To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Assembly Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the National Assembly

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the National Assembly

Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Tuesday, December 18, 1979 - Vol. 21 N° 83

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. M. le premier ministre.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport du ministère du Conseil exécutif

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1978-1979 du ministère du Conseil exécutif, ce qui rappelle utilement qu'il y a un ministère dans ce coin.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues. M. le député de Duplessis.

Audition des parties intéressées au conflit d'Hydro-Québec

M. Perron: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'énergie et des ressources qui a siégé le 17 décembre 1979 aux fins d'entendre les représentants des syndicats d'Hy-dro-Québec et ceux d'Hydro-Québec sur le rapport de médiation.

Le Président: Merci. Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période des questions orales.

M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Loi d'urgence relative à Hydro-Québec

M. Ryan: M. le Président, ma première question ce matin nous reporte évidemment à l'heure tardive à laquelle nous nous sommes laissés ou à l'heure matinale, selon les points de référence. Ainsi que vous le savez, la commission de l'énergie a siégé pendant de nombreuses heures hier afin d'entendre la version des parties impliquées dans le conflit d'Hydro-Québec. Nous nous sommes laissés à la fin de la séance...

Une Voix: C'est seulement une panne.

M. Ryan: Si j'ai bien compris, le président du syndicat est venu dire, à la fin de la séance, qu'il n'acceptait pas d'instituer le moratoire que le syndicat avait laissé entrevoir, en conséquence de quoi le leader du gouvernement a déclaré que la commission, qui devait continuer son travail ce matin, ne siégerait pas.

Je voudrais demander au premier ministre, à la lumière de ces développements, les plus récents dont nous ayons eu connaissance, d'abord, si d'autres contacts ont eu lieu depuis cette fin de séance, vers trois heures ce matin, entre le syndicat, les médiateurs, le gouvernement ou d'autres éléments immédiatement intéressés et, deuxièmement — volet que je pense plus important que le premier — ce que le gouvernement entend faire. La situation n'est pas meilleure aujourd'hui qu'elle ne l'était au moment où nous avions siégé hier, les pannes d'électricité sont sans doute toujours nombreuses à travers le Québec et affectent sans doute encore des milliers de nos concitoyens. Le but de l'exercice d'hier soir était de faciliter la restauration des services d'électricité. Alors, je demande encore une fois au premier ministre si des développements nouveaux sont survenus avec le syndicat et, deuxièmement, quelles sont les intentions du gouvernement pour aujourd'hui.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ne ferai pas un long commentaire, je vais simplement replacer les choses du mieux qu'on peut.

La commission, accompagnée d'une offre de moratoire, a été demandée le vendredi 14 décembre. La première réponse que nous ayons faite — étant donné qu'il s'agissait d'une négociation plus que terminée, coiffée ou couronnée par un rapport de médiation — ç'a été de demander d'abord si ce serait démocratiquement concevable pour le syndicat de consulter ses membres d'abord sur ce rapport de médiation. La réponse que j'ai faite, au nom du gouvernement, c'est que, à ce moment-ci — c'est-à-dire à ce moment-là, le même jour — ça ne nous paraissait pas indiqué de faire siéger cette commission parlementaire, mais plutôt de demander si le syndicat ne pouvait pas aller au vote. Après les refus catégoriques qui se sont poursuivis jusqu'à hier, et après avoir constaté, avec les gens qui s'y connaissent, c'est-à-dire Hydro-Québec elle-même, ce qui a été expliqué hier soir, c'est-à-dire la précarité grandissante et du réseau général et de la distribution en détail, on a pris la décision de convoquer le syndicat et aussi les représentants d'Hydro-Québec — même s'ils n'étaient pas en cause directement, puisqu'ils avaient accepté, à condition que ce soit un règlement, le rapport de médiation — de convoquer, dis-je, essentiellement le syndicat pour deux buts très simples. (10 h 20)

