités à un organisme comme l'Office de la construction du Québec. Il faut noter que l'inspecteur peut ordonner la suspension des travaux ou la fermeture, en tout ou en partie, d'un lieu de travail et, s'il y a lieu, d'apposer les scellés lorsqu'il juge qu'il y a danger pour la sécurité, la santé ou l'intégrité physique des travailleurs.

Plus spécifiquement en ce qui concerne le secteur de la construction, on sait que le gouvernement a décidé d'avoir une approche globale et non pas de considérer les secteurs à leur mérite ou selon la nature même de leurs milieux de travail, de leurs besoins, de leurs exigences, de leur façon de vivre la santé et la sécurité et des besoins de chacun des secteurs, mais de plutôt procéder par une loi universelle. Cependant, on a réservé certains espaces, entre autres, au domaine de la construction, étant donné qu'il s'agit d'un domaine plus spécifique.

La nouvelle loi établit des dispositions particulières au secteur de la construction. Toutefois, le principe reste essentiellement le même. On ne peut que faire les adaptations nécessaires à ce secteur car, de par leur nature, les chantiers de construction sont essentiellement temporaires alors que le va-et-vient des travailleurs de la construction est perpétuel. Dans la construction, chacune des quatre associations syndicales reconnues pourra nommer un délégué à la sécurité sur tous les chantiers où elle aura au moins un membre. Ce délégué devra lui-même travailler sur place et il ne pourra donc être un permanent syndical.

En ce qui concerne les règlements, le pouvoir de réglementation est immense — comme je l'ai indiqué — puisque la commission peut faire des règlements sur les 42 paragraphes de l'article 185. Ce pouvoir est encore accru par la réimpression et je pense que le ministre a pris note tout à l'heure de la demande que j'ai faite, au nom de certains organismes qui se sont présentés devant la com- mission parlementaire, que soient consultés, lors de l'élaboration de cette réglementation, et la partie syndicale et la partie patronale et, également, le gouvernement du Québec.

En ce qui concerne les recours, les travailleurs qui auront exercé un droit reconnu par la loi et qui croiront être victimes de sanctions pourront porter leur cause devant un commissaire du travail. Il y aura présomption en leur faveur mais l'employeur pourra démontrer que le travailleur a exercé ce droit ou cette fonction de façon abusive et prouvé que la mesure disciplinaire était basée sur une cause juste et suffisante.

En ce qui concerne les infractions et les pénalités, la loi établit en plus des infractions et des pénalités. De plus, il faut noter que le Tribunal du travail peut ordonner aux contrevenants de se conformer aux exigences de la loi ou d'un règlement dans le délai qu'il fixe ou d'exécuter toute mesure qu'il juge susceptible de contribuer à la prévention des accidents de travail ou des maladies industrielles.

En terminant cette partie, Mme la Présidente, au chapitre du financement, la commission perçoit des employeurs les sommes requises pour défrayer tous les coûts qui découlent de la présente loi et les règlements, à l'exception des sommes nécessaires à l'application de l'inspection qui seront prises à même les deniers accordés annuellement à cette fin par la Législature. De même, une partie des sommes requises pour la formation, l'information et la recherche, suivant la présente loi et les règlements, sera prise à même les deniers accordés annuellement par la Législature. (16 h 30)

C'étaient là, Mme la Présidente, les remarques sur les différents chapitres que j'avais à faire, sauf que j'aimerais ici ajouter simplement un point. Je n'ai pas l'intention de reprendre plus en détail l'ensemble de la loi parce que, évidemment, c'est une pièce assez considérable, et nous aurons l'occasion, lors de l'étude article par article, de revenir sur des points plus spécifiques. J'aimerais souligner que la reconnaissance qui a été accordée à certains services de santé est un apport intéressant et positif par rapport au premier projet de loi, apport qui a été fait au niveau de la réimpression. C'est celui de la reconnaissance de certains services de santé. L'employeur peut présenter une demande de reconnaissance, comme je disais tout à l'heure, sur ces services de santé qui existaient au 20 juin et dont le bien-fondé ou la qualité étaient reconnus également par le secteur de la médecine comme par les travailleurs également. Le fait de laisser tout le service des infirmières, des soins infirmiers aux entreprises qui ont déjà ces services qui sont de qualité, je pense que c'est quelque chose de positif, parce que dans l'ensemble on s'entend pour reconnaître, je pense, que les services infirmiers qui sont donnés dans la plupart de nos entreprises sont de qualité et de nature à satisfaire les travailleurs.

Mme la Présidente, j'ai indiqué tout à l'heure au ministre qu'en ce qui concerne la médecine d'entreprise, j'aurai l'occasion, lors de l'étude

article par article ou encore de la troisième lecture, de lui rapporter cette déclaration faite, entre autres, par un médecin qui a vécu ces situations de médecine au travail pour montrer qu'il n'y a pas quand même toujours eu justice par rapport aux travailleurs dans ce secteur. J'aurai l'occasion d'y revenir. Maintenant, Mme la Présidente, je vous rappelle que lors des travaux de la commission parlementaire qui a été chargée d'étudier article par article la première version du projet de loi no 17 concernant la santé et la sécurité au travail, lorsque j'ai eu l'occasion de faire au nom de l'Union Nationale les remarques préliminaires à cette commission parlementaire, j'avais soulevé une question qui nous est ramenée continuellement, fréquemment, et cela depuis plusieurs années, soit la question de ceux qui vivent actuellement sous le chapeau de la loi 52, les victimes d'amiantose et de silicose. C'était déjà un engagement du gouvernement que de procéder le plus rapidement possible — lors de la campagne électorale de 1976, on avait indiqué cette intention — à la réévaluation de la loi 52 et la façon de l'appliquer également. Ce qui concerne, Mme la Présidente, je vous le souligne directement, la question de la santé et de la sécurité au travail rattachée à ce projet de loi no 17. Il n'en a rien été, tant et si bien que depuis trois ans, dans ce secteur des malades atteints d'amiantose et de silicose, on est aux prises encore exactement avec les mêmes problèmes d'application de la loi 52. On a des gens qui sont sortis du marché du travail et qui se demandent s'ils ne seront pas obligés de revenir par le biais d'une autre législation. On a des gens qui sont encore sur le marché du travail, qui sont encore à l'ouvrage, à qui on a retiré, en vertu de la loi 52, le permis de travail parce qu'ils étaient atteints d'amiantose à plus de 10% et même, dans certains cas, à 15% ou à 20% et qui sont encore sur le marché du travail, qu'on n'a pas déclassés, auxquels on permet de façon plus ou moins légale de continuer leur travail parce que, justement, on n'a pas inclus là-dedans les corrections nécessaires à ce projet de loi. Ces gens se demandent ce qui va leur arriver. On a, de plus, d'autres personnes qui sont dans le secteur du textile relié à l'amiante qui sont des amiantosés également reconnus, dont un cas que j'ai ici à 25%, mais qui ne peuvent être couverts par la loi 52 parce qu'ils ne font pas partie des mines et carrières, mais plutôt d'une usine de textile de produits d'amiante qui, pourtant, dans le cas dont je parle, M. le Président, est une usine d'amiante située sur le même territoire d'une même entreprise, soit la Canadian Johns-Manville à Asbestos.

La personne qui travaille dans la mine peut être compensée en vertu de la loi 52 si elle est atteinte d'amiantose à 10% alors que celle qui, dans le cas présent l'est à 25%, qui travaille pour la même entreprise, mais au niveau de l'usine de textile sur le même territoire, ne peut absolument pas être compensée.C'est cela la situation qu'on a à vivre actuellement avec la loi 52 telle qu'elle est. Je comprends que c'est une pièce de loi qui a été adoptée par la porte d'en arrière, qui a été adoptée de peur, en vitesse, à travers un conflit de travail pour essayer de boucher des trous, de bousiller une situation, mais, malheureusement, ces gens ont continué depuis ce moment, depuis 1975, à vivre dans l'incertitude. On n'a jamais réglé leur situation de façon définitive et pourtant le gouvernement avait pris certains engagements de ce côté.

Je rappelle au gouvernement qu'à l'intérieur du chapeau de cette loi, on devra, tôt ou tard, s'attabler à cette question de santé et de sécurité au travail, pas seulement dans des grands objectifs de prévention pour l'avenir, mais qu'on ait au moins le courage et la décence, si on dit avoir cette préoccupation sociale d'aider nos individus, pas seulement de faire une loi pour l'avenir, en oubliant ceux qui sont chez eux, actuellement, et qui ont à subir les préjudices d'une loi qui est mal appliquée ou qui est mal formulée, mais qu'on retourne en arrière et qu'on refasse l'ensemble de cette loi, qui n'est quand même pas une pièce majeure, pour donner justice à ces individus.

On a également le cas des veuves d'accidentés du travail. On en a quelques-unes dans la région de Thetford. Je pense que le député en a eu connaissance, on en a dans la région d'Asbestos aussi. Parce que la loi, encore là, a peut-être été adoptée trop rapidement, ces personnes qui sont devenues veuves parce que leur mari est décédé à la suite d'amiantose sont, à toutes fins utiles, laissées pour compte. Lorsque le mari décède, la pension prévue coupe automatiquement, et ce qui arrive, c'est que ces dames sont simplement reléguées au bien-être social, ce qui est tout à fait aberrant comme situation, lorsque l'on sait que leur mari est décédé de silicose ou d'amiantose. De ce côté, cela presse également, il y a des situations qui sont vraiment aberrantes et qui méritent d'être corrigées.

Il y a également la question des vieux accidentés de travail. Ce n'est pas un grand nombre au Québec, mais un nombre de dits vieux accidentés du travail qui, par exemple, ont dû abandonner leurs travaux pour cause de maladie industrielle ou d'accidents de travail dans les années 1969, 1970,1971,1972 et qui, à ce moment, étaient expulsés du marché du travail pour cause de maladie, mais sous le chapeau de la loi existante à ce moment. Ils n'ont jamais été rajustés, tant et si bien qu'on a des cas, actuellement, et je pourrai en citer lorsque viendra le temps, d'accidentés du travail qui sont chez eux et qui reçoivent de $200 à $300 par mois, en vertu de la loi qui existait en 1971, 1972, et qu'on n'a jamais rajustées. Ces gens, parce qu'on n'a jamais réaménagé ce qu'il y avait en arrière pour les travailleurs qui avaient déjà passé dans le système déjà existant, sont à toutes fins utiles relégués à aller au bien-être social eux aussi. Ils sont pourtant des accidentés de travail, ils n'ont pas arrêté par choix, mais par maladie industrielle ou par accident. Il n'y en a pas des milliers au Québec. Il faudrait que le législateur ait la sagesse, la bonne volonté de corriger — je pense que c'est l'article 47a de l'actuel règlement — pour permettre à ces dits vieux

accidentés de travail de jouir de pensions plus adaptées à une situation moderne.

Il y a une réflexion que j'aimerais faire à l'intention du ministre à ce moment-ci, et c'est un constat qu'il est nécessaire de faire. Je pense qu'il convient de faire rapidement, dans ce sens, un peu un historique de nos lois, des lois en matière de santé et de sécurité au travail, et de la façon qu'on a vécu, tant du côté des entreprises que du côté des syndicats, que du côté des employeurs.

Il y a eu plusieurs lois qui ont été adoptées dans ce domaine, mais il y a eu également, malheureusement, quelques lois importantes, parfois, qui n'ont pas été appliquées et au sujet desquelles le gouvernement n'a même pas sévi, qu'on a laissé aller. J'ai donné des exemples sur la loi 52 tout à l'heure, c'étaient des exemples brefs, mais qui sont assez éloquents. Il y a des gens — vous ne me croirez peut-être pas — qui ont été déclassés, à qui on a retiré le permis de travail — j'en ai souligné à la commission parlementaire — et qui maintenant ont été — on sait que l'amiantose est une maladie non régressive — déclarés, dans 28 cas, miraculeusement guéris et auxquels on a retourné, sans qu'ils le demandent, dans certains cas, ledit permis de travail. Vous ne me direz pas que c'est une façon normale, pour un gouvernement dit moderne, qui a le souci du bien-être social de ces individus, d'appliquer les lois.

Si cela se passe au moment où l'on se parle, où on élabore des grandes théories et des grands principes pour sauver tout le monde, si on laisse crever ceux qui sont encore en arrière, puis si on n'a même pas le souci de corriger des choses aussi flagrantes que celles-là, je me dis qu'on manque complètement le bateau, cela devient un peu une risée. Je prends la peine de le souligner pour que le gouvernement en soit conscient. Je comprends qu'un ministre à lui seul, lorsqu'il attaque une loi aussi importante que celle-là, ne peut pas corriger en même temps toutes les anomalies, mais celles-là sont suffisamment évidentes, je pense, pour qu'on prenne la peine de regarder ce qu'il y a en dessous.

Si j'ai dit tout à l'heure que j'étais content qu'on enlève les médecins des entreprises pour qu'ils soient beaucoup plus neutres et beaucoup plus objectifs, j'aimerais bien qu'on fasse une petite recherche en même temps du côté de la Commission des accidents du travail et des médecins qui ont été engagés là également — je ne dis pas dans l'ensemble — mais j'aimerais bien qu'on fasse une petite recherche en même temps du côté de la Commission des accidents du travail et du côté des médecins qui ont été engagés là légalement. (16 h 40)

Je ne dis pas dans l'ensemble. J'aimerais bien qu'on fasse une recherche sur les deux côtés. J'aime en arriver toujours à un certain équilibre parce qu'il y a toujours deux côtés à une médaille. Comment se fait-il — c'est la question fondamentale que je repose parce qu'on ne m'a pas encore convaincu de ce qui s'était passé et comment cela s'était passé — que non pas dans un cas, mais dans 28 cas reconnus officiellement atteints d'amiantose dans un premier diagnostic et reconnus une deuxième fois atteints d'amiantose par d'autres, comment se fait-il qu'on découvre par miracle à ce moment-ci que ces gens, atteints d'une maladie non régressive — je vous le rappelle, M. le Président — sont maintenant guéris et peuvent retourner au travail? Qu'on me donne la recette! Qu'on me dise sur quelles données médicales on s'est appuyé pour en arriver à des découvertes aussi fantastiques, aussi merveilleuses. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. La science médicale a fait des bonds qu'on ne connaît pas et qu'on ne peut expliquer.

C'est pour cela que je me dis que si on est prêt à rendre neutres et objectifs les médecins en les sortant des industries, j'aimerais bien que du côté des accidents du travail, du côté du gouvernement, du côté des enquêtes qu'on fait et de la réanalyse de l'ensemble des dossiers, on me dise sur quoi on s'est appuyé pour cette découverte fantastique, pour ce miracle qui est arrivé à 28 miraculés du travail qui ont été guéris, sinon dans leur état physique réel, au moins dans leur dossier à la Commission des accidents du travail.

Je parlais tout à l'heure des lois qui ne sont pas respectées par certains; elles ne sont peut-être pas appliquées par certains non plus en parlant du gouvernement. Là-dessus, on a tous une responsabilité. Le gouvernement du Québec a une responsabilité également, que ce soit celui qui est devant nous ou les gouvernements précédents. Si on adopte des lois et qu'on ne les applique pas, à quoi ça sert? C'est vrai en ce qui concerne, par exemple, les normes d'empoussiérage. Je peux en parler parce que chez nous, à la Canadian Johns-Manville, à Asbestos, on est en avant. La compagnie a quand même eu le souci de réorganiser son entreprise, d'investir les fonds nécessaires, d'aller même au-delà des demandes du gouvernement. Par contre, ce n'est pas le cas dans toutes les entreprises.

C'est tellement vrai que cela a même servi au premier ministre dans le cas de l'expropriation d'Asbestos Corporation comme menace, à un moment donné. Le premier ministre a dit: Si c'est comme ça, s'ils ne veulent pas négocier de cette façon, on va les obliger à respecter la loi! C'était grave comme déclaration. Cela veut dire qu'avant on permettait qu'une loi existe, mais qu'elle ne soit pas respectée. C'est, à toutes fins utiles, ce que ça veut dire. Si on veut établir ce climat de confiance au niveau de la santé et de la sécurité au travail, ce serait peut-être préférable que nos gouvernants adoptent moins de lois mais que celles qui sont adoptées soient respectées. Cela vaut dans les deux sens. Il y a des lois qui n'ont pas été respectées dans ce domaine par les entreprises et je pense que ça a été le cas à Thetford pour l'Asbestos Corporation. C'est pour cela que le premier ministre s'est servi de cette menace en disant: "On va appliquer la loi" alors que d'autres entreprises, elles, l'appliquaient. Le ministre pourra peut-être apporter les nuances qui s'imposent,

s'il y a lieu, là-dessus, mais j'aimerais beaucoup avoir des éclaircissements.

Au niveau des travailleurs également, il y a eu des lois, il y a eu des réglementations d'adoptées et qui n'ont pas toujours été suivies. Il y a des torts des deux côtés et il y a du bon des deux côtés également, il faut être logique. Comme du côté de l'entreprise on a peut-être trop serré la vis lorsqu'il s'agissait de la santé et de la sécurité au travail, du côté des travailleurs également — certains, il faut le dire — ont souvent abusé des situations parce qu'il y a des maladies qui sont parfois fort curieuses et il y a des absences du travail qui, si elles devaient réellement être justifiées pour ce qu'elles sont, gêneraient peut-être des gens. Cela, je pense qu'il faut le dire tel quel. C'est donc une question d'attitude; d'attitude du gouvernement? D'accord, adopter des lois, mais aussi les faire appliquer. Attitude des entreprises également de respect des lois du gouvernement et de respect de leurs travailleurs. Attitude des syndicats aussi en n'en faisant pas des jeux de pression uniquement. Attitude des travailleurs aussi de vivre avec cette réglementation en sachant que dans plusieurs cas il y va de leur santé et de leur sécurité.

Donc, le ministre a fait appel, pour l'application de sa loi — j'en conviens et c'est pourquoi je le dis — à la responsabilité des gens impliqués. Il a dit: Notre loi va bien fonctionner si tous ceux qui sont concernés par le champ d'application de cette loi font leur part pour qu'elle fonctionne bien. C'est exact. Dans le projet de loi no 17, on remet aux employés et au syndicat une certaine responsabilité dans ce sens. Ici, je dois faire appel justement à ce sens des responsabilités pour que, lorsqu'ils auront à vivre avec cette loi, avec cette pièce législative, justement, ils n'abusent pas là-dessus. Cependant, vous me permettrez quand même d'exprimer certaines réserves. Si on part toujours du fait que le passé est garant de l'avenir, là-dessus, je me pose certaines questions.

On sait que, dans la loi 59 qu'on a adoptée, il y avait eu certaines dispositions faisant en sorte que c'étaient les syndicats qui fixaient la liste des services essentiels en cas de grève. De quelle façon cela s'est-il appliqué? De quelle façon a-t-on vécu cela au Québec, que le syndicat fixe la liste des services essentiels qu'on doit respecter? Nous avons exactement cette situation à Hydro-Québec actuellement. On l'a eue dans les hôpitaux. On a vu ce que cela a donné et on a vu les problèmes qu'on a eus avec cela, parce qu'on fait appel, à ce moment-là, à la responsabilité. Ce sont des faits; ce ne sont pas des opinions; ce sont des données factuelles.

De quelle façon cela a-t-il été vécu? Lorsqu'on parle d'Hydro-Québec également, c'est le syndicat actuellement qui dit si, oui ou non, il va aller réparer telle panne et à quelle vitesse. On sait qu'il y a certaines régions — cela dépend peut-être des locaux — où cela a été très bien; il y a eu des pannes qui ont été réparées dans l'espace de quelques heures ou d'une journée ou deux. Mais il y a eu des régions — et je pense que le député de Nicolet-Yamaska a donné des exemples et ç'a été la même chose chez nous également — où cela a duré jusqu'à six jours et où on se renvoyait la balle lorsque les gens essayaient d'avoir une réponse. Il y avait des gens qui perdaient la viande qu'ils avaient dans leurs congélateurs; il y avait des gens qui n'avaient pas de chauffage, avec tous les problèmes que cela peut comporter. Il y avait aussi le soin et l'entretien des animaux; on sait ce que cela implique comme besoins en énergie.

On a vu ce que c'est, ce que cela a donné, dans certains secteurs, l'application du fait qu'on a laissé aux syndicats la responsabilité de fixer eux-mêmes de quelle façon ils allaient réagir aux plaintes dans ce secteur. Tant et si bien que c'est le premier ministre lui-même qui a déclaré ce matin, en réponse à une de nos questions, que le fait de confier les services essentiels aux syndicats était probablement une erreur qu'il devrait corriger, une erreur à corriger. Je pense que c'est éloquent comme situation, mais, de l'autre côté, on s'apprête, dans le projet de loi no 17, à donner une forme de responsabilité équivalente en ce qui concerne la santé et la sécurité aux travailleurs et j'ai hâte de voir de quelle façon cela va s'appliquer.

J'espère que, fondamentalement, des deux côtés, tant du côté patronal que du côté syndical, on aura une attitude suffisamment responsable et adulte pour respecter les règles du jeu et ne pas utiliser, d'une façon ou de l'autre, les mécanismes que prévoit le projet de loi no 17 à d'autres fins que celles de la santé et de la sécurité du travail. Lorsque, comme maintenant, on endure pendant quatre, cinq ou six jours, ou on laisse perdurer des pannes d'électricité sur le dos des citoyens du Québec, les mêmes citoyens du Québec qui se sont vu refuser, dans certains cas, l'accès non pas à des services non nécessaires, mais même à des urgences dans les hôpitaux, alors que c'étaient encore les syndicats qui fixaient les services essentiels, je me dis que là-dedans on devra nous faire la preuve qu'on est prêt à avoir une attitude beaucoup plus responsable que celle à laquelle on a pu assister dans le passé. Les citoyens du Québec en ont un peu marre de cela, parce que ce sont toujours les mêmes qui ont à faire les frais de la musique, qui ont à payer et à souffrir comme otages et comme victimes. Je comprends qu'on n'est pas en Iran, mais on a quand même une masse de gens au Québec qui servent drôlement d'otages dans certaines situations actuellement et ce sont toujours eux qui font les frais de ces situations.

M. le député de Laviolette m'indique que c'est loin du projet de loi no 17. Je ne pense pas que ce soit loin du projet de loi no 17. C'est la question de l'attitude des gens qui auront à vivre avec cette loi, comparée avec l'attitude de ceux qui ont eu les mêmes pouvoirs entre les mains récemment. Je ne pense pas que ce soit s'éloigner tellement. On peut être syndicaliste, mais il faut quand même être réaliste en même temps. C'est là-dessus que j'adresse ma remarque au député de Laviolette. Oui, vous êtes libre d'attendre et même de parler sur le projet de loi. Je présente des données fac-

tuelles sur des situations et je pense que ceux qui ont à vivre actuellement avec les situations se posent certaines questions également.

Avant de terminer, j'aimerais vous faire part de quelques réactions à la réimpression du projet de loi no 17 qui nous ont été adressées — je vous fais grâce de certaines autres qui nous sont parvenues — par l'Association des mines de métaux du Québec. Le ministre a peut-être eu l'occasion d'en prendre connaissance, c'est tout récent; c'est d'aujourd'hui, 12 décembre. C'est peut-être arrivé à votre bureau. De toute façon, à ce moment-là, je m'aperçois que j'informe le ministre qui en recevra la confirmation dans son courrier ce soir. (16 h 50)

L'Association des mines de métaux du Québec en parlant de la réimpression du projet de loi 17, M. le Président, indique ceci, et je cite: "L'invasion massive des entreprises par les départements de santé communautaire qui, sans aucune notion de l'administration interne des entreprises, pourront imposer des politiques et activités extrêmement onéreuses sans égard à la rentabilité des entreprises et, bien souvent, relevant du rêve en couleur beaucoup plus que de la réalité. Nous avons l'exemple — continue-t-il — du bilan de santé proposé par le DSC de Rouyn-Noranda pour les mineurs du Nord-Ouest québécois, lequel bilan inclut un léger questionnaire d'une centaine de pages".

M. le Président, cette préoccupation — je l'ai souligné — existait au niveau de la commission parlementaire. Elle nous est rappelée maintenant par l'Association des mines de métaux du Québec. Le ministre responsable de l'application de cette loi doit en être conscient. On remet dans les mains des DSC des pouvoirs sur des entreprises au sujet desquels elles n'ont à peu près pas, sinon pas du tout, de notions en ce qui concerne la vie interne, le fonctionnement et ainsi de suite. Je pense que, de ce côté-là, il y aurait lieu de revoir l'approche du gouvernement pour modifier certaines choses afin que, tout de même, on puisse avoir, au niveau de ceux qui ont des décisions à prendre, des décisions qui ont des implicatins pour les entreprises, une certaine connaissance au moins minimum du domaine au sujet duquel elles auront des décisions à prendre.

On pourrait risquer de remettre dans les mains de purs théoriciens des situations qui sont quand même pratiques, qui ont des implications sérieuses à court et à long terme pour des entreprises données, pour des régions données et pour l'ensemble du Québec également. On sait de quelle façon se divisent ces choses. On le voit dans l'appareil gouvernemental. Je suis certain, M. le ministre, qu'autour de vous, dans les bureaux, vous avez aussi un certain nombre de "pelleteux" de nuages, comme on les appelle, des gens qui font de la belle théorie. D'accord. Mais vous avez à travailler pour l'application des lois dans la pratique, dans la vie quotidienne, non pas selon des théories, mais selon les réalités du monde auquel vous voulez vous adresser par le biais de votre projet de loi. C'est là que le bât peut blesser. C'est là que le ministre doit avoir cette préoccupation d'ajuster davantage son approche aux réalités qu'il veut chapeauter, qu'il veut corriger et dont il veut voir le fonctionnement amélioré.

J'avais également une autre remarque dans ce secteur qui nous avait été adressée par le même organisme, l'Association des mines de métaux qui dit ceci: "Dans le secteur minier, tout nouveau projet doit présentement être approuvé par le ministre de l'Energie et des Ressources — ce qui est normal — et par le ministre de l'Environnement. A l'avenir, cela devra aussi être accepté par la Commission de la santé et de la sécurité". C'est le chemin que le ministre veut emprunter pour éviter les situations auxquelles il a fait allusion dans son discours de deuxième lecture. J'en suis. Cependant, encore là, il faut accrocher le grelot parce qu'il y a quand même certaines nuances à apporter. Je continue la citation: "Comment peut-on vouloir promouvoir l'industrie au Québec et, en même temps, l'enfermer dans un carcan aussi inextricable?" Fin de la citation.

Je comprends que c'est peut-être une façon dramatique de décrire la situation. Par contre, cela sous-tend des réalités. Je ne pense pas que le ministre puisse faire abstraction de ces réalités. Lorsqu'on oblige des entreprises qui ont des projets de développement à passer par toute la tuyauterie et les dédales de trois ou quatre ou cinq organismes majeurs comme ceux-là, il y a pas mal plus de risques qu'en cours de route, il y ait des bâtons dans les roues et que les projets ne se développent pas, sauf si on trouve un mécanisme encore plus souple et plus simplifié que ce qu'on semble présenter actuellement.

Surtout quand je vois le mot "environnement" là-dedans. Cela m'inquiète. Je sais qu'il est déjà là, mais cela m'inquiète drôlement. Je vois sourire le ministre. Je pense qu'il a des cas à l'esprit. Il pourrait en donner lui-même, j'imagine. C'est simplement pour vous montrer l'efficacité des Services de l'environnement. C'est là que ces projets de loi vont devoir passer également. On avait une situation chez nous, à Asbestos, pour un dépotoir régional. Vous savez, M. le Président, que selon la nouvelle loi adoptée les municipalités doivent s'entendre sur le site d'un dépotoir régional, sur l'achat du terrain et ainsi de suite. Il y a plus d'un an, les municipalités chez nous, cela a très bien été. Elles se sont entendues. La compagnie Johns-Manville leur a offert gratuitement un terrain — je pense que ce n'est pas le cas nulle part dans la province — à même ses haldes de rebus, ce qui est déjà des rebus. Il y a deux ou trois cents pieds d'épaisseur de rebus. Donc, il n'y avait pas de problème en ce qui concerne les sols. Il y en a pour des milles de long comme cela. C'est complètement isolé. Tout marchait bien, jusqu'à ce que l'Environnement mette le nez dedans. Ils ont dit: II faudrait faire une analyse de sol. C'était déjà une halde de rebus avec plusieurs centaines de pieds d'épaisseur de rebus pendant des milles de long. Ils ont dit: II faudrait faire une analyse de sol. J'ai dit: Voulez-vous, les gars, ce matin, on va

épargner $3000 ou $4000? Cela coûtait $3500 ou $4000. On va sauter par-dessus cela.

Vous n'avez qu'à le regarder à l'oeil nu. Il n'y a pas de problèmes. Il n'y aura jamais de construction là. C'est une halde de rebuts. Il n'y a rien là. Ils ont dit: Non, il faut que cela passe par... J'ai dit: D'accord, si vous voulez dépenser. Cela a pris au-dessus d'un an avant de finir cela, parce qu'à ce moment ce n'était pas accepté par le Conseil du trésor. Là, il y avait toute la tuyauterie. Quand cela a été accepté, il n'y avait pas un ingénieur. Il n'y avait pas les gars qu'il fallait pour aller creuser et faire les expertises de sol dans la "dump" qui existe déjà pour voir si c'était le terrain qui pouvait être contaminé. C'est ce qui existe au niveau de l'environnement. Là, j'en passe. Je suis charitable en décrivant la situation comme cela. Je pourrais la décrire de façon beaucoup plus raffinée et beaucoup plus ardue à l'endroit du ministère de l'Environnement...

Une Voix: ... confiance.

M. Brochu: Ils traversent la rivière Saint-François, par exemple, pour aller prendre un cultivateur qui a changé un tas de fumier de place. Il y a un tuyau d'à peu près 30 pouces qui coule avec de l'acide chaud 24 heures par jour. Ils ne le voient pas, mais ils vont "poigner" le gars l'autre bord qui a changé son tas de fumier de place. C'est cela le service de l'environnement qui existe actuellement. Pourtant, cela coule 24 heures par jour. Chaque fois que je passe là, je vois la moitié de la rivière avec une broue blanche dessus. Cela s'en va à Drummondville et, là, ils le récupèrent pour traiter les eaux, pour les faire boire aux gens là-bas. C'est ce qui se passe actuellement. Je vois le bien-fondé de ce que l'Association des mines de métaux dit. On nous dit: Si vous compliquez trop et si vous nous obligez à passer par trop de bureaux pour avoir notre accord pour un projet nouveau, vous allez nous mettre dans des carcans assez difficiles. Même si je caricature, en badinant un peu, il y a des réalités au fond de ce que je viens de dire, de sorte que les entreprises vont être dans des situations plus difficiles. S'il y avait moyen — je comprends que l'appareil gouvernemental est un monstre administratif — de simplifier cela pour permettre à nos entreprises, lorsqu'elles ont des projets, d'avoir un accord comme cela se fait dans l'entreprise privée et comme cela se fait du côté de ceux qui ont des initiatives, je pense que cela réglerait beaucoup de cas et cela donnerait une assurance de bon fonctionnement.

En ce qui concerne le regroupement des services, on en est, en ce qui concerne la prévention et la réorganisation. On en est en ce qui concerne l'inspection, les réajustements faits là-dedans. Cependant, on a énormément de réserves et de questions encore à poser et de garanties à obtenir de la part du ministre en ce qui concerne l'ensemble des autres points. J'aurais pu parler plus longuement sur d'autres détails, mais la loi est très vaste. Nous aurons l'occasion d'y revenir en commission parlementaire et lors de l'étude de la troisième lecture également. Je pense qu'il y a des correctifs majeurs à apporter au niveau du projet de loi et j'ai hâte d'entendre ce que le ministre a l'intention d'apporter. Je sais qu'il y a eu des correctifs importants d'apportés. Il y a l'approche que le gouvernement du Québec a choisie. C'est son choix. C'est lui qui est le gouvernement du Québec. Il aura à vivre avec son choix, avec l'application de sa loi; c'est sa responsabilité. On ne lui conteste pas. Cependant, même si on reconnaît dans la loi le bien-fondé de plusieurs modalités d'application, il reste des secteurs où il y a beaucoup de points d'interrogation. Dans ce sens, j'ai hâte d'entendre le ministre pour voir s'il va nous donner les garanties suffisantes qu'on est en droit d'exiger de ce projet de loi.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Merci. M. le Président, j'aurais une question à poser, lors de mon intervention, au député de Richmond. Est-ce que je pourrais lui demander, par un oui ou par un non, s'il votera pour ou contre la loi?

M. Brochu: M. le Président, je refuse, à moins de garanties; c'est ce que je viens de dire. On est contre la loi telle qu'elle est présentée actuellement, à moins qu'on ait des garanties supplémentaires. Si le député veut d'autres explications, je peux lui en donner avec plaisir. Je peux expliquer davantage. Cela va?

Le Vice-Président: M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je sais que, dans 20 minutes, on ne pourra pas donner un son de cloche en profondeur sur tous les aspects de la loi. Mais, avant de commencer à parler du principe même de la loi, ce qui est l'objet d'une deuxième lecture — il ne s'agit pas de parler de modalités en deuxième, mais du fond, du principe lui-même — je voudrais d'abord remercier le ministre d'Etat au développement social de m'avoir fourni l'occasion, à moi et à une couple de mes collègues, de travailler d'une façon très intéressante à l'élaboration de ce projet de loi, de participer à des rencontres de groupes qui nous ont permis de vivre, avec certains travailleurs et certains employeurs, différents problèmes de sécurité et de santé que l'on rencontrait au Québec.

Nous avons également eu la chance, grâce à cette participation dans ce comité de travail, de rencontrer des groupes qui nous ont soumis des suggestions fort intéressantes et que l'on retrouve dans ce projet réimprimé et déposé à l'Assemblée nationale. Donc, j'ai bien l'impression que le ministre mérite nos remerciements pour nous avoir fourni cette occasion de participer à l'élaboration de cette loi, qui sans doute est une des plus importantes au Québec, si on regarde la situation

de fait en regard de la santé et de la sécurité au travail.

(17 heures)

Pour ma part, j'avais eu la chance d'être sensibilisé un peu au problème de la sécurité et de la santé dans le domaine de la construction en 1974 lorsque, siégeant à la Commission Cliche, il m'avait été donné de confier une étude sur la sécurité et la santé à un groupe de travail qui nous avait fait valoir tous fes problèmes qu'on rencontrait dans le domaine de la sécurité et de la santé dans le secteur de la construction. Ce n'était pas un cadeau. Ce n'en est pas plus un en 1979; c'est pire.

Mais l'effort fait par le présent gouvernement, tout d'abord pour regrouper en une seule loi cet ensemble de sept lois et d'une vingtaine de règlements et de faire chapeauter cela par une autorité unique devrait être satisfaisant pour démontrer déjà une volonté de faire le nettoyage dans tout cela, de dépoussiérer cet ensemble qui constitue un secteur important pour la santé des travailleurs. Cela dénote déjà, je pense, une volonté, hors de tout doute raisonnable, d'arriver à quelque chose de mieux. C'est ce qui me fait douter un peu des propos du leader de l'Union Nationale qui dit que cela va être bien plus complexe. Au contraire, cela va être beaucoup plus simple parce que, anciennement, on demandait un inspecteur et il pouvait nous arriver un inspecteur de l'Environnement alors que ça nous prenait un inspecteur minier. On demandait un inspecteur d'une section alors qu'il nous arrivait un inspecteur d'une autre section. Le ministère du Travail envoyait un inspecteur pour telle vérification et il nous disait: Cette opération relève de l'Environnement. La centralisation, à la fois, de l'inspection et des décisions d'une commission, qui est paritaire, soit dit en passant, va contribuer à mettre de l'ordre et à faire en sorte qu'on ne se lance pas la balle d'un secteur à l'autre.

M. le député de Nicolet-Yamaska, si vous voulez intervenir, vous vous lèverez à votre tour!

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, il y a un autre objectif dans cette loi qui contribue fortement à me déclarer non seulement en faveur du principe mais à essayer de démontrer à l'Opposition que c'est ridicule de voter contre une telle loi. quand un gouvernement présente une loi qui est axée en fonction de la prévention et non en fonction de la réparation des pots cassés, il me semble, quand on en est en particulier à une deuxième lecture, au niveau du principe, que tout le monde devrait crier bravo. Que tu sois dans l'Opposition ou que tu sois au pouvoir, il me semble que quand une loi vise à prévenir au lieu de guérir, on devrait tous dire bravo. On en est au niveau du principe présentement. Vous aurez toutes les chances possibles d'amender les modalités si vous n'êtes pas d'accord, mais votre attitude en deuxième lecture, quand on sait qu'on a à voter sur le principe d'une loi, de vous déclarer contre un projet de loi qui vise précisément à enrayer le mal à la racine, cela ne m'impressionne pas gros. Je vous avoue que je me demande comment les travailleurs ou les travailleuses québécoises interpréteront le geste du Parti libéral et du parti de l'Union Nationale qui ont décidé de voter contre le principe d'une loi qui vise d'abord et avant tout à faire en sorte qu'on puisse vraiment, au niveau de la santé et de la sécurité, s'attaquer d'abord et avant tout à la racine même du mal. Je ne le comprends pas et c'est une grande déception en ce qui me concerne.

Il y a un autre aspect de cette loi qui me plaît énormément, M. le Président. C'est le fait qu'on associe les travailleurs à toute la démarche dans la prévention, dans l'inspection. On leur donne le droit de refus qui, dans certains cas, peut même regrouper plusieurs personnes. Donc, un refus collectif mitigé. Si cela peut rassurer le député de Richmond, ce n'est pas un refus collectif global qui est exercé dans la présente loi. Il a mêlé les services essentiels avec le refus individuel qui peut regrouper, dans certains cas, certains travailleurs. C'est vrai que pour lui, cela peut être ambigu, mais pour ceux qui ont un peu oeuvré à ce niveau, un refus individuel qui permet de temps à autre... Pour les gars qui sont dans une même boîte qui constitue un danger imminent, il est bien évident que le refus peut être collectif pour cette petite boîte mais il ne touche pas l'ensemble des travailleurs de l'unité ou de l'usine. C'est très différent si on compare cela aux services essentiels qui sont décidés par une entité globale. Donc, c'est mélanger deux choses, c'est même brouiller la population à ce niveau.

Le fait d'associer ces mêmes travailleurs, par exemple, à l'élaboration d'un programme de prévention, m'apparaît beaucoup plus important, M. le Président. On a l'habitude au Québec de dire: Tais-toi, mets ton casque, mets tes cache-oreilles, mais pas plus que cela. On ne lui explique pas pourquoi au gars. Là, il va pouvoir participer au processus même. Pour ceux qui ont visité des usines, pour ceux qui ont discuté avec les travailleurs, vous vous rendrez compte que c'est la meilleure façon, bien souvent, de véritablement, comme on dit dans notre jargon, embarquer les salariés et de participer activement à la prévention. Sinon, ils vont le faire de force. Tant que le contremaître est là, ils vont avoir le casque sur la tête ou le cache-oreilles. A la minute où le contremaître disparaît, tout revole. Si on leur fait comprendre, si on les fait participer à l'élaboration du programme de prévention eux-mêmes, ils se sentiront un peu partie à tout cela. On a visité un bon paquet d'usines, comme le ministre le disait et, dans les usines où on fait participer les travailleurs, la structure, même la structure qu'ils se sont donnée à l'intérieur de l'usine, le syndicat, c'est drôle comme le dialogue dans ces usines n'est pas le même, même sur le plan des relations de travail.

Cela, c'est notre mentalité. C'est peut-être dans votre mentalité. Les vieux partis politiques, il

va falloir qu'ils changent et qu'ils s'adaptent à cette nouvelle mentalité. Tais-toi et ne participe pas, mais fais ce qu'on te dit, c'est démodé en 1979. Si on veut vraiment que les gens embarquent, il faut les associer. C'est cela que le projet de loi dit. Vous en avez des exemples concrets. Quand on a adopté l'assurance automobile — je me permets cette digression, M. le Président, pour faire comprendre le principe qu'il y a dans cela — on a dit: Les jeunes, cela va être épouvantable. Ils sont responsables de tous les accidents du Québec. Ils s'achètent des "minounes" et ils n'ont pas peur. Ils ont dit: Cela va être une catastrophe, le projet Payette. Bien, le jeune qui paie moins cher d'assurance automobile aujourd'hui, comme par hasard, s'achète une auto plus dispendieuse parce qu'il épargne sur l'assurance et, comme par hasard, il y fait plus attention. Il y fait un peu plus attention et il y a moins d'accidents.

