Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures douze minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles. M. le
ministre des Finances.
Commentaires sur le budget fédéral
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, hier soir, le ministre
fédéral des Finances a annoncé des changements aux
impôts et aux taxes fédérales qui impliquent une
augmentation nette des taxes des Québécois de près de $600
millions, soit $100 pour chaque homme, femme et enfant qui vit ici. Ce faisant,
Ottawa annule les deux tiers de toutes les réductions d'impôts et
de taxes qu'avec persévérance et à travers un
contrôle serré des dépenses le gouvernement du
Québec avait accordées aux citoyens d'ici depuis deux ans. Je
comprends les affres du nouveau gouvernement fédéral; M. Crosby a
hérité d'un énorme déficit, il cherche à le
réduire. On peut cependant comprendre, mais ne pas approuver.
A cause de la situation économique aux Etats-Unis, les
perspectives de l'économie canadienne ne sont pas brillantes.
Décréter une telle hausse de taxes à un pareil moment est
difficile à justifier. Le conservatisme fiscal, qui a influencé
tous les ministres des Finances depuis quelques années, n'a plus
guère de sens quand on s'attend pour l'an prochain à une
stagnation de l'économie. Les gestes qui viennent d'être
posés par Ottawa sont injustifiés et dommageables pour la
prospérité économique des citoyens, mais ils sont
particulièrement odieux pour le Québec. Lorsque le gouvernement
fédéral annonça son programme de crédit
d'impôts pour les intérêts payés sur les
hypothèques, il était clair que les citoyens du Québec
seraient ceux qui en tireraient le moins de profits.
Puisque la proportion de locataires est chez nous plus
élevée qu'ailleurs, à peine 17% des sommes
distribuées par le fédéral seront versées aux
Québécois, même s'ils représentent encore 27% du
nombre des Canadiens. Quel contraste d'ailleurs avec le crédit
d'impôt pour taxes foncières que le gouvernement du Québec
a mis en vigueur et que locataires comme propriétaires toucheront le
printemps prochain, à l'occasion de leur déclaration
d'impôt.
Les Québécois, qui ne sont pas égaux aux Canadiens
quand il s'agit de toucher l'argent du fédéral pour les
crédits d'impôt sur les intérêts
hypothécaires, deviennent miraculeusement des égaux quand il
s'agit de payer la taxe sur l'essence. Par cette taxe, Ottawa vient d'ailleurs
chercher au Québec tout ce qu'il lui accorde comme subvention pour les
importations de pétrole étranger. L'argument principal des
fédéralistes, c'est-à-dire que sans le gouvernement
fédéral les Québécois paieraient leur
pétrole au prix international, vient en pratique de disparaître.
Ce que nous n'avions pas payé aux ayatollahs doit maintenant être
payé à Ottawa.
Depuis un demi-siècle, la taxe sur les carburants a
été levée par les gouvernements des provinces pour
financer la construction et l'entretien des routes. En 1975, Ottawa s'est
servi, pour la première fois, du prétexte de la crise
pétrolière pour entrer dans le champ de cette taxe en
prélevant $0.10 le gallon. Le geste devait être temporaire et le
taux fut d'ailleurs réduit ensuite à $0.07.
Maintenant que le gouvernement fédéral a
décidé de rester dans ce champ fiscal, d'élever le taux
à $0.25, de l'étendre à des groupes que, jusqu'ici, il
n'avait pas taxés, tels les chauffeurs de taxi, les camionneurs, ainsi
de suite, ce gouvernement va percevoir davantage que ce que les provinces
prélevaient jusqu'ici. Nous devons toujours assumer fout le coût
des routes, mais le gouvernement fédéral se saisit des champs
fiscaux où nous opérions.
Qu'il ait besoin de l'argent, c'est bien possible. Les déficits
sont exigeants. Que l'on veuille augmenter le prix de l'essence pour en limiter
la consommation, cela, vu d'Ottawa, est certain, encore que très
aléatoire dans ses effets réels. Encore faut-il, si l'on veut
freiner, par la hausse des prix, l'augmentation de la consommation d'essence,
que l'on redistribue le produit de la taxe aux citoyens. Autrement, s'il s'agit
simplement de réduire le déficit des finances publiques, on se
sert de l'énervement de l'opinion publique autour des questions
d'énergie pour boucher des trous budgétaires qui pourraient
l'être par l'augmentation d'autres impôts plus visibles et donc
politiquement moins acceptables.
Pour avoir géré ses finances avec une certaine rigueur, le
gouvernement du Québec n'a pas besoin de cette taxe pour financer son
déficit. Advenant que pour des raisons d'économie
d'énergie, nous augmentions la taxe sur l'essence du même montant
que vient de le faire le gouvernement fédéral, que ferions-nous
du montant ainsi perçu? Nous le redistribuerions au public
intégralement. On pourrait, par exemple, réduire la taxe de vente
générale de 8% à 5% ou on pourrait réduire notre
impôt sur le revenu des particuliers de 12% ou on pourrait diminuer les
taxes foncières au Québec de près de 25%. De telles
réductions assureraient que l'expansion de l'économie du
Québec puisse se poursuivre sans les entraves qu'Ottawa veut lui
imposer. Au lieu de cela, Ottawa vient chercher $600 millions de plus au
Québec pour payer les subventions sur le pétrole dont on nous
dit, depuis quatre ans, qu'elles sont la principale raison de rester dans la
fédération canadienne.
M. le Président, j'ai l'intention de présenter une motion
demandant que cette Assemblée prie
le gouvernement fédéral de se retirer du champ de taxation
sur les carburants où il s'est ingéré en 1975, qu'il avait
abandonner et où il s'installe avec exubérance. Advenant qu'il
s'en retire, le gouvernement du Québec s'engage, pour éviter la
contrebande de carburant entre les provinces, à imposer la même
taxe, mais il s'engage aussi à en redistribuer immédiatement la
totalité du montant perçu sous forme de réduction d'autres
taxes payées par les Québécois.
Des Voix: Bravo!
M. Parizeau: En terminant, M. le Président, je ne peux que
souhaiter que tous les partis politiques représentés en cette
Assemblée s'associent à la démarche ainsi
suggérée. Le Québec n'a été fort à
l'égard d'Ottawa que lorsqu'il était uni. Merci, M. le
Président. (10 h 20)
Des Voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition. M. Claude
Ryan
M. Ryan: M. le Président, avec mes collègues, j'ai
écouté attentivement les propos que vient de tenir le ministre
des Finances. Le budget présenté à la Chambre des communes
hier soir par le ministre fédéral des Finances soulève,
évidemment, de nombreuses questions. J'ai été
étonné d'entendre le ministre des Finances parler du
conservatisme fiscal des ministres des Finances depuis plusieurs années.
A Ottawa, au cours du dernier exercice, si mes souvenirs sont exacts, le
déficit budgétaire était de l'ordre de $10 milliards,
c'est-à-dire 30% du budget total.
Je comprends que le ministre des Finances a accumulé les
déficits les plus élevés depuis qu'il est là dans
l'histoire des budgets québécois. Mais je ne vois pas en quoi il
peut qualifier de budget conservateur un budget qui donnait à Ottawa un
déficit de $10 milliards.
On souhaiterait tous évidemment, c'est facile, surtout
quand on est dans l'Opposition, par rapport à l'autre pouvoir un
budget plus orienté vers l'expansion économique, mais avec des
déficits de l'ampleur de ceux qu'ont revêtu les budgets des
gouvernements ces dernières années, tout le monde est d'accord
pour qu'on aille vers une plus grande discipline, vers une réduction de
la marge déficitaire; je crois me souvenir que le ministre des Finances,
lui-même, a tenu ce langage à plusieurs reprises dans cette
Chambre.
Le budget qu'on nous a soumis hier soir à Ottawa est
évidemment un budget incomplet, rempli d'imprécisions au sujet
desquelles il faudra essayer d'obtenir des renseignements beaucoup plus exacts
au cours des prochains jours. Je pense en particulier à ce projet de
création d'une banque nationale de l'énergie. Qu'est-ce que le
gouvernement fédéral envisage avec ce projet? Nous ne le savons
pas. C'est un projet qui comporte des implications très nombreuses au
point de vue constitutionnel. Je ne voudrais pas que l'on pense le moindrement
que nous sommes disposés à souscrire un projet comme
celui-là, sans que nous sachions exactement ce qu'il doit comporter. Il
est également question d'une nouvelle taxe énergétique
devant faire suite à des ententes qui sont encore en discussion avec le
gouvernement de l'Alberta. Ici encore, je pense que c'est une mesure qui aura
un impact considérable. On nous annonce des changements dans
l'assurance-chômage dont on nous donne seulement les prémisses,
parce que le ministre énonce le principe que l'assurance-chômage
devra devenir un régime fondé sur le principe de
l'autofinancement complet. Cela veut dire une augmentation de taxes indirectes
considérables au cours des années à venir. Par
conséquent, il y a beaucoup d'inconnues dans ce budget qui
empêchent de formuler à son sujet une opinion définitive,
mais qui soulève des inquiétudes véritables.
Au sujet de la taxe d'accise sur l'essence, je voudrais faire quelques
observations, M. le Président, découlant de ce qu'a dit le
ministre des Finances tantôt. D'abord, je pense que le gouvernement
québécois a bien pris soin d'éviter de soulever des
objections d'ordre constitutionnel à l'imposition de cette taxe. Je n'ai
vu, ni dans la lettre que le premier ministre déposait la semaine
dernière, ni dans les propos du ministre des Finances ce matin,
l'évocation d'objections de nature constitutionnelle. Le gouvernement
fédéral était, d'ailleurs, déjà dans le
secteur depuis quelques années. C'est vrai qu'il y était
entré d'une manière qui devait être temporaire. C'est vrai
que l'augmentation de la taxe d'accise sur les ventes d'essence augmente de
près de 300%. C'est énorme. Nous le déplorons avec le
gouvernement et nous trouvons qu'il est très dangereux, même s'il
n'y a pas d'obstacle constitutionnel, de risquer de déséquilibrer
ainsi le jeu de la fiscalité du Canada.
Nous déplorons aussi le fait que les exemptions ne soient pas
plus généreuses. Dans la taxe qui existait jusqu'à
maintenant, on exemptait le transport commercial. On exemptait également
le transport par camion. Le ministre des Finances a parlé des chauffeurs
de taxi en particulier. Je trouve déplorable que l'on ait imposé
une mesure de caractère aussi universel sans tenir compte de l'impact
énorme qu'elle aura sur des secteurs vitaux de l'économie. Je
souligne cependant ce que le ministre des Finances s'est bien abstenu de faire.
La taxe d'accise s'accompagne d'un crédit d'impôt
énergétique dont les effets se feront sentir sur plus de 60% des
foyers québécois. Ainsi que vous l'avez sans doute noté,
M. le ministre des Finances, il y aura un crédit d'impôt de $80
par personne adulte, de $30 par enfant jusqu'à concurrence d'un revenu
d'environ $21 300; à partir de $25 000 ou de $23 000, toute forme de
crédit disparaît mais il y a quand même ici un
allégement qui, dans la deuxième année du programme,
devrait se traduire peut-être par une réduction de 50% de la
fonction fiscale que cette taxe d'accise viendra effectuer au
Québec.
Au sujet de l'impact sur le Québec, je crois que le ministre des
Finances tourne les coins un peu vite, car s'il nous dit que c'en est fini des
mesures de compensation ou d'égalisation dont bénéficie le
Québec au titre pétrolier, je crois qu'il tourne les coins un peu
rond. Pour l'année 1979, les chiffres, que nous avons fait valoir
l'autre jour, lors de la question avec débat sur la politique
énergétique du gouvernement et qui ont été reconnus
par le ministre des Ressources naturelles, établissaient à
près de $2 milliards pour l'année 1979 les compensations ou les
avantages directs et indirects que le Québec retire au titre du
pétrole, de son appartenance à la fédération
canadienne. Ceci se répartissait sous trois titres principaux: d'abord,
les paiements de péréquation, qui comportent une bonne partie
tirée des revenus accrus de certaines provinces au titre du
pétrole; deuxièmement, les prix réduits que nous
continuons de payer pour l'essence et le pétrole que nous achetons au
Québec tant les produits que nous importons de l'étranger que
ceux que nous faisons venir en quantité croissante de l'Alberta
je pense que la proportion est maintenant de 60%; troisièmement, les
paiements tirés de la taxe sur les exportations.
En tout cas, nous établissons $1,5 milliard des
bénéfices directs au titre du pétrole plus une somme
approximative de $500 millions au titre des paiements de
péréquation. C'est bien loin des $600 millions dont nous a
parlé le ministre des Finances. Si on veut faire le calcul de toute
l'opération, si on veut mettre en question à propos de ceci le
régime fédéral lui-même, il faudra faire entrer en
ligne de compte l'ensemble du dossier. Il me semble que cela saute aux yeux.
Nous sommes disposés à étudier en profondeur toutes les
implications de ces mesures et à adopter des attitudes claires. Nous
n'avons aucune espèce d'hésitation de ce côté, mais
nous ne voudrions pas être emportés dans une tentative visant
à tirer des bénéfices politiques partisans de ce qui s'est
passé hier. Le ministre des Finances a parlé du crédit
d'impôt sur des intérêts payés sur
hypothèques. Je pense qu'il a soulevé un point extrêmement
intéressant. Nous déplorons avec lui que les mesures
fédérales ne tiennent compte que des propriétaires, ne
tiennent pas compte également des locataires. Je pense que ce serait
intéressant de savoir tantôt peut-être de la part du premier
ministre le genre de représentations qui ont été faites
par Québec auprès du gouvernement fédéral à
cet égard, mais sur ce point précis nous approuvons volontiers le
principe qui a été émis tantôt.
Je déplore également que le gouvernement
fédéral n'ait pas tenu compte, au sujet du crédit
d'impôt hypothécaire, des représentations qui avaient
été faites par l'Union des municipalités qui avait
demandé que certains principes contenus dans la réforme fiscale
que nous débattons présentement dans cette Chambre soient
également acceptés par le gouvernement fédéral dans
ses prévisions budgétaires. Malheureusement, on n'en tient pas
compte. Il n'est pas question du tout de paiement d'en lieu de taxes de la part
du gouvernement fédéral. Il n'est pas question du tout de
participation positive à cet effort d'égalisation des chances
fiscales qui est entrepris sous bien des aspects de manière louable. Sur
d'autres aspects, comme nous l'avons dit, de manière discutable. On a
évidemment omis de souligner aussi d'autres aspects du budget qui sont
plus favorables pour le Québec. Par exemple, la
déductibilité du salaire de la femme qui est employée dans
l'entreprise familiale. C'est une mesure qui va répondre à des
voeux maintes fois exprimés au Québec au cours des derniers mois
en particulier, de même que sur un autre plan, le gouvernement
fédéral a suivi une voie qui a été ouverte par le
ministre des Finances en matière de déduction des
bénéfices réalisés sur des actions. Je pense que
cela est très intéressant. D'ailleurs, nous avions
approuvé dans le temps la politique préconisée par le
ministre des Finances.
Je termine, M. le Président, en commentant brièvement
l'avis qui nous est donné par le ministre des Finances à la fin
de son message quand il nous dit qu'il a l'intention de présenter une
motion demandant que cette Assemblée prie le gouvernement
fédéral de se retirer du champ de taxation sur les carburants
où il s'est ingéré en 1975, qu'il devait abandonner, et
où il s'installe avec exubérance. (10 h 30)
Je ne sais pas quel genre de motion le ministre des Finances avait
à l'esprit quand il a fait cette déclaration, il pourra nous le
dire tantôt. S'il s'agit d'une motion non annoncée qu'il devra
nous soumettre dans quelques minutes, je le préviens tout de suite que
nous ne permettrons pas la discussion de cette motion sur la parquet de la
Chambre ce matin, pour une raison bien simple, c'est que le gouvernement a eu
tout le temps voulu, le gouvernement a été informé
dès la conférence des premiers ministres sur l'énergie, il
y a quelques semaines, que le gouvernement fédéral allait
instituer une taxe accrue sur les ventes de carburant. Le ministre des
Richesses naturelles lui-même s'est vanté, vendredi dernier, qu'il
savait que la taxe allait être d'environ $0.30 le gallon. Le gouvernement
a eu tout le temps voulu pour demander l'appui de cette Chambre dans des
conditions raisonnables et réalistes. Il a eu tout le temps voulu,
depuis deux ou trois semaines pour demander l'appui de la Chambre, afin de
faire des démarches auprès du gouvernement fédéral,
démarches auxquelles nous aurions souscrit volontiers, mais nous ne
consentirons pas à ce que, dans l'espace d'un instant, on aille engager
toute la Chambre dans une question aussi chargée d'implications.
Si le ministre préfère choisir la voie d'une motion
précédée d'un avis régulier, comme le
prévoient nos règlements, nous serons très heureux d'en
discuter, nous en discuterons tout le temps qu'il faudra; mais j'ose
espérer que le leader du gouvernement verra à s'entendre d'abord
avec les leaders des autres partis, en particulier avec le leader de
l'Opposition officielle pour que l'on prévoie un aménagement du
temps d'ici
la fin de la session, qui permettra de vaquer aux autres affaires avec
tout le temps et toute l'attention qui seront requis.
Une Voix: Très bien.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M.
Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, dans ce pays, autant au
Québec que dans le Canada on a à faire face, au cours des
dernières années à des budgets de plus en plus
déficitaires. En d'autres termes, nos gouvernements dépensent
allègrement l'argent que demain nous ou nos enfants serons
obligés de payer. Et un jour ou l'autre, cela prend quand même un
gouvernement qui devient un peu plus responsable et qui dit: On va vivre selon
nos moyens. Je ne suis pas le seul à le dire. D'autres l'ont dit, et en
particulier le Parti québécois lui-même l'a dit, il y a
quelques années, parce que j'ai un dépliant ici devant moi, qu'on
distribuait allègrement en 1976, à l'occasion de
l'élection, alors qu'on se plaignait que l'ancien gouvernement
libéral avait un déficit de $1 milliard par année et que
c'était trop, qu'il fallait mettre une fin à cela. On a dit: Cela
va être beau les années qui vont venir et l'an prochain.
Le même gouvernement du Parti québécois demandait de
réduire les déficits budgétaires. Ce n'est pas ce qu'il a
fait depuis qu'il est au pouvoir parce que cette année on y va
allègrement, on va dépasser les $1 500 000 et envoie donc! Il va
falloir chercher de l'argent quelque part; on endette nos enfants et les
générations à venir. On a un gouvernement à Ottawa
qui, cette année, dans un moment très difficile pour le pays, a
voulu poser un geste pour baisser ses déficits budgétaires afin
que les Canadiens commencent à vivre un peu plus selon leurs moyens.
J'aurais aimé que le ministre des Finances du Parti
québécois soit logique avec lui-même ou avec ce qu'il nous
véhiculait en 1976 et nous dise à peu près la même
chose qu'il disait dans ce temps-là. Il semble qu'on veuille faire le
contraire aujourd'hui, maintenant qu'on est au pouvoir à Québec.
Je regrette aussi qu'on fasse un charriage politique à ce moment
précis de l'histoire du pays où on a besoin de beaucoup plus de
jugement économique pour bien administrer les finances nationales ou
provinciales. Ensuite, je regrette aussi que le ministre des Finances, sur un
aspect très biaisé de la question, ait voulu analyser le budget
fédéral sur seulement un, deux ou trois aspects alors qu'il
aurait dû envisager le budget global du gouvernement
fédéral.
Le ministre des Finances, bien sûr, nous parle de cette nouvelle
taxe sur l'essence. Moi aussi, je déplore l'augmentation de cette taxe,
je n'en suis pas plus heureux. Personne n'est heureux au Québec, ni au
Canada, je pense bien, d'avoir à payer plus cher son gallon d'essence
à compter de ce matin. Personne n'est heureux de cela. On peut bien
faire de la petite politique, par exemple, et dire que c'est irresponsable,
mais on est obligé de la payer parce que les Canadiens, à l'heure
actuelle, paient leur essence meilleur marché qu'à peu
près n'importe où ailleurs à travers le monde. Il faut
qu'un jour ou l'autre on revienne à un prix un peu plus normal pour
notre essence même si on n'aime pas payer plus cher. Moi non plus, je
n'aime pas payer plus cher.
Le ministre des Finances, par exemple, ne nous a pas parlé de ce
crédit d'impôt en même temps qu'une augmentation de
la taxe sur l'essence énergétique qui va se chiffrer
autour de $1 milliard et dont une partie va revenir au Québec. Il va
certainement en revenir une partie au Québec là-dessus,
possiblement dans l'ordre de $250 millions ou autour de ça, $270
millions. Ce crédit d'impôt s'applique surtout aux moyens
salariés et aux petits salariés; ceux qui gagnent moins de $21
000 par année pourront recevoir un crédit d'impôt de $80
par adulte ou de $30 par enfant. Je pense que c'est important et surtout au
Québec où il semble qu'au Québec on ait plus de petits et
de moyens salariés que dans d'autres provinces canadiennes. Il aurait
fallu que le ministre des Finances, en toute honnêteté, note ce
crédit d'impôt donné par le gouvernement
fédéral.
Lorsque le ministre des Finances nous dit que ce faisant Ottawa annule
les deux tiers de toutes les réductions d'impôt et de taxes
qu'avec persévérance, et tout cela, à travers un
contrôle serré des dépenses, le gouvernement du
Québec a faites, je ne suis pas d'accord avec lui là-dessus. On
n'a peut-être pas lu le même discours du budget que lui-même
a prononcé au courant de cette année; dans ce discours, tout ce
que je vois, c'est que les taxes augmentent pour les Québécois
cette année.
Des Voix: Hé! Hé! Hé!
M. Biron: Les taxes ont augmenté dans ce discours du
budget. Les taxes ont augmenté. L'année passée, les
Québécois de revenu autonome, en totalité, ont payé
$8 658 000 000; cette année, ils vont payer $9 788 000 000, c'est une
augmentation. On va arrêter de nous dire qu'on serre la ceinture partout
et qu'on arrête de taxer les citoyens du Québec. Bien sûr,
on enlève une taxe quelque part, on l'ajoute ailleurs et après on
dit: On a diminué. Quand on diminue à une place, il faut aussi
augmenter ailleurs, mais il faut être honnête d'un bout à
l'autre et dire où on augmente et qui va payer plus. Il y a des gens au
Québec qui paient plus de taxes à l'heure actuelle; il s'agit
d'être honnête avec eux et leur dire.
Lorsque le ministre des Finances nous dit qu'il compresse les
dépenses partout et quand on voit ces chiffres et les dépenses
qui sont faites par le gouvernement du Québec, il faut se dire que le
ministre actuel des Finances du Québec n'a peut-être pas de
leçon à donner à personne là-dessus.
Le ministre des Finances a peut-être aussi oublié,
lorsqu'il nous parle du programme de crédits d'impôt pour les
intérêts payés sur les hypothèques du gouvernement
fédéral, que cela a
aussi un but, c'est de stimuler les gens à bâtir et
à construire. Des gens qui construisent travaillent et des gens qui
travaillent, on en a besoin de plus en plus au Québec. Il aurait
peut-être fallu noter cela aussi.
Il y a aussi un autre excellent programme et c'est peut-être bon
que le gouvernement actuel du Québec en discute rapidement avec le
gouvernement fédéral, c'est le programme de
l'assurance-chômage. Ce serait bon de remplacer l'assurance-chômage
par l'assurance-travail et faire en sorte que nos gens puissent travailler,
collaborer en même temps avec ce qu'on donne en assistance sociale et en
assurance-chômage, pour faire en sorte qu'on prenne les gens qui sont
physiquement capables de travailler et qu'on leur donne la chance de travailler
honnêtement dans leur pays et leur province. Il y aurait peut-être
quelque chose à faire au lieu de critiquer; ce serait de s'asseoir avec
le gouvernement fédéral sur ce secteur en particulier.
On a oublié aussi de dire ce qu'on faisait pour les petites et
moyennes entreprises: le salaire du conjoint, maintenant que le petit
entrepreneur pourra déduire de son revenu imposable. Je pense que c'est
important aussi. Ce qu'on a fait pour les agriculteurs et les pêcheurs,
il aurait fallu aussi le noter si on avait voulu faire l'exercice complet, d'un
bout à l'autre.
Finalement, il faut se demander si le gouvernement fédéral
n'était pas là, on a beau dire qu'on a une taxe sur l'essence de
$0.18 de plus le gallon qu'on va payer à compter de ce matin, il y a
quand même des revenus qui nous viennent directement du gouvernement
fédéral en compensation pour l'essence. Si le gouvernement
fédéral n'était pas là, à quel prix
paierait-on l'essence au Québec? Est-ce qu'on paierait $1.25 le gallon
ou si on paierait $1.50 ou $2 le gallon? C'est ce dont il s'agit. Il faut
être honnête.
M. Blank: $2.50.
M. Biron: Essayez d'acheter l'essence au prix mondial, allez aux
Etats-Unis et en Europe et vous verrez le prix qu'on paie pour l'essence. Il y
a certainement ici, dans ce pays, quelque chose dont il faut profiter et il
faut le reconnaître. Je ne dis pas que tout est parfait au gouvernement
fédéral; au contraire, moi aussi je veux changer le régime
fédéral pour un nouveau régime fédéral. Moi
aussi, je veux changer des choses, comme la plupart des citoyens du
Québec, comme 90% des citoyens du Québec qui veulent changer des
choses. Mais je ne veux pas dire que tout est mauvais parce qu'on veut changer
quelque chose. Il faudrait que de ce côté de la Chambre, on
apprenne, au moins, à être honnête et qu'on reconnaisse
objectivement et honnêtement ce qui se passe. (10 h 40)
M. le Président, je termine en disant que cette expérience
de budget fédéral actuel, qu'on veut critiquer ici, aujourd'hui,
on devrait peut-être s'en servir comme d'une expérience qui va
prêcher en faveur d'une entente pour un renouvellement de la
fédération canadienne et qu'on arrête de se chicaner entre
les gouvernements provinciaux et fédéral, qu'on s'entende
à quelque part. Et surtout, si le ministre des Finances veut être
honnête et logique avec lui-même, il nous dit qu'il a l'intention
de présenter une motion devant cette Assemblée pour discuter du
problème fiscal au Canada et au Québec, qu'il présente sa
motion; nous, aujourd'hui, sommes prêts à la discuter. Qu'il
présente une motion non annoncée et on va faire le procès
du gouvernement provincial en même temps. S'il veut qu'on recommence le
discours du budget, on va lui parler de sa mauvaise administration du
Québec. On ne fera pas que parler des points dont le ministre veut
parler, on va parler aussi des points qui intéressent tous les
Québécois. Il peut présenter sa motion aujourd'hui, nous
sommes prêts à en discuter.
Le Président: M. le ministre des Finances. M. Jacques
Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, j'aurais quelques
observations à faire en réplique à la suite de ce que nous
venons d'entendre. Le chef de l'Opposition officielle commençait par
mettre en doute mon affirmation selon laquelle un certain conservatisme fiscal
a influencé bien des ministres des Finances depuis quelques
années, en disant: Après tout, le déficit
fédéral est considérable.
Nous avons tous tendance à avoir la mémoire un peu courte.
Se souvient-on de ce qu'on a appelé il y a un an et demi les coupures
Chrétien? d'ailleurs, on avait tort, c'était M. Trudeau
qui les avait décidées où le gouvernement
fédéral a coupé pour pas loin de $2 milliards de
dépenses dont une bonne partie, à toutes fins utiles, a
été roulée vers les provinces, c'est-à-dire que le
fédéral coupait un certain nombre de contributions à des
programmes conjoints et où, finalement à ce moment, j'ai
parlé de quelqu'un qui pelletait sa neige dans la cour du voisin
il a fallu que nous absorbions une bonne partie du coût de ces coupures.
Est-ce qu'on aurait fermé, par exemple, les COFI, ces écoles qui
s'adressent aux immigrants, le jour où le fédéral a
cessé de contribuer? Cela aurait eu l'air intelligent! Est-ce qu'on
aurait enlevé des travaux de contrôle des inondations dans la
région de Montréal parce que le fédéral s'en
retirait? Cela aurait eu l'air intelligent! Le conservatisme fiscal, je
comprends qu'il a eu des effets! On l'a senti dans notre dernier budget,
nous!
On nous dit, des déficits. J'entendais le chef de l'Opposition
officielle et le chef de l'Union Nationale parler des plus hauts
déficits dans l'histoire du Québec. Mais, M. le Président,
quand nous sommes arrivés au pouvoir, l'administration
précédente nous avait laissé un trou budgétaire qui
représentait 17% des ressources. A l'heure actuelle, le trou est de
l'ordre de 11%. On l'aura réduit d'un bon tiers, de plus d'un tiers.
Mais je reviens au fond du débat, M. le Président. En
1980, nous allons connaître une expansion très faible de
l'économie canadienne. Tout le
monde à peu près s'entend là-dessus. Ce n'est
pas... J'entends un député de l'autre côté dire: Au
Québec! Mais enfin, il n'a pas lu le discours du budget
fédéral d'hier soir. Le ministre fédéral des
Finances est le premier à reconnaître que l'expansion de
l'économie canadienne va être très faible. Est-ce que,
quand on est dans le creux de la vague, comme cela va être le cas en
1980, il faut appliquer les freins? On sait très exactement ce que le
gouvernement fédéral fait. Il va appliquer les freins au moment
où l'économie est en train de freiner beaucoup trop.
C'est, M. le Président, la raison pour laquelle je n'ai pas
retenu cette question du crédit d'impôt énergétique,
$80 par adulte, comme on le mentionnait hier dans le discours
fédéral du budget. Pourquoi? Parce qu'il ne sera pas payable en
1980. En 1980, on va chercher toute la taxe sur l'essence, mais on ne donne
aucun montant sur le crédit d'impôt. La moitié viendra en
1981 et la deuxième moitié en 1982, c'est-à-dire quand le
creux de la vague sera passé.
Des Voix: Ah!
M. Parizeau: Même ce crédit d'impôt, en 1981,
que va-t-il représenter? Il ne représentera pas la moitié
de la taxe sur l'essence. Il en représentera à peine un
cinquième. Donc, ce n'est que dans un an que ces crédits
d'impôt apparaîtront. Ils représenteront à ce
moment-là un cinquième seulement de l'argent qu'on est venu
siphonner sur l'essence. On me dit de l'autre côté de la Chambre:
Mais vous n'avez pas parlé des bonnes mesures. Evidemment, il y a de
bonnes mesures dans le discours fédéral, mais les mesures bonnes
ou mauvaises autres que l'essence, elles s'annulent en pratique, sur le plan
simplement de la fonction qu'on fait chez le contribuable. Il y a en plus, il y
a en moins. Cela s'annule et que reste-t-il? Il reste effectivement $2,5
milliards de taxes sur l'essence, sans contrepartie, dont nous allons payer
$600 millions. C'est cela qui reste.
Le chef de l'Opposition officielle disait: Pour ce qui a trait au bilan
pétrolier, il faut tenir compte de toute une série de choses.
Oui, enfin, si on veut tenir compte de toute une série de choses, il
faut tenir compte de tout. On dit: Par exemple, les rentrées au titre du
pétrole interviennent dans le calcul de la péréquation.
Oui, bien sûr, sauf qu'au moment où le prix du pétrole va
monter et nous pourrions en tirer un bénéfice sur le plan
de péréquation le gouvernement décide, du
même coup, de retirer les montants qui proviennent de la vente des
terrains pétroliers dans l'Ouest, en deux ans, annulant la
deuxième mesure, annulant complètement l'effet de la
première. On a toujours mis les recettes au titre du pétrole dans
la formule de péréquation, mais en laissant complètement
de côté les recettes municipales. Les recettes scolaires sont
dedans au titre des impôts scolaires, mais pas les impôts fonciers
municipaux. C'est-à-dire que, dans le calcul de la
péréquation, on a laissé de côté certaines
ressources, comme les taxes foncières municipales, et on en a
ajouté d'autres, partiellement d'ailleurs, pour le pétrole. Si on
veut tenir compte de tout le portrait, M. le Président, on se rendra
compte qu'il y a des plus et des moins. Mais fondamentalement, le
problème est le suivant: le gouvernement fédéral nous paie
aux alentours de $600 millions cette année comme subvention pour
l'importation de produits pétroliers et il vient chercher depuis hier
soir, $600 millions en taxes sur l'essence. Cela s'annule.
Des Voix: C'est cela... élémentaire...
M. Parizeau: Le chef de l'Opposition officielle essayait,
à l'avance, de dire: Nous n'accepterons pas une motion non
annoncée. Mais ce n'est absolument pas dans notre intention de
présenter une motion non annoncée. La motion que je vais
présenter va suivre son cours normal et je ne vois pas où on est
venu me prêter l'intention que j'essayerais de "bulldozer" cela en
Chambre aujourd'hui. Il n'en est pas question. Cela suivra son cours
normal.
Néanmoins, le chef de l'Opposition officielle disait: Vous avez
eu largement le temps de discuter de cela avec le gouvernement
fédéral. Puis-je dire, M. le Président, que le premier
ministre a expédié une lettre à M. Clark pour le mettre en
garde, justement, contre cette mesure que nous dénonçons ce
matin. Dans ce sens, nous avons suivi les étapes normales où le
premier ministre du Québec s'adresse d'abord au premier ministre du
Canada pour le mettre en garde, donc effectivement un geste qui est
annoncé. Le gouvernement fédéral ne tient aucun compte de
la présentation du premier ministre du Québec, impose la mesure
et ce matin, quelques heures plus tard, nous protestons dans les termes que
j'ai utilisés tout à l'heure. Je ne vois pas de quelle
façon on n'aurait pas suivi à la fois les délais et le
déroulement normal d'une telle opération.
Finalement, il me reste quelques mots à dire, M. le
Président, sur l'Union Nationale. Quand je pense que ce parti politique
descend un homme qui, autrefois, à l'égard d'Ottawa disait:
Rendez-nous notre butin. Ce que l'Union Nationale vient de nous dire ce matin,
c'est: Laissez-leur notre butin! C'est le virage, M. le Président. En
somme, je n'aurai, je pense, en cette Assemblée, en trois ans, jamais
entendu un tel panégyrique d'une hausse de taxes. Je n'aurais pas
pensé qu'un parti d'Opposition puisse encenser une taxe comme nous
l'avons entendu il y a quelques minutes.
Il reste à dire, M. le Président, encore une fois, que le
geste que le gouvernement fédéral vient de poser, va être
en 1980, extrêmement dommageable pour tous les Québécois.
$600 millions d'augmentation de taxes d'un seul coup en un an, sans
compensation, nous allons les payer sur le plan de la prospérité
des Québécois, de la croissance de l'économie et vous
comprendrez à quel point le présent gouvernement insiste pour que
le produit de cette taxe soit redistribué en diminution d'autres taxes
aux citoyens de ce pays. Merci, M. le Président. (10 h 50)
Le Président: Dépôt de documents. M. le
ministre de la Justice.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Arrêté ministériel relatif
à la protection des personnes contre la torture.
M. Bédard: M. le Président, à l'occasion de
la semaine marquant l'anniversaire de l'adoption par les Nations Unies de la
déclaration universelle des droits de l'homme, j'aimerais déposer
un arrêté en conseil indiquant la volonté du gouvernement
du Québec d'endosser et de respecter la déclaration des Nations
Unies sur la protection de toutes les personnes contre la torture et d'autres
peines ou traitements cruels ou dégradants dont je dépose
également copie.
Le Président: Merci.
M. le ministre de l'Energie et des Ressources.
Rapports de la Régie de
l'électricité et du gaz et du ministère des Terres et
Forêts
M. Bérubé: J'ai le rapport annuel, M. le
Président, de la Régie de l'électricité et du gaz
pour l'année 1978/79 et le rapport annuel du ministère des Terres
et Forêts pour la même année.
Le Président: Rapport déposé. Merci. M. le
ministre du Revenu.
Rapport de la Régie des loteries et
courses
M. Clair: J'ai le plaisir de vous transmettre le rapport des
activités de la Régie des loteries et courses du Québec
pour l'année financière terminée le 31 mars 1979.
Le Président: Rapport déposé.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: M. le ministre du Revenu a un document.
M. Clair: M. le Président, je crois qu'il a
déjà été déposé.
Le Président: Très bien.
Dépôt de rapports de commissions élues. M. le
député d'Iberville.
Etude du projet de loi no 74
M. Beauséjour: M. le Président, qu'il me soit
permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires
municipales qui a siégé le 7 décembre 1979 aux fins
d'étudier, article par article, le projet de loi no 74, Loi modifiant le
Code municipal et la Loi sur les cités et villes concernant les ententes
intermunicipales et l'a adopté avec des amendements.
Le Président: Merci. Rapport déposé.
DÉPÔT DE DOCUMENTS (suite)
Maintenant, je solliciterais un consentement unanime pour permettre
à M. le ministre de la Justice de déposer un autre rapport.
M. le ministre de la Justice.
Rapport de la commission de contrôle des permis
d'alcool
M. Bédard: M. le Président, je dépose le
rapport des activités de la Commission de contrôle des permis
d'alcool au 31 mars 1979.
Le Président: Merci. Rapport déposé. Nous
revenons au dépôt de rapports de commissions élues.
M. le député de Sherbrooke.
Etude du projet de loi no 77
M. Gosselin: M. le Président, qu'il me soit permis,
conformément aux dispositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires
sociales qui a siégé les 10 et 11 décembre 1979 aux fins
d'étudier, article par article, le projet de loi no 77, Loi sur les
services de garde à l'enfance et l'a adopté avec ses
amendements.
Le Président: Merci. Rapport déposé. M. le
député de Verchères.
Audition des dirigeants de SIDBEC relativement au
projet de loi no 73
M. Charbonneau: M. le Président, après trois ans
d'attente, je vais enfin pouvoir présenter un rapport d'une commission
élue. Qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de
notre règlement, de déposer le rapport de la commission
élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme qui a
siégé hier, le 11 décembre 1979, aux fins d'entendre les
dirigeants de SIDBEC les travailleurs étaient présents
sur le projet de loi 73, Loi modifiant la Loi sur l'établissement
par SIDBEC d'un complexe sidérurgique intégré.
Le Président: Merci. Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Période de questions orales.
M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Répercussions de la grève à
Hydro-Québec
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question
s'adresse à l'honorable premier ministre. Il s'agit d'une question qui
relève de la responsabilité du gouvernement du Québec. Nos
informations sont à l'effet, ce matin, que la situation se
détériore régulièrement et substantiellement dans
la grève à Hydro-Québec et que le nombre de pannes a
augmenté sensiblement, que le nombre d'abonnés affectés
et, surtout, pour des périodes de deux à neuf jours, et qu'il y a
des pannes majeures particulièrement dans la région de
Québec.
Si ces informations sont exactes, le premier ministre a-t-il pris
certaines décisions et le gouvernement a-t-il envisagé certaines
mesures particulièrement dans la situation et les circonstances
présentes où nous avons des conditions de verglas
appréhendées, sinon réelles, et où les
abonnés rendus à la mi-décembre sont souvent dans des
conditions inacceptables.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): La seule chose que je puisse dire
en ce moment, M. le Président, c'est que, tenant compte des perspectives
atmosphériques et de la température qui s'adoucit mais on
me disait ce matin qu'il est possible que cela refroidisse à la fin de
la journée on pourrait avoir une situation de verglas
extrêmement inquiétante. Je vais non plus simplement publiquement,
mais par les canaux les plus normaux, me permettre de demander aux responsables
syndicaux qui sont chargés de l'entretien du service essentiel de
constituer la fourniture du courant, de faire tous leurs efforts pour ne pas
risquer d'empirer gravement la situation pendant qu'une médiation
spéciale est en train peut-être de nous approcher d'un
règlement dans une question d'heures ou au plus de jours,
peut-être même pas au pluriel. Entretemps, je crois qu'il serait
d'intérêt public que le ministre de l'Energie et des Ressources,
qui essaie de se tenir en contact au jour le jour avec Hydro et les rapports
qu'on a sur la situation du réseau, puisse donner rapidement le
résumé de cette situation.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Effectivement, M. le Président, nous avons encore un certain nombre de
pannes qui durent depuis trop longtemps, des pannes depuis plus de trois jours
nous en avons environ cinq. Par conséquent, ces pannes devraient
normalement être réparées rapidement pour la santé
et la sécurité des gens en cause. Ce qu'il est important de
souligner, c'est que le nombre de pannes effectivement s'est accru
considérablement à cause des conditions
météorologiques, des conditions de verglas. Il y a
présentement 284 pannes qui affectent 10 800 abonnés et il y a
à peu près trois pannes majeures qui ont duré moins de 24
heures qui impliquent environ 7000 abonnés de la région de
Québec. De ce nombre M. le Président, c'est un vrai
poulailler.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bérubé:... il y a 122 pannes affectant à
peu près 1900 abonnés qui ont duré plus de 48 heures. En
fait, sur ces 122 pannes, il faut quand même le souligner, c'est
important de s'en rendre compte, je remarque que l'Opposition n'est absolument
pas intéressée à la réponse; de toute façon
je la donnais à l'intention des Québécois qui eux veulent
savoir.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
privilège. M. le Président, le ministre n'a pas le droit de nous
imputer soit des gestes ou des intentions à ce moment-ci, c'est
simplement qu'il est en train de marmonner, lui qui a le verbe d'habitude plus
facile. On entend ce qu'il veut dire. Il est en train presque de cacher la
réalité.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, je donne aux
Québécois l'information dont ils ont besoin pour savoir
exactement quelle était la situation; de fait il n'y a personne,
semble-t-il, en tout cas particulièrement du côté du Parti
libéral, il ne semble pas y avoir qui que ce soit
d'intéressé à écouter puisqu'on n'a fait que
piailler. Enfin, je vais essayer de répondre. Sur les 122 pannes qui ont
duré plus de deux jours, il est important de souligner qu'il y en a 26
qui affectent des abonnés résidant dans leurs maisons, le reste
étant des pannes qui affectent des chalets, des résidentes
secondaires où là c'est moins dramatique. Il est donc important
de souligner qu'effectivement il y a quand même le reste des 26 pannes
qui ont affecté des citoyens depuis plus de deux jours. Je dois dire
que, concernant le condensateur dont on a parlé hier, la partie de la
capacité du condensateur a été réparée. Il
reste une autre section du condensateur qui elle cependant demande des travaux
en usine plus importants. Ils ne peuvent pas le réparer sur place. C'est
pour cette raison, d'ailleurs, que l'usine thermique de Tracy est
présentement en activité et qu'on a complètement
coupé les exportations aux Etats-Unis de manière à
restabiliser le circuit d'une façon satisfaisante. En d'autres termes,
les travaux dont s'enquérait le député de Richmond de
façon tout à fait correcte hier ont été
effectués.
Je pense qu'en gros, cela peut donner, M. le Président,
l'ensemble.
Le Président: M. le député de Jean-Talon,
(11 heures)
M. Rivest: Question supplémentaire au premier ministre. Je
comprends la réponse à la question du député de
Bonaventure que le premier
ministre a dit qu'il communiquerait directement avec les responsables
syndicaux afin d'accélérer la réparation des pannes. Hier,
à une même question, le premier ministre a répondu
exactement la même chose, il devait le faire, et le premier ministre
avait précisé qu'il le ferait immédiatement après
la période de questions. Je ne sais trop, étant donné que
les situations atmosphériques, si le premier ministre peut s'engager
à le faire directement immédiatement, et surtout à faire
rapport à la Chambre, et indiquer quelles mesures il entend
suggérer ou il entend demander que les syndicats prennent pour que les
pannes soient effectivement réparées dans des délais
beaucoup plus courts.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'ai l'intention très
simplement hier, je l'ai fait demander de demander, pour autant
que cela puisse servir à quelque chose, à certains des
responsables les plus directs de l'opération dépannage, pour
l'amour du ciel, d'accélérer le travail. Hier, je l'ai fait
demander, on va voir si cela peut donner des résultats. Mais, chose
certaine, on est dans les heures possiblement finales de la négociation
et de la médiation en même temps, aujourd'hui, et cela a besoin
d'être les heures finales.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Simplement une précision. Je
comprends que cela ne réglera pas demain matin ou ce soir le cas des
abonnés, mais le gouvernement a-t-il l'intention de s'en tenir au
principe du maintien des services essentiels, uniquement par les syndicats,
cela autant dans les hôpitaux qu'à Hydro-Québec? Il semble
que ce soit une constante, mais les résultats sont là.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je pense que la question du
député de Bonaventure est légèrement inutile,
puisqu'il y a eu pas mal de réflexion qui a paru dans les journaux, dans
les media d'information là-dessus. Il est évident que cette
expérience de la responsabilité confiée aux syndicats en
dernière analyse n'est pas un succès, donc, il va falloir y
repenser.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Pourrais-je demander au premier ministre, dans
l'appel qu'il fera, de considérer que dans l'Outaouais, en particulier
dans le comté de Gatineau, il y a deux pannes qui durent depuis samedi
matin, cinq heures. Donc dans les statistiques que nous donne le ministre, il y
a ces deux cas qui sont très graves, il s'agit de Queens Park dans la
ville de Aylmer et Larrimack dans l'Ouest. Pourrais-je lui demander de faire un
appel au syndicat de la région de l'Outaouais en particulier pour qu'au
moins ces deux soient réglées.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
Statut de l'école Notre-Dame-des-Neiges
M. Ryan: M. le Président, la Commission des écoles
catholiques de Montréal s'apprête, selon les informations dont
nous disposons, à prendre demain une décision importante au sujet
du statut de l'école Notre-Dame-des-Neiges. A ce propos, le ministre de
l'Education a émis, hier, un communiqué dont on donne un
résumé dans le Devoir de ce matin, dans lequel il déclare
que la décision que s'apprêterait à prendre la Commission
des écoles catholiques de Montréal, de redonner à
l'école Notre-Dame-des-Neiges son statut d'école confessionnelle,
serait nulle, sans effet, inconsidérée, méprisante,
antisociale, et on a peut-être oublié d'autres qualificatifs qui
viennent ajouter à la litanie de ceux que nous connaissons
déjà.
Je voudrais demander au ministre d'abord, si pour émettre cette
opinion très catégorique, il s'est appuyé sur des opinions
juridiques précises, et s'il y aurait moyen que nous disposions de ces
opinions juridiques qu'il a reçues. Je lui avais déjà
demandé, il y a quelques mois, s'il avait de telles opinions juridiques,
je n'ai pas été capable d'obtenir une opinion claire, encore
moins, évidemment, le texte de ces opinions.
Je voudrais lui demander en même temps s'il a eu l'occasion de
prendre connaissance de l'opinion juridique très élaborée
dont le président de la Commission des écoles catholiques de
Montréal prétend avoir été saisi?
Je voudrais lui demander encore en relation avec ceci, s'il entend se
procurer ces opinions et les mettre à la portée de la Chambre,
dans les plus brefs délais.
Deuxièmement, le ministre a-t-il été en contact
avec les autorités de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, à ce sujet? Quelle indication aurait-il reçue de
celle-ci quant à leurs intentions pour demain?
Troisièmement, on mentionne à la fin de l'article, aux
dires du président de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, que des pressions auraient été faites en
provenance de différents milieux, afin de favoriser la décision
qui devrait être prise demain, on parle en particulier de
l'autorité religieuse du diocèse de Montréal, de
l'archevêché. Je voudrais savoir si le ministre a eu des contacts
avec l'autorité religieuse à ce sujet et s'il envisage, au moment
où nous nous parlons, que des décisions peut-être lourdes
de conséquence et peu conformes aux indications de la
réalité, comme elles semblent s'être dégagées
depuis quelque temps, risquent d'être prises demain sans que des
correctifs aient été apportés à temps.
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, la
première chose qu'il faut faire observer dans l'affaire de
l'école Notre-Dame-des-Neiges, c'est que la décision que
s'apprête à prendre la CECM, dont elle nous a donné une
idée la semaine dernière, est survenue comme un coup de tonnerre
dans un ciel qui, par ailleurs, était plutôt serein. La
commissions scolaire elle-même avait accepté, il y a quelques
mois, après avoir vérifié la volonté des parents,
en attendant que les tribunaux se prononcent sur la compétence du
comité catholique, de laisser l'école Notre-Dame-des-Neiges vivre
une expérience multiconfessionnelle dans laquelle chaque enfant a droit
de recevoir l'instruction religieuse dans la confession qui est la sienne. Le
geste de la CECM est difficile à analyser, parce qu'il n'est vraiment
pas rationnel. Il se peut que les élections du mois de juin y soient
pour quelque chose; autrement, on ne s'explique guère pourquoi, à
brûle-pourpoint, ce geste ait pu être posé de façon
aussi inconsidérée.
Il faut rappeler que la CECM n'est pas seulement responsable des
écoles confessionnelles, elle est responsable également des
écoles communes. La loi établit que les commissions catholiques
et protestantes sont responsables de toutes les écoles situées
sur leur territoire. Il est donc tout à fait erroné de soutenir
que la Commission des écoles catholiques de Montréal ne peut
administrer que des écoles catholiques. Je pense que le chef de
l'Opposition, qui doit avoir creusé ces questions au moment où il
était éditorialiste, peut convenir qu'il n'y a pas, dans notre
système, de possibilité, à l'heure actuelle, de faire
administrer des écoles communes par un organisme autre que la Commission
des écoles catholiques ou la Commission des écoles protestantes;
ainsi le veut la loi et ainsi le veut l'histoire du système scolaire
québécois.
Si la CECM avait des doutes sur la constitu-tionnalité de la
décision qui a été prise par le comité catholique
de révoquer le statut confessionnel de l'école
Notre-Dame-des-Neiges, elle devait aller devant les tribunaux. Or, justement,
les parents l'ont fait, pour contester la compétence du comité
catholique. Même si le tribunal a débouté à deux
reprises déjà, je pense, les parents sur l'injonction, il reste
qu'il ne s'est pas prononcé sur le fond de la question. Nous attendons
cette décision d'une semaine à l'autre. Pourquoi la CECM
brusque-t-elle les choses avant même d'avoir pris connaissance de
l'arrêt des tribunaux? J'appelle cela mépriser les tribunaux, en
plus du mépris de la loi, comme je l'ai indiqué il y a un
instant.
De plus, ce qui est le plus grave, me semble-t-il, dans cette affaire,
c'est le fait que les parents, à 71% et plus, d'après les
sondages et l'enquête qui ont été faits par la CECM
elle-même, ont dit qu'ils appuyaient leur comité d'école
dans sa démarche vers la multiconfessionnalité. Or, voici que
pour des raisons qui, encore une fois, paraissent bien étranges, la
CECM, sans attendre l'arrêt des tribunaux, sans non plus respecter la
loi, décide de passer par-dessus les parents et le comité
d'école au moment même où le gouvernement propose de faire
de plus en plus appel aux parents dans le système scolaire. J'appelle
cela également mépriser les parents. Je vous remercie.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, je trouve cela formidable. On a
un discours magnifique, mais aucune réponse aux questions que j'ai
posées au ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président...
M. Ryan: Je vais donner une chance au ministre, j'ai
noté...
M. Morin (Sauvé): ... je suis prêt...
M. Ryan: Je m'excuse, M. le Président...
M. Morin (Sauvé):... à compléter ma
réponse, si vous le désirez.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: ... pour être sûr que le ministre ne
s'engage pas dans un autre discours, je vais lui rappeler mes questions. S'il
veut les noter, cela va l'aider à donner des réponses
précises. (11 h 10)
Premièrement, lui-même émet une opinion très
catégorique quand il dit que la décision qu'envisage de prendre
la Commission des écoles catholiques de Montréal est nulle et
sans effet; il leur reproche d'agir au mépris de la procédure qui
est instituée devant les tribunaux. Je lui demande une chose, je ne mets
pas en doute son opinion, il a droit de l'émettre, je suis très
libéral en ces matières; je lui demande: Est-ce qu'il s'appuie
sur des opinions juridiques précises? Est-ce que nous pourrions en avoir
connaissance? Deuxièmement, est-ce qu'il a eu connaissance de l'opinion
juridique sur laquelle le président de la Commission des écoles
catholiques de Montréal prétend s'être appuyé?
Est-ce qu'il a fait des démarches pour l'obtenir? Est-ce qu'il peut la
mettre à notre disposition?
Je lui demande également il se lance dans une
dénonciation du président de la Commission des écoles
catholiques de Montréal s'il a communiqué avec cet
être au cours des derniers jours pour essayer de voir s'il y a quelque
chose à faire avec lui? Troisièmement, il dit: On traîne
l'autorité religieuse dans le débat. Est-ce qu'il a eu des
contacts? Qu'il me réponde oui ou non, brièvement, et j'aimerais
mieux cela que le discours qu'il nous a servi tantôt.
Une Voix: Oui, un très bon discours.
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, depuis plusieurs
mois, le ministère de l'Education, mais
également le Comité catholique, font étudier ces
questions sur le plan juridique, notamment du point de vue constitutionnel. Au
ministère, nous en avons discuté à plusieurs reprises avec
nos conseillers juridiques. Il y a trois jours, j'ai reçu,
effectivement, un avis de l'un de mes sous-ministres sur la question, lequel
reflétait les conversations que nous avons constamment avec les
conseillers juridiques sur des questions de cette sorte.
Je vais m'enquérir pour savoir si je puis mettre à la
disposition de la Chambre les avis juridiques dont nous disposons. Il se peut
qu'ils soient confidentiels et j'estime que tout gouvernement a le droit de
tenir confidentielles un certain nombre d'opinions qu'il peut recevoir pour
éviter de compromettre les positions du gouvernement et d'embourber
davantage une situation qui est déjà extrêmement
complexe.
Pour répondre à la deuxième partie de la question
du chef de l'Opposition, j'ai eu l'occasion, effectivement, de m'entretenir de
ces questions avec les autorités religieuses. J'ai rencontré
l'archevêque de Montréal, avec qui j'ai eu une longue
conversation; j'ai eu l'occasion de rencontrer d'autres évêques,
il y a quelques mois, au moment de la crise du printemps dernier. J'ai
rencontré également l'évêque de
Saint-Jérôme et l'évêque de Saint-Jean. M. le
Président, si l'on veut que je décrive toutes les conversations
que j'ai pu avoir sur la question, je dirai que j'ai même eu l'occasion
de m'entretenir à deux reprises de cette question avec le
cardinal-archevêque de Québec.
Je sais, d'autre part, que la Conférence des évêques
du Québec s'est penchée sur le problème et j'ose
espérer qu'elle fera connaître son attitude le plus rapidement
possible. Après tout, le Comité catholique, qui a la
responsabilité exclusive de cette question de par la loi est
relié de très près aux évêques du
Québec. C'est au comité catholique qu'il appartient de
reconnaître ou de révoquer le statut confessionnel d'une
école. C'est la raison pour laquelle, en concluant, je veux simplement
rappeler qu'aucune commission scolaire du Québec et cela, le chef
de l'Opposition le sait très bien ne peut, par elle-même,
reconnaître ou révoquer un statut confessionnel. Seul le
Comité catholique, ou le Comité protestant, selon le cas, a la
compétence pour ce faire. Merci, M. le Président.
Le Président: Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander au
ministre de l'Education quelles sont les intentions du gouvernement quant
à ce problème général de la confessionnalité
des écoles. Nous avons présentement le problème de
Notre-Dame-des-Neiges; ce problème peut être facilement
débordé demain ou après-demain, compte tenu du pluralisme
religieux des enfants que, maintenant, les écoles catholiques doivent
accueillir.
Le gouvernement, depuis trois ans, a en main un rapport sur la
restructuration scolaire de l'île de Montréal. Il est resté
muet sur ce rapport et ne semble donner aucune indication quant à la
direction vers laquelle il veut aller. Le ministère de l'Education ou le
gouvernement entend-t-il continuer de solutionner les problèmes un
à un ou entend-t-il prendre des orientations plus
générales qui éviteront des problèmes comme celui
de Notre-Dame-des-Neiges qui n'a comme résultat que de diviser les
communautés?
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, au cours de la
consultation à laquelle j'ai procédé à travers le
Québec, après la publication du livre vert, les citoyens m'ont
fait très clairement savoir qu'ils étaient attachés au
système confessionnel et n'entendaient pas, dans leur grande
majorité, voir modifier le système confessionnel. Le message
ayant été très clair, le gouvernement, et le ministre de
l'Education au premier chef, l'ont bien entendu. Nous avons
décidé qu'il était beaucoup plus urgent de régler
les problèmes pédagogiques de l'école
québécoise, les problèmes de la qualité de
l'enseignement avant de nous en prendre aux structures; nous n'avons donc pas
l'intention de restructurer le système. Nous allons maintenir la
confessionnalité des écoles.
Il arrive, cependant, que dans certains quartiers des grandes villes
apparaisse ce qu'on pourrait appeler le phénomène de la
multiconfessionnalité. De nombreux groupes, qui doivent désormais
aller à l'école française, coexistent au sein d'une
même école. C'est le cas à l'école
Notre-Dame-des-Neiges. Dans ces cas, on doit assouplir le système et non
pas le rendre aconfessionnel ou anticonfessionnel, et permettre à chaque
groupe d'avoir accès à une instruction religieuse conforme
à ses convictions. Le cas de Notre-Dame-des-Neiges est le premier de ce
genre et il nous a permis de trouver un modus vivendi fort civilisé
entre les diverses collectivités desservies par cette école.
C'était l'espoir et la CECM, je dois le dire, est en train, par
ses manoeuvres, de le saboter de voir apparaître au sein de la
Commission des écoles catholiques la possibilité d'une
école multiconfessionnelle respectueuse de la foi de tous les parents.
Merci, M. le Président.
Le Président: Une dernière question, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, la loi 71 qui a
créé le Conseil scolaire de l'île de Montréal
donnait au Conseil scolaire de l'île de Montréal la
possibilité de créer des écoles "autres". Est-ce une
possibilité à laquelle le ministre de l'Education s'est
arrêté pour tenter de solutionner certains de ces problèmes
qui sont devenus une réalité de notre milieu?
Le Président: M. le ministre de l'Education,
brièvement, s'il vous plaît.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne voudrais
écarter aucune hypothèse de travail. Il se
pourrait que nous soyons amenés à réviser plusieurs
des principes qui sous-tendent le système scolaire actuel, s'il n'y
avait pas moyen de procéder à l'adaptation civilisée du
système actuel. Je n'envisage pas, pour l'instant, de confier un tel
rôle au conseil scolaire. J'estime que la CECM, étant responsable
non seulement d'écoles confessionnelles, mais d'écoles communes,
doit se montrer capable de régler ce problème.
M. le Président, je pense qu'il y va de l'avenir du Québec
dans une très large mesure. La question est celle-ci. Est-il possible de
respecter la foi des parents et des enfants de toutes confession-nalités
et de les amener à coexister pacifiquement? Est-ce possible? La
réponse que nous donnons, du côté gouvernemental, c'est
oui, et nous allons tout mettre en oeuvre pour qu'on puisse régler ces
problèmes dans la coexistence harmonieuse des diverses
communautés qui composent le Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
Acquisition de l'Asbestos Corporation
M. Brochu: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre responsable de l'Energie et des Ressources et concerne le dossier de
l'acquisition de l'Asbestos Corporation. Le Président de l'Asbestos
Corporation a indiqué, il y a quelques semaines, l'intention de sa
société d'investir dans ses installations au Québec des
montants de l'ordre de $120 millions, dont $35 millions allaient pour les
installations plus spécifiques des mines de l'Ungava, soit Asbestos
Hill. Le président de la Société nationale de l'amiante a,
par la suite, indiqué l'intention du gouvernement, apparemment,
d'investir les mêmes sommes, le cas échéant, devenant
propriétaire de la société, pour moderniser ses
installations. (11 h 30)
J'aimerais, dans un premier temps, demander au ministre responsable,
s'il est exact que le gouvernement du Québec confirmant cela, ce
qu'on lui a déjà indiqué dans le domaine a
l'intention d'investir une somme de l'ordre d'environ $100 millions ou $120
millions simplement au niveau des corrections à apporter aux
installations et deuxièmement, depuis quelque temps, on a entendu
parler, on a assisté aux échanges qu'il a pu y avoir entre le
président de la Société Asbestos et le président de
la Société nationale de l'amiante pour un transfert dit
harmonieux, avant le règlement final, des installations d'Asbestos
corporation et il semblerait que ces transferts dits harmonieux soient dans une
impasse actuellement. J'aimerais que le ministre puisse nous faire le point sur
cette situation.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, il est exact que
si le gouvernemet doit procéder par expropriation dans le cas de la
Société Asbestos, il devra investir des sommes assez importantes
dans les usines comme telles. En effet, depuis le début, d'ailleurs, en
débat parlementaire, on en a longuement discuté. Depuis le
début, il est évident que, par suite de l'expansion de la mine
à Asbestos Hill, dans le Nord il faut aller sous terre il
y a des investissements importants que la compagnie s'apprête à
faire. Il faut dire également que la compagnie a accumulé un
fonds de roulement en caisse, de presque $70 millions, donc, c'est de l'argent
liquide, justement, en prévision d'un programme d'investissement.
Il va de soi, évidemment, que si, au lieu d'acheter les actions
de la compagnie, ce qui nous permettrait de mettre la main directement sur $70
millions d'argent liquide, nous devions procéder par une expropriation
d'articles, dans ce cas, évidemment, nous ne prenons pas en même
temps les liquidités de la compagnie. Il faudrait donc que le
gouvernement réduise cela du montant à payer, d'une part et
d'autre part, investisse lui-même les sommes. En fait, cela revient
exactement au même: qu'on achète la compagnie avec l'argent dans
le coffre-fort ou qu'on achète la compagnie, sans l'argent dans le
coffre-fort, mais qu'on ajoute l'argent pour faire les transformations, c'est
exactement la même chose.
Donc, c'est un fait qu'il y a des investissements importants. C'est
également un fait que l'entreprise fait de très gros profits,
qu'elle estime très justifiés, ces investissements, à
cause de leur rentabilité, et c'est bien évident que, soumis
à la même analyse de notre part, on va en tirer les mêmes
conclusions et cela vaudra la peine d'investir dans cette entreprise.
Quant au transfert harmonieux, advenant le cas où il nous faut
procéder à une expropriation, ce qui semble devoir être le
cas présentement, il faut mettre sur pied une équipe, du
côté québécois, capable de prendre la relève,
et également de s'assurer qu'au moment de la transition, il y a un
minimum de bouleversements, de manière qu'elle se fasse le plus en
douceur possible. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que nous suivons l'avis
du juge Lévesque, qui dans son jugement où il refusait la demande
d'injonction, avait demandé au gouvernement de faire cette transition le
plus régulièrement possible. C'est ce que nous nous engageons
à faire et la Société nationale de l'amiante va nous
fournir pour la fin décembre, une procédure à suivre pour
la prise de possession.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Brochu: M. le Président, on sait qu'au point de
départ, le projet initial comprenait l'ensemble des installations de
l'Asbestos Corporation au Québec, y compris également les
installations d'Asbestos Hill dans l'Ungava. Maintenant, d'après les
dernières déclarations de M. Perlstein, qui est président
de la Société nationale de l'amiante, il semblerait moins certain
que le gouvernement du
Québec veuille mettre la main sur cette partie des actifs de
l'Asbestos Corporation qui représente, pourtant, M. le Président
je vous le rappelle un quart de la production totale de la
société Asbestos et qui va, évidemment, comme cela a
déjà été souligné, vers les marchés
européens, où General Dynamics a une usine de transformation
protégée en cela comme on l'a déjà
indiqué par l'entente inter-Europe, voulant que lorsqu'un produit
est transformé sur place, l'ensemble des pays de la Communauté
européenne s'engage à ne pas acheter le même produit de
l'extérieur de la Communauté économique européenne.
Donc, il y a un point important là-dedans que le ministre aurait raison
d'éclaircir ce matin. Je vais demander au gouvernement: Est-il exact que
c'est l'intention, à ce moment-ci, du gouvernement du Québec de
laisser de côté l'acquisition des installations d'Asbestos Hill,
d'une part, et quel impact est-ce que cela aura sur la rentabilité
totale du projet, puisqu'au point de départ, le gouvernement avait
l'intention dans son projet initial cela touche la rentabilité
totale d'acquérir l'ensemble des actifs de l'Asbestos Corporation
en territoire québécois et de s'assurer par le biais d'Asbestos
Hill, des marchés européens.
Le Vice-Président: M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, pour autant que
le gouvernement est concerné, nous n'avons pas de position ferme
concernant l'expropriation des actifs d'Asbestos Hill dans le Nord du
Québec. Je pense qu'il faut comprendre que, dans le cas de la mine qui
est située sur la baie de l'Ungava, il n'y a pas de transformation de
cette fibre.
En d'autres termes, le minerai est simplement concentré,
concassé; on fait une grossière concentration et on
expédie essentiellement de la roche en Allemagne où là, on
fait la finition de la préparation de la fibre et la mise en sac. Ce
n'est donc pas une usine dite de transformation qu'il y a en Allemagne mais
c'est une usine exactement analogue aux usines de traitement de la fibre qui
existent au Québec. Or, il va de soi que dans le cas d'une prise de
possession d'actifs, nous ne pouvons pas, puisque c'est constitutionnellement
impossible et que de toute façon nous ne pourrions pas le faire
même en droit international, prendre possession de l'usine de Nordenham
en Allemagne. L'usine de Nordenham fait donc face à un problème
très sérieux puisqu'il n'existe pas de marché pour ce type
de produit qui lui vient de l'Ungava et, d'autre part, pour autant que nous
sommes concernés, nous n'aurions pas non plus d'usine de transformation
à moins de nous engager dans un programme d'investissement au
Québec pour construire une telle usine, ce qui, évidemment,
aurait comme conséquence de faire fermer possiblement l'usine de
Nordenham en Allemagne.
Donc, compte tenu des implications financières, des
investissements majeurs qu'il y a à faire pour étendre la mine en
profondeur dans la baie d'Ungava, c'est donc tout à fait envisageable
je comprends que le président de la Société
nationale de l'amiante l'ait regardé de très près
de ne pas exproprier la mine de l'Ungava et de laisser celle-ci continuer
à exporter son produit à Nordenham, par exemple. Cela pourrait
très bien être fait et je comprends que le président de la
Société nationale de l'amiante, en étant obligé de
procéder à une expropriation, puisse, éventuellement,
suggérer de ne pas exproprier cette installation dans le nord du
Québec. Mais je dois dire qu'il n'a pas encore fait son rapport et que,
par conséquent, le gouvernement n'a pas eu à se prononcer.
Le Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Brochu: Question additionnelle, M. le Président. Il est
exact que le gouvernement du Québec ne peut pas exproprier des actifs en
territoire européen mais, est-ce qu'il est exact qu'il y a actuellement
des pourparlers au gouvernement du Québec pour acquérir de
gré à gré les installations de General Dynamics à
Nordenham, ce qui permettrait, par la suite, de procéder à
l'expropriation de l'ensemble des actifs de l'Asbestos Corporation au
Québec y compris, évidemment, les mines de l'Ungava?
M. Bérubé: Oui, M. le Président,
c'est-à-dire que cela fait effectivement des discussions que nous
aimerions avoir avec la société Asbestos. Mais, entre aimer avoir
des discussions, ce qui nous permettrait effectivement de négocier une
transaction d'affaires qui serait favorable tant à la compagnie
qu'à nous-mêmes, et être capables de trouver un
interlocuteur qui veuille bien négocier, évidemment, c'est deux.
Par conséquent, on ne peut pas assurer que la compagnie qui n'a pas
manifesté plus d'empressement jusqu'à maintenant à se
départir d'une entreprise extrêmement rentable, extrêmement
intéressante pour elle, a fait montre de beaucoup de collaboration dans
ses discussions avec le gouvernement, comme tout le monde le sait
d'ailleurs.
Par conséquent, c'est dans l'hypothèse où il n'y
ait pas moyen de s'entendre quant à la prise de possession des actifs
ce qui semble bien être le cas qui ne semble pas devoir changer
d'ici la fin de l'année que, à ce moment-là, il
faut envisager très sérieusement de ne pas acheter les
installations de Nordenham. C'est dans ce cas qu'il nous faut remettre en cause
la décision concernant la baie d'Ungava.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Question additionnelle au ministre de l'Energie et des
Ressources, sur le même sujet. Je trouve que le ministre est
étrangement compréhensif pour une argumentation qui aurait pour
effet de ne pas acheter la mine d'Asbestos Hill alors que les mêmes
arguments, quand on les lui a présentés de ce
côté-ci de l'Assemblée nationale il y a un an, n'ont pas
reçu une seconde d'attention de sa part. Est-ce que le ministre, au nom
du
gouvernement, n'est pas en train de nous annoncer un retrait
stratégique de manière à pouvoir justifier un prix qui se
rapprocherait des prix qui ont été avancés par le ministre
des Finances. A force de diminuer la quantité de choses qu'on
achète, on va peut-être parvenir à s'insérer dans la
grille de $40 ou $42 qui a été annoncée par le
gouvernement il y a un an.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Malheureusement, comme d'habitude, le
député de Saint-Laurent omet de donner littéralement le
contenu des débats et que, par conséquent, il cherche à
induire en erreur; certainement pas sa députation puisque tout le monde
le connaît mais l'ensemble du Québec. Or, s'il se
référait aux débats en commission parlementaire, il
verrait bien qu'il y a eu un très long débat autour d'un point
particulier de la loi où le gouvernement se réservait justement
la possibilité de ne pas exproprier certains actifs. A ce
moment-là, le député de Saint-Laurent avait
demandé: Est-ce que le gouvernement n'envisage justement pas
d'écrire cette loi en vue, peut-être, de ne pas acheter les actifs
de l'Ungava et, effectivement, j'avais confirmé à l'époque
qu'il y avait une possibilité que le gouvernement décide de ne
pas acheter les installations de l'Ungava si, après analyse, on devait
décider que c'était plus intéressant de se contenter de
celle de Thetford Mines. (11 h 30)
Par conséquent, cette discussion a eu lieu en commission
parlementaire; j'ai confirmé que cela pourrait être la position du
gouvernement et, par conséquent, le député de
Saint-Laurent a purement et simplement tenté d'induire la Chambre en
erreur sur ce point. C'est donc totalement erroné. Quant au retrait
stratégique, ce n'est absolument pas le cas. Si nous procédons
par expropriation, le député de Saint-Laurent sait très
bien que le juge qui doit, à ce moment, au tribunal d'expropriation
décider de la valeur, doit évaluer la juste valeur marchande des
actifs que nous achetons. Par conséquent, ce n'est pas le gouvernement
qui, à ce moment, fixera le prix, mais ce sera le juge. Il ne fait aucun
doute que pour autant que nous sommes concernés, si nous achetons par
voie négociée, c'est que nous achetons l'ensemble des
installations d'Asbestos y compris les installations de Nordenham. Si nous ne
pouvons pas acheter les installations de Nordenham, il est plus probable
qu'à ce moment nous expropriions et, à ce moment, c'est un juge
qui tranchera et non pas le gouvernement. A nouveau, le député de
Saint-Laurent est totalement dans l'erreur, mais ce n'est pas la
première fois.
