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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Moment de
recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents. M. le premier ministre.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapport du ministère du Conseil
exécutif
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai
l'honneur de déposer le rapport annuel 1978-1979 du ministère du
Conseil exécutif, ce qui rappelle utilement qu'il y a un
ministère dans ce coin.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues. M. le
député de Duplessis.
Audition des parties intéressées au
conflit d'Hydro-Québec
M. Perron: M. le Président, qu'il me soit permis,
conformément aux dispositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue permanente de
l'énergie et des ressources qui a siégé le 17
décembre 1979 aux fins d'entendre les représentants des syndicats
d'Hy-dro-Québec et ceux d'Hydro-Québec sur le rapport de
médiation.
Le Président: Merci. Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Période des questions orales.
M. le chef de l'Opposition officielle.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Loi d'urgence relative à
Hydro-Québec
M. Ryan: M. le Président, ma première question ce
matin nous reporte évidemment à l'heure tardive à laquelle
nous nous sommes laissés ou à l'heure matinale, selon les points
de référence. Ainsi que vous le savez, la commission de
l'énergie a siégé pendant de nombreuses heures hier afin
d'entendre la version des parties impliquées dans le conflit
d'Hydro-Québec. Nous nous sommes laissés à la fin de la
séance...
Une Voix: C'est seulement une panne.
M. Ryan: Si j'ai bien compris, le président du syndicat
est venu dire, à la fin de la séance, qu'il n'acceptait pas
d'instituer le moratoire que le syndicat avait laissé entrevoir, en
conséquence de quoi le leader du gouvernement a déclaré
que la commission, qui devait continuer son travail ce matin, ne
siégerait pas.
Je voudrais demander au premier ministre, à la lumière de
ces développements, les plus récents dont nous ayons eu
connaissance, d'abord, si d'autres contacts ont eu lieu depuis cette fin de
séance, vers trois heures ce matin, entre le syndicat, les
médiateurs, le gouvernement ou d'autres éléments
immédiatement intéressés et, deuxièmement
volet que je pense plus important que le premier ce que le gouvernement
entend faire. La situation n'est pas meilleure aujourd'hui qu'elle ne
l'était au moment où nous avions siégé hier, les
pannes d'électricité sont sans doute toujours nombreuses à
travers le Québec et affectent sans doute encore des milliers de nos
concitoyens. Le but de l'exercice d'hier soir était de faciliter la
restauration des services d'électricité. Alors, je demande encore
une fois au premier ministre si des développements nouveaux sont
survenus avec le syndicat et, deuxièmement, quelles sont les intentions
du gouvernement pour aujourd'hui.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ne ferai
pas un long commentaire, je vais simplement replacer les choses du mieux qu'on
peut.
La commission, accompagnée d'une offre de moratoire, a
été demandée le vendredi 14 décembre. La
première réponse que nous ayons faite étant
donné qu'il s'agissait d'une négociation plus que
terminée, coiffée ou couronnée par un rapport de
médiation ç'a été de demander d'abord si ce
serait démocratiquement concevable pour le syndicat de consulter ses
membres d'abord sur ce rapport de médiation. La réponse que j'ai
faite, au nom du gouvernement, c'est que, à ce moment-ci
c'est-à-dire à ce moment-là, le même jour
ça ne nous paraissait pas indiqué de faire siéger cette
commission parlementaire, mais plutôt de demander si le syndicat ne
pouvait pas aller au vote. Après les refus catégoriques qui se
sont poursuivis jusqu'à hier, et après avoir constaté,
avec les gens qui s'y connaissent, c'est-à-dire Hydro-Québec
elle-même, ce qui a été expliqué hier soir,
c'est-à-dire la précarité grandissante et du réseau
général et de la distribution en détail, on a pris la
décision de convoquer le syndicat et aussi les représentants
d'Hydro-Québec même s'ils n'étaient pas en cause
directement, puisqu'ils avaient accepté, à condition que ce soit
un règlement, le rapport de médiation de convoquer,
dis-je, essentiellement le syndicat pour deux buts très simples. (10 h
20)
Le premier but je pense qu'il y avait déjà des
indications que cela intéressait, comme une urgence, les Oppositions
c'était de permettre au syndicat d'exposer ses objections
à ce rapport des médiateurs afin que chacun, aussi bien ici que
dans le public sauf qu'à l'heure où cela a fini, je pense
qu'il ne restait plus beaucoup de public puisse se faire une idée
des raisons de ce refus, pour autant qu'il y en avait ou qu'il pouvait y en
avoir de valables. Le deuxième but était qu'on sorte de
là, bien sûr, avec un moratoire immédiat et aussi, dans
notre esprit, l'engagement d'aller à un vote et à un vote rapide.
Si on est capable de laisser geler des gens pendant 48 ou 72 heures, on doit
être capable de faire voter des gens c'est déjà
arrivé en 48 ou 72 heures de façon qu'on puisse arriver,
avant l'ajournement des Fêtes, à une conclusion.
Peu importe il y a eu une certaine confusion, c'est normal quand
on travaille d'urgence une certaine confusion qui a pu régner
autour du travail de la commission, je crois que le résultat a
été tristement clair autour de 3 heures ce matin. A notre humble
avis, c'était littéralement une invitation à
l'Assemblée nationale à se substituer à une
démocratie syndicale assez sérieusement déficiente. Il n'y
a pas eu de contact après, il n'y en a pas eu depuis. Vu qu'on est tous
arrivés un peu en retard, il n'y a pas eu de contact non plus entre le
leader du gouvernement et ses homologues, mais il va y en avoir incessamment
parce que je crois que nous sommes maintenant en tout cas, c'est notre
conviction absolue devant l'obligation urgente de
légiférer aujourd'hui.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Le premier ministre a indiqué que le leader du
gouvernement nous donnera des précisions tantôt quant à la
manière dont le gouvernement entend procéder. Ces
précisions seront-elles fournies après la période des
questions de ce matin ou maintenant?
M. Charron: M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: ... je peux peut-être répondre
maintenant. Tout à l'heure, dès la fin de la période des
questions, donc dans une quarantaine de minutes, je proposerai à
l'Assemblée de prioritairement s'attarder à un projet de loi que
je déposerai au même moment où je demanderai à
l'Assemblée de suspendre les règles pratiques de l'étude
d'un projet de loi dans les circonstances.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
Application de la loi no 62
M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de la Justice.
Pourrait-il faire le point sur l'état où en est, du point de vue
du ministre de la Justice, l'application de la loi 62? En particulier,
pourrait-il préciser le nombre de dossiers ouverts pour infractions
à la loi 62 et le nombre de causes qui ont été
portées devant les tribunaux à ce jour?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, je pense que le
député de Saint-Laurent comprendra que je n ai pas les chiffres
précis. Je vais prendre avis de la question tout en lui indiquant que ce
que j'ai en mémoire c'est au-delà de 150 plaintes qui auraient
été portées contre tous les syndicats contrevenants et
qu'il y a également d'autres dossiers qui font l'objet d'analyse.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je remercie le ministre d'en prendre avis, mais comme
il s'agira d'un chiffre tel qu'il vient d'indiquer au moins approximativement,
comment le ministre peut-il expliquer l'immense disproportion qui semble
apparaître entre ce chiffre de 150 mettons même qu'il y en
ait 300, soyons généreux et les quelque 60 000
salariés qui ont fait une infraction à la loi dans les jours qui
ont suivi l'adoption de la loi 62? Est-ce qu'il n'y a pas là un
déséquilibre absolument remarquable entre 300 poursuites et 60
000 infractions à la loi? Comment expliquer cette disproportion?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, le député
de Saint-Laurent, comme à l'habitude, se pose en juge. Je pense qu'il
doit savoir que selon le processus à suivre je l'ai
expliqué à plusieurs reprises on ne porte pas de plaintes
sur des impressions, mais d'après des enquêtes dûment faites
et dûment complétées. J'ai également dit je
pense que cela se comprend très facilement que lors de cette
grève de trois jours, les policiers ont orienté, d'une
façon tout à fait spéciale, leur travail pour favoriser
l'accès des édifices publics et également pour travailler
à certaines enquêtes concernant l'ensemble des syndicats
contrevenants. Je ne pense pas qu'on puisse demander aux policiers d'être
partout à la fois; je crois qu'ils ont fonctionné selon ce qu'il
est possible humainement, dans les circonstances. Tous les syndicats
contrevenants ont été poursuivis je le dis encore au
député de Saint-Laurent d'autres dossiers font l'objet
d'analyse et les plaintes seront prises en considération.
M. Forget: Question supplémentaire, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Le ministre dit: Tous les syndicats impliqués
ont été poursuivis. Est-ce qu'il faut comprendre que seules sont
poursuivies les structures syndicales ou l'association de salariés, le
syndicat, et qu'en aucun cas des salariés ordinaires qui ne
sont pas présidents de syndicat ou déléqués
syndicaux ne sont jamais poursuivis? Et, est-ce qu'à la lumière
de cette expérience, le ministre a conseillé, dans la loi qui
sera bientôt soumise à l'Assemblée nationale sur un autre
sujet, que la pénalité et les méthodes de mise en vigueur
de la loi soient exactement les mêmes que dans le cas de la loi 62?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Pour ce qui est de la loi qui est à
venir et qui a été annoncée, j'ai fait certaines
représentations au niveau des plaintes et au niveau des sentences et
surtout des pénalités qui pourraient être prévues
dans le projet de loi. Vous serez à même de le voir lorsque le
leader du gouvernement présentera le projet de loi concernant les autres
plaintes vis-à-vis des individus, nous n'avons pas écarté
la possibilité que des plaintes soient portées contre des
individus, sauf qu'il faut être réaliste, dans le sens qu'il est
très clair que les policiers et ce sont des rapports et des
informations qu'on m'a donnés durant cette période de
grève, avaient orienté une grande partie de leurs efforts sur
l'accès aux édifices et sur les enquêtes concernant les
syndicats contrevenants. Il y a d'autres dossiers qui sont, à l'heure
actuelle, à l'étude. Les instructions sont très simples:
c'est qu'à partir du moment où les dossiers sont
constitués et qu'il y a lieu de porter une plainte, les instructions du
ministre de la Justice sont de les porter.
M. Forget: Question supplémentaire, une dernière,
M. le Président.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Faut-il donc comprendre de ce que le ministre de la
Justice dit que les simples salariés, qui ne sont pas membres des
structures officielles syndicales, sont, dans tous les cas, exempts de
poursuites?
M. Bédard: Justement, M. le Président, le
député de Saint-Laurent ne veut vraiment pas comprendre parce que
je viens de lui dire que les instructions du ministère de la Justice, du
ministre de la Justice, c'est de porter des plaintes à partir de
dossiers constitués, mais pas, par exemple, sur des soupçons,
comme le voudrait le député de Saint-Laurent, ou sur des
impressions. Ce n'est pas comme cela que la justice s'administre. A partir du
moment où ces dossiers sont constitués et sont terminés,
il y a des décisions qui sont prises je rappelle encore une fois
au député de Saint-Laurent le processus et elles sont
prises par les procureurs de la couronne qui ont à analyser ces dossiers
et qui ont les instructions de les porter.
Le Président: Question principale. M. le
député de Gaspé.
Place des pêcheries maritimes
M. Le Moignan: M. le Président, depuis déjà
quelques jours, je voulais adresser une question au ministre de l'Agriculture
et de l'Alimentation, mais, comme il est probablement retenu par d'autres
occupations et connaissant l'intérêt du premier ministre pour la
question, je vais m'adresser au premier ministre, du moins pour une question
principale. Dans un bref préambule, je vais expliquer un peu la
situation.
Il reste seulement quelques jours avant la fin de cette session et je
voudrais obtenir quelques éclaircissements sur un dossier qui
intéresse tous les Gaspésiens et qui intéresse le premier
ministre de façon très spéciale, étant donné
ses déclarations du passé concernant la décentralisation
des pêches. Dans quelques jours, nous allons officialiser par le projet
de loi no 66 je n'en suis pas certain le transfert de la
Direction générale des pêcheries, qui appartient au
ministère de l'Industrie et du Commerce, au ministère de
l'Agriculture et de l'Alimentation.
Actuellement, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
on peut dire s'occupe des petits péchés. Mais le
nouveau ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, auquel, je
crois, on va adjoindre le titre de pêcherie:;, ce qui devrait être
le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Pêcheries
maritimes, je ne sais pas de quelle façon on va formuler le
baptême de ce nouveau ministère. (10 h 30)
Je voudrais que le premier ministre nous dise, comme il y a beaucoup de
retard à ce moment-ci de l'année, si, au moment de notre
séparation comme le dit si bien mon collègue de
Bonaventure, dans un bon esprit de collaboration pour ajder le gouvernement
le changement est en train de s'effectuer, si cela va réellement
aller au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. Le temps
avance, nous sommes presque en 1980 et il n'y a pas grand-chose qui se fait. Je
sais qu'il y a des plaintes qui surgissent, surtout du côté de
Grande-Rivière, avec la vocation de l'Institut de recherche et de
l'Institut des pêches. Le premier ministre n'a peut-être pas tous
les détails techniques, mais il pourrait peut-être me
répondre, dans les grandes lignes de cette question, si, d'ici la fin de
la session, on sera au moins fixé, à savoir si cela doit
échouer à l'un de ces deux ministères, à condition
que cela n'aille pas au ministère des Affaires culturelles.
Le Président: M. le premier ministre
M. Lévesque (Taillon): Non, l'intention n'est pas
il y a eu des études très serrées là-dessus
d'envoyer cela au ministère des Affaires culturelles, et cela ne restera
pas entre deux eaux non plus, c'est très mauvais pour les
pêcheries. Il était bien entendu que l'intention elle est
maintenue, ce n'est pas pour rien d'ailleurs qu'on a ajouté le mot
"alimentation" au ministère de
l'Agriculture c'est que cet ensemble puisse former un tout
cohérent. Il y a même beaucoup plus de liens je pense que
le député de Gaspé le sait qu'on ne l'imagine en
profanes entre le produit du sol et le produit de la mer. A beaucoup de points
de vue, cela peut être complémentaire. L'intention reste là
et, si c'est possible je ne peux pas aller plus loin ce matin
avant l'ajournement, on pourra donner des réponses plus
détaillées au député de Gaspé et aussi pour
l'information de toute la Chambre, y compris du député de
Bonaventure que cela intéresse aussi forcément, autant que
possible avant la fin de l'ajournement. En tout cas, je donnerai au moins
l'essentiel de notre évaluation de la situation et des étapes
à franchir avant l'ajournement.
Le Président: M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Je voudrais, M. le Président,
peut-être pour faciliter une réponse plus vaste, plus
générale de la part du premier ministre, je pourrais
peut-être lui soumettre certaines objections par écrit à un
autre moment où il sera plus en mesure de me répondre d'ici la
fin de la session.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question
additionnelle.
Le Président: M. le député de
Bonaventure.
M. Levesque (Bonaventure): Y ayant été presque
invité par le premier ministre ce ne sera pas méchant
je dirai simplement ceci: Vu l'importance exceptionnelle et
peut-être sans précédent que devraient prendre, dans les
prochaines années, les pêcheries au Québec, tenant compte
en particulier de l'extension du territoire de pêche à 2000 milles
des côtes, il est possible que les pêcheries deviennent l'une des
ressources les plus importantes au point de vue alimentaire au Québec.
Nous savons que, présentement, notre part de la production est infime si
on prend l'ensemble des pêcheries canadiennes, mais je regarde l'avenir
avec optimisme, confiance et beaucop d'espoir. Est-ce que le premier ministre,
dans sa réflexion, ne pourrait pas ajouter un élément...
C'est peut-être symbolique, si l'on veut, mais je sais que le
gouvernement actuel attache beaucop d'importance aux symboles. N'y aurait-il
pas lieu, pour le premier ministre, de songer à inclure dans le nom du
ministère le mot "pêcheries", autrement dit "agriculture,
pêcheries et alimentation"? Tout en étant simplement une
suggestion, je pense que, pour tous ceux qui s'intéressent à ce
domaine de plus en plus vital, elle pourrait être, à mon sens, non
seulement très bien acceptée dans le milieu, mais elle pourrait
aider à accompagner cette expansion de l'industrie.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Evidemment, c'est normal qu'on ait
toujours le goût de maintenir des termes qui illustrent un secteur,
même quand on fait certaines fusions. Je pense que cette fois-ci encore
on a fait la même chose dans le cas de l'énergie et des
ressources l'intention correspond exactement à ce que vient de
dire le député de Bonaventure. On pourrait noyer cela dans
l'alimentation mais, en fait, je crois qu'il est important de souligner le mot
"pêcheries", alors il va demeurer. Deuxièmement, il y a
déjà, par rapport à ce qui arrive avec les 200 milles et
tout le reste, une première étape qui est en marche et qu'on
espère pouvoir concrétiser le mieux possible sous la forme d'un
plan quinquennal.
Je suis tout à fait d'accord avec le député de
Bonaventure sur l'avenir de ce domaine. Il suffit de lire ce qui se passe, se
produit ou se publie comme réflexion le moindrement sérieuse sur
la fin du XXe siècle. On parle beaucoup d'énergie, cela va rester
au premier plan, mais il est fort probable que, stratégiquement, on
parlera encore davantage d'alimentation avant l'an 2000; alors on n'a pas le
droit de se négliger de ce côté.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
Mise à pied de huissiers à
Sherbrooke
M. Grenier: Je m'adresse au ministre de la Justice. Une demande
me vient de l'ensemble des juges et des avocats du district
Saint-François, de la ville de Sherbrooke, soit, au total, une
cinquantaine d'avocats et de juges. Cette demande se lit comme suit: Nous,
soussignés, juges, avocats et autres usagers du palais de justice de
Sherbrooke, dans le district Saint-François, requérons
respectueusement de l'honorable ministre de la Justice la suspension de la
directive qui entraîne la mise à pied des huissiers audienciers
dont les noms suivent.
On lit une quinzaine de noms de personnes qui sont mises à pied
et qui ont comme années de service, quatre, cinq ou six ans au palais de
justice de Sherbrooke. Ce sont des gens qui sont en général
employés à temps plein dans le moment.
Je voudrais savoir de la part du ministre de la Justice, quelle est
cette nouvelle politique et pourquoi décider brutalement de mettre
à pied ces pères de famille qui font le travail d'une
façon exemplaire auprès de ces hommes de loi, que je sache.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, ce n'est pas une
décision qui a été prise brutalement, parce que c'est un
dossier qui a été étudié longuement au niveau de
l'administration. On a essayé de sensibiliser un peu d'avance les
personnes qui pourraient être touchées par cette directive, par
cette décision. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans le
Québec, que ce soit au niveau du nombre de secrétaires qui sont
affectés à des juges comme
au nombre de huissiers audienciers, cela représente un nombre de
personnes très grand par comparaison à ce qui se passe dans les
autres provinces. Je pense qu'à un moment donné, dans une
période de restriction budgétaire, certains gestes
désagréables doivent être posés. On doit les poser
pour une meilleure administration des fonds publics.
D'autre part, nous sommes très disposés, au niveau du
ministère de la Justice, à aider ces personnes touchées
à trouver d'autres emplois afin d'assurer leur subsistance.
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, je comprendrais la
réponse du ministre si elle était vraiment la réponse;
mais à la suite de la rencontre que j'ai eue avec ces gens, ce n'est pas
la vraie réponse. Je comprendrais également que le ministre peut,
afin de diminuer la charge publique, réduire des postes; mais ce n'est
pas cela la réponse. La réponse, c'est que les personnes sont
remplacées par d'autres. J'aimerais savoir de la part du ministre si ces
personnes ne font pas bien leur travail ou bien si c'est parce qu'on veut se
servir du chômage, de l'argent du fédéral, pour en envoyer
un groupe à l'assurance-chômage et en reprendre un nouveau groupe
qu'on reclassera bénéficiaires de l'assurance-chômage
après qu'ils auront fait les six mois d'emploi au palais de justice.
J'aimerais avoir une réponse très claire et très nette
à cet égard.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Pour une réponse très claire, le
député de Mégantic-Compton apporte un
élément nouveau, soit le fait que ces personnes seraient
remplacées. Je comprends très bien l'objet de sa question sur ce
point. Afin de lui apporter une réponse claire et complète, je
prendrai avis, quitte à lui donner tous les renseignements
nécessaires dès demain. D'accord?
Le Président: M. le député de Gouin.
Référendum et constitution
M. Tremblay: M. le Président, ma question porte sur le
référendum et s'adresse au premier ministre. Les journaux nous
apprennent, ce matin, que M. Clark a pris une page du livre blanc du
gouvernement et s'apprête à demander un mandat clair sur la
constitution.
Les journaux nous apprennent aussi que le premier ministre hésite
entre une question qui porterait sur un mandat de réaliser ou un mandat
de négocier la souveraineté-association. Lorsqu'on mentionne le
mot "mandat", M. le Président ceci implique l'aspect
plébiscitaire, c'est-à-dire l'aspect confiance.
Or, comme nous avons discuté hier du taux de désaffection
à l'endroit du gouvernement je pense que c'est le premier
ministre qui a mentionné le terme il est évident qu'un
vote négatif serait perçu comme un vote de non-confiance à
l'endroit du gouvernement. Or, dans le système parlementaire, un vote de
non-confiance, à l'Assemblée nationale ou à un Parlement,
amène habituellement une élection. (10 h 40)
Dans le cas d'un vote de non-confiance au référendum,
est-ce que le premier ministre a l'intention de se soumettre aux règles
du système parlementaire et de demander au lieutenant-gouverneur de
dissoudre l'Assemblée nationale et de déclencher les
élections après le référendum?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai vu en
effet que M. Clark a annoncé hier, à Montréal, que, s'il
était réélu, il y aurait un projet constitutionnel
préparé par l'honorable sénateur Arthur Tremblay pour
l'automne 1980.
Comme il ne faut pas vendre la peau de l'ours et qu'on ne saura que vers
le 18 février qui sera le gouvernement, peut-être que le
sénateur Tremblay que tout le monde connaît très
bien pourrait donner un coup de main à nos amis libéraux
pour qu'ils finissent depuis le printemps qu'on attend de mettre
ensemble leurs propres propositions constitutionnelles, ils ont peut-être
besoin de renfort? Mais, de toute façon, pour nous, il n'y a rien de
changé pour l'essentiel, la question et la formulation le
député de Gouin la verra comme les autres avant la fin de la
semaine sera celle qui nous paraîtra la plus susceptible
d'éclairer et en même temps d'aider légitimement à
prendre une décision. Quand viendra le référendum, j'ai
profondément confiance, en dépit des sondages un sondage,
ce n'est ni un référendum, ni une élection, on peut
même avoir des surprises dans les sondages, à l'occasion, de
semaine en semaine que, ce premier défi de notre histoire, les
Québécois le relèveront convenablement. De toute
façon, c'est à ce moment que je pense, se posera la question
si jamais elle se pose, mais je crois qu'elle ne se posera pas du
député de Gouin.
M. Tremblay: M. le Président.
Le Président: M. le député de Gouin.
M. Tremblay: Je comprends que le premier ministre garde un esprit
positif et enthousiaste, mais, par contre, gouverner, c'est prévoir, et
il n'est pas exclu, évidemment, que la population donne un vote de
non-confiance au gouvernement, lors du référendum.
Dans cette éventualité, est-ce que le premier ministre
serait prêt à dire que, son option étant rejetée par
la population, ceci devrait entraîner logiquement des élections
à brève échéance après le
référendum?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): De toute façon, à
assez brève échéance après le
référendum, quel qu'en soit le résultat qui, je le
répète, à mon humble avis, devrait être positif,
dans l'intérêt du Québec, non pas seulement parce que
ça nous semble souhaitable, mais parce que nous croyons
profondément que ça va être positif, si on peut sortir...
Entre nous, le député d'Argenteuil peut rire, je l'ai entendu,
l'autre soir, parler, au moment où il commantait abondamment le jugement
de la Cour suprême en essayant de le minimiser dire qu'on
se retrouvera un jour sur les tribunes.
Je dois dire que, si on veut finir de régler certaines choses,
qui nous permettront ensuite de ne pas négliger l'administration, mais
certaines des choses qui, à l'occasion, nous imposent une série
de nuits blanches depuis deux ou trois mois, moi aussi, j'ai grande hâte
de retrouver non seulement le député d'Argenteuil, mais tous nos
amis d'en face dans la campagne préréférendaire sur toutes
les tribunes du Québec. J'ai comme l'impression que la rigueur
intellectuelle bien connue du député d'Argenteuil qui lui sert
surtout depuis quelques mois à peu près unilatéralement
à déformer les choses et, très souvent, à
substituer l'insinuation à l'argumentation, on va avoir du plaisir avec
cela pendant les mois prochains.
M. Ryan: M. le Président... M. Tremblay: M. le
Président...
Le Président: M. le député de Gouin, votre
dernière question.
M. Ryan: ... question de privilège.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Une question de privilège, franchement, M. le
Président, je n'en ai pas. J'aurais eu une question plus importante
à poser au premier ministre. Comment se fait-il, peut-il nous expliquer
que l'autre soir il ait fait allusion...
Des Voix: A l'ordre! Ce n'est pas une question de
privilège!
Le Président: M. le chef de l'Opposition, s'il s'agit
d'une question, je vais reconnaître le député de Gouin,
puisqu'il n'abuse pas des questions de ce temps-là, et je vous
céderai la parole tout de suite après.
M. Tremblay: M. le Président, je sais que le premier
ministre et le chef de l'Opposition aiment bien se batailler; d'ailleurs, c'est
la crainte que j'ai pendant cette campagne référendaire, que ce
soit uniquement une grosse élection.
Le Président: M. le député de Gouin, je vous
ai cédé la parole pour une question.
M. Tremblay: J'allais poser une question et M. le premier
ministre a décidé de donner un "punch" au chef de l'Opposition.
Si c'est une question de mandat, si la question référendaire
porte sur un mandat et qu'il y a un vote de non-confiance, je pose la question
au premier ministre, est-ce que dans l'esprit du système parlementaire
il ne devrait pas y avoir une élection à très brève
échéance après le référendum?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je vais mobiliser quelques-uns de
nos conseillers parlementaires pendant la période des Fêtes et on
va réfléchir profondément là-dessus.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
Conférence de presse relative au jugement sur
la loi 101
M. Ryan: Je serais porté à demander au premier
ministre si bientôt il y aura une série de règlements
devant déterminer quand il sera permis de sourire. Je vais en venir tout
de suite à la question principale, à celle que je veux poser au
premier ministre. Etant donné qu'il a fait allusion à des
débats récents, au cours de la réponse qu'il a
donnée au député de Gouin, je voudrais lui poser une
question. Pourrait-il nous expliquer comment il se fait que l'autre jour,
lorsque nous avons discuté du jugement de la Cour suprême, auquel
il a fait allusion dans ses remarques il a trouvé le moyen de donner une
conférence de presse pendant que nous attendions l'ouverture de la
séance du Parlement, ici, et que pendant toute cette nuit-là il
n'a pas trouvé une minute pour venir exposer son point de vue devant le
Parlement, alors qu'il avait délayé...
Le Président: M. le chef de l'Opposition, je vais
autoriser la question, mais je vous signale tout simplement que nous sommes
très mais très loin de la question principale qui avait
été posée par le député de Gouin.
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): C'est une question principale, je
pense bien, de toute façon. Je vais lui répondre le mieux
possible de la façon suivante. Vers le milieu de l'après-midi, on
avait appris ce qui paraissait parfaitement normal que le chef de
l'Opposition devait, vers 17 heures, je crois, rencontrer les journalistes. Ou
vers 16 heures, je ne le sais pas. Cela a ensuite été
contremandé pour des raisons qui sont apparues assez clairement pendant
la soirée, on cherchait la position à prendre. Nous savions
très bien de quoi il s'agissait. Vu que le chef de l'Opposition avait
annoncé sa présence devant les journalistes j'ai
décidé de le laisser passer, il était le premier sur la
liste.
Quand cela a été contremandé, à ce
moment-là, on a dit: On va continuer à préparer notre
propre proposition et, en même temps, on suivait la préparation de
la loi correctrice qu'il a fallu faire à
la vapeur à cause des parties qui étaient vraiment
imprévisibles du jugement de la Cour suprême. On a
préparé pas mal de possibilités, mais pas de
possibilités qui aillent aussi loin que ce jugement nous amenait. Alors,
la loi a pris du temps à être mise au point; en fait, elle ne
pouvait pas être prête c'est ce qu'on m'a confirmé
vers 19 h 30 avant les environs de 20 h 30. A ce moment-là, le
texte que j'attendais moi-même de la polycopie, celui de mon
intervention, qui devait être prêt pour 19 h 30, n'a
été prêt qu'à 19 h 45. J'ai calculé que
j'aurais pu en faire une question de privilège dès hier,
contrairement à ce que le chef de l'Opposition s'est permis de dire,
c'est-à-dire qu'il y avait là une sorte d'indécence
à l'égard de l'Assemblée nationale, sachant que, de toute
façon, on n'aurait pas le projet de loi avant 20 h 30, j'ai pensé
qu'il était indiqué d'aller dire, au nom du gouvernement, ce
qu'on pensait du jugement de façon générale.
Le Président: Dernière question, M. le chef de
l'Opposition officielle.
M. Ryan: Deux choses. D'abord, une question de fait. Le premier
ministre a rapporté les faits à sa manière, comme
d'habitude. Vous savez ce qui est arrivé l'autre jour, c'est le
gouvernement, par l'intermédiaire du ministre d'Etat au
Développement culturel... Je veux redresser un fait; si je n'ai pas le
droit, cela ne fait rien, on peut le redresser ailleurs, je me soumets
volontiers aux interprétations du président.
La question que je pose au premier ministre est la suivante. Disons
qu'il y avait des circonstances atténuantes pour faire cette
déclaration à la presse, déclaration passablement
échevelée, entre vous et moi, à 20 heures, l'autre jour.
Ensuite, nous sommes venus ici, à la Chambre, à 20 h 30 et nous
sommes sortis pour étudier le projet de loi qui nous avait
été communiqué; ensuite, nous avons débattu de 22
heures jusqu'à 6 h 45 le lendemain matin et nous n'avons pas entendu un
seul mot de la part du chef du gouvernement sur une question dont il nous
disait, dans sa conférence de presse, que c'était la plus grande
catastrophe qui soit jamais survenue depuis la confédération.
Est-ce que c'est là l'opinion qu'il a de la Chambre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Premièrement, je n'ai pas
traité les faits à ma manière; j'ai donné les faits
tels que je les connais. Cela fait partie du style du chef de l'Opposition;
quand il ne réussit pas à faire passer cela avec son style en
Chambre, il s'en va trouver les journalistes tout de suite pour voir s'il n'y a
pas moyen, sans réplique, de compléter par quelque calomnie ou
quelque insinuation.
Je ne traite pas les faits à ma manière. Je dis
très simplement que quand le chef de l'Opposition, incapable de
préciser sa pensée, probablement, a contremandé sa propre
rencontre avec les journalistes sur le jugement de la Cour suprême; nous
avons terminé, non pas une déclaration échevelée,
mais une déclaration qui est disponible pour tout le monde et qui,
à ce moment-là, donnait l'évaluation telle qu'on pouvait
la faire et telle qu'on la maintiendrait encore aujourd'hui de ce jugement
incroyablement brutal. (10 h 50)
D'autre part, encore une fausseté qui s'ajoute à bien
d'autres, le chef de l'Opposition vient de dire: La plus grande catastrophe
depuis la confédération. Il ne trouvera, ni de près, ni de
loin, dans la déclaration que j'ai faite aux journalistes qui a
été écrite mot à mot, de l'hyperdramatisation de ce
genre.
M. Ryan: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Question de privilège. Le premier ministre dit
que j'aurais été torturé pour définir la position
de notre parti et la mienne. C'est faux. Dès que le projet de loi a
été déposé devant cette Chambre, j'ai
moi-même fait un discours d'une heure exposant la position de notre parti
de manière détaillée, ce que le premier ministre n'a pas
fait dans cette Chambre.
Le Président: M. le député de Taschereau. M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je remercie le
député de Taschereau pour une question principale.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Vous reconnaissez le député de
Taschereau pour une question principale.
Le Président: Oui, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je vous ferai remarquer, sur
une question de règlement, que notre formation politique a eu droit
à deux questions. Vous avez reconnu ensuite deux questions à
l'Union Nationale et une question à un député
indépendant. Je me suis levé quatre fois pour avoir la parole et,
maintenant, vous permettez une autre question à un député
ministériel.
Le Président: Bon! M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vous fais remarquer, à la suite de la question
de règlement que vous avez soulevée, que la moyenne des questions
de la majorité ministérielle, depuis la reprise de la session, a
très sensiblement baissé, est à la baisse. Je vous fais,
d'autre part, remarquer, M. le député de Marguerite-Bourgeoys,
qu'il y a eu trois questions principales de la part de votre formation,
étant entendu que j'avais considéré la troisième,
la dernière question de M. le chef de l'Opposition comme n'étant
pas apparentée à celle de M. le député de Gouin. Je
pense que ce serait difficile à soutenir,
en effet, qu'il ne s'agissait pas là d'une troisième
question. D'autre part, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je
vous signale que je tiens toujours compte non seulement du nombre de questions
qui est autorisé à une formation politique en particulier, mais
également du nombre de minutes qu'on passe sur une question.
Dans ces conditions, M. le député de Taschereau, vous avez
la parole.
Aide aux réfugiés du Sud-Est
asiatique
M. Guay: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
ministre de l'Immigration. Il y a plusieurs semaines, le ministre de
l'Immigration, au nom du gouvernement, apportait la caution morale de l'Etat
québécois à un projet destiné à
récolter des fonds afin de fournir une aide aux réfugiés
du Sud-Est asiatique, particulièrement aux réfugiés au
Cambodge qui, comme on le sait, font l'objet, depuis quelques mois et
même deux ans, de ce qu'il faut bien appeler un génocide.
J'aimerais savoir du ministre de l'Immigration quel a été le
résultat de la campagne qui a été menée au
Québec pour récolter ces fonds, notamment par le réseau
des caisses populaires du Québec. J'aimerais savoir de lui
également quel est l'usage précis, aussi précis que
possible, que l'on entend faire de ces sommes que les Québécois
ont ainsi versées pour les Cambodgiens.
Le Président: M. le ministre de l'Immigration.
M. Couture: M. le Président, j'espère que vous ne
ferez pas adopter ma réponse trop rapidement.
Des Voix: Ah!
M. Couture: M. le Président, je remercie le
député de Taschereau de me fournir l'occasion de répondre
à ses préoccupations. Je pense que, dans cette Chambre, on
n'abuse pas beaucoup des questions sur le Tiers-Monde et des questions
internationales. J'imagine que cela rejoint aussi l'intérêt de
milliers de Québécois. Je demanderais la collaboration de la
Chambre pour m'expliquer un peu sur les questions qu'on m'a posées.
C'est un fait qu'actuellement, parce que nous avons entrepris une
campagne dans tout le Québec, avec la collaboration du mouvement
Desjardins, de la Croix-Rouge, section Québec, et de nombreuses
personnalités, surtout dans les media, il y a des milliers et des
milliers de sommes qui ont été ramassées et que les gens
sont préoccupés, à juste titre, de savoir si ces sommes
sont vraiment acheminées vers les populations civiles. Je pense que
c'est d'intérêt public d'apporter des précisions
là-dessus.
Lundi dernier, j'annonçais un résultat provisoire de cette
campagne de $719 000. Aujourd'hui, nous sommes rendus à $912 794 et nous
prévoyons... Je suis certain que les remerciements de toute la Chambre
vont aux milliers de Québécois que les événements
considérables qui se sont produits au Québec depuis quelques
semaines n'ont pas été distraits de cette préoccupation
pour le sort si malheureux du Cambodge.
Nous prévoyons donc, d'ici Noël, qu'il y aura $1 million de
versé pour cette opération spéciale. Je voudrais profiter
de l'occasion pour dire à tous les Québécois qui n'ont pas
eu l'occasion il y a quand même déjà plus de 125 000
Québécois qui ont souscrit de souscrire, ceux qui veulent
véritablement apporter leur aide, surtout durant cette période de
Noël où c'est plus tranquille et durant laquelle on a plus
d'occasions pour réfléchir à certains problèmes,
qu'il y a la campagne d'OXFAM dont, hier, l'Assemblée nationale a
soutenu unanimement les objectifs. Les gens pourront continuer, à
travers la campagne d'OXFAM, de verser des sommes qui, d'ici le 15 janvier
OXFAM nous a dit iront au Cambodge.
Il y a des opinions contradictoires sur ce qui se passe à Phnom
Penh et de la façon dont ces sommes sont acheminées. Il est clair
que les inquiétudes sont fondées, en partie, parce que nous avons
appris que les stocks d'aliments qui sont là depuis quelques semaines,
qui ont été massivement donnés par plusieurs pays
occidentaux, entre autres, sont difficilement conduits aux populations en
danger. J'ai demandé, ces dernières heures, à
Genève même de nous dire comment ils pouvaient répondre
à ces inquiétudes. On me dit ceci et là-dessus je crois
que les gens peuvent être assurés des prochaines démarches:
"Les aliments et les médicaments n'iront d'aucune façon aux
populations sans la présence des officiers de la Croix rouge
internationale ou de l'UNICEF ou d'OXFAM qui est présent".
En ce qui concerne le million de dollars qui a été
amassé dans l'opération Québec-Cambodge, cette somme sera
dépensée presque uniquement ici au Québec pour
préparer des équipes médicales afin d'acheter des
médicaments qui accompagneront ces équipes médicales. Cela
me fait plaisir de dire que nous avons la collaboration du ministère des
Affaires sociales pour recruter ces équipes médicales. Donc, on
n'envoie pas ces sommes directement là-bas. Nous recrutons des
équipes médicales. Nous achetons les médicaments et nous
allons aussi à un endroit hélas, les problèmes ne
manquent pas là-bas à la frontière
thaïlandaise je conclus, M. le Président. Enfin, les
malheurs sont partout dans cette région, mais à la
frontière thaïlandaise, il y a près de 300 000
réfugiés affamés et malades qui sont présents dans
des camps administrés par le Haut-Commissariat des Nations Unies. Les
équipes de la Croix rouge vont aller sur place avec les
médicaments aider ces populations. Donc, je peux donner cette garantie
à tous les Québécois que ces sommes seront effectivement
accordées aux populations civiles. Merci, M. le Président.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: Une minute, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, pour une dernière question.
Permanence de l'Ecole de technologie
supérieure
M. Lalonde: Ma question était destinée au ministre
de l'Education. On sait que l'Ecole de technologie supérieure de
Montréal, une des constituantes de l'Université du Québec,
a été mise sur pied à titre expérimental en 1974.
Après cinq ans, une évaluation de l'école a
été faite par un comité ad hoc dirigé par M. John
O'Brian, recteur de l'Université Concordia. Ce comité a
donné son rapport le 13 mars 1979 demandant au ministère de
l'Education, au gouvernement, de donner un caractère de permanence
à cette école. Le Conseil des universités, dans son
rapport du 27 avril 1979, a appuyé et a, en fait, même
adopté le rapport du comité ad hoc. Je demande au ministre,
après huit mois, ce qu'il a décidé. Quand va-t-il informer
le Conseil des universités et l'Ecole de technologie supérieure
de sa décision? Est-ce que sa décision sera conforme aux
recommandations du comité ad hoc?
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je me suis
entretenu de ce sujet hier précisément avec le président
de l'Université du Québec, M. Boulet, qui venait
s'enquérir de la décision du ministère. Cette
décision sera prise incessamment et j'ai tout lieu de croire,
d'après les documents dont j'ai pu prendre connaissance, qu'elle sera
favorable.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Une question additionnelle. Est-ce que le ministre
indique que cette réponse favorable sera aussi favorable pour
l'admission des diplômés de cette école à l'Ordre
des ingénieurs? (11 heures)
M. Morin (Sauvé): Cette question est beaucoup plus
complexe, M. le Président, on le devine. L'Ordre des ingénieurs a
été saisi de cette question depuis déjà deux ans et
n'est pas enclin à recevoir les diplômés de l'ETS de plein
droit au sein de la corpora-tion. Cependant, depuis plusieurs mois, je tente de
persuader la Corporation professionnelle des ingénieurs de faire une
place, dont la nature exacte reste à déterminer, aux
diplômés de l'ETS. On me dit que, de part et d'autre en ce moment,
il se fait un certain cheminement et qu'on pourrait trouver des accommodements
qui permettront aux diplômés de l'ETS de trouver leur place au
sein de la corporation mais, quelle place exactement, cela reste à
voir.
Le Président: Fin de la période de questions.
Motions non annoncées.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Charron: M. le Président, comme je l'ai confirmé
tout à l'heure au chef de l'Opposition au moment de sa question, je
ferai dans un instant une motion en vertu de l'article 84 de notre
règlement pour que la Chambre puisse, dans les prochaines minutes ou
prochaines heures, s'attarder sur un projet de loi qui concerne le situation
des relations de travail à Hydro-Québec. Je voudrais
immédiatement demander, avant même de faire cette motion, s'il ne
serait pas possible que nos collègues membres de la commission des
affaires municipales et ceux membres de la commission du travail et de la
main-d'oeuvre, toutes les deux mandatées d'importants projets de loi,
puissent se réunir à compter de 11 h 30 jusqu'à 13 heures,
de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit ce soir. Si
j'avais ce consentement à ce moment-ci, dans une demi-heure ceux-ci
pourraient commencer à travailler et je présenterais tout de
suite ma motion dite privilégiée.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement.
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le
Président.
M. Brochu: M. le Président, en attendant que les
consultations finissent de ce côté, je veux dire qu'en ce qui nous
concerne, on est prêt à travailler de cette façon et faire
siéger les deux commissions sur les projets de loi 17 et 57 pendant que
la Chambre vaquera aux autres travaux.
Le Président: II y a consentement de l'Union
Nationale.
M. Charron: Merci.
M. Levesque (Bonaventure): Nous concourons, M. le
Président.
M. Charron: Merci beaucoup. Je considère que cette motion
est adoptée, M. le Président?
Le Président: Est-ce que la motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.
M. Charron: Le vote annoncé sur le projet de loi no 73, M.
le Président, pourrait peut-être être pris
immédiatement, ce qui nous permettrait de nous parler à
nouveau.
Le Président: Nous en sommes à l'enregistrement des
noms sur les votes en suspens. Il y a justement un vote en suspens.
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le
Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Si j'ai compris, si nous en sommes
à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens, qu'est-ce qui
arrive des motions non annoncées?
M. Charron: Je propose qu'on passe immédiatement à
ce vote pour avoir le temps de se parler.
M. Levesque (Bonaventure): D'accord mais cela prend un
consentement.
M. Charron: Oui.
Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour
revenir ensuite aux motions non annoncées?
Des Voix: Oui.
Le Président: II y a consentement pour la mise aux voix de
la motion de deuxième lecture relative au projet de loi no 73. Je
demande qu'on convoque les députés.
Suspension à 11 h 4
Reprise à 11 h 22
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Mise aux voix de la deuxième lecture du projet
de loi no 73
Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la
motion présentée par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme à savoir que le projet de loi no 73, Loi modifiant la Loi
sur l'établissement par SIDBEC d'un complexe sidérurgique
intégré, soit maintenant lu la deuxième fois. Que ceux et
celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous
plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Charron, Mmes Cuerrier, Payette, MM. Bé-dard, Laurin, Morin
(Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Marois, Landry, Léonard,
Couture, Vaugeois, Bérubé, Clair, Gendron, Joron, Johnson,
Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, O'Neill, Martel,
Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge,
Guay, Lefebvre, Mme LeBlanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Jolivet, Alfred,
Marquis, Dussault, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin,
Lavigne, Mercier, Boucher, Beauséjour, Bordeleau, Charbonneau,
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste.
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
Saint-Germain, Caron, Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, Blank, O'Gallagher,
Picotte, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Rivest,
Mme Chaput-Rolland, MM. Larivière, Lalande, Mathieu, Dubois, Scowen,
Gratton, Pagé, Verreault, Marx, Biron, Brochu, Grenier, Fontaine,
Russell, Bellemare, Cordeau, Le Moignan, Shaw.
Le Président: Que ceux qui désirent s'abstenir
veuillent bien se lever.
Le Secrétaire: Pour: 56 Contre: 36
Abstentions: 0
Le Président: La motion est adoptée.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Motion de suspension de certaines règles de
procédure
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, je rappelle que,
conformément à une motion adoptée tout à l'heure,
c'est dans cinq minutes que le travail des commissions parlementaires doit
reprendre.
M. le Président, je serai très bref pour expliquer ce qui
nous motive à présenter la motion d'urgence suivante. Tout le
monde sait puisque cette Assemblée en a été saisie
à chaque période de questions, à peu près, depuis
que le conflit dure et davantage encore depuis la commission parlementaire
d'hier et de cette nuit que, d'une part, il n'y a à peu
près plus d'espoir qu'un moratoire ou une fin quelconque à
l'absence du service essentiel qui s'appelle "le courant électrique"
à l'ensemble du Québec, soit désormais possible.
A une proposition très claire et nette que j'ai faite au nom du
gouvernement j'estime même, M. le Président, on me
corrigera si j'ai tort et au nom de toute la commission parlementaire,
hier, de continuer aujourd'hui à entendre, dans le cadre du mandat de la
commission, les représentants de la partie syndicale, en échange
du moratoire qu'ils nous avaient annoncé en demandant cette commission
parlementaire, j'ai reçu et tous les membres présents à la
commission ont reçu un refus. Ce qui conduirait d'une manière
absolument artificielle à poursuivre le travail aujourd'hui, puisque ce
que nous voulons tous et ce que tous les citoyens souhaitent ne serait pas
réalisé et que les pannes continueraient à
s'accumuler.
La deuxième raison, c'est que non seulement le moratoire ou tout
autre moyen étant maintenant à l'écart, c'est qu'il faut
bien dire aussi que le pire s'en vient. C'est aujourd'hui le 18 décembre
et pour qui est familier ou un tant soit peu familier avec la vie interne de la
consommation d'électricité au Québec, nous sommes à
quelques heures du point où la consommation est la plus
élevée dans l'année, et cette statistique ne ment pas
puisqu'elle est annuelle, c'est autour des 21 ou 22 décembre. En plus,
il arrive que le Québec traverse une vague de froid peu
coutumière pour cette
période de l'année, ce qui a pour effet, sans aucun doute,
d'augmenter la consommation.
En conséquence pourquoi ne pas l'évoquer aussi,
puisque la poursuite de cette grève, d'une manière interminable,
risquerait d'arriver en pleine période des Fêtes, ce qui est, pour
l'ensemble des citoyens du Québec, je pense, une chose plus que
désagréable que ça intervienne à cette
période de l'année où toutes les familles
québécoises se réunissent M. le Président,
puisqu'il n'y a plus d'espoir de négociation, que tout a
été tenté en ce domaine et qu'il y a urgence d'intervenir
avant la période de pointe pour que l'entretien et la réparation
soit faits dans les heures qui viennent afin de faire face à cette
période avec tous les citoyens dans une relative sécurité
quant à ce service électrique, je propose, en vue de l'adoption
du projet de loi no 88, que je dépose à l'instant, qui est la Loi
assurant le maintien des services d'électricité et
prévoyant les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec et conformément à l'article 84, paragraphe
2, du règlement, de suspendre l'application des articles 30... (11 h
30)
Je fais parvenir copie de ma motion à l'instant au chef de
l'Opposition officielle et au chef de l'Union Nationale, motion qui se lit
comme suit: Que l'article 30, modifié par l'article 2 du
règlement sessionnel, l'article 31, modifié par l'article 3 du
règlement sessionnel, les articles 77, 87, 88, 115, 116, 134, 157 soient
suspendus, que, nonobstant les dispositions de l'article 47, paragraphe 1, du
règlement, toutes les séances de l'Assemblée soient
publiques, que, nonobstant les dispositions de l'article 121 du
règlement, il ne puisse y avoir d'amendement de deuxième lecture,
que, de plus, la commission plénière fasse rapport, au plus tard
trois heures après le début de ses travaux, que, dix minutes
avant l'expiration de ce délai, le président de la commission
mette immédiatement aux voix, sans débat, les articles du projet
de loi et les amendements dont la commission n'aurait pas alors disposé,
que le débat portant sur la troisième lecture soit limité
à vingt minutes par parti reconnu et que l'application des règles
ci-dessus énumérées soit suspendue et que
l'Assemblée puisse siéger sans interruption autre que celle de 13
heures à 15 heures déjà prévue au règlement
dès maintenant et jusqu'à l'adoption du projet de loi 88.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Une Voix: Adopté.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): C'est la deuxième fois dans peu
de jours que le gouvernement du Parti québécois juge à
propos de recourir à une loi spéciale
précédée d'une motion d'urgence re- commandant la
suspension des règles de procédure, et cela ne peut faire
autrement, chez nous du moins, et probablement chez nos amis d'en face qui
étaient présents à ces moments-là, que
d'évoquer certains souvenirs alors que nous avions à faire face
à des situations d'urgence et où nous devions celui qui
vous parle en particulier prendre certaines responsabilités qui,
sans doute, sont mieux comprises aujourd'hui par le gouvernement que ça
ne l'était par l'Opposition du temps. Je ne veux pas tourner le couteau
dans la plaie, je veux simplement assurer le leader parlementaire du
gouvernement de ma plus personnelle compréhension dans les
difficultés qu'il a à vivre aujourd'hui, difficultés que
j'aurais pu lui prédire il y a peu de temps.
Tout de même, je veux en revenir le plus rapidement à
l'objet de la motion que nous avons devant nous, d'autant plus qu'il s'agit
sûrement d'un cas d'urgence, d'un cas où les citoyens du
Québec sont confrontés avec une situation qui, à mesure
qu'elle avance, devient de plus en plus pénible pour plusieurs, du moins
de nos concitoyens. Dans les circonstances, nous avons assuré le
gouvernement que nous ne ferions pas de procédurite, nous savons que
cette motion d'urgence nous permettrait d'utiliser deux heures, d'après
notre règlement, pour en discuter, avant que nous puissions toucher le
fond de la question.
Nous croyons, contrairement à ceux qui nous ont
précédé de ce côté-ci de la Chambre, que
l'utilisation partisane de ces moments-là ne tiendrait pas compte de la
priorité qu'on doit donner à l'intérêt public. Dans
les circonstances, nous allons accepter cette motion dans toute sa rigueur ex
cela simplement dans le but d'en arriver le plus tôt possible au
débat de fond. A ce moment-là, nous pourrons, de part et d'autre,
faire valoir les arguments qui pourront sans doute nous amener à une
conclusion, je l'espère bien, dans l'intérêt de tous les
citoyens du Québec.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: J'ai ici la motion d'urgence que vient de
déposer le leader du gouvernement pour suspendre nos règles de
procédure afin de pouvoir procéder à l'étude de ce
projet de loi spécial qui est maintenant devant l'Assemblée
nationale. Le leader parlementaire a brièvement évoqué
l'urgence et je pense qu'à ce moment-ci on n'a pas besoin de longs
discours pour souligner l'importance et l'urgence d'agir dans les plus brefs
délais en ce qui concerne ce conflit de travail.
D'ailleurs, on a eu l'occasion, de ce côté-ci
plusieurs membres de l'Union Nationale de revenir à la charge
plusieurs fois en rappelant les dispositions qui avaient été
prises par l'Assemblée nationale en ce qui concerne le projet de loi no
62 qui a été adopté à ce moment-là, et on se
rappellera qu'on n'avait pas inclus Hydro-Québec sous le chapeau de la
loi 62 parce qu'à ce moment-là il n'y
avait pas menace de grève. Par la suite, cela est devenu un fait
et à tel point qu'on est dans l'impasse où on est maintenant,
même après avoir tenu, à la demande des chefs du syndicat,
la commission parlementaire qui a siégé hier soir et cette
nuit.
Je pense aussi que la situation qui prévaut en province
actuellement est suffisamment éloquente pour nous inciter à agir
rapidement parce que dans une société dite entre
parenthèses "moderne" et dite "civilisée", je ne pense pas
qu'on ait le droit plus longtemps de prendre en otage qui que ce soit dans la
province de Québec et que les éléments de notre
démocratie doivent prévaloir également dans le monde
syndical comme dans le monde de l'Assemblée nationale. Dans ce sens, si
ces règles de jeu ne sont pas respectées, l'Assemblée
nationale, qui est la plus haute instance, doit le plus rapidement possible
rétablir les règles de jeu et faire en sorte que cette
démocratie puisse jouer son rôle jusqu'à sa dernière
limite et que dans ce sens les citoyens du Québec puissent avoir
accès à ce service qu'est HydroQuébec.
Dans ce sens, il n'y a pas de services essentiels dans
Hydro-Québec, comme disait si bien mon collègue, le
député de Nicolet-Yamaska, au début de cette semaine:
Hydro-Québec, dans son ensemble, est un service essentiel à la
population. Dans ce sens, l'Union Nationale a fait connaître clairement
ses couleurs, à quelle enseigne nous logeons et, dans ce sens, nous
sommes contents de souscrire dès maintenant à cette motion sans
allonger ce débat davantage à ce moment-ci pour que
l'Assemblée nationale puisse étudier ce projet de loi et qu'il y
ait des actions prises dans les plus brefs délais, dans les prochaines
heures, pour que les citoyens du Québec se voient redonner ce service
essentiel qu'est l'électricité au Québec, à ce
stade-ci.
Le Président: M. le député de
Pointe-Claire.
M. William Shaw
M. Shaw: I just want to take advantage to speak quickly on this
motion, supporting strongly the efforts being made by the government to
introduce an emergency legislation to return to the people of Québec the
essential service of electricity. I welcome this law being presented at this
time, and as most expeditiously as possible, I think we whould get down to
studying. Thank you, Mr President.
Le Président: Alors, est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Projet de loi no 88 Première lecture
Le Président: Adopté. M. le ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre présente maintenant la première lecture du
projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services
d'électricité et prévoyant les conditions de travail des
salariés d'Hydro-Québec. Est-ce que cette motion de
première lecture sera adoptée?
Des Voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, même
séance.
Avant d'entamer le débat de deuxième lecture, M. le leader
parlementaire du gouvernement, je me permets de vous suggérer une motion
de déférence relativement au projet de loi no 73.
Projet de loi no 73 (suite)
Renvoi à la commission de l'industrie
M. Charron: M. le Président, les grands esprits se
rencontrent, j'allais le faire. Puis-je proposer que le projet de loi no 73,
adopté tout à l'heure, soit déféré à
la commission de l'industrie et du commerce?
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
M. Charron: Deuxième lecture maintenant, M. le
Président.
Projet de loi no 88 (suite) Deuxième
lecture
Le Président: Alors, M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre propose la deuxième lecture du projet de loi no 88, Loi
assurant le maintien des services d'électricité et
prévoyant les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec.
M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, vous avez la
parole.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: Merci, M. le Président. Le projet de loi no 88
s'intitule Loi assurant le maintien des services d'électricité et
prévoyant les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec.
Si nous sommes ici en cette Assemblée, à cette heure-ci,
compte tenu de l'époque, compte tenu du fait que nous sommes en fin de
session, que nous avons encore beaucoup de travail à faire dans nos
travaux législatifs, c'est que le Parti québécois, la
population du Québec, les citoyens et les citoyennes du Québec
sont touchés, sont meurtris. Egalement, c'est que c'est notre
responsabilité, comme parlementaires, comme membres
de l'Assemblée nationale du Québec où, dans la
société, le pouvoir a toute sa légitimité. (11 h
40)
Ceux et celles qui siègent dans cette Assemblée, M. le
Président, sont les représentants de la population et, à
cet égard, ils doivent, à l'occasion, passer au-delà de
leurs tendances, au-delà de leurs inquiétudes, au-delà
peut-être même de leurs convictions que certaines choses devraient
être faites autrement pour ne tenir compte que d'une chose: c'est que
nous sommes les représentants de la population
québécoise.
La situation à laquelle nous faisons face en ce moment au
Québec est la suivante. En plein hiver, dans un moment où le
climat est particulièrement rigoureux pour cette époque de
l'année, il y a des pannes d'électricité qui, de jour en
jour, se multiplient et il y a cette espèce de date fatidique du 21
décembre qui est la journée de demande maximale d'énergie
hydroélectrique au Québec. Cette exigence importante
d'énergie du 21 décembre est susceptible de causer des pannes
additionnelles, d'autant plus que, depuis maintenant près de trois
semaines, l'entretien normal et courant de l'ensemble des lignes de
transmission a été négligé compte tenu de
l'état de grève. Nous faisons face également à une
situation où les parties en présence ne sont pas parvenues
à négocier un règlement. Nous faisons face
également à une situation où les représentants de
trois syndicats nous ont annoncé hier qu'ils refusaient un
moratoire.
Il faudrait peut-être se rappeler, historiquement, comment s'est
faite cette négociation. Elle a commencé d'abord à
l'expiration de la convention collective en 1978 et, comme d'habitude,
malheureusement, depuis dix ans, la négociation a été
d'une extrême lenteur au tout début, le syndicat, pour sa part,
déposant des demandes qui, évidemment, initialement, comme dans
la plupart des processus de négociation, étaient
considérables et Hydro-Québec, pour sa part, réagissant
classiquement comme elle réagit depuis de nombreuses années par
la mise sur la table d'offres qui étaient qualifiées de
dérisoires par la partie syndicale et qui, chose certaine,
étaient faibles dans la même proportion que les demandes
syndicales étaient peut-être un peu fortes.
Quelque part au cours de l'année 1979, le processus très
lent compte tenu du fait qu'il y avait le front commun qui était en
négociation, s'est remis en marche, très lentement Le
ministère a nommé des conciliateurs au dossier, comme il est
d'habitude que nous le fassions. En cours de conciliation, les
représentants de mes services ont eu l'occasion de s'apercevoir de la
piètre qualité des échanges entre Hydro-Québec et
le syndicat, piètre qualité non seulement des contenus, parce que
les parties ne semblaient pas, de part et d'autre, mettre vraiment de l'eau
dans leur vin, ce qui est normal dans une négociation, mais
également parce qu'il y a une longue tradition d'affrontements de la
part de l'employeur comme du syndicat à Hydro-Québec depuis une
dizaine d'années.
En cours de route, le syndicat a donc choisi, à partir d'une
offre patronale, de se rendre en tournée de consultation qui a
duré trois semaines et même au-delà de trois semaines. Lors
de cette tournée, le syndicat a présenté un bulletin aux
travailleurs qui disait essentiellement ceci: "Etes-vous pour les offres
patronales il y avait une case pour mettre un X ou
êtes-vous contre les offres patronales et dans la même
phrase et en faveur d'un mandat de grève
générale?"
Les travailleurs ont été appelés à se
prononcer sur ce bulletin. On m'a affirmé, dans certains coins du
Québec, on m'a écrit, on a envoyé des lettres aux
journaux, on en a parlé, j'ai reçu des appels
téléphoniques à mon bureau et plusieurs
députés ont été saisis de la nature de ce scrutin
où, dans certaines des réunions, les travailleurs
considéraient que le bulletin de vote avait peut-être quelque
chose d'un peu pipé et que ce n'était peut-être pas
vraiment leur donner un choix authentique que de leur demander d'être
pour des offres patronales qu'ils n'acceptaient pas. On pourrait comprendre
pourquoi ils ne les acceptaient pas. Mais s'ils voulaient se prononcer contre,
en même temps ils se prononçaient en faveur d'une grève
générale.
On me dit que, entre autres, dans certaines régions, de nombreux
travailleurs ont décidé simplement de s'abstenir de voter
refusant d'être dans cette situation. Ce qui fait que, au bout de la
ligne, on a eu un taux de participation inférieur à 50% à
ce scrutin. Il est vrai que 77% des gens qui ont voté, ont voté
contre les offres patronales et en faveur du mandat de grève. Mais
encore une fois, ce sont 77% de 47%, ce qui, au bout de la ligne, nous
amène la situation de grève générale au
Québec. C'est en pratique entre un quart et un tiers, un peu plus d'un
tiers, dis-je, des travailleurs qui ont voté en faveur d'une
grève générale dont on connaît les
conséquences.
Par la suite, après cette consultation qui a duré
plusieurs semaines jusqu'à il y a environ un mois, Hydro-Québec,
à la suite des pressions considérables que mon ministère a
exercées sur elle et dans le contexte où certaines choses
débloquaient au niveau du front commun et allégeaient un peu
l'atmosphère au Québec, après que j'eus demandé
à mes conciliateurs de convoquer les parties, déposait de
nouvelles offres. Vous vous rappellerez qu'à cette époque, j'ai
eu une question en Chambre qui disait: "Qu'en est-il de la négociation?"
J'ai eu, à ce moment, à faire appel à la
responsabilité syndicale en constatant que malgré le
dépôt de ces nouvelles offres d'Hydro-Québec, le syndicat
se refusait à entreprendre quelque pourparler que ce soit, demandant
à Hydro-Québec de présenter de nouvelles offres encore
par-dessus les nouvelles offres. J'ai donc affirmé en cette Chambre
qu'à mon avis les représentants syndicaux ne négociaient
pas. C'était la constatation de nos fonctionnaires au
ministère.
Effectivement, le lendemain de la déclaration en Chambre, le
syndicat a demandé qu'une réunion de conciliation ait lieu. Lors
de cette phase de conciliation qui avait toujours lieu, il y eut de la part du
syndicat comme de la part d'Hydro-Québec d'autres pas, non sans
difficulté puisque pen-
dant trois jours, il a fallu savoir sous quelle forme répondrait
le syndicat et sous quelle forme reviendrait peut-être en demande ou en
de nouvelles offres Hydro-Québec. Pendant trois jours, on a
discuté pour savoir si c'était des projets globaux ou si
c'était des chapitre par chapitre qu'on s'échangerait ou du
clause par clause. Pendant ce temps-là, les choses n'avançaient
pas.
Finalement, toujours au niveau de la conciliation, mes
représentants dans ce dossier ont dû constater qu'il était
impossible d'en arriver à une solution, à une conciliation, et
nous étions alors en grève depuis de nombreux jours puisque les
parties devenaient soudainement braquées. Ou côté patronal
comme du côté syndical, on restait assis sur ses positions. J'ai
donc choisi, le 10 décembre dernier, de nommer des médiateurs
dans ce dossier. Les médiateurs ont entrepris, encore une fois, leur
travail avec un mandat très précis qui était celui de
déposer, dans les plus brefs délais et dans le but d'un
règlement du conflit, une recommandation globale sur le projet de
convention collective et sur les offres, évidemment. (11 h 50)
Au cours de cette médiation, il y eut une rencontre d'une
journée presque complète avec la partie patronale et les
médiateurs et une journée presque complète entre, encore
une fois, les médiateurs et les parties syndicales. Mes services m'ont
également avisé qu'au cours de cette médiation, le
syndicat n'a rien laissé aller de plus que ce qu'il avait laissé
aller en conciliation.
Trois jours après leur nomination, les médiateurs
remettaient leurs recommandations, leur rapport de médiation. Un rapport
de médiation, c'est l'effort que mettent, chez nous, des hommes
d'expérience, des hommes impartiaux, des hommes qui n'ont pas
d'intérêt personnel, qui n'ont pas une vision uniquement syndicale
ou patronale des hommes qui essaient de trouver le moyen d'un règlement
et qui le font à partir des positions des parties. Il y a une tradition,
très longue au ministère du Travail, du respect des rapports de
médiation. Quand les parties sont incapables ou irresponsables au point
de ne pouvoir s'entendre sur une convention collective, particulièrement
dans un secteur aussi névralgique que l'électricité, qui
permet aux citoyens de s'éclairer et se chauffer en hiver, et qu'elles
se sentent obligées de se voir soumettre un règlement possible
par l'intervention d'un tiers, par l'intervention d'autres personnes, on
s'attendrait, au moins, à ce qu'elles respectent cette démarche
amorcée par le ministère du Travail.
Or, qu'est-il advenu? Le syndicat, quelques heures à peine, pas
tout à fait 48 heures après avoir reçu le rapport de
médiation, annonçait que, d'une part, il rejetait le rapport de
médiation et, deuxièmement, contrairement à la longue
tradition du ministère du Travail et contrairement à toute
attente normale de celui qui vous parle, du ministère du Travail et de
tous ceux qui ont fait un peu de relations de travail au Québec, le
syndicat a refusé d'aller devant ses membres pour soumettre les
recommandations des médiateurs du ministère du Travail.
Ce refus du syndicat, ainsi que certaines autres choses qui ont
entouré cette négociation, certaines lenteurs dont certaines sont
imputables, c'est vrai, à l'Hydro-Québec et d'autres,
carrément au syndicat, l'ambiguïté pour le moins certaine
avec laquelle on peut qualifier ce bulletin de vote sur lequel on demandait un
mandat de grève et, finalement, le refus du syndicat de retourner,
encore une fois, devant ses membres alors que non seulement il y avait eu de
nouvelles offres patronales mais qu'il y avait, au-delà même de la
conciliation, un rapport de médiation, sont un ensemble de facteurs qui
me font dire que je ne suis pas sûr que la démocratie a suivi son
cours quand on a un droit de grève légal dans un secteur comme
celui-là que des dizaines de milliers de citoyens en sont
affectés quotidiennement et risquent, évidemment, à
l'approche du 21 décembre, à cause de la demande en
énergie au Québec, de l'être encore plus que ce qu'on a vu
dans le passé.
Les événements qui se sont déroulés par la
suite, à part, je dois vous l'avouer, mon étonnement je ne
veux pas employer de gros mots mon scandale devant cette
incapacité pour le syndicat de retourner devant ses membres, ce refus
buté que je ne comprends toujours pas d'un syndicat de ne pas respecter
cette tradition qui veut que quand il y a une recommandation de
médiation on aille devant ses mandants, devant tout cela, le syndicat
nous a fait savoir, puisqu'il fallait maintenant que se passe quelque chose,
qu'il voudrait une commission parlementaire et qu'il déclencherait un
moratoire, c'est-à-dire qu'il mettrait fin aux jours de débrayage
et à la grève, à toutes fins utiles, s'il pouvait venir en
commission parlementaire.
L'objectif de la commission parlementaire aux yeux du syndicat, je
suppose, était peut-être de faire en sorte qu'on oublie le rapport
de médiation pour recommencer à zéro? Ou est-ce que
l'objectif de la commission parlementaire, aux yeux du syndicat, c'était
de venir exposer ses griefs, fondés dans certains cas, à
l'égard du climat relativement pourri des relations de travail qu'on
retrouve à Hydro-Québec depuis au-delà de dix ans? Ou
est-ce que cette commission parlementaire demandée par le syndicat
était simplement une façon d'essayer de s'en sortir?
Je ne pourrais pas vraiment vous le dire, Mme la Présidente,
parce que je pense que la commission parlementaire qu'on a tenue hier ne nous a
pas vraiment permis de nous éclairer là-dessus. La commission a
été convoquée par celui qui vous parle à la suite
d'une décision du Conseil des ministres. Le mandat de la commission, qui
a été évoqué par le leader du gouvernement,
était qu'on demandait au syndicat et à Hydro, si elle
désirait se faire entendre, puisqu'elle avait au départ
accepté, elle, le rapport de médiation, de venir nous expliquer
pourquoi il refusait le rapport de médiation, premièrement, et,
deuxièmement, pourquoi il n'allait pas faire voter sur le rapport de
médiation?
Le syndicat ne nous a pas fourni de réponse hier. Cette
commission, qui a commencé à 22
heures, s'est déroulée dans un état de confusion
qu'on va tous reconnaître et, particulièrement vers 3 heures du
matin, ce n'était pas particulièrement limpide. Cette confusion
était due peut-être à l'interprétation et je
le dis en toute déférence à l'égard du
président de la commission peut-être au type
d'interprétation que le président a voulu donner au mandat de la
commission, peut-être aussi à cause d'une incertitude entre
l'Opposition et le gouvernement quant au contenu, quant au type de discussion
qui devrait y avoir lieu.
Bref, on a tourné en rond pendant de nombreuses heures, pour
finalement en arriver, vers 1 heure du matin, à demander au syndicat:
Voulez-vous, une fois pour toutes, nous expliquer les raisons pour lesquelles
vous refusez ce rapport de médiation et, deuxièmement, nous
expliquer pourquoi vous refusez de le soumettre à vos membres? A la
première question, le représentant syndical nous a répondu
qu'en fait, s'il refusait le rapport de médiation, c'est que le rapport
de médiation ne remplissait pas les aspirations du syndicat et des
travailleurs. J'aurais cru que s'il était convaincu que ce rapport ne
remplissait pas les aspirations des travailleurs, il n'hésiterait pas
à aller au scrutin pour que les travailleurs lui confirment qu'ils
n'étaient pas d'accord avec le rapport de médiation.
Le président du syndicat nous a expliqué que
c'était compliqué de tenir des assemblées
générales, qu'il devait en tenir une centaine, qu'il devait y
avoir une quinzaine ou une trentaine de personnes, je ne sais plus, qui
voyageaient à travers le Québec pour expliquer tout cela et que
cela pouvait prendre jusqu'à trois semaines. Pendant ce temps, Mme la
Présidente, il y a des pannes d'électricité, il y a des
gens qui ont froid au Québec, il y a des gens qui ne sont pas sûrs
s'ils vont pouvoir s'adonner à leurs activités normales. Il y a
des gens qui souffrent. Je pense que l'excuse d'avoir de la difficulté
à réunir des assemblées générales, c'est une
excuse qui, dans les circonstances, est absolument inacceptable. Toujours au
cours de cette commission, la conclusion était donc évidente.
Devant la demande un peu étrange du syndicat qu'on tienne une
deuxième commission parlementaire éventuellement pour discuter de
l'ensemble des points et y passer de nombreuses heures, le leader du
gouvernement, après une longue discussion, a offert au syndicat
qu'aujourd'hui même nous siégions à compter de 11 heures ce
matin pour continuer cette commission qui se poursuivait alors qu'il
était 2 h 30 du matin. Cependant, il m'apparaissait normal, puisque nous
reprenions là, à toutes fins utiles, les demandes que le syndicat
avait exprimées en cours de route, que le syndicat accepte le moratoire,
s'il pouvait s'exprimer en commission.
Mais non, les représentants syndicaux nous ont expliqué
dans le fond qu'ils voulaient que ce soit de préférence au mois
de janvier que l'on tienne cette commission et on nous a dit qu'on pourrait
négocier le contexte dans lequel cela pourrait être fait et qu'on
espérait que cette commission en fait analyse tout cela, fasse un voeu
et que le voeu, par la suite, soit soumis aux travailleurs
d'Hydro-Québec avec une recommandation peut-être positive,
peut-être négative, de la part de l'exécutif syndical. (12
heures)
Mme la Présidente, je pense que ce genre d'attitude, avec tout le
respect que j'ai pour les structures syndicales, est un mépris à
l'égard de la légitimité du Parlement. Une commission
parlementaire est, en fait, une représentante de l'ensemble des
citoyens, puisqu'elle émane de cette Assemblée où nous
sommes tous des élus de la population. Je pense qu'un
représentant syndical, dans le contexte d'une grève qui affecte
des milliers de citoyens au Québec, dans le contexte de l'exercice d'un
moyen de pression qui est d'une extrême puissance, n'a pas vous me
passerez l'expression à prendre la population sur le bras.