On est surpris de cela de l'autre bord. Ils ne sont pas habitués à faire des comparaisons de ce genre, à associer du monde, à leur faire comprendre des choses. C'est ferme ta boîte, mets les cache-oreilles, mets ton casque et tasse-toi, c'est pas important cela. Dis-nous surtout pas que l'escalier branle. Dis-nous surtout pas qu'il n'y a pas de parapet et que cela pourrait sauver des vies, que cela pourrait éviter des accidents. C'est cela qu'on veut, qu'ils participent. On veut qu'ils fassent le tour avec l'inspecteur et qu'ils disent à l'inspecteur; Telle chose, cela nous apparaît dangereux. D'après vous? Vous connaissez cela, vous êtes un spécialiste. Le gars va leur expliquer: Oui, sauf que ce n'est pas une urgence que cela coûterait terriblement cher; nous allons faire cela sur un échéancier de deux ans, trois ans, peu à peu. C'est cela l'esprit de la loi: de faire participer les salariés en leur donnant le droit à la représentation; en leur donnant le droit même, dans le choix du médecin, de dire leur mot conjointement avec la compagnie; en leur donnant le droit de connaître les éléments dangereux. Par exemple, ceux qui travaillent sur des matières chimiques ont le droit de savoir cela. Un gars déluré, qui apprend, qui étudie des choses et transmet ses connaissances peut éviter certains gestes par la suite. Tout ce qu'on dit au salarié qui travaille avec des produits chimiques, c'est: ne fume pas. On met une cigarette sur le mur avec un X, mais on ne dit pas pourquoi. Si tu expliques au gars que tel ingrédient, cela peut provoquer telle ou telle chose, il est bien plus motivé à respecter les normes de sécurité. C'est cela qu'on dit dans le projet de loi.

On associe les salariés. On apporte une foule de correctifs. Vous ne le dites pas, mais ce dont vous avez peur, c'est que, pour le patronat, cela se solde en signe de piastre. Vous avez peur que cela vienne grossir d'une façon démesurée la perte de profits d'une entreprise. Le ministre d'Etat au Développement social ce matin, M. le Président, donnait des chiffres en termes de perte économique; $2 milliards au moins, $500 millions d'indemnisation. On se rend compte que les entreprises qui ont vraiment accepté de jouer le jeu de la prévention sont déjà regagnantes et elles le disent elles-mêmes. Les dirigeants de compagnies vont vous dire eux-mêmes: Depuis qu'on a associé nos salariés, depuis qu'on provoque une motivation à l'intérieur pour faire en sorte qu'on ne se ramasse pas avec un record épouvantable d'accidents, c'est drôle comme cela va passablement bien. On peut se permettre même dans certains contrats collectifs d'accorder des dégagements de personnes pour participer davantage à ce phénomène de prévention.

Les employeurs vont vous dire cela. Allez jaser avec tout le monde. Ne parlez pas uniquement avec ceux qui ne voient que le signe de piastre, d'après ce que je peux comprendre dans la lettre qui nous a été citée par le député de Richmond tantôt. (17 h 10)

Ne vous encarcanez pas, des fois il vaut la peine, à court terme, de dépenser des dizaines de milliers de dollars pour en épargner des millions, dans quatre ans, dans cinq ans, dans dix ans. Cette perte économique au Québec, elle est sérieuse, elle est très sérieuse. Il était temps qu'un gouvernement prenne le taureau par les cornes, mais d'une façon graduelle, comme l'a dit le ministre: Demain matin, on ne peut pas tout mettre en branle tout cela.

Et cela m'amène à parler de la position du Parti libéral. Moi en tout cas, j'ai été des plus surpris d'entendre le député de Portneuf dire qu'il serait contre la loi. Le député de Portneuf a participé à toute l'audition des mémoires, il a parlé régulièrement, en commission parlementaire, avec le ministre et avec certains députés ministériels. On voyait qu'il était en désaccord sur certains aspects techniques, sur certaines modalités du projet de loi, mais grande fut ma surprise de l'entendre dire qu'il voterait contre le projet de loi, parce que ce dernier, dit-il, est de portée trop universelle.

En tout cas, l'impression que j'ai eue et je vais le dire comme je l'ai eue, c'est que le député de Portneuf a été pris de court et a été forcé de se trouver une raison pour voter contre. Essentiellement, pour celui qui a participé à la commission parlementaire, qui a écouté les 70 mémoires, on sait très bien que cette commission provinciale est une commission paritaire et c'est là que vont se décider les priorités. S'il y a une priorité dans le secteur, par exemple, des raffineries, c'est à la commission de le décider et les gens sont représentés d'une façon paritaire à cette commission. Ils peuvent même décider, à cette commission, qu'ils mettent le paquet pendant un an ou deux ans, uniquement dans les usines qui travaillent sur des produits chimiques et ils y vont mollo dans d'autres secteurs où il y a moins urgence. Ce sont leurs prérogatives. Il ne faut pas faire insulte à leur intelligence. Ce seront des gens qui seront suggérés par les milieux de vie eux-mêmes, selon leur compétence.

Je suis convaincu que c'est une raison de dernière minute. Peut-être — et là je pose l'interrogation et ce sera à lui à nous répondre — sans doute,

à ce qu'il ma paru, est-ce pour suivre une ligne de parti, rien d'autre.

Je vais terminer — je sais qu'il y a plusieurs de mes collègues qui veulent parler de ce côté-ci de la Chambre et qui ont travaillé sur le projet — en répondant à ceux qui voulaient laisser la sécurité et la santé uniquement s'établir ou se bâtir à partir du rapport de force. C'était donc dire la négociation, à toutes fins utiles. Je pense que les gens qui disent cela sont des irresponsables et gravement irresponsables. On sait très bien, c'est l'expérience passée qui nous guide là-dessus, que tu négocies du salaire, tu négocies des tâches, tu négocies une sécurité d'emploi, mais quand t'arrives bien souvent en bout de ligne, et que tu veux négocier de la sécurité et de la santé au travail, là il y a un blocage systématique. Quand le blocage systématique se fait sur un ensemble de sujets de négociation, tu peux fort bien t'en tirer avec, ce qu'on appelle en jargon de négociation, un "package deal" qui t'avantage, mais s'il y a de l'habileté d'un certain côté de table, tu peux régler les salaires, tu peux régler la tâche ou la semaine de travail et tu laisses isolément la sécurité et la santé au travail. Des gars, après un certain temps de grève vont rentrer, vont dire: Bien, à la prochaine convention, sans qu'il existe au niveau provincial un cadre minimal pour protéger la santé et la sécurité des individus.

Donc ceux qui croient que le rapport de force, dans certains secteurs d'activités économiques, dans certains secteurs d'activités industrielles, est suffisant pour bâtir des normes de sécurité et de santé minimales, je pense qu'ils sont en dehors de la "track" complètement. Cela prenait un cadre général et il n'y a rien qui empêche dans le cadre du rapport de force cependant de négocier plus puisque la loi constitue un minimum.

J'invite personnellement l'Union Nationale — je me permets de lui lancer un appel — parce que si je me base sur les propos du député de Johnson en commission parlementaire, qui a dit que cette loi était un pas de géant en avant, quand un député vient me dire qu'on franchit un pas de géant en avant mais qu'il dit aussi: Je vote contre, ou que sa formation politique dit: On vote contre, ou bien ce député est sorti de sa formation politique ou bien sa formation politique l'exclut, parce qu'il était le critique officiel de l'Union Nationale à la commission parlementaire.

Quant aux députés du Parti libéral, ils sont partis à dire non sur n'importe quoi sans connaître les questions ou sans connaître les projets de loi; donc, je ne suis pas surpris de leur position. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je sens que je vais avoir une décision à rendre. J'ai reconnu et j'ai entendu deux "M. le Président". Je suis assuré, M. le député de Saint-Laurent, que vous me permettrez d'exercer une sorte de discrétion et d'accorder le droit de parole au député de Pointe-Claire, tout simplement parce que tout à l'heure il a essayé de se lever avant le député de Joliette-Montcalm.

M. le député de Pointe-Claire.

M. William Shaw

M. Shaw: Merci, M. le Président. Je veux profiter de l'occasion pour parler de ce projet de loi qui est encore une grosse loi-cadre comme beaucoup d'autres que j'ai vu adopter durant les trois années que j'ai passées ici comme membre de cette Assemblée nationale. Je veux aussi dire que mes expériences en commissions parlementaires avec le ministre responsable de ce projet de loi ont toujours été positives. Il a toujours compris mon désir d'améliorer une situation dans laquelle il était impliqué par la préparation d'un projet de loi. Je le sais fort bien, il a totalement raison de dire qu'au Québec, comme dans les autres provinces du Canada, nous avons besoin de lois qui vont établir des normes et des règlements pour la protection des Québécois, des travailleurs sur leur chantier de travail.

Pour cette raison, je répète que c'est toujours d'une façon positive que je veux aider le ministre, que ce soit dans l'étude du projet de loi no 17, du projet de loi no 9 ou du projet de loi no 24, lois auxquelles j'ai participé en cette Chambre. Mais j'ai retrouvé en même temps les mêmes problèmes qui reviennent à chaque reprise. On emploie de grosses structures, de grosses régies, de gros offices, une grosse bureaucratie qui, en fin de compte, ne fait presque rien pour faire fructifier les buts des projets de loi. Prenons, par exemple, le projet de loi no 24 sur la protection de la jeunesse. Pendant l'étude de ce projet de loi, j'ai toujours dit au ministre: Vous devriez tenir compte que, pour appliquer un projet de loi comme vous le voulez, nous avons besoin de ressources humaines et physiques pour mettre en vigueur le projet de loi comme prévu. Nous avons vu cette année les problèmes qui ont résulté de l'application de la loi 24. Nous avons de grosses structures, mais nous n'avons pas de bénéfices à la jeunesse à cause du fardeau énorme de la bureaucratie au lieu d'une application efficace répondant aux besoins de la population. (17 h 20)

Nous avons vu la même chose avec le projet de loi 9, pour les handicapés. Maintenant, nous avons une grosse régie des handicapés, mais les handicapés reçoivent encore $248 par mois et s'ils essaient de trouver de l'emploi pour augmenter leurs revenus, leurs bénéfices sont coupés. On ne donne aucune chance à ces gens d'améliorer leur mode de vie, sans couper des bénéfices.

Puis, nous sommes arrivés avec un nouveau projet de loi, le projet de loi no 17, qui dit que nous allons améliorer la situation de la santé et la sécurité au travail. Qu'est-ce que nous sommes en train de faire? Bâtir une nouvelle bureaucratie. Une bureaucratie qui va s'établir à un coût moyen, minimum, de $150 millions et, après cette dépense, est-ce qu'il y aura une différence? C'est ce que nous avons besoin de demander. C'est vrai que nous avons à peu près 300 000 accidents de travail par année, c'est vrai. C'est vrai que nous dépensons $400 millions par année en indemnisations pour les bénéficiaires de la Commission des acci-

dents du travail, c'est vrai. C'est vrai que le coût pour les entreprises du Québec est d'à peu près $2 millions par année, c'est aussi vrai. Mais comment ce projet de loi va-t-il améliorer la situation?

Nous avons pu constater, à la commission qui a entendu des spécialistes dans tous les domaines, qui étaient presque totalement à 100% — de ceux que j'ai entendus — je n'en ai jamais entendu un qui était pour les principes même, les moyens, les modalités qui sont dans le projet de loi, aucun. C'est vrai, M. le Président, que le besoin est là, mais ce sont les modalités qui sont toujours le marteau qui essaie de tuer une mouche et cela ne tue jamais la mouche, mais cela fait une grosse dépense et un gros dommage en essayant de le faire.

Let us examine this bill in its principles. First of all, one of the most important and most dangerous principles is the concept of the nationalization of industrial medicine in the province of Québec. We have heard that the minister, after listening to the groups involved in industrial medicine and the companies who have well established industrial medicine programs, after listening to this, he has accepted that he will integrate the established programs into the new system.

Nevertheless, Mr President, he will continue to nationalize industrial medicine, that is, put industrial medicine into the already inefficient establishments we have in this province. And I take for example the concept of the "Département de la santé communautaire". This is a by-product of bill 65, which is another "loi-cadre" which was passed a number of years ago, that depersonalized and centralized all medical services and social services in the province of Québec to a level which I consider has almost destroyed the total infrastructure of the system.

For example, we have approximately 90 CLSC costing multimillions of dollars, I understand $180 million in this fiscal year of which only 31 are providing services. This is the structured system of solving a problem. Yes, we have a problem. Yes, there is a large amount of industrial accidents. Yes, there needs to be improvements, but not by developing a gigantic structure, using a situation which is already inefficient and should be modified in itself to attempt to apply the remedy that is suggested as being needed.

I remember, in the parliamentary commission, how the DSC and the CLSC were looking at the advantages that they would get out of this new legislation, a new hierarchy, hiring expertise here, hiring expertise there, the cost of which will be at least $150 million just to place, without getting one half hour of services for health and security in the work place. We see this with our gigantic monster, for example, in education where we are now spending $51 million for not one single teaching hour, just for the ministry of Education which provides literally nothing but interference to the educational system in this province.

So, we will build this nationalized industrial medicine program. And the physicians, the nurses and the industrial engineers who will be needed to fill this gigantic organigram, where will they come from? Have you asked that question, Mr President? This is one of the points brought up at the parliamentary commission. The expertise available to meet the needs of the organigram of a nationalized industrial medical program is just not there, and this is why we should recognize the need to evolve the system through an incremental approach rather that this gigantic structured program envisaged by the minister.

We heard the representations by the member, the whip of the government who suggested that all the problems could be solved by simple negociation between the workers and the management. One of the things that was brought to my attention by people involved in this very field is a comment made by General Motors of Canada. I know that General Motors of Canada is supposed to be the villain, that hires doctors that work specifically to its advantage. I know that this is the underlying attitude of the government, but General Motors spends approximately $830 per worker annually for preventive medicine procedures and General Motors has had a history of 35 years of solid negotiations between management and labour to evolve a highly sophisticated level. This has been successful, using the present mecanisms that are involved and justifiably, this company and others like it are concerned by having the socalled expertise banks in this new nationalized industrial medicine to compete with.

Obviously, there is also the need to recognize that we develop, yes, "la Commission de la santé et de la sécurité" and a "comité" in each individual work place that will solve all these problems, that will reduce all these industrial accidents. I have worked with industrial accidents, Mr President. I see them coming into my office and nine out of ten of those will not change with any legislation passed here, in the province of Ontario, the province of Manitoba or, for that matter, in any State in the Union. We can work for prevention but to eliminate the cause of all of the industrial accidents that we are knowing in the province of Québec by passing a piece of legislation, it is certainly dreaming in technicolor. There are certain rights involved in this legislation which also concern us, Mr President, the right to refuse work, the right to cease work is referred to here and the people from General Motors used the following terms: "We believe that the right to cease work should be confined to situations of immediate serious and imminent danger, so as to guard against frivolous work stoppages". (17 h 30)

The province of Ontario has just enacted legislation similar to that that is being conceived here, that came to terms with this right to refuse work, because industry was terribly concerned that the use of the right to cease work and the use of the right to prevent others from replacing that person who has ceased to work can be used abusively by labour as a pressure tactic during the negotiations periods. We know how labour in the

last fifteen years, has become progressively abusive. We have seen during the Hydro strike, for example, an abusive use of rights provided to workers and it should not be in the interest of this government, acting on behalf of the people, to open another door for abuse by the labour movement in a work place. They have the right to collective bargaining built very satisfactorily into the system and providing a use that could be frivolous, that could be used strictly as a pressure tactic, it is very dangerous indeed and I think that industry is right in being concerned with it. On the rights, for example, of preventive retirement, we have heard the honourable member for Richmond discuss what happened in Asbestos Corporation when, after a couple of years, people who were given retirement because of asbestosis were declared to be healthy again by physicians working for "la Commission des accidents du travail".

There is no way possible that you can determine the legitimacy of someone who wants to return to work, who feels that he would be better off working that not working and removing his right by an arbitrary position taken by an "office" or a "régie" or a "comité" is a fundamental abuse of rights. For example, the right for pregnancy leave; it is very interesting that this law will give greater power to those who would take pregnancy leave. Yet, if we look at the work place, if we examine what is happening, people who are pregnant are not negotiating to be released earlier from work, but are now negotiating to be able to work longer. Air Canada, for example, in 1945, had regulations that said: Any woman who becomes pregnant must immediately resign. Their collective agreement in 1965 required that they be allowed to continue to work until the end of their fourth month. They are now negotiating to try to work until the end of their seventh month.

Obviously, some people would like to work in spite of the fact that the environment in which they work could be considered contrary or negative to their health or the health of their expected child. Yet, I am quite sure that as a result of these negotiations, physicians who have previously said that it is unhealthy for a pregnant woman to work in a airplane will soon be convinced that it is not as unhealthy as that and that these young ladies will be allowed to continue to work until the end of the seventh. So, where the preventive rights are, I agree, a right that should be extended to people, the right to work must also be considered as a right to be expected.

Mr President, I will just close in making remarks about research. I think that this is an area that we should be putting a great deal of emphasis in. Here, I think the government should be making an effort. In total, Mr President, I feel the bill, in concept, is positive, but in modality, it is terrible. We are going to build another structured system that will not be able to deliver the service.

I think that the minister should reexamine the law in such a way that it can be made to be applied positively with effect. The goal is very valuable, very desirable. The method is unfortunate. Thank you very much.

Le Président suppléant (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, je vais, à l'égard de ce projet de loi, m'exprimer de façon fort négative. Mais, avant de le faire, je désire préciser que s'il y avait eu moyen, après une étude attentive du projet de loi 17, de l'appuyer et d'appuyer le gouvernement dans son adoption, je l'aurais fait, indépendamment de toutes considérations partisanes, avec le plus grand plaisir possible.

Des Voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Vous pouvez rire si vous voulez, c'est une affirmation que je fais très sincèrement. Il n'est pas possible, pour quiconque connaît les problèmes de la santé et de la sécurité au travail, d'appuyer et de concourir à la vision qu'entretient le gouvernement quant à la solution qu'il veut apporter à ce problème. Sans aucun doute, il y a des éléments dans la loi qui sont bons. Je dis bien des éléments. Par exemple, les choses sur lesquelles le gouvernement et le ministre d'Etat font porter le plus d'insistance, ce droit de refus ou le droit de retrait préventif, quelles que soient les améliorations de détail qu'on pourrait y apporter, représentent des éléments bons, des éléments qui sont souhaitables dans une loi de ce genre. Encore une fois, ce ne sont que des éléments. Ce ne sont pas même des éléments essentiels.

En effet, quand il y a un emploi qui représente un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs, cela ne solutionne rien de refuser de faire ce travail telle journée ou de s'en retirer de façon préventive. Ce qui est véritablement en question, c'est de savoir quels sont les mécanismes qui permettront de faire en sorte que cet emploi que l'on refuse d'exécuter ou dont on se retire va devenir un emploi qu'on peut assumer sans risque pour la santé et la sécurité. En soi, le retrait ou le refus ne constituent pas un mécanisme suffisant. Je pense que c'est évident pour n'importe qui.

Donc, il y a des éléments qui sont bons, ceux que j'ai mentionnés et quelques autres, mais il y a, et ceci est plus important, une vision d'ensemble qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi, tout un esprit qui imprime l'ensemble des dispositions du projet de loi et qui constituent ce contre quoi je m'insurge parce que cela constitue à mes yeux une orientation non pas seulement mauvaise, mais une orientation néfaste et dangereuse qui, loin d'améliorer la santé et la sécurité des travailleurs, ne nous donnera tout au plus que le statu quo et peut-être même une baisse de performance, peut-être même des problèmes de santé et de sécurité plus importants que ceux que nous

connaissons, au moins pendant une période de transition et, au mieux, en longue période, une situation tout à fait comparable à celle que nous avons aujourd'hui.

Quelle est donc, M. le Président, cette caractéristique essentielle qui fait qu'à mes yeux le projet de loi 17 n'est pas acceptable, que ce projet de loi comporte une philosophie d'ensemble des problèmes de santé et de sécurité qui font qu'elle sera inefficace, cette politique gouvernementale? On peut, je pense, résumer cet esprit en quelques mots, même si ce sont quelques mots qui méritent de nombreuses explications et qui permettraient de faire de très longs exposés sur la façon dont cela s'articule. Ce principe consiste essentiellement en ceci: Le gouvernement, à partir de maintenant, veut confier à l'Etat la totalité de la responsabilité et des initiatives en matière de santé et de sécurité des travailleurs. (17 h 40)

Bien sûr, il y a des phénomènes de participation des employeurs et des travailleurs, mais, ne nous faisons pas d'illusions, les décisions importantes sur toutes les questions qui ont trait à la santé et à la sécurité des travailleurs appartiendront désormais à l'Etat et à l'Etat seul, en définitive.

Cette philosophie, M. le Président, n'est pas susceptible de nous approcher d'une solution, n'est pas susceptible de nous donner une amélioration de la condition actuelle. Pourquoi? Il y a à cela plusieurs raisons. En premier lieu, il existe au sein des milieux de travail, dans l'entreprise, une relation qui doit être très étroite, la plus étroite possible entre la détection d'un risque pour les travailleurs, un risque qui se manifeste par une détérioration de leur état de santé, et l'organisation du travail à l'intérieur de la même entreprise. Il doit y avoir une relation très étroite entre le moment et les personnes qui réalisent qu'il y a un risque, qui disent: II y a ici un risque, il y a ici une détérioration de santé, et le moment et les personnes qui ont à prendre des mesures correctrices dans ce milieu de travail.

Il devrait y avoir, encore davantage, une relation organique à l'intérieur même de l'entreprise qui permet à cette information d'agir et d'influer immédiatement sur l'organisation du travail, sur la définition des tâches, sur le choix des processus de fabrication. Le projet de loi 17, au contraire, brise toute possibilité d'un tel lien organique entre la détection d'une détérioration de l'état de santé et les décisions sur l'organisation du travail et y substitue une relation de caractère bureaucratique entre l'entreprise, d'une part, et un organisme public, un organisme gouvernemental ou parapublic. C'est la première raison et cela reflète une mauvaise conception, une méconnaissance des mécanismes de prévention véritable, des causes de mauvaise santé, de morbidité ou même de mort dans le milieu de travail. La deuxième raison, c'est que l'on ignore également l'immense complexité et la rapidité d'innovation technologique à l'intérieur des milieux de travail des entreprises de fabrication modernes. Ce n'est pas des centaines de normes qu'il faut envisager; c'est littéralement des milliers et des dizaines de milliers de procédés de fabrication. Et ces choses, cela change tous les jours, toutes les semaines.

Si donc, on situe à l'intérieur du secteur public la responsabilité de normaliser, de dire ce qui est permis et ce qui n'est pas permis, étant donné cette complexité énorme, étant donné la rapidité d'évolution des choses, on se condamne à une situation où les normes gouvernementales en perpétuité seront en retard sur les événements non pas de quelques jours ou de quelques mois, mais de quelques années, si bien qu'on aura la situation loufoque suivante où, lorsque les normes apparaîtront à la Gazette officielle après des mois de tergiversations et de questions de toutes sortes, elles s'appliqueront à des procédés de fabrication qui sont déjà désuets et qui ne seront probablement plus utilisés dans un grand nombre d'entreprises. C'est cela à quoi on s'expose en situant du côté de l'Etat la responsabilité de trouver les moyens d'améliorer l'état de santé.

En effet, on peut trouver des moyens pour corriger l'état de santé et on veut donner à l'Etat la responsabilité de les définir, alors qu'une véritable loi de santé et de sécurité devrait s'attacher à définir des résultats et non pas des moyens, à créer pour les entreprises des obligations de résultats et non pas des obligations de moyens.

En d'autres termes, dire aux employeurs: Vous devez faire en sorte que l'état de santé de vos travailleurs ne se détériore pas, et prendre des soins considérables pour vérifier si oui ou non l'état de santé des travailleurs se détériore ou non, en créant, à la suite de ces constatations, une obligation sur l'employeur lui-même, non pas de se conformer à des normes gouvernementales toujours en retard sur les événements, mais à prendre lui-même, à partir de ses connaissances techniques et de sa maîtrise du milieu industriel, les moyens appropriés pour que cette détérioration de l'état de santé prenne fin. Cette confusion entre une obligation de moyen et une obligation de résultat oblige le gouvernement à s'insérer dans la connaissance technique des processus de fabrication, et l'obligera, l'acculera à être toujours en retard sur les événements.

Une troisième raison pour vérifier si les résultats, quant à l'état de santé des travailleurs, sont ceux que la loi ordonne. Il est nécessaire de disposer d'instruments de contrôle, à la fois dans l'industrie, mais aussi dans le secteur public. Le rôle de contrôleur de l'état de santé des travailleurs dans l'industrie, il est stérilisé par le projet de loi no 17. Comment? Parce que le gouvernement confie aux services de santé, qui seront développés par les départements de santé communautaire dans le secteur hospitalier, la responsabilité totale des services de santé dans l'entreprise. On placera donc ces départements de santé communautaire dans une espèce de situation de conflit d'intérêts, puisqu'ils devront vérifier la qualité du travail qu'eux-mêmes auront à rendre auprès des travailleurs. C'est pourquoi je dis qu'on stérilise leur véritable vocation à ces départements

de santé communautaire qui est d'être des espèces d'inspecteurs de contrôle sanitaire dans le milieux de travail, comme dans d'autres milieux d'ailleurs, en les plaçant dans la situation d'avoir eux-mêmes à faire le travail et après, à se retourner sur ce qu'ils ont fait et juger si, oui ou non, ce travail est satisfaisant. C'est une erreur de confier aux départements de santé communautaire un rôle pour lequel ils n'ont jamais été destinés et les inviter ainsi à oublier leur fonction principale qui est d'être une espèce d'inspectorat de la santé en milieu de travail.

Quatrième raison, il y a dans ce projet de loi une erreur fondamentale quand on adopte une approche pénale pour mettre en vigueur un régime de santé et de sécurité dans les milieux de travail, c'est-à-dire que la suite ou la conséquence d'un manque d'observance de la loi se retrouvera au niveau d'amendes. Or, on sait très bien, par des exemples douloureux dans bien des domaines d'intérêt public, que l'approche pénale a de très sévères limites. On ne peut pas lui demander de faire des choses positives, on peut tout simplement empêcher des actions par une démarche pénale en imposant des amendes, en faisant intervenir une espèce de police gouvernementale, mais on ne peut pas provoquer des actions par une approche pénale. Or, c'est provoquer des actions qu'il faut, dans le domaine de la santé et de la sécurité, ce n'est pas de les empêcher. Encore une fois, il s'agit d'inciter et d'amener les entreprises à modifier le cadre de travail, à modifier le contexte dans lequel leurs travailleurs sont employés. Pour cela, il faut une innovation technologique et il faut une incitation pour que les entreprises adoptent de tels procédés innovateurs de manière à diminuer les risques.

Or, du côté de l'incitation à la recherche, nous ne retrouvons aucune espèce d'incitation. Il ne s'agit pas de la recherche universitaire, il ne s'agit même pas de la recherche que la commission que le gouvernement veut créer pourra subventionner dans les universités. Comment la commission gouvernementale sur la santé pourrait-elle savoir les problèmes de génie industriel appliqué qu'il faudra étudier pour diminuer les risques? C'est beaucoup trop loin des problèmes que se situe le centre de décision. Par contre, les entreprises qui sont confrontées avec ces problèmes n'ont pas accès à des possibilités de recherche appliquée, en particulier les petites et les moyennes entreprises, qui n'ont pas les ressources financières ou intellectuelles suffisantes pour régler certains problèmes, pour découvrir un nouveau procédé de fabrication, n'ont pas accès à cet institut de recherche ou à ses possibilités de recherche. C'est à ce niveau que les problèmes concrets se posent.

D'autre part, cette loi n'est pas incitatrice non plus parce qu'elle ignore totalement les problèmes de tarification des contributions au régime d'assurance pour accidents de travail. Une entreprise qui a une performance excellente, qui développe des méthodes préventives de première qualité se verra imposer exactement les mêmes contributions que d'autres entreprises dans le même secteur d'acti- vité qui ne font aucun effort et qui sont les témoins, les participants à une situation sanitaire déplorable. C'est un divorce complet entre les éléments financiers du régime d'accidents de travail et le régime réglementaire et pénal qu'on décrète par cette loi. C'est une erreur sur tous les plans et c'est une erreur sur les principes. C'est une vision fausse de la réalité qui a amené le gouvernement à vouloir s'arroger tous les pouvoirs et tous les droits dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. C'est un défi qu'aucune organisation gouvernementale, qu'aucun gouvernement ne pourra relever avec succès. (17 h 50)

Cette erreur fondamentale, malheureusement, cela prendra des années pour la corriger. En effet, pendant les quatre ou cinq prochaines années, on répondra à toutes les questions sur l'inefficacité apparente de cet organisme nouveau en disant: Donnez-leur le temps de mettre en place les nouvelles structures, donnez-leur le temps de roder les nouveaux procédés et d'adopter la nouvelle réglementation. Au minimum, nous en avons pour quatre ou cinq ans de tâtonnements sans qu'on puisse nous donner des réponses précises relativement à la mise en application de la loi. Une fois cette étape franchie, on nous dira: II nous faut un certain recul, maintenant que tout est en place depuis seulement un an, deux ans, trois ans ou quatre ans, pour voir si sur le plan de l'état de santé cela a un impact bon ou mauvais. Ce n'est donc pas avant dix ans qu'on pourra faire la preuve que cet effort est un succès et à mon avis, dans dix ans, je peux malheureusement faire la prédiction qu'étant donné l'approche qui a été suivie par le gouvernement dans la préparation de ce projet de loi nous en serons exactement au même point qu'aujourd'hui. C'est pour cela que cette loi, si bien intentionnée qu'elle soit de la part du ministre qui l'a présentée, représente une erreur d'aiguillage fondamentale et c'est la raison pour laquelle nous nous y opposons.

Les efforts pour trouver des solutions dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail ne datent pas d'hier; il s'agit là d'efforts qui sont faits par des gouvernements successifs au moins pour comprendre le problème et la problématique. J'ai eu l'occasion, dès 1974 et 1975, de poser comme ministre des Affaires sociales à l'époque les premiers jalons de l'institution d'un service de santé du travail au ministère des Affaires sociales. J'ai entrepris moi-même, avec des spécialistes, une tournée de quatre pays qui sont à l'avant-garde du développement des mesures de santé et de sécurité dans le monde, notamment l'Allemagne de l'Ouest, la Finlande, où tout ceci a commencé dès 1939, et la Suède.

Dans tous ces pays, le message qui nous a été transmis, c'est que les efforts réglementaires, les efforts d'inspectorat, les efforts légaux étaient très secondaires par rapport à deux choses, deux choses dont il ne fallait jamais perdre la conscience: premièrement, la nécessité de recherche appliquée, de manière que les processus de fabrication, les méthodes de travail puissent évoluer dans

le sens d'une plus grande santé, d'une plus grande sécurité et qu'il n'y a rien qu'on puisse faire de plus important que d'assembler des ressources, permettre leur spécialisation, les rendre disponibles à l'industrie, de manière que cette recherche soit accessible et qu'elle se fasse, surtout, et que des gens soient formés pour la faire. C'est un premier point.

Le deuxième point sur lequel on doit insister c'est que l'inspectorat, l'approche policière et pénale qui essaie de régler en même temps tous les problèmes de santé et de sécurité n'est pas la solution. Ceux qui s'y sont essayés, les pays qui s'y sont essayés et, en particulier, la France, ont dû y renoncer en voyant l'inefficacité d'efforts aussi dispersés. Par contre, dans d'autres pays comme l'Allemagne de l'Ouest, on a constaté qu'il y avait des problèmes prioritaires et que c'était à ces problèmes qu'il fallait s'attaquer de toute urgence, de manière qu'enfin, sur les grandes causes de morbidité et de mortalité dans le milieu de travail, on puisse en arriver à une amélioration significative et perceptible.

Donc, il ne s'agit pas, pour le Québec, en 1979, de réinventer la roue, mais de s'inspirer d'efforts qui, pragmatiquement, ont fait leurs preuves ailleurs. Il ne faut pas voir, dans la création de structures et dans tout un contentieux de santé et de sécurité du travail, la solution au problème. Ce ne sont pas les avocats, ce ne sont pas les délégués syndicaux, ce ne sont pas même les médecins qui vont régler le problème de la santé et de la sécurité en milieu de travail. Ce sont les ingénieurs, ce sont les spécialistes d'ergonomie, ce sont les hygiénistes industriels et c'est surtout un environnement qui place au centre de la responsabilité et au centre de l'action le chef d'entreprise, l'entreprise, qui doit avoir, face à la société et face à ses employés, des obligations claires de résultats.

Le gouvernement ne doit pas prendre sur lui de dire quel procédé industriel, quel catalyseur, quelle température, quelle méthode de fabrication utiliser dans les entreprises. L'Etat ne sera jamais à la hauteur d'une telle responsabilité. Il doit dire aux employeurs: Vous devez faire en sorte de mesurer soigneusement l'état de santé de vos travailleurs quand ceux-ci sont exposés à des risques connus et à d'autres que l'on va découvrir avec la recherche au cours des années. Si vous faillissez à cette tâche, vous avez l'obligation, sous peine de pénalité importante, de prendre toutes les mesures, y compris celles que l'on met à leur disposition, pour changer un procédé de fabrication.

Ce n'est pas, encore une fois, par des avocas-series, par des structures administratives gigantesques et qui ne fonctionneront pas que nous allons régler le problème de la santé et de la sécurité en milieu de travail. J'eus espéré — parce qu'il semble désormais trop tard pour l'espérer vraiment — que le ministre, qui a consacré trois ans à ces travaux, se serait intéressé davantage à la santé et aux moyens de l'améliorer plutôt qu'aux problèmes juridiques qui peuvent être soulevés à l'occasion de la mise en marche de ces régimes. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, compte tenu de l'heure, est-ce qu'il serait possible de demander la suspension des travaux pour les reprendre à 20 heures, ce soir?

Le Vice-Président: Y a-t-il consentement unanime? Cela me prendrait un consentement unanime. Y a-t-il consentement pour que l'Assemblée suspende ses travaux?

Une Voix: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: Vu le consentement, les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 20 heures ce soir.

Suspension de la séance à 17 h 56

Reprise de la séance à 20 h 8

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, c'est avec une très grande joie que, ce soir, j'ai l'occasion de parler du projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité du travail. J'ai eu l'occasion d'en parler beaucoup plus depuis près d'un an maintenant, à partir du livre blanc, de la loi en première version, et des amendements qui s'en venaient. On étudiait alors quelles étaient les possibilités d'apporter, à la suite de la commission parlementaire qui a siégé entre la première et la deuxième lectures, des amendements pour modifier et bonifier le premier projet de loi qui avait été déposé au mois de juin dernier.

M. le ministre d'Etat au Développement social a fait mention de la consultation, mais permettez-moi de dire que j'ai eu l'occasion, grâce à la confiance qu'il m'a accordée, de faire près de 25 discours à travers le Québec et de rencontrer aussi bien des représentants de syndicats, des représentants patronaux, des groupes tels que l'Association de prévention des accidents industriels, des étudiants, des groupes tels que les conseillers en sécurité industrielle et de discuter avec eux et avec d'autres du projet de loi déposé et du livre blanc qui avait été à l'origine de ce projet de loi. Je dois dire qu'à chaque endroit où j'ai eu l'occasion d'aller en parler, on disait que c'était une loi importante pour les travailleurs, une loi désirée par plusieurs. (20 h 10)

Je vais vous dire que j'avais préparé des notes pour mon discours. Mais la façon dont le Parti libéral, par l'intermédiaire du député de Portneuf et du député de Saint-Laurent, a annoncé à cette

Chambre qu'il allait voter contre le principe du projet de loi en deuxième lecture m'a fait changer un peu les notes que j'avais préparées. Je me souviens de ce que le député de Portneuf, comme représentant du Parti libéral, a dit le 4 septembre 1979, en commission parlementaire. J'ai constaté un peu le courage qu'il a eu aujourd'hui de renier ce qu'il avait dit au mois de septembre dernier, probablement à cause de la ligne de parti.

Je lis le texte qui est dans le journal des Débats, à la page B-7790, du 4 septembre 1979 et qui a trait à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre. Il disait: La formation politique que je représente, le Parti libéral du Québec, va donc, M. le Président, donner son appui au principe du projet de loi no 17 lors de l'étude du projet de loi en deuxième lecture parce qu'il considère que l'avènement d'une politique d'ensemble — remarquez bien les mots, on a parlé de cela tout à l'heure — sur la santé et la sécurité au travail ne peut plus attendre. Là, il disait, concernant le ministre: Nous ne laisserons pas le gouvernement reporter subrepticement le problème aux calendes grecques et se contenter de modifier ici les structures.

Donc, le député de Portneuf, représentant le Parti libéral, avait donc dit que cette loi était une loi attendue et qu'il fallait la voter. Bien entendu, il a mis certaines réserves — je vais être honnête parce que lui aussi l'a été à ce niveau — quant aux modalités. Mais, quant au principe — c'est cela qui m'a un peu dérouté cet après-midi — on va même se prononcer contre. On a donné toutes sortes de raisons. On a parlé d'une politique d'ensemble. C'est exactement ce qu'il disait dans son laïus lors de la commission parlementaire. Il a parlé de réforme de structures. Il a parlé de toute la question de bonne foi. Il a mis en doute, comme des gens de l'Union Nationale, la partie de bonne foi sur laquelle, il est bien entendu, le projet de loi doit se baser, la bonne foi des employés et la bonne foi des employeurs. Ce qu'on a constaté dans les rencontres qu'on a eues avec les différents groupes, c'est justement cet antagonisme que l'on reconnaît par l'intermédiaire, souvent, des conventions collectives où, à force de se battre, des employés ont obtenu des choses. C'était un peu le minimum dans certains cas. C'était, dans d'autres cas, un petit peu plus que le minimum mais, dans aucun des cas à ma connaissance, il n'y a eu des parties ou des comités à l'intérieur des conventions collectives qui ont eu des pouvoirs décisionnels; la grande majorité étaient tous des pouvoirs consultatifs.

Quand on regarde l'ensemble des conventions collectives chez les syndiqués, en particulier, qui ont obtenu, grâce à des luttes syndicales, des choses qui permettent de faire en sorte que la santé et la sécurité des travailleurs dans l'industrie soient protégées, on se pose de sérieuses questions quand on vient nous dire que l'antagonisme peut peut-être régler les problèmes. Quant à moi, un des choix que nous avons faits par l'intermédiaire de la loi, c'était d'empêcher d'avoir à négocier la mort d'un ami dans l'usine. Je pense que cela est important. Par les conventions collectives, ce qu'on obtient souvent, à force de luttes acharnées, c'est de se donner les moyens de ne pas tuer un de ses amis dans l'usine. J'ai eu l'occasion, l'autre jour, à la Compagnie internationale de papier de La Tuque, de voir des gens qui ont refusé de faire une "job" parce qu'on les obligeait à porter des lunettes protectrices. Les jeunes n'avaient rien contre le fait de porter des lunettes protectrices. La seule chose qu'ils ne voulaient pas, c'était les porter près des machines où la vapeur — vous connaissez les façons dont le papier est fait — déposait une buée dans leurs lunettes, et c'est encore plus dangereux que de ne pas en porter du tout. Ils ont fait presque une journée et demie d'arrêt pour ne pas être obligés de le faire à la suite de la suspension de quelqu'un qui ne voulait pas porter des lunettes près des machines.

On a parlé de nivellement vers le bas, M. le Président, on va niveler vers le bas quand il existe beaucoup vers le haut, mais à ma connaissance, on n'a qu'à regarder les conventions collectives actuelles; pour niveler vers le bas il faudrait que l'ensemble des conventions collectives possèdent beaucoup de choses. Ce n'est malheureusement pas la connaissance que nous avons des conventions collectives actuelles. Regardez les syndiqués qui ont fait des luttes et ce qu'ils ont obtenu dans leurs conventions collectives par rapport à la loi 17. Regardez ceux qui ne sont pas syndiqués et qui ne possèdent rien. Est-ce que c'est niveler vers le bas que de leur donner au moins le minimum; le minimum pour des gens qui n'auront jamais l'occasion, parce que les luttes sont difficiles à organiser, d'obtenir des choses? On nous donne comme raison qu'on va voter contre le principe parce que cela va niveler vers le bas! Allons donc! Il y a autre chose que j'aimerais bien qu'on clarifie quant au principe de la loi 17. Cela a été apporté par des gens de l'Union Nationale, rapporté par le député de Saint-Laurent; c'est la question de l'indemnisation. Voulez-vous, on ne mêlera pas les problèmes? L'indemnisation qui est prévue par la Loi de la Commission des accidents du travail, ce n'est pas l'objet de la loi actuelle, du projet de loi actuel.