Le Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Forget: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Le ministre de l'Energie et des Ressources affirme que
j'induis la Chambre en erreur. Je l'invite à consulter attentivement les
débats en commission parlementaire et il se rendra compte qu'il ne
s'agit pas d'une question qui a été posée par l'Opposition
officielle, il s'agissait d'un projet d'amendement qui a été
suggéré au gouvernement de manière à réduire
l'envergure ou le champ d'application de la loi justement en excluant Asbestos
Hill. Cet amendement a été rejeté par le ministre et par
ses collègues ministériels.
Une Voix: L'arrogance!
Le Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Saint-Hyacinthe.
Modifications au règlement de placement dans la
construction
M. Cordeau: Le 8 novembre dernier, le ministre du Travail et de
la Main-d'Oeuvre, dans un communiqué, nous faisait part qu'il voulait
apporter des modifications au règlement de placement de l'OCQ ou Office
de la construction du Québec ainsi qu'au statut des artisans dans la
construction. Ce communiqué indiquait aussi que la nouvelle
réglementation concernant l'OCQ était soumise pour
appréciation au comité mixte de la construction pour avis avant
d'être soumise au Conseil des ministres.
Ma question est la suivante: Est-ce que le Conseil des ministres a
reçu l'avis du comité mixte de la construction concernant les
règlements de l'OCQ et en a-t-il approuvé le contenu et
également est-ce que le Conseil des ministres a approuvé les
recommandations de la Régie des entreprises en construction du
Québec concernant le statut des artisans dans la construction?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, la première question,
en effet, la loi prévoit que le comité mixte de l'Office de la
construction est saisi des projets de règlement de l'office. Or,
l'office a soumis ce projet de règlement de modification au
règlement de placement il y a maintenant un peu plus de 30 jours au
comité mixte. Le comité mixte ne m'a encore cependant pas
officiellement avisé de son opinion. Il a dû aviser l'office. Je
pense que nous pourrons procéder incessamment à ces modifications
au règlement de placement. Ceci dit, j'ai été
informé que le comité mixte, dans un acte qui caractérise
le type de courage qu'on
rencontre de la part des parties souvent dans ce genre de choses, a
décidé qu'en gros il était peut-être favorable, mais
n'allait pas exprimer d'opinion précise sur les projets de modification.
Ce qui veut dire qu'on craint parfois de porter son chapeau.
Quant au statut de l'artisan, effectivement, le Conseil des ministres,
la semaine dernière, a approuvé le projet de règlement
soumis par la Régie des entreprises en construction et qui a pour effet
de permettre à ceux qui, en pratique, la plupart du temps, sont des gens
de métier et souvent dans des régions dites
périphériques de pouvoir obtenir une fois pour toutes ce statut
de ne plus être salariés parfois entrepreneurs et bel et bien
d'avoir un statut très précis à l'égard de la
Régie des entreprises en construction. Ces règlements entrent en
vigueur, sont entrés en vigueur à toutes fins utiles et
déjà la régie a commencé à administrer le
nouveau règlement et ceux qui veulent, dans certains métiers,
obtenir ce statut avec cependant les limites que cela explique en même
temps que les droits que cela donne pourront le faire en s'adressant à
la Régie des entreprises en construction.
Le Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Dans l'intérêt des milliers de
travailleurs qui attendent ces modifications à la réglementation,
est-ce que le ministre a l'intention d'intervenir auprès du
comité mixte afin qu'ils puissent faire parvenir leur avis le plus
tôt possible?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: C'est-à-dire qu'il n'y a pas vraiment de
problème au sens de la loi, même si le comité
décidait de ne pas donner son avis, l'office peut, après 30 jours
de consultation du comité, quelle que soit l'opinion ou que le
comité se soit penché ou pas, peut me transmettre. J'attends que
l'office me transmette de façon définitive son avis sur le projet
de modifications au règlement de placement.
Le Président: M. le député de
Verchères.
Conflit à la CTRSM
M. Charbonneau: M. le Président, c'est un problème
qui touche une bonne partie de la rive sud de Montréal; je veux demander
au ministre des Transports s'il a des informations additionnelles sur le
conflit qui sévit actuellement à la Commission de transport de la
rive sud de Montréal. Je pense que vous le savez, mais pour que
l'ensemble des membres de cette Chambre soient informés, c'est au sujet
de l'intégration des employés de Métropolitain Sud, une
compagnie privée de transport qui a été achetée par
la Commission de transport de la rive sud de Montréal. Ces derniers
jours, il y a eu des arrêts de travail en guise de moyens de pression
exercés par les employés de la section Métropolitain Sud
de la Commission de transport de la rive sud de Montréal. Je sais qu'il
y a eu des démarches auprès de commissaires enquêteurs ou
de médiateurs, je ne sais pas trop quoi.
J'aimerais que le ministre nous indique s'il est au courant des derniers
développements dans ce dossier? Y a-t-il une possibilité de
médiation dans le dossier? Peut-on s'attendre qu'une décision
soit prise et que ce problème soit réglé, parce
qu'actuellement, notamment dans les régions qui ne sont pas proches du
fleuve Saint-Laurent, c'est-à-dire ce qu'on peut appeler la rive sud
immédiate, mais des régions plus éloignées,
notamment le comté de Verchères où les gens le long du
fleuve, Varennes, Verchères, Contrecoeur, le comté de Chambly
également, de la route 116 jusqu'à Saint-Hyacinthe, sont
actuellement privés du transport en commun par les moyens de pression
exercés par les employés de Métropolitain Sud?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, en effet les employés
de Métropolitain Sud ont choisi d'exercer ce moyen de pression devant
une situation, dont cependant ils connaissent les avenues possibles quant aux
solutions. Je qualifie le problème de la façon suivante:
Métropolitain Sud est une compagnie qui est intégrée
maintenant à la Commission de transport de la rive sud de
Montréal. Cette compagnie avait des effectifs, des travailleurs qui,
dans certains cas, avaient jusqu'à 20 années d'ancienneté
et ils sont intégrés à un groupe de travailleurs de la
Commission de transport de la rive sud qui, eux, en général ont
peut-être moins d'ancienneté dans leur poste.
Le problème n'est pas l'intégration proprement dite, parce
que tous les travailleurs de Métropolitain Sud sont assurés
d'avoir un emploi dans la nouvelle Commission de transport de la rive sud, mais
il s'agit de savoir qui aura les droits qui viennent avec l'ancienneté
et comment on déterminera l'ancienneté. Il est bien
évident qu'on a affaire à deux groupes de travailleurs qui ont
des droits et dont il faut harmoniser les droits, puisqu'ils vont être
obligés de vivre ensemble alors qu'ils ont deux conventions collectives
à l'origine qui sont différentes.
Des solutions, il y en a trois types possibles. Ou il y a une solution
négociée entre le syndicat de la Commission de transport de la
rive sud et le syndicat de Métropolitain Sud qui est un syndicat qui va
disparaître par l'effet de l'intégration, ou encore il y a une
médiation, ou encore le commissaire du travail qui est un personnage
dont les fonctions relèvent, à toutes fins utiles, du quasi
judiciaire, c'est-à-dire un personnage qui doit prendre sa
décision sans être influencé par le législatif ou
l'exécutif. Lui décidera de trancher comment se fera
l'intégration et à qui on assignera tel rang
d'ancienneté
Quant à nous, au ministère, dans la mesure où
toutes les parties impliquées sont intéressées et
acceptent le processus, nous sommes prêts à intervenir avec
un médiateur, et même idéalement, si tout le monde pouvait
s'entendre sur la personne du médiateur, ce sera encore plus simple.
Maintenant, si les parties ne s'entendent pas, il faudra qu'elles
acceptent en l'absence de négocier cette situation, que le commissaire
du travail, probablement, décide d'appliquer les dispositions des
articles 34 et suivants du code qui lui donnent le droit de décider qui
va prendre rang, à quel niveau, au niveau de l'ancienneté.
M. Charbonneau: M. le Président, rapidement.
Le Président: Une question très brève, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: En additionnelle, est-ce que le ministre pourrait
dire si des représentations de la part des gens du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre ont été faites auprès des
parties pour indiquer que la médiation était possible? (11 h
40)
Actuellement, le commissaire du travail se penche sur le dossier et
l'épée de Damoclès est là. Ou les gens se font
imposer, dans les jours ou les semaines qui viennent, la décision du
commissaire du travail ou encore on leur signifie que la médiation est
une autre alternative. Je ne suis pas certain qu'ils aient pris conscience de
cette alternative, actuellement.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: La médiation, à l'origine, avait
été demandée; cependant, mon ministère avait
refusé de fournir des services de médiation compte tenu du
contexte dans lequel cela avait été fait. C'est-à-dire que
les parties, à toutes fins utiles, en aucune façon on ne pouvait
trouver d'unanimité là-dessus. Ceci dit, il semble que deux des
trois parties qui sont impliquées, parce que l'employeur, en tant que
partie, a un mot à dire dans tout cela également, seraient
prêtes à accepter une médiation; il s'agit de savoir
maintenant si le syndicat intégré accepte cette médiation,
mais il faut, au départ, qu'il se soumette de bonne foi au processus,
qu'il accepte le rôle du médiateur et qu'il accepte, de
préférence, que cette médiation devrait donner lieu
éventuellement à un règlement qui devrait être un
règlement final, ne pas se mettre à contester, à retourner
devant les tribunaux, devant le commissaire, etc.
Si nous avons ce type d'assurance de la part du syndicat de
Métropolitain Sud, nous sommes prêts à faire des efforts
plus qu'extraordinaires d'ici Noël pour permettre aux parties de
régler ce problème.
Le Président: Bon. Avant de mettre un terme à la
période des questions, je voudrais inviter M. le ministre d'Etat au
Développement culturel à apporter un complément de
réponse à une question qui a été posée hier,
je crois, en rapport avec le Père Noël par M. le
député de Pointe-Claire.
M. le ministre d'Etat au Développement culturel.
Santa Claus versus Père Noël
M. Laurin: Le député de Pointe-Claire m'a
posé une question hier sur une attaque présumée de
l'Office de la langue française à l'endroit de "Santa Claus",
attaque qui pourrait aller jusqu'à l'assassinat appréhendé
de ce personnage mythique. Je lui ai répondu que j'irais aux sources. Je
suis allé aux sources et ce pèlerinage m'a rafraîchi et
revigoré. Je peux maintenant rassurer le député de
Pointe-Claire, je peux rassurer "Santa Claus" et tous ses adorateurs. L'Office
de la langue française n'a émis aucune directive à
l'endroit ou de "Santa Claus" ou de Saint-Nicolas ou du Père Noël.
Les commerçants, les entrepreneurs pourront, dans leur vitrine de
Noël, utiliser l'un ou l'autre de ces personnages dans la langue qu'ils
voudront et dans toutes les autres langues également où ce
personnage est connu et il n'y aura aucune poursuite de même qu'il n'y a
eu aucune directive. Sur ce, je souhaite bon Noël au député
de Pointe-Claire!
Le Président: M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: M. le Président, j'ai dans les mains un avis de
M. Racine qui, hier, a nié le fait que certains petits commerces avaient
été approchés par des fonctionnaires de la commission de
surveillance les pressant d'enlever les mots "Santa Claus" de leur affichage.
En posant la question hier, je savais que le premier ministre n'était
pas au courant des activités des fonctionnaires de la commission de
surveillance. Est-ce que le ministre est maintenant prêt à
garantir tous les Québécois que les abus de la commission de
surveillance seront tout de suite arrêtés dans ce domaine?
Le Président: M. le ministre d'Etat au
Développement culturel.
M. Laurin: Je ne veux pas répéter ce que je viens
de dire. On ne peut empêcher en vertu des articles qui régissent
la Commission de surveillance de la langue française, un citoyen de
s'adresser, pour quelque raison qu'il juge opportune, à la Commission de
surveillance de la langue française. Il revient à la commission
de surveillance de juger si la plainte est frivole, si la plainte est opportune
et d'en disposer selon le jugement qu'elle porte.
Le Président: Motions non annoncées.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Question de privilège relative à une
directive de la Commission
de surveillance de la langue française
Avant l'enregistrement des noms sur les votes en suspens, j'aimerais
donner lecture d'un avis de privilège qui m'a été
adressé. "December the 12th 1979.
"Dear Sir, in conformance with our regulations I wish to raise a
question of privilege concerning statement by Mr Gilles Racine, of l'Office de
la langue française, to the media, in particular to Mr Lou Harris of
Montreal Gazette, when he suggested that operative of the Commission de
surveillance had not issued directive requiring the removal of reference to the
name Santa Claus to shopkeepers in Montreal. These statements bring into
question the veracity of my intervention and are defamatory and slenderous and
are abuse of my rights as a member of this Assembly. Yours truly, William Shaw,
member for Pointe-Claire."
M. le député de Pointe-Claire, brièvement, vous
conformant au règlement.
M. William Shaw
M. Shaw: I think, Mr President, I have made my remarks previously
in French concerning the fact that I appreciate the minister's responsibility
to make sure that the abuses effected by his language police are not reflected
as policy of this government. And, therefore, when Mr Racine speaks to the
journalist, questioning the veracity of my intervention, I suggest further that
the minister speak to Mr Racine to insure that his language police are not
using pressures that exceed the mandate of the law.
M. Laurin: M. le Président, je soulève une question
de privilège à mon tour. A entendre le député de
Pointe-Claire, en anglais évidemment, c'est peut-être plus clair.
Le député semble laisser entendre que j'ai admis que les faits ou
les attaques qu'il avait portées hier étaient justes, ce qui
n'est pas du tout le cas. Je pense bien que toute la députation aura
compris. Je pense aussi que nous pouvons porter objection au mot qu'il emploie
pour qualifier la Commission de surveillance de la langue française, qui
n'est pas du tout une police de la langue, bien au contraire. C'est simplement
un organisme chargé de faire respecter la loi, comme il en arrive
tellement dans toutes les autres lois et que la Commission de surveillance de
la langue française a toujours utilisé la souplesse...
Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît!
Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Il y a un vote en
suspens, c'est celui sur la motion de deuxième lecture du projet de loi
no 71. Je demande qu'on appelle les députés.
Suspension à 11 h 47
Reprise à 11 h 56
Mise aux voix de la deuxième lecture du projet
de loi no 71
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît! A l'ordre! M. le
député! Il s'agit maintenant pour cette Assem- blée de
mettre aux voix la motion de M. le ministre de l'Education proposant que soit
maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 71, Loi modifiant de
nouveau la Loi de l'instruction publique. Que ceux qui sont pour cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Charron, Bédard, Laurin,
Morin (Sauvé), Parizeau, Marois, Léonard, Couture,
Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt
(Jonquière), Gendron, Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime,
Lessard, Lazure, Tardif, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt,
Bertrand, Fallu, Michaud, Laberge, Guay, Lefebvre, Laplante, Mme
LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Dussault, Marquis, Ouellette,
Perron, Gosselin, Jolivet, Brassard, Lavigne, Mercier, Boucher,
Beauséjour, Desbiens, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Ryan, Levesque (Bonaventure),
Saint-Germain, Caron, Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde,
Blank, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lamontagne, Giasson,
Mme Chaput-Rolland, MM. Larivière, Lalande, Mathieu, Dubois, Scowen,
Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Biron, Brochu, Grenier,
Goulet, Fontaine, Bellemare, Cordeau, Le Moignan.
La Vice-Présidente: Ceux qui s'opposent.
Le Secrétaire adjoint: M. Shaw.
La Vice-Présidente: Les abstentions.
Le Secrétaire: Pour: 88 Contre: 1
Abstentions: 0
La Vice-Présidente: La motion est adoptée. M. le
leader parlementaire du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Charron: A moins qu'il y ait des questions en vertu de
l'article 34, Mme la Présidente...
M. Gratton: En vertu de l'article 34, Mme la
Présidente...
Mme la Vice-Présidente: En vertu de l'article 34, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Mme la Présidente... Une Voix: ...
transport...
M. Gratton:... on sait qu'on a adopté le projet de loi no
9 qui constitue une nouvelle loi électorale. Le ministre d'Etat à
la Réforme électorale nous a donné l'assurance qu'elle
n'entrera pas en vigueur avant la tenue du référendum, sauf pour
certains articles que le gouvernement pourrait souhaiter voir promulguer, de
façon à ce qu'ils s'appliquent lors de la tenue du
référendum.
J'aimerais demander au leader de nous aviser s'il ne croit pas et si
c'est dans l'intention du
gouvernement possiblement de faire siéger la commission
permanente de l'Assemblée nationale, de façon que les membres de
cette commission puissent formuler des suggestions, faire des recommandations
auxquelles les articles devraient être promulgués, de façon
à faciliter la tenue du référendum.
Une Voix: ... les conditions...
M. Charron: Mme la Présidente, plus tôt,
l'engagement qu'a pris le ministre d'Etat à la Réforme
électorale en commission, était d'aviser à l'avance les
chefs de parti de l'entrée en vigueur éventuelle de certaines
dispositions du projet de loi. Peut-être...
Une Voix: On va tenir notre promesse.
M. Charron: ... qu'à cette occasion, sur la nouvelle de
l'entrée en vigueur prochaine de certains articles, l'Opposition
officielle ou l'Union Nationale décidait de se rendre à la
demande que fait le député de Gatineau à ce moment, on le
considérera à ce moment-là.
M. Gratton: Sur le même sujet, Mme la Présidente. On
sait que la loi 92 crée l'obligation et pour le directeur
général des élections et pour le directeur
général du financement des partis politiques de rédiger
une version officielle de l'ensemble des lois qui régiront la tenue du
référendum. Or, j'imagine que le directeur général
des élections devrait normalement vouloir savoir quels articles de la
nouvelle loi électorale s'appliqueront, le plus tôt possible, de
façon à ce qu'on ait ce recueil des lois qui... M. le
Président, je demande donc au leader du gouvernement à quel
moment les chefs de partis reconnus peuvent s'attendre à être
consultés ou avisés des articles de la loi 9 qui s'appliqueront
lors du référendum.
Mme la Vice-Présidente: M. le leader parlementaire.
M. Charron: Je ne peux donner une réponse précise,
Mme la Présidente, au député de Gatineau, sauf de
l'assurer que ce n'est pas avant la fin de la présente année.
La Vice-Présidente: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Mme la Présidente, je ne sais pas si le leader
du gouvernement a des réponses au feuilleton, mais j'aimerais bien lui
soumettre que depuis le 18 octobre, j'ai posé des questions au
feuilleton concernant le ministère de l'Agriculture, questions fort
simples, d'ailleurs, à répondre, très peu longues et qui
touchent certaines anomalies que des fonctionnaires auraient pu se permettre.
Est-ce que le leader m'assure qu'il va pouvoir me rendre une réponse
d'ici la fin de la session? Il reste une semaine environ. (12 heures)
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Je suis en train, Mme la Présidente, de faire
un ratissage dans tous les ministères, des questions qui sont
adressées, en vue de les déposer ici à l'Assemblée
dans les tout prochains jours. J'espère que la question que vise le
député de Maskinongé sera dans la récolte.
M. Lavoie: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Relativement à la première question qui
a été posée concernant la loi 92, la Loi de la
consultation populaire, on sait que cette loi prévoit la constitution du
Conseil du référendum, qui est formé de trois membres de
la Cour provinciale, déterminés par le juge en chef de la Cour
provinciale. Est-ce que je pourrais demander au ministre responsable de la
Réforme électorale si ce Conseil du référendum a
été formé?
M. Charron: Je m'oppose à la question, Mme la
Présidente. Il ne s'agit pas d'une question en vertu de l'article 34. Le
député peut la conserver pour demain matin.
La Vice-Présidente: M. le député
d'Orford.
M. Lavoie: Vous ne pourriez pas répondre quand
même?
La Vice-Présidente: De toute façon, M. le
député de Laval, ce n'est pas le moment.
M. Vaillancourt (Orford): J'ai une question au feuilleton depuis
environ deux ans. Est-ce que le ministre s'attend d'y répondre
prochainement?
M. Charron: Laquelle, s'il vous plaît?
M. Vaillancourt (Orford): C'est à la page 4, le
numéro 5. Est-ce que vous voulez que je vous lise le texte de la
question?
M. Charron: Oui.
M. Vaillancourt (Orford): Combien de nouveaux employés
réguliers, temporaires ou occasionnels, contremaîtres
généraux, etc., le gouvernement a-t-il exagérés
engagés dis-je à salaire ou à honoraires
à l'Assemblée nationale, etc.?
La Vice-Présidente: Vous aussi, vous faites des lapsus, M.
le député. M. le leader.
M. Charron: Cela ne prend pas deux ans sans doute à poser
ce genre de questions. Ce sont plutôt celles qui peuvent se poser en
dedans de deux secondes parce qu'on voit bien qu'il n'y a aucun effort, on
demande tout. Je termine la
question que le député d'Orford a posée: Combien de
nouveaux employés réguliers, temporaires, occasionnels, de
contremaîtres généraux et il ajoute etc.,
au cas où il en aurait oublié le gouvernement
a-t-il engagés à salaire ou à honoraires à
l'Assemblée nationale, dans les ministères, les bureaux, les
offices, les régies, les commissions, les sociétés
êtes-vous sûr que vous n'avez pas oublié quelque chose?
relevant du gouvernement et ce, depuis le 26 novembre 1976 jusqu'au 21
mars 1979? Mme la Présidente, si le député veut savoir
combien nous avons engagé de tous ces gens dans tous ces offices
jusqu'au 21 mars 1979, comment peut-il avoir posé la question il y a
déjà deux ans?
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Une
question en vertu de l'article 34, M. le député?
M. Caron: J'ai une question du 22 mars qui date de 1977 au
ministre de l'Environnement; j'aimerais bien cela, moi aussi, avoir une
réponse, si vous voulez en prendre note.
M. Charron: Moi aussi, j'aimerais beaucoup que le
député l'ait.
M. Caron: Je ne veux pas l'avoir ce matin, mais c'est une
question qui nous reporte deux ans en arrière. Je pense que c'est tout
à fait normal... Sans vouloir être haïssable, je pense que
c'est normal d'avoir la réponse.
La Vice-Présidente: Aux avis à la Chambre, M. le
leader parlementaire du gouvernement.
M. Gratton: En vertu de l'article 34, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Je vois que vous avez une nouvelle
question.
M. Gratton: Une dernière question. La semaine
dernière, le premier ministre a pris avis d'une question que je lui
posais à la période de questions à savoir quelles seront
les mesures qu'il entend prendre pour rectifier les faits dans les
comtés des cinq députés...
La Vice-Présidente: Vous pourriez revenir à la
période de questions, M. le député de Gatineau, s'il vous
plaît!
M. Gratton: Non, je demande à quel moment... Il a pris
avis et il a dit qu'il nous fournirait la réponse. A quel moment puis-je
attendre du premier ministre une réponse quant aux mesures que le
gouvernement prendra pour rectifier les faits dans les cinq comtés des
députés qui ont utilisé le texte tronqué?
La Vice-Présidente: Cette Assemblée siégera
demain. Vous pourriez revenir avec cette question demain.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Projet de loi no 71
Renvoi à la commission de
l'éducation
M. Charron: Madame, je voudrais proposer d'abord que le projet de
loi 71 qui a été adopté en deuxième lecture tout
à l'heure soit déféré à la commission
parlementaire de l'éducation.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle
adoptée?
Des Voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
M. Charron: Et, du même souffle, proposer que cette
commission se réunisse immédiatement jusqu'à 13 heures,
ensuite, de 15 heures à 18 heures et ce soir, de 20 heures à
minuit, pour faire l'étude article par article de ce projet de loi si
elle a besoin de tout ce temps évidemment, 81-A. Je veux aussi proposer
qu'au salon rouge, la commission des affaires municipales poursuive son travail
aux mêmes heures sur le projet de loi no 57.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. Charron: Le menu de la journée, madame, je m'en tiens
à ce que j'ai annoncé à mes collègues: la
deuxième lecture du projet de loi no 17 au nom du ministre d'Etat au
développement social, je vous prie donc d'appeler l'article 50 du
feuilleton.
Projet de loi no 17 Deuxième lecture
La Vice-Présidente: M. le ministre d'Etat au
Développement social propose que soit maintenant lu la deuxième
fois le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la
sécurité du travail.
M. le ministre.
M. Pierre Marois
M. Marois: Mme la Présidente, selon la formule d'usage, le
lieutenant gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande
l'étude à cette Assemblée nationale.
Après, on me permettra de le rappeler en commençant cette
intervention, près de trois années de travail, de recherche, de
consultation d'une consultation telle, je pense qu'on l'admettra, qu'il
n'y a peut-être pas beaucoup de projets de réforme qui auront
donné lieu à une aussi large consultation à travers tout
le Québec nous abordons aujourd'hui, avec ce débat de
deuxième lecture, la dernière phase d'une longue marche
vers l'adoption, enfin, au Québec d'une loi cadre, comme on dit
dans le jargon tant demandée avec justesse, d'ailleurs, tant attendue,
une loi cadre portant sur la santé et la sécurité du
travail. Avant d'aller plus loin dans ce débat, je voudrais dire deux
choses même s'il semble, d'après ce qu'on me dit, que ce n'est pas
tellement la coutume parlementaire de le faire. Je tiens à le dire parce
que je crois que c'est la vérité et parce que je crois que c'est
une pure et stricte question d'honnêteté.
Premièrement je pense que les citoyens et les citoyennes
du Québec qui maintenant peuvent suivre nos travaux par la
télévision l'admettront ce n'est pas tous les jours qu'on
voit cela, mais il arrive parfois que les hommes et les femmes en politique
sont encore capables de s'élever au-dessus de petites formes de
partisane-rie et même de formes mesquines de partisanerie et de mettre le
meilleur d'eux-mêmes tout en ayant, bien sûr et c'est normal, des
divergences de vues sur certains points, certaines modalités, mais de
mettre le meilleur d'eux-mêmes pour faire ensemble cet effort qui au fond
est tellement attendu des citoyens pour essayer, comme on dit dans le jargon,
de bonifier au maximum une loi, un projet de loi pour en faire le meilleur
instrument qui soit possible dans une conjoncture donnée, dans
l'état donné d'évolution d'une société.
En ce sens, je tiens à signaler l'attitude très positive,
très ouverte qui a été adoptée par les membres de
cette Assemblée nationale qui, en septembre dernier, durant plusieurs
jours de travaux de commission parlementaire, ont reçu près de 63
groupes et ont examiné près de 70 mémoires. Je tiens
à le dire, je ne sais pas si c'est rentable ou non sur le plan
électoral, mais je vais toujours bien le dire comme je le pense et comme
je l'ai vécu et senti. Je tiens en particulier à signaler
l'attitude des députés des partis de l'Opposition de cette
Chambre, notamment, l'attitude du député de Portneuf, notamment,
l'attitude du député de Richmond qui, je pense, tout au long des
travaux de cette commission ont montré aussi une attitude plus que
positive face au fond à un problème qui est perçu comme
quelque chose de criant et de déchirant pour des centaines de milliers
d'hommes et de femmes au Québec.
Deuxième remarque préliminaire que je voulais faire. Bien
sûr, on sait que le gouvernement du Québec attache une très
grande importance à cette réforme légitime, compte tenu de
l'ampleur des problèmes dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail vécus précisément par
les hommes et les femmes au travail au Québec. C'est une réforme
qui, bien sûr, implique un changement de cap fondamental, un virage
important et en ce sens et je pense qu'on ne le dit pas assez quand cela se
présente, je ne sais pas pourquoi, cela n'a pas l'air d'attirer
particulièrement l'attention, mais je tiens à le dire parce que
c'est vrai. (12 h 10)
On a beau être pilote, parrain d'un projet de loi, on a beau
être ministre mais jamais il n'aurait été possible et
jamais je n'aurais pu réussir à mener à terme une
réforme de cette envergure sans l'appui, la contribution et l'apport
absolument remarquable d'une batterie de membres de l'aile de la
majorité parlementaire et dont un certain nombre d'entre eux en
particulier, n'ont pas hésité en plus à payer largement
leur temps, en se mettant sur le chemin avec moi, pour aller voir les choses
concrètement, là où les problèmes sont
vécus, là où les problèmes se passent, pour
examiner, comme on dit souvent dans le jargon courant, avec le monde en vie,
ceux qui vivent précisément ces problèmes, les solutions
possibles, parler avec eux de leur façon de voir les problèmes et
les solutions qu'ils envisagent.
On me permettra de mentionner le travail absolument remarquable et
incroyable qui a été abattu, notamment, en particulier, par le
député de Laviolette, par le député de Joliette et
également par le député de Jonquière, avant son
accession à la vice-présidence qui auront été et
qui sont encore, tout au long des travaux, sur cette réforme comme
autant de copilotes.
On me permettra de rappeler que le gouvernement du Québec avait
pris un certain nombre d'engagements en particulier à l'occasion du
premier sommet socio-économique tenu à La Mal baie, notamment
deux engagements dont le premier était cette réforme tant
attendue de l'affaire; deuxièmement, de la faire en consultation la plus
étroite possible avec ce qu'on appelle les agents
socio-économiques concernés, c'est-à-dire aussi bien les
représentants du monde patronal que les représentants des
travailleurs, les représentants du monde syndical. Tout cela a
démarré par la publication d'un livre blanc. Pour préparer
ce livre blanc, il y aura eu je tiens à le rappeler au
moins cinq rencontres dont une de deux jours avec les membres du fameux Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Par la suite, cela aura
été une opération menée sur le chemin, comme je
l'ai évoqué, parmi le monde, qui nous aura permis de rencontrer
42 organismes, recevoir 57 mémoires, visiter dans tout le Québec,
toutes et chacune des régions du Québec, plus de 70 usines
d'à peu près tous les secteurs économiques possibles, sans
compter plus de 25 rencontres avec des groupes particuliers. Puis est venu le
projet de loi no 17 avec ce que j'évoquais tantôt, 63 groupes
entendus en commission parlementaire et près de 70 mémoires
reçus.
Nous avons aussi, tout au long de cette opération, fait
l'impossible pour regarder la réalité québécoise
telle qu'elle était, essayé d'en faire la meilleure lecture
possible, d'abord des faits, des situations dégradées dans
certains cas; deuxièmement, la meilleure lecture possible aussi de ce
qui pouvait, à notre point de vue, être autant de points d'appui
positifs, sur lesquels points d'appui il était possible d'asseoir une
réforme comme celle qui est proposée maintenant.
Bien sûr, aussi, nous avons regardé ailleurs. Nous avons
regardé dans d'autres provinces du Canada où des réformes
ont été menées à terme, où des
réformes sont maintenant en application, ce qui est le cas de la
Saskatchewan. Nous avons
eu des rencontres avec ces gens, ce qui est le cas de l'Ontario, ce qui
est le cas d'autres provinces, l'Alberta, le Manitoba. Nous avons
regardé aussi du côté des Etats-Unis, nous avons
rencontré des porte-parole des Etats-Unis. Nous avons aussi
regardé et rencontré des porte-parole des représentants de
ceux qui ont piloté, administrent des réformes du genre, bien
sûr, dans chacun des cas, ajustées à leur
réalité sociale, à leur réalité
économique, en Suède, en Allemagne, en Grande-Bretagne. Mais nous
avons voulu que cette réforme reste profondément très
québécoise, c'est-à-dire qu'elle soit la plus conforme
à notre réalité et à notre potentiel.
J'ai dit que nous avons tenté de faire la meilleure lecture
possible des faits et, au fond, en faisant la lecture de ces faits, c'est nous
poser tous ensemble la question fondamentale: Pourquoi faire une loi? Pourquoi
faire une réforme comme celle-là? C'était
précisément parce que, d'abord, il y a un côté de
cette réalité qui n'est pas particulièrement rose; dans
certains cas, il est dramatique et même avec certains aspects qui sont
je crois que c'est le mot pour les traduire tragiques.
En 1978, donc sans remonter au déluge, il y a eu au Québec
308 000 accidents de travail qui ont été rapportés sur la
base des chiffres connus, ce qui signifie 35 accidents de travail à
l'heure, sept jours par semaine, jour et nuit, c'est-à-dire six fois
plus de victimes d'accidents de travail que de victimes d'accidents de la
route. Il y a eu plus de 200 hommes et femmes au travail qui sont
décédés. Pour les années 1975 et 1976, cela a
été 525, ce qui signifie qu'un homme, une femme au travail sur
treize est victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle.
Il y a eu 2 800 000 jours ouvrables, de travail, qui ont été
perdus à la suite des accidents de travail et des maladies
professionnelles. Il y a 120 000 hommes et femmes, au moment où on se
parle, qui sont exposés à la surdité, à devenir
partiellement ou complètement sourds dans plus de 4000
établissements au Québec. Il y a 75% de ces 4000
établissements qui ne respectent pas présentement les normes de
base, les fameux 90 décibels, comme on dit, normes pourtant
établies par règlement.
Il y a 70 000 hommes et femmes au travail qui sont en contact avec des
substances susceptibles de provoquer des maladies pulmonaires. L'état de
la recherche est émietté, c'est insuffisant, tant et si bien que
quand on examine les dossiers, on constate une chose: Le profil de
l'état de santé des hommes et des femmes au travail, dont on
dispose aujourd'hui, n'est pas plus précis qu'il ne l'était dans
les années 1938/39. Cela indique le rattrapage absolument incroyable
qu'il nous faut faire de ce côté et notamment du côté
de la recherche.
On a beaucoup parlé des coûts de la réforme;
parlons-en. On va d'abord parler des coûts, c'est-à-dire mettre un
peu plus les points sur les i. Je vais le dire comme je le pense pour ceux qui
ne sont pas capables de voir plus loin que leur commencement de bout de nez
économique. Je suggérerais modestement qu'ils aiguisent leur
crayon et qu'ils prennent des notes. En 1976, le Québec s'est
payé $400 millions à des fins d'indemnisation pour compenser les
accidents de travail et les maladies professionnelles. Sur la base d'une
méthode de calcul qui est admis partout à travers le monde, qui
n'est contestée par personne et je dis d'avance que mon chiffre
est conservateur les $400 millions, c'est ce qu'on appelle les
coûts économiques directs. On s'est payé la même
année ce qu'on appelle les coûts économiques indirects,
c'est-à-dire les journées de travail perdues, les dommages, les
atteintes à la productivité avec l'impact que cela a sur les
coûts, on s'est payé $1 600 000 000 de coûts
économiques indirects, ce qui veut dire que pour cette année on
s'est payé globalement quand j'entends certaines entreprises me
parler des coûts qui, pour l'essentiel, sont assumés par les
entreprises et, bien sûr, répercutés sur l'ensemble de la
société $2 milliards de coûts économiques
directs et indirects. C'est la suite, les dégâts, les
conséquences économiques des accidents de travail et des maladies
professionnelles.
En 1978, deux ans plus tard, on assiste à une hausse de 25%. Pour
cette année-là, on s'est payé $500 millions
d'indemnisation, ce qui signifie qu'on s'est payé $2 milliards de
coûts économiques indirects, ce qui signifie que globalement le
Québec, cette année-là, avait les moyens quand on
me parle des coûts de la réforme de se payer $2 500 000 000
en coûts économiques directs et indirects comme
conséquences des accidents de travail et des maladies professionnelles.
(12 h 20)
Les chiffres sont conservateurs et n'ont jamais été
contestés par qui que ce soit, tout au long des travaux de notre
commission parlementaire, alors que de nombreux groupes équipés,
étoffés, sont venus devant nous témoigner. C'est
conservateur parce que je demeure convaincu, sur la base de témoignages
obtenus d'experts, que la réalité, au Québec, se situe
probablement autour de $3 500 000 000 à $4 milliards. C'est la dimension
économique, le résultat des dégâts, et c'est sans
compter le plan humain parce que, dans ce domaine, il y a des choses qui
demeurent irréparables. Un homme ou une femme qui y laisse strictement
sa vie, il n'y a rien de réparable de ce côté. Et ce n'est
pas acceptable, ni sur le plan économique, ni sur le plan social.
Je crois qu'à la lumière de ces chiffres, d'une
société comme la nôtre, qui peut se permettre de se payer
de tels coûts, il faut se demander, modestement, si on n'a pas, à
l'intérieur de ce qui est là, les moyens de déplacer un
certain nombre de dizaines de millions de dollars pour commencer à
s'attaquer à la racine des maux, une fois pour toutes.
Je ne vous cacherai pas que je commence à être pas mal
"tanné" de ces distinctions, que je considère terriblement
artificielles, entre le social et l'économique, comme si le
Québécois se levait le matin en étant social, étant
économique dans l'après-midi et se couchait culturel le soir, en
aménageant un peu son espace vital. Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas
comme cela que les choses se pas-
sent. Ou encore, comme si le développement économique,
pourvu qu'on fasse du développement économique, n'importe
comment, cela allait permettre de grossir la vieille théorie: Faisons
uniquement du développement économique, à tout prix,
n'importe comment, sans tenir compte du reste et cela permet de grossir
l'assiette qu'on pourra se partager mieux sur le plan social. Mais quand le
développement économique signifie l'anarchie et se fait de
façon anarchique et débridée et au prix des humains, il y
a un prix au bout et ce prix est sur le plan social, il est sur le plan des
humains. Je pense que cela non plus ce n'est pas acceptable.
La réalité concrète de cela, c'est cette entreprise
sur la rive sud de Montréal, une entreprise flambant neuve, six mois
d'existence et, après six mois, tous les hommes et les femmes qui
étaient au travail dans cette entreprise étaient
déjà intoxiqués au plomb. A ce moment-là, je pense
que se trouve plus que jamais fondé ce que disait le premier ministre du
Québec, le 8 mars 1977: L'économie qui prétendra encore
faire passer l'homme après les machines serait vouée à
l'échec. C'est le premier côté de la
réalité.
Mais il y a le deuxième côté. En plus de regarder
à l'extérieur, quand on commence à se retourner vers notre
propre maison, qu'on commence à regarder en dedans, pour s'apercevoir
que c'est le fouillis. Sept lois qui existent, vingt règlements, six
coins d'administration publique qui s'en mêlent, quatre services
d'inspection cela ne met pas en cause, nécessairement, la
compétence des inspecteurs qui se marchent sur les pieds, les
uns, les autres; on voit sortir l'inspecteur de l'Environnement au moment
où rentre en même temps l'inspecteur du ministère du
Travail, tous les deux pour faire sensiblement les mêmes jobs, en se
marchant sur les pieds, il n'y a plus personne qui se retrouve. C'est le
fouillis! Des services émiettés, des sanctions qui sont
littéralement une farce! Je prends juste le cas de la construction; en
1976, 12 500 constats d'infraction. Regardons les résultats: Cela a
donné lieu à 4500 avertissements; cela a donné lieu
à 8000 recommandations de poursuites et vous connaissez le
résultat net de ces 8000? il n'y a eu des poursuites que dans
1400 cas. Pour l'essentiel, cela s'est terminé par des avis
d'infraction, cela veut dire $200 d'amende. Cela fait un permis de fonctionner
dans l'illégalité, dans le non-respect ni des lois, ni des
règlements, ni des normes qui revient joyeusement bon marché, Mme
la Présidente.
De ces 8000 cas, dans 6500 cas, il s'agissait de récidive. Dans
90% des cas de récidive, il n'y a pas eu de poursuite. Des lois et des
règlements qui ignorent ceux et celles qui sont les premiers
concernés, on a réussi le tour de force dans ces lois et ces
règlements quand on les lit, à peu près jamais simplement
mentionner le mot même de travailleur et tout cela accroché quand
on lit l'économie comme on le dit générale
de ces lois à une espèce de conception fataliste du travail,
comme si le travail, cela ne pouvait pas être autre chose,
forcément, fatalement, nécessairement presque obligatoirement
dangereux dans le genre: II n'y a à peu près rien à faire
contre cela.
Or, ce n'est pas vrai. Il est possible de changer cela. D'autres l'ont
fait avant nous. Tout l'accent, en conséquence, a été mis
sur ce qu'on appelle le curatif, c'est-à-dire tenter de réparer
des pots cassés. Or, il y a des choses encore une fois qui
ne se réparent pas dans ce domaine. Il faut donc renverser
complètement la vapeur de ce côté-là, renverser la
vapeur aussi de cette vieille théorie qui veut que pour l'essentiel, des
accidents de travail et des maladies professionnelles; ce n'est pas
compliqué. Si les hommes et les femmes au travail faisaient donc
attention, cela réglerait les problèmes. Comme ils sont
irresponsables!
Aujourd'hui, les théories modernes tendent à
démontrer que pour l'essentiel, tout cela est accroché d'abord et
avant tout au milieu même de travail. Je n'irai pas chercher n'importe
qui à témoin de mon intervention, mais il y a un texte
drôlement intéressant et je serais prêt à le
déposer s'il y a consentement. Je pense que cela vaut la peine de le
lire. C'est une conférence qui a été prononcée par
un monsieur Little, le 23 octobre 1979 c'est récent le
vice-président de la compagnie Price Ltd. Je voudrais citer seulement un
tout petit extrait de son exposé. Il disait: "Dans le domaine de la
santé et de la sécurité au travail, il se pourrait bien
que notre pouvoir de décision il parle d'eux soit en train
de s'effriter par notre faute. "En effet, à cause du traitement
superficiel que nous avons apporté à ce problème social,
nous sommes maintenant affligés de graves maux." Il veut expliquer, il
enchaîne en disant: "La faiblesse qui est constatée se traduit
dans les systèmes de gestion par une information inadéquate, un
encadrement technique peu rigide, une supervision inappropriée et
d'autres effets. Or, ces effets apparents constituent, en
réalité, les causes premières des conditions et des gestes
dangereux et, par conséquent, des blessures, des maladies industrielles,
des pertes de biens, des dommages écologiques et des baisses de
production." Il ajoute aussi: "Suite à notre incapacité
toujours d'eux autres à proposer une méthode
crédible de compte rendu et de prévention, les travailleurs sont
devenus indifférents à tous les appels lancés par
l'industrie en faveur de la prévention des accidents. "Soyons
réalistes. Les travailleurs se méfient de nous à ce
propos. Qui pourrait les en blâmer? Si nous voulons amener les
travailleurs et je le cite toujours à collaborer aux
efforts de prévention, nous ferions mieux de prouver d'abord notre
intérêt, notre sincérité et notre compétence
dans ce domaine." Fin de la citation.
Partant de là, le projet de loi, comme d'ailleurs le livre blanc
reste accroché en conséquence à un objectif fondamental et
à une approche qui n'a pas changé et qui maintient que le seul
objectif possible qu'une société civilisée puisse se
donner dans ce domaine, c'est de viser rien d'autre que de viser
à éliminer à la source même les causes d'accidents
et de maladies professionnelles, bien sûr, sans se raconter d'histoires,
sans s'imaginer que demain matin, on va arriver pour reprendre
l'expression du célèbre architecte Le Corbusier
aux Usines vertes du point où on part dans certains coins,
il y a du pain sur la planche et du travail à faire et cela va supposer
qu'on y aille avec un certain gradualisme en s'attaquant d'abord aux coins
où il y a des priorités, des urgences.
Bien sûr. Mais c'est possible de franchir des pas de géant
à certaines conditions. D'abord, qu'on s'attaque aux causes
mêmes.
Deuxièmement, que dans les entreprises, on se dote de programmes
de prévention tel que c'est prévu dans le projet de loi avec les
ajustements qui ont été suggérés en commission
parlementaire, notamment, un programme de prévention qui prévoit
qu'on va adapter par étapes, bien sûr
rétablissement aux normes qui sont prescrites par les règlements
concernant l'aménagement des lieux de travail, l'organisation du
travail, l'équipement, les matériels, les contaminants, les
matières qui sont dangereuses, les procédés, les moyens,
les équipements de protection collectifs et le reste. (12 h 30)
Troisièmement, on va faire un effort colossal à
tous les niveaux d'information et de formation, mais à la
condition que c'est ce que prévoit le projet de loi comme
perspective, qu'on ouvre les livres, qu'on arrête les cachettes. Il n'y a
pas de raison que les gens ne soient pas informés sur les
matières dangereuses qui circulent, que les rapports d'accidents ne
soient pas remis, notamment aux travailleurs, à leurs
représentants quand ils sont organisés, qu'il y ait un
accès aux informations de base.
Quatrièmement, qu'on permette l'implication des hommes et des
femmes au travail.
Cinquièmement, qu'on ne s'imagine pas, bien qu'il faille le faire
quand c'est nécessaire, mais qu'on ne s'imagine pas que c'est seulement
par des équipements individuels ou collectifs de protection qu'on va
arriver à régler le problème. Bien sûr, dans
certains cas, disons le plus patent, c'est le pompier: jusqu'à nouvel
ordre, le feu, cela brûle. C'est évident qu'il va falloir un
équipement de base. Mais qu'on ne s'imagine pas que c'est parce qu'on
équipe des travailleurs avec des protecteurs contre le bruit qu'on
règle le problème. On ne règle pas le problème; on
se donne l'illusion qu'on l'a réglé. Certaines entreprises dans
la région même de Québec valent la peine d'être
visitées, où tranquillement, par un programme de
réadaptation de modernisation de l'entreprise, on a réussi
à réduire le nombre de décibels, comme on le dit, ou le
bruit qui se dégage des machines qui sont là, tant et si bien
je pense à une usine en particulier de la région de
Québec il est possible au travailleur d'aujourd'hui d'enlever les
fameux protecteurs parce qu'ils n'en ont plus besoin.
C'est l'objectif qu'il faut viser. C'est ce que prévoit le projet
de loi. On a même des suggestions et des recommandations. Je pense qu'on
a eu l'occasion d'en discuter en commission parlementaire avec des groupes et
avec les députés de l'Opposition. On a inscrit clairement les
objectifs de cette loi dans le champ d'application pour que ce soit très
clair.
Egalement, qu'on s'équipe de programmes de santé qui
incluent ce qui a été ajouté dans la version maintenant
réimprimée du projet de loi toute la dimension de ce qu'on
appelle l'hygiène industrielle pour que les deux morceaux, les deux
approches soient intimement liées. Un des principes clés de cette
approche qui est inscrit dans la loi, c'est de faire en sorte qu'on puisse en
arriver à un effort concerté de l'ensemble des agents
socio-économiques et du gouvernement pour s'attaquer à la racine
des maux. Traditionnellement, on a pensé qu'en laissant tous les
pouvoirs à l'entreprise on y arriverait. Les résultats sont
là. Même des hommes, comme M. Little, ont l'honnêteté
de l'admettre: on fait le constat du résultat aujourd'hui. D'autres nous
proposent, à l'autre extrême, de prendre le balancier et de le
passer complètement à l'autre extrême et de passer tous les
pouvoirs aux syndicats. Je ne pense pas non plus que ce soit la piste à
partir de laquelle il va être possible de sortir des situations qui sont
vécues.
Il y a aussi une autre approche à laquelle certains auraient pu
penser: tout à l'Etat. Je ne pense pas qu'on y arrive non plus à
une approche comme celle-là. Bien sûr, il y a ce que j'appelle les
décrochés ou les "flyers", littéralement aux
extrêmes et que ce soit à l'extrême droite comme à
l'extrême gauche, qu'ils nous proposent des solutions extrémistes.
Quant à nous, on renvoie ces gens dos à dos, parce qu'il n'y a
pas de pistes de solutions concertées valables sur la base des
expériences déjà vécues et constatées au
Québec.
Bien sûr, certains l'abordent par une approche de refus global et
je leur laisse le soin d'assumer la responsabilité des
conséquences de leurs paroles et de leurs gestes, mais je ne pense pas
que ce soit partagé loin de là par la très
forte majorité des hommes et des femmes qui sont au travail. On ne peut
pas accepter que ce soit laissé aux seuls rapports de force, des choses
aussi fondamentales que celles-là, d'abord parce que, ne perdons pas de
vue qu'autour d'environ 65% des hommes et des femmes qui sont au travail ne
sont pas organisés en syndicat. Il n'y a pas de syndicats dans bon
nombre de petites unités et même dans les cas où il y a des
syndicats, il y en a certains. Il suffit de se pencher et de scruter ce qu'on
appelle les contrats de travail et les conventions collectives qui, pour toutes
sortes de raisons, sont des petites unités syndicales et n'ont pas la
force nécessaire pour être capables d'améliorer leur sort
par des conventions collectives qui auraient permis de faire évoluer les
choses.
Il faut donc en arriver à une base qui soit là comme un
plancher de base obligatoire pour tous par-dessus lequel les parties pourront
toujours continuer à construire. Il faut jeter les bases d'une action
qui soit dynamique mais qui soit aussi concertée de tous les agents
pour, encore une fois, viser à éliminer à la source les
causes mêmes d'accidents et de maladie.
Donc, tout cela suppose qu'on prend appui sur les hommes et les femmes
qui sont au travail d'abord parce que, après tout, c'est d'eux dont
on
parle; deuxièmement, aussi sur les employeurs et qu'ensemble, en
concertation, on assume pleinement les responsabilités. Ce qui implique
qu'on reconnaisse... Je dois admettre que c'est avec une très grande
satisfaction que j'ai constaté, en commission parlementaire, que la
très grande majorité des intervenants acceptaient l'essentiel de
l'approche.
Bien sûr, il y avait des suggestions sur les modalités,
mais l'essentiel de l'approche était retenu, cette idée que les
parties soient impliquées, qu'on trouve des formules paritaires
permettant, de bas jusqu'en haut, à partir de l'entreprise en passant
par les secteurs économiques, par des associations sectorielles,
jusqu'au plus haut sommet au niveau de cette commission
québécoise de la santé et de la sécurité, la
concertation. Cela implique donc qu'on reconnaît et qu'on permet que les
deux parties, les hommes et les femmes au travail, leurs représentants
lorsqu'ils sont organisés et syndiqués, et la partie patronale y
soient participantes et qu'elles soient vraiment associées au sens du
mot réel, non seulement sur des bases de consultation mais qu'elles
soient aussi impliquées dans le processus décisionnel.
Cela implique aussi qu'on reconnaisse en conséquence aux hommes
et aux femmes qui sont au travail des droits, des fonctions et des pouvoirs
nouveaux qui ne leur ont pas été reconnus, par le passé,
dans les lois québécoises. C'est pour cela d'abord que, par le
projet de loi 17, on propose d'amender la Charte des droits et libertés
pour que soit inscrit le principe sacré que toute personne qui travaille
a droit, conformément à la loi, à des conditions de
travail justes et raisonnables qui respectent sa santé, sa
sécurité et son intégrité physique. C'est pour cela
aussi que nous reconnaissons ce qu'on a appelé le droit de refus, le
droit pour un homme, une femme au travail de dire simplement parce que
c'est un droit naturel, fondamental de l'inscrire dans la loi et de
reconnaître ce droit à une femme ou un homme Non, je pense
que j'ai des motifs raisonnables de croire que ma vie, ma santé ou ma
sécurité est en cause si je pose tel ou tel geste, ou, de le
poser s'il a des motifs raisonnables de croire que la vie, la santé et
la sécurité de quelqu'un d'autre dans l'entreprise peut
être mise en danger aussi.
C'est un droit profondément naturel, M. le Président. Je
voudrais simplement rappeler un jugement qui est intervenu au Québec en
1961. Je voudrais seulement citer un tout petit extrait d'un jugement d'un
tribunal d'arbitrage rendu par le juge Camille Beaulieu qui disait ceci: "II
n'y a aucune loi au monde qui puisse obliger un ouvrier à
exécuter un travail dans des conditions où sa vie est
sérieusement exposée, surtout si ces conditions sont le
résultat de l'acte volontaire du patron". C'est un droit naturel et
fondamental. Le fait de le mettre dans un texte de loi vient simplement
préciser la façon de l'exercer, les étapes, les
procédures et, deuxièmement, assurer enfin parce que ce
droit, encore une fois, existe dans les faits une protection à
ceux et à celles qui exercent un droit qui est aussi fondamental.
Bien sûr, ce droit, ce n'est pas l'anarchie. Bien sûr, ce
droit, c'est le droit qu'on utilise, auquel on recourt comme un moyen ultime
quand les autres moyens normaux pour faire corriger les problèmes
à la source ont été épuisés, ou bien parce
qu'il se présente une situation d'urgence. En ce sens, personne, je
crois, pas plus les hommes et les femmes qui sont au travail, j'en suis
convaincu après tellement de rencontres, de tournées, de
discussion, n'accepterait qu'on abuse de ce droit, c'est-à-dire,
fondamentalement, qu'on cherche à s'en servir à des fins autres
que les fins pour lesquelles cela est reconnu dans une loi. (12 h 40)
C'est pourquoi le projet de loi prévoit que les abus pourraient
être sanctionnés. Nous avons, à la suite de
recommandations, convenu de modifier ce que nous avions proposé pour
faire en sorte que les seuls cas où les droits de refus ne pourraient
pas être exercés soient: 1 ° le cas où le fait
d'exercer le droit de refus mettrait en péril immédiat et cela au
fond on trouvera l'équivalent dans la loi ontarienne, la vie, la
santé, la sécurité, l'intégrité physique
d'autres personnes, notamment, du public; pensons à certaines fonctions
qui sont exercées, certaines tâches dans notre
société; je pense notamment aux pompiers pour reprendre l'exemple
qui était évoqué tantôt; 2° les cas où
les conditions d'exécution d'un travail seraient normales dans ce genre
de travail normales, c'est-à-dire, conformes à des normes
ou des règlements ou alors, à défaut de normes ou
de règlements ce qui fait jurisprudence devant les tribunaux, conformes
à des us et coutumes, des façons de faire les choses. Cela
correspond à des exemples aussi très concrets; bien certain que
celui qui est appelé à laver des vitres au 52e étage peut
fort bien avoir tous les équipements et le faire dans des conditions
conformes aux normes et aux règlements. Mais s'il y a un vent qui
ressemble à quelque chose comme une tornade, il est évident que
ce ne sont pas des conditions d'exécution normales et que, dans ce cas,
une personne est en droit légitime de dire: Moi, je refuse
d'exécuter ce travail dans des conditions comme celles-là, c'est
ma vie qui est en danger. Ce n'est pas un cadeau que de faire des
métiers comme ceux qui, par exemple, procèdent à la
réfection des peintures sur des ponts, en particulier. Il y a des
conditions d'exécution normales. Ce ne sont pas des métiers
faciles. Ce sont déjà des métiers dangereux.
Mais faut-il, en plus, qu'on ne puisse pas permettre ce droit quand les
conditions deviennent absolument anormales, inacceptables? Les conditions
d'exécution, j'ai bien dit. Il ne s'agit donc pas de l'empêcher
dans ces cas. Ce droit pourra aussi être exercé par plusieurs
hommes et femmes qui vivent en même temps le même problème.
Je pense entre autres au cas de trois travailleurs d'une raffinerie de l'Est de
Montréal qui, il n'y a pas si longtemps, travaillaient dans une
espèce de coin où ils étaient enfermés
complètement dans une usine et où il s'est produit des
émanations de monoxyde de carbone en telle quantité qu'ils
avaient des motifs raisonnables de penser que leur santé et leur
sécurité ou leur intégrité physique pouvait
être sérieusement endommagée ou atteinte. Il n'y a pas de
raison quand des gens vivent en même temps le même problème,
qu'ils ne puissent pas ensemble exercer dans une même situation un droit
comme celui-là, que ce soit traité comme un même cas.
On a invoqué devant nous parfois des cas et dire: Cela va
être effrayant comme il va y avoir des abus. C'est drôle, tous les
témoignages en commission parlementaire, l'Institut canadien des
textiles, l'Association des manufacturiers canadiens qui exploitent des
entreprises aussi bien au Québec qu'en Ontario et dans d'autres
provinces canadiennes sont venus nous dire à des questions très
précises: Donnez-nous le nombre de cas d'abus que vous avez
constatés au Québec, en Ontario, dans d'autres provinces
canadiennes où ce droit existe déjà; donnez-nous le nombre
de cas.
A notre connaissance, dans le sens strict de ce qu'on appelle un abus,
c'est-à-dire l'utilisation à d'autres fins que les fins pour
lesquelles le droit est reconnu, il y a eu un cas qui s'est produit en
Saskatchewan sur une période de cinq ans. Il a été
sanctionné, et c'est normal qu'il soit sanctionné.
Dans le cas du Québec, les hommes et les femmes qui sont au
travail seraient plus irresponsables qu'ailleurs? Je ne pense pas. Nous avons,
à la suggestion de plusieurs, réduit le nombre d'étapes,
assoupli et accéléré la démarche pour régler
ces cas, quand le droit de refus est exercé.
Le constat qu'on peut faire, c'est que dans tous les pays du monde et
les autres provinces canadiennes où ce droit existe, dans les cas
où il est exercé, dans plus de 90% des cas, le problème
s'est réglé à la base même, sans qu'il soit
nécessaire de faire intervenir d'autres instances, et très
rapidement. Seulement, cela a eu d'autres effets aussi et des effets
d'entraînement. Je voudrais citer le cas d'une entreprise qui fabrique
des automobiles, forcément en Ontario, parce que je ne voudrais pas
ouvrir une parenthèse, mais comme on sait, même si on en
achète 30%, pour l'essentiel, c'est en Ontario que cela se trouve.
Des travailleurs qui siégeaient à un comité, ils
étaient organisés, syndiqués, ils avaient leur
comité paritaire, leur comité conjoint et ils évoquaient,
depuis plusieurs mois, le problème qui se posait, dans le cas où
à la fin de la ligne de montage, on essaie les véhicules.
Forcément, des tuyaux d'échappement, il s'échappe du
monoxyde de carbone et on relie, à ce moment, le tuyau à
l'extérieur par un tuyau particulier. Ils se plaignaient du fait que
cette tuyauterie était vieillie et qu'elle pouvait leur péter
dans la face n'importe quand. Toutes sortes de raisons étaient
alléguées: il n'était pas possible de remplacer cela tout
de suite, cela prenait du temps pour faire venir les pièces, et le
reste. Le problème ne s'était pas réglé
jusqu'à ce qu'un matin, en rentrant au travail et en faisant
démarrer les véhicules, en penant leur relève,
effectivement, le dégât s'est produit. Ils ont exercé leur
droit de refus. C'est extraordinaire, en l'espace de 48 heures, le
problème était tout réglé; ce qui n'était
pas possible de régler depuis des mois, des mois et des mois, s'est
réglé en 48 heures.
Mais vous connaissez le deuxième résultat, celui-là
est encore plus fondamental et plus important comme conséquence que
celui que je viens d'évoquer, c'est le fait qu'il ne s'est plus produit,
dans cette entreprise, depuis, un seul cas d'exercice de droit de refus.
Pourquoi? Parce que maintenant, les hommes et les femmes au travail, dans cette
entreprise, font valoir par leur représentant au comité
paritaire, ou à la lumière des rapports des inspecteurs, qu'il se
pose tel ou tel problème; c'est extraordinaire maintenant le
sérieux, l'attention qu'on y apporte, et les délais
extrêmement rapides qu'on met pour corriger les problèmes à
la source. Cela est fondamental, parce que la conséquence ultime, c'est
qu'on évite, encore une fois, des dégâts sur le plan
humain, et aussi ce que cela implique sur le plan économique.
Je glisserai un mot, très rapidement, d'un droit nouveau
extrêmement important qui pourrait être une clé aussi
fondamentale dans cette perspective d'une politique où on met l'accent
pour corriger à la source les problèmes sur le fait qu'on
prolonge le principe qui était déjà dans le projet de loi,
sur ce qu'on appelle dans le jargon, le retrait préventif. Vous savez
qu'il était prévu, dans le cas d'une femme enceinte; pour une
fois au Québec qu'on fait quelque chose de neuf et qu'on
commençait par les femmes, cela faisait nouveau et, en même temps,
cela répondait à quelque chose de fondamental. Maintenant, par le
projet de loi avec ses amendements, on étend ce principe.
Bien sûr, il faudra y aller avec une certaine prudence et un
gradualisme, mais il sera possible, pour tous les hommes et toutes les femmes
au travail, dans les cas où il y a ce qu'on appelle les premiers signes
d'altération à la santé, c'est-à-dire avant que
s'installe ce qu'on appelle la maladie, c'est-à-dire quelque chose qui
devient irréversible, qui ne peut plus être corrigé, qui
laisse des traces pour le restant des jours, ce qui fait que des gens vivent
d'indemnisations ou de compensations pour le restant de leurs jours, qui
restent handicapés partiellement pour le restant de leurs jours, sur
certificat médical et à certaines conditions prévues par
le projet de loi, d'être affectés à une autre tâche
qu'ils sont raisonnablement capables d'accomplir ou alors ils seront
retirés préventivement de l'entreprise et compensés en
conséquence pendant ce temps-là sur la base de 90% de leur
salaire net avec des droits de retour au travail jusqu'à ce que,
premièrement, leur situation personnelle, sur le plan de leur
santé, soit rétablie puisqu'on essaie de dépister de
façon précoce cette situation pour corriger le problème
afin qu'ils puissent, leur problème personnel étant
réglé, réintégrer leurs fonctions. Dans les cas
où cela ne serait pas possible, avec un effort de politiques de
réadaptation comme jamais on ne l'a fait
par le passé, alors que c'est possible cela aussi, de
préparer la réadaptation dans un autre milieu de travail.
En même temps, cela permettra aussi, à partir de ce cas, de
développer ce qu'on appelle une approche dans le jargon, les
médecins l'appellent ainsi, épidémiologique. La
façon normale de le dire dans notre jargon courant, c'est de
dépister à partir de ce cas, de se poser la question.
J'évoquais le cas de cette entreprise de la Rive Sud où on a
découvert qu'il n'y avait pas un travailleur de cette entreprise,
flambant neuve, de six mois d'existence, qui n'était pas
intoxiqué au plomb! A partir du moment où on découvre un
cas, on doit s'en servir comme une source, un point de départ non
seulement pour corriger son problème, mais comme une forme de
dépistage du problème à l'échelle de l'entreprise
et, troisièmement, dans la mesure où les technologies, où
la science a évolué et nous permet de corriger le problème
à la source, qu'on fasse en sorte que soit ajusté le plan de
l'entreprise pour corriger à la source le problème de telle sorte
que ça devient, sur tous les plans, rentable pour tout le monde et pour
l'ensemble de la société. C'est ce que j'appelle la jonction, la
fin de ces distinctions artificielles avec les culs-de-sac dans lesquels cela
nous mène entre le social et l'économique, qu'on puisse faire une
jonction des deux dimensions. (12 h 50)
II y a des entreprises... Je ne la nommerai pas, mais certains vont
peut-être se rappeler qu'il y a une entreprise, qui fabrique des produits
dangereux, qui utilise des procédés et des matières
dangereuses pour fabriquer ces produits, qui est une très grosse
entreprise nord-américaine qui fonctionne au Québec, aux
Etats-Unis et dans le monde mais qui, précisément, est une de ces
entreprises qui a les taux d'accidents et de maladie les plus bas de tout le
continent nord-américain. Pourquoi? Parce qu'elle en a fait comme une
espèce d'obsession. Elle a fait la preuve que c'était possible
que le taux, le nombre d'accidents dans cette entreprise diminue, sur un
certain nombre d'années, de façon draconienne.
Une Voix: ...
M. Marois: Comme par hasard, c'est précisément
l'entreprise qui n'est pas un détail, c'est DuPont de Nemours. Cette
entreprise, comme par hasard c'est amusant et en même temps
intéressant, je pense à quel point c'est significatif
c'est précisément l'entreprise... Vous savez, chaque
année, on remet les Oscars aux Etats-Unis. Il y a cette grande
émission de télévision où on remet des prix aux
vedettes de cinéma. Je ne sais pas pour ceux qui l'ont vue,
c'était frappant moi, je ne l'ai pas vue, on me l'a
raconté. C'était frappant. Le commanditaire principal de
l'émission était précisément DuPont et le contenu
du commercial, la thématique du commercial était justement la
santé et la sécurité.
Ils ont fait la preuve que c'était possible et que c'était
à la fois en même temps aussi rentable, sur tous les plans. La
productivité quand j'entends des fois des théories sur la
productivité ce n'est pas une abstraction; la
productivité, ce sont des humains qui sont au travail. C'est
évident que si les conditions de travail sont insalubres,
inqualifiables, qu'à côté tu vois constamment des gens qui
sont atteints de maladies, tu te dis: Diable, quand est-ce que mon tour va
arriver? Je vous jure que le rendement et la productivité viennent d'en
prendre pour leur rhume. Qu'on ne se raconte pas d'histoire sur le genre de
climat qui peut régner à l'intérieur de l'entreprise en
conséquence; cela affecte non seulement les humains, cela affecte tous
les autres plans aussi.
Alors, il y a ce retrait préventif. Forcément, il faudrait
y aller avec gradualisme dans l'implantation et l'ouverture du retrait
préventif, au fur et à mesure qu'on pourra cerner, sur le plan
scientifique et médical, les types d'altération et
également les techniques, les technologies permettant de corriger
à la source.
Je voudrais aussi indiquer il me semble que c'est
extrêmement important, M. le Président que pour les femmes
qui sont au travail, dans le cas où sur certificat médical il
serait indiqué que les conditions de travail présentent des
dangers, soit pour la mère, la femme qui est enceinte, ou pour l'enfant
à naître, le même retrait préventif, ou
déplacement préventif sera prévu et sera prévu
jusque, s'il faut que la femme soit retirée de l'entreprise, à
l'accouchement. Donc, on étend le principe par rapport à ce qui
était prévu avant les amendements qui sont inclus dans le projet
de loi qui est devant nous. On a aussi inclus le cas de la femme qui allaite au
travail. On sait que certains produits hautement toxiques peuvent, à
toutes fins utiles, avoir un effet d'intoxication très grave,
très sérieux, sur l'enfant.
En ce qui concerne l'ensemble de ces droits, nous avons voulu assurer
une protection aux hommes et aux femmes qui exercent des droits. Ainsi, le
projet de loi prévoit qu'aucune mesure disciplinaire, et à la
demande de la Commission des droits de la personne, nous avons ajouté
aussi aucune mesure discriminatoire, aucune mise à pied, aucune
suspension, ne peut être prise à cause du fait que quelqu'un a
exercé l'un ou l'autre et normalement droit qui lui est
reconnu par le présent projet de loi.
Bien sûr, s'il y a abus de droit, s'il y a abus dans l'exercice du
droit, s'il y a abus dans l'exercice d'une fonction, à ce
moment-là, forcément il y a des sanctions puisque la
première étape c'est un renversement de fardeau de preuve. Ce que
nous ajoutons, par rapport au projet de loi initial, c'est que dès que
quelqu'un se croit lésé dans ses droit, se croit l'objet d'une
mesure disciplinaire quelconque, à cause du fait, à son avis,
qu'il a exercé un droit qui lui est prévu par la loi, et cela
vaut parce qu'il faut penser non seulement aux hommes et aux femmes qui sont
syndiqués mais à ceux qui ne sont pas organisés.
Ils auront le droit de s'adresser au commissaire du travail, lequel,
très rapidement rendra d'abord une première décision.
Est-ce que, oui ou non, cette personne a exercé un droit qui lui est
reconnu par la loi? Est-ce que l'employeur plaide
qu'il y a eu abus et est-il capable de le prouver? S'il n'a pas de
preuve de cela, avant de discuter du fond de la question, le commissaire du
travail ordonnera à l'employeur de reprendre cette personne à son
emploi, de lui verser le salaire qui lui est dû jusqu'à ce qu'une
décision finale soit prise pour que des gens ne soient pas
pénalisés et qu'à toutes fins utiles, ce soient des droits
de papier qui ne correspondent à rien dans la réalité,
conformément, d'ailleurs, à des suggestions qui sont venues en
commission parlementaire et qui ont été évoquées
aussi même par des députés de l'Opposition sans compter,
bien sûr, forcément, par les députés de la
majorité.
Il est également prévu dans le projet de loi qu'on
reconnaît le droit aux hommes et aux femmes qui sont au travail
d'être représentés par une personne de leur choix ce
qui est nouveau lorsqu'il y a appel de décisions de la Commission
des accidents du travail et éventuellement, de la nouvelle commission,
à la Commission des Affaires sociales. On sait que c'est une demande qui
est formulée depuis longtemps par les représentants des hommes et
des femmes qui sont au travail et il nous semble que c'est une demande
légitime de leur choix d'une personne cela pourrait être un
avocat, un représentant syndical ou une personne qu'ils choisiront
eux-mêmes et elles-mêmes.
Il est également prévu le droit d'avoir qu'il y ait
un comité conjoint ou qu'il n'y en ait pas un représentant
à la prévention dans les entreprises, quelle qu'en soit la
taille, c'est-à-dire essentiellement de reconnaître l'idée
qu'ils aient droit à un minimum de permanence de quelqu'un qui est
libéré pour les aider, leur donner un coup de main, simplement
pour réétablir un équilibre normal et justre entre les
parties comme cela existe d'ailleurs en Ontario. J'ai été heureux
de constater que certains employeurs reconnaissaient non seulement le
bien-fondé, mais acceptaient cette formule. Dans le cas où il y a
un syndicat qui existe, le représentant en prévention sera choisi
selon les procédures normales par le syndicat. Dans le cas où il
n'y a pas de syndicat, il sera choisi par l'ensemble des travailleurs qui sont
dans l'entreprise. Ce représentant à la prévention, on a
précisé ses pouvoirs dans le projet de loi. Il pourra
enquêter sur les lieux de travail. Il pourra assister les hommes et les
femmes lorsqu'ils exercent l'un ou l'autre des droits qui sont prévus,
notamment, le droit de refus. Il pourra faire venir l'inspecteur. Il pourra
porter plainte auprès de l'inspecteur. Il pourra accompagner
l'inspecteur. Pour la première fois, on reconnaît dans nos lois et
il était peut-être temps, pourquoi la partie patronale a le droit
d'accompagner un inspecteur quand il se présente. Pourquoi les hommes et
les femmes qui sont au travail n'auraient-ils pas le droit d'accompagner
l'inspecteur par leur représentant? Pour avoir fait personnellement et
avec d'autres membres de cette assemblée, des visites d'usine, on sait
que les uns nous montrent certains aspects, d'autres nous en montrent d'autres.