Le représentant syndical n'était pas satisfait de la
commission parlementaire d'hier soir et nous a exprimé le fait qu'il ne
serait pas satisfait de sa prolongation aujourd'hui et qu'il voulait un autre
type de commission parlementaire. Il faut dire que, assez c'est assez!
Devant le refus du syndicat d'accepter que cette commission soit saisie
de ses arguments sur le refus du rapport de médiation, qu'on a eu, mais
par bribes, jamais en entier, jamais un portrait complet, le leader du
gouvernement, encore une fois, avait offert la prolongation et le syndicat nous
a dit: Nous, on veut bien continuer, mais il n'y aura pas de moratoire. Cela me
paraît, encore une fois, un peu méprisant à l'égard
de l'ensemble de la population.
On en est donc, ce matin ce midi, devrais-je dire à
cette loi; cette loi fixe les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec dans les trois unités. Ces conditions de travail
sont celles que l'on retrouve dans le rapport de médiation et j'y
reviendrai dans quelques instants.
La raison pour laquelle nous fixons les conditions de travail, c'est
qu'il y a eu négociation, il y a eu conciliation, il y a eu
médiation, il y a eu commission parlementaire; à un moment
donné, il faut que ça arrête quelque part. Des êtres
raisonnables, ceux qui sont en cette Assemblée, comme ceux qui sont dans
les syndicats, les travailleurs et les travailleuses d'Hydro-Québec,
savent très bien que, à un moment donné, il faut que
ça arrête quelque part.
La loi prévoit que, à compter de sa mise en vigueur,
à compter de ce soir, en pratique, il y a fin de la grève
à Hydro-Québec. Deuxièmement, cette loi prévoit que
les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec seront
celles prévues dans l'actuelle convention collective ou dans les trois
conventions collectives existantes, en ajoutant à ces conventions ou
telles que modifiées par les quelques ententes intervenues entre le
syndicat ou les syndicats et Hydro-Québec, en cours de
négociation, et telles que modifiées par le rapport de
médiation de MM. Tremblay, Crevier, Blais et Désilets, du
ministère du Travail.
Ce rapport de médiation, que nous dit-il? Il nous dit qu'au
chapitre des augmentations de sa-
laire, en 1979, 8,5%; en 1980, 8%; en 1981, 8%; 1982, 8%; pleine
rétroactivité et $400 de montant forfaitaire en 1979, sans
compter l'intégration en plus du forfaitaire annuel qui pourra
être versé complète et totale de l'indexation au
coût de la vie, en fonction du taux d'inflation qui est estimé et
du taux d'inflation réel.
Ce rapport prévoit également que l'âge de la
retraite passera, pour la retraite anticipée, pour ceux qui la
choisissent, à 60 ans, sans pénalité actuarielle; qu'il y
aura jusqu'à 2% par année d'indexation des rentes; qu'il y aura
demi-rente au conjoint et aux enfants de moins de 18 ans; qu'il y aura des
vacances préretraite d'une semaine par année à compter de
60 ans, cinq semaines à 64 ans.
Il y aura un programme de préparation à la retraite aux
frais de l'employeur, il y aura une banque de 500 jours/homme avec solde
à partir duquel le syndicat et/ou les trois unités, à
toutes fins utiles, pourront se servir pour les fins de santé et de
sécurité. Le droit pour le représentant syndical de faire
enquête immédiatement après un accident. Sans compter, du
côté des droits parentaux, tous les avantages obtenus dans le
cadre du front commun par les autres syndicats. La demande syndicale
était de 18 semaines, le rapport de médiation accorde 20 semaines
de congé de maternité avec paie complète. 15%
d'augementation à compter du 31 décembre 1981 des
indemnités et des allocations diverses. De $21 à $23 à la
signature pour l'indemnité de résidence. L'allocation de repas en
surtemps passe de $4.75 à $5.50.
Les horaires de travail passent de 40 heures à 38 3/4 heures avec
pleine compensation comme s'il y avait 40 heures de travail. Du
côté des électriciens, mécaniciens et des hommes de
métier, l'arbitrage obligatoire, si les parties ne s'entendent pas sur
la classification et l'évaluation. Du côté de
l'ancienneté, statu quo de la convention, sans modification. Arbitrage
obligatoire également sur les points litigieux d'un plan à
être mis sur pied par les parties en matière d'évaluation.
Finalement, statu quo de la convention pour la rémunération des
techniciens, là où, à toutes fins pratiques, la convention
prévoit une progression automatique du niveau A au niveau B après
cinq ans d'expérience, ce qui donne une augmentation de salaire
d'environ $75 par semaine aux techniciens. Cette formule, incidemment,
débalançant le système de rémunération. Une
des demandes patronales était de supprimer cela; le rapport de
médiation n'a pas donné cours à cette demande
d'Hydro-Québec.
Finalement, l'ensemble des autres conditions qui sont contenues, qu'on
peut regrouper sous huit chapitres: la sécurité d'emploi, les
quatre semaines de vacances par année, la garantie de salaire, cela fait
partie du tableau général qui existe dans ces conventions et non
pas seulement dans le rapport de médiation. La garantie de salaire en
cas de maladie, l'assurance-vie jusqu'au triple du salaire, les 13 jours
fériés payés, le Régime de retraite qui est l'un
des plus avantageux qui existent, la rémunération à taux
de surtemps du temps de transport effectué pour l'horaire
régulier de travail, les indemnités de
déménagement.
En somme c'est ce qu'il faut retenir de ce rapport de
médiation en aucune façon, ce rapport de médiation
inclut-il ou implique-t-il un recul sur quoi que ce soit dans la convention
collective pour le syndicat et, en aucune façon je n'irai au-delà
de cela, aucune des demandes d'Hydro-Québec, pour changer le statu quo,
n'a été retenue dans le rapport de médiation. Il s'agit
donc d'un rapport fait par des hommes d'expérience, des hommes, à
mon avis, qui pouvaient trouver la ou les solutions les plus justes possible.
Ce rapport, normalement, aurait dû faire l'objet d'un vote de la part des
salariés d'Hydro-Québec.
L'entêtement du syndicat, son refus toujours injustifié
après quatre heures et demie de commission parlementaire, cette nuit,
son refus auquel nous n'avons pas eu de réponse quant aux raisons qui
ont amené le syndicat à ne pas vouloir aller devant les membres
autrement que quelques généralités sur la
difficulté de tenir des assemblées générales, alors
qu'il y a des citoyens qui sont obligés d'aller habiter ailleurs parce
qu'il n'y a plus de chauffage à la maison, s'il y a des citoyens qui
doivent se déplacer pendant quelques jours pour aller habiter chez un
voisin ou chez un parent, devant ces faits, je suis assuré que le
syndicat aurait pu organiser des scrutins rapidement, mais, pour une raison ou
pour une autre, il ne semblait pas pressé de le faire. Il ne nous a pas
justifié cela clairement.
Devant tout cela, je pense qu'on peut constater que tous les efforts ont
été faits. Les négociations, c'est vrai, ont
été longues, difficiles, classiques à Hydro-Québec;
elles vont mal, les relations de travail à Hydro-Québec, depuis
dix ans. Mais conciliation, légère amélioration,
médiation, intervention particulière, commission parlementaire.
Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, Mme la Présidente? Aucun effort n'a
été ménagé et, pourtant, on est toujours devant ce
refus obstiné du syndicat, entre autres, d'offrir le moratoire. (12 h
10)
Je crois qu'il faut que le Parlement affirme sa
légitimité. Je crois que, comme représentants du peuple
québécois, nous avons tous, de part et d'autre de la Chambre,
à accomplir ce devoir, qui n'est pas particulièrement
agréable, d'intervenir dans un contenu de convention. Mais nous devons,
pour les citoyens du Québec et même, à certains
égards, pour les salariés eux-mêmes d'Hydro-Québec,
intervenir.
Les travalleurs n'entreront pas à genoux selon ce rapport puisque
celui-ci est considérable. S'il est vrai qu'il n'a pas donné
cours à quelque demande précise du syndicat, il a quand
même permis des progrès énormes dans différents
secteurs et c'est sans doute un des meilleurs résultats de
négociations ou d'absence de négociation, je devrais dire, qui
ait jamais été obtenu à HydroQuébec, à
l'exception cependant, peut-être, d'une certaine intervention en
catastrophe d'un mois de
novembre 1976 par un prédécesseur du ministère des
Richesses naturelles. Les travailleurs, donc, n'entrent pas à genoux.
Ces conditions de travail ont été élaborées
à partir de l'expérience, de l'impartialité et de l'esprit
de justice des médiateurs.
Mme la Présidente, quand on parle d'Hydro-Québec, on pense
à Manic, on pense à Bersimis, on pense à Beauharnois, on
pense à la Baie James; on pense à des choses qui ont
été construites par les Québécois. Quand je pense
à HydroQuébec, je pense un peu à une idée que je me
fais du Québec; je pense un peu à une idée que je me fais
des hommes et des femmes du Québec, des travailleurs et des
travailleuses du Québec. Quand je pense à Hydro-Québec, je
pense que c'est quelque chose dont les Québécois, à cause
du travail des hommes et des femmes d'Hydro-Qué-bec, peuvent
s'enorgueillir. Si on a un sujet de fierté comme institution dans notre
société, c'est bien cet extraordinaire endroit où
près de 12 000 hommes et femmes travaillent, fournissent de
l'énergie, sont la base d'une richesse considérable pour notre
peuple, nous permettent aussi de chauffer nos foyers, d'éclairer nos
maisons.
Pour moi, ce qui se passe en ce moment, c'est peut-être un peu
cette fierté qui est bafouée non pas par l'exercice normal,
juridiquement, et reconnu légalement d'un droit de grève, mais
par l'exercice entêté d'un moyen de pression et d'une attitude
finalement butée où on s'égare du contenu, où on
sort de l'objet de ce qui doit être le règlement, où on
oublie qu'il y a des citoyens et des citoyennes qui souffrent, parce qu'il
reste quelques éléments qui ne donnent pas entièrement
satisfaction à des représentants syndicaux.
Dans ce contexte, je dirais et c'est très rare, comme
ministre du Travail, que j'ai eu à dire cela, parce qu'il est
très rare que j'aie à le penser, il est très rare que ce
soit ma conviction qu'on assiste à la démonstration, qui
n'est pas nécessaire pour les citoyens, de la puissance de
représentants syndicaux qui ne représentent même pas un
dixième de 1% de l'ensemble des travailleurs qui sont impliqués
et qui prennent des décisions qui touchent pourtant des dizaines, des
centaines et des milliers de travailleurs et qui, au bout de la ligne, peuvent
toucher des dizaines de milliers de citoyens au Québec.
J'ai l'impression qu'entre la population du Québec et les
travailleurs d'Hydro-Québec il y a un paravent qui est constitué
par l'entêtement d'un exécutif ou de représentants
syndicaux qui, à mon humble avis, ne respectent pas les règles du
jeu, ne respectent pas la démocratie syndicale, ne respectent pas la
population du Québec et n'ont pas respecté, comme ils l'ont
démontré hier, la légitimité du Parlement
québécois.
Je souhaite, Mme la Présidente, en terminant, que cette loi,
encore une fois, qui permettra, après n'avoir ménagé aucun
effort, aux travailleurs et aux travailleuses d'Hydro-Québec d'entrer la
tête haute en termes de contenu, en termes de conditions de travail, nous
permettra également d'assurer que nos maisons soient chauffées,
qu'il y ait de la lumière à Noël et que toute la population
québécoise y retrouve sa sérénité, son calme
et sa sécurité. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, je voudrais déclarer
tout de suite que l'Opposition officielle votera en faveur du projet de loi,
non pas parce que le projet ne lui inspire pas plusieurs réserves dont
je ferai état tantôt, mais parce que, sur le principe fondamental
qui est celui de restaurer au Québec des conditions normales de
fournitures des services d'électricité aux citoyens, aux
entreprises et aux institutions, il ne saurait y avoir de doute. Nous attirons
l'attention du gouvernement sur les conséquences de l'arrêt de
travail actuel. Depuis le tout début de l'arrêt de travail, il ne
s'est presque pas passé de jour dans cette Assemblée sans que
nous signalions à l'attention des ministres responsables les
conséquences qui affectaient des centaines et des centaines de citoyens
et de nombreuses institutions de cette province. Par conséquent, nous
n'avons aucune hésitation à déclarer que l'Opposition
officielle votera en faveur du projet de loi au niveau du principe.
Sur la nécessité du retour au travail des salariés
d'Hydro-Québec, il ne saurait y avoir de doute dans le contexte actuel.
Nous le regrettons profondément pour certains droits très
importants que les lois garantissent aux travailleurs syndiqués en temps
normal, mais nous ne sommes pas dans une situation ordinaire. Nous sommes dans
une situation où la population du Québec est privée et
menacée d'être privée dans d'autres régions de
services auxquels elle a un droit absolument inaliénable et le droit des
citoyens je pense que c'est important de l'affirmer sans aucune
espèce d'ambiguïté aux services essentiels qui
constituent la raison même d'être de la vie en
société est un droit qui passe avant l'exercice concret des
libertés syndicales. Je pense qu'il faut dire les choses clairement
à un moment donné. Il faut les affirmer avec toute la
netteté, l'absence d'ambiguïté possible. Ce droit est
premier par rapport à celui auquel on impose aujourd'hui des limites
regrettables mais nécessaires.
La situation actuelle a établi deux vérités au
sujet desquelles je ne sais pas par quel égarement de l'esprit on est
souvent porté à nourrir des doutes. D'abord,
l'impossibilité de considérer certains secteurs
d'activités comme des secteurs ordinaires en matière de relations
de travail. Nous avons eu cette preuve d'une manière claire à
l'occasion des arrêts de travail survenus ces derniers mois dans le
secteur des hôpitaux et je n'hésite point à affirmer que le
secteur de l'énergie électrique est un secteur aussi essentiel
dans son ordre que l'est le secteur hospitalier dans un autre ordre. Les deux
sont absolument nécessaires au fonctionnement minimal de la vie en
société.
Deuxièmement, je pense que la situation dont nous sommes
témoins depuis quelques semaines a fait la preuve du caractère
irréaliste d'un système tantôt écrit,
c'est-à-dire tantôt consigné dans des lois sous
l'autorité du gouvernement actuel, tantôt non écrit, en
vertu duquel dans un arrêt de travail de cette nature, on abandonne
à la force syndicale la responsabilité d'assurer le maintien des
services essentiels. C'était là l'une des propositions majeures
du rapport Martin que le gouvernement a incorporée dans une loi en ce
qui touche le secteur de l'éducation et des hôpitaux. Nous avons
vu dans ce secteur que c'était une présomption passablement
irréaliste de la part de la commission d'enquête et ensuite du
gouvernement que d'avoir établi des lois sur un tel principe. (12 h
20)
Dans le cas d'Hydro-Québec, nous constatons de nouveau qu'il est
absolument irréaliste de s'en remettre à la partie syndicale pour
assurer des services aussi essentiels. Quand la société voudra
donner au syndicat un mandat aussi large, aussi fondamental et aussi
décisif, elle le leur dira clairement par des lois. Elle ne leur
demandera pas de s'approprier cette responsabilité d'une manière
unilatérale. Je pense que nous franchissons des pas importants. Le
gouvernement, Mme la Présidente, avait bien des choses à
découvrir en matière de ralations de travail. Il partait de
très loin. Il partait d'un univers paradisiaque. Il lui manquait le
contact brutal avec la réalité, à partir des deux points
de vue impliqués dans les relations de travail. La plupart des membres
de l'autre côté, quand ils siégeaient dans l'Opposition,
voyaient les problèmes à travers la lunette syndicale.
C'était leur droit, mais ils avaient érigé cette
perception en une espèce de théorie générale qui
éclate en morceaux depuis quelques semaines. Ils le font au moins en
mettant au-dessus de leurs anciens préjugés
l'intérêt public. De ce point de vue, nous sommes heureux de les
seconder. J'espère que, quand ils seront dans l'Opposition ce qui
ne semble pas devoir tarder ils se rappelleront ces leçons qu'ils
ont apprises dans l'exercice du pouvoir.
Deuxième observation. Je pense qu'il est important de noter, avec
le plus de distance critique possible, les progrès que nous franchissons
à chaque nouvelle étape que nous sommes appelés à
faire dans ces questions. Je pense qu'il est important de noter le cheminement
du gouvernement qui est intéressant à suivre de ce point de vue
parce que, avec une certaine lenteur, il finit par rejoindre un bon sens qui a
toujours existé, mais qui n'était pas perçu pendant un
certain nombre d'années par nos bons amis d'en face. Il faut remarquer
une différence fondamentale avec la loi no 62 que nous avons
adoptée il y a deux ou trois semaines à peine. Lors de
l'étude de la loi no 62, on nous avait fait des grands discours en cette
Chambre. C'est intéressant d'observer tout cela. C'est très
intéressant et c'est instructif. Je pense que les citoyens vont se
rendre compte où est la cohérence et où est la consistance
dans l'examen de ces questions. On nous a dit: II n'est pas question d'in-
terdire le droit de grève. Pas du tout, c'est une notion qui
dépasse notre entendement. Nous suspendons le droit de grève,
nous le reportons. Tout sera revenu à la normale dans quinze jours. Vous
vous rappelez l'échéance qu'on avait fixée quinze jours
après. Très bien, nous autres, nous avons appuyé le projet
de loi à ce moment-là, parce que nous nous disions que tout ce
qu'on peut gagner, il faut le gagner dans l'intérêt public.
Cette fois-ci, on va beaucoup plus loin. Il n'est pas question d'une
suspension ou d'un report. Il est tout simplement question d'un ordre de
rentrer au travail, c'est-à-dire d'un ordre qui met fin
d'autorité à une grève. Je pense que c'est la
première fois que le gouvernement actuel est obligé de poser un
tel geste. Autrefois, quand les gouvernements posaient des gestes semblables,
on criait à la dictature, on criait au manque de compréhension,
à l'endroit de tout l'univers, des relations de travail. Aujourd'hui, on
a un aveu de la part du gouvernement qui est très éloquent. Le
gouvernement est obligé, par l'évidence des faits, de conclure
que dans certaines situations, il faut agir d'autorité et qu'il n'y a
pas d'autre recours pour un gouvernement, une fois qu'on est parvenu à
un certain stade. Je pense qu'il est bien important de noter cela.
J'espère que tous les membres du gouvernement et du groupe
ministériel se rendent très bien compte du pas important qu'ils
franchissent, surtout si on le compare à ce qu'ils ont dit et fait
antérieurement.
Troisièmement, j'ai comparé la teneur du projet de loi no
88 avec un projet de loi qui avait été adopté en 1962
visant la reprise des services essentiels justement à
Hydro-Québec. Ici encore, il y a une différence très
importante qu'il est opportun de noter pour qu'on sache le pas qu'on franchit
aujourd'hui. Le 15 novembre 1972, cette Chambre avait été
appelée par le gouvernement à approuver un projet de loi qui
prescrivait le rétablissement des services essentiels
d'Hydro-Québec. L'on définissait par services essentiels tous les
travaux et services nécessaires aux fins d'assurer, de la façon
habituelle et normale, le plein fonctionnement de tous les services
électriques et gaziers publics du Québec et le fonctionnement de
l'appareillage de production, transformation, transmission et distribution
ainsi que tout autre appareil nécessaire, y compris le service des
magasiniers, de la paie, de la sécurité, du travail
clérical ancillaire aux travaux mentionnés ci-dessus. On
limitait, par conséquent, l'ampleur de l'ordre de retour au travail aux
salariés qui étaient compris dans la définition de
services essentiels.
Cette fois-ci à moins que j'aie mal compris le projet de
loi on prend tout le paquet. Ce sont les 11 500 travailleurs
syndiqués qui reçoivent, d'un bloc, l'ordre de rentrer au travail
qu'ils fassent un travail essentiel, qu'ils fassent un travail purement
ancillaire ou auxiliaire, tous reçoivent l'ordre de rentrer au travail.
Je ne pense pas que le ministre ait expliqué cette différence
avec le projet de loi qui avait été adopté en 1972. Encore
une fois, je ne fais pas de critique formelle là-dessus. Je ne
m'érige pas en faux contre cette disposition
particulière; peut-être est-ce ce qu'il faut faire dans le
contexte actuel. Mais, je pense que c'est important que nous le fassions en
nous en rendant compte et non pas en lisant ces choses sans voir la
signification précise qu'elles ont.
Quatrième observation. Celle-ci est peut-être la plus
importante que je veuille faire au sujet du projet de loi. Je suis bien content
que le ministre du Travail soit rentré pour écouter ce que j'ai
à dire s'il veut bien me faire cet hommage. Ce n'est pas du tout une
critique et vous pouvez sortir encore, ce n'est pas moi qui vais m'en
formaliser. Une fois, M. le ministre, j'avais été invité
à prendre la parole quelque part je dis toujours à mes
collègues de mon parti que c'est pour cette raison que j'ai toujours un
bon moral il y avait exactement une personne et 400 chaises vides. Je me
suis dit: Je ne pourrai jamais descendre plus bas; mais, depuis ce temps, cela
a toujours augmenté.
Les lois spéciales ne sont pas une chose nouvelle. Cela
scandalisait beaucoup nos amis de l'Opposition autrefois. J'ai moi-même
commenté ces lois spéciales à combien de reprises quand
j'étais dans mon ancienne fonction de journaliste. Je ne me suis jamais
scandalisé. Souvent, j'ai dit: Dans telle situation, une intervention
spéciale, extraordinaire du Parlement est requise, ne reculons pas si
les faits l'exigent. Alors, en principe, il n'y a pas de problème
là-dedans. Le Parlement est là pour cela, pour apporter une
solution quand d'autres instances reconnues par le système légal
du pays n'ont pas été capables de produire des fruits. Mais, les
lois spéciales que l'on a adoptées dans le passé
prévoyaient d'ordinaire ici, il y a une différence
profonde sur laquelle je souhaite que le ministre nous apporte des explications
quand il aura le droit de réplique plus tard dans la journée
deux choses. D'abord, afin d'assurer les travailleurs qu'on
oblige à renoncer à un droit qui leur était donné
par la loi qu'ils ne perdront pas de terrain ou d'avantages, on leur
dit: On va incorporer dans la loi des points minimaux sur lesquels il y a
déjà eu accord entre les parties. Ces points minimaux peuvent
être tirés soit des négociations qui ont eu lieu
jusqu'à ce point entre les deux parties, soit encore de documents
annexes comme des rapports de conciliation ou des rapports de médiation,
on incorpore un minimum dans la loi de manière à assurer que
là-dessus, au moins, tout le progrès qui a été fait
jusque-là pourra être conservé.
Deuxièmement, sur les points autour desquels il n'y a pas eu
d'accord. La plupart des lois spéciales que j'ai examinées
je vous en donnerai de nombreux exemples tantôt prévoient
qu'il y aura un mécanisme spécial permettant de préserver
au moins l'esprit d'égalité des deux parties qui était
reconnu par la loi jusqu'au moment où la grève a
été interrompue de force en raison des exigences de
l'intérêt public. On prévoit soit la continuation des
négociations jusqu'à une date qui est très souvent
fixée dans la loi, soit l'intervention d'une médiation
extraordinaire dont le rapport pourra ensuite déboucher sur des mesures
imposées par le gouvernement, soit, plus générale- ment,
la nomination d'un arbitre à qui on confie le soin de finir l'oeuvre qui
n'a pas pu se terminer en négociation.
Je vous donne quelques exemples de ceci, Mme la Présidente, pour
qu'on se comprenne encore plus clairement. En 1972, le 21 avril, cette Chambre
adoptait la loi 7 assurant la reprise des services dans le secteur public. On
disait ceci dans cette loi: Jusqu'à ce que les conditions de travail des
salariés aient été établies suivant la loi ou par
décret, suivant l'article 10, les salariés ainsi que leurs
employeurs sont liés par les conditions de travail prévues aux
dernières conventions collectives qui leur étaient applicables.
Ensuite, on indique comment on arrivera jusqu'au décret au besoin. (12 h
30)
A l'article 8, on dit qu'il va y avoir une commission parlementaire.
Cela est intéressant. Cette commission parlementaire dans le texte de la
loi n'est pas astreinte aux limitations dont nous avons entendu parler hier
soir. Il n'y a personne qui a décidé qu'elle n'aurait pas le
droit d'avoir des opinions. C'est ensuite que le gouvernement se réserve
le privilège d'intervenir. C'est l'article 8, M. le ministre, de la loi
7, sanctionnée le 21 avril 1972.
Je vous cite maintenant la loi 38. Je ne les ai pas toutes
établies par ordre chronologique, malheureusement, parce que j'ai
été obligé de faire cela pendant que je prenais
connaissance du projet de loi tantôt. Article 9, de la loi 38 qui
ordonnait le retour au travail des enseignants au printemps de 1976. Je pense
que tout le monde se le rappelle ici. On avait institué un
mécanisme spécial: les commissaires aux différends
scolaires. Vous vous rappelez, au début, les commissaires ne devraient
avoir qu'une fonction d'enquêteurs, de cueillette des faits.
Un débat s'était érigé dans l'opinion
publique. J'y avais participé moi-même. J'avais insisté
pour que les commissaires, si on prenait la peine de requérir leur temps
et leurs énergies pendant un mois, deux mois ou trois mois, se voient au
moins conférer le pouvoir d'avoir des opinions et de les émettre.
Finalement, le gouvernement du temps avait fini par concéder qu'ils
pourraient faire état de leurs observations sur chacun des sujets qu'ils
auraient examinés. Il avait été bien convenu que, si le
mot "observations" respectait les soucis d'orthodoxie des théologiens du
droit, il impliquait pour les commissaires le droit d'émettre aussi des
opinions sous ce titre et c'est ensuite, après avoir été
éclairé par toute cette procédure, que l'on pouvait en
venir à une conclusion ultime.
Loi 56 ordonnant la reprise des services normaux de la CTCUM, le 27
septembre 1975. Encore ici, on établit des conditions de travail
provisoires. On prend les choses au point où elles en sont rendues au
moment où le législateur met fin au conflit. On dit que tout cela
vaudra jusqu'à ce qu'une sentence arbitrale soit rendue
conformément à la section IV. A la section IV, intitulée:
Règlement du différend, on dit que le ministre du Travail
chargera un conciliateur de rencontrer les représentants des parties. Il
aura une certaine pé-
riode, de quinze jours, pour faire son travail; après quoi, si
son intervention est infructueuse, le différend sera soumis à un
arbitre nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil. "Bill" 29, est-ce
que je l'ai donné celui-là? Je pense que c'est
intéressant. Vous n'avez peut-être pas eu le temps de faire cette
recherche. Ce sera ça de pris. Cela fera partie de nos dossiers. "Bill"
29, c'est la loi concernant... J'ai dit "bill"; je m'excuse, Mme la
Présidente, mais le ministre d'Etat au Développement culturel
n'est pas ici. Peut-être que mon cas ne sera pas rapporté à
la Régie de la langue française.
M. Levesque (Bonaventure): II y a l'immunité
parlementaire.
M. Ryan: Je ne sais pas si l'immunité s'applique à
la correction linguistique. Dans le projet de loi no 29 concernant les services
de santé, sanctionné le 24 juillet 1976, ici j'avoue qu'il
faudrait pousser la recherche plus loin. Il est dit ceci à l'article 8:
"Les conditions de travail des salariés sont celles fixées par le
document no 151 de la session déposé le 23 juillet 1976 sur le
bureau du secrétaire de l'Assemblée nationale". C'était
sûrement un rapport de conciliation, je ne sais pas trop. Celui-ci, en
tout cas, je n'ose pas l'interpréter.
Maintenant, il y a eu plusieurs mesures fédérales au cours
des années. C'est bon également. Dans ce secteur-ci, je pense que
l'exemple d'un autre niveau de compétence peut-être
intéressant également. En 1966, on adoptait à Ottawa la
loi 50 relative à la reprise des opérations ferroviaires. A
l'article 10 de cette loi, le gouvernement s'engageait à nommer un
médiateur qui devait faire rapport dans un certain délai, au plus
tard trois mois après l'interruption obligatoire de l'arrêt de
travail et si le médiateur ne réussissait pas à produire
un accord entre les parties, un accord volontaire, le tout était
renvoyé à une commission d'arbitrage nommée par le
gouverneur en conseil, etc.
Vous avez la loi 49 qui ordonnait le retour au travail des
débardeurs des ports de Montréal, de Trois-Rivières et de
Québec. Encore ici, on prévoit l'intervention d'une commission
d'enquête chargée d'examiner certaines questions sur lesquelles il
n'y a pas eu entente et de faire rapport de ses conclusions au ministre le plus
tôt possible. Loi 23, 1er septembre 1972, relative à la reprise et
à la poursuite des opérations de débardage dans les ports
de l'Ouest du pays.
Encore ici, à la loi 23, article 15, on prévoit la
nomination de médiateurs qui auront le mandat que tout le monde peut
deviner ici. Une autre, la loi 23, celle-là du 10 octobre 1974, à
l'article 7, impose des conditions de travail et il y est question de
rémunération. On impose des conditions de travail, tel que
convenu par les parties, jusqu'au moment où la négociation a
dû prendre fin, de manière obligatoire, à cause de
l'intervention législative, et, à l'article 7, on prévoit
que toutes les questions qui n'auront pas été
réglées devront être soumises à la décision
d'un arbitre dont les fonctions et le mode de fonctionnement sont
définis à cet article dont je viens de parler, l'article 7.
La loi 32 une autre loi sur la reprise des travaux dans les ports
de la côte ouest à l'article 13, préconise la
même chose: Le ministre du Travail doit nommer un arbitre et lui
soumettre toutes les questions, etc.
Je pense que j'en ai assez rappelé; je vous mentionne
également pour mémoire la loi 39, sanctionnée le 24 avril
1975, relative aux ports de la province de Québec, vous avez la
même chose dans cette loi. Je vous mentionne la loi 57, celle-ci est la
seule exception que j'aie trouvée, c'est la Loi prévoyant le
maintien des services de contrôle de la circulation aérienne, en
août 1977. Vous vous rappelez le conflit qui avait surgi à ce
moment, un mélange de questions linguistiques et de questions
salariales. Finalement, nous étions en pleine période de
contrôle des salaires et le gouvernement a imposé, par la loi, les
normes salariales qui étaient prévues par la Commission de lutte
à l'inflation. Là, il ne pouvait pas être question de
l'intervention d'un médiateur ou d'un arbitre, parce que le plafond
au-delà duquel une loi plus générale ne permettait pas
d'aller avait déjà été défini par d'autres
autorités reconnues par la loi.
Mme la Présidente, ce que je veux signaler ici, c'est que le
gouvernement s'éloigne de cette pratique très solidement
établie en matière de loi d'exception, pratique qui
prévoyait, d'abord, I incorporation dans la loi d'exception de certaines
conditions acceptables à tout le monde, en particulier à la
partie syndicale et, deuxièmement, un dispositif prévoyant un
dernier examen avec l'aide d'une intervention spéciale, soit d'un
médiateur, soit d'un arbitre, des questions qui n'ont pas pu faire
l'objet d'un règlement. Le gouvernement a dit: On prend le rapport du
médiateur, on l'impose intégralement, sans discussion, sans
plus.
Je dois souligner, à ce point de vue, que nous avons hier soir
une réunion de la commission parlementaire qui avait été
convoquée d'urgence par le gouvernement, mais que cete commission n'a
pas permis d'éclairer les esprits des députés de
l'Opposition officielle en ce qui concerne le contenu du litige; nous avons
à peine abordé la frange des questions qui étaient en
litige au moment de l'intervention du gouvernement, de cette convocation de la
commission parlementaire.
Je ne veux pas porter de jugement sur ce qui est arrivé, ni du
côté du gouvernement, ni du côté du syndicat,
à ce moment-ci. Comme nous sommes sur le point d'adopter une loi
spéciale, ça ne servirait absolument à rien de se livrer
à un tel exercice de réthorique ou de prédication.
Ce que je veux souligner, c'est que le gouvernement s'éloigne
avec ceci et il s'engage dans une voie plus autoritaire que la plupart des
gouvernements qui ont été obligés d'intervenir par loi
d'exception ne l'ont fait jusqu'à maintenant. Cela, je vous le souligne
avec une inquiétude réelle, M. le ministre, et j'ose
espérer que vous allez y penser.
C'est possible d'améliorer votre loi de ce point de vue, mais ce
que je crains avec ceci, on en a parlé hier soir à la commission,
j'ai trouvé ça intéressant, on l'a dit, il faut faire bien
attention, avec une commission parlementaire, qu'elle ne se mette à
avoir des opinions sur ces questions, parce que ce serait de nature à
compromettre la fonction de médiation dans notre système de
relations de travail. Entre parenthèses, je ne suis pas d'accord avec le
gouvernement sur ce point, je pense qu'une commission parlementaire peut
très bien avoir des opinions, ce n'est pas ça qui va mettre en
cause la fonction de médiation. Si la fonction de médiation a
été bien faite, elle va résister aux tests qui vont la
suivre, il n'y a absolument rien qui la mette en péril à cause de
ça, mais je crois que la méthode qu'emploie le gouvernement est
de nature à éroder l'essence de la fonction de médiation.
(12 h 40)
Cette fonction, évidemment, n'est pas facile à
définir, parce qu'elle n'est définie nulle part dans nos lois
québécoises du travail. On peut faire chacun les théories
qu'on voudra, seuls ceux qui ont un peu d'expérience de ces choses
savent ce que cela veut dire réellement, parce qu'il n'y a aucun texte
de loi pour nous éclairer. C'est bon qu'il en soit ainsi. Parfois, les
mécanismes les plus importants, dans un système délicat
comme celui des relations du travail, sont ceux qui ne sont écrits nulle
part. Moi, je n'ai absolument rien contre cela. Les trois quarts des choses
bien faites dans la vie se font sans qu'il existe de texte pour dire comment
elles doivent être faites; c'est un des points sur lesquels nous nous
opposons le plus fortement d'ailleurs au gouvernement actuel qui pense qu'il
n'y a rien de bon qui peut se faire, à moins qu'on n'ait prévu
des règlements pour dire comment cela doit se faire. On en a la preuve
avec ces lois en matière de travail, cela ne donne pas de meilleurs
résultats. Jamais une négociation à Hydro-Québec
n'a duré aussi longtemps et n'a abouti à un résultat aussi
pitoyable que celui qu'on a vu depuis quelque temps.
Je dis aux membres du gouvernement: Faites attention, ne faites pas
inconsciemment ce que de bonne foi vous ne voulez pas faire consciemment.
N'allez pas transformer la fonction de médiation en une fonction
d'arbitrage subtil et indirect, en une fonction dont vous allez vous servir
pour promouvoir vos fins politiques. La fonction de médiation est une
fonction qui doit s'accomplir dans des conditions d'indépendance
absolue, d'intégrité absolument inattaquable, il faut absolument
la laisser à son niveau propre. Si on n'est pas satisfait de ce
mécanisme, qui ne doit pas être obligatoire pour les parties, qui
ne doit même pas comporter le genre d'obligations auxquelles le
gouvernement fait allusion depuis deux ou trois jours, une obligation d'agir de
telle ou telle manière, c'est la responsabilité de la direction
chargée de conduire les manoeuvres pour le syndicat.
Vous pouvez compter que le parti que je dirige n'ira jamais
s'ingérer dans le fonctionne- ment interne des associations syndicales
comme le présent gouvernement l'a fait depuis quelques semaines. Nous
leur dirons franchement, dans certains cas, que nous ne pouvons pas accepter
que le droit de grève s'exerce, par exemple, dans le domaine des
hôpitaux et nous n'irons pas leur dire: On vous donne le droit de
grève, mais voici comment vous allez diriger votre patente, voici
comment vous allez vous comporter. On va même presque vous mettre dans
les mains la question que vous devrez poser à vos gens. On n'ira pas
jusque-là, je vous le dis franchement. Je vous dis: Laissez la fonction
de médiation à son niveau propre. J'aurais bien
apprécié...
Une aute raison pour laquelle j'insiste sur ce point est la suivante:
les deux parties, aidées par des conciliateurs et de médiateurs,
arrivent à un constat d'impuissance illustrée par une
grève désastreuse, aux effets catastrophiques. Il me semble qu'il
n'appartient pas au gouvernement de se transformer tout à coup en juge
et en arbitre pour dire à l'une d'elles: Toi, tu as mal agi, maintenant,
tu vas passer par telle voie, tu vas entrer par telle porte et tu vas sortir
par telle autre porte. Il me semble que le rôle du gouvernement, surtout
qu'il est impliqué comme partie prenante dans le litige il faut
arrêter de se faire des illusions devrait être d'adopter une
loi qui va obliger ces gens à revenir au travail, très bien, mais
qui va les faire revenir au travail dans des conditions de dignité, pas
dans des conditions où la partie patronale se transforme soudainement en
partie législative en disant: La voici, la solution, rentre au travail,
ferme ta boîte, c'est fini, cette affaire-là, tu reviendras dans
trois ans, en janvier 1983, pour la prochaine étape, pas d'autre
chose!
Une Voix: Janvier 1982.
M. Ryan: Cela finit en décembre 1982. Une Voix:
C'est cela, janvier 1983.
M. Ryan: La loi prévoit six mois d'avance, mais nous
savons tous que c'est une immense farce, cette affaire-là. A
l'expérience des négociations, vous savez bien que tant que le
contrat n'est pas terminé, les parties ne mettront pas leurs cartes
véritables sur la table, vous allez l'apprendre avec
l'expérience, messieurs! Il va y avoir bien du "parlage". Les vraies
négociations commencent quand la situation est chaude. C'est dommage,
mais c'est un fait.
Alors, il vous le dit ici, il y a un risque de glissement dangereux;
nous allons nous concerter nous n'avons même pas eu le temps de le
faire entre nous, du côté de l'Opposition officielle et il
se pourrait fort bien que nous ayons certains amendements à vos proposer
à ce sujet.
Je note également que l'on prévoit, dans le projet de loi
no 88, des sanctions joliment plus sévères que dans le cas de la
loi 62. On est revenu au régime des sanctions qui avait
été institué en novembre 1972, ironie du sort! On appelait
cela la matraque dans le temps. Des amendes de $5000 à $50 000, je ne
sais pas si c'est par jour... Pardon?
M. Johnson: Oui, par jour.
M. Ryan: Pour les associations, par jour. Dans le temps, on avait
traité le gouvernement de barbare, de matraqueur et de tout ce que je
veux. C'est peut-être un défaut de temps qui a fait qu'on a
copié d'autres lois sans même se rendre compte de ce qu'elles
contenaient. On laissera le ministre... d'ailleurs, il a été
très discret là-dessus tantôt, pas un mot.
Voici la question que je pose au gouvernement. Quand vous avez
présenté le projet de loi no 62, vous marchiez avec des pattes de
velours; vous avez dit que vous ne vouliez même pas mentionner de montant
dans la loi par une pudeur qui était probablement le reflet de leurs
origines encore très récentes. On ne voulait pas mentionner de
montant d'amende, rien; on a dit: Ce qui est prévu dans le Code du
travail. Vous vous rappelez combien cela nous a pris de temps à trouver
le bon article, entre parenthèses.
Cette fois-ci, on y va carrément, de $5000 à $50 000 par
jour. Est-ce qu'il y a deux sortes d'associations syndicales au Québec,
celles qui font plaisir au gouvernement, celles dont on peut encore compter
qu'elles donneront leur appui politique, et les autres dont on a conclu
qu'elles ne valent plus rien et qu'il faut passer à la matraque? Nous
aimerions bien que le même traitement soit appliqué à tout
le monde et qu'on ne commence pas à ériger des distinctions entre
les associations sur lesquelles, apparemment, on a déjà
adopté des jugements ou des conclusions sévères et les
autres avec lesquelles on était prêt à faire preuve de
mansuétude. Ce doit être la même discipline partout. Je vous
le souligne. J'espère qu'au stade de l'étude article par article
on pourra apporter des améliorations à cela.
Je conclus en soulignant que l'approche générale du
gouvernement... j'ai écouté les trois ministres parler, hier
soir: le ministre de l'Energie et des Ressources, le ministre des Finances et
le ministre du Travail, trois ministres parmi les plus brillants du
gouvernement actuel; j'apprécie l'intelligence de chacun, pas toujours
leur caractère, mais l'intelligence est là. Je les
écoutais hier soir le ministre du Travail en particulier
je vous dirai franchement, je n'ai pas entendu un ministre du Travail parler
à des dirigeants syndicaux comme j'ai entendu le ministre du Travail le
faire hier soir. J'ai trouvé qu'il parlait avec je m'excuse
d'employer l'expression parce que c'est un bon ami pour moi une
arrogance, une suffisance qui n'était sûrement pas de mise dans
une telle situation.
J'ai l'impression que, s'il y a un moment où le gouvernement,
surtout à titre de partie prenante, au moins indirecte, doit s'abstenir
de formuler des jugements moraux; qu'il présente sa solution, qu'il la
justifie objectivement, qu'il la définisse de manière dure s'il
le juge nécessaire. C'est sa prérogative. Mais il me semble que
surtout pour le ministre du Travail, ce n'est pas le moment de faire des
leçons aux gens quand on les amène à témoigner dans
des conditions qui, d'ailleurs, prêtaient beaucoup à
discussion.
J'écoutais l'exposé du ministre tantôt, il y a
beaucoup de cela aussi: S'ils avaient agi comme il faut, s'ils avaient
accepté de négocier. Nulle part, dans nos lois, il n'y a de
disposition qui donne au ministre du Travail le droit de s'ériger en
juge moral sur la façon dont les parties ont procédé en
négociation. Si elles ont respecté la loi et se sont
prévalues de prérogatives que leur reconnaît la loi,
à ce moment-là, on peut porter un jugement sur le
résultat, on peut décider d'intervenir pour corriger des
situations, mais on ne vient pas porter un jugement. Il y a des
éditorialistes pour faire cela. Il y a toutes sortes de gens qui ne font
que cela, d'ailleurs, porter des jugements moraux dans des choses comme
celles-là. Je trouve qu'on devrait rester à un degré de
saine technicité un peu plus élevé et je déplore
que, dans l'approche du gouvernement, il y ait un peu de ceci. Je
préviens la partie syndicale. Je n'ai jamais courtisé la partie
syndicale et je ne commencerai pas aujourd'hui, Mme la Présidente. Je
n'irai pas passer d'entente avec personne de ce côté-là
hypothéquant le rôle de l'Etat pour des années à
venir, mais je veux les assurer d'une chose: ce qui leur sera reconnu dans les
lois, on va leur permettre de l'exercer sans porter de jugements moraux en se
servant de la tribune du gouvernement pour le faire. Si les lois ne sont pas
bonnes, on les modifiera honnêtement. On proposera d'autres dispositions
objectives. Il me semble que c'est la manière dont nous devons
procéder.
Je termine, encore une fois, là-dessus, Mme la Présidente.
Je me réjouis à la pensée que les possibilités de
reprise intégrale des services d'électricité au
Québec soient peut-être maintenant une question d'heures.
J'insiste énormément sur la gravité du geste qu'une fois
de plus nous sommes appelés à poser dans cette Chambre. Je
comprends qu'il est très difficile pour la partie syndicale de se
soumettre à une directive comme celle qui lui sera vraisemblablement
donnée au-joud'hui par l'Assemblée nationale, mais j'ose
espérer que la partie syndicale acceptera cette opinion qui émane
de la volonté de représentants démocratiquement et
légitimement élus par l'ensemble des citoyens,
c'est-à-dire par le peuple souverain, pour parler au nom de tous et pas
seulement au nom d'un groupe particulier. (12 h 50)
Si des améliorations doivent être recherchées dans
le texte actuel de la loi et que la partie syndicale ait des
représentations à faire, je pense que nous serons
intéressés à l'entendre, sinon officiellement, du moins
dans les corridors ou dans nos bureaux. S'il y a des choses qui peuvent
être faites pour que justice soit assurée, c'est très bien.
Mais je pense que le principe sur lequel est fondée l'intervention
législative d'aujourd'hui ne souffre pas d'exceptions. Il doit
entraîner le respect de la loi qui le traduit. Je veux assurer le
gouvernement et nos concitoyens que l'Opposition officielle n'a d'autre souci
dans cette question
que de faire en sorte, constructivement, positivement, que les citoyens
aient accès le plus vite possible, sans exception, partout à
travers le Québec aux services essentiels auxquels ils ont un droit
inaliénable.
La Vice-Présidente: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Mme la Présidente, étant donné
l'heure, je ne sais pas si les parlementaire donneraient leur consentement pour
que nous suspendions le débat afin de le reprendre à 15
heures.
La Vice-Présidente: Cela me prendrait un consentement
unanime parce que la motion comme telle disait que nous ne devions pas
suspendre jusqu'à l'adoption de la loi 88.
M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: Mme la Présidente, plutôt que de nous
aventurer dans une voie qui compromettrait les travaux de la Chambre
hier soir, nous avons eu un petit problème à cause de cela
voudriez-vous, Mme la Présidente, simplement nous permettre de suspendre
une minute pour nous informer auprès du leader parlementaire du
gouvernement qui pourra donner aux membres les avis concernant la reprise des
travaux, jusqu'à quel moment on suspend, etc. Je pense que ce serait
préférable de ne pas nous aventurer dans une voie dont j'ignore
les conséquences. Je préférerais prendre 30 secondes, Mme
la Présidente...
Une Voix: ...
M. Bertrand: Très bien, je viens d'obtenir l'information.
Suspension de nos travaux, Mme la Présidente, jusqu'à 15 heures.
Nous reprendrons avec le discours du représentant de l'Union
Nationale.
La Vice-Présidente: Après vérification avec
la motion comme telle, nous suspendons les travaux de cette Assemblée
jusqu'à 15 heures.
Suspension de la séance à 12 h 53
Reprise de la séance à 15 h 8
Le Vice-Président: Veuillez vous asseoir! M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais, au
début de mon intervention, faire un bref rappel des circonstances qui
nous ont amenés à la présentation de cette loi
spéciale ce matin par le gouvernement.
Hier, en commission parlementaire, les représentants
d'Hydro-Québec ont eu l'occasion de nous faire part de l'état de
la situation au moment où nous nous parlions, c'est-à-dire vers
minuit hier soir ou ce matin. Les représentants d'Hydro-Québec
nous disaient que, dans une ou deux semaines, ils auront à faire face
à la demande maximale, c'est-à-dire la période de pointe
de l'année, et qu'ils ne prétendaient pas, dans la situation
actuelle, être en mesure de faire face à cette demande
considérable d'électricité à cette période
de l'année.
On nous informait également que le compensateur statique
situé près de Québec avait été
endommagé et n'avait été réparé qu'en
partie. On nous informait aussi que la ligne de 735 volts entre la Manic et
Québec est brisée et que le syndicat refuse de la réparer.
Cependant, elle fut remise en service de façon artisanale par les cadres
d'Hydro-Québec. On nous informait également que la ligne de 240
volts entre la Baie James et Montréal est endommagée et a
été réparée de façon artisanale. (15 h
10)
De plus, si la ligne de 735 volts dont je vous ai parlé tout
à l'heure devait se briser, il y aurait 240 000 abonnés qui
seraient touchés de façon rotative à cause du
délestage. M. le Président, c'est en ce qui concerne le
réseau de transport d'énergie. Quant au réseau de
distribution, on nous a fait part du bilan de la journée d'hier, soit le
17 décembre 1979. Il y avait 324 pannes qui touchaient 16 000
abonnés, ce qui représente à peu près 50 000
personnes; 50 000 citoyens du Québec étaient touchés par
les 324 pannes. Il y avait 156 pannes qui touchaient 1600 abonnés; elles
duraient depuis deux jours et plus. 24 pannes touchaient 144 000
abonnés; elles duraient trois jours et plus. 9 pannes touchant 33
abonnés duraient depuis plus de quatre jours. Plusieurs cas où
Hydro-Québec ne peut rien faire depuis la fin de novembre. On nous
informe que 200 pannes par jour, c'est normal à cette période-ci
de l'année, mais que c'est le temps d'intervention qui n'est pas normal
puisqu'on prend plus de 24 heures à les réparer. Actuellement,
une panne qui doit prendre deux à trois jours habituellement peut en
prendre trois ou quatre fois plus. On traverse la période durant
laquelle il faut faire le plus de réparations aux lignes.
Hydro-Québec terminait en disant que le réseau est en train de se
détériorer et que la situation est des plus précaires.
De plus, on nous informait également que les nouveaux
abonnés qui voulaient se joindre au réseau, c'est-à-dire,
les nouvelles résidences ou les nouveaux commerces, les nouvelles
industries ne pouvaient être "connectés", comme on dit. M. le
Président, ce bilan qui nous a été présenté
par Hydro-Québec a fait en sorte que les citoyens du Québec
vivent des heures troublantes et également des expériences
parfois pénibles à certains endroits. J'ai moi-même
expérimenté, dans mon propre comté, entre autres, une
panne qui a duré plus de six jours. Les citoyens ont été
obligés d'exercer des moyens de pression plus qu'ordinaires afin de
pouvoir rétablir les services d'Hydro-Québec. Ce sont des faits
qui nous ont été founis
par les personnes responsables. Je pense que, maintenant, la situation a
assez duré.
Nous faisons face, à notre avis, à un manque de
responsabilité chez les 60 chefs syndicaux des trois syndicats en
présence. Je ne parle pas des syndiqués; je parle des chefs
syndicaux qui sont à la tête de ces trois syndicats. Ces personnes
se sont toujours refusées à soumettre le rapport des
médiateurs à leurs membres. Ce sont là un des faits qui
nous permettent de dire que ces personnes ont manqué de
responsabilité. Je suis bien conscient qu'en prononçant ces
paroles je ne fais pas plaisir aux 60 chefs syndicaux qui étaient ici ce
matin ou qui sont peut-être encore dans les galeries actuellement. Je
pense qu'en tant que citoyens responsables nous ne sommes pas ici pour faire
plaisir aux chefs syndicaux; nous sommes ici pour rendre un service à la
population. Le service que nous pouvons rendre à la population est celui
de rétablir les services d'Hydro-Québec.
D'ailleurs, je ne suis pas sûr que nous ne rendons pas
également service aux employés d'Hydro-Québec ou aux
syndiqués eux-mêmes qui n'ont pas eu l'occasion de se prononcer
sur le rapport des médiateurs. Je dis que les chefs syndicaux manquent
de responsabilité également parce qu'ils ont demandé
d'avoir une commission parlementaire qui serait assortie d'un moratoire,
c'est-à-dire qu'ils cesseraient immédiatement la grève,
lorsque la commission parlementaire leur serait accordée, jusqu'à
ce qu'ils soient entendus à la commission parlementaire.
Or, je veux bien admettre que la convocation n'était pas claire,
que l'interprétation qui a été faite du mandat
était plus ou moins confuse et restrictive. Je veux bien croire
également là, j'adresse un blâme aux ministres du
gouvernement que les ministres ne se sont pas parlé avant d'aller
en commission parlementaire. Ils ont manqué de communication entre eux
parce qu'ils ne savaient pas trop trop sur quoi la commission parlementaire
était convoquée.
M. Goulet: Cela coûte assez cher!
M. Fontaine: Cela, on va l'admettre. Il faudrait également
être conscient qu'à un moment donné des discussions
à la commission parlementaire d'hier soir, tous ont convenu qu'on
pouvait entendre les chefs syndicaux sur les points sur lesquels il n'y avait
pas eu d'entente à la suite du rapport de médiation. Les chefs
syndicaux nous ont dit que les syndiqués poursuivent certains objectifs
à atteindre et que ces objectifs n'ont pas été
définis. Cependant, lorsqu'on a demandé aux chefs syndicaux qui
représentaient les syndiqués à la table de nous expliquer
quels étaient ces points sur lesquels ils n'ont pas atteint leurs
objectifs, ils n'ont pas été en mesure de nous expliquer ces
points ou ont demandé de retarder à plus tard la commission
parlementaire.
Malgré le fait que M. Morrisseau, la personne responsable du
dossier hier à la commission parlementaire, ait
répété à quelques reprises qu'il était
prêt à accorder le moratoire, si une commis- sion parlementaire
lui était accordée, il s'est retiré avec son comité
et a délibéré; il est revenu devant la commission
parlementaire pour nous dire ceci: M. Morrisseau déclare être
prêt à venir témoigner devant la commission, mais refuse le
moratoire.
Devant ce manque de responsabilité des chefs syndicaux, je pense
que les parlementaires n'ont d'autre choix que de procéder à
l'adoption de cette loi spéciale qui nous est présentée
par le gouvernement. Il devient de plus en plus évident qu'on ne peut
plus se fier aux chefs syndicaux dans l'établissement des services
essentiels. J'ai eu l'occasion de le dire, mes collègues de l'Union
Nationale ont eu l'occasion de le dire et le premier ministre lui-même
l'a affirmé dans cette Chambre il y a quelques jours, nous ne pouvons
plus nous fier aux chefs syndicaux pour l'établissement des services
essentiels. Le premier ministre l'a reconnu et je pense bien que toute
l'Assemblée nationale et toute la population du Québec le
reconnaissent également en même temps que nous. C'est une erreur
que le gouvernement doit s'engager à corriger dans les plus brefs
délais, que les services essentiels ne soient plus jamais établis
par les chefs syndicaux dans l'application de quelque convention collective que
ce soit. (15 h 20)
Plus que cela, l'Union Nationale croit que le droit de grève dans
ce secteur d'activité doit être retiré. Le gouvernement est
lui-même en train d'en faire la preuve. On en est maintenant à
notre deuxième loi spéciale en l'espace de quelques semaines afin
de restreindre ce droit de grève et même, ici, de l'enlever
complètement. J'espère que certains députés
syndicalistes, de l'autre côté, auront l'occasion de se lever et
de donner leur point de vue à ce sujet parce que ce sont eux qui font
partie de ce gouvernement, qui nous ont crié l'autre jour, lors de
l'adoption de la loi 62, qu'il fallait toujours laisser aux syndiqués
l'occasion d'appliquer leur droit de grève dans ce secteur
névralgique de nos activités économiques.
Ce dont les citoyens du Québec ont besoin, c'est d'une loi-cadre
en ce domaine qui remplace le droit de grève par la négociation
permanente et l'application forcée des conventions collectives par voie
d'arbitrage obligatoire. C'est ce que l'Union Nationale a demandé depuis
au-delà d'un an, si ce n'est plus. C'est ce à quoi tous les
parlementaires de l'Assemblée nationale se sont engagés, à
la suite d'une motion qui a été présentée par le
chef de l'Union Nationale en date du 31 octobre de cette année.
Cette motion se lisait ainsi: Que cette Assemblée est d'avis que
la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre soit
convoquée afin d'étudier l'opportunité de remplacer le
droit de grève dans les secteurs public et parapublic par une formule de
négociation permanente comprenant l'arbitrage obligatoire pour le
règlement des clauses normatives et l'élaboration d'une politique
salariale basée sur la moyenne payée dans le secteur
privé.
Cette motion a été adoptée par les parlementaires
de l'Assemblée nationale presque à l'unani-
mité: 66 ont voté pour, personne n'a voté contre et
il y a eu trois abstentions du côté ministériel. Je fais un
appel particulier au député de Sainte-Marie qui, à ce
moment-là, je pense, s'était abstenu sur cette motion et qui, au
cours du débat sur la loi 62, s'est également abstenu de
voter.
Une Voix: II a voté contre.
M. Fontaine: Je m'excuse. Il a voté contre. C'est encore
pire. Le député de Sainte-Marie avait voté contre cette
loi et nous disait: Ce n'est pas le temps de remplacer le droit de grève
dans les secteurs public et parapublic. J'aimerais bien, M. le
Président, que le député de Sainte-Marie, qui
lançait cela, nous dise aujourd'hui s'il est d'accord avec son
gouvernement qui doit, encore une fois, en venir à l'évidence
même que le droit de grève dans les secteurs public et parapublic
et surtout ici à Hydro-Québec est une chose
dépassée, qu'il faut remplacer par la négociation
permanente et l'arbitrage obligatoire.
M. le Président, que le député de Sainte-Marie se
lève aujourd'hui et qu'il donne son point de vue face à son
gouvernement qui, en fin de compte, applique à la lettre, par tranches
de salami, ce que l'Opposition lui dicte au jour le jour.
A cause de l'état de pourrissement de ce dossier, il y a
longtemps que le gouvernement aurait dû agir. Nous lui avons dit en cette
Chambre. Nous avons essayé de forcer le gouvernement à agir par
des questions que nous avons posées en Chambre presque tous les jours de
session depuis le début de cette grève. Nous l'avons fait
également par des tentatives de motions privilégiées que
nous avons déposées, des motions d'urgence que nous avons
déposées à votre bureau, M. le Président, pour
obtenir la tenue d'une discussion honnête sur ce dossier à
l'Assemblée nationale. Chaque fois, ces motions ont été
rejetées. Mais il faut bien se rendre à l'évidence
qu'aujourd'hui, le gouvernement est obligé d'accepter de
présenter un projet de loi que nous lui réclamions depuis
déjà quelques jours.
Le gouvernement du Parti québécois attend toujours
d'être acculé au mur, il attend que les citoyens souffrent
injustement des situations qui lui sont causées, des dommages qui lui
sont causés par son inefficacité et son manque de
responsabilité, pour intervenir plus rapidement dans les dossiers afin
que la population ne souffre pas inutilement. C'est irresponsable de la part du
gouvernement d'avoir laissé aux syndicats le pouvoir de
déterminer unilatéralement les services essentiels
d'Hydro-Québec.
M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de le dire
et je le répète aujourd'hui: Hydro-Québec en soi est un
service essentiel au Québec. Il n'y a pas de services essentiels
à Hydro-Québec. Il n'y a qu'un service essentiel: c'est la
fourniture d'électricité, M. le Président, à
Hydro-Québec.
M. le Président, le gouvernement, face à ce dossier, a
été tout à fait incohérent et irresponsable en
maintenant le droit de grève à Hydro-Québec. Mais, pour
l'instant, malgré les critiques que nous avons à formuler
vis-à-vis du gouvernement, il y a un problème urgent à
régler et nous allons concourir avec le gouvernement afin de
régler cette situation de la façon la plus décente
possible.
Je terminerai en vous faisant rapport d'une situation que j'ai
vécue personnellement dans mon comté, alors que 40 familles
manquaient d'électricité depuis six jours. Je suis allé
passer une journée avec ces familles et, à un moment
donné, un des pères de famille qui étaient là a
communiqué avec un des chefs syndicaux responsables de notre
région pour lui demander quand il viendrait rétablir le service
d'électricité. Le syndiqué en question lui a
répondu: Ton sapin de Noël ne sera pas illuminé cette
année à Noël. Je suis heureux de constater que le
gouvernement, avec la collaboration de l'Opposition, fera en sorte que tous les
citoyens du Québec puissent, à Noël, avoir un sapin qui sera
illuminé.
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je voudrais faire quelques
commentaires sur le fond de la question qui nous occupe, c'est-à-dire
sur les conditions de travail qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas
suffisamment attiré l'attention de cette Assemblée. Je pense
qu'il est important, en effet, qu'on se rende compte de l'état du
dossier quant aux conditions de travail des employés
d'Hydro-Québec et du genre de dilemme dans lequel le syndicat nous place
depuis quelques heures.
A nos amis de l'Opposition qui disent: Vous avez pris bien du temps pou
vous décider, je rappellerai ceci: Bien sûr, le droit de
grève, en vertu des lois que nous avons, est un droit dont disposent les
employés d'Hydro-Québec, que le Code du travail est
appliqué, qu'en cas de conflit, une série d'étapes doivent
être franchies. Ces étapes ont été franchies, M. le
Président. Il y a eu une conciliation, on le sait, qui, dans un premier
temps, n'a pas donné grand-chose et qui, dans un deuxième temps,
a amené un rapprochement important entre les deux parties, les deux
parties ayant d'ailleurs bougé. (15 h 30)
Lorsqu'on s'est rendu compte qu'on ne pouvait guère aller plus
loin, on a passé à une chose qu'on connaît bien dans notre
système de négociation, c'est-à-dire la médiation.
La médiation a amené, comme on le sait, un rapport. Il est
coutumier que ce rapport soit mis au vote. C'est à partir de ce moment,
c'est-à-dire dans les quelques derniers jours, que la situation se
gâte. D'abord, le syndicat refuse de mettre au vote le rapport des
médiateurs. D'autre part, après avoir demandé une
commission parlementaire en assurant que, dans ces conditions, il rentrerait au
travail, qu'il y aurait une sorte de moratoire, la commission parlementaire lui
est accordée et il n'entre pas au travail.
A la commission parlementaire que nous avons connue hier soir, la
question fondamentale, au fond, était la suivante: Pourquoi refusez-vous
le
rapport du médiateur? A travers les aléas
procéduriers de la commission d'hier soir, il faut bien dire je
pense que nous l'avons tous constaté, quels que soient les partis
politiques dans cette Assemblée qu'il est extrêmement
difficile de savoir pourquoi, spécifiquement, le syndicat avait
refusé le rapport du médiateur. Il est apparu clairement d'autre
part que ce que le syndicat demandait, c'était une commission
parlementaire qui irait au-delà de ce que les médiateurs avaient
proposé et qu'il utilisait la commission parlementaire pour en avoir un
peu plus. Cela nous amène donc, qu'on le veuille ou non, à
examiner le fond du débat.
Le fond du débat se présente, je pense, comme ceci: Quand
on regarde ce qui est acquis par le syndicat et ce qu'il demande, on peut se
poser sérieusement la question de savoir si cela justifie une
grève de cette ampleur, de cette durée et de ce caractère
dramatique en plein hiver. Si on examine des choses comme, par exemple, ce qui
peut séparer les clauses d'indexation de part et d'autre ou les
augmentations régulières de salaire, les écarts ne sont
pas à ce point grands pour le syndicat pour justifier les
démarches ou l'action qu'il a entreprises.
Pour le gouvernement, bien sûr, cela pose des problèmes
parce que même des écarts relativement petits représentent,
à l'intérieur de l'ensemble des secteurs public et parapublic,
des sommes énormes. J'ai eu l'occasion d'en faire état dans cette
Chambre. Je rappelle ici que 1% d'augmentation de la masse salariale dans les
secteurs public et parapublic, c'est $65 millions. Pour donner un exemple que
j'ai souvent servi, M. le Président, $65 millions, c'est l'exemption de
la taxe de vente sur les chaussures indéfiniment au Québec. C'est
1% de la masse salariale dans les secteurs public et parapublic. Donc, nous ne
pouvons pas, nous, considérer que 1% c'est insignifiant. Ce n'est pas
insignifiant. Cela touche le public dans son ensemble. Le problème
consiste à savoir, cependant, si vraiment on doit s'engager dans des
grèves générales de services publics essentiels en plein
hiver pour, comment dire, des situations que j'aimerais expliquer.
Prenons le cas, M. le Président, des techniciens
d'Hydro-Québec. A l'heure actuelle, les techniciens des classes A et B
ont un maximum d'échelle quand je dis actuellement, je veux dire
au 31 décembre 1978, il y a presque un an. Leur salaire au maximum de
l'échelle était de $25 700 et pour les techniciens de la classe
C, $30 500. Le rapport des médiateurs donnerait, à la fin de la
convention collective que nous établissons par loi aujourd'hui, aux
techniciens des classes A et B, $35 246 au maximum de leur classe et aux
techniciens classe C, $41 810. Voilà. Le problème, M. le
Président, consiste en ceci: Est-ce que des gens dont le maximum des
échelles de salaires va se situer entre $35 000 et $41 000 peuvent
valablement prendre le risque d'arrêter complètement les services
publics ou de la fourniture de courant à des gens qui, dans la plupart
des cas, gagnent infiniment moins qu'eux? Est-ce qu'on faire en sorte que des
gens restent deux ou trois jours sans électricité pour qu'on
puisse déterminer si quelqu'un, au lieu d'avoir $41 000, aura $42
000?
Il ne faut pas se faire d'illusions, nous en sommes rendus ici à
un conflit de valeurs dans notre société où on a perdu la
perspective du sens commun. Que des gens exploités par leurs employeurs
et crevant de faim recourent à des moyens extra-ordinairement
sérieux d'action, cela se comprenait à une certaine
époque. Mais que maintenant on condamne en plein hiver des gens à
deux, trois, quatre jours sans électricité parce qu'au lieu de
$41 000, on voudrait avoir $42 000, on passe les bornes du sens commun.
On a l'impression d'une société, M. le Président,
qui, à certains égards, a perdu la tête. Il est trop
facile, à cet égard, de désigner certains boucs
émissaires. Je pense que le mal est bien plus profond qu'on pense. Il y
a des gens qui ont complètement perdu le sens des valeurs d'une vie en
société à peu près civilisée. On me dira: II
n'y a pas que des techniciens à $41 000. Non, bien sûr, qu'il n'y
a pas que des techniciens à $41 000.
Prenons le cas, par exemple, d'une autre catégorie
d'employés d'Hydro-Québec, mais alors beaucoup moins bien
payée, celle des commis dactylos. Les commis dactylos à
Hydro-Québec, à la fin de 1978, avaient au maximum de leur
échelle $13 000. Comment cela se compare-t-il au secteur privé
syndiqué? Nous disposons, de juillet à juin 1979, de
données dans le secteur privé syndiqué, qui nous indiquent
qu'en moyenne le commis-dactylo est autour de $10 100. Donc, à
HydroQuébec, ce serait $3000 de plus. Mais examinons cela par rapport au
front commun; donc le reste des secteurs public et parapublic, c'était
à peu près le même niveau, $10 100. C'est-à-dire
qu'à Hydro-Québec l'avance prise au cours des années
antérieures amenait cette société largement, même
pour des emplois comme ceux-là, en avance, non seulement du secteur
privé syndiqué, mais du front commun lui-même. Le front
commun n est pas considéré comme un syndicat de boutique, que je
sache.
C'est-à-dire que nous sommes en face d'un groupe de gens qui,
catégorie par catégorie d'emploi, sont remarquablement
payés dans la société, qui ont eu, l'an dernier
à la suite du règlement négocié ou imposé
par l'ex-ministre des Richesses naturelles du gouvernement libéral, de
nos amis d'en face, M. Cournoyer, en 1978 15% d'augmentation tous
ensemble, en additionnant chaque augmentation qu'ils ont eue dans le courant de
l'année, et qui, devant les offres du médiateur disent: Non, nous
voulons pour 1979 12% d'augmentation. Ce sont des coefficients d'enrichissement
qui n'existent pas dans notre société.
Ce qui, à l'heure actuelle, est demandé comme ajustement
par rapport au rapport des médiateurs par le syndicat
d'Hydro-Québec, représente un pourcentage d'enrichissement que
nous n'avons jamais voulu consentir aux fonctionnaires pendant des mois, parce
qu'il n'est pas là dans notre société, cet enrichissement,
que nous n'avons pas consenti au front commun, parce qu'il
n'est pas là cet enrichissement. Le syndicat
d'Hy-dro-Québec dit: Nous voulons un coefficient d'enrichissement pour
1979 qui dépasse, en fait, ce que vous avez refusé partout. Je ne
dis pas qu'au cours des 15 jours ou trois semaines, on n'a pas eu l'espoir,
à un moment donné, d'un rapprochement. Il est évident que
nous sommes ici en face d'une stratégie syndicale qui, au fond, est
probablement la suivante: Maintenant que le gouvernement a réglé
avec à peu près 200 000 personnes sur 300 000 dans les secteurs
public et parapublic, nous, du syndicat d'Hydro-Québec, allons chercher
à traverser ce qui a été obtenu. J'en donnerai d'autres
exemples que j'ai donnés hier en commission parlementaire, en
dépit de certains obstacles que vous comprendrez facilement et que je
déplore, bien que je m'y sois rangé. (15 h 40)
Sur le plan des heures de travail pleinement compensées en termes
de salaire, le syndicat d'Hydro-Québec a commencé par demander
que tous les ouvriers passent de 40 heures à 36 heures, que tous les
techniciens passent de 35 heures à 32 heures, que tous les
employés de bureau passent de 35 heures à 31 1/2 heures.
Où, dans les secteurs public et parapublic, y a-t-il, à l'heure
actuelle, des employés de métier, des ouvriers qui travaillent 36
heures? Il n'y en a pas, ils sont à 38 3/4 heures et 40 heures et
à la suite de nos négociations, à l'heure actuelle, tout
le monde à peu près va être aligné sur 38 3/4
pleinement compensées en termes de salaire, encore une fois.
Où y a-t-il des techniciens qui travaillent 32 heures? Il n'y en
a pas. Je n'ai pas besoin de vous dire que nos employés de bureau font
35 heures et non pas 31 1/2 heures, tel que demandé par le syndicat
d'Hydro-Québec. Ils sont revenus sur deux de leurs demandes. Ils ont
renoncé aux demandes pour les employés de bureau et les
techniciens, mais ils ont gardé leurs demandes pour les hommes de
métier en disant: En somme, le gouvernement, dans l'ensemble des
secteurs public et parapublic, c'est-à-dire pour à peu
près 300 000 personnes, et les employés à 38 3/4 heures;
nous allons faire une grève de trois semaines, un mois, un mois et demi,
s'il le faut, en plein hiver pour que nous ayons 36 heures. Percée
syndicale! Mais est-ce que les gens doivent geler dans leur maison pour cela?
On peut se poser sérieusement la question.
Deuxième exemple. Je suis content, ce soir, de voir qu'il 'y a
pas de question de règlement qui s'applique à moi pour
m'empêcher de discuter de ces questions. Les repas du midi, c'est quelque
chose de tout petit. On s'entend bien, c'est beaucoup moins important que les
heures de travail, mais c'est quand même pour indiquer, parmi les
quelques points qui ont été soulevés, où nous en
sommes. Les repas du midi: Le syndicat demande $5.50 par repas pour les gens
qui travaillent en surtemps. Dans les secteurs public et parapublic, on a cela
d'une façon assez générale; donc, on dit: Oui, ça
va, c'est normal. Mais il demande aussi $5.50 pour les gens qui, le midi, ne
reviennent pas à une cafétéria d'Hydro-Québec ou
à leur quartier général, une chose que, dans les secteurs
public et parapublic, on n'offre pas, une chose que dans le secteur
privé on n'offre pas non plus, généralement. Ce n'est pas
inscrit dans le Nouveau Testament que quelqu'un doit nécessairement
être, entre midi et midi et demi, dans le voisinage, à quelques
centaines de pieds, d'une cafétéria d'Hydro-Québec. Les
gens qui travaillent pour la voirie, au gouvernement de Québec, partent
avec leur boîte à lunch comme tout le monde.