On nous a accusés de vouloir en prendre trop large. D'accord, on a décidé de ne pas en prendre trop large. On va commencer par régler un problème qui tarde à être réglé, qui est celui de la santé et de la sécurité au travail et on réglera les autres problèmes concernant la Commission des accidents du travail à d'autres moments. Mais aujourd'hui, ce sur quoi nous avons à nous prononcer dans le projet de loi no 17, c'est sûr la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Donc, n'allons pas mêler à cela la loi 52 sur les gens qui sont amiantosés ou les difficultés qui existent — le gouvernement est conscient que ces dangers existent — mais auxquelles nous devrons apporter des remèdes dans l'avenir, en ce qui a trait à la Commission des accidents du travail.

On a parlé de maturité des syndicats. J'ai eu l'occasion, au cours de la tournée que j'ai faite, de

rencontrer différents groupes; je l'ai dit tout à l'heure, aussi bien des patrons que des employés. Je ne veux pas accuser l'un ou l'autre de non-maturité, mais je dois vous dire que, quand dans le projet de loi on donne un droit individuel de cesser de travailler pour protéger sa santé ou son intégrité physique, c'est parce qu'on pense que les gens vont l'utiliser le mieux possible, sans abus. Comme le dit le ministre d'Etat au Développement social, il y aura toujours des "flyés" dans la société, de part et d'autre. Mais fait-on une loi pour ces gens ou si on la fait pour l'ensemble de la collectivité? La loi, comme telle, est vraiment basée sur une pratique qui s'appelle la bonne foi des deux côtés, aussi bien employeurs qu'employés.

Une chose qu'il me fait plaisir de retrouver à l'intérieur du projet de loi réimprimé, c'est qu'on appelle dans le jargon, au niveau de la convention collective, pour ceux qui sont habitués à négocier, le statu quo ante. Le statu quo ante n'est pas comme j'aurais peut-être voulu qu'il soit à l'intérieur de la loi, mais c'est un début. La compagnie Fer et Titane et le syndicat, qui ont eu des difficultés et qui sont arrivés à une convention collective tout dernièrement, ont inclus dans leur convention collective le principe du statu quo ante. Qu'est-ce que ça veut dire, le statu quo ante, par rapport à ce qui existe actuellement? (20 h 20)

Je prends l'exemple d'une personne qui a décidé de former un syndicat dans une usine. Dans le contexte actuel, si elle est congédiée, suspendue et perd son salaire, elle a le droit d'en appeler au Tribunal de travail pour lui permettre d'être replacée dans les conditions qui prévalaient avant son congédiement, sa suspension ou sa perte de salaire. Il juge qu'elle a été punie, quelle que soit la forme de la punition, parce qu'elle a utilisé un droit que lui donne le Code du travail, celui de former un syndicat.

Dans le contexte actuel, l'employé doit utiliser soit le grief prévu par la convention collective, soit la formule dont je faisais mention "appel du Tribunal du travail", mais dans ces cas, il doit faire la preuve que l'employeur l'a ou suspendu ou congédié ou lui a fait perdre du salaire parce qu'il a utilisé un droit du Code du travail. Il arrive souvent que cela traîne en longueur; pendant ce temps, il n'a pas eu la chance de se trouver un employeur parce que les employeurs se parlent, et quand il veut travailler ailleurs, il y a toujours le problème de savoir ce qu'on a fait dans le passé. Les employeurs ne l'acceptent pas parce qu'ils se disent: Ah! Il a voulu former un syndicat. Ce qui se produit, c'est que ses économies y passent. Dans bien des cas, il doit emprunter, et dans d'autres cas il a des difficultés qui peuvent aller jusqu'aux difficultés matrimoniales. Après trois ans, il peut être réinstallé, reprendre sa place dans les conditions qui prévalaient au moment du congédiement, mais déjà le mal est fait dans son cas.

Ce que nous avons à l'intérieur du projet de loi, c'est un début de statu quo ante qui dit: Maintenant, si l'employeur veut faire la preuve que l'employé a mal utilisé un droit qui a été prévu par la loi, c'est à l'employeur de faire la preuve qu'il a, cet employé, mal utilisé ce droit. Au lieu de mettre le fardeau de cette preuve sur les épaules de l'employé, en le mettant sur les épaules de l'employeur parce qu'on donne vraiment un droit à l'employé, on enlève ce qu'on appelle l'épée de Damoclès de sur sa tête.

Le but du projet de loi est d'éliminer les dangers à la source, même si l'individu doit porter un certain équipement parce que la technologie ne lui permet pas d'avoir autre chose que cet équipement pour protéger sa santé. Cette prévention, par rapport à ce qu'on connaît actuellement, parce que la Commission des accidents du travail a dans son mandat la possibilité de faire de la prévention... D'ailleurs, les gens de l'APAI, l'Association de prévention des accidents industriels, étaient, durant les années passées, payés par la Commission des accidents du travail pour faire le travail de prévention des accidents industriels.

Quant à la prévention, cependant, la Commission des accidents du travail n'a peut-être pas porté au bout le mandat qu'elle possédait, de telle sorte qu'elle est allée beaucoup plus dans la partie curative, c'est-à-dire dans celle de l'indemnisation, dans celle de la réadaptation. Donc, un des buts fixés par le projet de loi, c'est de faire de la prévention, c'est d'en arriver à éliminer le plus possible — quoiqu'il soit bien entendu que les moyens techniques que nous possédons ne nous permettent peut-être pas de tout éliminer — à la source même, les dangers.

C'est donc prendre, comme disait le ministre ce matin, la partie d'argent en coûts directs et indirects, qui se chiffrait, en 1978, par $2 500 000 000, et d'en faire une utilisation vers la prévention. Au niveau de l'industrie où il y a 20 employés et plus, la formation d'un comité de santé et de sécurité au travail permettra aux employés, hommes et femmes, à l'intérieur du milieu de travail de donner leurs connaissances pour faire en sorte qu'au bout de la course on en arrive à faire, dans l'usine même, l'élimination à la source. Je pense que cette idée du comité paritaire au niveau de l'usine est importante.

L'autre étape dont on a moins parlé est celle de l'association sectorielle. J'ai eu l'occasion d'en parler avec des groupes; je parlais tout à l'heure de l'APAI, je pourrais parler des conseillers en prévention qui sont des conseillers qui, actuellement, se trouvent à l'intérieur des usines pour prévenir les accidents industriels. Les associations sectorielles, sans obligation par la loi mais par incitation, se retrouveront dans des secteurs donnés. Je prends l'exemple des groupes qui se trouvent dans mon comté, les pâtes et papiers. Les employés syndiqués de ce secteur, avec les employeurs de ce secteur, peuvent se rencontrer — et c'est au niveau national — pour discuter de la façon dont on est capable, dans Tune et l'autre des industries, de faire de la prévention. On peut en arriver à faire même de la recherche et à faire qu'à l'intérieur de chaque usine ce qui est bon dans une usine puisse être utile aux autres.

Ces associations sectorielles toujours paritaires auront donc un rôle important à jouer. La Commission de la santé et de la sécurité du travail qui a les pouvoirs prévus — comme je le disais tout à l'heure — de prévention et de réadaptation, qui sont contenus dans la Loi des accidents du travail, aura donc un rôle à jouer au niveau national.

M. le Président, je sais que le temps s'écoule. J'aurais encore beaucoup de choses à dire. J'ai eu l'occasion d'en parler souvent, mais ce que je souhaite... La semaine dernière, j'étais avec des étudiants de l'Université Laval et on parlait, au niveau des conseillers en relations industrielles de l'Université Laval, du problème de la santé et de la sécurité à l'intérieur des usines. On parlait aussi avec d'autres groupes de l'utilité et de l'urgence d'adopter cette loi avant la fin de la session actuelle, c'est-à-dire avant Noël. Quant à moi, M. le Président, c'est ce que j'avais à dire dans le temps qui m'est permis par le règlement. Soyez assuré d'une chose, c'est que je ne comprendrai quand même pas pourquoi le Parti libéral et l'Union Nationale voteront contre un principe aussi important qui, au niveau des travailleurs et des travailleuses, est un droit que je juge essentiel. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Mme la députée de Prévost.

Mme Solange Chaput-Rolland

Mme Chaput-Rolland: M. le Président, une lecture attentive du projet de loi 17 révèle que le gouvernement sous-tend ses législations d'un préjugé favorable aux travailleurs. Quiconque voudrait se souvenir loyalement de la totale absence de sécurité en milieu du travail encore en vigueur il y a dix ou vingt ans comprendra le sens et le bien-fondé de ce préjugé. Mais au Québec, depuis trop d'années, la théorie du pendule a droit de cité. Les abus d'hier autorisent, hélas! les abus d'aujourd'hui. Dans cet ordre de réflexions et malgré mon inexpérience, pour laquelle je m'excuse, des exercices de cette Chambre, je demande au gouvernement de muscler sa loi pour mieux prévenir les accidents, forcer davantage les employeurs, parfois dangereusement et légalement imprudents, à se donner et à observer, à coups de sévères sanctions, un code de prévention pour tonifier la santé et consolider la sécurité en milieu de travail.

Le ministre d'Etat au Développement social a présenté émotivement son projet de loi. Je peux comprendre, car un tel thème, M. le Président, est émotif. La santé des hommes, ce n'est pas un sujet facile pour quiconque. Mais je voudrais lui demander de dépasser, peut-être, une construction trop architecturale de sa loi pour corriger le mal là où il loge, plutôt que de se contenter de le dérober à nos yeux par des mesures législatives, pour ne pas dire légalistes et peut-être électoralistes.

A mon humble avis, M. le Président, la loi est trop globale, trop large dans ses visées pour résoudre les problèmes sectoriels qui ne sont pas les mêmes dans chaque usine, dans chaque établissement et sur chaque chantier. On ne peut demander à une loi, si large et si généreuse soit-elle, de s'appliquer selon les mêmes articles dans les différents endroits où travaillent les citoyens. On ne peut, non plus, lui demander de donner aux citoyens une conscience sociale si les citoyens n'en ont pas ou de leur donner une appétence vers des méthodes préventives, alors que notre Québec ne donne pas toujours les signes de maturité sans lesquels aucune législation ne saurait obéir à l'esprit qui la régit et qui l'inspire. Il m'apparaît donc, M. le Président, que les milieux patronaux et syndicaux se retrouveront une autre fois empêtrés dans les rets d'une bureaucratie parfois dictatoriale et assujettie à la volonté d'inspecteurs qui ne songeraient pas, comme on l'a trop de fois vu dans le passé, à faire entendre un seul son de cloche, celui qui valoriserait leurs intérêts avant ceux de notre collectivité. Par voie de conséquence, travailleurs, employeurs, médecins, inspecteurs, commissaires risquent de se battre entre eux, plutôt que de combattre le mal à sa racine, décuplant ainsi les tensions sociales entre nous tous.

Aucune société ne saurait demeurer indifférente à ses ouvriers lorsqu'ils tombent au champ d'honneur de leur labeur. Trop longtemps le Québec est demeuré indifférent à l'angoisse des familles dont le père, la mère et les enfants sont atteints de maladies graves ou d'infirmités dues à des accidents de travail. Trop longtemps nos compatriotes ont levé les épaules lorsque nos crieurs publics — ils étaient nombreux — s'enflammaient au rappel des dangers sur des chantiers piégés ou à cause d'échafaudages vétustes. Pourtant, M. le Président, ils ont crié, eux aussi, lorsque nous ne portions pas nos ceintures de sécurité sur nos routes.

Je n'ai pas assisté à toutes les séances des commissions parlementaires. Je ne peux pas m'en excuser, M. le Président, je n'étais pas de cette Chambre. Donc, mon expertise est limitée et peut-être que mes arguments sont à court terme. Mais je ne connais pas, non plus, tout ce qui a été dit et répété par notre groupe ou par les amis d'à côté. Mais le dur quotidien de mon comté, M. le Président, m'oblige à aller au-delà de mes connaissances de ce dossier très brûlant pour oser une sorte de quadrature du cercle dont M. le ministre voudra peut-être m'excuser.

Je me dois d'approuver le préjugé en faveur d'une loi solide et bien charpentée pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, pour forcer les employeurs à respecter eux-mêmes une loi dont ils ont avoué, par le passé, avoir besoin. Mais je lui dois aussi et je me dois aussi et je dois à mes commettants également, M. le Président, de demander du même souffle au ministre d'aller au-delà d'une structure trop lourde et trop lente afin de ne pas se satisfaire de camoufler le mal sur le terrain ou d'en confier le remède à une commission qui ne sera pas plus infaillible que les autres, à mon avis, je le dis bien modestement. Tout en

admettant que je ne possède pas toutes les pages de ce dossier, je demande quand même au gouvernement d'expliciter davantage ses mesures préventives pour protéger la santé des ouvriers là où ils travaillent et pas seulement là où une commission surveillera ce travail.

Quand un homme meurt au service d'une société à laquelle il contribue, la société devrait alors protéger sa sécurité et son droit au travail. Cette société porte l'odieux de sa mort, de ses blessures ou de ses angoisses. Ce droit à la sécurité et à la santé va bien au-delà de la partisanerie politique dont cette Chambre fait plusieurs fois état. La loi doit vraiment, et dans les faits, veiller au bien de celui qui travaille à la sueur de son front, face à l'inconscience de ceux qui s'enrichissent à la sueur de ce front.

A mon avis, la loi 17 est fort louable, mais elle ne va pas au bout de son obligation de protéger le travailleur et elle ajoutera déjà à son fardeau le pouvoir du législateur, des inspecteurs et des commissaires et, ainsi, je crois, elle ajoutera à son existence déjà piégée. Pourtant, c'est à lui qu'elle est destinée. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, on me permettra sûrement, au début de cette intervention, avant d'entrer dans le vif du sujet, de faire un certain nombre de préalables, de prérequis à cette discussion que nous devons faire en deuxième lecture. Il est peut-être inutile, pour un certain nombre de membres de cette Assemblée, de répéter, encore une fois, le pourquoi de cette loi. Compte tenu de ce qui nous a été annoncé par les Oppositions quant à leur attitude devant le vote de deuxième lecture, il ne me semble pas inutile de le refaire une deuxième fois. Compte tenu de ma grande naïveté, j'espère qu'en le refaisant une fois, on pourra au moins convaincre un certain nombre de membres de ces deux Oppositions de réviser les positions qu'ils nous ont déjà annoncées.

Inutile de rappeler les deux ans et demi ou près de trois ans de travail qu'a demandé cette loi. C'est quelque chose, entre autres, qui devrait faire plaisir au député de Bonaventure qui nous a souvent accusés de présenter devant cette Chambre des mesures improvisées, faites à la dernière minute.

Cette loi, contrairement à quelques autres que, dans le passé, nous a décrites le député de Bonaventure a d'abord fait l'objet d'une étude sérieuse, a d'abord fait l'objet de la publication d'un livre blanc, d'une consultation vaste, générale en rencontrant l'ensemble des parties concernées par la Loi sur la santé et la sécurité du travail, a donné lieu à un projet de loi qui a, par la suite, été soumis en commission parlementaire à l'examen de tous les groupes, de tous les citoyens qui voulaient s'y présenter. Ce fut une des commissions parlementaires, M. le Président, qui a reçu le plus grand nombre de participants depuis trois ans et, finalement, il y eut une réimpression du projet de loi pour tenir compte des avis qui nous avaient été donnés à la fois par les députés de l'Opposition et par les gens qui se sont présentés en commission parlementaire.

La situation qui a amené cette démarche et ce projet de loi devrait nous situer aujourd'hui au-delà de la partisanerie politique dont parlait le député de Saint-Laurent. C'est le gouvernement, M. le Président, qui décide des lois qu'il va présenter à l'Assemblée nationale, mais, jusqu'à nouvel ordre, c'est l'Assemblée nationale qui les vote, et l'Assemblée nationale cela n'est pas un exécutif. C'est la réunion, le regroupement de l'ensemble des représentants d'une population dûment élus dans chacune de leur circonscription électorale. C'est cela l'Assemblée nationale. C'est l'Assemblée nationale qui doit cautionner ou rejeter le projet de loi qui est présenté par l'Exécutif, donc par le gouvernement.

J'espère, devant un projet de loi aussi important, qu'on se référera ce soir aux propos qu'a tenus la députée de Prévost lorsqu'elle est entrée dans cette Chambre. La députée de Prévost, M. le Président, faisait appel à l'objectivité des parlementaires, au respect de l'opinion de l'autre. J'espère que chacun des parlementaires se souviendra des paroles qu'elle a prononcées au moment où elle est entrée à l'Assemblée nationale. Le respect de l'opinion de l'autre, cela se fait face à une idéologie différente d'un parti vis-à-vis de l'autre parti, mais cela se fait aussi — et je le dis au député d'Argenteuil — à l'intérieur d'un même parti. Le respect de l'opinion d'un autre, les croyances qu'il a, cela se fait aussi à l'intérieur d'un parti. (20 h 40)

M. le Président, nous, à cette Assemblée nationale, qui avons le scandale si facile lorsqu'il s'agit d'autres sujets, comment pouvons-nous, devant la situation des travailleurs du Québec qui nous a été décrite maintes et maintes fois, aujourd'hui rester indifférents à la situation qui nous a été décrite? Nous qui avons le scandale tellement facile devant le nombre incroyable de journées de grève, de journées d'hommes perdues en grève au Québec, comment pouvons-nous rester insensibles au moment où l'on sait qu'en 1977 1 298 000 jours-homme ont été perdus en grève et deux fois et demie de plus en accidents ou maladies professionnelles causés par le travail, par l'entreprise où les travailleurs du Québec gagnent leur vie, gagnent leur pain? Comment, M. le Président, nous qui avons le scandale si facile lorsqu'on est placé devant 1 600 000 jours de grève, en 1978, comment nous des deux côtés de la Chambre qui jetons les hauts cris, qui nous scandalisons, qui disons que c'est une situation qui doit arrêter, qui sommes prêts à passer mesure spéciale par-dessus mesure spéciale pour faire arrêter cette situation, comment pouvons-nous encore tolérer qu'en 1978, 3 100 000 jours-homme ont été perdus par des accidents, par des maladies professionnelles par les travailleurs du Québec?

M. le Président, la population du Québec — et chaque député dans cette Chambre représente des travailleurs majoritairement — ne peut pas nous prendre au sérieux lorsque nous nous scandalisons d'une situation de jours perdus à cause des grèves. Dans les chiffres que je vous ai donnés, M. le Président, je vous souligne qu'il ne s'agit pas uniquement de grèves, mais aussi de lock-out, donc de décisions prises par les employeurs, alors que, de l'autre côté, il s'agit tout simplement de maladies professionnelles, d'accidents — alors, ce n'est pas grave — de décès, mais trois fois plus que de journées de grève. La population ne peut pas nous prendre au sérieux si on ne décide pas, au moins en principe, de démontrer une volonté politique de régler ce problème.

M. le Président, on a aussi le scandale facile lorsqu'on parle d'accidents d'automobile. Je me souviens, M. le Président, comme bien d'autres dans cette Chambre, au moment où on a adopté la Loi sur l'assurance automobile, avoir entendu des interventions, en particulier du député de Charlevoix qui disait: Ce n'est pas tout d'adopter une loi pour protéger le citoyen qui est dans son automobile ou qui subit des blessures corporelles; il faut, en plus de ça, améliorer les conditions de la circulation. Je reconnais que le député de Charlevoix a été l'un de ceux — avec les autres ministres qui l'ont suivi — qui ont fait des efforts pour améliorer la situation de la circulation au Québec, de la prévention aussi des accidents.

Mais, M. le Président, quand on se scandalisait de cette situation, est-ce qu'on se rend compte qu'au total, en 1977— pour prendre des chiffres qui se comparent — 43 812 citoyens étaient l'objet de blessures ou de décès causés par des accidents d'automobile, un pourcentage de 2,7 par 100 citoyens; alors que, dans la même période, en 1977, toujours,7,12 citoyens sur 100 étaient placés devant des circonstances qui faisaient qu'ils subissaient des blessures ou des mortalités à cause du milieu de travail? Quand on se scandalisait de la situation sur les routes du Québec et qu'on voulait améliorer cette situation, la population ne nous croirait pas si, aujourd'hui, on demeurait insensible devant des chiffres six fois plus importants pour les accidents de travail.

Troisième endroit où on se scandalise facilement dans cette Chambre: quand un travailleur ne respecte pas la loi. Récemment encore, M. le Président, ici, à l'Assemblée nationale, j'ai eu l'occasion, en même temps qu'un million de Québécois, d'entendre blâmer des travailleurs qui n'avaient pas respecté une loi votée par le Parlement.

M. le Président, depuis qu'on adopte des lois au Québec qui pourraient partiellement couvrir la protection des travailleurs, on peut démontrer aujourd'hui que 75% des entreprises n'ont pas respecté ces lois. On peut démontrer aujourd'hui que l'ensemble des gouvernements, y compris le nôtre pendant les deux premières années, n'ont pas fait appliquer les lois existantes au moment où on se parle. Comment peut-on ne pas se scandaliser de cette situation quand on a le scandale si facile quand c'est un travailleur qui ne respecte pas la loi? Deux poids deux mesures!

Il me semble qu'ici, à l'Assemblée nationale, une fois dans notre carrière, ça ne serait pas trop d'avoir le scandale aussi facile devant des travailleurs qui se font mutiler, qui se font blesser, qui se font assassiner au moment où ils exercent leur travail, au moment où ils essaient juste d'assurer non seulement leur existence, mais celle aussi des leurs, de ceux qui les entourent, de leur famille. Si on avait le scandale aussi facile quand il s'agit de s'occuper de ce problème, il me semble que là les citoyens pourraient nous croire.

Comment les citoyens du Québec qui nous écoutent peuvent-ils croire que les partis d'Opposition s'apprêtent à voter contre le principe de la loi parce qu'elle n'est pas assez musclée, parce qu'elle n'en donne pas assez? Si c'est cela, je dois dire tout de suite que je suis d'accord avec l'Opposition. Je suis d'accord, la loi n'en donne pas encore assez; il faudait en mettre encore plus. Mais je voudrais avoir leur engagement maintenant, au moment où je vous parle, qu'ils seront d'accord pour la voter en deuxième lecture si on permet qu'en commission parlementaire on va la muscler davantage!

De ce côté-ci de cette Chambre, un bon nombre d'entre nous sont d'accord pour dire que tout ne se retrouve pas dans cette loi. Bien sûr, le gouvernement a fait son option, l'Assemblée nationale fera son choix politique. Les agents d'application vont faire à partir de maintenant leur travail, c'est-à-dire le vécu, le quotidien, l'amélioration quotidienne, le travail possible encore entre l'employeur et les salariés, entre l'employeur et les organisations syndicales. En parlant d'organisations syndicales, dans le nombre de jours de grève dont je vous ai parlé tantôt, dont on s'offusque si facilement, il faudrait aussi tenir compte qu'il y a non seulement des lock-out, comme je l'ai dit, mais il y a aussi un bon nombre de grèves qui sont faites uniquement sur des sujets de santé et de sécurité au travail. C'est autant de jours de grève qui ne seront plus nécessaires à l'avenir parce qu'on aura le mécanisme, parce que les travailleurs et les employeurs auront les mécanismes pour en discuter quotidiennement. C'est non seulement une mesure qui vaut pour la santé et la sécurité des travailleurs. C'est aussi une mesure qui va jouer, qui va avoir des effets évidents en termes de relations de travail.

Ce que je souhaiterais de la part des Oppositions, c'est l'ouverture d'esprit nécessaire pour reconnaître que ce projet de loi apporte au moins un certain nombre de volontés politiques évidentes: 1) la structure nécessaire pour permettre aux travailleurs de réagir vis-à-vis de leurs conditions de travail et vis-à-vis des choses qui peuvent altérer ou brimer leur santé et leur sécurité au travail; 2) la volonté claire, déterminée pas seulement dans des mots, mais aussi concrètement dans des moyens d'action qui sont indiqués dans la loi, de supprimer à la source les causes mêmes des accidents au travail; 3) un pouvoir d'intervention qui n'a jamais été donné directement aux tra-

vailleurs ou à leurs représentants, un pouvoir de collaboration qui n'a jamais été donné ni aux entreprises, ni aux travailleurs. Dans cette loi, on retrouve des mesures qui visent à intensifier l'information des travailleurs, à subventionner des associations d'employeurs de même que des associations de travailleurs pour que les gens soient plus conscients et participent aux travaux de recherche nécessaires pour éviter les accidents en milieu de travail. Si on n'est pas d'accord avec ces principes, il faudrait qu'on soit conscient que c'est ce qu'on vote en deuxième lecture. (20 h 50)

Quand on nous annonce qu'on vote contre, en deuxième lecture, parce qu'on trouve que ce n'est pas assez global, pas assez musclé, on se trompe, M. le Président. Il faudrait qu'on prévienne la députée de Prévost que les principes de la loi sont là; si on veut les améliorer, si on veut donner plus d'outils, c'est en commission parlementaire, à l'étude article par article, qu'on va le faire. Mais cela ne devrait pas nous empêcher de voter pour en deuxième lecture parce qu'on est d'accord sur les principes que sous-tend ce projet de loi.

Il me semble que c'est le travail qu'on a à faire en deuxième lecture. Il ne faudrait pas tenter de berner la population en disant que c'est parce que ce n'est pas assez musclé. Si on le veut plus musclé, on va faire des amendements en troisième lecture. Je serai un — et j'en prends l'engagement, M. le Président — de ceux qui appuieront les députés de l'Opposition qui voudront avoir des amendements pour rendre la loi plus musclée, plus globale, plus intéressante en termes de moyens et d'outils pour les travailleurs. Je serai un de ceux qui les appuieront. Mais devant la population, ce soir, il faut quand même qu'ils nous fassent la preuve qu'ils sont d'accord sur les principes et qu'on arrête d'essayer de berner les gens en disant: On n'est pas d'accord mais c'est parce qu'on en voudrait plus.

Moi, M. le Président, j'en veux plus aussi. Il n'y en aura jamais assez pour les travailleurs du Québec. Mais je suis quand même prêt à reconnaître que c'est non seulement un pas mais un pas de géant qui est fait actuellement par le projet de loi no 17, et qu'en conscience on se doit d'appuyer ce projet de loi.

Comme il me reste à peine cinq minutes, je serai obligé de conclure plus rapidement que je le croyais, pour vous dire que, tantôt, la députée de Prévost a dit de cette loi qu'elle la voudrait plus globale. Quand on parle d'une loi-cadre, il est difficile d'avoir plus global que cela. C'est le cadre qu'on fixe dans la loi; le reste, la loi prévoit des mécanismes pour la compléter et, effectivement, je suis un de ceux qui partagent l'idée qu'il y a peut-être un trop grand nombre de réglementations laissées dans la loi. Si on pense qu'on peut, en commission parlementaire, prévoir des mécanismes pour assurer la présence des parlementaires au moment de l'adoption de cette réglementation, j'appuierai des mesures comme celle-là, et vous le savez, cela fait deux ans que je dis la même chose. Mais encore faut-il pour cela qu'on s'entende sur le principe de base et le principe de base c'est de voter le projet de loi en deuxième lecture, de s'en aller travailler comme du grand monde, honnêtement, consciencieusement, sans berner personne, en disant: C'est cela, notre orientation et elle ne changera pas. Ce n'est pas parce qu'on veut favoriser les employeurs qu'on vote contre; c'est parce qu'on en veut plus pour les travailleurs. Bravo! Votons le principe, M. le Président; on ira l'améliorer pour les travailleurs en troisième lecture. C'est une bonne proposition; il me semble que c'est une base de négociation honnête, en tout cas, et il n'y a personne dans le public qui ne peut pas comprendre cela. Si on peut négocier de cette façon, M. le Président, il me semble que cela servirait à la fois les intérêts des employeurs et les intérêts des travailleurs.

Là, je veux développer trois points: les coûts inhérents à ce projet de loi, le représentant à la prévention et aussi le fait d'éliminer dans ce projet de loi les dangers à leurs sources. M. le Président, je veux dire rapidement — je m'excuse, rapidement — que le député de Saint-Laurent a fait état, dans son intervention, que dans ce projet de loi, les décisions — et j'utilise ses propres termes — seront maintenant celles de l'Etat, a-t-il dit. M. le Président, je comprends le député de Saint-Laurent; il était favorable au projet de loi, il se voit obligé maintenant de voter contre. Je comprends sa réaction et je comprends qu'il faut qu'il se trouve des arguments.

Par ailleurs, aurait-il oublié qu'à l'intérieur du projet de loi, il y a un certain nombre de mécanismes — si le député d'Argenteuil veut bien me permettre de continuer, il aura l'occasion de parler tantôt — qui empêcheront l'Etat de prendre les décisions. Par exemple, et pour la première fois, l'institutionnalisation d'un représentant à la prévention, un homme qui va être là dans l'entreprise, choisi par les travailleurs ou par les organisations syndicales lorsqu'il y aura des syndicats, avec des moyens d'action en termes de temps et de protection quant à l'emploi, uniquement pour surveiller l'application des mesures quant à la santé des travailleurs et empêcher des situations propres à amener ou à provoquer des accidents pouvant blesser des travailleurs.

Un représentant à la prévention, M. le Président, qui ferait son travail avec la protection que le projet de loi lui accorde et qui ferait son travail sérieusement dans son milieu prendrait lui-même les décisions. Ce n'est pas l'Etat qui les prendrait à sa place, mais lui-même, fort des principes qui se retrouvent dans la loi. Le député de Saint-Laurent a dû oublier aussi que, dans les entreprises, il y avait des comités de santé et de sécurité, paritaires, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Sainte-Marie, je m'excuse. Votre temps est...

Des Voix: Consentement.

Le Vice-Président: Consentement. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je remercie beaucoup, M. le Président, l'ensemble des collègues de cette Chambre de me permettre de continuer. Je m'engage à terminer le plus rapidement possible.

M. le Président, on a aussi oublié que, dans cette loi, il y avait un comité de santé et de sécurité du travail fait dans l'entreprise par des travailleurs et des dirigeants de chacune des entreprises. C'est une façon de faire prendre des décisions localement, et je ne comprends rien au fait que l'analyse du député de Saint-Laurent débloque sur une orientation qui nous dise que les décisions seront celles de l'Etat. Le député de Saint-Laurent continue en disant que ce à quoi on assiste dans ce projet de loi, c'est à une normalisation. Bien sûr. Il y a un certain nombre de règles qui vont édicter des règlements qui peuvent devenir des normes; mais, à 70%, vous retrouvez dans ce projet de loi le fait que les normes ou les règlements déterminés par la commission ne vont s'appliquer qu'au moment où un comité de santé et de sécurité ne se sera pas entendu. Cela veut dire que même les normes faites par la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne s'appliqueront pas si un comité en décide autrement. Ce n'est pas de la normalisation, M. le Président. C'est de prévoir le moment où des comités peuvent ne pas s'entendre. Quand ils ne s'entendent pas, ce sont les normes qui prévalent, mais, lorsqu'ils s'entendent, c'est ce dont ils ont convenu entre eux qui fait la règle du jeu. C'est ce sur quoi ils se sont entendus qui mène l'action dans l'entreprise. De la même façon, M. le Président, les associations sectorielles subventinnées, où on retrouve autant d'employeurs que de représentants d'associations syndicales, ont un rôle à jouer pour limiter, bloquer cette normalisation dont parlait le député de Saint-Laurent.

Le député de Saint-Laurent, au summum de son intervention, termine en disant qu'on devrait créer des obligations de résultats pour les entreprises, ne pas faire autre chose que cela, a-t-il dit, M. le Président, créer des obligations de résultats. Mais, M. le Président, toutes les lois qui existent actuellement créent à toutes fins utiles des obligations de résultats. Les seuls résultats — et je termine là-dessus — on les obtiendra en termes de santé et de sécurité au travail le jour où une loi claire déterminera le champ d'action et les pouvoirs de tous les intervenants en termes de santé et de sécurité au travail. La situation et les obligations de résultats, on les obtiendra le jour où on permettra à des représentants à la prévention, représentants des travailleurs, d'exercer leur rôle dans toutes et chacune des entreprises du Québec. Les obligations de résultats, on va les obtenir le jour où les associations sectorielles ou les comités de santé et de sécurité du travail locaux ou la commission formée par des représentants des employeurs et des travailleurs pourront intervenir dans la question de la santé et de la sécurité du travail. Là, M. le Président, on obtiendra des obligations, on sera placé devant des obligations de résultats, résultats qui ne pourront faire autrement que d'être bénéfiques à l'ensemble des

Québécois, à deux aspects, premièrement, en préservant leur santé, et rappelons-nous le retrait préventif étendu à l'ensemble des travailleurs du Québec, si ce n'est pas préserver un capital aussi important, parce qu'on est capitaliste au Québec, M. le Président... (21 heures)

Notre principal capital, ce sont encore les humains que le Québec contient. C'est encore leur compétence, leur valeur au travail. Ce serait un résultat positif pour le Québec le jour où on aura protégé l'ensemble des travailleurs québécois contre les maladies, les accidents au travail et les décès au travail. Le jour où on ne pourra plus se scandaliser de la situation dans ce milieu, où on ne pourra plus se laisser aller de façon débridée contre les grèves, parce que les grèves nous font perdre plus de jours-homme par année que les accidents de travail, on pourra être satisfait, parce que tous en profiteront, à la fois les travailleurs, à la fois les entreprises. Si tout le monde en profite, travailleurs et entreprises, forcément, l'ensemble des contribuables en profitera aussi.

M. le Président, je souhaite que les représentants de l'Opposition qui pensent, selon le milieu qu'ils représentent, selon les travailleurs qu'ils représentent, que les députés des oppositions, dis-je, se rendront compte que ces principes de base dans la loi 17 sont essentiels et qu'ils voteront pour, en deuxième lecture, en sachant que ce côté-ci de la Chambre, lorsqu'on sera rendu à l'étude article par article en commission parlementaire, nous serons les premiers à les épauler dans tous les amendements qui rendront la loi plus musclée, plus parfaite, plus protectrice pour les travailleurs. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: Merci, M. le Président. Vous me permettrez, pendant quelques minutes, de m'exprimer sur cette loi qui nous est déposée, Loi sur la santé et la sécurité du travail, qui nous fut expliquée cet après-midi par le ministre, qui veut bien défendre cette loi d'une façon aussi objective, aussi convaincante, qu'il peut être lui-même convaincu.

Je voudrais, Mme la Présidente, dans les quelques minutes qui sont à ma disposition, tâcher de m'exprimer selon ma façon de voir les valeurs qui encadrent cette loi. Evidemment, comme bien d'autres lois, des principes exposés, sont, nous sommes tous d'accord, pour la protection du travailleur et de sa santé. Je ne connais aucun employeur au Québec qui ne peut être pour ces grands principes qui ont été exposés d'une façon aussi convaincante et convaincue, je pense bien, par le député de Sainte-Marie.

Nous avons écouté plusieurs exposés cet après-midi et durant la journée, qui nous ont donné plusieurs points de vue sur cette loi qui est devant nous et qui est à l'étude actuellement en

deuxième lecture. Le député de Richmond a voulu, à sa manière, nous exposer son point de vue sur les grands principes. Plusieurs autres députés ont voulu, eux aussi, nous exposer leur manière de voir ce que comprenait cette loi. On va nous dire que la plupart des principes incorporés à l'intérieur de cette loi, comme il s'agit d'une loi-cadre, comme l'a dit le député de Sainte-Marie, que ces pouvoirs, dis-je existent actuellement. Je ne peux pas le nier. C'est vrai que plusieurs de ces pouvoirs existent actuellement. Ils sont répartis à l'intérieur de plusieurs ministères. On veut les grouper pour en faire une seule loi plus facile d'administration, qui serait d'un contact plus facile pour la masse des ouvriers. Je présume que par la même occasion, on veut aussi tâcher d'exposer que ce serait plus facile pour les employeurs. Je pense bien que c'est un principe sur lequel tout le monde veut être d'accord.

Mais quand on examine la loi bien objectivement, on commence à se rendre compte que cette loi va beaucoup plus loin que cela. Cette loi donne beaucoup plus de pouvoirs que les lois existantes. Cette loi va coûter beaucoup plus cher d'application que les lois existantes. On se cache derrière ce voile très impressionnant en disant: Ceci, c'est pour la protection des travailleurs, qui n'est pas un luxe, et tout le monde est d'accord qu'au Québec, pour protéger la santé des travailleurs, personne ne veut rien épargner.

On veut tout mettre en oeuvre et c'est là-dessus qu'on se penche d'une façon très émotionnelle. Tout le monde est d'accord. Tout le monde vise le même but, mais je pense qu'il faut regarder exactement ce à quoi on veut en venir. Si banale que puisse paraître la loi, je pense qu'il y a des points qui méritent d'être examinés.

Quand on parle des principes incorporés à l'intérieur de cette loi, on dit qu'à l'avenir une personne pourra quitter son travail à volonté si elle prétend qu'il y a un danger pour sa santé. A ce que je sache, cette liberté n'a été brimée pour aucun travailleur qui travaille actuellement au Québec. Aucun employeur ne peut empêcher quelqu'un de quitter son travail si celui-ci prétend qu'il y a un danger pour sa santé. On va lui dire qu'il y aura des sanctions, son congédiement, etc.

Mme la Présidente, il faudrait quand même être juste un peu. On tente de laisser croire que tous les employeurs sont des exploiteurs. C'est exactement ce qui ressort, surtout quand on écoute le député de Sainte-Marie qui a un préjugé favorable envers les travailleurs. Je suis d'accord. Il peut peut-être me dire que j'ai aussi un préjugé favorable envers les employeurs. Je suis un employeur et j'ai encore des employés à mon emploi. Je n'ai jamais puni et je ne punirai jamais un employé qui va quitter son emploi parce qu'il prétend que cela peut être dangereux pour sa santé. Je serais bien heureux que mes employés me le soulignent et on prendra les dispositions pour corriger la situation. C'est normal chez nous, c'est normal dans la plupart des industries qui existent.

Ce qu'on tente de démontrer par cette loi, c'est un écran de fumée. On a parlé de nivelage par la base. J'ai dit: On nivelle par en haut. C'est vrai que chez les employeurs il y a des exceptions comme il y en a chez les employés. Comme on prend les deux points et qu'on veut niveler par en haut, on voudrait que Steinberg ou les autres épiceries soient placés dans la même position qu'une fonderie, I'lron Ore ou une autre industrie du même genre. Je pense qu'on déplace un peu le problème. J'aurais été d'accord pour examiner secto-riellement les problèmes objectivement, pour protéger les employés. On est tous d'accord.

Mais il y a une question à laquelle le ministre n'a pas répondu. Dans sa réplique, il aura le privilège d'y répondre. Combien cela va-t-il coûter? Est-ce que nous, les Québécois dans l'industrie, nous pouvons nous payer le luxe de débourser plus qu'on ne le fait actuellement pour protéger les travailleurs? Est-ce que nous sommes plus exploiteurs que les gens des autres provinces du Canada? Est-ce qu'on a un pourcentage d'accidents plus élevé qu'ailleurs en tenant compte des pourcentage d'emploi que nous avons au Québec? Cela n'a pas été dit par le ministre cet après-midi. Est-ce que c'est réellement vrai lorsqu'on étale devant nous le nombre de journées perdues par la maladie, comme l'a fait le député de Sainte-Marie? Emotionnellement, c'est gentil, c'est beau, c'est impressionnant, mais quels sont les faits? Est-ce que, réellement, toutes ces causes, pour lesquelles on paie, nous les employés, qui sont remboursées par la Commission des accidents du travail sont réellement dues à la négligence de l'employeur ou si ce n'est pas dû dans bien des cas à la négligence de l'employé? Il faudra examiner cela objectivement pour savoir qui est en cause dans chacun des cas.

En parlant par expérience, la majorité des accidents qui arrivent est due souvent à la négligence de l'employé plutôt que de l'employeur. Rappelons-nous une chose: s'il y a une cause où l'employeur a été averti d'avance, qu'il a fait preuve de négligence et que cela peut se prouver, un employé a toujours recours selon le Code civil. Je ne suis pas un avocat, mais, pour avoir vécu ces causes, je le sais.