Le premier but — je pense qu'il y avait déjà des indications que cela intéressait, comme une urgence, les Oppositions — c'était de permettre au syndicat d'exposer ses objections à ce rapport des médiateurs afin que chacun, aussi bien ici que dans le public — sauf qu'à l'heure où cela a fini, je pense qu'il ne restait plus beaucoup de public — puisse se faire une idée des raisons de ce refus, pour autant qu'il y en avait ou qu'il pouvait y en avoir de valables. Le deuxième but était qu'on sorte de là, bien sûr, avec un moratoire immédiat et aussi, dans notre esprit, l'engagement d'aller à un vote et à un vote rapide. Si on est capable de laisser geler des gens pendant 48 ou 72 heures, on doit être capable de faire voter des gens — c'est déjà arrivé — en 48 ou 72 heures de façon qu'on puisse arriver, avant l'ajournement des Fêtes, à une conclusion.

Peu importe — il y a eu une certaine confusion, c'est normal quand on travaille d'urgence — une certaine confusion qui a pu régner autour du travail de la commission, je crois que le résultat a été tristement clair autour de 3 heures ce matin. A notre humble avis, c'était littéralement une invitation à l'Assemblée nationale à se substituer à une démocratie syndicale assez sérieusement déficiente. Il n'y a pas eu de contact après, il n'y en a pas eu depuis. Vu qu'on est tous arrivés un peu en retard, il n'y a pas eu de contact non plus entre le leader du gouvernement et ses homologues, mais il va y en avoir incessamment parce que je crois que nous sommes maintenant — en tout cas, c'est notre conviction absolue — devant l'obligation urgente de légiférer aujourd'hui.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Le premier ministre a indiqué que le leader du gouvernement nous donnera des précisions tantôt quant à la manière dont le gouvernement entend procéder. Ces précisions seront-elles fournies après la période des questions de ce matin ou maintenant?

M. Charron: M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: ... je peux peut-être répondre maintenant. Tout à l'heure, dès la fin de la période des questions, donc dans une quarantaine de minutes, je proposerai à l'Assemblée de prioritairement s'attarder à un projet de loi que je déposerai au même moment où je demanderai à l'Assemblée de suspendre les règles pratiques de l'étude d'un projet de loi dans les circonstances.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

Application de la loi no 62

M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Pourrait-il faire le point sur l'état où en est, du point de vue du ministre de la Justice, l'application de la loi 62? En particulier, pourrait-il préciser le nombre de dossiers ouverts pour infractions à la loi 62 et le nombre de causes qui ont été portées devant les tribunaux à ce jour?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je pense que le député de Saint-Laurent comprendra que je n ai pas les chiffres précis. Je vais prendre avis de la question tout en lui indiquant que ce que j'ai en mémoire c'est au-delà de 150 plaintes qui auraient été portées contre tous les syndicats contrevenants et qu'il y a également d'autres dossiers qui font l'objet d'analyse.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je remercie le ministre d'en prendre avis, mais comme il s'agira d'un chiffre tel qu'il vient d'indiquer au moins approximativement, comment le ministre peut-il expliquer l'immense disproportion qui semble apparaître entre ce chiffre de 150 — mettons même qu'il y en ait 300, soyons généreux — et les quelque 60 000 salariés qui ont fait une infraction à la loi dans les jours qui ont suivi l'adoption de la loi 62? Est-ce qu'il n'y a pas là un déséquilibre absolument remarquable entre 300 poursuites et 60 000 infractions à la loi? Comment expliquer cette disproportion?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, le député de Saint-Laurent, comme à l'habitude, se pose en juge. Je pense qu'il doit savoir que selon le processus à suivre — je l'ai expliqué à plusieurs reprises — on ne porte pas de plaintes sur des impressions, mais d'après des enquêtes dûment faites et dûment complétées. J'ai également dit — je pense que cela se comprend très facilement — que lors de cette grève de trois jours, les policiers ont orienté, d'une façon tout à fait spéciale, leur travail pour favoriser l'accès des édifices publics et également pour travailler à certaines enquêtes concernant l'ensemble des syndicats contrevenants. Je ne pense pas qu'on puisse demander aux policiers d'être partout à la fois; je crois qu'ils ont fonctionné selon ce qu'il est possible humainement, dans les circonstances. Tous les syndicats contrevenants ont été poursuivis — je le dis encore au député de Saint-Laurent— d'autres dossiers font l'objet d'analyse et les plaintes seront prises en considération.