Des allocations comme cela, on n'en a jamais payé, mais on va
faire une grève là-dessus parce que ce serait une grande
percée syndicale. Cela permettrait de dire: Le gouvernement a
négocié avec le front commun qui n'a pas obtenu cela, mais nous,
on va l'obtenir. On va l'obtenir, mais dans quelles circonstances? On va
l'obtenir dans des circonstances que j'aurais souhaité connaître,
je dois le dire, hier, quand nous étions en commission parlementaire. A
14 h 2, cet après-midi, sur Telbec nous est arrivée une
déclaration d'Hydro-Québec dont je lirai certains paragraphes et
qui vous indiquera jusqu'où on est prêt à aller pour des
raisons d'ordre stratégique entre des gens qui sont parmi les mieux
payés de notre société. Je cite ici le Telbec
publié par HydroQuébec à 14 h 2, donc il y a une heure et
demie, M. le Président.
Le lundi 17 décembre, donc hier, à 8 h 25,
Hydro-Québec recevait un avis officiel des dirigeants syndicaux à
l'effet que les services essentiels seraient désormais limités
aux priorités 1 et 2, à savoir a) les hôpitaux, b) les
postes de police et pompiers, les stations de pompage, les aérogares,
les maisons pour personnes âgées, les prisons, les usines de
filtration. Je dois reconnaître que c'est remarquable; les prisons seront
chauffées, les particuliers, non!
Le syndicat n'avait pas précisé la durée de cette
nouvelle politique. Vers 14 h 20, le lundi 17 décembre donc hier,
au moment où nous discutions de la convocation d'une commission
parlementaire, soit quelques heures à peine après avoir pris la
position énoncée ci-dessus les syndiqués
responsables des services essentiels ont semblé se raviser et ont pris
note des pannes référées par la direction des
opérations d'Hydro-Québec. Ce n'est cependant qu'à 18 h
30, après qu'on a convoqué la commission parlementaire, qu'une
première équipe réparait une seule panne affectant 187
abonnés depuis samedi, 21 heures.
Plus tard, dans la nuit, une autre équipe prenait la
relève et réparait quatre pannes redonnant du service à 73
abonnés domiciliaires. Avec 7142 abonnés privés
d'électricité à Montréal, c'est une quarantaine
d'équipes qu'il faudrait pour rétablir le service dans un
intervalle de huit heures. Je rappelle que, la nuit dernière, à
Montréal, la température est tombée à moins 21
degrés.
Donc, c'est dans cette optique que l'on peut avoir, de jour en jour, sur
la fourniture du courant électrique et la réparation des pannes,
des fluctuations et des aléas de cet ordre pour avoir à
déterminer si un technicien de classe C aura, en
1982, $41 000 ou $42 000. Il est normal qu'à un moment
donné et en dépit de tout le respect que l'on doit avoir pour les
droits des travailleurs, un gouvernement doive se poser sérieusement la
question de savoir si on ne perd pas de vue le bon sens
élémentaire et l'intérêt public.
Le chef de l'Opposition officielle se posait la question de savoir, ce
matin, dans le discours qu'il a fait en cette Chambre, pourquoi une telle
différence entre le projet de loi no 62, qui s'appliquait au front
commun, et littéralement l'ordre de retour au travail et la fixation de
conditions de travail au niveau du rapport du médiateur que nous
présentons aujourd'hui. Mais il y a une différence fondamentale,
M. le Président. C'est qu'au moment où nous avons adopté
la loi 62, nous l'avons fait pour empêcher une grève
générale dans les hôpitaux et dans les écoles alors
que les négociations allaient bon train et étaient loin
d'être terminées. Le fait est qu'on a probablement eu raison de
faire cela parce que, dans la semaine qui a suivi, des ententes sont
intervenues qui, à l'heure actuelle, s'appliquent encore une
fois, comme je le disais tout à l'heure à pas loin des
deux tiers de tout le secteur public et parapublic.
Au fond, les syndicats du front commun cherchaient à pousser une
décision par une grève générale tout à fait
prématurée. On a donc établi un moratoire de quinze jours.
On leur a dit: Ecoutez, restez tranquilles pour quinze jours. On continue de
négocier, alors qu'ici, dans le cas d'Hydro-Québec, ce n'est pas
ça. Les négociations ont franchi chacune des étapes. Le
rapport de médiation est présenté; le syndicat refuse de
le présenter au vote de ses membres. Le syndicat cherche encore à
maintenir une série d'opérations stratégiques pour
chercher à traverser le front commun, à traverser ce que d'autres
syndicats ont pu établir dans le secteur public.
Une opération stratégique se mène à quelques
jours du moment où la pointe de consommation d'électricité
d'Hydro-Québec va se produire, c'est-à-dire le 21 au soir ou le
22 au soir c'est toujours cela chaque année et il cherche,
d'autre part, à provoquer ces percées d'ordre stratégique
à l'égard d'autres syndicats alors que la température est
rendue à moins 20 degrés ou moins 25 degrés sous
zéro.
Il est donc normal, je pense, que le gouvernement arrête cette
grève, détermine que le rapport des médiateurs qui,
à tous égards, confirme le syndicat d'Hydro-Québec comme
un des syndicats les mieux payés au Québec, soit
dorénavant leurs conditions de travail.
Le rôle du gouvernement est de gouverner. Cela n'est pas toujours
très drôle de gouverner. Il faut, à certains moments,
être patient et on l'a été. Il faut, à un moment
donné, considérer que cela suffit et ce que nous disons
aujourd'hui, c'est qu'au nom de gens qui sont souvent infiniment plus mal
payés que les gens de ces syndicats, dont un certain nombre à
l'heure actuelle en ont assez d'être les otages du système et
d'avoir simplement froid, il est temps que le gouvernement gouverne et c'est le
sens de la loi qui est devant cette Assemblée. Merci. (15 h 50)
Le Vice-Président: M. le député de
Pointe-Claire.
M. William Shaw
M. Shaw: Thank you very much, Mr President. I think it is only
fitting today that I speak a few words of congratulations for the government
for finaily taking the responsibility of enacting legislation that will ensure
that the people of Québec will receive electricity as an essential
service and acting now. We have been discussing, Mr President, for the last
three years the principle of the right to strike in essential services and I
think that progressively, since the introduction of legislation in the early
1960's allowing the right to strike in the public service and in essential
services, there has been a progressive loss of confidence that the people who
were responsible, that is in the labour movements, can use with discretion the
powers that the government has given them. What has happened, Mr President, is
the development of the phenomenon of strike leverage and the minister of
Finance has so well noted how well Hydro Québec is paid at the present
time and one might ask: Why is it that Hydro Québec is the best paid of
all of the unions in this province? It is simply, Mr President, that
Hydro-Québec has the greatest strike leverage. What other union can do
so much damage to so many people and make them feel so frustrated? What other
way can you completely immobilize the society in our present civilized state
than by cutting off its power?
Electrical power is now a fundamental of heating, of the pumping of
water, the milking of cows. It is, Madam President, a truly essential service
and that any union under any circumstances whatsoever would withdraw these
services as a means to achieve what they consider their powers or their rights
under the collective bargaining system is an example of how the fundamental
values that these unions should be demonstrating have been lost. And I think
again, as the minister of Finance has so well said, that this is where the
problem truly lies, that a labour union knowing that it is the best paid,
knowing that its workers can certainly not claim themselves to be deprived as
compared to people in other sectors of our society. It has been noted that on
the average, for equivalent work, they are paid 30% more.
Obviously, Madam President, this strike leverage has been demonstrated,
demonstrated unfortunately to the extent where now consideration must be given
to look to strike leverage as a weapon that the society, through its
government, must control. The rights of collective bargaining must always be
secondary to the rights of the people to be served and the rights of collective
bargaining, Madam President, have been demonstrated by the unions of
Hydro-Québec as
being certainly irresponsible. We saw that this government, and perhaps
this government is the best example of a government who was committed to
protecting the rights to strike in the civil service and the para-public
agencies. There has been a long period of negotiations with conciliation, with
mediation and with arbitration following, step by step, all of the mechanics
available for free honourable collective bargaining, only to find out at the
end that this was a "façade" and that the union would only use the power
that it had, its strike leverage, to blackmail the citizens of this province
into getting exactly what they wanted.
Now, Madam President, we are prepared to pass this legislation and here
is the rub. Here is the real test. One of the first things that I saw happen in
this House when I became a member was the minister of Justice rising to lift
all charges laid under bill 23 by the previous government. This was the result
of legislation passed by the government to remove the right to strike in a
previous period. In doing so, Madam President, the concept of the right of the
government to lay charges against a union was actually brought into question.
It is going to continue, Madam President? Is it now a precedent that crimes or
breaches of the law committed in the name of collective bargaining are
invariably dropped? We now have bill 62 passed a few weeks ago as the result of
a need by this government to restrict the right to strike in the public service
again. We heard this morning that the minister of Justice has a certain number
of charges laid and we are questioning whether these charges will be taken to
fruition, because if they are not, Madam President, the legal strike becomes
the real problem. We are accustomed in this province to extensive illegal
strikes. We had them in the police department. We had them in the fire
services. We had them as a result of legislation that has been passed,
presumably to bring workers back to the work place, by this government and by
previous governments.
I think, in this case, Madam President, that this government, having
followed every possible course available to them to demonstrate good faith to
the unions that they were prepared to negotiate, must now be equally prepared
to say that this law is the law of the land and it will be obeyed and the
charges will be laid to any breach as the result of illegal activities by the
union, as the result of the passage of this law.
Madam President, I feel that there is unanimous consent in this House
that this law be passed as quickly as possible. I just ask, Madam President,
that in consideration of the needs of the people of this province, that not
only the law be passed, the workers be convinced of their need to respect this
law and to be well aware of the fact that any breach of this law would be met
with firmness by the government. Thank you, Madam President.
La Vice-Présidente: M. le député de
Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. J'ai envie de
faire une citation ici: "Pouvions-nous espérer légitimement qu'un
gouvernement, à qui les leçons des précédents
échecs auraient pu servir parce qu'il y en a eu encore une fois
soit plus vigilant, soit plus prompt à intervenir dans des
conflits non pas nécessairement de manière législative,
mais, comme l'a signalé le député, de toute autre
façon plutôt que d'avoir à obtenir un jour le consentement
de la Chambre pour disposer des règles habituelles du Code du travail."
C'était le 14 novembre 1972, à l'époque où le
leader actuel du gouvernement et député de Saint-Jacques faisait
la leçon au gouvernement d'alors sur, entre autres, un conflit à
Hydro-Québec.
On voit, Mme la Présidente, que ce que le gouvernement a,
à l'occasion, reproché dans le passé, les
témoignages qu'il nous a manifestés à l'Assemblée,
les déclarations qu'il a faites ou formulées... On voit
aujourd'hui que, dans une certaine mesure, à certains égards, ils
ont de la difficulté à vivre avec et ils doivent constater
aujourd'hui, d'une part, qu'ils sont au pouvoir et, d'autre part, que cela
implique certaines responsabilités. (16 heures)
Mme la Présidente, nous avons une grève à
Hydro-Québec qui dure, qui perdure depuis plusieurs jours
déjà, qui a eu des effets qui ont été,
souventefois, mis en relief ici à l'Assemblée nationale par les
députés libéraux. Plusieurs de mes collègues sont
intervenus pour poser des questions au ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, pour poser des questions au premier ministre, afin de savoir ce
qu'il allait faire, quelle était la position adoptée par le
gouvernement dans le cadre du conflit, s'il donnerait suite aux demandes
formulées par les syndicats, notamment à un certain moment
où il était question qu'une commission parlementaire puisse
siéger.
A cette période-ci de l'année on est au beau milieu
du mois de décembre; le mois de décembre est avancé
à l'aube de Noël, alors que la consommation hydroélectrique
est peut-être la plus grande de l'année, à cause du climat
qu'on doit subir à l'extérieur, il est inacceptable et impensable
qu'on puisse souscrire à toute démarche visant à prolonger
un conflit comme celui-là avec les effets qu'il a pour les contribuables
qui ne sont pas toujours dotés de possibilités de produire de
l'énergie par un autre moyen que l'électricité. Cela a
impliqué beaucoup et ce n'est pas ici mon intention, Mme la
Présidente, de revenir sur les milliers de cas, peut-être la
centaine de cas qui nous ont été référés
dans chacun de nos comtés respectifs où il était
clairement indiqué que des gens souffraient au Québec.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que mon intervention de cet
après-midi se veut la plus objective possible. Elle se veut sous forme
de commentaires sur la loi, sur la situation qui a prévalu avant la
présentation de cette loi et, évidemment, ce sur quoi on a
été à même d'assister hier, au cours de
la séance de la commission parlementaire de l'énergie qui
a siégé pour entendre le syndicat d'Hydro-Québec et
Hydro-Québec. Je devrai vous dire que je suis non seulement
peiné, mais très malheureux de constater que sur une quinzaine de
députés en Chambre, ce soit obligatoirement les
députés libéraux nous sommes neuf qui devons
former le quorum dans le moment, à une période où le
gouvernement ou le premier ministre on n'a même pas quorum
nous demande de passer une loi spéciale. Ce sont les libéraux qui
doivent maintenir le quorum.
La Vice-Présidente: M. le député, je
vérifie immédiatement. Nous allons compter les
députés qui sont présents en cette Assemblée. Nous
avons maintenant quorum.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Mme la Présidente, j'en étais
à vous dire, avant le retour des députés péquistes,
que nous en sommes à la deuxième loi spéciale et
d'urgence, en un mois et demi ou deux mois. On se voit dans l'obligation, ici
au Parlement, de mettre de côté les règles habituelles de
la procédure, les travaux réguliers, l'ordre du jour prévu
au procès-verbal, pour adopter une loi d'urgence qui témoigne
très bien, encore une fois, de l'échec de l'approche
gouvernementale dans le cadre de ses négociations, entre autres,
échec du dossier général des négociations dans les
secteurs public et parapublic. Autant, il y a quelques semaines, le premier
ministre nous disait: On doit avouer notre échec; on se doit d'adopter
la loi 62 c'était vers le 11 novembre à quelques jours des
élections partielles, on s'en souviendra autant aujourd'hui, le
gouvernement se voit placé face à une telle situation
d'échec.
J'aimerais, avant d'aborder le projet de loi comme tel, dire un mot de
la dernière période de 24 heures qu'on a vécue. On se
rappellera que les conciliateurs ayant constaté que la conciliation ne
donnait pas de résultat en date du 7 décembre, des
médiateurs ont été nommés au dossier, ils ont fait
leur travail, ils se sont montrés non seulement disponibles, mais ils
ont véritablement relevé leurs manches pour contribuer par leur
effort à un règlement. Ceux-ci ont soumis un rapport de
médiation qui, il faut le dire sans entrer dans le contenu comme tel,
plusieurs points sur quelques points tout au moins en plus de
venir ratifier évidemment, de venir confirmer ce qui avait
été paraphé à la table de négociations,
venait ajouter des bénéfices ou des avantages à la
convention collective qui aurait pu être adoptée et signée
sur la foi dudit rapport, s'il avait été accepté.
On se rappellera que la position du gouvernement, à ce moment,
aura été de demander aux parties, aux travailleurs
d'Hydro-Québec de se prononcer sur le rapport. On se rappellera, de
plus, que ce voeu, cette expression d'opinion a reçu une fin de
non-recevoir de la part des représentants syndicaux, des leaders
syndicaux, entre autres de M. Morisseau, le président ou le
coor-donnateur des trois syndicats à Hydro-Québec, à ce
que les travailleurs puissent se prononcer sur ledit rapport. On se rappellera,
de plus, que le syndicat a formulé une demande; le syndicat a
demandé au gouvernement d'intervenir. On se rappellera que c'est ainsi
que des télégrammes ont été envoyés et
qu'une demande a officiellement été déposée,
formulée auprès du premier ministre. Quant à moi, j'en ai
pris connaissance, évidemment, dans les media d'information. Il y a une
dizaine de jours ou à peu près, peut-être une semaine, le
syndicat des employés d'Hydro-Québec demandait au gouvernement,
d'abord, de le rencontrer et d'intervenir dans le dossier. Le gouvernement a
répondu non, purement et simplement.
Par la suite, voyant que la crise et que les problèmes
empiraient, évidemment, le syndicat a formulé une autre demande.
Le syndicat a demandé qu'une commission parlementaire siège pour
entendre les parties, entre autres pour entendre les représentants du
syndicat sur ce qui le séparait d'avec la partie patronale. Hier soir,
Mme la Présidente, on a eu une convocation. Le gouvernement a fini par
céder. Il a convoqué une commission parlementaire à 22
heures hier soir, la commission parlementaire de l'énergie, avec un
mandat très limité, très restrictif, qui était d
entendre deux choses: d'une part, pourquoi le rapport de médiation
n'avait pas été remis, déposé auprès des
membres et pourquoi il n'y avait pas eu de vote sur ce rapport de
médiation. Pourquoi avait-il été refusé et pourquoi
n'avait-il pas été transmis aux membres du syndicat pour que
ceux-ci puissent se prononcer?
A cette commission, Mme la Présidente, on aura constaté
l'attitude du gouvernement. Même si on est d'accord pour qu'une loi
spéciale soit adoptée, même si on est d'accord pour que la
loi soit applicable à compter de minuit ce soir, les
vérités, Mme la Présidente, doivent quand même
être signalées. Le ministre du Travail particulièrement
et je reviendrai là-dessus tout à l'heure le
ministre des Finances et le ministre de l'Energie et des Ressources ont voulu
par leur attitude hier en commission parlementaire, par les positions qu'ils
ont adoptées, justifier purement et simplement ia loi spéciale
qu'ils ont présentée aujourd'hui. Je m'explique: On se rappellera
que, dans le télégramme émis par le syndicat demandant
ladite commission, le syndicat a dit: Si la commission siège, si la
commission entend ce sur quoi on veut insister, si la commission nous consacre
quelques heures, on va imposer un moratoire à nos membres. Il n'y aura
plus de grève; les gens vont retourner au travail à compter du
début des travaux de cette commission jusqu'à ce que le voeu
exprimé par la commission soit soumis, lui, aux membres et qu'il y ait
eu une décision sur le voeu ainsi exprimé.
J'ai moi-même, personnellement, Mme la Présidente,
dès le début des travaux, signalé cette
possibilité, que j'ai voulu faire confirmer, que la commission
parce qu'il faut le constater, la commission s'est réunie à 22 h
ou à 22 h 30 hier ne puisse aborder les questions de fond que
vers
minuit environ et en discuter jusqu'à 6 heures, 7 heures ou
possiblement 10 heures ce matin, ce qui était physiquement impossible
pour tous et chacun des membres, et les personnes qui étaient autour de
la table. J'ai demandé que la commission se réunisse aujourd'hui.
On a d'ailleurs demandé, à ce moment, au syndicat s'il
était disposé à décréter un moratoire sur
les moyens de pression utilisés. Immédiatement, il a fallu, Mme
la Présidente, intervenir jusqu'à 2 h 20 du matin. La proposition
que j'ai formulée, que j'ai lancée sur la table sans en faire une
motion parce que je ne voulais pas m'embarquer dans des questions de
procédure, a été refusée. L'aspect contentieux du
dossier était trop important; il fallait mettre de côté les
aspects de procédure pour, somme toute, en arriver à un consensus
autour de la table. On a reçu, de notre côté, une fin de
non-recevoir à l'acceptation par le gouvernement d'une telle
proposition.
On a eu droit, évidemment, aux commentaires du ministre de
l'Energie et des Ressources; on a eu droit aux commentaires du ministre des
Finances qui a voulu revenir sur le fond, même si ce n'était pas
là le mandat de la commission. D'ailleurs, le président l'a
rappelé à l'ordre. On a eu les commentaires quelque peu
sarcastiques à plusieurs égards, quelque peu arrogants, encore
une fois, à plusieurs égards du ministre du Travail à
l'endroit des syndiqués. (16 h 10)
Tant et si bien qu'après avoir discuté, soulevé des
questions de procédure, s'être interrogé sur notre mandat,
s'être interrogé sur le pouvoir de la commission d'émettre
un voeu ou une recommandation, s'être interrogé sur la
possibilité que le moratoire soit décrété quand
même à compter d'aujourd'hui, huit heures, demain matin, à
ce moment, on s'est retrouvé à 2 h 30, 3 heures même, avec
un syndicat qui, compte tenu du mandat très limité qui lui
était donné pour se servir de son droit de parole, a
refusé le moratoire.
Je n'ose prétendre que cette commission ait été un
scénario pour justifier le gouvernement d'adopter une loi
spéciale, ce gouvernement qui, soit dit en passant, est censé
avoir un préjugé favorable aux travailleurs. Je n'ose
prétendre cela, mais je tiens à vous faire part que la commission
parlementaire d'hier, il me paraît, quant à moi, que ce n'est
certainement pas loin d'un scénario monté de toutes pièces
pour justifier une intervention à caractère draconien
aujourd'hui, voulant témoigner d'une certaine force dans un gouvernement
qui est affaibli, non pas seulement par l'opinion publique, mais même par
les sondages.
On pourra dégager certaines choses des attitudes du gouvernement.
Entre autres, il faut se surprendre, il faut s'interroger sur l'approche
agressive que le gouvernement a manifestée, a témoignée
dans ce dossier, agressivité qui était facilement comparable
à celle témoignée dans le dossier du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec. On pourra se demander pourquoi,
comme, entre autres le chef de l'Opposition, ici, à l'Assemblée,
en a fait part ce matin, on peut s'interroger sur les recours, se demander
pourquoi de grosses amendes à des groupes, pourquoi des amendes moins
substantielles à d'autres groupes, et pourquoi autant
d'agressivité dans les approches, dans les réponses qui ont
été données par le ministre du Travail.
On sait que le ministre du Travail a clairement manifesté,
témoigné d'une agressivité qui n'était pas toujours
fondée, qui n'était pas toujours justifiée, comme ministre
du Travail, dans les réponses à des questions qu'on lui posait
lorsqu'il se permettait des commentaires, des réserves mêmes, sur
le bien-fondé, la bonne foi de certains leaders. Quand on est ministre
du Travail, qu'on se permette publiquement d'agir non pas comme ministre du
Travail, mais de se prononcer comme patron et, en plus de cela, de mettre en
doute la parole et la bonne foi de certains leaders syndicaux, ce n'est
peut-être pas explicable, et c'est, jusque dans une certaine mesure,
justifiable dans certains cas que le même ministre du Travail se voie
offrir des attitudes qui, elles aussi, témoignent d'une
agressivité des milieux ainsi concernés.
La loi spéciale que nous avons devant nous n'est pas une
suspension du droit de grève, comme c'est le cas dans la loi 62, que
nous avons adoptée il y a quelque temps. Cette loi impose,
décrète une convention collective applicable jusqu'au 29
décembre 1982.
Evidemment, immédiatement après les travaux de la
commission de cette nuit, je savais pertinemment que la loi était en
train de s'écrire, si elle n'était déjà faite.
Quant à nous, nous savions que le gouvernement allait appliquer,
même par une mesure aussi draconienne, une mesure aussi
sévère, aussi difficile à présenter, il faut en
convenir, la même approche qu'il avait avec la loi 62,
c'est-à-dire d'obliger les parties à aller se prononcer sur les
offres finales ou encore sur le rapport de médiation, cet aspect de la
question, c'étaient les appels lancés par le gouvernement, tant
par le premier ministre que par le ministre du Travail, depuis
déjà deux semaines, que les gens se prononcent sur le rapport de
médiation. Ce n'est pas cela du tout qui est prévu dans le projet
de loi.
Les gens ne se prononceront pas sur le rapport de médiation, les
gens devront vivre avec un décret, devront vivre avec une convention
collective qui est décrétée par la loi. On impose de
force, par une loi, une convention collective d'une période de presque
trois ans. Il y a plusieurs aspects regrettables à cet égard.
Autant le gouvernement est justifié d'intervenir, autant le gouvernement
est justifié d'obliger les travailleurs à être en place
à 00 h 01 ce soir, autant, cependant, on doit, à
l'intérieur de ce débat, regretter certains
éléments.
Il y a tout d'abord que le ministre du Travail se soit comporté
comme un patron et non pas comme un ministre du Travail, je l'ai dit, je vais
le redire, parce que c'est la vérité, et j'espère que le
ministre du Travail tirera une leçon, j'espère que le ministre du
Travail prêtera l'oreille à plusieurs commentaires qui ont
été formulés par des gens
présents hier. Je n'ajouterai rien, il va me comprendre.
J'espère qu'il en tirera une leçon et qu'à l'avenir il se
comportera comme sa fonction l'indique, comme il devrait se comporter selon sa
fonction, comme un ministre du Travail et non pas comme un patron, comme un
employeur, laissant ce soin, cette responsabilité au ministre de
l'Energie, qui est responsable d'Hydro-Québec. Il faut le regretter et
reprocher au ministre du Travail entre autres, à quelques reprises, la
suffisance qu'il a démontrée hier soir, lui reprocher d'avoir
contribué à jeter de l'huile sur le feu.
Vous savez, Mme la Présidente, vous avez assez
d'expérience pour en convenir avec moi, que quand un leader syndical,
peu importe l'opinion qu'il ait, peu importe les moyens de pression qu'il
maintienne, dit à une commission parlementaire ou à un autre
interlocuteur: Laissez-moi cinq minutes pour aller consulter mes
représentants syndicaux, c'est jeter de l'huile sur le feu, c'est
être irresponsable, arrogant et insuffisant pour un ministre du Travail
de se tourner de bord et de dire avec un petit sourire: Avez-vous besoin d'un
médiateur? Si ce n'est pas jeter de l'huile sur le feu, je me demande ce
que c'est. J'espère que le ministre du Travail pourra invoquer
strictement que c'était en raison de la fatigue, parce qu'il
était presque trois heures du matin.
Il est regrettable aussi que certains objets de la négociation
n'aient pas été abordés. Si cette commission parlementaire
avait pu siéger, même si, hier soir, on a siégé
seulement cinq heures nous aurions pu aborder certains éléments
litigieux et contentieux dans ce problème. On sait que le rapport de
médiation a gardé le statu quo ou n'a pas modifié certains
aspects de la convention qui avaient été proposés par
Hydro-Québec. Je m'explique, je vais vous donner un exemple. On n'a pas
eu l'occasion d'aborder le problème des fonds de retraite
dénationalisés; c'est un élément important dans
tout le dossier de la négociation à Hydro-Québec. J'ai
d'ailleurs posé des questions au ministre des Finances et au ministre du
Travail il y a une quinzaine et on m'a répondu: Ils sont en
négociations, il ne faut pas toucher à cela; on va vous
répondre par écrit, M. le député.
Lors de l'étude des crédits du ministère des
Finances vendredi, il y a dix jours environ, j'ai demandé et mon
collègue, le député d'Outremont, a demandé au
ministre des Finances de se prononcer sur la question du fonds de retraite des
employés nationalisés, des employés qui appartenaient aux
compagnies comme Shawinigan, d'autres entreprises qui, elles, ont
été nationalisées, dont les employés ont
été intégrés le 1er janvier 1965 ou le 1er janvier
1966. A ce moment-là, le ministre des Finances nous a dit: Non, on ne
peut pas, à l'étude des crédits, aborder cette question.
Lorsque Hydro-Québec vient comparaître, comme elle le fait chaque
année, ici, à l'Assemblée nationale, on m'indique encore
une fois que ce n'est pas l'endroit pour discuter de cette question. Je
m'étais dit qu'au moins on aurait pu, hier soir, ou tout au moins
aujourd'hui si la commission avait siégé, discuter avec
Hydro-Québec, avec ses em- ployés de la question des fonds de
retraite. C'est un point contentieux, c'est un problème particulier,
c'est un problème qui touche des milliers de travailleurs à
Hydro-Québec, c'est un problème qui ne peut être
soulevé ici, apparemment, à l'Assemblée nationale.
Peut-être que le ministre de l'Energie pourra tout à
l'heure dans son intervention, s'il ne l'a pas déjà fait, donner,
je l'espère, la position qu'entend adopter le gouvernement sur le
dossier des employés nationalisés. Je vais vous résumer ce
problème très brièvement et vous allez voir le
bien-fondé de la prétention que j'ai aujourd'hui, à savoir
que cette question devrait faire l'objet de discussions ici. Un employé
on se retrouve dans cette situation qui appartenait à une
ancienne entreprise qui a été nationalisée par
Hydro-Québec là, je cite un document émanant de
cette association malgré qu'il ait versé 1% de plus en
cotisation que s'il avait été un employé de l'ancienne
Hydro-Québec parce qu'elle existait, cette ancienne
Hydro-Québec, avant la nationalisation, évidemment recevra
une rente de 46% de moins qu'un employé d'Hydro-Québec, un
employé qui appartenait à l'ancienne Hydro, qui émanait de
la Montreal Light, Heath and Power du temps.
Je vous donne un cas authentique: M. Boiselle. Il m'a même
donné la permission de citer son nom. Il a été
embauché le 18 octobre 1948, après trente ans de service et 75
jours, il a une moyenne des cinq meilleures années de salaire de $12
759; son salaire actuel est de $341.43 par semaine. Date de la mise à la
retraite: 1er janvier 1979. Il retirera une pension annuelle, comme
nationalisé c'est le montant auquel il a droit de $5016.
S'il avait été un employé de l'ancienne
HydroQuébec, il recevrait $7357. Personnellement, ce sont des questions
comme celle-là que j'aurais aimé aborder en présence du
ministre des Finances et en présence des membres du gouvernement, en
présence des gens d'Hydro-Québec pour qu'on arrête de se
lancer la balle d'une place à l'autre. D'ailleurs, j'espère qu'on
aura l'occasion éventuellement de revenir sur cette question. Le 19
octobre dernier, lors de l'émission Omnibus 550 à
CHLM-Trois-Rivières, le premier ministre s'était quand même
engagé à voir cela de très près.
Je cite le premier ministre dans son entrevue à la radio,
là-bas: "Vous pouvez être sûrs qu'on va donner le coup de
pouce qu'il faut, mais dans le sens, comme vous le dites, de justice et
d'équité parce que, parfois, on ne peut pas être toujours
d'accord sur le contenu absolu de cela." C'est malheureux, la commission n'a
pas pu siéger; on s'est perdu dans les méandres, à
certains égards, de la procédure, et on s'est retrouvé
aujourd'hui avec une loi spéciale. (16 h 20)
On n'a pas pu discuter de l'opportunité du droit de grève
à Hydro-Québec. La loi, aujourd'hui, vient régler une
situation temporaire. Mais qu'est-ce qu'il y aura de réglé,
demain matin, à l'égard du climat des relations de travail
à Hydro-Québec?
Plusieurs autour de la table ont constaté ou ont fait valoir que
les relations de travail à HydroQuébec n'étaient pas ce
qu'il y avait de mieux au Québec, qu'il y avait un problème de
relations de travail, qu'il y avait un problème dans les attitudes. Par
ce que je signale aujourd'hui, je ne veux cautionner ni l'action syndicale, ni
l'action patronale, mais regarder le dossier de relations de travail
d'Hydro-Québec on aura tôt vite fait de constater qu'il y a
certainement un problème dans les attitudes. Cette commission, cet
échange, durant lequel les parlementaires auraient pu con-tre-interroger
tant la partie syndicale que la partie patronale, nous aurait permis de mieux
voir quels étaient les attitudes de chacune des parties et
peut-être voir où se situait le bobo. On n'a pas pu le faire
évidemment; on n'a pas discuté du droit de grève.
Aujourd'hui, le gouvernement nous soumet cette loi qui vient imposer une
convention collective. Qu'est-ce qui arrivera à la prochaine
négociation? Est-ce que le droit de grève existera toujours? Il
faudra se poser cette question de fond éventuellement.
Qu'est-ce qui arrivera d'une possibilité de médiation
préventive? C'est beau de dire: On vous impose ce document qui est le
rapport du médiateur aujourd'hui, mais qu'est-ce qui arrivera
éventuellement? D'ailleurs, on a déjà, dans le programme
du Parti québécois le premier ministre pourra en
témoigner des mécanismes de médiation
préventive; on semble vouloir favoriser cette approche. Il faudra
arrêter d'agir de façon sporadique, circonstancielle, lorsqu'il
faut régler des crises, il faudra arrêter d'avoir comme attitude,
comme gouvernement, à certains égards, de laisser entrevoir la
possibilité que des mécanismes soient efficaces comme la
commission parlementaire d'hier pour justifier, par la suite, une loi matraque,
parce que c'est une loi matraque, qu'on le veuille ou non.
Les gens n'auront même pas à se prononcer sur le contenu;
les gens devront accepter, purement et simplement: Prenez cela et c'est la
convention qui est applicable pour trois ans.
La question des recours. Il y a des recours. Je conviens qu'une loi doit
avoir du muscle; je conviens que les lois doivent être respectées;
je conviens que les recours doivent être de nature à dissuader
toute intention de contester ou de ne pas respecter une loi. Lorsqu'on n'est
pas d'accord avec une loi, on ne peut pas se permettre de ne pas la respecter.
On tire notre leçon et on porte un jugement démocratique à
l'élection suivante. Mais comment et j'aimerais, dès la
réplique des différents ministres, qu'on réponde à
la question qui a été formulée par le chef de l'Opposition
ce matin expliquer, alors qu'en vertu de la loi 23, en 1976, des
poursuites ont été intentées, des jugements ont
été obtenus, lesquels impliquaient des déboursés
appréciables de la part des syndicats... on se rappelle qu'il y avait eu
des infractions commises en 1976, en vertu de la loi 23 qui n'avait pas
été respectée; on se rappelle qu'au lendemain des
élections de 1976, cette démarche qu s'inscrivait, à
l'époque, dans la politique de petit bec du gouvernement du PQ, avec les
travailleurs les petits becs sont finis, vous savez dans cette
démarche, le ministre de la Justice nous avait annoncé: On met de
côté les amendes, c'était farfelu, c'était folichon,
des amendes aussi exorbitantes.
Comment expliquer qu'aujourd'hui le gouvernement, le premier ministre
nous dise, en présentant cette loi: Oui, MM. les libéraux, vous
aviez raison, en 1976, par la loi 23, de prévoir des amendes aussi
substantielles, pouvant aller jusqu'à $50 000 ou $5000 par jour? Il
faudra s'interroger là-dessus. Lorsque la loi 62 a été
adoptée, c'étaient des syndicats amis, et Hydro-Québec est
un syndicat ennemi, pourquoi faut-il tout simplement matraquer et faut-il
prévoir des amendes aussi exorbitantes? C'est là toute la
question.
Même si je voterai d'emblée pour cette loi parce
qu'il est important le service qui doit être dispensé à la
population le gouvernement n'est pas sans tache dans l'approche et la
contribution qu'il a données à ce dossier. S'il y en a un
je termine là-dessus qui n'est pas sans tache dans le dossier
j'espère qu'il tirera ses leçons c'est le ministre
du Travail; qu'il mette de côté sa suffisance et qu'il agisse
comme un véritable ministre du Travail, ce à quoi le convie le
serment d'office qu'il a prêté lorsqu'il a été
assermenté.
La Vice-Présidente: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Armand Russell
M. Russell: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
simplement, si vous me le permettez, dire quelques mots sur cette loi qui nous
est présentée aujourd'hui en vue de rétablir le courant
électrique à travers la province de Québec.
Mme la Présidente, je voudrais avec vous examiner un peu la
situation qui se présente à nous. Je sais que, d'un bord et de
l'autre, on peut blâmer les syndicats. On va blâmer le
gouvernement, mais on peut peut-être blâmer aussi les
administrateurs d'Hydro-Québec et les négociateurs. Quelle est
cette situation que nous avons à vivre et à examiner cet
après-midi? D'abord, il faut considérer qu'Hydro-Québec
n'est pas une société comme les autres. Hydro-Québec est
une société qui s'est développée à
l'intérieur de la province pour la production et la distribution du
service électrique à chacun des citoyens. C'est une
société de la couronne qui est, comme le diraient certains
membres du Parti québécois, notre propriété. C'est
ce dont on parle cet après-midi. C'est notre propriété,
mais elle fait la distribution et elle établit un service unique. C'est
un monopole. C'est ce qu'il faut examiner bien objectivement.
C'est pour cette raison que je dis qu'Hydro-Québec n'est pas une
société comme les autres. Les administrateurs
d'Hydro-Québec ne sont pas des propriétaires; ce sont des
fonctionnaires, ce sont des employés. A mon sens, jusqu'à ce
qu'on puisse prouver le contraire, ils agissent de bonne foi. Je pourrais aussi
dire que les employés
d'Hydro-Québec sont des gens qui travaillent et qui agissent de
bonne foi. Ces gens ont établi entre eux un service de
négociation et ils ont élu à leur tête des
négociateurs. Ces gens ont fait des demandes par l'entremise de leur
unité syndicale et ont suivi la formule normale, de sorte qu'on a
épuisé tous les recours. Ceci a été prouvé
hier soir à l'occasion de cette commission parlementaire qui a
été convoquée tant bien que mal. Qu'on l'accepte ou non,
elle a été convoquée. Il a été établi
très clairement que le Code du travail a été
épuisé d'un bout à l'autre. C'est une loi qui doit
être appliquée par les administrateurs du gouvernement par le
truchement du ministre du Travail.
Mme la Présidente, qu'est-il arrivé? Nous avons eu des
négociations et, quand on a vu que les négociations ne marchaient
plus, que tout avait été épuisé, nous avons eu des
conciliateurs et la médiation. Encore là, le dépôt a
été fait. Les administrateurs d'Hydro-Québec, que je
reconnais, jusqu'à ce jour, pour des gens responsables, agissant au nom
de la population, suivant le mandat qu'ils ont reçu, ont accepté
cette médiation, tout en reconnaissant que des demandes extrêmes
avaient quand même été accordées par les
médiateurs.
Les syndicats ont refusé la médiation. Ils ont
été plus loin que cela. Ils ont même refusé de
remettre, comme on le fait dans tout système démocratique, cette
médiation aux syndiqués. Je pense que c'est un acte que je ne
peux qualifier, du moins, que je ne peux accepter. Si j'étais un membre
du syndicat, j'aimerais que mon syndicat, mon patron, celui que j'ai élu
pour me représenter, me donne la chance d'examiner cette
médiation pour savoir si réellement j'ai le droit de continuer de
me servir de cette arme extraordinaire. J'ai toujours prétendu qu'il
était impossible de laisser une telle arme entre les mains des syndicats
dans des conditions comme celles qui existent à Hydro-Québec,
où il y a un monopole et où il s'agit d'une société
qui est responsable de donner les services à une population de six
millions au Québec.
On sait que cette électricité, même si on
prétend qu'elle nous coûte beaucoup meilleur marché au
Québec qu'ailleurs, nous coûte quand même assez cher. Cette
société dans laquelle on a investi plusieurs milliards de dollars
donne actuellement du travail à une quinzaine de mille employés
dont 11 000 sont syndiqués. C'est de ceux-là dont on parle cet
après-midi. (16 h 30)
Lorsqu'on parle de cette médiation, il faudrait l'examiner pour
savoir si, réellement, ces gens-là qu'on qualifie de gens
d'expérience, je ne mets en doute d'aucune façon leurs
qualifications, sont allés là de bonne foi parce qu'eux aussi ne
sont pas des patrons et ne sont pas des syndiqués. Ce sont des
fonctionnaires qui sont allés remplir un mandat. Ils l'ont fait en ayant
une chose en tête, tâcher d'être aussi justes et aussi
équitables que possible tant pour les syndiqués que pour la
population.
Quand on parle d'Hydro-Québec, on ne parle pas des cadres
d'Hydro-Québec. On parle de la population. C'est au nom de ces
gens-là que les médiateurs ont agi. Je ne voudrais pas, Mme la
Présidente, entrer dans tous les détails. Le ministre des
Finances a cité quelques phrases et quelques points tout à
l'heure. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre l'a fait ce matin.
D'autres y ont touché un peu.
Il y a une chose qu'il faut quand même reconnaître: les
employés syndiqués d'Hydro-Québec, sur chacun des points
que nous avons pu regarder qui ont été acceptés et
même ceux qui ont été refusés, sont mieux
payés que ceux de la fonction publique, à peu près
à toutes les étapes. Le salaire moyen représente
actuellement au-delà de $20 000 ou $21 000, si je ne m'abuse, en
comptant les avantages sociaux.
A la suite de cette convention, lorsqu'elle sera appliquée, le
salaire moyen pour la convention complétée en 1982, c'est ce
qu'ils viennent d'obtenir, représentera $25 000, plus les avantages
sociaux. Ce qui veut dire que la moyenne des salaires des employés
syndiqués représentera pour Hydro, à la fin de cette
convention collective, une dépense de $34 000 par employé. Ceci
est plus élevé actuellement que toutes les conventions
collectives qui ont été négociées par le
gouvernement pour les autres fonctionnaires lors des dernières
négociations. C'est dire que, sur ces points, ces gens n'ont pas
été maltraités.
Comme le disait le ministre des Finances, est-ce que les six points qui
demeurent en litige, pour lesquels on veut avoir une commission parlementaire
qui a été accordée hier soir... Je suis un peu d'accord
avec le député de Portneuf qu'il y avait un petit malentendu sur
la façon dont la convocation a été faite. On a voulu,
à un moment donné, nous empêcher de. parler du fond de la
question et c'était pourtant bien pour cette raison que nous avions
été convoqués pour discuter et interroger ces gens. Par
contre, après discussion, nous avons pu obtenir la possibilité de
nous prononcer sur le fond. Lorsqu'on a eu cette liberté et lorsque mon
collègue de Nicolet-Yamaska a voulu demander au syndicat de se prononcer
sur le fond, on a commencé à trouver, à la suite de
quelques exemples, un paquet de raisons pour lesquelles il n'avait pas le temps
de se prononcer sur le fond. Cela prendrait beaucoup plus de temps. Donc, on
est revenu à la charge. Le leader parlementaire a offert cette
possibilité au syndicat. Je n'ai pas de raison de croire que cela n'a
pas été fait bien objectivement.
On pourrait continuer aujourd'hui, pendant quelques heures, à
examiner chacun de ces cas-là pour voir si les litiges qu'il
dénonce sont réellement justifiés pour qu'au moins les
membres de cette commission obtiennent les renseignements
désirés.
Comme on vous l'a dit tout à l'heure, on a dû, disant qu'il
n'en avait pas de mandat, faire ce que vous a expliqué le
député de Portneuf, on s'est retiré.
Indépendamment des remarques qui ont été faites de
part et d'autre, et la fatigue aidant à cette heure matinale, tout le
monde est fatigué, quel est
le résultat? On est revenu devant la commission, parce que ni mes
collègues ni moi-même n'étions prêts à
siéger à une commission sans obtenir ce que nous avaient promis
les syndicats, un moratoire.
Si on n'avait pas le moratoire, on ne pouvait pas continuer à
siéger. Lorsqu'on est revenu, on nous a refusé ce moratoire. On a
dit qu'on pouvait continuer à discuter, mais qu'il n'y aurait pas de
moratoire. Je pense que c'était là, à mon sens, une preuve
de mauvaise foi de la part du syndicat, qui démontrait que son objectif
était simplement une stratégie.
On lui reconnaît le droit de se servir de toutes les
stratégies qu'ils veulent bien employer, mais pas aux dépens
d'une population qui est prise en otage comme cela se fait actuellement, par
les temps qui courent. C'est une chose que je ne peux tolérer, que je ne
peux accepter. Je crois bien qu'aucun de mes collègues n'est prêt
à le faire ou même à s'en servir pour faire de la
politique. Je prétends qu'on n'a même pas le droit de faire cela
dans des moments aussi critiques que ceux que nous traversons actuellement.
Mais, il est de commune renommée que presque à chaque fois
qu'on a été en négociation avec Hydro-Québec, on a
été poussé à ce point. On a même
évoqué hier soir qu'à l'occasion d'autres
négociations, ils avaient obtenu la commission parlementaire. C'est un
droit qui existe, mais qui n'existe pas dans le Code du travail. Lorsqu'on
accorde une commission parlementaire, c'est un privilège et les
députés ne doivent pas se soumettre à une
négociation à cette occasion. Il y a un Code du travail qui
existe, qu'on doit épuiser. Lorsque le Code du travail est
épuisé, je pense que les lois doivent s'appliquer.
Actuellement, on est en train de nous faire la preuve ici, au
Québec, qu'on n'a pas eu raison de donner le droit de grève aux
fonctionnaires au début des années soixante. Je dis que c'est
malheureux... Je dis ceci au nom des syndiqués: De la façon dont
on utilise le droit de grève, on est en train de tourner massivement la
population contre les syndicats. Je dis que c'est malheureux qu'on aille aussi
loin que cela, qu'on se serve de ce mécanisme qui est une arme
extrême pour obtenir ce qu'on peut appeler des choses très banales
ou qu'on s'en serve pour faire de la politique, comme cela peut se produire
à certains moments. Je ne dis pas toujours de la politique avec un grand
"P" au niveau provincial, mais ce peut être de la politique aussi bien au
niveau syndical pour donner à un chef syndical un prestige qu'on peut
créer et cela, aux dépens d'une population au sein
d'Hy-dro-Québec ou au sein d'autres sections de fonctionnaires, ce qui
peut mettre en péril la santé et le bien public comme dans le cas
des hôpitaux ou d'autres cas.
Mme la Présidente, je relate ceci pour vous dire que même
à Hydro-Québec, lorsqu'ils ont obtenu le droit de grève,
ils ont eu le vote de 4000 de leurs syndiqués sur 11 600. C'est pas mal
moins que 50%. Est-ce que je dois tenir pour acquis... Hier soir, on nous a dit
qu'il y en avait 4200 qui avaient voté pour la grève. On l'a
donné en chiffres; j'ai fait les calculs. Il y a 11 600
syndiqués; cela veut dire qu'à peu près 35% auraient
voté pour la grève. Sans connaître les conditions des
médiateurs, ces gens voudraient continuer à faire cette
grève qui est néfaste pour une population. Je dis que le syndicat
n'a pas le droit de refuser d'abord de présenter à ses membres ce
rapport de médiation et de leur donner ils peuvent recommander de
voter contre, c'est leur privilège le droit de l'examiner
objectivement pour savoir si, réellement, les médiateurs ont
été justes. Si ces gens reçoivent une offre
équitable en compensation du ravail qu'ils font...
Hier soir, lorsqu'on a mentionné certaines clauses, on a
parlé des heures de travail et, comme le disait le ministre des
Finances, je ne suis pas sûr que, lorsqu'on parle d'une heure ou deux
heures par semaine, ce soit réellement une justification pour faire la
grève à Hydro-Québec, de la part de gens qui retirent le
salaire qu'ils ont actuellement. Je connais plusieurs des ouvriers
d'Hydro-Québec qui ne veulent pas de grève; ils font simplement
suivre un protocole comme syndiqués et respecter le cadre. (16 h 40)
Si on avait un mandat de grève de la part d'au moins 50% des
membres, cela serait au moins plus valable. Là on en a beaucoup moins
que cela et on tente de l'appliquer à la grandeur de la province. Ce que
les syndicats vous ont présenté hier soir à la commission,
c'était très difficile pour eux, de faire le tour de toutes leurs
unités. On comprend ces malaises. Il faut aussi penser que c'est
très difficile pour Hydro-Québec d'administrer à la
grandeur de la province. On comprend les complications que cela peut
représenter, mais quand on a des choses à administrer avec des
complications comme celles-là, il faut s'organiser en
conséquence. Je ne suis pas prêt à dire que ces gens ont eu
raison en ce qui concerne la demande qu'ils ont refusée de
présenter cette médiation à leurs membres
syndiqués.
Mme la Présidente, j'ai examiné cette loi qu'on nous a
présentée. Je me pose beaucoup de questions, lorsqu'on regarde un
peu le passé. J'écoutais le député de Portneuf qui
faisait des reproches au gouvernement et moi aussi j'en ai à lui faire.
Pas simplement au gouvernement actuel, mais aux gouvernements
précédents. Ils ont vécu des malaises qui peuvent se
présenter de temps à autre avec les unités syndicales un
peu dans tous les domaines. On les a vécus. Ils ont adopté des
lois appelées lois matraques, on les appellera comme on voudra, on les
qualifiera de la manière qu'on voudra, c'est exactement la même
loi, qui demande aux syndiqués de retourner à leur travail et
d'accepter la convention collective qui a été
négociée de bonne foi.
On sait la réponse qu'on a eue dans certains cas. On a
parlé du bill 23, on sait ce qui s'est passé. On sait la
désobéissance qu'il y a eue à l'égard de cette loi.
On le sait même, il n'y a pas tellement longtemps, on a adopté la
loi 62 et la même chose s'est produite. Que je sache, encore
aujourd'hui, très peu de causes ont été entendues
pour ceux qui n'ont pas respecté la loi.
Mme la Présidente, est-ce bien cela qu'on veut faire à
l'occasion de cette loi-ci? Présenter une loi à laquelle les
syndicats vont refuser d'obéir et on va être pris demain ou durant
les Fêtes avec des causes à poursuivre le syndicat et cela va se
régler quand? Dans un an, deux ans? On va dire: On va les mettre
à l'amende. Oui. On peut les mettre ailleurs aussi. Cela n'avancera en
rien le problème qu'on tente de régler actuellement. Je dis que
ce sont des mesures actuellement dépassées complètement
et, si on veut agir en hommes d'affaires, on doit prendre les dispositions pour
régler le problème. Il n'est plus question de dire: On va les
poursuivre, cela va leur coûter $50 000, $100 000, $200 000. On sait que
cela ne les dérange plus parce qu'actuellement ils ont
déjà obtenu dans le passé le retrait d'infractions qui ont
été appliquées injustement ou justement. Je ne veux
même pas les discuter.
Mais, les facteurs sont là. Actuellement, on a eu la
désobéissance à la loi 62 dans laquelle sont
impliqués des milliers de syndiqués et, que je sache, tout
simplement quelques centaines de poursuites ont été entreprises
contre eux. Cela n'a pas encore été plaidé. Cela va se
faire quand? Dans un an, deux ans. Si c'est cela qu'on a l'intention de faire,
je ne marche pas. Il y a eu des précédents qui ont
été faits en cette Chambre par les gouvernements
précédents et auxquels on pourrait... Mme la Présidente,
je pourrais parler une heure. Je ne crois pas. Personne n'a parlé au nom
du parti. Je n'ai pas l'intention de le faire, je vous préviens. J'ai
trop à coeur d'accélérer les travaux pour cette loi.
La Vice-Présidente: Si vous me dites que vous parlez comme
représentant du Parti, M. le député, je ne vois pas
d'inconvénient à ce que vous parliez une heure. Vous y avez
droit.
M. Russell: Je vous dis que je n'ai pas l'intention de parler une
heure. Quelques minutes. On va tâcher d'accélérer les
travaux. Je sais qu'il y en a d'autres qui veulent s'exprimer sur cette loi,
qui ont ce privilège. Je pense que tous ceux...
La Vice-Présidente: ... s'il vous plaît!
M. Russell: Justement, mais ils vont continuer. C'est cela, Mme
la Présidente, que je veux faire comprendre au ministre. Je le connais,
il est capable de prendre ses responsabilités s'il veut. Il va dire: On
ne sera pas trop dur. On va être gentil. On va faire bien attention parce
que cela peut froisser peut-être les syndicats, je dis, non, Mme la
Présidente. Ce n'est pas ainsi qu'on doit agir. On a
épuisé tous les recours du Code du travail. On s'en vient
à des mesures extrêmes. Je dis que ce sont des mesures
extrêmes.
Ici, c'est une loi qui sera adoptée pour demander aux ouvriers
d'une société qui a un monopole dans la province de garantir les
services, suivant les ordres donnés par ceux qui ont la
responsabilité de l'administration d'Hydro-Québec et non plus du
syndicat, comme on l'a fait dans le passé. De l'aveu de tout le monde
actuellement, et même du premier ministre, cette façon pour les
syndicats d'assurer les services essentiels, c'est de la foutaise. Donc, c'est
une chose qu'il faut complètement changer.
Si la loi qui a été adoptée par le Parlement n'est
pas respectée par les syndicats, cela va être encore de la
foutaise, malgré les quelques milliers de dollars qu'on va recueillir en
amendes, surtout quand on connaît la lourdeur des procédures. Je
l'avais fait remarquer au premier ministre à l'occasion de la loi 62; je
lui avais dit exactement ce qui arriverait et ce que je lui ai dit arrive
actuellement. On n'a pas respecté la loi. On entreprend des
procédures. Je suis d'accord avec le ministre de la Justice qu'il faut
réellement faire enquête, qu'on ne peut pas poursuivre tout le
monde sans avoir un dossier. Il faut s'assurer des dossiers, il faut faire une
enquête. Combien cela coûte à la province pour toutes ces
enquêtes, sans être certain que, lorsque l'enquête sera
complétée, on va gagner ces quelques milliers de dollars
d'amendes que cela pourra représenter pour les unités syndicales
ou pour les syndicats qui ont été impliqués dans ce manque
de respect de la loi?
Je sais qu'à ce moment-ci, si on veut être correct, comme
le dirait le premier ministre, pour le public qui souffre actuellement et qui
veut avoir demain ou dans les quelques jours qui vont suivre le courant
électrique, on doit prendre les dispositions pour s'assurer que cela va
se faire rapidement. Je suis convaincu qu'on devrait appliquer les mesures qui
ont été adoptées à l'occasion d'une loi
votée en 1967, qui a servi à retourner au travail les conducteurs
d'autobus à la Commission de transport de Montréal. Cela a
été fait dans le calme, cela n'a fait de mal à personne.
Personne n'a été poursuivi, tout est rentré dans l'ordre.
Cela s'est fait rapidement et tout le monde était de bonne humeur. Ils
n'en ont pas eu plus ou moins. Si on adopte cette loi aujourd'hui avec les
mêmes droits, les mêmes mesures, je suis convaincu que tout va
rentrer dans l'ordre. Si on respecte la loi, cela ne fera de mal à
personne. Si on ne respecte pas la loi, on ne doit pardonner à personne.
Pour cela, il faut prendre des mesures draconiennes.
Je dis que, si quelqu'un a une arme dans les mains, on doit la lui
enlever s'il ne sait pas s'en servir. Actuellement, je ne suis pas certain que
les syndicats nous aient prouvé qu'ils peuvent s'en servir sans faire
mal à bien du monde. Donc, on doit la leur enlever. Je suis convaincu
que le problème serait réglé si on pouvait mettre un
article dans cette loi qui pourrait se lire ainsi: La Commission des relations
de travail du Québec doit, à la demande du Procureur
général, révoquer l'accréditation qui aurait
été accordée à toute association visée par
l'article 6 du temps; c'était le droit de grève et je vais vous
faire grâce de la continuité, parce que c'est un chapitre. Si on
avait cet article, cela veut dire que, si les syndicats n'entrent pas au
travail dans les 48 heures qui vont suivre, s'il y a
désobéissance à la loi, c'est la
décertification des syndicats. Ils vont respecter cela. Mais je
dis qu'il n'y a pas de danger, qu'il n'y aura pas de décertification
parce qu'ils vont respecter la loi et les citoyens vont être certains que
cela va être fait.
Mais, si on adopte la loi telle qu'elle nous est présentée
actuellement encore là, je ne veux pas vous lire les articles de
la loi cela va être des amendes, des poursuites, des
enquêtes qui vont coûter des milliers de dollars à la
province. On n'aura pas les services qui, on espère, doivent être
donnés par les syndicats à la suite de l'adoption de cette loi.
Les citoyens vont être privés et, encore, ils vont être les
victimes de cette loi parce qu'ils vont avoir à payer des
dépenses qu'ils ne devraient pas payer pour faire respecter une loi. (16
h 50)
Je dis que la loi doit rester telle quelle, plus un ou deux petits
articles, très petits, qui ne disent pas grand-chose à part de
donner des dents à la loi comme le dirait peut-être le
premier ministre ou certainement l'ancien premier ministre que le ministre du
Travail a bien connu et les syndicats comprennent ce que cela veut dire.
Si parfois on se rend coupable d'infractions dans l'application d'un article
comme celui-là, ce sera juste et raisonnable pour les
propriétaires d'Hydro-Qué-bec, comme le diraient certains membres
du Parti québécois, et je pense qu'on aura eu raison de
l'incorporer dans la loi.
Mme la Présidente, je voudrais terminer là-dessus en vous
disant que nous sommes pour cette loi et nous voulons l'adopter le plus
rapidement possible. Je ne veux pas revenir sur le passé, mais je m'en
voudrais et je serais bien déçu, autant que chaque citoyen du
Québec affecté par la manque de service actuel, s'il fallait que
la même chose se répète pour le projet de loi no 88 que
pour le projet de loi no 62, que les chefs syndicaux recommandent à
leurs syndiqués de ne pas respecter la loi.
Après ce que j'ai vécu hier soir, je ne serais pas surpris
du tout, parce qu'ils ne semblent avoir rien à perdre. Pour eux, ce
n'est pas réellement une convention collective qu'ils veulent
régler, c'est, à mon sens, un système qu'ils veulent
abattre. Ils ne croient plus au système, ils veulent l'abolir
complètement et tous les moyens à leur disposition sont bons.
Comme le dirait le ministre des Finances, on veut faire une
percée. Peut-être une percée, c'est de la stratégie.
Qu'on le pousse à l'extrême, mais qu'on n'en fasse pas un abus.
Actuellement, je pense qu'on est rendu à l'abus. Il y a d'autres moyens
qui pourraient être utilisés pour obtenir les quelque points
auxquels on travaille. D'ailleurs, il y a une couple qui, en les regardant,
seront réglés à l'occasion d'une loi présentement
en discussion, le projet de loi no 17. Je sais que je n'ai pas le droit de
parler d'une autre loi, mais on sait que cela sera réglé. C'est
donc un exemple parmi d'autres démontrant que les six points pourraient
être réduits à deux ou à trois, une fois la
discussion complétée. Mais je dis que ce ne sont pas des points
valables pour priver la population comme on le fait actuellement.
Donc, tout en étant bien conscient des conséquences qui
surgissent à travers la province de Québec, tout en étant
bien conséquent avec moi-même lorsque je demande au gouvernement
de reconsidérer ce petit article qu'on pourrait incorporer à la
loi pour donner des dents à cette loi, je le fais avec toute la
sincérité que je peux avoir et je prie le premier ministre, aussi
bien que son ministre du Travail et le ministre des Finances, de même que
le ministre des Richesses naturelles, qui sont directement impliqués
dans cela, de le regarder sérieusement et de ne pas prendre de risque.
Personne ne leur en voudra, sauf ceux qui auraient de mauvaises intentions.
Ceux qui auraient de mauvaises intentions, eux, vont avoir des raisons de les
critiquer, mais si les syndicats n'ont pas de mauvaises intentions, ils
n'auront pas raison de critiquer un article comme celui-là qui serait
incorporé à la loi. J'invite l'Opposition officielle à
nous appuyer là-dessus, pour faire en sorte que cela soit inclus dans la
loi pour le bien-être des syndiqués, de la population et
d'Hydro-Québec en général.
Mme la Présidente, je vous remercie.
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Ce n'est certainement pas de
gaîté de coeur que nous débattons cet après-midi une
loi d'urgence, mais les Québécois n'attendent pas de nous que
nous ayons l'âme en fête, que nous soyons contents, les
Québécois attendent de nous que nous leur livrions quelque chose
d'essentiel non seulement pour leur confort, mais pour leur existence
même, dans un pays qui est froid, un pays au climat rigoureux et
où on ne peut pas se passer d'énergie, où on ne peut pas
se passer de chauffage. Les Québécois ne nous demandent pas si
nous sommes sympathiques au syndicat, les Québécois ne nous
demandent pas si on a négocié suffisamment, les
Québécois nous demandent d'avoir de l'électricité.
C'est la seule chose qu'ils nous demandent et, à un moment donné,
il faut faire face à nos responsabilités.
Je voudrais cependant m'arrêter et réfléchir
à un certain nombre de données concernant la situation de
l'approvisionnement en électricité ici, au Québec, dans
ces temps difficiles. Il faut quand même amener le
Québécois à se rendre compte que toutes les pannes ne sont
pas dues à la grève, toutes les pannes ne sont pas dues au
syndicat.
Il y a quotidiennement, au Québec les années
passées 100 à 200 pannes à cette période-ci
de l'année. C'est normal qu'il y ait des pannes. Combien y a-t-il de
Québécois qui n'ont pas expérimenté, au cours de
leur vie, l'année dernière ou l'année d'avant, une panne,
où ils sont restés deux heures, trois heures, cinq heures
j'ai déjà passé une journée et demie
à attendre que l'électricité soit
réinstaurée, parce que
c'est normal. Le courant électrique est délicat; il suffit
d'une grésil, il suffit d'une tempête de verglas, il suffit d'un
déséquilibre instantané et on sait qu'on peut facilement
en manquer. Donc, les pannes sont continues au Québec.
Il faut quand même dire aussi que, d'habitude, ce sont les
libéraux qui jouent au poulailler; malheureusement, en ce moment, c'est
l'Union Nationale. C'est la première fois, d'ailleurs, que cela se
produit, mais c'est très désagréable. On ne l'entend pas
au microphone, mais il reste quand même qu'on est totalement incapable de
s'entendre parler. Cela, Mme la Présidente, je regrette, mais
enfin...
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! M. le ministre
de l'Energie et des Ressources, c'est vous qui avez la parole.
M. Bérubé: Merci, Mme la Présidente. Donc,
il y a continuellement de 100 à 200 pannes au Québec dont
souffrent les Québécois, et cela n'a rien à voir avec les
grèves. Au contraire, ce sont les travailleurs d'Hydro-Québec qui
doivent monter, dans des conditions difficiles et dangereuses, sur des lignes
pour rétablir le courant, des fois à moins 30 degrés,
moins 40 degrés sous zéro, par un vent difficile, parce que si
ces pannes se sont produites, c'est généralement parce que les
conditions météorologiques étaient mauvaises. Et ils le
font quotidiennement.
C'est d'autant plus difficile en cette période de l'année
que les circuits sont surchargés. On s'apprête à
fêter Noël et, forcément, on arrive au maximum de production
d'électricité; les circuits sont à la limite de leur
capacité, il faut mettre en production les centrales thermiques. En
d'autres termes, un rien peut déséquilibrer le circuit
actuellement. Le climat n'est pas pour aider les conditions
d'approvisionnement. Donc, il est normal, il est inévitable qu'il y ait
des pannes. Y a-t-il plus de pannes maintenant que d'habitude? Un peu plus et
on le verra tantôt.
Deuxième point qu'il faut élucider: Est-ce qu'une panne
prolongée est nécessairement attri-buable à la
grève? A nouveau, il faut dire non. il y a des pannes qui durent assez
longtemps, il y a des pannes qui sont difficiles. Par exemple, le
député de Richmond m'interrogeait la semaine dernière
concernant un condensateur stabilisateur sur une ligne des Laurentides. J'ai
dû lui répondre que pour effectuer la réparation
correctement, il fallait envoyer l'appareil en usine et qu'il s'agissait,
évidemment, de délais assez prolongés. Fort heureusement,
on pouvait mettre une centrale thermique en production et on pouvait
éviter la panne sur le circuit. Mais il y a des pannes qui sont plus
longues à réparer. Donc, on ne peut pas dire présentement
que toutes les pannes qui sont longues de réparation sont causées
par un refus des syndiqués de travailler.
Il y a quand même des effets de la grève. Par exemple, il
faut en moyenne, au Québec, de deux à trois heures pour
réparer une panne dans les villes; en milieu rural, quatre, cinq ou six
heures.
Or, présentement, on atteint 24 heures et même, je dois
dire que, depuis deux jours, il y a un ralentissement et on tend vers deux
jours. En d'autres termes, il y a véritablement une attente des citoyens
pour voir le circuit remis en opération, une attente qui n'est pas
acceptable. Il faut se mettre à la place d'une famille qui est
privée d'électricité et qui attend patiemment. On appelle
Hydro-Québec une fois, deux fois, trois fois et on regarde le
thermomètre baisser, dans la maison. Après cela, il faut penser
aux tuyaux, il faut penser à l'éclatement des tuyaux si jamais la
température descend trop bas; il faut penser à un endroit
où déménager la famille; ce n'est pas toujours facile,
surtout quand, à un moment donné, cela concerne 70, 100, 200
abonnés dans une région donnée.
Donc, il y a une limite, à un moment donné, à la
capacité de supporter d'une population. Comme les équipes de
service ne sont pas aussi nombreuses, il se produit, à ce
moment-là, des cas isolés de pannes qui sont peut-être trop
isolés pour qu'on s'en occupe immédiatement et là, on va
attendre trois, quatre ou cinq jours. Il y a même des pannes qui durent
depuis douze jours présentement. (17 heures)
En fait, ce qu'on constate, c'est une accumulation lente de pannes. Il y
avait 16 000 abonnés hier. Ce matin, c'étaient 22 855
abonnés. Dans un quartier comme celui d'Hochelaga, vous avez une panne
qui affecte 70 abonnés dont une dizaine d'enfants qui dure depuis quatre
jours. On ne peut plus l'accepter. On ne peut plus la tolérer. De deux
choses l'une, ou le syndicat prend ses responsabilités, ou le syndicat
prend les moyens pour réparer cette panne ou l'Assemblée
nationale prend les moyens pour qu'elle soit réparée. On n'a pas
d'autre choix.
Je ne peux pas dire, M. le Président, que ce problème est
universel à l'échelle du Québec. Non. Je discutais, par
exemple, avec la députée des Iles-de-la-Madeleine qui m'indiquait
que les syndiqués aux Iles étaient fiers de pouvoir dire qu'ils
réparaient toutes les pannes. C'est la même chose dans Matane.
C'est la même chose dans cinq régions sur neuf. Mais il y a quatre
régions où les syndiqués ne veulent pas fournir ce service
à la vitesse qu'il devrait être fourni et ils ont tendance, de
plus en plus, à ralentir leurs activités. Dans un climat de
tension, un climat de relations de travail difficiles, c'est presque
inévitable qu'il y ait toujours aussi quelques fous, quelques
écervelés qui décident de prendre la population en otage.
Le député de Laval avait raison de souligner, à un moment
donné, que dans le parc industriel de sa municipalité, il y avait
panne depuis cinq jours et que cette panne il faut le reconnaître
était directement causée par des syndiqués qui
bloquaient les cadres, les empêchant de faire la réparation
nécessaire. Il s'agissait d'un geste malicieux, volontaire, inacceptable
et intolérable dans notre société.
En fait, ceux qui nous écoutent, M. le Président, en ce
moment, sont ceux qui ont l'électricité. Quand on a
l'électricité, on oublie facilement ceux
qui ne l'ont pas. Ceux qui ne l'ont pas ne nous écoutent pas. Il
y a quand même 4000 citoyens, en ce moment, qui ne nous écoutent
pas, parce qu'ils gèlent. C'est à ceux-là qu'on s'adresse.
Ce sont les citoyens qui manquent d'électricité depuis plus de
deux jours. Evidemment, 4000 devant six millions, on pourra toujours dire:
C'est encore négligeable. Non. Ce n'est pas négligeable, M. le
Président, quand il s'agit de services essentiels. L'autre
problème qui m'apparaît plus grave encore, c'est celui du fardeau
que l'on impose au circuit électrique actuellement. Depuis 22 jours, il
n'y a plus d'entretien préventif. Nous sommes à une
période de l'année où nous allons taxer au maximum les
capacités du réseau. Dans ces conditions, tout est susceptible de
lâcher et va lâcher. Tout ce qui est susceptible de faire
défaut va faire défaut et là, on va s'engager dans un
ensemble de pannes à répétitions. Si le syndicat a
décidé de ne pas réparer, à ce moment-là, on
va faire endurer aux citoyens des peines qui ne sont pas acceptables,
particulièrement dans une période de Noël qui est une
période de paix, une période où les gens ont le droit de
se retrouver en famille, où les gens ont le droit de jouir un peu de la
vie.
Déjà, il y a certaines grandes lignes de transmission qui
ont été affectées par le verglas. On a tenté, tant
bien que mal, de les réparer de manière à pouvoir fournir
le service, mais on a constaté que les lignes ont continuellement
tendance à sauter, plusieurs fois par jour. On sait que les circuits
sont surchargés. Lorsque nous allons approcher de Noël, il va se
produire un déséquilibre et à ce moment-là, on ne
pourra plus fournir l'électricité aux Québécois.
Dans ces conditions, M. le Président, je vous demande au nom de quel
principe pourrait-on attendre. Au nom de quel principe? Je n'en connais pas. Il
n'y a pas de préjugé favorable aux travailleurs, aux syndicats,
à qui que ce soit, qui puisse nous empêcher d'intervenir.
J'ai écouté le député d'Argenteuil
essentiellement s'attaquer au Parti québécois en parlant de notre
vision idyllique de la société vue à travers une lunette
syndicale qui, finalement, nous empêche de voir et de connaître la
réalité. Il a dit: Enfin, vous tombez les pieds à terre.
Vous allez finalement comprendre ce que sont les relations de travail, alors
que vous n'avez rien compris. Vous n'étiez que des idéalistes
dans le passé. Nous n'étions que des idéalistes! Tant
mieux, M. le Président; il n'y en a pas assez d'idéalistes dans
le monde. Nous allons continuer à dire que le syndicalisme est le seul
instrument du travailleur pour améliorer sa condition de vie? Oui, nous
allons continuer à le dire parce que nous le croyons. Est-ce qu'on va
changer d'idée pour cette raison-là? Jamais. Est-ce que notre
vision de la société s'effondre? Non, M. le Président, pas
du tout.
En fait, ce que nous rencontrons comme obstacle aujourd'hui, ce n'est
pas nouveau, cela fait douze ans que je connais cet obstacle. Pourquoi me
suis-je engagé en politique, M. le Président? Je me suis
engagé en politique parce que j'ai confiance qu'un peuple peut, à
un moment donné, avoir suffisamment de fierté, de confiance en
lui-même, de désintéressement, de sens des
responsabilités vis-à-vis de l'ensemble de ses compatriotes, pour
dire: Je me lève et je m'assume. Je sais que, depuis douze ans, j'ai
dû lutter. En 1970, il y avait quoi? 20% de la population qui nous
appuyait. J'ai fait rire de moi. On parlait des pé-quistes, des
communistes et des socialistes. J'ai fait rire de moi. Je m'en rendais compte.
J'ai patiemment expliqué ce pourquoi je me battais. Je n'ai pas
imaginé en partant que tous les Québécois étaient
d'accord avec moi, mais j'étais convaincu que les
Québécois pouvaient se tenir debout, qu'ils étaient dignes
de prendre leurs responsabilités de peuple et cela fait douze ans que je
me bats pour cela, M. le Président.
En fait, je préfère enseigner au Québécois
qu'il est riche, qu'il est capable, lui aussi, de prendre des décisions
qui le concernent. Je préfère faire appel à son sens des
responsabilités que de continuellement chercher à le diminuer,
à l'écraser, à essayer de lui donner l'impression qu'il
est incapable d'aucun désintéressement. C'est cela qu'on a
essayé sur le plan politique. On ne va pas changer d'attitude.
Evidemment, c'est dur quand, à un moment donné, ce sont
nos alliés naturels qui ne comprennent pas. Je dis bien nos
alliés naturels parce que c'est effectivement là que je retrouve
tous mes militants engagés dans le Parti québécois, dans
le mouvement syndical. C'est avec eux que j'ai ces discussions-là. Mais
c'est vrai que c'est dur. C'est dur parce qu'il y a encore de nos militants qui
croient dans le Québec, mais qui sont encore victimes de ces
égoïsmes de classe. Ils ne se rendent pas compte qu'à un
moment donné, lorsqu'on passe son temps à se regarder le nombril
et qu'on a ramené tous les problèmes de la société
à ses propres conditions matérielles, c'est la
société elle-même qu'on détruit. Je ne peux pas
comprendre comment on puisse être à la fois dévoué
à l'idée d'un Québec et, en même temps, être
incapable de faire des arbitrages quand son intérêt personnel est
en cause.