La seule façon d'en avoir un portrait complet, c'est que chacun puisse
accompagner l'inspecteur, le droit d'enquêter à l'occasion
d'accidents, de faire des recommandations en conséquence
également. Il sera protégé dans l'exercice de ses
fonctions de la même façon que le seront les hommes et les femmes
qui exerceront l'un ou l'autre des droits qui sont prévus par la
présente loi.
La Vice-Présidente: Excusez-moi, M. le ministre, il est 13
heures.
Une Voix: II y a consentement de continuer.
M. Bertrand: Mme la Présidente, comme le ministre doit
terminer à 13 h 7, il y a un consentement obtenu avec la collaboration
de l'Opposition pour que nous puissions terminer le discours du ministre en
deuxième lecture.
M. Brochu: Cela n'a pas été demandé mais on
peut le donner.
Le Vice-Président: De consentement, allez, M. le
ministre.
M. Bertrand: Merci, je pensais que cela avait été
demandé.
M. Marois: L'Opposition est bien bonne. Merci, M. le
Président. En plus de ce représentant à la
prévention, il y a également un assouplissement qui a
été apporté dans le cas des comités de santé
et de sécurité. Je voudrais surtout insister, étant
donné que le temps passe rapidement, sur le fait que,
conformément à des demandes qui ont été faites, on
a élargi les pouvoirs des comités de santé et de
sécurité. Bien sûr, que ces comités existeront dans
les entreprises où il y aura plus de 20 travailleurs. En plus d'avoir un
pouvoir décisionnel sur les équipements de protection individuel
ou collectif, sur les programmes de formation et d'information, en plus de
choisir le médecin qui sera responsable de la santé au travail,
ils auront à approuver le programme de santé, ils auront le droit
d'être consultés sur le programme de prévention,
c'est-à-dire d'ajustement de l'entreprise aux normes et aux
règlements et de faire valoir leur point de vue, en conséquence,
auprès de la commission et le cas échéant, si cela ne
devait pas respecter les normes et les règlements, la commission aurait
le pouvoir d'intervenir. (13 heures)
Je pense que cela permettra aussi, et cela leur est reconnu comme droit,
aux membres des comités, de participer à l'identification et
à l'évaluation des risques qui sont reliés au poste de
travail, ainsi qu'à l'identification des matières dangereuses qui
sont utilisées. Sur ce plan-là, il y a une chose qu'il est
extrêmement important de ne pas perdre de vue. Il y a 3000 nouveaux
produits chimiques qui sont synthétisés par année.
Là-dessus, il y en a 500 chaque année qui trouvent une
utilisation industrielle.
Par ailleurs, en tout et pour tout, il n'y en a que 650 pour lesquels il
existe des normes. Il n'y a
aucune loi qui, jusqu'à maintenant, n'obligeait les entreprises
à fournir et les fournisseurs surtout de ces matières
dangereuses, des produits toxiques, à faire connaître les
composés, à faire connaître tout simplement le fait qu'ils
les mettent sur le marché. Or, c'est une information qui est essentielle
si on veut en arriver à développer des programmes de
prévention. Comment peut-on y arriver quand on ne connaît
même pas les produits qui sont utilisés dans l'entreprise? Non
seulement la teneur de ces produits devrait être connue mais, lorsqu'il
s'agit de produits nouveaux, il faudra l'autorisation de la commission, il
faudra faire la preuve. La commission aura le pouvoir, le cas
échéant, de déclencher des enquêtes, des
études, des recherches pour s'assurer que ces produits sont
sécuritaires ou que les procédés d'utilisation le sont
parce que tout cela est aussi relié à la dimension de la
santé comme je l'évoquais.
C'est une médecine curative. L'approche l'est fondamentalement
maintenant quand on regarde la partie du dossier santé de passer
à une médecine qui, bien sûr, va continuer à donner
des soins aux gens, cela est certain, mais, en même temps, va viser
à dépister les problèmes. Dans ce sens, nous maintenons ce
qui était évoqué, que c'est la fin de ce que les uns ont
appelés les médecins de compagnie, c'est-à-dire que les
médecins ne seront plus salariés des entreprises. Il n'y a
là non seulement un problème de crédibilité qu'on a
constaté il faut dire les choses telles qu'elles nous sont
communiquées et telles qu'on les constate mais il fallait que
cela change. Les médecins seront dorénavant
rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec. Ils seront choisis selon les critères normaux, sur la
base des compétences des uns et des autres.
Egalement, en ce qui concerne les services de santé, on introduit
un élément de souplesse qui permettra aux entreprises, dans la
mesure où il y a consentement des représentants des travailleurs
et dans la mesure où les services existants répondent aux normes
et aux minimums de base parce que l'objectif, ce n'est pas de réduire,
de diminuer, de niveler par le bas la qualité des services, mais, au
contraire, d'en développer. On se raconte des histoires
là-dessus. Il n'y a pas 100 médecins présentement qui font
du travail à temps plein dans des entreprises. On a la, non seulement le
problème de crédibilité qui a été
évoqué, mais un manque qu'il faut absolument corriger.
C'est aussi notre intention de donner, par le projet de loi, beaucoup
plus de pouvoirs aux inspecteurs, d'assurer une présence permanente en
région de l'inspection, qu'ils puissent être rapidement sur les
lieux. Il faut réorganiser, regrouper les services d'inspection. On doit
incessamment décider du rattachement ou non à la Commission des
services d'inspection et, aussi, du choix du ministre qui sera responsable de
l'administration de la réforme.
Les sanctions seront beaucoup plus sévères que par le
passé. Cela pourra aller jusqu'au retrait du permis d'opérer et
je pense en particulier au cas des entreprises de la construction. La
période pour poursuivre et loger et prendre des poursuites sera aussi
allongée. Une chose extrêmement importante à signaler,
c'est que le gouvernement lui-même et ses prolongements publics,
parapublics vont dorénavant tomber sous la coupe de la loi ce qui
n'était pas le cas par le passé. Tout cela, M. le
Président, je pense, nous indique qu'on peut arriver au Québec
à faire ce qui s'est fait dans d'autres coins, en Saskatchewan, en
Allemagne, notamment, où là il y a plus de quatre, cinq ans
d'expérience. On constate partout une chose, c'est qu'avec des
réformes du genre basées sur leur réalité au bout
de quatre, cinq ans, il y a une brisure, une cassure dans le nombre d'accidents
et de maladies de l'ordre de 15% à 20%, par exemple, en Allemagne. On
est capable ensemble peut-être au point de nous étonner nous
autres mêmes de ce qu'on peut réaliser quand, non seulement on
s'en donne les moyens, mais qu'on se donne la peine de s'y mettre, c'est un
gros défi. Il est sûr qu'il faut miser sur la
responsabilité, l'implication de chacun des agents
socio-économiques et aussi du gouvernement.
Je ne vous cacherai pas que c'est avec beaucoup de fierté que je
pilote cette réforme qui était tellement attendue et si elle
était venue plus avant depuis le temps qu'on en parle, il y a
peut-être des hommes et des femmes qui ne sont plus là
aujourd'hui, mais qui y seraient encore si des réformes comme
celle-là avaient été faites plus rapidement. En ce sens,
je dirais simplement, en terminant, je voudrais simplement citer ce qu'on
mettait en tout début du livre blanc quand on l'a publié, une
politique de développement social doit comporter l'ambition
légitime de créer les conditions qui permettront que soient
reconnues la valeur et la dignité fondamentales de l'être humain
sur tous les aspects de son existence, dans tous les lieux de son
activité et de façon privilégiée une telle
reconnaissance doit être garantie là où la majorité
des citoyens et des citoyennes passent une grande partie de leur vie,
c'est-à-dire, au travail.
Cela passe par une réforme, aussi fondamentale soit-elle, qu'elle
implique un changement de cap important, j'en conviens, mais aussi fondamentale
soit-elle, cela passe par une réforme comme celle-là et j'invite
simplement, en terminant, cette Assemblée nationale à adopter
à l'unanimité le projet de loi no 17 sur la santé et la
sécurité des travailleurs avant Noël pour qu'au moins on
puisse le laisser, j'allais dire presque comme un cadeau, mais ce n'est pas un
cadeau parce que c'est essentiellement et fondamentalement quelque chose qui
est non seulement mérité, mais qui est un droit pour les hommes
et les femmes au travail au Québec.
Le Vice-Président: M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je demande la suspension
du débat et l'ajournement de nos travaux.
Le Vice-Président: Les travaux de l'Assemblée sont
suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.
Suspension de la séance à 13 h 7
Reprise de la séance à 15 h 8
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Cette Assemblée est invitée à reprendre le
débat sur la motion de M. le ministre d'Etat au Développement
social, proposant la deuxième lecture du projet de loi no 17, Loi sur la
santé et la sécurité du travail.
M. le député de Portneuf avait demandé la parole au
moment de la suspension.
M. le député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, 12
décembre, nous étudions effectivement en deuxième lecture
le projet de loi no 17, projet de loi qui est le résultat
évidemment de beaucoup d'échanges, quelques tonnes de papier
certainement qui ont été produites, tant en commission
parlementaire qu'au chapitre des analyses faisant suite au livre blanc et des
commentaires faisant suite au projet de loi no 17 dans sa première
version, et évidemment au projet de loi no 17 tel que
réimprimé et déposé, il y a quelques jours.
Mme la Présidente, au Québec, en 1978, c'est le cas que
200 travailleurs sont décédés à la suite de ce que
l'on a considéré être des accidents ou des maladies
reliés à leur travail. Au cours de cette même année,
effectivement, malheureusement, plus de 308 000 accidents du travail ont
été rapportés à la Commission des accidents du
travail et la commission a, de plus, ouvert au cours de cette année,
6500 nouveaux dossiers relatifs à des maladies reliées au
travail.
Les conséquences sociales d'un tel état de fait sont
faciles à comprendre, faciles à saisir. Sur le plan
économique, les chiffres publiés par le gouvernement font
état de déboursés en frais d'indemnisation directs de la
part de la Comrnision des accidents du travail d'un montant de l'ordre d'un
demi-milliard de dollars pour l'année 1978. Bien entendu, ces chiffres
ne tiennent pas compte des coûts indirects qui découlent des
décès, des maladies, des accidents du travail, lesquels sont
certainement supérieurs aux coûts directs eux-mêmes. (15 h
10)
Ces quelques statistiques rapportées plus haut et citées
par le gouvernement justifient une action à court terme de la part de
celui-ci. Je pense que tout le monde, tous les intervenants dans le
débat ont constaté que le gouvernement devait intervenir; nous y
avons souscrit et je pense que tous les interlocuteurs, tant dans le monde
syndical que dans le monde patronal ont souscrit à l'idée d'une
intervention législative dans le domaine.
Tout programme d'action suppose cependant qu'on identifie clairement les
objectifs que l'on veut atteindre et que l'on se donne des priorités,
compte tenu de l'accessibilité et de la disponibilité des
ressources que l'on veut bien investir dans un domaine donné.
Jusqu'ici, ni dans son livre blanc, ni ailleurs le gouvernement ne nous
a fait part de quelque étude comparative que ce soit entre la situation
qui prévaut ici, au Québec, par rapport à celle qui
prévaut dans d'autres provinces ou dans d'autres pays. De la même
façon, il ne nous livre pas les analyses qu'il a dû faire en ce
qui concerne les causes principales des décès, accidents et
maladies de même qu'il ne semble pas s'être soucié de
comparer les statistiques provenant des différents secteurs
industriels.
Cette absence de recherche plus poussée de la part du
gouvernement est lourde de conséquences, elle explique probablement le
fait que la réforme qu'on nous propose en soit une de structure d'abord
et avant tout, elle explique aussi très certainement le fait qu'à
l'intérieur de cette réforme on ne puisse déceler que
très peu d'actions prioritaires concrètes qui devront être
entreprises et qui sont directement reliées à la santé et
à la sécurité des travailleurs. Le livre blanc a
été déposé, il nous a conviés à
prendre connaissance de certains engagements du gouvernement, à certains
voeux formulés par le gouvernement. Ce livre blanc sur la santé
et la sécurité au travail nous conviait, on s'en rappellera
c'est là l'essentiel de tout le débat, c'est d'ailleurs
là l'essentiel de mon intervention aujourd'hui à un
programme global dont le but ultime était l'élimination des
accidents du travail et les maladies professionnelles. Or, ce n'est pas ce
qu'on retrouve dans le projet de loi no 17, ni tel qu'il était
rédigé au début, ni celui qui a été
réimprimé.
Le projet de loi nous apprend maintenant que le gouvernement vise
à établir des mécanismes de participation des travailleurs
et des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du
travail et des maladies professionnelles. Autant on nous promettait un
programme de santé et de sécurité au travail, autant
aujourd'hui on nous propose encore une fois, même si le bill a
été réimprimé, des mécanismes de
participation.
J'aimerais, dans un premier temps, dresser un tableau que je veux le
plus sommaire possible de ce qui est prévu dans le projet de loi no 17,
de ce qu'il contient. Le projet de loi, pour réaliser cet objectif de
mettre sur pied des mécanismes de participation qui, ultimement,
pourront favoriser une situation où il y aura moins d'accidents, moins
de maladies industrielles et un meilleur contrôle de la santé et
de la sécurité au travail, un premier élément qui
s'en dégage c'est que le projet de loi vient rapatrier sous une
même autorité la quasi totalité des éléments
du cadre législatif applicable au domaine de la santé au travail.
C'est notamment le cas de la nouvelle commission, la Commission de santé
et de sécurité au travail, c'est-à-dire l'ancienne
Commission des accidents du travail qui est susceptible de devenir, quelques
jours après l'adoption de cette loi, si elle est adoptée telle
quelle, la Commission de santé et de sécurité au travail,
une commission qui aura une composition paritaire, c'est-à-dire
formée de sept personnes nommées à partir des
associations
représentatives syndicales et sept autres personnes
nommées à partir des associations représentatives
patronales: un président directeur général à temps
plein qui, lui, sera nommé par le gouvernement, des
vice-présidents et, évidemment, un observateur du
ministère des Affaires sociales. Cette commission, ses fonctions, ses
pouvoirs, il y en a beaucoup, Mme la Présidente.
La première fonction, c'est d'élaborer, de proposer et de
mettre en oeuvre des politiques relatives à la santé et à
la sécurité des travailleurs. Sa deuxième fonction
principale, c'est d'établir les priorités d'intervention en
matière de santé. Ici, je veux me référer à
l'article 167 qui prévoit les pouvoirs de ladite commission. Vous me
permettrez, Mme la Présidente, de le faire. On constate que la
commission a pas moins de 17 pouvoirs particuliers. En fait, l'ensemble des
pouvoirs ou la très grande majorité des pouvoirs sont
centralisés, la quasi totalité du pouvoir législatif et
d'intervention dans ce domaine, du pouvoir réglementaire, dis-je, est
confié à la Commission de santé et de
sécurité du travail.
Le deuxième élément prévu dans le projet de
loi, c'est que le gouvernement fait sien le principe, exprime sa volonté
de confier au réseau public l'organisation et la dispensation des
services de santé sur les lieux de travail. Je fais
référence ici à l'article 109 du projet de loi et
même de le citer, un des éléments de fond du projet de loi.
La Commission de santé et de sécurité du travail, qui
serait éventuellement formée, conclut avec chaque centre
hospitalier où existe un service de santé communautaire, un
contrat aux termes duquel le centre hospitalier s'engage à assurer les
services nécessaires à la mise en application des programmes de
santé au travail sur le territoire délimité par le
contrat.
Cela veut donc dire qu'à compter de l'adoption du projet de loi
no 17, s'il est adopté tel quel, on fait déborder du cadre actuel
et on remet dans les mains du réseau public les centres hospitaliers,
les services de santé communautaires dans certains centres hospitaliers,
on leur donne plein pouvoir, pleine juridiction au chapitre du contrôle
et de la dispensation de certains services. On pourra y revenir
ultérieurement.
Troisième élément de fond qui sous-tend et qu'on
retrouve dans le projet de loi, c'est de confier au réseau public
j'en ai fait état et l'établissement du principe de la
parité à l'égard de l'ensemble des actions, des
décisions et des démarches relatives à la santé et
à la sécurité à l'intérieur de l'entreprise.
On aura ce qu'on appelle communément des comités paritaires. Le
libellé exact, ce sont des comités de santé et de
sécurité du travail qui seront formés à partir des
dispositions de l'article 78, lesquels seront formés des
représentants de l'employeur et des représentants des
employés ou, encore, du syndicat.
On introduit dans le projet de loi la notion d'un représentant
à la prévention qui aura, lui aussi, beaucoup de pouvoirs,
beaucoup d'attributs, et qui sera habilité à exercer certains de
ses pouvoirs à l'intérieur de l'entreprise et j'aurai l'occasion
de revenir tout à l'heure sur le sujet.
Le quatrième élément prévu, c'est la
quasi-universitalité du champ d'application de la loi. Le gouvernement
sera lui-même lié par la loi à ces sociétés
et nous avons déjà eu l'occasion d'y souscrire et de dire oui
à cette mesure mécanique à l'intérieur du projet.
Le projet est aussi susceptible de s'appliquer à toute entreprise de
plus de 20 employés. Au début, c'était "des
employés" dans la version initiale. Le projet de loi no 17, tel que
réimprimé prévoit que tout ce mécanisme de
comités paritaires, de programmes de santé au sein de chacune des
entreprises devra être appliqué dans toutes les entreprises de
plus de 20 employés et même dans certaines entreprises de moins de
20 employés lorsque la Commission de santé et de
sécurité au travail, par règlement, dira: Dans tel
secteur, même s'il y a moins de 20 employés, vous devez
élaborer un programme de santé, avoir un comité paritaire
et vous conformer à toutes les dispositions à la fois
législatives et les dispositions réglementaires qui sont
nombreuses dans le projet de loi.
Au cours de cette commission parlementaire, dans tout ce débat,
l'Opposition officielle, mes collègues et moi-même nous sommes
associés, dans une certaine mesure, par une contribution qui a
certainement été au-delà de toute partisanerie, une
contribution qui, je l'espère, a été utile et on le verra,
compte tenu des amendements qui pourront être apportés, qu'on
apportera entre la deuxième et la troisième lecture. Nous avons
entendu effectivement 63 groupes, analysé 70 mémoires. On a eu
des échanges de fond régulièrement, constamment, tant avec
les groupes qu'avec les parties qui comparaissaient, qu'entre le ministre et
les membres de la commission autour de la table. J'ai eu l'occasion, au nom de
ma formation politique, de faire part au gouvernement de la position que nous
adoptons face à cette intervention législative du gouvernement
dans le secteur de la santé et de la sécurité du travail.
Nous avons voulu explorer avec le gouvernement des avenues possibles
d'intervention et quant à moi, je dois vous dire que j'en sors quand
même satisfait, même si je suis un peu déçu des
travaux de cette commission dans le sens que j'aurais souhaité,
évidemment et c'est là le propre d'un parlementaire qui
intervient que le projet de loi, tel que réimprimé,
traduise davantage les volontés, les suggestions que nous avons
formulées lors de l'étude du projet de loi en commission
parlementaire. De toute façon, on aura l'occasion de revenir sur le
sujet. (15 h 20)
Ce a quoi avec quoi nous ne sommes pas d'accord, Mme la
Présidente, c'est que le principe de fond du projet de loi, c'est le
caractère immédiatement universel du programme de santé
qui est édicté par la commission. Ce que nous avons soutenu en
commission et ce que nous continuons à soutenir, c'est l'obligation qu'a
le gouvernement d'intervenir dans des secteurs prioritaires bien
identifiés dans le livre blanc. L'obligation qu'il a de
reconnaître et de maintenir des programmes de santé
éprouvés et efficaces qui existent dans plusieurs
établissements. Je m'explique, Mme la Présidente. Ce que la
commission de
santé et de sécurité fera, c'est évidemment
d'adopter un programme global des normes générales qui
s'appliqueront à l'égard de toutes les entreprises du
Québec. C'est l'universalité du pouvoir et de l'obligation qui
sera faite par la Loi à la commission de santé et de
sécurité d'édicter et d'adopter des normes qui, elles,
s'appliqueront à toutes les entreprises du Québec.
Le livre blanc nous donnait des statistiques, entre autres, à la
page 43, du nombre de décès, le taux de mortalité par
secteur d'activité économique. Le livre blanc nous informait
aussi du nombre de maladies industrielles déclarées à la
CAT, selon les secteurs de l'activité économique. Somme toute,
notre position est la suivante. Plutôt que de se lancer dans une
réforme globale, universelle, à l'égard de laquelle on
peut avoir beaucoup de réserves et je reviendrai là-dessus
tantôt le gouvernement aurait dû, dans un premier temps,
déterminer les secteurs prioritaires d'intervention où il faut
intervenir où il faille intervenir. Il y a certains secteurs de
l'industrie manufacturière, le secteur de la forêt, notamment,
entre autres, en ce qui concerne la statistique énoncée à
la page 43 du livre blanc, en ce qui concerne les personnes
décédées en 1975. Le gouvernement n'a pas retenu notre
suggestion qui est une distinction de fonds entre ce que nous
préconisons et l'approche gouvernementale. Quand je soutiens et que nous
soutenons de ce côté-ci de la Chambre, comme nous l'avons fait,
d'ailleurs, en commission parlementaire, que le gouvernement ne doit pas se
laisser aller et tomber dans recueil d'un nivellement vers la base, c'est que
nous craignons. Quant à nous, en ce qui concerne certaines entreprises
du Québec, compte tenu que le programme qui sera adopté, les
normes qui seront édictées par la Commission de santé et
de sécurité, seront nécessairement
générales, ce sera un programme général applicable
à l'industrie, aux entreprises en général.
Nous craignons que, dans certains cas, cela amène un nivellement
vers la base et cela revient, Mme la Présidente, au deuxième
élément de mon argumentation et la distinction qu'on a en termes
de principes avec le gouvernement, c'est que c'est vrai que dans certaines
entreprises au Québec, il s'est fait des choses qui sont tout à
fait concluantes. D'ailleurs, Mme la Présidente, le ministre et moi
avons eu l'occasion, à la lecture des mémoires, d'entendre
plusieurs groupes du secteur privé, des représentants de
certaines industries manufacturières. On est à même de
constater que les efforts non seulement louables ont été faits,
mais des efforts qui ont donné des résultats bien concrets et
bien tangibles.
Le ministre donnait l'exemple d'une compagnie tout à l'heure:
DuPont. C'est vrai que des entreprises comme celles-là ont
déployé des énergies. Elles se sont associées avec
leurs employés et sont arrivées à des résultats
dans des délais assez brefs et des résultats qui sont dignes de
mention.
Lorsque nous demandons et lorsque nous soutenons de reconnaître
que le gouvernement a l'obligation de reconnaître et de maintenir
certains services existants, ce n'est pas cautionner tout ce qui a
été fait par certaines entreprises. Je l'ai dit en commission
parlementaire; je le redis ici. Il est vrai qu'il y a eu des abus. Il est vrai
qu'il y a eu des attitudes tout à fait injustifiables de la part de
certaines entreprises au Québec, mais ce n'est pas parce que certaines
entreprises se sont conduites de façon irresponsable, de façon
à être blâmées, qu'on doit, aujourd'hui accepter de
faire table rase de tout ce qui s'est fait, de tous les efforts qui ont
été déployés pour en arriver à donner
à une commission de santé et de sécurité un pouvoir
aussi large, un pouvoir aussi important qu'un pouvoir général de
réglementer et d'intervenir. On en a eu des exemples concrets et on
pourra toujours donner des exemples qui, le plus souvent, sont donnés et
cités en référence de cas où
l'intégrité physique d'un travailleur a été
affectée compte tenu d'une faute lourde, pour ne pas dire une faute
criminelle.
Il ne faut pas, pour corriger des situations et des exemples que je peux
vous donner, mettre de côté tout ce qui s'est fait dans le
passé, mettre de côté l'obligation que le gouvernement
aurait d'intervenir dans un secteur prioritaire. Cela ne justifie pas, selon
nous, l'action du gouvernement de mettre tout cela de côté pour en
arriver à un programme général qui risque d'amener un
nivellement vers la base. Il y a eu des exemples, comme l'exemple qui nous a
été donné en commission parlementaire où même
si un inspecteur, dans certains cas, apposait des scellés sur un
équipement et qu'une personne en autorité arrivait le lendemain
et disait aux travailleurs "faites sauter les scellés et travaillez avec
l'équipement", c'est inacceptable. Ce qu'il aurait fallu dans ces cas,
ce n'est pas une réforme nécessairement globale, totale et
universelle de la loi et du secteur concerné mais il aurait fallu, entre
autres, le respect des règlements et des lois déjà
existants.
On a eu des exemples à la Baie James notamment. Un exemple nous a
été donné sur une défaillance mécanique qui
a été constatée sur un camion. Des avis ont même
été envoyés à certaines personnes responsables. Il
n'y a pas eu d'action entreprise. Quelques jours après, il y avait des
accidents avec des blessés très graves. J'ai déjà
donné l'exemple du dynamitage. On a eu des personnes qui sont
décédées. Il y a eu des fautes lourdes qui ont
été commises. Lorsqu'on demande à un travailleur de
perforer comme on le dit dans le jargon de "driller" dans un trou
où déjà, il y avait eu du dynamitage qui avait
entraîné des explosions, on a vu des travailleurs qui sont
décédés des suites de cela. On a eu l'exemple qui nous a
été donné d'une entreprise qui, après avoir
reçu un avis du ministère de l'Environnement de cesser d'envoyer
des émanations dans l'air, les a envoyées à
l'intérieur de l'entreprise.
C'est condamnable, on en convient. On convient, Mme la
Présidente, qu'on se doit non seulement de reprocher des gestes comme
ceux-là, mais des gestes comme ceux-là auraient pu être
régis en fonction des lois et des règlements déjà
existants. Il faut se poser des questions là-dessus.
Même si nous différons d'opinion avec le gou-
vernement sur les éléments de base et de principe
d'interventions et d'action contenus dans le projet de loi, il y a lieu de
regarder quand même certains aspects à l'égard desquels
nous pouvons tantôt être favorables, tantôt
défavorables ou à l'égard desquels on peut aussi exprimer
certaines réserves. Cette commission de santé et de
sécurité, cet empire, ce gros organisme qui sera
créé, la première inquiétude que j'ai à son
égard, c'est que la commission sera à la fois juge et partie
jusque dans une certaine mesure, et on pourra revenir là-dessus en
commission parlementaire, parce qu'autant, dans un premier temps, elle
édicte des normes, autant dans le cas de désaccord entre les
parties, elle tranchera et décidera; entre autres, lorsque les
comités paritaires au niveau de l'entreprise ne pourront s'entendre, ce
sera la commission de santé et de sécurité qui sera
habilitée à trancher les litiges.
De sérieuses interrogations, Mme la Présidente, sur la
capacité de gestion d'un tel programme de la part de la commission. Sans
vouloir adresser un blâme ou un reproche à la Commission des
accidents du travail, on connaît tous et on sait tous et toutes comme
députés, Mme la Présidente, les problèmes que
connaît la Commission des accidents du travail au chapitre de
l'indemnisation. On connaît la lourdeur administrative malheureuse qui
existe à la Commission des accidents du travail. On a tous ou toutes
été saisis à un moment ou l'autre de notre travail comme
député de l'engorgement qui existe dans les bureaux de
révision et du temps qu'il faut pour un travailleur d'avoir une
décision de la part de la Commission des accidents du travail. Sa
capacité, cette commission de santé et de sécurité
d'édicter des normes; là je veux reprendre un chiffre que le
ministre nous a cité comme étant très intéressant
ce matin, il pourra me corriger. Il y avait à peu près 600
nouveaux produits qui étaient susceptibles d'entrer sur le marché
à chaque année. On peut s'interroger sur la capacité de la
commission de se doter immédiatement des effectifs capables
d'évaluer et de recommander l'adoption d'une norme relativement à
l'aspect toxique d'un produit. Là je ne veux pas faire entrer dans le
débat toute la question des secrets de fabrication. Je ne veux pas
entrer dans le débat, on pourra y revenir en commission parlementaire,
du pouvoir que le fédéral a, par certains services, de
contrôler la qualité des produits qui sont mis sur le
marché.
J'hésite à croire que la commission au lendemain de
l'adoption de la loi soit capable en un temps, deux mouvements, de se doter des
effectifs qui seront capables d'assumer cette responsabilité qui leur
est donnée par le projet de loi. La grande crainte que j'ai c'est que la
commission pourra statuer sur le caractère de qualité d'un
produit quelconque peut-être six mois, un an, 18 mois, peut-être,
dans certains cas, deux ans après que ledit produit aura
été mis sur le marché. Il y a toute la lourdeur
administrative de la commission.
On sait que les gouvernements ont le défaut d'ajouter à la
paperasse administrative. Je suis convaincu que vous-même vous l'avez lu
le projet de loi no 17, vous avez pris connaissance des pouvoirs de la
commission, du pouvoir réglementaire, des avis qui doivent être
envoyés à Pierre, à Jean et à Jacques et
évidemment à la commission.
La question du réseau public, qui est un élément de
fond dans le projet. Le réseau public est un principe évidemment
nouveau dans le projet. Le réseau public se voit confier des
responsabilités importantes, pour ne pas dire capitales dans l'exercice
du contrôle de la santé et de la sécurité. (15 h
30)
La prévention des maladies ou des décès industriels
ne peut se réaliser, et cela on l'a soutenu en commission parlementaire,
que par une organisation différente du travail et au sein même de
l'entreprise, et cela suppose une relation étroite entre la
détection des problèmes de santé et la prise de
décision relative à l'organisation du travail. En situant au
niveau du service de santé communautaire, c'est-à-dire
l'hôpital de la région, la détection des problèmes
on vient briser cette relation organique au sein de l'entreprise et la
transforme en une relation entre l'entreprise et une bureaucratie
gouvernementale. C'est un élément sur lequel plusieurs
intervenants sont revenus, c'est-à-dire l'obligation de laisser
l'initiative dans l'action aux entreprises, sous ce volet.
Il y a aussi lieu de s'interroger à l'égard du
réseau public sur l'avenir de ces services de santé
communautaire, lesquels n'ont pas été conçus, et on s'en
rappellera, pour être des dispensateurs directs de services à la
population, mais plutôt pour être des agences de contrôle
épidomologique ou plus simplement des services d'inspection dans le sens
large de la santé publique dispensée sur le territoire.
De toute façon, je pense que tous en conviennent dans le moment,
les services de santé communautaire ne disposent pas actuellement des
ressources humaines pour assumer l'immense responsabilité qu'on leur
attribue tout d'un coup par le projet de loi no 17. Sous cet aspect des
réseaux de santé, nous considérons un autre
élément qui est revenu à plusieurs reprises dans nos
échanges, la crainte que nous exprimons, la constatation que nous
formulons, c'est que nous déplorons le fait que jusque dans une certaine
mesure, le gouvernement a tenté de médicaliser le
problème. On fait référence au programme de santé,
lequel programme devrait être adopté par le comité de
santé et de sécurité, les pouvoirs de désigner le
médecin. On a parlé beaucoup des médecins, vous vous en
rappellerez. Il y a d'autres intervenants dans tout ce débat, dans
l'action qui doit être faite peu importe d'où qu'elle vienne pour
contribuer à détecter des problèmes de
sécurité et contribuer à les régler. Il y a les
hygiénistes industriels qui sont venus se faire représenter et
qui ont déposé devant la commission et qui ont été
à même de nous sensibiliser au rôle important que ceux-ci
peuvent jouer dans cette organisation, dans cette structure organique qui est
l'entreprise pour détecter d'une part les problèmes et d'autre
part apporter des correctifs. Il y a les ingénieurs, il y a les
architectes, il y a les fabricants des produits
ou de la mécanique, et cela est un élément qui,
selon nous, n'a pas suffisamment été élaboré dans
le projet de loi, cette obligation que le gouvernement a de considérer
l'approche comme une approche multidisciplinaire.
Au sein de l'entreprise, des réserves à l'égard du
comité paritaire. Nous sommes favorables, quant à nous, à
la participation accrue des parties, que les parties s'assoient ensemble et que
les parties puissent éventuellement se concerter sur certaines actions,
mais il faut constater que les pouvoirs véritables sont très
limités.
Vu que c'est un élément important du projet de loi, ces
comités de santé et de sécurité au sein des
entreprises, vous me permettrez de faire référence aux articles
78 et 79. Ce sont des comités qui devront être formés dans
toute entreprise de plus de 20 employés ou dans toute entreprise qui
sera prévue dans la catégorie des entreprises devant avoir un
comité de santé et de sécurité, selon le
règlement de la Commission de santé et de sécurité
au travail.
Les fonctions du comité de santé et de
sécurité à l'intérieur de l'entreprise sont,
premièrement, de choisir, conformément à l'article 118, le
médecin responsable des services de santé dans
l'établissement, d'approuver le programme de santé
élaboré par le médecin responsable, d'établir au
sein du programme de prévention les programmes de formation et
d'information et de choisir les moyens et équipements de protection
individuels. Ce sont quatre pouvoirs bien particuliers et très
importants dans la vie, dans l'activité de l'entreprise. On constate,
à l'article 79, qu'en cas de désaccord au sein du comité
de santé et de sécurité, quant aux décisions que
celui-ci doit prendre conformément aux paragraphes 1 à 4 de
l'article 78, cela veut donc dire que chaque fois qu'au comité de
santé et de sécurité on sera en désaccord sur le
choix du médecin, sur l'approbation ou non du programme de santé,
sur l'établissement du programme de prévention, etc., ce sera, en
ultime recours, la Commission de santé et de sécurité du
travail, la commission provinciale qui viendra statuer.
Je suis revenu et j'ai insisté là-dessus à
plusieurs reprises: là où le comité a des pouvoirs
définitifs, pleins pouvoirs, c'est de prendre connaissance des autres
éléments du programme de prévention, de participer
à l'identification et à l'évaluation des risques, de tenir
des registres, de transmettre des informations à la commission et de
recevoir une copie des avis d'accidents. Quant à moi, je soutiens que ce
ne sont pas de véritables pouvoirs décisionnels qui sont
donnés au comité paritaire, en l'occurrence.
Les services d'inspection. Je veux évidemment en dire un mot. Je
souscris à l'idée qu'il faille regrouper les services
d'inspection. C'est le cas, dans le moment; les actions sont éparses,
sont éparpillées un peu à gauche et à droite. On a
les services d'inspection dans le monde de la construction à l'OCQ, on a
les services d'inspection du ministère du Travail, ceux du
ministère des Richesses naturelles ou nouveau ministère de
l'Energie, les inspecteurs du ministère de l'Environnement, etc. Il
faut, pour que l'action soit beaucoup plus rationnelle, selon moi, beaucoup
mieux intégrée, regrouper les services d'inspection sous une
même égide quitte à ce que des inspecteurs puissent avoir
une spécialité particulière. Cet élément qui
fait partie de la mécanique du projet de loi, nous y avons souscrit,
nous avons dit oui au ministre.
Il y a cependant une interrogation qu'on peut formuler, c'est qu'est-ce
qui arrivera? Là-dessus, j'ai d'ailleurs posé une question au
ministre du Travail, lors d'une question avec débat, vendredi il y a
trois semaines ou à peu près, sur ce qui arriverait aux
inspecteurs qui sont actuellement à l'Office de la construction du
Québec. On sait que l'OCQ s'est permis des congédiements, des
licenciements il y a quelques jours, le 6 décembre dernier, à
l'égad de certains de leurs employés. J'aimerais bien que dans sa
réplique, ou tout au moins lors de l'étude du projet de loi
article par article, le ministre puisse me confirmer ce qui arrivera des gens
qui sont actuellement en place, entre autres, à l'Office de la
construction du Québec.
Il y a le représentant à la prévention. C'est une
introduction d'un élément nouveau, encore une fois, dans le
mécanisme. Ce représentant a beaucoup de pouvoirs en vertu de la
loi. Il suffit de regarder l'article 210 pour le constater. Nous sommes
d'accord, encore une fois, avec l'idée de cette mécanique qu'une
personne au sein de l'entreprise soit préposée à la
prévention. Cependant et c'est là que je veux formuler un
commentaire particulier à l'égard du ministre il faudra
absolument que son choix soit fort judicieux si on se réfère aux
pouvoirs prévus à l'article 210.
Est-ce que le ministre me permettra de toucher quelques
éléments des pouvoirs qui sont attribués au
représentant à la prévention? A l'article 210, il est
stipulé que le représentant en question a le pouvoir de faire
l'inspection des lieux, recevoir copie des avis d'accident et d'enquêter
sur les événements, d'identifier les situations qui peuvent
être source de danger pour les travailleurs de la construction, de faire
des recommandations qu'il juge opportunes au comité de chantier,
d'assister les travailleurs de la construction dans l'exercice des droits qui
leur sont reconnus, d'accompagner l'inspecteur à l'occasion de visites
d'industries, ainsi de suite.
Il faudra que le trait marquant ou dénominateur commun du
travail, de l'action et des efforts, des énergies
déployées par le représentant à la
prévention soit uniquement et essentiellement basé sur un
objectif de santé et de sécurité, de prévention. Il
ne faudra pas que les pouvoirs ou les fonctions, ou les attributs de cette
personne au sein de l'entreprise débordent le cadre de la santé
et de la sécurité. Il ne faut pas que cette personne qui est
prévue dans le projet de loi no 17 devienne un agent syndical; il ne
faut pas non plus et je ne crois pas que ce soit là l'objectif
recherché que cela ne devienne un délégué
de
chantier comme on a déjà connu, malheureusement, au
Québec.
La mise en garde que je veux faire au ministre, c'est que
j'espère qu'on sera en mesure, lors de l'étude du projet de loi
article par article, d'avoir plus d'information là-dessus; la
façon dont, d'une part, il sera désigné par les
travailleurs mais la façon dont on peut s'assurer, comme
législateur, que ses fonctions ne déborderont pas le cadre
particulier pour lequel la fonction a été prévue dans le
projet de loi.
Un autre aspect important dans tout ce débat, c'est le droit de
refus. Ce sujet a été abondamment discuté; plusieurs ont
émis des réserves, d'autres on le sait en commission
parlementaire sont venus nous dire qu'ils étaient en complet
désaccord. Il m'apparaît qu'il n'y a pas de droit plus
fondamental, de droit plus naturel que le droit qui appartient à un
individu qui est placé dans une situation particulière, à
un moment donné de l'exercice de son travail, le droit de dire non
à une situation où son intégrité physique est en
danger, dans une situation où il a des motifs raisonnables de croire
qu'il pourrait être blessé ou qu'il pourrait subir un accident de
travail. C'est un droit qui est reconnu par la jurisprudence; c'est un droit
qui est même prévu dans certains règlements ou dans
plusieurs conventions collectives, entre autres.
Certains craignaient des abus. Il faut appeler les choses par ce
qu'elles sont. Les représentations qui ont été
formulées, qui ont été faites en commission parlementaire,
on a dit au législateur, on a dit au ministre, on a dit aux membres de
la commission: Nous craignons que ce droit soit utilisé de façon
abusive, que ce droit soit utilisé entre autres, surtout dans les
périodes de renouvellement de conventions collectives. (15 h 40)
Quant à moi, Mme la Présidente, on a pris connaissance des
statistiques qui ont été invoquées; on a pris connaissance
de l'utilisation de ce droit dans d'autres provinces de notre pays et on a
constaté qu'il n'y a pas eu d'abus. Quant à moi, je soutiens et
j'ai confiance, je suis assuré, dis-je, que la maturité des
travailleurs québécois et tout au moins la maturité des
travailleurs d'autres provinces. Cependant, on se doit d'émettre une
réserve et il faut appeler les choses par ce qu'elles sont.
J'espère et je formule un voeu ici que ce droit ne sera
pas utilisé de façon abusive. J'espère que ce droit ne
servira pas à d'autres fins que celles pour lesquelles il a
été inclus et prévu dans le projet de loi.
A voir le caractère irresponsable de certains gestes posés
par certains syndicats dans certaines circonstances, entre autres, lors des
dernières négociations dans les secteurs public et parapublic,
à voir le geste irresponsable de certains groupes qui ont même
refusé de se conformer à une loi adoptée par
l'Assemblée nationale, il y a peut-être lieu d'exprimer certaines
réserves. Le pari, on se doit de le faire et on se doit de le faire sur
la confiance à l'égard de la maturité des travailleurs du
Québec. J'ose d'ores et déjà croire que ce droit sera
véritablement utilisé pour les fins pour lesquelles il a
été prévu.
Le retrait préventif, un élément quand même
très substantiel dans le projet de loi, accorde à un travailleur,
lorsqu'il est décelé chez lui le fait qu'il est en contact avec
un contaminant, un agent agresseur quelconque, le droit de demander
d'être retiré du travail sur production d'un certificat
médical et autre. C'est une notion, un élément qui est
généralisé dans le projet de loi. Nous avions le retrait
préventif dans les cas de la femme enceinte. Le retrait préventif
qui devient général s'inscrit dans une démarche de
véritable prévention, même si, évidemment, pour que
le retrait préventif puisse être exercé, il faut
déjà avoir un certain degré de contamination pour
être capable de démontrer que le contact du travailleur avec ce
produit risque d'avoir des répercussions très graves. Lors de
l'étude en commission parlementaire, après la deuxième
lecture, nous aurons des questions; je donne immédiatement avis au
ministre des questions que nous lui formulerons à cet égard, soit
sur le fait que même si c'est un droit qui est tout à fait louable
d'introduire dans le projet de loi le retrait préventif, son exercice
est quand même limité par l'article 34 du projet où il est
clairement indiqué que ce retrait pourra s'effectuer sur la base d'un
règlement qui, encore une fois, sera adopté par la Commission de
la santé et de la sécurité, ce qu'on n'a évidemment
pas l'occasion de discuter ici. Mais encore une fois, même si cet aspect
fait partie du mécanisme, même si ce n'est pas un des principes de
fond qu'évoque le projet de loi, le retrait préventif en soi est
une mesure tout à fait louable. C'est une mesure qui nous paraît
justifiée et qui s'inscrit dans le cadre d'une démarche de
réelle prévention, de correction à la source même,
au moment où la personne est dans un premier contact avec un agent
agresseur, mais le ministre devra détailler davantage la façon
dont ce pouvoir réglementaire encore une fois, parce qu'à
toutes les pages, il y a des pouvoirs réglementaires sera
appliqué. Le ministre devra nous éclairer sur la façon
dont la Commission de la santé et de la sécurité sera
appelée à limiter ou à exercer son droit à cet
égard.
Cette commission nous a permis, de plus, de formuler certaines demandes
au ministre à l'égard de certains éléments
spécifiques, entre autres, sur le maintien des services existants. C'est
vrai, Mme la Présidente. Il faut reconnaître que, dans certaines
entreprises au Québec, il y a du bon travail qui s'est fait, des efforts
louables qui ont été faits et il y a des services existants qui
sont dispensés au travailleur et qui profitent aux travailleurs du
Québec. Le projet de loi prévoit, dans une certaine limite,
évidemment, le maintien, le droit pour une entreprise de demander
à la Commission de la santé et de la sécurité de
maintenir des services déjà existants en date du 20 juin 1979,
lors du dépôt de la première version de la loi.
Cet aspect provient des échanges qu'on a eus, entre autres, avec
l'Ordre des infirmières. L'Association des infirmières qui
oeuvrent en milieu de santé industrielle nous a fait des
représentations auxquelles j'ai personnellement souscrit. C'est vrai
que, dans plusieurs établissements industriels, plusieurs industries
manufacturières, on a déjà
des services de santé; on a des infirmières qui oeuvrent
au sein de ces entreprises depuis plusieurs années, des
infirmières qui connaissent le degré de "dangerosité", si
on peut utiliser le terme, de telle ou telle fonction au sein de l'entreprise,
qui connaissent le "know-how" et la technologie de l'entreprise, le contact
quotidien des employés et des travailleurs et des travailleuses avec
certains agents agresseurs, le risque de certains accidents qui sont plus
susceptibles d'arriver que d'autres, etc.
La relation entre l'infirmière et le travailleur va aussi loin
que, dans plusieurs cas, l'infirmière à l'intérieur d'un
établissement va connaître le dossier de santé de la
très grande majorité des travailleurs. C'est souvent la personne
qui sera capable de formuler des recommandations ou bien souvent d'agir plus
particulièrement au niveau de la prévention en recommandant aux
travailleurs tels ou tels gestes ou tels ou tels examens périodiques ou
autres.
Ce que le projet de loi initial prévoyait, c'était que ce
service ne pourrait pas être validé, ne pourrait pas continuer
comme il l'était dans le passé. Ce qui serait arrivé avec
le projet de loi no 17, dans sa première version, c'est que le
département de santé communautaire aurait mis sur pied des
équipes volantes d'infirmières avec mandat de travailler dans
plusieurs industries et plusieurs entreprises de la région ou du
comté donné. Le gouvernement a donné suite aux
représentations qui ont été faites, à savoir le
maintien des services existants en date du 20 juin et, quant à moi, je
suis heureux de constater, sous cet aspect technique de la loi, que les
infirmières et les établissements commerciaux, industriels
pourront présenter une requête pour garder les infirmières
et les services actuellement dispensés au sein de leurs entreprises.
Un autre aspect sur lequel on a élaboré, mais pas trop
longuement nous sommes revenus à quelques reprises, on a eu des
mémoires très intéressants sur le sujet, entre autres, par
des groupes universitaires cela a été l'aspect de la
recherche. L'aspect de la recherche, c'est que la Commission de santé et
de sécurité, l'empire encore une fois, pourra octroyer des
subventions, des contrats à des organismes pour effectuer telle ou telle
recherche sur tel ou tel problème en particulier. Les
représentations que nous faisons c'est que le gouvernement aille
au-delà des dispositions de la loi 17, qu'il modifie le projet de loi
tel que libellé dans le moment et qu'il fasse le partage, parce qu'il
faudra éventuellement que le partage soit fait et que des
responsabilités particulières soient attribuées dans le
cadre de la recherche. On a plusieurs intervenants. On a les universités
qui font la recherche dans le moment. On a le Centre de recherches
industrielles du Québec. On a certaines entreprises dans certains
secteurs de l'économie qui ont leurs propres services de recherche. On a
les fabricants qui, eux, font de la recherche. J'ai eu l'occasion de formuler
certaines propositions au ministre, entre autres, sur ce que j'avais eu le
privilège de constater au Centre de recher- ches industrielles de Nancy
où est élaboré ou existe une structure permettant aux
entreprises, entre autres, aux petites et aux moyennes entreprises de
contracter avec un centre de recherche pour la correction et la modification
pour trouver la solution à certains problèmes donnés.
L'accent devrait davantage porter sur l'aspect de la recherche. La
Commission des accidents du travail, comme la Commission de santé et de
sécurité dans quelque temps sera à même de
déceler et de constater là où il y a le plus de
réclamations, là où il y a des problèmes, si le
gouvernement clarifiait toutes les questions de la recherche, plutôt que
de se laisser strictement à un pouvoir appartenant à la
commission de passer certains contrats, on pourrait voir naître, à
l'intérieur du projet de loi no 17, une structure particulière
où seraient coordonnées toutes les activités à
l'intérieur de la recherche.
Mme la Présidente, c'étaient les aspects particuliers de
la technique, du mécanisme que je voulais expliquer à
l'égard du projet de loi. Nous avons fait, je pense, du bon boulot en
commission parlementaire. Cela a duré plusieurs jours, on a entendu
plusieurs intervenants, tant du monde patronal que du monde syndical, d'autres
intervenants dans certains secteurs particuliers, entre autres, dans le secteur
de la santé. Ce débat a été utile. Ce débat
était nécessaire pour entendre les parties entre la
première et la deuxième lectures. Ce débat a conduit
à certaines modifications, à certains amendements. Tout au long
des travaux de cette commission, nous avons, de l'Opposition officielle, entre
autres, formulé des recommandations particulières au ministre.
Notre contribution, la façon dont nous nous sommes associés
à la commission parlementaire a été de formuler des
propositions sous deux volets tout à fait distincts. Un premier volet de
fond, un volet fondamental qui va au niveau des principes mêmes du projet
de loi et le volet de la technique. Sur les volets de la technique et du
mécanisme à définir, à mettre par écrit et
à libeller, à plusieurs, nous nous sommes entendus sur certains
sujets bien particuliers, bien spécifiques. Je fais
référence, entre autres, à la reconnaissance des services
existants, au droit de refus, au retrait préventif. (15 h 50)
Sur d'autres aspects, on a émis des réserves; on a
formulé des questions. On n'a pas toujours eu des réponses qui
étaient satisfaisantes mais je pense qu'il faut accepter cela en
politique. Mais, il y a un élément fondamental sur lequel je suis
revenu souvent. J'ai même été taxé, à
certains moments, de me répéter. C'était l'obligation qu'a
le gouvernement... parce que autant la situation est urgente, autant nous
sommes d'accord avec le postulat voulant qu'on doive intervenir, autant on ne
peut demeurer insensible à plus de 200 personnes par année qui
perdent la vie suite à un accident de travail ou à une maladie
industrielle, autant on ne peut demeurer insensible à près de
6000 dossiers par année et 300 000 réclamations, autant, je
pense, on ne peut pas manquer notre coup avec ce projet de loi. On ne peut pas
se
permettre, comme législateurs, comme société, de
s'en aller dans une réforme qui est universelle, globale et au bout de
laquelle il y a trop d'inconnu, au bout de laquelle on a, entre autres
cela, c'est un élément bien concret aucune preuve.
Rien ne nous permet de croire, entre autres, que, dans un délai
immédiat, l'année prochaine ou dans un délai
peut-être un peu plus long mais quand même dans un délai
immédiat, on pourra avoir une diminution sensible des accidents de
travail au Québec. Rien ne nous garantit qu'il y aura moins de personnes
qui mourront l'année prochaine ou suite à l'adoption de la loi 17
qu'il y en a actuellement malheureusement. Autant on est sensible à cet
état de fait, autant on se doit d'être conscient que le projet de
loi 17, tel que libellé, ne nous donne malheureusement aucune garantie
à cet égard. Autant il faut être conscient que la
commission de santé, l'approche, la démarche, au lieu d'embrasser
l'universalité du problème, au lieu de permettre à une
commission qui vivra avec un pouvoir réglementaire important, exorbitant
à certains égards, une commission qui sera, somme toute, un genre
de petit empire, au lieu de permettre à cette commission d'adopter des
programmes généraux, des conditions minimales de santé et
de sécurité au Québec, il faut absolument intervenir dans
certains secteurs prioritaires. C'était là l'essentiel de la
représentation que j'ai formulée, reformulée et
signalée presque à tous les jours lors de cette commission.
Aujourd'hui, je suis peiné de constater que, suite à des
heures et des jours de débat en commission parlementaire où on
s'est assis autour de la table de façon sereine, positive, constructive,
où on a échangé ensemble, où on a
questionné, où on s'est fait questionner par des intervenants,
où on a eu à montrer nos couleurs, nos attitudes et les mettre
sur la table, les résultats soient aussi minces. Je n'en fais pas de
reproche au gouvernement. Le gouvernement, à partir des statistiques,
des échanges que lui aussi a eus avec les groupes intervenants, a
décidé de modifier le projet de loi 17 jusqu'à une
certaine mesure à laquelle on a souscrit à plusieurs
égards mais souscrit à la mécanique, à l'aspect
technique du projet. Le principe de fond, notre grande réclamation, ce
qu'on a demandé et ce que je réitère aujourd'hui au nom de
ma formation politique, c'est que plutôt d'embrasser une réforme
universelle qui a trop d'inconnu, pourquoi le gouvernement, à partir des
statistiques qu'il a à la Commission des accidents du travail,
lesquelles ont été reproduites dans le livre blanc, n'intervient
pas, premièrement, sur une base prioritaire dans les secteurs où
il faut intervenir de façon à avoir des résultats
concrets, tangibles et palpables dans les meilleurs délais?
Pourquoi le gouvernement, plutôt que de courir le risque d'un
nivellement par la base de conditions minimales adoptées,
édictées par cette commission, commission où nous, comme
législateurs, comme parlementaires, comme porte-parole d'une
région, de travailleurs et d'employeurs de la communauté et de la
collectivité, n'aurons pas à nous prononcer là-dessus,
n'aurons aucun jugement à faire valoir à ladite commission une
fois que la loi 17 sera adoptée.
Pourquoi, entre autres, ne pas reconnaître les efforts louables et
les résultats concrets et tangibles qui ont été atteints
dans certaines entreprises? Le ministre d'Etat au Développement social
aura connu ce matin... On a constaté, lors des échanges en
commission parlementaire, que dans certains cas, certains seceurs, certains
types d'industries, il y avait des résultats concrets qui ont
déjà été obtenus. Pourquoi ne pas reconnaître
tout cela et intervenir dans d'autres secteurs?
Il y a des entreprises au Québec, Mme la Présidente, et
c'est là un des éléments moteurs de l'argumentation. Il y
a des entreprises où les travailleurs, l'employeur, les parties, les
agents intervenants, les professionnels intervenants tout ce groupe qu'on peut
appeler ou placer sous le vocable d'entreprise sont parvenus à certains
niveaux dans le domaine de la santé et de la sécurité. La
crainte que j'ai, c'est qu'on fasse table rase de tout cela puisque dans
certains cas, certaines entreprises, c'est une crainte qui est peut-être
simplement appréhendée, c'est une crainte qui n'est
peut-être pas démontrée ni prouvée, mais cela c'est
l'expérience qui va nous permettre de le constater. La crainte qu'on a
c'est que ce soit un nivellement par la base et que dans certains cas,
certaines entreprises légalement comme ils seront en droit de le dire,
nous à l'avenir, messieurs, le programme de santé auquel on se
conformera c'est celui qui est édicté par la commission de
santé et de sécurité du travail et non pas ce à
quoi on est arrivé depuis quelques années.
Nous nous devons, et c'est ainsi, Mme la Présidente, comme je
vous disais tantôt, c'est pénible du fait de tout cela, quoique je
ne désespère pas parce qu'encore une fois, en commission
parlementaire, dans quelques jours on va présenter des amendements, on
va présenter des modifications de façon que ce sur quoi on a
plaidé, ce sur quoi on a insisté soit traduit bien
concrètement par des modifications qui seront présentées.
Compte tenu de cet élément, de cette distinction de fond entre la
position que nous adoptons, que nous demandons et la position adoptée
par le gouvernement, nous nous voyons dans l'obligation de voter contre le
projet de loi en deuxième lecture. Mme la Présidente que
vous ayez votre voyage ou que vous ne l'ayez pas, on s'en reparlera et je vous
ai énoncé pour votre bénéfice, je parle au
député de Duplessis qui intervient en arrière, vous
viendrez en commission parlementaire et vous vous prononcerez sur les
modifications qu'on va apporter et jusqu'à maintenant. Je dois vous
dire, Mme la Présidente, que le débat a été
serein.
Mme la Présidente, est-ce qu'on peut avoir l'ordre, oui?
La Vice-Présidente: L'ordre se fait, M. le
député de Portneuf. Vous pouvez continuer.
M. Pagé: Nous conservons, cependant, Mme la
Présidente, une attitude qui se veut responsable en ce qu'une fois notre
position telle qu'elle a été énoncée à
plusieurs reprises en commission parlementaire la suite logique à cette
position constatant que dans le projet de loi que nous avons demandé ne
s'y retrouve pas, nous continuerons à travailler ferme, nous
continuerons par le règlement, par les procédures qui nous sont
prévues dans le règlement, c'est-à-dire, la
possibilité pour l'Opposition de présenter des amendements en
commission parlementaire, nous allons en présenter. Je veux tout de
suite dire à l'attention des membres du gouvernement, notamment
peut-être pas à l'égard de certains députés
d'arrière ban je veux tout simplement vous dire, Mme la
Présidente, que cette attitude se veut conséquente, elle se veut
responsable. Cela aurait été certainement beaucoup plus facile de
se laisser aller dans des motions purement dilatoires. Ce n'est pas cela
l'esprit et l'objectif de la position qu'on adopte aujourd'hui. Ce n'est pas
d'en arriver à ce qu'on appelle dans le langage parlementaire un
"filibuster" où notamment on peut faire des débats, des motions
et passer 20 minutes sur chacun des iotas, des virgules et des
points-virgules.
Ce n'est pas là l'essentiel de l'attitude. Ce n'est pas ce qui va
nous caractériser dans ce débat. Ce qui nous caractérise
dans le moment, Mme la Présidente, c'est d'adopter une attitude qui est
conséquente. On sait ce qu'on veut. On l'a déjà fait
valoir On n'y a pas eu droit par les modifications au projet de loi no 17, mais
l'intervention et cela je reviens là-dessus une dernière fois,
l'obligation que le gouvernement a par la loi 17 d'intervenir sur une base
prioritaire là où il faut intervenir parce que ce sont des
secteurs où il y a un haut danger, beaucoup d'accidents, beaucoup de
maladies industrielles ou beaucoup de décès, cette obligation que
le gouvernement a, nous allons continuer à la plaider et nous allons
continuer à nous défendre pour qu'elle soit introduite dans le
projet de loi comme type d'action plutôt qu'une réforme
universelle avec beaucoup d'inconnu et c'est dans ce sens qu'iront nos
représentations en commission parlementaire et celles de mes
collègues. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, madame. J'aimerais également, au nom de
l'Union Nationale, prendre part à ce débat sur ce projet de loi
no 17 qui est devant l'Assemblée nationale, cette pièce
législative qui est quand même d'importance majeure même si
on se trouve à la toute fin pratiquement de nos travaux parlementaires
pour cette session d'hiver. (16 heures)
Je pense qu'après l'importance qu'on a accordée aux
travaux de la commission parlementaire, on doit également accorder une
importance équivalente aux travaux de l'Assemblée nationale en
deuxième lecture de ce projet de loi no 17 qui a subi, comme vous le
savez, différentes modifications et qui a même dû être
réimprimé à la suite des travaux qu'a effectués la
commission parlementaire dont avait la responsabilité le ministre d'Etat
au Développement social.
Il s'agit donc là d'une réforme de très grande
envergure, comme l'a indiqué le ministre, et comme l'ont reconnu
également mes collègues qui ont eu à se prononcer sur ce
projet de loi et à travailler à cette commission parlementaire;
on doit souligner le mérite également de tous ceux qui ont
participé à ces débats d'un côté comme de
l'autre de la table, et également du côté de
l'équipe de soutien du ministre dans ce sens.
La commission parlementaire, on le sait, et le ministre l'a
indiqué, a entendu plus de 63 groupes. Nous avons eu l'occasion de
recevoir 70 mémoires, et cela indique de l'importance de cette
pièce de législation, les implications majeures que ce projet de
loi a justement, au niveau de l'ensemble du monde du travail, tant au niveau
patronal qu'au niveau syndical, qu'au niveau des employés
eux-mêmes de l'ensemble des entreprises du Québec. Je pense
qu'à ce moment-ci on doit reconnaître que l'on modifie en
profondeur l'ensemble des règles du jeu s'appliquant à la
santé et la sécurité au travail.
Il y avait évidemment besoin d'une modification d'une approche
globale dans ce sens, à cause de l'éparpillement des
pièces de législation dans ce domaine, tant au niveau de la
réglementation que de la législation comme telle. On sait que la
santé et la sécurité au travail se diluaient dans
plusieurs ministères, dans plusieurs réglementations de sorte
qu'il y avait des champs entremêlés, des champs d'application
venant de différents organismes. Je pense qu'il était temps qu'un
gouvernement s'attarde à faire cette analyse en profondeur, à
revoir l'ensemble des réglementations des lois et à faire une
approche plus globale de toute cette question de la santé et de la
sécurité au travail.
Au Québec, on sait qu'il y a environ une centaine
d'omnipraticiens, une trentaine de médecins spécialistes et
environ 600 infirmières qui travaillent en médecine du travail
à plein temps. On observe qu'à peine 6% des entreprises
manufacturières québécoises de plus de 50 travailleurs
offrent un service de santé à leurs employés.
L'année 1931, par la Loi des accidents du travail, a marqué le
début de la médecine du travail au Québec. En 1936, la
division de l'hygiène industrielle est créée au
ministère de la santé et en 1973, un service de santé au
travail a été créé spécifiquement au
ministère des Affaires sociales. En 1975, d'autres améliorations
ont été apportées en vertu de la Loi des
établissements industriels et commerciaux, ainsi qu'à la Loi de
l'hygiène publique. En 1976, plus près de nous maintenant, les
services de santé communautaires ou CLSC, créés en 1971,
bénéficient d'un personnel spécifiquement affecté
à la médecine du travail.
Quant à la position de l'Union Nationale, traditionnellement sur
cette question je me réfère pour cela au programme
même de notre
formation politique, programme qui a été utilisé
lors de la dernière campagne électorale on reconnaît
évidemment le besoin d'adopter une politique globale de
sécurité industrielle. On avait indiqué, à ce
moment, et je pense sur d'autres tribunes par la suite, le besoin de
réviser la Loi sur les accidents du travail qui, dans son applicaton et
sa nature même avait besoin de subir des modifications en profondeur,
tant pour assurer aux travailleurs qui ont à vivre sous le chapeau de
ces lois, une efficacité au niveau de leur protection et de leur
compensation, ainsi de suite, et également pour, de l'autre
côté, permettre à la Commission des accidents du travail
d'effectuer, elle, de son côté un travail plus efficace
plutôt que de s'embourber dans une situation administrative de plus en
plus complexe à laquelle ont à faire face les commissaires et
ceux qui ont à vivre avec l'application constante des lois et des
règlements régissant la santé et la sécurité
au travail.
Là-dessus, nous avons toujours reconnu le besoin et nous
insistons encore d'une politique globale de sécurité
industrielle au Québec et de revoir en profondeur toutes les lois et la
question de l'approche actuelle, concernant les accidents du travail.
De plus, durant la commission parlementaire, à ce sujet, le
député de Johnson a déclaré: "... et malgré
ses limites, le projet de loi no 17 sur la santé et la
sécurité au travail représente en réalité
plus qu'un pas en avant, c'est plutôt un véritable saut en avant
pour l'amélioration des conditions de travail chez le travailleur. On
passe presque du noir au blanc. S'il est adopté, ce projet de loi
placera le Québec au rang des pays les plus avancés quant
à la protection du travailleur. C'est le juge Beaudry qui vient de dire
cela, le 10 septembre: Est-ce qu'on peut contrarier cette opinion qui est
juste."
C'était le député de Johnson qui, dans la
foulée des déclarations du juge Beaudry indiquait une
reconnaissance large du principe et du bien-fondé du projet de loi no 17
dans sa version originale telle que déposée la première
fois. Il faut maintenant souligner que parmi les intervenants venus
témoigner à la commission parlementaire, au-delà de 90% de
ceux qui se sont présentés à ce moment-là, sauf, je
pense, si ma mémoire est bonne, la CSN et le SFPQ, le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec, se sont montrés favorables
au grand principe qui était contenu et qui est encore contenu dans le
projet de loi no 17 concernant la santé et la sécurité au
travail.
Evidemment, au niveau des modalités d'application, on a eu
plusieurs recommandations d'ordre différent venant évidemment
selon les préoccupations de chacun des organismes qui se sont
présentés devant la commission parlementaire et ils ont
été nombreux, 63, je vous le rappelle. Cette commission
parlementaire a d'ailleurs siégé tout le mois de septembre et je
pense dans la dernière semaine du mois d'août également.
Donc, il y a eu un travail majeur de fait de ce côté, mais sur le
principe général, l'ensemble des intervenants se sont dits
d'accord avec le principe d'une réforme quoique certains, d'un
côté comme de l'autre, avaient des réserves sur les
modalités d'application.
Avant de se prononcer pour ou contre un tel projet de loi, je pense
qu'il est bon de revoir rapidement les principaux principes qui sont contenus
dans ce projet de loi. Qu'on le veuille ou non, lorsqu'on parle du principe
général contenu dans la loi, il y a quand même plus d'un
principe à cause de l'ampleur de la réforme qu'on présente
et à cause des multiples domaines auxquels il s'applique. On peut
difficilement parler d'un principe majeur au niveau du projet de loi, sinon la
philosophie générale du gouvernement dans l'approche qu'il a
choisie par rapport à la santé et à la
sécurité au travail. Il y a donc, je pense, plusieurs principes
qui se rattachent à cette grande philosophie, mais ils sont contenus
dans le projet de loi à cause des nombreux secteurs que cela touche et
du vaste champ d'application de la loi comme telle.
Il y a la question de la Commission de la santé et de la
sécurité au travail qui remplace la Commission des accidents du
travail. On ne sait pas, en réalité, combien cette commission va
coûter au gouvernement et à l'entreprise privée. Le
ministre a donné des chiffres qui sont, je pense, factuels, des
données réelles sur les coûts, dans les récentes
années, de tout le programme de la santé et de la
sécurité au travail tel qu'il existe actuellement à la
suite des accidents du travail. Il a parlé d'un montant de $2 milliards
en 1976 de coûts directs ou indirects qu'occasionnent les accidents du
travail au Québec. Il a parlé d'un montant global comprenant les
coûts directs et indirects en 1978 de $2 500 000 000, donc une
augmentation assez considérable seulement à ce chapitre qui
couvre quand même l'ensemble des coûts réels, directs ou
indirects, des accidents du travail au Québec.
Cependant, on n'a pas eu le pendant si le ministre a les
réponses à ces questions peut-être que lors de sa
réplique il pourra nous donner davantage d'information on ne nous
a pas dit combien pourrait coûter est-ce qu'il y a eu des
estimations ou des analyses de faites pour nous indiquer le coût?
l'application de la nouvelle loi de santé et de sécurité
au travail chapeautée par ce nouvel organisme. C'est dans ce sens,
lorsqu'on pose la question de coût, qu'on veut demander au gouvernement
une estimation la plus juste possible évidemment en termes de
prévisions de ce que cela va coûter à ce moment-là.
On sait ce que ça coûte actuellement, le coût direct ou
indirect, est-ce qu'on va faire une économie réelle? Si oui, de
quel ordre pourrait être l'économie qui pourrait être
réalisée à ce moment-là? Je pense que c'est un
élément important sur lequel plusieurs se posent des questions
normales à ce stade-ci et sur lequel le gouvernement aurait
peut-être intérêt à apporter de la
lumière.
Donc, la Commission de santé et de sécurité au
travail va remplacer la Commission des accidents du travail, mais on ne sait
pas comment cette modalité va coûter en appareils bureaucati-ques,
en retombées directes ou indirectes, en fin
de compte, et c'est là-dessus que j'aimerais avoir plus
d'éclaircissements. Cette nouvelle commission permettra-t-elle de faire
de l'ordre dans le domaine de la santé et de la sécurité
au travail? C'est une autre question qu'on peut se poser. Simplement en
regardant ce qui existe actuellement, on n'a pas besoin d'un tableau bien
étendu pour se convaincre qu'au point de vue de remettre de l'ordre dans
ce qui existe, ce sera déjà mieux que ce qui existait avant parce
qu'on vit actuellement sous l'empire de sept lois différentes et de
vingt règlements différents lorsqu'on parle de santé et de
sécurité au travail et cela touche de quatre à cinq
ministères et organismes gouvernementaux quant à la question de
l'inspection. Le ministre, dans son discours de deuxième lecture, a
d'ailleurs fait un tableau assez réaliste, dans le domaine de
l'inspection, des parades d'inspecteurs qui vont sur les chantiers, un peu
partout, et qui se pilent pour ainsi dire sur les pieds. (16 h 10)
Je pense que lorsqu'on parle de réorganiser, pour être plus
fonctionnel, l'ensemble de nos lois et de nos réglementations,
là-dessus je pense qu'on ne peut que souligner le bien-fondé de
l'approche en cette matière pour unifier, si vous voulez, l'approche du
gouvernement dans ce secteur.
Maintenant, en ce qui concerne le droit de refus et le retrait
préventif, là on peut se demander s'il y aura beaucoup d'abus,
quel en sera le coût également. Ce sont des questions qu'on peut
se poser et j'aurai l'occasion d'y revenir parce qu'on fait appel à des
questions d'attitudes fondamentales tant de la part des syndicats que de la
part des syndiqués. Je pense qu'en tant que législateur
responsable, on doit se poser des questions, on doit regarder ce qui s'est fait
dans le passé, ce qui s'est fait ailleurs, ce qu'on a eu comme
résultats lorsqu'on a confié ou lorsqu'on a voulu confier de
telles responsabilités ou de semblables responsabilités aux
syndicats, à venir jusqu'à maintenant.
Dans les lois semblables à celle que le gouvernement du
Québec s'apprête à adopter et qui ont été
adoptées dans d'autres provinces, je pense qu'à ce jour, si ma
mémoire est bonne, il n'y a pas eu de cas majeurs où il y a eu
abus flagrant, du côté des syndicats, sur la question du retrait
préventif. Maintenant, le ministre pourra peut-être nous donner
des précisions dans ce sens; je pense que ce serait intéressant
de voir ce qui s'est fait ailleurs. J'aurai l'occasion de revenir
là-dessus un peu plus loin.
En ce qui concerne la question des comités paritaires, il y a
certaines réserves qu'on peut exprimer même si, au point de
départ, la démarche peut sembler intéressante. Est-ce
qu'on est d'accord avec ce principe fondamental qui a pour objet, en fin de
compte, d'établir les mécanismes de participation des
travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes
d'accidents du travail et des maladies professionnelles? On peut être
d'accord en principe sur la démarche mais la question qui se pose
maintenant est une question pratique d'efficacité au niveau de
l'autorité, et de l'autorité morcelée parce qu'en fin de
compte, on va multi- plier les centres de décision qui vont devoir se
consulter pour être capables de fonctionner. C'est dans ce sens que j'ai
certaines questions et peut-être certaines réserves au sujet des
comités paritaires.