M. Forget: Question supplémentaire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre dit: Tous les syndicats impliqués ont été poursuivis. Est-ce qu'il faut comprendre que seules sont poursuivies les structures syndicales ou l'association de salariés, le syndicat, et qu'en aucun cas des salariés ordinaires qui ne

sont pas présidents de syndicat ou déléqués syndicaux ne sont jamais poursuivis? Et, est-ce qu'à la lumière de cette expérience, le ministre a conseillé, dans la loi qui sera bientôt soumise à l'Assemblée nationale sur un autre sujet, que la pénalité et les méthodes de mise en vigueur de la loi soient exactement les mêmes que dans le cas de la loi 62?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Pour ce qui est de la loi qui est à venir et qui a été annoncée, j'ai fait certaines représentations au niveau des plaintes et au niveau des sentences et surtout des pénalités qui pourraient être prévues dans le projet de loi. Vous serez à même de le voir lorsque le leader du gouvernement présentera le projet de loi concernant les autres plaintes vis-à-vis des individus, nous n'avons pas écarté la possibilité que des plaintes soient portées contre des individus, sauf qu'il faut être réaliste, dans le sens qu'il est très clair que les policiers— et ce sont des rapports et des informations qu'on m'a donnés — durant cette période de grève, avaient orienté une grande partie de leurs efforts sur l'accès aux édifices et sur les enquêtes concernant les syndicats contrevenants. Il y a d'autres dossiers qui sont, à l'heure actuelle, à l'étude. Les instructions sont très simples: c'est qu'à partir du moment où les dossiers sont constitués et qu'il y a lieu de porter une plainte, les instructions du ministre de la Justice sont de les porter.

M. Forget: Question supplémentaire, une dernière, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Faut-il donc comprendre de ce que le ministre de la Justice dit que les simples salariés, qui ne sont pas membres des structures officielles syndicales, sont, dans tous les cas, exempts de poursuites?

M. Bédard: Justement, M. le Président, le député de Saint-Laurent ne veut vraiment pas comprendre parce que je viens de lui dire que les instructions du ministère de la Justice, du ministre de la Justice, c'est de porter des plaintes à partir de dossiers constitués, mais pas, par exemple, sur des soupçons, comme le voudrait le député de Saint-Laurent, ou sur des impressions. Ce n'est pas comme cela que la justice s'administre. A partir du moment où ces dossiers sont constitués et sont terminés, il y a des décisions qui sont prises — je rappelle encore une fois au député de Saint-Laurent le processus — et elles sont prises par les procureurs de la couronne qui ont à analyser ces dossiers et qui ont les instructions de les porter.

Le Président: Question principale. M. le député de Gaspé.

Place des pêcheries maritimes

M. Le Moignan: M. le Président, depuis déjà quelques jours, je voulais adresser une question au ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, mais, comme il est probablement retenu par d'autres occupations et connaissant l'intérêt du premier ministre pour la question, je vais m'adresser au premier ministre, du moins pour une question principale. Dans un bref préambule, je vais expliquer un peu la situation.

Il reste seulement quelques jours avant la fin de cette session et je voudrais obtenir quelques éclaircissements sur un dossier qui intéresse tous les Gaspésiens et qui intéresse le premier ministre de façon très spéciale, étant donné ses déclarations du passé concernant la décentralisation des pêches. Dans quelques jours, nous allons officialiser par le projet de loi no 66 — je n'en suis pas certain — le transfert de la Direction générale des pêcheries, qui appartient au ministère de l'Industrie et du Commerce, au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation.