M. le Président, notre premier ministre disait: Si nous avons
fait une erreur, c'est une erreur de confiance. Je préfère faire
une erreur de confiance que de continuellement chercher à diminuer les
Québécois. Il y a des égoïsmes de classe. Il va
falloir que notre société mûrisse. Elle va mûrir
uniquement si on lui montre le chemin du dépassement. D'aucune autre
façon va-t-elle mûrir.
Or, M. le Président, dans le cas présent, on a fait tout
ce qui était humainement possible. La négociation a
été longue. Le syndicat a souligné qu'elle avait
été trop longue: un an et demi. Evidemment, ce qu'on n'a pas dit,
c'est que, parce que également le gouvernement négociait avec le
front commun, plusieurs syndicats, comme celui des fonctionnaires et comme
celui d'Hydro-Qué-bec, ont préféré mettre un peu
sur la glace leur propre négociation pour voir de quel côté
allait la négociation avec le front commun. (17 h 10)
Je dois reconnaître que, sans doute, du côté
gouvernemental, on n'a peut-être pas détesté cela
non plus. On a donc, d'un commun accord, accepté de ne pas
négocier trop fébrilement et d'attendre que tout tombe à
peu près en place en même temps.
Quand, finalement, ces négociations n'ont pas abouti, il y a eu
la conciliation, il y a eu la médiation. Le ministre du Travail a
souligné l'effort qu'il a mis dans cette médiation en y
consentant quatre de ses fonctionnaires les plus experts, ceux qui avaient la
plus longue expérience, ceux en qui il avait la confiance la plus
totale.
M. le Président, je dirais même que nous avons
accepté de commettre une deuxième erreur de confiance. Lorsque
nous avons reçu un télégramme du syndicat qui nous disait
"Nous serions prêts à consentir à un moratoire sur notre
grève générale à la condition que votre
gouvernement nous accorde, dans les jours qui viennent, l'occasion de nous
faire entendre en commission parlementaire de façon à en arriver
à un règlement acceptable", nous avions le choix entre une loi,
un décret obligeant le retour au travail et fixant les conditions,
décret qui nous apparaissait normal, parce que nous avions fait tout ce
qui pouvait se faire pour favoriser le rapprochement des parties en fournissant
tous les services gouvernementaux nécessaires, en consentant toute
l'énergie. D'autre part, le ministre des Finances était
allé au maximum de ce qu'il pouvait accorder sur le plan
pécuniaire, sur le plan financier.
Dans ces conditions, puisqu'on ne pouvait pas donner plus et que le
syndicat ne voulait pas rétablir le service aux citoyens, que nous
restait-il? Il nous restait la loi. Non, il nous restait la proposition du
syndicat de nous asseoir, de l'écouter. Il faut reconnaître qu'il
avait certains arguments valables. Par exemple, les médiateurs ont
souligné que le climat des relations de travail à
Hydro-Québec est pourri depuis dix ans. J'étais prêt hier
soir à proposer une commission parlementaire qui aurait permis de faire
le tour des conditions de travail à Hydro-Québec, non pas dans un
climat de grève, non pas en prenant la population du Québec en
otage, mais dans un climat où la poussière est retombée,
dans un climat où les gens sont retournés au travail, dans un
climat où les Québécois ne sont pas continuellement
menacés d'une panne d'électricité. Dans ces conditions,
oui, M. le Président, en janvier ou février, je trouvais normal
qu'on ait une commission parlementaire pour essayer de vider la question.
Cependant, nous avons dû faire face à deux refus de la part
de la partie syndicale. Le premier refus, c'est celui de ne pas aller voir ses
membres, de ne pas les faire voter sur des conditions de travail que le
gouvernement estimait être le maximum que l'on pouvait accorder à
des travailleurs qui sont déjà bien nantis, maximum sous peine,
simplement, de transférer le coût directement aux citoyens moins
bien nantis, plus pauvres en augmentant les tarifs
d'électricité.
Dans ces conditions, nous avions à faire face à ce refus
du syndicat d'aller voir ses membres. Or, il y a quelque chose de fondamental
pour lequel nous nous sommes battus, c'est la démo- cratie syndicale. Un
syndicat doit aller voir ses membres. Il doit leur soumettre les propositions,
il doit les faire voter. C'est le droit fondamental d'un syndiqué. Nous
avions droit d'attendre cela du syndicat.
Finalement, il y a ce refus du moratoire, qui est devenu évident,
hier, lorsque le leader du gouvernement a proposé au syndicat que nous
reprenions la commission parlementaire ce matin et qu'un député
de l'Opposition a demandé: "Et le moratoire que vous aviez promis?" Le
syndicat est revenu, après consultation, pour dire qu'il n'y aurait pas
de moratoire. Dans ces conditions, nous n'avions pas beaucoup de chances. Nous
n'avions pas le choix. En fait, je pense encore qu'il nous faut voter cette
loi, qu'il nous faut retourner les syndiqués d'Hydro-Québec au
travail, d'une part. Il nous faut rétablir le service de
l'électricité aux Québécois et je pense qu'il nous
faut également, en févrir, quand les passions se seront
apaisées, non seulement peut-être j'en suis parfaitement
convaincu, et je suis prêt à m'y engager au nom du gouvernement
nous asseoir en commission parlementaire et réexaminer à
ce moment-là tout le dossier des relations de travail à
Hydro-Québec.
Le Vice-Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, quand j'entendais les propos
du ministre de l'Energie et des Ressources concernant la commission
parlementaire hier soir et ce qui s'est passé à cette commission,
je me demande si on était à la même commission, parce que
l'interprétation que le ministre fait de ce qui s'est passé hier
soir omet, je pense, cette interprétation des faits assez importants qui
changent complètement les derniers propos du ministre. Le ministre vient
de nous dire qu'il est prêt à entendre et qu'il était
prêt hier soir à entendre la commission parlementaire et les
syndiqués, le syndicat à une commission au mois de janvier ou au
mois de février. M. le Président, c'est exactement ce que les
syndicats ont proposé à la suite de questions que l'Opposition
officielle leur a posées. Les syndicats étaient prêts, hier
soir, à offrir un moratoire commençant à 8 heures ce matin
si le gouvernement s'était engagé à tenir cette commission
au mois de janvier, pour entendre les syndicats, entendre les griefs qu'ils
avaient, entendre les syndicats sur les six points sur sept sur lesquels ils ne
s'entendaient pas.
Je ne comprends pas, M. le Président, I impression que le
ministre de l'Energie veut essayer de créer aujourd'hui en nous disant
qu'il était prêt, il parle de paix, c'est le temps de Noël,
pourquoi les syndicats font-ils cela? Il voulait leur accorder cette commission
au mois de janvier ou au mois de février. C'est absolument faux. Si cela
n'avait pas été des questions de l'Opposition officielle qui ont
fait obtenir des syndicats cet engagement d'un moratoire à 8 heures, il
n'aurait même pas eu cet engagement et le gouvernement a refusé
catégori-
quement parce que, dit le gouvernement, il ne veut pas créer de
précédent. J'ai des nouvelles pour ce gouvernement. Il y en a eu
d'autres commissions parlementaires où on a entendu les syndicats, par
exemple, dans le conflit de Radio-Québec il y a deux ans. Cela faisait
des années que cela durait. J'en parle parce que j'étais
présent à cette commission.
Il y en a eu d'autres auxquelles mes collègues ont
assisté, mais dans ce cas-ci spécifiquement, cela faisait des
mois qu'ils étaient en grève. On a eu la commission
parlementaire. Les syndicats sont venus. Le patronat est venu. On a entendu les
deux côtés. On a émis un voeu. La commission parlementaire
a émis un voeu à ce moment et elle aurait pu faire la même
chose, mais il aurait fallu, cependant, que le gouvernement soit de bonne foi
hier soir. Il aurait fallu que le gouvernement soit moins arrogant, moins
négatif, moins provocateur envers les syndicats de refuser même
d'entendre. Il aurait fallu que le gouvernement donne le mandat d'entendre les
syndicats sur les points qu'ils voulaient soulever. Ce n'était pas
cela.
M. le Président, c'est vous-même qui présidiez hier
soir et vous avez donné le mandat que le leader parlementaire avait
confié à la commission parlementaire et ce mandat était
très restreint. On pouvait seulement entendre les raisons pour
lesquelles le syndicat ne voulait pas apporter ses offres aux syndiqués
et pourquoi il refusait l'offre des médiateurs. On ne pouvait même
pas, on violait le règlement en questionnant et en soulevant les points
de litige, les points sur le fond. M. le Président, je crois que le
ministre de l'Energie, par les propos qu'il a tenus, a induit cette Chambre en
erreur en essayant de nous faire croire qu'il était prêt à
tenir la commission parlementaire et que ce sont les syndiqués qui ont
refusé.
M. le Président, cela ne change pas le fait que nous faisons
face, aujourd'hui, à une situation qui est très sérieuse
pour des milliers de personnes dans la population et qui pourrait devenir
encore plus grave et dangereuse pour toute la population. Quand le ministre a
fait, cela fait deux semaines qu'il se lève et qu'il nous donne le
nombre de pannes, c'est tout ce qu'il nous donne. Il nous donne des
statistiques sur le nombre de pannes. Il dit: Ce n'est pas la grève qui
cause les pannes. Ecoutez, M. le Président, il y a des pannes, je peux
le certifier, dans le comté de Mont-Royal; depuis mercredi dernier, il y
a à peu près 30 familles qui n'ont pas
d'électricité et le ministre de l'Energie demande au nom de quel
principe nous pouvons attendre pour cette loi? Mais pourquoi n'a-t-il pas
posé cette question il y a deux semaines? Pourquoi vient-il de se
réveiller ce matin, après que des milliers et des milliers de
personnes eurent subi des dommages considérables. Ils ont subi des
ennuis. Ils ont subi des pertes considérables, le manque de chauffage et
tout ce que cela entraîne. (17 h 20)
Ce matin, on essaye de nous faire croire qu'on prend les
intérêts de la population en considération. Où
était ce gouvernement au début, quand le manque de services
essentiels s'est produit? On attendait. Ce n'est pas une excuse pour le
gouvernement, pour le ministre du Travail de dire: II y a des
procédures, il faut aller en conciliation, il faut aller en
médiation. Pendant ce temps, les services essentiels ne sont pas
fournis. Il n'y a aucune excuse au monde qui peut justifier un gouvernement qui
tolère le manque de ces services essentiels à la population.
C'est une situation inhumaine qui a été produite.
Quand le ministre des Finances pose la question, je l'écoutais,
il disait: Est-ce que les demandes du syndicat sont justifiées? Est-ce
qu'elles justifient une grève de ce genre? Je prétends que le
ministre des Finances ne comprend pas le problème. Ce n'est pas la
question à poser si les demandes du syndicat justifient la grève.
Parce que le corrollaire serait que si les demandes justifiaient la
grève, est-ce que cela veut dire qu'on peut enlever les services
essentiels? Ce n'est pas la question à poser. La question qu'on doit
poser c'est: Que devons-nous faire pour restaurer les services essentiels? Ce
n'est pas de faire le procès aujourd'hui des demandes du syndicat.
Premièrement, ils ne sont pas ici pour se défendre.
Deuxièmement, il a fait un tour de table de quelques points, il en a
omis d'autres. Cela crée une impression sur la population qui,
peut-être, est fausse.
La question essentielle est la suivante: Que devons-nous faire pour
restaurer les services essentiels? Ce n'est pas question d'aller dans les
questions du conflit de travail, les points en litige. Est-ce que ce sont les
syndiqués qui ont tort? Est-ce que c'est Hydro-Québec? Il faut
restaurer les services essentiels.
Quand, de ce côté-ci de la Chambre, on parle des droits
individuels, le côté ministériel se moque de nous. On
soulève les droits individuels et on a des sourires et des moqueries.
Vous voyez les conséquences aujourd'hui de leur refus de
reconnaître ces droits individuels. Les personnes qui ont
été affectées par cette grève, les pères de
famille, les enfants, les vieillards, tous ceux qui subissent des pertes et qui
subissent des ennuis, eux aussi ont des droits. On le voit ici, c'est un
exemple parfait du droit de la collectivité. La collectivité,
c'est le syndicat. Il ne s'en est pas occupé des droits individuels, des
droits fondamentaux de survie qui peuvent toucher ces personnes.
J'espère que le côté ministériel va porter un peu
plus d'attention et se moquera moins des questions des droits individuels qui
font la base de notre société. On voit que quand on ne les
respecte pas, nous nous trouvons dans le problème, dans la situation
où l'on se trouve aujourd'hui.
Le gouvernement n'est pas sans blâme dans ce litige. Il n'est pas
sans blâme dans la question de ce projet de loi. Il aurait pu et il
aurait dû introduire un projet de loi pour restaurer les services
essentiels dès la minute où ces services étaient
dépourvus à la population, que ce soit à 100, à 10,
à 1000 abonnés, il aurait dû agir.
On posait des questions ici en Chambre tous les jours, on ne demandait
pas d'imposer une convention collective, ce qu'il fait par ce projet de
loi-ci. Ce n'est pas cela qu'on demandait. On ne demandait pas de se
faire donner la liste, les statistiques par le ministre de l'Energie, savoir
combien de pannes et il soulignait, il essayait de faire croire que ce
n'était pas la grève qui causait les pannes; c'était la
grève qui faisait que ces pannes n'étaient pas
réparées. On s'est fait nourrir d'une série de
statistiques, d'une série d'excuses, d'une question de médiation,
d'une question de pourparlers entre les syndiqués et le syndicat et
Hydro-Québec, mais on n'agissait pas. C'est sur ce point que ce
gouvernement est à blâmer de ne pas avoir agi, parce qu'on ne peut
pas attendre que la situation empire encore davantage. Il y a des milliers de
personnes qui subissent des dommages, qui subissent des conséquences
terribles.
Le fait qu'on ait présenté aujourd'hui ce projet de loi
n'excuse pas le gouvernement de ne pas avoir agi plus tôt. Ce n'est pas
une excuse. Dans les services essentiels, on ne peut pas excuser l'inaction du
gouvernement par référence aux étapes de la
négociation et au rapport du médiateur. Même si on voulait
parler du rapport du médiateur, cela fait depuis la semaine
dernière que les médiateurs ont donné ce rapport et tout
ce que le gouvernement a fait, cela a été d'attendre encore. Cela
fait au moins cinq jours je crois que c'est jeudi dernier
très importants qui ont causé d'autres ennuis et d'autres
dommages à des milliers de personnes.
En conclusion, on peut dire que le public a droit aux services
essentiels. En ne les assurant pas à la population, le gouvernement
actuel nous a démontré, dans ce cas-ci, qu'il ne sait pas
gouverner. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le premier ministre, vous avez la
parole.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je tenais
à intervenir à mon tour, si brièvement que ce soit, car je
n'ai pas envie de répéter tout ce qui a été dit. Je
tenais donc à intervenir pour faire ma part, moi aussi, dans une besogne
qui n'est pas parmi les plus agréables, mais qui est à notre
avis, nécessaire et pour dire aussi une certaine tristesse que nous
inspire et que m'inspire, je dois le dire, très personnellement la
décision à laquelle nous nous sommes trouvés
acculés. Je pense que je n'apprendrai rien à personne en
rappelant qu'Hy-dro-Québec, en quelque sorte, a fait partie de ma vie
pendant un certain nombre d'années; cela fait partie d'une fierté
que je ressens depuis longtemps. Cela, de toute façon, ne s'effacera
pas, mais je n'aurais jamais imaginé que le climat entourant
Hydro-Québec pourrait se dégrader au point où on en
arriverait à ne plus avoir d'autre recours que de décréter
des choses fondamentales en dehors des parties, comme on est obligé de
le faire aujourd'hui.
Pendant cette ronde triennale qui revient comme une fatalité,
c'est la deuxième fois en quelques semaines que nous avons à le
faire de façon différente. C'est aussi pénible que la
première fois. Je peux rassurer tout de suite ceux qui penseraient que
nous sommes en train d'effectuer un énorme virage à droite, que
je ne pense pas que cela puisse devenir une habitude facile pour le genre de
gens qu'on est de ce côté-ci. Seulement, il y a une chose que je
voudrais rappeler: Jamais, contrairement à certains propos faciles de
gens qui ne vérifient pas beaucoup ce qu'ils disent, on ne s'est
interdit d'aucune façon, ni par écrit ni autrement, parce que
cela aurait été de l'irresponsabilité totale, ce recours
qui est un recours ultime, comme des fois la grève devrait être
aussi un recours ultime, qui est celui de l'intervention du Parlement.
A ce propos, le chef de l'Opposition il n'est pas le seul, le
député de Mont-Royal vient de dire un peu la même chose
à sa façon et il y a aussi d'autres porte-parole de l'Opposition
qui ont employé un peu les mêmes termes le
député d'Argenteuil a été le premier à
parler d'une certaine lenteur qui avait, si on veut, préparé
autrement dit, c'était venu trop tard, à son avis
cette décision. Je ne rappellerai pas, d'autres l'ont fait, tous les
efforts qui ont été fournis depuis quelques semaines pour
tâcher, au maximum, d'éviter ce qui constitue, encore une fois
c'est la deuxième un échec cuisant sur le plan de
la responsabilité collective et sur le plan de la démocratie
vécue aussi.
Je dirai simplement qu'effectivement, à cause de ces efforts
qu'on a faits, il a découlé une certaine lenteur dans la
préparation de la décision finale. Il nous semblait et il nous
semble encore que cette lenteur, qui accompagnait les étapes, fait
partie d'un processus normal qu'il faut quand même respecter. Mais, si
c'est indiqué, on devrait peut-être s'excuser de cette lenteur
auprès des citoyens, surtout parmi les plus démunis souvent, qui
ont eu l'impression d'attendre trop longtemps. (17 h 30)
Mais le fait est que, sur certains points, on s'est acharné
à espérer pendant quelques semaines, et en particulier pendant
les quelques derniers jours, même en désespérant de plus en
plus, que peut-être il y avait moyen cette fois de régler sans
qu'il y ait de pots cassés.
Depuis hier soir, c'est-à-dire en réalité ce matin,
aux petites heures, on est arrivé au point de non-retour à la fin
de la commission parlementaire. C'est vrai qu'on a pataugé
peut-être un peu plus, nous de ce côté-ci, parce qu'on a
été obligé de prendre la décision, pendant cette
commission parlementaire, mais il reste une chose très claire, c'est
qu'autour de 2 h 30, 3 heures du matin, à la veille des Fêtes, au
moment où la demande maximale va arriver dans le réseau, face
à la fragilité croissante de ce réseau par manque
d'entretien et par un froid sibérien qui promet de durer encore pendant
un bout de temps, à ce moment-là, quand on s'est fait refuser, en
dépit d'un engagement qui avait paru clair ces jours derniers, le
moratoire de la grève et, de plus, même si la pratique normale, je
dirais même la pratique morale, dans un cas comme celui-là, la
pratique morale la plus évidente aurait exigé, au
moins depuis quelques jours, un retour sans délai des dirigeants
syndicaux auprès des membres et propriétaires du syndicat ou des
syndicats concernés, on refusait, on continuait mordicus de refuser
d'aller au vote. A ce moment-là, je pense que, comme d'autres et
il n'y a pas moyen de conclure autrement on s'est dit: II va maintenant
agir, encore une fois, par le bras législatif.
Pourtant, dans un autre contexte très récent, où
les analogies sont frappantes, parce que, là aussi, il s'agit de choses
essentielles, de services essentiels, un des plus respectés de tous les
dirigeants syndicaux du Québec, le secrétaire
général de la Fédération du travail, M. Fernand
Daoust, avait ceci à dire et c'est incroyable ce que, mutatis
mutandis, cela s'applique au cas qui nous occupe en ce moment. M. Daoust disait
ceci, au moment peut-être de la tension maximale dans le front commun:
"II nous semble impérieux d'entourer le déclenchement d'une
grève dans le secteur public et parapublic, et particulièrement
dans le secteur hospitalier, secteur névralgique c'est ce qui se
posait à ce moment-là comme problème d'infinies
précautions, et la plus élémentaire de ces
précautions, et c'est là que l'exercice de la démocratie
syndicale prend tout son sens, c'est de vérifier si les mandats obtenus
au moment où le dossier de la négociation justifiait de poser un
geste de grève, si ces mandats ont la même qualité, la
même valeur, lorsque le dossier a connu un avancement qui laisse poindre
à l'horizon un règlement possible à court terme". C'est
très précisément ce que les dirigeants ont refusé,
sans vouloir employer le ton péjoratif, mais c'est une structure
très dure, très forte, un "establishment" comme on dit, ce que
l'"establishment" syndical a refusé mordicus de pratiquer, cette infinie
précaution ou même les précautions
élémentaires pour revérifier des mandats.
Encore une fois, les hôpitaux, le courant électrique en
plein hiver, encore une fois, dans un des deux secteurs les plus
névralgiques de toute la société, il y a eu un abus
flagrant de la force que détiennent dans leurs mains des dirigeants
syndicaux qui partent avec un mandat et qui, pendant des mois, s'en contentent
même quand des négociations sont tellement avancées qu'il y
a évidemment un règlement qui est là. C'est un abus
flagrant et c'est une irresponsabilité qui ne peut pas être
tolérée dans une société la moindrement
responsable. C'est un abus de la force, à même, justement, la
fragilité du secteur dont il est question. C'est un abus avec une
dureté ou une espèce d'indifférence totale à
l'égard de citoyens qui sont sans défense devant une telle
pratique et c'est une chose qui ne fait honneur à personne.
Je suis sûr parce que je le sais de bonne source, de source
directe, qu'à la base, comme on dit si souvent, chez les
syndiqués de la base, il y a eu beaucoup de membres frustrés,
mais littéralement poignés, comme on le dit couramment, dans la
solidarité fondamentale de l'appartenance syndicale. Mais ils
étaient aussi et ils se sentaient insultés par l'ignorance de
leur opinion dont leurs propres dirigeants persistaient à faire la
preuve, ce qui nous a amenés en conscience à
légiférer d'urgence, comme nous le faisons aujourd'hui, avant
l'ajournement de la Chambre, avant les Fêtes.
La façon dont nous le faisons a été mise en doute,
en passant, par le chef libéral ce matin, à partir de certains
exemples qu'il a pigés dans d'autres lois spéciales où il
a trouvé qu'on gardait quand même la porte ouverte, au-delà
de la législation spéciale ou d'exception, à quelques
tractations additionnelles sous forme d'arbitrage ou même d'une poursuite
des négociations. Le chef libéral a des consultations très
sélectives. Il a pris certains exemples. Il en a oublié beaucoup
d'autres. Rien que nos amis d'en face, sans compter le fédéral,
en ont eu une douzaine en six ans, de ces lois d'exception. Il a oublié
les exemples où c'était la décision contraire qui semblait
s'imposer, c'est-à-dire une décision finale
décrétée comme celle que nous avons cru devoir prendre
aujourd'hui. La différence entre les deux dépend, sauf erreur,
pour l'essentiel et peut-être que le ministre du Travail pourra
illustrer cela par certains cas de l'état d'avancement,
l'état de finalisation des négociations qu'affectent ces lois, ce
qui, par exemple le ministre des Finances je pense, l'a très bien
rappelé tout à l'heure était le cas de la loi 62
où des négociations non seulement n'étaient pas
terminées, mais promettaient de jour en jour ou, en tout cas, à
très brève échéance, de déboucher sur un
règlement.
A ce moment-là, il nous a paru que, tout simplement, il fallait
un moratoire parce que la grève était absolument
prématurée. La preuve a été faite, d'ailleurs, dans
les faits qu'elle était prématurée, qu'elle n'avait pas
raison d'avoir lieu, tandis que dans ce cas-ci, tous les mécanismes
prévus ou prévisibles, y compris les mécanismes
exceptionnels jusqu'à la médiation spéciale, ont
été parcourus et ont été épuisés et,
par-dessus le marché, ont donné jusqu'ici comme résultat
des progrès au point de vue syndical qui continuent de maintenir une
avance des gens d'Hydro-Québec par rapport à tout le monde qui
peut y être comparable de près ou de loin, y compris même le
front commun.
Si les percées additionnelles que recherchaient les dirigeants
syndicaux avaient été exposées à la formule
qu'assez légèrement, d'ailleurs, le chef de l'Opposition
évoquait ce matin, je pense que cela aurait été
profondément hypocrite de notre part, pour la bonne et simple raison que
ces percées additionnelles, en conscience, le gouvernement n'aurait pas
pu les accepter, quel que soit le mécanisme additionnel qu'on aurait
prétendu improviser pour faire semblant de ne pas avoir atteint le bout
des possibilités, parce que cela aurait été purement et
simplement faire semblant. Il y avait un prix déjà très
lourd qu'on ne pouvait pas dépasser pour acheter la paix encore une fois
et, par conséquent, la suggestion facile, la critique superficielle du
chef de l'Opposition n'aurait pu donner qu'un processus purement artificiel et
qui aurait abouti essentiellement à une tromperie des gens.
II nous a semblé plus honnête et il nous semble plus
honnête, comme cela s'est déjà fait à maintes
reprises, c'est-à-dire les reprises que le chef de l'Opposition
libérale n'a pas citées, de fixer les conditions dans la loi, ce
qui n'exclut absolument pas et spécifiquement sur HydroQuébec, en
particulier, comme d'ailleurs s'est à peu près engagé au
nom du gouvernement et je suis prêt à endosser
immédiatement au nom du gouvernement aussi ce qu'il a dit
l'engagement qu'a pris le ministre de l'Energie sur l'ensemble des relations de
travail en ce qui concerne HydroQuébec. Cela nous permettra, comme
d'ailleurs d'autres occasions vont venir à partir du début de
l'année, de remettre sur le métier une réflexion, à
la lumière de toutes les dernières expériences et toutes
les expériences malheureuses accumulées, absolument essentielle
c'est le cas de le dire sur le pataugeage infect dans lequel tout
le monde se trouve et nous, à notre tour, en ce qui concerne cette
notion des services essentiels. (17 h 40)
Hydro-Québec en souligne douloureusement justement l'urgence,
parce que là non plus, cela n'a pas réussi. D'ailleurs, cette
réflexion additionnelle qu'on doit s'imposer permettrait peut-être
aussi au chef de l'Opposition libérale d'approfondir encore un peu les
belles certitudes quelque peu fragiles et, par-dessus le marché,
successives et contradictoires, à l'occasion, qu'il
énonçait ce matin à propos de la conduite
éventuelle de nos amis d'en face dans ce domaine. Peut-être, avant
la fin de la deuxième lecture, je rappellerai au député de
Jean-Talon, avant qu'il fasse du scepticisme facile, que nos amis auront
l'occasion de voir ce que je veux dire; mais je laisse le plaisir de le faire
à quelqu'un d'autre.
Quoi qu'il en soit, j'espère que ce projet de loi no 88 qui est,
à notre avis, à la fois une loi nécessaire pour l'ensemble
de nos concitoyens et une loi plus qu'équitable pour les travailleurs
concernés, aura sans délai l'effet souhaité,
c'est-à-dire qu'elle permettra aux syndiqués
d'Hydro-Québec, dont un très grand nombre dans plusieurs
régions ont quand même fait tout le long du chemin et dans un
contexte plutôt pénible, très consciencieusement leur
devoir, et dont bien d'autres ont rongé leur frein pendant cette
grève avec laquelle, fondamentalement, ils n'étaient pas
d'accord, de tous rentrer, dès ce soir ou demain, au travail avec des
conditions qui, à tout point de vue, sont non seulement honorables, mais
aussi plus avantageuses que jamais. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, dans tout ce débat, on
semble attacher beaucoup plus d'importance à tout ce qui s'est
passé dans la négociation, à tout ce qu'on devrait
possiblement changer dans les procédures de négociation, qu'on en
passe à parler de la situation dans laquelle se trouvent des milliers de
citoyens, c'est-à-dire celle d'être privés de ce service
essentiel que constitue l'électricité.
Le projet de loi no 88 que le gouvernement nous présente ordonne
aux travailleurs d'Hydro-Québec de retourner au travail à compter
de 0 h 1 ce soir. L'Opposition officielle a déjà indiqué
très clairement, comme l'Union Nationale d'ailleurs, que nous entendons
appuyer le vote de deuxième lecture aussi bien que l'adoption, à
toutes les étapes, de ce projet de loi de façon que,
effectivement, ce soir à 0 h 1, les travailleurs d'Hydro-Québec
retournent au travail et réparent les pannes d'électricité
qui privent des milliers de citoyens je le répète
de ce service essentiel.
Pas un seul des intervenants jusqu'à présent n'a
osé suggérer que le syndicat ou trois syndicats qui
représentent les employés, qui savent déjà qu'on
adoptera effectivement le projet de loi 88 avant minuit ce soir, pas un seul,
surtout du côté ministériel, n'a osé suggérer
ou demander à ces syndicats de retourner tout de suite au travail, d'y
retourner à 18 heures ou presque et de rétablir ces pannes de
courant qui, quoi qu'en dise le ministre de l'Energie qui nous disait
tantôt... M. le Président, est-ce qu'on peut demander au
député de Papineau de ne pas me déranger, pour une
fois?
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Vous
avez la parole.
M. Gratton: Le ministre de l'Energie disait tantôt: II y a
seulement 4000 citoyens du Québec qui sont privés
d'électricité depuis plus de deux jours. Je dis que, lorsque le
ministre de l'Energie dit cela, il est mal renseigné ou il ment, parce
que, seulement dans la ville d'Aylmer, comté de Gatineau, à moins
qu'on ait réparé la panne depuis une heure, il y a 4600
abonnés. Cela veut dire au-delà de 10 000 citoyens dans la seule
ville d'Aylmer qui sont privés de courant électrique depuis
maintenant 51 heures. Je ne parle même pas des centaines, sinon des
milliers de citoyens qui sont également privés, depuis le
même moment, d'électricité dans la région de la
vallée de la Gatineau, à Kazabazua entre autres, où aucun
service électrique de quelque sorte, dans quelque institution que se
soit n'existe depuis le même moment.
On va espérer que les employés retourneront au travail
à 0 h 01. On va surtout espérer que les dirigeant syndicaux
donneront le mot d'ordre à leurs membres d'y retourner. Il me semble que
la décence même exigerait que ces mêmes personnes retournent
tout de suite au travail et procèdent dès maintenant à
réparer ces pannes d'électricité.
M. le Président, vous me permettrez de vous lire le texte de deux
télégrammes. J'en ai, d'ailleurs, reçu plusieurs, mais je
n'en lirai que deux qui illustrent bien à quel point en sont rendus
certains administrateurs municipaux face à la frustration qu'ils
éprouvent depuis bon nombre de jours. J'ai reçu ce matin ce
télégramme du conseil municipal d'Aylmer qui informe le premier
ministre d'une résolution adoptée hier par le conseil de la
ville: "Entendu qu'une partie de la population du territoire de la ville
d'Aylmer est dépourvue de ser-
vices d'électricité, soit les secteurs parc Champlain,
Deschênes, Chemin de la Montagne, Sky-ridge et Lakeview Terrace; entendu
que ces secteurs sont privés d'eau potable, de chauffage et
d'électricité et se voient obligés d'abandonner leurs
propriétés; entendu que cette situation ne peut plus être
tolérée et a causé assez d'inconvénients et de
préjudices à une grande partie de la population; entendu que la
grève force l'usage de foyers et qu'une propriété d'une
valeur de $100 000 a été complètement incendiée
dans la nuit du 16 décembre 1979 et que deux autres incendies ont
causé des dommages de $10 000 à $12 000 à chacune des
propriétés et que des sous-sols sont inondés causant
actuellement des dommages, il est résolu que le conseil de la ville
d'Aylmer demande au gouvernement du Québec et au syndicat un
règlement immédiat d'une situation qui met en péril la vie
des résidents d'Aylmer. Ce conseil est aussi d'avis que le gouvernement
devrait agir dans tous les domaines des services publics qui causent
préjudice aux citoyens en enlevant le droit de grève dans ces
secteurs.
C'est là, M. le Président, le souhait de plus en plus
souvent exprimé par les citoyens du Québec d'enlever ce droit de
grève non seulement aux employés d'Hydro-Québec, mais on
mentionne le secteur public.
Un télégramme du conseil de comté de Gatineau, M.
le Président. Avant qu'on ne dise: Le comté est
représenté par un député libéral, cela doit
être strictement les libéraux dans ce coin, ce sont des amis qui
s'envoient des télégrammes, je dirai tout de suite, M. le
Président, que le préfet du comté de Gatineau est un bon
ami, un bon sympathisant du Parti québécois, M. Hubert Tremblay,
maire de Sainte-Thérèse-de-Gatineau, que je respecte beaucoup, M.
le Président, mais à qui on ne peut pas prêter
d'allégeance au Parti libéral.
Voici ce que le préfet du comté et les membres du conseil
d'administration de la corporation du comté de Gatineau nous
écrivent dans un télégramme dont j'ai reçu copie et
qui est adressé au premier ministre en date d'aujourd'hui: "Sollicitons
intervention immédiate de votre gouvernement. 600 familles sont
privées d'électricité dans la région de Kazabazua
depuis 24 heures et c'était à 11 heures, ce matin, M. le
Président Situation alarmante. La colère monte, la
population posera des gestes, si la situation persiste, et qui auront des
conséquences irréparables. Ce n'est pas tout de passer des lois
sociales, si, du même souffle, on lance des armes aussi dangereuses que
le droit de grève dans les domaines public et parapublic à ceux
qui sont chargés de voir au mieux-être de la population. Demandons
l'abolition immédiate du droit de grève dans le secteur public et
parapublic".
M. le Président, je pense que ces deux télégrammes
témoignent bien de l'angoisse, de la frustration qu'éprouvent les
administrateurs publics partout dans une situation comme celle que nous
connaissons depuis maintenant trop longtemps, depuis 22 ou 23 jours, M. le
Président. (17 h 50)
J'entendais le premier ministre nous dire tantôt que le
gouvernement agit maintenant, parce que vous savez que les Fêtes s'en
viennent, qu'on arrive à l'heure de pointe, que le réseau,
à cause du manque d'entretien, est toujours de plus en plus susceptible
de crouler. Ce sont là, M. le Président, des excuses pour ne pas
avoir agi au moment où il aurait été nécessaire
pour un gouvernement d'agir, c'est-à-dire dès le moment où
on a constaté que les services essentiels n'étaient pas
assurés adéquatement par les syndicats aussi bien que par
Hydro-Québec.
Dès mardi dernier, M. le Président, le 11 décembre,
on est au 18, on demandait au gouvernement d'assumer ses
responsabilités. On lui faisait part de pannes
d'électricité affectant 40 familles dans un cas, à Queen's
Park, une dizaine de familles dans Larrimac, à Hull-Ouest, qui durait
depuis, à ce moment, quatre jours et qui effectivement n'a
été réparée que deux jours plus tard,
c'est-à-dire, six jours, M. le Président.
A ce moment, c'était ce même ministre de l'Energie qu'on a
vu se livrer à combien d'angoisse tantôt, à combien de
lyrisme tantôt, c'est ce même ministre qui nous disait: La
situation est la suivante, il y a X nombre de grèves qui durent depuis Y
nombre de jours; la situation n'est pas normale, mais cela ne va pas si mal et,
de toute façon, le gouvernement n'entend pas faire quoi que ce soit
avant qu'on ait le rapport des médiateurs.
Le rapport des médiateurs est déposé;
immédiatement, les syndicats se prononcent: On refuse non seulement de
l'accepter, on refuse même de le soumettre au vote des syndiqués.
On offre, par contre, d'imposer un moratoire, de lever la grève à
condition d'être entendus en commission parlementaire. Le premier
ministre, les ministres du gouvernement n'ont même pas fait de
commentaires sur cette offre. On se doute bien qu'il a pu y avoir des
conversations téléphoniques entre eux et les représentants
syndicaux, mais, à notre connaissance à tous, à la
connaissance de la population, rien. On avait l'offre d'un moratoire dès
jeudi ou vendredi dernier, on aurait pu tout au moins y songer, y
réfléchir, accepter, dans une certaine mesure, dès jeudi
dernier la commission parlementaire qu'on a eue de toute façon hier
soir, et à ce moment, on aurait évité à combien de
milliers de citoyens d'être privés d'électricité.
Non. On s'imaginait, du côté du gouvernement, je ne sais pas trop
ce qu'on s'imaginait, mais peut-être bien qu'on se disait: Notre
scénario n'est pas prêt, il va falloir y penser, il va
peut-être falloir surtout convaincre les députés
ministériels qui ont certaines allégeances syndicales que je ne
leur reproche pas, mais qui sont tout à fait absents de ce débat
depuis qu'il a commencé ce matin.
On a eu l'impression que la commission parlementaire d'hier soir... Hier
matin encore, le premier ministre nous disait: II n'en est pas question de la
commission parlementaire et tout à coup, hier après-midi, on
avait effectivement la convocation pour 10 heures hier soir, 22 heures, de
cette commission parlementaire. Je vous dirai
bien sincèrement qu'hier soir, pour y avoir assisté
à titre d'observateur jusqu'à la fin, j'ai eu l'impression que la
seule raison d'être de cette commission, c'était de sensibiliser
certains députés du Parti québécois à la
nécessité ou, tout au moins, à l'opportunité
d'accepter qu'on dépose une loi spéciale aujourd'hui, le projet
de loi no 88. C'est tout ce qu'on a fait, hier, à la commission
parlementaire. On a monté un scénario de toutes pièces,
oui.
Le ministre du Travail, ce défenseur des travailleurs
québécois, a été d'une suffisance et d'une
arrogance telle que même moi, qui ne suis pas reconnu pour mes attaches
syndicales, en ai été surpris. Hier, y a-t-il un seul membre du
Parti québécois qui a posé quelque question que ce soit
à Hydro-Québec?
Une Voix: Non.
M. Gratton: Non. Hydro-Québec a complètement
raison. Elle ne peut avoir tort. Lorsque les représentants syndicaux
alléguaient certains gestes posés par Hydro-Québec,
certains gestes qui n'étaient sûrement pas susceptibles d'en
arriver à un règlement du conflit, est-ce qu'on a demandé
des détails, est-ce qu'on a demandé des réactions à
Hydro-Québec? Mais non! Le ministre du Travail est le patron dans ce
conflit, il représente le patron, Hydro-Québec. Je me demande, si
la situation avait été la suivante... supposons qu'au lieu d'une
grève des employés de l'électricité, on aurait eu
une grève des employés d'une multinationale distributrice de
pétrole...
Une Voix: Oh!
M. Gratton: ... supposons, pour un instant, que Esso
Impérial, Shell, BP et d'autres voient leurs employés en
grève, on ne distribue plus d'huile à chauffage dans les foyers
québécois, je me demande si on aurait attendu 22 jours de ce
côté-là pour présenter un projet de loi ordonnant le
retour au travail de ces employés. Je me demande si le projet de loi
qu'on aurait présenté à l'Assemblée nationale
aurait imposé un rapport de médiateur qui est, en fait,
rejeté quant à six de ses sept points par le côté
syndical et accepté par le côté patronal. Je me pose la
question si ces maudites multinationales, comme les a qualifiées le
ministre de l'Energie la semaine dernière en cette Chambre, n'en
auraient pas mangé tout un coup du ministre du Travail et de ses
collègues du Parti québécois!
Le ministre peut hocher la tête, il peut faire des grimaces il en
a fait suffisamment hier pour que l'ensemble des syndiqués
d'Hydro-Québec se rappelle sa "bine" pour longtemps. Quant à moi,
je dis que ce gouvernement s'est comporté de la façon la plus
hypocrite possible.
M. le Président, je terminerai après 18 heures. Quand on
sera rendu là, je vous demanderai la suspension. Cela va?
Le Vice-Président: On ne suspend pas à 18 heures,
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: On verra à ce moment-là, M. le
Président.
Le Vice-Président: On ne suspend pas à 18
heures.
M. Gratton: Je dis donc que le gouvernement...
M. Johnson: Question de règlement, simplement pour le
bénéfice du député de Gatineau. Etant donné
qu'il y a suspension des règles de la Chambre, théoriquement on
continue jusqu'à ce qu'une entente visant à suspendre pour une
certaine période intervienne.
Le Vice-Président: C'est ce que j'allais dire, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Justement, M. le Président, je pensais avoir
eu connaissance qu'il y avait effectivement entente et qu'il y aurait
effectivement suspension à 18 heures.
M. le Président, quant à moi, le gouvernement a
évité trop longtemps de prendre ses responsabilités.
Lorsqu'au 10 décembre et au 11 décembre on a demandé au
gouvernement d'assumer ses responsabilités, c'est à ce
moment-là qu'il aurait dû agir, qu'il aurait dû prendre les
moyens non pas nécessairement, comme il le fait dans le projet de loi no
88, d'imposer une convention collective d'autorité jusqu'à
décembre 1982, mais plutôt, comme le disait mon collègue de
Mont-Royal, d'assurer les services essentiels. C'est de cela qu'il s'agit et
c'est de cela qu'il s'est toujours agi dans notre esprit à nous, de la
nécessité pour le gouvernement de prendre ses
responsabilités et de faire en sorte que les services essentiels soient
maintenus.
Le gouvernement a plutôt préféré monter son
scénario et profiter de la conjoncture. Quand j'entends le premier
ministre nous parler des conditions climatiques on se rappelle qu'il y
avait fait allusion pour expliquer les résultats de l'élection
partielle dans D'Arcy McGee il me semble qu'il y a des raisons beaucoup
plus profondes que cela. Les députés péquistes, en
particulier ceux de la région de l'Outaouais, ne répondaient pas
aux appels téléphoniques qu'ils recevaient; c'était le cas
du député de Hull au cours de la fin de semaine dernière
et au cours des deux derniers jours. Je le sais, j'ai moi-même
tenté de rejoindre le bureau de comté du député de
Hull hier; on ne répondait pas aux appels, Mme la Présidente.
Forcément, c'était beaucoup plus facile de ne pas répondre
que de devoir dire: Le gouvernement tient une commission parlementaire ce soir;
on verra ce que cela donnera. (18 heures)
Mme Ouellette: Question de privilège, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Sur une question de privilège,
Mme la ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement.
Mme Ouellette: Mme la Présidente, je ne veux pas couper
l'envolée oratoire de mon collègue de Gatineau. Je veux
simplement souligner que, du lundi au dimanche inclusivement... J'étais
personnellement à mon bureau de comté dimanche toute la
journée. J'y étais samedi et nous avons répondu aux
appels, M. le député de Gatineau.
La Vice-Présidente: M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Je maintiens, Mme la Présidente, que j'ai
moi-même téléphoné au bureau de la
députée de Hull parce que je suis citoyen de la ville de
Hull et qu'on n'a pas répondu à mes appels
répétés tout au cours de la journée d'hier. J'en
prends à témoin les centaines d'appels
téléphoniques que j'ai moi-même reçus à mon
bureau de comté de personnes qui disaient ne pas avoir pu rejoindre le
bureau de la députée de Hull.
Mme Ouellette: Question de privilège.
La Vice-Présidente: Mme la députée de
Hull.
Mme Ouellette: J'ai été à mon bureau de
comté hier, Mme la Présidente. J'ai été là
jusqu'à 15 heures. Effectivement, nous avons répondu à
tous les appels qui entraient à mon bureau de comté. Je pense que
vous pourriez peut-être prendre un autre sujet plutôt que de
déblatérer facilement sur des choses qui n'existent même
pas, sauf dans votre imagination. Je pense qu'on a autre chose à
faire.
M. Alfred: Question de privilège, Mme la
Présidente.
M. Gratton: Mme la Présidente, si je peux finir...
La Vice-Présidente: M. le député de
Gatineau. M. Alfred: Question de règlement, alors.
La Vice-Présidente: Que ce soit vraiment une question de
règlement, M. le député de Papineau.
M. Alfred: Oui. Dimanche, toute la journée, moi aussi
j'étais au bureau de Mme Ouellette.
La Vice-Présidente: M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Mme la Présidente, je constate, à la
suite de ces questions de privilège, que la députée de
Hull et le député de Papineau ont fait un excellent travail. Je
suis fort heureux de constater qu'on a été présent dans
les bureaux de comté. Malheureusement, on ne semble pas avoir
répondu aux nombreux appels téléphoniques qu'on a
reçus de personnes qui étaient en panne
d'électricité. En effet, on n'a pas fait la lumière sur le
sujet.
Mme la Présidente, je conclurai en rappelant ce que disait le
chef de l'Opposition, ce matin, que le droit des citoyens aux services
essentiels, cela inclut, bien entendu, le droit à être
approvisionnés en électricité non seulement au cours de la
période des Fêtes, non seulement à l'approche de la
période de pointe de consommation d'électricité, mais en
tout temps, sept jours par semaine, douze mois par année. Ce droit des
citoyens importe plus que n'importe quel droit de grève, droit de
médiation, droit de recours quelconque de tous syndiqués ou tous
syndicats que ce soient. C'est pourquoi, Mme la Présidente, non
seulement appuierons-nous l'adoption de ce projet de loi numéro 88 qui
redonnera enfin à tous ces citoyens qui ont été
brimés dans leurs droits ce service essentiel mais que nous ne pouvons
faire autrement que de reprocher à ce gouvernement de ne pas avoir, en
temps et lieu opportuns, accepté ses responsabilités, les avoir
exercées comme les citoyens avaient le droit de l'espérer.
La Vice-Présidente: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Fernand Grenier
M. Grenier: Merci, Mme la Présidente. Quelques minutes
très brièvement pour faire une brève intervention et
appuyer une requête qui a été présentée par
le député de Brome-Missisquoi au cours de son intervention, qui
est celle qui avait été proposée par l'Union Nationale en
1967 lors de la grève dans le transport en commun à
Montréal à l'occasion de l'Expo mondiale que nous tenions
à Montréal. Il m'a été donné de vivre
l'adoption de la première loi d'urgence, la loi qui portait le no 25, en
1967, alors que M. Johnson père était premier ministre du
Québec. A ce moment-là, les gens croyaient encore à la
nécessité de respecter une loi adoptée par le
gouvernement. Je me souviens que pendant la nuit où nous avions ensemble
travaillé pour adopter cette loi pour permettre aux enseignants ou
demander aux enseignants de retourner au travail, le lendemain, à
l'aube, après l'avoir votée, nous avons constaté que les
enseignants étaient entrés au travail et avaient respecté
la loi.
En 1967, à l'occasion de l'Expo, dans la grève du
transport en commun, encore une fois, le gouvernement de M. Johnson avait
été appelé à adopter une deuxième loi
d'urgence pour demander aux chauffeurs d'autobus du transport en commun de
reprendre le travail, principalement à cause de l'exposition qui se
tenait à Montréal à ce moment. On se rend compte que
maintenant tous les gouvernements ont dû adopter des lois d'urgence
à la suite de ces deux-là qui avaient été
adoptées par l'Union Nationale. Le Parti libéral,
également, a été forcé d'en adopter une à
cause de ce droit de grève qui avait été donné dans
le secteur public.
Aujourd'hui, avec le gouvernement qui avait dit que c'étaient des
choses inacceptables que d'être obligé de passer des lois pour
ramener les gens au travail, que c'était un droit qu'ils devaient
exercer, on se rend compte qu'on est en train d'adopter la deuxième loi
pour forcer les gens à reprendre le travail.
Donc, c'est désuet. Il y a des choses à apporter. On se
rend compte que, même avec des changements de gouvernement, plus cela
change, plus c'est pareil dans ce secteur. Ce n'est plus le remède
adéquat dans de pareilles circonstances. On se rend compte
également, Mme la Présidente, que dans cette loi qui avait
été votée j'ai un exemplaire devant moi en
1967 concernant le transport en commun, l'article 23 se lisait comme suit:
c'est celle à laquelle le député de
Brome-Missisquoi a fait allusion il y a quelques instants "La Commission
des relations de travail du Québec doit, à la demande du
procureur général, révoquer l'accréditation qu'elle
a accordée à toute association visée aux articles 5 ou 6
s'il est établi que moins de 70% des personnes à l'égard
desquelles cette association est accréditée se sont
conformées à l'article 1." L'article 1 se lisait et se lit
encore: "Toute personne qui était à l'emploi de la Commission de
transport de Montréal le 20 septembre 1967, doit, dans les 48 heures qui
suivent l'entrée en vigueur de la présente loi, retourner au
travail et remplir les devoirs de la fonction qu'elle occupait alors."
Mme la Présidente, il est acquis maintenant que des personnes,
depuis ce temps, alors que c'était un autre gouvernement, des chefs
syndicaux sont allés en prison. L'actuel gouvernement se prépare
à des poursuites difficiles dans d'autres secteurs relativement à
la loi 62, qui n'a pas été respectée par des chefs
syndicaux. Les poursuites sont difficiles on s'en est rendu compte
à cause de la preuve qu'il y a à faire dans ce secteur
avec ces chefs syndicaux qui sont venus devant les écrans de
télévision demander à leurs membres de ne pas respecter la
loi 62. Le gouvernement est aux prises actuellement avec cela. Est-ce que ce
sera mieux demain avec la loi 88? J'en doute. Vous allez me permettre cela. Je
ne le souhaite pas et je ne veux pas servir d'épouvantail, mais comme
cela n'a pas été fait par des gens d'un groupe de secteur de
travail avec la loi 62, pourquoi, aujourd'hui, serais-je plus optimiste avec la
loi 88? Est-ce qu'on va la respecter dans le secteur d'Hydro-Québec?
J'en doute, Mme la Présidente. Vous allez me permettre de me baser sur
ce fait de la loi 62 pour en douter.
Ce que le député de Brome-Missisquoi a plaidé tout
à l'heure au nom de notre formation politique, je pense que le ministre
devra en deuxième lecture, alors que nous en ferons l'étude
article par article, y réfléchir sérieusement. Je pense
que si les membres syndiqués ont des droits, l'ensemble de la population
aussi a des droits. Il y a des pannes d'électricité qui
sévissent aujourd'hui dans la province. J'en ai dans mon comté.
Je n'ai pas à les énumérer. J'ai plusieurs paroisses qui
sont affectées aujourd'hui dans ma circonscription électorale et,
demain, ce sera peut-être ailleurs aussi. (18 h 10)
On le signalait tout à l'heure, il suffit d'une petite neige, il
suffit d'un verglas, il suffit d'une tempête, il suffit aussi d'une
grève parfois pour mettre dans le "trouble" pas mal de monde. Cela
passe, on a tellement l'habitude de vivre avec toutes sortes de grèves
qu'on s'imagine que ce n'est plus effrayant d'avoir des grèves.
Savez-vous, par exemple, que, s'il est vrai que des gens qui
élèvent du porc ont une bonne organisation et se permettent
d'avoir leur producteur d'électricité sur place, ce n'est pas le
cas de tout le monde. Vous n'êtes pas sans savoir, Mme la
Présidente, que, dans des comtés ruraux comme le mien et celui de
bien d'autres, il y a encore du monde qui tire les vaches à la
poignée quand il y a une grève d'électricité, et
ça se trouve dans nos circonscriptions.
Bien sûr, ça ne fatigue pas les gens du gouvernement, ils
ne sont pas là à l'heure de la traite, ils sont ici et ne les
voient pas faire. Mais c'est pénible pour des gens qui doivent engager
du monde ou rassembler la famille, alors que c'était la bonne habitude
de faire ça, dans les années trente, de faire la traite le soir
avec la famille; on retourne à ces méthodes, au fanal, à
tirer les vaches à la poignée; on voit ça actuellement
dans des municipalités de mon comté. Est-ce acceptable? Cela ne
fait pas mal à bien du monde dans le moment, mais ça se fait,
ça se produit actuellement. Ce ne sont pas des revendicateurs à
toute épreuve ces gens, ils font appel au bureau du député
et on essaie de donner le filon, mais il y en a tellement qui appellent pour
ces choses qu'on finit par dire que ça doit être un peu normal, et
on vit avec ça.
Non ce n'est pas normal, dans les années quatre-vingt, de se
priver de services publics. Les législateurs, vont adopter une loi ce
soir, cette nuit; si demain cette loi n'est pas respectée, qu'est-ce
qu'il reste au gouvernement?
Je veux bien que politiquement le gouvernement semble vouloir être
bon prince et dire: Le public a ses droits, mais les syndiqués ont
également leurs droits. Je veux bien que le gouvernement chante
ça; quand on l'a chanté dans l'Opposition aussi longtemps, on ne
peut pas arriver et perdre complètement la face en Chambre, mais le bien
public passe avant le bien des particuliers, et il faut s'en souvenir. On doit
renier ses principes comme parti politique si la population doit souffrir. Si
le Parti québécois a chanté et a dit pendant plusieurs
années que le droit de grève dans le secteur public devait
être respecté, quand ça fait tort à l'ensemble de la
population, on marchera sur son principe de parti pour rendre service à
l'ensemble de la population. L'accréditation qui est donnée
à un syndicat, si on ne sait pas la faire respecter demain matin, on
doit l'enlever, comme le dit le député de Brome-Missisquoi. Je
pense qu'il y a pas mal de syndiqués qui seraient peut-être
satisfaits qu'on retrouve ça dans la loi demain matin, il y a pas mal de
syndiqués qui seraient satisfaits, parce qu'il y a pas mal de
syndiqués qui sont satisfaits aussi de ce qu'ils ont dans le moment. Je
veux vous signaler que plusieurs sont satisfaits de leurs conditions de travail
et il y a pas mal de monde, dans ma circonscription, qui aimerait travailler
à Hydro-Québec; je peux vous dire ça aussi. S'il y avait
des postes vacants, il y a toute une série de gens qui aimeraient
travailler là.
On me rappelait, hier soir, combien, dans le secteur privé,
parfois c'est difficile de suivre la machine de l'Etat. Il y a pas mal de
monde, dans ma circonscription, qui aimerait être dans le système
public ou parapublic. C'est cela qui m'amène à dire, Mme la
Présidente, qu'il y a pas mal de syndiqués qui aimeraient savoir
qu'on est prêt à retirer l'accréditation d'un syndicat si
demain on ne peut pas faire entrer ces gens au travail par les moyens qu'on
leur apporte. Ces dents qu'on propose dans la loi, ces amendes qu'on propose
dans la loi ne sont plus suffisantes, ce ne sont plus des moyens modernes,
comme on les appelle, ce sont des moyens non respectés.
Quand le ministre de la Justice avait décidé de donner le
placet et de donner l'absolution sur les grèves qu'on avait subies
durant l'administration de l'ancien gouvernement, ça a peut-être
donné confiance à plusieurs de ces chefs qui, actuellement, ont
pris du poil de la bête et qui sont en train de montrer au gouvernement
que le vrai gouvernement c'est eux, dans nos paroisses, dans nos comtés
et dans la province.
Mme la Présidente, j'aimerais que le ministre
réfléchisse sérieusement. Les gens qui travaillent autour
de lui se sont certainement penchés sur des articles de cette loi que
nous avons votée en 1967 et je pense que vous avez là un
élément de solution pas mal correct, qui pourrait s'appliquer
dans ce secteur comme il s'est appliqué pour la Commission de transport
de Montréal en 1967. C'était assez correct, et le père de
l'actuel ministre du Travail avait vu loin cette fois et pas mal de monde
était satisfait. Cela a été l'article qui a permis de
respecter cette loi et qui a permis que le lendemain ça roule à
Montréal; ça a satisfait pas mal de gens. Alors le ministre
actuel, qui n'est pas dépourvu, qui connaît ça et qui
réussit parfois à régler plusieurs problèmes,
devrait se pencher sur cet article 23 de la loi de 1967 que nous avons ici en
main.
Notre parti, l'Union Nationale, demande au ministre du Travail, demande
au gouvernement que, dans cette loi 88, on retrouve un amendement qui pourrait
être apporté en troisième lecture et qui permettrait
d'avoir l'assurance, demain, en cette période de froid que nous vivons
et qui semble vouloir se prolonger, à l'approche des Fêtes, une
fois qu'on aura adopté la loi, sans qu'il y ait de douleur, sans qu'il y
ait de grandes difficultés, qu'on rendra service à une bonne
proportion de gens. C'est peut-être de nature aussi à augmenter un
peu les parts du gouvernement, quand on sentira que cela aura été
réglé. On s'est plaint tout à fait dernièrement
que, dans certains comtés, lors d'élections
complémentaires, on avait perdu pas mal de crédibilité,
que ce n'était pas le programme du parti qui était mis en cause,
mais les services en commun qui n'étaient pas respectés. On
remontera peut-être sa crédibilité dans la province en
mettant dans la loi un article qui permettra de s'assurer que cette loi sera
respectée à la satisfaction de tous et dans l'esprit de justice
à l'égard de l'ensemble des citoyens, de s'assurer, dis-je, que
cette loi sera respectée dans son entier. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: Mme la Présidente, je demande la suspension
des travaux de l'Assemblée.
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement,
vous aviez quelque chose à dire là-dessus?
M. Duhaime: Avant d'aller à la suspension, je sais que des
ententes sont intervenues dans le courant de l'après-midi et je voudrais
proposer à mon collègue, le leader parlementaire de l'Opposition
officielle, sept heures trente pour la reprise de nos travaux. On avait
parlé d'une heure cet après-midi mais...
M. Levesque (Bonaventure): On avait parlé d'une heure,
mais là on approche...
M. Duhaime: Sept heures trente? Oui. Avant de demander la
suspension, Mme la Présidente, à 19 h 30, je voudrais simplement
rappeler que, ce soir, deux commissions parlementaires vont continuer leurs
travaux sur les projets de loi 17 et 57. Je tiens également à
remercier l'Opposition de sa collaboration, puisque ce soir, en effet, nous
pourrons faire siéger une troisième commission parlementaire en
même temps que nous poursuivrons nos travaux en Chambre sur le projet de
loi numéro 78, Loi sur la sécurité dans les sports. Je
dois faire motion pour avoir un ordre de l'Assemblée pour que
siège, à la salle 81-A, la commission permanente du loisir, de la
chasse et de la pêche pour étude article par article du projet de
loi numéro 78 à compter de 20 heures. Est-ce que j'ai le
consentement pour cette motion?
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je sais que,
présentement, on me demande officiellement notre consentement pour une
troisième commission. Sans faire un précédent mais
toujours dans un esprit de collaboration qui semble bien caractériser le
sens des responsabilités de l'Opposition officielle en particuler et des
Oppositions en général, il nous fait plaisir, Mme la
Présidente, de concourir.
La Vice-Présidente: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Mme la Présidente, en l'absence du
député de Richmond qui est retenu à une commission,
j'aimerais aussi vous dire que, grâce à la collaboration
très étroite de notre député de Gaspé qui
est actuellement en conférence avec le ministre de l'Education et les
gens des collèges, j'ai l'assurance que le député de
Gaspé sera présent pour l'étude de la loi 78 article par
article. Nous consentons, ce soir, qu'une troisième commission
siège, que les projets de loi nos 57, 17 et 78 puissent être
étudiés en même temps que la Chambre, grâce à
la collaboration de l'Union Nationale. J'espère que le ministre va s'en
souvenir.
La Vice-Présidente: Alors, je présume que
nous...
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je vais également donner mon consentement
pour que cette commission puisse siéger. Cependant, j'aimerais bien
l'assortir du fait que le ministre des Finances puisse rencontrer des gens de
mon comté qui sont ici pour avoir une aréna à Nicolet.
La Vice-Présidente: M. le député, je vous en
prie.
M. Duhaime: Maintenant, Mme la Présidente, que le
commercial est passé, je voudrais assurer l'Opposition et lui dire
jusqu'à quel point sa collaboration est appréciée à
l'approche des Fêtes et dire, Mme la Présidente, que je voudrais
faire un amendement à la motion que je viens de formuler. La commission
siégera à la salle 91 au lieu de 81. Si cette motion était
acceptée de consentement, je vous demanderais également
d'ajourner nos travaux à 19 h 30.
La Vice-Présidente: Alors, il y a consentement à la
présentation de cette motion. Est-elle adoptée?
Adopté. Maintenant, s'il vous plaît, la motion de
suspension des travaux. Je présume que j'ai le consentement unanime de
l'Assemblée à la présentation de cette motion de suspendre
les travaux jusqu'à sept heures trente. Alors, consentement unanime
à la suspension des travaux jusqu'à 19 h 30.
Voilà, cette Assemblée suspend ses travaux jusqu'à
19 h 30.
Suspension de la séance à 18 h 20
Reprise de la séance à 19 h 39
La Vice-Présidente: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Veuillez vous asseoir.
Il s'agit de la reprise du débat sur la motion de M. le ministre
du Travail et de la Main-d'Oeuvre proposant que soit maintenant lu la
deuxième fois le projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des
services d'électricité et prévoyant les conditions de
travail des salariés d'Hydro-Québec. M. le député
d'Outremont, vous m'aviez demandé la parole.
M. le député.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Merci, Mme la Présidente. Mes observations
sur cette loi spéciale no 88 seront brèves. Je voudrais d'abord,
en premier lieu, indiquer que ma préoccupation principale en ce moment
est de mettre fin à cette grève que j'appellerai sauvage,
où les services essentiels ne sont pas maintenus. Je pense donc d'abord
à la population qui est victime de ce conflit syndical, population qui
n'a pas de moyen de se défendre contre les attaques qu'elle subit dans
ses droits les plus fondamentaux. Franchement, je me demande, à l'heure
actuelle, quelle sorte de société on est en train de se
préparer au Québec lorsqu'on tolère l'exercice brutal du
pouvoir par des poignées d'hommes qui se servent de structures et
d'institutions pour faire valoir des intérêts particuliers pour
mettre de l'avant et obtenir des privilèges additionnels à ceux
dont l'ensemble de la population bénéficie, et je me demande,
encore une fois, combien de temps nous serons obligés d'accepter d'agir
le couteau sur la gorge, appliqué, encore une fois, par une
poignée de chefs syndicaux incapables de prendre leurs
responsabilités.
Comme la plupart de mes collègues dans cette Assemblée,
j'ai reçu des appels téléphoniques, j'ai reçu des
télégrammes dont la teneur essentielle est en fait un appel
à des parlementaires pour que nous prenions nos responsabilités,
pour faire en sorte que ces services essentiels soient maintenus en toute
circonstance. Ce sont des appels répétés, des appels
angoissés, je dois dire aussi parce que j'en ai reçu
personnellement dimanche des appels de gens en colère. Ce sont
des situations que je trouve intolérables, des situations que le
gouvernement a contribué à créer par de longues
années de démagogie suivant laquelle et avec laquelle les gens
qui sont en face de nous aujourd'hui ont encouragé les gens justement
à outrepasser les droits que, dans toute société
civilisée, on accorde à des gens syndiqués, mais aussi
à l'ensemble de la population. Combien de temps allons-nous encore
souffrir cet abus de pouvoir? Je voyais dans le journal ce matin qu'on
commence, dans certaines régions, à aménager des
écoles de façon à pouvoir fournir
l'électricité et la chaleur à des gens qui n'en ont pas et
qui sont en train de geler sur place. Allons-nous bientôt vivre dans des
camps de réfugiés au Québec? Allons-nous être
obligés d'aménager des espaces publics pour éviter de
faire face au problème fondamental qui est posé?
Je sais bien que le gouvernement se lave les mains de tous ces
problèmes en disant: C'est la logique de la liberté que nous
avons. C'est la logique aussi d'une attitude gouvernementale vis-à-vis
des problèmes de relations de travail qui étaient censés
être réglés le jour où ce gouvernement prenait le
pouvoir, mais on s'aperçoit aujourd'hui qu'il n'y a pas plus de
solutions d'apportées. Il n'y a aucune solution différente
d'apportée que ce qui avait prévalu
précédemment.
Mon deuxième point va se rapporter aux événements
d'hier soir et quant à la perception syndicale du rôle d'une
Assemblée nationale, d'un Parlement. Je dois dire que j'ai
été bouleversé par ces attitudes qui se sont
exprimées hier soir. On voit, d'un côté, un syndicat qui
demande une commission parlementaire et qui nous dit: Si nous
avons cette commission parlementaire, nous proposons en échange
de mettre en vigueur immédiatement un moratoire de façon à
fournir les services essentiels à la population. Le gouvernement, de son
côté, essaie de jouer à cache-cache, au jeu du chat et de
la souris avec le syndicat, convoque une commission parlementaire à 22
heures, laisse entendre que la commission parlementaire se terminera à
24 heures et, en même temps, dit au syndicat qu'il est prêt
à l'entendre.
De son côté, le syndicat dit: Nous allons réclamer
une autre commission parlementaire. Ce n'est pas celle que nous voulons. Nous
voulons également non seulement nous faire entendre, mais nous voulons
que la commission parlementaire se prononce sur le bien-fondé des
demandes syndicales, des positions d'Hydro-Québec, dictant, en quelque
sorte, les règles du jeu des commissions parlementaires dans cette
Assemblée nationale. C'est seulement si l'Assemblée nationale et
la commission parlementaire acceptaient ces conditions que le syndicat allait
offrir, de nouveau, de mettre en vigueur un moratoire sur les services
essentiels jusqu'à ce que la commission se soit prononcée et que
le résultat de ces décisions soit communiqué aux membres
du syndicat.
En dernière analyse, le gou\emement, voyant bien qu'il ne
pourrait pas fa re accepter à la population le genre de restriction
mentale qu'il avait mise lorsqu'il avait décidé d'accorder cette
commission parlementaire, a laissé courir le temps, a laissé
s'exprimer, dans une certaine mesure, mais dans des conditions absolument
inacceptables deux heures du matin, trois heures du matin le
syndicat et a laissé s'exprimer également Hydro-Québec.
Là, en dernière analyse, il finit par proposer ce que tout le
monde avait pensé au départ être la solution qui devait
être adoptée, c'est-à-dire d'offrir une véritable
commission parlementaire dans des conditions normales de travail, une
commission parlementaire qui se tiendrait le jour plutôt que la nuit et
qui entendrait les doléances des syndicats concernés. A ce
moment, lorsque le gouvernement a offert de continuer les travaux aujourd'hui,
on a demandé à juste titre aux syndicats, quant aux offres qui
avaient été faites à plusieurs reprises dans le cours de
la soirée à propos du moratoire, si ce moratoire, en fait, serait
introduit ce matin à huit heures. La réponse a été
négative. Le syndicat, par conséquent, et indépendamment
des fautes et de l'indécision du gouvernement dans les circonstances, a
refusé une demande précise, claire, nette, raisonnable, venant de
l'Assemblée nationale du Québec.
Ce n'était plus une demande par téléphone de la
part d'un ministre, ce n'était plus une demande faite par le premier
ministre, même si on reconnaît qu'une demande faite par un premier
ministre devrait quand même avoir une certaine importance dans une
société civilisée, mais c'était une demande d'une
commission parlementaire, qui est l'autorité suprême, souveraine,
dans une société. Or, à cette demande de cette commission
parlementaire, le syndicat a dit: Non, il n'y aura pas de moratoire. Nous
n'acceptons pas le moratoire. (19 h 50)
Cela s'est fait dans des circonstances qui m'ont paru, en ce qui me
concerne, des circonstances raisonnables, des circonstances, encore une fois,
qui me paraissaient faire un bon bout de chemin dans la direction des demandes
syndicales originales. J'avoue que ceci m'a paru être d'une suffisance
absolument déplorable et d'un manque du sens des
réalités.
C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure que j'avais
été bouleversé. J'ai été bouleversé
et cela me ramène à ce que je demandais au tout début:
Quelle sorte de société sommes-nous en train de préparer?
Dans quelle sorte de monde allons-nous vivre, s'il faut que, encore une fois,
un petit nombre de personnes prennent sur soi de refuser des demandes qui sont
légitimes et qui, dans les circonstances, étaient même des
demandes raisonnables à tous égards?
Le syndicat avait demandé de se faire entendre par la commission
parlementaire. En admettant, encore une fois, que le gouvernement ait voulu se
servir de la commission parlementaire, même en admettant cela, je pense
qu'à trois heures, ce matin, la situation avait suffisamment
évolué pour que les chefs syndicaux reconnaissent qu'ils devaient
exercer, quant à eux, un sens des responsabilités un peu plus
poussé, un peu plus manifeste que celui qu'ils ont finalement
exprimé.
Mon dernier point se rapportera au rôle du gouvernement dans
l'ensemble de cette affaire et au-delà de ce qui s'est passé hier
soir. Le premier ministre a fait allusion tout à l'heure à de
belles certitudes en ce qui concerne le chef de l'Opposition officielle. Il a
dû choisir cette image dans le réservoir d'images qui était
appliqué au Parti québécois et qui l'a été
pendant très longtemps. En effet, c'est bien le Parti
québécois qui partageait ces belles certitudes les jours
où ils se présentait devant la population pour tâcher
d'avoir l'appui de cette population pendant la dernière campagne
électorale en particulier, et les années qui ont
précédé.
Belles certitudes, en ce qui concerne les relations de travail au
Québec. Lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, la
première chose qu'il a faite a été de dire en cette
Assemblée qu'il y avait des amendes et des sanctions qui étaient
prévues par une loi, mais que cette loi, somme toute, étant
injuste, il était également injuste d'appliquer les sanctions qui
étaient prévues par cette loi.
Je pense, à ce moment, que le gouvernement du Parti
québécois exprimait une naïveté absolument
inconcevable, une démagogie d'ailleurs. On voulait jouer, justement,
avec les lois qui avaient été adoptées au nom de quoi? Au
nom d'un préjugé favorable en ce qui concerne les syndicats.
Je dis simplement ceci: Le gouvernement a mis bien du temps à
acquérir, de son côté, quelque sens de la
responsabilité. Ces attitudes qu'il a affichées auparavant
étaient enfantines,
elles ont conduit, justement, en grande partie, à ce genre de
position qui est prise de plus en plus souvent dans cette
société, position qui consiste à dire: Nous
prétendons que nous avons droit à ceci, si la
société ne nous le donne pas, nous allons le prendre.
Nous allons exercer nous-mêmes les pressions nécessaires
pour obtenir ce que la société juge qu'elle ne devrait pas
octroyer dans certaines circonstances données. C'est bien le
gouvernement qui est là aujourd'hui qui disait, de l'expérience
antérieure, des gouvernements antérieurs, qui disait que ces
expériences n'étaient pas valables. Bien sûr qu'elles
n'étaient pas valables parce que le gouvernement qui était au
pouvoir à ce moment-là, prétendait-il, était un
gouvernement qui ne comprenait pas les problèmes, qui n'affichait pas
suffisamment le sens de la justice et de l'équité pour que ses
lois soient appliquées. Aujourd'hui, on récolte ce qu'on a
semé.
J'ai mentionné, tout à l'heure, l'indécision, sinon
le calcul qui a été fait par le gouvernement dans le conflit
actuel, calcul et indécision qui ont conduit au genre de cul-de-sac
auquel nous avons été confrontés cette nuit. Je veux aussi
mentionner que, finalement, le gouvernement en arrive à adopter une loi
spéciale, une vraie loi spéciale, pas une loi de report, pas une
loi de "cooling off" comme dit le ministre des Finances, pour essayer de gagner
du temps, mais une loi spéciale qui impose des conditions de travail.