Les professionnels de la santé. Est-ce nécessaire qu'ils
soient indépendants de l'entreprise lorsqu'on parle des médecins
comme tels? Je pense que c'est un pas en avant. Le ministre a indiqué
lui-même, d'ailleurs, qu'il s'agit d'une question de confiance de la part
des travailleurs aussi et je pense qu'il est normal que ce soient des gens
indépendants de la structure de l'entreprise qui aient à se
prononcer en tant que médecins qui aient à prononcer un
diagnostic, qui aient à recevoir les gens atteints de maladies
industrielles ou d'accidents du travail. Trop longtemps dans le passé,
je pense, on a eu des situations douteuses là-dessus et je pense que
c'est de là qu'est venue cette sorte de sentiment de non confiance,
disons-le tel quel, de la part des travailleurs vis-à-vis du
médecin de l'entreprise, même si, dans plusieurs cas, je suis
certain, le médecin d'entreprise pouvait faire un excellent travail. On
a eu d'autres cas par ailleurs, et j'aurai l'occasion d'y revenir tout à
l'heure, où c'était moins évident que le médecin de
l'entreprise pouvait être, disons le mot, neutre et, à ce
moment-là, rendre un service efficace, adéquat aux travailleurs
qui sollicitaient ses bons offices en tant que médecin responsable. Mais
j'aurais l'occasion de revenir là-dessus.
Quant au service d'inspection, évidemment, je passe rapidement,
j'ai eu l'occasion d'indiquer au ministre qu'on était satisfait de voir
qu'il y avait un resserrement des programmes déjà existants pour
arriver à une unité d'action dans ce sens.
Maintenant, au niveau de la réglementation, évidemment on
va se retrouver encore là, vis-à-vis du projet de loi no 17 comme
vis-à-vis de plusieurs lois sur un pouvoir de réglementation qui
est immense et on saura seulement une fois qu'elle sera en application ce que
cela va donner et en espérant que la réglementation soit conforme
à l'esprit que le ministre a voulu voir dans le projet de loi.
Il y aurait peut-être un sujet à retenir, c'est qu'il y a
eu quelques organismes qui sont venus devant la commission parlementaire qui
ont suggéré l'idée d'une table ronde patronale-syndicale
et gouvernementale pour l'établissement desdits règlements. Je
pense que ce serait peut-être là un fil conducteur qu'il faudrait
retenir pour assurer le bon fonctionnement du projet de loi, pour s'assurer que
la réglementation qui pourra être adoptée dans l'avenir
puisse répondre le plus adéquatement possible aux situations; et
je pense que la seule façon à ce moment-là c'est de
demander aux gens concernés de participer à l'élaboration
de ces règlements. Si le gouvernement n'a pas d'objection à
ouvrir les portes au niveau de la philosophie de son projet de loi, je pense
qu'il n'aura pas d'objection non plus à ouvrir les portes quant au champ
d'application beaucoup plus en détails lorsqu'on arrive à la
question de la réglementation qui est, en fait, toute la tuyauterie
d'application d'un projet de loi.
Je retiens cela et je rappelle au ministre l'importance de consulter les
trois parties en cause dans l'élaboration de cette
réglementation. C'est toujours la même question, lorsqu'on vient
devant l'Assemblée nationale; la question des règlements qui ne
font pas partie du projet de loi est toujours mise en question, en disant: Oui,
mais on ne sait pas ce que seront les règlements. Surtout dans ce cas,
si on veut arriver à un milieu de vie souhaitable pour l'ensemble de
ceux qui sont impliqués, je pense qu'on doit leur demander de participer
à l'élaboration desdits règlements. Cela va
décharger aussi l'Assemblée nationale dans ce sens-là. On
aura au moins la garantie que les personnes concernées auront un mot
à dire dans ledit projet.
Mme la Présidente, le projet de loi sur la santé et la
sécurité du travail est un projet de loi cadre qui vise à
établir des mécanismes de participation des travailleurs et des
employeurs dans le but d'éliminer à la source les causes
d'accidents de travail et de maladies professionnelles. La loi est d'ordre
public et lie le gouvernement, ses ministères ou ses organismes qui en
sont mandataires. Le nouveau projet de loi 17 affirme beaucoup plus clairement
son objectif d'éliminer le danger à la source. Cette obligation
demeure comme l'a précisé, d'ailleurs, le ministre d'Etat
au Développement social et cela, même une fois qu'on a
fourni des équipements de protection individuelle au personnel. On y
affirme aussi la nullité de toute entente qui accorderait moins de
droits aux travailleurs et aux syndicats. Par contre, on permet la conclusion
d'ententes et de conventions qui accorderaient à un travailleur,
à un syndicat ou au titulaire d'une fonction créée par la
loi des dispositions évidemment plus avantageuses pour la santé,
la sécurité et l'intégrité physique des
travailleurs.
Maintenant, j'aimerais toucher quelque peu, quitte à y revenir,
la question du refus de travailler. La loi reconnaît au travailleur le
droit de refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de
croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa
santé ou sa sécurité ou son intégrité
physique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à semblables
dangers. La procédure pour remplacer le travailleur qui exerce son refus
de travailler est largement simplifiée et les délais beaucoup
plus courts que dans la première version. Je pense que cela a
été une amélioration et les discussions qui ont eu cours
en commission parlementaire ont pu favoriser le fait qu'on a
rétréci ce corridor pour permettre une intervention beaucoup plus
rapide dans la procédure pour qu'un travailleur puisse exercer son droit
de refus. De plus, si le travailleur et/ou son représentant exercent
leur droit de façon abusive, ils peuvent encourir des mesures
disciplinaires, ce qui était impossible dans la première version.
Je pense qu'à un pouvoir on doit associer la responsabilité et si
on donne un pouvoir à un travailleur, comme à un syndicat ou
comme à une entreprise, à ce moment-là, on doit avoir la
sagesse de lui accorder la responsabilité équivalente,
c'est-à-dire que, s'ils vont trop loin dans ce domaine, ils aient
à encourir les sanctions prévues. Ce sont les règles du
jeu dans l'ensemble de la société et cela doit être dans le
monde du travail comme dans le restant des autres activités.
Le projet de loi précise aussi que le travailleur ne peut exercer
son droit de refus dans les situations suivantes: soit lorsque l'arrêt de
travail mettrait en péril immédiat la vie et la santé
d'une autre personne je pense que c'est compréhensible
soit lorsque les conditions d'exécution de ce travail sont normales dans
le genre de travail qu'il exerce. Là-dessus, le ministre a d'ailleurs
donné des exemples assez éloquents pour souligner le
bien-fondé de cette disposition. Malgré les pressions très
fortes du mouvement syndical, la loi ne permet pas le droit collectif, par
exemple, de refuser un travail dangereux, c'est-à-dire le droit pour un
syndicat de déclencher un arrêt de travail pour protéger la
santé de ses membres.
Par contre, plusieurs travailleurs qui font un même travail
dangereux peuvent cesser de travailler simultanément et leur cause sera
alors traitée dans un cas unique. Je pense que la nuance est importante
à faire parce qu'il ne faut quand même pas ouvrir la porte
à ce que cela devienne des grèves déguisées et,
à ce moment-là, qu'on permette à des groupements de
travailleurs de paralyser des entreprises. Il faut essayer de viser un
équilibre des deux côtés. Cette nuance, du moins,
m'appa-raît être une amélioration sur ce qu'il y avait dans
le projet de loi auparavant.
En ce qui concerne le retrait préventif, les amendements à
la loi 17 étendent le droit de la femme enceinte à un retrait
préventif d'un milieu de travail qui pourrait mettre en danger sa
santé et celle de son enfant pendant toute la durée de sa
grossesse et même pendant la période d'allaitement. Ils
étendent ce concept aux autres catégories de travailleurs chez
qui on pourrait découvrir des signes précoces de dommages
causés par certaines maladies industrielles. Ces deux catégories
de bénéficiaires seraient dorénavant compensées
comme les victimes de l'amiantose si leur employeur ne peut pas leur fournir un
travail convenant à leur santé. On a parlé un peu de la
loi 52 dans le projet de loi. On a dit que le même mécanisme va
pouvoir s'appliquer ici. J'aurai l'occasion de revenir aussi en ce qui concerne
les maladies industrielles, plus spécifiquement la question de
l'amiantose et de la silicose.
Quant aux comités paritaires, le gouvernement maintient toujours
que les problèmes de santé au travail doivent être pris en
main à la fois par les salariés et par les employeurs. On
conserve donc les mécanismes des comités paritaires en leur
accordant même des pouvoirs accrus. Cependant, à la suite des
demandes patronales, la nouvelle version du projet de loi 17 précise
qu'un tel comité peut être formé dans les
établissements de 20 travailleurs et plus et appartenant à une
catégorie identifiée à cette fin par règlement. On
prévoit aussi la possibilité de former un tel comité dans
un établissement de moins de 20 employés si la commission le juge
opportun, c'est-à-dire s'il y a un secteur particulier, même s'il
y a moins de 20
employés, où il y a vraiment un nombre d'accidents
anormalement élevé, de sorte qu'à ce moment-là on
peut procéder comme l'indique le projet de loi actuellement. (16 h
20)
Le comité paritaire conserve toujours son pouvoir de nommer le
médecin responsable de l'établissement, mais il devra en outre
approuver le programme de santé proposé par ce médecin.
C'est un élément nouveau qui est introduit. Il garde son pouvoir
de choisir les équipements de protection les mieux adaptés
à rétablissement, mais il acquiert en outre la
responsabilité des programmes d'information et de formation en
matière de santé et de sécurité au travail, ce qui
est également un élément qui a été
ajouté.
Les membres de ce comité sont nommés respectivement par
l'employeur et le syndicat, si ce dernier représente tous les
employés de l'établissement. S'il y a plusieurs syndicats, ces
derniers sont libres de s'entendre sur le choix des représentants, mais
ils peuvent aussi s'entendre avec l'employeur pour mettre en place plusieurs
comités paritaires différents. Malgré tout, il ne peut y
avoir qu'un seul médecin et qu'un seul programme de prévention
par établissement. L'époque où le médecin
était engagé et payé par le patron est terminée,
elle est révolue. Le médecin d'entreprise sera dorénavant
payé par la Régie de l'assurance-maladie du Québec et il
faut souligner que très souvent le médecin d'entreprise
était aussi un cadre de ladite entreprise.
Cela rejoint la préoccupation qui nous a été
souventefois exprimée par des syndiqués ou par des syndicats, par
des gens qui avaient à vivre dans ce domaine. Même, cela a
été reconnu j'aurai une déclaration
intéressante à apporter au ministre à ce sujet par
un médecin d'entreprise. J'ai l'intention je n'ai pas la coupure
de presse devant moi de la ramener devant l'Assemblée nationale
pour montrer le bien-fondé de cette ligne de démarcation qu'on
fait en ce qui concerne la médecine d'entreprise pour que le
médecin ne soit pas un cadre de l'entreprise et qu'il ne soit pas
payé par l'entreprise, parce qu'il est arrivé malheureusement des
situations pénibles dans ce domaine dans le passé et ce n'est pas
moi qui le dis. C'est, d'ailleurs, un médecin qui le confirme, un
médecin qui a eu à vivre ces situations.
Maintenant, en ce qui concerne le représentant à la
prévention, la loi prévoit la nomination d'un représentant
à la prévention parmi les travailleurs. Ses fonctions sont, en
particulier, de s'assurer que les règlements et les dispositions du
programme de prévention soient respectés et d'assister les
travailleurs dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la
présente loi et les règlements. De plus, la nomination de ce
dernier pourrait même remplacer la création d'un comité
paritaire dans les entreprises de moins de 20 employés. Nommés
par les travailleurs ou leur syndicat, les délégués
à la sécurité devront être membres du comité
paritaire, mais ils posséderont personnellement un pouvoir
d'enquête sur le milieu de travail et l'employeur devra leur fournir
toutes les informations utiles et le matériel nécessaire pour
vérifier la qualité du milieu de travail. Là aussi,
évidemment, il y a une question de coûts qui est impliquée,
surtout, je pense, lorsqu'on touche à la question de surdité et
de bruits industriels. Je pense que, dans ce secteur, il y a des coûts
qui sont impliqués qui sont assez élevés.
Le gouvernement fait donc une importante concession aux demandes
patronales, car la nouvelle version du projet de loi no 17 permet aux
entreprises qui le désirent lorsqu'on parle de santé au
travail de conserver les services de santé qu'elles avaient au 20
juin si leur fonctionnement est acceptable aux travailleurs et à la
direction médicale du territoire. Je pense que cela a été
une concession majeure, importante qui est de nature à respecter quelque
chose de bon qu'on a déjà. C'est tout à l'honneur du
ministre et de son équipe d'avoir accepté cette modification au
projet de loi initial, de sorte qu'on puisse maintenir ce qu'il y a de bon pour
ne pas risquer de niveler les services par le bas, comme on le disait, et, sous
le chapeau de la nouvelle loi, en donner moins qu'il n'y en avait avant. Il
reste qu'il faut être réaliste, qu'il faut s'ouvrir les yeux. Il y
a un bon nombre d'entreprises qui ont un service de santé à
elles, qui est tout à fait louable, qui fonctionne très bien,
dont les syndicats et les syndiqués sont satisfaits. En partant de
là, il faut considérer les situations de façon factuelle
et je pense que c'est reconnaître ces situations d'avoir permis que ceux
qui existaient au 20 juin dernier et qui étaient à la
satisfaction et des travailleurs et de la direction médicale puissent
être conservés.
Au cas contraire, le personnel de la santé sera
intégré à un CH ou à un CLSC. Là-dessus,
évidemment, la démarche peut être discutable. On peut en
discuter fort longtemps, parce que, lorsqu'on parle d'un CLSC, on parle d'un
domaine qui actuellement est remis fortement en question dans plusieurs
secteurs. Ce n'est pas le moment pour faire ce débat ici, mais plusieurs
se posent des questions sur le fonctionnement des CLSC actuellement et je pense
qu'accoler ces services aux CLSC et aux médecins des CLSC, c'est une
question qu'on pourrait fortement discuter. On aura l'occasion, d'ailleurs, d'y
revenir.
A l'exception des médecins, le personnel oeuvrant dans les
services de santé reconnus par le centre hospitalier est
rémunéré par l'employeur qui assume également les
coûts reliés aux examens et analyses de même qu'à la
fourniture de locaux et d'équipement. Il faut souligner que le
médecin ne pourra jamais être à l'emploi de l'entreprise et
qu'il sera toujours rémunéré par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec.
En ce qui concerne la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, l'actuelle Commission des accidents du
travail est remplacée complètement, à toutes fins utiles,
par la Commission de la santé et de la sécurité du travail
qui sera responsable de l'application du régime de santé et de
sécurité. Au sein du conseil d'administration de cette
commission, les travailleurs et les employeurs seront représentés
en nombre égal plus
un président. Les fonctions de la commission sont principalement
d'élaborer, de proposer et de mettre en oeuvre des politiques relatives
à la santé et la sécurité des travailleurs de
façon à assurer une meilleure qualité du milieu de
travail.
En ce qui concerne l'inspection, il existe actuellement quatre services
d'inspection qui sont tous sous la juridiction de six ministères ou
organismes et qui sont régis par au moins sept lois et 20
règlements. Le chapitre X de la nouvelle loi prévoit une
unification, comme je l'ai dit tout à l'heure, des services d'inspection
sous l'autorité du même ministre qui aura la tâche
d'administrer cette réforme et dont on devrait connaître
l'identité d'ici la fin de nos travaux parlementaires à la fin de
décembre.
Le ministre d'Etat au Développement social insiste sur le fait
que ces services d'inspection auront une structure fortement
régionalisée. Il a d'ailleurs proposé au cabinet tout un
plan de réorganisation plus détaillé et cela devrait
être soumis, je pense, au cours des prochains jours. Cette
réorganisation n'exclut pas nécessairement la
délégation de certaines responsabilités à un
organisme comme l'Office de la construction du Québec. Il faut noter que
l'inspecteur peut ordonner la suspension des travaux ou la fermeture, en tout
ou en partie, d'un lieu de travail et, s'il y a lieu, d'apposer les
scellés lorsqu'il juge qu'il y a danger pour la sécurité,
la santé ou l'intégrité physique des travailleurs.
Plus spécifiquement en ce qui concerne le secteur de la
construction, on sait que le gouvernement a décidé d'avoir une
approche globale et non pas de considérer les secteurs à leur
mérite ou selon la nature même de leurs milieux de travail, de
leurs besoins, de leurs exigences, de leur façon de vivre la
santé et la sécurité et des besoins de chacun des
secteurs, mais de plutôt procéder par une loi universelle.
Cependant, on a réservé certains espaces, entre autres, au
domaine de la construction, étant donné qu'il s'agit d'un domaine
plus spécifique.
La nouvelle loi établit des dispositions particulières au
secteur de la construction. Toutefois, le principe reste essentiellement le
même. On ne peut que faire les adaptations nécessaires à ce
secteur car, de par leur nature, les chantiers de construction sont
essentiellement temporaires alors que le va-et-vient des travailleurs de la
construction est perpétuel. Dans la construction, chacune des quatre
associations syndicales reconnues pourra nommer un délégué
à la sécurité sur tous les chantiers où elle aura
au moins un membre. Ce délégué devra lui-même
travailler sur place et il ne pourra donc être un permanent syndical.
En ce qui concerne les règlements, le pouvoir de
réglementation est immense comme je l'ai indiqué
puisque la commission peut faire des règlements sur les 42 paragraphes
de l'article 185. Ce pouvoir est encore accru par la réimpression et je
pense que le ministre a pris note tout à l'heure de la demande que j'ai
faite, au nom de certains organismes qui se sont présentés devant
la com- mission parlementaire, que soient consultés, lors de
l'élaboration de cette réglementation, et la partie syndicale et
la partie patronale et, également, le gouvernement du Québec.
En ce qui concerne les recours, les travailleurs qui auront
exercé un droit reconnu par la loi et qui croiront être victimes
de sanctions pourront porter leur cause devant un commissaire du travail. Il y
aura présomption en leur faveur mais l'employeur pourra démontrer
que le travailleur a exercé ce droit ou cette fonction de façon
abusive et prouvé que la mesure disciplinaire était basée
sur une cause juste et suffisante.
En ce qui concerne les infractions et les pénalités, la
loi établit en plus des infractions et des pénalités. De
plus, il faut noter que le Tribunal du travail peut ordonner aux contrevenants
de se conformer aux exigences de la loi ou d'un règlement dans le
délai qu'il fixe ou d'exécuter toute mesure qu'il juge
susceptible de contribuer à la prévention des accidents de
travail ou des maladies industrielles.
En terminant cette partie, Mme la Présidente, au chapitre du
financement, la commission perçoit des employeurs les sommes requises
pour défrayer tous les coûts qui découlent de la
présente loi et les règlements, à l'exception des sommes
nécessaires à l'application de l'inspection qui seront prises
à même les deniers accordés annuellement à cette fin
par la Législature. De même, une partie des sommes requises pour
la formation, l'information et la recherche, suivant la présente loi et
les règlements, sera prise à même les deniers
accordés annuellement par la Législature. (16 h 30)
C'étaient là, Mme la Présidente, les remarques sur
les différents chapitres que j'avais à faire, sauf que j'aimerais
ici ajouter simplement un point. Je n'ai pas l'intention de reprendre plus en
détail l'ensemble de la loi parce que, évidemment, c'est une
pièce assez considérable, et nous aurons l'occasion, lors de
l'étude article par article, de revenir sur des points plus
spécifiques. J'aimerais souligner que la reconnaissance qui a
été accordée à certains services de santé
est un apport intéressant et positif par rapport au premier projet de
loi, apport qui a été fait au niveau de la réimpression.
C'est celui de la reconnaissance de certains services de santé.
L'employeur peut présenter une demande de reconnaissance, comme je
disais tout à l'heure, sur ces services de santé qui existaient
au 20 juin et dont le bien-fondé ou la qualité étaient
reconnus également par le secteur de la médecine comme par les
travailleurs également. Le fait de laisser tout le service des
infirmières, des soins infirmiers aux entreprises qui ont
déjà ces services qui sont de qualité, je pense que c'est
quelque chose de positif, parce que dans l'ensemble on s'entend pour
reconnaître, je pense, que les services infirmiers qui sont donnés
dans la plupart de nos entreprises sont de qualité et de nature à
satisfaire les travailleurs.
Mme la Présidente, j'ai indiqué tout à l'heure au
ministre qu'en ce qui concerne la médecine d'entreprise, j'aurai
l'occasion, lors de l'étude
article par article ou encore de la troisième lecture, de lui
rapporter cette déclaration faite, entre autres, par un médecin
qui a vécu ces situations de médecine au travail pour montrer
qu'il n'y a pas quand même toujours eu justice par rapport aux
travailleurs dans ce secteur. J'aurai l'occasion d'y revenir. Maintenant, Mme
la Présidente, je vous rappelle que lors des travaux de la commission
parlementaire qui a été chargée d'étudier article
par article la première version du projet de loi no 17 concernant la
santé et la sécurité au travail, lorsque j'ai eu
l'occasion de faire au nom de l'Union Nationale les remarques
préliminaires à cette commission parlementaire, j'avais
soulevé une question qui nous est ramenée continuellement,
fréquemment, et cela depuis plusieurs années, soit la question de
ceux qui vivent actuellement sous le chapeau de la loi 52, les victimes
d'amiantose et de silicose. C'était déjà un engagement du
gouvernement que de procéder le plus rapidement possible lors de
la campagne électorale de 1976, on avait indiqué cette intention
à la réévaluation de la loi 52 et la façon
de l'appliquer également. Ce qui concerne, Mme la Présidente, je
vous le souligne directement, la question de la santé et de la
sécurité au travail rattachée à ce projet de loi no
17. Il n'en a rien été, tant et si bien que depuis trois ans,
dans ce secteur des malades atteints d'amiantose et de silicose, on est aux
prises encore exactement avec les mêmes problèmes d'application de
la loi 52. On a des gens qui sont sortis du marché du travail et qui se
demandent s'ils ne seront pas obligés de revenir par le biais d'une
autre législation. On a des gens qui sont encore sur le marché du
travail, qui sont encore à l'ouvrage, à qui on a retiré,
en vertu de la loi 52, le permis de travail parce qu'ils étaient
atteints d'amiantose à plus de 10% et même, dans certains cas,
à 15% ou à 20% et qui sont encore sur le marché du
travail, qu'on n'a pas déclassés, auxquels on permet de
façon plus ou moins légale de continuer leur travail parce que,
justement, on n'a pas inclus là-dedans les corrections
nécessaires à ce projet de loi. Ces gens se demandent ce qui va
leur arriver. On a, de plus, d'autres personnes qui sont dans le secteur du
textile relié à l'amiante qui sont des amiantosés
également reconnus, dont un cas que j'ai ici à 25%, mais qui ne
peuvent être couverts par la loi 52 parce qu'ils ne font pas partie des
mines et carrières, mais plutôt d'une usine de textile de produits
d'amiante qui, pourtant, dans le cas dont je parle, M. le Président, est
une usine d'amiante située sur le même territoire d'une même
entreprise, soit la Canadian Johns-Manville à Asbestos.
La personne qui travaille dans la mine peut être compensée
en vertu de la loi 52 si elle est atteinte d'amiantose à 10% alors que
celle qui, dans le cas présent l'est à 25%, qui travaille pour la
même entreprise, mais au niveau de l'usine de textile sur le même
territoire, ne peut absolument pas être compensée.C'est cela la
situation qu'on a à vivre actuellement avec la loi 52 telle qu'elle est.
Je comprends que c'est une pièce de loi qui a été
adoptée par la porte d'en arrière, qui a été
adoptée de peur, en vitesse, à travers un conflit de travail pour
essayer de boucher des trous, de bousiller une situation, mais,
malheureusement, ces gens ont continué depuis ce moment, depuis 1975,
à vivre dans l'incertitude. On n'a jamais réglé leur
situation de façon définitive et pourtant le gouvernement avait
pris certains engagements de ce côté.
Je rappelle au gouvernement qu'à l'intérieur du chapeau de
cette loi, on devra, tôt ou tard, s'attabler à cette question de
santé et de sécurité au travail, pas seulement dans des
grands objectifs de prévention pour l'avenir, mais qu'on ait au moins le
courage et la décence, si on dit avoir cette préoccupation
sociale d'aider nos individus, pas seulement de faire une loi pour l'avenir, en
oubliant ceux qui sont chez eux, actuellement, et qui ont à subir les
préjudices d'une loi qui est mal appliquée ou qui est mal
formulée, mais qu'on retourne en arrière et qu'on refasse
l'ensemble de cette loi, qui n'est quand même pas une pièce
majeure, pour donner justice à ces individus.
On a également le cas des veuves d'accidentés du travail.
On en a quelques-unes dans la région de Thetford. Je pense que le
député en a eu connaissance, on en a dans la région
d'Asbestos aussi. Parce que la loi, encore là, a peut-être
été adoptée trop rapidement, ces personnes qui sont
devenues veuves parce que leur mari est décédé à la
suite d'amiantose sont, à toutes fins utiles, laissées pour
compte. Lorsque le mari décède, la pension prévue coupe
automatiquement, et ce qui arrive, c'est que ces dames sont simplement
reléguées au bien-être social, ce qui est tout à
fait aberrant comme situation, lorsque l'on sait que leur mari est
décédé de silicose ou d'amiantose. De ce
côté, cela presse également, il y a des situations qui sont
vraiment aberrantes et qui méritent d'être corrigées.
Il y a également la question des vieux accidentés de
travail. Ce n'est pas un grand nombre au Québec, mais un nombre de dits
vieux accidentés du travail qui, par exemple, ont dû abandonner
leurs travaux pour cause de maladie industrielle ou d'accidents de travail dans
les années 1969, 1970,1971,1972 et qui, à ce moment,
étaient expulsés du marché du travail pour cause de
maladie, mais sous le chapeau de la loi existante à ce moment. Ils n'ont
jamais été rajustés, tant et si bien qu'on a des cas,
actuellement, et je pourrai en citer lorsque viendra le temps,
d'accidentés du travail qui sont chez eux et qui reçoivent de
$200 à $300 par mois, en vertu de la loi qui existait en 1971, 1972, et
qu'on n'a jamais rajustées. Ces gens, parce qu'on n'a jamais
réaménagé ce qu'il y avait en arrière pour les
travailleurs qui avaient déjà passé dans le système
déjà existant, sont à toutes fins utiles
relégués à aller au bien-être social eux aussi. Ils
sont pourtant des accidentés de travail, ils n'ont pas
arrêté par choix, mais par maladie industrielle ou par accident.
Il n'y en a pas des milliers au Québec. Il faudrait que le
législateur ait la sagesse, la bonne volonté de corriger
je pense que c'est l'article 47a de l'actuel règlement pour
permettre à ces dits vieux
accidentés de travail de jouir de pensions plus adaptées
à une situation moderne.
Il y a une réflexion que j'aimerais faire à l'intention du
ministre à ce moment-ci, et c'est un constat qu'il est nécessaire
de faire. Je pense qu'il convient de faire rapidement, dans ce sens, un peu un
historique de nos lois, des lois en matière de santé et de
sécurité au travail, et de la façon qu'on a vécu,
tant du côté des entreprises que du côté des
syndicats, que du côté des employeurs.
Il y a eu plusieurs lois qui ont été adoptées dans
ce domaine, mais il y a eu également, malheureusement, quelques lois
importantes, parfois, qui n'ont pas été appliquées et au
sujet desquelles le gouvernement n'a même pas sévi, qu'on a
laissé aller. J'ai donné des exemples sur la loi 52 tout à
l'heure, c'étaient des exemples brefs, mais qui sont assez
éloquents. Il y a des gens vous ne me croirez peut-être pas
qui ont été déclassés, à qui on a
retiré le permis de travail j'en ai souligné à la
commission parlementaire et qui maintenant ont été
on sait que l'amiantose est une maladie non régressive
déclarés, dans 28 cas, miraculeusement guéris et auxquels
on a retourné, sans qu'ils le demandent, dans certains cas, ledit permis
de travail. Vous ne me direz pas que c'est une façon normale, pour un
gouvernement dit moderne, qui a le souci du bien-être social de ces
individus, d'appliquer les lois.
Si cela se passe au moment où l'on se parle, où on
élabore des grandes théories et des grands principes pour sauver
tout le monde, si on laisse crever ceux qui sont encore en arrière, puis
si on n'a même pas le souci de corriger des choses aussi flagrantes que
celles-là, je me dis qu'on manque complètement le bateau, cela
devient un peu une risée. Je prends la peine de le souligner pour que le
gouvernement en soit conscient. Je comprends qu'un ministre à lui seul,
lorsqu'il attaque une loi aussi importante que celle-là, ne peut pas
corriger en même temps toutes les anomalies, mais celles-là sont
suffisamment évidentes, je pense, pour qu'on prenne la peine de regarder
ce qu'il y a en dessous.
Si j'ai dit tout à l'heure que j'étais content qu'on
enlève les médecins des entreprises pour qu'ils soient beaucoup
plus neutres et beaucoup plus objectifs, j'aimerais bien qu'on fasse une petite
recherche en même temps du côté de la Commission des
accidents du travail et des médecins qui ont été
engagés là également je ne dis pas dans l'ensemble
mais j'aimerais bien qu'on fasse une petite recherche en même
temps du côté de la Commission des accidents du travail et du
côté des médecins qui ont été engagés
là légalement. (16 h 40)
Je ne dis pas dans l'ensemble. J'aimerais bien qu'on fasse une recherche
sur les deux côtés. J'aime en arriver toujours à un certain
équilibre parce qu'il y a toujours deux côtés à une
médaille. Comment se fait-il c'est la question fondamentale que
je repose parce qu'on ne m'a pas encore convaincu de ce qui s'était
passé et comment cela s'était passé que non pas
dans un cas, mais dans 28 cas reconnus officiellement atteints d'amiantose dans
un premier diagnostic et reconnus une deuxième fois atteints d'amiantose
par d'autres, comment se fait-il qu'on découvre par miracle à ce
moment-ci que ces gens, atteints d'une maladie non régressive je
vous le rappelle, M. le Président sont maintenant guéris
et peuvent retourner au travail? Qu'on me donne la recette! Qu'on me dise sur
quelles données médicales on s'est appuyé pour en arriver
à des découvertes aussi fantastiques, aussi merveilleuses. Il y a
quelque chose que je ne comprends pas. La science médicale a fait des
bonds qu'on ne connaît pas et qu'on ne peut expliquer.
C'est pour cela que je me dis que si on est prêt à rendre
neutres et objectifs les médecins en les sortant des industries,
j'aimerais bien que du côté des accidents du travail, du
côté du gouvernement, du côté des enquêtes
qu'on fait et de la réanalyse de l'ensemble des dossiers, on me dise sur
quoi on s'est appuyé pour cette découverte fantastique, pour ce
miracle qui est arrivé à 28 miraculés du travail qui ont
été guéris, sinon dans leur état physique
réel, au moins dans leur dossier à la Commission des accidents du
travail.
Je parlais tout à l'heure des lois qui ne sont pas
respectées par certains; elles ne sont peut-être pas
appliquées par certains non plus en parlant du gouvernement.
Là-dessus, on a tous une responsabilité. Le gouvernement du
Québec a une responsabilité également, que ce soit celui
qui est devant nous ou les gouvernements précédents. Si on adopte
des lois et qu'on ne les applique pas, à quoi ça sert? C'est vrai
en ce qui concerne, par exemple, les normes d'empoussiérage. Je peux en
parler parce que chez nous, à la Canadian Johns-Manville, à
Asbestos, on est en avant. La compagnie a quand même eu le souci de
réorganiser son entreprise, d'investir les fonds nécessaires,
d'aller même au-delà des demandes du gouvernement. Par contre, ce
n'est pas le cas dans toutes les entreprises.
C'est tellement vrai que cela a même servi au premier ministre
dans le cas de l'expropriation d'Asbestos Corporation comme menace, à un
moment donné. Le premier ministre a dit: Si c'est comme ça, s'ils
ne veulent pas négocier de cette façon, on va les obliger
à respecter la loi! C'était grave comme déclaration. Cela
veut dire qu'avant on permettait qu'une loi existe, mais qu'elle ne soit pas
respectée. C'est, à toutes fins utiles, ce que ça veut
dire. Si on veut établir ce climat de confiance au niveau de la
santé et de la sécurité au travail, ce serait
peut-être préférable que nos gouvernants adoptent moins de
lois mais que celles qui sont adoptées soient respectées. Cela
vaut dans les deux sens. Il y a des lois qui n'ont pas été
respectées dans ce domaine par les entreprises et je pense que ça
a été le cas à Thetford pour l'Asbestos Corporation. C'est
pour cela que le premier ministre s'est servi de cette menace en disant: "On va
appliquer la loi" alors que d'autres entreprises, elles, l'appliquaient. Le
ministre pourra peut-être apporter les nuances qui s'imposent,
s'il y a lieu, là-dessus, mais j'aimerais beaucoup avoir des
éclaircissements.
Au niveau des travailleurs également, il y a eu des lois, il y a
eu des réglementations d'adoptées et qui n'ont pas toujours
été suivies. Il y a des torts des deux côtés et il y
a du bon des deux côtés également, il faut être
logique. Comme du côté de l'entreprise on a peut-être trop
serré la vis lorsqu'il s'agissait de la santé et de la
sécurité au travail, du côté des travailleurs
également certains, il faut le dire ont souvent
abusé des situations parce qu'il y a des maladies qui sont parfois fort
curieuses et il y a des absences du travail qui, si elles devaient
réellement être justifiées pour ce qu'elles sont,
gêneraient peut-être des gens. Cela, je pense qu'il faut le dire
tel quel. C'est donc une question d'attitude; d'attitude du gouvernement?
D'accord, adopter des lois, mais aussi les faire appliquer. Attitude des
entreprises également de respect des lois du gouvernement et de respect
de leurs travailleurs. Attitude des syndicats aussi en n'en faisant pas des
jeux de pression uniquement. Attitude des travailleurs aussi de vivre avec
cette réglementation en sachant que dans plusieurs cas il y va de leur
santé et de leur sécurité.
Donc, le ministre a fait appel, pour l'application de sa loi j'en
conviens et c'est pourquoi je le dis à la responsabilité
des gens impliqués. Il a dit: Notre loi va bien fonctionner si tous ceux
qui sont concernés par le champ d'application de cette loi font leur
part pour qu'elle fonctionne bien. C'est exact. Dans le projet de loi no 17, on
remet aux employés et au syndicat une certaine responsabilité
dans ce sens. Ici, je dois faire appel justement à ce sens des
responsabilités pour que, lorsqu'ils auront à vivre avec cette
loi, avec cette pièce législative, justement, ils n'abusent pas
là-dessus. Cependant, vous me permettrez quand même d'exprimer
certaines réserves. Si on part toujours du fait que le passé est
garant de l'avenir, là-dessus, je me pose certaines questions.
On sait que, dans la loi 59 qu'on a adoptée, il y avait eu
certaines dispositions faisant en sorte que c'étaient les syndicats qui
fixaient la liste des services essentiels en cas de grève. De quelle
façon cela s'est-il appliqué? De quelle façon a-t-on
vécu cela au Québec, que le syndicat fixe la liste des services
essentiels qu'on doit respecter? Nous avons exactement cette situation à
Hydro-Québec actuellement. On l'a eue dans les hôpitaux. On a vu
ce que cela a donné et on a vu les problèmes qu'on a eus avec
cela, parce qu'on fait appel, à ce moment-là, à la
responsabilité. Ce sont des faits; ce ne sont pas des opinions; ce sont
des données factuelles.
De quelle façon cela a-t-il été vécu?
Lorsqu'on parle d'Hydro-Québec également, c'est le syndicat
actuellement qui dit si, oui ou non, il va aller réparer telle panne et
à quelle vitesse. On sait qu'il y a certaines régions cela
dépend peut-être des locaux où cela a
été très bien; il y a eu des pannes qui ont
été réparées dans l'espace de quelques heures ou
d'une journée ou deux. Mais il y a eu des régions et je
pense que le député de Nicolet-Yamaska a donné des
exemples et ç'a été la même chose chez nous
également où cela a duré jusqu'à six jours
et où on se renvoyait la balle lorsque les gens essayaient d'avoir une
réponse. Il y avait des gens qui perdaient la viande qu'ils avaient dans
leurs congélateurs; il y avait des gens qui n'avaient pas de chauffage,
avec tous les problèmes que cela peut comporter. Il y avait aussi le
soin et l'entretien des animaux; on sait ce que cela implique comme besoins en
énergie.
On a vu ce que c'est, ce que cela a donné, dans certains
secteurs, l'application du fait qu'on a laissé aux syndicats la
responsabilité de fixer eux-mêmes de quelle façon ils
allaient réagir aux plaintes dans ce secteur. Tant et si bien que c'est
le premier ministre lui-même qui a déclaré ce matin, en
réponse à une de nos questions, que le fait de confier les
services essentiels aux syndicats était probablement une erreur qu'il
devrait corriger, une erreur à corriger. Je pense que c'est
éloquent comme situation, mais, de l'autre côté, on
s'apprête, dans le projet de loi no 17, à donner une forme de
responsabilité équivalente en ce qui concerne la santé et
la sécurité aux travailleurs et j'ai hâte de voir de quelle
façon cela va s'appliquer.
J'espère que, fondamentalement, des deux côtés, tant
du côté patronal que du côté syndical, on aura une
attitude suffisamment responsable et adulte pour respecter les règles du
jeu et ne pas utiliser, d'une façon ou de l'autre, les mécanismes
que prévoit le projet de loi no 17 à d'autres fins que celles de
la santé et de la sécurité du travail. Lorsque, comme
maintenant, on endure pendant quatre, cinq ou six jours, ou on laisse perdurer
des pannes d'électricité sur le dos des citoyens du
Québec, les mêmes citoyens du Québec qui se sont vu
refuser, dans certains cas, l'accès non pas à des services non
nécessaires, mais même à des urgences dans les
hôpitaux, alors que c'étaient encore les syndicats qui fixaient
les services essentiels, je me dis que là-dedans on devra nous faire la
preuve qu'on est prêt à avoir une attitude beaucoup plus
responsable que celle à laquelle on a pu assister dans le passé.
Les citoyens du Québec en ont un peu marre de cela, parce que ce sont
toujours les mêmes qui ont à faire les frais de la musique, qui
ont à payer et à souffrir comme otages et comme victimes. Je
comprends qu'on n'est pas en Iran, mais on a quand même une masse de gens
au Québec qui servent drôlement d'otages dans certaines situations
actuellement et ce sont toujours eux qui font les frais de ces situations.
M. le député de Laviolette m'indique que c'est loin du
projet de loi no 17. Je ne pense pas que ce soit loin du projet de loi no 17.
C'est la question de l'attitude des gens qui auront à vivre avec cette
loi, comparée avec l'attitude de ceux qui ont eu les mêmes
pouvoirs entre les mains récemment. Je ne pense pas que ce soit
s'éloigner tellement. On peut être syndicaliste, mais il faut
quand même être réaliste en même temps. C'est
là-dessus que j'adresse ma remarque au député de
Laviolette. Oui, vous êtes libre d'attendre et même de parler sur
le projet de loi. Je présente des données fac-
tuelles sur des situations et je pense que ceux qui ont à vivre
actuellement avec les situations se posent certaines questions
également.
Avant de terminer, j'aimerais vous faire part de quelques
réactions à la réimpression du projet de loi no 17 qui
nous ont été adressées je vous fais grâce de
certaines autres qui nous sont parvenues par l'Association des mines de
métaux du Québec. Le ministre a peut-être eu l'occasion
d'en prendre connaissance, c'est tout récent; c'est d'aujourd'hui, 12
décembre. C'est peut-être arrivé à votre bureau. De
toute façon, à ce moment-là, je m'aperçois que
j'informe le ministre qui en recevra la confirmation dans son courrier ce soir.
(16 h 50)
L'Association des mines de métaux du Québec en parlant de
la réimpression du projet de loi 17, M. le Président, indique
ceci, et je cite: "L'invasion massive des entreprises par les
départements de santé communautaire qui, sans aucune notion de
l'administration interne des entreprises, pourront imposer des politiques et
activités extrêmement onéreuses sans égard à
la rentabilité des entreprises et, bien souvent, relevant du rêve
en couleur beaucoup plus que de la réalité. Nous avons l'exemple
continue-t-il du bilan de santé proposé par le DSC
de Rouyn-Noranda pour les mineurs du Nord-Ouest québécois, lequel
bilan inclut un léger questionnaire d'une centaine de pages".
M. le Président, cette préoccupation je l'ai
souligné existait au niveau de la commission parlementaire. Elle
nous est rappelée maintenant par l'Association des mines de
métaux du Québec. Le ministre responsable de l'application de
cette loi doit en être conscient. On remet dans les mains des DSC des
pouvoirs sur des entreprises au sujet desquels elles n'ont à peu
près pas, sinon pas du tout, de notions en ce qui concerne la vie
interne, le fonctionnement et ainsi de suite. Je pense que, de ce
côté-là, il y aurait lieu de revoir l'approche du
gouvernement pour modifier certaines choses afin que, tout de même, on
puisse avoir, au niveau de ceux qui ont des décisions à prendre,
des décisions qui ont des implicatins pour les entreprises, une certaine
connaissance au moins minimum du domaine au sujet duquel elles auront des
décisions à prendre.
On pourrait risquer de remettre dans les mains de purs
théoriciens des situations qui sont quand même pratiques, qui ont
des implications sérieuses à court et à long terme pour
des entreprises données, pour des régions données et pour
l'ensemble du Québec également. On sait de quelle façon se
divisent ces choses. On le voit dans l'appareil gouvernemental. Je suis
certain, M. le ministre, qu'autour de vous, dans les bureaux, vous avez aussi
un certain nombre de "pelleteux" de nuages, comme on les appelle, des gens qui
font de la belle théorie. D'accord. Mais vous avez à travailler
pour l'application des lois dans la pratique, dans la vie quotidienne, non pas
selon des théories, mais selon les réalités du monde
auquel vous voulez vous adresser par le biais de votre projet de loi. C'est
là que le bât peut blesser. C'est là que le ministre doit
avoir cette préoccupation d'ajuster davantage son approche aux
réalités qu'il veut chapeauter, qu'il veut corriger et dont il
veut voir le fonctionnement amélioré.
J'avais également une autre remarque dans ce secteur qui nous
avait été adressée par le même organisme,
l'Association des mines de métaux qui dit ceci: "Dans le secteur minier,
tout nouveau projet doit présentement être approuvé par le
ministre de l'Energie et des Ressources ce qui est normal et par
le ministre de l'Environnement. A l'avenir, cela devra aussi être
accepté par la Commission de la santé et de la
sécurité". C'est le chemin que le ministre veut emprunter pour
éviter les situations auxquelles il a fait allusion dans son discours de
deuxième lecture. J'en suis. Cependant, encore là, il faut
accrocher le grelot parce qu'il y a quand même certaines nuances à
apporter. Je continue la citation: "Comment peut-on vouloir promouvoir
l'industrie au Québec et, en même temps, l'enfermer dans un carcan
aussi inextricable?" Fin de la citation.
Je comprends que c'est peut-être une façon dramatique de
décrire la situation. Par contre, cela sous-tend des
réalités. Je ne pense pas que le ministre puisse faire
abstraction de ces réalités. Lorsqu'on oblige des entreprises qui
ont des projets de développement à passer par toute la tuyauterie
et les dédales de trois ou quatre ou cinq organismes majeurs comme
ceux-là, il y a pas mal plus de risques qu'en cours de route, il y ait
des bâtons dans les roues et que les projets ne se développent
pas, sauf si on trouve un mécanisme encore plus souple et plus
simplifié que ce qu'on semble présenter actuellement.
Surtout quand je vois le mot "environnement" là-dedans. Cela
m'inquiète. Je sais qu'il est déjà là, mais cela
m'inquiète drôlement. Je vois sourire le ministre. Je pense qu'il
a des cas à l'esprit. Il pourrait en donner lui-même, j'imagine.
C'est simplement pour vous montrer l'efficacité des Services de
l'environnement. C'est là que ces projets de loi vont devoir passer
également. On avait une situation chez nous, à Asbestos, pour un
dépotoir régional. Vous savez, M. le Président, que selon
la nouvelle loi adoptée les municipalités doivent s'entendre sur
le site d'un dépotoir régional, sur l'achat du terrain et ainsi
de suite. Il y a plus d'un an, les municipalités chez nous, cela a
très bien été. Elles se sont entendues. La compagnie
Johns-Manville leur a offert gratuitement un terrain je pense que ce
n'est pas le cas nulle part dans la province à même ses
haldes de rebus, ce qui est déjà des rebus. Il y a deux ou trois
cents pieds d'épaisseur de rebus. Donc, il n'y avait pas de
problème en ce qui concerne les sols. Il y en a pour des milles de long
comme cela. C'est complètement isolé. Tout marchait bien,
jusqu'à ce que l'Environnement mette le nez dedans. Ils ont dit: II
faudrait faire une analyse de sol. C'était déjà une halde
de rebus avec plusieurs centaines de pieds d'épaisseur de rebus pendant
des milles de long. Ils ont dit: II faudrait faire une analyse de sol. J'ai
dit: Voulez-vous, les gars, ce matin, on va
épargner $3000 ou $4000? Cela coûtait $3500 ou $4000. On va
sauter par-dessus cela.
Vous n'avez qu'à le regarder à l'oeil nu. Il n'y a pas de
problèmes. Il n'y aura jamais de construction là. C'est une halde
de rebuts. Il n'y a rien là. Ils ont dit: Non, il faut que cela passe
par... J'ai dit: D'accord, si vous voulez dépenser. Cela a pris
au-dessus d'un an avant de finir cela, parce qu'à ce moment ce
n'était pas accepté par le Conseil du trésor. Là,
il y avait toute la tuyauterie. Quand cela a été accepté,
il n'y avait pas un ingénieur. Il n'y avait pas les gars qu'il fallait
pour aller creuser et faire les expertises de sol dans la "dump" qui existe
déjà pour voir si c'était le terrain qui pouvait
être contaminé. C'est ce qui existe au niveau de l'environnement.
Là, j'en passe. Je suis charitable en décrivant la situation
comme cela. Je pourrais la décrire de façon beaucoup plus
raffinée et beaucoup plus ardue à l'endroit du ministère
de l'Environnement...
Une Voix: ... confiance.
M. Brochu: Ils traversent la rivière
Saint-François, par exemple, pour aller prendre un cultivateur qui a
changé un tas de fumier de place. Il y a un tuyau d'à peu
près 30 pouces qui coule avec de l'acide chaud 24 heures par jour. Ils
ne le voient pas, mais ils vont "poigner" le gars l'autre bord qui a
changé son tas de fumier de place. C'est cela le service de
l'environnement qui existe actuellement. Pourtant, cela coule 24 heures par
jour. Chaque fois que je passe là, je vois la moitié de la
rivière avec une broue blanche dessus. Cela s'en va à
Drummondville et, là, ils le récupèrent pour traiter les
eaux, pour les faire boire aux gens là-bas. C'est ce qui se passe
actuellement. Je vois le bien-fondé de ce que l'Association des mines de
métaux dit. On nous dit: Si vous compliquez trop et si vous nous obligez
à passer par trop de bureaux pour avoir notre accord pour un projet
nouveau, vous allez nous mettre dans des carcans assez difficiles. Même
si je caricature, en badinant un peu, il y a des réalités au fond
de ce que je viens de dire, de sorte que les entreprises vont être dans
des situations plus difficiles. S'il y avait moyen je comprends que
l'appareil gouvernemental est un monstre administratif de simplifier
cela pour permettre à nos entreprises, lorsqu'elles ont des projets,
d'avoir un accord comme cela se fait dans l'entreprise privée et comme
cela se fait du côté de ceux qui ont des initiatives, je pense que
cela réglerait beaucoup de cas et cela donnerait une assurance de bon
fonctionnement.
En ce qui concerne le regroupement des services, on en est, en ce qui
concerne la prévention et la réorganisation. On en est en ce qui
concerne l'inspection, les réajustements faits là-dedans.
Cependant, on a énormément de réserves et de questions
encore à poser et de garanties à obtenir de la part du ministre
en ce qui concerne l'ensemble des autres points. J'aurais pu parler plus
longuement sur d'autres détails, mais la loi est très vaste. Nous
aurons l'occasion d'y revenir en commission parlementaire et lors de
l'étude de la troisième lecture également. Je pense qu'il
y a des correctifs majeurs à apporter au niveau du projet de loi et j'ai
hâte d'entendre ce que le ministre a l'intention d'apporter. Je sais
qu'il y a eu des correctifs importants d'apportés. Il y a l'approche que
le gouvernement du Québec a choisie. C'est son choix. C'est lui qui est
le gouvernement du Québec. Il aura à vivre avec son choix, avec
l'application de sa loi; c'est sa responsabilité. On ne lui conteste
pas. Cependant, même si on reconnaît dans la loi le
bien-fondé de plusieurs modalités d'application, il reste des
secteurs où il y a beaucoup de points d'interrogation. Dans ce sens,
j'ai hâte d'entendre le ministre pour voir s'il va nous donner les
garanties suffisantes qu'on est en droit d'exiger de ce projet de loi.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Merci. M. le Président, j'aurais une
question à poser, lors de mon intervention, au député de
Richmond. Est-ce que je pourrais lui demander, par un oui ou par un non, s'il
votera pour ou contre la loi?
M. Brochu: M. le Président, je refuse, à moins de
garanties; c'est ce que je viens de dire. On est contre la loi telle qu'elle
est présentée actuellement, à moins qu'on ait des
garanties supplémentaires. Si le député veut d'autres
explications, je peux lui en donner avec plaisir. Je peux expliquer davantage.
Cela va?
Le Vice-Président: M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je sais que, dans 20
minutes, on ne pourra pas donner un son de cloche en profondeur sur tous les
aspects de la loi. Mais, avant de commencer à parler du principe
même de la loi, ce qui est l'objet d'une deuxième lecture
il ne s'agit pas de parler de modalités en deuxième, mais du
fond, du principe lui-même je voudrais d'abord remercier le
ministre d'Etat au développement social de m'avoir fourni l'occasion,
à moi et à une couple de mes collègues, de travailler
d'une façon très intéressante à
l'élaboration de ce projet de loi, de participer à des rencontres
de groupes qui nous ont permis de vivre, avec certains travailleurs et certains
employeurs, différents problèmes de sécurité et de
santé que l'on rencontrait au Québec.
Nous avons également eu la chance, grâce à cette
participation dans ce comité de travail, de rencontrer des groupes qui
nous ont soumis des suggestions fort intéressantes et que l'on retrouve
dans ce projet réimprimé et déposé à
l'Assemblée nationale. Donc, j'ai bien l'impression que le ministre
mérite nos remerciements pour nous avoir fourni cette occasion de
participer à l'élaboration de cette loi, qui sans doute est une
des plus importantes au Québec, si on regarde la situation
de fait en regard de la santé et de la sécurité au
travail.
(17 heures)
Pour ma part, j'avais eu la chance d'être sensibilisé un
peu au problème de la sécurité et de la santé dans
le domaine de la construction en 1974 lorsque, siégeant à la
Commission Cliche, il m'avait été donné de confier une
étude sur la sécurité et la santé à un
groupe de travail qui nous avait fait valoir tous fes problèmes qu'on
rencontrait dans le domaine de la sécurité et de la santé
dans le secteur de la construction. Ce n'était pas un cadeau. Ce n'en
est pas plus un en 1979; c'est pire.
Mais l'effort fait par le présent gouvernement, tout d'abord pour
regrouper en une seule loi cet ensemble de sept lois et d'une vingtaine de
règlements et de faire chapeauter cela par une autorité unique
devrait être satisfaisant pour démontrer déjà une
volonté de faire le nettoyage dans tout cela, de
dépoussiérer cet ensemble qui constitue un secteur important pour
la santé des travailleurs. Cela dénote déjà, je
pense, une volonté, hors de tout doute raisonnable, d'arriver à
quelque chose de mieux. C'est ce qui me fait douter un peu des propos du leader
de l'Union Nationale qui dit que cela va être bien plus complexe. Au
contraire, cela va être beaucoup plus simple parce que, anciennement, on
demandait un inspecteur et il pouvait nous arriver un inspecteur de
l'Environnement alors que ça nous prenait un inspecteur minier. On
demandait un inspecteur d'une section alors qu'il nous arrivait un inspecteur
d'une autre section. Le ministère du Travail envoyait un inspecteur pour
telle vérification et il nous disait: Cette opération
relève de l'Environnement. La centralisation, à la fois, de
l'inspection et des décisions d'une commission, qui est paritaire, soit
dit en passant, va contribuer à mettre de l'ordre et à faire en
sorte qu'on ne se lance pas la balle d'un secteur à l'autre.
M. le député de Nicolet-Yamaska, si vous voulez
intervenir, vous vous lèverez à votre tour!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M.
Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, il y a un autre objectif
dans cette loi qui contribue fortement à me déclarer non
seulement en faveur du principe mais à essayer de démontrer
à l'Opposition que c'est ridicule de voter contre une telle loi. quand
un gouvernement présente une loi qui est axée en fonction de la
prévention et non en fonction de la réparation des pots
cassés, il me semble, quand on en est en particulier à une
deuxième lecture, au niveau du principe, que tout le monde devrait crier
bravo. Que tu sois dans l'Opposition ou que tu sois au pouvoir, il me semble
que quand une loi vise à prévenir au lieu de guérir, on
devrait tous dire bravo. On en est au niveau du principe présentement.
Vous aurez toutes les chances possibles d'amender les modalités si vous
n'êtes pas d'accord, mais votre attitude en deuxième lecture,
quand on sait qu'on a à voter sur le principe d'une loi, de vous
déclarer contre un projet de loi qui vise précisément
à enrayer le mal à la racine, cela ne m'impressionne pas gros. Je
vous avoue que je me demande comment les travailleurs ou les travailleuses
québécoises interpréteront le geste du Parti
libéral et du parti de l'Union Nationale qui ont décidé de
voter contre le principe d'une loi qui vise d'abord et avant tout à
faire en sorte qu'on puisse vraiment, au niveau de la santé et de la
sécurité, s'attaquer d'abord et avant tout à la racine
même du mal. Je ne le comprends pas et c'est une grande déception
en ce qui me concerne.
Il y a un autre aspect de cette loi qui me plaît
énormément, M. le Président. C'est le fait qu'on associe
les travailleurs à toute la démarche dans la prévention,
dans l'inspection. On leur donne le droit de refus qui, dans certains cas, peut
même regrouper plusieurs personnes. Donc, un refus collectif
mitigé. Si cela peut rassurer le député de Richmond, ce
n'est pas un refus collectif global qui est exercé dans la
présente loi. Il a mêlé les services essentiels avec le
refus individuel qui peut regrouper, dans certains cas, certains travailleurs.
C'est vrai que pour lui, cela peut être ambigu, mais pour ceux qui ont un
peu oeuvré à ce niveau, un refus individuel qui permet de temps
à autre... Pour les gars qui sont dans une même boîte qui
constitue un danger imminent, il est bien évident que le refus peut
être collectif pour cette petite boîte mais il ne touche pas
l'ensemble des travailleurs de l'unité ou de l'usine. C'est très
différent si on compare cela aux services essentiels qui sont
décidés par une entité globale. Donc, c'est
mélanger deux choses, c'est même brouiller la population à
ce niveau.
Le fait d'associer ces mêmes travailleurs, par exemple, à
l'élaboration d'un programme de prévention, m'apparaît
beaucoup plus important, M. le Président. On a l'habitude au
Québec de dire: Tais-toi, mets ton casque, mets tes cache-oreilles, mais
pas plus que cela. On ne lui explique pas pourquoi au gars. Là, il va
pouvoir participer au processus même. Pour ceux qui ont visité des
usines, pour ceux qui ont discuté avec les travailleurs, vous vous
rendrez compte que c'est la meilleure façon, bien souvent, de
véritablement, comme on dit dans notre jargon, embarquer les
salariés et de participer activement à la prévention.
Sinon, ils vont le faire de force. Tant que le contremaître est
là, ils vont avoir le casque sur la tête ou le cache-oreilles. A
la minute où le contremaître disparaît, tout revole. Si on
leur fait comprendre, si on les fait participer à l'élaboration
du programme de prévention eux-mêmes, ils se sentiront un peu
partie à tout cela. On a visité un bon paquet d'usines, comme le
ministre le disait et, dans les usines où on fait participer les
travailleurs, la structure, même la structure qu'ils se sont
donnée à l'intérieur de l'usine, le syndicat, c'est
drôle comme le dialogue dans ces usines n'est pas le même,
même sur le plan des relations de travail.
Cela, c'est notre mentalité. C'est peut-être dans votre
mentalité. Les vieux partis politiques, il
va falloir qu'ils changent et qu'ils s'adaptent à cette nouvelle
mentalité. Tais-toi et ne participe pas, mais fais ce qu'on te dit,
c'est démodé en 1979. Si on veut vraiment que les gens
embarquent, il faut les associer. C'est cela que le projet de loi dit. Vous en
avez des exemples concrets. Quand on a adopté l'assurance automobile
je me permets cette digression, M. le Président, pour faire
comprendre le principe qu'il y a dans cela on a dit: Les jeunes, cela va
être épouvantable. Ils sont responsables de tous les accidents du
Québec. Ils s'achètent des "minounes" et ils n'ont pas peur. Ils
ont dit: Cela va être une catastrophe, le projet Payette. Bien, le jeune
qui paie moins cher d'assurance automobile aujourd'hui, comme par hasard,
s'achète une auto plus dispendieuse parce qu'il épargne sur
l'assurance et, comme par hasard, il y fait plus attention. Il y fait un peu
plus attention et il y a moins d'accidents.
On est surpris de cela de l'autre bord. Ils ne sont pas habitués
à faire des comparaisons de ce genre, à associer du monde,
à leur faire comprendre des choses. C'est ferme ta boîte, mets les
cache-oreilles, mets ton casque et tasse-toi, c'est pas important cela.
Dis-nous surtout pas que l'escalier branle. Dis-nous surtout pas qu'il n'y a
pas de parapet et que cela pourrait sauver des vies, que cela pourrait
éviter des accidents. C'est cela qu'on veut, qu'ils participent. On veut
qu'ils fassent le tour avec l'inspecteur et qu'ils disent à
l'inspecteur; Telle chose, cela nous apparaît dangereux. D'après
vous? Vous connaissez cela, vous êtes un spécialiste. Le gars va
leur expliquer: Oui, sauf que ce n'est pas une urgence que cela coûterait
terriblement cher; nous allons faire cela sur un échéancier de
deux ans, trois ans, peu à peu. C'est cela l'esprit de la loi: de faire
participer les salariés en leur donnant le droit à la
représentation; en leur donnant le droit même, dans le choix du
médecin, de dire leur mot conjointement avec la compagnie; en leur
donnant le droit de connaître les éléments dangereux. Par
exemple, ceux qui travaillent sur des matières chimiques ont le droit de
savoir cela. Un gars déluré, qui apprend, qui étudie des
choses et transmet ses connaissances peut éviter certains gestes par la
suite. Tout ce qu'on dit au salarié qui travaille avec des produits
chimiques, c'est: ne fume pas. On met une cigarette sur le mur avec un X, mais
on ne dit pas pourquoi. Si tu expliques au gars que tel ingrédient, cela
peut provoquer telle ou telle chose, il est bien plus motivé à
respecter les normes de sécurité. C'est cela qu'on dit dans le
projet de loi.
On associe les salariés. On apporte une foule de correctifs. Vous
ne le dites pas, mais ce dont vous avez peur, c'est que, pour le patronat, cela
se solde en signe de piastre. Vous avez peur que cela vienne grossir d'une
façon démesurée la perte de profits d'une entreprise. Le
ministre d'Etat au Développement social ce matin, M. le
Président, donnait des chiffres en termes de perte économique; $2
milliards au moins, $500 millions d'indemnisation. On se rend compte que les
entreprises qui ont vraiment accepté de jouer le jeu de la
prévention sont déjà regagnantes et elles le disent
elles-mêmes. Les dirigeants de compagnies vont vous dire eux-mêmes:
Depuis qu'on a associé nos salariés, depuis qu'on provoque une
motivation à l'intérieur pour faire en sorte qu'on ne se ramasse
pas avec un record épouvantable d'accidents, c'est drôle comme
cela va passablement bien. On peut se permettre même dans certains
contrats collectifs d'accorder des dégagements de personnes pour
participer davantage à ce phénomène de
prévention.
Les employeurs vont vous dire cela. Allez jaser avec tout le monde. Ne
parlez pas uniquement avec ceux qui ne voient que le signe de piastre,
d'après ce que je peux comprendre dans la lettre qui nous a
été citée par le député de Richmond
tantôt. (17 h 10)
Ne vous encarcanez pas, des fois il vaut la peine, à court terme,
de dépenser des dizaines de milliers de dollars pour en épargner
des millions, dans quatre ans, dans cinq ans, dans dix ans. Cette perte
économique au Québec, elle est sérieuse, elle est
très sérieuse. Il était temps qu'un gouvernement prenne le
taureau par les cornes, mais d'une façon graduelle, comme l'a dit le
ministre: Demain matin, on ne peut pas tout mettre en branle tout cela.
Et cela m'amène à parler de la position du Parti
libéral. Moi en tout cas, j'ai été des plus surpris
d'entendre le député de Portneuf dire qu'il serait contre la loi.
Le député de Portneuf a participé à toute
l'audition des mémoires, il a parlé régulièrement,
en commission parlementaire, avec le ministre et avec certains
députés ministériels. On voyait qu'il était en
désaccord sur certains aspects techniques, sur certaines
modalités du projet de loi, mais grande fut ma surprise de l'entendre
dire qu'il voterait contre le projet de loi, parce que ce dernier, dit-il, est
de portée trop universelle.
En tout cas, l'impression que j'ai eue et je vais le dire comme je l'ai
eue, c'est que le député de Portneuf a été pris de
court et a été forcé de se trouver une raison pour voter
contre. Essentiellement, pour celui qui a participé à la
commission parlementaire, qui a écouté les 70 mémoires, on
sait très bien que cette commission provinciale est une commission
paritaire et c'est là que vont se décider les priorités.
S'il y a une priorité dans le secteur, par exemple, des raffineries,
c'est à la commission de le décider et les gens sont
représentés d'une façon paritaire à cette
commission. Ils peuvent même décider, à cette commission,
qu'ils mettent le paquet pendant un an ou deux ans, uniquement dans les usines
qui travaillent sur des produits chimiques et ils y vont mollo dans d'autres
secteurs où il y a moins urgence. Ce sont leurs prérogatives. Il
ne faut pas faire insulte à leur intelligence. Ce seront des gens qui
seront suggérés par les milieux de vie eux-mêmes, selon
leur compétence.
Je suis convaincu que c'est une raison de dernière minute.
Peut-être et là je pose l'interrogation et ce sera à
lui à nous répondre sans doute,
à ce qu'il ma paru, est-ce pour suivre une ligne de parti, rien
d'autre.
Je vais terminer je sais qu'il y a plusieurs de mes
collègues qui veulent parler de ce côté-ci de la Chambre et
qui ont travaillé sur le projet en répondant à ceux
qui voulaient laisser la sécurité et la santé uniquement
s'établir ou se bâtir à partir du rapport de force.
C'était donc dire la négociation, à toutes fins utiles. Je
pense que les gens qui disent cela sont des irresponsables et gravement
irresponsables. On sait très bien, c'est l'expérience
passée qui nous guide là-dessus, que tu négocies du
salaire, tu négocies des tâches, tu négocies une
sécurité d'emploi, mais quand t'arrives bien souvent en bout de
ligne, et que tu veux négocier de la sécurité et de la
santé au travail, là il y a un blocage systématique. Quand
le blocage systématique se fait sur un ensemble de sujets de
négociation, tu peux fort bien t'en tirer avec, ce qu'on appelle en
jargon de négociation, un "package deal" qui t'avantage, mais s'il y a
de l'habileté d'un certain côté de table, tu peux
régler les salaires, tu peux régler la tâche ou la semaine
de travail et tu laisses isolément la sécurité et la
santé au travail. Des gars, après un certain temps de
grève vont rentrer, vont dire: Bien, à la prochaine convention,
sans qu'il existe au niveau provincial un cadre minimal pour protéger la
santé et la sécurité des individus.
Donc ceux qui croient que le rapport de force, dans certains secteurs
d'activités économiques, dans certains secteurs
d'activités industrielles, est suffisant pour bâtir des normes de
sécurité et de santé minimales, je pense qu'ils sont en
dehors de la "track" complètement. Cela prenait un cadre
général et il n'y a rien qui empêche dans le cadre du
rapport de force cependant de négocier plus puisque la loi constitue un
minimum.
J'invite personnellement l'Union Nationale je me permets de lui
lancer un appel parce que si je me base sur les propos du
député de Johnson en commission parlementaire, qui a dit que
cette loi était un pas de géant en avant, quand un
député vient me dire qu'on franchit un pas de géant en
avant mais qu'il dit aussi: Je vote contre, ou que sa formation politique dit:
On vote contre, ou bien ce député est sorti de sa formation
politique ou bien sa formation politique l'exclut, parce qu'il était le
critique officiel de l'Union Nationale à la commission
parlementaire.
Quant aux députés du Parti libéral, ils sont partis
à dire non sur n'importe quoi sans connaître les questions ou sans
connaître les projets de loi; donc, je ne suis pas surpris de leur
position. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je sens que je vais avoir une
décision à rendre. J'ai reconnu et j'ai entendu deux "M. le
Président". Je suis assuré, M. le député de
Saint-Laurent, que vous me permettrez d'exercer une sorte de discrétion
et d'accorder le droit de parole au député de Pointe-Claire, tout
simplement parce que tout à l'heure il a essayé de se lever avant
le député de Joliette-Montcalm.
M. le député de Pointe-Claire.
M. William Shaw
M. Shaw: Merci, M. le Président. Je veux profiter de
l'occasion pour parler de ce projet de loi qui est encore une grosse loi-cadre
comme beaucoup d'autres que j'ai vu adopter durant les trois années que
j'ai passées ici comme membre de cette Assemblée nationale. Je
veux aussi dire que mes expériences en commissions parlementaires avec
le ministre responsable de ce projet de loi ont toujours été
positives. Il a toujours compris mon désir d'améliorer une
situation dans laquelle il était impliqué par la
préparation d'un projet de loi. Je le sais fort bien, il a totalement
raison de dire qu'au Québec, comme dans les autres provinces du Canada,
nous avons besoin de lois qui vont établir des normes et des
règlements pour la protection des Québécois, des
travailleurs sur leur chantier de travail.
Pour cette raison, je répète que c'est toujours d'une
façon positive que je veux aider le ministre, que ce soit dans
l'étude du projet de loi no 17, du projet de loi no 9 ou du projet de
loi no 24, lois auxquelles j'ai participé en cette Chambre. Mais j'ai
retrouvé en même temps les mêmes problèmes qui
reviennent à chaque reprise. On emploie de grosses structures, de
grosses régies, de gros offices, une grosse bureaucratie qui, en fin de
compte, ne fait presque rien pour faire fructifier les buts des projets de loi.
Prenons, par exemple, le projet de loi no 24 sur la protection de la jeunesse.
Pendant l'étude de ce projet de loi, j'ai toujours dit au ministre: Vous
devriez tenir compte que, pour appliquer un projet de loi comme vous le voulez,
nous avons besoin de ressources humaines et physiques pour mettre en vigueur le
projet de loi comme prévu. Nous avons vu cette année les
problèmes qui ont résulté de l'application de la loi 24.
Nous avons de grosses structures, mais nous n'avons pas de
bénéfices à la jeunesse à cause du fardeau
énorme de la bureaucratie au lieu d'une application efficace
répondant aux besoins de la population. (17 h 20)
Nous avons vu la même chose avec le projet de loi 9, pour les
handicapés. Maintenant, nous avons une grosse régie des
handicapés, mais les handicapés reçoivent encore $248 par
mois et s'ils essaient de trouver de l'emploi pour augmenter leurs revenus,
leurs bénéfices sont coupés. On ne donne aucune chance
à ces gens d'améliorer leur mode de vie, sans couper des
bénéfices.
Puis, nous sommes arrivés avec un nouveau projet de loi, le
projet de loi no 17, qui dit que nous allons améliorer la situation de
la santé et la sécurité au travail. Qu'est-ce que nous
sommes en train de faire? Bâtir une nouvelle bureaucratie. Une
bureaucratie qui va s'établir à un coût moyen, minimum, de
$150 millions et, après cette dépense, est-ce qu'il y aura une
différence? C'est ce que nous avons besoin de demander. C'est vrai que
nous avons à peu près 300 000 accidents de travail par
année, c'est vrai. C'est vrai que nous dépensons $400 millions
par année en indemnisations pour les bénéficiaires de la
Commission des acci-
dents du travail, c'est vrai. C'est vrai que le coût pour les
entreprises du Québec est d'à peu près $2 millions par
année, c'est aussi vrai. Mais comment ce projet de loi va-t-il
améliorer la situation?
Nous avons pu constater, à la commission qui a entendu des
spécialistes dans tous les domaines, qui étaient presque
totalement à 100% de ceux que j'ai entendus je n'en ai
jamais entendu un qui était pour les principes même, les moyens,
les modalités qui sont dans le projet de loi, aucun. C'est vrai, M. le
Président, que le besoin est là, mais ce sont les
modalités qui sont toujours le marteau qui essaie de tuer une mouche et
cela ne tue jamais la mouche, mais cela fait une grosse dépense et un
gros dommage en essayant de le faire.
Let us examine this bill in its principles. First of all, one of the
most important and most dangerous principles is the concept of the
nationalization of industrial medicine in the province of Québec. We
have heard that the minister, after listening to the groups involved in
industrial medicine and the companies who have well established industrial
medicine programs, after listening to this, he has accepted that he will
integrate the established programs into the new system.
Nevertheless, Mr President, he will continue to nationalize industrial
medicine, that is, put industrial medicine into the already inefficient
establishments we have in this province. And I take for example the concept of
the "Département de la santé communautaire". This is a by-product
of bill 65, which is another "loi-cadre" which was passed a number of years
ago, that depersonalized and centralized all medical services and social
services in the province of Québec to a level which I consider has
almost destroyed the total infrastructure of the system.
For example, we have approximately 90 CLSC costing multimillions of
dollars, I understand $180 million in this fiscal year of which only 31 are
providing services. This is the structured system of solving a problem. Yes, we
have a problem. Yes, there is a large amount of industrial accidents. Yes,
there needs to be improvements, but not by developing a gigantic structure,
using a situation which is already inefficient and should be modified in itself
to attempt to apply the remedy that is suggested as being needed.