Actuellement, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche — on peut dire — s'occupe des petits péchés. Mais le nouveau ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, auquel, je crois, on va adjoindre le titre de pêcherie:;, ce qui devrait être le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Pêcheries maritimes, je ne sais pas de quelle façon on va formuler le baptême de ce nouveau ministère. (10 h 30)

Je voudrais que le premier ministre nous dise, comme il y a beaucoup de retard à ce moment-ci de l'année, si, au moment de notre séparation — comme le dit si bien mon collègue de Bonaventure, dans un bon esprit de collaboration pour ajder le gouvernement — le changement est en train de s'effectuer, si cela va réellement aller au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. Le temps avance, nous sommes presque en 1980 et il n'y a pas grand-chose qui se fait. Je sais qu'il y a des plaintes qui surgissent, surtout du côté de Grande-Rivière, avec la vocation de l'Institut de recherche et de l'Institut des pêches. Le premier ministre n'a peut-être pas tous les détails techniques, mais il pourrait peut-être me répondre, dans les grandes lignes de cette question, si, d'ici la fin de la session, on sera au moins fixé, à savoir si cela doit échouer à l'un de ces deux ministères, à condition que cela n'aille pas au ministère des Affaires culturelles.

Le Président: M. le premier ministre

M. Lévesque (Taillon): Non, l'intention n'est pas — il y a eu des études très serrées là-dessus — d'envoyer cela au ministère des Affaires culturelles, et cela ne restera pas entre deux eaux non plus, c'est très mauvais pour les pêcheries. Il était bien entendu que l'intention — elle est maintenue, ce n'est pas pour rien d'ailleurs qu'on a ajouté le mot "alimentation" au ministère de

l'Agriculture — c'est que cet ensemble puisse former un tout cohérent. Il y a même beaucoup plus de liens — je pense que le député de Gaspé le sait — qu'on ne l'imagine en profanes entre le produit du sol et le produit de la mer. A beaucoup de points de vue, cela peut être complémentaire. L'intention reste là et, si c'est possible — je ne peux pas aller plus loin ce matin — avant l'ajournement, on pourra donner des réponses plus détaillées au député de Gaspé et aussi pour l'information de toute la Chambre, y compris du député de Bonaventure que cela intéresse aussi forcément, autant que possible avant la fin de l'ajournement. En tout cas, je donnerai au moins l'essentiel de notre évaluation de la situation et des étapes à franchir avant l'ajournement.

Le Président: M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je voudrais, M. le Président, peut-être pour faciliter une réponse plus vaste, plus générale de la part du premier ministre, je pourrais peut-être lui soumettre certaines objections par écrit à un autre moment où il sera plus en mesure de me répondre d'ici la fin de la session.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question additionnelle.

Le Président: M. le député de Bonaventure.

M. Levesque (Bonaventure): Y ayant été presque invité par le premier ministre — ce ne sera pas méchant — je dirai simplement ceci: Vu l'importance exceptionnelle et peut-être sans précédent que devraient prendre, dans les prochaines années, les pêcheries au Québec, tenant compte en particulier de l'extension du territoire de pêche à 2000 milles des côtes, il est possible que les pêcheries deviennent l'une des ressources les plus importantes au point de vue alimentaire au Québec. Nous savons que, présentement, notre part de la production est infime si on prend l'ensemble des pêcheries canadiennes, mais je regarde l'avenir avec optimisme, confiance et beaucop d'espoir. Est-ce que le premier ministre, dans sa réflexion, ne pourrait pas ajouter un élément... C'est peut-être symbolique, si l'on veut, mais je sais que le gouvernement actuel attache beaucop d'importance aux symboles. N'y aurait-il pas lieu, pour le premier ministre, de songer à inclure dans le nom du ministère le mot "pêcheries", autrement dit "agriculture, pêcheries et alimentation"? Tout en étant simplement une suggestion, je pense que, pour tous ceux qui s'intéressent à ce domaine de plus en plus vital, elle pourrait être, à mon sens, non seulement très bien acceptée dans le milieu, mais elle pourrait aider à accompagner cette expansion de l'industrie.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Evidemment, c'est normal qu'on ait toujours le goût de maintenir des termes qui illustrent un secteur, même quand on fait certaines fusions. Je pense que cette fois-ci encore — on a fait la même chose dans le cas de l'énergie et des ressources — l'intention correspond exactement à ce que vient de dire le député de Bonaventure. On pourrait noyer cela dans l'alimentation mais, en fait, je crois qu'il est important de souligner le mot "pêcheries", alors il va demeurer. Deuxièmement, il y a déjà, par rapport à ce qui arrive avec les 200 milles et tout le reste, une première étape qui est en marche et qu'on espère pouvoir concrétiser le mieux possible sous la forme d'un plan quinquennal.