On arrive aujourd'hui avec une loi-cadre qui englobe tout cela, qui rejette la totalité de la responsabilité sur l'employeur. On forme des comités à l'intérieur de l'industrie sur lesquels l'employeur n'a presque aucune autorité. Avez-vous vu bien des industries, aussi bien que des gouvernements, qui fonctionnent sans patron? On semble en avoir un actuellement, un gouvernement qui fonctionne sans patron. (21 h 10)

Vous savez comment cela marche. Dans une usine, c'est la même chose. Dans des comités, que ce soit pour la protection de l'employeur, cela va être exactement la même chose. Qui va rendre les décisions? Cela sera le fonctionnaire. Et qui est-il ce gars? Bien intentionné soit-il, je voudrais bien que cet inspecteur qu'on paie, j'imagine, grassement, parce que le fonctionnaire est assez bien payé, soit un gars d'expérience dans le domaine de l'industrie qu'il viendra visiter, mais ce n'est

pas souvent le cas. On a affaire à des inspecteurs qui ont appris leur leçon à l'école en faisant des grandes études à l'université. Je ne dénonce pas ces certificats universitaires, mais j'aimerais bien qu'on accroche quelques certificats d'expérience pratique pour être capable de juger réellement si c'est l'employeur qui est en cause ou si c'est l'employé et être juste, parce que c'est toujours l'employeur qui paie la facture. Surtout par cette loi, quand j'examine les coûts que cela va représenter, je suis un petit peu renversé. Je vous dis cela sans aucun parti pris parce que je veux, moi aussi, la protection de mes employés.

A ce que je sache, je n'ai pas travaillé autrement que dans ce sens depuis que je m'occupe d'administration d'industrie et cela fait quelques années. Seulement une trentaine d'années que je le fais. Je défie mes employés de venir me dire que je n'ai pas toujours fait en sorte de les protéger. On a de ces inspecteurs actuellement qui travaillent dans ce sens et qui font bien leur travail, qui viennent, qui nous imposent des normes, qu'on dit d'avance ridicules, mais on les fait quand même. Cela nous coûte de l'argent, mais on le fait pour justifier l'inspecteur; on ne veut aucun doute. Souvent, ces gardes qu'on nous fait poser, on sait d'avance qu'ils sont plus dangereux que s'il n'y en avait pas. On les fait quand même. Cela nous coûte de l'argent, mais pour respecter leur opinion, conserver leur autorité, pour tâcher de démontrer qu'on veut réellement protéger nos employés, on le fait quand même. Cela n'empêche pas les accidents d'arriver.

Quand on compare le nombre d'employés qu'on a au Québec et le nombre d'accidents qui arrivent, est-ce que ce n'est pas une situation normale, dans plusieurs des cas, qu'il arrive des accidents? Si on ne veut pas avoir d'accidents ou si on veut baisser le taux d'accidents, on n'a qu'à remonter le taux de chômage. C'est ce qu'on semble vouloir tenter pour diminuer les accidents. On va remonter le taux de chômage. Il va y avoir moins de gens qui vont travailler. On aura certainement moins d'accidents. Aussi ridicule que de penser au domaine de l'automobile. On compare cela aux accidents d'automobiles. Ce n'est pas des comparaisons qui vont ensemble du tout. Je pourrais bien dire: Si vous ne voulez pas d'accidents sur les routes, bannissez toutes les automobiles, vous n'aurez plus d'accidents. En voiture ou en sleigh, je n'en connais pas tellement d'accidents ou il en arrive beaucoup moins.

Mme la Présidente, l'employeur, quand même, malgré cette loi, a fait un petit peu quelque chose. Vous savez que le Québec est la province qui compense le mieux les accidentés. On est la seule province qui compense à 90% nos accidentés. Est-ce parce qu'on est coupable ou si c'est parce qu'on veut réellement aider nos accidentés? Toutes les autres provinces du Canada, quand je regarde les statistiques, c'est 75% du salaire. Au Québec, c'est 90% du salaire. Je pense que nous faisons déjà notre part. Cela coûte un demi-milliard, je suis d'accord. Je n'aime pas plus à payer que les autres.

Est-ce que je suis réellement l'employeur qui est responsable de tout cela? Est-ce que cette loi va réellement corriger tout cela? Vous voyez ce qu'on a devant nous ici. Cela va corriger tous les problèmes? Non. A mon sens, cela va les compliquer et je m'explique. Vous avez dans cette loi, Mme la Présidente, 337 articles. Je ne dirai pas que tous les députés ne l'ont pas lue. Je suis convaincu que le député de Sainte-Marie et les autres qui ont parlé l'ont lue. Ils ont travaillé dessus, d'ailleurs, le ministre nous a dit qu'il avait été bien heureux d'avoir eu leur support, ils ont voyagé à travers le Québec, le Canada, la Suède et d'autres, je leur en suis très reconnaissant. Mais en comparaison de ce qui se passe chez nous, je pense qu'on est à un niveau aussi élevé que les autres. Cela ne nous donne pas de justification de dire qu'on ne peut pas faire plus pour les nôtres.

Tout le monde, tous les employés sont d'accord à se mettre ensemble pour faire plus, mais ce qu'on voudrait tâcher de conserver, c'est cette possibilité de contrôler ce plus qu'on veut faire quand on paie la facture, pas se la faire imposer par d'autres.

On va me dire: Faites donc confiance aux unions ouvrières et aux employés. Je ne mets pas en doute les unions ouvrières et encore moins les employés, et beaucoup moins les employés. En 1964, lorsqu'on a donné le droit de grève aux fonctionnaires du gouvernement et des organismes paragouvernementaux, là où il y a un monopole, on a dit, en ce temps: C'est simplement pour équilibrer un peu les choses, on est certain que ces gens ne s'en serviront pour menacer. On va s'en servir simplement pour égaliser les salaires, pour être certain de faire en sorte qu'on est aussi bien servi que dans l'entreprise privée. On a cédé aux pressions volontairement, on a dit: C'est bien raisonnable, c'est une demande justifiée et ça a été fait.

Vous avez entendu les propos du premier ministre; on en sert pourquoi aujourd'hui? Le droit de grève est censé être, dans l'entreprise privée et encore plus dans l'entreprise, un dernier recours. Mais ce n'est pas ça qu'on fait, on l'utilise comme système de pression constante pour arriver à un objectif qu'on sait d'avance être plus élevé, en revenus et en obligations, que celui que l'entreprise privée peut se payer. Mais on dit: L'entreprise publique, c'est le gouvernement, il a le moyen de payer, il n'y a aucune hésitation. Mais c'est qui le gouvernement, si ce n'est pas Jean-Baptiste Tout-le-Monde? Ce n'est pas moi, le gouvernement, ce n'est pas le député d'Argenteuil, pas plus que c'est le premier ministre actuel et les autres; on est simplement des administrateurs, c'est là notre responsabilité et on n'a pas le droit de créer des obligations comme on tente de le faire actuellement.

Cette loi qui nous est présentée ce soir, je voudrais être capable de l'adopter, mais je voudrais m'assurer d'avance que ceux qui vont avoir à l'appliquer ne seront pas pris avec un fonctionnarisme démesuré, une papeterie incontrôlable et que cela ne nous coûtera pas un prix administratif

exorbitant. C'est de ça que j'ai peur et c'est ça que le ministre n'a pas exposé, c'est à ça que le ministre n'a pas répondu. Combien y aura-t-il de nouveaux inspecteurs ajoutés à ceux qu'il y a actuellement? Est-ce que les inspecteurs du ministère du Travail et d'autres ministères vont être mutés? Est-ce que ça va devenir des nullités et les remplacera-t-on par autres choses? Est-ce que les coûts qu'on paie dans les autres ministères font partie du coût de l'administration de cette loi? Cela n'a pas été exposé, le ministre aurait dû nous donner ces chiffres, je pense que ça aurait été raisonnable; c'est à ça qu'il aurait dû répondre.

Quand on parle du grand principe, je sais qu'on met de côté tous les dollars; on va dire: Le contribuable va épargner tellement d'argent. C'est une farce, on va tâcher d'avoir une amélioration constante pour éliminer graduellement les accidents, comme ça se fait dans chacune des entreprises. On fait ça, chez nous, tous les jours; on a des ingénieurs qui, ensemble, étudient avec nos employés, les gars qui travaillent tous les jours, les conditions de travail. On les étudie, on n'est pas des malades, on veut garder nos employés, surtout dans ces cas, nos meilleurs employés, on les bâtit, ça nous coûte des dollars pour les amener à des niveaux productifs. On ne veut pas qu'il leur arrive des accidents, on ne veut pas les perdre, on veut les conserver, on tâche de trouver les meilleurs moyens pour les protéger. On accepte chacune des suggestions, on a des boîtes à suggestions; pas seulement chez nous, Mme la Présidente; plus l'usine est grosse, plus il y a de suggestions.

J'ai visité des usines comme I'lron Ore et d'autres du même genre; elles ont leurs faiblesses, mais elles sont assez bien organisées; je pense que les employés sont bien traités. Vous allez me dire: Là, il y a des unions et les gars sont tassés, les employeurs sont obligés d'agir, ils n'ont pas le choix. C'est aussi faux, ces gens sont des administrateurs qui ont à coeur la protection de ceux qui les aident à réaliser l'objectif de production d'une usine. Je pense que c'est raisonnable, mais ce que je ne trouve pas raisonnable, Mme la Présidente,, c'est d'arriver avec une loi comme celle-là et d'enlever complètement des mains de celui qui est responsable de produire dans le Québec le pouvoir d'administrer et de prendre ses responsabilités. (21 h 20)

Dans le passé, les employeurs ont démontré qu'ils étaient capables de prendre leurs responsabilités, laissons-leur cette responsabilité, avec d'autres obligations. Ils vont les prendre objectivement, ils pourront relever le défi. N'enlevons pas de leurs mains cette possibilité de le faire; c'est ce qu'on fait par cette loi. De plus, on est actuellement surchargé d'impôts qui nous viennent d'un bord et de l'autre. On nous en met d'autres sur le dos. On va dire: C'est le gouvernement qui va payer! On dit dans la loi que les inspecteurs vont être payés par le gouvernement. Mais c'est qui, le gouvernement? Qui va payer la facture? C'est encore l'employeur et souvent l'employé. On n'est plus capable de payer, au Québec. Je pourrais vous démontrer d'une façon bien claire que le Québécois est le citoyen canadien le plus taxé de tout le Canada et on arrive encore avec une loi sur laquelle on n'a aucun contrôle, ce qui pourrait nous démontrer que cela pourrait baisser les coûts que représente l'application d'une loi?

Pour toutes ces raisons, je dis au ministre, comme l'a fait le député de Richmond cet après-midi d'une façon très objective, que s'il peut répondre à toutes nos inquiétudes et les éliminer de notre esprit, nous serons prêts à l'appuyer sur le grand principe d'une meilleure protection pour nos employés au Québec, mais pas en plaçant devant eux un écran de fumée leur promettant une protection, pour, par derrière, arriver avec une taxation additionnelle pour payer un paquet d'inspecteurs qui vont leur créer des embêtements et qui vont faire en sorte que des usines vont dire: Dans ces conditions, on va aller ailleurs qu'au Québec. Cela se fait dans bien des cas.

Mme la Présidente, je vous remercie des quelques minutes que vous avez mises à ma disposition. J'aurais beaucoup d'autres choses à dire là-dessus. J'aurais aimé vous parler de plusieurs genres d'industries qui existent au Québec et dans lesquelles nos employés sont mieux protégés que dans d'autres parties du Canada. Nos lois, si imparfaites soient-elles, sont aussi bonnes que toutes les lois des autres provinces. On pourrait essayer de les bonifier, mais qu'on ne nous arrive pas avec une brique comme celle-là qui ne nous donne aucune satisfaction, nous législateurs, qui sommes responsables vis-à-vis de nos commettants, les contribuables du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Si j'interviens sur ce projet de loi, c'est avec...

M. Lamontagne: Mme la Présidente, question de règlement, s'il vous plaît!

M. Perron: Bon, Mme la Présidente, ça commence!

M. Lamontagne: Je ne sais pas si vous l'avez constaté comme moi...

La Vice-Présidente: Sur une question de règlement, M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: Oui, c'est tout simplement pour constater que nous n'avons pas quorum.

La Vice-Présidente: Nous allons vérifier immédiatement, M. le député.

M. Marcoux: On a quorum.

La Vice-Présidente: Nous avions effectivement quorum, M. le député, vous avez compté de l'autre côté.

M. le député de Duplessis.

M. Lamontagne: J'ai regardé du côté du pouvoir, non pas du côté de l'Opposition.

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Je vous en prie, il n'y avait pas lieu de faire une question de règlement.

M. Chevrette: Au début de l'Assemblée, il n'y avait qu'un membre...

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: II n'y en avait qu'un!

La Vice-Présidente: M. le député de Joliette-Montcalm, si vous avez l'intention d'intervenir, vous devriez vous trouver à votre place.

M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Je remarque que pour l'Opposition, et spécialement le député de Roberval, tous les moyens sont bons pour empêcher le député de parler. Je disais donc que c'est avec fierté et même avec une certaine émotion que je parle sur ce projet de loi. Je voterai même en faveur de ce projet de loi, et ce pour deux raisons. Je le fais avec fierté à cause du beau travail qui fut fait pour préparer un tel projet de loi sur la santé et la sécurité au travail au Québec; il a été produit par un groupe de personnes, en particulier par le ministre d'Etat au Développement social et son cabinet, les fonctionnaires qui accompagnaient son cabinet, et certains d'entre nous qui y ont travaillé à plusieurs reprises afin de bonifier, du mieux qu'on le pouvait, ce que nous avons devant nous ce soir en deuxième lecture. Avec émotion aussi, parce qu'on l'attend depuis longtemps.

Les travailleurs et les travailleuses du Québec attendent depuis des dizaines et des dizaines d'années que dans le monde industriel on fasse quelque chose au niveau des lois pour permettre une meilleure santé et une meilleure sécurité au travail. Bien sûr, les libéraux nous diront qu'ils avaient des intentions, mais je peux vous assurer que ces intentions ne se sont pas converties en quelque chose de bien concret, alors que le gouvernement du Parti québécois a effectivement eu le vouloir politique pour réussir ce que nous avons devant nous.

J'entendais un membre du Parti libéral nous signifier qu'on n'avait pas fait d'études appropriées en rapport avec le projet de loi no 17, soit celui sur la santé et la sécurité du travail. Je dois dire, contrairement à ce qui s'est passé pour certains projets de loi que les libéraux ont adoptés entre 1970 et 1976, qu'il y a effectivement eu des études sur ce projet de loi. Depuis trois ans qu'on y met un paquet de travail, depuis trois ans qu'on y a mis des heures et des heures. Je dois vous dire que j'en ai assez, et carrément assez, de la façon dont le Parti libéral a agi jusqu'à maintenant au cours de la deuxième lecture de ce projet de loi.

Nous avons eu des études qui ont été faites à peu près partout. Nous avons eu des études dans le domaine de l'amiante; nous avons eu des études dans le domaine des pêcheries; nous avons eu des études par l'ancien gouvernement libéral dans le domaine de la foresterie. Par contre, réellement, des choses concrètes qui furent faites par l'ancien gouvernement, je dis non, surtout dans le milieu du travail.

J'ai entendu certains libéraux parler pour et, en même temps, contre le projet de loi. Ils voteront même contre le principe. Maintenant, je me posais la question à l'heure du souper: Pourquoi contre? Probablement parce qu'ils veulent démontrer à leurs petits amis des chambres de commerce, des gros présidents de compagnies qui fournissent dans la caisse électorale de leur parti...

Une Voix: Les compagnies ou les présidents?

M. Perron: Les deux; c'est à peu près la même chose, de toute façon.

M. Ryan: Mme la Présidente, question de privilège. Le député des insinuations calomnieuses sur notre parti, en laissant entendre que nous recevrions des fonds qui seraient versés illégalement.

M. Perron: Ils ont le droit en vertu de la loi 2.

M. Ryan: Je tiens à demander au député de retirer ces calomnies.

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Perron: Je pourrais répondre, Mme la Présidente, au chef...

La Vice-Présidente: A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ... M. le député de Frontenac, s'il vous plaît! ...

M. le député de Duplessis.

M. Perron: Mme la Présidente, je pourrais répondre au chef du Parti libéral que je faisais allusion aux $710 000 qu'il a mis dans sa caisse électorale, qui se rapportent aux travaux des Jeux olympiques.

Pourquoi parler pour? C'est parce qu'ils veulent se donner bonne bouche devant les travailleurs et les travailleuses du Québec. Cependant, ils vont voter contre. Vous autres, les libéraux, vous dites non et je me demande vraiment pourquoi. Vous dites non au principe d'assurer aux hommes et aux femmes qui travaillent des droits réels aussi élémentaires et naturels que de pouvoir protéger adéquatement leur vie, leur santé et leur intégrité physique. Je puis vous dire que je dirai oui, ainsi que le côté ministériel.

Vous autres, les libéraux, vous dites non au principe de donner aux travailleurs et aux employeurs les moyens nécessaires pour assurer progressivement l'élimination des dangers à la source et mettre en oeuvre tous les moyens de prévention, de dépistage précoce et de protection nécessaire. Moi, je dirai oui, ainsi que le côté ministériel. Vous dites non au principe d'intégrer de façon cohérente les sept lois et les 20 règlements qui régissent actuellement ces questions de santé et de sécurité au travail. Moi, je dirai oui, Mme la Présidente. Vous autres, les libéraux, vous dites non au principe de mettre fin à l'éparpille-ment des services d'inspection... (21 h 30)

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: J'attendais cette question de règlement, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. D'ailleurs, j'ai essayé à trois reprises de le signaler. Pourriez-vous demander au député de bien vouloir s'adresser à la présidence plutôt qu'à nous, les libéraux qui travaillons présentement à des choses sérieuses?

La Vice-Présidente: M. le député de Duplessis, j'attendais un peu cette question de règlement. Je vous demanderais, comme il sied dans cette Assemblée, que vous vous adressiez à la présidence de l'Assemblée. Vous pouvez parler des gens à la troisième personne, si vous le voulez mais il faut que vous vous adressiez à moi, M. le député.

M. Perron: D'accord, Mme la Présidente. Je disais donc que les libéraux disent non au principe de mettre fin à l'éparpillement des services d'inspection et d'assurer les ressources humaines et surtout une permanence régionale suffisante et efficace. Moi, je dirai oui. Mme la Présidente, les libéraux disent aussi non au principe qu'un travailleur ou une travailleuse puisse être entendu devant la commission et être représenté par une personne de leur choix.

Lorsqu'on relit attentivement ce que les libéraux ont dit et même ce que les unionistes ont dit jusqu'à maintenant dans la deuxième lecture du projet de loi, j'ai la forte impression que les partis de l'Opposition n'ont jamais vraiment fait le tour des usines, en tout cas, de certaines usines du Québec. Ils n'ont jamais vraiment écouté des bruits sonores à l'intérieur de l'une ou l'autre de ces usines de peur, probablement, de défoncer le tympan de leurs oreilles vierges. Ils ne sont jamais non plus probablement entrés dans l'une ou l'autre des usines où il y avait des émanations de gaz comme, par exemple, à I'lron Ore ou encore à Québec Cartier Mining parce que cela aurait pu déranger leurs sentiments. Ils n'ont jamais non plus été dans certains endroits où il y avait un paquet huileux ou graisseux, surtout pour ne pas salir leurs petits souliers, comme le dirait Félix

Leclerc. Lorsqu'on considère encore ce non très concret que nous ont donné cet après-midi les libéraux et les unionistes, on peut dire qu'ils ont carrément suivi leurs chefs qui, depuis un bon nombre de mois, disent non à la majorité des projets de loi qui sont déposés devant cette Assemblée nationale.

Les grands principes du projet de loi sont la participation des parties, soit celle des travailleurs et celle des employeurs, les droits et obligations des deux parties, les comités de santé et de sécurité du travail, la dispensation des services, la création de comités de santé et de sécurité, le droit de recours, les sanctions pénales, la transition en ce qui a trait à la période et même des amendements à la loi de la commission. Je n'ai pas l'intention de toucher l'ensemble de ce que je viens de mentionner, mais je voudrais simplement dire ceci, Mme la Présidente.

Ce projet de loi, qui est carrément à caractère social et pour l'ensemble du Québec, des Québécois et des Québécoises, est selon moi la première version que, jusqu'à maintenant, j'aie pu lire, de même, probablement, que la majorité de mes collègues, en ce qui a trait aux lois de travail et spécialement dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail. C'est une loi qui me paraît, en tout cas, pratiquement complète puisqu'elle touche à peu près tous les secteurs dans le domaine manufacturier. Elle touche même le domaine de la construction. Si on voulait avoir une loi-cadre au Québec, c'est justement pour bien exprimer que le gouvernement voulait toucher l'ensemble du Québec, l'ensemble de ses citoyens et de ses citoyennes. Vous avez, d'une part, les syndiqués qui, actuellement, sont protégés par des conventions collectives. Et même s'ils sont protégés par ces conventions collectives, comme le disait le député de Sainte-Marie, on a eu des grèves qui étaient légales, et même illégales, qui se rapportaient à la santé et à la sécurité au travail.

Aujourd'hui, nous avons l'article 4 qui protège le droit de ces travailleurs syndiqués de se servir soit de la loi ou de leurs conventions collectives. Vous avez, d'autre part, les autres 70% de non-syndiqués qui sont sur le marché du travail actuellement, des hommes et des femmes, qui n'avaient presque rien à l'intérieur du Code du travail comme protection. Maintenant, la loi couvrira ces gens. Je peux donner des exemples de certaines conventions collectives qui existent actuellement dans le comté de Duplessis et même depuis un bon nombre d'années. Suite à une convention collective négociée en 1966, la compagnie Québec Cartier Mining et le Syndicat des métallos sont venus à une entente afin qu'un comité soit formé en ce qui a trait à la santé et la sécurité au travail. Ce comité fonctionne depuis maintenant près de quatorze ans. En même temps, à la Québec North Shore, à Baie-Comeau, en 1963, un autre comité a été formé en rapport toujours avec la santé-sécurité au travail et ce comité fonctionne toujours au moment où on se parle, soit seize ans après.

Mais ce qu'on voulait réellement, c'était de faire en sorte qu'on ait une loi concrète, au Que-

bec, qui touche l'ensemble des travailleurs et des travailleuses. Je pense qu'avec le projet de loi no 17 on l'a. Pas beaucoup de députés en cette Chambre ont visité, par exemple, les ateliers de la ville de Schefferville. Moi-même et le ministre d'Etat au Développement social sommes allés en visiter une partie qui touche justement la soudure. Je peux vous assurer que même les mécanismes techniques qui sont en place actuellement pour vérifier les émanations de gaz sont complètement désuets, et, à ce que je sache, ils ne sont même pas approuvés. Ces travailleurs veulent vraiment avoir quelque chose de concret afin de protéger leur santé et leur sécurité.

En tout cas, pour moi, Mme la Présidente, il n'y a sûrement pas de prix pour une vie humaine et c'est encore la même chose pour la santé de l'être humain lui-même. C'est ce que veut régler le projet de loi. En terminant, Mme la Présidente, je voudrais dire merci à tous ceux et à toutes celles qui ont travaillé à faire en sorte que nous ayons ce projet de loi devant nous et spécialement au ministre d'Etat au Développement social. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Mme la Présidente, je voudrais vous dire tout d'abord le vif intérêt que nous avons de ce côté-ci de la Chambre pour les problèmes qui font l'objet du projet de loi no 17. La parti ministériel aime se vanter de l'intérêt soi-disant exclusif qu'il aurait pour ces questions. Je m'étonne, en entendant ses porte-parole, de constater combien ses représentants sont peu nombreux dans cette Chambre pour un débat aussi vital. A certains moments du débat ce soir, et des moments assez longs, je les ai comptés, Mme la Présidente. Je pense que vous étiez distraite, parce qu'il y a eu un moment où nous étions douze dans cette Chambre. Il y en avait quatre ou cinq de l'autre côté. C'est bon que le public le sache.

La Vice-Présidente: Sur la question de règlement, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, question de règlement. Premièrement, le chef de l'Opposition met en doute votre parole quand vous avez compté, selon le règlement; deuxièmement, quand l'Assemblée a commencé, seule la députée de Prévost était dans cette Chambre. Drôle d'intérêt pour le parti de l'Opposition.

La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je tiens à souligner que je n'ai pas osé de mettre votre parole en doute. J'ai parlé d'une situation qui existait avant que votre atten- tion soit attirée sur cette question. Mme la Présidente, revenons au sujet. (21 h 40)

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Je m'étonne toujours de voir...

La Vice-Présidente: Je vous demanderais le calme. Je n'avais pas compris que M. le chef de l'Opposition officielle mettait ma parole en doute. Je conviendrai avec vous qu'il peut y avoir eu certains moments où nous n'avons pas eu quorum en cette Assemblée, mais au moment où la question a été soulevée, ce n'était pas le cas. M. le chef de l'Opposition officielle, c'est vous qui avez la parole.

M. Ryan: Je pense que vous me reconnaissez le droit de faire mes constatations, Mme la Présidente. On a la liberté de parole dans cette Chambre.

La Vice-Présidente: Sauf, M. le chef de l'Opposition officielle, que vous devez maintenant parler sur le contenu du projet de loi, ses principes fondamentaux et la valeur intrinsèque du projet de loi no 17.

M.Ryan: J'espère bien que vous ne m'enlèverez pas ces cinq minutes qui m'ont été coupées depuis le début de mon intervention.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît!

M. Ryan: Le parti ministériel s'étonne souvent depuis quelque temps de constater que l'Opposition officielle remplit son rôle, celui pour lequel elle existe dans notre système de gouvernement en votant non à certains projets de loi qui ne répondent pas à ses convictions profondes. Je suis toujours étonné de voir combien de nos amis d'en face ont de la difficulté à comprendre le point de vue de l'autre. C'est vraiment leur talon d'Achille et ils le manifestent chaque fois que nous osons, dans un souci de fidélité à notre rôle et à nos convictions, exprimer certaines réserves, voire de l'opposition à leurs projets. On peut être opposé à quelqu'un et comprendre en même temps son point de vue, accepter qu'on ait des opinions foncièrement différentes, voire opposées sur une question, mais cette espèce de souci maladif d'unanimisme que j'ai souvent observé de l'autre côté de la Chambre m'apparaît comme une caricature de l'esprit démocratique véritable.

Etant donné un étonnement souvent manifesté depuis quelque temps par nos amis d'en face, je voudrais préciser au début de mon intervention l'esprit dans lequel nous concevons nos interventions sur les projets de loi du gouvernement dans cette Chambre. Premièrement, nous votons suivant notre conscience, honnêtement éclairée, autour de tous les projets importants. La manière dont nous votons est arrêtée à la suite d'une étude sérieuse du dossier puisée aux meilleures sources

possibles et aussi de discussions approfondies au sein de notre équipe. Nous respectons la liberté d'opinion de chacun de nos membres, mais, quand l'esprit d'équipe existe dans un parti, il n'est pas nécessaire que l'on rappelle constamment l'un ou l'autre membre à l'ordre ou que des membres soient obligés de faire circuler des documents secrets dans l'espoir d'être entendus.

Mme la Présidente, ce n'est pas le titre d'un projet de loi ni son objectif très général qui doit inspirer notre décision, mais la méthode générale que le gouvernement propose pour atteindre la fin envisagée. On nous présente un projet de loi cette fois-ci intitulé Loi sur la santé et la sécurité du travail. On dont considérer que nous sommes assez intelligents pour ne pas voter sur un titre comme celui-là, pas plus que je n'aurais voté en faveur de la Charte de la langue française parce qu'on lui avait donné le nom majestueux de charte. On aime bien voir le contenu. On aime bien voir... Je suis contre le chapitre qui fera l'objet d'une décision en Cour suprême demain.

M. Godin: Mme la Présidente... M. Ryan: Je l'ai écrit souvent.

La Vice-Présidente: Vous avez une question de règlement, M. le député de Mercier?

M. Godin: Je comprends que les libéraux donnent l'impression d'être plus nombreux qu'ils ne le sont mais le député de Robert Baldwin...

La Vice-Présidente: M. le député de Mercier, s'il vous plaît! M. le député de Roberval, s'il vous plaît! M. le député de Roberval, je vous demanderais de ne pas continuer davantage dans cette façon de faire. Le député dont il était question précédemment n'avait pas demandé la parole. Je demanderais au député de Westmount, lui aussi, s'il vous plaît, de permettre à M. le chef de l'Opposition officielle de s'exprimer dans le calme. Je vous en prie.

M. Ryan: Merci, Mme la Présidente, de votre mansuétude.

J'essayais d'expliquer que l'on ne saurait se prononcer sur un projet de loi seulement à partir du titre du projet ou, encore, de l'intention vertueuse qui l'inspire. Nous sommes tous pour la vertu; nous sommes tous pour les grands desseins généreux qu'on nous présente souvent dans cette Chambre. Je voudrais que ce soit clairement entendu une fois pour toutes. Ce que nous devons juger, c'est la méthode fondamentale que l'on propose pour apporter des solutions au problème sur lequel on attire l'attention de cette Chambre.

Certaines solutions ont l'avantage de reposer sur des principes foncièrement acceptables au gouvernement et à l'Opposition. Dans ces situations, nous sommes très heureux de voter avec le gouvernement, comme nous l'avons fait souvent, d'ailleurs, au cours des dernières semaines et des derniers mois, mais ces occasions sont plutôt ra- res. J'ajouterai, Mme la Présidente, que c'est tant mieux. Il n'y a rien de plus dangereux que ce faux conformisme, ce faux "unanimisme" que le gouvernement voudrait continuellement créer autour de ses grands projets. Je dis aux représentants du gouvernement dans cette Chambre: Quittez vos illusions, cessez vos exhortations, essayez de comprendre pourquoi dans une société démocratique il existe des courants d'opinion foncièrement opposés sur certaines questions.

Nous comprenons les motifs qui animent le gouvernement dans la solution qu'il préconise dans ce projet de loi. Nous essayons de lui dire pourquoi nous ne les acceptons pas. Vous remarquerez, enfin, Mme la Présidente, que, quand nous inscrivons notre dissidence, nous ne passons pas notre temps à attaquer les représentants du gouvernement, en leur disant qu'ils sont à la solde de M. Untel, qu'on les a vus avec M. Untel, qu'on soupçonne ceci, qu'il y aurait ceci ou cela. On respecte le projet qu'ils nous présentent. On leur demande de faire la même chose de notre côté. S'ils ne veulent pas le faire, cela ne nous fait rien. Nous allons continuer de parler et d'agir librement dans cette Chambre. Qu'ils soient bien heureux. Le public observe et le public verra de quel côté on passe son temps à imputer des motifs aux autres. Nous disons honnêtement et simplement: Nous ne sommes pas d'accord sur ce projet et nous allons vous dire pourquoi une fois de plus, parce que je m'aperçois, après avoir écouté les orateurs du gouvernement, qu'ils n'ont rien compris à tout ce qui a été dit de ce côté-ci de la Chambre depuis le début de l'après-midi.

Au projet de loi no 17, nous adressons le même reproche fondamental, d'abord, qu'au projet de loi no 57 dont l'étude se continue en commission ailleurs dans cette Chambre. Ce sont les deux projets majeurs du gouvernement dans cette partie de la session. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Comment expliquez-vous, si l'intérêt du gouvernement était si vif pour ce projet, que la dernière version, sensiblement altérée ou modifiée dans plusieurs endroits, nous ait été soumise seulement à la hâte à la fin de la semaine dernière et que nous ayons été obligés de l'aborder de façon définitive dès cette journée de notre session? Si l'intérêt est si grand, si c'est si fondamental, il aurait fallu que nous ayons la version définitive au moins une couple de semaines d'avance pour faire un travail aussi sérieux que nous aurions souhaité le faire.

Je souligne ce point-ci — c'est la même chose, c'est encore plus complexe à propos du projet de loi no 57, d'ailleurs — pour passer maintenant à mes critiques principales. Je dirai, d'abord, que nous sommes favorables aux objectifs suivants et je ne voudrais qu'il existe aucune équivoque à ce sujet. Premièrement, nous sommes favorables à la protection maximale de la santé et de la sécurité des travailleurs sur les lieux du travail et dans tout ce qui regarde l'exercice de leur activité professionnelle. Je ne voudrais pas que le gouvernement s'imagine qu'il est seul à se préoccuper de ce problème, qu'il possède le monopole de la sympathie.

Nous sommes profondément préoccupés par ces questions.

Deuxièmement, nous sommes favorables à ce que les travailleurs participent le plus activement possible à la défense de leur propre santé. Troisièmement, nous sommes favorables à certains éléments nouveaux, du moins au plan juridique, que présente le projet de loi, en particulier le droit de refus en cas de danger manifeste à la santé ou à la vie même du travailleur, dans certains cas. Nous sommes, de même, en faveur du retrait préventif du travailleur dans certaines situations où l'on peut prévoir que l'exercice de telle activité, dans telle situation spéciale, risquerait d'engendrer des conséquences graves.

Nous sommes également favorables — et je le dis pour le député de Duplessis qui se fait des illusions là-dessus ou qui interprète la réalité à partir de l'univers fermé dans lequel il semble vivre — à l'intégration rationnelle de certains services qui sont présentement trop dispersés. Ne vous inquiétez pas là-dessus, nous sommes favorables à cela également.

Mais nous croyons que la méthode fondamentale préconisée par le gouvernement pour faire face aux problèmes très aigus de la sécurité au travail et de la santé au travail n'est pas la bonne. Pour des raisons à la fois de respect de tous les acteurs impliqués, d'efficacité, de coût, nous favorisons une méthode se caractérisant par les éléments suivants. D'abord, une méthode qui aborde les problèmes suivant leurs données réelles, suivant leur urgence véritable et suivant leur acuité dûment vérifiée. (21 h 50)

Nous l'avons souligné à maintes reprises au cours des derniers mois dans le livre blanc que le ministre nous a présenté, le point faible, peut-être majeur, c'était l'extrême faiblesse de l'analyse de la situation concrète qu'on nous présentait et jamais, depuis le début de ce débat, on ne nous a présenté un véritable résultat d'examen sérieux et fonctionnel de la réalité. On a joué avec les statistiques; c'est bien facile, tout le monde peut faire ça. C'est quand on commence à faire l'analyse véritable qu'on parle un langage sérieux, pas quand on lance des chiffres de $500 millions en l'air, à tort et à travers, Mme la Présidente, premièrement.

Deuxième élément, une méthode qui aborde les solutions en tenant compte, de manière rigoureuse, des besoins et des ressources réelles du milieu. Ce n'est pas tout d'avoir le coeur à la bonne place, il faut avoir l'esprit bien éclairé également pour vérifier si on est capable de réaliser certains objectifs qu'on se fixe.

Troisièmement, une méthode qui repose sur la concertation et la collaboration, mais dans le plein respect des attributions et des responsabilités propres de chaque acteur.

Quatrièmement, une méthode qui évite de divorcer l'action dans les domaines de la santé et de la sécurité du fonctionnement général des entreprises.

Et, cinquièmement, une méthode qui aborde le problème de la santé et de la sécurité dans une perspective d'éducation ou, si l'on préfère, d'auto- éducation et de prévention, plutôt que dans une perspective de réglementation étroite et détaillée, de surveillance mesquine, d'enrégimentement général, comme c'est trop souvent le cas des mesures qu'on nous présente de l'autre côté de la Chambre.

Or, toute l'économie du projet de loi no 17 va dans un tout autre sens, c'est-à-dire dans le sens de la vision bureaucratique, réglementée, surveillée à l'extrême, méfiante à l'endroit de l'entreprise, qui caractérise trop souvent les initiatives du gouvernement actuel. Je le dis spécialement à l'intention de mon bon ami, le député de Sainte-Marie. Je voudrais qu'il comprenne que c'est ça l'objet profond de l'opposition que nous allons exprimer au projet de loi, c'est que nous n'aimons pas cette approche, encore une fois, bureaucratique à l'extrême à laquelle conduit inévitablement le projet de loi comme il nous est présenté.

Maintenant, j'aborde les critiques principales...

M. Bisaillon: Mme la Présidente, est-ce que le député me permettrait une question, après son intervention? Ou s'il préfère que je la fasse immédiatement?

M. Ryan: Si le député veut la faire immédiatement, j'aime toujours entretenir le dialogue avec lui, parce que j'estime qu'il s'exprime franchement dans cette Chambre. J'aimerais même que ses documents secrets, il nous les présente dans la Chambre, ce serait très intéressant!

Je vous dirai, après vous avoir entendu cependant, si la présidence le permet, si je peux répondre maintenant ou si la réponse vient plus tard dans l'exposé.

La Vice-Présidente: La question est permise, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je dirai au député d'Argenteuil, au chef de l'Opposition, Mme la Présidente, que mes documents ne sont jamais secrets; ils peuvent être internes sans être secrets. Ma question est de savoir si, pour lui, l'aspect bureaucratique dont il parle, et qui peut être amélioré ou bonifié dans le projet de loi, cette approche fait partie d'un principe dans le projet de loi ou si, au contraire, tout ce qu'il a mentionné et sur quoi il était en accord, ce ne sont pas plutôt ces éléments qui sont essentiellement les principes du projet de loi? Je corrige ma question pour être plus clair. Si, par exemple, l'Opposition officielle avait des objections quant à l'appareil bureaucratique créé ou implanté par la loi, est-ce que, pour lui, c'est une question de principe ou est-ce qu'il ne pense pas que cet aspect pourrait être bonifié au moment de l'étude article par article et que ça ne compromet pas les principes compris dans le projet de loi?

La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Mme la Présidente, je formulerai mes critiques fondamentales à l'endroit du projet

de loi. Je pense que la question du député de Sainte-Marie trouvera sa réponse dans ce que je vais dire. Au cas où je l'aurais oublié, dans ma conclusion j'essaierai d'y revenir; si je l'avais oublié, à ce stade, s'il veut bien me rappeler sa question, ça me fera plaisir de l'aborder.

Première critique fondamentale, le projet de loi préconise la création d'un autre carcan administratif énorme, sans qu'on ait d'abord procédé à une prise de connaissance précise de la réalité, de nos ressources et de nos besoins véritables. C'est un autre grand schéma à caractère universaliste, qui nous entraîne dans le dédale de procédures interminables et de réglementations de toutes sortes. J'en donne seulement un exemple; la norme 20 va s'appliquer à toutes les entreprises...

Pardon?

La Vice-Présidente: J'essayais de vous faire signe, M. le chef de l'Opposition officielle, que vous ne disposez plus que de quatre minutes.

Des Voix: ...

La Vice-Présidente: M. le député, il y a eu consentement à la question, M. le chef de l'Opposition officielle est au courant, comme moi, que quand on accepte une question, c'est pris sur notre temps. Alors, c'est simplement à titre d'indication. M. le chef de l'Opposition officielle, je ne voulais pas vous interrompre; je vous faisais un signe, tout simplement.

Une Voix: Consentement, consentement! La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Merci, j'apprécie beaucoup la collaboration de nos amis d'en face. Je pense qu'on veut discuter cette question sérieusement. Si vous fixez des limites comme celles-là, je vais essayer de résumer mon exposé dans deux minutes et je ferai mon discours ailleurs. On a toujours la possibilité de le faire ailleurs, on n'en meurt pas, de ça! Mme la Présidente, je vous souligne que depuis que j'ai commencé à parler j'ai été interrompu continuellement.

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: La norme 20, par exemple, est extrêmement arbitraire. Vous savez comme moi qu'il y a des entreprises comptant cinq, six, sept employés qui ont besoin de services et même de surveillance très étroite en matière de sécurité au travail et de santé; il y en a d'autres qui comptent cent employés qui n'ont pas besoin du tout de l'intervention du ministre et de tout son appareil bureaucratique. De ce côté-ci, il y a également des secteurs où les besoins sont beaucoup plus urgents; on en a mentionné plusieurs au cours du débat, comme le secteur de la construction, qui est prévu dans la loi, certains secteurs de l'industrie manufacturière, certains secteurs de l'industrie des transports, les chantiers en forêt. On pourrait en nommer plusieurs, nous sommes tous d'accord là-dessus.