I remember, in the parliamentary commission, how the DSC and the CLSC
were looking at the advantages that they would get out of this new legislation,
a new hierarchy, hiring expertise here, hiring expertise there, the cost of
which will be at least $150 million just to place, without getting one half
hour of services for health and security in the work place. We see this with
our gigantic monster, for example, in education where we are now spending $51
million for not one single teaching hour, just for the ministry of Education
which provides literally nothing but interference to the educational system in
this province.
So, we will build this nationalized industrial medicine program. And the
physicians, the nurses and the industrial engineers who will be needed to fill
this gigantic organigram, where will they come from? Have you asked that
question, Mr President? This is one of the points brought up at the
parliamentary commission. The expertise available to meet the needs of the
organigram of a nationalized industrial medical program is just not there, and
this is why we should recognize the need to evolve the system through an
incremental approach rather that this gigantic structured program envisaged by
the minister.
We heard the representations by the member, the whip of the government
who suggested that all the problems could be solved by simple negociation
between the workers and the management. One of the things that was brought to
my attention by people involved in this very field is a comment made by General
Motors of Canada. I know that General Motors of Canada is supposed to be the
villain, that hires doctors that work specifically to its advantage. I know
that this is the underlying attitude of the government, but General Motors
spends approximately $830 per worker annually for preventive medicine
procedures and General Motors has had a history of 35 years of solid
negotiations between management and labour to evolve a highly sophisticated
level. This has been successful, using the present mecanisms that are involved
and justifiably, this company and others like it are concerned by having the
socalled expertise banks in this new nationalized industrial medicine to
compete with.
Obviously, there is also the need to recognize that we develop, yes, "la
Commission de la santé et de la sécurité" and a
"comité" in each individual work place that will solve all these
problems, that will reduce all these industrial accidents. I have worked with
industrial accidents, Mr President. I see them coming into my office and nine
out of ten of those will not change with any legislation passed here, in the
province of Ontario, the province of Manitoba or, for that matter, in any State
in the Union. We can work for prevention but to eliminate the cause of all of
the industrial accidents that we are knowing in the province of Québec
by passing a piece of legislation, it is certainly dreaming in technicolor.
There are certain rights involved in this legislation which also concern us, Mr
President, the right to refuse work, the right to cease work is referred to
here and the people from General Motors used the following terms: "We believe
that the right to cease work should be confined to situations of immediate
serious and imminent danger, so as to guard against frivolous work stoppages".
(17 h 30)
The province of Ontario has just enacted legislation similar to that
that is being conceived here, that came to terms with this right to refuse
work, because industry was terribly concerned that the use of the right to
cease work and the use of the right to prevent others from replacing that
person who has ceased to work can be used abusively by labour as a pressure
tactic during the negotiations periods. We know how labour in the
last fifteen years, has become progressively abusive. We have seen
during the Hydro strike, for example, an abusive use of rights provided to
workers and it should not be in the interest of this government, acting on
behalf of the people, to open another door for abuse by the labour movement in
a work place. They have the right to collective bargaining built very
satisfactorily into the system and providing a use that could be frivolous,
that could be used strictly as a pressure tactic, it is very dangerous indeed
and I think that industry is right in being concerned with it. On the rights,
for example, of preventive retirement, we have heard the honourable member for
Richmond discuss what happened in Asbestos Corporation when, after a couple of
years, people who were given retirement because of asbestosis were declared to
be healthy again by physicians working for "la Commission des accidents du
travail".
There is no way possible that you can determine the legitimacy of
someone who wants to return to work, who feels that he would be better off
working that not working and removing his right by an arbitrary position taken
by an "office" or a "régie" or a "comité" is a fundamental abuse
of rights. For example, the right for pregnancy leave; it is very interesting
that this law will give greater power to those who would take pregnancy leave.
Yet, if we look at the work place, if we examine what is happening, people who
are pregnant are not negotiating to be released earlier from work, but are now
negotiating to be able to work longer. Air Canada, for example, in 1945, had
regulations that said: Any woman who becomes pregnant must immediately resign.
Their collective agreement in 1965 required that they be allowed to continue to
work until the end of their fourth month. They are now negotiating to try to
work until the end of their seventh month.
Obviously, some people would like to work in spite of the fact that the
environment in which they work could be considered contrary or negative to
their health or the health of their expected child. Yet, I am quite sure that
as a result of these negotiations, physicians who have previously said that it
is unhealthy for a pregnant woman to work in a airplane will soon be convinced
that it is not as unhealthy as that and that these young ladies will be allowed
to continue to work until the end of the seventh. So, where the preventive
rights are, I agree, a right that should be extended to people, the right to
work must also be considered as a right to be expected.
Mr President, I will just close in making remarks about research. I
think that this is an area that we should be putting a great deal of emphasis
in. Here, I think the government should be making an effort. In total, Mr
President, I feel the bill, in concept, is positive, but in modality, it is
terrible. We are going to build another structured system that will not be able
to deliver the service.
I think that the minister should reexamine the law in such a way that it
can be made to be applied positively with effect. The goal is very valuable,
very desirable. The method is unfortunate. Thank you very much.
Le Président suppléant (M. Laberge): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, je vais, à
l'égard de ce projet de loi, m'exprimer de façon fort
négative. Mais, avant de le faire, je désire préciser que
s'il y avait eu moyen, après une étude attentive du projet de loi
17, de l'appuyer et d'appuyer le gouvernement dans son adoption, je l'aurais
fait, indépendamment de toutes considérations partisanes, avec le
plus grand plaisir possible.
Des Voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: Vous pouvez rire si vous voulez, c'est une affirmation
que je fais très sincèrement. Il n'est pas possible, pour
quiconque connaît les problèmes de la santé et de la
sécurité au travail, d'appuyer et de concourir à la vision
qu'entretient le gouvernement quant à la solution qu'il veut apporter
à ce problème. Sans aucun doute, il y a des
éléments dans la loi qui sont bons. Je dis bien des
éléments. Par exemple, les choses sur lesquelles le gouvernement
et le ministre d'Etat font porter le plus d'insistance, ce droit de refus ou le
droit de retrait préventif, quelles que soient les améliorations
de détail qu'on pourrait y apporter, représentent des
éléments bons, des éléments qui sont souhaitables
dans une loi de ce genre. Encore une fois, ce ne sont que des
éléments. Ce ne sont pas même des éléments
essentiels.
En effet, quand il y a un emploi qui représente un risque pour la
santé ou la sécurité des travailleurs, cela ne solutionne
rien de refuser de faire ce travail telle journée ou de s'en retirer de
façon préventive. Ce qui est véritablement en question,
c'est de savoir quels sont les mécanismes qui permettront de faire en
sorte que cet emploi que l'on refuse d'exécuter ou dont on se retire va
devenir un emploi qu'on peut assumer sans risque pour la santé et la
sécurité. En soi, le retrait ou le refus ne constituent pas un
mécanisme suffisant. Je pense que c'est évident pour n'importe
qui.
Donc, il y a des éléments qui sont bons, ceux que j'ai
mentionnés et quelques autres, mais il y a, et ceci est plus important,
une vision d'ensemble qui a présidé à la rédaction
de ce projet de loi, tout un esprit qui imprime l'ensemble des dispositions du
projet de loi et qui constituent ce contre quoi je m'insurge parce que cela
constitue à mes yeux une orientation non pas seulement mauvaise, mais
une orientation néfaste et dangereuse qui, loin d'améliorer la
santé et la sécurité des travailleurs, ne nous donnera
tout au plus que le statu quo et peut-être même une baisse de
performance, peut-être même des problèmes de santé et
de sécurité plus importants que ceux que nous
connaissons, au moins pendant une période de transition et, au
mieux, en longue période, une situation tout à fait comparable
à celle que nous avons aujourd'hui.
Quelle est donc, M. le Président, cette caractéristique
essentielle qui fait qu'à mes yeux le projet de loi 17 n'est pas
acceptable, que ce projet de loi comporte une philosophie d'ensemble des
problèmes de santé et de sécurité qui font qu'elle
sera inefficace, cette politique gouvernementale? On peut, je pense,
résumer cet esprit en quelques mots, même si ce sont quelques mots
qui méritent de nombreuses explications et qui permettraient de faire de
très longs exposés sur la façon dont cela s'articule. Ce
principe consiste essentiellement en ceci: Le gouvernement, à partir de
maintenant, veut confier à l'Etat la totalité de la
responsabilité et des initiatives en matière de santé et
de sécurité des travailleurs. (17 h 40)
Bien sûr, il y a des phénomènes de participation des
employeurs et des travailleurs, mais, ne nous faisons pas d'illusions, les
décisions importantes sur toutes les questions qui ont trait à la
santé et à la sécurité des travailleurs
appartiendront désormais à l'Etat et à l'Etat seul, en
définitive.
Cette philosophie, M. le Président, n'est pas susceptible de nous
approcher d'une solution, n'est pas susceptible de nous donner une
amélioration de la condition actuelle. Pourquoi? Il y a à cela
plusieurs raisons. En premier lieu, il existe au sein des milieux de travail,
dans l'entreprise, une relation qui doit être très étroite,
la plus étroite possible entre la détection d'un risque pour les
travailleurs, un risque qui se manifeste par une détérioration de
leur état de santé, et l'organisation du travail à
l'intérieur de la même entreprise. Il doit y avoir une relation
très étroite entre le moment et les personnes qui
réalisent qu'il y a un risque, qui disent: II y a ici un risque, il y a
ici une détérioration de santé, et le moment et les
personnes qui ont à prendre des mesures correctrices dans ce milieu de
travail.
Il devrait y avoir, encore davantage, une relation organique à
l'intérieur même de l'entreprise qui permet à cette
information d'agir et d'influer immédiatement sur l'organisation du
travail, sur la définition des tâches, sur le choix des processus
de fabrication. Le projet de loi 17, au contraire, brise toute
possibilité d'un tel lien organique entre la détection d'une
détérioration de l'état de santé et les
décisions sur l'organisation du travail et y substitue une relation de
caractère bureaucratique entre l'entreprise, d'une part, et un organisme
public, un organisme gouvernemental ou parapublic. C'est la première
raison et cela reflète une mauvaise conception, une
méconnaissance des mécanismes de prévention
véritable, des causes de mauvaise santé, de morbidité ou
même de mort dans le milieu de travail. La deuxième raison, c'est
que l'on ignore également l'immense complexité et la
rapidité d'innovation technologique à l'intérieur des
milieux de travail des entreprises de fabrication modernes. Ce n'est pas des
centaines de normes qu'il faut envisager; c'est littéralement des
milliers et des dizaines de milliers de procédés de fabrication.
Et ces choses, cela change tous les jours, toutes les semaines.
Si donc, on situe à l'intérieur du secteur public la
responsabilité de normaliser, de dire ce qui est permis et ce qui n'est
pas permis, étant donné cette complexité énorme,
étant donné la rapidité d'évolution des choses, on
se condamne à une situation où les normes gouvernementales en
perpétuité seront en retard sur les événements non
pas de quelques jours ou de quelques mois, mais de quelques années, si
bien qu'on aura la situation loufoque suivante où, lorsque les normes
apparaîtront à la Gazette officielle après des mois de
tergiversations et de questions de toutes sortes, elles s'appliqueront à
des procédés de fabrication qui sont déjà
désuets et qui ne seront probablement plus utilisés dans un grand
nombre d'entreprises. C'est cela à quoi on s'expose en situant du
côté de l'Etat la responsabilité de trouver les moyens
d'améliorer l'état de santé.
En effet, on peut trouver des moyens pour corriger l'état de
santé et on veut donner à l'Etat la responsabilité de les
définir, alors qu'une véritable loi de santé et de
sécurité devrait s'attacher à définir des
résultats et non pas des moyens, à créer pour les
entreprises des obligations de résultats et non pas des obligations de
moyens.
En d'autres termes, dire aux employeurs: Vous devez faire en sorte que
l'état de santé de vos travailleurs ne se détériore
pas, et prendre des soins considérables pour vérifier si oui ou
non l'état de santé des travailleurs se détériore
ou non, en créant, à la suite de ces constatations, une
obligation sur l'employeur lui-même, non pas de se conformer à des
normes gouvernementales toujours en retard sur les événements,
mais à prendre lui-même, à partir de ses connaissances
techniques et de sa maîtrise du milieu industriel, les moyens
appropriés pour que cette détérioration de l'état
de santé prenne fin. Cette confusion entre une obligation de moyen et
une obligation de résultat oblige le gouvernement à
s'insérer dans la connaissance technique des processus de fabrication,
et l'obligera, l'acculera à être toujours en retard sur les
événements.
Une troisième raison pour vérifier si les
résultats, quant à l'état de santé des
travailleurs, sont ceux que la loi ordonne. Il est nécessaire de
disposer d'instruments de contrôle, à la fois dans l'industrie,
mais aussi dans le secteur public. Le rôle de contrôleur de
l'état de santé des travailleurs dans l'industrie, il est
stérilisé par le projet de loi no 17. Comment? Parce que le
gouvernement confie aux services de santé, qui seront
développés par les départements de santé
communautaire dans le secteur hospitalier, la responsabilité totale des
services de santé dans l'entreprise. On placera donc ces
départements de santé communautaire dans une espèce de
situation de conflit d'intérêts, puisqu'ils devront
vérifier la qualité du travail qu'eux-mêmes auront à
rendre auprès des travailleurs. C'est pourquoi je dis qu'on
stérilise leur véritable vocation à ces
départements
de santé communautaire qui est d'être des espèces
d'inspecteurs de contrôle sanitaire dans le milieux de travail, comme
dans d'autres milieux d'ailleurs, en les plaçant dans la situation
d'avoir eux-mêmes à faire le travail et après, à se
retourner sur ce qu'ils ont fait et juger si, oui ou non, ce travail est
satisfaisant. C'est une erreur de confier aux départements de
santé communautaire un rôle pour lequel ils n'ont jamais
été destinés et les inviter ainsi à oublier leur
fonction principale qui est d'être une espèce d'inspectorat de la
santé en milieu de travail.
Quatrième raison, il y a dans ce projet de loi une erreur
fondamentale quand on adopte une approche pénale pour mettre en vigueur
un régime de santé et de sécurité dans les milieux
de travail, c'est-à-dire que la suite ou la conséquence d'un
manque d'observance de la loi se retrouvera au niveau d'amendes. Or, on sait
très bien, par des exemples douloureux dans bien des domaines
d'intérêt public, que l'approche pénale a de très
sévères limites. On ne peut pas lui demander de faire des choses
positives, on peut tout simplement empêcher des actions par une
démarche pénale en imposant des amendes, en faisant intervenir
une espèce de police gouvernementale, mais on ne peut pas provoquer des
actions par une approche pénale. Or, c'est provoquer des actions qu'il
faut, dans le domaine de la santé et de la sécurité, ce
n'est pas de les empêcher. Encore une fois, il s'agit d'inciter et
d'amener les entreprises à modifier le cadre de travail, à
modifier le contexte dans lequel leurs travailleurs sont employés. Pour
cela, il faut une innovation technologique et il faut une incitation pour que
les entreprises adoptent de tels procédés innovateurs de
manière à diminuer les risques.
Or, du côté de l'incitation à la recherche, nous ne
retrouvons aucune espèce d'incitation. Il ne s'agit pas de la recherche
universitaire, il ne s'agit même pas de la recherche que la commission
que le gouvernement veut créer pourra subventionner dans les
universités. Comment la commission gouvernementale sur la santé
pourrait-elle savoir les problèmes de génie industriel
appliqué qu'il faudra étudier pour diminuer les risques? C'est
beaucoup trop loin des problèmes que se situe le centre de
décision. Par contre, les entreprises qui sont confrontées avec
ces problèmes n'ont pas accès à des possibilités de
recherche appliquée, en particulier les petites et les moyennes
entreprises, qui n'ont pas les ressources financières ou intellectuelles
suffisantes pour régler certains problèmes, pour découvrir
un nouveau procédé de fabrication, n'ont pas accès
à cet institut de recherche ou à ses possibilités de
recherche. C'est à ce niveau que les problèmes concrets se
posent.
D'autre part, cette loi n'est pas incitatrice non plus parce qu'elle
ignore totalement les problèmes de tarification des contributions au
régime d'assurance pour accidents de travail. Une entreprise qui a une
performance excellente, qui développe des méthodes
préventives de première qualité se verra imposer
exactement les mêmes contributions que d'autres entreprises dans le
même secteur d'acti- vité qui ne font aucun effort et qui sont les
témoins, les participants à une situation sanitaire
déplorable. C'est un divorce complet entre les éléments
financiers du régime d'accidents de travail et le régime
réglementaire et pénal qu'on décrète par cette loi.
C'est une erreur sur tous les plans et c'est une erreur sur les principes.
C'est une vision fausse de la réalité qui a amené le
gouvernement à vouloir s'arroger tous les pouvoirs et tous les droits
dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.
C'est un défi qu'aucune organisation gouvernementale, qu'aucun
gouvernement ne pourra relever avec succès. (17 h 50)
Cette erreur fondamentale, malheureusement, cela prendra des
années pour la corriger. En effet, pendant les quatre ou cinq prochaines
années, on répondra à toutes les questions sur
l'inefficacité apparente de cet organisme nouveau en disant: Donnez-leur
le temps de mettre en place les nouvelles structures, donnez-leur le temps de
roder les nouveaux procédés et d'adopter la nouvelle
réglementation. Au minimum, nous en avons pour quatre ou cinq ans de
tâtonnements sans qu'on puisse nous donner des réponses
précises relativement à la mise en application de la loi. Une
fois cette étape franchie, on nous dira: II nous faut un certain recul,
maintenant que tout est en place depuis seulement un an, deux ans, trois ans ou
quatre ans, pour voir si sur le plan de l'état de santé cela a un
impact bon ou mauvais. Ce n'est donc pas avant dix ans qu'on pourra faire la
preuve que cet effort est un succès et à mon avis, dans dix ans,
je peux malheureusement faire la prédiction qu'étant donné
l'approche qui a été suivie par le gouvernement dans la
préparation de ce projet de loi nous en serons exactement au même
point qu'aujourd'hui. C'est pour cela que cette loi, si bien
intentionnée qu'elle soit de la part du ministre qui l'a
présentée, représente une erreur d'aiguillage fondamentale
et c'est la raison pour laquelle nous nous y opposons.
Les efforts pour trouver des solutions dans le domaine de la
santé et de la sécurité au travail ne datent pas d'hier;
il s'agit là d'efforts qui sont faits par des gouvernements successifs
au moins pour comprendre le problème et la problématique. J'ai eu
l'occasion, dès 1974 et 1975, de poser comme ministre des Affaires
sociales à l'époque les premiers jalons de l'institution d'un
service de santé du travail au ministère des Affaires sociales.
J'ai entrepris moi-même, avec des spécialistes, une tournée
de quatre pays qui sont à l'avant-garde du développement des
mesures de santé et de sécurité dans le monde, notamment
l'Allemagne de l'Ouest, la Finlande, où tout ceci a commencé
dès 1939, et la Suède.
Dans tous ces pays, le message qui nous a été transmis,
c'est que les efforts réglementaires, les efforts d'inspectorat, les
efforts légaux étaient très secondaires par rapport
à deux choses, deux choses dont il ne fallait jamais perdre la
conscience: premièrement, la nécessité de recherche
appliquée, de manière que les processus de fabrication, les
méthodes de travail puissent évoluer dans
le sens d'une plus grande santé, d'une plus grande
sécurité et qu'il n'y a rien qu'on puisse faire de plus important
que d'assembler des ressources, permettre leur spécialisation, les
rendre disponibles à l'industrie, de manière que cette recherche
soit accessible et qu'elle se fasse, surtout, et que des gens soient
formés pour la faire. C'est un premier point.
Le deuxième point sur lequel on doit insister c'est que
l'inspectorat, l'approche policière et pénale qui essaie de
régler en même temps tous les problèmes de santé et
de sécurité n'est pas la solution. Ceux qui s'y sont
essayés, les pays qui s'y sont essayés et, en particulier, la
France, ont dû y renoncer en voyant l'inefficacité d'efforts aussi
dispersés. Par contre, dans d'autres pays comme l'Allemagne de l'Ouest,
on a constaté qu'il y avait des problèmes prioritaires et que
c'était à ces problèmes qu'il fallait s'attaquer de toute
urgence, de manière qu'enfin, sur les grandes causes de morbidité
et de mortalité dans le milieu de travail, on puisse en arriver à
une amélioration significative et perceptible.
Donc, il ne s'agit pas, pour le Québec, en 1979, de
réinventer la roue, mais de s'inspirer d'efforts qui, pragmatiquement,
ont fait leurs preuves ailleurs. Il ne faut pas voir, dans la création
de structures et dans tout un contentieux de santé et de
sécurité du travail, la solution au problème. Ce ne sont
pas les avocats, ce ne sont pas les délégués syndicaux, ce
ne sont pas même les médecins qui vont régler le
problème de la santé et de la sécurité en milieu de
travail. Ce sont les ingénieurs, ce sont les spécialistes
d'ergonomie, ce sont les hygiénistes industriels et c'est surtout un
environnement qui place au centre de la responsabilité et au centre de
l'action le chef d'entreprise, l'entreprise, qui doit avoir, face à la
société et face à ses employés, des obligations
claires de résultats.
Le gouvernement ne doit pas prendre sur lui de dire quel
procédé industriel, quel catalyseur, quelle température,
quelle méthode de fabrication utiliser dans les entreprises. L'Etat ne
sera jamais à la hauteur d'une telle responsabilité. Il doit dire
aux employeurs: Vous devez faire en sorte de mesurer soigneusement
l'état de santé de vos travailleurs quand ceux-ci sont
exposés à des risques connus et à d'autres que l'on va
découvrir avec la recherche au cours des années. Si vous
faillissez à cette tâche, vous avez l'obligation, sous peine de
pénalité importante, de prendre toutes les mesures, y compris
celles que l'on met à leur disposition, pour changer un
procédé de fabrication.
Ce n'est pas, encore une fois, par des avocas-series, par des structures
administratives gigantesques et qui ne fonctionneront pas que nous allons
régler le problème de la santé et de la
sécurité en milieu de travail. J'eus espéré
parce qu'il semble désormais trop tard pour l'espérer vraiment
que le ministre, qui a consacré trois ans à ces travaux,
se serait intéressé davantage à la santé et aux
moyens de l'améliorer plutôt qu'aux problèmes juridiques
qui peuvent être soulevés à l'occasion de la mise en marche
de ces régimes. Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, compte tenu de l'heure,
est-ce qu'il serait possible de demander la suspension des travaux pour les
reprendre à 20 heures, ce soir?
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement unanime? Cela me
prendrait un consentement unanime. Y a-t-il consentement pour que
l'Assemblée suspende ses travaux?
Une Voix: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: Vu le consentement, les travaux de
l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 20 heures ce soir.
Suspension de la séance à 17 h 56
Reprise de la séance à 20 h 8
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, c'est avec une très
grande joie que, ce soir, j'ai l'occasion de parler du projet de loi no 17 sur
la santé et la sécurité du travail. J'ai eu l'occasion
d'en parler beaucoup plus depuis près d'un an maintenant, à
partir du livre blanc, de la loi en première version, et des amendements
qui s'en venaient. On étudiait alors quelles étaient les
possibilités d'apporter, à la suite de la commission
parlementaire qui a siégé entre la première et la
deuxième lectures, des amendements pour modifier et bonifier le premier
projet de loi qui avait été déposé au mois de juin
dernier.
M. le ministre d'Etat au Développement social a fait mention de
la consultation, mais permettez-moi de dire que j'ai eu l'occasion, grâce
à la confiance qu'il m'a accordée, de faire près de 25
discours à travers le Québec et de rencontrer aussi bien des
représentants de syndicats, des représentants patronaux, des
groupes tels que l'Association de prévention des accidents industriels,
des étudiants, des groupes tels que les conseillers en
sécurité industrielle et de discuter avec eux et avec d'autres du
projet de loi déposé et du livre blanc qui avait
été à l'origine de ce projet de loi. Je dois dire
qu'à chaque endroit où j'ai eu l'occasion d'aller en parler, on
disait que c'était une loi importante pour les travailleurs, une loi
désirée par plusieurs. (20 h 10)
Je vais vous dire que j'avais préparé des notes pour mon
discours. Mais la façon dont le Parti libéral, par
l'intermédiaire du député de Portneuf et du
député de Saint-Laurent, a annoncé à cette
Chambre qu'il allait voter contre le principe du projet de loi en
deuxième lecture m'a fait changer un peu les notes que j'avais
préparées. Je me souviens de ce que le député de
Portneuf, comme représentant du Parti libéral, a dit le 4
septembre 1979, en commission parlementaire. J'ai constaté un peu le
courage qu'il a eu aujourd'hui de renier ce qu'il avait dit au mois de
septembre dernier, probablement à cause de la ligne de parti.
Je lis le texte qui est dans le journal des Débats, à la
page B-7790, du 4 septembre 1979 et qui a trait à la commission
parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre. Il disait: La formation
politique que je représente, le Parti libéral du Québec,
va donc, M. le Président, donner son appui au principe du projet de loi
no 17 lors de l'étude du projet de loi en deuxième lecture parce
qu'il considère que l'avènement d'une politique d'ensemble
remarquez bien les mots, on a parlé de cela tout à l'heure
sur la santé et la sécurité au travail ne peut plus
attendre. Là, il disait, concernant le ministre: Nous ne laisserons pas
le gouvernement reporter subrepticement le problème aux calendes
grecques et se contenter de modifier ici les structures.
Donc, le député de Portneuf, représentant le Parti
libéral, avait donc dit que cette loi était une loi attendue et
qu'il fallait la voter. Bien entendu, il a mis certaines réserves
je vais être honnête parce que lui aussi l'a été
à ce niveau quant aux modalités. Mais, quant au principe
c'est cela qui m'a un peu dérouté cet après-midi
on va même se prononcer contre. On a donné toutes sortes de
raisons. On a parlé d'une politique d'ensemble. C'est exactement ce
qu'il disait dans son laïus lors de la commission parlementaire. Il a
parlé de réforme de structures. Il a parlé de toute la
question de bonne foi. Il a mis en doute, comme des gens de l'Union Nationale,
la partie de bonne foi sur laquelle, il est bien entendu, le projet de loi doit
se baser, la bonne foi des employés et la bonne foi des employeurs. Ce
qu'on a constaté dans les rencontres qu'on a eues avec les
différents groupes, c'est justement cet antagonisme que l'on
reconnaît par l'intermédiaire, souvent, des conventions
collectives où, à force de se battre, des employés ont
obtenu des choses. C'était un peu le minimum dans certains cas.
C'était, dans d'autres cas, un petit peu plus que le minimum mais, dans
aucun des cas à ma connaissance, il n'y a eu des parties ou des
comités à l'intérieur des conventions collectives qui ont
eu des pouvoirs décisionnels; la grande majorité étaient
tous des pouvoirs consultatifs.
Quand on regarde l'ensemble des conventions collectives chez les
syndiqués, en particulier, qui ont obtenu, grâce à des
luttes syndicales, des choses qui permettent de faire en sorte que la
santé et la sécurité des travailleurs dans l'industrie
soient protégées, on se pose de sérieuses questions quand
on vient nous dire que l'antagonisme peut peut-être régler les
problèmes. Quant à moi, un des choix que nous avons faits par
l'intermédiaire de la loi, c'était d'empêcher d'avoir
à négocier la mort d'un ami dans l'usine. Je pense que cela est
important. Par les conventions collectives, ce qu'on obtient souvent, à
force de luttes acharnées, c'est de se donner les moyens de ne pas tuer
un de ses amis dans l'usine. J'ai eu l'occasion, l'autre jour, à la
Compagnie internationale de papier de La Tuque, de voir des gens qui ont
refusé de faire une "job" parce qu'on les obligeait à porter des
lunettes protectrices. Les jeunes n'avaient rien contre le fait de porter des
lunettes protectrices. La seule chose qu'ils ne voulaient pas, c'était
les porter près des machines où la vapeur vous connaissez
les façons dont le papier est fait déposait une
buée dans leurs lunettes, et c'est encore plus dangereux que de ne pas
en porter du tout. Ils ont fait presque une journée et demie
d'arrêt pour ne pas être obligés de le faire à la
suite de la suspension de quelqu'un qui ne voulait pas porter des lunettes
près des machines.
On a parlé de nivellement vers le bas, M. le Président, on
va niveler vers le bas quand il existe beaucoup vers le haut, mais à ma
connaissance, on n'a qu'à regarder les conventions collectives
actuelles; pour niveler vers le bas il faudrait que l'ensemble des conventions
collectives possèdent beaucoup de choses. Ce n'est malheureusement pas
la connaissance que nous avons des conventions collectives actuelles. Regardez
les syndiqués qui ont fait des luttes et ce qu'ils ont obtenu dans leurs
conventions collectives par rapport à la loi 17. Regardez ceux qui ne
sont pas syndiqués et qui ne possèdent rien. Est-ce que c'est
niveler vers le bas que de leur donner au moins le minimum; le minimum pour des
gens qui n'auront jamais l'occasion, parce que les luttes sont difficiles
à organiser, d'obtenir des choses? On nous donne comme raison qu'on va
voter contre le principe parce que cela va niveler vers le bas! Allons donc! Il
y a autre chose que j'aimerais bien qu'on clarifie quant au principe de la loi
17. Cela a été apporté par des gens de l'Union Nationale,
rapporté par le député de Saint-Laurent; c'est la question
de l'indemnisation. Voulez-vous, on ne mêlera pas les problèmes?
L'indemnisation qui est prévue par la Loi de la Commission des accidents
du travail, ce n'est pas l'objet de la loi actuelle, du projet de loi
actuel.
On nous a accusés de vouloir en prendre trop large. D'accord, on
a décidé de ne pas en prendre trop large. On va commencer par
régler un problème qui tarde à être
réglé, qui est celui de la santé et de la
sécurité au travail et on réglera les autres
problèmes concernant la Commission des accidents du travail à
d'autres moments. Mais aujourd'hui, ce sur quoi nous avons à nous
prononcer dans le projet de loi no 17, c'est sûr la Loi sur la
santé et la sécurité du travail. Donc, n'allons pas
mêler à cela la loi 52 sur les gens qui sont amiantosés ou
les difficultés qui existent le gouvernement est conscient que
ces dangers existent mais auxquelles nous devrons apporter des
remèdes dans l'avenir, en ce qui a trait à la Commission des
accidents du travail.
On a parlé de maturité des syndicats. J'ai eu l'occasion,
au cours de la tournée que j'ai faite, de
rencontrer différents groupes; je l'ai dit tout à l'heure,
aussi bien des patrons que des employés. Je ne veux pas accuser l'un ou
l'autre de non-maturité, mais je dois vous dire que, quand dans le
projet de loi on donne un droit individuel de cesser de travailler pour
protéger sa santé ou son intégrité physique, c'est
parce qu'on pense que les gens vont l'utiliser le mieux possible, sans abus.
Comme le dit le ministre d'Etat au Développement social, il y aura
toujours des "flyés" dans la société, de part et d'autre.
Mais fait-on une loi pour ces gens ou si on la fait pour l'ensemble de la
collectivité? La loi, comme telle, est vraiment basée sur une
pratique qui s'appelle la bonne foi des deux côtés, aussi bien
employeurs qu'employés.
Une chose qu'il me fait plaisir de retrouver à l'intérieur
du projet de loi réimprimé, c'est qu'on appelle dans le jargon,
au niveau de la convention collective, pour ceux qui sont habitués
à négocier, le statu quo ante. Le statu quo ante n'est pas comme
j'aurais peut-être voulu qu'il soit à l'intérieur de la
loi, mais c'est un début. La compagnie Fer et Titane et le syndicat, qui
ont eu des difficultés et qui sont arrivés à une
convention collective tout dernièrement, ont inclus dans leur convention
collective le principe du statu quo ante. Qu'est-ce que ça veut dire, le
statu quo ante, par rapport à ce qui existe actuellement? (20 h 20)
Je prends l'exemple d'une personne qui a décidé de former
un syndicat dans une usine. Dans le contexte actuel, si elle est
congédiée, suspendue et perd son salaire, elle a le droit d'en
appeler au Tribunal de travail pour lui permettre d'être replacée
dans les conditions qui prévalaient avant son congédiement, sa
suspension ou sa perte de salaire. Il juge qu'elle a été punie,
quelle que soit la forme de la punition, parce qu'elle a utilisé un
droit que lui donne le Code du travail, celui de former un syndicat.
Dans le contexte actuel, l'employé doit utiliser soit le grief
prévu par la convention collective, soit la formule dont je faisais
mention "appel du Tribunal du travail", mais dans ces cas, il doit faire la
preuve que l'employeur l'a ou suspendu ou congédié ou lui a fait
perdre du salaire parce qu'il a utilisé un droit du Code du travail. Il
arrive souvent que cela traîne en longueur; pendant ce temps, il n'a pas
eu la chance de se trouver un employeur parce que les employeurs se parlent, et
quand il veut travailler ailleurs, il y a toujours le problème de savoir
ce qu'on a fait dans le passé. Les employeurs ne l'acceptent pas parce
qu'ils se disent: Ah! Il a voulu former un syndicat. Ce qui se produit, c'est
que ses économies y passent. Dans bien des cas, il doit emprunter, et
dans d'autres cas il a des difficultés qui peuvent aller jusqu'aux
difficultés matrimoniales. Après trois ans, il peut être
réinstallé, reprendre sa place dans les conditions qui
prévalaient au moment du congédiement, mais déjà le
mal est fait dans son cas.
Ce que nous avons à l'intérieur du projet de loi, c'est un
début de statu quo ante qui dit: Maintenant, si l'employeur veut faire
la preuve que l'employé a mal utilisé un droit qui a
été prévu par la loi, c'est à l'employeur de faire
la preuve qu'il a, cet employé, mal utilisé ce droit. Au lieu de
mettre le fardeau de cette preuve sur les épaules de l'employé,
en le mettant sur les épaules de l'employeur parce qu'on donne vraiment
un droit à l'employé, on enlève ce qu'on appelle
l'épée de Damoclès de sur sa tête.
Le but du projet de loi est d'éliminer les dangers à la
source, même si l'individu doit porter un certain équipement parce
que la technologie ne lui permet pas d'avoir autre chose que cet
équipement pour protéger sa santé. Cette
prévention, par rapport à ce qu'on connaît actuellement,
parce que la Commission des accidents du travail a dans son mandat la
possibilité de faire de la prévention... D'ailleurs, les gens de
l'APAI, l'Association de prévention des accidents industriels,
étaient, durant les années passées, payés par la
Commission des accidents du travail pour faire le travail de prévention
des accidents industriels.
Quant à la prévention, cependant, la Commission des
accidents du travail n'a peut-être pas porté au bout le mandat
qu'elle possédait, de telle sorte qu'elle est allée beaucoup plus
dans la partie curative, c'est-à-dire dans celle de l'indemnisation,
dans celle de la réadaptation. Donc, un des buts fixés par le
projet de loi, c'est de faire de la prévention, c'est d'en arriver
à éliminer le plus possible quoiqu'il soit bien entendu
que les moyens techniques que nous possédons ne nous permettent
peut-être pas de tout éliminer à la source
même, les dangers.
C'est donc prendre, comme disait le ministre ce matin, la partie
d'argent en coûts directs et indirects, qui se chiffrait, en 1978, par $2
500 000 000, et d'en faire une utilisation vers la prévention. Au niveau
de l'industrie où il y a 20 employés et plus, la formation d'un
comité de santé et de sécurité au travail permettra
aux employés, hommes et femmes, à l'intérieur du milieu de
travail de donner leurs connaissances pour faire en sorte qu'au bout de la
course on en arrive à faire, dans l'usine même,
l'élimination à la source. Je pense que cette idée du
comité paritaire au niveau de l'usine est importante.
L'autre étape dont on a moins parlé est celle de
l'association sectorielle. J'ai eu l'occasion d'en parler avec des groupes; je
parlais tout à l'heure de l'APAI, je pourrais parler des conseillers en
prévention qui sont des conseillers qui, actuellement, se trouvent
à l'intérieur des usines pour prévenir les accidents
industriels. Les associations sectorielles, sans obligation par la loi mais par
incitation, se retrouveront dans des secteurs donnés. Je prends
l'exemple des groupes qui se trouvent dans mon comté, les pâtes et
papiers. Les employés syndiqués de ce secteur, avec les
employeurs de ce secteur, peuvent se rencontrer et c'est au niveau
national pour discuter de la façon dont on est capable, dans Tune
et l'autre des industries, de faire de la prévention. On peut en arriver
à faire même de la recherche et à faire qu'à
l'intérieur de chaque usine ce qui est bon dans une usine puisse
être utile aux autres.
Ces associations sectorielles toujours paritaires auront donc un
rôle important à jouer. La Commission de la santé et de la
sécurité du travail qui a les pouvoirs prévus comme
je le disais tout à l'heure de prévention et de
réadaptation, qui sont contenus dans la Loi des accidents du travail,
aura donc un rôle à jouer au niveau national.
M. le Président, je sais que le temps s'écoule. J'aurais
encore beaucoup de choses à dire. J'ai eu l'occasion d'en parler
souvent, mais ce que je souhaite... La semaine dernière, j'étais
avec des étudiants de l'Université Laval et on parlait, au niveau
des conseillers en relations industrielles de l'Université Laval, du
problème de la santé et de la sécurité à
l'intérieur des usines. On parlait aussi avec d'autres groupes de
l'utilité et de l'urgence d'adopter cette loi avant la fin de la session
actuelle, c'est-à-dire avant Noël. Quant à moi, M. le
Président, c'est ce que j'avais à dire dans le temps qui m'est
permis par le règlement. Soyez assuré d'une chose, c'est que je
ne comprendrai quand même pas pourquoi le Parti libéral et l'Union
Nationale voteront contre un principe aussi important qui, au niveau des
travailleurs et des travailleuses, est un droit que je juge essentiel. Je vous
remercie.
Le Vice-Président: Mme la députée de
Prévost.
Mme Solange Chaput-Rolland
Mme Chaput-Rolland: M. le Président, une lecture attentive
du projet de loi 17 révèle que le gouvernement sous-tend ses
législations d'un préjugé favorable aux travailleurs.
Quiconque voudrait se souvenir loyalement de la totale absence de
sécurité en milieu du travail encore en vigueur il y a dix ou
vingt ans comprendra le sens et le bien-fondé de ce
préjugé. Mais au Québec, depuis trop d'années, la
théorie du pendule a droit de cité. Les abus d'hier autorisent,
hélas! les abus d'aujourd'hui. Dans cet ordre de réflexions et
malgré mon inexpérience, pour laquelle je m'excuse, des exercices
de cette Chambre, je demande au gouvernement de muscler sa loi pour mieux
prévenir les accidents, forcer davantage les employeurs, parfois
dangereusement et légalement imprudents, à se donner et à
observer, à coups de sévères sanctions, un code de
prévention pour tonifier la santé et consolider la
sécurité en milieu de travail.
Le ministre d'Etat au Développement social a
présenté émotivement son projet de loi. Je peux
comprendre, car un tel thème, M. le Président, est émotif.
La santé des hommes, ce n'est pas un sujet facile pour quiconque. Mais
je voudrais lui demander de dépasser, peut-être, une construction
trop architecturale de sa loi pour corriger le mal là où il loge,
plutôt que de se contenter de le dérober à nos yeux par des
mesures législatives, pour ne pas dire légalistes et
peut-être électoralistes.
A mon humble avis, M. le Président, la loi est trop globale, trop
large dans ses visées pour résoudre les problèmes
sectoriels qui ne sont pas les mêmes dans chaque usine, dans chaque
établissement et sur chaque chantier. On ne peut demander à une
loi, si large et si généreuse soit-elle, de s'appliquer selon les
mêmes articles dans les différents endroits où travaillent
les citoyens. On ne peut, non plus, lui demander de donner aux citoyens une
conscience sociale si les citoyens n'en ont pas ou de leur donner une
appétence vers des méthodes préventives, alors que notre
Québec ne donne pas toujours les signes de maturité sans lesquels
aucune législation ne saurait obéir à l'esprit qui la
régit et qui l'inspire. Il m'apparaît donc, M. le
Président, que les milieux patronaux et syndicaux se retrouveront une
autre fois empêtrés dans les rets d'une bureaucratie parfois
dictatoriale et assujettie à la volonté d'inspecteurs qui ne
songeraient pas, comme on l'a trop de fois vu dans le passé, à
faire entendre un seul son de cloche, celui qui valoriserait leurs
intérêts avant ceux de notre collectivité. Par voie de
conséquence, travailleurs, employeurs, médecins, inspecteurs,
commissaires risquent de se battre entre eux, plutôt que de combattre le
mal à sa racine, décuplant ainsi les tensions sociales entre nous
tous.
Aucune société ne saurait demeurer indifférente
à ses ouvriers lorsqu'ils tombent au champ d'honneur de leur labeur.
Trop longtemps le Québec est demeuré indifférent à
l'angoisse des familles dont le père, la mère et les enfants sont
atteints de maladies graves ou d'infirmités dues à des accidents
de travail. Trop longtemps nos compatriotes ont levé les épaules
lorsque nos crieurs publics ils étaient nombreux
s'enflammaient au rappel des dangers sur des chantiers piégés ou
à cause d'échafaudages vétustes. Pourtant, M. le
Président, ils ont crié, eux aussi, lorsque nous ne portions pas
nos ceintures de sécurité sur nos routes.
Je n'ai pas assisté à toutes les séances des
commissions parlementaires. Je ne peux pas m'en excuser, M. le
Président, je n'étais pas de cette Chambre. Donc, mon expertise
est limitée et peut-être que mes arguments sont à court
terme. Mais je ne connais pas, non plus, tout ce qui a été dit et
répété par notre groupe ou par les amis d'à
côté. Mais le dur quotidien de mon comté, M. le
Président, m'oblige à aller au-delà de mes connaissances
de ce dossier très brûlant pour oser une sorte de quadrature du
cercle dont M. le ministre voudra peut-être m'excuser.
Je me dois d'approuver le préjugé en faveur d'une loi
solide et bien charpentée pour protéger la santé et la
sécurité des travailleurs, pour forcer les employeurs à
respecter eux-mêmes une loi dont ils ont avoué, par le
passé, avoir besoin. Mais je lui dois aussi et je me dois aussi et je
dois à mes commettants également, M. le Président, de
demander du même souffle au ministre d'aller au-delà d'une
structure trop lourde et trop lente afin de ne pas se satisfaire de camoufler
le mal sur le terrain ou d'en confier le remède à une commission
qui ne sera pas plus infaillible que les autres, à mon avis, je le dis
bien modestement. Tout en
admettant que je ne possède pas toutes les pages de ce dossier,
je demande quand même au gouvernement d'expliciter davantage ses mesures
préventives pour protéger la santé des ouvriers là
où ils travaillent et pas seulement là où une commission
surveillera ce travail.
Quand un homme meurt au service d'une société à
laquelle il contribue, la société devrait alors protéger
sa sécurité et son droit au travail. Cette société
porte l'odieux de sa mort, de ses blessures ou de ses angoisses. Ce droit
à la sécurité et à la santé va bien
au-delà de la partisanerie politique dont cette Chambre fait plusieurs
fois état. La loi doit vraiment, et dans les faits, veiller au bien de
celui qui travaille à la sueur de son front, face à
l'inconscience de ceux qui s'enrichissent à la sueur de ce front.
A mon avis, la loi 17 est fort louable, mais elle ne va pas au bout de
son obligation de protéger le travailleur et elle ajoutera
déjà à son fardeau le pouvoir du législateur, des
inspecteurs et des commissaires et, ainsi, je crois, elle ajoutera à son
existence déjà piégée. Pourtant, c'est à lui
qu'elle est destinée. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, on me permettra
sûrement, au début de cette intervention, avant d'entrer dans le
vif du sujet, de faire un certain nombre de préalables, de
prérequis à cette discussion que nous devons faire en
deuxième lecture. Il est peut-être inutile, pour un certain nombre
de membres de cette Assemblée, de répéter, encore une
fois, le pourquoi de cette loi. Compte tenu de ce qui nous a été
annoncé par les Oppositions quant à leur attitude devant le vote
de deuxième lecture, il ne me semble pas inutile de le refaire une
deuxième fois. Compte tenu de ma grande naïveté,
j'espère qu'en le refaisant une fois, on pourra au moins convaincre un
certain nombre de membres de ces deux Oppositions de réviser les
positions qu'ils nous ont déjà annoncées.
Inutile de rappeler les deux ans et demi ou près de trois ans de
travail qu'a demandé cette loi. C'est quelque chose, entre autres, qui
devrait faire plaisir au député de Bonaventure qui nous a souvent
accusés de présenter devant cette Chambre des mesures
improvisées, faites à la dernière minute.
Cette loi, contrairement à quelques autres que, dans le
passé, nous a décrites le député de Bonaventure a
d'abord fait l'objet d'une étude sérieuse, a d'abord fait l'objet
de la publication d'un livre blanc, d'une consultation vaste,
générale en rencontrant l'ensemble des parties concernées
par la Loi sur la santé et la sécurité du travail, a
donné lieu à un projet de loi qui a, par la suite,
été soumis en commission parlementaire à l'examen de tous
les groupes, de tous les citoyens qui voulaient s'y présenter. Ce fut
une des commissions parlementaires, M. le Président, qui a reçu
le plus grand nombre de participants depuis trois ans et, finalement, il y eut
une réimpression du projet de loi pour tenir compte des avis qui nous
avaient été donnés à la fois par les
députés de l'Opposition et par les gens qui se sont
présentés en commission parlementaire.
La situation qui a amené cette démarche et ce projet de
loi devrait nous situer aujourd'hui au-delà de la partisanerie politique
dont parlait le député de Saint-Laurent. C'est le gouvernement,
M. le Président, qui décide des lois qu'il va présenter
à l'Assemblée nationale, mais, jusqu'à nouvel ordre, c'est
l'Assemblée nationale qui les vote, et l'Assemblée nationale cela
n'est pas un exécutif. C'est la réunion, le regroupement de
l'ensemble des représentants d'une population dûment élus
dans chacune de leur circonscription électorale. C'est cela
l'Assemblée nationale. C'est l'Assemblée nationale qui doit
cautionner ou rejeter le projet de loi qui est présenté par
l'Exécutif, donc par le gouvernement.
J'espère, devant un projet de loi aussi important, qu'on se
référera ce soir aux propos qu'a tenus la députée
de Prévost lorsqu'elle est entrée dans cette Chambre. La
députée de Prévost, M. le Président, faisait appel
à l'objectivité des parlementaires, au respect de l'opinion de
l'autre. J'espère que chacun des parlementaires se souviendra des
paroles qu'elle a prononcées au moment où elle est entrée
à l'Assemblée nationale. Le respect de l'opinion de l'autre, cela
se fait face à une idéologie différente d'un parti
vis-à-vis de l'autre parti, mais cela se fait aussi et je le dis
au député d'Argenteuil à l'intérieur d'un
même parti. Le respect de l'opinion d'un autre, les croyances qu'il a,
cela se fait aussi à l'intérieur d'un parti. (20 h 40)
M. le Président, nous, à cette Assemblée nationale,
qui avons le scandale si facile lorsqu'il s'agit d'autres sujets, comment
pouvons-nous, devant la situation des travailleurs du Québec qui nous a
été décrite maintes et maintes fois, aujourd'hui rester
indifférents à la situation qui nous a été
décrite? Nous qui avons le scandale tellement facile devant le nombre
incroyable de journées de grève, de journées d'hommes
perdues en grève au Québec, comment pouvons-nous rester
insensibles au moment où l'on sait qu'en 1977 1 298 000 jours-homme ont
été perdus en grève et deux fois et demie de plus en
accidents ou maladies professionnelles causés par le travail, par
l'entreprise où les travailleurs du Québec gagnent leur vie,
gagnent leur pain? Comment, M. le Président, nous qui avons le scandale
si facile lorsqu'on est placé devant 1 600 000 jours de grève, en
1978, comment nous des deux côtés de la Chambre qui jetons les
hauts cris, qui nous scandalisons, qui disons que c'est une situation qui doit
arrêter, qui sommes prêts à passer mesure spéciale
par-dessus mesure spéciale pour faire arrêter cette situation,
comment pouvons-nous encore tolérer qu'en 1978, 3 100 000 jours-homme
ont été perdus par des accidents, par des maladies
professionnelles par les travailleurs du Québec?
M. le Président, la population du Québec et chaque
député dans cette Chambre représente des travailleurs
majoritairement ne peut pas nous prendre au sérieux lorsque nous
nous scandalisons d'une situation de jours perdus à cause des
grèves. Dans les chiffres que je vous ai donnés, M. le
Président, je vous souligne qu'il ne s'agit pas uniquement de
grèves, mais aussi de lock-out, donc de décisions prises par les
employeurs, alors que, de l'autre côté, il s'agit tout simplement
de maladies professionnelles, d'accidents alors, ce n'est pas grave
de décès, mais trois fois plus que de journées de
grève. La population ne peut pas nous prendre au sérieux si on ne
décide pas, au moins en principe, de démontrer une volonté
politique de régler ce problème.
M. le Président, on a aussi le scandale facile lorsqu'on parle
d'accidents d'automobile. Je me souviens, M. le Président, comme bien
d'autres dans cette Chambre, au moment où on a adopté la Loi sur
l'assurance automobile, avoir entendu des interventions, en particulier du
député de Charlevoix qui disait: Ce n'est pas tout d'adopter une
loi pour protéger le citoyen qui est dans son automobile ou qui subit
des blessures corporelles; il faut, en plus de ça, améliorer les
conditions de la circulation. Je reconnais que le député de
Charlevoix a été l'un de ceux avec les autres ministres
qui l'ont suivi qui ont fait des efforts pour améliorer la
situation de la circulation au Québec, de la prévention aussi des
accidents.
Mais, M. le Président, quand on se scandalisait de cette
situation, est-ce qu'on se rend compte qu'au total, en 1977 pour prendre
des chiffres qui se comparent 43 812 citoyens étaient l'objet de
blessures ou de décès causés par des accidents
d'automobile, un pourcentage de 2,7 par 100 citoyens; alors que, dans la
même période, en 1977, toujours,7,12 citoyens sur 100
étaient placés devant des circonstances qui faisaient qu'ils
subissaient des blessures ou des mortalités à cause du milieu de
travail? Quand on se scandalisait de la situation sur les routes du
Québec et qu'on voulait améliorer cette situation, la population
ne nous croirait pas si, aujourd'hui, on demeurait insensible devant des
chiffres six fois plus importants pour les accidents de travail.
Troisième endroit où on se scandalise facilement dans
cette Chambre: quand un travailleur ne respecte pas la loi. Récemment
encore, M. le Président, ici, à l'Assemblée nationale,
j'ai eu l'occasion, en même temps qu'un million de
Québécois, d'entendre blâmer des travailleurs qui n'avaient
pas respecté une loi votée par le Parlement.
M. le Président, depuis qu'on adopte des lois au Québec
qui pourraient partiellement couvrir la protection des travailleurs, on peut
démontrer aujourd'hui que 75% des entreprises n'ont pas respecté
ces lois. On peut démontrer aujourd'hui que l'ensemble des
gouvernements, y compris le nôtre pendant les deux premières
années, n'ont pas fait appliquer les lois existantes au moment où
on se parle. Comment peut-on ne pas se scandaliser de cette situation quand on
a le scandale si facile quand c'est un travailleur qui ne respecte pas la loi?
Deux poids deux mesures!
Il me semble qu'ici, à l'Assemblée nationale, une fois
dans notre carrière, ça ne serait pas trop d'avoir le scandale
aussi facile devant des travailleurs qui se font mutiler, qui se font blesser,
qui se font assassiner au moment où ils exercent leur travail, au moment
où ils essaient juste d'assurer non seulement leur existence, mais celle
aussi des leurs, de ceux qui les entourent, de leur famille. Si on avait le
scandale aussi facile quand il s'agit de s'occuper de ce problème, il me
semble que là les citoyens pourraient nous croire.
Comment les citoyens du Québec qui nous écoutent
peuvent-ils croire que les partis d'Opposition s'apprêtent à voter
contre le principe de la loi parce qu'elle n'est pas assez musclée,
parce qu'elle n'en donne pas assez? Si c'est cela, je dois dire tout de suite
que je suis d'accord avec l'Opposition. Je suis d'accord, la loi n'en donne pas
encore assez; il faudait en mettre encore plus. Mais je voudrais avoir leur
engagement maintenant, au moment où je vous parle, qu'ils seront
d'accord pour la voter en deuxième lecture si on permet qu'en commission
parlementaire on va la muscler davantage!
De ce côté-ci de cette Chambre, un bon nombre d'entre nous
sont d'accord pour dire que tout ne se retrouve pas dans cette loi. Bien
sûr, le gouvernement a fait son option, l'Assemblée nationale fera
son choix politique. Les agents d'application vont faire à partir de
maintenant leur travail, c'est-à-dire le vécu, le quotidien,
l'amélioration quotidienne, le travail possible encore entre l'employeur
et les salariés, entre l'employeur et les organisations syndicales. En
parlant d'organisations syndicales, dans le nombre de jours de grève
dont je vous ai parlé tantôt, dont on s'offusque si facilement, il
faudrait aussi tenir compte qu'il y a non seulement des lock-out, comme je l'ai
dit, mais il y a aussi un bon nombre de grèves qui sont faites
uniquement sur des sujets de santé et de sécurité au
travail. C'est autant de jours de grève qui ne seront plus
nécessaires à l'avenir parce qu'on aura le mécanisme,
parce que les travailleurs et les employeurs auront les mécanismes pour
en discuter quotidiennement. C'est non seulement une mesure qui vaut pour la
santé et la sécurité des travailleurs. C'est aussi une
mesure qui va jouer, qui va avoir des effets évidents en termes de
relations de travail.
Ce que je souhaiterais de la part des Oppositions, c'est l'ouverture
d'esprit nécessaire pour reconnaître que ce projet de loi apporte
au moins un certain nombre de volontés politiques évidentes: 1)
la structure nécessaire pour permettre aux travailleurs de réagir
vis-à-vis de leurs conditions de travail et vis-à-vis des choses
qui peuvent altérer ou brimer leur santé et leur
sécurité au travail; 2) la volonté claire,
déterminée pas seulement dans des mots, mais aussi
concrètement dans des moyens d'action qui sont indiqués dans la
loi, de supprimer à la source les causes mêmes des accidents au
travail; 3) un pouvoir d'intervention qui n'a jamais été
donné directement aux tra-
vailleurs ou à leurs représentants, un pouvoir de
collaboration qui n'a jamais été donné ni aux entreprises,
ni aux travailleurs. Dans cette loi, on retrouve des mesures qui visent
à intensifier l'information des travailleurs, à subventionner des
associations d'employeurs de même que des associations de travailleurs
pour que les gens soient plus conscients et participent aux travaux de
recherche nécessaires pour éviter les accidents en milieu de
travail. Si on n'est pas d'accord avec ces principes, il faudrait qu'on soit
conscient que c'est ce qu'on vote en deuxième lecture. (20 h 50)
Quand on nous annonce qu'on vote contre, en deuxième lecture,
parce qu'on trouve que ce n'est pas assez global, pas assez musclé, on
se trompe, M. le Président. Il faudrait qu'on prévienne la
députée de Prévost que les principes de la loi sont
là; si on veut les améliorer, si on veut donner plus d'outils,
c'est en commission parlementaire, à l'étude article par article,
qu'on va le faire. Mais cela ne devrait pas nous empêcher de voter pour
en deuxième lecture parce qu'on est d'accord sur les principes que
sous-tend ce projet de loi.
Il me semble que c'est le travail qu'on a à faire en
deuxième lecture. Il ne faudrait pas tenter de berner la population en
disant que c'est parce que ce n'est pas assez musclé. Si on le veut plus
musclé, on va faire des amendements en troisième lecture. Je
serai un et j'en prends l'engagement, M. le Président de
ceux qui appuieront les députés de l'Opposition qui voudront
avoir des amendements pour rendre la loi plus musclée, plus globale,
plus intéressante en termes de moyens et d'outils pour les travailleurs.
Je serai un de ceux qui les appuieront. Mais devant la population, ce soir, il
faut quand même qu'ils nous fassent la preuve qu'ils sont d'accord sur
les principes et qu'on arrête d'essayer de berner les gens en disant: On
n'est pas d'accord mais c'est parce qu'on en voudrait plus.
Moi, M. le Président, j'en veux plus aussi. Il n'y en aura jamais
assez pour les travailleurs du Québec. Mais je suis quand même
prêt à reconnaître que c'est non seulement un pas mais un
pas de géant qui est fait actuellement par le projet de loi no 17, et
qu'en conscience on se doit d'appuyer ce projet de loi.
Comme il me reste à peine cinq minutes, je serai obligé de
conclure plus rapidement que je le croyais, pour vous dire que, tantôt,
la députée de Prévost a dit de cette loi qu'elle la
voudrait plus globale. Quand on parle d'une loi-cadre, il est difficile d'avoir
plus global que cela. C'est le cadre qu'on fixe dans la loi; le reste, la loi
prévoit des mécanismes pour la compléter et,
effectivement, je suis un de ceux qui partagent l'idée qu'il y a
peut-être un trop grand nombre de réglementations laissées
dans la loi. Si on pense qu'on peut, en commission parlementaire,
prévoir des mécanismes pour assurer la présence des
parlementaires au moment de l'adoption de cette réglementation,
j'appuierai des mesures comme celle-là, et vous le savez, cela fait deux
ans que je dis la même chose. Mais encore faut-il pour cela qu'on
s'entende sur le principe de base et le principe de base c'est de voter le
projet de loi en deuxième lecture, de s'en aller travailler comme du
grand monde, honnêtement, consciencieusement, sans berner personne, en
disant: C'est cela, notre orientation et elle ne changera pas. Ce n'est pas
parce qu'on veut favoriser les employeurs qu'on vote contre; c'est parce qu'on
en veut plus pour les travailleurs. Bravo! Votons le principe, M. le
Président; on ira l'améliorer pour les travailleurs en
troisième lecture. C'est une bonne proposition; il me semble que c'est
une base de négociation honnête, en tout cas, et il n'y a personne
dans le public qui ne peut pas comprendre cela. Si on peut négocier de
cette façon, M. le Président, il me semble que cela servirait
à la fois les intérêts des employeurs et les
intérêts des travailleurs.
Là, je veux développer trois points: les coûts
inhérents à ce projet de loi, le représentant à la
prévention et aussi le fait d'éliminer dans ce projet de loi les
dangers à leurs sources. M. le Président, je veux dire rapidement
je m'excuse, rapidement que le député de
Saint-Laurent a fait état, dans son intervention, que dans ce projet de
loi, les décisions et j'utilise ses propres termes seront
maintenant celles de l'Etat, a-t-il dit. M. le Président, je comprends
le député de Saint-Laurent; il était favorable au projet
de loi, il se voit obligé maintenant de voter contre. Je comprends sa
réaction et je comprends qu'il faut qu'il se trouve des arguments.
Par ailleurs, aurait-il oublié qu'à l'intérieur du
projet de loi, il y a un certain nombre de mécanismes si le
député d'Argenteuil veut bien me permettre de continuer, il aura
l'occasion de parler tantôt qui empêcheront l'Etat de
prendre les décisions. Par exemple, et pour la première fois,
l'institutionnalisation d'un représentant à la prévention,
un homme qui va être là dans l'entreprise, choisi par les
travailleurs ou par les organisations syndicales lorsqu'il y aura des
syndicats, avec des moyens d'action en termes de temps et de protection quant
à l'emploi, uniquement pour surveiller l'application des mesures quant
à la santé des travailleurs et empêcher des situations
propres à amener ou à provoquer des accidents pouvant blesser des
travailleurs.
Un représentant à la prévention, M. le
Président, qui ferait son travail avec la protection que le projet de
loi lui accorde et qui ferait son travail sérieusement dans son milieu
prendrait lui-même les décisions. Ce n'est pas l'Etat qui les
prendrait à sa place, mais lui-même, fort des principes qui se
retrouvent dans la loi. Le député de Saint-Laurent a dû
oublier aussi que, dans les entreprises, il y avait des comités de
santé et de sécurité, paritaires, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Sainte-Marie, je m'excuse. Votre temps est...
Des Voix: Consentement.
Le Vice-Président: Consentement. M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je remercie beaucoup, M. le Président,
l'ensemble des collègues de cette Chambre de me permettre de continuer.
Je m'engage à terminer le plus rapidement possible.
M. le Président, on a aussi oublié que, dans cette loi, il
y avait un comité de santé et de sécurité du
travail fait dans l'entreprise par des travailleurs et des dirigeants de
chacune des entreprises. C'est une façon de faire prendre des
décisions localement, et je ne comprends rien au fait que l'analyse du
député de Saint-Laurent débloque sur une orientation qui
nous dise que les décisions seront celles de l'Etat. Le
député de Saint-Laurent continue en disant que ce à quoi
on assiste dans ce projet de loi, c'est à une normalisation. Bien
sûr. Il y a un certain nombre de règles qui vont édicter
des règlements qui peuvent devenir des normes; mais, à 70%, vous
retrouvez dans ce projet de loi le fait que les normes ou les règlements
déterminés par la commission ne vont s'appliquer qu'au moment
où un comité de santé et de sécurité ne se
sera pas entendu. Cela veut dire que même les normes faites par la
Commission de la santé et de la sécurité du travail ne
s'appliqueront pas si un comité en décide autrement. Ce n'est pas
de la normalisation, M. le Président. C'est de prévoir le moment
où des comités peuvent ne pas s'entendre. Quand ils ne
s'entendent pas, ce sont les normes qui prévalent, mais, lorsqu'ils
s'entendent, c'est ce dont ils ont convenu entre eux qui fait la règle
du jeu. C'est ce sur quoi ils se sont entendus qui mène l'action dans
l'entreprise. De la même façon, M. le Président, les
associations sectorielles subventinnées, où on retrouve autant
d'employeurs que de représentants d'associations syndicales, ont un
rôle à jouer pour limiter, bloquer cette normalisation dont
parlait le député de Saint-Laurent.
Le député de Saint-Laurent, au summum de son intervention,
termine en disant qu'on devrait créer des obligations de
résultats pour les entreprises, ne pas faire autre chose que cela,
a-t-il dit, M. le Président, créer des obligations de
résultats. Mais, M. le Président, toutes les lois qui existent
actuellement créent à toutes fins utiles des obligations de
résultats. Les seuls résultats et je termine
là-dessus on les obtiendra en termes de santé et de
sécurité au travail le jour où une loi claire
déterminera le champ d'action et les pouvoirs de tous les intervenants
en termes de santé et de sécurité au travail. La situation
et les obligations de résultats, on les obtiendra le jour où on
permettra à des représentants à la prévention,
représentants des travailleurs, d'exercer leur rôle dans toutes et
chacune des entreprises du Québec. Les obligations de résultats,
on va les obtenir le jour où les associations sectorielles ou les
comités de santé et de sécurité du travail locaux
ou la commission formée par des représentants des employeurs et
des travailleurs pourront intervenir dans la question de la santé et de
la sécurité du travail. Là, M. le Président, on
obtiendra des obligations, on sera placé devant des obligations de
résultats, résultats qui ne pourront faire autrement que
d'être bénéfiques à l'ensemble des
Québécois, à deux aspects, premièrement, en
préservant leur santé, et rappelons-nous le retrait
préventif étendu à l'ensemble des travailleurs du
Québec, si ce n'est pas préserver un capital aussi important,
parce qu'on est capitaliste au Québec, M. le Président... (21
heures)
Notre principal capital, ce sont encore les humains que le Québec
contient. C'est encore leur compétence, leur valeur au travail. Ce
serait un résultat positif pour le Québec le jour où on
aura protégé l'ensemble des travailleurs québécois
contre les maladies, les accidents au travail et les décès au
travail. Le jour où on ne pourra plus se scandaliser de la situation
dans ce milieu, où on ne pourra plus se laisser aller de façon
débridée contre les grèves, parce que les grèves
nous font perdre plus de jours-homme par année que les accidents de
travail, on pourra être satisfait, parce que tous en profiteront,
à la fois les travailleurs, à la fois les entreprises. Si tout le
monde en profite, travailleurs et entreprises, forcément, l'ensemble des
contribuables en profitera aussi.
M. le Président, je souhaite que les représentants de
l'Opposition qui pensent, selon le milieu qu'ils représentent, selon les
travailleurs qu'ils représentent, que les députés des
oppositions, dis-je, se rendront compte que ces principes de base dans la loi
17 sont essentiels et qu'ils voteront pour, en deuxième lecture, en
sachant que ce côté-ci de la Chambre, lorsqu'on sera rendu
à l'étude article par article en commission parlementaire, nous
serons les premiers à les épauler dans tous les amendements qui
rendront la loi plus musclée, plus parfaite, plus protectrice pour les
travailleurs. M. le Président, je vous remercie.
Le Vice-Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Armand Russell
M. Russell: Merci, M. le Président. Vous me permettrez,
pendant quelques minutes, de m'exprimer sur cette loi qui nous est
déposée, Loi sur la santé et la sécurité du
travail, qui nous fut expliquée cet après-midi par le ministre,
qui veut bien défendre cette loi d'une façon aussi objective,
aussi convaincante, qu'il peut être lui-même convaincu.
Je voudrais, Mme la Présidente, dans les quelques minutes qui
sont à ma disposition, tâcher de m'exprimer selon ma façon
de voir les valeurs qui encadrent cette loi. Evidemment, comme bien d'autres
lois, des principes exposés, sont, nous sommes tous d'accord, pour la
protection du travailleur et de sa santé. Je ne connais aucun employeur
au Québec qui ne peut être pour ces grands principes qui ont
été exposés d'une façon aussi convaincante et
convaincue, je pense bien, par le député de Sainte-Marie.
Nous avons écouté plusieurs exposés cet
après-midi et durant la journée, qui nous ont donné
plusieurs points de vue sur cette loi qui est devant nous et qui est à
l'étude actuellement en
deuxième lecture. Le député de Richmond a voulu,
à sa manière, nous exposer son point de vue sur les grands
principes. Plusieurs autres députés ont voulu, eux aussi, nous
exposer leur manière de voir ce que comprenait cette loi. On va nous
dire que la plupart des principes incorporés à l'intérieur
de cette loi, comme il s'agit d'une loi-cadre, comme l'a dit le
député de Sainte-Marie, que ces pouvoirs, dis-je existent
actuellement. Je ne peux pas le nier. C'est vrai que plusieurs de ces pouvoirs
existent actuellement. Ils sont répartis à l'intérieur de
plusieurs ministères. On veut les grouper pour en faire une seule loi
plus facile d'administration, qui serait d'un contact plus facile pour la masse
des ouvriers. Je présume que par la même occasion, on veut aussi
tâcher d'exposer que ce serait plus facile pour les employeurs. Je pense
bien que c'est un principe sur lequel tout le monde veut être
d'accord.
Mais quand on examine la loi bien objectivement, on commence à se
rendre compte que cette loi va beaucoup plus loin que cela. Cette loi donne
beaucoup plus de pouvoirs que les lois existantes. Cette loi va coûter
beaucoup plus cher d'application que les lois existantes. On se cache
derrière ce voile très impressionnant en disant: Ceci, c'est pour
la protection des travailleurs, qui n'est pas un luxe, et tout le monde est
d'accord qu'au Québec, pour protéger la santé des
travailleurs, personne ne veut rien épargner.
On veut tout mettre en oeuvre et c'est là-dessus qu'on se penche
d'une façon très émotionnelle. Tout le monde est d'accord.
Tout le monde vise le même but, mais je pense qu'il faut regarder
exactement ce à quoi on veut en venir. Si banale que puisse
paraître la loi, je pense qu'il y a des points qui méritent
d'être examinés.
Quand on parle des principes incorporés à
l'intérieur de cette loi, on dit qu'à l'avenir une personne
pourra quitter son travail à volonté si elle prétend qu'il
y a un danger pour sa santé. A ce que je sache, cette liberté n'a
été brimée pour aucun travailleur qui travaille
actuellement au Québec. Aucun employeur ne peut empêcher quelqu'un
de quitter son travail si celui-ci prétend qu'il y a un danger pour sa
santé. On va lui dire qu'il y aura des sanctions, son
congédiement, etc.
Mme la Présidente, il faudrait quand même être juste
un peu. On tente de laisser croire que tous les employeurs sont des
exploiteurs. C'est exactement ce qui ressort, surtout quand on écoute le
député de Sainte-Marie qui a un préjugé favorable
envers les travailleurs. Je suis d'accord. Il peut peut-être me dire que
j'ai aussi un préjugé favorable envers les employeurs. Je suis un
employeur et j'ai encore des employés à mon emploi. Je n'ai
jamais puni et je ne punirai jamais un employé qui va quitter son emploi
parce qu'il prétend que cela peut être dangereux pour sa
santé. Je serais bien heureux que mes employés me le soulignent
et on prendra les dispositions pour corriger la situation. C'est normal chez
nous, c'est normal dans la plupart des industries qui existent.
Ce qu'on tente de démontrer par cette loi, c'est un écran
de fumée. On a parlé de nivelage par la base. J'ai dit: On
nivelle par en haut. C'est vrai que chez les employeurs il y a des exceptions
comme il y en a chez les employés. Comme on prend les deux points et
qu'on veut niveler par en haut, on voudrait que Steinberg ou les autres
épiceries soient placés dans la même position qu'une
fonderie, I'lron Ore ou une autre industrie du même genre. Je pense qu'on
déplace un peu le problème. J'aurais été d'accord
pour examiner secto-riellement les problèmes objectivement, pour
protéger les employés. On est tous d'accord.
Mais il y a une question à laquelle le ministre n'a pas
répondu. Dans sa réplique, il aura le privilège d'y
répondre. Combien cela va-t-il coûter? Est-ce que nous, les
Québécois dans l'industrie, nous pouvons nous payer le luxe de
débourser plus qu'on ne le fait actuellement pour protéger les
travailleurs? Est-ce que nous sommes plus exploiteurs que les gens des autres
provinces du Canada? Est-ce qu'on a un pourcentage d'accidents plus
élevé qu'ailleurs en tenant compte des pourcentage d'emploi que
nous avons au Québec? Cela n'a pas été dit par le ministre
cet après-midi. Est-ce que c'est réellement vrai lorsqu'on
étale devant nous le nombre de journées perdues par la maladie,
comme l'a fait le député de Sainte-Marie? Emotionnellement, c'est
gentil, c'est beau, c'est impressionnant, mais quels sont les faits? Est-ce
que, réellement, toutes ces causes, pour lesquelles on paie, nous les
employés, qui sont remboursées par la Commission des accidents du
travail sont réellement dues à la négligence de
l'employeur ou si ce n'est pas dû dans bien des cas à la
négligence de l'employé? Il faudra examiner cela objectivement
pour savoir qui est en cause dans chacun des cas.