Je suis tout à fait d'accord avec le député de Bonaventure sur l'avenir de ce domaine. Il suffit de lire ce qui se passe, se produit ou se publie comme réflexion le moindrement sérieuse sur la fin du XXe siècle. On parle beaucoup d'énergie, cela va rester au premier plan, mais il est fort probable que, stratégiquement, on parlera encore davantage d'alimentation avant l'an 2000; alors on n'a pas le droit de se négliger de ce côté.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

Mise à pied de huissiers à Sherbrooke

M. Grenier: Je m'adresse au ministre de la Justice. Une demande me vient de l'ensemble des juges et des avocats du district Saint-François, de la ville de Sherbrooke, soit, au total, une cinquantaine d'avocats et de juges. Cette demande se lit comme suit: Nous, soussignés, juges, avocats et autres usagers du palais de justice de Sherbrooke, dans le district Saint-François, requérons respectueusement de l'honorable ministre de la Justice la suspension de la directive qui entraîne la mise à pied des huissiers audienciers dont les noms suivent.

On lit une quinzaine de noms de personnes qui sont mises à pied et qui ont comme années de service, quatre, cinq ou six ans au palais de justice de Sherbrooke. Ce sont des gens qui sont en général employés à temps plein dans le moment.

Je voudrais savoir de la part du ministre de la Justice, quelle est cette nouvelle politique et pourquoi décider brutalement de mettre à pied ces pères de famille qui font le travail d'une façon exemplaire auprès de ces hommes de loi, que je sache.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, ce n'est pas une décision qui a été prise brutalement, parce que c'est un dossier qui a été étudié longuement au niveau de l'administration. On a essayé de sensibiliser un peu d'avance les personnes qui pourraient être touchées par cette directive, par cette décision. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans le Québec, que ce soit au niveau du nombre de secrétaires qui sont affectés à des juges comme

au nombre de huissiers audienciers, cela représente un nombre de personnes très grand par comparaison à ce qui se passe dans les autres provinces. Je pense qu'à un moment donné, dans une période de restriction budgétaire, certains gestes désagréables doivent être posés. On doit les poser pour une meilleure administration des fonds publics.

D'autre part, nous sommes très disposés, au niveau du ministère de la Justice, à aider ces personnes touchées à trouver d'autres emplois afin d'assurer leur subsistance.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, je comprendrais la réponse du ministre si elle était vraiment la réponse; mais à la suite de la rencontre que j'ai eue avec ces gens, ce n'est pas la vraie réponse. Je comprendrais également que le ministre peut, afin de diminuer la charge publique, réduire des postes; mais ce n'est pas cela la réponse. La réponse, c'est que les personnes sont remplacées par d'autres. J'aimerais savoir de la part du ministre si ces personnes ne font pas bien leur travail ou bien si c'est parce qu'on veut se servir du chômage, de l'argent du fédéral, pour en envoyer un groupe à l'assurance-chômage et en reprendre un nouveau groupe qu'on reclassera bénéficiaires de l'assurance-chômage après qu'ils auront fait les six mois d'emploi au palais de justice. J'aimerais avoir une réponse très claire et très nette à cet égard.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Pour une réponse très claire, le député de Mégantic-Compton apporte un élément nouveau, soit le fait que ces personnes seraient remplacées. Je comprends très bien l'objet de sa question sur ce point. Afin de lui apporter une réponse claire et complète, je prendrai avis, quitte à lui donner tous les renseignements nécessaires dès demain. D'accord?

Le Président: M. le député de Gouin.

Référendum et constitution

M. Tremblay: M. le Président, ma question porte sur le référendum et s'adresse au premier ministre. Les journaux nous apprennent, ce matin, que M. Clark a pris une page du livre blanc du gouvernement et s'apprête à demander un mandat clair sur la constitution.

Les journaux nous apprennent aussi que le premier ministre hésite entre une question qui porterait sur un mandat de réaliser ou un mandat de négocier la souveraineté-association. Lorsqu'on mentionne le mot "mandat", M. le Président ceci implique l'aspect plébiscitaire, c'est-à-dire l'aspect confiance.