Si on avait commencé par nous proposer un programme d'action clair, efficace et réaliste dans un secteur ou dans quelques secteurs jugés urgents, ç'aurait été très bien, mais là on s'embarque das un immense appareil. Il va falloir que partout on se mette à faire des réunions, des élections, des formations de comités de ceci et de cela; ça nous répugne profondément. On l'a vu à propos de la Charte de la langue française, ce n'est pas du tout le bon moyen de faire avancer les choses. On crée un nombre d'obligations extrêmement élevées dans un grand nombre d'entreprises où il n'y en a pas un véritable besoin. De plus, au sommet de l'appareil, on crée un monstre administratif, la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui se fait conférer par le législateur toute une série de motifs pour intervenir à tout propos dans la vie et le fonctionnement des entreprises. Elle sera d'ailleurs en flagrant conflit d'intérêts; elle est chargée d'administrer un service, un grand régime d'assurance sociale, un régime d'accidents au travail et en même temps c'est elle qui rendra des décisions et qui dira comment on va faire fonctionner les régimes de santé dans les entreprises, etc. Cela ne tient pas debout, c'est un régime qui ne peut pas fonctionner de cette manière.

Deuxième critique: Un transfert excessif des responsabilités à un secteur public qui n'est pas prêt à les assumer. Les départements de santé communautaire des hôpitaux deviennent la plaque tournante de l'appareil nouveau conçu par le ministre; or, telle n'était pas la vocation de ces départements. Ils ne sont aucunement prêts à assumer ce rôle et un transfert de l'ampleur de celui qui est proposé par le gouvernement témoigne — c'est ma critique principale — d'une méconnaissance profonde du rôle et de la vie de l'entreprise dans notre société. La commission de santé et de protection se voit attribuer un contrôle très étendu de tous les budgets de santé au travail; c'est elle qui devra donner les budgets à nos centres hospitaliers pour leur département de santé communautaire. Elle va devenir un organisme de subventions vers toutes sortes d'associations qui seront créées par ce service.

Franchement, ç'aurait été infiniment préférable — là-dessus, j'ai une divergence profonde et que je situe au niveau des principes — de se renseigner de manière beaucoup plus précise sur tout ce qui s'est déjà fait dans l'ensemble des entreprises du Québec pour ensuite concevoir un programme qui aurait reposé beaucoup plus sur la prise en charge de leurs responsabilités par les entreprises, quitte à assortir cette prise en charge des mécanismes de concertation et même de surveillance qui auraient été nécessaires.

Troisième critique: une atteinte sérieuse au principe de l'unité de direction de l'entreprise. Je cite le comité paritaire parce que je suis surpris de voir qu'on défend cette institution aujourd'hui. Nous l'avons dans nos lois depuis longtemps, le comité paritaire, nous l'avons eu dans combien de

conventions collectives. De manière très générale, ça ne fonctionne pas, ces comités paritaires; ça fonctionne souvent sous la domination de l'employeur, très souvent ça se réunit à peine et très souvent ces organismes sont paralysés dans leur fonctionnement par l'attitude du syndicat aussi. C'est bien beau de faire des plaidoyers de vertu ici, se fermer les yeux sur ce qui est arrivé dans la réalité, mais je peux vous dire qu'en pratique le comité paritaire, on pourrait en parler longtemps. Il y a certains comités paritaires qui ont fonctionné dans certains secteurs, mais, en général, il y avait un tiers arbitre qui était là pour aider à concilier les différends.

Une Voix: ...

M. Ryan: Je n'ai pas compris ce qui a été dit là-bas. (22 heures)

La Vice-Présidente: A l'ordre! M. le député de Verchères, s'il vous plaît! ... M. le chef de l'Opposition officielle, le temps qui vous est imparti est déjà écoulé. Je vous demanderais de conclure maintenant.

Des Voix: Consentement.

M. Ryan: II y a consentement.

La Vice-Présidente: II y a consentement à ce que vous puissiez... Il y a consentement.

M. Ryan: Quand le comité paritaire ne pourra pas s'entendre — j'entends le député de Verchères dire que je n'ai pas lu le projet de loi; il peut dire ce qu'il veut, cela ne m'a jamais dérangé — on défera le problème encore à ce monstre dont nous avons parlé tantôt, la Commission de la santé et de la sécurité du travail; souvent pour des insignifiances, on va être obligé de déférer le problème à un organisme central. Cela ne tient pas debout.

Ensuite, on abolit — c'est très grave — le droit pour les entreprises de se doter elles-mêmes de services de santé appropriés. En dernière heure, le ministre a fait des concessions aux articles 130 et suivants — je ne sais pas si le député de Verchères a lu ceux-là — où on dit que les entreprises qui comptaient des services de santé ou de sécurité à la date du 20 juin 1979 ont peut-être une chance d'être reconnues par la commission ou le DSC, à condition de présenter des demandes; il faut que ce soit approuvé par trois ou quatre acteurs différents. Toutes les entreprises qui voudraient faire des choses à compter de maintenant vont passer par le réseau public qui est créé par le ministre d'Etat au Développement social. Je vous dis que c'est le démantèlement de ce qui se faisait déjà dans les entreprises; c'est un arrêt de mort pour tout ce qui aurait pu se faire à l'avenir.

Je ne pense pas que ce soit la manière de construire un régime de santé et de sécurité du travail sérieux à l'intérieur des entreprises.

Quatrième critique et dernière. C'est une mesure qui, dès le début, va contre la règle de concertation qui m'apparaît essentielle pour le succès d'un programme de cette nature. Le monde patronal, le monde syndical et le gouvernement ont le devoir, pour que le service fonctionne, de s'entendre sur une formule qui soit acceptable aux uns et aux autres. Or, le gouvernement, une fois de plus, dans ces domaines faillit à la tâche; quand il y a trois partenaires à réunir, la méthode de plus en plus familière du gouvernement consiste à couper la tête de l'un des trois, à s'entendre avec l'autre sur le dos du troisième et à nous faire accroire ensuite que tout cela est le fruit d'une grande consultation, comme on dit.

Mme la Présidente, je dois vous donner lecture d'une lettre que j'ai reçue cet après-midi à ce sujet du directeur général de l'Association des mines de métaux du Québec. J'ai reçu cette lettre cet après-midi et je la verse au dossier: "M. le chef de l'Opposition, "La nouvelle version de la loi 17 sur la santé et la sécurité des travailleurs est une affirmation flagrante du rejet, par le législateur, de toutes les représentations patronales effectuées au cours des trois dernières années sur le sujet. En fait, les soi-disant consultations patronales consenties par le ministre d'Etat au développement social ont abouti depuis la publication du livre blanc, à une escalade dans la soustraction des droits de gérance et des responsabilités patronales à l'égard de la santé et de la sécurité des travailleurs. Pourtant, les employeurs sont les seuls à avoir acquis présentement une expérience valable dans la prévention des maladies et accidents industriels.

Il est pour le moins surprenant de constater que le gouvernement croit pouvoir diminuer les accidents industriels en transférant les pouvoirs de décision dans le domaine de la prévention à des personnes et à des organismes si peu préparés à assumer ces nouvelles responsabilités, en transférant entièrement toute initiative dans les domaines de santé et de sécurité aux mains des travailleurs et de leurs syndicats, au Département de santé communautaire et à la nouvelle Commission de la santé et de la sécurité du travail. La nouvelle loi érige la confrontation en système; elle ouvre la porte à tous les abus de la partie syndicale et on sait combien elle est experte dans ce commerce; elle ne solutionne en aucune façon les problèmes de santé et sécurité au travail et elle surcharge l'entreprise de coûts additionnels qui pourraient même, dans certains cas, l'acculer à la faillite. Pour te secteur minier que nous représentons — je cite toujours la lettre du directeur général de l'association — l'impact négatif de cette nouvelle loi...

Une Voix: ... cet après-midi.

M. Ryan: Je finis ce paragraphe-ci et je quitte; je sais très bien que cela a été lu cet après-midi.

Une Voix: Deuxième lecture.

M. Ryan: ... est d'autant plus inadmissible que celui-ci avait structuré, au cours des 30 dernières

années, un système de prévention très poussé qui lui a permis jusqu'à maintenant d'obtenir d'importants succès reconnus dans les autres provinces et à travers le monde."

Je termine, Mme la Présidente. L'Asbestos Corporation, je n'ai pas d'éloges spéciaux à lui faire, mais c'est la compagnie qui avait le meilleur dossier en matière de sécurité sociale depuis plusieurs années, malgré toutes les calomnies qu'on a dites...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. Ryan: M. le Président...

M. Grégoire: M. le Président, je crois que le chef du Parti libéral est...

Le Vice-Président: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, je vous invite...

M. Grégoire: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai déjà eu l'occasion de dire — et je le répète — que, s'il fallait qu'un député puisse soulever une question de règlement ou de privilège chaque fois qu'il n'est pas d'accord avec les propos d'un autre député, nous serions continuellement en questions de privilège ou de règlement. M. le chef de l'Opposition, je vous invite à conclure, s'il vous plaît.

M. Grégoire: M. le Président, question de règlement. Ce n'est pas moi qui ne suis pas d'accord. Ce sont les autres mines d'amiante, justement, qui disent...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Frontenac, je tiens à vous dire que, lorsque la présidence est debout, les caméras sont sur la présidence et personne ne vous entend. Je le dis à l'adresse de tous les membres de cette Chambre, d'ailleurs.

M. Lamontagne: C'est la seule manière pour lui d'apparaître dans son comté.

Le Vice-Président: M. le député de Roberval, je vous retourne les remarques que j'ai adressées au député de Frontenac. M. le chef de l'Opposition, je vous demande de conclure, s'il vous plaît.

Une Voix: Les téléspectateurs sont protégés.

M. Ryan: M. le Président, je crois avoir répondu à la question qui m'était posée tantôt par le député de Sainte-Marie. C'est une approche fondamentale qui n'est pas la même, c'est une conception du rôle du gouvernement, du rôle de la loi dans notre société qui diffère profondément. Je pourrais dire qu'à certains points de vue c'est vrai que c'est une question d'accent, mais il arrive des questions pratiques où les différences d'accent deviennent, à toutes fins utiles, des différences de principe. On ne peut pas passer son temps à se dire: Nous sommes pour la vertu, vous êtes pour la santé, nous sommes pour le bien. Il faut dire: Sommes-nous d'accord sur telle manière de procurer le bien, sur telle manière de faire avancer la santé au travail?

Nous vous disons, dans ce cas-ci, que la solution qui est proposée est une solution inutilement bureaucratique, très lourde, qui procède de certains préjugés fondamentaux que nous déplorons tout en étant très sympathiques à l'objectif qui est poursuivi. Je voudrais vous dire que cette divergence fondamentale que nous exprimons cette fois-ci, nous avons trouvé l'occasion de la manifester sur plusieurs projets apparentés à celui-ci par la philosophie qui les inspirait qui nous ont été présentés au cours des derniers mois. Nous allons continuer de le faire dans le plein aspect du point de vue opposé et, encore une fois, nous ne vous adresserons pas d'insinuations comme vous passez votre temps à le faire à notre endroit. Je reconnais que le député de Sainte-Marie ne l'a pas fait ce soir et je l'apprécie beaucoup.

Une Voix: Des fleurs.

Le Vice-Président: A l'ordre!

M. Ryan: Non. Nous sommes habitués. Non. Il m'a demandé...

M. Godin: ... poursuivre le chef de l'Opposition.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Des images! Des images!

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Va faire tes devoirs!

Une Voix: L'école est finie.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Des images!

Le Vice-Président: En concluant, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, cela fait bien des fois que le député de Mercier publie des sottises à mon point de vue à gauche et à droite. Il sait que je ne me suis jamais occupé de ce qu'il écrivait. Je ne m'occupe pas plus de ce qu'il a dit ce soir.

Notre société, M. le Président...

M. Godin: M. le Président, question de privilège. Le député d'Argenteuil et chef de l'Opposition a semblé, tout à l'heure, donner à croire qu'il connaissait le contenu du jugement de la Cour

suprême sur la loi 101 en disant: Vous verrez demain ce qu'il y a dedans. J'aimerais savoir si, effectivement, il s'agit là d'un "breach of privilege" de la Cour suprême du Canada.

Une Voix: Ah!

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, en concluant, puisque vous avez déjà de beaucoup dépassé votre temps.

M. Godin: M. le Président, j'ai posé une question très sérieuse à votre personne en tant qu'institution. Le député d'Argenteuil a laissé entendre qu'il connaissait le contenu d'un jugement de la Cour suprême qui irait à rencontre de la loi 101. Nous aimerions qu'il le dise publiquement ici ou qu'il cesse de laisser planer des doutes sur le secret qui entoure les délibérations de la Cour suprême.

Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, seulement pour rassurer la conscience de notre collègue de Mercier, j'ai dit tout à l'heure: Nous nous sommes opposés au chapitre sur les tribunaux de la loi 101, lequel sera jugé demain par la Cour suprême. Je n'ai pas dit d'autre chose. Je ne connais pas plus que vous... Vous verrez les épreuves tant que vous voudrez, mais je répète ce que j'ai dit tantôt.

Le Vice-Président: En concluant, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, je n'ai rien dit. C'est eux qui parlent tout le temps. (22 h 10)

Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition, vous avez commencé à 21 h 39. S'il vous plaît, vous deviez terminer à 21 h 59. Pendant que j'étais dans mon bureau, j'ai constaté qu'un consentement avait été donné et qu'aucune limite n'a été donnée à ce consentement. Mais la présidence doit présumer que ce consentement doit avoir une fin. Je vous invite à conclure.

Une Voix: II est toujours interrompu.

M. Ryan: M. le Président, nous favorisons le progrès social véritable. Nous avons, à ce sujet, des états de service qui se comparent très avantageusement à ceux de nos amis d'en face. Nous avons des appuis dans cette société qui parlent par eux-mêmes et qui proviennent de tous les milieux. Nous ne nous en vantons pas tous les jours, mais les résultats des dernières élections complémentaires parlent par eux-mêmes à ce sujet. Notre société — c'est un point que nos amis d'en face ont de la difficulté à saisir — n'est plus aussi aveugle qu'elle l'était dans son appui aux solutions de type universaliste, bureaucratique et lourdement administratif comme celle qui nous est proposée dans le projet de loi no 17. Notre société veut un système social et politique où l'on mette de plus en plus l'accent sur les responsabilités de chaque citoyen où l'on incite et encourage chacun, à son niveau propre de responsabilités, à prendre ses responsabilités et où l'Etat, au lieu de se substituer aux citoyens partout, cherche à les aider, à les encourager plutôt qu'à les réglementer, à les contrôler, à les épier et même à les punir. C'est la racine profonde de notre opposition au projet de loi no 17. Si nos amis d'en face, conformément à ce que disait plus tôt le député de Sainte-Marie, veulent chercher à bonifier le projet de loi dans le sens de ce que nous avons dit, au stade de l'étude en comité ou de la troisième lecture, il nous fera plaisir de coopérer avec eux au maximum.

Le Vice-Président: M. le député de Richelieu. M. Maurice Martel

M. Martel: Merci, M. le Président. Représentant la région la plus industrialisée du Québec, celle du comté de Richelieu, où nous avons énormément d'industries de métallurgie, où également, en tant que député et aussi en tant que pharmacien, je vois défiler continuellement à mon bureau et dans mon officine les employés de ces industries avec des problèmes de plus en plus aigus de surdité, d'infections des voies respiratoires, de sidérose, de silicose, d'asthme et d'emphysème, et constatant, de plus, qu'il y a depuis des années, six lois et vingt règlements qui ont tendance à prévenir ces causes de maladie, et constatant également le nombre d'accidents de travail qui augmente d'année en année, qui est rendu au-delà de 300 000, le nombre de décès également dans nos industries qui était au-delà de 200 en 1978, je me dis, M. le Président, il y a certainement un manque de cohérence dans ces lois, de même que dans ces réglementations.

Je ne comprends vraiment pas l'Opposition, tant libérale qu'unioniste, de s'opposer à ce principe de loi qui a pour but de rendre cohérente toute législation dans le domaine des relations des accidents et de la sécurité au travail. Je ne comprends vraiment pas qu'on puisse être à ce point contre la sécurité et la santé du travailleur. Je ne comprends pas non plus l'opposition de l'Union Nationale qui a dit cet après-midi qu'on veut leur passer une loi en vitesse. Il y a rarement une loi qui a subi autant de discussions, autant de consultations que ce projet de loi no 17 qui a fait l'objet non seulement d'une commission parlementaire qui a reçu au-delà de 60 mémoires, mais qui a fait l'objet surtout de visites industrielles de la part du parrain de cette loi, le ministre au développement social, accompagné des députés de cette Chambre.

J'ai été renversé cet après-midi d'entendre le député de Saint-Laurent dire, par exemple, que le fait de confier, avec le comité paritaire de la santé et de la sécurité sociales, le choix du médecin au département de santé communautaire va stériliser la loi 17. M. le Président, je me demande où on va. Est-ce que le député de Saint-Laurent veut revenir aux médecins de compagnie? Est-ce que le député de Saint-Laurent veut revenir aux médecins qui

avaient un préjugé favorable à l'employeur au lieu du travailleur? Est-ce qu'il veut revenir à ce type de médecin incompétent que nous avons connu dans nos industries, dans le comté de Richelieu, par exemple, où le médecin se contentait uniquement d'agir, dans sa fonction de représentant médical à l'intérieur de l'industrie, comme ayant tout simplement un "side line"? On venait souvent demander au député: Peux-tu me faire avoir ce travail? Cela m'aiderait à boucler mes fins de mois. Il n'y avait pas d'assurance-maladie dans le temps. Est-ce que le député de Saint-Laurent veut en revenir là? Est-ce que le député de Saint-Laurent veut revenir au temps où il n'y avait aucune prévention dans le domaine des accidents du travail, où les compagnies se foutaient éperdument de ces lois qui existent dans les faits, de ces réglementations qui existent effectivement mais qui n'ont jamais été appliquées d'une façon intégrale? Est-ce qu'on veut revenir là?

M. le Président, je me demande véritablement où est le préjugé favorable à la santé et à la sécurité du travailleur? Lorsque le député de Saint-Laurent disait, cet après-midi, qu'il avait parcouru les pays d'Europe pour aller constater ce qui se passait dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail lorsqu'il était l'ancien ministre des Affaires sociales, je lui réponds qu'il aurait été préférable de faire ce que le ministre actuel au Développement social a fait, c'est-à-dire parcourir les industries au Québec pour avoir ce qui se passe dans nos industries, pour voir ce qui se passe dans le domaine de la sécurité de nos travailleurs, pour voir ce qui se passe dans le cas de la prévention des maladies industrielles. Cela aurait été beaucoup plus profitable pour vous, M. le député de Saint-Laurent, que de vous promener en Europe et d'arriver ici sans aucune solution, parce que le gouvernement que vous avez représenté pendant six ans, de 1970 à 1976, n'a apporté aucune nouvelle loi pour améliorer la santé et la sécurité du travailleur dans nos industries, aucune.

Je pense que cette loi est d'une cohérence vraiment remarquable; elle porte essentiellement sur la prévention, comme cela doit se faire dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Nous devons insister sur l'aspect préventif et nous devons également insister sur la participation des partenaires, à l'intérieur de ces industries, que sont les travailleurs et les employeurs. C'est pour cette raison que nous trouvons dans cette loi des comités sectoriels formés de travailleurs, d'employeurs qui ont pour but d'aller chercher cette formation de prévention dans les maladies, dans les accidents de travail et, également, d'aller informer les travailleurs sur les mécanismes à mettre en place pour avoir un nombre réduit d'accidents et de maladies industriels.

Il en va de même, M. le Président, dans cette loi pour les comités de la sécurité et de la santé, toujours paritaires entre les deux parties intéressées, de façon à mettre en place ces mécanismes pour corriger... Evidemment, ce ne sera pas une fois pour toutes mais on constate que, d'année en année, les accidents et les maladies industriels augmentent considérablement et sont l'objet de pertes de près de $400 millions, ce que la Commission des accidents du travail a payé l'an passé. Si on additionne les frais indirects, comme l'a souligné le ministre ce matin, on arrive à près de $2 milliards de pertes dues aux accidents et aux maladies industriels. Je pense, si nous voulons être logiques avec nous-mêmes, qu'il est temps d'avoir des lois cohérentes dans ce domaine. (22 h 20)

Ces comités que nous voulons mettre en place ont pour but justement de rechercher cette participation essentielle entre les principaux intéressés; également de donner certains droits au travailleur, des droits légitimes, celui, par exemple, d'arrêter de travailler lorsque sa santé et sa sécurité sont en danger. Je pense que c'est un droit à la santé qui est indéniable. Le droit à des mesures préventives que l'on accorde à la femme enceinte, s'accorde également au travailleur pour la bonne raison — et c'est très simple — que lorsqu'un travailleur a des prédispositions pour une maladie, par exemple, s'il fait de l'asthme et qu'il travaille avec des contaminants qui sont des acides, il sait fort bien qu'éventuellement il va développer de l'emphysème et que cet emphysème pulmonaire va occasionner des problèmes cardiaques à plus ou moins brève échéance. Donc, c'est tout à fait logique, M. le Président, que d'avoir ces mesures pour permettre au travailleur d'exercer son droit à la santé et à la sécurité. C'est également logique aussi que d'avoir des articles dans cette future loi pour protéger le travailleur de façon qu'il n'y ait pas de représailles prises contre lui par son employeur.

M. le Président, je crois que ces mesures contenues dans cette loi sont très avant-gardistes. Elles permettront dorénavant d'avoir une loi vers laquelle nous allons pouvoir nous tourner, des mécanismes qui vont permettre l'application et le suivi de cette loi avec une régionalisation au niveau des décisions, au niveau des inspecteurs, de façon que les décisions en cas d'arrêt de travail soient rendues dans les plus brefs délais. Il y aura également cette disposition importante que dorénavant ce ne seront plus les compagnies qui défraieront le coût des services des médecins à l'intérieur de leur industrie. Cela, je pense que c'est une mesure extrêmement importante. Dorénavant, ce sera justement le département de santé communautaire à l'intérieur d'un centre hospitalier qui va, avec un comité formé d'employeurs, de travailleurs de la santé et de la sécurité au travail, choisir ce médecin. Pour une fois, M. le Président, je pense que nous allons véritablement avoir une certaine métamorphose de la médecine industrielle au Québec. Pour une fois, on va déterminer ce qui est nécessaire pour prévenir les accidents et les maladies industriels. Je pense que c'est un progrès énorme sur ce que nous avons connu à venir jusqu'à maintenant.

De plus, M. le Président, dans cette loi, nous tenons à souligner qu'à l'instar du salaire minimum, il n'y a absolument rien qui sera perdu.

C'est-à-dire que rien dans les décrets ou dans les conventions collectives signées antérieurement ne sera négligé. Si ces acquis de la part des syndiqués, des travailleurs sont supérieurs à la loi, ils demeurent, comme exactement le salaire minimum. Ceux qui gagnent plus, évidemment, cela ne s'applique pas à eux. Donc, à ce moment, je pense que ce sont des dispositions législatives qui font que cette loi est véritablement une loi, une future loi très avant-gardiste qui est nécessaire dans un Etat qui se veut humain et qui se veut également productif. C'est pour ces raisons, M. le Président, comme représentant de ce comté où travaillent un grand nombre de gens qui sont exposés aux contaminants, aux maladies industrielles ou aux accidents de travail, que je voterai pour le principe de cette loi en deuxième lecture.

Le Vice-Président: M. le député de Charlevoix.

M. Raymond Mailloux

M. Mailloux: M. le Président, je comprends que la plupart de mes collègues ont déjà fait connaître le point de vue de l'Opposition, mais je m'en serais voulu, ayant assisté mon collègue de Portneuf devant la commission parlementaire qui a siégé pendant les quelques semaines où nous avons entendu les mémoires, de ne pas apporter quelques considérations sur ce projet de loi. Comme il est question de la santé de l'ensemble de nos concitoyens qui sont au travail, je peux vous assurer que, l'âge aidant je tâcherai de le faire avec toute la sérénité dont je serai capable.

M. le Président, en intervenant dans ce débat de deuxième lecture du projet de loi no 17, il va de soi que les propos doivent, malgré une marge de manoeuvre nécessaire, se rapporter au principe du projet de loi sur la santé et la sécurité au travail. A l'article 120 du règlement qui nous régit, il est dit que le débat de deuxième lecture "doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode d'atteindre ses fins." C'est quand même dire qu'il n'y a pas seulement un principe en jeu dans un projet de loi qui regarde l'ensemble de nos concitoyens du Québec et qui vise à protéger leur santé.

M. le Président, il ne s'agit donc pas de savoir si les parlementaires sont pour ou contre la santé et la sécurité des travailleurs. Laisser planer, d'ailleurs, un tel doute sur cette volonté serait une injure en soi; tout le monde veut aller au ciel, chacun pourtant prend des moyens différents.

J'ai assisté, M. le Président, à de nombreuses séances de la commission parlementaire qui a reçu les mémoires venant de tous les intervenants. Je voudrais rendre justice au ministre d'Etat au Développement social en disant que, même si certaines prises de position alors entendues ne rencontraient pas ses vues et sa philosophie, il a reçu poliment les intervenants, s'est informé et a été de commerce agréable pour mon collègue de Portneuf, pour les membres de l'UN et pour moi- même. Je suis de ceux qui croient également que le ministre, depuis longtemps, est sensibilisé aux problèmes de la classe ouvrière dont il a été très près, d'ailleurs, et qu'il est honnête dans la poursuite d'objectifs à atteindre.

M. le Président, prend-il le bon moyen pour y arriver ou fait-il fausse route en voulant trop embrasser? Je suis de ceux qui doutent de la démarche indiquée dans le projet de loi no 17 et, avec mes collègues, tout en poursuivant les mêmes objectifs, nous croyons qu'à moins de changements plus importants que ceux qu'il a déjà daigné apporter depuis la commission parlementaire on risque de faire miroiter des résultats tant attendus qui risquent de n'être pas aussi tangibles et de retarder d'autant la véritable solution.

M. le Président, le ministre d'Etat au Développement social est passé par le même cheminement que j'ai dû analyser moi-même en profondeur, soit celui d'aider par tous les moyens le travailleur dont il désire assurer la sécurité par ce projet. Moi, en 1976, je voulais, de toutes les fibres de mon être, assurer à ce travailleur sa sécurité alors qu'il se rendait sur les lieux de son travail; d'abord, lui permettre d'atteindre les lieux de travail dont on discute aujourd'hui.

M. le Président, le ministre d'Etat au Développement social n'a pas à nous convaincre d'être pour la vertu. Moi, dans le temps, j'ai dû combattre des habitudes mauvaises que chacun voulait conserver comme son privilège personnel, si dangereuses fussent-elles. M. le Président, le ministre, avec raison, parle de chiffres effarants du bilan des accidents au travail; 200 décès annuels et plus, 300 000 rapports d'accidentés. Dans le temps où je présentais un autre projet de loi, mes chiffres étaient aussi effarants annuellement: 2000 mortalités, 55 000 accidentés dans près de 150 000 accidents.

M. le Président, les parallèles entre les projets de loi. Les parallèles sont toujours boîteux. Forts d'une volonté politique chèrement disputée, très vite, dans le temps, appuyée par tous les intervenants, donnant ordre de faire appliquer la loi, des résultats inespérés furent vite atteints.

Dans ce projet de loi no 17, mon collègue de Portneuf disait: Qu'on nivelle par la base en plaçant chacun sur le même pied, devant à peu près les mêmes exigences de santé et de sécurité. Quand est arrivée, avec l'application des mesures de sécurité sur les routes, la réforme sur l'automobile, on a nivelé à ce moment-là par la base la loi que j'avais précédemment faite adopter, et je m'explique. En soumettant l'ensemble des citoyens du Québec aux mêmes conditions d'assu-rabilité, cela paraissait généreux de la part de votre gouvernement pour les jeunes qui étaient surchargés, alors qu'on ne tenait pas suffisamment compte de leur dossier personnel et pour les 8000 conducteurs qui avaient été évincés du réseau parce que trop dangereux pour être assurés. En ce faisant et en n'accentuant pas valablement sur le respect de la loi depuis, on en est déjà rendu aujourd'hui, au moment où on se parle, au même triste record qu'en 1975 alors qu'on a nivelé

tout le monde en blanchissant tous et chacun, d'où des coûts sociaux qu'on rencontre aujourd'hui dans d'autres activités, aussi inacceptables que ceux dont parlait aujourd'hui le ministre d'Etat au Développement social. Cet après-midi, il nous parlait de l'expérience d'autres juridictions, en Saskatchewan, en Ontario, en Suède, en Allemagne de l'Ouest, je pense, et peut-être d'autres pays que j'oublie, où des lois semblables ont été mises en application. Les résultats sont, paraît-il, quand même bons. Je pense qu'on ne peut pas penser briser le monde et mettre des entraves au travail des individus de même qu'à la production des compagnies. Le ministre d'Etat au Développement social, c'est son droit d'apporter une loi semblable. Au moment où il a parlé de l'éventuelle loi, qui est aujourd'hui pour étude devant cette Chambre, il a eu un mot qui a sonné à mes oreilles lorsqu'il a dit: La loi québécoise... Il n'a pas dit: "spécificité québécoise" en voulant dire forcément qu'elle avait des caractères propres à la philosophie gouvernementale et à nos moeurs. C'est ce que j'en ai déduit.

Au moment où il disait ces paroles, je pensais ceci. Dans un projet de loi où, forcément, les patrons seront soumis à des normes, où les employés auront des obligations, il ne faudrait quand même pas oublier — je ne fais pas cela pour faire injure à qui que ce soit — que la spécificité québécoise, dans trop de domaines, malheureusement, c'est souvent et trop souvent être irrespectueux des lois. Je pense que ce n'est pas la direction que le ministre voulait voir prendre à sa loi. Il voulait que sa loi soit aussi valable que les lois dont il parlait d'autres provinces ou d'autres pays, mais on ne peut nier, comme législateurs, que chaque fois qu'on adopte une loi ou un règlement, on dirait que Latins que nous sommes, que ce soit ici au Québec, en Italie, en France ou dans d'autres pays de même expression que la nôtre, une loi est faite pour être violée, des règlements, c'est fait pour ne pas être observés.

Vous, M. le Président, qui venez d'un comté voisin où la faune est assez abondante, vous savez que souventefois, vos commettants ont comme principal souci, quand ils vont en forêt, s'ils ne sont pas vus et pas pris, la faune, après eux, la fin du monde. Je pense que c'est une constante qui demeure dans ce domaine comme dans d'autres domaines d'activités.

Actuellement, le gouvernement, et principalement le ministre d'Etat au Développement social, après trois ans de dur labeur, après toutes les recherches qu'il a faites auparavant dans les milieux où il oeuvrait, le gouvernement connaît très bien tous les secteurs où une loi semblable est nécessaire, où une loi semblable, avec des dents plus importantes que celles qu'on y trouve, devrait être promulguée pour certaines industries qui ont fait la honte du Québec depuis trop longtemps. Certaines industries.

Le ministre d'Etat au Développement social connaît également, par tous les rapports de la CAT, pour l'ensemble des secteurs industriels, des secteurs d'activités, quel est le degré de protec- tion qu'on a accordé dans l'ensemble des types d'activités depuis quinze ans, vingt ans que dure la CAT. Je pense qu'il n'y a absolument rien qu'il ne connaît pas dans ces activités.

Le ministre d'Etat au Développement social connaît également les maladies industrielles et leur origine normalement. Il connaît ces secteurs. Je ne pense pas que mon collègue de Portneuf, que moi-même, que le chef du parti ou d'autres ayons jamais dit que nous serions contre une loi concernant ces secteurs prioritaires où la vie, où la santé de nos concitoyens sont en danger. Là d'abord, mais non pas une loi générale qui met tout le monde sur le même pied. Il y a des secteurs où le gouvernement aurait pu faire en sorte d'aller dans un premier temps. Je pense qu'il n'y a aucune Opposition qui pourrait, si on prenait une telle avenue, être contre un tel projet de loi et le contester le moindrement.

On connaît ces secteurs. Je pense qu'on n'a pas passé des semaines là-bas, le ministre n'a pas passé des mois et des années sans étudier d'où viennent les trop nombreux accidents subis dans le Québec, sans qu'il sache quels sont les secteurs prioritaires auxquels il doit attaquer.

On fait une loi aussi générale que celle-là. J'écoutais le ministre d'Etat au Développement social qui nous parlait de l'exemple, je pense, de DuPont de Nemours. Il nous a dit que c'était la préoccupation constante de cette compagnie, la hantise qu'elle avait que certains accidents puissent se produire chez elle, le bon renom qu'elle voulait conserver. Une compagnie comme DuPont de Nemours, qui a une activité très variée, a réussi par l'expertise, par toutes les recherches qui ont pu être entreprises à avoir un grand succès. Je ne dis pas que le projet de loi du ministre, forcément — je ne suis pas un spécialiste en la matière — ne se servira pas de l'expertise des compagnies; probablement que les compagnies voudront qu'on se serve de leur expertise quand elle est bonne. Mais la structure trop importante dont on parle actuellement, qu'on mettra en place, soumet tout le monde à certains impératifs alors que les dangers ne sont pas les mêmes partout. Elle soumet tout le monde à des normes peut-être différentes d'une activité à l'autre mais la loi est universelle.

Je ne suis pas capable de concevoir pourquoi, pour une usine qui, dans votre comté, dans le comté d'un autre, n'a jamais eu d'accident, où il n'y a aucune maladie industrielle ou autre qui peut venir dans l'avenir, nous allons les embarrasser — est-ce que mon temps achève, M. le Président?

Le Vice-Président: II vous reste cinq minutes, M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: Pourquoi allons-nous embarrasser par des procédures administratives l'ensemble de ceux qui fonctionnent et qui fonctionnent en donnant la sécurité requise à leurs travailleurs?

M. le Président, cela fait peut-être trop longtemps que je suis du Parti libéral, comme membre de ce parti et comme ministre; je peux vous dire ceci, je me rappelle la réforme de l'éducation, la

réforme de la santé. On ne peut pas nier, évidemment, que la révolution tranquille, avec tout ce qu'elle a entraîné, c'était absolument nécessaire après la stagnation qui avait trop duré. J'étais à ce moment-là "back-bencher" quand le premier ministre actuel était ministre des Travaux publics et ministre des Richesses naturelles. Avec d'autres collègues, comme "back-benchers", on voyait arriver des lois, peut-être à la pelletée — excusez l'expression — dans l'éducation, dans la santé, dans tous les domaines de l'action sociale et économique, le Régime de rentes, la Caisse de dépôt. (22 h 40)

M. le Président, a-t-on créé des bebelles administratives! Quand je vous écoute vous autres actuellement, du Parti québécois, je ne vous en fais pas le blâme. J'ai fait le même blâme, il y a quinze ans. Quand l'U.N. a perdu le pouvoir, les libéraux étaient mal pris dans leur comté avec ces bebelles administratives trop importantes où on ne pouvait plus jamais avoir des réponses. On disait: C'est parce que les maudits fonctionnaires que l'U.N. a mis là, on n'est pas capable d'arriver forcément à discuter avec eux et les faire marcher normalement. Aujourd'hui, vous êtes au pouvoir et, sou-ventefois, pour l'ensemble des régies gouvernementales de l'appareil gouvernemental dont on dit qu'il y en a 15 000 de trop, vous dites que si ce n'était pas des fameux libéraux qui étaient là, cela marcherait bien. Cela marcherait mieux.

M. le Président, il y a une vérité qu'on ne pourra jamais oublier. Celui qui est devant moi qui s'appelle le ministre d'Etat au Développement social, je suis de ceux qui croient que, autant je voulais protéger la santé des miens sur les routes, autant il veut aujourd'hui, de tout son être, de tout son coeur, que cela baisse, ce record, qu'on doive évidemment perdre absolument, mais le moyen qu'il prend pour y arriver... Lui, c'est un travailleur occasionnel et, comme j'ai été un travailleur occasionnel politiquement parlant, on est tous des occasionnels et occasionnels que vous êtes — je ne dis pas cela parce qu'il y aura une élection dans un an, deux ans — occasionnels qu'on est comme hommes politiques, il y a des permanents là-bas. Il y a des permanents là-bas qui, forcément, doivent, de la loi qu'ils ont à appliquer, faire le travail qu'on leur demande.

Ce que je vous demande, en terminant, M. le Président... Je n'ai pas envie de donner des directives au ministre, pas plus qu'au gouvernement. Quand j'ai entendu mes collègues en 1962 ou en 1963, quand nous disions dans ce temps-là: Ne pourriez-vous pas arrêter et nous écouter un peu, comprendre que le citoyen en a assez de remplir des paperasses de toute façon et, après cela, être pris sur tous les bords et tous les côtés. Je ne dis pas cela pour qu'on ne protège pas la santé et la sécurité des citoyens. Vous avez vous-mêmes créé des régies. On en crée encore une autre, évidemment, qui va remplacer la CAT. Ce sont les fonctionnaires les mieux intentionnés possible, mais au moment où vous allez confier une loi semblable qui est générale pour l'ensemble de tout le Québec, comprenant tous les secteurs, même où il n'y a pas tellement d'accidents... Vous allez me dire: Ceux-là, ils vont vite respecter les normes et les critères, il n'y a pas d'accidents. Ils vont avoir quand même tout l'ensemble de la paperasse, des formules, des inspections. C'est général. Pourquoi? Comment me convaincrait-on, M. le Président, une autre fois, alors qu'on n'a jamais voulu écouter dans le passé. Aujourd'hui, je donne le conseil que d'autres ont donné avec leur expérience: Arrêtez donc! Analysez donc davantage quelles complications cela va apporter à chaque citoyen.

En terminant, M. le Président, je dis ceci. Si vous pensez que c'est la meilleure loi telle qu'elle est pondue là, ce que je ne crois pas, faites-la adopter, votre loi. Je ne suis pas contre les efforts que le ministre ou le gouvernement voudra faire pour la santé et la sécurité. Je vous dis même: Etablissez les critères les plus sévères possible contre ceux qui, de tout temps, ont fait la honte du Québec. Allez-y. On va vous appuyer là-dessus, mais quand vous imposez, par contre, des critères dont on n'a pas besoin, chez ceux où il n'y a pas d'accidents, pas de maladies, j'ai l'impression qu'on dépasse de beaucoup ce que le client désire. Je n'ai jamais compris que le gouvernement soit obligé d'imposer des structures auxquelles tout le monde doit être soumis quand, dans ces secteurs d'activités, on n'a jamais fait défaut d'être respectueux de la santé et de la sécurité de ces employés. Les dossiers qui sont entre les mains de la CAT le prouvent valablement.

M. le Président, l'intervention que j'ai faite n'était pas une intervention partisane. Je pense que le ministre d'Etat au Développement social comprend que les Oppositions, que ce soit l'U.N. ou nous-mêmes, avant de donner un vote négatif contre un tel projet de loi, il est vrai qu'on se pose de sérieuses questions. Il faudrait quand même que nous soyons rassurés si le projet de loi reste tel qu'il est là.

Il est indéniable qu'il n'y a pas qu'un principe, il y a trop de principes en cause qui ne respectent pas la possibilité que, par un projet semblable, on puisse atteindre la fin que souhaite le ministre. Je ne pense pas que, s'il n'y a pas de changements majeurs, les buts que poursuit le ministre d'Etat au Développement social depuis longtemps puissent être atteints par le projet de loi tel qu'il est présenté devant cette Chambre. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Beauharnois.

M. Laurent Lavigne

M. Lavigne: Tout d'abord, M. le Président, avant de commencer, je voudrais féliciter l'équipe gouvernementale, en commençant par le ministre d'Etat au Développement social qui, je le sais très bien, a fait un travail extraordinaire dans la préparation des dossiers et du projet de loi no 17 qui est devant nous ce soir à l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Je tiens aussi à remercier toute l'équipe ministérielle qui l'a appuyé. Ce qui

m'étonne... j'étais sur le point de féliciter également le député de Charlevoix et le député de Portneuf, surtout le député de Portneuf qui a suivi les travaux de la commission parlementaire d'une façon très assidue et très intéressée. Je pense que tout au long des travaux en commission parlementaire, le député de Portneuf y a été d'une opposition correcte, positive. A mon grand étonnement, M. le Président, on peut relever dans le journal des Débats — cela a été cité déjà, mais je vais le reciter — du 14 septembre... On constate ce soir un revirement de la part de l'Opposition, et particulièrement du côté libéral, parce que tout ce qu'on avait pu détecter tout au long des travaux en commission parlementaire, c'était, à toutes fins utiles, une approbation des grands principes du projet de loi no 17. Pour confirmer ce que j'aurais pu penser être une présomption, on peut lire dans le journal des Débats une citation du député de Portneuf qui se lit comme suit: "La formation politique que je représente, le Parti libéral du Québec, va donc, M. le Président, donner son appui aux principes du projet de loi no 17, lors de l'étude du projet de loi en deuxième lecture, parce qu'il considère que l'avènement d'une politique d'ensemble sur la santé et la sécurité au travail ne peut attendre plus longtemps."