Imaginez, le premier ministre aussi a dit que le chef de l'Opposition
officielle avait choisi ses exemples lorsqu'il a fait état des lois
spéciales antérieures. Il y en a une qui me paraît
particulièrement intéressante parce qu'elle s'applique aux
employés d'Hy-dro-Québec, et c'est la loi de 1972, sur les
services essentiels. Cette loi sur les services essentiels ne comporte aucune
condition de travail, aucune. Elle comporte simplement l'obligation, pour les
gens, de maintenir des services essentiels. On dit, à l'article 12, que
la présente loi prend effet à compter du 15 novembre 1972
jusqu'au règlement du différend qui oppose Hydro-Québec et
ses salariés. Donc, on a laissé, en 1972, la négociation
se poursuivre et la loi, en tant que telle, ne s'est pas
préoccupée d'imposer, n'a pas imposé les conditions de
travail.
Imaginez, ce sont les mêmes personnes aujourd'hui qui disaient,
naguère, que ce genre de loi qui imposait des conditions de travail
était inacceptable. Pourtant, cette loi de 1972 est une loi qui aurait
pu être appliquée cette fois-ci puisque notre première
préoccupation, c'est justement le maintien des services essentiels dans
les circonstances actuelles. C'est cela la principale préoccupation. On
n'a pas appliqué une loi sur les services essentiels, on a
appliqué une loi de retour au travail. Moi, cela me fait penser à
une espèce de pendule, où d'un côté on retire une
loi qui avait été votée auparavant en disant: De toute
façon, la loi était injuste à cause des amendes qui
étaient impliquées dans cette loi, amendes qu'on retrouve
aujourd'hui exactement pour les mêmes montants. On trouvait cela
absolument injuste. On a retiré la loi et on en applique une autre.
Maintenant, c'est l'autre côté du pendule où là, il
me semble, à mes yeux, qu'on a pu aussi aller, exagérer dans le
sens inverse.
Enfin, Mme la Présidente, je voudrais terminer ces observations
en disant que ce qui me paraît, pour l'avenir, le plus important, c'est
d'examiner à nouveau l'application de nos lois et le régime de
relations de travail, en ce qui concerne les services essentiels et en ce qui
concerne les relations de travail dans le secteur public en particulier. Je
pense que déjà depuis des années, les experts dans ces
domaines se posent les mêmes questions. Il est grand temps que le
gouvernement essaie de revoir ce système de relations de travail dans le
secteur public parce qu'il ne fonctionne pas. Cela fait déjà
trois ans que le Parti québécois est au pouvoir, cela fait trois
ans qu'il aurait pu amorcer cette réflexion. Il ne l'a pas fait.
En dépit de toutes les promesses qu'il avait faites au
départ quant à la paix sociale, quant à l'exigence de
justice que tout gouvernement devait avoir, ce gouvernement n'a absolument rien
fait, ça fait plus de trois ans qu'il est au pouvoir, et je le dis
aujourd'hui: II serait peut-être temps de commencer à revoir la
législation que nous avons dans le domaine du travail parce qu'il est
évident que ce système ne fonctionne pas, que ce n'est pas avec
des cataplasmes et des lois spéciales qu'on va résoudre les
difficultés. Je pense qu'il est plus que temps que le gouvernement
arrive et dépose devant cette Assemblée des propositions qui vont
avoir une certaine durée et qui vont s'attaquer aux racines profondes du
mal qui existe dans ce domaine et qui consiste dans le fait que des syndicats
faisant face à un Etat peuvent toujours se dire qu'il n'y a pas de
sanction ultime aux menaces de grève ou aux grèves. On se dit
qu'on peut toujours imposer à la population des sacrifices
considérables sans jamais que le syndicat lui-même soit vraiment
pénalisé ou que ses membres soient vraiment
pénalisés. Il faut revenir à un système où
on va inciter les gens à suivre les lois et à se comporter en
personnes responsables. (20 heures)
II faut que ce régime juridique que nous avons tienne compte de
cette réalité, et on ne doit pas, d'un côté, ouvrir
toutes les portes, et on ne doit pas, non plus, toutes les fermer. Je ne pense
pas, encore une fois, que la solution réside dans des cas-par-cas,
grève après grève, lorsque les services essentiels ne sont
pas maintenus et que la population est tenue en otage, simplement parce qu'il
faut attendre des procédures, des procédures et des
procédures. Il y a, aujourd'hui, une impatience dans la population qui
est entièrement justifiée et cette impatience doit trouver une
réponse dans des positions et des propositions de la part du
gouvernement du Québec qui soient autre chose que le genre d'utilisation
politique et partisane que le gouvernement a fait de tous ces conflits sociaux
jusqu'à maintenant.
La Vice-Présidente: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: Mme la Présidente, tout d'abord, puisque nous
sommes à la phase de conclusion de la deuxième lecture,
j'aimerais relever certains commentaires ou certaines questions qui ont
été posées par l'Opposition, ou des
événements évoqués par l'Opposition.
On a parlé, entre autres cela a été le cas
du député de Portneuf de ce groupe de salariés
qu'on appelle les nationalisés, c'est-à-dire ce groupe de
travailleurs et travailleuses qui étaient à l'emploi des
compagnies privées d'électricité qui ont été
nationalisées au début des années soixante. S'il est vrai
que cette négociation n'a pas été nécessairement,
par définition pour eux, l'objet de déblocages plus remarquables
qu'antérieurement et peut-être le syndicat a-t-il choisi,
dans ses équilibres, de faire valoir ce point de vue et celui d'autres,
et de pondérer tout cela il est cependant vrai que, même si
le rapport de médiation ne leur accorde par le Pérou, il
prévoit quand même l'indexation de 2% de la rente qui leur est
affectée.
Quant à ceux qui sont des retraités, cependant, de la
nouvelle Hydro-Québec à laquelle ils furent
intégrés, évidemment, ils ne sont plus des
salariés. Il n'en demeure pas moins que j'ai été
avisé qu'Hydro-Québec, dès le début de
l'année 1980, en janvier ou en février, doit faire certains
réajustements sur ses rentes.
Quant à la question de la commission, puisqu'on y est revenu
passablement au cours de ce débat, on a surtout assisté, à
mon avis, à un effort de récupération qui a même
frisé le manque d'élégance de la part du
député de Portneuf. Le député de Portneuf a
tenté de nous expliquer, tout à l'heure, que, dans le fond, la
proposition finale de la commission, c'est son parti qui était
responsable de cela. Si on regarde les faits, on s'apercevra qu'il y a eu
passablement de confusion lors de cette commission qui, c'est vrai, a
été convoquée à 18 heures pour une commission qui
commençait à siéger à 22 heures.
Je pense que tout le monde, du côté ministériel
comme du côté de l'Opposition, a été plus ou moins
responsable d'accepter la définition très restrictive du mandat
que cette Assemblée avait donné à la commission. Mais, du
côté de l'Opposition en particulier, j'ai été
frappé de voir que le chef de l'Opposition, à un moment
donné, est intervenu quelque part entre minuit et 1 heure du matin pour
expliquer qu'à son avis on ne devrait pas discuter du fond alors que le
gouvernement ne souhaitait rien de moins que d'entendre les raisons pour
lesquelles le syndicat avait refusé le rapport de médiation,
raisons que le syndicat, à toutes fins utiles, ne nous a pas fait
entendre en partie à cause de la confusion et surtout parce qu'à
la fin, malgré les consentements, etc., le syndicat a choisi de
répondre de façon très vague. Mais c'est quand même
le chef de l'Opposition qui, dans un premier temps, a dit en commission qu'il
considérait que la commission ne devait pas entendre les raisons de
fond, qu'il considérait que le mandat était restrictif. Il en a
même appelé au président pour le dire. Pourtant, le
député d'Outremont, quelques moments après, toujours pour
ajouter à cette confusion, disait: Evidemment, s'il s'agit d'entendre
les raisons pour lesquelles le syndicat a refusé le rapport de
médiation, il faudrait peut-être qu'il nous parle de santé
et sécurité, des clauses salariales, de la question des heures de
repas, de la question des heures par semaine, etc. Donc, il y avait beaucoup de
confusion et, je pense, beaucoup de confusion dans l'esprit des gens de
l'Opposition.
On m'a reproché de ne pas avoir questionné
Hydro-Québec. Cela a été le reproche, entre autres, du
député de Gatineau. Il m'a reproché de ne pas avoir
questionné les gens d'Hydro-Québec. Je n'avais pas grand-chose
à demander aux gens d'Hydro-Québec; ils ont accepté le
rapport de médiation en disant cependant qu'à leurs yeux
c'était conditionnel à un règlement. Je n'avais pas
à leur demander pourquoi ils avaient rejeté le rapport de
médiation. Je n'ai pas eu à leur demander pourquoi ils l'avaient
accepté puisqu'ils l'avaient exposé. Je pense qu'il ne faut pas
voir là une tendance patronale. Dieu sait on n'a pas à
s'en cacher qu'il ne faut pas voir dans les membres de
l'Assemblée qui sont de ce côté-ci des gens qui ont un
tempérament patronal.
On m'a reproché d'autre part, et particulièrement le
député de Gatineau, avec une certaine agressivité, d'avoir
questionné les syndicats, d'avoir posé aux représentants
syndicaux quelques questions très précises. J'ai demandé
au représentant syndical quelle avait été la question sur
le bulletin, quand on est allé ce n'est peut-être pas le
député de Gatineau qui a mentionné cela, c'est son
collègue d'arrière-banc, le député de Portneuf, le
banc voisin. J'ai demandé au syndicat quelle était la question
qu'ils avaient posée aux travailleurs en assemblée, dans cette
centaine d'assemblées dans les régions, pour obtenir un mandat de
grève alors qu'il se faisait des tournées? Encore une fois, on
avait affaire aux premières propositions patronales. Je pense qu'il
était d'intérêt public, puisque les conséquences
d'une grève à l'Hydro-Québec sont éminemment
publiques, de savoir que la question sur le bulletin était la suivante:
Etes-vous pour les offres patronales, ou contre les offres patronales et en
faveur d'un mandat de grève générale? Ne laissant pas le
choix au travailleur qui aurait voulu exprimer son désaccord avec les
offres patronales, mais peut-être la volonté de voir cela
négocié ou en conciliation ou en médiation, ne lui
laissant pas de choix. Je pense que c'était d'intérêt
public que ce soit su. C'est également d'intérêt public, je
pense, qu'on connaisse le pourcentage de participation des travailleurs
à ces scrutins secrets. Il y a eu moins de 50% des travailleurs qui ont
exprimé leur opinion et là-dessus il y en a eu 77%, me dit-on,
qui ont dit qu'ils étaient en faveur de la deuxième option sur le
bulletin c'est-à-dire, contre les offres patronales et en faveur de la
grève générale.
Ce qui fait qu'au total, cela fait moins de 40%, plutôt
près du tiers des travailleurs syndiqués qui ont exprimé
leur opinion négative et qui ont
entraîné cette grève générale qui
paralyse, à certains égards, le Québec à l'approche
du 21 décembre, date si importante. Il me semble que c'était
d'intérêt public qu'on le demande. On nous a parlé
également des autres lois qui ont été utilisées au
Québec ou au niveau du gouvernement fédéral, les lois
ordonnant le retour au travail dans des contextes, que ce soit celui des
hôpitaux, des commissions scolaires, du transport public à
Montréal, des ports nationaux, et je pense à un autre exemple du
gouvernement fédéral. Dans la demi-douzaine d'exemples que le
chef de l'Opposition nous a donnés il nous a dit: Mais pourquoi est-ce
que vous n'avez pas pris les méthodes qui amènent une phase
additionnelle après la loi?
D'abord, il faut bien se comprendre. Le chef de l'Opposition, s'il
voulait regarder le nombre de lois spéciales qui ont été
adoptées en cette Assemblée de 1965 à 1976, il avait
l'embarras du choix, parce que c'était une méthode assez
courante, merci. Particulièrement, à l'époque de ceux qui
nous ont précédés au gouvernement de 1970 à 1976.
(20 h 10)
Sur ce groupe, je parle des lois québécoises, de lois,
dans la demi-douzaine ou à peu près qu'il a mentionnées,
il a évoqué des techniques comme l'arbitrage après la loi,
sur certains points, la médiation, la nomination de conciliateurs, la
commission parlementaire, autant de choses qui, effectivement, ont
déjà été des recours utilisés. Mais il faut
bien se rappeler que, dans la plupart de ces cas, si ce ne sont pas tous les
cas, malheureusement, je n'ai pu les recenser tous au cours de la
journée. Dans la plupart de ces cas, les étapes
antérieures à la loi avaient donné lieu à
l'expression démocratique des travailleurs, que ce soit sur un rapport
de conciliation, sur les dernières offres patronales ou sur un rapport
de supermédiation spéciale. C'est cela la grande
caractéristique de ces lois. Cela venait après qu'un processus
normal a été respecté, après que la
démocratie syndicale s'est exprimée et qu'il y a, malgré
tout cela, un échec.
Il faut, d'autre part, se rendre compte que, dans la négociation
dont on parle, c'est-à-dire celle qui fait l'objet de cette loi, toutes
les phases, on les a passées, la négociation en direct depuis
1978, la conciliation, la supermédiation avec quatre médiateurs
dont le sous-ministre du Travail et le directeur des relations de travail du
ministère, la commission parlementaire elle-même, tout aussi
confuse qu'elle ait été hier soir.
Finalement, on en arrivait où on devait conclure qu'il n'y a pas
d'étapes après cela, et le syndicat, lui, a choisi la structure
syndicale, il a choisi de ne pas respecter le principe de la consultation
démocratique. On a donc pris l'ensemble des conditions de travail
fixées par les conventions existantes, les ententes entre les parties et
le rapport de médiation, et on a fait finalement ce qui est
arrivé, entre autres, en 1967, dans le secteur de l'éducation,
chapitre 63, à l'article 3, où on se rendra compte effectivement
qu'il y avait fixation des conditions de travail; en 1969, chapitre 68,
éducation, Commission scolaire de Chambly certains vont s'en
souvenir ici article 2, décret des conditions de travail;
services de santé, 1976, chapitre 29, le député de
Portneuf a voté pour cette loi, l'article 8, décrétant les
conditions de travail.
Donc, puisqu'il y a un ensemble de lois, il y a un ensemble de
techniques possibles et je pense que la technique qui est utilisée ici,
c'était la seule possible dans les circonstances, la seule logique.
On a parlé aussi de l'attitude, qu'on jugeait agressive, de celui
qui vous parle. C'est vrai. C'est vrai que je n'étais pas d'humeur
à rigoler tellement hier soir en commission parlementaire. C'est vrai
que j'ai peut-être employé un ton un peu raide à
l'égard des représentants syndicaux, mais je dois vous avouer que
je pensais aux citoyens, à ceux qui étaient les victimes de cet
abus manifeste, de l'irrespect entre autres de la démocratie syndicale,
de l'irrespect même de leur propre parole, du moratoire donné s'il
y avait commission parlementaire. J'avoue qu'il y avait de quoi, un peu,
être ennuyé et peut-être démontrer une certaine
agressivité ou en tout cas sûrement, sans tomber dans
l'intolérance, un certain agacement. C'est peut-être ce que j'ai
manifesté hier à l'égard des représentants des
structures syndicales d'Hydro-Québec et non pas des travailleurs qui, de
façon générale, dans la mesure où ils ont
assuré des services essentiels, ont fait leur boulot, dans des
conditions souvent pas très faciles parce qu'il y avait derrière
tout cela la population.
Ce qui m'amène à dire que l'ensemble de ces choses nous
oblige parfois à prendre des décisions qui ne sont pas faciles.
On va au meilleur de notre jugement, de notre expérience, de nos
convictions, de nos orientations et de l'esprit de justice qu'on pense
être celui qu'il faut adopter ici. On essaie d'être
cohérent. A ce titre, je citerai simplement des propos que j'ai entendus
ce matin de la part du chef de l'Opposition. La cohérence, c'est une
chose qui est importante. C'est important pour les hommes politiques quand ils
sont obligés de prendre des décisions qui touchent beaucoup de
citoyens, quand cela implique l'ensemble du Parlement. Je pense que
jusqu'à maintenant on a essayé d'être cohérent; on
ne prétend pas avoir fait des miracles au Québec. Je pourrais
dire, par exemple, que depuis trois ans, même si ce n'est pas un
indicateur du climat social, c'est au moins un indicateur des quantités,
il y a quand même eu moins de journées perdues à cause des
grèves que dans la seule année 1976. J'inclus là-dedans
tout le public et le parapublic de 1979. C'est quand même objectivement
une certaine amélioration. On peut dire qu'au bout de la ligne, il y a
eu moins de citoyens touchés, ce qui n'empêche pas que cela a
été cruel, difficile pour les citoyens qui, eux, ont
été touchés depuis trois ans.
Le chef de l'Opposition, ce matin, nous disait ceci au sujet des
méthodes qu'on emploie: "Vous pouvez compter que le parti que je dirige,
disait-il, n'ira jamais s'ingérer dans le fonctionnement interne des
associations syndicales comme le pré-
sent gouvernement l'a fait depuis quelques semaines.
Nous leur dirons franchement, dans certains cas, que nous ne pouvons pas
accepter que le droit de grève s'exerce, par exemple, dans le domaine
des hôpitaux et nous n'irons pas leur dire: "On vous donne le droit de
grève, mais voici comment vous allez diriger votre patente, voici
comment vous allez vous comporter. On va même presque vous mettre dans
les mains la question que vous devrez poser à vos gens. On n'ira pas
jusque là. Je vous le dis franchement." Je ferme les guillemets. C'est
le ruban 6963, page 1 d'aujourd'hui.
Le 12 novembre, il y a un mois et sept jours, à l'occasion de
l'étude de la loi 62 je ne parle pas d'un éditorial
écrit au Devoir en 1963, je parle d'il y a un mois et sept jours
le chef de l'Opposition affirmait, en réponse au discours de
deuxième lecture de présentation du projet de loi no 62: "Je suis
convaincu que nous devrons en venir à un stade où la
démocratie syndicale devra faire l'objet d'une codification
législative beaucoup plus élaborée qu'actuellement. Je ne
vois pas pourquoi nous aurions, dans nos lois, des textes législatifs
extrêmement élaborés, régissant le fonctionnement
des compagnies, régissant le fonctionnement des coopératives et,
lorsqu'il s'agit des associations syndicales, en vertu d'un quelconque
privilège ancestral ou historique, elles devraient échapper
à cette nécessité." Je continue: "Je vous informe que
lorsque nous prendrons le pouvoir, c'est une question que nous examinerons en
profondeur. Tous les citoyens ont des responsabilités qui correspondent
aux droits dont ils jouissent. En matière d'association syndicale, je
dis poursuivait M. Ryan, le 12 novembre 1979, en cette Chambre
tout de suite que je suis prêt à examiner bien des choses, non pas
seul, cependant, mais bien en consultation avec les
intéressés."
Je pense, comme on a lu tout à l'heure ce que le chef de
l'Opposition nous a dit ce matin, qu'il a dû procéder à ces
consultations et qu'il s'est fait une idée. La cohérence est une
chose importante quand on adopte des lois. Ce gouvernement tente d'être
cohérent; il ne prétend pas faire des miracles. Ce n'est pas par
des lois qu'on va changer la société; les lois sont un
instrument. La société doit évoluer.
J'écoutais tout à l'heure le député
d'Outremont trouver attristant le sort que nous réserve l'avenir de
notre société. Je comprends qu'il y a des choses très
préoccupantes. C'est pour cela d'ailleurs qu'on adopte cette loi
aujourd'hui, pour régler un problème qui est extrêmement
important pour les citoyens, en faisant un accroc aux principes
généraux de la non-intervention dans les négociations.
Mais le député d'Outremont me fait penser un peu à
cet homme des cavernes qui, un jour, voyait un dinosaure et qui criait: Les
dinosaures s'en viennent! Les dinosaures s'en viennent! Ce que je sais, c'est
qu'environ 25 000 ans après, il y a encore des hommes et il n'y a plus
de dinosaures et il faut peut-être se dire qu'il ne faut pas
appréhender l'avenir avec autant d'anxiété. (20 h 20)
Si le député d'Outremont s'imagine qu'on s'en va vers un
mur de brique, j'ai l'impression qu'il va être très malheureux,
surtout ici au Parlement, où on essaie de faire des choses pour la
société. Il y a des problèmes. On essaie de les
régler et on essaie, encore une fois, de les régler à la
lumière des intérêts de l'ensemble des citoyens et de
certaines convictions qu'on peut avoir.
Je terminerai en disant que ce que cette loi vise à faire, c'est
de rétablir la normalité. Ce n'est pas normal que des
négociations prennent un an et demi en soi. Ce n'est pas normal que ce
soit bousillé depuis dix ans à Hydro-Québec. Ce n'est pas
normal qu'il y ait un échec systématique de la conciliation dans
ce secteur. Ce n'est pas normal non plus qu'on n'aille pas faire voter les
salariés sur un rapport de médiation. Ce n'est pas normal que des
citoyens souffrent en plein hiver, à 20 sous zéro, manque de
chauffage, manque de lumière, à l'approche de Noël, compte
tenu surtout de l'époque et compte tenu des enjeux de cette
grève, quand on regarde ce qu'il y a dans le rapport de
médiation.
On rétablit donc la normalité à travers un moyen
qui n'est pas courant. C'est une loi spéciale et qu'on n'aime pas faire,
surtout pas nous autres. Par tempérament, on n'est pas très
portés vous n'avez qu'à lire les discours de mes
collègues qui ont siégé de l'autre côté de la
Chambre pendant six ans à adopter des lois comme cela, mais,
à un moment donné, il faut le faire.
Des Voix: A l'ordre! A l'ordre!
M. Johnson: A un moment donné, s'il faut le faire, on le
fait. Je pense que...
La Vice-Présidente: M. le ministre, vous allez devoir
conclure.
M. Johnson: Je termine là-dessus, Mme la
Présidente, si vous me donnez 30 secondes. Je termine en disant que ce
qui est normal, c'est que les salariés d'Hydro-Québec ont des
conditions qui ont été décrites abondamment aujourd'hui,
qui leur garantissent leur pouvoir d'achat, le maintien de leur pouvoir d'achat
à travers l'indexation, des conditions quant à leur retraite, des
conditions en matière de santé et de sécurité, des
conditions sur un ensemble de points qui sont tous des progrès
considérables sur la convention collective qui existait
antérieurement.
Deuxièmement, la population n'aura plus normalement si
cette loi est adoptée avant minuit et les travailleurs entrant en leurs
fonctions la population n'aura pas à souffrir pendant l'hiver et
on n'aura pas à appréhender le 21 décembre, qui est une
époque dangereuse, si on ne fait pas attention, dans le système
hydroélectrique.
Finalement, je pense que cette loi va permettre que le Québec en
entier retrouve son calme.
La Vice-Présidente: Cette motion du ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre proposant que
soit maintenant lu, la deuxième fois, le projet de loi no 88, Loi
assurant le maintien des services d'électricité et
prévoyant les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec, sera-t-elle adoptée?
M. Charron: Vote enregistré, Mme la Présidente,
s'il vous plaît!
Des Voix: Vote.
La Vice-Présidente: Qu'on appelle les
députés.
Suspension à 20 h 23
Reprise à 20 h 38
Mise aux voix de la deuxième lecture
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
Cette Assemblée est appelée à mettre aux voix la motion de
M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre proposant que soit maintenant
lu la deuxième fois le projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des
services d'électricité et prévoyant les conditions de
travail des salariés d'Hydro-Québec. Que ceux qui sont favorables
à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin
(Louis-Hébert), Marois, Landry, Léonard, Couture, Vaugeois,
Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt
(Jonquière), Gendron, Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime,
Lessard, Lazure, Tardif, Garon, Martel, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand,
Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, de
Bellefeuille, Dussault, Alfred, Marquis, Ouellette, Gosselin, Jolivet,
Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril,
Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
Lacoste, Ryan, Lévesque (Bonaventure), Saint-Germain, Caron, Forget,
Lavoie, Mailloux, Lalonde, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM.
Raynauld, Giasson, Rivest, Larivière, Mathieu, Dubois, Marchand,
Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Marx, Biron, Brochu, Goulet,
Fontaine, Russell, Cordeau, Le Moignan, Tremblay. (20 h 40)
La Vice-Présidente: Que ceux qui sont contre veuillent
bien se lever! Abstentions!
Le Secrétaire: Pour: 88 Contre: 0
Abstentions: 0
La Vice-Présidente: La motion est adoptée.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Commission plénière
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! La commission plénière se
réunit pour étudier article par article le projet de loi no 88,
Loi assurant le maintien des services d'électricité et
prévoyant les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec. Je disais donc que la commission plénière
se réunit pour étudier article par article le projet de loi no
88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et
prévoyant les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec. J'appelle l'article 1 du projet de loi. M. le
ministre.
M. Johnson: M. le Président, à l'article 1, il
s'agit simplement de la définition des parties: l'association de
salariés étant définie comme les trois locaux syndicaux
qu'on y retrouve; le salarié étant défini au sens du Code
du travail.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. L'intervention que
j'ai faite cet après-midi et la teneur des propos de plusieurs de mes
collègues ont été dans le sens de s'interroger sur ce qui
arriverait à l'égard des points qui sont demeurés en
suspens ou encore des points qui n'ont pas fait l'objet de recommandations
particulières du rapport de médiation. On sait, M. le
Président, que cette loi vient décréter, vient imposer une
convention collective non négociée à l'égard de
laquelle il n'y aura, pendant les années où ces travailleurs
seront régis par la convention collective, aucune entente comme telle
sauf quelques clauses de paraphées. Il reste plusieurs points... On nous
informe qu'il restait plusieurs points ou tout au moins certains points en
suspens.
Entre autres, cet après-midi, j'ai eu l'occasion de les soumettre
à l'attention du ministre du Travail, parce que c'est le parrain du
projet de loi, celui qui se sert de la matraque dans les circonstances.
Cependant, le ministre de l'Energie pourrait répondre à la
question que j'ai préalablement formulée, que je peux lui
réitérer, soit qu'il était absent ou, même s'il
était présent, que, comme d'habitude, il n'ait pas porté
attention.
M. Johnson: C'est possible peut-être de revenir au projet
de loi, s'il vous plaît.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: M. le Président, je tiendrais...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre s'il vous plaît!
M. Pagé: II est de...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je tiens
à dire, pour le bénéfice des membres de la commission,
qu'il est d'usage et de coutume, avant que l'article 1 soit adopté, pour
les représentants de chacun des partis politiques, de poser des
questions ou de faire des commentaires de nature générale. Une
fois l'article 1 adopté, il devient impossible de faire ces commentaires
généraux.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, on reconnaît chez
vous l'expérience et la connaissance du règlement, ce qui n'est
pas le cas chez plusieurs de mes collègues ministres d'en face.
J'en étais à soumettre la question suivante au ministre de
l'Energie. On sait qu'un des objets en litige n'a pas fait l'objet de
recommandations particulières ou de recommandations en plus de la part
des médiateurs du dossier, c'est le problème du fonds de retraite
de certains employés d'Hydro-Québec. On sait qu'il y a un
problème en ce qui concerne les employés qui étaient au
service d'entreprises qui ont été nationalisées, qui ont
été intégrées à Hydro-Québec
l'ancienne Hydro-Québec, le 1er janvier 1965 ou encore le 1er janvier
1966. On sait aussi que des représentations ont été faites
tant à Hydro-Québec qu'au conseil d'administration
d'Hydro-Québec. Ces représentations ont été
transmises évidemment au Conseil des ministres, parce que celui qui
tient les cordons de la bourse, celui qui a le pouvoir financier dans tout
cela, c'est le ministre des Finances. On sait que le ministre de l'Energie a eu
l'occasion d'échanger par des lettres, de la correspondance, tout au
moins, l'ancien ministre, c'est-à-dire l'actuel ministre des
Consommateurs, avec l'association des anciens employés de compagnies
nationalisées.
J'aimerais d'abord savoir la position du gouvernement à
l'égard de leurs représentations. On sait que ceux-ci demandent
un rajustement, ceux-ci demandent d'être véritablement
intégrés à l'intérieur des échelles pour
qu'ils puissent bénéficier des mêmes avantages que les
employés de l'ancienne Hydro, même s'ils ont, pour une certaine
période, contribué de façon plus appréciable que
les employés d'Hydro-Québec. Où en est rendu ce dossier,
parce que c'était un des points en négociation? Et même si
le gouvernement vient décréter que le rapport des
médiateurs s'applique et qu'il constitue la convention collective,
est-ce que le gouvernement entend se pencher, ou est-ce qu'Hydro-Québec
entend reconsidérer certains points qui demeuraient en litige, qui n'ont
pas été touchés ou qui n'ont pas été
touchés en plus par le rapport des médiateurs? C'est là
l'essentiel de la première question que je voulais formuler.
M. Johnson: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre du Travail.
M. Johnson: En réponse à la première
question, je suis informé que, dans le cas des natio- nalisés,
ceux qui sont à l'emploi d'Hydro actuellement bénéficient
de 2% d'indexation en vertu du rapport de médiation. (20 h 50)
En mai 1979, il y a eu une garantie d'un minimum de 1,66% du salaire de
base des cinq meilleures années. Certaines entreprises n'avaient pas de
régime, ce pourcentage s'applique pour toutes les années de
service pour un nationalisé, et dans la compagnie où il
était, et à HydroQuébec. Il y a possibilité de
rachat de crédit de rentes de 0,34% du salaire de base au 1er janvier
1979 et Hydro-Québec paie 50% du coût de rachat. Ces deux
montants, soit 1,66% et le rachat de crédit des rentes, sont
indexés à raison de 2% en vertu du rapport de médiation.
Dans le cas des nationalisés qui sont à la retraite, nous sommes
simplement informés qu'Hydro-Québec, qui a déjà
fait des ajustements, je pense, en 1972, si je ne me trompe pas, serait sur le
point de préparer de nouveaux ajustements au début de 1980. En
1972, des montants d'argent avaient été versés selon
l'importance de la rente qui était acquise avant la nationalisation, le
montant représentant en moyenne 71% du relèvement de la
rente.
En 1976, un montant de $600 a été ajouté à
la rente. En mai 1979, il y a eu le redressement de la rente de 2% à
15%, de la date de la prise de la retraite. Par exemple, un employé qui
a pris sa retraite en 1978 a un relèvement de 2%, l'employé qui
l'a prise en 1972 en a un de 15%. Depuis 1972, les rentes en moyenne pour ces
employés ont été majorées de 80%. Il demeure quand
même que j'ai eu l'occasion de rencontrer un représentant d'une
association bona fide, qui n'est pas le syndicat, mais qui est un regroupement
de travailleurs qui sont ou des cadres, ou des travailleurs syndiqués et
qui ont certains problèmes en commun du fait qu'ils sont les
nationalisés des années soixante. J'ai cru comprendre que
même si une partie de leurs problèmes pouvait faire l'objet de
demandes du syndicat en négociation, il demeure quand même qu'ils
considèrent que ce n'est pas nécessairement et uniquement en
négociation que ce problème peut être réglé.
Maintenant, je suis informé que le Conseil du trésor a
déjà été saisi d'une étude à ce
sujet. Je ne pourrais cependant pas vous dire où cela va, autrement que
ce que j'ai précisé tout à l'heure.
M. Pagé: M. le Président, je suis conscient, je
suis informé qu'effectivement le gouvernement ou Hydro-Québec a
proposé un régime de rachat de rentes à ses
employés, aux employés dits nationalisés, mais
après avoir rencontré ceux-ci, après avoir eu l'occasion
d'échanger avec ceux-ci sur le coût, les effets, ce que peuvent
représenter les avantages d'une telle proposition, d'un tel programme de
rachat de rentes, le ministre conviendra qu'il demeure encore beaucoup
d'insatisfaction en ce que la parité n'est pas établie, n'est pas
acquise entre les groupes dits nationalisés et les groupes de l'ancienne
Hydro. Des représentations ont été faites au ministre de
l'Energie et j'aimerais qu'il nous informe de sa position à
l'égard de ce dossier. D'autre part, il y a peu de temps, les gens
de cette association ont communiqué avec différents
membres du gouvernement, entre autres avec le premier ministre. Le ministre
s'est dit non seulement sensible aux problèmes, mais
intéressé à contacter ses collègues pour voir s'il
n'y avait pas possibilité d'y apporter des modifications.
J'ai moi-même tenté, par des questions posées ici,
à cette Assemblée, de soulever cette question et le ministre du
Travail m'a dit qu'il me répondrait par écrit. Evidemment,
j'attends encore la lettre. Mon collègue le député
d'Outremont est lui aussi sensibilisé au dossier, il a posé des
questions au ministre des Finances lors de l'étude du budget
supplémentaire et le ministre des Finances nous a répondu que
cette commission n'était pas habilitée à discuter de
choses comme celles-là.
Lorsqu'il a été question qu'une commission parlementaire
soit tenue pour discuter des points en litige entre Hydro-Québec et ses
employés, nous croyions et nous espérions que cette question
pourrait être débattue; évidemment, il n'en a pas
été question puisque la convention collective est prévue
dans le projet de loi adopté par le gouvernement. A quel moment
pourrons-nous discuter de cette question? Est-ce que le ministre du Travail ou
un de ses collègues du cabinet prévoit une autre procédure
pour que cette association puisse se faire entendre, peut-être en dehors
du cadre de négociations, parce que c'est strictement un probème
de piastres et de cents, c'est un problème où la seule solution
est que le gouvernement accepte de placer des fonds, somme toute, d'investir,
de donner suite à une demande qui sera formulée et qui
prévoira le versement de sommes assez appréciables. Cela peut se
faire en dehors du cadre normal des négociations, mais comment peut-il
se faire en dehors du cadre des négociations? Parce que là, il
n'y a plus de négociations jusqu'au 29 décembre 1982. Comment
tout cela se fera-t-il?
M. Johnson: M. le Président, à tous égards
et tout événement, ou à tous événements,
même s'il y avait eu une convention collective conclue par écrit,
il n'y aurait pas plus de négociation pendant les trois prochaines
années. Il faut quand même faire attention.
Deuxièmement, comme j'ai dit, j'ai eu l'occasion de rencontrer
ces deux personnes. Il s'agit d'un problème qu'on peut
caractériser de la façon suivante: II y a les nationalisés
de 1962 qui ont, en pratique je pense que c'est dans tous les cas
des régimes de pension inférieurs quant à ce qu'ils vont
retirer au moment de leur pension à ceux qui ont toujours appartenu
à Hydro-Québec, c'est-à-dire celle créée
dans les années quarante. Il y a eu...
M. Raynauld: ...
M. Johnson: Oui, oui. Qui, souvent, apparemment, dans certains
des cas, versaient des contributions qui auraient été
supérieures. Maintenant, en pratique, il y a eu effectivement certains
rajustements qui ont été faits depuis 1962, je pense, à
trois ou quatre reprises; il y en a un autre qui doit être fait pour les
pensionnés, en 1980. Il y a une autre dimension du problème, le
premier étant celui de gens qui considèrent qu'ils devraient
être traités également, ce qui, soit dit en passant,
n'existe pas dans le secteur privé. Si vous vous promenez avec un fonds
de pension d'un endroit à un autre dans le secteur privé, il n'y
a pas de compensation et il n'y pas d'égalité par
définition. Il peut y en avoir mais ce n'est pas un droit d'une certaine
façon.
Au-delà de cela, il y a aussi l'autre problème qui,
celui-là, est un problème actuariel. Je pense que le
député d'Outremont est fort au courant de ce genre de
problème, et je sais que c'est ce qui a été
étudié par le ministre des Finances, avec qui j'ai
évoqué la question, puisque j'avais rencontré ces
personnes il y a plusieurs semaines, plus ou moins par hasard, dans un contexte
tout à fait hors de la négociation. Je ne pourrais pas vous en
dire plus pour le moment; je sais que cela a fait l'objet d'études du
Conseil du trésor, que les conclusions sont sans doute que c'est
extrêmement dispendieux, en termes de millions et de dizaines de millions
de dollars qui pourraient être impliqués.
Maintenant, je sais que l'association en question s'appuie sur des
études actuarielles pour dire qu'il y a des réserves quelque part
dans les fonds d'Hydro-Québec qui pourraient servir à cela. Je
pense qu'il s'agira de faire le tour du problème et je suis sûr
que le gouvernement est réceptif à l'idée de faire le tour
du problème, mais pas en commission parlementaire.
M. Pagé: Vous avez l'idée de le faire comment?
Quand vous parlez de réserves, tout le monde est conscient qu'il y a des
réserves.
M. Johnson: Sûrement mieux que vous l'avez fait, vous
autres, de 1970 à 1976.
M. Pagé: Ecoutez, si vous voulez vous lancer sur cette
voie, M. le ministre...
M. Johnson: Sept ans.
M. Pagé: ... on pourra y aller à deux, vous savez.
Je vous pose une question et vous n'y avez pas répondu. Remarquez, j'y
suis habitué. Mais je vous demande ceci: Quels sont les autres moyens
qui sont prévus par le gouvernement pour que ce sujet puisse être
discuté par les membres de l'association en question? Est-ce que ce sera
lors de la comparution d'Hydro-Québec qui est normalement prévue
pour janvier ou février prochain ou, encore, si ce n'est pas à ce
moment-là, à quel moment le gouvernement prévoit-il
pouvoir faire en sorte que ces gens puissent s'attabler avec les
représentants du gouvernement et discuter du fond du problème?
Parce que, à l'intérieur des négociations, c'est
maintenant impossible.
M. Johnson: M. le Président, je vais prendre avis de la
question pour mon collègue du minis-
tère des Finances et je présume que mon collègue de
l'Energie transmettra la question aux autorités d'Hydro-Québec.
Je ne peux pas en dire plus pour ce soir.
Ceci dit, je constate qu'il y a eu certains rajustements depuis quelque
temps, qu'il y en a un qui est prévu en 1980 pour les retraités
et que le rapport de médiation prévoit une indexation de 2% des
rentes versées.
M. Pagé: Vous prenez avis, cela veut donc dire que vous
serez susceptible de me fournir une réponse dans les meilleurs
délais, ce qui, je l'espère, sera avant la fin de la session.
Pourrez-vous donner la réponse avant la fin de la session?
M. Duhaime: Avant la fin de la présente session, oui.
M. Pagé: Oui? D'ici à vendredi?
M. Duhaime: Non, avant la fin de la session.
M. Pagé: M. le ministre du Travail: D'ici à
vendredi?
M. Johnson: M. le Président, je ne peux pas m'engager
à vous transmettre une réponse précise. Encore une fois,
ce problème, qui dure depuis 1963, qui soit dit en passant n'a pas fait
l'objet d'une attention très particulière des gens d'en face, de
1970 à 1976, s'il a attendu onze ans, pourra sans doute attendre
quelques semaines, et je ne suis pas sûr que cela pourra se régler
pour le soir de Noël.
Je peux assurer que le gouvernement regarde cela, que le gouvernement va
y prêter une oreille extrêmement attentive et que les études
actuarielles, si elles doivent être confrontées, le seront. Cela
se fera dans un contexte normal, pas dans un contexte de catastrophe, à
21 heures, alors que cela fait 36 heures que tout le monde est debout.
M. Raynauld: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: ... sur ce point, je voudrais simplement dire qu'il
semble que le problème, à ce stade-ci, soit un problème de
procédure. Je pense que la demande de mon collègue porte sur des
procédures qui vont être suivies. Ce n'est pas
nécessairement sur le fond et sur le contenu... (21 heures)
M. Johnson: Sans doute. Puis-je me permettre de répondre
à cela?
M. Raynauld: ... parce que...
M. Johnson: II y aura sans doute une rencontre à un moment
donné. Il pourrait y avoir des échanges. Je présume qu'il
y a des gens qui vont se voir. Les gens qui vont se voir seront sans doute
Hydro et/ou le syndicat et/ou l'association des cadres et/ou les personnes
impliquées ou encore, alternativement, le gouvernement ou des
représentants, avec ou sans Hydro, rencontrant certaines de ces
personnes avec ou sans autres. Toutes les permutations sont possibles.
M. Raynauld: Mais toujours sans vous. M. Johnson:
Pardon?
M. Raynauld: Mais toujours sans vous. C'est ce qu'on retient.
M. Johnson: Sans moi, sans ministre du Travail?
M. Raynauld: C'est cela, sans le gouvernement. C'est ce que cela
veut dire.
M. Johnson: Non, non, absolument pas. J'ai dit qu'une des
hypothèses, c'est que ce soit le gouvernement lui-même. Je n'ai
pas dit cela. Ah non!
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Pour le bénéfice du
député d'Outremont, probablement que le ministre du Travail sera
présent, parce qu'il s'est comporté comme un employeur dans ce
dossier.
Des Voix: Oh!
M. Johnson: M. le Président...
M. Pagé: Non, non. C'est vrai. Vous le savez.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: Non, non. La vérité a encore sa
place.
M. Bérubé: Cela suffit! Allez, jeune homme! Jeune
homme, tranquille! Tranquille!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: De toute façon, vous serez jugé par
vos actes. Dieu sait que vous commencez déjà à être
jugé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Revenez au débat, s'il vous
plaît!
M. Pagé: Oui, M. le Président. Quels sont les
autres points qui sont demeurés en suspens...
M. Johnson: M. le Président, sur la question
générale qu'a posée le député de Portneuf,
sur ce
qu'il a appelé les points généraux, on peut
peut-être résumer cela ici et, ensuite, on verra le reste de la
loi.
Une Voix: Est-ce que...
M. Johnson: Oui, ce sont les commentaires généraux
à partir de l'article 1. Quand le syndicat nous a dit qu'i y avait six
points en litige, il parlait des salaires, il parlait de la retraite, il
parlait de la santé et de la sécurité, des droits
parentaux, des primes et indemnités et de la question des techniciens,
du statu quo ou de la modification du statu quo dans le cas de
l'ancienneté, entre autres. Hier, on nous a parlé de cinq, six,
sept... Enfin! Entre autres, c'est cela. Je dois vous dire qu'essentiellement,
sauf sur deux points, le rapport de médiation touche à tout cela
et accorde des choses au syndicat, ne retranche aucun des droits et en aucun
cas ne donne cours à une demande d'Hydro-Québec. C'est au minimum
le statu quo de la convention ou, dans tous les autres cas, c'est une
amélioration, évidemment. Or, c'est vrai dans le cas des
salaires, dans la mesure où les augmentations prévues pour 1979
sont de 8,5%, avec rétroactivité complète au 1er janvier
1979, plus $400 de forfaitaire, plus intégration, compte tenu de la
hausse du coût de la vie l'année suivante, 8%, 8% et 8%, pour
1980, 1981 et 1982 à partir de taux d'inflation prévisibles de
8,5%, 8,5% et 7%. Dans tous les cas, il est garanti que la différence
sera comblée si le taux d'inflation est de l'ordre de celui qui est
là. En pratique, on peut présumer dans la plupart des cas qu'il
risque d'être supérieur, en tout cas dans le cas de l'année
qui vient, donc, maintien du pouvoir d'achat garanti et intégration dans
l'échelle, sans compter un forfaitaire versé au moment du calcul
de l'indexation. C'est considérable.
M. Pagé: Sur les autres points.
M. Johnson: Plus enrichissement collectif de 1% en 1982,
dernière année de la convention. Quant au régime de
retraite, ce qui est accordé, c'est 60 ans sans pénalité
sur le plan actuariel. Retraite à 60 ans. C'était à 65.
C'est passé à 63 dans une des offres et, finalement, à 60
ans dans le rapport de médiation. Indexation de la rente jusqu'à
2%...
M. Pagé: 60 ans, M. le ministre, c'est facultatif?
M. Johnson: ... demi-rente au conjoint... Pardon?
M. Pagé: 60 ans, c'est facultatif? M. Johnson: Oui,
absolument. M. Pagé: Facultatif.
M. Johnson: Demi-rente au conjoint et aux enfants de moins de 18
ans, déficits initiaux et d'expérience, améliorations
à la charge de l'employeur, préparation à la retraite avec
une semaine par année à compter de 60 ans, donc, cinq semaines
à 64 ans, un programme de préparation à la retraite aux
frais de l'employeur. Ensuite, on passe à la section santé et
sécurité. Il y a eu une espèce de confusion, je pense, en
commission parlementaire. On peut le résumer de la façon
suivante: ce que la convention prévoyait avant le rapport de
médiation, c'était, en matière de santé et de
sécurité, qu'il y avait, sur la base d'un système de
coopération sans qu'il y ait de droit formel des parties, la
possibilité d'intervention. Ce que le syndicat demandait, c'était
ce qu'on appelle le total statu quo ante, c'est-à-dire aucune mesure,
quelles que soient les circonstances, dans laquelle, par exemple, le droit de
refus est exercé, etc. Ce que le rapport accorde c'est quand
même considérable c'est évidemment rien de moins que
ce qu'il y a dans la loi 17 au départ.
Deuxièmement, la formation de comités paritaires de
sécurité, la possibilité d'intervention et d'enquête
immédiate d'un représentant du syndicat dans le cas d'un accident
mortel ou qui eût été susceptible d'être mortel, plus
toute la section de l'inspection avec les différentes étapes pour
l'inspection et la possibilité pour le syndicat de demander
l'intervention de l'éventuelle Commission de la santé et de la
sécurité du travail qui sera créée si nos amis d'en
face réussissent à nous faire adopter le projet de loi.
M. Pagé: II est pas mal pour, d'abord, vous...
M. Johnson: Alors, essentiellement sur la santé et la
sécurité...
M. Pagé: Oui.
M. Johnson:... on peut parler, en plus de cela, de 500
jours-personne avec solde qui peuvent être répartis entre les
trois syndicats. Ceci, soit dit en passant, en plus des congés avec
solde qui existent pour les comités paritaires, plus un droit de
représentation syndicale pour faire l'enquête, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure.
Essentiellement, sur la santé et la sécurité, des
acquis considérables, rien de moins que la loi et même plus que la
loi sur certaines choses, plus la possibilité de la présence
constante du syndicat en cas d'enquête, en cas d'accident, devrais-je
dire.
Quant aux droits parentaux, la demande syndicale était de 18
semaines avec congé payé avec pleine solde pour la mère
à venir. Ce qui a été accordé, c'est ce qui a
été accordé au front commun, c'est-à-dire 20
semaines et non pas 18. C'est plus que la demande syndicale.
Les primes et indemnités et les allocations diverses ont
été augmentées de 15% à compter du 31
décembre 1981 et il y a une indemnité de résidence qui
passe de $21 à $23 à la signature.
Quant à l'allocation de repas, il y en a deux sortes. Je pense
qu'on l'a évoqué en commission et ici. Dans le cas du repas qui
doit être pris en
surtemps disons qu'on demande à un travailleur ou à
une travailleuse de faire un travail en dehors des heures normales on
lui accorde en ce moment une allocation de $4.75. Cette allocation passe
à $5.50 à la signature pour le repas. Le syndicat
là-dessus, il est vrai que le rapport ne l'accorde pas demandait
également qu'une allocation soit donnée à tout travailleur
qui n'était pas, encore une fois, dans un rayon d'accès d'une
cafétéria d'Hydro-Québec. Il demandait $5.50 pour ce repas
et cela n'a pas été accordé. Cela n'existe nulle part
ailleurs, mais c'est le choix que les médiateurs ont fait. On ne peut
pas dire, encore une fois, que c'est un point en litige en soi.
Là-dessus, effectivement, le rapport est silencieux, comme il est
silencieux sur la question du travail à forfait dans le cas des bureaux
seulement. Dans les autres cas, il n'est pas silencieux, il intervient.
Finalement, sur cette fameuse question d'ancienneté, ce qu'on a
appelé la clause Cournoyer, du nom de l'ancien ministre des Richesses
naturelles, le statu quo de la convention prévaut, ce qui existait dans
la convention collective d'Hydro-Québec demeure. Le syndicat demandait
de préciser cela et de rendre encore plus hermétique la clause
d'ancienneté, parce que deux arbitrages en ont finalement restreint la
portée sur la base de la compétence apparente des gens. C'est le
statu quo. Donc, on peut affirmer qu'en pratique cela voudra dire que la
jurisprudence arbitrale évoluera normalement, mais c'est le statu quo.
Encore une fois, ce n'est pas un recul, c'est le statu quo.
Rémunération des techniciens. C'est une demande
d'Hydro-Québec qui était importante aux yeux
d'Hydro-Québec, qui n'a pas été accordée à
Hydro-Québec et qui est restée entre les mains des travailleurs.
La rémunération des techniciens, c'est le statu quo,
c'est-à-dire que la convention prévoyait une progression
automatique du niveau A au niveau B après cinq ans d'expérience,
ce qui donne une augmentation de salaire d'environ $75. C'en est resté
là.
C'est en résumé ce qu'il y a, sans compter les points qui
existaient déjà et que je n'énumérerai pas une fois
de plus.
Est-ce que cela va? On pourrait peut-être...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article...
M. Pagé: M. le Président.
M. Johnson: ... passer à l'adoption de l'article 1.
M. Pagé: Je remercie le ministre des informations ici
fournies.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article 1 sera adopté?
M. Pagé: L'article 1 est adopté, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 1 est adopté. L'article 2? M. le ministre.
M. Johnson: A l'article 2, M. le Président, on
prévoit qu'à compter de minuit et une minute ce soir...
Une Voix: Et une seconde... M. Johnson: Pardon?
Une Voix: ... une seconde.
M. Johnson: Je m'excuse, c'est minuit et une seconde,
techniquement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 2 sera-t-il adopté?
M. Johnson: Pardon?
M. Pagé: Oui, en fait, l'article 2, c'est l'obligation de
reprendre les services à minuit. Adopté, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 2 est adopté. L'article 3?
M. Johnson: Même chose pour Hydro-Québec, qui doit
assurer les services.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté?
M. Pagé: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 3 est adopté. L'article 4? (21 h 10)
M. Pagé: Article 4, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: "L'association de salariés doit prendre
les mesures appropriées pour amener ses membres à se conformer
à l'article 2." Je conviens que d'une part, il y a des recours qui
peuvent être exercés contre les travailleurs et des recours qui
peuvent être exercés contre l'association ou certaines
associations. Lorsque le législateur dira, une fois l'article
adopté, que des mesures nécessaires doivent être prises par
l'association, des mesures appropriées, cela veut dire quoi dans
l'esprit du ministre qui a présenté la loi, qui est probablement
celui qui l'a écrite?
M. Johnson: En pratique, cela veut dire donner l'ordre de
rentrer. Il y a beaucoup de précédents. La plupart des lois
adoptées par nos amis d'en face, à l'exception du chef de
l'Opposition qui n'était pas là mais qui a eu l'occasion de
commenter cela abondamment au cours des an-
nées, contiennent cette disposition. En fait, c'est imposer
à l'appareil syndical, aux structures syndicales ce devoir de dire
finalement: II faut rentrer. La jurisprudence est variée et diverse sur
cette question. Pour autant que je connaisse un de ces jugements, dans une
cause célèbre, Commonwealth Plywood j'ai eu l'occasion
d'en parler en cette Chambre il y a à peu près un an
où une certaine extension aux mesures appropriées avait
été donnée mais dans le cadre d'une injonction et non pas
dans le cadre d'une loi. C'est la méthode habituelle. C'est l'expression
consacrée.
M. Pagé: L'article 4 sera adopté mais en
l'adoptant, je vous demanderais d'accepter de suspendre le titre de l'article 5
et d'accepter une suspension de nos travaux pour dix minutes.
M. Johnson: Suspension de l'article 5?
M. Pagé: Suspendre l'article et, en même temps,
accepter une suspension de nos travaux pour dix minutes.
M. Johnson: Vous voulez examiner l'article 5? M. Pagé:
Oui.
M. Johnson: M. le Président, je ne veux quand même
pas bousculer personne mais le projet de loi a été
déposé à 11 heures ce matin et l'article 5, j'ai
l'impression... M. le Président, est-ce que je pourrais savoir pourquoi
l'Opposition qui a ce texte entre ses mains depuis 11 heures ce matin
cela fait presque douze heures a besoin de cela?
M. Pagé: Je vais répondre à la question du
ministre, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
présidence ne peut pas décider d'elle-même de suspendre les
travaux de la commission.
M. Pagé: C'est pour cela qu'on veut vous indiquer... On
demande le consentement.
M. Johnson: Pour dix minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De
consentement unanime, les travaux de la commission plénière sont
suspendus pour dix minutes de telle sorte qu'à 21 h 25 exactement, je
serai à mon siège.
Suspension à 21 h 13
Reprise à 21 h 33
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission plénière reprend ses travaux. L'article 4
étant adopté, je vous demanderais maintenant si l'article 5 sera
adopté.
M. Pagé: L'article 5, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Portneuf.
M. Pagé: Effectivement, on a demandé quelques
minutes de suspension. Vous comprendrez, Mme la Présidente, qu'il est
bien vrai que nous avons pris connaissance du projet de loi ce matin vers 11
heures et vous comprendrez de plus qu'il y a eu d'autres travaux aujourd'hui
ici à l'Assemblée nationale, entre autres la loi 17, à
laquelle faisait référence le ministre du Travail tout à
l'heure; certains de mes collègues, et moi, ont dû agir et
participer aux travaux de la loi 17. Le projet de loi, j'ai eu l'occasion de
l'indiquer à quelques reprises pendant cette journée,
prévoit que les dispositions contenues dans le rapport des
médiateurs et les points sur lesquels il y a eu des paragraphes de
parafés constituent somme toute la convention collective. Le ministre,
à l'article 1 du projet de loi, dans les commentaires
généraux, nous a indiqué ce qui pouvait être encore
contentieux. D'ailleurs, cela a été quelque peu exprimé
hier par le syndicat des employés d'Hydro-Québec, qui nous a
indiqué les points sur lesquels il divergeait avec la partie patronale
et les points qui, à son avis, n'étaient pas réglés
à sa satisfaction par le rapport du médiateur.
L'article 5, je me permets de le lire. "Les dernières conventions
collectives liant HydroQuébec et les associations de salariés
sont renouvelées. Elles sont toutefois modifiées de façon
à rendre applicables les ententes écrites intervenues entre les
parties lors de la négociation en vue de leur renouvellement de
même que les recommandations faites par les médiateurs
nommés par le ministre du Travail le 10 décembre 1979 dans le
rapport qu'ils ont transmis aux parties le 13 décembre 1979. "Les
conventions collectives ainsi renouvelées et modifiées
constituent les conventions collectives au sens du Code du travail. Elles lient
les parties jusqu'au 29 décembre 1982". C'est là le
libellé de l'article 5. C'est donc dire que tout ce qu'il y avait
d'acquis dans la dernière convention demeure. Ce qui a fait l'objet
d'entente aux tables de négociation, parce que la convention est quand
même échue depuis le 31 décembre 1978, demeure aussi et est
introduit de plein droit dans la convention et, enfin, les dispositions des
médiateurs dans leurs recommandations sont introduites elles aussi dans
la convention collective.
La première question que je poserais au ministre, et c'est "la"
question: Compte tenu que les dispositions de l'article 5 viennent
établir de façon arbitraire, le législateur, le
gouvernement, de par la majorité, évidemment, d'autant plus qu'il
a l'appui unanime sur le principe du projet de loi qui est de régler
dans les meilleurs délais et faire en sorte qu'à compter de 0 h 1
minute ou 1
seconde ce soir les travailleurs soient disponibles, selon leur
équipe de travail, que les pannes se règlent, compte tenu aussi
qu'il faille les régler ces pannes, qu'on ne peut tolérer que la
situation puisse durer plus longtemps, le gouvernement est certainement
justifié d'intervenir. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'on a voté
pour en deuxième lecture. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'on a
accepté dès ce matin, Mme la Présidente, et vous vous le
rappellerez, de mettre de côté les règles de
procédure et mettre de côté la possibilité qu'un
débat puisse être tenu par le leader pour indiquer en quoi il y
avait un caractère urgent et en quoi il fallait mettre de
côté les règles.
Tout cela on en convient. Nous avons non seulement collaboré
étroitement avec le gouvernement jusqu'à maintenant, mais on s'y
est associé très étroitement parce que l'objectif qui est
recherché, de faire en sorte que ces pannes soient
réglées, c'est le nôtre; on le fait nôtre.
D'ailleurs, on a demandé par nos questions à plusieurs reprises
à l'Assemblée ici que le gouvernement intervienne, que le
gouvernement agisse, que le gouvernement tente de favoriser la rencontre des
parties, que le gouvernement accepte de rencontrer le syndicat, tel que le
syndicat l'avait demandé, et que le gouvernement, encore une fois, comme
on a eu l'occasion de le réitérer, donne suite à sa
demande de faire siéger une commission parlementaire, etc.
Cependant, malgré tout cela, il n'en demeure pas moins que ce
soir le gouvernement, le ministre du Travail vient de décréter et
déterminer ce qui sera contenu dans la convention collective. On sait
que dans d'autres circonstances et là quelques minutes de
recherche pourraient me permettre de citer des cas particuliers au ministre
où le législateur se voyait placé dans une telle
conjoncture, face à de telles circonstances, les dispositions obligeant
le retour au travail prévoyaient des mécanismes d'arbitrage pour
ce qui restait de litigieux ou de contentieux.
Le ministre nous a indiqué tout à l'heure qu'il restait
environ sept points contentieux. Comment expliquer que le gouvernement n'ait
pas jugé plus opportun, plutôt que d'agir péremptoirement
et de décréter que la convention collective ce serait le rapport
des médiateurs, sur quoi, dis-je le gouvernement s'est-il fonde pour en
arriver à une telle disposition plutôt que de laisser
évoluer les mécanismes prévus au Code du travail à
l'article 81? Pourquoi n'avez-vous pas jugé plus opportun de soumettre
tout cela à l'arbitrage, quitte à ce que la loi contienne des
dispositions qu'on y retrouve, d'une part, avec les mêmes obligations
d'enlever le droit pour les travailleurs d'Hydro-Québec de faire la
grève à 0 h 1 seconde ce soir, les obligeant à retourner
au travail, les obligeant à agir comme si la convention collective
était signée, comme si la convention collective était en
vigueur, mais en se laissant une porte ouverte comme législateur? Compte
tenu du droit qu'ont les parties, que ce ne soit pas le gouvernement qui agisse
d'office pour et en leur nom, que tout au moins ce soir possiblement les
mécanismes d'arbitrage qui in- terviennent. Pourquoi n'avez-vous pas
choisi ce moyen dans les circonstances? Vous auriez pu le faire. Il serait
encore possible de le faire par un amendement à l'article. Je n'en fais
pas un amendement comme tel. Je veux strictement le demander au ministre,
à la lumière des indications que je lui ai fournies.
J'espère que le ministre dans sa réponse, peu importe son
argumentation, qu'elle soit pour ou qu'elle soit contre, ne se limitera pas
à une intervention à caractère partisan. (21 h 40)
Je veux bien qu'il me comprenne. On est d'accord avec la loi, on a
voté la loi, on est pour la loi et on veut que les gens reprennent leur
travail, on veut que les pannes soient réparées, on veut que les
gens aient ce service qui n'est pas essentiel, qui est absolument
nécessaire. Essentiel, ce n'est même pas assez fort.
L'électricité, il le faut dans les maisons; c'est vital dans
certains cas, surtout à cette période-ci de l'année.
Pourquoi, sur cet article 5, n'avez-vous pas choisi d'aller à
l'arbitrage, de faire en sorte que les parties puissent aller à
l'arbitrage dans un délai qui aurait pu être d'un mois?
M. Johnson: Je veux dire au député de Portneuf
je donnerai tout le raisonnement et je veux bien répondre
à des sous-questions que ma réponse va être: Non. Ma
réponse est que je pense qu'il ne faut pas d'arbitrage et je vais
essayer d'expliquer pourquoi. Je voudrais juste, à partir du moment
où il sait que ce sera ma réponse, savoir s'il va y avoir un
amendement pour qu'on ne fasse pas le débat deux fois. S'il a
l'intention de proposer un amendement visant l'arbitrage, je lui demanderais de
le faire et, là, on discutera.
M. Pagé: Non, M. le Président, ça ne marche
pas comme ça! Je conviens que le ministre n'a pas beaucoup
d'expérience, mais...
M. Johnson: Bon!
M. Pagé: Si vous nous dites non et que vous nous donnez
des motifs tels qu'on constate qu'il serait préférable qu'il n'y
ait pas d'arbitrage, on s'en tient là, purement et simplement.
M. Johnson: Et on refera le débat après, c'est
ça.
M. Pagé: Je veux que le débat soit le plus serein
possible.
M. Johnson: Je veux bien. Si c'est pour vous faciliter les
choses, on est là pour vous servir. Bon! D'abord, je voulais juste
relever une couple d'affaires. Quand le député de Portneuf dit
que le gouvernement a utilisé l'arbitraire pour imposer les conditions
de travail et le contenu de la convention collective, ce n'est pas exact. Le
rapport de médiation, ce n'est pas de l'arbitraire, au sens de
l'intervention patronale. L'arbitraire, s'il devait y en avoir un, c'est
l'autorité qu'exerce le
Parlement par voie de législation en disant: Voilà ce que
seront les conditions. Ce n'est pas le gouvernement qui les a définies,
c'est la médiation. Il faut bien se rappeler cela. Deuxièmement,
c'est la convention existante et, troisièmement, ce sont les ententes
intervenues entre les parties, entre le moment de l'expiration de la convention
collective et le dépôt du rapport de médiation, parce qu'en
conciliation, on a paraphé certains textes.
Deuxièmement, il faut aussi faire attention au vocabulaire qu'on
utilise. Le député de Portneuf disait tout à l'heure que
le gouvernement, à cause de sa majorité, impose... Dans le fond,
il a suivi une espèce de penchant naturel, mais le vote est unanime.
Personne n'a écrasé personne avec une majorité ici. Mais
il s'est senti obligé...
M. Pagé: Je l'ai dit.
M. Johnson: ... de se reprendre par la suite. C'est
l'habitude.
M. Pagé: Deux éléments.
M. Johnson: II a pesé sur le bouton no 32 au sujet de
l'arbitraire et de la majorité. Il faut regarder ce qui se passe dans la
réalité.
Maintenant, le vrai arbitraire, c'est de dire qu'il y a sept points en
litige. Il n'y a pas sept points en litige. D'une part, il y a sept,
peut-être six, peut-être cinq cela dépend
sujets qualifiés comme tels par les représentants des structures
syndicales à Hydro-Québec à la suite du rapport de
médiation et le rapport n'est silencieux que dans deux cas. C'est un
silence voulu et choisi par les médiateurs à partir de leur
expertise, de l'analyse des faits, de l'analyse des situations comparables,
s'il y en a, et de l'analyse, évidemment, de l'économie interne
du rapport de médiation.
Deuxièmement, sur les autres points, qu'il y en ait trois ou
qu'il y en ait vingt-cinq, sur les autres points, le rapport parle, le rapport
dit des choses sur l'indexation. Il n'accorde pas le genre de formule
d'indexation que voulait le syndicat, mais il en accorde une qui est le
maintien parfait du pouvoir d'achat et l'intégration aux
échelles, plus un enrichissement collectif de 1%. Le syndicat voulait
plus, mais est-ce que c'est en litige? Non, c'est le syndicat, c'est la
même structure syndicale qui n'est pas allée devant les
travailleurs avec le rapport de médiation qui nous dit: Cela, c'est en
litige. Mais, si on se mettait à qualifier cela de cette façon,
je pourrais vous dire qu'on rouvrirait la clause au sujet des techniciens qui
dit qu'après cinq ans, quand tu passes de la catégorie B à
la catégorie A, tu as automatiquement $75 de plus par semaine. Une des
demandes d'Hydro-Québec était de mettre fin à cette
disposition. Est-ce que ce serait un point en litige parce que les
médiateurs n'ont pas donné voix à la demande
d'Hydro-Québec et ont fait comme si HydroQuébec ne l'avait jamais
demandé, comme si le syndicat ne l'avait jamais demandé dans le
cas des $5.50 pour les repas, si tu n'es pas à proximité d'une
cafétéria d'Hydro-Québec.
Ce n'est pas cela qui s'est passé aujourd'hui. Il faut
peut-être se le rappeler. Qu'est-ce qui s'est passé depuis hier.
Ce qui s'est passé c'est qu'on a parlé d'un rapport de
médiation, qu'on a parlé dans une atmosphère relativement
confuse en commission parlementaire de ce qu'était la qualification, de
points de litige, de la part des représentants syndicaux. Mais cela a
une économie interne, cela a des principes, un équilibre; c'est
un jugement au sens des hommes qui exercent leur jugement, que le rapport de
médiation. C'est voulu. Les tableaux que j'ai évoqués ici
tout à l'heure sont des analyses que les médiateurs
eux-mêmes ont faites constamment et, finalement, ils trouvent un
équilibre là-dedans et ils trouvent une solution qu'ils
considèrent juste.
Si on n'admet pas cela au départ, à ce moment-là,
qu'est-ce qu'on va envoyer à l'arbitrage? On va envoyer toute la
convention à l'arbitrage parce qu'il y a une partie qui a
décidé qu'elle définissait ce qu'étaient les points
en litige. Evidemment, si tu n'as pas 100% de ta demande quand tu es un
syndicat, ou 100% de ta demande, si tu veux aller en demande sur le statu quo,
quand tu es l'employeur, tu peux toujours définir cela comme un litige.
Mais, à ce rythme, il n'y aurait jamais de négociation dans notre
société. C'est un régime de convention collective qui
prévoit qu'à un moment donné il y a du monde qui met de
l'eau dans le vin. A un moment donné, il y a une partie qui peut
décider c'est ce dont il a été question ici et les
conséquences que cela a sur le public qu'elle va gagner cela
à tout prix et le moyen qu'elle exerce, c'est la grève ou le
lock-out. Dans le cas d'Hydro-Québec, cela a été la
grève.
Dans le fond, ce que revient à me dire le député de
Portneuf, ce que reviendrait à me dire la logique je ne dis pas
que c'est son intention du député de Portneuf
là-dedans, c'est dire: Le syndicat a choisi que les $5.50 pour les
repas, en temps régulier pour ceux qui ne sont pas près d'une
cafétéria, c'est une affaire qui est sine qua non pour la vie du
syndicat, pour les conditions de travail des travailleurs. Je pense qu'on a
parlé abondamment de cela. Quand on regarde les conséquences que
cela a sur toute la société, l'exercice de ce droit, je pense
qu'on tranche.
Je pense, par ailleurs, que les médiateurs ont tranché au
meilleur de leur jugement, avec les meilleurs instruments possibles et ils ont
produit un rapport équilibré. Et, équilibré, il
faut bien s'entendre: il est équilibré à
l'intérieur des demandes syndicales, il n'y a pas une seule demande
d'Hydro-Québec qu'ils aient retenue. Je ne sais pas si cela s'explique
par le passé, parfois syndical, de nos services, mais il n'y a pas une
seule demande d'Hydro-Québec qui a été retenue dans ce
rapport de médiation. On dit: II faudrait aller en arbitrage sur autre
chose.
Je pense que c'est un rapport qui est équilibré à
l'intérieur même de ce qu'étaient les demandes syndicales.
Je suis convaincu d'ailleurs que si les travailleurs avaient eu à se
prononcer, dans un contexte démocratique où ils auraient
été informés et appelés à formuler un
jugement, ils s'en seraient rendu compte. Ecoutez, on est à des
centaines de milles de ce qu'étaient les dernières offres
patronales sur lesquelles les travailleurs ont voté au mois d'octobre.
Ce sont des pas considérables en avant.
C'est pour cela qu'à mon avis, toute modification à
l'article 5 qui viserait à déférer certains points
à l'arbitrage serait je ne veux pas faire de jeu de mots
carrément arbitraire.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: J'écoute le ministre du Travail et je suis un
peu surpris. C'est comme si, pour lui, il n'y avait plus de litige parce qu'il
a décidé qu'il n'y en aurait plus. On dirait qu'on n'a pas fait
face à des situations où il y a des travailleurs qui ont
décidé, en fait, de ne pas maintenir des services que tout le
monde considère comme étant essentiels et qu'on a fait face
à une situation de conflits de travail. Quand bien même que le
ministre dirait que le rapport de médiation est un rapport
équilibré et qu'il est raisonnable et légitime, cela ne
supprime pas la réalité qui était là.
Dans tous les conflits de travail, c'est justement parce qu'il y a une
des deux parties qui n'est pas d'accord avec ce genre de proposition qu'il y a
un conflit de travail. Autrement, c'est comme si le ministre supprimait le
conflit en disant: II n'y a pas de litige parce qu'à ce
moment-là, si on est obligé de penser qu'à chaque fois que
le syndicat dit qu'il n'est pas d'accord avec quelque chose, il y a un litige,
écoutez, où est-ce qu'on s'en irait? Je trouve que c'est un
argument à l'envers. Il existe un litige au point de départ; il y
a un rapport de médiation qui peut être excellent à tous
égards mais qu'une des deux parties considère inacceptable. C'est
le point de départ. (21 h 50)
On ne part pas avec un jugement a priori qui est établi par le
ministre qui dit: Le rapport de médiation est bon. Par
conséquent, il n'y a plus de litige. Non. On part d'un premier fait.
C'est qu'il y a un litige. Il y a effectivement une des deux parties... C'est
pour cette raison qu'on est obligé d'adopter une loi spéciale
ordonnant aux travailleurs de rentrer. Il y a donc un litige. A ce
moment-là, on se dit: Partant de là, la meilleure solution
est-elle de dire, de la part du gouvernement, peut-être pas d'une
façon arbitraire, mais d'une façon péremptoire:
Voilà les conditions de travail auxquelles vous allez vous soumettre, et
vous rentrez au travail dans ces conditions?
Or, il arrive qu'il y a une autre procédure qui a
été employée très largement, très souvent et
très fréquemment. C'est une procédure d'arbitrage
obligatoire dans des cas où, justement, on retire le droit de
grève. C'est une pratique qui existe depuis très longtemps. Ce
n'est pas une pratique qu'on peut proposer à tout bout de champ et
à propos de n'importe quoi, mais il nous a semblé que, sur ce
plan, le gouvernement aurait pu proposer la formule d'arbitrage obligatoire qui
a été proposée à plusieurs reprises dans d'autres
lois spéciales du même genre, soit au niveau du Québec,
soit au niveau fédéral ou dans d'autres provinces. C'est
également une pratique très courante, dans l'ensemble, comme
mécanisme de règlement des conflits de travail. La question est
donc posée. Un arbitrage obligatoire n'aurait-il pas apporté la
possibilité que les parties s'entendent sur autre chose que sur un
document qu'elles ont déjà refusé? C'est le premier
point.