Or, comme nous avons discuté hier du taux de désaffection à l'endroit du gouvernement — je pense que c'est le premier ministre qui a mentionné le terme — il est évident qu'un vote négatif serait perçu comme un vote de non-confiance à l'endroit du gouvernement. Or, dans le système parlementaire, un vote de non-confiance, à l'Assemblée nationale ou à un Parlement, amène habituellement une élection. (10 h 40)

Dans le cas d'un vote de non-confiance au référendum, est-ce que le premier ministre a l'intention de se soumettre aux règles du système parlementaire et de demander au lieutenant-gouverneur de dissoudre l'Assemblée nationale et de déclencher les élections après le référendum?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai vu en effet que M. Clark a annoncé hier, à Montréal, que, s'il était réélu, il y aurait un projet constitutionnel préparé par l'honorable sénateur Arthur Tremblay pour l'automne 1980.

Comme il ne faut pas vendre la peau de l'ours et qu'on ne saura que vers le 18 février qui sera le gouvernement, peut-être que le sénateur Tremblay — que tout le monde connaît très bien — pourrait donner un coup de main à nos amis libéraux pour qu'ils finissent — depuis le printemps qu'on attend — de mettre ensemble leurs propres propositions constitutionnelles, ils ont peut-être besoin de renfort? Mais, de toute façon, pour nous, il n'y a rien de changé pour l'essentiel, la question et la formulation — le député de Gouin la verra comme les autres avant la fin de la semaine — sera celle qui nous paraîtra la plus susceptible d'éclairer et en même temps d'aider légitimement à prendre une décision. Quand viendra le référendum, j'ai profondément confiance, en dépit des sondages — un sondage, ce n'est ni un référendum, ni une élection, on peut même avoir des surprises dans les sondages, à l'occasion, de semaine en semaine — que, ce premier défi de notre histoire, les Québécois le relèveront convenablement. De toute façon, c'est à ce moment que je pense, se posera la question — si jamais elle se pose, mais je crois qu'elle ne se posera pas — du député de Gouin.

M. Tremblay: M. le Président.

Le Président: M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Je comprends que le premier ministre garde un esprit positif et enthousiaste, mais, par contre, gouverner, c'est prévoir, et il n'est pas exclu, évidemment, que la population donne un vote de non-confiance au gouvernement, lors du référendum.

Dans cette éventualité, est-ce que le premier ministre serait prêt à dire que, son option étant rejetée par la population, ceci devrait entraîner logiquement des élections à brève échéance après le référendum?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): De toute façon, à assez brève échéance après le référendum, quel qu'en soit le résultat qui, je le répète, à mon humble avis, devrait être positif, dans l'intérêt du Québec, non pas seulement parce que ça nous semble souhaitable, mais parce que nous croyons profondément que ça va être positif, si on peut sortir... Entre nous, le député d'Argenteuil peut rire, je l'ai entendu, l'autre soir, parler, au moment où il commantait abondamment le jugement de la Cour suprême — en essayant de le minimiser — dire qu'on se retrouvera un jour sur les tribunes.

Je dois dire que, si on veut finir de régler certaines choses, qui nous permettront ensuite de ne pas négliger l'administration, mais certaines des choses qui, à l'occasion, nous imposent une série de nuits blanches depuis deux ou trois mois, moi aussi, j'ai grande hâte de retrouver non seulement le député d'Argenteuil, mais tous nos amis d'en face dans la campagne préréférendaire sur toutes les tribunes du Québec. J'ai comme l'impression que la rigueur intellectuelle bien connue du député d'Argenteuil qui lui sert surtout depuis quelques mois à peu près unilatéralement à déformer les choses et, très souvent, à substituer l'insinuation à l'argumentation, on va avoir du plaisir avec cela pendant les mois prochains.

M. Ryan: M. le Président... M. Tremblay: M. le Président...

Le Président: M. le député de Gouin, votre dernière question.