Après avoir dit une telle chose en commission parlementaire — je pense que le député de Portneuf est un député lucide, intelligent — qu'il se soit aventuré à dire une chose comme cela en commission parlementaire et qu'on l'ait entendu, dans son exposé de deuxième lecture en Chambre nous dire ce qu'il est venu nous dire... Finalement, quand on ramasse son exposé globalement, cela ressemble énormément à l'exposé du député de Charlevoix qui se retrouvait aussi en commission parlementaire lors des travaux. La seule déduction que je peux faire ou que je peux comprendre, M. le Président, du revirement radical de ces deux députés de l'Opposition, c'est que quelqu'un leur a parlé en cours de route. Je ne suis pas certain que cette personne qui leur aurait parlé, qui leur aurait indiqué une ligne de conduite lors de leurs exposés en Chambre sur la deuxième lecture du projet de loi en question... cette personne ne connaissait probablement même pas et je ne suis même pas convaincu qu'elle ait même lu le projet de loi, parce que cette personne que je vise, c'est le chef du Parti libéral. J'ai écouté attentivement l'intervention du chef libéral tout à l'heure et, à ses propos, M. le Président, je ne voudrais pas encore là être trop présomptueux, mais il m'apparaît que le député d'Argenteuil ne connaît pas le projet de loi.

Quels sont, finalement, les motifs sincères, sérieux, valables qui auraient pu permettre d'indiquer aux deux députés de son parti qui devaient intervenir lors de cette deuxième lecture... je ne les connais pas. Mais cela m'apparaît réellement bizarre, curieux et je ne comprends pas pour quelle raison. Il en a cité une couple. (22 h 50)

D'abord, il s'est attardé longuement au titre de la loi. Il dit que le titre est louable, qu'il est même très beau mais que, par contre, il ne peut pas voter, dire oui ou aller dans le même sens que les grands principes de cette loi seulement à partir de son titre.

M. le Président, c'est vrai que le titre de la loi est beau, mais il n'y a pas seulement le titre dans cette loi. Il y a tous les grands principes qui sont derrière la loi. Si le député d'Argenteuil avait vraiment lu et étudié en profondeur le projet de loi en question, je pense qu'il n'aurait pas pu indiquer ou demander... Là, je mets en doute la liberté des députés libéraux de pouvoir se prononcer selon leurs convictions, parce que, quand on regarde les principaux arguments qui ont été relevés par les deux principaux intervenants du côté libéral en commission parlementaire, qui étaient les députés de Charlevoix et de Portneuf, ils se sont cachés ou mis derrière le fait que la loi ne devrait pas toucher à l'ensemble des travailleurs du Québec mais ne toucher que des secteurs bien spécifiques.

Je calcule qu'un blessé, un mort, un handicapé, ou quelqu'un qui est susceptible de devenir malade à cause de son milieu de travail, ce n'est parce qu'il est dans un secteur plus chronique que celui qui est dans un secteur moins chronique qu'on ne devrait pas s'occuper de lui. Je me dis qu'un mort dans une grosse usine mal organisée, c'est un mort au même titre qu'un mort dans une petite usine qui peut être mieux organisée. Ceci veut dire que les principaux arguments apportés lors des débats des députés de Charlevoix et de Portneuf ne me convainquent pas. Je suis convaincu qu'ils ont reçu des directives, et c'est derrière ces directives qu'ils ont été obligés de parler et le seul paravent derrière lequel ils ont pu se cacher, cela a été de nous dire qu'il faudrait, comme je viens de le souligner, que le projet de loi indique certains types d'industries.

Je trouve que ce projet de loi est trop important pour tous les travailleurs du Québec, particulièrement pour les travailleurs du comté de Beauharnois. Comme vous le savez, le comté de Beauharnois est un comté très industrialisé et je peux vous dire que certaines compagnies ont peut-être, bien sûr, fait des efforts, mais les efforts faits par les compagnies n'ont pas été suffisants. On retrouve encore notre lot au point de vue maladies industrielles, accidents de travail, qu'on les appelle les allergies cutanées, les vomissements au travail par respiration de toutes sortes de vapeurs, les maladies de la peau, les brûlures, la surdité, les décès, les infirmités à vie, je pourrais vous en citer et vous nommer des cas précis que je connais, des cas qui sont allés à la CAT. Comme député du comté de Beauharnois, j'ai eu à traiter de ces cas. Il y en a beaucoup trop. On a donné, bien sûr, au début de certains exposés, des chiffres mirobolants comme journées de travail perdues, comme coûts pour l'ensemble des citoyens du Québec à défrayer les maladies, les accidents de travail. Finalement, le projet de loi voudrait prendre une partie de ces coûts pour essayer — c'est un des grands principes de la loi — de régler les problèmes à la source. Je pense que les milliards qu'on dépense pour la guérison de nos malades accidentés de travail, on pourrait sûre-

ment en prendre une partie pour essayer de régler le problème à la source. Ceci permettrait évidemment d'éliminer, comme le ministre d'Etat le disait dans son exposé de ce matin, un paquet d'accessoires avec lesquels les travailleurs sont obligés de travailler quotidiennement, que ce soit des cache-oreilles, des cache-nez, des masques, des gants. Il y a tout un attirail que les travailleurs, bien souvent, sont obligés de porter non parce que c'est nécessairement essentiel à la pratique de leur métier, mais parce qu'on n'a pas su, qu'on n'a pas voulu, dans bien des cas, régler le problème à la source.

A ce point de vue, je pense que le projet de loi est essentiel et qu'on doit le voter dans les plus brefs délais. Je pense même que tout le temps qu'on perd ici à l'Assemblée nationale à en discuter... On en discute pendant qu'il y a des gars dans les usines de mon comté de Beauharnois qui, justement, continuent à respirer des émanations, qui, peut-être, se font couper des doigts ou sont en train de devenir malades à travailler dans des conditions lamentables.

M. le Président, je ne voudrais pas prendre plus de temps qu'il ne le faut à la Chambre parce que cela urge de voter sur le projet de loi 17, qui dit aussi, au niveau de principes... A mon avis, on ne peut pas être contre l'hygiène industrielle.

Le projet de loi veut aussi, au niveau des principes, enrayer les dangers à la source, permettre à la femme enceinte, Mme la Présidente, d'avoir un retrait préventif si son travail est cause de danger pour son enfant ou pour elle-même. Même la femme enceinte qui aura accouché, si elle doit allaiter son enfant, comme on l'a dit précédemment, pourra aussi avoir un retrait préventif. On ne peut pas être contre un projet de loi comme cela. Il y a un grand principe aussi qui veut que les compagnies, les multi-nationales, bien sûr, tant et aussi longtemps qu'elles ont été les seules à être les joueurs dans cette partie, ont pensé, bien sûr, d'abord à leurs investissements, à leurs poches, à leurs piastres, aux projets ou aux profits à faire chaque année. Je ne les mets pas toutes dans le même bain. Il y en a qui ont fait des efforts. J'ai des compagnies, dans le comté de Beauharnois, qui ont fait des efforts extraordinaires. C'est en voie d'amélioration, mais seulement, de les laisser à elles-mêmes, il y a trop de compagnies qui ne font pas ces efforts et finalement, qui paie la facture au bout? c'est le travailleur.

Tant et aussi longtemps qu'on ne comprendra pas que, finalement, pour qu'une industrie fonctionne, il faut d'abord qu'il y ait derrière les machines, des travailleurs, ces travailleurs, s'ils sont en santé, s'ils sont dans un climat de travail favorable, je pense qu'au bout de la ligne, finalement, et les travailleurs en seront bénéficiaires, et le patron le sera aussi. Je pense que, dans cet esprit, il faut arrêter de se chicaner dans les commissions parlementaires et en Chambre et s'empresser de voter le fameux projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité au travail. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Merci. M. le député de Maisonneuve.

M. Georges Lalande

M. Lalande: M. le Président, le projet de loi no 17, intitulé Loi sur la santé et la sécurité du travail, porte et incite à croire que le gouvernement a décidé une fois pour toutes, dans une loi-cadre, de vraiment saisir la réalité sociale dans les milieux de travail et tenter, de façon globale, de régler les problèmes de santé et de sécurité du travail pour la population active du Québec. C'est peut-être justement une première faiblesse de ce projet de loi que de vouloir tout normaliser et confier cette normalisation à l'Etat, sans tenir compte de la nature du travail que l'on fait dans l'entreprise et sans tenir compte vraiment de la taille de l'entreprise. Loin de moi l'idée de ne pas déplorer l'état bien souvent dramatique, d'accidents du travail dans certaines entreprises et dans certains chantiers. Mais la question est de savoir si justement ce projet de loi va régler quelque chose à cet état alarmant d'une mauvaise sécurité au travail dans bien des cas. La question est de se demander si le projet de loi ne va pas tout simplement créer l'illusion que la santé et la sécurité des travailleurs est maintenant garantie aux Québécois. Posons-nous la question. Le fait de remettre la santé et la sécurité du travail entre les mains d'une commission gouvernementale ne va-t-il pas tout simplement contribuer à rater le but visé de protéger les travailleurs?

Mme la Présidente, ce qu'il faut essayer de cerner dans ce projet de loi, c'est de savoir si le gouvernement veut vraiment s'attaquer à solutionner les problèmes de santé et de sécurité, ou plutôt s'offrir une structure pyramidale gouvernementale qui calme l'opinion publique, mais n'apporte rien aux travailleurs vraiment. Ce qui est souvent plus grave dans de tels cas, c'est de laisser croire que le problème est réglé, alors qu'en fait il n'en est rien. Ce genre d'évitement intellectuel provoque toujours un recroquevillement sur soi-même et un désengagement des entrepreneurs, qui n'auraient plus dorénavant qu'à se soumettre à la règle gouvernementale. Bref, ce projet de loi aide-t-il ou, au contraire, recale-t-il le travailleur? Ce projet de loi est-il une incitation pour les employeurs à remettre entre les seules mains de l'Etat, du gouvernement, toute la santé et la sécurité au travail? Mme la Présidente, la lecture de ce projet de loi m'apparaît dans son ensemble attacher beaucoup plus d'importance à la structure d'une Commission des accidents du travail renouvelée que d'un véritable souci d'assurer une certaine protection aux travailleurs. (23 heures)

Encore une fois, ce projet de loi, qui émane du présent gouvernement, fait passer l'accessoire avant le principal. Ce qui paraît important au gouvernement, c'est d'ériger une structure plutôt que d'aborder de façon réaliste le problème; c'est d'essayer de résoudre tous les maux de la santé et

de la sécurité au travail d'un seul coup, au lieu de s'attaquer méthodiquement, dans un premier temps, à certaines maladies industrielles bien identifiées et de traiter ces cas à fond avant d'approfondir davantage d'autres points faibles qui touchent la santé et la sécurité du travail. "Qui trop embrasse mal étreint", dit le dicton. C'est ce qui nous arrive dans ce projet de loi. A vouloir tout toucher, on manque l'essentiel. Comment le ministre pense-t-il pouvoir remplir toutes les promesses de ce projet de loi, quand nous ne pouvons avoir, à l'heure actuelle, le nombre suffisant de professionnels pour ne toucher que l'aspect curatif de la santé du travail?

Le ministre se rend-il compte qu'il faut plus qu'une expertise médicale, un traitement médical ou encore une sanction pénale pour résoudre un problème de santé qui implique collectivement plusieurs employés et cela, dans l'aspect curatif seulement? Si, de façon préventive, on veut en arriver à un résultat, il faut tout un attirail de ressources que sûrement la Commission de la santé et de la sécurité du travail n'a pas à l'heure actuelle et n'est même pas à même de fournir dans un avenir rapproché.

Il me semble, Mme la Présidente, qu'il serait beaucoup plus approprié de remettre entre les mains de l'employeur et des travailleurs qui oeuvrent dans cette entreprise la responsabilité de régler leurs problèmes de santé et de sécurité. L'Etat, par contre, pourrait concentrer ses ressources et ses efforts principalement sur la prévention et les recherches qui s'y rattachent.

Mme la Présidente, le gouvernement, en voulant satisfaire tout le monde, a manqué l'essentiel et ne touche qu'accessoirement ce qui devrait être le principe véritable de ce projet de loi, c'est-à-dire viser prioritairement à assurer la santé et la sécurité au travail du plus grand nombre de travailleurs.

Je ne voudrais pas faire un procès d'intention au gouvernement, là n'est pas mon but, mais, en sortant ce qu'on appelle le "pitch and substance" ou l'essentiel de ce projet de loi, force nous est de constater que ce projet de loi se traduit principalement par la mise sur pied d'un petit Etat dans l'Etat que sera celui de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Je le répète, ce projet de loi pourrait avoir de la valeur dans son aspect curatif, mais il y a déjà des lois qui existent pour protéger les travailleurs et le Code criminel pourrait retrouver toute son acuité et son efficacité si le gouvernement décidait vraiment de faire respecter les lois existantes. Il n'y a pas lieu de faire une nouvelle loi pour ça.

Mme la Présidente, tout comme le ministre, moi aussi, je suis révolté par les employeurs qui exploitent les gens, qui exploitent leurs employés. A moi aussi, il me répugne de constater qu'il y a des employeurs qui exigent de leurs employés, par exemple, de forer dans des endroits qui n'ont pas été auparavant déminés. Le cas dramatique de ceux qui ont ainsi perdu la vie doit, de façon prioritaire, soulever notre réprobation à tous. Mais ce qu'il faut faire dans de tels cas, c'est poursuivre ces gens en justice, c'est les amener devant les tribunaux criminels; pas faire une nouvelle loi.

Ce projet de loi reprend, néanmoins, des points importants qui se retrouvent, d'ailleurs, dans d'autres lois, tels, par exemple, le droit de refus et le droit de refus préventif. Mais ce point louable et d'autres points du projet de loi, qui ont d'ailleurs été soulignés par mon collègue de Portneuf, n'amènent cependant pas à conclure à la nécessité d'en faire une loi. Evidemment, si le gouvernement décidait véritablement de se concentrer prioritairement sur la santé et la sécurité des travailleurs, je serais le premier à endosser une telle initiative.

Mais je dois m'opposer, au nom des travailleurs de mon comté et au nom des travailleurs du Québec, à ce projet de loi. Je ne peux souscrire à la mise sur pied d'un empire enfermé sur lui-même que sera la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ce n'est sûrement pas ainsi qu'on va améliorer la sécurité au travail et la sécurité des travailleurs. On attendait beaucoup de ce projet de loi, on n'y retrouve guère que l'organigramme d'une commission gouvernementale. Appuyer ce subterfuge du gouvernement serait continuer à propager l'illusion que la santé et la sécurité au travail sont maintenant assurées aux travailleurs par ce projet de loi, ce qui est faux.

Si le ministre consentait à corriger son projet de loi et à remettre entre les mains des travailleurs et des employeurs la responsabilité première de leur santé et de leur sécurité au travail, c'est-à-dire d'amener les employeurs à fournir une obligation de résultats quant aux conditions de travail acceptables par les travailleurs, je serais alors très heureux d'appuyer un tel projet de loi amendé. Merci.

La Vice-Présidente: M. le député de Rimouski.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: Mme la Présidente, je vous remercie. Je suis particulièrement heureux de pouvoir participer à ce débat, ayant été président de la commission parlementaire qui a entendu les différents mémoires. A ce moment-là, j'ai pu constater que cette loi était attendue depuis des années et j'ai compris que plusieurs groupes nous ont passé le message suivant: Votre loi n'est peut-être pas parfaite, ce n'est peut-être pas l'idéal, mais ne la reportez plus, c'est le temps de vous grouiller, c'est le temps d'agir. Je comprends que ces gens nous l'aient dit. Je suis député d'un comté à la fois rural et semi-urbain. On pense toujours que les accidents de travail arrivent dans les grandes villes où il y a de la grosse industrie. Regardons les secteurs où il y a le plus d'accidents de travail: la forêt. Un travailleur sur trois par année a un accident de travail dans le domaine de la forêt, 33% par année, un sur trois. Dans l'industrie du sciage du bois, un sur cinq, 21% par année; un travailleur sur cinq a un accident de

travail. Ce sont les deux plus gros, le troisième étant la fabrication des produits en métal. C'est le nombre d'accidents.

Maintenant, si on regarde l'incapacité permanente des deux plus gros secteurs, la forêt comptait 37%, en 1976, d'incapacité permanente à la suite d'un accident de travail en forêt, et 15,7% d'incapacité permanente à la suite d'un accident de travail dans l'industrie du bois. Je me dis que ce projet de loi touche également tous les secteurs auxquels on ne penserait pas que ce projet de loi puisse toucher. Moi-même, j'ai subi ce choc des chiffres lorsque j'ai lu le livre blanc. J'ai fait une démarche, je suis allé rencontrer les gens de trois scieries de mon comté et deux sociétés d'exploitation des ressources qui travaillent dans le domaine de la sylviculture. J'au pu constater qu'il y avait toutes sortes de comportements d'industrie et de milieu de travail. J'ai rencontré des travailleurs d'une scierie non syndiquée, j'ai participé, durant trois heures, au comité de sécurité où il y avait les employeurs et une douzaine de travailleurs qui se réunissaient régulièrement; chaque fois qu'il y a un accident de travail, ce comité se réunit, même s'il n'y a pas de syndiqués, pour examiner les causes de l'accident et prévoir les corrections. J'ai participé à leur réunion qui a duré environ trois heures, cette fois-là.

Je suis allé dans une autre scierie qui était syndiquée et où j'ai pourtant eu l'impression que le comité de sécurité, prévu même dans la convention, était plus ou moins symbolique. Je suis encore allé dans une autre scierie où il n'y avait rien du tout, pas de comité, pas de représentant à la prévention. J'ai rencontré deux sociétés d'exploitation des ressources qui ont des travailleurs forestiers à leur emploi et qui font de la sylviculture. On s'est plaint à moi du coût très élevé des montants d'indemnisation qu'on devait payer à la Commission des accidents du travail. Je leur ai dit: Avez-vous fait quelque chose pour diminuer ces coûts? On tient compte de l'employeur lui-même, de son rendement, des accidents qu'il y a ou qu'il n'y a pas dans son entreprise. On m'a répondu: On n'a rien fait. Cela fait cinq ou six ans que cela se produit et on n'a rien fait dans ce sens. (23 h 10)

On a passé une soirée à discuter avec chaque groupe. Dans une première discussion, chacun des travailleurs avait des suggestions concrètes pour diminuer les accidents de travail dans leur type d'entreprise, c'étaient des travailleurs forestiers. Par exemple, ils constataient que c'étaient les jeunes bûcherons, souvent, qui se blessaient parce qu'ils avaient une mauvaise façon de traîner le bois et ils se forçaient les muscles du dos. En somme, ils constataient eux-mêmes qu'ils auraient pu diminuer, pour leur entreprise, les coûts des accidents de travail.

En somme, j'ai pu moi aussi, comme député d'un comté rural, avoir ce choc face à la santé et à la sécurité au travail. Mais j'aurais une sévère critique à adresser au ministre d'Etat au Développement social, celui d'appliquer le programme du Parti libéral. Je ne vous soupçonnais pas de con- naître aussi bien le programme du Parti libéral de 1976 dont je vais vous lire les quatre paragraphes sur la santé et la sécurité au travail. Vous allez dire: Mon Dieu, c'est la loi actuelle. Oui, oui: Le Parti libéral du Québec s'engage à poursuivre sa politique de santé au travail en faisant adopter une législation d'ensemble, globale, sur la santé et la sécurité au travail pour y renforcer les normes de sécurité et d'hygiène et pour rendre conjointement responsables patrons et employés — est-ce que c'est ce qu'il y a dans la loi? — de façon à assurer la participation active des travailleurs au contrôle de leur environnement de travail. Deuxièmement, en élaborant une politique de la médecine au travail — est-ce que c'est ce qu'il y a dans la loi? Moi, je pense que c'est ce qu'il y a dans la loi —en mettant en place, à la Commission des accidents du travail, le cadre juridique et administratif apte à résoudre toute difficulté provenant des maladies industrielles susceptibles d'altérer irréversiblement la santé des travailleurs. Quatrièmement, en augmentant, suivant les besoins, le nombre d'inspecteurs pour faire respecter les normes de salubrité et de sécurité au travail et élargir leurs pouvoirs pour mieux garantir la santé des travailleurs québécois.

J'applaudis le ministre d'Etat au Développement social qui a bien lu le programme du Parti libéral du Québec.

Quant au programme de l'Union Nationale que j'ai retrouvé, je dois reconnaître que le ministre n'a pas eu grand problème à appliquer le programme de l'Union Nationale parce qu'il y a les deux phrases suivantes: C'est le temps d'adopter une politique de sécurité industrielle. C'est le temps de réviser la loi sur les accidents du travail. C'est tout! Alors, c'est réalisé au complet.

Plus sérieusement, je dois adresser une autre critique au ministre d'Etat au Développement social, c'est d'avoir lu le programme du Parti québécois qui dit ceci: Le gouvernement du Parti québécois s'engage à assurer la sécurité physique au travail en incitant l'employeur à éliminer tout danger à la source — vouloir éliminer le danger à la source, c'est grave — regrouper sous un seul organisme la responsabilité de l'établissement et de l'application des normes minimales de santé au travail par la rédaction d'un code unifié du travail applicable à tous les secteurs et complété par une réglementation sectorielle — tenir compte des secteurs mais des normes de base — obliger toute entreprise du Québec à mettre sur pied un comité conjoint mi-employeur, mi-employé, chargé de voir à la prévention et à la sécurité dans l'entreprise et fournir aux employés des cours de premiers soins.

Je pourrais continuer la lecture du programme du Parti québécois mais je pense qu'il faut adresser un sévère blâme au ministre d'Etat au Développement social, celui de respecter l'esprit du programme du Parti québécois et l'esprit du programme du Parti libéral du Québec. En fait, j'ai été estomaqué, comme plusieurs de mes collègues, cet après-midi, d'entendre le député de Portneuf parce qu'à la commission parlementaire,

c'était curieux, c'était le ministre d'Etat au Développement social qui était conservateur et c'était le député de Portneuf, aux yeux de nos invités, qui, à plusieurs reprises, allait plus loin et disait au ministre: Vous n'allez peut-être pas assez loin dans tel secteur, il faudrait améliorer cela, il faudrait être plus exigeant dans tel secteur. Je vois qu'un membre du Parti libéral est d'accord avec l'interprétation que je fais des interventions du député de Portneuf.

Hier je discutais avec le ministre d'Etat au Développement social. Je lui disais: Cela va bien aller, ta loi. Elle va être adoptée à l'unanimité. Le ministre m'a prévenu. Il a dit: II y a du monde en ville. Le Conseil du patronat est descendu à Québec avec toute sa cavalerie.

Des Voix: Ah!

M. Marcoux: On ne sait jamais ce qui peut se passer. Eh bien, cet après-midi, nous avons eu la réponse et, pour quelqu'un qui a lu le journal d'hier, je pense qu'on aurait pu la deviner parce que dans le journal, on nous dit ceci: "Les nouveaux amendements à la loi 17 irritent le Conseil du patronat du Québec." Je vais vous donner quatre ou cinq extraits et vous allez redécouvrir un discours que nous avons entendu ce soir, le discours du chef du Parti libéral, dans son esprit. Une des choses qui sont dites dans cet article, c'est que le Conseil du patronat a déploré que la survie des services de santé déjà en place dans les grandes entreprises soit soumise à l'accord formel des travailleurs de l'établissement à qui ces services s'adressent. Deuxièmement, le monde patronal qui s'opposait déjà aux comités paritaires de santé et de sécurité est évidemment irrité de constater que la nouvelle version de la loi leur accordera encore plus de pouvoirs décisionnels.

Ce soir, on parlait de concertation. Pas de décisions, surtout pas. Il ne faudrait pas que les travailleurs avec les employeurs puissent décider du programme de santé. De la concertation. Pas de décisions. Les représentants de l'employeur devront donc se mettre d'accord avec les employés sur le médecin et le programme de santé de l'entreprise, sur les moyens de prévention les mieux adaptés aux besoins et sur les programmes de formation, etc. Egalement, au dire de M. Dufour, les représentants patronaux n'arriveront jamais à se mettre d'accord avec les employés qu'ils désirent protéger. Un autre élément: "Leur bonheur serait cependant beaucoup plus complet si le projet de loi ne créait pas une fonction de représentant à la prévention nommé par les travailleurs." C'est grave, qu'il y ait un représentant à la prévention face aux accidents de travail dans toutes les entreprises, même celles qui ont moins de 20 employés. Je pense que cela répond bien à la préoccupation de la députée de Prévost qui s'inquiétait qu'on laisse peut-être de côté les petites entreprises. Il y a également un autre reproche, celui de donner trop de pouvoirs à ce représentant à la santé, etc.

En tout cas, pour ceux qui ne les auraient pas lus, je leur conseille la lecture des commentaires du Conseil du patronat concernant le projet de loi no 17 et vous allez comprendre le peu de flamme du député de Portneuf. Je n'en suis pas revenu. Je n'ai jamais entendu le député de Portneuf parler aussi calmement, aussi doucement contre un projet qu'il ne partageait pas. Ordinairement, le député de Portneuf est tout enflammé. C'est épouvantable! C'est de la bureaucratie! C'est de la technocratie! C'est épouvantable! Il était tout calme, tout doux, tout serein et à la fin, tout discrètement, il nous a signifié qu'il voterait contre. Il faut se poser des questions! Il faut se poser des questions. En fait, je pense que cela prend un certain courage de la part du député de Portneuf pour voter contre ce projet de loi, alors que, dans le fond, on a bien senti qu'il en favorisait les grands principes.

Mais je pense que notre déception fut encore plus grande, de ce côté-ci, lorsqu'on a entendu la députée de Prévost. Tout le monde attendait la première intervention sur un débat de fond de la députée de Prévost. Je pense que l'ensemble de la population québécoise attendait cette intervention, de même que l'ensemble des députés de cette Chambre. Qu'est-ce qu'on a eu, comme intervention? Un discours qui reprochait au ministre d'être trop sensible, mais où j'ai perçu autant de sympathie et d'émotion face aux problèmes des travailleurs, mais un discours d'une merveille de l'ambiguïté. J'ai bien senti, j'ai eu l'impression que la députée de Prévost avait deux amours: les travailleurs, mais aussi la ligne du parti. J'ai senti qu'elle était hésitante, déchirée parce que, tout à la fois, elle nous reproche de ne pas faire une politique plus globale, plus ferme, musclée, mais en même temps, elle nous dit... Elle n'a même pas dit: Je suis pour ou je suis contre. Je pense que c'est peut-être le meilleur signe de cette ambiguïté. (23 h 20)

Mais, dans l'Opposition, ce qui a été le comble jusqu'à un certain point, c'est l'intervention du député de Saint-Laurent qui a dit que cette loi était bureaucratique et que ce qu'il fallait faire, c'était remettre aux travailleurs à la base le soin de régler cela. Cela, venant du vrai responsable de l'orientation sur ce projet de loi du Parti libéral, celui qui accuse cette loi d'être trop bureaucratique, c'est celui qui a mis en place — écoutez cela — les CRSSS, les CSS, les DSC, les CLSC, les CH, les CA. On pourrait nommer une litanie d'organismes bureaucratiques supposément au service de tous les citoyens. Il vient nous accuser, lui, de faire de la bureaucratie en remplaçant sept lois par une loi, en remplaçant une vingtaine de règlements en les unifiant, en unifiant l'administration de ces règlements sous la responsabilité d'un organisme. Que tous les citoyens sachent qu'il y a un organisme au Québec qui est responsable de la santé et de la sécurité. Je pense que cette accusation de bureaucratie se retourne contre celui qui l'a formulée le premier.

En terminant, Mme la Présidente, je voudrais poser certaines questions au Parti libéral. D'abord, je voudrais demander au Parti libéral s'il est pour

ou contre les mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs prévus dans cette loi? Est-il pour ou contre les moyens proposés pour éliminer les causes à la source des accidents de travail et des maladies professionnelles? Est-il pour ou contre qu'un projet de loi définisse enfin les droits et les obligations des travailleurs, des employeurs, des propriétaires et des fournisseurs assujettis à cette loi? Est-il pour ou contre le fait que, dans chaque entreprise, on mette en place des comités de santé et de sécurité au travail, des comités paritaires qui ont des pouvoirs décisionnels sur des matières importantes? Est-il pour ou contre qu'il y ait des représentants à la prévention dans les entreprises qui ne soient pas syndiqués? Est-il pour ou contre qu'il y ait la création d'associations responsables dans un secteur d'activités? Est-il pour ou contre que les départements de santé communautaire puissent voir à l'implantation de ces programmes de santé et de sécurité? Est-il pour ou contre qu'il n'y ait plus de médecins de compagnie, mais qu'il y ait des médecins acceptés de part et d'autre par les travailleurs et les employeurs? Est-il pour ou contre que les services de santé qui existent maintenant dans certaines entreprises y demeurent? Je crois que le chef du Parti libéral y a répondu en disant oui. Est-il pour ou contre la création d'un organisme unique responsable de la mise en place de cette loi, de ses principes? Est-il pour ou contre que dans cette loi, on prévoie des règles particulières pour le secteur de la construction qui a de graves problèmes qui lui sont propres? Est-il pour ou contre les recours prévus pour les travailleurs dans cette loi?

Je pense que le Parti libéral devrait répondre à ces questions. En fait, le chef de l'Opposition, tantôt, nous disait ceci: II va falloir que vous vous habituiez à l'Opposition. J'en suis. Je suis le premier à reconnaître que c'est non seulement utile, mais nécessaire. Je me souviens, lorsque nous étions dans l'Opposition, que nous avions fortement critiqué le gouvernement sur divers projets de loi. Je pense qu'il y avait une caractéristique que tous vont nous reconnaître. A chaque fois que nous nous sommes opposés fermement au gouvernement libéral du temps, nous avions toujours des propositions constructives de remplacement à présenter. Je voudrais qu'on me cite aujourd'hui une proposition constructive remplaçant la ou les solutions que nous proposons. Ce n'est pas la première fois que ceci se produit. Sur l'assurance automobile, sur la politique linguistique, sur l'amiante, sur la protection du territoire agricole, sur la réforme de la fiscalité municipale, toujours, non, non, non! Mais, à chaque fois, on ne nous a jamais dit quelles étaient les mesures de remplacement.

Je n'ai aucune objection — je pense que c'est la démocratie même — à ce que l'Opposition s'oppose à plusieurs ou à des mesures proposées par le gouvernement, mais je pense que c'est la tâche d'une opposition de dire, quand elle est contre, ce qu'elle propose à la place et vous n'avez pas fait votre tâche. Vous avez eu trois ans pour préparer votre proposition, votre programme, mais je pense qu'il faut se rendre compte d'une chose, c'est qu'il y a deux lignes de conduite de l'Opposition qui sont familières depuis trois ans et qui n'ont pas changé avec le nouveau chef. D'abord, c'est de ne jamais dire ce qu'on ferait à la place pour ne mécontenter personne. On est contre, mais on ne dit pas ce qu'on ferait à la place.

Deuxièmement, il y a une stratégie régulière maintenant de l'Opposition, c'est de nous sortir le discours cassette qu'on va entendre, j'en suis convaincu, jusqu'aux prochaines élections, le discours cassette suivant: Vous êtes un gouvernement bureaucratique, vous êtes un gouvernement qui n'attachez pas assez d'importance à l'entreprise privée, vous êtes un gouvernement qui ne respectez pas les oppositions ou les opinions démocratiques, vous êtes un gouvernement dirigiste, vous êtes un gouvernement contre la liberté des individus. C'est le discours cassette qu'on va entendre, indépendamment des lois. Remarquez les discours en Chambre depuis plusieurs mois: ils ne portent plus sur le contenu des lois, ils portent sur un procès d'intention général qui est toujours le même. Je pense que c'est actuellement ce qui caractérise l'Opposition. Dans le fond, qu'est-ce qu'on propose? J'ai eu l'impression qu'on proposait une chose aujourd'hui aux Québécois dans le domaine de la santé et de la sécurité, on proposait le statu quo. Merci.

La Vice-Présidente: M. le député...

M. Fontaine: Est-ce que le député me permettrait une question?

Des Voix: Non.

La Vice-Présidente: Malheureusement, M. le député, c'est moi qui devrai rendre cette décision, parce que le député a dépassé d'une minute le temps qui lui était alloué.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Mme la Présidente, je pense que le ministre et la population peuvent juger de la qualité de la contribution du député de Rimouski de par son intervention. Quant à moi, du moins, ce n'était pas très fort. Je voudrais simplement souligner un point de son discours. Je trouve qu'il a été injuste envers le député de Portneuf. Je pense qu'il a tendance à croire qu'un parti d'opposition qui n'est pas pour la loi n'est pas pour les personnes qui sont impliquées. C'est une habitude qu'on a constatée assez souvent, mais je veux l'assurer que c'est possible d'être pour la protection des travailleurs sans être pour votre projet de loi. C'est possible d'être pour la protection du consommateur sans être nécessairement pour votre projet de loi qui vise la protection du consommateur. On pourrait être pour la protection de l'environnement et voter contre un projet de loi que vous proposez.

Alors, je pense que le simple respect des opinions des autres oblige le parti au pouvoir à respecter un peu les opinions et la possibilité que l'autre côté ait des idées.

Le député a posé plusieurs questions: Est-ce qu'on est pour ou contre tel ou tel aspect de la loi? Moi, j'ai l'intention de proposer quelques suggestions concrètes que le ministre pourra accepter ou sur lesquelles il pourra réfléchir. Je parle surtout...

M. Godin: Mme la Présidente.

Le Vice-Présidente: M. le député de Mercier, sur une question de règlement?

M. Godin: Non. Est-ce que le député a terminé?

M. Scowen: Non, mais je pense qu'il y a quelqu'un qui...

M. Godin: Non, pas du tout.

M. Scowen: Si je comprends bien, il y a quelqu'un du gouvernement qui a une question, Mme la Présidente?

M. Godin: Non.

Des Voix: On se demandait s'il était pour ou contre le principe.

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous pouvez poursuivre.

M. Scowen: Mme la Présidente, je n'ai pas l'intention de parler au nom de l'industrie et du commerce, j'ai une certaine responsabilité au sein de l'Opposition dans ce domaine et, comme vous le savez, j'ai pris une certaine expérience pendant quinze ans dans l'industrie et le commerce. Le sujet de la sécurité et de la santé des employés est quelque chose qui pour chaque employeur — je parle seulement en mon nom — est toujours une préoccupation, mais il faut que j'admette, Mme la Présidente, que, pendant quinze ans, je n'ai pas donné, dans l'industrie et le commerce, à la compagnie où je travaillais, assez de considération et assez de temps. (23 h 30)

J'ai beaucoup réfléchi ces jours-ci, depuis la présentation du projet de loi, sur les circonstances qui m'ont amené à un peu négliger cette question. Je ne dis pas qu'on a été négligent au sens criminel, parce que notre dossier était pas mal complet, mais ce n'était pas une préoccupation majeure. Si j'ai une contribution à faire ce soir au débat, c'est pour essayer d'améliorer la loi, pour offrir quelques idées au ministre, elles pourront peut-être l'aider. Je dis tout de suite que je ne parle pas au nom du Conseil du patronat, comme l'a insinué le député de Rimouski; au tout début, je veux un peu réfléchir sur la cause, sur ce qui nécessite qu'au- jourd'hui le gouvernement se penche de nouveau sur le domaine de la sécurité au travail.

Je veux simplement poser une question aux membres du Conseil du patronat qui sont peut-être à l'écoute ce soir: Pourquoi est-il nécessaire qu'un gouvernement, que l'Etat se mêle des relations entre les travailleurs et les employeurs? C'est une question très sérieuse et la réponse date du début de la révolution industrielle. Il y a quelque chose là sur quoi on doit réfléchir longuement. L'esprit de famille qui existe à l'intérieur d'une petite entreprise, semble-t-il, a été anéanti par les besoins, les nécessités du profit, de l'efficacité, de la production et du service aux clients. Si les compagnies et les employés se trouvent aujourd'hui dans une position où le gouvernement est obligé de faire les lois, non seulement sur la santé au travail, mais sur le Code du travail, sur toutes les lois qui règlent les relations entre les syndicats et les employeurs, les employeurs eux-mêmes ont une grande part de la responsabilité pour ces interventions de l'Etat dans leurs affaires.

Si on veut améliorer vraiment la situation qui existe aujourd'hui, c'est une occasion pour les employeurs de penser un peu à cette question. Ce n'est pas quelque chose, à mon avis, que les législateurs aiment faire. Il n'y a pas beaucoup de crédit à gagner d'un côté ou de l'autre par la présentation de lois pour essayer de régler les affaires entre deux parties dans notre société, c'est quelque chose qu'on fait parce que les parties en cause ne le font elles-mêmes. Tenant compte de cette situation, j'accepte le fait que nous soyons devant la nécessité de légiférer et je veux tout de suite rappeler à tout le monde que ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement du Québec se penche sur le sujet. Nous sommes devant une autre étape, dans une évolution qui date de longtemps sur la préoccupation des gens face à la sécurité au travail. Il y a un tableau dans le livre blanc, présenté par le gouvernement, où les lois intérieures sont décrites. Ce n'est pas le Parti québécois, ce n'est pas le gouvernement actuel qui a découvert la nécessité pour l'Etat de prendre soin de la sécurité des travailleurs.

Donc, c'est une étape et je vais être très pragmatique là-dedans. Les questions que je me pose et que je pose au ministre sont celles-ci: Est-ce que la loi qu'il propose est une bonne façon d'évoluer à l'heure actuelle dans la direction où nous voulons tous aller, vers un meilleur contrôle, une meilleure santé et une meilleure sécurité au travail? Il faut accepter que plusieurs voies sont possibles. Le gouvernement, qui se trouve à mi-chemin, si vous voulez, a décidé de prendre une certaine voie. Je le répète, je pense que c'est possible pour une partie de l'Opposition très responsable de suggérer qu'il peut y avoir d'autres voies.

Quand j'ai lu le projet de loi, je me suis demandé... On retourne toujours aux sources, n'est-ce pas? On a dit: Un travailleur a le droit de refuser d'exécuter un travail, s'il croit que c'est dangereux. Moi, je serais allé encore plus loin. Un travailleur doit refuser de faire un travail qui est dangereux comme ça. Je pense que, sur ce point

essentiel, on est tous d'accord. Le problème de ceux qui sont à l'Assemblée nationale est de décider comment peut-on réaliser dans le cadre d'une loi et dans le cadre d'une administration cette responsabilité des deux côtés?

Nous avons connu, si je comprends bien, à peu près 250 morts au travail l'an passé; on a perdu 1 400 000 jours de travail à cause des accidents; c'est mauvais. Je ne sais pas si c'est plus mauvais qu'il y a dix ou quinze ans, en termes d'heures perdues par homme/heure, ainsi de suite; je pense qu'on a évolué de façon positive mais on veut évoluer davantage.

Laissez-moi parler un peu de la solution du Parti québécois que je trouve, quant à moi, non pas la meilleure. Je vais souligner quelques faiblesses et suggérer une ou deux idées que le ministre pourrait utiliser pour améliorer le projet de loi et rendre un peu tout le monde d'accord sur les principes et la pratique. Il faut que je retourne à ce que le député de Rimouski a appelé une cassette. Une cassette, c'est un outil très bon, très efficace, pour faire apprendre les gens. Les gens qui apprennent lentement sont obligés d'écouter les cassettes jusqu'au moment où le message est passé. Pour moi, c'est: Oui, il y a un problème de régie et de bureaucratie, mais ce n'est pas l'essentiel. Je trouve que c'est nécessaire d'avoir une régie dans ce domaine et ce doit être une régie efficace et forte.

Mon problème, premièrement, c'est que cette régie a des pouvoirs un peu trop étendus. On ne laisse pas de latitude pour des initiatives qui ne correspondent pas aux normes du gouvernement. Je vais y revenir dans une minute. Deuxièmement, le ministre a essayé de mêler deux choses très importantes; il veut protéger la sécurité et la santé, réduire le nombre de morts et de jours perdus. Mais il a essayé de réaliser cet objectif avec un élément de cogestion des employeurs et des travailleurs. La question de cogestion dans l'industrie, au Canada, au Québec et en Amérique du Nord, c'est très compliqué. Pour moi, c'est une chose au sujet de laquelle on doit évoluer; c'est un aspect de la société économique qui n'est pas encore assez développé ici. Il y a des pays, notamment la France, qui peuvent nous donner de bons exemples là-dessus.