Le deuxième point, évidemment, c'est le problème
que pose une suggestion comme celle-là en ce qui concerne les points qui
seraient admissibles à cet arbitrage. Or, sur ces points qui seraient
admissibles à l'arbitrage, il y a eu une liste qui a été
donnée hier. On a dit: II y avait sept points, mais il y en a un qui a
été résolu par le rapport de médiation. Il en reste
six: santé et sécurité au travail, clauses salariales
et là, je ne sais pas exactement quel est le contenu de cela
les heures de travail, les repas du midi, les régimes de retraite
et les travaux à forfait. Il y en a six. La liste nous a
été donnée. Donc, il ne s'agirait pas de rouvrir
l'ensemble de la convention collective, dans notre esprit tout au moins. Dans
notre esprit tout au moins, on accepterait les points sur lesquels il y a
déjà eu des ententes et le rapport de médiation pour les
points qui sont acceptés et il pourrait être avantageux de
soumettre les points sur lesquels une des deux parties dit: Nous ne sommes
tellement pas d'accord que nous allons suspendre les services essentiels ou
nous allons, en tout cas, faire des grèves rotatives ou autres pour
essayer d'obtenir gain de cause. C'était l'intention et c'est dans ce
sens que mon collègue de Portneuf a posé la question suivante: Le
gouvernement a-t-il songé que dans ce cas-ci, de cette loi
spéciale, il va très loin dans le sens qu'il impose des
conditions de travail, qu'il retire un droit de grève sans la
possibilité qui est souvent utilisée dans d'autres cas similaires
de donner un arbitrage obligatoire sur les points qui demeurent les points
litigieux?
M. Johnson: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Johnson: ... d'abord, dans le fond, j'aurais peut-être
pu continuer si le député d'Outremont avait mis des points de
suspension à sa phrase: Comme le gouvernement libéral, en 1976, a
imposé des conditions de travail en vertu du chapitre 63, je pense, dans
le cas de certains établissements de santé. Le
député de Portneuf a voté pour cette loi, d'ailleurs
et...
M. Raynauld: Des conditions de travail je m'excuse
il n'y en avait pas en 1972 pour Hydro-Québec.
M. Johnson: Non. Je parle de 1976 dans le cas des
établissements de santé.
M. Raynauld: 1972 pour Hydro-Québec.
M. Johnson: 1972, Hydro, c'était autre chose. C'est
vrai.
M. Pagé: Vous faites peut-être les mêmes
erreurs qu'on a faites. De toute façon, vous irez à la place
où on est allé, dans l'Opposition. Vous le savez, à part
cela.
M. Johnson: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est M. le ministre qui a
la parole.
M. Johnson: ... la grande différence est que, dans le cas
présent, les conditions de travail qui sont déterminées
dans cette loi, ou, en fait, par référence, ce n'est pas le
gouvernement qui les a imposées. Le gouvernement impose que ce sera le
rapport de médiation, mais ce n'est pas le gouvernement qui a
décidé qu'à l'article 3.06 ce serait telle chose qui
serait écrite, tandis que dans le secteur de la santé et dans le
secteur scolaire au Québec, depuis 1965, quand il y a eu des conditions
imposées, c'étaient des conditions imposées dans le cadre
d'une proposition gouvernementale élaborée par des membres d'un
gouvernement et, dans certains cas, par la médiation ou à partir
de la médiation. Ce qu'on fait ici, c'est la médiation.
M. Raynauld: Toujours la médiation.
M. Johnson: Oui, mais c'est toujours comme cela. Je comprends que
le député d'Outremont dise cela. Maintenant, je ferai
remarquer...
M. Raynauld: C'est un rapport de médiateurs.
M. Johnson: ... au député d'Outremont... Je vais
l'inciter, devant ses angoisses existentielles dont il nous faisait part cet
après-midi... C'est vrai qu'on vit dans cela. On ne vit pas dans une
société facile. Il y a des tensions et on vit dans une
société qui est d'ailleurs relativement capricieuse, il faut se
le dire. Je ne parle pas de tout le monde, mais quand ton problème,
c'est de savoir si tu vas gagner $41 000 ou $42 000, tu sais ce que je veux
dire, ce n'est pas exactement l'exploitation du sous-prolétariat, tu
n'es pas dans le Tiers Monde. On a peut-être une société
qui a des tensions autour de problèmes comme ceux-là. C'est la
vie, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est la vie. J'aimerais que
la société change un peu et que les valeurs soient à
d'autres places parfois. C'est pour cela que j'ai décidé de faire
de la politique et d'essayer d'y apporter ma contribution. C'est tout. Je
présume que c'est la même chose pour le député
d'Outremont et les autres. Je suis sûr que c'est vrai pour tous les
députés qui sont en politique ici. On a une vision du
déroulement de la société, mais je pense qu'il ne faut pas
avoir un "down" si vous me passez l'expression parce que parfois
cela va mal. On essaie d'agir.
M. Raynauld: Je ne suis pas tiraillé du tout comme le
premier ministre.
M. Johnson: Ceci dit, je voudrais, au-delà de ces
considérations périphilosophiques, vous dire que dans le Code du
travail, la procédure d'arbitrage existe. Il y a la procédure
d'arbitrage obligatoire dans le cas des pompiers et des policiers. Il y a
également la procédure d'arbitrage de différends à
laquelle peuvent se soumettre les parties si elles le désirent. Or, dans
le rapport de médiation lui-même, dans le cas spécifique du
plan d'évaluation des employés de bureau, à la page 27 du
rapport, vous allez remarquer que les médiateurs ont eux-mêmes
recommandé par définition, cela va faire partie de la
convention collective que la question du plan d'évaluation des
employés de bureau fasse l'objet d'un arbitrage séparé. En
d'autres termes, la convention collective va dire: Evaluation de bureau,
référez-vous à un arbitrage. L'arbitrage va avoir lieu et
ils vont décider comment la procédure d'évaluation des
employés de bureau fonctionne. C'est parce que les parties avaient fait
un bout de chemin, mais les parties n'ont peut-être pas fait un bout de
chemin sur les autres sujets. Elles ne se sont peut-être pas parlé
assez longtemps sur certaines choses. Ce n'est pas en deux jours de
médiation, si compétentes, si habiles, si
expérimentées soient-elles, qu'on peut présumer d'un
travail qui n'a pas été fait entre les parties.
Déférer à l'arbitrage, c'est bien beau de dire: Bon! Moi,
je dis blanc; moi, je dis noir; on s'en va à l'arbitrage. Ce n'est pas
simple comme cela une négociation. Ce sont des zones de gris
jusqu'à ce qu'on arrive à quelque chose qui est un gris parfait.
Cela n'existe pas; c'est bien connu. Mais ce sont des zones de gris.
L'autre chose, c'est qu'une négociation, comme un contrat, une
convention collective, une sentence arbitrale, un rapport de médiation
qui est sous forme de recommandation, c'est une affaire globale. L'expression,
en anglais, c'est un "package deal". C'est cela l'expression anglaise. C'est
vraiment cela, c'est une affaire globale. Quand le syndicat dit: II n'y a que
sept sujets en litige: santé et sécurité, régime de
retraite, salaires et indexation, repas du midi, ancienneté, horaire de
travail, contrats à forfait, c'est à peu près la
moitié de la convention collective, les clauses salariales. Ecoutez! Il
y a environ un tiers des dispositions de la convention collective qui sont des
clauses salariales. On va envoyer tout cela à l'arbitrage?
Dans le fond, ce que nous dit le député d'Outremont, c'est
qu'on va faire comme si rien de tout cela n'avait existé; on va juste
abolir le droit de grève à perpette dans ce domaine et on
réfère tout à l'arbitrage. Je ne suis pas sûr que
c'est cela qui aurait amené de l'électricité aux gens
demain et les travailleurs de retour au travail avec un minimum de
satisfaction, parce qu'ils ont des conditions qui ont de l'allure. Le
débat que soulève le député d'Outremont, c'est tout
le débat de fond qui va se faire dans notre société sur la
question du droit de grève dans certains types de services publics. Je
l'invite, et cela me fera plaisir de participer à des discussions
là-dessus dans les mois qui viennent. On aura toutes sortes de forums.
Je sais que certains des membres de
l'Opposition ont été invités récemment
à des congrès de relations industrielles et des choses comme
celles-là. C'est cela. Il faut débattre de tout cela. C'est
important.
M. Raynauld: Oui. Mme la Présidente, si vous me le
permettez.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: Je voudrais faire juste une petite remarque. Je ne
voudrais pas que le ministre laisse l'impression que, parce que j'ai
soulevé la question d'arbitrage obligatoire, cela se substituait
à la loi qui est proposée. Le ministre a laissé entendre
que cela n'aurait peut-être pas réglé les problèmes.
C'est vrai que cela n'aurait peut-être pas réglé les
problèmes d'envoyer cela à l'arbitrage, mais si je parle
d'arbitrage, c'est dans le cadre de cette loi de retour au travail. (22
heures)
Je veux que cela soit bien clair. Nous sommes d'accord avec cette loi de
retour au travail. C'est vrai que cela n'aurait probablement pas
réglé les problèmes des services essentiels; nous voulons
régler les problèmes des services essentiels. C'est juste pour
clarifier la position que j'ai essayé d'expliciter ma pensée.
M. Johnson: Si vous me permettez une dernière remarque
à ce sujet.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: II ne faut pas oublier, encore une fois, qu'il n'y a
jamais eu d'expression claire de la volonté des travailleurs sur le
rapport de médiation. Cela est très important. Ce qu'on a eu,
c'est la qualification par les officiers syndicaux, dans un contexte tout
à fait anormal. Une recommandation de médiation, cela va au vote.
Cela a toujours été comme cela. Ils ont décidé que
cela n'allait pas au vote. Si, au moins, on avait eu l'expression claire des
travailleurs qu'effectivement, il y avait un rejet massif ou je ne sais quoi de
cela, il y a des gens qui allument leurs lumières. Dans ce
temps-là, on appelle cela un échec de la médiation. Cela
arrive parfois, c'est déjà arrivé dans le passé.
Cela s'appelle parfois un échec de la conciliation ou un échec de
la négociation. Mais là, il n'y a pas eu d'expression claire de
la volonté des travailleurs. Il y a eu, par des officiers syndicaux, le
rejet, comme cela. Je ne tiens pas pour acquis que c'est un rejet de contenu de
rapport de médiation.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Portneuf.
M. Pagé: Mme la Présidente, je vais remercier le
ministre de ses commentaires. Il nous a fait part de la position du
gouvernement à cet égard. Si j'ai abordé cette question,
c'est qu'il nous apparaît, quant à nous, de l'Opposition
officielle, que même si le gouvernement est tout à fait
justifié d'agir, un gouvernement, quel qu'il soit, placé dans de
telles circonstances, est justifié, se doit d'intervenir de la
façon dont il intervient par la loi 88 avec les dispositions qu'elle
contient, à savoir d'enlever le droit de grève à cet
égard et faire en sorte que les services essentiels soient
rétablis et que l'ensemble des services soit maintenu à cette
période-ci de l'année. Nous sommes d'accord, nous y souscrivons
et nous disons: Oui.
Cependant, c'est d'ailleurs dans ce sens que j'ai voulu porter
à son attention les dispositions de l'article 5 ce en quoi on
diffère d'opinion, c'est que notre approche, si on avait
été placé dans la conjoncture où le gouvernement
est placé, aurait été différente dans le sens qu'on
aurait permis dans ce cas, par les dispositions de l'article 5, que les points
en litige soient ramenés à l'arbitrage de façon à
ne pas imposer de carcan au législateur et au gouvernement. De par sa
majorité, même s'il a l'appui de tous les membres de l'Opposition,
le fait de fixer... c'est quand même important, cela a des
répercussions, car le gouvernement décrète les conditions
de travail des employés du syndicat donné pour une période
de trois ans.
Le ministre aura beau me répondre que cela a déjà
été fait dans le passé, j'en conviens. Le ministre nous
dira qu'on a peut-être déposé des lois qui allaient dans ce
sens, qui reprenaient peut-être l'essentiel du libellé de
l'article 5 de la loi, j'en conviens encore une fois. Je conviens aussi que le
ministre sera d'accord si je dis qu'à ce moment-là, nos amis d'en
face, qui étaient dans l'Opposition, qualifiaient ces lois de
lois-matraques. Je conviens aussi que c'est à la lumière
d'erreurs comme celles-là qu'on peut tirer des leçons.
Il nous paraît que le gouvernement, le législateur, le
ministre du Travail devraient davantage s'écarter du pouvoir qu'ils ont
de par la loi d'établir la convention collective et éviter de se
substituer aux parties et même de se substituer aux parties
prévues au Code du travail, parce que l'arbitrage est prévu au
Code du travail et que cela aurait pu être déféré.
Cela aurait été, en même temps, faire confiance aux
mécanismes prévus à l'intérieur d'une loi qui a
été adoptée par le titulaire de cette loi, le ministre
actuel du Travail, et qui prévoit aujourd'hui dans la même loi ne
pas faire confiance aux dispositions du Code du travail à l'égard
de l'arbitrage mais prévoir directement, de par la loi, des conditions
de travail pour une période de trois ans. Je n'en ferai pas une motion,
Mme la Présidente. Il est déjà 20 h 05 et on veut que la
loi soit adoptée et sanctionnée avant minuit évidemment,
cela va de soi. Alors, l'article 5 sera adopté sur division.
M. Johnson: Mme la Présidente, avant de procéder
à l'adoption...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Johnson:... je voudrais simplement relever cela. Cela me
paraît bien important, et on va finir l'article 5 rapidement, si vous le
voulez.
M. Pagé: C'est vous qui voulez faire un filibuster?
Pourquoi? J'ai dit qu'on adoptait sur division l'article 5.
M. Johnson: Je veux relever ce qu'a dit le député
de Portneuf. Je pense que c'est important qu'on se comprenne.
M. Pagé: Exécutez-vous.
M. Johnson: La première chose, c'est que le
député de Portneuf a mentionné tout à l'heure qu'il
ne voulait pas que je fasse d'intervention partisane. Je viens de le voir faire
un immense 8 sur la glace. Un patin de fantaisie comme je n'en ai pas vu depuis
longtemps pour expliquer qu'il est pour et qu'il est contre la loi en
même temps. Est-ce qu'il est pour ou il est contre? Deuxièmement,
je voudrais souligner...
M. Pagé: Vous le savez. Vous faites de la démagogie
comme d'habitude, comme vous en avez fait hier devant les syndiqués.
M. Johnson: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, c'est vous
qui avez la parole.
M. Johnson: Deuxièmement, le député de
Portneuf sait très bien que la définition de ce qui est sujet
à l'arbitrage, c'est un gros problème en droit du travail quand
il y a des conventions collectives de 125 pages. Qui est-ce qui définit
la juridiction de l'arbitrage? Quels sont les objets sur lesquels les arbitres
vont se prononcer? Troisièmement, en plus de la position
alambiquée et du problème de la définition de la
juridiction de l'arbitre, troisièmement, il y a le fait que si
c'était l'arbitrage régulier qui s'était appliqué
et les principes généraux qu'on retrouve dans l'arbitrage, je
peux à peu près vous assurer que le syndicat ou les travailleurs
auraient moins obtenu sur bien de ces affaires-là qu'il n'a obtenu en
médiation parce qu'en général, l'arbitrage
réfère aux conditions existantes, dans des domaines semblables.
Or, on sait que dans le cas d'Hydro-Québec, sur à peu près
tout ce qu'il y a dans cette convention, c'est supérieur à peu
près à tout ce qu'on trouve partout au Québec dans le
secteur privé et dans le secteur public. Donc, la
référence à l'arbitrage aurait, en pratique, pu vouloir
dire des reculs en terme de convention collective pour les travailleurs.
Evidemment, si c'est cela que le député de Portneuf a en
tête et avait en tête, je vais commencer à comprendre ce qui
s'est passé de 1970 à 1976.
M. Pagé: C'est de la démagogie que vous faites. Ce
n'est pas ce que j'ai énoncé. L'arbitrage aurait pu porter sur
les points en litige que le ministre a évoqués tout à
l'heure. C'est purement démagogique et cela témoigne et cela
représente l'attitude que vous étiez là,
d'ailleurs, Mme la Présidente le ministre du Travail a
adoptée hier, témoignant et démontrant une suffisance qui
a même déplu à certains de ses collègues de son
côté, d'ailleurs. Article 5, adopté sur division.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 5 sera
adopté sur division. Adopté, sur division. Article 6.
M. Johnson: Article 6, Mme la Présidente, j'ai un
papillon. Je pense que vous l'avez. On va le lire pour l'Opposition. D'abord,
au papillon, je voudrais simplement ajouter à la deuxième ligne
du papillon, après le mot "salariée" et avant le mot "une" qui
précède une union, il faudrait dire, pour les fins du
français, "ainsi qu'", "ainsi qu'une union". Les changements sont les
mots soulignés que vous retrouvez, c'est-à-dire, "qui contrevient
à l'article 4 où une association de salariés ainsi qu'une
union". En fait, c'est ce qu'avait lui-même évoqué le
député de Portneuf tout à l'heure, l'article 4
était en effet sans sanction. C'était un oubli simplement dans la
rédaction. Deuxièmement, on a ajouté, on a
précisé et explicité la notion de grève interdite
ou un ralentissement de travail pendant la durée d'une convention
collective visée par l'article 5. C'est simplement une explicitation de
l'arrêt de travail. Voilà.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement sera-t-il
adopté?
M. Pagé: Adopté.
M. Johnson: Est-ce que l'article est adopté, Mme la
Présidente?
M. Russell: II semble que dans la question de ces poursuites
comme dans chacun des cas, il semble qu'il y a toujours eu certaines
difficultés d'interprétation lorsqu'il s'agit de l'infraction. Je
me demande si le ministre a pensé à trouver une meilleure
interprétation pour faciliter la tâche de ceux qui ont à
faire appliquer cette loi ou ces lois.
M. Johnson: M. Brière, qui est juriste, me souligne que le
problème qui est soulevé, c'est celui de la question des chefs de
dénonciation dans le cas d'une infraction qui dure plusieurs jours. En
pratique, les tribunaux règlent cela. Ce n'est pas au niveau de la loi
qu'on peut régler cela. En fait, on n'a pas besoin de le régler
par une modification.
M. Russell: II y a une jurisprudence qui existe actuellement dans
les cours qui est utilisée comme preuve. (22 h 10)
M. Johnson: En pratique, en vertu de la Loi des poursuites
sommaires, on peut faire une dénonciation qui comporte plusieurs chefs
d'accusation, un par jour. C'est réglé par la Loi des poursuites
sommaires.
Est-ce que l'article 6 est adopté, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement à
l'article 6 ainsi que son sous-amendement sont-ils adoptés?
M. Pagé: Adopté.
M. Johnson: L'article 6 est-il adopté?
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 6 est-il
adopté?
M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Mme la Présidente, juste un problème.
C'est une question que je pose. On dit dans l'amendement: A contrevenir
à l'article 2 ou à participer à une grève
visée dans l'article 5. L'article 5 établit les conditions de
travail. Je ne comprends pas pourquoi il y a une référence
à l'article 5.
M. Johnson: Ce n'est pas une grève visée à
l'article 5, c'est pendant la durée d'une convention visée
à l'article 5.
M. Raynauld: La convention qui est visée dans l'article 5.
Très bien, merci.
M. Johnson: C'est cela.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 6 est-il
adopté tel qu'amendé?
M. Pagé: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 7
est-il adopté?
M. Johnson: Un instant, s'il vous plaît! D'accord, cela va,
l'article 7.
M. Pagé: Article 7, adopté, Mme la
Présidente. Le ministre prendra quand même acte des commentaires
qu'on lui a faits.
M. Johnson: On a un papillon à l'article 7. M.
Pagé: Encore.
M. Johnson: Qui est en fait de même nature, c'est la
concordance avec l'article 6; il s'agit simplement de dire: Ou à un
ralentissement de travail pendant la durée de la convention collective,
alors qu'on parlait de grève interdite dans l'ancien article.
Je dépose l'amendement à l'article 7. L'amendement est
pour remplacer au cinquième alinéa...
La Présidente (Mme Cuerrier): Comme à l'article 6,
c'est le premier alinéa qui est amendé.
M. Johnson: C'est cela, pour les fins d'inclure les mots "ou
à un ralentissement de travail pendant la durée d'une convention
collective visée par l'article 5".
La Présidente (Mme Cuerrier): Cet amendement est-il
adopté?
M. Pagé: L'amendement est adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement est
adopté. L'article 7 est-il adopté tel qu'amendé?
M. Pagé: Oui, Mme la Présidente. J'espère
que le ministre aura pris acte des commentaires qu'on a formulés dans
nos interventions en deuxième lecture sur la surprise qu'on a dû
manifester à l'égard du montant élevé des amendes
comparativement aux montants prévus dans la loi 62.
M. Johnson: Mme la Présidente, est-ce que... Je veux bien
en prendre acte. Est-ce que vous avez une suggestion d'amendement?
M. Pagé: Non, mais on peut quand même exprimer notre
surprise.
M. Johnson: De toute façon, ce sont celles à
l'égard du syndicat qui sont de l'ordre de celles qui ont
été constantes sous le régime libéral, soit dit en
passant.
M. Pagé: Que vous avez annulées le lendemain de
l'élection.
M. Johnson: ... mais à l'égard des
travailleurs...
M. Pagé: ... parce que c'était selon vous trop
élevé.
M. Ciaccia: Sous le régime libéral c'était
de $5000 à $20 000.
M. Johnson:... il y a des amendes qui sont de l'ordre de $25
à $100, ce qui est considérablement inférieur à ce
qui a été prévu dans le passé par nos amis d'en
face.
M. Pagé: Je tiens à dire pour la gouverne du
ministre, peut-être que les gens de son cabinet pourraient lui indiquer,
s'ils faisaient des recherches dans ce sens, relativement à la loi 253,
notamment, les amendes prévues étaient de $5000 à $20 000,
et non pas de $5000 à $50 000.
Ce sont entre autres les amendes...
M. Johnson: Voulez-vous présenter un amendement?
M. Pagé: Non, mais, écoutez là, vous avez
pris acte...
M. Johnson: Non, mais si... Je veux bien prendre acte,
mais...
M. Pagé: Mme la Présidente, c'est moi qui ai la
parole.
M. Johnson: Cela s'appelle porter son chapeau, il y en a qui
disent porter ses culottes...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Johnson: Si vous trouvez que c'est trop élevé,
proposez un amendement.
M. Pagé: Je vous en prie. Je vous en prie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, s'il vous
plaît, c'est M. le député de Portneuf qui a la parole.
M. Pagé: Mme la Présidente, rappelez-le donc
à l'ordre!
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, s'il vous
plaît! C'est le député de Portneuf qui a la parole.
M. Pagé: Très bien, merci. J'ai tout simplement
demandé au ministre qu'il prenne acte des commentaires qu'on lui a
formulés cet après-midi, où on a pu manifester notre
surprise alors que le gouvernement, au lendemain de la prise du pouvoir par le
gouvernement du Parti québécois, annonçait qu'il retirait
les poursuites et tout. D'ailleurs, il y avait eu des amendes imposées
à plusieurs groupes, plusieurs individus qui totalisaient quelques
millions de dollars. On se rappellera qu'à ce moment le gouvernement
nous avait dit, par la voix de son ministre de la Justice, que les amendes
pouvant aller jusqu'à $20 000 par jour pour un syndicat c'était
exorbitant, c'était inacceptable, que ces gens ne seraient pas capables
de payer, c'était somme toute les mettre en faillite, etc.
On constate encore une fois que le gouvernement revient sur sa parole,
revient sur ses arguments antérieurs, met de côté ses
préjugés évidemment, chaque jour, il en met de
côté, des préjugés et il prévoit des
amendes qui sont différentes de celles prévues dans la loi 62
qu'on a adoptée il y a cinq semaines concernant le secteur des
hôpitaux et concernant les associations du secteur public qui
étaient à ce moment-là à négocier leurs
dossiers. Dans le moment, cela peut aller jusqu'à $50 000. C'est
beaucoup et j'ai demandé au ministre purement et simplement d'en tenir
compte.
M. Johnson: Dans le cas du syndicat, il faut se rappeler que la
formule Rand existe, qu'il y a 12 000 travailleurs qui paient des cotisations
syndicales. Cela représente des sommes considérables. Ce n'est
pas un syndicat qui est obligé de demander des subventions au
fédéral. Il en demande peut-être, remarquez!
M. Pagé: Que le ministre ne fasse pas son petit comptable,
il y a assez de problèmes dans ses relations de travail comme ça!
Article 7, adopté?
Une Voix: Adopté.
M. Pagé: Laissez ça à M. Parizeau, les
finances.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 7 est-il
adopté tel qu'amendé?
M. Michaud: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Laprairie.
M. Michaud: ... nous sommes encore à l'article 6?
La Présidente (Mme Cuerrier): Non. M. Pagé:
C'est passé.
M. Michaud: Excusez-moi. A l'article 7, on parle d'amendes de
$5000 à $50 000. Il y en a qui trouvent peut-être ça
exorbitant. Je ne sais pas si le ministre accepterait d'amender cet article
pour mettre, à la place de $5000, $1000 et, à la place de $50
000, $10 000.
M. Johnson: II s'agit ici...
M. Pagé: Vous acceptez cet amendement, Mme la
Présidente?
Une Voix: L'amendement est-il recevable?
M. Johnson: Oui, l'amendement est recevable, Mme la
Présidente. Je n'ai pas d'objection.
M. Pagé: L'amendement est-il reçu? Il est
reçu.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, vous discutez sur la
motion d'amendement.
M. Johnson: Dans le fond, il s'agit, si je comprends bien
et je comprends très bien des amendes cette fois-ci non pas du
syndicat, mais des dirigeants syndicaux, c'est-à-dire un permanent, un
employé, un président, un secrétaire, un trésorier
de syndicat pour lesquels on mettrait des amendes qui seraient plutôt de
$1000 à $10 000 par opposition à $5000 à $50 000.
J'accepterais l'amendement, Mme la Présidente, et je le ferais mien.
M. Ciaccia: Mme la Présidente...
M. Johnson: Sauf qu'il va falloir faire une concordance avec
l'article 6, si on fait cela. Il va falloir faire une concordance avec
l'article 6 simplement pour des raisons techniques. Je reviendrai dessus le cas
échéant.
M. Ciaccia: ... si je comprends bien...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: ... le député de Laprairie avait
suggéré un amendement à l'article 6.
M. Michaud: A l'article 7, je m'excuse. C'est à l'article
7.
M. Ciaccia: A l'article 7.
M. Johnson: II va y avoir une concordance à faire au
deuxième alinéa de l'article 6. En faisant un amendement à
l'article 7 qui viserait à remplacer, dans le premier paragraphe, le
premier alinéa, à l'avant-dernière ligne les chiffres de
$5000 à $50 000...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre...
M. Johnson: Pardon?
La Présidente (Mme Cuerrier): Un petit détail
technique. Il me faudrait le consentement unanime pour retourner à
l'article 6 puisque ce sera un amendement de concordance si,
éventuellement, cet amendement était adopté par la
commission plénière. Consentement?
M. Johnson: Mme la Présidente, c'est l'article 7 que
j'amende et par concordance ce sera l'article 6. En amendant l'article 7, on
est en train d'étudier l'article 7...
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 6 étant
déjà adopté...
M. Johnson: Oui, mais puisque c'est de la concordance... Est-ce
qu'on a le consentement, Mme la Présidente? Je ne suis pas sûr
qu'on en ait besoin parce que c'est de la concordance, c'est une affaire de
cohérence du texte.
La Présidente (Mme Cuerrier): De toute façon, M. le
ministre, si nous avions le consentement unanime pour revenir à
l'article 6, nous n'aurions pas besoin des discussions actuelles.
M. Johnson: Parfait!
La Présidente (Mme Cuerrier): Nous avons le consentement
pour retourner à l'article 6. Voilà. M. le député
de Laprairie, je vous demanderais, à ce moment-ci, de proposer votre
amendement à l'article 6.
M. Michaud: Oui. Je voulais tout simplement remercier le ministre
d'accepter mon amendement proposant de changer les $5000 pour $1000 et les $50
000 pour $10 000 en ce qui concerne les dirigeants et les administrateurs. Je
serais très heureux si l'Opposition acceptait mon amendement pour qu'on
puisse le voter rapidement et à l'unanimité. Il faudrait le
formuler. On pourrait prendre une minute pour le formuler par écrit.
La Présidente (Mme Cuerrier): Si j'ai bien compris, cet
amendement à l'article 6 serait de remplacer $5000 par $1000.
M. Johnson: Mme la Présidente, si vous permettez, est-ce
qu'on pourrait procéder d'abord...
La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous clarifier cet
amendement?
M. Johnson: Est-ce que je pourrais suggérer une
procédure, Mme la Présidente, pour que cela aille plus
rapidement? Je suis sûr que nos amis de l'Opposition vont nous permettre
de le faire. Est-ce qu'on pourrait simplement s'occuper de l'article 7? On le
fera par concordance à l'article 6 en présumant du consentement
qui nous a été donné tout à l'heure. (22 h 20)
Alors, Mme la Présidente, est-ce qu'à l'article 7 on
pourrait dire que l'amendement est le suivant, si je comprends bien ce que le
député de Laprairie nous dit: "Remplacer les chiffres "$5000
à $50 000" par l'expression "$1000 à $10 000", à l'article
7."
La Présidente (Mme Cuerrier): Que je retrouve cet article
7 et que je vérifie, M. le ministre, un moment, s'il vous
plaît!
M. Johnson: Mme la Présidente, si la commission me le
permet, est-ce que je pourrais faire lecture globalement, juste pour qu'on se
comprenne, et après cela, on va les prendre un après l'autre?
Dans le fond, l'objet de tout cela, ce que nous demande le député
de Laprairie, c'est que dans le cas d'un dirigeant syndical, d'un conseiller
syndical, d'un trésorier, d'un élu de syndicat, et non pas d'un
salarié simplement et non pas la structure syndicale elle-même, de
faire en sorte que l'amendement, au lieu d'être de $5000 à $50
000, soit de $1000 à $10 000. Tout ce qu'on va faire, c'est ce que cela
va dire.
La première étape serait de dire, à l'article 6, de
remplacer dans le deuxième alinéa de l'article 6, à la
septième ligne du deuxième alinéa de l'article 6, les mots
"pour l'infraction" par les mots "au premier alinéa de l'article 7".
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, remplacer "pour
l'infraction"...
M. Johnson: Par les mots "au premier alinéa de l'article
7".
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, je relis le
paragraphe pour que nous nous comprenions, le dernier paragraphe de l'article
6, pour que ce soit bien clair: "Lorsqu'une de ces associations, unions,
fédérations ou confédérations a commis une
infraction prévue à l'alinéa précédent,
chacun de ses dirigeants, administrateurs, employés, agents ou
conseillers qui a participé à l'accomplissement de l'infraction
ou qui y a acquiescé, est réputé être partie
à l'infraction et est passible de la peine prévue au premier
alinéa de l'article 7, que l'association, l'union, la
fédération ou la confédération ait ou non
été poursuivie ou déclarée coupable."
M. Johnson: Mme la Présidente, je m'excuse, je pense que
vous n'avez pas tenu compte du premier amendement qu'on a fait tout à
l'heure au moment où on a étudié l'article 6 qui disait
"ou à un ralentissement de travail pendant la durée..." Parfait,
cela va. C'est cela, l'article 6, cela va. Article 7.
La Présidente (Mme Cuerrier): Cela va? Alors, article 6,
adopté tel qu'amendé?
M. Johnson: Tel que modifié, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté tel
qu'amendé. Alors, le sous-amendement est adopté et l'article 6
est adopté tel qu'amendé. Article 7.
M. Pagé: A l'article 7, Mme la Présidente, on
accepte l'amendement. Nous l'acceptons mais nous considérons... On aura
quand même...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'article 1... M.
Pagé: ... constaté qu'il aura...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'article 7, le premier
paragraphe devient donc: "Un dirigeant, administrateur, employé, agent
ou conseiller d'une association de salariés, union,
fédération ou confédération visée dans
l'article 6, qui autorise, encourage ou incite une personne à
contrevenir à l'article 2 ou à participer à une
grève ou à un ralentissement de travail pendant la durée
d'une convention collective visée dans l'article 5, commet une
infraction et est passible, en outre du paiement des frais, d'une amende de
$1000 à $10 000 pour chaque jour ou partie de jour pendant lequel dure
la contravention." Cet amendement de $5000 à $1000 et de $50 000
à $10 000 est-il adopté?
M. Pagé: L'amendement est adopté sur l'article tel
qu'amendé.
M. Johnson: II reste le deuxième alinéa par
concordance, toujours, qu'il faut ajuster. Il s'agirait de remplacer dans le
deuxième alinéa de l'article 7... Cela va?
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui.
M. Johnson: De remplacer dans les cinquième et
sixième lignes du deuxième alinéa les mots "l'amende
prévue au même titre que cette personne" par les mots "la peine
prévue au premier alinéa de l'article 6". Voilà! C'est
bien simple. C'est $1000, $10 000, mais cela prend cinq opérations.
C'est cela, faire cela systématiquement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Papineau, sur la motion de sous-amendement.
M. Alfred: Je souscris à cet amendement parce qu'il est
pédagogiquement très intéressant.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le deuxième
alinéa de l'article 7 se lirait donc comme suit, si l'amendement
était adopté: "L'association de salariés, l'union, la
fédération ou la confédération visée dans
l'article 6, dont un dirigeant, administrateur, employé, agent ou
conseiller commet une infraction prévue à l'alinéa
précédent est partie à cette infraction et passible de la
peine prévue au premier alinéa de l'article 6." Cet amendement
est-il adopté?
M. Pagé: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.
M. Johnson: Cet article est-il adopté?
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 7, tel
qu'amendé, est-il adopté?
Des Voix: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.
M. Raynauld: Mme la Présidente, ce n'est pas "au premier
alinéa de l'article 6". C'est "au deuxième alinéa de
l'article 6", je pense.
La Présidente (Mme Cuerrier): Merci, M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: Quand vous l'avez relu.
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est bien cela.
Après vérification, M. le député d'Outremont, au
lieu de l'amendement, on ferait la concordance avec le deuxième
alinéa de l'article 6. C'est bien cela?
M. Raynauld: C'est cela.
La Présidente (Mme Cuerrier): Tout le monde est
d'accord?
M. Johnson: C'est cela.
La Présidente (Mme Cuerrier): Au deuxième
alinéa de l'article 6. le sous-amendement sera-t-il adopté?
Une Voix: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le sous-amendement à
l'amendement et l'article 7, tels qu'amendés, sont-ils
adoptés?
Une Voix: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. Voilà!
Article 8. L'article 8 sera-t-il adopté?
M. Johnson: Mme la Présidente, simplement remplacer le mot
"amende" par le mot peine", par concordance, simplement. Il s'agit de
l'avant-dernière ligne du premier alinéa, c'est-à-dire
de
l'article 8, le mot "amende" remplacé par le mot "peine".
La Présidente (Mme Cuerrier): Cinquième
ligne...
M. Johnson: De $25 à $100 par jour. M. Pagé:
Pourquoi?
M. Johnson: Par cohérence, tout simplement, avec le reste
du texte. C'est pour avoir le même terme dans tous les articles, le mot
"peine" plutôt que le mot "amende".
Une Voix: Ou "amende" plutôt que "peine".
M. Johnson: Ou "amende" plutôt que "peine".
M. Raynauld: Mme la Présidente, il va falloir... C'est
amende.
M. Pagé: On tombe dans l'incohérence.
M. Raynauld: Le mot "peine" a été introduit une
seule fois dans l'amendement qui vient d'être apporté, mais dans
tout le reste du texte, c'est le mot "amende".
M. Johnson: Pardon. Je m'excuse. Vous avez raison. C'est parce
qu'on travaille sur deux textes. C'est différent. On laisse le mot
"amende " partout.
M. Raynauld: Amende...
M. Pagé: Là, vous êtes cohérent.
M. Johnson: Toujours. Mme la Présidente, après
l'article 8.
La Présidente (Mme Cuerrier): Article 8. Le mot "amende" demeure
tel quel, n'est-ce pas?
Une Voix: Oui.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 8 est-il
adopté?
M. Pagé: Adopté.
M- Johnson: Mme la Présidente, j'introduirais ici un article
entre l'article 8 et l'article 9 et on changerait donc la numérotation.
Ce serait le nouvel article 9 qui se lirait comme suit: "Tout administrateur,
employé, agent ou conseiller d'Hy-dro-Québec qui participe ou qui
acquiesce à un acte posé par Hydro-Québec, contrairement
à l'article 3, ou à un lock-out pendant la durée d'une
convention collective visée à l'article 5, commet une infraction
et est passible, en outre du paiement des frais, d'une amende de $5000
il s'agirait ici de mettre de $1000 à $10 000 parce que c'est un
individu pour chaque jour ou partie de jour pendant lequel dure cette
contravention. (22 h 30)
II s'agit, en fait, d'imposer sur les officiers et administrateurs
d'Hydro-Québec qui décideraient de faire un lock-out
illégal au sens du Code du travail des peines qui ne sont pas celles du
code, mais qui sont plus sévères que dans le code, comme on l'a
fait d'ailleurs pour les officiers syndicaux.
La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous clarifier, M. le
ministre? Je vous ai mal entendu. Il y a eu...
Une Voix: D'Hydro-Québec. M. Johnson:
D'Hydro-Québec.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, il faut corriger...
Voilà. Ces amendements sont-ils adoptés?
M. Pagé: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): On l'a lu.
M. Johnson: ... un papillon, ii s'agit simplement d'un amendement
pour les fins de renumérotation. Il s'agit de renuméroter les
articles 9, 10 et 11, qui deviennent respectivement les articles 10, 11 et
12.
La Présidente (Mme Cuerrier): 11 et 12. L'article 9 est-il
adopté tel qu'amendé?
Des Voix: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 10,
maintenant, M. le ministre?
M. Johnson: A l'article 10...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voudrais à ce stade-ci, Mme la
Présidente, à la suite de l'article 9, proposer d'ajouter un
article qui se lirait comme suit, immédiatement après l'article
9. On pourrait le numéroter 9.1 ou 10 et changer le numéro des
autres articles. Cet amendement que nous proposons fait suite aux interventions
du député de Brome-Missisquoi et du député de
Mégantic-Compton quant à la décertification des syndicats
qui ne respecteraient pas la loi qui nous est proposée aujourd'hui par
le gouvernement. Mme la Présidente, voici la motion d'amendement que je
fais qui se lirait comme suit: "Que l'article 9 soit modifié en ajoutant
après le premier alinéa les alinéas suivants: 9.1. Le
commissaire général du travail au sens du Code du travail doit,
à la demande du Procureur général, révoquer
l'accréditation accordée à toute association visée
à l'article 1 s'il est établi que moins de 70% des personnes
à l'égard desquelles cette association est
accréditée se sont conformées à l'article 2; "9.2
Lorsque l'accréditation d'une association est révoquée en
vertu de l'article 9.1, cette
association ne peut plus être accréditée dans les
douze mois qui suivent cette révocation ni tant que les amendes
imposées en vertu de la présente loi à cette association,
à cette union, fédération ou confédération
à laquelle cette association adhère ou est affiliée ou
à chacun de leurs fonctionnaires, administrateurs, employés,
agents ou conseillers n'ont pas été entièrement
payées. Aucune autre association qui adhère ou est
affiliée à une union, fédération ou
confédération d'associations à laquelle adhérait ou
était affiliée l'association dont l'accréditation a
été ainsi révoquée ne peut au cours de la
même période être ou demeurer accréditée pour
représenter des employés qui étaient membres de
l'association dont l'accréditation a été
révoquée."
Mme la Présidente, il y a également un amendement, 9.3,
qui se lirait comme suit: "9.3 Lorsque l'accréditation d'une association
a été révoquée en vertu de la présente loi,
les employés représentés par cette association cessent
alors d'être régis par toute convention collective alors en
vigueur."
Mme la Présidente, ces modifications que nous proposons vont
effectivement dans le cadre de cette loi. Il s'agit tout simplement d'une
pénalité additionnelle qui est prévue dans la section IV
qui s'intitule Sanctions. Alors, il s'agit d'une sanction additionnelle que
nous voudrions voir imposer aux syndicats qui, en fait, ne respecteraient pas
la loi, telle que proposée par le gouvernement. Cela n'enlève
absolument rien aux syndicats. Il s'agit tout simplement d'avoir une assurance
supplémentaire pour que la loi soit respectée. Si la loi est
respectée, cela n'enlève absolument rien aux syndiqués. La
loi s'appliquera telle quelle mais si, par exemple, comme on l'a vu d'ailleurs
pour la loi 62, les chefs syndicaux s'avisaient de demander à leurs
membres de ne pas respecter la loi, à ce moment, l'accréditation
des syndicats qui agiraient ainsi serait annulée. Mme la
Présidente, nous soutenons que ces amendements peuvent être
reçus en vertu de notre règlement. Nous recommandons au ministre
et également à l'Opposition officielle d'y concourir en vue de
leur adoption pour que les lois que nous adoptons ici, à
l'Assemblée nationale, soient enfin respectées.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement de M. le
député de Nicolet-Yamaska sera-t-il adopté?
M. Johnson: Mme la Présidente, je pense...
M. Pagé: Le député de Papineau, je pense, de
par son intention, voulait demander un vote enregistré?
M. Johnson: Si je comprends bien, le député de
Nicolet-Yamaska voulait qu'on soulève... Est-ce que c'est le
député de Brome-Missisquoi qui veut parler?
M. Russell: Mme la Présidente, je pense bien que ce n'est
pas être exigeant. Certaines person- nes peuvent prétendre que ce
n'est pas raisonnable d'insérer à l'intérieur d'une loi
une infraction aussi rigide que celle-là. Je présume que tout le
monde est de bonne foi, les syndicats et les syndiqués, mais je dois
prendre des précautions pour m'assurer que s'il y avait des gens de
mauvaise foi, ceux qui en sont les victimes soient protégés. Je
pense que cette infraction que nous insérons à l'intérieur
de la loi va faire en sorte que les gens qui sont impliqués vont y
penser deux fois avant de faire comme ils ont fait pour la loi 62 en continuant
à contester une loi du Parlement. Je ne crois pas que ce soit une loi
trop sévère. Je pense que la population qui est visée par
le service de cette société d'Etat a le droit à cette
protection. C'est en son nom que je parle ce soir; c'est en son nom que je fais
cet appel au ministre du Travail d'insérer cette clause à
l'intérieur de la loi que nous adoptons aujourd'hui pour faire en sorte
qu'elle soit respectée et que les services soient rétablis dans
les délais prescrits par cette loi.
M. Johnson: Mme la Présidente, brièvement. Je
connaissais l'intention des députés de Nicolet-Yamaska et de
Brome-Missisquoi là-dessus. Je m'y oppose parce que la
décertification est, à mon avis, une sanction extrêmement
sévère; deuxièmement, elle préjuge... Elle a
été introduite dans le cas de la CTCUM dans un contexte
très précis où un moyen de pression très
précis avait été appliqué par les travailleurs et
c'est ce qu'on voulait éviter par cette disposition. Le ministre du
Travail à l'époque était l'actuel député de
Johnson. L'autre chose, c'est qu'en pratique cela pose le problème du
trou juridique si jamais cela survient, le problème du débrayage
sporadique sur lequel le syndicat n'aurait pas eu de contrôle dans un cas
précis. Dans l'ensemble des dispositions du Code du travail, je pense
que cela peut soulever beaucoup de difficultés. Les amendements qui sont
là ne permettent pas, je pense, de...
M. Fontaine: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Le ministre du Travail parle de débrayage
sporadique qui pourrait avoir lieu. Nous avons pris la précaution
d'inclure dans notre amendement, à l'article 9.1, le fait qu'il faudrait
au moins que 70% des syndiqués...
M. Johnson: Je retire mon argument sur le débrayage
sporadique mais les autres valent.
M. Fontaine: Vous en aviez deux et vous en avez retiré un;
il ne vous en reste qu'un. On va parler du deuxième.
M. Johnson: II est juridique; c'est un gros morceau.
M. Fontaine: Je ne vois pas de trou juridique.
M. Johnson: Cela l'emporte.
M. Fontaine: Quel est le trou juridique que vous voyez
là-dedans? Si le syndicat ne respecte pas la loi, il est tout simplement
décertifié et le syndicat n'existe plus. Il n'y a pas de trou
juridique. (22 h 40)
M. Johnson: Les travailleurs n'ont plus d'institution. On peut
porter le jugement qu'on voudra sur les institutions syndicales, mais les
conséquences de la décertification dans ce contexte, c'est de
priver les personnes d'institutions syndicales. Je ne suis pas sûr qu'on
fait de la législation nouvelle sur un coin de table comme cela; je
préfère qu'on puisse s'asseoir un jour et peut-être en
discuter.
M. Fontaine: II n'y a rien qui empêche... M. Johnson:
Largement.
M. Fontaine: II n'y a rien qui empêcherait le gouvernement
de redonner une accréditation au syndicat au moment même où
il continue de respecter la loi.
M. Johnson: Oui, mais cela, c'est déjà tout un
processus. Ce n'est pas le gouvernement qui donne les accréditations,
c'est le commissaire du travail, c'est un personnage quasi judiciaire, etc. Ce
que je dis, c'est que, même sans aller au fond de cette question, j'avoue
que, personnellement, sur le fond, je trouve que c'est extrêmement
sévère, la décertification. Je ne dis pas qu'il ne faudra
pas y penser un jour, si on doit être amené à y penser.
Indépendamment de cela, il y a l'enchevêtrement sur le plan
juridique qui, à mon avis, ne peut pas être réglé
à 22 h 45 ce soir.
M. Fontaine: Le ministre a raison de dire que c'est le
commissaire du travail qui donne les accréditations, mais, dans ce cas,
étant donné qu'il aurait été enlevé par le
fait de la loi, il faudrait que ce soit également la loi qui le redonne.
C'est pour cela que je dis que ce serait le gouvernement qui pourrait
présenter un projet de loi pour redonner l'accréditation aux
syndicats qui l'auraient perdue par le non-respect de la loi. Si le syndicat
respecte la loi, il n'y a aucun problème. Il ne sera jamais
décertifié, s'il respecte la loi. Donc, cela n'affecte aucunement
les droits du syndicat.
M. Johnson: On pourrait aussi dire, s'il ne respecte pas la loi,
qu'on les met dans les mongolfières et qu'on les renvoie dans la
strastosphère. S'ils ne respectent pas la loi, il n'y a pas de danger.
C'est juste que le type de sanction que constitue la décertification,
c'est une procédure qui existe en vertu du code dans la mesure où
quelqu'un peut demander la désaccréditation dans un contexte
très précis. C'est une opération complexe, si vous me
permettez l'expression, c'est de la chirurgie d'un droit collectif. Avant
d'entreprendre la chirurgie d'un droit collectif, je pense qu'il faut regarder
cela tranquillement, à tête reposée.
M. Fontaine: Mme la Présidente, je voudrais tout
simplement faire remarquer...
M. Johnson: Je ne dis pas que le député de
Nicolet-Yamaska n'a pas la tête reposée ce soir. Qu'on se
comprenne bien. Le contexte actuel, à mon avis, ne se prête pas
à l'introduction de telles mesures ou même à son
étude.
M. Fontaine: Mme la Présidente, je voudrais tout
simplement...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: ... faire remarquer qu'en 1967, le gouvernement
d'alors avait décidé de faire une chirurgie de droit collectif
et, à ce moment, je rappellerai au ministre du Travail que
c'était son père qui était le premier ministre.
M. Johnson: Oui, les circonstances étaient
différentes.
M. Russell: Mme la Présidente, il n'y a pas
seulement...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Russell: ... en 1967 que ce droit a été...
M. Johnson: La loi avait été
présentée au ministre du Travail.
M. Russell: Mme la Présidente, je voudrais
référer le ministre à une loi qui a été
adoptée en date du mois d'octobre 1969 pour les policiers de
Montréal, et on voyait les mêmes sanctions à
l'intérieur de la loi. Je pourrais aussi le référer
à une autre loi qui a été adoptée au mois d'octobre
et à l'intérieur de laquelle on voyait les mêmes sanctions
c'est drôle qu'il y a eu d'autres lois... et, à ce moment,
les policiers ont respecté cette loi. Il y a eu d'autres lois qui ont
été adoptées par d'autres gouvernements; vous l'avez vu
pour les pompiers de Montréal, pour les policiers, et vous avez vu la
suite de ces lois. Je pense que, lorsqu'on prend des mesures comme
celles-là, on prend des dispositions pour que ce soit respecté.
Je dis que, dans la loi que nous adoptons ce soir, je l'avais mentionné
aussi à l'occasion de la loi 62, nous faisons une loi qui n'avait pas de
dents, qui pouvait facilement être violée et surtout les
infractions étaient très minimes. C'est exactement ce qui est
arrivé et je ne voudrais pas que la même chose se
répète à l'occasion de cette loi-ci, parce qu'il y a trop
de gens impliqués.
On parle de la population du Québec, de six millions de gens qui
ont un service qui leur est rendu et que ce service est garanti par un groupe
d'ouvriers. On a prouvé hier, à l'occasion de la
commission et aujourd'hui que ces gens étaient mieux payés
que tout autre fonctionnaire qui travaillait pour le gouvernement du
Québec. Je ne voudrais pas que ces gens se servent de tous les moyens
à leur disposition pour faire en sorte de continuer à priver la
population de services auxquels elle a le droit et qu'elle paie
chèrement. C'est la raison pour laquelle je dis que ces mesures ont
été exercées ailleurs dans notre droit législatif
et je pense qu'on peut les appliquer là, sans faire quoi que ce soit,
sans brimer aucun ouvrier. Si les intentions de ces gens sont de retourner au
travail, il n'y a aucun effet si leurs intentions ne sont pas de retourner au
travail, la population a le droit et le législateur a le devoir de faire
en sorte que la population soit protégée convenablement. C'est
pour cette raison que je soumets cet article et j'insiste pour que le ministre
du Travail reconsidère, et je demande aussi à l'Opposition
officielle d'y penser sérieusement avant d'agir à la
légère et que demain, ou d'ici quelques jours, on regrette de ne
pas l'avoir fait et que ce soit la population qui soit exposée à
accepter les sacrifices qu'elle fait actuellement.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement du
député de Nicolet-Yamaska est-il adopté?
M. Fontaine: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voudrais que vous preniez un vote
enregistré, un appel nominal des députés.
M. Johnson: Un appel nominal de toute l'Assemblée?
La Présidente (Mme Cuerrier): II n'y a pas de vote
enregistré, M. le député.
M. Fontaine: Un vote à main levée.
M. Johnson: Un vote à main levée.
La Présidente (Mme Cuerrier): II pourrait toujours y avoir
un vote à main levée.
Sur l'amendement... Est-ce que vous pouvez vous asseoir s'il vous
plaît!
Sur l'amendement de M. le député de Nicolet-Yamaska, ceux
qui sont pour l'amendement.
Ceux qui sont contre.
L'amendement est rejeté.
M. Fontaine: Le gouvernement est contre.
Une Voix: II y a un manque de courant électrique...
M. Pagé: Combien?
La Présidente (Mme Cuerrier): C'était fortement
majoritaire contre, M. le député de Portneuf. Je pense qu'on
n'avait pas besoin de compter. L'article 9 sera-t-il renuméroté
10?
M. Johnson: Mme la Présidente, si vous permettez, on va
passer... Voulez-vous que je fasse l'amendement de renumérotation?
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, s'il vous plaît,
M. le ministre.
M. Johnson: II s'agit de renuméroter les articles 9, 10 et
11 qui deviennent 10, 11 et 12.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le nouvel article 10 est-il
adopté?
Une Voix: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 10
renuméroté 11 est-il adopté?
M. Johnson: L'article 11 dit: La présente loi n'a pas pour
effet de soustraire la société, il s'agit de remplacer les mots
"la société" par HydroQuébec simplement, par
cohérence avec le reste du texte.
La Présidente (Mme Cuerrier): Soustraire
"Hydro-Québec".
M. Johnson: Non. Il s'agit de soustraire les mots "la
société" pour les remplacer par "HydroQuébec".
La Présidente (Mme Cuerrier): Si l'amendement est
adopté, cet article se lirait... Il s'agit de rayer "la
société"... et l'article se lirait: "La présente loi n'a
pas pour effet de soustraire HydroQuébec et les salariés qu'elle
vise à l'application du Code du travail".
M. Johnson: Adopté, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors l'amendement est
adopté. L'article 10 renuméroté 11 est-il adopté
tel qu'amendé?
Une Voix: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 11
renuméroté 12 est-il adopté?
M. Pagé: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.
M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la
commission plénière a étudié le projet de loi no
88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et
prévoyant les conditions de travail des salariés
d'Hydro-Québec, qu'elle a adopté avec des amendements.
Le Président: Est-ce que ce rapport sera
adopté?
Des Voix: Adopté.
Troisième lecture
Le Président: Adopté. J'appelle maintenant la
troisième lecture. Est-ce que la troisième lecture du projet de
loi no 88, Loi assurant le maintien des
services d'électricité et prévoyant les conditions
de travail des salariés d'Hydro-Québec, sera adoptée?
Une Voix: Adopté.
M. Levesque (Bonaventure): Vote enregistré, M. le
Président.
Le Président: Puisqu'une demande est formulée pour
un vote enregistré, qu'on convoque les députés!
Suspension à 22 h 50
Reprise à 23 heures
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
J'appelle maintenant le vote sur la motion de troisième lecture
du projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services
d'électricité et prévoyant les conditions de travail des
salariés d'Hydro-Québec.
Je demande à ceux et celles qui sont en faveur de cette motion de
bien vouloir se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Charron, Mme Cuer-rier, MM.
Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert),
Marois, Léonard, Couture, Bérubé, Mme Ouellette, MM.
Clair, Vaillancourt (Jonquière), Joron, de Belleval, Johnson...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: ... Chevrette, Duhaime, Lessard,
Lazure, Tardif, Garon, Martel, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu,
Michaud, Proulx, Laberge, Lefebvre, Dussault, Alfred, Marquis, Ouellette,
Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher,
Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Ryan, Levesque (Bonaventure),
Saint-Germain, Caron, Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, O'Gallagher, Picotte,
Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Giasson, Rivest, Lalande, Mathieu,
Dubois, Pagé, Ver-reault, Springate, Biron, Brochu, Grenier, Fontaine,
Russell, Cordeau, Le Moignan.
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît! Les abstentions?
Le Secrétaire: Pour: 78 Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: La motion est adoptée.
M. Charron: M. le Président, je voudrais, en invitant les
collègues qui sont en commission parlementaire à reprendre leur
travail pour indi- quer tout de suite que cette loi sera sanctionnée
dans les deux langues dans quelques instants...
Une Voix: Cela va faire plaisir à nos amis d'en face.
M. Charron: ... et que, évidemment, le menu que j'avais
annoncé pour la journée d'aujourd'hui est c'est le moins
qu'on puisse dire modifié. Il reste quand même qu'avec une
collaboration assurée, je crois qu'un certain nombre de projets de loi
qui ne devraient pas susciter un débat très long pourraient
dès ce soir être adoptés et, tout de suite, dans cette
lancée, je vous prierais d'appeler l'article 4 du feuilleton
d'aujourd'hui, M. le Président.
Projet de loi no 54 Commission
plénière
Le Président: J'appelle maintenant la troisième
lecture du projet de loi no 54, Loi sur le recouvrement de certaines
créances. Je demande si cette motion de troisième lecture... M.
le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Me prévalant de l'article 125, je voudrais
proposer que, pour quelques instants à peine, cette Assemblée
nous permette de retourner en commission plénière, où le
ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières avait un amendement que connaît déjà
l'Opposition, je crois, et qui serait intégré au projet de
loi.
Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Une Voix: Oui. Adopté.
Le Président: Adopté, M. le leader parlementaire du
gouvernement. Avant de quitter le fauteuil, comme vous le souhaitez, M. le
leader parlementaire du gouvernement, j'aimerais demander aux
représentants de l'Opposition, à au moins un représentant
de l'Opposition et à un représentant de l'Union Nationale de
même que de la majorité ministérielle, de venir à la
salle 103-A à 11 h 30 exactement, pour la sanction du projet de loi no
88.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! M. le ministre.
M. Joron: M. le Président, très brièvement.
Les amendements puisque nous en avons deux que nous voulons
apporter au projet de loi traitent de la question du droit d'un
créancier de communiquer avec le conjoint du débiteur. Nous nous
sommes, après réflexion, rendus à l'argumentation que nous
avaient apportée des membres de la commission parlementaire lors de
l'étude du projet de loi article par article et à certaines
autres représentations qui nous avaient été faites. En
conséquence, M. le Président, je voudrais proposer que
l'article 4 du projet de loi soit modifié en remplaçant les trois
dernières lignes du premier alinéa par les suivantes:
"créance, communiquer avec l'employeur ou les voisins du
débiteur, sauf si l'une de ces personnes est sa caution, ou pour obtenir
l'adresse du débiteur." C'est le premier amendement. Voulez-vous que je
vous les donne tous les deux ou si on va les prendre un par un?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
pouvez annoncer votre deuxième amendement et on les adoptera un
après l'autre tout à l'heure.
M. Joron: Le deuxième amendement consiste à ne pas
exempter, par contre, l'agent de recouvrement de l'application de ce que nous
venons de faire pour les créanciers généraux. Je voudrais
proposer d'amender l'article 34 en insérant, après le
deuxième paragraphe du premier alinéa, le paragraphe suivant:
"3°. communiquer avec le conjoint du débiteur ou un membre de sa
famille, sauf si une telle personne s'est portée caution du
débiteur ou pour obtenir l'adresse du débiteur, et il doit alors
s'identifier. "
Ensuite, les paragraphes 3 à 8 deviendraient respectivement,
à la suite de la concordance numérotive, les paragraphes 4
à 9. Finalement, en remplaçant à la dernière ligne
du troisième alinéa, 5° par 6°.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'un
après l'autre: à l'article 4, le ministre propose l'amendement
suivant. Est-ce que vous l'avez, M. le député de
Jacques-Cartier?
M. Saint-Germain: Je l'ai, M. le Président, oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II
propose que l'article 4 du projet de loi no 54 soit modifié en
remplaçant les trois dernières lignes du premier alinéa
par les suivantes: "créance, communiquer avec l'employeur ou les voisins
du débiteur, sauf si l'une de ces personnes est sa caution ou pour
obtenir l'adresse du débiteur."
M. Saint-Germain: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cet
amendement sera-t-il adopté?
M. le député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je crois que c'est un amendement qui est
valable et qui bonifie le projet de loi, parce que nous avions critiqué
la sévérité de ces articles 2, 3 et 4. Ce que fait cet
amendement, c'est simplement de soustraire les créanciers en
général à cette obligation négative, si vous
voulez, mais de conserver le statu quo pour ce qui regarde les agents de
recouvrement. Comme je le dis, c'est un amendement valable et nous l'acceptons,
M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'amendement proposé sera adopté?
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article 4, tel qu'amendé, sera adopté? Adopté.
Maintenant, nous allons à l'article 34 du projet de loi. Le ministre
propose que l'article 34 soit amendé en ajoutant, après le
paragraphe 2° du premier alinéa, le paragraphe suivant: "3°.
communiquer avec le conjoint du débiteur ou un membre de sa famille,
sauf si une telle personne s'est portée caution du débiteur ou
pour obtenir l'adresse du débiteur et il doit alors s'identifier. (23 h
10) b) les paragraphes 3 à 8 deviennent respectivement les paragraphes 4
à 9; c) en remplaçant, à la première ligne du
troisième alinéa, cinquièmement par
sixièmement.
M. le député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Pour ce qui regarde cet amendement qui fait
suite au premier, c'est qu'enfin, pour ce qui regarde les agents de
recouvrement, il n'y a pas de modification. C'est, comme je le disais tout
à l'heure, le statu quo.
Nous pouvons d'ailleurs regretter que le ministre nous apporte ces
amendements de façon aussi tardive. Je crois que ces études et
ces modifications auraient dû être faites lors de l'étude
article par article de ce projet de loi. Je suis assuré que ces
modifications seraient certainement faites, si nous avions eu l'avantage
d'avoir une commission parlementaire sur le sujet de façon à
écouter tous les intéressés et à recevoir leurs
mémoires. Ceci n'a pas été fait. C'est probablement la
raison pour laquelle ces amendements sont si tardifs. Nous l'acceptons tout de
même. M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que les amendements proposés par le ministre seront adoptés?
M. Russell: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article 34 tel qu'amendé sera adopté?
M. Saint-Germain: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté.
La commission plénière a rempli son mandat.
Mme la Présidente, je vous fais rapport que la commission
plénière a étudié les amendements proposés
par le ministre et les a adoptés.
La Vice-Présidente: Le rapport est-il adopté? M.
Saint-Germain: Adopté.
Troisième lecture
La Vice-Présidente: La troisième lecture. Y a-t-il
consentement à la troisième lecture?
M. Saint-Germain: Consentement.
La Vice-Présidente: Consentement.
La troisième lecture est-elle adoptée? Adopté.
M. Charron: Je pense que M. le député veut
parler.
La Vice-Présidente: M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Noël Saint-Germain
M. Saint-Germain: Si le ministre ne veut rien ajouter, j'aurais
tout de même quelques...
La Vice-Présidente: Vous auriez un mot à ajouter en
troisième lecture?
M. Saint-Germain: Si vous vouliez bien me permettre quelques
minutes.
Je dirais, premièrement, que les interdictions des articles 2, 3
et 4 quant au recouvrement de créances auprès des individus
constituent un changement majeur, non seulement par rapport à la loi en
existence actuellement, mais aussi par rapport à celle
sanctionnée en 1974.
En effet, ces interdictions touchent toutes les activités de
recouvrement de créances auprès des individus, que le
recouvrement soit effectué par qui que ce.soit, bref, ces dispositions
affectent des milliers de personnes qui n'étaient pas
nécessairement soumises à la juridiction de la loi de 1974. Tout
de même, tout au long des études de ce projet de loi, le
gouvernement s'est toujours référé aux mémoires et
aux études de la commission parlementaire de 1974.
Il me semble qu'il est évident que ces milliers de personnes, de
créanciers qui n'étaient pas soumis à la loi de 1974,
comme de raison, ces créanciers et ces débiteurs ne sont pas
venus soumettre au gouvernement du temps leur opinion, n'étant pas
nécessairement directement impliqués par ce projet de loi
passé. Mais tous ces gens, actuellement, qui sont concernés par
ce projet de loi et qui ne l'étaient pas dans l'autre, se sont vu
privés de l'avantage qu'ils auraient eu de laisser connaître
à l'Assemblée nationale leur opinion et leur idée à
ce sujet.
Je crois que si nous avions eu ces avantages et ces renseignements, si
le gouvernement en avait pris connaissance, les articles 2, 3 et 4 n'auraient
pas été rédigés de la façon dont ils le sont
présentement. Premièrement, nous reprochons au gouvernement de ne
pas avoir permis à la commission parlementaire de recevoir les opinions
et les mémoires de ces personnes intéressées.
Deuxièmement, je crois que ces articles 2, 3 et 4 sont
rédigés et sont libellés de façon extrêmement
vague, utilisant, par exemple, des termes comme "harcèlement" et
"intimidation" sans nécessairement les définir. Je comprends que
ces mots sont définis dans nos dictionnaires, mais l'article pourrait
donner ouverture à des réclamations en dommages
exagérés surtout si on tient compte de l'article 49 du projet de
loi qui est presque une invitation à la multiplication de recours en
dommages douteux par des débiteurs insolvables. La rédaction de
ce projet de loi sent le genre de rédaction que nous avons eue lors de
la Loi sur la protection du consommateur. Il me semble évident que le
gouvernement et les légistes du gouvernement se sont laissé
influencer par cette loi.
Je dois vous dire que cette loi n'est pas encore en application et nous
avons, dans le temps, reproché à cette loi son manque de
clarté comme nous l'avons fait d'ailleurs lors de son étude. Il
est tout de même curieux que le gouvernement se soit servi de la
rédaction de la Loi sur la protection du consommateur comme exemple dans
la rédaction de cette nouvelle loi. Il me semble évident que
seuls les juges et les tribunaux pourront réellement nous
éclairer sur la portée de cette loi. Lorsqu'une loi a
nécessairement besoin d'être définie par les tribunaux pour
en connaître la portée exacte, je crois que nous pouvons dire,
sans craindre de nous tromper, que c'est une loi mal rédigée.
Deuxièmement, cette loi est rédigée dans des termes
trop vagues et ce sera un inconvénient sérieux lors de son
application. Troisièmement, il y a aussi dans cette loi un abus de la
réglementation, et ceci est tout à fait caractéristique du
gouvernement actuel. Le pouvoir réglementaire du gouvernement est
poussé à ses limites extrêmes. En effet, la totalité
des règles d'exercice de la profession d'agent de recouvrement est
laissée à la réglementation. Un bel exemple, le montant et
la forme du cautionnement, à l'article no 8, sont laissés
à la réglementation. Pourtant, dans l'ancien projet de loi, cette
forme et ce montant du cautionnement étaient inscrits dans la loi. C'est
là un pas en arrière, c'est là une régression dans
la qualité de la loi.
Comme un autre exemple, il y a les critères pour obtenir les
permis à l'article 11, quatrième paragraphe, et à
l'article 18. Sont soumis à la réglementation la tenue des livres
et dossiers ainsi que les renseignements à fournir, à l'article
25. La forme des mandats de recouvrement sera aussi réglée par le
cabinet, selon l'article 32. Le modèle d'avis de réclamation.
Pour le comble, à l'article 51, on dit, au dixième paragraphe, ce
qui suit. Je crois que cet article mériterait d'être lu dans son
entier. Je lis l'article 51, paragraphe 10: "Le gouvernement peut, en outre des
autres pouvoirs prévus dans la loi, faire des règlements pour
exempter, aux conditions qu'il détermine, une catégorie de
personnes ou de créances de l'application totale ou partielle de la
présente loi." Ceci est, à mon avis, absolument inacceptable. (23
h 10)
Le gouvernement ne peut s'arroger le pouvoir de décider à
qui la loi s'appliquera ou ne s'appliquera pas. Ce pouvoir appartient
exclusivement à la Législature et elle ne saurait s'en
départir. C'est là un principe de base de notre démocratie
parlementaire. Il faudrait que les députés soient intransigeants
sur cette question. Nous savons que la majorité des
députés de cette Chambre
voteront, en troisième lecture, pour ce projet de loi. Il est
dommage que certains de ces députés seront, dans l'avenir, dans
l'Opposition et ils sentiront jusqu'à quel point ils ont
été induits en erreur par l'Exécutif en laissant à
celui-ci cette responsabilité qui devrait être
nécessairement et exclusivement des responsabilités de
l'Assemblée nationale dans son ensemble.
Il y a dans ce projet de loi un abus de la réglementation.
Quatrièmement, je crois que ce projet de loi est sévère
à l'excès. Les pratiques interdites aux agents de recouvrement
sont si nombreuses et touchent si directement l'exercice de leur profession que
certains prétendent que leur existence même est en jeu; en
particulier, l'article 34 interdit de communiquer oralement avec un
débiteur si celui-ci donne un avis en ce sens. Bref, il s'agit de
restrictions telles qu'une bonne partie des agences pourraient être
éliminées. Il faudrait donc s'assurer, au préalable, que
ce sont simplement les agents douteux et coupables d'abus qui seront
éliminés.
Deuxièmement, que les agents tout à fait honorables ne
seront pas handicapés par ce projet de loi. Troisièmement, que la
concurrence dans cette industrie ne sera pas réduite indûment.
En ce domaine, les bonnes intentions ne suffisent pas comme l'a bien
montré l'expérience millénaire des lois contre l'usure.
Or, lorsque prises dans leur ensemble, les dispositions du projet de loi no 54
pourraient facilement produire de tels résultats, entièrement
contraires à ceux escomptés. Nous songeons ici aux
répercussions combinées de la diminution du nombre et de
l'activité des agents, des restrictions à la diffusion de
l'information, de l'extension de recours en dommages et intérêts,
de l'imprécision des interdictions faites à tous les
créanciers. Vues dans leur ensemble, ces dispositions telles que
présentement rédigées, ne nous garantissent aucunement que
l'activité de recouvrement sera débarrassée des abus
actuels et encadrée de façon civilisée. Mieux vaut une
réglementation moins sévère mais réaliste et
respectée qu'une solution de rêve qui conduirait à
l'expansion des pratiques illégales.
Il faut tout de même admettre que les agents de recouvrement qui
oeuvrent sous ce nom ou sous d'autres noms, existent probablement depuis qu'il
y a des créanciers qui existent dans le système
économique. C'est dire que leur activité correspond à une
nécessité dans notre système financier, actuellement. On
sait pertinemment que dans cette province le crédit est à la
mode. Plusieurs disent même qu'on en abuse. Il est donc important, si
nous voulons avoir un système de distribution efficace, de voir à
ce que les agents de recouvrement soient éliminés mais que les
gens sérieux puissent continuer à oeuvrer dans ce domaine, car il
me semble évident que si les marchands ou certains créanciers ont
de la difficulté à recouvrir leurs argents, ceci signifie en fait
une augmentation du coût de notre système de distribution et, par
la suite, une augmentation du coût des services et des marchandises.
Quatrièmement, dans l'application de ce projet de loi, nous
trouvons que certains articles sont absolument trop sévères, mais
nous souhaitons, malgré ces lacunes, que ce projet de loi soit positif
et qu'on puisse prouver, dans son application, qu'il est dans
l'intérêt de la population du Québec.
La Vice-Présidente: M. le déuté de
Brome-Missisquoi.
M. Armand Russell
M. Russell: Mme la Présidente, très
brièvement. Evidemment, ce projet de loi a été
déposé et étudié. Je suis heureux des amendements
que le ministre nous a apportés à la suite de certaines remarques
qui ont été faites. Je conviens de la justesse des remarques qui
ont été faites par le député de Jacques-Cartier.
Evidemment, le but poursuivi, l'objectif poursuivi, c'est très bien, je
pense, c'est de se protéger des charlatans du métier qui
abusaient de la population, des gens qui n'étaient pas trop au courant
du processus normal de la perception des comptes. Je veux simplement
répéter ce que j'ai dit d'ailleurs en deuxième lecture, ce
projet de loi donne beaucoup de latitude au ministre, au Conseil
exécutif. C'est une loi qui sera appliquée presque
entièrement par règlement et qui va donner au ministre une
certaine flexibilité. Je présume que le ministre a voulu garder
ce pouvoir pour l'ajuster au fur et à mesure qu'il va vivre
l'expérience de l'application de cette loi. Espérons qu'il sera
assez flexible. Si, comme l'a dit le député de Jacques-Cartier,
l'effet est contraire au but poursuivi, il prendra des dispositions de
façon à ne pas paralyser l'économie en
général dans ce domaine bien particulier. Je suis d'accord avec
lui sur le but poursuivi, d'éviter et d'éliminer les charlatans
qui abusent de la population et surtout du consommateur.
Donc, nous allons supporter le ministre dans son objectif. S'il y a de
l'abus, nous tâcherons de le lui rappeler afin qu'il apporte les
changements nécessai res pour corriger la situation. Nous voterons en
faveur de ce projet de loi.
La Vice-Présidente: M. le ministre exercera-t-il son droit
de réplique?