M. Ryan: ... question de privilège.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Une question de privilège, franchement, M. le Président, je n'en ai pas. J'aurais eu une question plus importante à poser au premier ministre. Comment se fait-il, peut-il nous expliquer que l'autre soir il ait fait allusion...

Des Voix: A l'ordre! Ce n'est pas une question de privilège!

Le Président: M. le chef de l'Opposition, s'il s'agit d'une question, je vais reconnaître le député de Gouin, puisqu'il n'abuse pas des questions de ce temps-là, et je vous céderai la parole tout de suite après.

M. Tremblay: M. le Président, je sais que le premier ministre et le chef de l'Opposition aiment bien se batailler; d'ailleurs, c'est la crainte que j'ai pendant cette campagne référendaire, que ce soit uniquement une grosse élection.

Le Président: M. le député de Gouin, je vous ai cédé la parole pour une question.

M. Tremblay: J'allais poser une question et M. le premier ministre a décidé de donner un "punch" au chef de l'Opposition. Si c'est une question de mandat, si la question référendaire porte sur un mandat et qu'il y a un vote de non-confiance, je pose la question au premier ministre, est-ce que dans l'esprit du système parlementaire il ne devrait pas y avoir une élection à très brève échéance après le référendum?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je vais mobiliser quelques-uns de nos conseillers parlementaires pendant la période des Fêtes et on va réfléchir profondément là-dessus.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

Conférence de presse relative au jugement sur la loi 101

M. Ryan: Je serais porté à demander au premier ministre si bientôt il y aura une série de règlements devant déterminer quand il sera permis de sourire. Je vais en venir tout de suite à la question principale, à celle que je veux poser au premier ministre. Etant donné qu'il a fait allusion à des débats récents, au cours de la réponse qu'il a donnée au député de Gouin, je voudrais lui poser une question. Pourrait-il nous expliquer comment il se fait que l'autre jour, lorsque nous avons discuté du jugement de la Cour suprême, auquel il a fait allusion dans ses remarques il a trouvé le moyen de donner une conférence de presse pendant que nous attendions l'ouverture de la séance du Parlement, ici, et que pendant toute cette nuit-là il n'a pas trouvé une minute pour venir exposer son point de vue devant le Parlement, alors qu'il avait délayé...

Le Président: M. le chef de l'Opposition, je vais autoriser la question, mais je vous signale tout simplement que nous sommes très mais très loin de la question principale qui avait été posée par le député de Gouin.

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): C'est une question principale, je pense bien, de toute façon. Je vais lui répondre le mieux possible de la façon suivante. Vers le milieu de l'après-midi, on avait appris — ce qui paraissait parfaitement normal — que le chef de l'Opposition devait, vers 17 heures, je crois, rencontrer les journalistes. Ou vers 16 heures, je ne le sais pas. Cela a ensuite été contremandé pour des raisons qui sont apparues assez clairement pendant la soirée, on cherchait la position à prendre. Nous savions très bien de quoi il s'agissait. Vu que le chef de l'Opposition avait annoncé sa présence devant les journalistes j'ai décidé de le laisser passer, il était le premier sur la liste.

Quand cela a été contremandé, à ce moment-là, on a dit: On va continuer à préparer notre propre proposition et, en même temps, on suivait la préparation de la loi correctrice qu'il a fallu faire à

la vapeur à cause des parties qui étaient vraiment imprévisibles du jugement de la Cour suprême. On a préparé pas mal de possibilités, mais pas de possibilités qui aillent aussi loin que ce jugement nous amenait. Alors, la loi a pris du temps à être mise au point; en fait, elle ne pouvait pas être prête — c'est ce qu'on m'a confirmé vers 19 h 30 — avant les environs de 20 h 30. A ce moment-là, le texte que j'attendais moi-même de la polycopie, celui de mon intervention, qui devait être prêt pour 19 h 30, n'a été prêt qu'à 19 h 45. J'ai calculé que j'aurais pu en faire une question de privilège dès hier, contrairement à ce que le chef de l'Opposition s'est permis de dire, c'est-à-dire qu'il y avait là une sorte d'indécence à l'égard de l'Assemblée nationale, sachant que, de toute façon, on n'aurait pas le projet de loi avant 20 h 30, j'ai pensé qu'il était indiqué d'aller dire, au nom du gouvernement, ce qu'on pensait du jugement de façon générale.