En parlant par expérience, la majorité des accidents qui
arrivent est due souvent à la négligence de l'employé
plutôt que de l'employeur. Rappelons-nous une chose: s'il y a une cause
où l'employeur a été averti d'avance, qu'il a fait preuve
de négligence et que cela peut se prouver, un employé a toujours
recours selon le Code civil. Je ne suis pas un avocat, mais, pour avoir
vécu ces causes, je le sais.
On arrive aujourd'hui avec une loi-cadre qui englobe tout cela, qui
rejette la totalité de la responsabilité sur l'employeur. On
forme des comités à l'intérieur de l'industrie sur
lesquels l'employeur n'a presque aucune autorité. Avez-vous vu bien des
industries, aussi bien que des gouvernements, qui fonctionnent sans patron? On
semble en avoir un actuellement, un gouvernement qui fonctionne sans patron.
(21 h 10)
Vous savez comment cela marche. Dans une usine, c'est la même
chose. Dans des comités, que ce soit pour la protection de l'employeur,
cela va être exactement la même chose. Qui va rendre les
décisions? Cela sera le fonctionnaire. Et qui est-il ce gars? Bien
intentionné soit-il, je voudrais bien que cet inspecteur qu'on paie,
j'imagine, grassement, parce que le fonctionnaire est assez bien payé,
soit un gars d'expérience dans le domaine de l'industrie qu'il viendra
visiter, mais ce n'est
pas souvent le cas. On a affaire à des inspecteurs qui ont appris
leur leçon à l'école en faisant des grandes études
à l'université. Je ne dénonce pas ces certificats
universitaires, mais j'aimerais bien qu'on accroche quelques certificats
d'expérience pratique pour être capable de juger réellement
si c'est l'employeur qui est en cause ou si c'est l'employé et
être juste, parce que c'est toujours l'employeur qui paie la facture.
Surtout par cette loi, quand j'examine les coûts que cela va
représenter, je suis un petit peu renversé. Je vous dis cela sans
aucun parti pris parce que je veux, moi aussi, la protection de mes
employés.
A ce que je sache, je n'ai pas travaillé autrement que dans ce
sens depuis que je m'occupe d'administration d'industrie et cela fait quelques
années. Seulement une trentaine d'années que je le fais. Je
défie mes employés de venir me dire que je n'ai pas toujours fait
en sorte de les protéger. On a de ces inspecteurs actuellement qui
travaillent dans ce sens et qui font bien leur travail, qui viennent, qui nous
imposent des normes, qu'on dit d'avance ridicules, mais on les fait quand
même. Cela nous coûte de l'argent, mais on le fait pour justifier
l'inspecteur; on ne veut aucun doute. Souvent, ces gardes qu'on nous fait
poser, on sait d'avance qu'ils sont plus dangereux que s'il n'y en avait pas.
On les fait quand même. Cela nous coûte de l'argent, mais pour
respecter leur opinion, conserver leur autorité, pour tâcher de
démontrer qu'on veut réellement protéger nos
employés, on le fait quand même. Cela n'empêche pas les
accidents d'arriver.
Quand on compare le nombre d'employés qu'on a au Québec et
le nombre d'accidents qui arrivent, est-ce que ce n'est pas une situation
normale, dans plusieurs des cas, qu'il arrive des accidents? Si on ne veut pas
avoir d'accidents ou si on veut baisser le taux d'accidents, on n'a qu'à
remonter le taux de chômage. C'est ce qu'on semble vouloir tenter pour
diminuer les accidents. On va remonter le taux de chômage. Il va y avoir
moins de gens qui vont travailler. On aura certainement moins d'accidents.
Aussi ridicule que de penser au domaine de l'automobile. On compare cela aux
accidents d'automobiles. Ce n'est pas des comparaisons qui vont ensemble du
tout. Je pourrais bien dire: Si vous ne voulez pas d'accidents sur les routes,
bannissez toutes les automobiles, vous n'aurez plus d'accidents. En voiture ou
en sleigh, je n'en connais pas tellement d'accidents ou il en arrive beaucoup
moins.
Mme la Présidente, l'employeur, quand même, malgré
cette loi, a fait un petit peu quelque chose. Vous savez que le Québec
est la province qui compense le mieux les accidentés. On est la seule
province qui compense à 90% nos accidentés. Est-ce parce qu'on
est coupable ou si c'est parce qu'on veut réellement aider nos
accidentés? Toutes les autres provinces du Canada, quand je regarde les
statistiques, c'est 75% du salaire. Au Québec, c'est 90% du salaire. Je
pense que nous faisons déjà notre part. Cela coûte un
demi-milliard, je suis d'accord. Je n'aime pas plus à payer que les
autres.
Est-ce que je suis réellement l'employeur qui est responsable de
tout cela? Est-ce que cette loi va réellement corriger tout cela? Vous
voyez ce qu'on a devant nous ici. Cela va corriger tous les problèmes?
Non. A mon sens, cela va les compliquer et je m'explique. Vous avez dans cette
loi, Mme la Présidente, 337 articles. Je ne dirai pas que tous les
députés ne l'ont pas lue. Je suis convaincu que le
député de Sainte-Marie et les autres qui ont parlé l'ont
lue. Ils ont travaillé dessus, d'ailleurs, le ministre nous a dit qu'il
avait été bien heureux d'avoir eu leur support, ils ont
voyagé à travers le Québec, le Canada, la Suède et
d'autres, je leur en suis très reconnaissant. Mais en comparaison de ce
qui se passe chez nous, je pense qu'on est à un niveau aussi
élevé que les autres. Cela ne nous donne pas de justification de
dire qu'on ne peut pas faire plus pour les nôtres.
Tout le monde, tous les employés sont d'accord à se mettre
ensemble pour faire plus, mais ce qu'on voudrait tâcher de conserver,
c'est cette possibilité de contrôler ce plus qu'on veut faire
quand on paie la facture, pas se la faire imposer par d'autres.
On va me dire: Faites donc confiance aux unions ouvrières et aux
employés. Je ne mets pas en doute les unions ouvrières et encore
moins les employés, et beaucoup moins les employés. En 1964,
lorsqu'on a donné le droit de grève aux fonctionnaires du
gouvernement et des organismes paragouvernementaux, là où il y a
un monopole, on a dit, en ce temps: C'est simplement pour équilibrer un
peu les choses, on est certain que ces gens ne s'en serviront pour menacer. On
va s'en servir simplement pour égaliser les salaires, pour être
certain de faire en sorte qu'on est aussi bien servi que dans l'entreprise
privée. On a cédé aux pressions volontairement, on a dit:
C'est bien raisonnable, c'est une demande justifiée et ça a
été fait.
Vous avez entendu les propos du premier ministre; on en sert pourquoi
aujourd'hui? Le droit de grève est censé être, dans
l'entreprise privée et encore plus dans l'entreprise, un dernier
recours. Mais ce n'est pas ça qu'on fait, on l'utilise comme
système de pression constante pour arriver à un objectif qu'on
sait d'avance être plus élevé, en revenus et en
obligations, que celui que l'entreprise privée peut se payer. Mais on
dit: L'entreprise publique, c'est le gouvernement, il a le moyen de payer, il
n'y a aucune hésitation. Mais c'est qui le gouvernement, si ce n'est pas
Jean-Baptiste Tout-le-Monde? Ce n'est pas moi, le gouvernement, ce n'est pas le
député d'Argenteuil, pas plus que c'est le premier ministre
actuel et les autres; on est simplement des administrateurs, c'est là
notre responsabilité et on n'a pas le droit de créer des
obligations comme on tente de le faire actuellement.
Cette loi qui nous est présentée ce soir, je voudrais
être capable de l'adopter, mais je voudrais m'assurer d'avance que ceux
qui vont avoir à l'appliquer ne seront pas pris avec un fonctionnarisme
démesuré, une papeterie incontrôlable et que cela ne nous
coûtera pas un prix administratif
exorbitant. C'est de ça que j'ai peur et c'est ça que le
ministre n'a pas exposé, c'est à ça que le ministre n'a
pas répondu. Combien y aura-t-il de nouveaux inspecteurs ajoutés
à ceux qu'il y a actuellement? Est-ce que les inspecteurs du
ministère du Travail et d'autres ministères vont être
mutés? Est-ce que ça va devenir des nullités et les
remplacera-t-on par autres choses? Est-ce que les coûts qu'on paie dans
les autres ministères font partie du coût de l'administration de
cette loi? Cela n'a pas été exposé, le ministre aurait
dû nous donner ces chiffres, je pense que ça aurait
été raisonnable; c'est à ça qu'il aurait dû
répondre.
Quand on parle du grand principe, je sais qu'on met de côté
tous les dollars; on va dire: Le contribuable va épargner tellement
d'argent. C'est une farce, on va tâcher d'avoir une amélioration
constante pour éliminer graduellement les accidents, comme ça se
fait dans chacune des entreprises. On fait ça, chez nous, tous les
jours; on a des ingénieurs qui, ensemble, étudient avec nos
employés, les gars qui travaillent tous les jours, les conditions de
travail. On les étudie, on n'est pas des malades, on veut garder nos
employés, surtout dans ces cas, nos meilleurs employés, on les
bâtit, ça nous coûte des dollars pour les amener à
des niveaux productifs. On ne veut pas qu'il leur arrive des accidents, on ne
veut pas les perdre, on veut les conserver, on tâche de trouver les
meilleurs moyens pour les protéger. On accepte chacune des suggestions,
on a des boîtes à suggestions; pas seulement chez nous, Mme la
Présidente; plus l'usine est grosse, plus il y a de suggestions.
J'ai visité des usines comme I'lron Ore et d'autres du même
genre; elles ont leurs faiblesses, mais elles sont assez bien
organisées; je pense que les employés sont bien traités.
Vous allez me dire: Là, il y a des unions et les gars sont
tassés, les employeurs sont obligés d'agir, ils n'ont pas le
choix. C'est aussi faux, ces gens sont des administrateurs qui ont à
coeur la protection de ceux qui les aident à réaliser l'objectif
de production d'une usine. Je pense que c'est raisonnable, mais ce que je ne
trouve pas raisonnable, Mme la Présidente,, c'est d'arriver avec une loi
comme celle-là et d'enlever complètement des mains de celui qui
est responsable de produire dans le Québec le pouvoir d'administrer et
de prendre ses responsabilités. (21 h 20)
Dans le passé, les employeurs ont démontré qu'ils
étaient capables de prendre leurs responsabilités, laissons-leur
cette responsabilité, avec d'autres obligations. Ils vont les prendre
objectivement, ils pourront relever le défi. N'enlevons pas de leurs
mains cette possibilité de le faire; c'est ce qu'on fait par cette loi.
De plus, on est actuellement surchargé d'impôts qui nous viennent
d'un bord et de l'autre. On nous en met d'autres sur le dos. On va dire: C'est
le gouvernement qui va payer! On dit dans la loi que les inspecteurs vont
être payés par le gouvernement. Mais c'est qui, le gouvernement?
Qui va payer la facture? C'est encore l'employeur et souvent l'employé.
On n'est plus capable de payer, au Québec. Je pourrais vous
démontrer d'une façon bien claire que le Québécois
est le citoyen canadien le plus taxé de tout le Canada et on arrive
encore avec une loi sur laquelle on n'a aucun contrôle, ce qui pourrait
nous démontrer que cela pourrait baisser les coûts que
représente l'application d'une loi?
Pour toutes ces raisons, je dis au ministre, comme l'a fait le
député de Richmond cet après-midi d'une façon
très objective, que s'il peut répondre à toutes nos
inquiétudes et les éliminer de notre esprit, nous serons
prêts à l'appuyer sur le grand principe d'une meilleure protection
pour nos employés au Québec, mais pas en plaçant devant
eux un écran de fumée leur promettant une protection, pour, par
derrière, arriver avec une taxation additionnelle pour payer un paquet
d'inspecteurs qui vont leur créer des embêtements et qui vont
faire en sorte que des usines vont dire: Dans ces conditions, on va aller
ailleurs qu'au Québec. Cela se fait dans bien des cas.
Mme la Présidente, je vous remercie des quelques minutes que vous
avez mises à ma disposition. J'aurais beaucoup d'autres choses à
dire là-dessus. J'aurais aimé vous parler de plusieurs genres
d'industries qui existent au Québec et dans lesquelles nos
employés sont mieux protégés que dans d'autres parties du
Canada. Nos lois, si imparfaites soient-elles, sont aussi bonnes que toutes les
lois des autres provinces. On pourrait essayer de les bonifier, mais qu'on ne
nous arrive pas avec une brique comme celle-là qui ne nous donne aucune
satisfaction, nous législateurs, qui sommes responsables
vis-à-vis de nos commettants, les contribuables du Québec. Merci,
Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Si j'interviens sur
ce projet de loi, c'est avec...
M. Lamontagne: Mme la Présidente, question de
règlement, s'il vous plaît!
M. Perron: Bon, Mme la Présidente, ça commence!
M. Lamontagne: Je ne sais pas si vous l'avez constaté
comme moi...
La Vice-Présidente: Sur une question de règlement,
M. le député de Roberval.
M. Lamontagne: Oui, c'est tout simplement pour constater que nous
n'avons pas quorum.
La Vice-Présidente: Nous allons vérifier
immédiatement, M. le député.
M. Marcoux: On a quorum.
La Vice-Présidente: Nous avions effectivement quorum, M.
le député, vous avez compté de l'autre
côté.
M. le député de Duplessis.
M. Lamontagne: J'ai regardé du côté du
pouvoir, non pas du côté de l'Opposition.
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Je
vous en prie, il n'y avait pas lieu de faire une question de
règlement.
M. Chevrette: Au début de l'Assemblée, il n'y avait
qu'un membre...
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: II n'y en avait qu'un!
La Vice-Présidente: M. le député de
Joliette-Montcalm, si vous avez l'intention d'intervenir, vous devriez vous
trouver à votre place.
M. le député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Je remarque que pour
l'Opposition, et spécialement le député de Roberval, tous
les moyens sont bons pour empêcher le député de parler. Je
disais donc que c'est avec fierté et même avec une certaine
émotion que je parle sur ce projet de loi. Je voterai même en
faveur de ce projet de loi, et ce pour deux raisons. Je le fais avec
fierté à cause du beau travail qui fut fait pour préparer
un tel projet de loi sur la santé et la sécurité au
travail au Québec; il a été produit par un groupe de
personnes, en particulier par le ministre d'Etat au Développement social
et son cabinet, les fonctionnaires qui accompagnaient son cabinet, et certains
d'entre nous qui y ont travaillé à plusieurs reprises afin de
bonifier, du mieux qu'on le pouvait, ce que nous avons devant nous ce soir en
deuxième lecture. Avec émotion aussi, parce qu'on l'attend depuis
longtemps.
Les travailleurs et les travailleuses du Québec attendent depuis
des dizaines et des dizaines d'années que dans le monde industriel on
fasse quelque chose au niveau des lois pour permettre une meilleure
santé et une meilleure sécurité au travail. Bien
sûr, les libéraux nous diront qu'ils avaient des intentions, mais
je peux vous assurer que ces intentions ne se sont pas converties en quelque
chose de bien concret, alors que le gouvernement du Parti
québécois a effectivement eu le vouloir politique pour
réussir ce que nous avons devant nous.
J'entendais un membre du Parti libéral nous signifier qu'on
n'avait pas fait d'études appropriées en rapport avec le projet
de loi no 17, soit celui sur la santé et la sécurité du
travail. Je dois dire, contrairement à ce qui s'est passé pour
certains projets de loi que les libéraux ont adoptés entre 1970
et 1976, qu'il y a effectivement eu des études sur ce projet de loi.
Depuis trois ans qu'on y met un paquet de travail, depuis trois ans qu'on y a
mis des heures et des heures. Je dois vous dire que j'en ai assez, et
carrément assez, de la façon dont le Parti libéral a agi
jusqu'à maintenant au cours de la deuxième lecture de ce projet
de loi.
Nous avons eu des études qui ont été faites
à peu près partout. Nous avons eu des études dans le
domaine de l'amiante; nous avons eu des études dans le domaine des
pêcheries; nous avons eu des études par l'ancien gouvernement
libéral dans le domaine de la foresterie. Par contre, réellement,
des choses concrètes qui furent faites par l'ancien gouvernement, je dis
non, surtout dans le milieu du travail.
J'ai entendu certains libéraux parler pour et, en même
temps, contre le projet de loi. Ils voteront même contre le principe.
Maintenant, je me posais la question à l'heure du souper: Pourquoi
contre? Probablement parce qu'ils veulent démontrer à leurs
petits amis des chambres de commerce, des gros présidents de compagnies
qui fournissent dans la caisse électorale de leur parti...
Une Voix: Les compagnies ou les présidents?
M. Perron: Les deux; c'est à peu près la même
chose, de toute façon.
M. Ryan: Mme la Présidente, question de privilège.
Le député des insinuations calomnieuses sur notre parti, en
laissant entendre que nous recevrions des fonds qui seraient versés
illégalement.
M. Perron: Ils ont le droit en vertu de la loi 2.
M. Ryan: Je tiens à demander au député de
retirer ces calomnies.
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Perron: Je pourrais répondre, Mme la Présidente,
au chef...
La Vice-Présidente: A l'ordre! ... A l'ordre! ... A
l'ordre, s'il vous plaît! ... M. le député de Frontenac,
s'il vous plaît! ...
M. le député de Duplessis.
M. Perron: Mme la Présidente, je pourrais répondre
au chef du Parti libéral que je faisais allusion aux $710 000 qu'il a
mis dans sa caisse électorale, qui se rapportent aux travaux des Jeux
olympiques.
Pourquoi parler pour? C'est parce qu'ils veulent se donner bonne bouche
devant les travailleurs et les travailleuses du Québec. Cependant, ils
vont voter contre. Vous autres, les libéraux, vous dites non et je me
demande vraiment pourquoi. Vous dites non au principe d'assurer aux hommes et
aux femmes qui travaillent des droits réels aussi
élémentaires et naturels que de pouvoir protéger
adéquatement leur vie, leur santé et leur intégrité
physique. Je puis vous dire que je dirai oui, ainsi que le côté
ministériel.
Vous autres, les libéraux, vous dites non au principe de donner
aux travailleurs et aux employeurs les moyens nécessaires pour assurer
progressivement l'élimination des dangers à la source et mettre
en oeuvre tous les moyens de prévention, de dépistage
précoce et de protection nécessaire. Moi, je dirai oui, ainsi que
le côté ministériel. Vous dites non au principe
d'intégrer de façon cohérente les sept lois et les 20
règlements qui régissent actuellement ces questions de
santé et de sécurité au travail. Moi, je dirai oui, Mme la
Présidente. Vous autres, les libéraux, vous dites non au principe
de mettre fin à l'éparpille-ment des services d'inspection... (21
h 30)
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: J'attendais cette question de
règlement, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. D'ailleurs, j'ai
essayé à trois reprises de le signaler. Pourriez-vous demander au
député de bien vouloir s'adresser à la présidence
plutôt qu'à nous, les libéraux qui travaillons
présentement à des choses sérieuses?
La Vice-Présidente: M. le député de
Duplessis, j'attendais un peu cette question de règlement. Je vous
demanderais, comme il sied dans cette Assemblée, que vous vous adressiez
à la présidence de l'Assemblée. Vous pouvez parler des
gens à la troisième personne, si vous le voulez mais il faut que
vous vous adressiez à moi, M. le député.
M. Perron: D'accord, Mme la Présidente. Je disais donc que
les libéraux disent non au principe de mettre fin à
l'éparpillement des services d'inspection et d'assurer les ressources
humaines et surtout une permanence régionale suffisante et efficace.
Moi, je dirai oui. Mme la Présidente, les libéraux disent aussi
non au principe qu'un travailleur ou une travailleuse puisse être entendu
devant la commission et être représenté par une personne de
leur choix.
Lorsqu'on relit attentivement ce que les libéraux ont dit et
même ce que les unionistes ont dit jusqu'à maintenant dans la
deuxième lecture du projet de loi, j'ai la forte impression que les
partis de l'Opposition n'ont jamais vraiment fait le tour des usines, en tout
cas, de certaines usines du Québec. Ils n'ont jamais vraiment
écouté des bruits sonores à l'intérieur de l'une ou
l'autre de ces usines de peur, probablement, de défoncer le tympan de
leurs oreilles vierges. Ils ne sont jamais non plus probablement entrés
dans l'une ou l'autre des usines où il y avait des émanations de
gaz comme, par exemple, à I'lron Ore ou encore à Québec
Cartier Mining parce que cela aurait pu déranger leurs sentiments. Ils
n'ont jamais non plus été dans certains endroits où il y
avait un paquet huileux ou graisseux, surtout pour ne pas salir leurs petits
souliers, comme le dirait Félix
Leclerc. Lorsqu'on considère encore ce non très concret
que nous ont donné cet après-midi les libéraux et les
unionistes, on peut dire qu'ils ont carrément suivi leurs chefs qui,
depuis un bon nombre de mois, disent non à la majorité des
projets de loi qui sont déposés devant cette Assemblée
nationale.
Les grands principes du projet de loi sont la participation des parties,
soit celle des travailleurs et celle des employeurs, les droits et obligations
des deux parties, les comités de santé et de
sécurité du travail, la dispensation des services, la
création de comités de santé et de sécurité,
le droit de recours, les sanctions pénales, la transition en ce qui a
trait à la période et même des amendements à la loi
de la commission. Je n'ai pas l'intention de toucher l'ensemble de ce que je
viens de mentionner, mais je voudrais simplement dire ceci, Mme la
Présidente.
Ce projet de loi, qui est carrément à caractère
social et pour l'ensemble du Québec, des Québécois et des
Québécoises, est selon moi la première version que,
jusqu'à maintenant, j'aie pu lire, de même, probablement, que la
majorité de mes collègues, en ce qui a trait aux lois de travail
et spécialement dans le domaine de la santé et de la
sécurité du travail. C'est une loi qui me paraît, en tout
cas, pratiquement complète puisqu'elle touche à peu près
tous les secteurs dans le domaine manufacturier. Elle touche même le
domaine de la construction. Si on voulait avoir une loi-cadre au Québec,
c'est justement pour bien exprimer que le gouvernement voulait toucher
l'ensemble du Québec, l'ensemble de ses citoyens et de ses citoyennes.
Vous avez, d'une part, les syndiqués qui, actuellement, sont
protégés par des conventions collectives. Et même s'ils
sont protégés par ces conventions collectives, comme le disait le
député de Sainte-Marie, on a eu des grèves qui
étaient légales, et même illégales, qui se
rapportaient à la santé et à la sécurité au
travail.
Aujourd'hui, nous avons l'article 4 qui protège le droit de ces
travailleurs syndiqués de se servir soit de la loi ou de leurs
conventions collectives. Vous avez, d'autre part, les autres 70% de
non-syndiqués qui sont sur le marché du travail actuellement, des
hommes et des femmes, qui n'avaient presque rien à l'intérieur du
Code du travail comme protection. Maintenant, la loi couvrira ces gens. Je peux
donner des exemples de certaines conventions collectives qui existent
actuellement dans le comté de Duplessis et même depuis un bon
nombre d'années. Suite à une convention collective
négociée en 1966, la compagnie Québec Cartier Mining et le
Syndicat des métallos sont venus à une entente afin qu'un
comité soit formé en ce qui a trait à la santé et
la sécurité au travail. Ce comité fonctionne depuis
maintenant près de quatorze ans. En même temps, à la
Québec North Shore, à Baie-Comeau, en 1963, un autre
comité a été formé en rapport toujours avec la
santé-sécurité au travail et ce comité fonctionne
toujours au moment où on se parle, soit seize ans après.
Mais ce qu'on voulait réellement, c'était de faire en
sorte qu'on ait une loi concrète, au Que-
bec, qui touche l'ensemble des travailleurs et des travailleuses. Je
pense qu'avec le projet de loi no 17 on l'a. Pas beaucoup de
députés en cette Chambre ont visité, par exemple, les
ateliers de la ville de Schefferville. Moi-même et le ministre d'Etat au
Développement social sommes allés en visiter une partie qui
touche justement la soudure. Je peux vous assurer que même les
mécanismes techniques qui sont en place actuellement pour
vérifier les émanations de gaz sont complètement
désuets, et, à ce que je sache, ils ne sont même pas
approuvés. Ces travailleurs veulent vraiment avoir quelque chose de
concret afin de protéger leur santé et leur
sécurité.
En tout cas, pour moi, Mme la Présidente, il n'y a sûrement
pas de prix pour une vie humaine et c'est encore la même chose pour la
santé de l'être humain lui-même. C'est ce que veut
régler le projet de loi. En terminant, Mme la Présidente, je
voudrais dire merci à tous ceux et à toutes celles qui ont
travaillé à faire en sorte que nous ayons ce projet de loi devant
nous et spécialement au ministre d'Etat au Développement social.
Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, je voudrais vous dire tout
d'abord le vif intérêt que nous avons de ce côté-ci
de la Chambre pour les problèmes qui font l'objet du projet de loi no
17. La parti ministériel aime se vanter de l'intérêt
soi-disant exclusif qu'il aurait pour ces questions. Je m'étonne, en
entendant ses porte-parole, de constater combien ses représentants sont
peu nombreux dans cette Chambre pour un débat aussi vital. A certains
moments du débat ce soir, et des moments assez longs, je les ai
comptés, Mme la Présidente. Je pense que vous étiez
distraite, parce qu'il y a eu un moment où nous étions douze dans
cette Chambre. Il y en avait quatre ou cinq de l'autre côté. C'est
bon que le public le sache.
La Vice-Présidente: Sur la question de règlement,
M. le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, question de
règlement. Premièrement, le chef de l'Opposition met en doute
votre parole quand vous avez compté, selon le règlement;
deuxièmement, quand l'Assemblée a commencé, seule la
députée de Prévost était dans cette Chambre.
Drôle d'intérêt pour le parti de l'Opposition.
La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Je tiens à souligner que je n'ai pas osé
de mettre votre parole en doute. J'ai parlé d'une situation qui existait
avant que votre atten- tion soit attirée sur cette question. Mme la
Présidente, revenons au sujet. (21 h 40)
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: Je m'étonne toujours de voir...
La Vice-Présidente: Je vous demanderais le calme. Je
n'avais pas compris que M. le chef de l'Opposition officielle mettait ma parole
en doute. Je conviendrai avec vous qu'il peut y avoir eu certains moments
où nous n'avons pas eu quorum en cette Assemblée, mais au moment
où la question a été soulevée, ce n'était
pas le cas. M. le chef de l'Opposition officielle, c'est vous qui avez la
parole.
M. Ryan: Je pense que vous me reconnaissez le droit de faire mes
constatations, Mme la Présidente. On a la liberté de parole dans
cette Chambre.
La Vice-Présidente: Sauf, M. le chef de l'Opposition
officielle, que vous devez maintenant parler sur le contenu du projet de loi,
ses principes fondamentaux et la valeur intrinsèque du projet de loi no
17.
M.Ryan: J'espère bien que vous ne m'enlèverez pas
ces cinq minutes qui m'ont été coupées depuis le
début de mon intervention.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît!
M. Ryan: Le parti ministériel s'étonne souvent
depuis quelque temps de constater que l'Opposition officielle remplit son
rôle, celui pour lequel elle existe dans notre système de
gouvernement en votant non à certains projets de loi qui ne
répondent pas à ses convictions profondes. Je suis toujours
étonné de voir combien de nos amis d'en face ont de la
difficulté à comprendre le point de vue de l'autre. C'est
vraiment leur talon d'Achille et ils le manifestent chaque fois que nous osons,
dans un souci de fidélité à notre rôle et à
nos convictions, exprimer certaines réserves, voire de l'opposition
à leurs projets. On peut être opposé à quelqu'un et
comprendre en même temps son point de vue, accepter qu'on ait des
opinions foncièrement différentes, voire opposées sur une
question, mais cette espèce de souci maladif d'unanimisme que j'ai
souvent observé de l'autre côté de la Chambre
m'apparaît comme une caricature de l'esprit démocratique
véritable.
Etant donné un étonnement souvent manifesté depuis
quelque temps par nos amis d'en face, je voudrais préciser au
début de mon intervention l'esprit dans lequel nous concevons nos
interventions sur les projets de loi du gouvernement dans cette Chambre.
Premièrement, nous votons suivant notre conscience, honnêtement
éclairée, autour de tous les projets importants. La
manière dont nous votons est arrêtée à la suite
d'une étude sérieuse du dossier puisée aux meilleures
sources
possibles et aussi de discussions approfondies au sein de notre
équipe. Nous respectons la liberté d'opinion de chacun de nos
membres, mais, quand l'esprit d'équipe existe dans un parti, il n'est
pas nécessaire que l'on rappelle constamment l'un ou l'autre membre
à l'ordre ou que des membres soient obligés de faire circuler des
documents secrets dans l'espoir d'être entendus.
Mme la Présidente, ce n'est pas le titre d'un projet de loi ni
son objectif très général qui doit inspirer notre
décision, mais la méthode générale que le
gouvernement propose pour atteindre la fin envisagée. On nous
présente un projet de loi cette fois-ci intitulé Loi sur la
santé et la sécurité du travail. On dont considérer
que nous sommes assez intelligents pour ne pas voter sur un titre comme
celui-là, pas plus que je n'aurais voté en faveur de la Charte de
la langue française parce qu'on lui avait donné le nom majestueux
de charte. On aime bien voir le contenu. On aime bien voir... Je suis contre le
chapitre qui fera l'objet d'une décision en Cour suprême
demain.
M. Godin: Mme la Présidente... M. Ryan: Je l'ai
écrit souvent.
La Vice-Présidente: Vous avez une question de
règlement, M. le député de Mercier?
M. Godin: Je comprends que les libéraux donnent
l'impression d'être plus nombreux qu'ils ne le sont mais le
député de Robert Baldwin...
La Vice-Présidente: M. le député de Mercier,
s'il vous plaît! M. le député de Roberval, s'il vous
plaît! M. le député de Roberval, je vous demanderais de ne
pas continuer davantage dans cette façon de faire. Le
député dont il était question précédemment
n'avait pas demandé la parole. Je demanderais au député de
Westmount, lui aussi, s'il vous plaît, de permettre à M. le chef
de l'Opposition officielle de s'exprimer dans le calme. Je vous en prie.
M. Ryan: Merci, Mme la Présidente, de votre
mansuétude.
J'essayais d'expliquer que l'on ne saurait se prononcer sur un projet de
loi seulement à partir du titre du projet ou, encore, de l'intention
vertueuse qui l'inspire. Nous sommes tous pour la vertu; nous sommes tous pour
les grands desseins généreux qu'on nous présente souvent
dans cette Chambre. Je voudrais que ce soit clairement entendu une fois pour
toutes. Ce que nous devons juger, c'est la méthode fondamentale que l'on
propose pour apporter des solutions au problème sur lequel on attire
l'attention de cette Chambre.
Certaines solutions ont l'avantage de reposer sur des principes
foncièrement acceptables au gouvernement et à l'Opposition. Dans
ces situations, nous sommes très heureux de voter avec le gouvernement,
comme nous l'avons fait souvent, d'ailleurs, au cours des dernières
semaines et des derniers mois, mais ces occasions sont plutôt ra- res.
J'ajouterai, Mme la Présidente, que c'est tant mieux. Il n'y a rien de
plus dangereux que ce faux conformisme, ce faux "unanimisme" que le
gouvernement voudrait continuellement créer autour de ses grands
projets. Je dis aux représentants du gouvernement dans cette Chambre:
Quittez vos illusions, cessez vos exhortations, essayez de comprendre pourquoi
dans une société démocratique il existe des courants
d'opinion foncièrement opposés sur certaines questions.
Nous comprenons les motifs qui animent le gouvernement dans la solution
qu'il préconise dans ce projet de loi. Nous essayons de lui dire
pourquoi nous ne les acceptons pas. Vous remarquerez, enfin, Mme la
Présidente, que, quand nous inscrivons notre dissidence, nous ne passons
pas notre temps à attaquer les représentants du gouvernement, en
leur disant qu'ils sont à la solde de M. Untel, qu'on les a vus avec M.
Untel, qu'on soupçonne ceci, qu'il y aurait ceci ou cela. On respecte le
projet qu'ils nous présentent. On leur demande de faire la même
chose de notre côté. S'ils ne veulent pas le faire, cela ne nous
fait rien. Nous allons continuer de parler et d'agir librement dans cette
Chambre. Qu'ils soient bien heureux. Le public observe et le public verra de
quel côté on passe son temps à imputer des motifs aux
autres. Nous disons honnêtement et simplement: Nous ne sommes pas
d'accord sur ce projet et nous allons vous dire pourquoi une fois de plus,
parce que je m'aperçois, après avoir écouté les
orateurs du gouvernement, qu'ils n'ont rien compris à tout ce qui a
été dit de ce côté-ci de la Chambre depuis le
début de l'après-midi.
Au projet de loi no 17, nous adressons le même reproche
fondamental, d'abord, qu'au projet de loi no 57 dont l'étude se continue
en commission ailleurs dans cette Chambre. Ce sont les deux projets majeurs du
gouvernement dans cette partie de la session. Nous sommes tous d'accord
là-dessus. Comment expliquez-vous, si l'intérêt du
gouvernement était si vif pour ce projet, que la dernière
version, sensiblement altérée ou modifiée dans plusieurs
endroits, nous ait été soumise seulement à la hâte
à la fin de la semaine dernière et que nous ayons
été obligés de l'aborder de façon définitive
dès cette journée de notre session? Si l'intérêt est
si grand, si c'est si fondamental, il aurait fallu que nous ayons la version
définitive au moins une couple de semaines d'avance pour faire un
travail aussi sérieux que nous aurions souhaité le faire.
Je souligne ce point-ci c'est la même chose, c'est encore
plus complexe à propos du projet de loi no 57, d'ailleurs pour
passer maintenant à mes critiques principales. Je dirai, d'abord, que
nous sommes favorables aux objectifs suivants et je ne voudrais qu'il existe
aucune équivoque à ce sujet. Premièrement, nous sommes
favorables à la protection maximale de la santé et de la
sécurité des travailleurs sur les lieux du travail et dans tout
ce qui regarde l'exercice de leur activité professionnelle. Je ne
voudrais pas que le gouvernement s'imagine qu'il est seul à se
préoccuper de ce problème, qu'il possède le monopole de la
sympathie.
Nous sommes profondément préoccupés par ces
questions.
Deuxièmement, nous sommes favorables à ce que les
travailleurs participent le plus activement possible à la défense
de leur propre santé. Troisièmement, nous sommes favorables
à certains éléments nouveaux, du moins au plan juridique,
que présente le projet de loi, en particulier le droit de refus en cas
de danger manifeste à la santé ou à la vie même du
travailleur, dans certains cas. Nous sommes, de même, en faveur du
retrait préventif du travailleur dans certaines situations où
l'on peut prévoir que l'exercice de telle activité, dans telle
situation spéciale, risquerait d'engendrer des conséquences
graves.
Nous sommes également favorables et je le dis pour le
député de Duplessis qui se fait des illusions là-dessus ou
qui interprète la réalité à partir de l'univers
fermé dans lequel il semble vivre à l'intégration
rationnelle de certains services qui sont présentement trop
dispersés. Ne vous inquiétez pas là-dessus, nous sommes
favorables à cela également.
Mais nous croyons que la méthode fondamentale
préconisée par le gouvernement pour faire face aux
problèmes très aigus de la sécurité au travail et
de la santé au travail n'est pas la bonne. Pour des raisons à la
fois de respect de tous les acteurs impliqués, d'efficacité, de
coût, nous favorisons une méthode se caractérisant par les
éléments suivants. D'abord, une méthode qui aborde les
problèmes suivant leurs données réelles, suivant leur
urgence véritable et suivant leur acuité dûment
vérifiée. (21 h 50)
Nous l'avons souligné à maintes reprises au cours des
derniers mois dans le livre blanc que le ministre nous a
présenté, le point faible, peut-être majeur, c'était
l'extrême faiblesse de l'analyse de la situation concrète qu'on
nous présentait et jamais, depuis le début de ce débat, on
ne nous a présenté un véritable résultat d'examen
sérieux et fonctionnel de la réalité. On a joué
avec les statistiques; c'est bien facile, tout le monde peut faire ça.
C'est quand on commence à faire l'analyse véritable qu'on parle
un langage sérieux, pas quand on lance des chiffres de $500 millions en
l'air, à tort et à travers, Mme la Présidente,
premièrement.
Deuxième élément, une méthode qui aborde les
solutions en tenant compte, de manière rigoureuse, des besoins et des
ressources réelles du milieu. Ce n'est pas tout d'avoir le coeur
à la bonne place, il faut avoir l'esprit bien éclairé
également pour vérifier si on est capable de réaliser
certains objectifs qu'on se fixe.
Troisièmement, une méthode qui repose sur la concertation
et la collaboration, mais dans le plein respect des attributions et des
responsabilités propres de chaque acteur.
Quatrièmement, une méthode qui évite de divorcer
l'action dans les domaines de la santé et de la sécurité
du fonctionnement général des entreprises.
Et, cinquièmement, une méthode qui aborde le
problème de la santé et de la sécurité dans une
perspective d'éducation ou, si l'on préfère, d'auto-
éducation et de prévention, plutôt que dans une perspective
de réglementation étroite et détaillée, de
surveillance mesquine, d'enrégimentement général, comme
c'est trop souvent le cas des mesures qu'on nous présente de l'autre
côté de la Chambre.
Or, toute l'économie du projet de loi no 17 va dans un tout autre
sens, c'est-à-dire dans le sens de la vision bureaucratique,
réglementée, surveillée à l'extrême,
méfiante à l'endroit de l'entreprise, qui caractérise trop
souvent les initiatives du gouvernement actuel. Je le dis spécialement
à l'intention de mon bon ami, le député de Sainte-Marie.
Je voudrais qu'il comprenne que c'est ça l'objet profond de l'opposition
que nous allons exprimer au projet de loi, c'est que nous n'aimons pas cette
approche, encore une fois, bureaucratique à l'extrême à
laquelle conduit inévitablement le projet de loi comme il nous est
présenté.
Maintenant, j'aborde les critiques principales...
M. Bisaillon: Mme la Présidente, est-ce que le
député me permettrait une question, après son
intervention? Ou s'il préfère que je la fasse
immédiatement?
M. Ryan: Si le député veut la faire
immédiatement, j'aime toujours entretenir le dialogue avec lui, parce
que j'estime qu'il s'exprime franchement dans cette Chambre. J'aimerais
même que ses documents secrets, il nous les présente dans la
Chambre, ce serait très intéressant!
Je vous dirai, après vous avoir entendu cependant, si la
présidence le permet, si je peux répondre maintenant ou si la
réponse vient plus tard dans l'exposé.
La Vice-Présidente: La question est permise, M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je dirai au député d'Argenteuil, au
chef de l'Opposition, Mme la Présidente, que mes documents ne sont
jamais secrets; ils peuvent être internes sans être secrets. Ma
question est de savoir si, pour lui, l'aspect bureaucratique dont il parle, et
qui peut être amélioré ou bonifié dans le projet de
loi, cette approche fait partie d'un principe dans le projet de loi ou si, au
contraire, tout ce qu'il a mentionné et sur quoi il était en
accord, ce ne sont pas plutôt ces éléments qui sont
essentiellement les principes du projet de loi? Je corrige ma question pour
être plus clair. Si, par exemple, l'Opposition officielle avait des
objections quant à l'appareil bureaucratique créé ou
implanté par la loi, est-ce que, pour lui, c'est une question de
principe ou est-ce qu'il ne pense pas que cet aspect pourrait être
bonifié au moment de l'étude article par article et que ça
ne compromet pas les principes compris dans le projet de loi?
La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Ryan: Mme la Présidente, je formulerai mes critiques
fondamentales à l'endroit du projet
de loi. Je pense que la question du député de Sainte-Marie
trouvera sa réponse dans ce que je vais dire. Au cas où je
l'aurais oublié, dans ma conclusion j'essaierai d'y revenir; si je
l'avais oublié, à ce stade, s'il veut bien me rappeler sa
question, ça me fera plaisir de l'aborder.
Première critique fondamentale, le projet de loi préconise
la création d'un autre carcan administratif énorme, sans qu'on
ait d'abord procédé à une prise de connaissance
précise de la réalité, de nos ressources et de nos besoins
véritables. C'est un autre grand schéma à caractère
universaliste, qui nous entraîne dans le dédale de
procédures interminables et de réglementations de toutes sortes.
J'en donne seulement un exemple; la norme 20 va s'appliquer à toutes les
entreprises...
Pardon?
La Vice-Présidente: J'essayais de vous faire signe, M. le
chef de l'Opposition officielle, que vous ne disposez plus que de quatre
minutes.
Des Voix: ...
La Vice-Présidente: M. le député, il y a eu
consentement à la question, M. le chef de l'Opposition officielle est au
courant, comme moi, que quand on accepte une question, c'est pris sur notre
temps. Alors, c'est simplement à titre d'indication. M. le chef de
l'Opposition officielle, je ne voulais pas vous interrompre; je vous faisais un
signe, tout simplement.
Une Voix: Consentement, consentement! La
Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: Merci, j'apprécie beaucoup la collaboration de
nos amis d'en face. Je pense qu'on veut discuter cette question
sérieusement. Si vous fixez des limites comme celles-là, je vais
essayer de résumer mon exposé dans deux minutes et je ferai mon
discours ailleurs. On a toujours la possibilité de le faire ailleurs, on
n'en meurt pas, de ça! Mme la Présidente, je vous souligne que
depuis que j'ai commencé à parler j'ai été
interrompu continuellement.
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: La norme 20, par exemple, est extrêmement
arbitraire. Vous savez comme moi qu'il y a des entreprises comptant cinq, six,
sept employés qui ont besoin de services et même de surveillance
très étroite en matière de sécurité au
travail et de santé; il y en a d'autres qui comptent cent
employés qui n'ont pas besoin du tout de l'intervention du ministre et
de tout son appareil bureaucratique. De ce côté-ci, il y a
également des secteurs où les besoins sont beaucoup plus urgents;
on en a mentionné plusieurs au cours du débat, comme le secteur
de la construction, qui est prévu dans la loi, certains secteurs de
l'industrie manufacturière, certains secteurs de l'industrie des
transports, les chantiers en forêt. On pourrait en nommer plusieurs, nous
sommes tous d'accord là-dessus.
Si on avait commencé par nous proposer un programme d'action
clair, efficace et réaliste dans un secteur ou dans quelques secteurs
jugés urgents, ç'aurait été très bien, mais
là on s'embarque das un immense appareil. Il va falloir que partout on
se mette à faire des réunions, des élections, des
formations de comités de ceci et de cela; ça nous répugne
profondément. On l'a vu à propos de la Charte de la langue
française, ce n'est pas du tout le bon moyen de faire avancer les
choses. On crée un nombre d'obligations extrêmement
élevées dans un grand nombre d'entreprises où il n'y en a
pas un véritable besoin. De plus, au sommet de l'appareil, on
crée un monstre administratif, la Commission de la santé et de la
sécurité du travail qui se fait conférer par le
législateur toute une série de motifs pour intervenir à
tout propos dans la vie et le fonctionnement des entreprises. Elle sera
d'ailleurs en flagrant conflit d'intérêts; elle est chargée
d'administrer un service, un grand régime d'assurance sociale, un
régime d'accidents au travail et en même temps c'est elle qui
rendra des décisions et qui dira comment on va faire fonctionner les
régimes de santé dans les entreprises, etc. Cela ne tient pas
debout, c'est un régime qui ne peut pas fonctionner de cette
manière.
Deuxième critique: Un transfert excessif des
responsabilités à un secteur public qui n'est pas prêt
à les assumer. Les départements de santé communautaire des
hôpitaux deviennent la plaque tournante de l'appareil nouveau
conçu par le ministre; or, telle n'était pas la vocation de ces
départements. Ils ne sont aucunement prêts à assumer ce
rôle et un transfert de l'ampleur de celui qui est proposé par le
gouvernement témoigne c'est ma critique principale d'une
méconnaissance profonde du rôle et de la vie de l'entreprise dans
notre société. La commission de santé et de protection se
voit attribuer un contrôle très étendu de tous les budgets
de santé au travail; c'est elle qui devra donner les budgets à
nos centres hospitaliers pour leur département de santé
communautaire. Elle va devenir un organisme de subventions vers toutes sortes
d'associations qui seront créées par ce service.
Franchement, ç'aurait été infiniment
préférable là-dessus, j'ai une divergence profonde
et que je situe au niveau des principes de se renseigner de
manière beaucoup plus précise sur tout ce qui s'est
déjà fait dans l'ensemble des entreprises du Québec pour
ensuite concevoir un programme qui aurait reposé beaucoup plus sur la
prise en charge de leurs responsabilités par les entreprises, quitte
à assortir cette prise en charge des mécanismes de concertation
et même de surveillance qui auraient été
nécessaires.
Troisième critique: une atteinte sérieuse au principe de
l'unité de direction de l'entreprise. Je cite le comité paritaire
parce que je suis surpris de voir qu'on défend cette institution
aujourd'hui. Nous l'avons dans nos lois depuis longtemps, le comité
paritaire, nous l'avons eu dans combien de
conventions collectives. De manière très
générale, ça ne fonctionne pas, ces comités
paritaires; ça fonctionne souvent sous la domination de l'employeur,
très souvent ça se réunit à peine et très
souvent ces organismes sont paralysés dans leur fonctionnement par
l'attitude du syndicat aussi. C'est bien beau de faire des plaidoyers de vertu
ici, se fermer les yeux sur ce qui est arrivé dans la
réalité, mais je peux vous dire qu'en pratique le comité
paritaire, on pourrait en parler longtemps. Il y a certains comités
paritaires qui ont fonctionné dans certains secteurs, mais, en
général, il y avait un tiers arbitre qui était là
pour aider à concilier les différends.
Une Voix: ...
M. Ryan: Je n'ai pas compris ce qui a été dit
là-bas. (22 heures)
La Vice-Présidente: A l'ordre! M. le député
de Verchères, s'il vous plaît! ... M. le chef de l'Opposition
officielle, le temps qui vous est imparti est déjà
écoulé. Je vous demanderais de conclure maintenant.
Des Voix: Consentement.
M. Ryan: II y a consentement.
La Vice-Présidente: II y a consentement à ce que
vous puissiez... Il y a consentement.
M. Ryan: Quand le comité paritaire ne pourra pas
s'entendre j'entends le député de Verchères dire
que je n'ai pas lu le projet de loi; il peut dire ce qu'il veut, cela ne m'a
jamais dérangé on défera le problème encore
à ce monstre dont nous avons parlé tantôt, la Commission de
la santé et de la sécurité du travail; souvent pour des
insignifiances, on va être obligé de déférer le
problème à un organisme central. Cela ne tient pas debout.
Ensuite, on abolit c'est très grave le droit pour
les entreprises de se doter elles-mêmes de services de santé
appropriés. En dernière heure, le ministre a fait des concessions
aux articles 130 et suivants je ne sais pas si le député
de Verchères a lu ceux-là où on dit que les
entreprises qui comptaient des services de santé ou de
sécurité à la date du 20 juin 1979 ont peut-être une
chance d'être reconnues par la commission ou le DSC, à condition
de présenter des demandes; il faut que ce soit approuvé par trois
ou quatre acteurs différents. Toutes les entreprises qui voudraient
faire des choses à compter de maintenant vont passer par le
réseau public qui est créé par le ministre d'Etat au
Développement social. Je vous dis que c'est le
démantèlement de ce qui se faisait déjà dans les
entreprises; c'est un arrêt de mort pour tout ce qui aurait pu se faire
à l'avenir.
Je ne pense pas que ce soit la manière de construire un
régime de santé et de sécurité du travail
sérieux à l'intérieur des entreprises.
Quatrième critique et dernière. C'est une mesure qui,
dès le début, va contre la règle de concertation qui
m'apparaît essentielle pour le succès d'un programme de cette
nature. Le monde patronal, le monde syndical et le gouvernement ont le devoir,
pour que le service fonctionne, de s'entendre sur une formule qui soit
acceptable aux uns et aux autres. Or, le gouvernement, une fois de plus, dans
ces domaines faillit à la tâche; quand il y a trois partenaires
à réunir, la méthode de plus en plus familière du
gouvernement consiste à couper la tête de l'un des trois, à
s'entendre avec l'autre sur le dos du troisième et à nous faire
accroire ensuite que tout cela est le fruit d'une grande consultation, comme on
dit.
Mme la Présidente, je dois vous donner lecture d'une lettre que
j'ai reçue cet après-midi à ce sujet du directeur
général de l'Association des mines de métaux du
Québec. J'ai reçu cette lettre cet après-midi et je la
verse au dossier: "M. le chef de l'Opposition, "La nouvelle version de la loi
17 sur la santé et la sécurité des travailleurs est une
affirmation flagrante du rejet, par le législateur, de toutes les
représentations patronales effectuées au cours des trois
dernières années sur le sujet. En fait, les soi-disant
consultations patronales consenties par le ministre d'Etat au
développement social ont abouti depuis la publication du livre blanc,
à une escalade dans la soustraction des droits de gérance et des
responsabilités patronales à l'égard de la santé et
de la sécurité des travailleurs. Pourtant, les employeurs sont
les seuls à avoir acquis présentement une expérience
valable dans la prévention des maladies et accidents industriels.
Il est pour le moins surprenant de constater que le gouvernement croit
pouvoir diminuer les accidents industriels en transférant les pouvoirs
de décision dans le domaine de la prévention à des
personnes et à des organismes si peu préparés à
assumer ces nouvelles responsabilités, en transférant
entièrement toute initiative dans les domaines de santé et de
sécurité aux mains des travailleurs et de leurs syndicats, au
Département de santé communautaire et à la nouvelle
Commission de la santé et de la sécurité du travail. La
nouvelle loi érige la confrontation en système; elle ouvre la
porte à tous les abus de la partie syndicale et on sait combien elle est
experte dans ce commerce; elle ne solutionne en aucune façon les
problèmes de santé et sécurité au travail et elle
surcharge l'entreprise de coûts additionnels qui pourraient même,
dans certains cas, l'acculer à la faillite. Pour te secteur minier que
nous représentons je cite toujours la lettre du directeur
général de l'association l'impact négatif de cette
nouvelle loi...
Une Voix: ... cet après-midi.
M. Ryan: Je finis ce paragraphe-ci et je quitte; je sais
très bien que cela a été lu cet après-midi.
Une Voix: Deuxième lecture.
M. Ryan: ... est d'autant plus inadmissible que celui-ci avait
structuré, au cours des 30 dernières
années, un système de prévention très
poussé qui lui a permis jusqu'à maintenant d'obtenir d'importants
succès reconnus dans les autres provinces et à travers le
monde."
Je termine, Mme la Présidente. L'Asbestos Corporation, je n'ai
pas d'éloges spéciaux à lui faire, mais c'est la compagnie
qui avait le meilleur dossier en matière de sécurité
sociale depuis plusieurs années, malgré toutes les calomnies
qu'on a dites...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M.
Ryan: M. le Président...
M. Grégoire: M. le Président, je crois que le chef
du Parti libéral est...
Le Vice-Président: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de
l'Opposition, je vous invite...
M. Grégoire: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai
déjà eu l'occasion de dire et je le répète
que, s'il fallait qu'un député puisse soulever une
question de règlement ou de privilège chaque fois qu'il n'est pas
d'accord avec les propos d'un autre député, nous serions
continuellement en questions de privilège ou de règlement. M. le
chef de l'Opposition, je vous invite à conclure, s'il vous
plaît.
M. Grégoire: M. le Président, question de
règlement. Ce n'est pas moi qui ne suis pas d'accord. Ce sont les autres
mines d'amiante, justement, qui disent...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Frontenac, je tiens à vous dire que, lorsque la
présidence est debout, les caméras sont sur la présidence
et personne ne vous entend. Je le dis à l'adresse de tous les membres de
cette Chambre, d'ailleurs.
M. Lamontagne: C'est la seule manière pour lui
d'apparaître dans son comté.
Le Vice-Président: M. le député de Roberval,
je vous retourne les remarques que j'ai adressées au
député de Frontenac. M. le chef de l'Opposition, je vous demande
de conclure, s'il vous plaît.
Une Voix: Les téléspectateurs sont
protégés.
M. Ryan: M. le Président, je crois avoir répondu
à la question qui m'était posée tantôt par le
député de Sainte-Marie. C'est une approche fondamentale qui n'est
pas la même, c'est une conception du rôle du gouvernement, du
rôle de la loi dans notre société qui diffère
profondément. Je pourrais dire qu'à certains points de vue c'est
vrai que c'est une question d'accent, mais il arrive des questions pratiques
où les différences d'accent deviennent, à toutes fins
utiles, des différences de principe. On ne peut pas passer son temps
à se dire: Nous sommes pour la vertu, vous êtes pour la
santé, nous sommes pour le bien. Il faut dire: Sommes-nous d'accord sur
telle manière de procurer le bien, sur telle manière de faire
avancer la santé au travail?
Nous vous disons, dans ce cas-ci, que la solution qui est
proposée est une solution inutilement bureaucratique, très
lourde, qui procède de certains préjugés fondamentaux que
nous déplorons tout en étant très sympathiques à
l'objectif qui est poursuivi. Je voudrais vous dire que cette divergence
fondamentale que nous exprimons cette fois-ci, nous avons trouvé
l'occasion de la manifester sur plusieurs projets apparentés à
celui-ci par la philosophie qui les inspirait qui nous ont été
présentés au cours des derniers mois. Nous allons continuer de le
faire dans le plein aspect du point de vue opposé et, encore une fois,
nous ne vous adresserons pas d'insinuations comme vous passez votre temps
à le faire à notre endroit. Je reconnais que le
député de Sainte-Marie ne l'a pas fait ce soir et je
l'apprécie beaucoup.
Une Voix: Des fleurs.
Le Vice-Président: A l'ordre!
M. Ryan: Non. Nous sommes habitués. Non. Il m'a
demandé...
M. Godin: ... poursuivre le chef de l'Opposition.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Une Voix: Des images! Des images!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Une Voix: Va faire tes devoirs!
Une Voix: L'école est finie.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Une Voix: Des images!
Le Vice-Président: En concluant, M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, cela fait bien des fois que le
député de Mercier publie des sottises à mon point de vue
à gauche et à droite. Il sait que je ne me suis jamais
occupé de ce qu'il écrivait. Je ne m'occupe pas plus de ce qu'il
a dit ce soir.
Notre société, M. le Président...
M. Godin: M. le Président, question de privilège.
Le député d'Argenteuil et chef de l'Opposition a semblé,
tout à l'heure, donner à croire qu'il connaissait le contenu du
jugement de la Cour
suprême sur la loi 101 en disant: Vous verrez demain ce qu'il y a
dedans. J'aimerais savoir si, effectivement, il s'agit là d'un "breach
of privilege" de la Cour suprême du Canada.
Une Voix: Ah!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
chef de l'Opposition, en concluant, puisque vous avez déjà de
beaucoup dépassé votre temps.
M. Godin: M. le Président, j'ai posé une question
très sérieuse à votre personne en tant qu'institution. Le
député d'Argenteuil a laissé entendre qu'il connaissait le
contenu d'un jugement de la Cour suprême qui irait à rencontre de
la loi 101. Nous aimerions qu'il le dise publiquement ici ou qu'il cesse de
laisser planer des doutes sur le secret qui entoure les
délibérations de la Cour suprême.
Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, seulement pour rassurer la
conscience de notre collègue de Mercier, j'ai dit tout à l'heure:
Nous nous sommes opposés au chapitre sur les tribunaux de la loi 101,
lequel sera jugé demain par la Cour suprême. Je n'ai pas dit
d'autre chose. Je ne connais pas plus que vous... Vous verrez les
épreuves tant que vous voudrez, mais je répète ce que j'ai
dit tantôt.
Le Vice-Président: En concluant, M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, je n'ai rien dit. C'est eux qui
parlent tout le temps. (22 h 10)
Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition, vous avez
commencé à 21 h 39. S'il vous plaît, vous deviez terminer
à 21 h 59. Pendant que j'étais dans mon bureau, j'ai
constaté qu'un consentement avait été donné et
qu'aucune limite n'a été donnée à ce consentement.
Mais la présidence doit présumer que ce consentement doit avoir
une fin. Je vous invite à conclure.
Une Voix: II est toujours interrompu.
M. Ryan: M. le Président, nous favorisons le
progrès social véritable. Nous avons, à ce sujet, des
états de service qui se comparent très avantageusement à
ceux de nos amis d'en face. Nous avons des appuis dans cette
société qui parlent par eux-mêmes et qui proviennent de
tous les milieux. Nous ne nous en vantons pas tous les jours, mais les
résultats des dernières élections complémentaires
parlent par eux-mêmes à ce sujet. Notre société
c'est un point que nos amis d'en face ont de la difficulté
à saisir n'est plus aussi aveugle qu'elle l'était dans son
appui aux solutions de type universaliste, bureaucratique et lourdement
administratif comme celle qui nous est proposée dans le projet de loi no
17. Notre société veut un système social et politique
où l'on mette de plus en plus l'accent sur les responsabilités de
chaque citoyen où l'on incite et encourage chacun, à son niveau
propre de responsabilités, à prendre ses responsabilités
et où l'Etat, au lieu de se substituer aux citoyens partout, cherche
à les aider, à les encourager plutôt qu'à les
réglementer, à les contrôler, à les épier et
même à les punir. C'est la racine profonde de notre opposition au
projet de loi no 17. Si nos amis d'en face, conformément à ce que
disait plus tôt le député de Sainte-Marie, veulent chercher
à bonifier le projet de loi dans le sens de ce que nous avons dit, au
stade de l'étude en comité ou de la troisième lecture, il
nous fera plaisir de coopérer avec eux au maximum.
Le Vice-Président: M. le député de
Richelieu. M. Maurice Martel
M. Martel: Merci, M. le Président. Représentant la
région la plus industrialisée du Québec, celle du
comté de Richelieu, où nous avons énormément
d'industries de métallurgie, où également, en tant que
député et aussi en tant que pharmacien, je vois défiler
continuellement à mon bureau et dans mon officine les employés de
ces industries avec des problèmes de plus en plus aigus de
surdité, d'infections des voies respiratoires, de sidérose, de
silicose, d'asthme et d'emphysème, et constatant, de plus, qu'il y a
depuis des années, six lois et vingt règlements qui ont tendance
à prévenir ces causes de maladie, et constatant également
le nombre d'accidents de travail qui augmente d'année en année,
qui est rendu au-delà de 300 000, le nombre de décès
également dans nos industries qui était au-delà de 200 en
1978, je me dis, M. le Président, il y a certainement un manque de
cohérence dans ces lois, de même que dans ces
réglementations.
Je ne comprends vraiment pas l'Opposition, tant libérale
qu'unioniste, de s'opposer à ce principe de loi qui a pour but de rendre
cohérente toute législation dans le domaine des relations des
accidents et de la sécurité au travail. Je ne comprends vraiment
pas qu'on puisse être à ce point contre la sécurité
et la santé du travailleur. Je ne comprends pas non plus l'opposition de
l'Union Nationale qui a dit cet après-midi qu'on veut leur passer une
loi en vitesse. Il y a rarement une loi qui a subi autant de discussions,
autant de consultations que ce projet de loi no 17 qui a fait l'objet non
seulement d'une commission parlementaire qui a reçu au-delà de 60
mémoires, mais qui a fait l'objet surtout de visites industrielles de la
part du parrain de cette loi, le ministre au développement social,
accompagné des députés de cette Chambre.
J'ai été renversé cet après-midi d'entendre
le député de Saint-Laurent dire, par exemple, que le fait de
confier, avec le comité paritaire de la santé et de la
sécurité sociales, le choix du médecin au
département de santé communautaire va stériliser la loi
17. M. le Président, je me demande où on va. Est-ce que le
député de Saint-Laurent veut revenir aux médecins de
compagnie? Est-ce que le député de Saint-Laurent veut revenir aux
médecins qui
avaient un préjugé favorable à l'employeur au lieu
du travailleur? Est-ce qu'il veut revenir à ce type de médecin
incompétent que nous avons connu dans nos industries, dans le
comté de Richelieu, par exemple, où le médecin se
contentait uniquement d'agir, dans sa fonction de représentant
médical à l'intérieur de l'industrie, comme ayant tout
simplement un "side line"? On venait souvent demander au député:
Peux-tu me faire avoir ce travail? Cela m'aiderait à boucler mes fins de
mois. Il n'y avait pas d'assurance-maladie dans le temps. Est-ce que le
député de Saint-Laurent veut en revenir là? Est-ce que le
député de Saint-Laurent veut revenir au temps où il n'y
avait aucune prévention dans le domaine des accidents du travail,
où les compagnies se foutaient éperdument de ces lois qui
existent dans les faits, de ces réglementations qui existent
effectivement mais qui n'ont jamais été appliquées d'une
façon intégrale? Est-ce qu'on veut revenir là?
M. le Président, je me demande véritablement où est
le préjugé favorable à la santé et à la
sécurité du travailleur? Lorsque le député de
Saint-Laurent disait, cet après-midi, qu'il avait parcouru les pays
d'Europe pour aller constater ce qui se passait dans le domaine de la
santé et de la sécurité au travail lorsqu'il était
l'ancien ministre des Affaires sociales, je lui réponds qu'il aurait
été préférable de faire ce que le ministre actuel
au Développement social a fait, c'est-à-dire parcourir les
industries au Québec pour avoir ce qui se passe dans nos industries,
pour voir ce qui se passe dans le domaine de la sécurité de nos
travailleurs, pour voir ce qui se passe dans le cas de la prévention des
maladies industrielles. Cela aurait été beaucoup plus profitable
pour vous, M. le député de Saint-Laurent, que de vous promener en
Europe et d'arriver ici sans aucune solution, parce que le gouvernement que
vous avez représenté pendant six ans, de 1970 à 1976, n'a
apporté aucune nouvelle loi pour améliorer la santé et la
sécurité du travailleur dans nos industries, aucune.
Je pense que cette loi est d'une cohérence vraiment remarquable;
elle porte essentiellement sur la prévention, comme cela doit se faire
dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.
Nous devons insister sur l'aspect préventif et nous devons
également insister sur la participation des partenaires, à
l'intérieur de ces industries, que sont les travailleurs et les
employeurs. C'est pour cette raison que nous trouvons dans cette loi des
comités sectoriels formés de travailleurs, d'employeurs qui ont
pour but d'aller chercher cette formation de prévention dans les
maladies, dans les accidents de travail et, également, d'aller informer
les travailleurs sur les mécanismes à mettre en place pour avoir
un nombre réduit d'accidents et de maladies industriels.
Il en va de même, M. le Président, dans cette loi pour les
comités de la sécurité et de la santé, toujours
paritaires entre les deux parties intéressées, de façon
à mettre en place ces mécanismes pour corriger... Evidemment, ce
ne sera pas une fois pour toutes mais on constate que, d'année en
année, les accidents et les maladies industriels augmentent
considérablement et sont l'objet de pertes de près de $400
millions, ce que la Commission des accidents du travail a payé l'an
passé. Si on additionne les frais indirects, comme l'a souligné
le ministre ce matin, on arrive à près de $2 milliards de pertes
dues aux accidents et aux maladies industriels. Je pense, si nous voulons
être logiques avec nous-mêmes, qu'il est temps d'avoir des lois
cohérentes dans ce domaine. (22 h 20)
Ces comités que nous voulons mettre en place ont pour but
justement de rechercher cette participation essentielle entre les principaux
intéressés; également de donner certains droits au
travailleur, des droits légitimes, celui, par exemple, d'arrêter
de travailler lorsque sa santé et sa sécurité sont en
danger. Je pense que c'est un droit à la santé qui est
indéniable. Le droit à des mesures préventives que l'on
accorde à la femme enceinte, s'accorde également au travailleur
pour la bonne raison et c'est très simple que lorsqu'un
travailleur a des prédispositions pour une maladie, par exemple, s'il
fait de l'asthme et qu'il travaille avec des contaminants qui sont des acides,
il sait fort bien qu'éventuellement il va développer de
l'emphysème et que cet emphysème pulmonaire va occasionner des
problèmes cardiaques à plus ou moins brève
échéance. Donc, c'est tout à fait logique, M. le
Président, que d'avoir ces mesures pour permettre au travailleur
d'exercer son droit à la santé et à la
sécurité. C'est également logique aussi que d'avoir des
articles dans cette future loi pour protéger le travailleur de
façon qu'il n'y ait pas de représailles prises contre lui par son
employeur.
M. le Président, je crois que ces mesures contenues dans cette
loi sont très avant-gardistes. Elles permettront dorénavant
d'avoir une loi vers laquelle nous allons pouvoir nous tourner, des
mécanismes qui vont permettre l'application et le suivi de cette loi
avec une régionalisation au niveau des décisions, au niveau des
inspecteurs, de façon que les décisions en cas d'arrêt de
travail soient rendues dans les plus brefs délais. Il y aura
également cette disposition importante que dorénavant ce ne
seront plus les compagnies qui défraieront le coût des services
des médecins à l'intérieur de leur industrie. Cela, je
pense que c'est une mesure extrêmement importante. Dorénavant, ce
sera justement le département de santé communautaire à
l'intérieur d'un centre hospitalier qui va, avec un comité
formé d'employeurs, de travailleurs de la santé et de la
sécurité au travail, choisir ce médecin. Pour une fois, M.
le Président, je pense que nous allons véritablement avoir une
certaine métamorphose de la médecine industrielle au
Québec. Pour une fois, on va déterminer ce qui est
nécessaire pour prévenir les accidents et les maladies
industriels. Je pense que c'est un progrès énorme sur ce que nous
avons connu à venir jusqu'à maintenant.
De plus, M. le Président, dans cette loi, nous tenons à
souligner qu'à l'instar du salaire minimum, il n'y a absolument rien qui
sera perdu.
C'est-à-dire que rien dans les décrets ou dans les
conventions collectives signées antérieurement ne sera
négligé. Si ces acquis de la part des syndiqués, des
travailleurs sont supérieurs à la loi, ils demeurent, comme
exactement le salaire minimum. Ceux qui gagnent plus, évidemment, cela
ne s'applique pas à eux. Donc, à ce moment, je pense que ce sont
des dispositions législatives qui font que cette loi est
véritablement une loi, une future loi très avant-gardiste qui est
nécessaire dans un Etat qui se veut humain et qui se veut
également productif. C'est pour ces raisons, M. le Président,
comme représentant de ce comté où travaillent un grand
nombre de gens qui sont exposés aux contaminants, aux maladies
industrielles ou aux accidents de travail, que je voterai pour le principe de
cette loi en deuxième lecture.
Le Vice-Président: M. le député de
Charlevoix.
M. Raymond Mailloux
M. Mailloux: M. le Président, je comprends que la plupart
de mes collègues ont déjà fait connaître le point de
vue de l'Opposition, mais je m'en serais voulu, ayant assisté mon
collègue de Portneuf devant la commission parlementaire qui a
siégé pendant les quelques semaines où nous avons entendu
les mémoires, de ne pas apporter quelques considérations sur ce
projet de loi. Comme il est question de la santé de l'ensemble de nos
concitoyens qui sont au travail, je peux vous assurer que, l'âge aidant
je tâcherai de le faire avec toute la sérénité dont
je serai capable.
M. le Président, en intervenant dans ce débat de
deuxième lecture du projet de loi no 17, il va de soi que les propos
doivent, malgré une marge de manoeuvre nécessaire, se rapporter
au principe du projet de loi sur la santé et la sécurité
au travail. A l'article 120 du règlement qui nous régit, il est
dit que le débat de deuxième lecture "doit être restreint
à la portée, à l'à-propos, aux principes
fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou
à toute autre méthode d'atteindre ses fins." C'est quand
même dire qu'il n'y a pas seulement un principe en jeu dans un projet de
loi qui regarde l'ensemble de nos concitoyens du Québec et qui vise
à protéger leur santé.
M. le Président, il ne s'agit donc pas de savoir si les
parlementaires sont pour ou contre la santé et la sécurité
des travailleurs. Laisser planer, d'ailleurs, un tel doute sur cette
volonté serait une injure en soi; tout le monde veut aller au ciel,
chacun pourtant prend des moyens différents.
J'ai assisté, M. le Président, à de nombreuses
séances de la commission parlementaire qui a reçu les
mémoires venant de tous les intervenants. Je voudrais rendre justice au
ministre d'Etat au Développement social en disant que, même si
certaines prises de position alors entendues ne rencontraient pas ses vues et
sa philosophie, il a reçu poliment les intervenants, s'est
informé et a été de commerce agréable pour mon
collègue de Portneuf, pour les membres de l'UN et pour moi- même.
Je suis de ceux qui croient également que le ministre, depuis longtemps,
est sensibilisé aux problèmes de la classe ouvrière dont
il a été très près, d'ailleurs, et qu'il est
honnête dans la poursuite d'objectifs à atteindre.
M. le Président, prend-il le bon moyen pour y arriver ou fait-il
fausse route en voulant trop embrasser? Je suis de ceux qui doutent de la
démarche indiquée dans le projet de loi no 17 et, avec mes
collègues, tout en poursuivant les mêmes objectifs, nous croyons
qu'à moins de changements plus importants que ceux qu'il a
déjà daigné apporter depuis la commission parlementaire on
risque de faire miroiter des résultats tant attendus qui risquent de
n'être pas aussi tangibles et de retarder d'autant la véritable
solution.
M. le Président, le ministre d'Etat au Développement
social est passé par le même cheminement que j'ai dû
analyser moi-même en profondeur, soit celui d'aider par tous les moyens
le travailleur dont il désire assurer la sécurité par ce
projet. Moi, en 1976, je voulais, de toutes les fibres de mon être,
assurer à ce travailleur sa sécurité alors qu'il se
rendait sur les lieux de son travail; d'abord, lui permettre d'atteindre les
lieux de travail dont on discute aujourd'hui.