Le ministre a essayé de régler le problème de la sécurité et de la santé avec la politique de cogestion. Pour moi, les deux choses, à cette heure-ci, en 1980, ne sont pas deux choses qui doivent être associées aussi étroitement et c'est dans cet aspect du projet de loi que, je trouve, il y a le plus de faiblesses. Je veux parler de deux aspects de ce projet de loi, les deux que j'ai déjà mentionnés, un peu plus en profondeur pour expliquer un peu ce que je veux dire et aussi pour suggérer d'autres voies possibles pour le ministre. Premièrement, je trouve que c'est essentiel que cette régie tienne compte du fait qu'il y a d'abord, aujourd'hui, des compagnies et des secteurs de l'industrie et du commerce où les choses vont assez bien. A titre d'exemple, il y a la pire des industries au Québec, c'est l'industrie de fabrica- tion des produits en métal où nous avons eu, en 1977, 31,82 accidents par 100 travailleurs. Le député de Rimouski a déjà cité ce chiffre. La meilleure, c'était l'industrie des produits du pétrole et du charbon où il y avait 0,31 accidents. Alors, c'est 100 fois plus d'accidents dans une industrie que dans l'autre.

C'est clair que ce n'est pas parce que les gens dans la fabrication du métal sont plus bêtes que les gens dans la fabrication du pétrole. C'est quelque chose qui est lié avec la nature de l'industrie. Il me semble que l'intelligence la plus simple impose que nous tenions compte de ces différences et que nous nous penchions, que nous portions nos efforts sur les industries où nous avons des problèmes et que nous laissions les autres qui n'ont pas de grands problèmes aller comme elles vont maintenant. (23 h 40)

II y a aussi la question compagnie par compagnie. J'ai reçu une lettre de la compagnie General Motors récemment. La compagnie General Motors est une compagnie qui fonctionne à l'échelle mondiale qui, quant à moi, a toujours démontré une attitude positive envers ses employés et qui a déjà un système très efficace en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail. Elle est contre ce projet de loi et je veux simplement citer deux paragraphes. Elle nous dit: "L'élimination des comités de sécurité déjà existants et la redéfinition de l'autorité ayant la responsabilité auront pour effet d'affaiblir les liens coopératifs entre l'administration et nos travailleurs, qui ont prévalu pendant plusieurs années dans nos usines et qui sont déjà un mécanisme efficace." Je cite encore: "Les employeurs ont la responsabilité ultime de la santé et la sécurité de leurs employés et doivent donc garder la responsabilité pour la gestion de ces services." Je pense que vous comprenez un peu le sens de la représentation de General Motors. Je pense qu'elle n'a pas été faite dans le sens de charrier, d'être contre la sécurité et la santé. Elle a déjà quelque chose sur place qui ne se conforme pas exactement aux critères et au système rigide développé par la régie, mais qui est le sien, qu'elle a développé, qui correspond à ses besoins et dont les employeurs et les travailleurs sont satisfaits.

Il me semble, premièrement — et c'est une suggestion que je fais au ministre — qu'il doit trouver le moyen, à l'intérieur de ce projet de loi, de donner une exemption totale aux compagnies et aux secteurs qui sont déjà dans le cadre d'un système de protection acceptable. Nous avons beaucoup de pain sur la planche dans les secteurs et dans les compagnies où on ne tient pas compte des contraintes et des problèmes de sécurité. Allons dans ces secteurs faire tout ce qu'il faut faire, mais laissons la liberté d'initiative aux gens qui ont déjà commencé à faire quelque chose qui n'est peut-être pas exactement ce qui correspond aux 200 articles de la loi, mais qui est pour les employés de la compagnie ou pour l'industrie très efficace.

A titre d'exemple — un dernier exemple dans ce domaine, Mme la Présidente — je citerai le cas

de l'industrie des pâtes et papiers. J'ai été conscient que cette industrie, surtout dans les usines, avait toujours manifesté un grand intérêt pour la santé et la sécurité du travail. Il y avait, au sein de l'Association des pâtes et papiers du Canada, un système en marche, en recours, si vous voulez, des inspecteurs dans les usines. Avant de les obliger à le mettre de côté et à installer le système universel, permettez à ces gens de venir à la commission parlementaire et de dire: Ecoutez, notre système peut-il être acceptable? J'ai expliqué autant que possible la première suggestion que je veux faire au ministre.

La deuxième suggestion est reliée un peu à la première, mais elle est quand même différente. C'est la question de la responsabilité. Quant à moi, Mme la Présidente, nous avons besoin d'une régie, mais, d'abord, nous avons besoin d'une loi-cadre qui va définir la responsabilité des employeurs dans le domaine de la santé et de la sécurité. Nous avons besoin, deuxièmement, Mme la Présidente, d'un système d'amendes, des coûts qui vont attirer l'attention des dirigeants de l'entreprise sur le sérieux de nos intentions. Je suis loin d'être persuadé que la bonne volonté va faire marcher les compagnies vers une plus grande attention dans ce domaine. Nous avons la responsabilité de légiférer et nous avons la responsabilité de créer un système de coûts importants pour ceux qui ne respectent pas les lois.

Nous avons également besoin d'une régie ou d'une commission qui sera chargée de faire les recherches, surtout dans les domaines où nous avons les taux d'accident les plus élevés ou dans les domaines où les problèmes toxiques sont les plus élevés et d'essayer de les régler. Tout cela est prévu dans la loi.

La faiblesse qui découle de ce système est la suivante. C'est une question que j'ai déjà soulevée, celle de la cogestion. Je pense qu'au Québec, au Canada et en Amérique du Nord, nous sommes encore dans un système où la majorité des compagnies comprennent beaucoup mieux l'idée qu'elles doivent connaître leurs propres responsabilités et les assumer. Le coût et les systèmes administratifs pour l'administration d'un programme de santé et de sécurité sont très liés aux autres aspects de l'administration de la compagnie. J'aurais préféré énormément que le ministre trouve les moyens d'encourager et stimuler les comités conjoints à l'intérieur des compagnies qui en ont besoin, qui ne l'ont pas fait elles-mêmes mais qui n'en auront pas la responsabilité parce que les contradictions qui sont créées par la loi dans laquelle vous donnez la responsabilité — c'est une responsabilité avec des retombées économiques — à un groupe qui n'a pas la responsabilité de la direction de la compagnie va, inévitablement, créer des conflits qui vont causer, j'en suis persuadé, plus de problèmes que de bénéfices.

Ce sont les deux points, Mme la Présidente. Je suis persuadé que ces deux suggestions pourraient être acceptées par le ministre et les accommodements faits. Je suis persuadé en ce moment qu'il va recevoir l'appui de la grande majorité des entreprises et même la grande majorité du Conseil du patronat et que ce n'est pas un appui négligeable. Comme il le sait, nous sommes ici dans un marché nord-américain dans lequel les compagnies ont le choix de s'installer et de se développer dans les diverses régions. Il me semble que si nous pouvons, comme législateurs, trouver un système qui peut gagner l'appui des deux... Je termine dans une minute, Mme la Présidente; vous me le permettrez?

La Vice-Présidente: Si nous avons le consentement de l'Assemblée, M. le député, je le veux bien. Alors, une minute, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: S'il peut trouver les moyens de faire quelques changements à peu près comme ceux que j'ai suggérés, s'il peut nous donner la possibilité d'avoir l'appui des deux côtés, nous aurons fait quelque chose qui va aider non seulement les compagnies, mais les travailleurs aussi. Finalement, nous cherchons tous la même chose. Nous cherchons à réduire les accidents de travail et améliorer la santé.

La loi sera adoptée ce soir ou demain en troisième lecture avant la fin de la session. Au moment où elle sera adoptée, tout le monde va applaudir. Mais, il faut accepter qu'à ce moment, rien ne sera réalisé, aucun accident ne sera prévenu, le taux d'accidents sera aussi grand. Nous n'aurons rien à applaudir. Nous serons simplement devant une nouvelle régie, une nouvelle commission, des nouveaux comités, une nouvelle structure, un nouveau système à bâtir. Est-ce qu'il sera bon ou mauvais? Nous ne le saurons pas. Je suis porté à croire qu'il y a de bons éléments dans le projet de loi. Il y a deux ou trois choses que j'ai proposées aussi clairement que possible au ministre qui peut encore bonifier la loi. Je pense que s'il veut accepter de le faire, je suis prêt à faire tout ce que je peux pour l'aider s'il a besoin de moi. Je suis persuadé que nous pouvons développer ensemble une loi qui sera acceptée par les deux côtés et qui, finalement, avec cette collaboration de base qui est très importante va nous donner les objectifs que nous cherchons à atteindre. Merci.

La Vice-Présidente: M. le député de Mercier. (23 h 50)

M. Gérald Godin

M. Godin: Mme la Présidente, je voudrais profiter du droit de parole qui m'est accordé pour féliciter le Parti libéral. Je pense, Mme la Présidente, au Pari libéral des années vingt, le Parti libéral du régime Taschereau qui, dans les années vingt, a créé la Commission des accidents du travail qui a décidé, dans un premier temps, d'enlever, de déjudiciariser, si vous voulez, l'accident de travail, car, à l'époque, il faut s'en rappeler, un travailleur accidenté devait poursuivre...

M. Fontaine: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: Sur une question de règlement, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je m'excuse auprès de mon collègue mais, pour une intervention aussi majeure et faisant l'éloge du Parti libéral, je pense qu'il serait intéressant d'avoir plus que treize collègues à l'Assemblée nationale.

La Vice-Présidente: Nous vérifions le quorum immédiatement. M. le député de Mercier, vous avez la parole.

M. Godin: En effet, Mme la Présidente, dans les années vingt, le régime Taschereau, saisi de plaintes innombrables des travailleurs du Québec de l'époque, saisi de plaintes innombrables des associations de travailleurs et des syndicats qui existaient à l'époque, a décidé d'enlever aux juges, dans nos cours, le soin de décider qui était responsable d'un accident. Car le travailleur du temps, il faut se le rappeler, devait trouver des avocats pour défendre sa cause contre une compagnie au sein de laquelle il avait été victime d'un accident et un discours remarquable, à l'époque, du premier ministre Taschereau, disait: C'est inacceptable de voir des avocats tirer des profits de la misère des travailleurs et il a eu le courage de mettre en marche cette immense structure que nous connaissons maintenant et qui s'appelle la Commission des accidents du travail.

Je peux vous dire, M. le nouveau député de Maisonneuve — vous en aurez bientôt chez vous, si ce n'est déjà fait — que 50% des cas de comté, dans une ville comme Montréal, sont des gens qui ont été victimes d'accident de travail et qui sont, soit mécontents de la décision de la commission, soit satisfaits, mais n'ont pas reçu leur chèque à cause d'une grève, soit qu'ils veulent avoir une révision de leur cause.

Je reconnais les services immenses que rend cette commission aux travailleurs du Québec, mais je me suis toujours dit, à chaque fois qu'un de ces travailleurs entre chez moi, quelquefois en boitant, quelquefois en claudiquant, quelquefois avec un revenu minime, infime, parce que sa vie a été brisée dans un accident, il faudrait peut-être penser un jour à tenter d'aller un peu avant l'accident, à tenter de mettre en place une structure, mot que déteste, semble-t-il, le député de Maisonneuve; il a appelé ça une structure paramydale tout à l'heure. Cette structure pyramidale que nous voulons mettre en place, les libéraux l'ont mise en place, dans le cas des accidents de travail et je les en félicite; je m'incline devant ce qu'ils ont fait à l'époque. C'était la seule solution. Il fallait des médecins du gouvernement qui analysent les causes, il fallait des gens qui décident quel pourcentage d'incapacité, totale, partielle, permanente ou autre on affecterait au citoyen blessé à son travail.

Nous voulons prendre les choses un pas en avant de l'accident de travail, c'est-à-dire que nous voulons tenter, premièrement, de prévenir; deuxièmement, mettre en place des moyens directs, efficaces, rapides pour les travailleurs de pouvoir, sur le champ — c'est du droit nouveau, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce — d'avoir droit de cesser de travailler, sur le champ le droit d'aller voir un inspecteur et de lui dire: Viens vérifier l'échafaudage en question, il n'est pas conforme aux lois et aux règlements.

Je me souviens encore de l'accident de l'échangeur Turcot, alors que les fameux vérins de Domini Forms avaient glissé et que des tonnes et des tonnes de béton avaient noyé les travailleurs, je pense 16 ou 17. La loi a été changée et, maintenant, les échafaudages doivent être "bracés", comme on dit dans le milieu, et il y a moins d'accidents dans ce secteur. Il y a une loi, il y a des inspecteurs, il y a des règlements. Nous allons un pas en avant avec cette loi.

Le député de Johnson, travailleur lui-même, l'a dit, c'est un pas de géant. A ma grande surprise, j'écoutais tout à l'heure le député d'Argenteuil et chef du Parti libéral; il reconnaissait quand même qu'il n'avait pas pu effectuer un travail aussi sérieux qu'il aurait souhaité le faire parce que, disait-il, on a reçu le projet de loi trop tard. Comme s'il avait commencé à réfléchir à la question seulement quand ce projet de loi lui a été remis entre les mains. Est-ce que c'est possible que le chef du Parti libéral ait commencé à penser aux travailleurs du Québec uniquement quand il a reçu la dernière version de la loi? Moi, j'y pensais avant; comme député, cela fait des années que je pense à une solution et voici qu'elle vient.

Je dois dire, pour avoir été récemment en Saskatchewan, où il y a une loi semblable à la nôtre, la nôtre est même un peu plus progressive ou progressiste dans le domaine de la protection des droits des travailleurs. Dans une mine de potasse, en Saskatchewan, j'ai demandé à des travailleurs de la potasse ce qu'ils pensaient de leur loi qui est le modèle de la nôtre. Ils nous ont dit: C'est parfait; dans l'ancien système — qui est celui que nous avons actuellement au Québec — on ne pouvait pas obtenir rapidement un inspecteur; on ne veut pas passer deux semaines en attendant qu'un jugement soit rendu, qu'une décision soit rendue dans un cas précis, nous voulons qu'un inspecteur soit à la portée de la main et qu'il puisse venir et nous dire: Ne travaillez plus, vous avez raison. Ou: Travaillez, nous allons faire les réparations qui s'imposent. Ou: Contestons la décision que vous avez prise d'arrêter de travailler, ainsi de suite. Nous mettons en place un moyen rapide, direct, efficace, pour le travailleur de ne plus être obligé de faire le pied de grue à la Commission des accidents du travail. Nous voulons éviter qu'il soit blessé.

L'OCQ, l'Office de construction du Québec, a déjà commencé à se pencher sur cette question des accidents dans la construction qui est le milieu de travail le plus dangereux au Québec, les chiffres le montrent. L'OCQ est en retard, tout le monde est en retard dans ce secteur. Mais voilà un

gouvernement qui, après deux ans de réflexions, de rencontres et de consultations, décide de mettre en place d'abord des moyens de droit, des moyens juridiques pour le travailleur de se protéger et, deuxièmement, un accès rapide — je le répète — à des gens, des inspecteurs qui vont venir sur les lieux pour prendre une décision. Donc, il s'agit d'une loi essentielle à la santé publique, premièrement. Deuxièmement, il s'agit d'une loi qui va également réduire grandement les coûts sociaux des accidents de travail.

Il y a eu récemment un livre qui a été publié aux Etats-Unis, qui s'appelle "Work is Dangerous to your Health", le travail est dangereux pour votre santé. Ce livre est en voie de traduction et il va exactement dans la direction de ce projet de loi. Nous voulons que les travailleurs sachent à quoi ils s'exposent quand ils sont dans tel genre d'entreprise ou dans tel autre. Ils le sauront. Nous voulons qu'à partir de ce document et de cette loi, ils sachent quels sont leurs droits et qu'ils puissent se protéger.

J'écoutais... Est-ce que le député de Nicolet-Yamaska pourrait aller faire ses "tounes" ailleurs, s'il vous plaît, Mme la Présidente? Il s'agit ici de la santé des travailleurs. Si cela ne le préoccupe pas, s'il aime mieux chanter, qu'il aille donc chanter chez lui à Ottawa, avec les conservateurs, son parti.

M. de Bellefeuille: II chante une chanson de...

M. Godin: Un des points clés, un des reproches fondamentaux des travailleurs contre les médecins des compagnies, tient à ce qu'ils ont des doutes sur leur objectivité. La plupart de ces médecins sont objectifs mais le travailleur, sachant que la compagnie sera obligée de payer si le médecin lui reconnaît un accident, doute que le médecin lui donne justice. Grâce à la loi, les médecins seront dorénavant au-dessus de tout soupçon. Je pense que c'est important. Je tiens à dire aussi que j'ai écouté attentivement les deux suggestions du député de Notre-Dame-de-Grâce, mon collègue de l'île-de-Montréal, il fait deux suggestions du député de Notre-Dame-de-Grâce, mon collègue de l'île-de-Montréal, il faut deux suggestions qui me semblent absolument aberrantes. La première suggestion est une incitation, il propose l'incitation dans ce domaine comme dans d'autres; avant la loi 101, c'était l'incitation. On voulait inciter les compagnies à parler français; elles ne l'ont pas fait, on les a obligées à parler français. (Minuit)

M. le député voudrait qu'on incite les entreprises à respecter la santé des travailleurs. Combien vont le faire? Il cite GM. Tant mieux! GM est extraordinaire. Bravo, GM! Mais combien vont le faire? On attend depuis 50 ans que cela se fasse, mais comme le dit le Parti libéral, ils sont à la veille de... C'est le grand slogan du Parti libéral. On adopte la loi 101. Ils disent: Ils étaient à la veille d'apprendre le français. On touche à l'amiante. Ils disent: Asbestos était à la veille d'investir. On touche à l'assurance automobile. Ils disent: La compagnie d'assurance automobile était à la veille de modifier ses affaires. On touche aux accidents du travail. Ils disent: Ils sont à la veille de... Mais, ils ne le font jamais!

Le député de Notre-Dame-de-Grâce propose également une loi-cadre qui va définir ce qu'est la sécurité et ce que sont les droits des travailleurs. Il propose également un système d'amendes. Mais qui va imposer les amendes? Les juges. Nous voilà donc dans la position du régime Taschereau avant 1924. Le régime Taschereau a décidé d'abolir le système de recours à la justice pour régler un cas d'accident de travail. Supposons qu'effectivement on retienne la suggestion du député de Notre-Dame-de-Grâce et qu'on dise: Si une compagnie ne construit pas un échafaudage suffisamment fort et qu'il y a deux ou trois ouvriers qui tombent et qui meurent, on poursuit. Il y a une amende. Une belle consolation! Les familles des travailleurs de l'échangeur Turcot ont poursuivi pour le décès des personnes. Cela a pris des années. Elles ont peut-être obtenu quelques piastres, mais pas la vie de la personne qui est morte, tandis que grâce à cette loi, à l'échanger Turcot, les travailleurs auraient pu dire: Je ne travaille plus ici parce que cela bouge. Ils auraient eu le droit de le faire. C'est aussi simple que cela.

Le sens profond de la loi est là-dedans, ce droit nouveau que nous donnons aux travailleurs d'arrêter s'ils croient qu'il y a danger, d'avoir recours à une personne de l'extérieur qui viendra dire: Oui, il y a danger ou non, il n'y a pas danger et si le travailleur trouve que la personne n'a pas raison, il peut refuser de travailler et se faire remplacer par une autre. Et ces gens d'en face sont contre le principe de ce projet de loi! Mme la Présidente, la main de Dieu a été remplacée par la main du patronat!

Des Voix: Bravo!

M. Godin: Les députés libéraux ont des poignées dans le dos. Ils étaient pour, il y a quelque temps, et comme les girouettes que l'on voit sur les faîtes de nos granges, ils ont tourné. Il a soufflé un vent patronal, une bise automnale et patronale, une bise d'entreprise, une bise du capital, une bise des "boss", la bise des "boss". Les "boss" font la bise et les libéraux sont sensibles à la bise des "boss", soit dit sans jeu de mots. Entre le patronat et le Parti libéral, c'est bise "as usual", comme on dit "business as usual". Alors, je m'étonne que le grand parti de Taschereau, qui a mis sur pied la Commission des accidents du travail refuse aujourd'hui de continuer dans cette voie et de penser à ce qui pourrait se passer avant que l'accident arrive, pas après, pas a porteriori, comme le dirait l'ancien Solliciteur général en latin, qui est sa deuxième langue, pas a posteriori, mais a priori, avant, ante, ante accidentem et non pas post accidentem. J'aime mieux voir cette loi adoptée que de voter contre comme vous allez le faire et de continuer à recevoir semaine après semaine des gens qui

n'ont plus de santé à cause des chantiers de construction mal protégés, non surveillés où ils ne peuvent pas arrêter de travailler ou alors, s'ils le font, ils peuvent être congédiés.

On leur donne un droit, le droit à leur santé, M. le Président, et c'est le principe de fond de la loi. On donne aux travailleurs le droit à leur santé, c'est-à-dire le droit que lui, s'il juge avec son expérience de travail que tel métier pour lui est dangereux ou dans telle circonstance, il y a danger, il arrête. Le principe est là. Quiconque vote contre est contre ce principe. Quiconque vote contre est pour les compagnies. Quiconque vote contre se satisfait qu'il y ait une Commission des accidents du travail qui ramasse les éclopés, les blessés, les boiteux et qui ne fasse rien pour les morts.

Cette loi vise justement à empêcher qu'il y ait des accidents. Cette loi vise à doter le travailleur d'un pouvoir qu'il n'a jamais eu au Québec, le pouvoir de se protéger s'il se croit menacé. Le seul principe, c'est celui-là, et, dans l'intervention du chef du Parti libéral, qui me déçoit de plus en plus, M. le Président, je dois le dire, il énumère quatre principes mineurs qu'il appuie. Il ne dit pas un mot du principe de fond qui est, je le répète, le droit pour un travailleur de protéger sa santé, même au travail, et de ne pas être pénalisé par son employeur. C'est le seul principe et quiconque, je le répète, patine autour du reste, la structure pyramidale, la bureaucratie galopante, la protection de l'entreprise, les coûts sociaux fabuleux que ça va créer, etc., quiconque dit ça, M. le Président, cache le fond de sa pensée, cache qu'il a une poignée dans le dos, cache que la main du patronat est derrière le parti et cache peut-être aussi qu'il y a sûrement des gens, dans le Parti libéral, qui vont soit s'abstenir d'être ici, non pas s'abstenir de voter; ça ne se fait pas dans ce parti-là, parce que dans le fond de leur coeur, ils l'ont dit en commission parlementaire, ils ne le disent plus... Le silence, le grand silence des déserts intellectuels commence à s'étendre de ce côté-là et ça m'inquiète de plus en plus.

On a vu des interventions remarquables à la commission parlementaire à l'appui du principe. Où sont-ils, ces beaux parleurs? Où sont-ils, ces principes qu'ils défendaient? Où sont-ils, ces défenseurs des travailleurs? Silencieux sur le fond, ils patinent sur la bureaucratie. Mais la bureaucratie, aux accidents du travail, c'est utile aux travailleurs, la bureaucratie dans les hôpitaux, c'est utile aux travailleurs. Partout où il y a quelqu'un, un fonctionnaire, qui rend service à un citoyen, la bureaucratie, elle est utile, et c'est parce que les compagnies ne l'ont pas fait que nous devons le faire. Si, de leur propre chef, elles l'avaient fait, on ne le ferait pas. Ou si la fameuse incitation, qui est la grande théorie libérale, incitez-moi et je vais le faire, si je le veux! C'est ça, la démocratie à la libérale. Incitez-moi ou excitez-moi, peu importe. Avec cette loi, nous disons: Vous allez le faire. "You are going to do it", parce que la loi le dit. Vous allez protéger les travailleurs et, deuxièmement, les médecins ne seront plus à votre solde mais seront au-dessus de tout soup- çon, ce qui va améliorer aussi, par la bande, les rapports qui existent entre les travailleurs des entreprises et l'entreprise. Nous allons aussi mettre ensemble des gens qui, peut-être, ne se parlent pas souvent de ces problèmes, qui, peut-être, sont comme chiens et chats autour d'une chose sur laquelle il ne devrait pas y avoir de conflit au sein d'une entreprise, la santé et la sécurité.

Je sais que certains de mes amis demandent combien de temps il me reste, parce que ça les inquiète. J'arrête tout de suite, M. le député... Non...

M. Gratton: S'il vous plaît!

M. Godin: Mais avant de terminer, je veux dire que, s'il existe encore des libéraux qui ont des remords, ils peuvent suivre l'exemple de certains d'entre nous ici et s'abstenir ou voter contre, contre la ligne de leur chef, je veux dire, et nous allons les respecter encore plus qu'on les respecte jusqu'à maintenant.

Merci beaucoup!

Le Vice-Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, en vertu de l'article 96, je ne vais pas essayer de rétablir les faits à la suite de la déformation que le député a faite, mais je veux soulever un seul point pour le ministre. J'ai dit que l'incitation ne marcherait pas. Ce n'est pas une question d'incitation. Je suis contre, je l'ai dit, vous le verrez dans le journal des Débats, pour prouver le contraire de ce que le député a dit au sujet de mes paroles. (0 h 10)

Je veux répéter au ministre les deux points que je lui ai suggérés, je pense que le premier est très important. J'ai simplement suggéré...

M. Godin: M. le Président...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plait! L'article 96 est peut-être l'article le plus populaire de notre règlement et vous devez rectifier des faits qui auraient été mal interprétés par un des orateurs qui vous a suivi et vous devez le faire brièvement, sans soulever de débat.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Ma suggestion, M. le Président, était que, dans le cas des compagnies ou des secteurs où il existe déjà des systèmes de sécurité développés, vous devez trouver les moyens de leur permettre de présenter leurs systèmes et de les approuver, même si ça ne correspond pas exactement à ce qui est visé dans le projet de loi.

Des Voix: A l'ordre!

M. de Bellefeuille: Question de règlement, M. le Président. Auriez-vous l'obligeance de me dire comment il se fait que le député de Notre-Dame-de-Grâce fait un deuxième discours dans le même débat?

M. Gratton: L'article 96...

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y aurait d'autres députés qui voudraient intervenir sur la loi 17? M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. Après avoir écouté certaines interventions du côté ministériel, j'ai presque l'impression d'être en train de me lever pour parler contre la vertu et, de façon peut-être à tâcher de susciter quelques applaudissements à mon endroit de la part des ministériels, je dirai tout de suite que je serai le dernier intervenant de l'Opposition officielle dans ce débat.

Le député de Mercier nous citait tantôt un livre américain dont le titre est "Work is Dangerous" — c'est ça? — to your Health". Je pourrais peut-être lui faire remarquer que "Work is also fascinating, which is probably why so many people sit there and watch it all day."

Je ne représente aucun intérêt particulier dans ce débat. Je ne représente pas le Conseil du patronat, je ne représente pas les multinationales, ni celles qui ont contribué à des caisses électorales, la nôtre ou celle du Parti québécois, ni celles qui n'y contribuaient pas. Je me lève simplement pour représenter les intérêts de mes électeurs, parce que ça peut en surprendre certains de ce côté-là, le fait d'être un député libéral n'empêche pas le fait n'est pas inconciliable avec le fait que je représente moi aussi en cette Chambre des travailleurs.

Il me semble que prêter les intentions que certains intervenants du côté ministériel ont prêtées aux membres de l'Opposition officielle, en prétendant, par exemple, comme le député de Duplessis, que, si nous votons contre le projet de loi no 17, c'est que nous n'osons déplaire à des multinationales ou à des intérêts particuliers, je pense que ce n'est pas digne ni du député de Duplessis ni de l'ensemble des députés de cette Chambre.

Je pense que les intervenants du Parti libéral, le député de Portneuf en particulier, le chef de l'Opposition officielle, aussi bien que le député de Charlevoix et tous les autres députés de l'Opposition, ont indiqué les raisons profondes qui nous amènent, de la façon la plus sincère, la plus honnête, la plus ouverte possible, à voter contre l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture. Et, je le répète, ça semble être nécessaire, parce que le député de Mercier, le dernier intervenant du côté ministériel, a repris les mêmes questions, a repris les mêmes accusations. Nous ne sommes pas contre la sécurité et la santé des travailleurs. En fait, qui pourrait l'être? Nous ne sommes pas contre non plus certains des principes qui sont contenus dans le projet de loi no 17, par exemple, le droit de retrait préventif.

Je pense que plusieurs collègues du Parti libéral l'ont dit clairement. Il est inutile d'essayer de colporter que le Parti libéral s'oppose à cela, pas plus, M. le Président, que nous nous opposons à la participation des travailleurs et des employeurs comme le préconise le projet de loi no 17 dans la protection maximale de la sécurité et de la santé au travail. On ne refuse même pas, M. le Président, loin de là, d'appuyer ce principe, que contient le projet de loi no 17, du droit de refus d'un travailleur de faire un travail qui compromettrait sa sécurité, son intégrité physique, sa santé. Je dirai par contre au ministre parrain du projet de loi, ce qu'il disait dans son discours de ce matin, que personne n'oserait penser, qu'on va abuser du droit de refus.

Je dirai, M. le Président, que personne non plus ne s'attendrait à ce qu'on abuse du droit de grève par exemple. Je pense au secteur d'Hydro-Québec, je pense à la grève qui sévit présentement à Hydro-Québec. Je suis sûr que personne, lorsqu'on a accordé le droit de grève aux employés d'Hydro-Québec, personne, lorsqu'on a tenté par des lois et des réglementations d'assurer les services essentiels, ne s'attendait à ce que des abonnés d'Hydro-Québec, dans les conditions climatiques que l'on connaît présentement, soient privés d'un service aussi essentiel que l'électricité pendant quatre, cinq ou six jours. Et pourtant, c'est ce qui se produit présentement.

Donc, M. le Président, je mets le ministre en garde. Les bonnes intentions, les beaux principes, on peut tous y souscrire, mais dans la pratique cela ne donne pas toujours les résultats escomptés. On parle, avec raison, M. le Président, de l'urgence pour le gouvernement d'intervenir et c'est justement parce que c'est urgent que nous considérons que le projet de loi no 17, dans sa formulation actuelle, ne répond pas à cet état d'urgence. C'est essentiellement cela notre objection, M. le Président. C'est justement parce que la situation est urgente dans des secteurs particuliers, il me semble qu'on l'a répété assez souvent au cours de ce débat, ce n'est pas l'ensemble des travailleurs qui travaillent dans des conditions dangeureuses, dans des conditions insalubres. Je pense bien que personne ne va s'attendre à ce que nos fonctionnaires provinciaux, fédéraux, municipaux aient besoin des mêmes règles de sécurité et de santé que ceux qui travaillent dans la construction, par exemple. Les femmes de chambre dans les hôtels, les serveuses et les serveurs dans les restaurants n'ont pas besoin des mêmes règlements, des mêmes normes que les personnes qui montent dans les édifices pour laver les vitres, par exemple.

M. le Président, c'est de cela qu'il s'agit, d'identifier les secteurs où le gouvernement se doit d'agir de façon prioritaire. On les connaît. Le député de Rimouski parlait tantôt du fait que, un tiers, un travailleur sur trois dans le secteur forestier est victime d'accident de travail. C'est là probablement, non seulement probablement, mais sûrement, que le gouvernement devrait d'abord agir, non par le biais du projet de loi no 17, M. le Président, en en faisant une loi-cadre, une loi qui veut couvrir tout. Nécessairement, on va également couvrir — et je le donne à titre d'exemple — la distribution du gaz naturel. Il y a trois compagnies, M. le Président, qui distribuent du

gaz nature! au Québec, qui, j'en suis sûr, dans les trois cas, ont un excellent dossier de sécurité et de santé au travail et pourtant lorsqu'on parle de distribution de gaz naturel on parle d'un élément fort dangereux, pour ne pas dire explosif, M. le Président, on parle de techniques très spécialisées que les employés de ce secteur doivent connaître, que les employés de ce secteur doivent utiliser dans leur travail quotidien. (0 h 20)

Pourtant, M. le Président, j'ai eu le plaisir de travailler moi-même à la Société Gazifère de Hull qui, chaque année, et j'imagine que c'est encore le cas, reçoit des honneurs de l'Association de prévention des accidents industriels, presque chaque année, pour son excellent record de sécurité, pour les excellentes innovations que cette firme a faites non seulement pour maintenir et pour assurer la sécurité et la santé de ses employés, mais aussi pour prodiguer des cours de premiers soins, des cours même de bonne conduite automobile. Ces gens-là le font d'abord parce qu'ils considèrent qu'ils ont une responsabilité morale et le font à titre de bons citoyens corporatifs.

Il est faux de prétendre, comme j'ai entendu certains députés le faire du côté du Parti québécois dans ce débat, que les multinationales, que les grosses compagnies, que les entreprises, bref, ne pensent d'abord qu'à leurs investissements. C'est sûr que c'est une considération très importante et que Dieu soit loué parce qu'on ne pourrait pas fonctionner autrement! Mais, justement, la rentabilité d'une entreprise est souvent affectée directement par son bilan de sécurité. D'ailleurs, si les cotisations à la Commission des accidents du travail étaient basées plutôt sur le record de l'entreprise que sur l'ensemble du secteur, je suis sûr qu'on aurait là une motivation que les entreprises n'ont présentement pas en devant toutes payer les mêmes cotisations.

Je dis donc que c'est parce que la situation est justement urgente que nous croyons, de ce côté-ci de l'Assemblée, qu'on doit procéder par secteurs prioritaires, en les identifiant d'abord — et ce n'est pas très compliqué à faire — en formulant ensuite les éléments de solution et en prenant les moyens concrets de les faire appliquer, ce qu'il sera impossible à cette commission omniprésente, à cette commission polyvalente de faire partout, en même temps. On nous a dit: La commission pourra elle-même fixer ses priorités. Je pense que le gouvernement abdique ses responsabilités, si c'est là son but de laisser une commission décider des secteurs prioritaires.

S'il est urgent d'enrayer le trop grand nombre d'accidents chez les travailleurs, d'enrayer, par exemple, les quelque 200 décès causés par des accidents du travail chaque année, il doit être encore plus urgent d'éliminer les causes des quelque 1725 accidents mortels que la route a causés l'an dernier, lequel chiffre passera, selon les prévisions, à au-delà de 2000 pour 1979. On n'a pas besoin d'une loi-cadre, M. le Président. On l'a vu, le gouvernement a déposé un avant-projet du Code de la route dans lequel on retrouve certaines dis- positions nouvelles qui sont de nature à améliorer la sécurité routière.

Mais M. le Président, tout de suite, sans attendre le dépôt d'un nouveau Code de la route, sans attendre qu'on le débatte ici à l'Assemblée nationale, on pourrait tout simplement mieux appliquer le port obligatoire de la ceinture de sécurité. Le député de Charlevoix y a fait allusion; on a constaté, au cours d'une période de six mois où on a mieux appliqué cette règle, une diminution très importante non seulement du nombre d'accidents mortels, mais aussi des blessures. Malheureusement, par manque d'une volonté politique de faire appliquer les règlements, les lois qui existent déjà, comme dans le secteur de la sécurité des travailleurs, on a encore le record déplorable, le championnat des accidents routiers.

C'est la même chose dans le cas de la sécurité des travailleurs, M. le Président. Qu'on commence par le commencement, en fait; qu'on commence par agir là où il y a urgence. Qu'on n'exige pas de la commission qu'elle soit partout en même temps et qu'on laisse surtout ces entreprises, qui ont déjà des programmes de sécurité, qui ont déjà un bon bilan de sécurité, tout simplement continuer leur travail, pendant que nous nous acharnerons dans ces secteurs prioritaires.

De cette façon, M. le Président, je pense qu'on atteindra beaucoup mieux, beaucoup plus rapidement, beaucoup plus efficacement l'objectif que nous, de ce côté-ci de la Chambre, partageons avec le gouvernement, c'est-à-dire d'assurer la protection maximale, tant de la sécurité que de la santé des travailleurs.

Je dirai à ceux qui nous prêtent des intentions que moi et tous mes collègues sommes très sincères en pensant que la façon préconisée par le gouvernement, dans son projet de loi no 17, n'atteindra pas l'objectif. En fait, j'admettrai, M. le Président, qu'on puisse se tromper en pensant ça et on le souhaite presque; on souhaite presque de se tromper pour le bien-être des travailleurs, mais, malheureusement, je crois plutôt qu'au contraire on se rendra compte, dans les mois, dans les années qui viendront, que ce souci ou ce désir d'avoir une loi-cadre, d'agir partout en même temps, bien que noble, bien que bien intentionné, n'aura malheureusement pas le résultat espéré tant par le ministre que par les députés de ce côté-ci de la Chambre. Je ne le souhaite pas, mais c'est ce qu'on s'est acharné à faire valoir, aujourd'hui tout au cours de ce débat, c'est ce que nous pensons sincèrement et, M. le Président, c'est ce qui nous motivera à voter, en deuxième lecture, non pas contre le principe de la sécurité et de la santé des travailleurs, mais bien contre les mécanismes que propose le gouvernement dans son projet de loi no 17, pour assurer cet objectif.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, je vais vous rassurer tout de suite en vous disant que loin de moi

l'intention d'utiliser l'heure que le règlement me permet. Je vais vous dire très franchement, je n'avais même pas prévu d'intervenir, pour l'excellente raison et la seule au fond, c'est que je n'avais même pas prévu que l'Opposition nous offrirait le spectacle désarmant et déplorable qu'elle nous a offert depuis le début de ce débat.

J'avais été, par mes fonctions, attentif au déroulement du débat en commission parlementaire, tout au cours de l'été. Je vous ferai remarquer que ce projet de loi est un de ceux qui ont reçu le plus grand nombre de mémoires, à partir de la loi 101 je crois, ce qui symbolise nettement son importance aux yeux de la population québécoise. J'ai laissé aller de très bon gré, je dois le reconnaître, avec la collaboration de tous, le déroulement de la commission, pour que tous et chacun puissent être entendus, étant donné l'importance précisément de ce projet de loi.

Si vous m'aviez demandé ce matin, M. le Président, au moment de la période de questions, ce à quoi je m'attendais le moins aujourd'hui, je vous aurai probablement dit, que le débat dure jusqu'à cette heure; parce que j'avais la conviction que le droit de refus — pour employer une expression à la mode — que pratique l'Opposition libérale sur les projets de loi, à bon gré, depuis quelque temps, qui peut être une tactique purement électorale de profiter d'une envolée ou une pseudo-envolée sur les municipalités, sur les garderies, ça va, ça donne une bonne image, ça fait semblant d'avoir le vent dans les voiles, mais je ne pensais quand même pas que ça avait atteint le degré de démagogie, d'inconscience et d'irresponsabilité que d'aller à voter contre le projet de loi que le ministre d'Etat au Développement social a présenté aujourd'hui.

J'avais des souhaits, par exemple, M. le Président, si vous m'aviez demandé de souhaiter quelque chose au cours de ce débat, dont j'ai dû largement m'absenter, parce qu'il coïncidait avec une réunion du Conseil des ministres qui a duré jusqu'au milieu de la soirée. Si je vous avais donné mon premier souhait, dans le cadre de ce débat — je dois reconnaître que les deux Oppositions nous ont fourni l'occasion de le dire, c'est qu'à mon avis c'était un "must", comme on dit. (0 h 30)

Je souhaitais qu'on reconnaisse que le ministre d'Etat au développement social, le député de Laviolette et le député de Joliette-Montcalm en particulier, vous-même, M. le Président, à une certaine période avant votre nomination, comme le ministre parrain du projet de loi a voulu le souligner ce matin, j'y ajoute aussi d'autres collègues qui ont donné leur coup de main en cours de route, ceux-là, entre autres, que le député de Laporte appelait ce matin les pilotes et les copilotes du projet de loi, ont fait un travail plus que remarquable. Je dis plus que remarquable parce que c'est l'aboutissement d'un désir que moi je connais depuis que je suis dans la vie publique québécoise, c'est-à-dire depuis dix ans.