M. GuyJoron
M. Joron: Oui, un petit mot, si vous me le permettez, Mme la
Présidente. Je voudrais d'abord remercier tous les députés
qui ont participé au débat à l'occasion de l'étude
de ce projet de loi aussi bien en cette Chambre qu'en commission parlementaire.
Je me réfère aux remarques que faisait tout à l'heure le
député de Jacques-Cartier. Je pense qu'il y a des choses qui ne
sont peut-être pas encore complètement à sa satisfaction,
bien que nous nous soyons rendus, par quelques-uns de nos amendements, à
plusieurs de ses avis et conseils. Il reste peut-être des termes qui lui
paraissent encore vagues. Il mentionnait à titre
d'exemple le mot "harcèlement" ou le mot "menace", etc. Je dois
lui dire qu'à cet égard, la langue française en a
elle-même certaines limites, et s'il n'y a pas moyen de trouver un terme
plus précis, il faut bien employer les seuls instruments et le seul
vocabulaire qui nous sont disponibles.
Il y a peut-être beaucoup de réglementation, c'est vrai, et
je ne serais pas loin de concourir à son argumentation, c'est
peut-être le vice de toutes les lois, pas seulement dans cette
Législature, mais probablement dans toutes les Législatures du
monde, de faire une place de plus en plus grande à la
réglementation. D'un autre côté, il faut comprendre qu'il
est difficile de tout prévoir à l'avance dans des projets de loi.
Il y a des choses qui, carrément, n'ont pas leur place dans un projet de
loi quand on vise, par exemple, à décrire la forme que doit
prendre telle formule, quelle question elle doit comporter. Ce sont des choses
qui se font par réglementation. Il ne faut pas croire non plus que,
parce que c'est fait par règlement, c'est fait en catimini et en
cachette de tout le monde. Nos pratiques veulent que les règlements
soient d'abord publiés dans la Gazette officielle, qu'il y a un certain
délai qui permet à la population et aux citoyens et citoyennes
qui peuvent avoir des remarques ou des suggestions à faire de les faire.
Ce délai permet à la population de réagir, si
l'Exécutif, dans sa réglementation, allait trop loin ou
outrepassait ses pouvoirs. Alors, il y a une soupape de
sécurité.
Certains diront peut-être que ce projet de loi est
sévère. Par rapport à la situation antérieure, oui,
nous faisons en quelque sorte, jusqu'à un certain point, du droit
nouveau, bien qu'il soit peut-être utile de rappeler que le gouvernement
qui a précédé le nôtre avait, en 1974 si ma
mémoire ne me fait pas défaut fait adopter un projet de
loi duquel s'est inspiré celui-ci et qui, pour une raison qu'on n'a
jamais pu expliciter d'ailleurs tant de ce côté-ci de la Chambre
que de l'autre, n'a jamais été mis en vigueur. Mais il est vrai
que c'est du neuf dans un certain sens, bien qu'il y ait d'autres Etats en
Amérique du Nord, des Etats américains, qui ont des lois qui y
ressemblent, mais d'autres provinces du Canada également. (23 h 30)
C'est un complément à la Loi sur la protection du
consommateur et son langage, sa philosophie ou son économie, comme on
dit, s'en inspirent, c'est exact. A cet égard, je pense que c'est un
projet de loi qui sera de grande utilité pour le consommateur. Il faut
rappeler son objectif premier qui est de définir, par certaines normes,
les pratiques en matière de recouvrement de créances, en quelque
sorte d'établir les règles du jeu dans ce domaine. C'est la
première fois que les règles du jeu vont être
établies aussi clairement.
On a voulu, comme le recommandait d'ailleurs la Chambre de commerce du
Québec dans son mémoire soumis en 1974 en commission
parlementaire, que tous les créanciers soient assujettis à des
règles de pratique semblables. Ce projet de loi vise également
à définir le cadre particulier de cette pratique de
l'activité de recouvrement de créances pour des personnes qui,
moyennant une rémunération, recouvrent des créances pour
autrui. On aura donc, en quelque sorte, à l'avenir une sorte de code
d'éthique en ce domaine.
Je suis persuadé que ce projet de loi permettra non pas, comme le
craignait le député de Jacques-Cartier tout à l'heure, d'y
voir une possibilité de menace à l'existence même de la
profession ou du métier d'agent de recouvrement de créances. Moi,
je pense que toute profession, tout métier a grand avantage à
voir les règles du jeu ou son code d'éthique mieux défini
et que, dans un cadre sain, les gens pourront continuer d'exercer leur
métier.
On aura donc, par ce projet de loi, l'instauration d'une forme
d'éthique à laquelle, je pense, on est en droit de s'attendre de
tous les créanciers et de tous les agents de recouvrement. Cela, je
pense que ce sera dans le plus grand intérêt des consommateurs
québécois.
C'est pourquoi je recommande à cette Chambre l'adoption de ce
projet de loi, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Cette motion de M. le ministre des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières proposant
que soit maintenant lu pour la troisième fois le projet de loi no 54,
Loi sur le recouvrement de certaines créances, est-elle
adoptée?
M. Saint-Germain: Sur division.
La Vice-Présidente: Adopté sur division. M. le
leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Merci, Mme la Présidente, je vous prierais
d'appeler l'article 12 du feuilleton d'aujourd'hui, s'il vous plaît!
Projet de loi no 70 Deuxième lecture
La Vice-Présidente: M. le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières propose que soit
maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 70, Loi modifiant la
Loi sur les valeurs mobilières concernant le contrat de concession ou de
franchisage.
M. le ministre.
M. Guy Joron
M. Joron: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce
projet de loi et il en recommande l'étude à cette Chambre.
Le projet de loi no 70 a pour but de modifier la Loi sur les valeurs
mobilières afin d'assujettir le contrat de franchisage à la
surveillance et au contrôle de la Commission des valeurs
mobilières du Québec.
L'objectif que nous poursuivons en tout premier lieu est la protection
des nombreux petits
et moyens commerçants qui s'engagent et s'engageront à
l'avenir dans des accords de franchise ou de concession. En effet, depuis
quelques années, cette technique commerciale connaît un essor
assez important au Québec. Il n'est pas difficile pour un observateur le
moindrement averti de constater le nombre croissant de commerces
franchisés qui se sont implantés dans les centres commerciaux et
le long des principales artères commerciales du Québec. Ils se
retrouvent non seulement dans le domaine de la restauration, mais aussi dans le
commerce de la pharmacie, des appareils électroniques, de
divertissement, des pièces d'automobiles, de l'hôtellerie, des
épiciers dépanneurs ainsi que de nombreux services, comme la
préparation des rapports d'impôt, voire même jusqu'à
des cliniques de cure d'amaigrissement.
La formule d'affranchisage a connu un essor considérable au cours
des dernières années et il y a tout lieu de croire, selon les
tendances que l'on observe ailleurs en Amérique du Nord, que cette
formule continuera à prendre de l'importance au cours des années
à venir. Or, il existe dans le domaine du franchisage des
problèmes inhérents au déséquilibre entre les
parties au moment de la signature ou du renouvellement du contrat de franchise.
On peut dire qu'il existe trois types fondamentaux de problèmes et
qu'ils sont liés au déséquilibre des forces en
présence.
Le premier type de problème est relié au fait que, d'un
côté, se trouve le franchiseur ou le concédant d'une marque
de commerce, souvent très prestigieuse, fort de l'expérience de
l'exploitation de nombreuses franchises et de l'appui de conseillers techniques
et légaux qui ont accès à toutes les données
pertinentes à la prise d'une bonne décision. De l'autre
côté, se trouve le franchisé ou le concessionnaire, la
plupart du temps un commerçant relativement petit qui n'a que peu de
pouvoirs de négociation, qui n'a finalement que l'alternative d'accepter
tel quel le contrat qui lui est offert sans avoir les connaissances ou
l'accès aux connaissances qui lui permettraient de discuter de toutes
les implications du contrat qu'il s'apprête à signer ou à
l'intérieur duquel il fonctionne.
Un second problème est celui de l'interprétation parfois
abusive des clauses du contrat par les franchiseurs ou concédants sous
menace de la terminaison du contrat. Le déséquilibre des forces
persiste, mais renforcé cette fois-là par l'argument que si le
franchisé n'accepte pas le point de vue du franchiseur, celui-ci lui
retirera la franchise. Cet argument massue est d'autant plus convaincant que
les conditions de terminaison du contrat ne sont pas toujours clairement
déterminées.
Enfin, un troisième problème porte sur les pertes que
peuvent encourir les franchises et concessionnaires à la terminaison du
contrat. Il existe en effet une tendance chez certains franchiseurs à
racheter les franchises, surtout les plus profitables, c'est
compréhensible, ou de s'appuyer sur la menace de terminaison de la
franchise pour imposer leurs conditions aux franchisés. Etant
donné également le droit légitime du franchisé de
disposer de sa franchise en récupérant son investissement et
l'achalandage aussi si une plus-value s'est accumulée, il nous
paraît que les conditions de terminaison ou du transfert de la franchise
doivent être bien établies au contrat.
Enfin, il existe aussi des problèmes qui découlent de la
faiblesse financière du franchiseur ou du concédant ou de la
faiblesse morale de certains promoteurs ou encore de la faiblesse de la formule
de certaines franchises ou de certains produits offerts en concession. De ces
situations nombreuses ne peuvent que résulter des pertes souvent
importantes pour les franchisés ou les concessionnaires qui ont investi
leur temps et leur argent dans des entreprises qui n'avaient aucune ou peu de
chances de succès. Par ricochet, il arrive aussi que des consommateurs,
qui transigent avec ces commerçants en difficulté, peuvent
eux-mêmes être lésés soit parce qu'ils ne peuvent
récupérer un dépôt versé ou parce qu'ils se
retrouvent avec une garantie ou un contrat de service après vente sans
beaucoup de valeur.
Bien que l'immense majorité des agents impliqués dans le
domaine du franchisage ou de la concession commerciale soient sans doute
compétents, honnêtes et solvables, il demeure que dans
l'intérêt même de l'industrie du franchisage et de la
concession et du maintien de sa réputation, il y a lieu pour le
gouvernement du Québec, comme l'ont d'ailleurs déjà fait
d'autres gouvernements ailleurs, de prendre des mesures pour corriger ces
problèmes ou alors s'en prémunir. A titre d'exemple, il existe en
Alberta une loi sur les franchises dont l'application relève de la
Commission des valeurs mobilières de cette province. Des lois semblables
existent également dans plusieurs Etats américains. Ces lois ont
retenu une approche qui rend obligatoire la divulgation au franchisé des
faits pertinents à la situation financière et à la valeur
morale du franchiseur et à la qualité de la franchise et aux
droits et obligations des parties notamment en ce qui concerne la conclusion de
tels contrats.
Dans un rapport qu'il nous présentait au printemps 1979, le
Comité d'étude sur le fonctionnement et l'évolution du
commerce au Québec recommandait que le gouvernement du Québec
exerce un contrôle sur les contrats de franchisage. Nous avons retenu
cette recommandation du Comité d'étude sur le fonctionnement et
l'évolution du commerce et avons, de plus, l'intention d'introduire une
réglementation concernant les contrats de concession commerciale. En
effet, il y a lieu de rétablir l'équilibre en s'assurant que le
plus faible aura tous les renseignements nécessaires pour prendre une
décision éclairée et qu'il connaîtra exactement
toutes les modalités entourant l'exécution et la terminaison du
contrat qui lui est proposé. C'est donc pourquoi nous proposons
d'amender la Loi sur les valeurs mobilières afin d'y reconnaître
de façon explicite le contrat de franchisage et le contrat de concession
commerciale comme étant des valeurs mobilières. (23 h 40)
La Commission des valeurs mobilières du Québec est
l'organisme de surveillance et de contrôle du commerce des valeurs
mobilières. En application de cette loi et des nouveaux
règlements qui en découleront, la commission pourra
protéger l'intérêt du public et favoriser le
développement sain des franchises et des concessions commerciales. La
commission établira des normes d'enregistrement, examinera le contenu
des documents d'information et, le cas échéant, pourrait ordonner
des enquêtes et des poursuites qui s'imposeraient.
Les règlements afférents aux modifications qui seront
apportées à la présente loi des valeurs mobilières
permettront d'exiger, de la part de concédants et de franchiseurs, en
plus des règlements nécessaires à établir leur
valeur morale et leur solidité financière, la pleine et
entière divulgation des droits et devoirs des parties au contrat de
franchise ou de concession. Comme elle le fait habituellement, la Commission
des valeurs mobilières verra à ce que les règlements
fassent l'objet de consultations auprès des divers milieux
intéressés et concernés avant leur adoption.
Je crois que ce projet de loi est dans l'intérêt non
seulement des petits et moyens commerçants du Québec qui, de plus
en plus, s'engageront dans des accords de franchise et de concession, mais
également, comme je l'ai mentionné précédemment,
dans celui de tous les consommateurs du Québec. Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Julien Giasson
M. Giasson: M. le Président, ce projet de loi no 70,
à sa lecture, paraît peut-être fort anodin au départ,
sauf qu'après mûre réflexion on réalise qu'il
apporte des modifications face à des habitudes commerciales
peut-être plus récentes, mais qui sont appelées à se
développer à un rythme beaucoup plus rapide que ce que nous avons
pu constater dans le passé.
Evidemment, le ministre, par son discours, a pu apporter un certain
éclairage sur les objectifs recherchés par le projet de loi et
nous indiquer qu'il a pris connaissance d'un rapport qui lui avait
été présenté à lui ou à la Commission
des valeurs mobilières et qui faisait état du besoin d'un
meilleur contrôle et d'une supervision d'opérations qui
découlaient de concessions ou de franchises accordées dans des
pratiques commerciales qui se font de plus en plus nombreuses chez nous.
Je n'ai pas pu réaliser, dans l'examen rapide que j'ai fait du
projet de loi, si le terme franchisage était déjà
défini à l'intérieur de la loi, du moins dans la partie
des définitions. Le ministre ne nous a pas indiqué une intention
de définir ce terme afin qu'on soit en mesure de mieux saisir quels sont
les genres d'activités ou de commerces qui font partie de ce qu'on
appelle une franchise ou du "francisage" chez nous. Le terme, il faut le
prononcer quasiment en matinée, quand on vient en fin de soirée,
après une longue journée de travail, cela devient plus
compliqué de le prononcer avec un accent précis.
Le ministre a également fait état de la possibilité
de réglementations nouvelles qui vont déterminer et
préciser quelles sont les obligations qui vont exister dans ces
transactions, soit les pouvoirs du franchiseur, ainsi que la protection des
droits du franchisé. Cependant, là encore, il s'agit de
règlements qu'on ne connaît pas; il faut s'en remettre une fois de
plus à la bonne volonté et faire une confiance presque aveugle
à la Commission des valeurs mobilières qui va, somme toute
du moins, on le présume présenter une forme de
réglementation à l'attention du ministre et ce sera le
lieutenant-gouverneur ou le Conseil des ministres qui vont une fois de plus,
par règlement, déterminer des règles du jeu et
établir de dispositions nouvelles concernant ce secteur
d'activité de concessions ou de franchises.
Sans doute, le ministre pourrait, dans la courte réplique qu'il
va donner dans quelques moments, nous faire un exposé sur la
réglementation qui a dû lui être recommandée
déjà par la Commission des valeurs mobilières, de
façon qu'on puisse évaluer beaucoup mieux quelles sont les fins
qui pourront être atteintes par les objectifs que poursuit la loi.
Je crois que, dans le passé, en dépit de la
présentation de ce projet de loi, il s'est effectué beaucoup de
franchises comme de concessions au Québec, et cela dans des secteurs
très variés. Je pense à mon collègue de Bonaventure
qui doit avoir soit une concession d'un grand distributeur de véhicules
ou une "franchise", je ne saurais dire laquelle des deux situations est
vécue par mon collègue de Bonaventure.
Sans doute qu'il pourrait intervenir, mais il nous a indiqué la
nature de l'entente ou du contrat intervenu entre son entreprise et le
fabricant. Mais il serait bon, M. le Président, que ce soit
précisé davantage afin qu'on puisse vraiment évaluer et
comprendre les bienfaits ou l'aide que pourrait apporter le projet de loi que
nous soumet le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières.
Je n'avais pas l'intention, vous le comprendrez facilement, M. le
Président, d'intervenir longuement dans un texte de loi aussi court. Je
veux vous indiquer qu'il nous apparaît s'agir d'une amélioration
et d'un contrôle qui sont nécessaires dans le contexte de
l'évolution de notre commerce. Nous serons heureux d'apporter une
collaboration en votant en faveur de ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Armand Russell
M. Russell: M. le Président, très brièvement
sur ce projet de loi que le ministre vient de nous présenter. Avec son
court exposé, il a peut-être été
un peu avare dans les explications qui voulaient nous éclairer
sur l'objectif visé par ce projet de loi. Nous avons tenté
d'examiner, voir, connaître un peu le but poursuivi par ce projet de loi
qui comme on dit avec seulement deux articles, ne semble pas
représenter beaucoup. Evidemment, on sait que je pourrais amener ici
plusieurs cas de franchisage où il y eu des abus. C'est peut-être
l'exception dans ce rapport que le ministre a mentionné. Tout à
l'heure, en commission si on va en commission il pourra
peut-être nous expliquer et nous donner plus de détails sur le
rapport qu'il a reçu pour nous démontrer qu'il y a
réellement un abus et que ce projet de loi est réellement
nécessaire en vue d'assurer la protection de ceux qui font
l'exploitation de commerces reliés à des franchises.
Il est évident qu'ici ce n'est pas complet. Lorsqu'on aura
l'addition en commission parlementaire, on pourra peut-être faire des
recommandations au ministre pour couvrir d'autres cas particuliers, qui
devraient être couverts ici au Québec comme ils le sont dans
d'autres provinces.
M. le Président, je ne retarderai pas le débat
là-dessus. Je pense que nous pourrions peut-être nous comprendre
plus rapidement en discussion très franche, lors d'échanges
nécessaires, pour clarifier certains points de ce projet de loi. Donc,
nous sommes en faveur de ce projet de loi pour tâcher d'améliorer,
si c'est nécessaire, le contrôle et la protection de ceux qui
opèrent des commerces à l'intérieur de notre province.
Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le ministre.
M. Guy Joron
M. Joron: M. le Président, en guise de réplique, je
pourrais peut-être répondre à quelques-unes des questions
que mes collègues ont soulevées. Au départ, je vous
rappellerai que c'était un engagement du premier ministre, dans son
discours inaugural au début de cette session, d'apporter une loi et que
le gouvernement pose des gestes dans le but de protéger des petits
commerçants qui sont devenus des milliers au Québec aujourd'hui
et dont certains, parfois comme je l'ai dit tout à l'heure dans
mon intervention étant donné le déséquilibre
des forces entre des chaînes internationales souvent très
puissantes et le franchisé ou le concessionnaire local, se sont faits,
sinon rouler, du moins malmener dans le passé. Les plaintes que la
plupart des membres de cette Chambre, chacun dans leur comté respectif,
ont pu en recevoir en témoignent certainement. Ce sont des cas qui ont
dû se produire un petit peu partout.
Alors, il y a deux choix qui se présentaient à nous. La
première idée, c'était que le ministre de l'Industrie et
du Commerce apporte une loi portant spécifiquement sur les franchises.
Par la suite, on s'est aperçu qu'il existait déjà,
à l'intérieur de la Loi sur les valeurs mobilières, une
définition qui incluait, dans un sens large peut-être, la
concession et qui la définissait comme une valeur mobilière. (23
h 50)
Là, on s'est dit: Au lieu de rédiger une loi, en quelque
sorte, qui va imposer des obligations aux parties et qui va, en somme,
régir le franchisage comme tel, pourquoi n'adoptons-nous pas le
deuxième choix qui était celui de la divulgation et de laisser
les individus libres de s'engager dans des contrats de franchisage,
après que nous nous soyons assurés, comme législateurs,
que tous les faits pertinents vont lui être présentés et
qu'il saura dans quoi il s'embarque en signant un tel contrat?
Alors, on a opté pour la deuxième solution qui implique
l'addition du mot "franchise" ou franchisage " au terme "concession" qui, lui,
est plus global, nous a dit l'Office de la langue française. Et
après vérification, le terme "franchisage " est inclus, si vous
voulez, à l'intérieur du mot concession" qui est
déjà dans notre loi des valeurs mobilières, mais
s'applique de façon plus pertinente à la pratique plus
récente, plus moderne de l'utilisation de marques de commerce par un
certain nombre de commerçants, qui se répandent presque comme des
traînées de poudre un peu partout à travers le monde,
à l'heure actuelle.
C'est le sens qu'en France, par exemple, on a donné au mot
"franchisage", sens donc un peu plus restreint que le mot "concession . C'est
pourquoi on propose dans le projet de loi qui est devant vous, d'ajouter
simplement cette précision pour être bien sûrs qu'on couvre
cela. Deuxièmement, de faire l'obligation à quiconque veut vendre
une franchise à quelqu'un, d'obtenir un prospectus, lequel va devoir
contenir un certain nombre de renseignements et de créer l'obligation au
franchiseur de présenter ce prospectus, au moins un certain temps
à l'avance, à celui avec qui il veut signer un contrat, de
façon que le franchisé, lui, ait tout le temps pour peser le pour
et le contre, et évaluer les renseignements que ce prospectus doit
contenir. C'est cela que les règlements vont devoir définir.
Comme par exemple, des choses non officielles, adresse du siège social,
description de l'entreprise offerte, les noms des marques de commerce,
expérience en affaires de l'émetteur de la franchise, si c'est le
cas, évidemment, états financiers vérifiés du
franchiseur, pour que l'autre partie soit à même d'évaluer
la responsabilité de la partie avec laquelle elle entre dans un contrat
et tout autre renseignement pertinent comme, évidemment, la description
du type de contrat, comment il peut être terminé, les sommes
à payer et ainsi de suite.
Ce sont là les choses, les règlements que la commission,
après audiences publiques, comme c'est sa pratique, d'ailleurs, elle le
fait toujours, elle entendra les parties, on lui fera sans doute des
suggestions dont elle a, quand c'était pertinent, dans le passé,
toujours tenu compte, et ainsi, nous serons appelés à adopter,
comme exécutif, des règlements qui définiront plus
précisément les renseignements qui devront être contenus
dans ces prospectus.
Voilà l'esprit, si vous voulez, qui a présidé
à la présentation de ce projet de loi. Je pense que la technique
qu'il utilise est la moins compliquée possible, c'est la technique de la
divulgation. Je pense que la Commission des valeurs mobilières
étant un organisme qui, dans le passé, a bien joué son
rôle de protection des marchés financiers dans son rôle de
s'assurer que tous les agents impliqués dans le commerce des valeurs
mobilières soient renseignés de façon pertinente, nous
pouvons être assurés qu'à l'égard des franchises,
elle saura également être, pour les milliers de franchisés
du Québec également, un élément de protection
valable.
Le Vice-Président: Est-ce que le projet de loi no 70, Loi
modifiant la Loi sur les valeurs mobilières concernant le contrat de
concession ou de franchisage sera adopté?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je voudrais proposer que vous
quittiez le fauteuil et que sur ce projet de loi, la Chambre procède
immédiatement en commission plénière à
l'étude article par article.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le
Vice-Président: Adopté.
Commission plénière
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Cette Assemblée s'est formée en commission
plénière pour étudier le projet de loi no 70, Loi
modifiant la Loi sur les valeurs mobilières concernant le contrat de
concession ou de franchisage.
L'article 1 sera-t-il adopté?
M. Giasson: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: ... il est de pratique courante, je crois, avant
d'entrer dans la discussion du texte de l'article lui-même, de faire un
tour d'horizon et de poser quelques questions au ministre.
J'aimerais savoir du ministre si la pratique courante qui s'est faite
dans le domaine de la concession et de la franchise a développé
des activités ou des transactions pour le moins douteuses ou qui
auraient été au désavantage marqué du
franchisé, et est-ce qu'on lui a rapporté des abus importants ou
nombreux dans l'opération de ces concessions ou de ces franchises?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.
M. Joron: Moi-même, je vous avoue qu'occupant le poste de
la responsabilité du ministère depuis quelques mois seulement, on
ne m'en a pas rapporté à moi personnellement des tas. Mais dans
le passé et à d'autres de mes collègues, notamment je sais
que cela arrive souvent au ministère de l'Industrie et du Commerce,
c'est arrivé sans doute à ma prédécesseur au
ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières également. C'est la raison pour laquelle le
comité d'étude sur le commerce dont j'oublie l'appellation totale
je ne l'ai pas devant moi avait déjà fait cette
recommandation au gouvernement le printemps dernier à savoir, intervenir
dans ce secteur parce qu'il y avait eu probablement des plaintes portées
à l'attention de cet organisme. Combien nombreuses? Je ne pourrais pas
vous le dire mais cela a dû fréquemment arriver et je pense que ce
n'est pas difficile à imaginer étant donné des fois le
rapport de force complètement démesuré des chaînes.
Là, je ne voudrais pas en nommer mais je pense à des
chaînes de restauration, par exemple, que l'on retrouve à la
grandeur du monde entier maintenant. Un petit commerçant local qui
décide d'acquérir une de ces franchises ou de ces concessions
n'est pas tout à fait à armes égales quand il
négocie un contrat avec ces grandes entreprises qui arrivent avec leur
batterie d'avocats, de spécialistes.
Je pense que dans le but de protéger celui qui s'engage dans de
telles choses, il est important de demander non pas de faire une loi qui
aurait été très chinoise, qui aurait voulu tout
régir ce genre de contrat entre individus, cela reste la liberté
des individus de contracter entre eux une divulgation des faits
pertinents qui vont protéger celui qui veut embarquer dans un tel
contrat, simplement, qu'il sache avec qui il fait affaires et à quoi son
contrat l'entraîne. Pour répondre à votre question, parce
qu'on a eu des cas qui ont été portés à notre
attention quand je dis nous collectif, je ne parle pas de moi
personnellement des cas où il y avait eu des abus qui se sont
soldés par des expériences financièrement douleureuses
pour les franchisés.
M. Giasson: Est-ce qu'il est possible de croire qu'à
partir de la sanction de la loi, dorénavant, les franchiseurs devront
obligatoirement procéder par prospectus?
M. Joron: C'est exact.
M. Giasson: Sous contrôle de la Commission des valeurs
mobilières du Québec.
M. Joron: C'est exact.
M. Giasson: Et c'est ainsi que les clients potentiels, ou les
franchisés futurs, pourront, par
le prospectus, savoir de quoi ils relèvent exactement dans le
contrat ou l'entente à être négocié entre les deux
parties.
M. Joron: C'est exactement cela. C'est une procédure qui
n'est pas nécessairement très longue, ni très
compliquée. Elle se fait assez régulièrement et assez
couramment chaque fois, par exemple, qu'une entreprise qui a plus qu'un certain
nombre d'actionnaires veut, par exemple, émettre des titres nouveaux;
alors, elle est obligée, évidemment, dans le but de
protéger les investisseurs qui pourraient être appelés
à souscrire soit des actions ou des obligations de cette entreprise, de
faire approuver par la Commission des valeurs mobilières un prospectus
dans lequel sont décrits les faits pertinents qui peuvent
éclairer celui qui, ensuite, est toujours libre de prendre sa
décision, d'y aller ou de ne pas y aller. Mais, au moins, le rôle
de la commission c'est de s'assurer qu'il y a divulgation. (Minuit)
Ce sera exactement le même processus. Un franchiseur qui veut
vendre des franchises avant d'entrer en contrat avec un franchisé devra
lui fournir un prospectus, devra avoir obtenu de la Commission des valeurs
mobilières un prospectus et le fournir un certain nombre de jours en
avance. Je vais y aller parce que j'ai un petit amendement à
suggérer pour prévoir des délais.
M. Giasson: A la connaissance du ministre, est-ce que, dans les
autres provinces, il y a des lois, des modes de contrôle ou
d'intervention à peu près similaires ou équivalents
à ce qu'on apporte à la Loi sur les valeurs
mobilières?
M. Joron: A ma connaissance, exactement le même genre de
processus administré par la Commission des valeurs mobilières
existe en Alberta, par exemple, et dans un certain nombre d'Etats
américains. De mémoire, je me souviens du Michigan. Ce sont des
Etats américains, au pluriel. Pour le moment, je ne me souviens que du
Michigan, mais il y en a d'autres également. Enfin, on n'est pas les
premiers en Amérique du Nord, si vous voulez, à
légiférer dans ce domaine. La loi qu'on présente ici, qui
est la voie de la divulgation par la voie de la Commission des valeurs
mobilières, c'est exactement la même technique que celle
employée en Alberta.
M. Giasson: Au-delà des recommandations du comité
d'étude sur les pratiques commerciales dans ce secteur, est-ce qu'il y a
eu d'autres représentations ou recommandations qui ont pu être
déposées auprès de la Commission des valeurs
mobilières ou encore auprès du ministère? Le ministre est
tout neuf à ce ministère, mais son prédécesseur a
peut-être reçu des suggestions ou des représentations en ce
sens.
M. Joron: Cela ne veut pas dire qu'il n'y en ait pas, mais
à ma connaissance, je ne saurais faire état d'autres
représentations. Il y a mon collègue de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme qui aurait probablement pu vous en faire part s'il avait
été ici, mais comme on ne savait pas à quelle heure nous
étudierions ce projet de loi, il n'est pas là en ce moment.
Peut-être aurait-il pu vous faire part de représentations qui lui
auraient été faites plus spécifiquement. Au-delà de
ce que je vous ai dit, je n'aurais rien d'autre à ajouter.
M. Giasson: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Brome-Missisquoi m'avait demandé la parole.
M. Giasson: D'accord, je reviendrai.
M. Russell: II y a des questions posées par le
député de Montmagny-L'Islet qui sont intéressantes, c'est
de l'information et je ne me sens pas privé, mais je voudrais savoir du
ministre si, quand on parle de frachisage, on parle simplement de
commercialisation. Il y a aussi un autre terme je ne sais pas si c'est
le bon terme les droits d'auteur de production.
M. Joron: Non.
M. Russell: Cela ne se trouve pas couvert par cette loi?
M. Joron: Non.
M. Russell: Quelqu'un qui a des droits de fabrication ici, au
Québec, de l'extérieur du Québec?
M. Joron: Non. Des royautés ou des droits d'auteur, des
choses comme cela. Non.
M. Russell: Pour couvrir la commercialisation.
M. Joron: L'exploitation d'une entreprise, c'est cela.
M. Russell: L'exploitation d'une entreprise?
M. Joron: Vous voyez l'article 1 ? C'est exactement cela. Cela
ajoute ceci à la Loi actuelle sur les valeurs mobilières pour
venir préciser le mot "concession". "D'un contrat de concession ou de
franchisage en vertu duquel le concessionnaire ou le franchisé obtient
certains droits particuliers quant à l'exploitation d'une
entreprise".
M. Russell: Donc, si quelqu'un veut importer un produit de
l'Europe et qu'il en fait la mise en marché ici, si c'est un produit qui
est exclusif, il ne peut être couvert par cette loi?
M. Joron: Non.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Le ministre tout à l'heure, dans sa
réplique, a fait allusion à une réglementation qui serait
sans doute préparée par la commission
et soumise à l'attention du gouvernement pour adoption et
acceptation. Avez-vous une idée du moment où cette
réglementation va être produite et prendra effet dans le
temps?
M. Joron: La commission a déjà travaillé sur
un avant-projet, mais sur le véritable projet de règlement, qui
fera l'objet d'auditions publiques, comme la commission en tient souvent
d'ailleurs, cela devrait avoir lieu dans les tout premiers mois de
l'année prochaine. Cela ne tardera pas, cela devrait être
dès le début de l'année 1980.
M. Giasson: Est-ce que le public sera informé par une
publication dans la Gazette officielle, de ces séances pour audition
publique, ou par une publication dans les journaux?
M. Joron: A ma connaissance, oui, mais j'aimerais mieux
vérifier davantage. Peut-être pourrais-je vous fournir la
réponse définitive ou plus spécifique un peu plus tard ou
à un autre moment. Je regrette, à cette heure-ci de la nuit, de
ne pouvoir consulter les officiers de mon ministère pour vous la
fournir.
M. Giasson: La réglementation,
nécessairement...
M. Joron: Peut-être que le député de
Marguerite-Bourgeoys, qui connaît bien la Commission des valeurs
mobilières, pourrait vous fournir la réponse.
M. Lalonde: Je serais plutôt tenté de penser que cet
avis paraît dans le bulletin de la Commission des valeurs
mobilières qui est distribué à la clientèle
régulière des avocats, des courtiers. C'est possible aussi que
cet soit un avis publié dans les journaux, s'ils veulent atteindre... Je
ne pense pas, de façon générale...
M. Joron: Je pense que dans un cas comme celui-là, ce
serait indiqué que ce le soit, un lieu public.
M. Giasson: Est-ce que les règlements, Mme la
Présidente, vont nécessairement définir les types de
contrats assujettis...
M. Joron: C'est cela.
M. Giasson: ... à la loi? Même si on parle de
concession et de franchise en terme général, cela va prendre une
définition précise des types de contrats ou de commerces
touchés par les modifications apportées à la loi.
Maintenant, vous avez dit tout à l'heure, M. le ministre, que
l'avis de la Commission de la langue française était le suivant:
le mot "franchise" serait contenu dans un terme plus général
qu'on appelle concession. C'est l'indication qu'on vous donne, mais tout de
même il doit exister une certaine différence dans le sens de la
définition d'une franchise par rapport à une concession.
M. Joron: Ecoutez! Le mot "concession" est... M. Giasson:
Est général.
M. Joron: ... évidemment général. Il est
employé commercialement aussi depuis longtemps. On sait
spontanément ce à quoi on fait allusion. La franchise est apparue
surtout plus récemment dans le cas de l'utilisation de marques de
commerce. On pense à des restaurants, des hôtels où on
prévoit les mêmes noms un peu partout, mais qui ne sont pas
nécessairement la propriété de la compagnie qui est
propriétaire du nom. Elle vend son nom ou l'exploitation de son nom, si
vous voulez, à des intérêts divers. C'est à ce
moment-là qu'on a appliqué le mot, semble-t-il. Ecoutez! Je ne
suis pas linguiste ou spécialiste de la question, mais semble-t-il que
c'est cette appellation un peu plus restreinte et plus spécifique qu'on
a voulu donner au mot "franchisage". Je vous avoue que j'ai été
moi-même surpris au début parce que j'avais l'impression que les
mots "franchise" et "franchisage" et les mots "franchiseur" et "franchiser"
étaient des anglicismes pour dire "concédant", "concessionnaire",
et "concession". Après vérification de ce qui se passait en
France, on emploie bel et bien le mot "franchise" pour désigner la
concession dans le sens plus restrictif que je viens de vous
définir.
M. Giasson: Mme la Présidente, je n'ai pas d'autres
questions à caractère général.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Russell: J'ai deux questions. Le ministre dans son
exposé tout à l'heure a parlé d'un rapport dans lequel on
lui recommandait d'apporter ces amendements au projet de loi. Y aurait-il
possibilité d'obtenir une copie du rapport dans lequel il y avait ces
recommandations?
Une Voix: II a été déposé...
M. Russell: II n'est pas nécessaire de l'avoir ce soir. Il
pourra nous le transmettre...
M. Joron: Mon collègue me souffle à l'oreille qu'il
aurait déjà été déposé. Enfin, le
rapport était adressé... Comme il portait sur les pratiques du
commerce au Québec, cela aurait dû, le rapport aurait dû
être adressé au ministre de l'Industrie et du Commerce.
Peut-être l'aurait-il déposé? En tout cas, je vais le
vérifier. Si cela n'a pas été fait, cela me fera plaisir
de le faire.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Laprairie.
M. Michaud: Si vous me le permettez, je pourrais peut-être
répondre au député. Il y a environ un an et quelques mois,
le ministre de l'Industrie et du Commerce a reçu officiellement le
rapport qu'il a déposé. C'est un volumineux rapport sur le
commerce en détail au Québec qui a été
produit par M. Cloutier et un groupe de chercheurs.
M. Joron: On le vérifiera.
M. Giasson: Est-ce que c'était à l'article 1 que
vous aviez fait allusion?
M. Joron: Non, j'ai un amendement un peu plus loin. Il s'agit
d'insérer un nouvel article, en fait.
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que l'article
1...
M. Joron: Est-ce que l'article 1 est adopté, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme Cuerrier): ...sera adopté? M.
Giasson: Adopté, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 2
est-il adopté?
M. Lalonde: II y a une petite faute à l'article 2,
peut-être l'avez-vous déjà mentionnée, on parle de
"franchisage" à l'article 1 et à l'article 2 on parle de
"franchissage". Il y a un "s" de trop.
M. Joron: II y a un "s" de trop.
M. Lalonde: Si vous voulez l'enlever.
M. Joron: Est-ce qu'il faut faire un amendement ou si c'est une
faute de frappe qui va de soi? Alors, à la troisième ligne, au
mot "franchissage"...
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, correction...
M. Joron: ... supprimer un "s".
La Présidente (Mme Cuerrier): Bien sûr qu'elle est
adoptée, évidemment. L'article 2 est-il adopté?
M. Giasson: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Article...
M. Joron: Avant de passer à l'article 3, Mme la
Présidente, je voudrais proposer l'insertion d'un nouvel article qui
deviendrait le nouvel article 3 et qui se lirait comme suit: "Dans le cas du
contrat de concession ou de franchisage un exemplaire du prospectus doit
être remis au moins quatre jours, à l'exclusion des samedis et des
jours fériés, avant la signature du contrat et avant tout
paiement." (0 h 10)
Cela deviendrait le nouvel article 3. Si on demande qu'un exemplaire du
prospectus soit remis au plus tard avant la confirmation de la vente et avant
tout paiement du prix de vente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous auriez
d'autres copies, M. le ministre?
M. Joron: Non. C'est la seule que j'ai. Je regrette.
La Présidente (Mme Cuerrier): Nous allons la faire
photocopier.
M. Giasson: En définitive, c'est l'obligation du
prospectus avec un délai au minimum de quatre jours.
M. Joron: La raison pour laquelle il faut introduire ce nouvel
article, c'est que l'actuelle loi des valeurs mobilières oblige les
compagnies qui doivent émettre un prospectus à le faire seulement
au moment de la confirmation de la vente ou avant tout paiement du prix de
vente de ces valeurs mobilières. Mais, évidemment, dans le cas
qui nous concerne, il est logique de penser qu'il faudrait que le prospectus
soit délivré avant la signature du contrat pour qu'il y ait un
délai minimal pour que le franchisé puisse en prendre
connaissance. C'est pour cela qu'on est obligé d'introduire ce nouvel
article.
M. Mathieu: Mme la Présidente. La Présidente (Mme
Cuerrier): Oui.
M. Mathieu: J'aurais une question à poser à M. le
ministre. C'est remis à qui? A la personne qui désire se
prévaloir des... ou à la commission?
M. Joron: Au franchisé.
M. Mathieu: Merci.
M. Joron: Au futur franchisé.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le nouvel article 3 est-il
adopté?
M. Lalonde: Un instant! Seulement une chose.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: On sait que ces prospectus obéissent à
toutes sortes de règles formelles de production et de
présentation. Mais, étant donné que la franchise, par
définition ou par tradition, ne s'adresse quand même pas à
un grand public en même temps, on peut, si on est un franchiseur, vendre
une franchise par semaine ou par mois et cela s'adresse à un client tout
à fait particulier, contrairement à la distribution des valeurs
mobilières à travers le courtier, où on peut avoir 10 000
ventes ou 1000 ventes dans une journée.
Est-ce que le ministre est satisfait qu'on n'obligera pas les
franchiseurs à produire un prospectus imprimé, avec tout le
tralala qui est très coûteux et qui s'adresse peut-être
à une dizaine ou à une vingtaine de personnes, une centaine, en
l'espace d'un an?
M. Joron: On parlait tout à l'heure de la province de
l'Alberta où la chose existe, une province où la population est
un peu moins du tiers de celle du Québec et où le marché
est déjà plus restreint.
Au Québec, avec l'importance du marché
québécois, c'est vrai que cela ne va pas chercher des dizaines de
milliers de prospects, de clients possibles, mais, quand même, quand on
pense à des concédants, de grandes entreprises qui accordent des
contrats, cela couvre par exemple les concessionnaires d'automobiles, General
Motors, par exemple, les postes d'essence, les restaurants McDonald. Cela fait
quand même un joli nombre. Cela veut dire plusieurs centaines. J'imagine
qu'il va être assez facile d'avoir un contrat type, finalement, qui ne
sera pas, pour le frachiseur, quelque chose de très onéreux
à faire produire.
M. Lalonde: Vous ne parlez plus que d'un contrat type. Vous
parlez d'un prospectus. J'imagine que la commission va exiger la divulgation
des états financiers...
M. Joron: Des états financiers, oui, assez
récents.
M. Lalonde: ... et d'information à caractère
commercial, financier, la divulgation nécessairement aussi de toutes les
attaches. Quand on parle d'une franchise, le franchisé s'engage à
respecter un tas de conditions, peut-être un peu moins pour la
concession, mais cela ne s'adresse quand même pas au grand public.
Si le ministre est satisfait qu'on n'impose pas une charge
financière énorme comparativement au nombre de personnes
impliquées, à ce moment-là, cela pourrait peut-être
aussi être couvert par les règlements.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le nouvel article 3 est-il
adopté?
M. Lalonde: Oui.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. Il faudra une
renumération.
M. Joron: L'article 3 devenu l'article 4. Il faudrait proposer
que l'ancien article 3 soit renuméroté 4.
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce qu'il est
adopté? L'ancien article 3 renuméroté 4 est-il
adopté?
M. Lalonde: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le Président, j'ai
l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière a
étudié le projet de loi no 70, Loi modifiant la Loi sur les
valeurs mobilières concernant le contrat de concession ou de franchisage
et qu'elle l'a adopté avec un amendement.
Le Vice-Président: Merci. Ce rapport sera-t-il
adopté?
M. Charron: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 6 du feuilleton,
M. le Président.
Le Vice-Président: Je comprends que vous n'allez pas
à la troisième lecture du projet de loi 70, que c'est à
une autre séance.
Projet de loi no 41
J'appelle la troisième lecture du projet de loi no 41, Loi sur
l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants.
M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Encore une fois, me prévalant de l'article
125, je voudrais qu'on revienne en commission plénière l'espace
d'un instant, puisqu'il s'agit d'un amendement à grande portée,
mais vraiment mineur, dont tout le monde va saisir l'importance, que le
ministre de l'Agriculture voudrait présenter à ce moment-ci.
Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Que vous quittiez votre fauteuil, M.
le Président, en effet.
M. Charron: Oui et tout le tralala. Le Vice-Président:
Adopté.
Commission plénière
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre de l'Agriculture.
M. Garon: M. le Président, un petit amendement pour
qu'à l'article 33, à l'avant-dernière ligne et à la
dernière ligne, on change ce qui est écrit entre
parenthèses, pour qu'au lieu de dire "insérer ici la date du
dépôt du présent projet de loi", on dise à la place
"insérer ici la date d'entrée en vigueur de la présente
loi".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Pourriez-vous nous fournir une copie de votre amendement, M. le ministre, s'il
vous plaît?
M. Garon: Le but, c'est de ne pas rendre le projet de loi
rétroactif, tout simplement.
M. Giasson: La modification que le ministre de l'Agriculture
apporte, étant donné que, lors de la discussion au cours de la
commission parlementaire où nous avons examiné le projet de loi
article par article, il y avait eu une suggestion de mon collègue, le
député de Beauce-Sud, qui avait indiqué au ministre,
à ce moment-là, qu'il serait peut-être
préférable d'apporter ce changement de façon à ne
pas donner cet effet de rétroactivité et
de ne pas placer dans une situation assez difficile des transactions
éventuelles qui auraient pu se mener, même si les
possibilités étaient très petites, cela aurait pu faire
l'objet de problèmes vis-à-vis des quelques transactions qui
auraient pu être menées entre la date de la sanction par rapport
à la date du dépôt qui était mentionnée audit
article. Donc, nous souscrivons, M. le Président, à ce changement
apporté au projet de loi. (0 h 20)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avec
votre permission... M. le ministre?
M. Garon: C'est volontairement que j'avais fait le
dépôt du projet de loi à la commission parlementaire.
Pendant les quelques jours que le projet de loi était resté
inscrit, les spéculateurs avaient voulu voir ce qui se passait. Ils
avaient dit: La loi est rétroactive, cela ne donne rien de
spéculer. Comme elle va être adoptée très rapidement
et qu'il est tard, les bureaux d'enregistrement sont fermés, on peut
changer cela à la dernière minute. Une bonne partie de l'effet va
y être quand même.
M. Levesque (Bonaventure): On ne légifère pas comme
cela d'habitude. C'est un bluff! Cela joue au bluff!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, MM.
les membres de la commission, étant donné l'importance de
l'amendement et étant donné que la présidence n'a pas
actuellement en sa possession le projet de loi 41 tel qu'il a été
adopté avec amendement après la deuxième lecture,
puisqu'il est chez l'officier en loi pour traduction, je me dois donc,
étant donné l'importance de l'amendement, d'attendre le texte en
question. Je pense qu'il est arrivé maintenant. M. le ministre,
j'aimerais que vous me répétiez exactement l'amendement que vous
avez proposé.
M. Garon: C'est vous qui l'avez, mais disons que...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sauf
qu'il est assez difficile à...
M. Garon: A l'article 33, les deux dernières lignes, il y
a quelque chose d'inscrit entre guillemets. On dit: Avant de "insérer
ici avant, c'était écrit le texte tel qu'adopté en
deuxième lecture à la commission parlementaire la date du
dépôt du présent projet de loi". Pour que le projet de loi
ne soit pas rétroactif, l'amendement dit: Insérer ici la
date...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
"Insérer ici la date de l'entrée en vigueur de la présente
loi."
M. Garon: L'entrée en vigueur de la présente
loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or,
toute chose étant comprise, est-ce que l'amendement sera
adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article 33 tel qu'amendé sera adopté?
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté. La commission plénière a maintenant rempli son
mandat et elle fera rapport.
Mme la Présidente, j'ai l'honneur de faire rapport que la
commission plénière a étudié l'amendement
proposé par le ministre de l'Agriculture au projet de loi no 41, article
33, et l'a adopté.
La Vice-Présidente: Le rapport est-il adopté?
Des Voix: Adopté.
La Vice-Présidente: II s'agit du projet de loi 41.
M. Charron: Le projet de loi 41, madame, l'article 6 du
feuilleton. Je vous proposerais maintenant d'appeler la troisième
lecture de ce projet de loi.
Troisième lecture
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture
propose que soit maintenant lu pour la troisième fois le projet de loi
no 41, Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
Des Voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Troisième lecture de ce projet
de loi, adopté.
M. Russell: Mme la Présidente, peut-être que le
leader parlementaire pourra me permettre une suggestion. Etant donné
que, par l'amendement qu'on vient d'apporter, il existe un grand danger de
spéculation, et suivant les remarques qui ont été faites
par le ministre de l'Agriculture, on pourrait peut-être faire une
proposition à laquelle on pourrait concourir, si le
lieutenant-gouverneur voulait se soumettre, faire la sanction de cette loi ce
soir et qu'elle entre en vigueur immédiatement pour qu'il n'y ait pas de
spéculation et de personnes qui pourraient abuser de la largesse du
ministre d'avoir apporté un amendement aussi large.
M. Charron: On pourra, madame, si le député
insiste, comme il y a un bien-fondé, à la première heure
demain convoquer son excellence pour cette sanction.
M. Giasson: Souvenez-vous, les bureaux de notaire, cela ouvre
très tôt le matin!
M. Charron: Matinaux! Madame, l'article 22 du feuilleton, s'il
vous plaît!
Prise en considération du rapport
de la commission ayant étudié
le projet de loi no 43
La Présidente (Mme Cuerrier): II s'agit ici de la prise en
considération du rapport de la commission de l'agriculture et de
l'alimentation qui a étudié le projet de loi no 43, Loi modifiant
de Loi du ministère de l'Agriculture. Il n'y a pas d'amendements?
M. Charron: Oui, madame, il y a des amendements. Je crois qu'ils
ont été fournis les deux, d'ailleurs par le
député de Brome-Missisquoi. C'est bien ça? Je laisse
celui-ci présenter ses amendements.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Russell: Mme la Présidente, nous avons
présenté un amendement à l'article 33 qui se lit comme
suit: "Le premier alinéa de l'article 33 est modifié en
remplaçant les mots "organisme public qu'il désigne" par
"l'Office du crédit agricole du Québec". Si je peux donner les
explications... D'ailleurs, je l'ai fait en commission parlementaire l'autre
jour lorsque nous avons discuté de cette loi. Nous trouvions que, dans
le contexte actuel, il était loisible que l'on puisse déterminer
immédiatement l'organisme qui s'occuperait de l'administration de cette
loi. Etant donné que l'Office du crédit agricole a une
quarantaine d'années d'expérience dans ce domaine et que
ça pourrait éviter bien des erreurs et bien des
spéculations, nous trouvions que l'administration revenait à
l'Office du crédit agricole.
D'ailleurs, ce n'est pas seulement nous qui avons pensé à
ça. Le ministre lui-même, lorsqu'il avait présenté
son projet de loi no 99 il y a déjà douze mois, dans cette loi,
c'était compris que ce serait l'Office du crédit agricole qui
serait chargé de l'administration de sa loi. J'ai demandé au
ministre l'autre jour, lors de l'étude article par article de cette loi,
les raisons qui l'avaient motivé à changer d'opinion et je n'ai
pas trouvé la réponse trop satisfaisante. Nous en avons
discuté et nous en sommes venus à la conclusion que ceci devait
demeurer comme un amendement et je le soumets humblement au ministre et
à mes collègues pour que nous puissions prendre en
sérieuse considération cette recommandation, cet amendement.
Nous avons aussi soumis un amendement à l'article 32, qui se
lirait comme suit: "Que le premier alinéa de l'article 32 soit
modifié en remplaçant, après le mot "favorisé",
dans la quatrième ligne, par les mots suivants: "L'exploitation des
terres arables non utilisées ou sous-utilisées en vue de
permettre la relève en agriculture et l'agrandissement ou la
consolidation des fermes du type familial."
Donc, avec ce deuxième amendement, Mme la Présidente, nous
voulions éviter, par ce fait même, l'abus de langage que certaines
personnes pour- raient se permettre à l'égard du ministre. Je
sais que, dans le passé, plusieurs personnes ont voulu laisser entendre
que le ministre était un gars qui avait plutôt une conception
socialiste et je sais que le ministre n'aime pas ça. Il est revenu
lui-même à la charge à plusieurs reprises lors de son
exposé de deuxième lecture. Il a vendu à la Chambre cette
idée, qui était hors de tout doute, que lui n'avait aucunement
cette pensée et que le seul but de cette loi était de permettre
à cette société, qui administrerait et appliquerait la
loi, d'acheter, en vue de revendre ou de louer des terres. C'est la raison pour
laquelle nous apportons cet amendement. L'article, rédigé de
cette façon, va éviter que cet organisme désigné
par le ministre, qui sera certainement l'Office du crédit agricole,
puisse faire de l'exploitation agricole, comme ça se fait actuellement
dans l'Abitibi. C'est le ministre lui-même qui nous l'a fait remarquer.
Ils ont des terrains qui leur appartiennent; ils en font l'exploitation et la
location à des cultivateurs. Mais ils ont fait l'aménagement du
groupement de terrains qu'ils ont actuellement.
Donc, si nous laissions l'article tel qu'il est rédigé
actuellement, le ministre pourrait devenir le plus grand agriculteur du
Québec. On ne veut pas ça, et lui non plus ne veut pas
ça.
Une Voix: ... le plus gros...
M. Russell: En plus de ça, on voudrait assurer le ministre
que s'il y avait des modifications ou des changements dans le cabinet, si
c'était un autre ministre qui avait les idées plus... Oui,
ça pourrait être le leader parlementaire du gouvernement, qui
aurait des idées peut-être socialisantes ou... Il pourrait
peut-être devenir un grand cultivateur...
Une Voix: Lui aussi, un gros...
M. Russell: Cela pourrait être drôlement dangereux ou
décourageant pour nos cultivateurs qui ont des petits lopins de terre
qu'ils essaient de cultiver et à voir ce grand compétiteur,
l'Etat... on voudrait éviter tout ça. (0 h 30)
C'est pour cela, Mme la Présidente, que nous avons de bonne foi,
présenté un article. Cela a été fait de la
façon la plus humble, la plus sincère, pour fournir au ministre
la plus grande coopération de façon à s'assurer que
personne ne pourra prendre avantage ou abuser de cette loi que le ministre
passe devant cette Chambre dans le but d'obtenir les pouvoirs
nécessaires à la réussite de ce qu'il a appelé son
grand désir, cette banque de terres agricoles.
Cette banque de terres agricoles vise deux buts en particulier:
l'amélioration des fermes, mais leur vente à des agriculteurs de
type familial ou leur location à ces mêmes personnes. Donc, cet
amendement lui permet de faire ça et évitera aux mauvaises
langues de dire des choses comme on en a entendues dans le passé,
traitant le ministre de socialiste ou de socialisant, ou ses successeurs de
mauvais gouvernement aux mauvaises pen-
sées. Cela va éviter tout ça, tout le monde va
être heureux et le ministre aura sa loi qui lui permettra d'administrer
pour le plus grand bien des agriculteurs du Québec.
La Vice-Présidente: Les amendements de M. le
député de Brome-Missisquoi seront-ils adoptés?
M. Garon: Pour répondre à ça... Mme la
Présidente, j'ai écouté le député de
Brome-Missisquoi qui avait fait le même amendement en commission
parlementaire et nous en étions venus à la conclusion que cet
amendement n'aurait pas pour effet les résultats souhaités par le
député de Brome-Missisquoi. C'est pour ça que nous nous
sommes prononcés contre l'amendement parce qu'il aurait eu pour effet
d'empêcher la banque de terres de louer les terres ou de disposer des
terres qui n'auraient pas été nécessairement des terres
non-utilisées ou sous-utilisées.
Quand il donne comme exemple que le gouvernement pourrait être le
plus grand cultivateur et que le ministre de l'Agriculture pourrait être
le plus grand cultivateur, le seul exemple qu'on nous avait donné en
commission parlementaire, c'était l'exemple de pâturages
communautaires où le ministère de l'Agriculture a regroupé
des terres qui avaient été acquises lors du
réaménagement foncier pour en faire un pâturage
communautaire où les cultivateurs peuvent aller faire paître leurs
animaux et ce pâturage leur est loué pour aller faire paître
leurs animaux. Je pense que c'est un bon exemple justement de ce que pourrait
faire une banque de terres, en mettant des sols sous-utilisés ou
non-utilisés à des agriculteurs par une location.
Il y a de multiples exemples et je pense que l'amendement du
député de Brome-Missisquoi n'aurait pas l'effet souhaité
et qu'il aurait pour effet d'empêcher la banque de terres de jouer son
rôle. Quant à craindre que l'Etat ne devienne cultivateur, l'Etat
serait un si mauvais agriculteur qu'il n'y a pas un ministre de l'Agriculture
sensé qui voudrait faire de l'Etat un cultivateur.
M. Giasson: Mme la Vice-Présidente...
La Vice-Présidente: A l'ordre!
M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Si vous permettez, il y a eu deux propositions
émanant du député de Brome-Missisquoi, soit à
l'article 33 d'inscrire l'organisme qui sera chargé par le gouvernement.
Tout d'abord, je crois que le député de Brome-Missisquoi a
proposé deux amendements. Est-ce que vous aviez proposé un
amendement à l'article 33 également?
M. Russell: Oui.
La Vice-Présidente: II y a deux amendements sur la table.
Il s'agit de... Alors c'est deux. Je demande si les deux amendements
seraient...
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Mme la Présidente, je viens d'entendre le
ministre de l'Agriculture qui donnait un exemple de pâturages qu'on
voulait remettre à des agriculteurs. Je voudrais lui rappeler
qu'actuellement il y a devant l'Assemblée nationale un projet de loi
privé qui est parrainé par le député de Vanier, qui
concerne la commune de Yamaska où, justement, le projet de loi en
question veut exactement faire le contraire, c'est-à-dire prendre des
pâturages qui servent actuellement à des agriculteurs et les
remettre au gouvernement. Je voudrais donc demander au ministre de
l'Agriculture s'il ne pense pas que ces deux façons de procéder
sont un peu inconciliables avec ce qu'il vient de nous énoncer?
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: Je ne peux pas dire grand-chose, Mme la
Présidente, sur la commune d'Yamaska. Vous voyez que c'était une
commune et vous voyez que ce n'est pas la banque de terres qui est dans la
transaction parce que son rôle n'est pas de faire des communes, mais de
remettre les terres aux cultivateurs. La commune d'Yamaska, c'est un territoire
un peu submergé. J'ai eu l'occasion de le survoler l'autre jour. On me
l'a montré. Je pense que les gens qui se spécialisent dans
l'étude des oiseaux avaient pas mal d'îles à occuper dans
le centre du fleuve vu le nombre d'îles incroyable et on remarque qu'ils
veulent avoir un territoire un peu plus grand. Comme les oiseaux normalement
n'endommageront pas trop le territoire, j'imagine, on pourra le
récupérer éventuellement quand les alluvions auront
enlevé l'eau et que la terre alluvionnaire aura monté un peu plus
haut.
La Vice-Présidente: Ces motions d'amendement de M. le
député de Brome-Missisquoi seront-elles adoptées?
Des Voix: Adopté. Des Voix: Rejeté.
La Vice-Présidente: Les amendements sont
rejetés.
Le rapport de la commission parlementaire sur l'agriculture concernant
le projet de loi no 43 sera-t-il adopté?
Des Voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
M. Charron: Madame, je propose la troisième lecture de ce
projet de loi.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Charron: ... à la prochaine séance.
La Vice-Présidente: Alors, projet de loi 43,
troisième lecture, prochaine séance.
M. Charron: L'article 9 du feuilleton, madame, s'il vous
plaît.
Projet de loi no 59
Deuxième
lecture
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture
propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 59,
Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la Loi sur
l'assurance-stabilisation des revenus agricoles. Cette motion sera-t-elle
adoptée?
Une Voix: Adopté.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, on sent qu'à 12 h 40,
Mme la Présidente, il manque un peu d'enthousiasme dans l'Opposition. Je
vous dirai, avec un grand plaisir, que nous présentons cette loi
aujourd'hui, parce que depuis trois ans nous entendons l'Opposition, tous les
jours, nous dire qu'on crée de nouvelles régies. Dans ce cas-ci,
Mme la Présidente, nous allons fusionner deux régies. Je peux
vous dire que c'est difficile de fusionner des régies parce que...
J'entends mon député voisin qui dit que ça mélange
les bleus avec les rouges. Il y a plus de vrai qu'on pense dans cette
phrase-là. Alors, c'est évident qu'il y a sans doute plus de
rouges, parce que les rouges ont été au pouvoir plus longtemps,
mais le but de la loi, au fond, est de rendre ces organismes plus efficaces,
pour la raison suivante. Ces organismes fonctionnent depuis 1977 à un
rythme accéléré parce que le nombre des personnes qui s'en
prévalent a augmenté considérablement.
En 1976, par exemple, le régime de la Commission
d'assurance-stabilisation des revenus agricoles avait une clientèle
restreinte puisque sa clientèle totale était de 1547
adhérents et que les têtes de boeuf assurées étaient
de 44 159, alors qu'en 1979 il y a, seulement dans ce programme de boeuf, 1900
adhérents avec 62 000 têtes de bétail assurées. Des
bouvillons à l'engraissement avec un nouveau régime qui est
établi en 1979, 83 adhérents avec 9722 têtes de boeuf
assurées à l'engraissement. (0 h 40)
Pour les porcelets, régime qui a été
institué en 1978, il y a eu 800 producteurs, 256 en 1978, chiffre qui
est passé à 800 en 1979 et il y a 715 000 truies assurées,
un nombre de truies considérable. Quand on tient compte qu'une truie
peut donner une vingtaine de porcelets par année...
Les pommes de terre également, on en parlait l'autre jour, le
député de Verchères en parlait, le régime a
été institué en 1977, c'est une des récoltes qui
suit les plus grandes variations et il y avait 111 assurés en 1977, 204
en 1978, 275 en 1979 pour un total de 21 000 acres en 1979. Je regardais
justement ce matin, en rencontrant le ministre de l'Agriculture à
Ottawa, M. Wise, on discutait de pommes de terre, je regardais les statistiques
en m'en allant, pour ne pas arriver à rencontre et je constate qu'avec
21 000 acres assurées en 1979, alors qu'il y avait à peu
près 48 000 acres en production en 1979, ça veut dire qu'il y a
près de 50% de l'acrage en pommes de terre au Québec qui est
assuré.
Pour le maïs-grain également, régime qui a
été institué, qui fonctionne pour la première fois
cette année en 1979, 34 producteurs, ce qui représente 4565 acres
en maïs-grain; pour l'avoine, l'orge et le blé, il n'y a pas encore
eu d'assurés, parce qu'on a annoncé le programme cette
année, mais les prix sont tellement bons pour l'avoine, l'orge et le
blé qu'ils n'ont véritablement pas besoin d'assurance, pour cette
année, parce que le prix est élevé.
Mais c'est un régime qui va commencer à fonctionner l'an
prochain et les gens vont pouvoir s'assurer.
Donc, nous avons un total maintenant de 3092 assurés, avec la
Commission d'assurance-stabilisation des revenus et nous avons actuellement six
régimes... en fait, il y a plus de six régimes, parce qu'il y a
plusieurs régimes qui sont fusionnés, si on tient compte que
l'avoine, l'orge et le blé, ce sont trois productions
différentes, alors les veaux d'embouche aussi, si on tient compte qu'on
a assuré différentes sections dans les veaux d'embouche. Cela
veut dire qu'actuellement nous avons couvert plusieurs productions depuis
1977.
Ce régime d'assurance-stabilisation rend cette commission
vraiment active, mais aussi, depuis 1977, ce qu'on a connu, c'est un
accroissement considérable des assurés à
l'assurance-récolte. L'assurance-récolte avait, en 1975, 6048
assurés, en 1976, 5150. Les cultivateurs commençaient à
être tellement découragés, dans le temps des
libéraux, qu'ils arrêtaient même de s'assurer. En 1977, il y
a une croissance, on est rendu à 6465 assurés, en 1978, 11 620 et
en 1979, 16 150 assurés.
Cela veut dire qu'on passe de 5150 en 1976 à 16 150 en 1979, plus
de trois fois, presque trois fois et demie plus d'assurés qu'en 1976, en
l'espace de trois ans, pour l'assurance-récolte. Tout à l'heure,
je montrais qu'avec le régime d'assurance-stabilisation, cela avait
doublé, dans ce cas-là, le nombre d'assurés.
Ce sont les chiffres qui démontrent des croissances
considérables. Aujourd'hui aussi, nous avons ajouté, au printemps
1977, avec l'amendement à la Loi de l'assurance-récolte, les
régimes collectifs. Je ne voudrais pas que vous pensiez que j'emploie le
mot collectif pour parler d'un régime socialiste, un régime
collectif d'assurance, c'est de l'assurance-groupe, comme on trouve dans les
entreprises; on a de l'assurance-groupe pour les cultivateurs également,
facultative, c'est-à-dire qu'elle n'est pas obligatoire, parce qu'il y
avait un article qui prévoyait une assurance-
groupe, mais obligatoire, comme je le disais tout à l'heure,
embarquer tout le monde de force.
Comme le gouvernement actuel est contre les régimes coercitifs,
les régimes dictatoriaux qui avaient été adoptés
dans le temps des libéraux, nous avons dit: Nous allons mettre un
régime facultatif; les cultivateurs sont des adultes qui peuvent
décider eux-mêmes de s'assurer et s'il y a un nombre significatif,
un nombre assez important, plus de 50%, par exemple, à ce
moment-là le régime d'assurance-groupe pourra fonctionner. Ce fut
un enthousiasme considérable vis-à-vis de cette assurance, dans
la plupart des régions du Québec, puisque la plupart des
régions sont assurées à plus de 66% et les régions
qui ont connu ce régime en premier, comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean et
l'Abitibi-Témiscamingue sont assurées à plus de 80%.
Cela veut dire que pour ce régime d'assurance, une fois qu'on y a
goûté, on y revient, tandis que dans d'autres types, une fois
qu'on y a goûté, on s'en va. Ceux qui ont été
assurés par ce régime ont continué à s'assurer.
Aussi, nous avons établi le nouveau régime d'assurance
pour les producteurs de légumes, dans les pommes de terre, les pois, les
haricots jaunes, les haricots verts, le maïs sucré, la betterave
à sucre, le tabac jaune, le tabac à cigare, les pommes, les
fraises et les framboises, les cultures maraîchères, les bleuets,
etc. Alors, il y a eu une foule de productions qui ont été
ajoutées et, cette année, nous avons ajouté la production
en serre de sorte que, à toutes fins utiles, il reste seulement le sirop
d'érable à assurer, dans l'assurance-récolte, pour couvrir
tout ce qui peut être récolté au Québec.
Je vous ferai remarqué aussi que c'est un régime
décentralisé, puisque nous avons des employés dans toutes
les régions du Québec, il y en a à Rimouski, à La
Pocatière, à Québec, dans la Beauce, à Nicolet,
à Sherbrooke, à Saint-Hyacinthe, à Longueuil, à
Hull, en Abitibi, à Repentigny, à Trois-Rivières et au
Lac-Saint-Jean; il n'y a pas un ministère qui est
décentralisé comme le ministère de l'Agriculture parce
que...
Une Voix: ...
M. Garon: A Nicolet? Il y en a cinq.
Une Voix: A Trois-Rivières?
M. Garon: A Trois-Rivières, il y en a trois.
Une Voix: II y a moins de cultivateurs dans
Trois-Rivières.
M. Garon: On peut répondre, sans hésiter, que
l'assurance-récolte rend des services inestimables aux producteurs
agricoles qui ont subi des pertes de récolte et
l'assurance-récolte vient assurer, si on veut, le climat, tandis que...
Parce qu'il y a deux facteurs qui varient dans l'agriculture et qui sont
dangereux, c'est-à-dire qu'il y a le climat qui varie et il y a les prix
qui varient. Avec l'assurance- récolte on assure le climat, on assure
les récoltes malgré les intempéries ou les variations du
climat et, avec l'assurance-stabilisation, on assure les variations des prix,
parce que si les prix varient, avec l'assurance, on vient couper les minimums,
pour empêcher les revenus de l'agriculteur de baisser en dessous d'un
certain niveau. Alors, ce sont des protections considérables.
Mais il fallait comme nous avons rajouté
énormément de productions au point de vue
assurance-récolte, au niveau des régimes
d'assurance-stabilisation et que les gens de l'assurance-récolte vont
devoir aller mesurer les champs et voir les rendements, tandis que les gens de
l'assurance-stabilisation voulaient aller mesurer les champs aussi
empêcher qu'il y ait trop de fonctionnaires qui se promènent dans
les champs des cultivateurs, afin de réduire les dépenses
administratives. Ce que nous avons fait, pour empêcher les
dédoublements de coûts administratifs, c'est de réunir,
pendant les deux premières années, avec des ententes
administratives, les deux organismes, pour empêcher que deux
équipes de fonctionnaires aillent dans le champ. Avec la fusion des deux
organismes, on pourra en arriver à une refonte de toute la loi,
éventuellement. A ce moment, on pourra en arriver à un seul
régime d'assurance; ça me fait penser au temps de l'assurance
automobile, la partie A, l'assurance-récolte alors que la partie B
pourrait être l'assurance-stabilisation et on aurait les deux volets; on
pourrait assurer sa récolte contre les variations de température
et contre les variations de prix. (0 h 50)
Eventuellement, quand tout cela fonctionnera bien on pourra penser
à avoir un genre d'assurance-bétail. En mettant cela tout
ensemble, à ce moment-là, on pourra assurer des récoltes
contre les variations de température, on pourra assurer les revenus.
Dans le bétail, on pourra assurer contre les maladies et, ensuite,
assurer contre les variations de revenu qu'on peut faire actuellement avec des
animaux.
Alors, cela va permettre une meilleure efficacité administrative.
Je vois le leader du Parlement qui me fait signe de ne pas parler trop
longtemps parce qu'il veut passer le plus de lois agricoles possible ce soir,
Mme la Présidente, parce qu'il sait que le meilleur temps pour passer
les lois agricoles, c'est le mois de décembre...
Des Voix: Le mois de novembre.
M. Garon: ... le mois de novembre ou le mois de décembre
en préparation de la prochaine récolte, de la prochaine
année. C'est le meilleur temps, on le fait volontairement à ce
moment-ci, comme l'an dernier pour la Loi de la protection du territoire
agricole, parce que, pendant l'hiver, c'est meilleur. On avait prévu
passer cela en décembre, mais l'Opposition, qui n'avait pas une bonne
perspective de l'agriculture, nous a obligé à passer cela en
février. Alors, ce n'est pas aussi bon qu'en décembre, mais c'est
mieux que rien.
M. Giasson: Question de privilège. Quand le ministre dit
que l'Opposition s'est opposée, de façon à passer cela en
février, je crois qu'il induit cette Chambre en erreur. L'Opposition
officielle était prête à travailler en décembre.
Précision fort importante, M. le ministre.
Une Voix: C'est de la vraie opposition dont je voulais
parler.
M. Garon: Je ne puis pas, madame, connaître toutes les
ententes qu'il y a entre les partis de l'Opposition pour s'opposer à tel
moment plutôt qu'à tel autre, mais je puis dire tout simplement
que nous sommes contents de présenter cette loi, c'est une bonne loi qui
va unifier ces deux organismes et qui va permettre une meilleure
économie de budget, une économie de coûts, au point de vue
administratif...
Une Voix: De combien?
M. Garon: ... Considérable avec l'augmentation des
régimes, avec l'augmentation du nombre des assurés, il est
évident, qu'à ce moment-là, la même personne va
pouvoir voir les deux groupes en même temps et on va sauver de l'argent.
Alors, je pense que c'est une bonne loi et c'est pour cela que nous la
présentons avec enthousiasme.
La Vice-Présidente: Motion de deuxième lecture du
projet de loi no 59.
M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Julien Giasson
M. Giasson: Mme la Présidente, à l'occasion de ce
débat de deuxième lecture, sur le projet de loi qui a comme
objectif fondamental de fusionner, de regrouper deux régimes d'assurance
qui touchent le secteur agricole, le ministre de l'Agriculture a tenté
de nous décrire une situation du monde agricole qui est presque le
paradis terrestre. Il semblerait, d'après les propos que le ministre
vient d'énoncer, que les changements apportés à la Loi de
l'assurance-récolte, plus les modifications ou la mise en place de
nouveaux régimes d'assurance-stabilisation des revenus, font que, dans
le monde agricole au Québec, la situation est absolument merveilleuse,
que c'est le lait et le miel qui coulent en ce paradis.