M. le Président, le ministre d'Etat au Développement
social n'a pas à nous convaincre d'être pour la vertu. Moi, dans
le temps, j'ai dû combattre des habitudes mauvaises que chacun voulait
conserver comme son privilège personnel, si dangereuses fussent-elles.
M. le Président, le ministre, avec raison, parle de chiffres effarants
du bilan des accidents au travail; 200 décès annuels et plus, 300
000 rapports d'accidentés. Dans le temps où je présentais
un autre projet de loi, mes chiffres étaient aussi effarants
annuellement: 2000 mortalités, 55 000 accidentés dans près
de 150 000 accidents.
M. le Président, les parallèles entre les projets de loi.
Les parallèles sont toujours boîteux. Forts d'une volonté
politique chèrement disputée, très vite, dans le temps,
appuyée par tous les intervenants, donnant ordre de faire appliquer la
loi, des résultats inespérés furent vite atteints.
Dans ce projet de loi no 17, mon collègue de Portneuf disait:
Qu'on nivelle par la base en plaçant chacun sur le même pied,
devant à peu près les mêmes exigences de santé et de
sécurité. Quand est arrivée, avec l'application des
mesures de sécurité sur les routes, la réforme sur
l'automobile, on a nivelé à ce moment-là par la base la
loi que j'avais précédemment faite adopter, et je m'explique. En
soumettant l'ensemble des citoyens du Québec aux mêmes conditions
d'assu-rabilité, cela paraissait généreux de la part de
votre gouvernement pour les jeunes qui étaient surchargés, alors
qu'on ne tenait pas suffisamment compte de leur dossier personnel et pour les
8000 conducteurs qui avaient été évincés du
réseau parce que trop dangereux pour être assurés. En ce
faisant et en n'accentuant pas valablement sur le respect de la loi depuis, on
en est déjà rendu aujourd'hui, au moment où on se parle,
au même triste record qu'en 1975 alors qu'on a nivelé
tout le monde en blanchissant tous et chacun, d'où des
coûts sociaux qu'on rencontre aujourd'hui dans d'autres activités,
aussi inacceptables que ceux dont parlait aujourd'hui le ministre d'Etat au
Développement social. Cet après-midi, il nous parlait de
l'expérience d'autres juridictions, en Saskatchewan, en Ontario, en
Suède, en Allemagne de l'Ouest, je pense, et peut-être d'autres
pays que j'oublie, où des lois semblables ont été mises en
application. Les résultats sont, paraît-il, quand même bons.
Je pense qu'on ne peut pas penser briser le monde et mettre des entraves au
travail des individus de même qu'à la production des compagnies.
Le ministre d'Etat au Développement social, c'est son droit d'apporter
une loi semblable. Au moment où il a parlé de l'éventuelle
loi, qui est aujourd'hui pour étude devant cette Chambre, il a eu un mot
qui a sonné à mes oreilles lorsqu'il a dit: La loi
québécoise... Il n'a pas dit: "spécificité
québécoise" en voulant dire forcément qu'elle avait des
caractères propres à la philosophie gouvernementale et à
nos moeurs. C'est ce que j'en ai déduit.
Au moment où il disait ces paroles, je pensais ceci. Dans un
projet de loi où, forcément, les patrons seront soumis à
des normes, où les employés auront des obligations, il ne
faudrait quand même pas oublier je ne fais pas cela pour faire
injure à qui que ce soit que la spécificité
québécoise, dans trop de domaines, malheureusement, c'est souvent
et trop souvent être irrespectueux des lois. Je pense que ce n'est pas la
direction que le ministre voulait voir prendre à sa loi. Il voulait que
sa loi soit aussi valable que les lois dont il parlait d'autres provinces ou
d'autres pays, mais on ne peut nier, comme législateurs, que chaque fois
qu'on adopte une loi ou un règlement, on dirait que Latins que nous
sommes, que ce soit ici au Québec, en Italie, en France ou dans d'autres
pays de même expression que la nôtre, une loi est faite pour
être violée, des règlements, c'est fait pour ne pas
être observés.
Vous, M. le Président, qui venez d'un comté voisin
où la faune est assez abondante, vous savez que souventefois, vos
commettants ont comme principal souci, quand ils vont en forêt, s'ils ne
sont pas vus et pas pris, la faune, après eux, la fin du monde. Je pense
que c'est une constante qui demeure dans ce domaine comme dans d'autres
domaines d'activités.
Actuellement, le gouvernement, et principalement le ministre d'Etat au
Développement social, après trois ans de dur labeur, après
toutes les recherches qu'il a faites auparavant dans les milieux où il
oeuvrait, le gouvernement connaît très bien tous les secteurs
où une loi semblable est nécessaire, où une loi semblable,
avec des dents plus importantes que celles qu'on y trouve, devrait être
promulguée pour certaines industries qui ont fait la honte du
Québec depuis trop longtemps. Certaines industries.
Le ministre d'Etat au Développement social connaît
également, par tous les rapports de la CAT, pour l'ensemble des secteurs
industriels, des secteurs d'activités, quel est le degré de
protec- tion qu'on a accordé dans l'ensemble des types
d'activités depuis quinze ans, vingt ans que dure la CAT. Je pense qu'il
n'y a absolument rien qu'il ne connaît pas dans ces activités.
Le ministre d'Etat au Développement social connaît
également les maladies industrielles et leur origine normalement. Il
connaît ces secteurs. Je ne pense pas que mon collègue de
Portneuf, que moi-même, que le chef du parti ou d'autres ayons jamais dit
que nous serions contre une loi concernant ces secteurs prioritaires où
la vie, où la santé de nos concitoyens sont en danger. Là
d'abord, mais non pas une loi générale qui met tout le monde sur
le même pied. Il y a des secteurs où le gouvernement aurait pu
faire en sorte d'aller dans un premier temps. Je pense qu'il n'y a aucune
Opposition qui pourrait, si on prenait une telle avenue, être contre un
tel projet de loi et le contester le moindrement.
On connaît ces secteurs. Je pense qu'on n'a pas passé des
semaines là-bas, le ministre n'a pas passé des mois et des
années sans étudier d'où viennent les trop nombreux
accidents subis dans le Québec, sans qu'il sache quels sont les secteurs
prioritaires auxquels il doit attaquer.
On fait une loi aussi générale que celle-là.
J'écoutais le ministre d'Etat au Développement social qui nous
parlait de l'exemple, je pense, de DuPont de Nemours. Il nous a dit que
c'était la préoccupation constante de cette compagnie, la hantise
qu'elle avait que certains accidents puissent se produire chez elle, le bon
renom qu'elle voulait conserver. Une compagnie comme DuPont de Nemours, qui a
une activité très variée, a réussi par l'expertise,
par toutes les recherches qui ont pu être entreprises à avoir un
grand succès. Je ne dis pas que le projet de loi du ministre,
forcément je ne suis pas un spécialiste en la
matière ne se servira pas de l'expertise des compagnies;
probablement que les compagnies voudront qu'on se serve de leur expertise quand
elle est bonne. Mais la structure trop importante dont on parle actuellement,
qu'on mettra en place, soumet tout le monde à certains impératifs
alors que les dangers ne sont pas les mêmes partout. Elle soumet tout le
monde à des normes peut-être différentes d'une
activité à l'autre mais la loi est universelle.
Je ne suis pas capable de concevoir pourquoi, pour une usine qui, dans
votre comté, dans le comté d'un autre, n'a jamais eu d'accident,
où il n'y a aucune maladie industrielle ou autre qui peut venir dans
l'avenir, nous allons les embarrasser est-ce que mon temps
achève, M. le Président?
Le Vice-Président: II vous reste cinq minutes, M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: Pourquoi allons-nous embarrasser par des
procédures administratives l'ensemble de ceux qui fonctionnent et qui
fonctionnent en donnant la sécurité requise à leurs
travailleurs?
M. le Président, cela fait peut-être trop longtemps que je
suis du Parti libéral, comme membre de ce parti et comme ministre; je
peux vous dire ceci, je me rappelle la réforme de l'éducation,
la
réforme de la santé. On ne peut pas nier,
évidemment, que la révolution tranquille, avec tout ce qu'elle a
entraîné, c'était absolument nécessaire après
la stagnation qui avait trop duré. J'étais à ce
moment-là "back-bencher" quand le premier ministre actuel était
ministre des Travaux publics et ministre des Richesses naturelles. Avec
d'autres collègues, comme "back-benchers", on voyait arriver des lois,
peut-être à la pelletée excusez l'expression
dans l'éducation, dans la santé, dans tous les domaines de
l'action sociale et économique, le Régime de rentes, la Caisse de
dépôt. (22 h 40)
M. le Président, a-t-on créé des bebelles
administratives! Quand je vous écoute vous autres actuellement, du Parti
québécois, je ne vous en fais pas le blâme. J'ai fait le
même blâme, il y a quinze ans. Quand l'U.N. a perdu le pouvoir, les
libéraux étaient mal pris dans leur comté avec ces
bebelles administratives trop importantes où on ne pouvait plus jamais
avoir des réponses. On disait: C'est parce que les maudits
fonctionnaires que l'U.N. a mis là, on n'est pas capable d'arriver
forcément à discuter avec eux et les faire marcher normalement.
Aujourd'hui, vous êtes au pouvoir et, sou-ventefois, pour l'ensemble des
régies gouvernementales de l'appareil gouvernemental dont on dit qu'il y
en a 15 000 de trop, vous dites que si ce n'était pas des fameux
libéraux qui étaient là, cela marcherait bien. Cela
marcherait mieux.
M. le Président, il y a une vérité qu'on ne pourra
jamais oublier. Celui qui est devant moi qui s'appelle le ministre d'Etat au
Développement social, je suis de ceux qui croient que, autant je voulais
protéger la santé des miens sur les routes, autant il veut
aujourd'hui, de tout son être, de tout son coeur, que cela baisse, ce
record, qu'on doive évidemment perdre absolument, mais le moyen qu'il
prend pour y arriver... Lui, c'est un travailleur occasionnel et, comme j'ai
été un travailleur occasionnel politiquement parlant, on est tous
des occasionnels et occasionnels que vous êtes je ne dis pas cela
parce qu'il y aura une élection dans un an, deux ans occasionnels
qu'on est comme hommes politiques, il y a des permanents là-bas. Il y a
des permanents là-bas qui, forcément, doivent, de la loi qu'ils
ont à appliquer, faire le travail qu'on leur demande.
Ce que je vous demande, en terminant, M. le Président... Je n'ai
pas envie de donner des directives au ministre, pas plus qu'au gouvernement.
Quand j'ai entendu mes collègues en 1962 ou en 1963, quand nous disions
dans ce temps-là: Ne pourriez-vous pas arrêter et nous
écouter un peu, comprendre que le citoyen en a assez de remplir des
paperasses de toute façon et, après cela, être pris sur
tous les bords et tous les côtés. Je ne dis pas cela pour qu'on ne
protège pas la santé et la sécurité des citoyens.
Vous avez vous-mêmes créé des régies. On en
crée encore une autre, évidemment, qui va remplacer la CAT. Ce
sont les fonctionnaires les mieux intentionnés possible, mais au moment
où vous allez confier une loi semblable qui est générale
pour l'ensemble de tout le Québec, comprenant tous les secteurs,
même où il n'y a pas tellement d'accidents... Vous allez me dire:
Ceux-là, ils vont vite respecter les normes et les critères, il
n'y a pas d'accidents. Ils vont avoir quand même tout l'ensemble de la
paperasse, des formules, des inspections. C'est général.
Pourquoi? Comment me convaincrait-on, M. le Président, une autre fois,
alors qu'on n'a jamais voulu écouter dans le passé. Aujourd'hui,
je donne le conseil que d'autres ont donné avec leur expérience:
Arrêtez donc! Analysez donc davantage quelles complications cela va
apporter à chaque citoyen.
En terminant, M. le Président, je dis ceci. Si vous pensez que
c'est la meilleure loi telle qu'elle est pondue là, ce que je ne crois
pas, faites-la adopter, votre loi. Je ne suis pas contre les efforts que le
ministre ou le gouvernement voudra faire pour la santé et la
sécurité. Je vous dis même: Etablissez les critères
les plus sévères possible contre ceux qui, de tout temps, ont
fait la honte du Québec. Allez-y. On va vous appuyer là-dessus,
mais quand vous imposez, par contre, des critères dont on n'a pas
besoin, chez ceux où il n'y a pas d'accidents, pas de maladies, j'ai
l'impression qu'on dépasse de beaucoup ce que le client désire.
Je n'ai jamais compris que le gouvernement soit obligé d'imposer des
structures auxquelles tout le monde doit être soumis quand, dans ces
secteurs d'activités, on n'a jamais fait défaut d'être
respectueux de la santé et de la sécurité de ces
employés. Les dossiers qui sont entre les mains de la CAT le prouvent
valablement.
M. le Président, l'intervention que j'ai faite n'était pas
une intervention partisane. Je pense que le ministre d'Etat au
Développement social comprend que les Oppositions, que ce soit l'U.N. ou
nous-mêmes, avant de donner un vote négatif contre un tel projet
de loi, il est vrai qu'on se pose de sérieuses questions. Il faudrait
quand même que nous soyons rassurés si le projet de loi reste tel
qu'il est là.
Il est indéniable qu'il n'y a pas qu'un principe, il y a trop de
principes en cause qui ne respectent pas la possibilité que, par un
projet semblable, on puisse atteindre la fin que souhaite le ministre. Je ne
pense pas que, s'il n'y a pas de changements majeurs, les buts que poursuit le
ministre d'Etat au Développement social depuis longtemps puissent
être atteints par le projet de loi tel qu'il est présenté
devant cette Chambre. Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Beauharnois.
M. Laurent Lavigne
M. Lavigne: Tout d'abord, M. le Président, avant de
commencer, je voudrais féliciter l'équipe gouvernementale, en
commençant par le ministre d'Etat au Développement social qui, je
le sais très bien, a fait un travail extraordinaire dans la
préparation des dossiers et du projet de loi no 17 qui est devant nous
ce soir à l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Je
tiens aussi à remercier toute l'équipe ministérielle qui
l'a appuyé. Ce qui
m'étonne... j'étais sur le point de féliciter
également le député de Charlevoix et le
député de Portneuf, surtout le député de Portneuf
qui a suivi les travaux de la commission parlementaire d'une façon
très assidue et très intéressée. Je pense que tout
au long des travaux en commission parlementaire, le député de
Portneuf y a été d'une opposition correcte, positive. A mon grand
étonnement, M. le Président, on peut relever dans le journal des
Débats cela a été cité déjà,
mais je vais le reciter du 14 septembre... On constate ce soir un
revirement de la part de l'Opposition, et particulièrement du
côté libéral, parce que tout ce qu'on avait pu
détecter tout au long des travaux en commission parlementaire,
c'était, à toutes fins utiles, une approbation des grands
principes du projet de loi no 17. Pour confirmer ce que j'aurais pu penser
être une présomption, on peut lire dans le journal des
Débats une citation du député de Portneuf qui se lit comme
suit: "La formation politique que je représente, le Parti libéral
du Québec, va donc, M. le Président, donner son appui aux
principes du projet de loi no 17, lors de l'étude du projet de loi en
deuxième lecture, parce qu'il considère que l'avènement
d'une politique d'ensemble sur la santé et la sécurité au
travail ne peut attendre plus longtemps."
Après avoir dit une telle chose en commission parlementaire
je pense que le député de Portneuf est un
député lucide, intelligent qu'il se soit aventuré
à dire une chose comme cela en commission parlementaire et qu'on l'ait
entendu, dans son exposé de deuxième lecture en Chambre nous dire
ce qu'il est venu nous dire... Finalement, quand on ramasse son exposé
globalement, cela ressemble énormément à l'exposé
du député de Charlevoix qui se retrouvait aussi en commission
parlementaire lors des travaux. La seule déduction que je peux faire ou
que je peux comprendre, M. le Président, du revirement radical de ces
deux députés de l'Opposition, c'est que quelqu'un leur a
parlé en cours de route. Je ne suis pas certain que cette personne qui
leur aurait parlé, qui leur aurait indiqué une ligne de conduite
lors de leurs exposés en Chambre sur la deuxième lecture du
projet de loi en question... cette personne ne connaissait probablement
même pas et je ne suis même pas convaincu qu'elle ait même lu
le projet de loi, parce que cette personne que je vise, c'est le chef du Parti
libéral. J'ai écouté attentivement l'intervention du chef
libéral tout à l'heure et, à ses propos, M. le
Président, je ne voudrais pas encore là être trop
présomptueux, mais il m'apparaît que le député
d'Argenteuil ne connaît pas le projet de loi.
Quels sont, finalement, les motifs sincères, sérieux,
valables qui auraient pu permettre d'indiquer aux deux députés de
son parti qui devaient intervenir lors de cette deuxième lecture... je
ne les connais pas. Mais cela m'apparaît réellement bizarre,
curieux et je ne comprends pas pour quelle raison. Il en a cité une
couple. (22 h 50)
D'abord, il s'est attardé longuement au titre de la loi. Il dit
que le titre est louable, qu'il est même très beau mais que, par
contre, il ne peut pas voter, dire oui ou aller dans le même sens que les
grands principes de cette loi seulement à partir de son titre.
M. le Président, c'est vrai que le titre de la loi est beau, mais
il n'y a pas seulement le titre dans cette loi. Il y a tous les grands
principes qui sont derrière la loi. Si le député
d'Argenteuil avait vraiment lu et étudié en profondeur le projet
de loi en question, je pense qu'il n'aurait pas pu indiquer ou demander...
Là, je mets en doute la liberté des députés
libéraux de pouvoir se prononcer selon leurs convictions, parce que,
quand on regarde les principaux arguments qui ont été
relevés par les deux principaux intervenants du côté
libéral en commission parlementaire, qui étaient les
députés de Charlevoix et de Portneuf, ils se sont cachés
ou mis derrière le fait que la loi ne devrait pas toucher à
l'ensemble des travailleurs du Québec mais ne toucher que des secteurs
bien spécifiques.
Je calcule qu'un blessé, un mort, un handicapé, ou
quelqu'un qui est susceptible de devenir malade à cause de son milieu de
travail, ce n'est parce qu'il est dans un secteur plus chronique que celui qui
est dans un secteur moins chronique qu'on ne devrait pas s'occuper de lui. Je
me dis qu'un mort dans une grosse usine mal organisée, c'est un mort au
même titre qu'un mort dans une petite usine qui peut être mieux
organisée. Ceci veut dire que les principaux arguments apportés
lors des débats des députés de Charlevoix et de Portneuf
ne me convainquent pas. Je suis convaincu qu'ils ont reçu des
directives, et c'est derrière ces directives qu'ils ont
été obligés de parler et le seul paravent derrière
lequel ils ont pu se cacher, cela a été de nous dire qu'il
faudrait, comme je viens de le souligner, que le projet de loi indique certains
types d'industries.
Je trouve que ce projet de loi est trop important pour tous les
travailleurs du Québec, particulièrement pour les travailleurs du
comté de Beauharnois. Comme vous le savez, le comté de
Beauharnois est un comté très industrialisé et je peux
vous dire que certaines compagnies ont peut-être, bien sûr, fait
des efforts, mais les efforts faits par les compagnies n'ont pas
été suffisants. On retrouve encore notre lot au point de vue
maladies industrielles, accidents de travail, qu'on les appelle les allergies
cutanées, les vomissements au travail par respiration de toutes sortes
de vapeurs, les maladies de la peau, les brûlures, la surdité, les
décès, les infirmités à vie, je pourrais vous en
citer et vous nommer des cas précis que je connais, des cas qui sont
allés à la CAT. Comme député du comté de
Beauharnois, j'ai eu à traiter de ces cas. Il y en a beaucoup trop. On a
donné, bien sûr, au début de certains exposés, des
chiffres mirobolants comme journées de travail perdues, comme
coûts pour l'ensemble des citoyens du Québec à
défrayer les maladies, les accidents de travail. Finalement, le projet
de loi voudrait prendre une partie de ces coûts pour essayer c'est
un des grands principes de la loi de régler les problèmes
à la source. Je pense que les milliards qu'on dépense pour la
guérison de nos malades accidentés de travail, on pourrait
sûre-
ment en prendre une partie pour essayer de régler le
problème à la source. Ceci permettrait évidemment
d'éliminer, comme le ministre d'Etat le disait dans son exposé de
ce matin, un paquet d'accessoires avec lesquels les travailleurs sont
obligés de travailler quotidiennement, que ce soit des cache-oreilles,
des cache-nez, des masques, des gants. Il y a tout un attirail que les
travailleurs, bien souvent, sont obligés de porter non parce que c'est
nécessairement essentiel à la pratique de leur métier,
mais parce qu'on n'a pas su, qu'on n'a pas voulu, dans bien des cas,
régler le problème à la source.
A ce point de vue, je pense que le projet de loi est essentiel et qu'on
doit le voter dans les plus brefs délais. Je pense même que tout
le temps qu'on perd ici à l'Assemblée nationale à en
discuter... On en discute pendant qu'il y a des gars dans les usines de mon
comté de Beauharnois qui, justement, continuent à respirer des
émanations, qui, peut-être, se font couper des doigts ou sont en
train de devenir malades à travailler dans des conditions
lamentables.
M. le Président, je ne voudrais pas prendre plus de temps qu'il
ne le faut à la Chambre parce que cela urge de voter sur le projet de
loi 17, qui dit aussi, au niveau de principes... A mon avis, on ne peut pas
être contre l'hygiène industrielle.
Le projet de loi veut aussi, au niveau des principes, enrayer les
dangers à la source, permettre à la femme enceinte, Mme la
Présidente, d'avoir un retrait préventif si son travail est cause
de danger pour son enfant ou pour elle-même. Même la femme enceinte
qui aura accouché, si elle doit allaiter son enfant, comme on l'a dit
précédemment, pourra aussi avoir un retrait préventif. On
ne peut pas être contre un projet de loi comme cela. Il y a un grand
principe aussi qui veut que les compagnies, les multi-nationales, bien
sûr, tant et aussi longtemps qu'elles ont été les seules
à être les joueurs dans cette partie, ont pensé, bien
sûr, d'abord à leurs investissements, à leurs poches,
à leurs piastres, aux projets ou aux profits à faire chaque
année. Je ne les mets pas toutes dans le même bain. Il y en a qui
ont fait des efforts. J'ai des compagnies, dans le comté de Beauharnois,
qui ont fait des efforts extraordinaires. C'est en voie d'amélioration,
mais seulement, de les laisser à elles-mêmes, il y a trop de
compagnies qui ne font pas ces efforts et finalement, qui paie la facture au
bout? c'est le travailleur.
Tant et aussi longtemps qu'on ne comprendra pas que, finalement, pour
qu'une industrie fonctionne, il faut d'abord qu'il y ait derrière les
machines, des travailleurs, ces travailleurs, s'ils sont en santé, s'ils
sont dans un climat de travail favorable, je pense qu'au bout de la ligne,
finalement, et les travailleurs en seront bénéficiaires, et le
patron le sera aussi. Je pense que, dans cet esprit, il faut arrêter de
se chicaner dans les commissions parlementaires et en Chambre et s'empresser de
voter le fameux projet de loi no 17 sur la santé et la
sécurité au travail. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président: Merci. M. le député de
Maisonneuve.
M. Georges Lalande
M. Lalande: M. le Président, le projet de loi no 17,
intitulé Loi sur la santé et la sécurité du
travail, porte et incite à croire que le gouvernement a
décidé une fois pour toutes, dans une loi-cadre, de vraiment
saisir la réalité sociale dans les milieux de travail et tenter,
de façon globale, de régler les problèmes de santé
et de sécurité du travail pour la population active du
Québec. C'est peut-être justement une première faiblesse de
ce projet de loi que de vouloir tout normaliser et confier cette normalisation
à l'Etat, sans tenir compte de la nature du travail que l'on fait dans
l'entreprise et sans tenir compte vraiment de la taille de l'entreprise. Loin
de moi l'idée de ne pas déplorer l'état bien souvent
dramatique, d'accidents du travail dans certaines entreprises et dans certains
chantiers. Mais la question est de savoir si justement ce projet de loi va
régler quelque chose à cet état alarmant d'une mauvaise
sécurité au travail dans bien des cas. La question est de se
demander si le projet de loi ne va pas tout simplement créer l'illusion
que la santé et la sécurité des travailleurs est
maintenant garantie aux Québécois. Posons-nous la question. Le
fait de remettre la santé et la sécurité du travail entre
les mains d'une commission gouvernementale ne va-t-il pas tout simplement
contribuer à rater le but visé de protéger les
travailleurs?
Mme la Présidente, ce qu'il faut essayer de cerner dans ce projet
de loi, c'est de savoir si le gouvernement veut vraiment s'attaquer à
solutionner les problèmes de santé et de sécurité,
ou plutôt s'offrir une structure pyramidale gouvernementale qui calme
l'opinion publique, mais n'apporte rien aux travailleurs vraiment. Ce qui est
souvent plus grave dans de tels cas, c'est de laisser croire que le
problème est réglé, alors qu'en fait il n'en est rien. Ce
genre d'évitement intellectuel provoque toujours un recroquevillement
sur soi-même et un désengagement des entrepreneurs, qui n'auraient
plus dorénavant qu'à se soumettre à la règle
gouvernementale. Bref, ce projet de loi aide-t-il ou, au contraire, recale-t-il
le travailleur? Ce projet de loi est-il une incitation pour les employeurs
à remettre entre les seules mains de l'Etat, du gouvernement, toute la
santé et la sécurité au travail? Mme la Présidente,
la lecture de ce projet de loi m'apparaît dans son ensemble attacher
beaucoup plus d'importance à la structure d'une Commission des accidents
du travail renouvelée que d'un véritable souci d'assurer une
certaine protection aux travailleurs. (23 heures)
Encore une fois, ce projet de loi, qui émane du présent
gouvernement, fait passer l'accessoire avant le principal. Ce qui paraît
important au gouvernement, c'est d'ériger une structure plutôt que
d'aborder de façon réaliste le problème; c'est d'essayer
de résoudre tous les maux de la santé et
de la sécurité au travail d'un seul coup, au lieu de
s'attaquer méthodiquement, dans un premier temps, à certaines
maladies industrielles bien identifiées et de traiter ces cas à
fond avant d'approfondir davantage d'autres points faibles qui touchent la
santé et la sécurité du travail. "Qui trop embrasse mal
étreint", dit le dicton. C'est ce qui nous arrive dans ce projet de loi.
A vouloir tout toucher, on manque l'essentiel. Comment le ministre pense-t-il
pouvoir remplir toutes les promesses de ce projet de loi, quand nous ne pouvons
avoir, à l'heure actuelle, le nombre suffisant de professionnels pour ne
toucher que l'aspect curatif de la santé du travail?
Le ministre se rend-il compte qu'il faut plus qu'une expertise
médicale, un traitement médical ou encore une sanction
pénale pour résoudre un problème de santé qui
implique collectivement plusieurs employés et cela, dans l'aspect
curatif seulement? Si, de façon préventive, on veut en arriver
à un résultat, il faut tout un attirail de ressources que
sûrement la Commission de la santé et de la sécurité
du travail n'a pas à l'heure actuelle et n'est même pas à
même de fournir dans un avenir rapproché.
Il me semble, Mme la Présidente, qu'il serait beaucoup plus
approprié de remettre entre les mains de l'employeur et des travailleurs
qui oeuvrent dans cette entreprise la responsabilité de régler
leurs problèmes de santé et de sécurité. L'Etat,
par contre, pourrait concentrer ses ressources et ses efforts principalement
sur la prévention et les recherches qui s'y rattachent.
Mme la Présidente, le gouvernement, en voulant satisfaire tout le
monde, a manqué l'essentiel et ne touche qu'accessoirement ce qui
devrait être le principe véritable de ce projet de loi,
c'est-à-dire viser prioritairement à assurer la santé et
la sécurité au travail du plus grand nombre de travailleurs.
Je ne voudrais pas faire un procès d'intention au gouvernement,
là n'est pas mon but, mais, en sortant ce qu'on appelle le "pitch and
substance" ou l'essentiel de ce projet de loi, force nous est de constater que
ce projet de loi se traduit principalement par la mise sur pied d'un petit Etat
dans l'Etat que sera celui de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Je le répète, ce projet de loi pourrait avoir de la valeur
dans son aspect curatif, mais il y a déjà des lois qui existent
pour protéger les travailleurs et le Code criminel pourrait retrouver
toute son acuité et son efficacité si le gouvernement
décidait vraiment de faire respecter les lois existantes. Il n'y a pas
lieu de faire une nouvelle loi pour ça.
Mme la Présidente, tout comme le ministre, moi aussi, je suis
révolté par les employeurs qui exploitent les gens, qui
exploitent leurs employés. A moi aussi, il me répugne de
constater qu'il y a des employeurs qui exigent de leurs employés, par
exemple, de forer dans des endroits qui n'ont pas été auparavant
déminés. Le cas dramatique de ceux qui ont ainsi perdu la vie
doit, de façon prioritaire, soulever notre réprobation à
tous. Mais ce qu'il faut faire dans de tels cas, c'est poursuivre ces gens en
justice, c'est les amener devant les tribunaux criminels; pas faire une
nouvelle loi.
Ce projet de loi reprend, néanmoins, des points importants qui se
retrouvent, d'ailleurs, dans d'autres lois, tels, par exemple, le droit de
refus et le droit de refus préventif. Mais ce point louable et d'autres
points du projet de loi, qui ont d'ailleurs été soulignés
par mon collègue de Portneuf, n'amènent cependant pas à
conclure à la nécessité d'en faire une loi. Evidemment, si
le gouvernement décidait véritablement de se concentrer
prioritairement sur la santé et la sécurité des
travailleurs, je serais le premier à endosser une telle initiative.
Mais je dois m'opposer, au nom des travailleurs de mon comté et
au nom des travailleurs du Québec, à ce projet de loi. Je ne peux
souscrire à la mise sur pied d'un empire enfermé sur
lui-même que sera la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Ce n'est sûrement pas ainsi qu'on va
améliorer la sécurité au travail et la
sécurité des travailleurs. On attendait beaucoup de ce projet de
loi, on n'y retrouve guère que l'organigramme d'une commission
gouvernementale. Appuyer ce subterfuge du gouvernement serait continuer
à propager l'illusion que la santé et la sécurité
au travail sont maintenant assurées aux travailleurs par ce projet de
loi, ce qui est faux.
Si le ministre consentait à corriger son projet de loi et
à remettre entre les mains des travailleurs et des employeurs la
responsabilité première de leur santé et de leur
sécurité au travail, c'est-à-dire d'amener les employeurs
à fournir une obligation de résultats quant aux conditions de
travail acceptables par les travailleurs, je serais alors très heureux
d'appuyer un tel projet de loi amendé. Merci.
La Vice-Présidente: M. le député de
Rimouski.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: Mme la Présidente, je vous remercie. Je suis
particulièrement heureux de pouvoir participer à ce débat,
ayant été président de la commission parlementaire qui a
entendu les différents mémoires. A ce moment-là, j'ai pu
constater que cette loi était attendue depuis des années et j'ai
compris que plusieurs groupes nous ont passé le message suivant: Votre
loi n'est peut-être pas parfaite, ce n'est peut-être pas
l'idéal, mais ne la reportez plus, c'est le temps de vous grouiller,
c'est le temps d'agir. Je comprends que ces gens nous l'aient dit. Je suis
député d'un comté à la fois rural et semi-urbain.
On pense toujours que les accidents de travail arrivent dans les grandes villes
où il y a de la grosse industrie. Regardons les secteurs où il y
a le plus d'accidents de travail: la forêt. Un travailleur sur trois par
année a un accident de travail dans le domaine de la forêt, 33%
par année, un sur trois. Dans l'industrie du sciage du bois, un sur
cinq, 21% par année; un travailleur sur cinq a un accident de
travail. Ce sont les deux plus gros, le troisième étant la
fabrication des produits en métal. C'est le nombre d'accidents.
Maintenant, si on regarde l'incapacité permanente des deux plus
gros secteurs, la forêt comptait 37%, en 1976, d'incapacité
permanente à la suite d'un accident de travail en forêt, et 15,7%
d'incapacité permanente à la suite d'un accident de travail dans
l'industrie du bois. Je me dis que ce projet de loi touche également
tous les secteurs auxquels on ne penserait pas que ce projet de loi puisse
toucher. Moi-même, j'ai subi ce choc des chiffres lorsque j'ai lu le
livre blanc. J'ai fait une démarche, je suis allé rencontrer les
gens de trois scieries de mon comté et deux sociétés
d'exploitation des ressources qui travaillent dans le domaine de la
sylviculture. J'au pu constater qu'il y avait toutes sortes de comportements
d'industrie et de milieu de travail. J'ai rencontré des travailleurs
d'une scierie non syndiquée, j'ai participé, durant trois heures,
au comité de sécurité où il y avait les employeurs
et une douzaine de travailleurs qui se réunissaient
régulièrement; chaque fois qu'il y a un accident de travail, ce
comité se réunit, même s'il n'y a pas de syndiqués,
pour examiner les causes de l'accident et prévoir les corrections. J'ai
participé à leur réunion qui a duré environ trois
heures, cette fois-là.
Je suis allé dans une autre scierie qui était
syndiquée et où j'ai pourtant eu l'impression que le
comité de sécurité, prévu même dans la
convention, était plus ou moins symbolique. Je suis encore allé
dans une autre scierie où il n'y avait rien du tout, pas de
comité, pas de représentant à la prévention. J'ai
rencontré deux sociétés d'exploitation des ressources qui
ont des travailleurs forestiers à leur emploi et qui font de la
sylviculture. On s'est plaint à moi du coût très
élevé des montants d'indemnisation qu'on devait payer à la
Commission des accidents du travail. Je leur ai dit: Avez-vous fait quelque
chose pour diminuer ces coûts? On tient compte de l'employeur
lui-même, de son rendement, des accidents qu'il y a ou qu'il n'y a pas
dans son entreprise. On m'a répondu: On n'a rien fait. Cela fait cinq ou
six ans que cela se produit et on n'a rien fait dans ce sens. (23 h 10)
On a passé une soirée à discuter avec chaque
groupe. Dans une première discussion, chacun des travailleurs avait des
suggestions concrètes pour diminuer les accidents de travail dans leur
type d'entreprise, c'étaient des travailleurs forestiers. Par exemple,
ils constataient que c'étaient les jeunes bûcherons, souvent, qui
se blessaient parce qu'ils avaient une mauvaise façon de traîner
le bois et ils se forçaient les muscles du dos. En somme, ils
constataient eux-mêmes qu'ils auraient pu diminuer, pour leur entreprise,
les coûts des accidents de travail.
En somme, j'ai pu moi aussi, comme député d'un
comté rural, avoir ce choc face à la santé et à la
sécurité au travail. Mais j'aurais une sévère
critique à adresser au ministre d'Etat au Développement social,
celui d'appliquer le programme du Parti libéral. Je ne vous
soupçonnais pas de con- naître aussi bien le programme du Parti
libéral de 1976 dont je vais vous lire les quatre paragraphes sur la
santé et la sécurité au travail. Vous allez dire: Mon
Dieu, c'est la loi actuelle. Oui, oui: Le Parti libéral du Québec
s'engage à poursuivre sa politique de santé au travail en faisant
adopter une législation d'ensemble, globale, sur la santé et la
sécurité au travail pour y renforcer les normes de
sécurité et d'hygiène et pour rendre conjointement
responsables patrons et employés est-ce que c'est ce qu'il y a
dans la loi? de façon à assurer la participation active
des travailleurs au contrôle de leur environnement de travail.
Deuxièmement, en élaborant une politique de la médecine au
travail est-ce que c'est ce qu'il y a dans la loi? Moi, je pense que
c'est ce qu'il y a dans la loi en mettant en place, à la
Commission des accidents du travail, le cadre juridique et administratif apte
à résoudre toute difficulté provenant des maladies
industrielles susceptibles d'altérer irréversiblement la
santé des travailleurs. Quatrièmement, en augmentant, suivant les
besoins, le nombre d'inspecteurs pour faire respecter les normes de
salubrité et de sécurité au travail et élargir
leurs pouvoirs pour mieux garantir la santé des travailleurs
québécois.
J'applaudis le ministre d'Etat au Développement social qui a bien
lu le programme du Parti libéral du Québec.
Quant au programme de l'Union Nationale que j'ai retrouvé, je
dois reconnaître que le ministre n'a pas eu grand problème
à appliquer le programme de l'Union Nationale parce qu'il y a les deux
phrases suivantes: C'est le temps d'adopter une politique de
sécurité industrielle. C'est le temps de réviser la loi
sur les accidents du travail. C'est tout! Alors, c'est réalisé au
complet.
Plus sérieusement, je dois adresser une autre critique au
ministre d'Etat au Développement social, c'est d'avoir lu le programme
du Parti québécois qui dit ceci: Le gouvernement du Parti
québécois s'engage à assurer la sécurité
physique au travail en incitant l'employeur à éliminer tout
danger à la source vouloir éliminer le danger à la
source, c'est grave regrouper sous un seul organisme la
responsabilité de l'établissement et de l'application des normes
minimales de santé au travail par la rédaction d'un code
unifié du travail applicable à tous les secteurs et
complété par une réglementation sectorielle tenir
compte des secteurs mais des normes de base obliger toute entreprise du
Québec à mettre sur pied un comité conjoint mi-employeur,
mi-employé, chargé de voir à la prévention et
à la sécurité dans l'entreprise et fournir aux
employés des cours de premiers soins.
Je pourrais continuer la lecture du programme du Parti
québécois mais je pense qu'il faut adresser un
sévère blâme au ministre d'Etat au Développement
social, celui de respecter l'esprit du programme du Parti
québécois et l'esprit du programme du Parti libéral du
Québec. En fait, j'ai été estomaqué, comme
plusieurs de mes collègues, cet après-midi, d'entendre le
député de Portneuf parce qu'à la commission
parlementaire,
c'était curieux, c'était le ministre d'Etat au
Développement social qui était conservateur et c'était le
député de Portneuf, aux yeux de nos invités, qui, à
plusieurs reprises, allait plus loin et disait au ministre: Vous n'allez
peut-être pas assez loin dans tel secteur, il faudrait améliorer
cela, il faudrait être plus exigeant dans tel secteur. Je vois qu'un
membre du Parti libéral est d'accord avec l'interprétation que je
fais des interventions du député de Portneuf.
Hier je discutais avec le ministre d'Etat au Développement
social. Je lui disais: Cela va bien aller, ta loi. Elle va être
adoptée à l'unanimité. Le ministre m'a prévenu. Il
a dit: II y a du monde en ville. Le Conseil du patronat est descendu à
Québec avec toute sa cavalerie.
Des Voix: Ah!
M. Marcoux: On ne sait jamais ce qui peut se passer. Eh bien, cet
après-midi, nous avons eu la réponse et, pour quelqu'un qui a lu
le journal d'hier, je pense qu'on aurait pu la deviner parce que dans le
journal, on nous dit ceci: "Les nouveaux amendements à la loi 17
irritent le Conseil du patronat du Québec." Je vais vous donner quatre
ou cinq extraits et vous allez redécouvrir un discours que nous avons
entendu ce soir, le discours du chef du Parti libéral, dans son esprit.
Une des choses qui sont dites dans cet article, c'est que le Conseil du
patronat a déploré que la survie des services de santé
déjà en place dans les grandes entreprises soit soumise à
l'accord formel des travailleurs de l'établissement à qui ces
services s'adressent. Deuxièmement, le monde patronal qui s'opposait
déjà aux comités paritaires de santé et de
sécurité est évidemment irrité de constater que la
nouvelle version de la loi leur accordera encore plus de pouvoirs
décisionnels.
Ce soir, on parlait de concertation. Pas de décisions, surtout
pas. Il ne faudrait pas que les travailleurs avec les employeurs puissent
décider du programme de santé. De la concertation. Pas de
décisions. Les représentants de l'employeur devront donc se
mettre d'accord avec les employés sur le médecin et le programme
de santé de l'entreprise, sur les moyens de prévention les mieux
adaptés aux besoins et sur les programmes de formation, etc. Egalement,
au dire de M. Dufour, les représentants patronaux n'arriveront jamais
à se mettre d'accord avec les employés qu'ils désirent
protéger. Un autre élément: "Leur bonheur serait cependant
beaucoup plus complet si le projet de loi ne créait pas une fonction de
représentant à la prévention nommé par les
travailleurs." C'est grave, qu'il y ait un représentant à la
prévention face aux accidents de travail dans toutes les entreprises,
même celles qui ont moins de 20 employés. Je pense que cela
répond bien à la préoccupation de la députée
de Prévost qui s'inquiétait qu'on laisse peut-être de
côté les petites entreprises. Il y a également un autre
reproche, celui de donner trop de pouvoirs à ce représentant
à la santé, etc.
En tout cas, pour ceux qui ne les auraient pas lus, je leur conseille la
lecture des commentaires du Conseil du patronat concernant le projet de loi no
17 et vous allez comprendre le peu de flamme du député de
Portneuf. Je n'en suis pas revenu. Je n'ai jamais entendu le
député de Portneuf parler aussi calmement, aussi doucement contre
un projet qu'il ne partageait pas. Ordinairement, le député de
Portneuf est tout enflammé. C'est épouvantable! C'est de la
bureaucratie! C'est de la technocratie! C'est épouvantable! Il
était tout calme, tout doux, tout serein et à la fin, tout
discrètement, il nous a signifié qu'il voterait contre. Il faut
se poser des questions! Il faut se poser des questions. En fait, je pense que
cela prend un certain courage de la part du député de Portneuf
pour voter contre ce projet de loi, alors que, dans le fond, on a bien senti
qu'il en favorisait les grands principes.
Mais je pense que notre déception fut encore plus grande, de ce
côté-ci, lorsqu'on a entendu la députée de
Prévost. Tout le monde attendait la première intervention sur un
débat de fond de la députée de Prévost. Je pense
que l'ensemble de la population québécoise attendait cette
intervention, de même que l'ensemble des députés de cette
Chambre. Qu'est-ce qu'on a eu, comme intervention? Un discours qui reprochait
au ministre d'être trop sensible, mais où j'ai perçu autant
de sympathie et d'émotion face aux problèmes des travailleurs,
mais un discours d'une merveille de l'ambiguïté. J'ai bien senti,
j'ai eu l'impression que la députée de Prévost avait deux
amours: les travailleurs, mais aussi la ligne du parti. J'ai senti qu'elle
était hésitante, déchirée parce que, tout à
la fois, elle nous reproche de ne pas faire une politique plus globale, plus
ferme, musclée, mais en même temps, elle nous dit... Elle n'a
même pas dit: Je suis pour ou je suis contre. Je pense que c'est
peut-être le meilleur signe de cette ambiguïté. (23 h 20)
Mais, dans l'Opposition, ce qui a été le comble
jusqu'à un certain point, c'est l'intervention du député
de Saint-Laurent qui a dit que cette loi était bureaucratique et que ce
qu'il fallait faire, c'était remettre aux travailleurs à la base
le soin de régler cela. Cela, venant du vrai responsable de
l'orientation sur ce projet de loi du Parti libéral, celui qui accuse
cette loi d'être trop bureaucratique, c'est celui qui a mis en place
écoutez cela les CRSSS, les CSS, les DSC, les CLSC, les
CH, les CA. On pourrait nommer une litanie d'organismes bureaucratiques
supposément au service de tous les citoyens. Il vient nous accuser, lui,
de faire de la bureaucratie en remplaçant sept lois par une loi, en
remplaçant une vingtaine de règlements en les unifiant, en
unifiant l'administration de ces règlements sous la
responsabilité d'un organisme. Que tous les citoyens sachent qu'il y a
un organisme au Québec qui est responsable de la santé et de la
sécurité. Je pense que cette accusation de bureaucratie se
retourne contre celui qui l'a formulée le premier.
En terminant, Mme la Présidente, je voudrais poser certaines
questions au Parti libéral. D'abord, je voudrais demander au Parti
libéral s'il est pour
ou contre les mécanismes de participation des travailleurs et des
employeurs prévus dans cette loi? Est-il pour ou contre les moyens
proposés pour éliminer les causes à la source des
accidents de travail et des maladies professionnelles? Est-il pour ou contre
qu'un projet de loi définisse enfin les droits et les obligations des
travailleurs, des employeurs, des propriétaires et des fournisseurs
assujettis à cette loi? Est-il pour ou contre le fait que, dans chaque
entreprise, on mette en place des comités de santé et de
sécurité au travail, des comités paritaires qui ont des
pouvoirs décisionnels sur des matières importantes? Est-il pour
ou contre qu'il y ait des représentants à la prévention
dans les entreprises qui ne soient pas syndiqués? Est-il pour ou contre
qu'il y ait la création d'associations responsables dans un secteur
d'activités? Est-il pour ou contre que les départements de
santé communautaire puissent voir à l'implantation de ces
programmes de santé et de sécurité? Est-il pour ou contre
qu'il n'y ait plus de médecins de compagnie, mais qu'il y ait des
médecins acceptés de part et d'autre par les travailleurs et les
employeurs? Est-il pour ou contre que les services de santé qui existent
maintenant dans certaines entreprises y demeurent? Je crois que le chef du
Parti libéral y a répondu en disant oui. Est-il pour ou contre la
création d'un organisme unique responsable de la mise en place de cette
loi, de ses principes? Est-il pour ou contre que dans cette loi, on
prévoie des règles particulières pour le secteur de la
construction qui a de graves problèmes qui lui sont propres? Est-il pour
ou contre les recours prévus pour les travailleurs dans cette loi?
Je pense que le Parti libéral devrait répondre à
ces questions. En fait, le chef de l'Opposition, tantôt, nous disait
ceci: II va falloir que vous vous habituiez à l'Opposition. J'en suis.
Je suis le premier à reconnaître que c'est non seulement utile,
mais nécessaire. Je me souviens, lorsque nous étions dans
l'Opposition, que nous avions fortement critiqué le gouvernement sur
divers projets de loi. Je pense qu'il y avait une caractéristique que
tous vont nous reconnaître. A chaque fois que nous nous sommes
opposés fermement au gouvernement libéral du temps, nous avions
toujours des propositions constructives de remplacement à
présenter. Je voudrais qu'on me cite aujourd'hui une proposition
constructive remplaçant la ou les solutions que nous proposons. Ce n'est
pas la première fois que ceci se produit. Sur l'assurance automobile,
sur la politique linguistique, sur l'amiante, sur la protection du territoire
agricole, sur la réforme de la fiscalité municipale, toujours,
non, non, non! Mais, à chaque fois, on ne nous a jamais dit quelles
étaient les mesures de remplacement.
Je n'ai aucune objection je pense que c'est la démocratie
même à ce que l'Opposition s'oppose à plusieurs ou
à des mesures proposées par le gouvernement, mais je pense que
c'est la tâche d'une opposition de dire, quand elle est contre, ce
qu'elle propose à la place et vous n'avez pas fait votre tâche.
Vous avez eu trois ans pour préparer votre proposition, votre programme,
mais je pense qu'il faut se rendre compte d'une chose, c'est qu'il y a deux
lignes de conduite de l'Opposition qui sont familières depuis trois ans
et qui n'ont pas changé avec le nouveau chef. D'abord, c'est de ne
jamais dire ce qu'on ferait à la place pour ne mécontenter
personne. On est contre, mais on ne dit pas ce qu'on ferait à la
place.
Deuxièmement, il y a une stratégie régulière
maintenant de l'Opposition, c'est de nous sortir le discours cassette qu'on va
entendre, j'en suis convaincu, jusqu'aux prochaines élections, le
discours cassette suivant: Vous êtes un gouvernement bureaucratique, vous
êtes un gouvernement qui n'attachez pas assez d'importance à
l'entreprise privée, vous êtes un gouvernement qui ne respectez
pas les oppositions ou les opinions démocratiques, vous êtes un
gouvernement dirigiste, vous êtes un gouvernement contre la
liberté des individus. C'est le discours cassette qu'on va entendre,
indépendamment des lois. Remarquez les discours en Chambre depuis
plusieurs mois: ils ne portent plus sur le contenu des lois, ils portent sur un
procès d'intention général qui est toujours le même.
Je pense que c'est actuellement ce qui caractérise l'Opposition. Dans le
fond, qu'est-ce qu'on propose? J'ai eu l'impression qu'on proposait une chose
aujourd'hui aux Québécois dans le domaine de la santé et
de la sécurité, on proposait le statu quo. Merci.
La Vice-Présidente: M. le député...
M. Fontaine: Est-ce que le député me permettrait
une question?
Des Voix: Non.
La Vice-Présidente: Malheureusement, M. le
député, c'est moi qui devrai rendre cette décision, parce
que le député a dépassé d'une minute le temps qui
lui était alloué.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Mme la Présidente, je pense que le ministre et
la population peuvent juger de la qualité de la contribution du
député de Rimouski de par son intervention. Quant à moi,
du moins, ce n'était pas très fort. Je voudrais simplement
souligner un point de son discours. Je trouve qu'il a été injuste
envers le député de Portneuf. Je pense qu'il a tendance à
croire qu'un parti d'opposition qui n'est pas pour la loi n'est pas pour les
personnes qui sont impliquées. C'est une habitude qu'on a
constatée assez souvent, mais je veux l'assurer que c'est possible
d'être pour la protection des travailleurs sans être pour votre
projet de loi. C'est possible d'être pour la protection du consommateur
sans être nécessairement pour votre projet de loi qui vise la
protection du consommateur. On pourrait être pour la protection de
l'environnement et voter contre un projet de loi que vous proposez.
Alors, je pense que le simple respect des opinions des autres oblige le
parti au pouvoir à respecter un peu les opinions et la
possibilité que l'autre côté ait des idées.
Le député a posé plusieurs questions: Est-ce qu'on
est pour ou contre tel ou tel aspect de la loi? Moi, j'ai l'intention de
proposer quelques suggestions concrètes que le ministre pourra accepter
ou sur lesquelles il pourra réfléchir. Je parle surtout...
M. Godin: Mme la Présidente.
Le Vice-Présidente: M. le député de Mercier,
sur une question de règlement?
M. Godin: Non. Est-ce que le député a
terminé?
M. Scowen: Non, mais je pense qu'il y a quelqu'un qui...
M. Godin: Non, pas du tout.
M. Scowen: Si je comprends bien, il y a quelqu'un du gouvernement
qui a une question, Mme la Présidente?
M. Godin: Non.
Des Voix: On se demandait s'il était pour ou contre le
principe.
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous pouvez
poursuivre.
M. Scowen: Mme la Présidente, je n'ai pas l'intention de
parler au nom de l'industrie et du commerce, j'ai une certaine
responsabilité au sein de l'Opposition dans ce domaine et, comme vous le
savez, j'ai pris une certaine expérience pendant quinze ans dans
l'industrie et le commerce. Le sujet de la sécurité et de la
santé des employés est quelque chose qui pour chaque employeur
je parle seulement en mon nom est toujours une
préoccupation, mais il faut que j'admette, Mme la Présidente,
que, pendant quinze ans, je n'ai pas donné, dans l'industrie et le
commerce, à la compagnie où je travaillais, assez de
considération et assez de temps. (23 h 30)
J'ai beaucoup réfléchi ces jours-ci, depuis la
présentation du projet de loi, sur les circonstances qui m'ont
amené à un peu négliger cette question. Je ne dis pas
qu'on a été négligent au sens criminel, parce que notre
dossier était pas mal complet, mais ce n'était pas une
préoccupation majeure. Si j'ai une contribution à faire ce soir
au débat, c'est pour essayer d'améliorer la loi, pour offrir
quelques idées au ministre, elles pourront peut-être l'aider. Je
dis tout de suite que je ne parle pas au nom du Conseil du patronat, comme l'a
insinué le député de Rimouski; au tout début, je
veux un peu réfléchir sur la cause, sur ce qui nécessite
qu'au- jourd'hui le gouvernement se penche de nouveau sur le domaine de la
sécurité au travail.
Je veux simplement poser une question aux membres du Conseil du patronat
qui sont peut-être à l'écoute ce soir: Pourquoi est-il
nécessaire qu'un gouvernement, que l'Etat se mêle des relations
entre les travailleurs et les employeurs? C'est une question très
sérieuse et la réponse date du début de la
révolution industrielle. Il y a quelque chose là sur quoi on doit
réfléchir longuement. L'esprit de famille qui existe à
l'intérieur d'une petite entreprise, semble-t-il, a été
anéanti par les besoins, les nécessités du profit, de
l'efficacité, de la production et du service aux clients. Si les
compagnies et les employés se trouvent aujourd'hui dans une position
où le gouvernement est obligé de faire les lois, non seulement
sur la santé au travail, mais sur le Code du travail, sur toutes les
lois qui règlent les relations entre les syndicats et les employeurs,
les employeurs eux-mêmes ont une grande part de la responsabilité
pour ces interventions de l'Etat dans leurs affaires.
Si on veut améliorer vraiment la situation qui existe
aujourd'hui, c'est une occasion pour les employeurs de penser un peu à
cette question. Ce n'est pas quelque chose, à mon avis, que les
législateurs aiment faire. Il n'y a pas beaucoup de crédit
à gagner d'un côté ou de l'autre par la présentation
de lois pour essayer de régler les affaires entre deux parties dans
notre société, c'est quelque chose qu'on fait parce que les
parties en cause ne le font elles-mêmes. Tenant compte de cette
situation, j'accepte le fait que nous soyons devant la nécessité
de légiférer et je veux tout de suite rappeler à tout le
monde que ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement du
Québec se penche sur le sujet. Nous sommes devant une autre
étape, dans une évolution qui date de longtemps sur la
préoccupation des gens face à la sécurité au
travail. Il y a un tableau dans le livre blanc, présenté par le
gouvernement, où les lois intérieures sont décrites. Ce
n'est pas le Parti québécois, ce n'est pas le gouvernement actuel
qui a découvert la nécessité pour l'Etat de prendre soin
de la sécurité des travailleurs.
Donc, c'est une étape et je vais être très
pragmatique là-dedans. Les questions que je me pose et que je pose au
ministre sont celles-ci: Est-ce que la loi qu'il propose est une bonne
façon d'évoluer à l'heure actuelle dans la direction
où nous voulons tous aller, vers un meilleur contrôle, une
meilleure santé et une meilleure sécurité au travail? Il
faut accepter que plusieurs voies sont possibles. Le gouvernement, qui se
trouve à mi-chemin, si vous voulez, a décidé de prendre
une certaine voie. Je le répète, je pense que c'est possible pour
une partie de l'Opposition très responsable de suggérer qu'il
peut y avoir d'autres voies.
Quand j'ai lu le projet de loi, je me suis demandé... On retourne
toujours aux sources, n'est-ce pas? On a dit: Un travailleur a le droit de
refuser d'exécuter un travail, s'il croit que c'est dangereux. Moi, je
serais allé encore plus loin. Un travailleur doit refuser de faire un
travail qui est dangereux comme ça. Je pense que, sur ce point
essentiel, on est tous d'accord. Le problème de ceux qui sont
à l'Assemblée nationale est de décider comment peut-on
réaliser dans le cadre d'une loi et dans le cadre d'une administration
cette responsabilité des deux côtés?
Nous avons connu, si je comprends bien, à peu près 250
morts au travail l'an passé; on a perdu 1 400 000 jours de travail
à cause des accidents; c'est mauvais. Je ne sais pas si c'est plus
mauvais qu'il y a dix ou quinze ans, en termes d'heures perdues par
homme/heure, ainsi de suite; je pense qu'on a évolué de
façon positive mais on veut évoluer davantage.
Laissez-moi parler un peu de la solution du Parti
québécois que je trouve, quant à moi, non pas la
meilleure. Je vais souligner quelques faiblesses et suggérer une ou deux
idées que le ministre pourrait utiliser pour améliorer le projet
de loi et rendre un peu tout le monde d'accord sur les principes et la
pratique. Il faut que je retourne à ce que le député de
Rimouski a appelé une cassette. Une cassette, c'est un outil très
bon, très efficace, pour faire apprendre les gens. Les gens qui
apprennent lentement sont obligés d'écouter les cassettes
jusqu'au moment où le message est passé. Pour moi, c'est: Oui, il
y a un problème de régie et de bureaucratie, mais ce n'est pas
l'essentiel. Je trouve que c'est nécessaire d'avoir une régie
dans ce domaine et ce doit être une régie efficace et forte.
Mon problème, premièrement, c'est que cette régie a
des pouvoirs un peu trop étendus. On ne laisse pas de latitude pour des
initiatives qui ne correspondent pas aux normes du gouvernement. Je vais y
revenir dans une minute. Deuxièmement, le ministre a essayé de
mêler deux choses très importantes; il veut protéger la
sécurité et la santé, réduire le nombre de morts et
de jours perdus. Mais il a essayé de réaliser cet objectif avec
un élément de cogestion des employeurs et des travailleurs. La
question de cogestion dans l'industrie, au Canada, au Québec et en
Amérique du Nord, c'est très compliqué. Pour moi, c'est
une chose au sujet de laquelle on doit évoluer; c'est un aspect de la
société économique qui n'est pas encore assez
développé ici. Il y a des pays, notamment la France, qui peuvent
nous donner de bons exemples là-dessus.
Le ministre a essayé de régler le problème de la
sécurité et de la santé avec la politique de cogestion.
Pour moi, les deux choses, à cette heure-ci, en 1980, ne sont pas deux
choses qui doivent être associées aussi étroitement et
c'est dans cet aspect du projet de loi que, je trouve, il y a le plus de
faiblesses. Je veux parler de deux aspects de ce projet de loi, les deux que
j'ai déjà mentionnés, un peu plus en profondeur pour
expliquer un peu ce que je veux dire et aussi pour suggérer d'autres
voies possibles pour le ministre. Premièrement, je trouve que c'est
essentiel que cette régie tienne compte du fait qu'il y a d'abord,
aujourd'hui, des compagnies et des secteurs de l'industrie et du commerce
où les choses vont assez bien. A titre d'exemple, il y a la pire des
industries au Québec, c'est l'industrie de fabrica- tion des produits en
métal où nous avons eu, en 1977, 31,82 accidents par 100
travailleurs. Le député de Rimouski a déjà
cité ce chiffre. La meilleure, c'était l'industrie des produits
du pétrole et du charbon où il y avait 0,31 accidents. Alors,
c'est 100 fois plus d'accidents dans une industrie que dans l'autre.
C'est clair que ce n'est pas parce que les gens dans la fabrication du
métal sont plus bêtes que les gens dans la fabrication du
pétrole. C'est quelque chose qui est lié avec la nature de
l'industrie. Il me semble que l'intelligence la plus simple impose que nous
tenions compte de ces différences et que nous nous penchions, que nous
portions nos efforts sur les industries où nous avons des
problèmes et que nous laissions les autres qui n'ont pas de grands
problèmes aller comme elles vont maintenant. (23 h 40)
II y a aussi la question compagnie par compagnie. J'ai reçu une
lettre de la compagnie General Motors récemment. La compagnie General
Motors est une compagnie qui fonctionne à l'échelle mondiale qui,
quant à moi, a toujours démontré une attitude positive
envers ses employés et qui a déjà un système
très efficace en ce qui concerne la santé et la
sécurité au travail. Elle est contre ce projet de loi et je veux
simplement citer deux paragraphes. Elle nous dit: "L'élimination des
comités de sécurité déjà existants et la
redéfinition de l'autorité ayant la responsabilité auront
pour effet d'affaiblir les liens coopératifs entre l'administration et
nos travailleurs, qui ont prévalu pendant plusieurs années dans
nos usines et qui sont déjà un mécanisme efficace." Je
cite encore: "Les employeurs ont la responsabilité ultime de la
santé et la sécurité de leurs employés et doivent
donc garder la responsabilité pour la gestion de ces services." Je pense
que vous comprenez un peu le sens de la représentation de General
Motors. Je pense qu'elle n'a pas été faite dans le sens de
charrier, d'être contre la sécurité et la santé.
Elle a déjà quelque chose sur place qui ne se conforme pas
exactement aux critères et au système rigide
développé par la régie, mais qui est le sien, qu'elle a
développé, qui correspond à ses besoins et dont les
employeurs et les travailleurs sont satisfaits.
Il me semble, premièrement et c'est une suggestion que je
fais au ministre qu'il doit trouver le moyen, à
l'intérieur de ce projet de loi, de donner une exemption totale aux
compagnies et aux secteurs qui sont déjà dans le cadre d'un
système de protection acceptable. Nous avons beaucoup de pain sur la
planche dans les secteurs et dans les compagnies où on ne tient pas
compte des contraintes et des problèmes de sécurité.
Allons dans ces secteurs faire tout ce qu'il faut faire, mais laissons la
liberté d'initiative aux gens qui ont déjà commencé
à faire quelque chose qui n'est peut-être pas exactement ce qui
correspond aux 200 articles de la loi, mais qui est pour les employés de
la compagnie ou pour l'industrie très efficace.
A titre d'exemple un dernier exemple dans ce domaine, Mme la
Présidente je citerai le cas
de l'industrie des pâtes et papiers. J'ai été
conscient que cette industrie, surtout dans les usines, avait toujours
manifesté un grand intérêt pour la santé et la
sécurité du travail. Il y avait, au sein de l'Association des
pâtes et papiers du Canada, un système en marche, en recours, si
vous voulez, des inspecteurs dans les usines. Avant de les obliger à le
mettre de côté et à installer le système universel,
permettez à ces gens de venir à la commission parlementaire et de
dire: Ecoutez, notre système peut-il être acceptable? J'ai
expliqué autant que possible la première suggestion que je veux
faire au ministre.
La deuxième suggestion est reliée un peu à la
première, mais elle est quand même différente. C'est la
question de la responsabilité. Quant à moi, Mme la
Présidente, nous avons besoin d'une régie, mais, d'abord, nous
avons besoin d'une loi-cadre qui va définir la responsabilité des
employeurs dans le domaine de la santé et de la sécurité.
Nous avons besoin, deuxièmement, Mme la Présidente, d'un
système d'amendes, des coûts qui vont attirer l'attention des
dirigeants de l'entreprise sur le sérieux de nos intentions. Je suis
loin d'être persuadé que la bonne volonté va faire marcher
les compagnies vers une plus grande attention dans ce domaine. Nous avons la
responsabilité de légiférer et nous avons la
responsabilité de créer un système de coûts
importants pour ceux qui ne respectent pas les lois.
Nous avons également besoin d'une régie ou d'une
commission qui sera chargée de faire les recherches, surtout dans les
domaines où nous avons les taux d'accident les plus élevés
ou dans les domaines où les problèmes toxiques sont les plus
élevés et d'essayer de les régler. Tout cela est
prévu dans la loi.
La faiblesse qui découle de ce système est la suivante.
C'est une question que j'ai déjà soulevée, celle de la
cogestion. Je pense qu'au Québec, au Canada et en Amérique du
Nord, nous sommes encore dans un système où la majorité
des compagnies comprennent beaucoup mieux l'idée qu'elles doivent
connaître leurs propres responsabilités et les assumer. Le
coût et les systèmes administratifs pour l'administration d'un
programme de santé et de sécurité sont très
liés aux autres aspects de l'administration de la compagnie. J'aurais
préféré énormément que le ministre trouve
les moyens d'encourager et stimuler les comités conjoints à
l'intérieur des compagnies qui en ont besoin, qui ne l'ont pas fait
elles-mêmes mais qui n'en auront pas la responsabilité parce que
les contradictions qui sont créées par la loi dans laquelle vous
donnez la responsabilité c'est une responsabilité avec des
retombées économiques à un groupe qui n'a pas la
responsabilité de la direction de la compagnie va,
inévitablement, créer des conflits qui vont causer, j'en suis
persuadé, plus de problèmes que de bénéfices.
Ce sont les deux points, Mme la Présidente. Je suis
persuadé que ces deux suggestions pourraient être acceptées
par le ministre et les accommodements faits. Je suis persuadé en ce
moment qu'il va recevoir l'appui de la grande majorité des entreprises
et même la grande majorité du Conseil du patronat et que ce n'est
pas un appui négligeable. Comme il le sait, nous sommes ici dans un
marché nord-américain dans lequel les compagnies ont le choix de
s'installer et de se développer dans les diverses régions. Il me
semble que si nous pouvons, comme législateurs, trouver un
système qui peut gagner l'appui des deux... Je termine dans une minute,
Mme la Présidente; vous me le permettrez?
La Vice-Présidente: Si nous avons le consentement de
l'Assemblée, M. le député, je le veux bien. Alors, une
minute, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: S'il peut trouver les moyens de faire quelques
changements à peu près comme ceux que j'ai
suggérés, s'il peut nous donner la possibilité d'avoir
l'appui des deux côtés, nous aurons fait quelque chose qui va
aider non seulement les compagnies, mais les travailleurs aussi. Finalement,
nous cherchons tous la même chose. Nous cherchons à réduire
les accidents de travail et améliorer la santé.
La loi sera adoptée ce soir ou demain en troisième lecture
avant la fin de la session. Au moment où elle sera adoptée, tout
le monde va applaudir. Mais, il faut accepter qu'à ce moment, rien ne
sera réalisé, aucun accident ne sera prévenu, le taux
d'accidents sera aussi grand. Nous n'aurons rien à applaudir. Nous
serons simplement devant une nouvelle régie, une nouvelle commission,
des nouveaux comités, une nouvelle structure, un nouveau système
à bâtir. Est-ce qu'il sera bon ou mauvais? Nous ne le saurons pas.
Je suis porté à croire qu'il y a de bons éléments
dans le projet de loi. Il y a deux ou trois choses que j'ai proposées
aussi clairement que possible au ministre qui peut encore bonifier la loi. Je
pense que s'il veut accepter de le faire, je suis prêt à faire
tout ce que je peux pour l'aider s'il a besoin de moi. Je suis persuadé
que nous pouvons développer ensemble une loi qui sera acceptée
par les deux côtés et qui, finalement, avec cette collaboration de
base qui est très importante va nous donner les objectifs que nous
cherchons à atteindre. Merci.
La Vice-Présidente: M. le député de Mercier.
(23 h 50)
M. Gérald Godin
M. Godin: Mme la Présidente, je voudrais profiter du droit
de parole qui m'est accordé pour féliciter le Parti
libéral. Je pense, Mme la Présidente, au Pari libéral des
années vingt, le Parti libéral du régime Taschereau qui,
dans les années vingt, a créé la Commission des accidents
du travail qui a décidé, dans un premier temps, d'enlever, de
déjudiciariser, si vous voulez, l'accident de travail, car, à
l'époque, il faut s'en rappeler, un travailleur accidenté devait
poursuivre...
M. Fontaine: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Sur une question de règlement,
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je m'excuse auprès de mon collègue
mais, pour une intervention aussi majeure et faisant l'éloge du Parti
libéral, je pense qu'il serait intéressant d'avoir plus que
treize collègues à l'Assemblée nationale.
La Vice-Présidente: Nous vérifions le quorum
immédiatement. M. le député de Mercier, vous avez la
parole.
M. Godin: En effet, Mme la Présidente, dans les
années vingt, le régime Taschereau, saisi de plaintes
innombrables des travailleurs du Québec de l'époque, saisi de
plaintes innombrables des associations de travailleurs et des syndicats qui
existaient à l'époque, a décidé d'enlever aux
juges, dans nos cours, le soin de décider qui était responsable
d'un accident. Car le travailleur du temps, il faut se le rappeler, devait
trouver des avocats pour défendre sa cause contre une compagnie au sein
de laquelle il avait été victime d'un accident et un discours
remarquable, à l'époque, du premier ministre Taschereau, disait:
C'est inacceptable de voir des avocats tirer des profits de la misère
des travailleurs et il a eu le courage de mettre en marche cette immense
structure que nous connaissons maintenant et qui s'appelle la Commission des
accidents du travail.
Je peux vous dire, M. le nouveau député de Maisonneuve
vous en aurez bientôt chez vous, si ce n'est déjà
fait que 50% des cas de comté, dans une ville comme
Montréal, sont des gens qui ont été victimes d'accident de
travail et qui sont, soit mécontents de la décision de la
commission, soit satisfaits, mais n'ont pas reçu leur chèque
à cause d'une grève, soit qu'ils veulent avoir une
révision de leur cause.
Je reconnais les services immenses que rend cette commission aux
travailleurs du Québec, mais je me suis toujours dit, à chaque
fois qu'un de ces travailleurs entre chez moi, quelquefois en boitant,
quelquefois en claudiquant, quelquefois avec un revenu minime, infime, parce
que sa vie a été brisée dans un accident, il faudrait
peut-être penser un jour à tenter d'aller un peu avant l'accident,
à tenter de mettre en place une structure, mot que déteste,
semble-t-il, le député de Maisonneuve; il a appelé
ça une structure paramydale tout à l'heure. Cette structure
pyramidale que nous voulons mettre en place, les libéraux l'ont mise en
place, dans le cas des accidents de travail et je les en félicite; je
m'incline devant ce qu'ils ont fait à l'époque. C'était la
seule solution. Il fallait des médecins du gouvernement qui analysent
les causes, il fallait des gens qui décident quel pourcentage
d'incapacité, totale, partielle, permanente ou autre on affecterait au
citoyen blessé à son travail.
Nous voulons prendre les choses un pas en avant de l'accident de
travail, c'est-à-dire que nous voulons tenter, premièrement, de
prévenir; deuxièmement, mettre en place des moyens directs,
efficaces, rapides pour les travailleurs de pouvoir, sur le champ c'est
du droit nouveau, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce
d'avoir droit de cesser de travailler, sur le champ le droit d'aller
voir un inspecteur et de lui dire: Viens vérifier l'échafaudage
en question, il n'est pas conforme aux lois et aux règlements.
Je me souviens encore de l'accident de l'échangeur Turcot, alors
que les fameux vérins de Domini Forms avaient glissé et que des
tonnes et des tonnes de béton avaient noyé les travailleurs, je
pense 16 ou 17. La loi a été changée et, maintenant, les
échafaudages doivent être "bracés", comme on dit dans le
milieu, et il y a moins d'accidents dans ce secteur. Il y a une loi, il y a des
inspecteurs, il y a des règlements. Nous allons un pas en avant avec
cette loi.
Le député de Johnson, travailleur lui-même, l'a dit,
c'est un pas de géant. A ma grande surprise, j'écoutais tout
à l'heure le député d'Argenteuil et chef du Parti
libéral; il reconnaissait quand même qu'il n'avait pas pu
effectuer un travail aussi sérieux qu'il aurait souhaité le faire
parce que, disait-il, on a reçu le projet de loi trop tard. Comme s'il
avait commencé à réfléchir à la question
seulement quand ce projet de loi lui a été remis entre les mains.