Quand j'ai commencé et que j'ai rencontré, dans le cadre de mon métier, des travailleurs, plus d'un arrivait pour me poser la question à laquelle je n'avais pas de réponse — je vais vous le dire bien franchement — qui était de nous dire: Veux-tu bien m'expliquer pourquoi moi de Sept-lles, moi de Chicoutimi, moi de Longueuil ou moi de Valley-field, je suis obligé de faire la grève pour des choses qui devraient m'être normalement acquises. Peux-tu m'expliquer comment il se fait que je suis obligé de sortir pour revendiquer un droit qui m'apparaît fondamental, celui de pouvoir gagner ma vie en santé et en sécurité, que je parte le matin pour m'en venir ici, sans que ma femme s'inquiète, sans que mes enfants me demandent si je vais revenir le soir et sans que personne ne se demande si je vais me détériorer en m'en allant? Veux-tu m'expliquer comment il se fait — et ils me l'ont demandé en 1970, en 1973, en 1976 — que je suis obligé de me priver de mon salaire, obligé de paralyser l'entreprise dans laquelle je travaille, pour faire comprendre qu'il faut que j'obtienne ces droits?

M. le Président, je n'avais pas la réponse à ce moment-là, sauf une, sauf de souhaiter que si un jour j'appartenais à un gouvernement du Québec, que ce soit moi ou que ce soit un autre, et qu'il se trouve dans le Conseil des ministres et qu'il se trouve dans l'équipe gouvernementale, une volonté de répondre — pas parfaitement, je les assurais d'avance que ce ne serait pas parfaitement et qu'il demeurerait toujours un terrain de revendications dans ce domaine — mais une volonté, une assurance, une détermination de travailler à faire que la base au moins de ce qu'ils appellent la santé et la sécurité au travail soit assurée par une loi qui assure tous les Québécois dans ce domaine. Et c'est le député de Laporte qui nous l'offre aujourd'hui, au sein de l'Assemblée nationale et c'est mon estime et l'appréciation de tous mes collègues que je veux lui offrir à ce moment-ci.

Pensant que c'était là objet d'unanimité, j'ajoutais même un constat. Nos collègues d'en face se sont faits forts, depuis un certain temps, ils ont senti qu'il y avait une manne électorale rattachée à cela. Le chef de l'Opposition, vertueux de circonstances à chaque fois que le vent s'y prête, a embourbé la trompette, chacun de ses acolytes suiveux a abondé dans le même sens. C'était celui des droits individuels. Celui qui va nous quitter à l'instant, M. le Président, nous inonde de chacune de ses interventions sur les droits de la personne et les droits individuels.

Puis-je rappeler à ceux qui nous font l'honneur encore de leur présence sur ce projet de loi important pour les Québécois — ils sont deux du Parti libéral et un de l'Union Nationale — ces trois députés de l'Opposition qui nous honorent encore de leur présence, qu'il sera un peu difficile de réclamer et d'invoquer les droits individuels à chaque occasion quand moi et d'autres, je crois, avons la parfaite conviction que celui dont nous traitons ce soir est précisément le droit numéro un de tous les droits individuels dans la Charte des droits et libertés de la personne, le tout premier. Tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la

sûreté, à l'intégrité physique et à la liberté de la personne. C'est de cela dont on parle ce soir. Cela a l'air bien anodin, bien sûr. Si on était en train de parler des droits de la minorité anglophone de D'Arcy McGee, ils seraient une meute en face de nous, M. le Président.

Nous sommes en train de parler du droit des milliers de travailleurs québécois qui, quotidiennement, usent leur santé, risquent leur vie et leur intégrité physique. Il n'est pourtant pas si tard, c'est le premier soir de la session où on dépasse minuit, mais nos collègues, férus de la liberté individuelle, nous ont quitté pour la liberté du lit, M. le Président.

Une Voix: Ils sont contre.

M. Charron: Hélas! il sont contre, comme on nous le dit actuellement. Ils préfèrent la bassesse électorale de se camper dans l'Opposition. Je souhaite seulement que cette attitude soit, pour l'ensemble de nos concitoyens québécois, un avant-goût de ce que voudrait dire un retour libéral. On voit très bien qu'ils n'ont pas changé.

A part le financement démocratique qu'une loi votée par le Parti québécois les oblige maintenant à faire, à moins d'être dans l'illégalité, à part quelques principes vertueux affichés, quand on touche au fond, quand on va au coeur de ce qu'ils sont et de la sorte de gouvernement qu'ils souhaitent, y compris les transfuges du Parti québécois qui s'y regroupent, M. le Président, tous ces gens-là travaillent au fond pour la même chose. Ils visent tous la même chose, que cela ne change pas. Coup sur coup, en dedans d'une semaine, ils nous ont dit: La fiscalité des municipalités, si on est pour choisir le projet du Parti québécois, on aime mieux que cela ne bouge pas. Qu'ils restent dans leur trou. On vote contre le principe. On vote même contre l'idée. Autrement dit, si on suivait leur conseil, on ne veut même pas aller étudier article par article en commission, cela ne nous intéresse pas. On aime mieux que cela reste comme c'est là, plutôt que le programme du Parti québécois. On leur propose jeudi: Qu'est-ce que vous diriez d'un Office des services de garde? C'est un problème important. On est à mi-chemin, à peu près, de ce que l'Ontario a réalisé pour qu'on puisse ouvrir des portes.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquiè re): M. le député de Gatineau.

M. Charron: Oui, je connais la question de règlement, d'accord.

M. Gratton: On sait que vous la connaissez tous d'avance.

M. Charron: Je vais m'y conformer.

M. Gratton: Je voulais simplement que vous rappeliez, au leader du gouvernement, qu'il ne s'agit pas d'un débat sur un discours inaugural, ni sur un discours du budget, qu'il s'agit d'un débat de deuxième lecture sur le projet de loi no 17, la sécurité des travailleurs.

Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquiè re): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je me soumets à ce que voulait tenter comme question de règlement le député de Gatineau. Je n'écarte pas le débat. Je dis seulement, parce que je l'ai vécu avec tout le monde, et que, coup sur coup, sur semaine, on préfère se camper dans le refus sur des votes importants. Que cela reste plutôt tel quel, plutôt que d'aller dans ce qu'offre le Parti québécois. Cela a été vrai pour les municipalités et cela a été vrai pour les garderies. J'arrive à la pertinence du débat ce soir. Que cela reste comme cela. Autrement dit, si on devait appuyer l'attitude que nous a décrite le Parti libéral déjà qu'il va prendre au moment du vote, demain matin... Abandonnons ce sujet. Si le ministre et d'autres ont travaillé depuis des mois là-dessus pour aboutir à ce qui est dans le projet de loi no 17, abandonnons. Nous croyons, nous du Parti libéral, qu'il vaut mieux, pour la société québécoise, au point de vue santé et sécurité au travail, rester dans le statu quo, attendre que nous formions le gouvernement et que nous sortions notre invention à nous, mais jamais aller dans le sens de la commission ou dans le sens de la prévention ou des agents de sécurité qui sont prévus dans les chapitres du projet de loi no 17, non plutôt tel quel, qu'on nous propose.

Je voudrais bien qu'on sache au moins ce qu'ils nous proposent en contrepartie. Le jour où, disent-ils, le pouvoir leur tombera inévitablement entre les mains et qu'ils seront appelés à travailler sur la santé et la sécurité au travail, nous ne le savons pas et nous avons bien des doutes d'avoir des doutes, M. le Président, parce que, pendant six ans, à les avoir observés, ils n'ont pas agi dans ce domaine-là. De nous dire que, demain matin, ils agiraient... sous quel principe? A quelle fonction? Même la députée de Prévost qui nous faisait cette remarquable première intervention, ce soir, en demandant que la loi soit encore plus sévère et plus à gauche et le député de Saint-Laurent qui nous dit que la loi est trop bureaucratique et trop technocratique, et que, en ce sens, on devrait laisser les libres lois du marché, c'est-à-dire la sauvagerie purement et simplement s'appliquer, comment pouvons-nous déceler dans la seule intervention de ces deux ténors de l'Opposition officielle ce que serait la ligne de conduite du Parti libéral? Mais non, on est contre. Nous, c'est non. Non à la fiscalité municipale, non aux garderies, non à la santé et à la sécurité au travail, le statu quo. (0 h 40)

Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait, ce soir: Qu'on me dise pas que je suis contre la santé et sécurité des travailleurs, parce que je vais voter

contre ce projet de loi. Non, M. le Président, je ne lui dis pas cela. Je sais très bien que ce serait exagéré. Que son attitude prête à cette interprétation, il le sait le premier, et qu'il ne se surprenne pas que, par ailleurs, et ailleurs qu'ici, ce soit interprété de cette façon. C'est vrai que l'attitude d'un député lors de la deuxième lecture ne veut pas dire nécessairement qu'il est contre le sujet même de cette affaire. Mais quand on est pour, tout en étant contre, le minimum d'honnêteté — pour montrer qu'on est pour l'objectif, mais contre la modalité préconisée par le gouvernement dans sa loi, c'est de présenter une contre-proposition. Ou alors, on a fait de la fumisterie et on a filé à l'anglaise sur le sujet, c'est-à-dire qu'on n'est pas allé assez loin et qu'on n'a pas voulu décrire ce qu'on voulait.

J'ai bien compris tous les atermoiements que peuvent avoir les députés de l'Opposition. Le dernier intervenant, le député de Gatineau gonflant et prenant la parole au nom des travailleurs de sa circonscription, nous a dit: On souhaite presque — je l'ai pris en note — que le projet de loi du député de Laporte et ministre d'Etat au Développement social réussisse. Mais, M. le Président, avez-vous vu les larmes de crocodile en même temps. On souhaite presque! Quand on souhaite presque qu'un projet de loi réussisse — le député de Gatineau est ici depuis à peu près aussi longtemps que moi, sauf quelques mois— on vote pour son principe et on s'en va travailler comme un démon, par la suite, pour le bonifier et l'améliorer. Quand on souhaite presque qu'un projet de loi réussisse, on ne se cadre pas dans une opposition qui signifie, à toutes fins utiles: Je préfère ce qui existe actuellement que ce qui adviendrait si la loi devait être appliquée. C'est exactement ce qu'a fait le député de Gatineau.

M. le Président, je veux conclure ces remarques au nom de mes collègues pour vous dire tout de suite que je prélève d'une attitude négative comme celle qu'offre le Parti libéral une indication bien sombre de ce que voudrait dire pour eux et par eux l'administration de la santé et sécurité des travailleurs. Le ministre d'Etat au Développement social, dans son intervention, nulle doute trouvera-t-il, dans quelques instants, le moyen plus légitime que jamais, étant donné tout ce qu'il a entendu aujourd'hui, de le répéter. Contre le projet de loi, actuellement, je connaissais deux groupes, férocement contre, c'était leur droit, ce sont les groupes patronaux les plus réactionnaires que la société comporte. Je ne dis pas "les patronats" parce que, effectivement, on l'a mentionné, le ministre d'Etat au Développement social a fait lui-même abondance de citations, à plusieurs endroits, c'est remarquable. C'est pourquoi la loi, dans ses dispositions, dit que là où les services de santé et sécurité, dans certaines entreprises, sont adéquats, ils doivent être maintenus, ils doivent être aidés. Je parle des représentants patronaux les plus réactionnaires pour qui, en n'importe quel cas, la santé des travailleurs est parmi les coûts de production, point, à la ligne, et si cela doit entrer en ligne de compte pour arriver aux profits, ça arrive. Je ne dis pas tous les patrons, je sais qu'on interviendra peut-être abondamment dans ce sens, mais personne en face ne peut nier que cela existe, je pense même que certains députés, ceux qui ont vécu la commission parlementaire savent que certains même d'entre eux se sont présentés.

Une Voix: Comme la ville de Montréal.

M. Charron: C'était désarmant, c'était désemparant, vous vous croisez les bras, vous vous demandez comment ça se fait que, là où d'autres entreprises, d'autres chefs d'entreprise intelligents, d'autres dirigeants patronaux ouverts et modernes ont fait un chemin considérable — le ministre a lui-même nommé des entreprises cet après-midi — comment se fait-il que, dans d'autres secteurs du monde patronal, des tire-bouchons du 19e siècle continuent à durer et à perdurer, appuyés par des amis politiques qui, à chaque fois qu'ils sont au pouvoir, se contentent de les engraisser? Mais ça existe. Ils sont contre le projet de loi. Ils seraient contre n'importe quelle modalité des projets de loi parce qu'ils sont contre la santé et la sécurité des travailleurs, point, à la ligne.

Il y avait un autre groupe aussi, jusqu'à ce jour, qui était férocement contre aussi. Ce sont eux que, aujourd'hui, le vice-président de la CSN appelle, dans le Devoir, les fascistes rouges. Ceux qui, pour des raisons de mobilisation politique en vue d'organigrammes un peu existentiels qu'ils ont dans la tête, ont réussi à s'infiltrer à travers des — le rapport est là et c'est le vice-président lui-même qui, non seulement le déplore, mais le condamne — ... se sont glissés au cours des mois où ont duré ces discussions et ces consultations avant le projet de loi qui est aujourd'hui présenté et qui ont manipulé ces organisations démocratiques de travailleurs qui méritent notre respect.

Il m'est arrivé il y a quelque temps, M. le Président, de parler de la faiblesse de certaines personnes. Cela a été malheureusement interprété par la suite, je me suis fermé la gueule, comme si j'avais dit qu'ils étaient intellectuellement faibles. Jamais dans cent ans! Quand je parlais de faiblesse, M. le Président, je parlais de faiblesse morale de ceux qui laissent s'installer cette gangrène dans des institutions démocratiques. C'est aujourd'hui le vice-président de la CSN lui-même qui nous donne raison. Mais, peu importe. Ces gens-là ont été contre depuis le début du projet de loi, parce qu'ils y voyaient une poigne. C'est vrai que c'est grave. C'est la vie, la santé, c'est un droit individuel fondamental, le tout premier. Ils sentaient bien que pour leurs opinions politiques, ils avaient là une manière de ramasser, de rabâcher et de mobiliser du monde. Ils l'ont fait. La CSN elle-même, aujourd'hui, le déplore, mais il reste qu'ils ont été, depuis le début de ce débat — personne ne rêve en couleur — on ne ralliera pas les non-inconditionnels à la santé et la sécurité des travailleurs et préfèrent le garder comme objet de ralliement politique, plutôt que de le voir comme une solution à moyen ou à long terme.

Il y avait ces deux groupes-là, et il y a déjà longtemps, M. le Président, que le Parti québécois a décidé, de l'un et de l'autre, d'en faire fi et de

fonctionner en fonction de la majorité des citoyens et des travailleurs québécois qui nous ont élus. Se joint aujourd'hui l'Opposition officielle qui, jusqu'à ces derniers temps — mais il faut croire que c'est déjà même plus aussi — représentait une bonne partie de la population du Québec et peut-être avait même réussi à rejoindre une partie des travailleurs même du Québec. Joli triumvirat, M. le Président, que celui qui nous est présenté aujourd'hui par cette opposition. Plus que déplorable, il est condamnable, parce que si, dans un côté, c'est le profit le plus exorbitant, de l'autre côté, la manipulation la plus éhontée, en face de nous, c'est l'électoralisme le plus bas que l'on retrouve, et quand on souhaite, en votant contre, que ce projet de loi soit relégué aux oubliettes et qu'on reste plutôt à la situation actuelle, c'est faire la face très rapide qu'on n'est même pas digne de diriger le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le ministre. M. Pierre Marois

M. Marois: M. le Président, je pense qu'il s'est passé aujourd'hui, ici, une chose — en tout cas, je n'ai pas une très longue expérience de la vie parlementaire; trois ans, ça paraît parfois très long, mais ça passe terriblement vite — et je n'avais jamais vu ça avant. Il s'est passé une chose extraordinaire, et les hommes et les femmes qui, dans près de sept heures, un peu plus de sept heures, s'en iront au travail, dans les diverses régions du Québec, rentreront au travail en se demandant s'il va leur arriver, à eux, ce qui est arrivé à leur voisin de table, à leur compagnon de travail il y a cinq jours, il y a un mois, il y a six mois, il y a un an, va leur arriver aussi. (0 h 50)

Ces gens-là, en écoutant certains députés de l'Opposition, et je tiens à dire certains députés de l'Opposition, parce que je ne peux pas m'empêcher de le noter, je ne partage pas nécessairement leur avis, mais il y a certains députés qui l'ont fait encore une fois avec énormément d'honnêteté.

Je tiens à signaler l'intervention du député de Portneuf, je sais que ça n'a pas dû être facile pour lui de vivre ce qu'il vit ces jours-ci. Le député de Charlevoix aussi a maintenant la même approche, la même maturité, la même conscience aussi dans le débat, qu'il l'a fait tout au long des travaux de cette commission.

Je dis bien que ces hommes et ces femmes qui vont s'apprêter dans quelques heures à retourner au travail ont entendu comme moi, comme mes collègues ici à l'Assemblée tout au long de cette journée, l'intervention de bon nombre de députés. Ils ont alors découvert une chose absolument extraordinaires: la santé et la sécurité des hommes et des femmes au travail, cette idée fondamentale qu'une fois pour toutes on commence vraiment à faire valoir, qu'on arrête d'en placo-ter, cela fait 20 ans que j'en entends parler et je dis qu'on commence à s'attaquer à la racine même des mots, aux causes même d'accidents et de maladies. Mais ces gens-là vont venir de découvrir une chose extraordinaire, que certains de leurs représentants à l'Assemblée nationale viennent de leur dire, dans leurs interventions, que la meilleure façon de les protéger, la meilleure façon, c'est de voter contre, de dire non à une réforme fondamentale qui leur reconnaît des droits nouveaux qu'ils n'ont pas dans la très grande majorité des cas.

La meilleure façon de les protéger, nous ont dit une batterie des députés des Oppositions, c'est de dire non au droit de refus, c'est de dire non au retrait préventif, c'est de dire non à des pouvoirs qu'on reconnaîtrait aux hommes et aux femmes qui sont au travail, à leurs représentants, quand ils sont syndiqués, c'est de dire non au fait qu'ils aient du temps de libération, un minimum de permanence pour commencer à établir un minimum d'équilibre dans cette société, quand on vote contre le principe d'une loi, ce qui est le débat de deuxième lecture.

J'en ai entendu de toutes les couleurs aujourd'hui, des "suggestionnett.es", des "amélioration-nettes". Seulement pour le faire, pour pouvoir simplement, si on a un minimum de sens des responsabilités et de logique, pouvoir examiner ces modalités, encore faut-il pouvoir dire oui en deuxième lecture et, alors, aller après en commission parlementaire regarder en détail chacune des propositions d'amendements.

Or, ces députés-là nous ont dit: Non, fermons les livres, c'est non. Et, par ailleurs, en même temps, M. le Président, vous m'expliquerez la logique, vous l'expliquerez en même temps aux hommes et aux femmes qui, comme je l'évoquais, dans quelques heures retourneront au travail. Vous expliquerez la logique de propositions comme celle-là.

La meilleure façon de les protéger, la meilleure façon de leur reconnaître des droits, la meilleure façon d'en arriver à s'attaquer aux causes mêmes d'accidents et de maladies, c'est de dire non. Pas de loi. Statu quo. Ne bougeons pas, laissons les choses telles qu'elles sont. Incitons, comme l'a évoqué si bien le député de Mercier, incitons. Il y a longtemps qu'on regarde le résultat de l'incitation, et le résultat est là.

Je pensais que j'avais tout vu, M. le Président, après trois ans, le meilleur et le pire, mais je n'avais pas tout vu, parce que je pense qu'aujourd'hui, à la lumière de certaines interventions, il y a des masques qui sont tombés. Je ne suis pas étonné, je ne suis pas renversé, je ne suis pas indigné, je suis révolté.

La députée de Prévost, M. le Président, dans son intervention, m'a reproché d'avoir été trop sensible. Peut-être qu'il faudrait rester complètement froid devant le fait qu'il y a plus de 200 hommes et femmes qui continuent à décéder au travail. C'est ce que nous suggère la députée de Prévost? Je ne suis pas d'accord. C'est fondamentalement immoral, irresponsable et inhumain que de ne pas réagir tout simplement comme un être humain face à des faits comme ceux-là alors qu'on les connaît, qu'on connaît maintenant les causes, qu'on connaît les moyens de corriger cela, parce

qu'on n'invente pas les boutons à quatre trous. Il y a d'autres sociétés qui sont passées par là avant nous et les résultats sont là, ils sont concrets. On connaît les résultats que cela a donnés. Mais seulement cela a l'air, dans le genre: C'est bon pour les autres, mais ce n'est jamais bon quand il s'agit des hommes et des femmes qui sont au travail au Québec. Ce n'est jamais bon quand il s'agit des Québécois et des Québécoises qui travaillent.

Alors, le chef du Parti libéral, M. le Président, ça, vraiment, c'est le bouquet. Il a eu cette introduction absolument remarquable. Il nous a expliqué que sa formation politique, quand elle intervient sur un projet de loi, elle le fait avec beaucoup de sérieux. Ils regardent les dossiers. Ils fouillent les recherches, les résultats des travaux. Ils regardent les données et alors, la position, le fait que le Parti libéral décide de dire non, non à la santé et à la sécurité des hommes et des femmes qui sont au travail, c'est un résultat pesé, mûri, le chef du Parti libéral lui-même nous l'a dit. Bien sûr, ce n'est peut-être pas normalement à moi de le faire... mais en même temps, dans la même lancée, il nous explique à quel point il est fondamentalement respectueux de la liberté de pensée de chacun.

A tout le moins, ce qu'on peut dire, c'est que le chef du Parti libéral a été terriblement injuste pour au moins deux des membres de sa formation politique qui sont ici à l'Assemblée nationale — qui y étaient, ils n'y sont plus — je les comprends, à leur place... Lorsqu'en commission parlementaire, le député de Portneuf, je crois, de bonne foi, honnêtement — parce qu'on a suivi les travaux, un certain nombre d'entre nous, on était là — disait, et je le cite comme d'autres de mes collègues l'ont fait, mais je pense que cela vaut la peine d'y revenir: "Le Parti libéral du Québec va donc, M. le Président, donner son appui au principe du projet de loi no 17, lors de l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture." Est-ce que le chef du Parti libéral a voulu dire que dans le cas du député de Portneuf et son collègue de Charlevoix, qui étaient en commission parlementaire, lorsqu'ils sont intervenus à ce moment-là, n'avaient pas fouillé les dossiers, qu'ils parlaient à travers leur chapeau? Ou bien a-t-il voulu indiquer qu'ils n'avaient pas encore eu d'indications précises de "la" pensée du Parti libéral? Regardons-là "la pensée" du Parti libéral, mais là je pense que je vais avoir besoin de votre aide, M. le Président, pour démêler cela.

Je pense que les hommes et les femmes qui sont concernés directement par le projet de loi vont aussi avoir besoin de l'aide de je ne sais pas qui, mais cela donne ceci. En ligne: la députée de Prévost nous dit qu'il faut une loi plus musclée, une loi qui implique des sanctions plus sévères. Le député de Portneuf, nous dit: La loi est de portée trop universelle, il faut absolument établir des secteurs prioritaires d'action. Et il nous dit: Que le gouvernement établisse des secteurs prioritaires, que le gouvernement le fasse. C'est dans les genre des ayatollahs, on va descendre et venir vous expliquer comment cela va marcher et définir pour le monde toutes les priorités, tous les détails. Que le gouvernement précise les priorités. (1 heure)

Troisième volet, le député de Saint-Laurent, alors que le député de Portneuf demande que le gouvernement intervienne, affirme que cette loi est inacceptable, "parce qu'elle a pour effet de confier à l'Etat la totalité des responsabilités et des initiatives en matière de santé et de sécurité au travail."

Un nous dit: "Plus musclé", l'autre nous dit: Que le gouvernement intervienne et le troisième dit: C'est épouvantable, parce que c'est littéralement une main basse de l'Etat, qui prend en charge la totalité des responsabilités et des initiatives en matière de santé et de sécurité.

Aidez-moi à trouver la cohérence là-dedans, M. le Président, je pense qu'on a besoin de la chercher drôlement. C'est le premier morceau. Essayez de réconcilier ça avec aussi cette approche fondée sur la liberté de pensée, l'approche démocratique. Je ne sais pas quelle sorte d'image ça donne, l'impression que ça m'a laissée, l'image qui m'a trotté dans la tête toute la journée en écoutant ça et en voyant débouler les morceaux, c'est presque l'image... j'ai pensé à un moment donné, c'est la foire. C'est dans le genre du parc Belmont. A peu près.

Mais ce n'est pas la foire, M. le Président. Il y a quelque chose d'autre, de bien plus précis que ça, derrière tout ça. Qu'est-ce qu'ils nous proposent? Même pas le programme du Parti libéral de 1976, comme l'a cité tantôt le député de Rimouski qui, pour l'essentiel — il recoupait le nôtre d'ailleurs — se retrouve intégralement dans le projet de loi. Pas du tout. On ne retrouve plus ça, alors que le projet de loi 17 intègre ce qui était proposé là. C'est non, cela non plus. Donc, ce qui était la pensée n'est plus la pensée non plus.

Une Voix: La caisse électorale.

M. Marois: Mais ça, ce n'est pas assez, alors, on nous a ajouté d'autres arguments pour justifier le non. On nous a dit: Vous savez, ça va être effrayant, parce que les services de santé, imaginez-vous donc, les services publics vont être impliqués, les départements de santé communautaire mis sur pied et auxquels ont contribué directement, dans toute la batterie, les CSS, CRSS, CH, DSC, CLSC, le député de Saint-Laurent lui-même, au moment où il était au gouvernement, on met à contribution, un département de santé communautaire. C'est la vision de fin du monde ou à peu près.

Or, c'est là, dans les faits, et déjà des départements de santé communautaire ont commencé, depuis un bon moment, à s'occuper du dossier de la santé et de la sécurité au travail. Nous, on dit qu'on va partir d'une lecture de la réalité, des faits, des initiatives, du potentiel positif qui est là, pour essayer enfin de débloquer la perspective d'une véritable médecine du travail et de la santé au travail, qui cherche elle aussi à dépister, et pas seulement à corriger, au moment où il est trop tard.

On a dit: II faudrait procéder par priorité. Ou bien ceux qui affirment une chose comme celle-là n'ont vraiment pas eu le texte de loi ou bien, alors, c'est carrément malhonnête, parce que le texte de loi, précisément, M. le Président, est formel, que ce soit pour les programmes de santé, j'aimerais bien que le député de Notre-Dame-de-Grâce écoute deux minutes, M. le Président, quand on parle, il n'écoute pas. C'est pour ça que, quand il intervient, par la suite, ça fait la démonstration de quelqu'un qui intervient tout croche, parce que les priorités, les secteurs prioritaires, précisément, c'est prévu dans le projet de loi. Je voudrais lui dire, en lui citant le passage, que la première fonction de la commission est "d'établir les priorités d'intervention en matière de santé et de sécurité des travailleurs, d'établir les priorités. "

Nous avions déjà, dans le livre blanc, à la page 271, établi et dressé la liste d'une hypothèse de secteurs économiques prioritaire d'interventions là où il y a eu les taux les plus élevés d'accidents et de maladies industrielles.

Mais nous n'avons jamais voulu l'imposer comme un gouvernement qui intervient d'en haut. Nous avons toujours fondé cette réforme sur l'idée — pour reprendre l'expression du député de Richmond — d'une table ronde de concertation de l'ensemble des agents socio-économiques et du gouvernement, c'est-à-dire la participation des représentants du monde patronal et du monde syndical pour que, avec le gouvernement, ensemble, on établisse des priorités, à partir d'une hypothèse qui est là. C'est évident que les programmes de santé ne peuvent pas être les mêmes, quand on parle des fonderies, que ceux qui pourraient s'appliquer, si c'était nécessaire, dans les caisses populaires, par exemple. Cela va de soi et c'est prévu comme tel dans le projet de loi. Il est bien certain que les problèmes sont sans commune mesure, ceux qui se posent dans le domaine forestier par exemple, dans le domaine minier, même dans le domaine de l'administration publique et parapublique, par rapport à ceux qui se posent dans certains secteurs de service.

Il est évident qu'il n'y aura pas des comités paritaires partout en partant, qu'il va devoir y avoir des priorités. C'est prévu dans le projet de loi. Alors l'argument tombe, M. le Président, cela ne résiste même pas, à l'analyse, deux minutes.

Et alors là, on a trouvé autre chose. On a dit: Le nivellement — je reprends textuellement — par la base. Cela va être effrayant parce que la santé et la sécurité vont être nivelées à la base. M. le Président, compte tenu des consentements qu'on a accordés, je pense qu'on me permettra de prendre quelques minutes de plus pour terminer.

Le nivellement par la base. Mais on va niveler quoi? Il y a 90% des 150 000 entreprises au Québec — et le député de Notre-Dame-de-Grâce n'écoute toujours pas, cela ne l'intéresse pas la réalité — qui n'ont pas le premier bout de commencement de services de santé. On nivelle quoi? Il n'y a rien. Il y a un médecin à temps plein pour 1500 entreprises. On nivelle quoi dans les 1499 autres? Il n'y a rien. Il y a 65% des hommes et des femmes qui sont au travail qui ne sont pas syndiqués. Quels services de santé ont-ils dans le domaine du travail? Quels droits ont-ils? Qu'est-ce qu'on nivelle? Ils n'ont rien.

Et même dans le cas d'entreprises où il y a des travailleurs qui sont organisés, qui sont syndiqués, dans un bon nombre de cas, ils n'ont à peu près rien. Ils sont dans des entreprises où il n'y en a pas de services de santé. Alors, qu'est-ce qu'on nivelle? Rien. Parce qu'il n'existe rien.

Pour la première fois, ces gens-là, par phases, par étapes, par secteurs prioritaires — tout ne pourra pas être fait en même temps — pour la première fois, enfin, des droits vont leur être reconnus, qui sont des droits fondamentaux. Pour la première fois, un certain nombre de services de base vont leur être accessibles.

Alors quoi? Le droit de refus? Le droit de refus, nous sommes pour. Mais on craint les abus. L'Association canadienne du textile, l'Association des manufacturiers canadiens qui sont venues témoigner en commission parlementaire à des questions très précises sur le nombre de cas d'abus, nous ont répondu très clairement et très franchement qu'elles n'en connaissaient pas. Et comme on l'a évoqué, ce n'est pas un droit syndical, c'est le droit d'hommes et de femmes au travail, avec l'accompagnement d'un représentant à la prévention, choisi par un syndicat, s'il y a un syndicat.

Pourquoi? Les hommes et les femmes qui sont au travail au Québec, les Québécois et les Québécoises, seraient-ils plus irresponsables que les autres ailleurs? Je ne pense pas. Je pensais et je voyais, en particulier, une des entreprises que j'ai visitées à l'occasion des tournées. (1 h 10)

A Mont-Joli, une fonderie, où il y avait deux usines une à côté de l'autre. J'avais dans ma poche le rapport d'inspection: 132 constats d'infraction, 132, un lieu dangereux, insalubre qui ne respectait pas les normes et les règlements de base et, comme par hasard, comme par miracle, le jour où on est passé là, ceux qui m'accompagnaient et moi, l'usine dangereuse en question était fermée uniquement pour cette journée-là. Les hommes et les femmes qui y travaillent... Même si on m'a refusé de pouvoir faire cette visite-là, comme j'ai pu le faire ailleurs dans un bon nombre d'entreprises aussi bien accompagné du représentant de l'employeur — on m'a refusé la présence du représentant du syndicat — j'ai également pu, par la suite, rencontrer le syndicat. Je me suis organisé en conséquence pour me faire dire une chose et constater une deuxième chose en lisant la convention collective. Ils étaient pourtant syndiqués et organisés. Le droit de refus, ils ne l'avaient pas. Les programmes de santé, vous pouviez toucher les chercher. Le retrait préventif, vous pouviez toujours le chercher encore plus. Ils n'avaient pas grand-chose pour ne pas dire rien dans ce domaine-là. Ils nous ont dit: Tâchez de venir plus souvent: 132 constats d'infraction. La seule façon de faire en sorte que ce soit un peu salubre pour nous autres, c'est que, quand vous

venez, ils la ferment pour une journée et on est payé pendant cette journée-là. C'est cela qu'il faut changer, corriger le mal là où il est. Quand on laisse entendre que, parce que les départements de santé communautaire interviendraient, que les services — on le laisse entendre — seraient donnés en dehors de l'entreprise, on sait fort bien que c'est inexact. C'est prévu dans le projet de loi que les services seront distribués dans l'entreprise même.

Quand je regarde la liste — je ne la reprendrai pas — quand je prends la liste de tout ce que le chef du Parti libéral a évoqué, en disant: D'accord, sur telle chose; d'accord, sur ceci; d'accord, sur cela qui sont essentiellement les principes fondamentaux du projet de loi, on aboutit à cette espèce d'incroyable logique de l'illogisme. Probablement que marcher la tête en bas et les pieds en l'air, c'est en train de devenir la logique, parce que, honnêtement, je ne comprends plus. Il conclut en disant: Non. Il dit: C'est épouvantable la norme de vingt. Ou bien il n'a pas lu le projet de loi lui non plus, ou bien alors il y a autre chose derrière, parce que la norme de vingt travailleurs dans les entreprises pour avoir des comités paritaires, c'est celle qui existe aussi dans les autres prpvinces. Il n'a pas mentionné — c'est pourtant précisément inscrit dans le projet de loi — que ces comités-là sont volontaires, à la demande des parties, sauf les cas où la commission... La commission, c'est qui? Encore une fois, c'est le monde patronal, le monde syndical et le gouvernement, ensemble. C'était la volonté qui ressortait de façon explicite. S'il y a eu un point de convergence important à l'occasion du premier grand sommet socio-économique au Québec, le premier du genre, c'était celui-là, cette idée de commencer à essayer d'apprendre ensemble à faire les choses ensemble. C'est cela qu'on a inscrit dans le projet de loi.

Quand, avec un certain mépris, je trouve, le chef du Parti libéral parle de la nouvelle Commission de la santé et de la sécurité en parlant d'un monstre, ce qu'il qualifie de monstre, c'est le fait qu'il y ait là des représentants du monde patronal, des représentants du monde du travail et des représentants du gouvernement. C'est cela qui est le monstre? Je trouve qu'il y a quelque chose, en tout cas, je crois, de méprisant. Encore là, par la suite, c'est la confusion la plus totale, le député de Portneuf, nous disant: Donnez plus de pouvoirs aux comités paritaires. On a retenu certaines de ces suggestions, des suggestions qui venaient d'autres d'ailleurs et on a inscrit plus de pouvoirs décisionnels aux comités paritaires dans la même envolée. Trouvez-moi la logique, Mme la Présidente. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a dit: C'est épouvantable; c'est la congestion, des espèces de visions de fin du monde. En Ontario — oui j'achève; j'achève, mais je vais quand même prendre les morceaux qui restent; je pense qu'on a été tolérant à l'égard du chef du Parti libéral —

M. Gratton: Vous avez besoin du consentement.

M. Marois: ... que je sache, ce n'est pas particulièrement une province qui est administrée par un parti dirigé par des Marxistes-Léninistes. Il y a précisément ces mécanismes-là. Pourtant, cela marche. C'est bon pour les autres, c'est bon pour la Sasketchewan, c'est bon pour l'Ontario. C'était bon dans le programme du Parti libéral en 1976 et ce n'est plus bon aujourd'hui. Je terminerai, Mme la Présidente...

M. Gratton: Question de règlement, Mme la présidente.

La Vice-Présidente: Sur cette question de règlement, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Mme la Présidente, le ministre a terminé son intervention depuis déjà quelques minutes. Pourrions-nous procéder au prochain sujet?

M. Charron: ... la même chose qui a été accordée au chef de l'Opposition, pour le parrain du projet de loi.

M. Gratton: Cela n'a pas duré une demi-heure, quand même!

Une Voix: Vous n'étiez pas là!

M. Gratton: Pardon! Je n'ai pas manqué une minute.

La Vice-Présidente: Je vous dirai simplement que, parce qu'un consentement a déjà été accordé, on ne peut pas présumer d'un nouveau consentement. Il y a maintenant une demande de consentement à ce que M. le ministre termine son intervention. Vous pouvez me suggérer le nombre de minutes, si vous voulez, ou bien me dire que vous n'acceptez pas.

M. Gratton: A la condition que le ministre puisse terminer dans une ou deux minutes, nous accordons volontiers ce consentement.

La Vice-Présidente: M. le ministre d'Etat au Développement social.

M. Marois: C'est effrayant, Mme la Présidente, comme l'Opposition est bien bonne! Je terminerai en posant simplement deux questions aux députés de l'Opposition, parce que je me demande comment les hommes et les femmes qui travaillent...

M. Lavoie: Question de directive! Le ministre nous dit qu'il va nous adresser deux questions. Est-ce que j'aurai le droit de répondre après la réplique du ministre?

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Vous auriez pu invoquer le règlement, M. le député de Laval et demander au ministre si vous pouviez l'interrompre.

M. le ministre.

M. Lavoie: Terminez.

M. Marois: Oui, je terminerai en posant et en laissant, si le député de Laval aime mieux, certains députés de l'Opposition réfléchir à deux aspects ou deux questions précises, parce que je me demande comment les femmes et les hommes qui travaillent vont réagir au fait que certains de leurs députés ont décidé de voter contre le principe même du projet de loi no 17, une loi qui vise essentiellement à éliminer les causes mêmes d'accidents et de maladie, à protéger la santé et la sécurité, l'intégrité physique. Je me demande comment les hommes et les femmes qui travaillent chez Ayer's McKonna, Aviation Electronic, Cana-dair dans le comté de Saint-Laurent vont réagir. Comment les gens qui travaillent chez Tricot Ayer's à Lachute, dans le comté d'Argenteuil, vont réagir, comment les gens qui travaillent au Papier Rolland, dans le comté de Prévost, vont réagir, comment les étudiants qui sont dans le secteur professionnel, qui pourraient bénéficier, où il y a bon nombre de cas d'accidents et de maladie, de cette loi, vont réagir aux propos tenus par la députée de L'Acadie. Comment les hommes et les femmes qui travaillent à la Johns Manville, du comté de Richmond, vont réagir à ces propos?

Je terminerai simplement en disant ceci: Quant à nous, le statu quo, maintenir les choses telles qu'elles sont, c'est non. Il est plus que temps que cela change. Nous sommes déterminés, comme gouvernement, à mener à terme cette réforme, à reconnaître aux hommes et aux femmes les droits qu'ils devraient avoir depuis de nombreuses années, qu'ils attendent, et qu'ils sont en justice et en droit d'obtenir dans les meilleurs délais et qu'il importe, au plus sacrant, de commencer à s'attaquer et à éliminer à la source les causes mêmes d'accidents et de maladie. Quant à moi, je sais que certains employeurs plus progressistes le veulent et que les hommes et les femmes qui sont au travail, non seulement le veulent mais y ont droit, et quant à moi, ils vont l'avoir.

La Vice-Présidente: Cette motion de M. le ministre au Développement social proposant que soit maintenant lu pour la deuxième fois le projet de loi no 17, est-elle adoptée? (1 h 20)

M. Charron: Mme la Présidente, serait-on consentant, de l'autre côté, à avoir un vote enregistré?

M. Lamontagne: Demain, tel que convenu.

M. Charron: Je ne peux pas résister à l'envie de voir l'Opposition en entier voter contre ce projet de loi, Mme la Présidente.

M. Lavoie: Je pourrais vous demander de faire respecter le règlement.

M. Charron: Je propose de remettre à...

M. Lavoie: Y a-t-il une deuxième réplique, Mme la Présidente?

M. Charron: En fonction du règlement...La Vice-Présidente : A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: En me prévalant du règlement, justement, je propose que le vote soit reporté à demain, après la période des questions, ou plutôt à tout à l'heure.

La Vice-Présidente: Ce vote sera enregistré, après les affaires courantes, au moment de la reprise de la prochaine séance.

M. Charron: Je voudrais donner un aperçu des travaux de demain, Mme la Présidente.

Demain, dans l'ordre, seront appelés les projets de loi no 69 — ce matin, plutôt, le 13 décembre — concernant les parcs, le projet de loi no 72, du ministère de l'Energie et des Ressources, le projet de loi no 78, de la sécurité dans les sports, le projet de loi no 48, la police et le projet de loi no 52, sur les contenants, qui sera le dernier de la journée. Comme aujourd'hui mardi, je m'en tiendrai demain au programme que j'ai annoncé ce soir.

Je propose l'ajournement jusqu'à dix heures.

M. Grenier: Le ministre pourrait-il nous informer également des projets de loi qui seront étudiés en commission parlementaire?

M. Charron: Le projet de loi no 17, après son adoption, sera déréfé en commission et le projet de loi no 57, qui a un billet de saison au salon rouge.

Ajournement jusqu'à dix heures.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Cette assemblée ajourne ses travaux à ce matin, dix heures.

Fin de la séance à 1 h 22

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