Mais lorsqu'on a examiné les chiffres qu'a voulu nous servir le
ministre de l'Agriculture, nous disant qu'en matière
d'assurance-stabilisation des revenus agricoles, il y avait un total de 3092
assurés et que cela touchait six régimes. Le ministre a pris bien
garde de faire allusion à un manque total d'un régime
d'assurance-stabilisation des revenus dans le secteur du porc comme dans le
secteur de la production de chair de volaille au Québec. Je suis
d'autant plus satisfait, à ce moment-ci, de l'indiquer au ministre que,
la semaine dernière, j'avais l'opportunité d'écouter et
d'entendre les intervenants au mini-sommet économique qui a
traité de l'industrie avicole au
Québec et des petits animaux de ferme, pour réaliser les
pressions et les demandes formelles qui sont venues d'à peu près
tous les intervenants, à quelques exceptions près, priant le
ministre d'intervenir périodiquement, momentanément, en vue de
permettre à ces producteurs de faire face à une situation qui
devient intenable pour différentes raisons.
D'abord, dans un premier temps, il y a eu augmentation du prix des
céréales au cours des derniers mois. Ce prix additionnel pouvait
découler, d'une part, de la grève des manutentionnaires, des
débardeurs dans différents ports de Québec. Cela
découlait également d'une décision du nouveau ministre de
l'Industrie, au gouvernement fédéral, qui a négocié
des ententes nouvelles avec le gouvernement américain acceptant, dans
ces ententes, une augmentation du volume de poulet qui pouvait être
importé dans le contrat global pour les trois prochaines années;
il acceptait, de plus, la possibilité d'émettre des contrats
supplémentaires d'importation à des postes d'abattage qui
faisaient la preuve qu'il manquait de produits de volaille vivante dans
certains secteurs.
Il y a également d'autres facteurs qui sont intervenus pour faire
en sorte que la production de chair de volaille, au Québec, connaisse,
au moment où on se parle, cet état de difficultés assez
grandes qui va continuer de s'accroître puisque les stocks, à
l'entrepôt, s'il n'y a pas un arrêt ou une diminution de la
production de la part des agriculteurs québécois, vont continuer
d'augmenter.
Tout à l'heure, au-delà du producteur de chair de volaille
qui est aux prises avec des difficultés, nous allons également
retrouver des postes d'abattage, des abattoirs agricoles au Québec qui
vont connaître des difficultés aussi grandes que celles des
producteurs eux-mêmes.
S'il y a un secteur présentement, au Québec, pour lequel
on devrait instituer un régime d'assurance-stabilisation des revenus
agricoles, c'est celui de la production de chair de volaille. Il y a
également une situation qui devient de plus en plus difficile pour les
producteurs de porc, au Québec. Ces gens connaissent une diminution
sensible du prix au marché, non seulement au marché
québécois, mais au marché en général, au
Canada comme aux Etats-Unis, et ces gens vivent également des
augmentations du coût de l'alimentation par le prix des
céréales qui s'est accru également dans le secteur des
céréales qui servent davantage à la fabrication de
moulées proci-nes, et nos producteurs de porc au Québec ont
commencé à connaître des problèmes, à faire
de la production qui est devenue déficitaire, sauf pour quelques
producteurs qui ont cette capacité de bons gestionnaires qui ne sont pas
aux prises avec des emprunts trop lourds, trop volumineux, qui peuvent encore
joindre les deux bouts, mais pas plus, sans aucun bénéfice.
La plupart des producteurs, au moment où nous nous parlons, Mme
la Présidente, produisent en accumulant des déficits, et on sait
que ça va durer encore beaucoup de mois, cette situation de
prix plutôt faibles dans le secteur de la production porcine.
Donc, quand le ministre se targue et se bombe le torse en disant qu'il a
à peu près réglé tous les problèmes
agricoles au Québec par le développement de
l'assurance-récolte, qui va assurer la "température", pour
prendre un terme utilisé par le ministre, et quand il se targue
également d'avoir réglé le problème des prix par
l'assurance-stabilisation, il donne une image fausse de la
réalité, puisque je viens de citer deux grandes productions
agricoles au Québec qui représentent des sommes d'argent beaucoup
plus fortes que des productions présentement couvertes par des
régimes d'assurance-stabilisation, le volume que représente
laproduction de pommes de terre, au Québec, est minime à
côté de la valeur de la production porcine. La production de boeuf
qu'on est en train de développer graduellement au Québec demeure
minime comme valeur totale à côté de la valeur de la
production agricole, le ministre le sait très bien. La plus grande
valeur que nous avons dans les productions, au Québec, c'est d'abord la
valeur de la production laitière, que ce soit dans le lait industriel ou
le lait de consommation. Le deuxième champ de production en agriculture
au Québec qui représente une valeur qui suit immédiatement
celle de la production laitière, c'est la production porcine, et le
troisième secteur en importance est celui de la production avicole. (1
heure)
Le ministre nous pète une broue avec la révolution qui est
faite en agriculture parce que des régimes de stabilisation de revenu
existent dans des productions secondaires. Non pas que ces productions ne
soient pas importantes, loin de là, mais elles sont secondaires dans le
sens que le total des revenus provenant de ces petites productions est minime,
est peu de chose si on compare cela au total des revenus provenant des trois
productions que je viens de mentionner.
M. le ministre, avant de crier victoire par le développement de
ces régimes d'assurance, ayez donc l'honnêteté de
reconnaître que deux productions, entre autres, auraient besoin, au
moment où on se parle et depuis quelques mois, d'un régime de
stabilisation des revenus et que ces productions vont causer des pertes
incroyables aux cultivateurs le terme n'est pas trop fort s'il
n'y a pas une correction dans le prix moyen au marché au cours des mois
à venir. A l'horizon, il ne se présente rien de trop
intéressant. Nous savons que, dans la production porcine, nos voisins du
Sud, les Etats-Unis, ont augmenté considérablement leur
production de porcs au cours de 1979. A elle seule, l'augmentation de
production aux Etats-Unis, en 1979, équivaut à la totalité
de la production canadienne de 1978. C'est vous dire, Mme la Présidente,
que le bout du tunnel, dans le secteur de la production porcine, est encore
loin et que nos producteurs de porcs vont connaître des
difficultés sérieuses. C'est une production où il serait
fondamentalement nécessaire d'avoir un régime de stabilisation
des revenus.
Le même phénomène va jouer, comme je l'ai
indiqué il y a un instant, du côté de la production de
chair de volaille, sauf si le ministre décide d'intervenir et
écoute la voix du président de la fédération qui a
eu cette gentillesse de faire l'éloge du ministre de l'Agriculture lors
du dernier congrès général de l'UPA, qui a même dit
au ministre: Vous êtes sans doute le meilleur ministre de l'Agriculture
que nous ayons eu au Québec depuis fort longtemps, mais il a pris soin
de rappeler au ministre que des gouvernements moins bons que le sien avaient
aidé les producteurs dans des périodes de difficultés,
même s'il s'agissait de productions bien structurées,
contingentées, telles que la production du lait industriel. Le ministre
devrait se rappeler ce commentaire du président de la
fédération de la chair de volaille au Québec, que des
gouvernements que le ministre prétend beaucoup moins bons que le sien
ont apporté de l'aide et ont permis à certains producteurs
agricoles du Québec de traverser des périodes compliquées
et difficiles.
J'aimerais savoir ce que le ministre entend faire, au-delà de la
représentation qu'il peut faire vis-à-vis des autorités
fédérales, pour les inciter à modifier les ententes
déjà convenues avec les Etats-Unis en matière
d'importation de poulets américains, pour bloquer, dans un premier
temps, les contrats supplémentaires qu'on accorde à certains
postes d'abattage en Ontario. Mais, au-delà de cela, il sera absolument
nécessaire que nous ayons au Québec un programme d'aide pour les
producteurs de chair de volaille. Je ne dis pas un programme qui devrait durer
toujours dans le temps, sauf si c'était un régime
d'assurance-stabilisation du revenu. Mais, M. le ministre, vous savez
très bien que les producteurs en nombre, comme en volume de production,
comme en coût, qui auraient fondamentalement besoin d'un régime
d'assurance-stabilisation, ce sont les deux secteurs que je viens de
décrire, la production porcine comme la production de chair de
volaille.
Mme la Présidente, par sa loi le ministre va fusionner deux
régimes d'assurance qui touchent le secteur agricole pour créer,
sous un seul chapeau, une régie des assurances agricoles au
Québec et, derrière cette décision, le ministre peut
compter sur l'appui de l'Opposition officielle, parce que nous
considérons que c'est un geste heureux, que c'est un geste
nécessaire, puisque, en définitive, ces régimes ne
s'adressent pas nécessairement aux mêmes agriculteurs, mais
à des agriculteurs qui ont besoin de sécurité, que ce soit
dans le secteur des récoltes, dans le secteur de la prévention
contre les situations atmosphériques ou climatiques, et également
dans le secteur de garantie de soutien du revenu qui est établi à
partir des coûts de production à la ferme.
Nous allons donner notre appui et nous savons que ce n'est pas le bout
de la course ou de la route, dans le secteur de l'assurance agricole. Avant
longtemps, nous devrons sans doute ajouter, selon les besoins et les demandes
formulées par les agriculteurs, d'autres régimes d'assurance et
la nouvelle Régie des assurances agricoles du Québec, sera
l'organisme à qui on pourra confier
le mandat de bâtir d'autres programmes et d'autres plans
d'assurance, de manière à répondre à des besoins et
à une volonté des agriculteurs dans ce secteur.
Je ne poursuivrai pas plus longtemps ce débat de deuxième
lecture. Nous avions convenu, avec le leader du gouvernement, que chaque parti
devait consacrer cinq minutes d'intervention ou de débat, mais vu
l'engouement du ministre de l'Agriculture, on s'est permis aussi de faire une
tournée plus grande que celle qui avait été convenue lors
des ententes. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Armand Russell
M. Russell: Mme la Présidente, vous me permettrez bien
d'intervenir pendant quelques minutes sur ce projet de loi. Je regrette de
n'avoir qu'une heure à ma disposition, étant donné
l'ouverture que m'a faite le ministre quand il a tenté de nous exposer
le mérite, la justification de la fusion de ces deux régies, dont
il a fait état.
Je vais être obligé de le rappeler. D'ailleurs, il a
tâché de nous démontrer la justification et la force qu'il
a données à cette régie, en disant que pour rassurer les
agriculteurs, il voulait assurer la température. Je pense que c'est une
bonne indication. C'est un peu comme la santé. Il faut toujours
s'assurer contre la maladie. Là, on a la santé.
Mme la Présidente, je pense bien que le but poursuivi par le
ministre est louable. Je crois qu'il ne nous a pas donné de
détails pour nous dire l'économie qu'il ferait. Et moi, si
j'étais un peu malin comme il y en a quelques-uns, je dirais, encore
là, le ministre veut fusionner des régies pour déplacer
certains personnages et peut-être amener ses amis à
l'intérieur.
Mais je sais que ce n'est pas là son intention, Mme la
Présidente. Donc, je vais éviter de faire cela. Mais j'aurais
aimé qu'il ait des chiffres avec lui et tâcher de justifier, de
façon sincère, comme je le connais, pour nous démontrer
l'économie, la vraie économie qu'il fait, à la face de la
Chambre, mais démontrer que lui, il travaille d'une façon
beaucoup plus économe que ses autres collègues de
l'exécutif et qu'il fait cela dans un but bien poursuivi. C'est pour
prêcher par l'exemple, d'abord à toute la classe agricole qui
elle, malgré l'effort que fait le ministre pour améliorer
l'agriculture au Québec, prouve qu'il existe encore, comme l'a dit le
député de Montmagny-L'Islet, certains malaises et certains
malaises qui peuvent arriver. Quand on parle d'assurance je n'ai pas
tous les détails comme le ministre, je n'ai pas tous les dossiers du
ministre on a simplement les plaintes qui nous viennent de certains
cultivateurs qui se plaignent, à tort ou à raison, et cela, pour
tâcher de justifier leurs raisons ou leurs torts. On s'adresse au
ministère de l'Agriculture et on a des réponses. Cela vient. Cela
s'améliore un peu, quand on se plaint au ministre. De temps en temps,
cela s'améliore. On sait qu'on a une réponse un petit peu plus
vite.
Mais j'aimerais que cela vienne un peu plus vite. On pourrait
répondre un peu plus rapidement à nos cultivateurs qui
s'adressent à nous. Il y en a un dernièrement qui me parlait d'un
quota, que les vétérinaires ont des quotas, pour faire du travail
pour soigner les animaux des cultivateurs, mais lorsque le quota est fini, le
cultivateur paie de sa poche. On se plaint actuellement de cela. Je ne sais pas
si c'est simplement dans une région ou si le ministre a établi
cela équitablement à travers la province, ou si c'est
régional. Tout à l'heure, il a fait état de toute
l'augmentation en flèche, de toutes ces primes d'assurance, le nombre de
cultivateurs qui étaient assurés, le nombre d'animaux
additionnels qui étaient assurés. Il était même
rendu dans les patates. Il assurait même les patates. Mais pourtant,
lorsqu'il assure seulement les patates, au Québec, il n'en assure pas
beaucoup, parce qu'il ne s'en produit pas tellement. On pourrait
s'améliorer beaucoup. Si l'assurance que le ministre nous garantit, ou
garantit à nos cultivateurs, il faut croire qu'il va y avoir des prix
garantis sur le produit agricole. Je sais que le député de
Montmagny-L'Islet faisait part tout à l'heure d'un malaise possible dans
le domaine du porc, ils se plaignent un peu de la volaille... (1 h 10)
Je pense que le ministre pourrait peut-être faire un effort pour
assurer de meilleurs marchés aux agriculteurs. Ce serait une chose
passablement plus rentable. Concentrez un peu pour assurer les marchés
et laissez donc les cultivateurs produire. Eux autres vont s'occuper de
produire. Vous allez voir que cela sera rentable. S'ils ont de bons
marchés, ils auront de bons prix et ils vont produire à beaucoup
meilleur marché, parce que, plus on produit, avec le volume, plus les
prix baissent. C'est une partie du malaise qui existe chez nous, chez nos
agriculteurs du Québec. Parce qu'on limite par des quotas la production,
on augmente les coûts par le fait même. Il y a deux choses qu'il
faut assurer. Ce n'est pas toujours avec des assurances sur papier, ce sont des
assurances dans les faits. Si on pouvait assurer la matière
première qu'on utilise pour faire de la production et assurer des
marchés pour vendre la marchandise, il est évident que ce serait
la meilleure assurance qu'on pourrait fournir à nos cultivateurs.
En tout cas, Mme la Présidente, je vais tâcher de me
conformer à une ligne raisonnable, bien mesurée et de faire
confiance au ministre qui va nous donner l'assurance, ce soir, ici à
cette Chambre, à nous les députés, qu'il va étudier
d'une façon bien objective la façon dont il va assurer la classe
agricole le plus rapidement possible en se servant de ce projet de loi et
prendre les mesures nécessaires pour l'élargir, si c'est
nécessaire, afin d'assurer la survivance de l'agriculture au
Québec. Si on a cette assurance du ministre, sans plus de
préambule, sans plus d'exposé, sans plus d'énoncé,
parce que j'aurais une liste assez longue à lui présenter... Mais
je sais que cela prendrait un peu de temps au ministre de répondre
à cette liste-là. Il va le faire d'une façon très
rapide et je vais tâcher de raccourcir le
plus que je peux la liste et dire au ministre: Nous allons voter pour ce
projet de loi, lorsqu'il nous aura exposé la manière dont il va
assurer d'abord l'économie en faisant cette fusion et,
deuxièmement, le cultivateur et l'agriculture au Québec.
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, on sent que l'agriculture
n'est pas la ligne du député de Brome-Missisquoi. Il
connaît les affaires, mais dans le domaine agricole, on sent... Quand il
parlait des producteurs de patates... Ce n'est pas important les producteurs de
patates. Il y en a seulement 1560 au Québec. 1560 producteurs de pommes
de terre au Québec, je pense que c'est très important.
Une Voix: Quel est le pourcentage de la consommation?
M. Garon: Plus de 50% à l'état frais. Dans les
pommes de terre lavées, cela monte à 75%. Dans les croustilles,
c'est 100%. Le domaine dans lequel nous sommes faibles principalement, c'est
dans la frite congelée. Mais je vous dirai, Mme la Présidente,
que nous allons d'abord sauver des postes au niveau de la régie
elle-même, puisqu'il y avait cinq commissaires à la Régie
de l'assurance-récolte et qu'il y en avait cinq à la Commission
d'assurance-stabilisation. Cette année, pour permettre une fusion plus
harmonieuse, il y en aura sept. Au lieu d'en avoir dix, il y en aura sept. On
sauve là-dessus déjà trois postes.
M. Grenier: Où est-ce qu'ils vont aller
ceux-là?
M. Garon: Non, on a laissé se finir les mandats justement
pour qu'on puisse faire cela harmonieusement. L'an prochain, alors qu'on pourra
travailler à nouveau à améliorer cette loi-là,
là, on pourra réduire à cinq, parce qu'il y a des mandats
qui se seront écoulés. Cela pourra se faire harmonieusement.
Là, on aura réduit considérablement. A ce
moment-là, au lieu d'avoir dix membres de la régie, on en aura
cinq. C'est évident qu'en fusionnant les deux groupes, lors de la
fusion, on va voir qu'il y a des doubles emplois qu'on va pouvoir
éviter. C'est évident qu'on va sauver des postes.
Ce projet de loi aussi ajoute, il faut dire, Mme la Présidente,
l'assurance-groupe ou l'assurance collective pour les cultures commerciales,
qui n'était pas prévue dans la loi. L'assurance-groupe a eu
tellement de succès dans les grandes cultures qu'elle sera
ajoutée pour les cultures commerciales.
Quant à la déclaration du député de
Montmagny-L'Islet qui a dit que le ministre de l'Agriculture se bombait le
torse en disant qu'il avait tout réglé, je n'ai jamais dit cela
et ce n'est pas ma prétention. Au contraire, si... Pourquoi? Parce qu'il
y a eu tellement d'années où l'agriculture a été
laissée pour compte. On se rappelle du temps des premiers ministres dans
les années soixante.
Je ne parlerai pas de M. Duplessis, il a aimé l'agriculture; mais
je parlerai du temps de M. Lesage, du temps de M. Bourassa, où
l'agriculture était un parent pauvre, vous savez. Qu'est-ce que cela
mange en hiver l'agriculture? On sentait... Les agriculteurs, dans l'ensemble
du Québec, l'ont ressenti que l'agriculture n'était pas bienvenue
dans ces gouvernements, dans le gouvernement libéral. Quand je vois
aujourd'hui le député de Montmagny-L'Islet qui dit: Nous autres,
on serait pour l'assurance-stabilisation pour les producteurs de porcs, alors
qu'il avait amendé la loi pour faire un régime d'assureurs de
plans conjoints, sans référendum, pour le porc, et quand le
gouvernement a voulu en établir un, c'est le Parti libéral qui
l'a combattu, lui qui avait amendé la loi pour en faire un! Il l'a
combattu! Ces gens qui font ce genre de promesses, vont venir nous dire: Nous
autres, on ferait cela! Voyons donc! Ils n'ont rien fait pendant les quinze ans
qu'ils ont été là. Ils vont venir nous dire: Nous autres,
si on était là, on ferait quelque chose!
Mme la Présidente, loin de me bomber le torse, j'ai l'impression
qu'à la fin d'une session comme cela, on va passer une année
où on va se reposer un peu, dans le temps des fêtes, pendant
quelques jours. J'ai plutôt l'impression d'être courbé par
le travail qu'il faut faire dans le ministère de l'Agriculture qui a
tellement été laissé pour compte pendant de nombreuses
années. Je ne veux pas me bomber le torse, loin de là. Dans la
chair de volaille, je peux dire une chose: Si les libéraux avaient
adopté je suis obligé de blâmer le gouvernement
fédéral, mais je dois admettre que ce n'est pas à cause du
gouvernement en place à l'heure actuelle le plan national qu'on
avait signé en septembre 1977, au lieu d'attendre le début de
l'année 1979, au lieu d'avoir un quota d'importation de 47 millions ou
48 millions de livres, cela aurait été 20 millions de livres de
poulet, et il n'y aurait pas les problèmes que les producteurs ou que
les abattoirs ont avec l'entreposage de volaille. Ce que le
député de Montmagny-L'Islet n'a pas dit, c'était le Parti
libéral qui était responsable de cette situation, parce que c'est
lui qui a taponné et qui a adopté cette loi à la veille
des élections. Cela a fait augmenter le quota de 28 millions de
livres!
Le député de Montmagny-L'Islet n'a pas dit que les
producteurs ont dit aussi que s'ils avaient de la difficulté dans le
domaine de la volaille, c'était à cause du nouveau régime
adopté par les libéraux le 28 mars 1979, qui devait entrer en
vigueur le 1er août 1979, le nouveau régime pour les grains de
provende, où actuellement les producteurs québécois de
chair de volaille et de porcs n'ont plus accès au marché libre
comme ils avaient le droit auparavant. Le prix des moulées est de pire
en pire si le règlement du 28 mars 1979 persiste à être
adopté par l'administration libérale. Il faut dire les choses.
Les producteurs, ce qu'ils ne disent pas aussi, c'est que justement le
prési-
dent des producteurs de volaille a dit à tout le monde: Oui,
c'est à cause de ce règlement qu'on paie plus cher. Ce sont les
mêmes gens qui ont condamné ce règlement, qui ont
condamné le taux des importations du plan national.
Tout le monde s'entend pour dire qu'il n'y a jamais de régime
d'assurance-stabilisation quand il y a un prix à administrer. J'ai dit,
comme je l'ai dit à la conférence, et tout le monde était
d'accord pour dire que nous allons faire les dernières propositions
concernant le plan national du poulet, pour voir ce qu'il est possible d'en
tirer. Ce matin, on m'a donné l'assurance à Ottawa qu'il n'y
aurait pas de quota supplémentaire d'émis. C'est quelque chose,
c'est mieux que rien. Ce n'est pas le Pactole, mais c'est mieux que d'avoir des
quotas supplémentaires d'émis de temps en temps. On m'a dit qu'il
n'y en aurait plus. Il y a d'autres mesures qu'il va falloir adopter concernant
la chair de volaille, mais il faudrait dire, par exemple, où sont les
responsables.
Dans le régime du porc, des producteurs de porc je vais
être bref je ne vois pas beaucoup un gouvernement qui adopterait
un régime d'assurance-stabilisation dans le porc avant
l'établissement d'un plan conjoint pour le porc, parce qu'il est
évident que s'il n'y a pas de plan conjoint, qu'il va être
difficile d'établir les véritables revenus.
Il y a toutes sortes de contrats qui sont administrés, que ce ne
sont pas nécessairement les prix du marché qui sont payés
et, qu'à ce moment-là aucun gouvernement ne fait un régime
d'assurance-stabilisation sans qu'il y ait un plan conjoint qui vienne
administrer certaines choses dans ce domaine. Je serais le plus
étonné du monde que le Parti libéral vienne assurer des
productions dans le porc à 100 000 cochons, 150 000 cochons, sans
connaître quels sont les contrats qui lient l'intégré
à l'intégrateur. Je pense que c'est normal, dans ces conditions,
de regarder davantage la situation. Pour le porc, on peut dire une chose, par
exemple. Nous avons assuré le porcelet et il y a 800 producteurs
d'assurés en 1979. Dans le temps du Parti libéral, il n'y avait
pas du tout de plan pour le porcelet. On a assuré le porcelet, parce
qu'en 1978, le prix du porcelet était plus bas et on sentait qu'il
serait plus bas. On a commencé par le porcelet et nous avons
établi des régimes au fur et à mesure que nous pouvions
calculer des coûts.
Mme la Présidente, je ne veux pas aller plus loin, parce que je
sens encore que le leader me dit qu'il ne faut pas que je parle trop longtemps,
parce que le député de Bonaventure, apparemment, est
fatigué et si je parle trop longtemps, ça va briser les ententes.
Alors, comme je ne veux être désagréable pour personne, je
vais terminer là, Mme la Présidente, parce que je sais que c'est
une bonne loi. Les deux partis d'Opposition ont même dit qu'ils
voteraient pour, même s'ils ont fait de grands sparages sur d'autres
sujets.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Je veux assurer mon bon ami, le
ministre de l'Agriculture, que je suis en excellente forme, pas du tout
fatigué, nous avons tout le temps devant nous et, d'ailleurs, Mme la
Présidente, c'est pour éviter justement de prolonger le
débat, sachant que le ministre de l'Agriculture avait tellement de
responsabilités, il est déjà courbé, comme il vient
de l'indiquer, par le fardeau qui i'accable au ministère, j'avais
l'intention moi-même d'intervenir, et n'eût été du
fait que c'est le droit de réplique du ministre que nous avons entendu,
j'aurais sûrement eu quelque chose à ajouter à ce qu'il a
dit, surtout des remarques très injustes qu'il a eues à
l'égard de ses prédécesseurs. On dirait que, depuis qu'il
est là, il n'y a rien eu avant lui. Je pense que c'est là
réellement faire injure à tout le travail de ses
prédécesseurs qui ont fait beaucoup pour l'agriculture au
Québec.
La Vice-Présidente: Cette motion du ministre de
l'Agriculture, proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le
projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la
Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles est-elle
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. La
Vice-Présidente: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Renvoi à la commission de l'agriculture
M. Charron: ... Mme la Présidente, je voudrais la
déférer d'abord à la commission de l'agriculture et de
l'alimentation, si vous le permettez.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. La
Vice-Présidente: Adopté.
M. Charron: Et, finalement, Mme la Présidente, dans un
projet de loi qui apparaît à l'article 14 du feuilleton
aujourd'hui, on me dit que mon collègue de l'Agriculture aurait besoin
de s'adresser à la Chambre entre quatorze et quinze minutes.
M. Levesque (Bonaventure): II est averti, là...
Projet de loi no 75 Deuxième lecture
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture
propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 75,
Loi sur les grains.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, on m'avise que l'honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi. Cela
m'étonnerait... Je ne sais pas s'il l'a lu, mais il en recommande
l'étude à la Chambre. Je voudrais dire, Mme la Présidente,
que le député de Bonaventure me disait tout à l'heure
qu'en terminant la loi fusionnant les deux régimes d'assurance, j'avais
parlé contre mes prédécesseurs. Loin de moi l'idée,
Mme la Présidente, de parler contre les ex-ministres de l'Agriculture,
au contraire. Mais, ce que j'ai dit, que je soutiendrai et ce dont tout le
monde est conscient, c'est que les ministres de l'Agriculture, dans le Parti
libéral, n'ont jamais été écoutés et ce
n'était pas important, les ministres de l'Agriculture. L'agriculture, ce
n'était pas important.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, Mme la
Présidente. Loin de moi...
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition
officielle, j'allais rappeler au ministre la pertinence du débat et lui
rappeler, en même temps, qu'il lui reste treize minutes sur ses quinze
minutes.
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je vais
concourir avec la présidence je veux simplement, sans retarder
même d'une demi-minute les travaux de la Chambre je voudrais
rappeler au ministre que lorsqu'il tient des propos comme ceux qu'il vient de
tenir, il s'attaque à mon privilège et à mes droits de
député et particulièrement de membre de ces cabinets, du
cabinet Lesage et du cabinet Bourassa et je dois dire que quant à moi,
et je peux en dire autant de mes collègues, nous attachions
énormément d'importance aux représentations du ministre de
l'Agriculture et nous lui avons accordé des budgets, budgets
qu'évoquait tout à l'heure le député de
Montmagny-L'Islet, qui seraient bienvenus aujourd'hui pour aider les
producteurs.
M. Garon: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: En temps et lieu j'aurai sans doute l'occasion de dire
ce que disait un de ces premiers ministres lorsqu'on me présentait
à lui comme ministre de l'Agriculture. J'ai eu vraiment le sentiment de
ce que représentait à ce moment-là le ministère de
l'Agriculture dans le Parti libéral. Je ne veux pas dramatiser, mais je
peux rappeler par exemple que le député de Lac-Saint-Jean,
lorsqu'il lisait un mémoire au caucus libéral sur les
non-résidants, le ministre de l'Agriculture du temps avait
présenté un mémoire au caucus libéral en
février 1976 et il n'a pas été supporté. De sorte
qu'il n'a pas présenté sa législation.
Je ne voudrais cependant pas passer mon temps de parole
là-dessus, j'aurai l'occasion d'y revenir ailleurs qu'en cette Chambre.
Je voudrais dire qu'aujourd'hui nous présentons le projet de loi sur les
grains. Ce projet de loi no 75 est une loi excessivement importante. Il y a
déjà longtemps que l'on parle au Québec de
développer la production céréalière. Il faudrait
plutôt dire relancer cette production, car au début du
siècle, il y avait environ 2 millions d'acres ensemencées en
céréales au Québec. En effet, et on me rappelait
dernièrement que dans l'édition La terre de chez nous du 17 avril
1940, le ministère de l'Agriculture du temps demandait aux agriculteurs
de semer plus d'orge afin de diminuer notre dépendance en
céréales.
Rappelons aussi qu'au début des années 1970, suite
à ce que certains ont appelé la crise des provendes, la
discrimination dans les prix des céréales envers les acheteurs
québécois a alors atteint son paroxysme et le gouvernement du
temps s'était engagé dans une politique d'auto-approvisionnement
dont les principaux éléments devaient être une nouvelle
répartition des cultures en fonction de leurs exigences, de leur valeur
énergétique, de leur degré de productivité et des
besoins de notre cheptel.
La recherche et l'emploi de variétés mieux
adaptées, la vulgarisation de méthodes éprouvées de
culture, de protection de récolte et de conservation, l'augmentation des
rendements par unité à l'acre et le conditionnement à la
ferme des aliments et du bétail et leur transformation en produits
animaux.
Malheureusement, à notre arrivée au pouvoir au mois de
novembre 1976, nous nous sommes vite aperçus que cette politique
d'auto-approvisionnement n'avait pas été vraiment traduite en
programmes précis, mais n'était demeurée qu'un vague
énoncé d'intentions. C'est probablement sur ce point que le
gouvernement actuel se distingue des gouvernements précédents en
matière agricole. Nous avons démontré une volonté
ferme d'agir pour développer la production
céréalière au Québec au lieu de nous contenter d'en
parler.
Je vous ferai brièvement un bilan, pas complet parce que je n'ai
pas le temps. Je pensais avoir une heure et je vais être obligé de
couper à quinze minutes. J'avais seulement quelques mots à dire
brièvement sur quelques secteurs qui ont été
développés depuis trois ans et qui permettent d'accroître
la production de céréales au Québec. Le drainage
souterrain est une nécessité au Québec à cause des
conditions biophysiques du Québec où il existe un climat humide
et froid et des sols ayant un égouttement naturel déficient. Le
drainage devient donc une priorité si on veut vraiment développer
une production céréalière. Il faut comprendre, quand on
parle du centre du Québec, que c'est dans le fond d'une ancienne mer, de
sorte que le fond est plat et qu'il faut permettre l'égouttement des
eaux.
Le drainage s'est donc accru considérablement. En 1976, il y eut
au Québec 77 000 acres drainées. En 1977, 92 000, en 1978,119 000
et cette année, nous pensons dépasser 130 000 acres
drainées au Québec. C'est une augmentation
considérable; si on calcule par rapport à 1976, c'est à
peu près deux fois plus d'acres drainées.
En termes de stabilisation des revenus nous avons déjà
adopté en trois ans l'assurance-stabili-sation pour les producteurs de
maïs-grain, l'assurance-stabilisation pour les producteurs de blé,
l'assurance-stabilisation pour les producteurs d'orge,
l'assurance-stabilisation pour les producteurs d'avoine. Quatre programmes
uniquement dans le domaine des céréales.
Il y a eu également la protection du territoire agricole, M. le
Président, pour permettre de garder à l'agriculture nos
meilleures terres agricoles. Maintenant, nous allons adopter ce soir ou
ce matin compte tenu du moment où on se place une loi sur la
banque de terres qui va permettre justement de mettre en valeur, d'aider
à remettre en valeur des terres sous utilisées et non
utilisées.
La recherche également, M. le Président. Nous avons
développé des serres expérimentales pour activer, tripler,
quadrupler le rythme des recherches à Saint-Hyacinthe avec des serres
qui ont coûté $1500 000 en 1978. En 1979, cette année, on
n'a pas eu encore le temps d'inaugurer, mais cela va venir, le centre de
multiplication des nouvelles variétés de semences de
céréales de Saint-Bruno rattaché à la station
d'amélioration des plants de Saint-Hyacinthe et nous y avons investi
$180 000 pour la construction et l'aménagement de facilités
permettant le conditionnement de grains de semence de nouvelles
variétés de céréales. C'est la grainerie de
Saint-Bruno maintenant. Il y a également des réseaux de centres.
Je pourrai aussi éventuellement dire qu'il y aura une autre nouvelle
dans ce secteur bientôt parce qu'une entreprise québécoise
importante a été rapatriée sous le contrôle
québécois, c'est une entreprise qui joue un rôle
très important dans le domaine des céréales. Nous aurons
l'occasion, au cours du mois de janvier, d'annoncer cette transaction
importante dans le domaine des céréales.
Les réseaux de centres de conditionnement et d'entreposage, tant
à la ferme qu'en région. C'était le problème majeur
quand nous sommes arrivés au gouvernement. Des producteurs avaient beau
produire des céréales, il n'y avait pas de place pour les
entreposer, sauf de petites organisations que certains s'étaient faites
eux-mêmes. Il n'y avait pas véritablement un système
d'entreposage québécois pour les céréales. Cela a
été un des premiers programmes que j'avais annoncés au
mois d'octobre 1977, lorsque nous avons annoncé les deux programmes. Un
programme pour l'entreposage en région et un programme pour
l'entreposage à la ferme. Nous avons réussi un coup important
à ce moment-là en allant récupérer du gouvernement
fédéral les subventions qu'il avait coupées sur le
transport des grains de l'ouest vers le Québec. Il avait coupé
ces subventions de $6 700 000 à jamais. Nous sommes allés
récupérer $6 700 000 pour une période d'au moins cinq ans
que nous avons décidé d'affecter aux silos à la ferme. Il
y avait une condition... ils avaient accepté de donner cette somme de $6
700 000 pendant cinq ans sur le talon du chèque. On a dit qu'on n'avait
pas d'objection à se plier à cela. Ce qui est important pour nous
c'est d'avoir l'argent pour aider au développement des
céréales. Je pense que le gouvernement actuel a réussi ce
que n'avait pas réussi le gouvernement précédent, aller
chercher ces montants d'argent pour pouvoir les utiliser au
développement de l'agriculture québécoise, des sommes qui
avaient été enlevées au transport des grains de
l'ouest.
Au point de vue de cette capacité d'entreposage, il y a eu un
accroissement extraordinaire depuis deux ans. Je peux vous dire qu'il y a
actuellement dix centres d'entreposage construits ou dont la construction se
termine, un onzième que nous annoncerons bientôt, et l'an prochain
il devrait y avoir aussi dix ou onze centres régionaux qui vont se
construire au cours de l'an prochain. Quant aux silos à la ferme c'est
un nombre considérable chaque année, ce sont des milliers de
silos qui s'élèvent sur les fermes des agriculteurs, et on peut
dire que depuis deux ans la capacité d'entreprosage des
céréales au Québec a augmenté et sera
multipliée par trois fois et demi. Trois fois et demi plus de
capacité d'entreposage qu'il y en avait il y a deux ans. C'est
considérable comme augmentation. Ceci va permettre la production de
grains d'une beaucoup plus grande qualité. Il faut dire qu'au manque de
capacité d'entreposage adéquat s'ajoutait aussi une faiblesse au
niveau de l'équipement de conditionnement des grains,
c'est-à-dire l'équipement de séchage et de nettoyage.
Les acheteurs de céréales, soit les meuniers, les
minoteries, les distilleries ou autres, sont habitués à recevoir
un produit nettoyé, uniforme et de bonne qualité. Ils exigent les
mêmes caractéristiques du produit québécois qu'ils
sont habitués d'obtenir des grains qu'ils importent de l'ouest. Pour
atteindre ces standards, il faut que les céréales soient
séchées et criblées en plus d'être regroupées
en lots uniformes. Si vous les nettoyez, vous les criblez et vous les
mélangez tous, ça ne fait pas la même catégorie de
grains qui a la même valeur nutritive, la même valeur en
protéines.
Il faut, une fois que les grains ont été nettoyés,
comptés, qu'on les classe en fonction de leur valeur. Ceci était
excessivement important, parce que, si, après avoir bâti ces
systèmes d'entreprosage, pour remplacer les carrés à
grain, les vieilles remises, les vieux hangars avec tous les rats qui se
promenaient et en mangeaient une bonne partie, aujourd'hui, dans les silos, on
va en garder une plus grande partie qu'auparavant. C'est un peu comme la
tubulure, le sirop d'érable ne déborde plus des
chaudières, il s'en va directement dans le réservoir. Au point de
vue des grains, c'est la même chose, il y a beaucoup moins de perte, dans
les grains, avec les systèmes d'entreposage moderne que nous avons
aujourd'hui.
Ce qui est important, c'est de travailler à la qualité.
Nous avons donc choisi les centres régionaux d'entreposage à la
ferme. Nous étions conscients à ce moment-là que le
succès du dévelop-
pement de la production locale nécessite un système de
regroupement physique de l'offre et un système officiel de
classification des céréales. En effet, l'acheteur important, que
ce soient les meuniers, les distilleries, les fabricants de farine, etc.,
veulent des conditions comparables à celles qu'ils rencontrent
lorsqu'ils achètent des céréales de l'extérieur,
c'est-à-dire une quantité suffisante et stable de grains
nettoyés et classifiés.
La création de ce réseau de centres régionaux, n'a
cependant pas réglé les autres problèmes de mise en
marché. Il n'y avait toujours pas de système de classification
adapté aux besoins du Québec, de garantie financière pour
les utilisateurs des silos régionaux, de collectes systématiques
de l'information sur les prix, etc.
C'est pourquoi nous avons créé, à l'automne 1977,
un groupe d'études qui avait pour mandat, et croyez, Mme la
Présidente, que tous ces projets qui voient leur aboutissement
aujourd'hui, je parle de projets qui ont été mis dans la machine
en 1977, à notre arrivée au gouvernement, ne pouvaient pas
connaître leur aboutissement immédiatement; il fallait qu'ils
connaissent leur période normale de gestation.
C'est pourquoi nous avons créé, à l'automne 1977,
un groupe d'études qui avait pour mandat d'étudier toutes les
facettes de la mise en marché des grains au Québec et de me faire
des recommandations dont celles pertinentes à la création d'une
régie québécoise des grains. Ce comité m'a remis,
au cours de l'année qui suivit, un rapport recommandant effectivement la
création d'une régie québécoise des grains, dont
les principales fonctions pourraient être les suivantes: l'administration
de politiques et de programmes destinés à stimuler la production
et l'utilisation de céréales au Québec, la surveillance de
la gestion des centres régionaux, la réglementation et le
contrôle de la qualité des grains mis en marché,
l'émission de licences et de permis aux agents impliqués dans la
commercialisation des grains, la collecte, l'analyse et la diffusion de
l'information relative aux marchés céréaliers, la
réglementation au niveau des procédures d'achat et de vente.
Suite à la réception de ce rapport, nous avons
continué nos consultations concernant la création d'une
régie. La conférence socio-économique de Saint-Hyacinthe
sur l'industrie céréalière qui a eu lieu au mois de
novembre 1979, fut en quelque sorte une super consultation publique où
tous les intervenants du secteur des céréales au Québec
étaient regroupés ou, du moins, leurs représentants.
Cette conférence socio-économique nous a convaincus de
l'urgence de présenter le projet de loi actuellement à
l'étude. Permettez-moi de vous citer des extraits du rapport de cette
conférence qui est disponible maintenant, dont je viens d'avoir la
première copie. C'est un rapport officiel de ce qui s'est dit lors de
cette conférence socio-économique. M. Couture, le
président de l'UPA, à ce moment-là, disait sur le projet
de régie des grains dont la création a été
annoncée par le premier ministre: "nous avons fait connaître la
philosophie générale de l'Union des producteurs agricoles dans un
document déposé le 9 avril 1979 à l'occasion d'une
rencontre tenue au bureau du ministère de l'Agriculture et de
l'Alimentation du Québec". (1 h 40)
En gros, nous disions alors qu'une telle régie, si on devait la
créer, devrait occuper le champ d'intervention qu'occupe la Commission
canadienne des grains.
Le projet que nous proposons, Mme la Présidente, va jouer
exactement ce rôle. M. Réal Fredette, président de la
Fédération des producteurs de culture commerciale disait,
également, pour préciser, "nous serions favorables, bien
sûr, à une régie qui, au domaine de la classification,
verrait à s'adapter vraiment aux conditions du Québec." Il dit un
peu plus loin: "Est-ce que, dans votre projet, il y aura une partie qu'on
pourrait appeler surveillance du système. Je pense aux balances, aux
pesées, au transport, à toute cette série qui fait que
parfois, il y a des problèmes. Ce serait facile à régler
s'il y avait une organisation indépendante pour voir à ce domaine
de la surveillance du système de classification, des bons de garantie,
etc."
M. Valmont Blanchette, de l'Association des négociants en
céréales du Québec disait: "Lorsque vous parlez de la
commercialisation des grains québécois, pour nous, c'est
absolument impératif que la classification soit faite, sans quoi on ne
peut les commercialiser. Au cours des transactions, selon toutes les normes et
les exigences de transactions décrites par les bourses, il y a des
garanties qu'on doit donner à ceux à qui on vend, aux
consommateurs. Et dans le Québec, la production, l'organisation, la
structure de mise en marché sont telles que nous ne pouvons garantir ce
produit. Lorsqu'il y aura des structures en place, j'ai l'impression que tous
mes collègues se feront non seulement un plaisir et une
commodité, mais également un devoir de transiger des grains
québécois. Si ces grains sont produits, classifiés,
entreposés, de façon à être disponibles, nous ne
voyons aucune raison pour laquelle les négociants ne transigeraient pas
ces grains."
M. Fernand Beaudet de la Coopérative fédérée
de Québec, disait: "Je verrais une régie administrative des
grains qui pourrait s'occuper de la classification, ou mettre de
l'uniformité là-dedans, pour installer des procédures
uniformes. Il y a aussi les silos d'entreposage. Je pense que le provincial a
mis beaucoup d'aide gouvernementale là-dedans. Il y a beaucoup d'argent
et c'est important qu'il y ait des règlements là-dedans. Il y a
aussi la question de protéger les intérêts des producteurs.
Les grains, cela coûte cher, cela se produit en volume. Si le producteur
en a mis en entreposage dans un silo, quelle est sa protection. Sinon que
quelqu'un soit responsable là-dedans? "Celui qui dit cela, M. Beaudet,
s'occupe, à la Coopérative fédérée,
justement des grains. La coopérative, qui est un entreposeur de grains,
souhaite qu'il y ait des garanties données aux producteurs parce qu'il
peut y avoir des pertes
encourues par des producteurs qui ont déposé leur
récolte là-dedans.
Et il continue en disant: "Dans l'Ouest, il y a la Commission canadienne
des grains qui s'occupe de cela, la classification et
l'assurance-responsabilité. Elle s'assure que le propriétaire de
silo est capable, est viable, est solvable. Je vois une régie
administrative qui va mettre de l'organisation, qui va mettre des
règlements, qui va aider, qui va protéger le producteur et qui va
peut-être aussi l'éduquer."
La protection du producteur là-dedans, c'est via l'information et
via l'éducation. Il sait que la concurrence dans les grains vient de
l'Ontario, à un tel prix livré à la meunerie. S'il a une
qualité égale, il n'a tout simplement qu'à maintenir ce
prix et l'obtenir et c'est ce qu'il devra obtenir.
Vous voyez, Mme la Présidente, que la plupart des intervenants
pas la plupart, mais tous les intervenants qui étaient
impliqués personnellement dans les céréales, ont
souhaité la création d'une régie, d'une régie
québécoise, qui s'occuperait d'abord de faire la classification
des grains, de voir à ce que la classification soit faite selon des
prescriptions prévues par règlement, voir à surveiller que
tout cela marche correctement et voir à ce qu'il y ait des bons de
garantie pour protéger les producteurs qui entreposent leur
récolte dans ces silos régionaux.
Et nous sommes tellement confiants que ce projet de loi va être
bien reçu que nous avons même prévu que les permis seraient
facultatifs. C'est quoi la Régie des grains du Québec? Je vais le
dire en deux mots. Je suis pressé, Mme la Présidente, mais
habituellement, dans le monde agricole, on aime cela prendre notre temps pour
expliquer ce qu'on a à dire et là, je suis un peu bousculé
par les événements, parce que nous sommes en fin de session et
que les libéraux s'en vont tous. Il n'y a que l'ex-député
de l'Union Nationale qui est resté. Tous les autres sont partis.
Le présent projet de loi prévoit la création d'une
régie. Je peux dire que depuis que je suis en Chambre, je n'ai jamais eu
le bonheur de voir le chef du Parti libéral écouter un
débat sur l'agriculture. Ce n'est jamais arrivé une fois. Il est
toujours parti. Je ne sais pas s'il ne m'aime pas ou s'il a quelque chose qui
ne va pas, qu'il n'aime pas le sujet ou je ne sais quoi. Mais jamais c'est
arrivé, il n'est jamais arrivé une seule fois qu'il reste
à un débat agricole. Moi, je n'en reviens pas.
Le présent projet de loi prévoit la création d'une
régie qui accordera des permis à un marchand de grains, un
exploitant d'un centre régional ou un exploitant d'un centre de
séchage qui veut utiliser dans l'exercice de ses activités une
classification prescrite par règlement à l'égard d'une
classe de grains et qui s'engage à n'acquérir ou à ne
recevoir que du grain classé ou destiné à l'être
conformément à la présente loi et ses règlements ou
conformément à Loi sur les grains du Canada et ses
règlements. Il s'engage aussi à respecter les règlements,
entre autres ceux qui seront relatifs à la classification de registres
et de comptes.
Par rapport à la Loi sur les grains du Canada, le projet de loi
est souple et bien adapté aux besoins actuels du Québec. C'est le
grand rôle de la commission canadienne des grains. Nous avons retenu pour
la régie québécoise l'émission de permis,
l'établissement des différentes classes de grains, le
contrôle de l'inspection et la classification des grains, la protection
financière des différents intervenants par l'exigence de
cautionnements financiers pour les agriculteurs et la collecte d'informations
sur les prix et les quantités de céréales
transigées.
En plus de ces tâches, la Commission canadienne des grains a aussi
le contrôle pour l'homologation de nouvelles variétés et la
fixation de tarifs maximaux que peuvent exiger les détenteurs de permis
ainsi que le contrôle des tarifs de transport, l'inspection des balances
et la recherche sur les grains, mais nous n'avons pas l'intention de
contrôler tout cela quant à nous.
Enfin, contrairement à la loi canadienne, il n'y aura aucune
disposition dans la loi qui peut permettre d'exiger que tous les centres de
séchage, les centres régionaux et les marchands de grains soient
licenciés. Ceux qui voudront continuer à opérer sans
permis le pourront pour autant qu'ils n'emploient d'aucune façon les
classifications contenues dans la loi et les règlements de la
régie.
Ce que nous suggérons s'apparente un peu au système
américain. On dit toujours que ce sont des règlements dans les
pays socialistes. Voyez-vous, encore une fois, je vous montre qu'on a un
système qui se compare un peu, qui prend son origine dans le
système américain. Dans ce pays, le système
fédéral qui se nomme The Federal Grains Inspection Service est le
responsable de la classification, du pesage ou de la manutention du grain
américain qui va à l'exportation alors que, pour le commerce
domestique, il ne fait que superviser le travail fait par les Etats ou encore
les compagnies qui ont obtenu un permis. En fait, les Etats américains
ne se substituent pas à l'organisme national et ne sont, en
réalité, qu'un complément pour le marché
domestique. C'est un peu notre objectif. Nous ne voulons pas remplacer la
Commission canadienne des grains, mais jouer dans notre milieu les fonctions
qui ne lui sont pas actuellement dévolues et nécessaires à
une mise en marché ordonnée.
Pour ce qui regarde la classification proprement dite, nous
espérons en arriver à une entente administrative pour que nos
classifications respectives, celles de la Commission canadienne des grains et
celles de la Régie québécoise des grains, soient
identiques et mutuellement acceptables.
Voilà, Mme la Présidente, en gros les objectifs que nous
poursuivons par le dépôt du projet de loi no 75, la Loi sur les
grains du Québec.
La Vice-Présidente: M. le député de
Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: Merci, Mme la Présidente. Beaucoup plus
brièvement que le ministre, j'aimerais
apporter quelques commentaires sur ce projet de loi sur les grains. Le
projet de loi 75 vise principalement l'application d'un système de
classification en vue du classement des grains utilisés au
Québec.
Mme la Présidente, sur le principe même, j'aimerais
indiquer mon accord, puisqu'il est important que les producteurs
québécois puissent se prévaloir d'un outil
nécessaire à la mise en marché des grains
classifiés et de qualité uniforme. Une constance de
qualité est aussi très importante au niveau des acheteurs et
particulièrement au niveau des brasseries qui, selon mes indications, ne
sembleraient pas favoriser énormément l'achat de maïs,
surtout de maïs-grain québécois. Les brasseries, dans leur
souci de qualité constante, doivent rechercher des produits dont la
qualité est elle aussi constante et dont la classification est
basée sur des normes très sévères.
Mme la Présidente, sur l'aspect de la classification, j'endosse
les intentions du ministre, mais je crois que le ministre aurait eu
intérêt à s'entendre avec la Commission canadienne des
grains, laquelle possède le "know-how" dans ce domaine de
classification, en plus d'une renommée mondiale bien acquise. (1 h
50)
Un fait à remarquer, Mme la Présidente, c'est que
l'Ontario a accepté l'offre de la Commission canadienne des grains, afin
d'assurer l'inspection de tous les grains produits et transigés sur son
territoire. Pour le Québec, je m'interroge sur l'opportunité de
se doter d'une régie québécoise, surtout face au bas
volume de production ici et aussi parce qu'il faudra tout de même que nos
normes soient identiques à celles appliquées par la Commission
canadienne des grains.
Il faut également considérer que la très grande
majorité des entrées ont déjà reçu
l'inspection de la Commission canadienne des grains. Sur ces points, le
ministre m'ouvre la porte à spéculer. Peut-être croit-il
que le référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec
apportera aux Québécois l'indépendance politique, et si la
naïveté du ministre allait aussi loin que cela, je pourrais
comprendre qu'il désire se dissocier de tout contrôle, ou de toute
norme venant d'un pays qui, à ses yeux, serait étranger.
Mme la Présidente, si c'est là la raison de cette
régie, j'aimerais que le ministre nous en fasse part. Ce serait pour moi
un éclairage très important. Si la raison était de placer
à l'intérieur de sa régie certains amis du parti, qu'il
nous en fasse part également.
Si le ministre, par la création de cette régie, entend
mettre en place une structure et qu'une fois bien rodée, se verrait
attribuer des pouvoirs additionnels, comme par exemple, ceux de
s'ingérer dans le commerce des grains ou dans l'établissement des
prix, il faudrait que le ministre nous en fasse part immédiatement. Il
serait, selon moi, très important de connaître les vraies
intentions du ministre et celles du gouvernement dans ce dossier
particulier.
Nous savons que le document Bâtir le Québec fait
état, de façon voilée, d'un tel instrument pouvant
contrôler au besoin les prix, et ceci, dans le concept d'une politique
d'autosuffisance sélective. A mon sens, il ne m'apparaît pas utile
d'apporter une telle mesure législative, si ce n'est que pour
répondre au grand rêve péquiste qu'est l'option
d'indépendance, sinon on aurait eu avantage à s'ajuster aux
structures et aux contrôles de qualité, ainsi qu'à la
classification telle qu'exercée par la Commission canadienne des grains
dont les services sont disponibles à tous les Canadiens.
Mme la Présidente, je tiens encore à préciser que
j'accorde beaucoup d'importance à la classification, mais les moyens que
le ministre entend prendre ne me semblent pas indiqués pour atteindre
son objectif. Alors que l'on compte au Québec un fonctionnaire pour neuf
producteurs agricoles et que l'on doit reconnaître que la bureaucratie
est de beaucoup supérieure ici qu'en Ontario, il me paraît,
à ce moment, vraiment superflu de l'augmenter encore.
En terminant, j'aimerais que le ministre, dans sa réplique, nous
assure hors de tout doute, que l'entreprise privée continuera à
jouer le rôle prépondérant qui est actuellement sien et
qu'il n'entend d'aucune façon étatiser la commercialisation des
grains au Québec.
Mme la Présidente, ceci résume quelques commentaires que
j'avais à faire sur ce projet de loi. Merci, Mme la
Présidente.
La Vioe-Présidente: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Armand Russell
M. Russell: Mme la Présidente, je vais tâcher de
relever quelques remarques de la part du ministre sur cette régie qu'il
veut former en vue de faire en sorte d'inspecter tous les grains produits au
Québec. Je voudrais l'avertir d'avance que cela ne prendra pas tellement
d'inspecteurs, parce que le volume de production de grains au Québec
n'est pas tellement élevé.
Simplement, je ne suis pas contre la formation de cette régie. Je
pense que c'est une bonne initiative. On va pouvoir commencer à
entraîner les inspecteurs sur les normes canadiennes, pour ne pas dire
les normes nord-américaines qui sont presque des normes mondiales, et
avec un peu de rodage nous espérons que la tâche qu'on a
entreprise d'augmenter la production québécoise dans ce domaine
sera un succès et fera en sorte que cette régie pourra devenir
plus utile qu'elle ne l'aura été dans le passé, parce que
si on se rappelle un peu l'histoire, le grain produit au Québec
était une chose un petit peu négligée dans le
passé. C'était l'Ouest canadien qui faisait la production des
grains et l'Est qui faisait la production du lait. Mais, depuis quelques
années, on a tâché de faire en sorte que ce courant soit
inversé un peu et on veut développer, comme on peut facilement le
faire au Québec, une production beaucoup plus volumineuse qui ne s'est
faite dans le passé.
Pour ce faire, évidemment, il faut se documenter,
s'équiper. Je voudrais que toutes ces nouvelles lois, ces nouvelles
mesures qu'on apporte, ces commissions, ces régies puissent seconder le
ministre dans ses efforts. Nous pourrons, dans un avenir rapproché, voir
une évolution marquée de cette régie qui, d'abord, a
été demandée par l'UPA et par les gens d'à peu
près toutes les catégories qui sont touchés par la
commercialisation des grains au Québec.
Mme la Présidente, je n'insisterai pas plus longtemps. On aura la
chance, en commission parlementaire, en troisième lecture, de discuter
de façon plus élaborée ce projet de loi qui est devant
nous ce soir.
La Vice-Présidente: M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Julien Giasson
M. Giasson: Mme la Présidente, très
brièvement, voici que le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation
propose à l'Assemblée de pousser l'étude d'une
pièce législative qui est une conséquence assez directe de
politiques récentes qui ont été lancées au
Québec en matière de productions céréalières
découlant d'un goût nouveau, de possibilités nouvelles qui
ont été constatées par des producteurs agricoles de chez
nous, à savoir de modifier un petit peu nos productions traditionnelles
et de tenter une pointe dans de la production de céréales, chose
qui était plutôt très faible au Québec et ça,
depuis de nombreuses années.
Il fut une époque, comme l'a souligné le ministre lors de
son intervention, où le Québec avait des emblavures, des
ensemencements assez importants. C'était surtout à la fin du
siècle dernier, avant que les provinces des Prairies aient vraiment
lancé la production céréalière dans cette
région du pays. Mais, au fur et à mesure que les trois provinces
des Prairies ont agrandi les superficies défrichées,
ensemencées, la production des céréales s'est
déplacée graduellement vers ces provinces, tant et si bien que
l'agriculture québécoise a été confinée dans
d'autres secteurs de production, dans d'autres champs de production.
Ces dernières années, comme je l'indiquais, et le ministre
en a fait état tout à l'heure, les producteurs du Québec
ont eu à dépendre très largement, depuis environ 20 ans,
de la production de céréales venant des prairies, surtout avec un
développement très rapide de productions sans sol au
Québec. Je fais allusion ici à la production du porc, comme
à la production du côté de l'aviculture. Il s'agit
là de deux productions qui ont connu là un essor
considérable depuis environ 20 ans, on pourrait dire même 30 ans.
Depuis 30 ans, nous assistons à un phénomène de
développement très rapide de ces deux grandes productions sans
sol, ce qui a fait que les producteurs québécois ont
augmenté de façon considérable également les achats
et les importations de grains venant du côté des Prairies.
Au cours des récentes années, on a réalisé
qu'avec l'augmentation du prix des céréales en
général, et ça, au niveau international, au niveau
mondial, les producteurs du Québec ont constaté qu'il y avait
peut-être des possibilités de développement, surtout dans
les régions du Québec qui sont nettement plus chaudes en
matière de climat que les régions telles que le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, le Nord-Ouest québécois ou le
Bas-Saint-Laurent, tant et si bien que la politique mise de l'avant par le
gouvernement fédéral, voulant compenser le retrait des
subventions d'aide au transport, a décidé d'offrir aux provinces,
entre autres, à la province de Québec, une équivalence du
coût de transport en signant une entente avec le ministère de
l'Agriculture du Québec aux fins de consacrer $35 millions payables sur
une période de cinq ans pour le développement et l'entreposage
des céréales à la ferme. (2 heures)
A ceci est venue s'ajouter une des bonnes politiques, une des vraies
bonnes politiques de l'actuel gouvernement, de l'actuel ministre de
l'Agriculture, le développement de centres régionaux de
réception, d'entreposage et de criblage. Mais il manquait une dimension,
en dépit de ce programme de développement des centres
régionaux de céréales, celle de la classification, d'un
système de classification et de normes de qualité, puisque toutes
les autres provinces au pays qui produisent des céréales sont
assujettis à de telles normes, de par l'existence de la Commission
canadienne des grains, qui remonte, sauf erreur, vers l'époque de
1912.
La première loi sur les grains que le gouvernement
fédéral a votée au pays doit remonter vers 1912 et cette
loi fut amendée par la suite en 1930, pour créer la Commission
canadienne des grains. De la sorte, l'expertise qu'a développée
la Commission canadienne des grains a été reconnue au plan
mondial à un point que le Canada est devenu, de tous les pays
producteurs de céréales au monde, le pays qui avait le meilleur
système de classification, de contrôle, de manutention, de
transport même des stocks, compte tenu de l'immensité de ce pays.
Ainsi, les pays acheteurs de céréales dans le monde ont fini par
reconnaître une particularité au Canada, c'est qu'ils pouvaient se
permettre d'acheter des céréales sans venir les inspecter. Quand
le Canada donnait tel "grade" de produit, telle classification de produit, les
pays importateurs de céréales étaient sûrs que, une
fois un contrat signé avec le Canada sur tel "grade" ou telle
qualité de produit, ils pouvaient "bâcler", fermer le contrat
d'achat, ils étaient certains d'avoir la livraison de ce qui
correspondait aux achats.
Cela a été reconnu par tous les pays importateurs du
monde, au point que, un jour, les Etats-Unis d'Amérique, qui
étaient également des exportateurs de céréales, ont
jugé qu'ils devaient examiner le système de classification et de
contrôle qu'avait la Commission canadienne des grains et ajuster leur
propre système à ce que nous avions ici au Canada.
Il manquait donc à la politique de développement de
centres régionaux de séchage et d'entreposage, comme le
développement des silos à la
ferme, la dimension d'une classification afin de créer une
uniformité des grains produits au Québec par rapport à
l'ensemble du système qui prévaut au pays. De ce
côté, vous comprendrez, Mme la Présidente, très
facilement que l'Opposition officielle, comme l'a signalé mon
collègue tout à l'heure, donne son appui au projet de loi parce
qu'il vient compléter un trou, un manque à l'intérieur de
ce programme que le ministère de l'Agriculture a commencé
à instaurer au Québec.
Le ministre nous a dit que d'autres centres régionaux
d'entreposage et de séchage devraient se construire au cours de la
prochaine année de façon à couvrir à peu
près toutes les régions du Québec où la production
céréalière a des chances de se développer et
répondre aux conditions nécessaires à cette
production.
Je crois que l'instauration de la régie, qui aura comme fonction
première d'uniformiser un système de contrôle et de
classification, de surveiller la mise en route et les méthodes
opérationnelles qu'on va retrouver dans des centres régionaux
comme du côté des silos à la ferme, de surveiller tout
ça et d'établir des systèmes de contrôle, va
permettre à des distilleries que nous avons et qui opèrent au
Québec, qui avaient toujours boudé en général les
grains, surtout le maïs-grain produit du Québec, d'acquérir,
à partir de la mise en place d'un système de contrôle
précis et juste, le maïs-grain produit dans la province et de ne
plus dépendre uniquement de provinces telles que l'Ontario ou les
Prairies, et même, parfois, du maïs importé des
Etats-Unis.
Cela ne règle pas pour autant tout le problème de la
commercialisation des grains et je crois qu'il est bien qu'il en soit ainsi.
J'ai senti, chez les différents intervenants dans le secteur des
céréales, tant du côté des producteurs que des
utilisateurs, qu'on ne souhaitait pas que la Régie des grains au
Québec établisse un contrôle sur la commercialisation. Les
producteurs en général semblent vouloir s'en remettre à un
contrôle qui leur soit personnel au plan de la profession comme
producteurs de céréales, de façon à instaurer les
plans conjoints, si c'était nécessaire un jour. Ainsi les
producteurs veulent que la régie des grains se limite à ce
rôle qui est propre à la classification et au contrôle de la
qualité. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture
exercera-t-il son droit de réplique?
M. Jean Garon
M. Garon: Très rapidement, Mme la Présidente. Je
voudrais dire d'abord que la régie n'aura aucun contrôle sur les
prix puisque ce sera artificiel de vouloir contrôler les prix au
Québec alors que nous importons 65% des grains, dans l'état
actuel des choses, et que c'est beaucoup plus le marché
américain, la bourse de Chicago ou encore la Commission canadienne du
blé qui fixe les prix des grains au Canada. A ce moment-là, ce
serait artificiel de vouloir contrôler les prix.
Deuxièmement, la régie n'a pas l'intention non plus de
faire du commerce. Cela a été mentionné par les
différents intervenants. On ne souhaite pas que la régie fasse du
commerce. Le gouvernement ne voulait pas que la régie fasse du commerce
non plus. Alors, il n'y a pas de problème à ce point de
vue-là. La régie va faire exactement ce sur quoi tout le monde
s'était entendu lors de la conférence de Saint-Hyacinthe, ce
qu'on avait souhaité qu'elle fasse, la classification des grains,
assurer la garantie et la solvabilité des centres et également,
surveiller l'ensemble du système après avoir établi une
classification des grains, un classement des grains.
Nous souhaitons faire la meilleure entente possible avec la Commission
canadienne des grains. Il y a déjà eu des rencontres, mais
à ce moment-là il n'y avait pas eu de projet de loi, pour voir un
peu leur état d'esprit. Nous souhaitons avoir la meilleure collaboration
possible avec la Commission canadienne des grains. De sorte que la régie
devrait connaître une naissance harmonieuse, ce que je souhaite. Quant
à ceux qui ont dit que c'était pour placer des amis, je vais vous
dire une chose. Le problème c'est plutôt de trouver des gens
compétents à nommer sur une régie comme celle-là.
Il s'agit d'un secteur dans lequel on n'a jamais opéré au
Québec, la classification des grains, et vous pouvez être certains
que la principale préoccupation c'est de trouver des gens
compétents qui vont pouvoir travailler à la classification des
grains au Québec, pour que les cultivateurs qui vont faire du grain de
qualité obtiennent un meilleur prix. Et en obtenant un meilleur prix,
tous les cultivateurs québécois vont être
intéressés à faire des céréales pour obtenir
le meilleur prix sur le marché. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: La motion de deuxième lecture
du ministre de l'Agriculture concernant le projet de loi no 75, Loi sur les
grains, est-elle adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. La
Vice-Présidente: Adopté. Renvoi à la commission de
l'agriculture
M. Charron: Adopté. Madame, je propose que ce projet de
loi soit déféré à la commission de l'agriculture et
de l'alimentation.
La Vice-Présidente: La motion est-elle adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. M. Brochu:
Adopté.
M. Charron: Avant de proposer l'ajournement de la Chambre
à dix heures, madame, je voudrais donner un aperçu de l'ordre
dans lequel les travaux de demain, d'aujourd'hui plutôt, le 19
décembre, seront appelés. Immédiatement
après la période de questions, nous procéderons à
la prise en considération du rapport concernant le projet de loi no 74.
Par la suite, seront appelées dans l'ordre les deuxièmes lectures
des projets de loi 65 et 68, au nom du ministre du Revenu, et la Chambre
procédera à leur étude en commission
plénière. Nous ferons aussi, par la suite, une révocation
de l'ordre de référence en commission parlementaire du projet de
loi no 72 créant le ministère de l'Energie et des Ressources pour
plutôt faire, au cours de la séance de demain après-midi
probablement, l'étude, également ici en Assemblée, article
par article, de ce projet de loi. Il a déjà été
déféré. Je proposerai plutôt de le rappeler. Je le
ferai en temps et lieu demain. Finalement, la loi...
M. Levesque (Bonaventure): En commission
plénière?
M. Charron: Oui, de même que la loi 66 qui unifie ou
crée, change au moins l'appellation d'un certain nombre de
ministères. C'est un projet de loi qui est à mon nom. Ceci
complétera notre journée de travail demain.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le ministre a
volontairement omis les troisièmes lectures? (2 h 10)
M. Charron: Mon Dieu, celles qui seront prêtes, il y en a
qui sont prêtes effectivement, on en a laissé en suspens ce soir.
Ou en fin de séance demain après-midi, pour donner le temps
à ceux qui ont demandé une suspension d'une séance de
réexaminer leur position.
M. Brochu: Est-ce que le leader parlementaire du gouvernement a
volontairement omis la prise en considération du rapport de la loi
77?
M. Charron: Non, je la prévois jeudi. M. Brochu:
Ah!
La Vice-Présidente: Vous en étiez aux commissions
plénières, M. le leader.
M. Charron: Aux commissions parlementaires, madame, il y aura,
bien sûr, la commission sur le projet de loi 57, qui poursuivra son
travail. La commission sur la loi 17, j'ai reçu aujourd'hui des rapports
encourageants, non seulement sur la façon dont procède cette
commission, mais sur le climat qui y règne et à un tel point que
ce soir, nos collègues membres de cette commission je ne leur en
fais pas grief aucunement ont choisi, à 23 heures, après
avoir été rappelés ici pour le vote de troisième
lecture sur la loi spéciale, de ne pas reprendre leurs travaux,
confiants qu'ils étaient que l'heure qu'ils abandonnaient ce soir allait
être avantageusement reprise demain. Au point qu'on puisse espérer
que vers 15 heures demain après-midi, cette commission aura
terminé son travail et pourra laisser place à la commission de
l'éducation pour continuer son travail, déjà entrepris,
sur le projet de loi 71, demain après-midi et demain soir.
Les informations que j'ai me disent que, de part et d'autre, ces heures
de travail, ces sept heures de travail en commission parlementaire suffiraient
pour mettre fin à une étude attentive de ce projet de loi
déjà assez avancé, à ce qu'on me dit.
De même, demain soir, je viserais, si tout marchait sur des
roulettes, à mettre fin aux travaux de la Chambre aux alentours de 18
heures, ou à peu près, pour donner congé à
l'Assemblée et plutôt convoquer une troisième commission
parlementaire. Outre sur les projets de loi 57 et 71, ce serait celle de
l'agriculture et de l'alimentation qui vient de recevoir deux projets de loi ce
soir et ce, jusqu'à jeudi donc.
Il reste un point d'interrogation, que nous règlerons demain. Je
crois que le leader de l'Opposition en a été saisi, le projet de
loi de SIDBEC aurait normalement dû être étudié hier
ou aujourd'hui, nous n'avons pas pu à cause des circonstances que vous
savez. C'est un projet de loi de quelques articles seulement, même pas
une dizaine et il y a une question qui se soulève à propos de la
présence, qui pourrait être nécessaire, du président
directeur général de SIDBEC qui doit partir pour une mission dans
l'exercice de sa fonction, demain soir, en Europe.
Si, par un consentement, on pouvait trouver... même je ne le
sollicite pas, parce qu'il s'agit de s'assurer la présence d'un certain
nombre de membres, à ce moment-ci, mais je dis seulement que demain, il
est possible que je fasse cette demande. Si c'est impossible, on se privera de
sa présence, mais c'est seulement pour le travail de la commission qu'il
serait opportun d'avoir sa présence dans le cas de l'étude
article par article. Gardons ça sur la glace, Mme la Présidente,
allons plutôt nous coucher et je propose l'ajournement à
demain...
M. Grenier: Mme la Présidente...
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le leader parlementaire du
gouvernement veut nous indiquer à quel poste se trouve ce dernier projet
de loi?
M. Charron: SIDBEC, c'est la loi 73 qui a été
déférée à la commission parlementaire de
l'industrie et du commerce. Je n'ai pas mon feuilleton avec moi, mais vous
devriez le trouver dans les projets de loi déférés aux
commissions, après la deuxième lecture.
M. Levesque (Bonaventure): Je ne le trouve pas.
M. Charron: II n'est pas dans le feuilleton?
M. Duhaime: C'est le feuilleton de l'année passée
que vous avez.
M. Levesque (Bonaventure): J'ai le feuilleton de mardi, le 18
décembre 1979. Je comprends qu'on est rendu au 19, mais ça, c'est
hors de mon contrôle.
M. Giasson: On l'a perdu dans le décor.
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je pense que
le leader parlementaire du gouvernement vient de se rendre compte qu'on en a
perdu un.
M. Charron: Ah, ah! on a voté dessus ce matin, la
deuxième lecture de ce projet de loi, il a été
déféré immédiatement après...
M. Levesque (Bonaventure): Quelle page?
M. Charron: C'est parce que c'étaient des votes en suspens
ce matin.
M. Duhaime: C'est cela. Ils seront au feuilleton demain matin.
Est-ce que vous l'avez?
M. Levesque (Bonaventure): D'accord. On vient de le
retrouver.
M. Duhaime: II ne faudrait pas le perdre, c'est $150
millions.
M. Grenier: Est-ce que le leader peut nous informer de ce qui
arrive à la loi sur les sports? Je n'ai pas le numéro. Est-ce que
la commission est terminée?
M. Charron: Elle est terminée. M. Grenier: C'est
terminé?
M. Charron: Avec la collaboration de tout le monde. Je remercie
l'Opposition qui a permis que cette troisième commission puisse
siéger ce soir. Il semble que, d'après les informations que j'ai
eues, non seulement on y a accompli un bon travail et on s'y est même
beaucoup amusé.
M. Grenier: Avec un numéro comme cela, c'est bien
assez.
La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): Votre motion, M. le
leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Je propose l'ajournement à tout à
l'heure, à dix heures, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): Motion
adoptée.
M. Levesque (Bonaventure): Adopté, forcément.
La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): Cette Assemblée
ajourne ses travaux à tantôt, dix heures.
Fin de la séance à 2 h 16