Est-ce que c'est possible que le chef du Parti libéral ait
commencé à penser aux travailleurs du Québec uniquement
quand il a reçu la dernière version de la loi? Moi, j'y pensais
avant; comme député, cela fait des années que je pense
à une solution et voici qu'elle vient.
Je dois dire, pour avoir été récemment en
Saskatchewan, où il y a une loi semblable à la nôtre, la
nôtre est même un peu plus progressive ou progressiste dans le
domaine de la protection des droits des travailleurs. Dans une mine de potasse,
en Saskatchewan, j'ai demandé à des travailleurs de la potasse ce
qu'ils pensaient de leur loi qui est le modèle de la nôtre. Ils
nous ont dit: C'est parfait; dans l'ancien système qui est celui
que nous avons actuellement au Québec on ne pouvait pas obtenir
rapidement un inspecteur; on ne veut pas passer deux semaines en attendant
qu'un jugement soit rendu, qu'une décision soit rendue dans un cas
précis, nous voulons qu'un inspecteur soit à la portée de
la main et qu'il puisse venir et nous dire: Ne travaillez plus, vous avez
raison. Ou: Travaillez, nous allons faire les réparations qui
s'imposent. Ou: Contestons la décision que vous avez prise
d'arrêter de travailler, ainsi de suite. Nous mettons en place un moyen
rapide, direct, efficace, pour le travailleur de ne plus être
obligé de faire le pied de grue à la Commission des accidents du
travail. Nous voulons éviter qu'il soit blessé.
L'OCQ, l'Office de construction du Québec, a déjà
commencé à se pencher sur cette question des accidents dans la
construction qui est le milieu de travail le plus dangereux au Québec,
les chiffres le montrent. L'OCQ est en retard, tout le monde est en retard dans
ce secteur. Mais voilà un
gouvernement qui, après deux ans de réflexions, de
rencontres et de consultations, décide de mettre en place d'abord des
moyens de droit, des moyens juridiques pour le travailleur de se
protéger et, deuxièmement, un accès rapide je le
répète à des gens, des inspecteurs qui vont venir
sur les lieux pour prendre une décision. Donc, il s'agit d'une loi
essentielle à la santé publique, premièrement.
Deuxièmement, il s'agit d'une loi qui va également réduire
grandement les coûts sociaux des accidents de travail.
Il y a eu récemment un livre qui a été
publié aux Etats-Unis, qui s'appelle "Work is Dangerous to your Health",
le travail est dangereux pour votre santé. Ce livre est en voie de
traduction et il va exactement dans la direction de ce projet de loi. Nous
voulons que les travailleurs sachent à quoi ils s'exposent quand ils
sont dans tel genre d'entreprise ou dans tel autre. Ils le sauront. Nous
voulons qu'à partir de ce document et de cette loi, ils sachent quels
sont leurs droits et qu'ils puissent se protéger.
J'écoutais... Est-ce que le député de
Nicolet-Yamaska pourrait aller faire ses "tounes" ailleurs, s'il vous
plaît, Mme la Présidente? Il s'agit ici de la santé des
travailleurs. Si cela ne le préoccupe pas, s'il aime mieux chanter,
qu'il aille donc chanter chez lui à Ottawa, avec les conservateurs, son
parti.
M. de Bellefeuille: II chante une chanson de...
M. Godin: Un des points clés, un des reproches
fondamentaux des travailleurs contre les médecins des compagnies, tient
à ce qu'ils ont des doutes sur leur objectivité. La plupart de
ces médecins sont objectifs mais le travailleur, sachant que la
compagnie sera obligée de payer si le médecin lui reconnaît
un accident, doute que le médecin lui donne justice. Grâce
à la loi, les médecins seront dorénavant au-dessus de tout
soupçon. Je pense que c'est important. Je tiens à dire aussi que
j'ai écouté attentivement les deux suggestions du
député de Notre-Dame-de-Grâce, mon collègue de
l'île-de-Montréal, il fait deux suggestions du
député de Notre-Dame-de-Grâce, mon collègue de
l'île-de-Montréal, il faut deux suggestions qui me semblent
absolument aberrantes. La première suggestion est une incitation, il
propose l'incitation dans ce domaine comme dans d'autres; avant la loi 101,
c'était l'incitation. On voulait inciter les compagnies à parler
français; elles ne l'ont pas fait, on les a obligées à
parler français. (Minuit)
M. le député voudrait qu'on incite les entreprises
à respecter la santé des travailleurs. Combien vont le faire? Il
cite GM. Tant mieux! GM est extraordinaire. Bravo, GM! Mais combien vont le
faire? On attend depuis 50 ans que cela se fasse, mais comme le dit le Parti
libéral, ils sont à la veille de... C'est le grand slogan du
Parti libéral. On adopte la loi 101. Ils disent: Ils étaient
à la veille d'apprendre le français. On touche à
l'amiante. Ils disent: Asbestos était à la veille d'investir. On
touche à l'assurance automobile. Ils disent: La compagnie d'assurance
automobile était à la veille de modifier ses affaires. On touche
aux accidents du travail. Ils disent: Ils sont à la veille de... Mais,
ils ne le font jamais!
Le député de Notre-Dame-de-Grâce propose
également une loi-cadre qui va définir ce qu'est la
sécurité et ce que sont les droits des travailleurs. Il propose
également un système d'amendes. Mais qui va imposer les amendes?
Les juges. Nous voilà donc dans la position du régime Taschereau
avant 1924. Le régime Taschereau a décidé d'abolir le
système de recours à la justice pour régler un cas
d'accident de travail. Supposons qu'effectivement on retienne la suggestion du
député de Notre-Dame-de-Grâce et qu'on dise: Si une
compagnie ne construit pas un échafaudage suffisamment fort et qu'il y a
deux ou trois ouvriers qui tombent et qui meurent, on poursuit. Il y a une
amende. Une belle consolation! Les familles des travailleurs de
l'échangeur Turcot ont poursuivi pour le décès des
personnes. Cela a pris des années. Elles ont peut-être obtenu
quelques piastres, mais pas la vie de la personne qui est morte, tandis que
grâce à cette loi, à l'échanger Turcot, les
travailleurs auraient pu dire: Je ne travaille plus ici parce que cela bouge.
Ils auraient eu le droit de le faire. C'est aussi simple que cela.
Le sens profond de la loi est là-dedans, ce droit nouveau que
nous donnons aux travailleurs d'arrêter s'ils croient qu'il y a danger,
d'avoir recours à une personne de l'extérieur qui viendra dire:
Oui, il y a danger ou non, il n'y a pas danger et si le travailleur trouve que
la personne n'a pas raison, il peut refuser de travailler et se faire remplacer
par une autre. Et ces gens d'en face sont contre le principe de ce projet de
loi! Mme la Présidente, la main de Dieu a été
remplacée par la main du patronat!
Des Voix: Bravo!
M. Godin: Les députés libéraux ont des
poignées dans le dos. Ils étaient pour, il y a quelque temps, et
comme les girouettes que l'on voit sur les faîtes de nos granges, ils ont
tourné. Il a soufflé un vent patronal, une bise automnale et
patronale, une bise d'entreprise, une bise du capital, une bise des "boss", la
bise des "boss". Les "boss" font la bise et les libéraux sont sensibles
à la bise des "boss", soit dit sans jeu de mots. Entre le patronat et le
Parti libéral, c'est bise "as usual", comme on dit "business as usual".
Alors, je m'étonne que le grand parti de Taschereau, qui a mis sur pied
la Commission des accidents du travail refuse aujourd'hui de continuer dans
cette voie et de penser à ce qui pourrait se passer avant que l'accident
arrive, pas après, pas a porteriori, comme le dirait l'ancien
Solliciteur général en latin, qui est sa deuxième langue,
pas a posteriori, mais a priori, avant, ante, ante accidentem et non pas post
accidentem. J'aime mieux voir cette loi adoptée que de voter contre
comme vous allez le faire et de continuer à recevoir semaine
après semaine des gens qui
n'ont plus de santé à cause des chantiers de construction
mal protégés, non surveillés où ils ne peuvent pas
arrêter de travailler ou alors, s'ils le font, ils peuvent être
congédiés.
On leur donne un droit, le droit à leur santé, M. le
Président, et c'est le principe de fond de la loi. On donne aux
travailleurs le droit à leur santé, c'est-à-dire le droit
que lui, s'il juge avec son expérience de travail que tel métier
pour lui est dangereux ou dans telle circonstance, il y a danger, il
arrête. Le principe est là. Quiconque vote contre est contre ce
principe. Quiconque vote contre est pour les compagnies. Quiconque vote contre
se satisfait qu'il y ait une Commission des accidents du travail qui ramasse
les éclopés, les blessés, les boiteux et qui ne fasse rien
pour les morts.
Cette loi vise justement à empêcher qu'il y ait des
accidents. Cette loi vise à doter le travailleur d'un pouvoir qu'il n'a
jamais eu au Québec, le pouvoir de se protéger s'il se croit
menacé. Le seul principe, c'est celui-là, et, dans l'intervention
du chef du Parti libéral, qui me déçoit de plus en plus,
M. le Président, je dois le dire, il énumère quatre
principes mineurs qu'il appuie. Il ne dit pas un mot du principe de fond qui
est, je le répète, le droit pour un travailleur de
protéger sa santé, même au travail, et de ne pas être
pénalisé par son employeur. C'est le seul principe et quiconque,
je le répète, patine autour du reste, la structure pyramidale, la
bureaucratie galopante, la protection de l'entreprise, les coûts sociaux
fabuleux que ça va créer, etc., quiconque dit ça, M. le
Président, cache le fond de sa pensée, cache qu'il a une
poignée dans le dos, cache que la main du patronat est derrière
le parti et cache peut-être aussi qu'il y a sûrement des gens, dans
le Parti libéral, qui vont soit s'abstenir d'être ici, non pas
s'abstenir de voter; ça ne se fait pas dans ce parti-là, parce
que dans le fond de leur coeur, ils l'ont dit en commission parlementaire, ils
ne le disent plus... Le silence, le grand silence des déserts
intellectuels commence à s'étendre de ce
côté-là et ça m'inquiète de plus en plus.
On a vu des interventions remarquables à la commission
parlementaire à l'appui du principe. Où sont-ils, ces beaux
parleurs? Où sont-ils, ces principes qu'ils défendaient?
Où sont-ils, ces défenseurs des travailleurs? Silencieux sur le
fond, ils patinent sur la bureaucratie. Mais la bureaucratie, aux accidents du
travail, c'est utile aux travailleurs, la bureaucratie dans les hôpitaux,
c'est utile aux travailleurs. Partout où il y a quelqu'un, un
fonctionnaire, qui rend service à un citoyen, la bureaucratie, elle est
utile, et c'est parce que les compagnies ne l'ont pas fait que nous devons le
faire. Si, de leur propre chef, elles l'avaient fait, on ne le ferait pas. Ou
si la fameuse incitation, qui est la grande théorie libérale,
incitez-moi et je vais le faire, si je le veux! C'est ça, la
démocratie à la libérale. Incitez-moi ou excitez-moi, peu
importe. Avec cette loi, nous disons: Vous allez le faire. "You are going to do
it", parce que la loi le dit. Vous allez protéger les travailleurs et,
deuxièmement, les médecins ne seront plus à votre solde
mais seront au-dessus de tout soup- çon, ce qui va améliorer
aussi, par la bande, les rapports qui existent entre les travailleurs des
entreprises et l'entreprise. Nous allons aussi mettre ensemble des gens qui,
peut-être, ne se parlent pas souvent de ces problèmes, qui,
peut-être, sont comme chiens et chats autour d'une chose sur laquelle il
ne devrait pas y avoir de conflit au sein d'une entreprise, la santé et
la sécurité.
Je sais que certains de mes amis demandent combien de temps il me reste,
parce que ça les inquiète. J'arrête tout de suite, M. le
député... Non...
M. Gratton: S'il vous plaît!
M. Godin: Mais avant de terminer, je veux dire que, s'il existe
encore des libéraux qui ont des remords, ils peuvent suivre l'exemple de
certains d'entre nous ici et s'abstenir ou voter contre, contre la ligne de
leur chef, je veux dire, et nous allons les respecter encore plus qu'on les
respecte jusqu'à maintenant.
Merci beaucoup!
Le Vice-Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, en vertu de l'article 96, je
ne vais pas essayer de rétablir les faits à la suite de la
déformation que le député a faite, mais je veux soulever
un seul point pour le ministre. J'ai dit que l'incitation ne marcherait pas. Ce
n'est pas une question d'incitation. Je suis contre, je l'ai dit, vous le
verrez dans le journal des Débats, pour prouver le contraire de ce que
le député a dit au sujet de mes paroles. (0 h 10)
Je veux répéter au ministre les deux points que je lui ai
suggérés, je pense que le premier est très important. J'ai
simplement suggéré...
M. Godin: M. le Président...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plait! L'article
96 est peut-être l'article le plus populaire de notre règlement et
vous devez rectifier des faits qui auraient été mal
interprétés par un des orateurs qui vous a suivi et vous devez le
faire brièvement, sans soulever de débat.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ma suggestion, M. le Président, était
que, dans le cas des compagnies ou des secteurs où il existe
déjà des systèmes de sécurité
développés, vous devez trouver les moyens de leur permettre de
présenter leurs systèmes et de les approuver, même si
ça ne correspond pas exactement à ce qui est visé dans le
projet de loi.
Des Voix: A l'ordre!
M. de Bellefeuille: Question de règlement, M. le
Président. Auriez-vous l'obligeance de me dire comment il se fait que le
député de Notre-Dame-de-Grâce fait un deuxième
discours dans le même débat?
M. Gratton: L'article 96...
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y aurait d'autres
députés qui voudraient intervenir sur la loi 17? M. le
député de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. Après avoir
écouté certaines interventions du côté
ministériel, j'ai presque l'impression d'être en train de me lever
pour parler contre la vertu et, de façon peut-être à
tâcher de susciter quelques applaudissements à mon endroit de la
part des ministériels, je dirai tout de suite que je serai le dernier
intervenant de l'Opposition officielle dans ce débat.
Le député de Mercier nous citait tantôt un livre
américain dont le titre est "Work is Dangerous" c'est ça?
to your Health". Je pourrais peut-être lui faire remarquer que
"Work is also fascinating, which is probably why so many people sit there and
watch it all day."
Je ne représente aucun intérêt particulier dans ce
débat. Je ne représente pas le Conseil du patronat, je ne
représente pas les multinationales, ni celles qui ont contribué
à des caisses électorales, la nôtre ou celle du Parti
québécois, ni celles qui n'y contribuaient pas. Je me lève
simplement pour représenter les intérêts de mes
électeurs, parce que ça peut en surprendre certains de ce
côté-là, le fait d'être un député
libéral n'empêche pas le fait n'est pas inconciliable avec le fait
que je représente moi aussi en cette Chambre des travailleurs.
Il me semble que prêter les intentions que certains intervenants
du côté ministériel ont prêtées aux membres de
l'Opposition officielle, en prétendant, par exemple, comme le
député de Duplessis, que, si nous votons contre le projet de loi
no 17, c'est que nous n'osons déplaire à des multinationales ou
à des intérêts particuliers, je pense que ce n'est pas
digne ni du député de Duplessis ni de l'ensemble des
députés de cette Chambre.
Je pense que les intervenants du Parti libéral, le
député de Portneuf en particulier, le chef de l'Opposition
officielle, aussi bien que le député de Charlevoix et tous les
autres députés de l'Opposition, ont indiqué les raisons
profondes qui nous amènent, de la façon la plus sincère,
la plus honnête, la plus ouverte possible, à voter contre
l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture. Et, je le
répète, ça semble être nécessaire, parce que
le député de Mercier, le dernier intervenant du côté
ministériel, a repris les mêmes questions, a repris les
mêmes accusations. Nous ne sommes pas contre la sécurité et
la santé des travailleurs. En fait, qui pourrait l'être? Nous ne
sommes pas contre non plus certains des principes qui sont contenus dans le
projet de loi no 17, par exemple, le droit de retrait préventif.
Je pense que plusieurs collègues du Parti libéral l'ont
dit clairement. Il est inutile d'essayer de colporter que le Parti
libéral s'oppose à cela, pas plus, M. le Président, que
nous nous opposons à la participation des travailleurs et des employeurs
comme le préconise le projet de loi no 17 dans la protection maximale de
la sécurité et de la santé au travail. On ne refuse
même pas, M. le Président, loin de là, d'appuyer ce
principe, que contient le projet de loi no 17, du droit de refus d'un
travailleur de faire un travail qui compromettrait sa sécurité,
son intégrité physique, sa santé. Je dirai par contre au
ministre parrain du projet de loi, ce qu'il disait dans son discours de ce
matin, que personne n'oserait penser, qu'on va abuser du droit de refus.
Je dirai, M. le Président, que personne non plus ne s'attendrait
à ce qu'on abuse du droit de grève par exemple. Je pense au
secteur d'Hydro-Québec, je pense à la grève qui
sévit présentement à Hydro-Québec. Je suis
sûr que personne, lorsqu'on a accordé le droit de grève aux
employés d'Hydro-Québec, personne, lorsqu'on a tenté par
des lois et des réglementations d'assurer les services essentiels, ne
s'attendait à ce que des abonnés d'Hydro-Québec, dans les
conditions climatiques que l'on connaît présentement, soient
privés d'un service aussi essentiel que l'électricité
pendant quatre, cinq ou six jours. Et pourtant, c'est ce qui se produit
présentement.
Donc, M. le Président, je mets le ministre en garde. Les bonnes
intentions, les beaux principes, on peut tous y souscrire, mais dans la
pratique cela ne donne pas toujours les résultats escomptés. On
parle, avec raison, M. le Président, de l'urgence pour le gouvernement
d'intervenir et c'est justement parce que c'est urgent que nous
considérons que le projet de loi no 17, dans sa formulation actuelle, ne
répond pas à cet état d'urgence. C'est essentiellement
cela notre objection, M. le Président. C'est justement parce que la
situation est urgente dans des secteurs particuliers, il me semble qu'on l'a
répété assez souvent au cours de ce débat, ce n'est
pas l'ensemble des travailleurs qui travaillent dans des conditions
dangeureuses, dans des conditions insalubres. Je pense bien que personne ne va
s'attendre à ce que nos fonctionnaires provinciaux,
fédéraux, municipaux aient besoin des mêmes règles
de sécurité et de santé que ceux qui travaillent dans la
construction, par exemple. Les femmes de chambre dans les hôtels, les
serveuses et les serveurs dans les restaurants n'ont pas besoin des mêmes
règlements, des mêmes normes que les personnes qui montent dans
les édifices pour laver les vitres, par exemple.
M. le Président, c'est de cela qu'il s'agit, d'identifier les
secteurs où le gouvernement se doit d'agir de façon prioritaire.
On les connaît. Le député de Rimouski parlait tantôt
du fait que, un tiers, un travailleur sur trois dans le secteur forestier est
victime d'accident de travail. C'est là probablement, non seulement
probablement, mais sûrement, que le gouvernement devrait d'abord agir,
non par le biais du projet de loi no 17, M. le Président, en en faisant
une loi-cadre, une loi qui veut couvrir tout. Nécessairement, on va
également couvrir et je le donne à titre d'exemple
la distribution du gaz naturel. Il y a trois compagnies, M. le
Président, qui distribuent du
gaz nature! au Québec, qui, j'en suis sûr, dans les trois
cas, ont un excellent dossier de sécurité et de santé au
travail et pourtant lorsqu'on parle de distribution de gaz naturel on parle
d'un élément fort dangereux, pour ne pas dire explosif, M. le
Président, on parle de techniques très spécialisées
que les employés de ce secteur doivent connaître, que les
employés de ce secteur doivent utiliser dans leur travail quotidien. (0
h 20)
Pourtant, M. le Président, j'ai eu le plaisir de travailler
moi-même à la Société Gazifère de Hull qui,
chaque année, et j'imagine que c'est encore le cas, reçoit des
honneurs de l'Association de prévention des accidents industriels,
presque chaque année, pour son excellent record de
sécurité, pour les excellentes innovations que cette firme a
faites non seulement pour maintenir et pour assurer la sécurité
et la santé de ses employés, mais aussi pour prodiguer des cours
de premiers soins, des cours même de bonne conduite automobile. Ces
gens-là le font d'abord parce qu'ils considèrent qu'ils ont une
responsabilité morale et le font à titre de bons citoyens
corporatifs.
Il est faux de prétendre, comme j'ai entendu certains
députés le faire du côté du Parti
québécois dans ce débat, que les multinationales, que les
grosses compagnies, que les entreprises, bref, ne pensent d'abord qu'à
leurs investissements. C'est sûr que c'est une considération
très importante et que Dieu soit loué parce qu'on ne pourrait pas
fonctionner autrement! Mais, justement, la rentabilité d'une entreprise
est souvent affectée directement par son bilan de
sécurité. D'ailleurs, si les cotisations à la Commission
des accidents du travail étaient basées plutôt sur le
record de l'entreprise que sur l'ensemble du secteur, je suis sûr qu'on
aurait là une motivation que les entreprises n'ont présentement
pas en devant toutes payer les mêmes cotisations.
Je dis donc que c'est parce que la situation est justement urgente que
nous croyons, de ce côté-ci de l'Assemblée, qu'on doit
procéder par secteurs prioritaires, en les identifiant d'abord et
ce n'est pas très compliqué à faire en formulant
ensuite les éléments de solution et en prenant les moyens
concrets de les faire appliquer, ce qu'il sera impossible à cette
commission omniprésente, à cette commission polyvalente de faire
partout, en même temps. On nous a dit: La commission pourra
elle-même fixer ses priorités. Je pense que le gouvernement
abdique ses responsabilités, si c'est là son but de laisser une
commission décider des secteurs prioritaires.
S'il est urgent d'enrayer le trop grand nombre d'accidents chez les
travailleurs, d'enrayer, par exemple, les quelque 200 décès
causés par des accidents du travail chaque année, il doit
être encore plus urgent d'éliminer les causes des quelque 1725
accidents mortels que la route a causés l'an dernier, lequel chiffre
passera, selon les prévisions, à au-delà de 2000 pour
1979. On n'a pas besoin d'une loi-cadre, M. le Président. On l'a vu, le
gouvernement a déposé un avant-projet du Code de la route dans
lequel on retrouve certaines dis- positions nouvelles qui sont de nature
à améliorer la sécurité routière.
Mais M. le Président, tout de suite, sans attendre le
dépôt d'un nouveau Code de la route, sans attendre qu'on le
débatte ici à l'Assemblée nationale, on pourrait tout
simplement mieux appliquer le port obligatoire de la ceinture de
sécurité. Le député de Charlevoix y a fait
allusion; on a constaté, au cours d'une période de six mois
où on a mieux appliqué cette règle, une diminution
très importante non seulement du nombre d'accidents mortels, mais aussi
des blessures. Malheureusement, par manque d'une volonté politique de
faire appliquer les règlements, les lois qui existent
déjà, comme dans le secteur de la sécurité des
travailleurs, on a encore le record déplorable, le championnat des
accidents routiers.
C'est la même chose dans le cas de la sécurité des
travailleurs, M. le Président. Qu'on commence par le commencement, en
fait; qu'on commence par agir là où il y a urgence. Qu'on n'exige
pas de la commission qu'elle soit partout en même temps et qu'on laisse
surtout ces entreprises, qui ont déjà des programmes de
sécurité, qui ont déjà un bon bilan de
sécurité, tout simplement continuer leur travail, pendant que
nous nous acharnerons dans ces secteurs prioritaires.
De cette façon, M. le Président, je pense qu'on atteindra
beaucoup mieux, beaucoup plus rapidement, beaucoup plus efficacement l'objectif
que nous, de ce côté-ci de la Chambre, partageons avec le
gouvernement, c'est-à-dire d'assurer la protection maximale, tant de la
sécurité que de la santé des travailleurs.
Je dirai à ceux qui nous prêtent des intentions que moi et
tous mes collègues sommes très sincères en pensant que la
façon préconisée par le gouvernement, dans son projet de
loi no 17, n'atteindra pas l'objectif. En fait, j'admettrai, M. le
Président, qu'on puisse se tromper en pensant ça et on le
souhaite presque; on souhaite presque de se tromper pour le bien-être des
travailleurs, mais, malheureusement, je crois plutôt qu'au contraire on
se rendra compte, dans les mois, dans les années qui viendront, que ce
souci ou ce désir d'avoir une loi-cadre, d'agir partout en même
temps, bien que noble, bien que bien intentionné, n'aura malheureusement
pas le résultat espéré tant par le ministre que par les
députés de ce côté-ci de la Chambre. Je ne le
souhaite pas, mais c'est ce qu'on s'est acharné à faire valoir,
aujourd'hui tout au cours de ce débat, c'est ce que nous pensons
sincèrement et, M. le Président, c'est ce qui nous motivera
à voter, en deuxième lecture, non pas contre le principe de la
sécurité et de la santé des travailleurs, mais bien contre
les mécanismes que propose le gouvernement dans son projet de loi no 17,
pour assurer cet objectif.
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, je vais vous rassurer tout de
suite en vous disant que loin de moi
l'intention d'utiliser l'heure que le règlement me permet. Je
vais vous dire très franchement, je n'avais même pas prévu
d'intervenir, pour l'excellente raison et la seule au fond, c'est que je
n'avais même pas prévu que l'Opposition nous offrirait le
spectacle désarmant et déplorable qu'elle nous a offert depuis le
début de ce débat.
J'avais été, par mes fonctions, attentif au
déroulement du débat en commission parlementaire, tout au cours
de l'été. Je vous ferai remarquer que ce projet de loi est un de
ceux qui ont reçu le plus grand nombre de mémoires, à
partir de la loi 101 je crois, ce qui symbolise nettement son importance aux
yeux de la population québécoise. J'ai laissé aller de
très bon gré, je dois le reconnaître, avec la collaboration
de tous, le déroulement de la commission, pour que tous et chacun
puissent être entendus, étant donné l'importance
précisément de ce projet de loi.
Si vous m'aviez demandé ce matin, M. le Président, au
moment de la période de questions, ce à quoi je m'attendais le
moins aujourd'hui, je vous aurai probablement dit, que le débat dure
jusqu'à cette heure; parce que j'avais la conviction que le droit de
refus pour employer une expression à la mode que pratique
l'Opposition libérale sur les projets de loi, à bon gré,
depuis quelque temps, qui peut être une tactique purement
électorale de profiter d'une envolée ou une pseudo-envolée
sur les municipalités, sur les garderies, ça va, ça donne
une bonne image, ça fait semblant d'avoir le vent dans les voiles, mais
je ne pensais quand même pas que ça avait atteint le degré
de démagogie, d'inconscience et d'irresponsabilité que d'aller
à voter contre le projet de loi que le ministre d'Etat au
Développement social a présenté aujourd'hui.
J'avais des souhaits, par exemple, M. le Président, si vous
m'aviez demandé de souhaiter quelque chose au cours de ce débat,
dont j'ai dû largement m'absenter, parce qu'il coïncidait avec une
réunion du Conseil des ministres qui a duré jusqu'au milieu de la
soirée. Si je vous avais donné mon premier souhait, dans le cadre
de ce débat je dois reconnaître que les deux Oppositions
nous ont fourni l'occasion de le dire, c'est qu'à mon avis
c'était un "must", comme on dit. (0 h 30)
Je souhaitais qu'on reconnaisse que le ministre d'Etat au
développement social, le député de Laviolette et le
député de Joliette-Montcalm en particulier, vous-même, M.
le Président, à une certaine période avant votre
nomination, comme le ministre parrain du projet de loi a voulu le souligner ce
matin, j'y ajoute aussi d'autres collègues qui ont donné leur
coup de main en cours de route, ceux-là, entre autres, que le
député de Laporte appelait ce matin les pilotes et les copilotes
du projet de loi, ont fait un travail plus que remarquable. Je dis plus que
remarquable parce que c'est l'aboutissement d'un désir que moi je
connais depuis que je suis dans la vie publique québécoise,
c'est-à-dire depuis dix ans.
Quand j'ai commencé et que j'ai rencontré, dans le cadre
de mon métier, des travailleurs, plus d'un arrivait pour me poser la
question à laquelle je n'avais pas de réponse je vais vous
le dire bien franchement qui était de nous dire: Veux-tu bien
m'expliquer pourquoi moi de Sept-lles, moi de Chicoutimi, moi de Longueuil ou
moi de Valley-field, je suis obligé de faire la grève pour des
choses qui devraient m'être normalement acquises. Peux-tu m'expliquer
comment il se fait que je suis obligé de sortir pour revendiquer un
droit qui m'apparaît fondamental, celui de pouvoir gagner ma vie en
santé et en sécurité, que je parte le matin pour m'en
venir ici, sans que ma femme s'inquiète, sans que mes enfants me
demandent si je vais revenir le soir et sans que personne ne se demande si je
vais me détériorer en m'en allant? Veux-tu m'expliquer comment il
se fait et ils me l'ont demandé en 1970, en 1973, en 1976
que je suis obligé de me priver de mon salaire, obligé de
paralyser l'entreprise dans laquelle je travaille, pour faire comprendre qu'il
faut que j'obtienne ces droits?
M. le Président, je n'avais pas la réponse à ce
moment-là, sauf une, sauf de souhaiter que si un jour j'appartenais
à un gouvernement du Québec, que ce soit moi ou que ce soit un
autre, et qu'il se trouve dans le Conseil des ministres et qu'il se trouve dans
l'équipe gouvernementale, une volonté de répondre
pas parfaitement, je les assurais d'avance que ce ne serait pas parfaitement et
qu'il demeurerait toujours un terrain de revendications dans ce domaine
mais une volonté, une assurance, une détermination de travailler
à faire que la base au moins de ce qu'ils appellent la santé et
la sécurité au travail soit assurée par une loi qui assure
tous les Québécois dans ce domaine. Et c'est le
député de Laporte qui nous l'offre aujourd'hui, au sein de
l'Assemblée nationale et c'est mon estime et l'appréciation de
tous mes collègues que je veux lui offrir à ce moment-ci.
Pensant que c'était là objet d'unanimité,
j'ajoutais même un constat. Nos collègues d'en face se sont faits
forts, depuis un certain temps, ils ont senti qu'il y avait une manne
électorale rattachée à cela. Le chef de l'Opposition,
vertueux de circonstances à chaque fois que le vent s'y prête, a
embourbé la trompette, chacun de ses acolytes suiveux a abondé
dans le même sens. C'était celui des droits individuels. Celui qui
va nous quitter à l'instant, M. le Président, nous inonde de
chacune de ses interventions sur les droits de la personne et les droits
individuels.
Puis-je rappeler à ceux qui nous font l'honneur encore de leur
présence sur ce projet de loi important pour les Québécois
ils sont deux du Parti libéral et un de l'Union Nationale
ces trois députés de l'Opposition qui nous honorent encore de
leur présence, qu'il sera un peu difficile de réclamer et
d'invoquer les droits individuels à chaque occasion quand moi et
d'autres, je crois, avons la parfaite conviction que celui dont nous traitons
ce soir est précisément le droit numéro un de tous les
droits individuels dans la Charte des droits et libertés de la personne,
le tout premier. Tout être humain a droit à la vie ainsi
qu'à la
sûreté, à l'intégrité physique et
à la liberté de la personne. C'est de cela dont on parle ce soir.
Cela a l'air bien anodin, bien sûr. Si on était en train de parler
des droits de la minorité anglophone de D'Arcy McGee, ils seraient une
meute en face de nous, M. le Président.
Nous sommes en train de parler du droit des milliers de travailleurs
québécois qui, quotidiennement, usent leur santé, risquent
leur vie et leur intégrité physique. Il n'est pourtant pas si
tard, c'est le premier soir de la session où on dépasse minuit,
mais nos collègues, férus de la liberté individuelle, nous
ont quitté pour la liberté du lit, M. le Président.
Une Voix: Ils sont contre.
M. Charron: Hélas! il sont contre, comme on nous le dit
actuellement. Ils préfèrent la bassesse électorale de se
camper dans l'Opposition. Je souhaite seulement que cette attitude soit, pour
l'ensemble de nos concitoyens québécois, un avant-goût de
ce que voudrait dire un retour libéral. On voit très bien qu'ils
n'ont pas changé.
A part le financement démocratique qu'une loi votée par le
Parti québécois les oblige maintenant à faire, à
moins d'être dans l'illégalité, à part quelques
principes vertueux affichés, quand on touche au fond, quand on va au
coeur de ce qu'ils sont et de la sorte de gouvernement qu'ils souhaitent, y
compris les transfuges du Parti québécois qui s'y regroupent, M.
le Président, tous ces gens-là travaillent au fond pour la
même chose. Ils visent tous la même chose, que cela ne change pas.
Coup sur coup, en dedans d'une semaine, ils nous ont dit: La fiscalité
des municipalités, si on est pour choisir le projet du Parti
québécois, on aime mieux que cela ne bouge pas. Qu'ils restent
dans leur trou. On vote contre le principe. On vote même contre
l'idée. Autrement dit, si on suivait leur conseil, on ne veut même
pas aller étudier article par article en commission, cela ne nous
intéresse pas. On aime mieux que cela reste comme c'est là,
plutôt que le programme du Parti québécois. On leur propose
jeudi: Qu'est-ce que vous diriez d'un Office des services de garde? C'est un
problème important. On est à mi-chemin, à peu près,
de ce que l'Ontario a réalisé pour qu'on puisse ouvrir des
portes.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquiè
re):
M. le député de Gatineau.
M. Charron: Oui, je connais la question de règlement,
d'accord.
M. Gratton: On sait que vous la connaissez tous d'avance.
M. Charron: Je vais m'y conformer.
M. Gratton: Je voulais simplement que vous rappeliez, au leader
du gouvernement, qu'il ne s'agit pas d'un débat sur un discours
inaugural, ni sur un discours du budget, qu'il s'agit d'un débat de
deuxième lecture sur le projet de loi no 17, la sécurité
des travailleurs.
Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquiè
re):
M. le leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je me soumets à ce que
voulait tenter comme question de règlement le député de
Gatineau. Je n'écarte pas le débat. Je dis seulement, parce que
je l'ai vécu avec tout le monde, et que, coup sur coup, sur semaine, on
préfère se camper dans le refus sur des votes importants. Que
cela reste plutôt tel quel, plutôt que d'aller dans ce qu'offre le
Parti québécois. Cela a été vrai pour les
municipalités et cela a été vrai pour les garderies.
J'arrive à la pertinence du débat ce soir. Que cela reste comme
cela. Autrement dit, si on devait appuyer l'attitude que nous a décrite
le Parti libéral déjà qu'il va prendre au moment du vote,
demain matin... Abandonnons ce sujet. Si le ministre et d'autres ont
travaillé depuis des mois là-dessus pour aboutir à ce qui
est dans le projet de loi no 17, abandonnons. Nous croyons, nous du Parti
libéral, qu'il vaut mieux, pour la société
québécoise, au point de vue santé et
sécurité au travail, rester dans le statu quo, attendre que nous
formions le gouvernement et que nous sortions notre invention à nous,
mais jamais aller dans le sens de la commission ou dans le sens de la
prévention ou des agents de sécurité qui sont
prévus dans les chapitres du projet de loi no 17, non plutôt tel
quel, qu'on nous propose.
Je voudrais bien qu'on sache au moins ce qu'ils nous proposent en
contrepartie. Le jour où, disent-ils, le pouvoir leur tombera
inévitablement entre les mains et qu'ils seront appelés à
travailler sur la santé et la sécurité au travail, nous ne
le savons pas et nous avons bien des doutes d'avoir des doutes, M. le
Président, parce que, pendant six ans, à les avoir
observés, ils n'ont pas agi dans ce domaine-là. De nous dire que,
demain matin, ils agiraient... sous quel principe? A quelle fonction?
Même la députée de Prévost qui nous faisait cette
remarquable première intervention, ce soir, en demandant que la loi soit
encore plus sévère et plus à gauche et le
député de Saint-Laurent qui nous dit que la loi est trop
bureaucratique et trop technocratique, et que, en ce sens, on devrait laisser
les libres lois du marché, c'est-à-dire la sauvagerie purement et
simplement s'appliquer, comment pouvons-nous déceler dans la seule
intervention de ces deux ténors de l'Opposition officielle ce que serait
la ligne de conduite du Parti libéral? Mais non, on est contre. Nous,
c'est non. Non à la fiscalité municipale, non aux garderies, non
à la santé et à la sécurité au travail, le
statu quo. (0 h 40)
Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait, ce soir:
Qu'on me dise pas que je suis contre la santé et sécurité
des travailleurs, parce que je vais voter
contre ce projet de loi. Non, M. le Président, je ne lui dis pas
cela. Je sais très bien que ce serait exagéré. Que son
attitude prête à cette interprétation, il le sait le
premier, et qu'il ne se surprenne pas que, par ailleurs, et ailleurs qu'ici, ce
soit interprété de cette façon. C'est vrai que l'attitude
d'un député lors de la deuxième lecture ne veut pas dire
nécessairement qu'il est contre le sujet même de cette affaire.
Mais quand on est pour, tout en étant contre, le minimum
d'honnêteté pour montrer qu'on est pour l'objectif, mais
contre la modalité préconisée par le gouvernement dans sa
loi, c'est de présenter une contre-proposition. Ou alors, on a fait de
la fumisterie et on a filé à l'anglaise sur le sujet,
c'est-à-dire qu'on n'est pas allé assez loin et qu'on n'a pas
voulu décrire ce qu'on voulait.
J'ai bien compris tous les atermoiements que peuvent avoir les
députés de l'Opposition. Le dernier intervenant, le
député de Gatineau gonflant et prenant la parole au nom des
travailleurs de sa circonscription, nous a dit: On souhaite presque je
l'ai pris en note que le projet de loi du député de
Laporte et ministre d'Etat au Développement social réussisse.
Mais, M. le Président, avez-vous vu les larmes de crocodile en
même temps. On souhaite presque! Quand on souhaite presque qu'un projet
de loi réussisse le député de Gatineau est ici
depuis à peu près aussi longtemps que moi, sauf quelques
mois on vote pour son principe et on s'en va travailler comme un
démon, par la suite, pour le bonifier et l'améliorer. Quand on
souhaite presque qu'un projet de loi réussisse, on ne se cadre pas dans
une opposition qui signifie, à toutes fins utiles: Je
préfère ce qui existe actuellement que ce qui adviendrait si la
loi devait être appliquée. C'est exactement ce qu'a fait le
député de Gatineau.
M. le Président, je veux conclure ces remarques au nom de mes
collègues pour vous dire tout de suite que je prélève
d'une attitude négative comme celle qu'offre le Parti libéral une
indication bien sombre de ce que voudrait dire pour eux et par eux
l'administration de la santé et sécurité des travailleurs.
Le ministre d'Etat au Développement social, dans son intervention, nulle
doute trouvera-t-il, dans quelques instants, le moyen plus légitime que
jamais, étant donné tout ce qu'il a entendu aujourd'hui, de le
répéter. Contre le projet de loi, actuellement, je connaissais
deux groupes, férocement contre, c'était leur droit, ce sont les
groupes patronaux les plus réactionnaires que la société
comporte. Je ne dis pas "les patronats" parce que, effectivement, on l'a
mentionné, le ministre d'Etat au Développement social a fait
lui-même abondance de citations, à plusieurs endroits, c'est
remarquable. C'est pourquoi la loi, dans ses dispositions, dit que là
où les services de santé et sécurité, dans
certaines entreprises, sont adéquats, ils doivent être maintenus,
ils doivent être aidés. Je parle des représentants
patronaux les plus réactionnaires pour qui, en n'importe quel cas, la
santé des travailleurs est parmi les coûts de production, point,
à la ligne, et si cela doit entrer en ligne de compte pour arriver aux
profits, ça arrive. Je ne dis pas tous les patrons, je sais qu'on
interviendra peut-être abondamment dans ce sens, mais personne en face ne
peut nier que cela existe, je pense même que certains
députés, ceux qui ont vécu la commission parlementaire
savent que certains même d'entre eux se sont présentés.
Une Voix: Comme la ville de Montréal.
M. Charron: C'était désarmant, c'était
désemparant, vous vous croisez les bras, vous vous demandez comment
ça se fait que, là où d'autres entreprises, d'autres chefs
d'entreprise intelligents, d'autres dirigeants patronaux ouverts et modernes
ont fait un chemin considérable le ministre a lui-même
nommé des entreprises cet après-midi comment se fait-il
que, dans d'autres secteurs du monde patronal, des tire-bouchons du 19e
siècle continuent à durer et à perdurer, appuyés
par des amis politiques qui, à chaque fois qu'ils sont au pouvoir, se
contentent de les engraisser? Mais ça existe. Ils sont contre le projet
de loi. Ils seraient contre n'importe quelle modalité des projets de loi
parce qu'ils sont contre la santé et la sécurité des
travailleurs, point, à la ligne.
Il y avait un autre groupe aussi, jusqu'à ce jour, qui
était férocement contre aussi. Ce sont eux que, aujourd'hui, le
vice-président de la CSN appelle, dans le Devoir, les fascistes rouges.
Ceux qui, pour des raisons de mobilisation politique en vue d'organigrammes un
peu existentiels qu'ils ont dans la tête, ont réussi à
s'infiltrer à travers des le rapport est là et c'est le
vice-président lui-même qui, non seulement le déplore, mais
le condamne ... se sont glissés au cours des mois où ont
duré ces discussions et ces consultations avant le projet de loi qui est
aujourd'hui présenté et qui ont manipulé ces organisations
démocratiques de travailleurs qui méritent notre respect.
Il m'est arrivé il y a quelque temps, M. le Président, de
parler de la faiblesse de certaines personnes. Cela a été
malheureusement interprété par la suite, je me suis fermé
la gueule, comme si j'avais dit qu'ils étaient intellectuellement
faibles. Jamais dans cent ans! Quand je parlais de faiblesse, M. le
Président, je parlais de faiblesse morale de ceux qui laissent
s'installer cette gangrène dans des institutions démocratiques.
C'est aujourd'hui le vice-président de la CSN lui-même qui nous
donne raison. Mais, peu importe. Ces gens-là ont été
contre depuis le début du projet de loi, parce qu'ils y voyaient une
poigne. C'est vrai que c'est grave. C'est la vie, la santé, c'est un
droit individuel fondamental, le tout premier. Ils sentaient bien que pour
leurs opinions politiques, ils avaient là une manière de
ramasser, de rabâcher et de mobiliser du monde. Ils l'ont fait. La CSN
elle-même, aujourd'hui, le déplore, mais il reste qu'ils ont
été, depuis le début de ce débat personne ne
rêve en couleur on ne ralliera pas les non-inconditionnels
à la santé et la sécurité des travailleurs et
préfèrent le garder comme objet de ralliement politique,
plutôt que de le voir comme une solution à moyen ou à long
terme.
Il y avait ces deux groupes-là, et il y a déjà
longtemps, M. le Président, que le Parti québécois a
décidé, de l'un et de l'autre, d'en faire fi et de
fonctionner en fonction de la majorité des citoyens et des
travailleurs québécois qui nous ont élus. Se joint
aujourd'hui l'Opposition officielle qui, jusqu'à ces derniers temps
mais il faut croire que c'est déjà même plus aussi
représentait une bonne partie de la population du Québec
et peut-être avait même réussi à rejoindre une partie
des travailleurs même du Québec. Joli triumvirat, M. le
Président, que celui qui nous est présenté aujourd'hui par
cette opposition. Plus que déplorable, il est condamnable, parce que si,
dans un côté, c'est le profit le plus exorbitant, de l'autre
côté, la manipulation la plus éhontée, en face de
nous, c'est l'électoralisme le plus bas que l'on retrouve, et quand on
souhaite, en votant contre, que ce projet de loi soit relégué aux
oubliettes et qu'on reste plutôt à la situation actuelle, c'est
faire la face très rapide qu'on n'est même pas digne de diriger le
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le ministre. M. Pierre
Marois
M. Marois: M. le Président, je pense qu'il s'est
passé aujourd'hui, ici, une chose en tout cas, je n'ai pas une
très longue expérience de la vie parlementaire; trois ans,
ça paraît parfois très long, mais ça passe
terriblement vite et je n'avais jamais vu ça avant. Il s'est
passé une chose extraordinaire, et les hommes et les femmes qui, dans
près de sept heures, un peu plus de sept heures, s'en iront au travail,
dans les diverses régions du Québec, rentreront au travail en se
demandant s'il va leur arriver, à eux, ce qui est arrivé à
leur voisin de table, à leur compagnon de travail il y a cinq jours, il
y a un mois, il y a six mois, il y a un an, va leur arriver aussi. (0 h 50)
Ces gens-là, en écoutant certains députés de
l'Opposition, et je tiens à dire certains députés de
l'Opposition, parce que je ne peux pas m'empêcher de le noter, je ne
partage pas nécessairement leur avis, mais il y a certains
députés qui l'ont fait encore une fois avec
énormément d'honnêteté.
Je tiens à signaler l'intervention du député de
Portneuf, je sais que ça n'a pas dû être facile pour lui de
vivre ce qu'il vit ces jours-ci. Le député de Charlevoix aussi a
maintenant la même approche, la même maturité, la même
conscience aussi dans le débat, qu'il l'a fait tout au long des travaux
de cette commission.
Je dis bien que ces hommes et ces femmes qui vont s'apprêter dans
quelques heures à retourner au travail ont entendu comme moi, comme mes
collègues ici à l'Assemblée tout au long de cette
journée, l'intervention de bon nombre de députés. Ils ont
alors découvert une chose absolument extraordinaires: la santé et
la sécurité des hommes et des femmes au travail, cette
idée fondamentale qu'une fois pour toutes on commence vraiment à
faire valoir, qu'on arrête d'en placo-ter, cela fait 20 ans que j'en
entends parler et je dis qu'on commence à s'attaquer à la racine
même des mots, aux causes même d'accidents et de maladies. Mais ces
gens-là vont venir de découvrir une chose extraordinaire, que
certains de leurs représentants à l'Assemblée nationale
viennent de leur dire, dans leurs interventions, que la meilleure façon
de les protéger, la meilleure façon, c'est de voter contre, de
dire non à une réforme fondamentale qui leur reconnaît des
droits nouveaux qu'ils n'ont pas dans la très grande majorité des
cas.
La meilleure façon de les protéger, nous ont dit une
batterie des députés des Oppositions, c'est de dire non au droit
de refus, c'est de dire non au retrait préventif, c'est de dire non
à des pouvoirs qu'on reconnaîtrait aux hommes et aux femmes qui
sont au travail, à leurs représentants, quand ils sont
syndiqués, c'est de dire non au fait qu'ils aient du temps de
libération, un minimum de permanence pour commencer à
établir un minimum d'équilibre dans cette société,
quand on vote contre le principe d'une loi, ce qui est le débat de
deuxième lecture.
J'en ai entendu de toutes les couleurs aujourd'hui, des
"suggestionnett.es", des "amélioration-nettes". Seulement pour le faire,
pour pouvoir simplement, si on a un minimum de sens des responsabilités
et de logique, pouvoir examiner ces modalités, encore faut-il pouvoir
dire oui en deuxième lecture et, alors, aller après en commission
parlementaire regarder en détail chacune des propositions
d'amendements.
Or, ces députés-là nous ont dit: Non, fermons les
livres, c'est non. Et, par ailleurs, en même temps, M. le
Président, vous m'expliquerez la logique, vous l'expliquerez en
même temps aux hommes et aux femmes qui, comme je l'évoquais, dans
quelques heures retourneront au travail. Vous expliquerez la logique de
propositions comme celle-là.
La meilleure façon de les protéger, la meilleure
façon de leur reconnaître des droits, la meilleure façon
d'en arriver à s'attaquer aux causes mêmes d'accidents et de
maladies, c'est de dire non. Pas de loi. Statu quo. Ne bougeons pas, laissons
les choses telles qu'elles sont. Incitons, comme l'a évoqué si
bien le député de Mercier, incitons. Il y a longtemps qu'on
regarde le résultat de l'incitation, et le résultat est
là.
Je pensais que j'avais tout vu, M. le Président, après
trois ans, le meilleur et le pire, mais je n'avais pas tout vu, parce que je
pense qu'aujourd'hui, à la lumière de certaines interventions, il
y a des masques qui sont tombés. Je ne suis pas étonné, je
ne suis pas renversé, je ne suis pas indigné, je suis
révolté.
La députée de Prévost, M. le Président, dans
son intervention, m'a reproché d'avoir été trop sensible.
Peut-être qu'il faudrait rester complètement froid devant le fait
qu'il y a plus de 200 hommes et femmes qui continuent à
décéder au travail. C'est ce que nous suggère la
députée de Prévost? Je ne suis pas d'accord. C'est
fondamentalement immoral, irresponsable et inhumain que de ne pas réagir
tout simplement comme un être humain face à des faits comme
ceux-là alors qu'on les connaît, qu'on connaît maintenant
les causes, qu'on connaît les moyens de corriger cela, parce
qu'on n'invente pas les boutons à quatre trous. Il y a d'autres
sociétés qui sont passées par là avant nous et les
résultats sont là, ils sont concrets. On connaît les
résultats que cela a donnés. Mais seulement cela a l'air, dans le
genre: C'est bon pour les autres, mais ce n'est jamais bon quand il s'agit des
hommes et des femmes qui sont au travail au Québec. Ce n'est jamais bon
quand il s'agit des Québécois et des Québécoises
qui travaillent.
Alors, le chef du Parti libéral, M. le Président,
ça, vraiment, c'est le bouquet. Il a eu cette introduction absolument
remarquable. Il nous a expliqué que sa formation politique, quand elle
intervient sur un projet de loi, elle le fait avec beaucoup de sérieux.
Ils regardent les dossiers. Ils fouillent les recherches, les résultats
des travaux. Ils regardent les données et alors, la position, le fait
que le Parti libéral décide de dire non, non à la
santé et à la sécurité des hommes et des femmes qui
sont au travail, c'est un résultat pesé, mûri, le chef du
Parti libéral lui-même nous l'a dit. Bien sûr, ce n'est
peut-être pas normalement à moi de le faire... mais en même
temps, dans la même lancée, il nous explique à quel point
il est fondamentalement respectueux de la liberté de pensée de
chacun.
A tout le moins, ce qu'on peut dire, c'est que le chef du Parti
libéral a été terriblement injuste pour au moins deux des
membres de sa formation politique qui sont ici à l'Assemblée
nationale qui y étaient, ils n'y sont plus je les
comprends, à leur place... Lorsqu'en commission parlementaire, le
député de Portneuf, je crois, de bonne foi, honnêtement
parce qu'on a suivi les travaux, un certain nombre d'entre nous, on
était là disait, et je le cite comme d'autres de mes
collègues l'ont fait, mais je pense que cela vaut la peine d'y revenir:
"Le Parti libéral du Québec va donc, M. le Président,
donner son appui au principe du projet de loi no 17, lors de l'étude de
ce projet de loi en deuxième lecture." Est-ce que le chef du Parti
libéral a voulu dire que dans le cas du député de Portneuf
et son collègue de Charlevoix, qui étaient en commission
parlementaire, lorsqu'ils sont intervenus à ce moment-là,
n'avaient pas fouillé les dossiers, qu'ils parlaient à travers
leur chapeau? Ou bien a-t-il voulu indiquer qu'ils n'avaient pas encore eu
d'indications précises de "la" pensée du Parti libéral?
Regardons-là "la pensée" du Parti libéral, mais là
je pense que je vais avoir besoin de votre aide, M. le Président, pour
démêler cela.
Je pense que les hommes et les femmes qui sont concernés
directement par le projet de loi vont aussi avoir besoin de l'aide de je ne
sais pas qui, mais cela donne ceci. En ligne: la députée de
Prévost nous dit qu'il faut une loi plus musclée, une loi qui
implique des sanctions plus sévères. Le député de
Portneuf, nous dit: La loi est de portée trop universelle, il faut
absolument établir des secteurs prioritaires d'action. Et il nous dit:
Que le gouvernement établisse des secteurs prioritaires, que le
gouvernement le fasse. C'est dans les genre des ayatollahs, on va descendre et
venir vous expliquer comment cela va marcher et définir pour le monde
toutes les priorités, tous les détails. Que le gouvernement
précise les priorités. (1 heure)
Troisième volet, le député de Saint-Laurent, alors
que le député de Portneuf demande que le gouvernement
intervienne, affirme que cette loi est inacceptable, "parce qu'elle a pour
effet de confier à l'Etat la totalité des responsabilités
et des initiatives en matière de santé et de
sécurité au travail."
Un nous dit: "Plus musclé", l'autre nous dit: Que le gouvernement
intervienne et le troisième dit: C'est épouvantable, parce que
c'est littéralement une main basse de l'Etat, qui prend en charge la
totalité des responsabilités et des initiatives en matière
de santé et de sécurité.
Aidez-moi à trouver la cohérence là-dedans, M. le
Président, je pense qu'on a besoin de la chercher drôlement. C'est
le premier morceau. Essayez de réconcilier ça avec aussi cette
approche fondée sur la liberté de pensée, l'approche
démocratique. Je ne sais pas quelle sorte d'image ça donne,
l'impression que ça m'a laissée, l'image qui m'a trotté
dans la tête toute la journée en écoutant ça et en
voyant débouler les morceaux, c'est presque l'image... j'ai pensé
à un moment donné, c'est la foire. C'est dans le genre du parc
Belmont. A peu près.
Mais ce n'est pas la foire, M. le Président. Il y a quelque chose
d'autre, de bien plus précis que ça, derrière tout
ça. Qu'est-ce qu'ils nous proposent? Même pas le programme du
Parti libéral de 1976, comme l'a cité tantôt le
député de Rimouski qui, pour l'essentiel il recoupait le
nôtre d'ailleurs se retrouve intégralement dans le projet
de loi. Pas du tout. On ne retrouve plus ça, alors que le projet de loi
17 intègre ce qui était proposé là. C'est non, cela
non plus. Donc, ce qui était la pensée n'est plus la
pensée non plus.
Une Voix: La caisse électorale.
M. Marois: Mais ça, ce n'est pas assez, alors, on nous a
ajouté d'autres arguments pour justifier le non. On nous a dit: Vous
savez, ça va être effrayant, parce que les services de
santé, imaginez-vous donc, les services publics vont être
impliqués, les départements de santé communautaire mis sur
pied et auxquels ont contribué directement, dans toute la batterie, les
CSS, CRSS, CH, DSC, CLSC, le député de Saint-Laurent
lui-même, au moment où il était au gouvernement, on met
à contribution, un département de santé communautaire.
C'est la vision de fin du monde ou à peu près.
Or, c'est là, dans les faits, et déjà des
départements de santé communautaire ont commencé, depuis
un bon moment, à s'occuper du dossier de la santé et de la
sécurité au travail. Nous, on dit qu'on va partir d'une lecture
de la réalité, des faits, des initiatives, du potentiel positif
qui est là, pour essayer enfin de débloquer la perspective d'une
véritable médecine du travail et de la santé au travail,
qui cherche elle aussi à dépister, et pas seulement à
corriger, au moment où il est trop tard.
On a dit: II faudrait procéder par priorité. Ou bien ceux
qui affirment une chose comme celle-là n'ont vraiment pas eu le texte de
loi ou bien, alors, c'est carrément malhonnête, parce que le texte
de loi, précisément, M. le Président, est formel, que ce
soit pour les programmes de santé, j'aimerais bien que le
député de Notre-Dame-de-Grâce écoute deux minutes,
M. le Président, quand on parle, il n'écoute pas. C'est pour
ça que, quand il intervient, par la suite, ça fait la
démonstration de quelqu'un qui intervient tout croche, parce que les
priorités, les secteurs prioritaires, précisément, c'est
prévu dans le projet de loi. Je voudrais lui dire, en lui citant le
passage, que la première fonction de la commission est "d'établir
les priorités d'intervention en matière de santé et de
sécurité des travailleurs, d'établir les priorités.
"
Nous avions déjà, dans le livre blanc, à la page
271, établi et dressé la liste d'une hypothèse de secteurs
économiques prioritaire d'interventions là où il y a eu
les taux les plus élevés d'accidents et de maladies
industrielles.
Mais nous n'avons jamais voulu l'imposer comme un gouvernement qui
intervient d'en haut. Nous avons toujours fondé cette réforme sur
l'idée pour reprendre l'expression du député de
Richmond d'une table ronde de concertation de l'ensemble des agents
socio-économiques et du gouvernement, c'est-à-dire la
participation des représentants du monde patronal et du monde syndical
pour que, avec le gouvernement, ensemble, on établisse des
priorités, à partir d'une hypothèse qui est là.
C'est évident que les programmes de santé ne peuvent pas
être les mêmes, quand on parle des fonderies, que ceux qui
pourraient s'appliquer, si c'était nécessaire, dans les caisses
populaires, par exemple. Cela va de soi et c'est prévu comme tel dans le
projet de loi. Il est bien certain que les problèmes sont sans commune
mesure, ceux qui se posent dans le domaine forestier par exemple, dans le
domaine minier, même dans le domaine de l'administration publique et
parapublique, par rapport à ceux qui se posent dans certains secteurs de
service.
Il est évident qu'il n'y aura pas des comités paritaires
partout en partant, qu'il va devoir y avoir des priorités. C'est
prévu dans le projet de loi. Alors l'argument tombe, M. le
Président, cela ne résiste même pas, à l'analyse,
deux minutes.
Et alors là, on a trouvé autre chose. On a dit: Le
nivellement je reprends textuellement par la base. Cela va
être effrayant parce que la santé et la sécurité
vont être nivelées à la base. M. le Président,
compte tenu des consentements qu'on a accordés, je pense qu'on me
permettra de prendre quelques minutes de plus pour terminer.
Le nivellement par la base. Mais on va niveler quoi? Il y a 90% des 150
000 entreprises au Québec et le député de
Notre-Dame-de-Grâce n'écoute toujours pas, cela ne
l'intéresse pas la réalité qui n'ont pas le premier
bout de commencement de services de santé. On nivelle quoi? Il n'y a
rien. Il y a un médecin à temps plein pour 1500 entreprises. On
nivelle quoi dans les 1499 autres? Il n'y a rien. Il y a 65% des hommes et des
femmes qui sont au travail qui ne sont pas syndiqués. Quels services de
santé ont-ils dans le domaine du travail? Quels droits ont-ils?
Qu'est-ce qu'on nivelle? Ils n'ont rien.
Et même dans le cas d'entreprises où il y a des
travailleurs qui sont organisés, qui sont syndiqués, dans un bon
nombre de cas, ils n'ont à peu près rien. Ils sont dans des
entreprises où il n'y en a pas de services de santé. Alors,
qu'est-ce qu'on nivelle? Rien. Parce qu'il n'existe rien.
Pour la première fois, ces gens-là, par phases, par
étapes, par secteurs prioritaires tout ne pourra pas être
fait en même temps pour la première fois, enfin, des droits
vont leur être reconnus, qui sont des droits fondamentaux. Pour la
première fois, un certain nombre de services de base vont leur
être accessibles.
Alors quoi? Le droit de refus? Le droit de refus, nous sommes pour. Mais
on craint les abus. L'Association canadienne du textile, l'Association des
manufacturiers canadiens qui sont venues témoigner en commission
parlementaire à des questions très précises sur le nombre
de cas d'abus, nous ont répondu très clairement et très
franchement qu'elles n'en connaissaient pas. Et comme on l'a
évoqué, ce n'est pas un droit syndical, c'est le droit d'hommes
et de femmes au travail, avec l'accompagnement d'un représentant
à la prévention, choisi par un syndicat, s'il y a un
syndicat.
Pourquoi? Les hommes et les femmes qui sont au travail au Québec,
les Québécois et les Québécoises, seraient-ils plus
irresponsables que les autres ailleurs? Je ne pense pas. Je pensais et je
voyais, en particulier, une des entreprises que j'ai visitées à
l'occasion des tournées. (1 h 10)
A Mont-Joli, une fonderie, où il y avait deux usines une à
côté de l'autre. J'avais dans ma poche le rapport d'inspection:
132 constats d'infraction, 132, un lieu dangereux, insalubre qui ne respectait
pas les normes et les règlements de base et, comme par hasard, comme par
miracle, le jour où on est passé là, ceux qui
m'accompagnaient et moi, l'usine dangereuse en question était
fermée uniquement pour cette journée-là. Les hommes et les
femmes qui y travaillent... Même si on m'a refusé de pouvoir faire
cette visite-là, comme j'ai pu le faire ailleurs dans un bon nombre
d'entreprises aussi bien accompagné du représentant de
l'employeur on m'a refusé la présence du
représentant du syndicat j'ai également pu, par la suite,
rencontrer le syndicat. Je me suis organisé en conséquence pour
me faire dire une chose et constater une deuxième chose en lisant la
convention collective. Ils étaient pourtant syndiqués et
organisés. Le droit de refus, ils ne l'avaient pas. Les programmes de
santé, vous pouviez toucher les chercher. Le retrait préventif,
vous pouviez toujours le chercher encore plus. Ils n'avaient pas grand-chose
pour ne pas dire rien dans ce domaine-là. Ils nous ont dit: Tâchez
de venir plus souvent: 132 constats d'infraction. La seule façon de
faire en sorte que ce soit un peu salubre pour nous autres, c'est que, quand
vous
venez, ils la ferment pour une journée et on est payé
pendant cette journée-là. C'est cela qu'il faut changer, corriger
le mal là où il est. Quand on laisse entendre que, parce que les
départements de santé communautaire interviendraient, que les
services on le laisse entendre seraient donnés en dehors
de l'entreprise, on sait fort bien que c'est inexact. C'est prévu dans
le projet de loi que les services seront distribués dans l'entreprise
même.
Quand je regarde la liste je ne la reprendrai pas quand je
prends la liste de tout ce que le chef du Parti libéral a
évoqué, en disant: D'accord, sur telle chose; d'accord, sur ceci;
d'accord, sur cela qui sont essentiellement les principes fondamentaux du
projet de loi, on aboutit à cette espèce d'incroyable logique de
l'illogisme. Probablement que marcher la tête en bas et les pieds en
l'air, c'est en train de devenir la logique, parce que, honnêtement, je
ne comprends plus. Il conclut en disant: Non. Il dit: C'est épouvantable
la norme de vingt. Ou bien il n'a pas lu le projet de loi lui non plus, ou bien
alors il y a autre chose derrière, parce que la norme de vingt
travailleurs dans les entreprises pour avoir des comités paritaires,
c'est celle qui existe aussi dans les autres prpvinces. Il n'a pas
mentionné c'est pourtant précisément inscrit dans
le projet de loi que ces comités-là sont volontaires,
à la demande des parties, sauf les cas où la commission... La
commission, c'est qui? Encore une fois, c'est le monde patronal, le monde
syndical et le gouvernement, ensemble. C'était la volonté qui
ressortait de façon explicite. S'il y a eu un point de convergence
important à l'occasion du premier grand sommet socio-économique
au Québec, le premier du genre, c'était celui-là, cette
idée de commencer à essayer d'apprendre ensemble à faire
les choses ensemble. C'est cela qu'on a inscrit dans le projet de loi.
Quand, avec un certain mépris, je trouve, le chef du Parti
libéral parle de la nouvelle Commission de la santé et de la
sécurité en parlant d'un monstre, ce qu'il qualifie de monstre,
c'est le fait qu'il y ait là des représentants du monde patronal,
des représentants du monde du travail et des représentants du
gouvernement. C'est cela qui est le monstre? Je trouve qu'il y a quelque chose,
en tout cas, je crois, de méprisant. Encore là, par la suite,
c'est la confusion la plus totale, le député de Portneuf, nous
disant: Donnez plus de pouvoirs aux comités paritaires. On a retenu
certaines de ces suggestions, des suggestions qui venaient d'autres d'ailleurs
et on a inscrit plus de pouvoirs décisionnels aux comités
paritaires dans la même envolée. Trouvez-moi la logique, Mme la
Présidente. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a dit:
C'est épouvantable; c'est la congestion, des espèces de visions
de fin du monde. En Ontario oui j'achève; j'achève, mais
je vais quand même prendre les morceaux qui restent; je pense qu'on a
été tolérant à l'égard du chef du Parti
libéral
M. Gratton: Vous avez besoin du consentement.
M. Marois: ... que je sache, ce n'est pas particulièrement
une province qui est administrée par un parti dirigé par des
Marxistes-Léninistes. Il y a précisément ces
mécanismes-là. Pourtant, cela marche. C'est bon pour les autres,
c'est bon pour la Sasketchewan, c'est bon pour l'Ontario. C'était bon
dans le programme du Parti libéral en 1976 et ce n'est plus bon
aujourd'hui. Je terminerai, Mme la Présidente...
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
présidente.
La Vice-Présidente: Sur cette question de
règlement, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Mme la Présidente, le ministre a
terminé son intervention depuis déjà quelques minutes.
Pourrions-nous procéder au prochain sujet?
M. Charron: ... la même chose qui a été
accordée au chef de l'Opposition, pour le parrain du projet de loi.
M. Gratton: Cela n'a pas duré une demi-heure, quand
même!
Une Voix: Vous n'étiez pas là!
M. Gratton: Pardon! Je n'ai pas manqué une minute.
La Vice-Présidente: Je vous dirai simplement que, parce
qu'un consentement a déjà été accordé, on ne
peut pas présumer d'un nouveau consentement. Il y a maintenant une
demande de consentement à ce que M. le ministre termine son
intervention. Vous pouvez me suggérer le nombre de minutes, si vous
voulez, ou bien me dire que vous n'acceptez pas.
M. Gratton: A la condition que le ministre puisse terminer dans
une ou deux minutes, nous accordons volontiers ce consentement.
La Vice-Présidente: M. le ministre d'Etat au
Développement social.
M. Marois: C'est effrayant, Mme la Présidente, comme
l'Opposition est bien bonne! Je terminerai en posant simplement deux questions
aux députés de l'Opposition, parce que je me demande comment les
hommes et les femmes qui travaillent...
M. Lavoie: Question de directive! Le ministre nous dit qu'il va
nous adresser deux questions. Est-ce que j'aurai le droit de répondre
après la réplique du ministre?
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Vous
auriez pu invoquer le règlement, M. le député de Laval et
demander au ministre si vous pouviez l'interrompre.
M. le ministre.
M. Lavoie: Terminez.
M. Marois: Oui, je terminerai en posant et en laissant, si le
député de Laval aime mieux, certains députés de
l'Opposition réfléchir à deux aspects ou deux questions
précises, parce que je me demande comment les femmes et les hommes qui
travaillent vont réagir au fait que certains de leurs
députés ont décidé de voter contre le principe
même du projet de loi no 17, une loi qui vise essentiellement à
éliminer les causes mêmes d'accidents et de maladie, à
protéger la santé et la sécurité,
l'intégrité physique. Je me demande comment les hommes et les
femmes qui travaillent chez Ayer's McKonna, Aviation Electronic, Cana-dair dans
le comté de Saint-Laurent vont réagir. Comment les gens qui
travaillent chez Tricot Ayer's à Lachute, dans le comté
d'Argenteuil, vont réagir, comment les gens qui travaillent au Papier
Rolland, dans le comté de Prévost, vont réagir, comment
les étudiants qui sont dans le secteur professionnel, qui pourraient
bénéficier, où il y a bon nombre de cas d'accidents et de
maladie, de cette loi, vont réagir aux propos tenus par la
députée de L'Acadie. Comment les hommes et les femmes qui
travaillent à la Johns Manville, du comté de Richmond, vont
réagir à ces propos?
Je terminerai simplement en disant ceci: Quant à nous, le statu
quo, maintenir les choses telles qu'elles sont, c'est non. Il est plus que
temps que cela change. Nous sommes déterminés, comme
gouvernement, à mener à terme cette réforme, à
reconnaître aux hommes et aux femmes les droits qu'ils devraient avoir
depuis de nombreuses années, qu'ils attendent, et qu'ils sont en justice
et en droit d'obtenir dans les meilleurs délais et qu'il importe, au
plus sacrant, de commencer à s'attaquer et à éliminer
à la source les causes mêmes d'accidents et de maladie. Quant
à moi, je sais que certains employeurs plus progressistes le veulent et
que les hommes et les femmes qui sont au travail, non seulement le veulent mais
y ont droit, et quant à moi, ils vont l'avoir.
La Vice-Présidente: Cette motion de M. le ministre au
Développement social proposant que soit maintenant lu pour la
deuxième fois le projet de loi no 17, est-elle adoptée? (1 h
20)
M. Charron: Mme la Présidente, serait-on consentant, de
l'autre côté, à avoir un vote enregistré?
M. Lamontagne: Demain, tel que convenu.
M. Charron: Je ne peux pas résister à l'envie de
voir l'Opposition en entier voter contre ce projet de loi, Mme la
Présidente.
M. Lavoie: Je pourrais vous demander de faire respecter le
règlement.
M. Charron: Je propose de remettre à...
M. Lavoie: Y a-t-il une deuxième réplique, Mme la
Présidente?
M. Charron: En fonction du règlement...La
Vice-Présidente : A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charron: En me prévalant du règlement,
justement, je propose que le vote soit reporté à demain,
après la période des questions, ou plutôt à tout
à l'heure.
La Vice-Présidente: Ce vote sera enregistré,
après les affaires courantes, au moment de la reprise de la prochaine
séance.
M. Charron: Je voudrais donner un aperçu des travaux de
demain, Mme la Présidente.
Demain, dans l'ordre, seront appelés les projets de loi no 69
ce matin, plutôt, le 13 décembre concernant les
parcs, le projet de loi no 72, du ministère de l'Energie et des
Ressources, le projet de loi no 78, de la sécurité dans les
sports, le projet de loi no 48, la police et le projet de loi no 52, sur les
contenants, qui sera le dernier de la journée. Comme aujourd'hui mardi,
je m'en tiendrai demain au programme que j'ai annoncé ce soir.
Je propose l'ajournement jusqu'à dix heures.
M. Grenier: Le ministre pourrait-il nous informer
également des projets de loi qui seront étudiés en
commission parlementaire?
M. Charron: Le projet de loi no 17, après son adoption,
sera déréfé en commission et le projet de loi no 57, qui a
un billet de saison au salon rouge.
Ajournement jusqu'à dix heures.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté. Cette assemblée ajourne ses travaux à ce matin,
dix heures.
Fin de la séance à 1 h 22