Le Président: Dernière question, M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Deux choses. D'abord, une question de fait. Le premier ministre a rapporté les faits à sa manière, comme d'habitude. Vous savez ce qui est arrivé l'autre jour, c'est le gouvernement, par l'intermédiaire du ministre d'Etat au Développement culturel... Je veux redresser un fait; si je n'ai pas le droit, cela ne fait rien, on peut le redresser ailleurs, je me soumets volontiers aux interprétations du président.

La question que je pose au premier ministre est la suivante. Disons qu'il y avait des circonstances atténuantes pour faire cette déclaration à la presse, déclaration passablement échevelée, entre vous et moi, à 20 heures, l'autre jour. Ensuite, nous sommes venus ici, à la Chambre, à 20 h 30 et nous sommes sortis pour étudier le projet de loi qui nous avait été communiqué; ensuite, nous avons débattu de 22 heures jusqu'à 6 h 45 le lendemain matin et nous n'avons pas entendu un seul mot de la part du chef du gouvernement sur une question dont il nous disait, dans sa conférence de presse, que c'était la plus grande catastrophe qui soit jamais survenue depuis la confédération. Est-ce que c'est là l'opinion qu'il a de la Chambre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Premièrement, je n'ai pas traité les faits à ma manière; j'ai donné les faits tels que je les connais. Cela fait partie du style du chef de l'Opposition; quand il ne réussit pas à faire passer cela avec son style en Chambre, il s'en va trouver les journalistes tout de suite pour voir s'il n'y a pas moyen, sans réplique, de compléter par quelque calomnie ou quelque insinuation.

Je ne traite pas les faits à ma manière. Je dis très simplement que quand le chef de l'Opposition, incapable de préciser sa pensée, probablement, a contremandé sa propre rencontre avec les journalistes sur le jugement de la Cour suprême; nous avons terminé, non pas une déclaration échevelée, mais une déclaration qui est disponible pour tout le monde et qui, à ce moment-là, donnait l'évaluation telle qu'on pouvait la faire et telle qu'on la maintiendrait encore aujourd'hui de ce jugement incroyablement brutal. (10 h 50)

D'autre part, encore une fausseté qui s'ajoute à bien d'autres, le chef de l'Opposition vient de dire: La plus grande catastrophe depuis la confédération. Il ne trouvera, ni de près, ni de loin, dans la déclaration que j'ai faite aux journalistes qui a été écrite mot à mot, de l'hyperdramatisation de ce genre.

M. Ryan: M. le Président, question de privilège.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Question de privilège. Le premier ministre dit que j'aurais été torturé pour définir la position de notre parti et la mienne. C'est faux. Dès que le projet de loi a été déposé devant cette Chambre, j'ai moi-même fait un discours d'une heure exposant la position de notre parti de manière détaillée, ce que le premier ministre n'a pas fait dans cette Chambre.

Le Président: M. le député de Taschereau. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je remercie le député de Taschereau pour une question principale.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Vous reconnaissez le député de Taschereau pour une question principale.

Le Président: Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je vous ferai remarquer, sur une question de règlement, que notre formation politique a eu droit à deux questions. Vous avez reconnu ensuite deux questions à l'Union Nationale et une question à un député indépendant. Je me suis levé quatre fois pour avoir la parole et, maintenant, vous permettez une autre question à un député ministériel.

Le Président: Bon! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous fais remarquer, à la suite de la question de règlement que vous avez soulevée, que la moyenne des questions de la majorité ministérielle, depuis la reprise de la session, a très sensiblement baissé, est à la baisse. Je vous fais, d'autre part, remarquer, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, qu'il y a eu trois questions principales de la part de votre formation, étant entendu que j'avais considéré la troisième, la dernière question de M. le chef de l'Opposition comme n'étant pas apparentée à celle de M. le député de Gouin. Je pense que ce serait difficile à soutenir,

en effet, qu'il ne s'agissait pas là d'une troisième question. D'autre part, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous signale que je tiens toujours compte non seulement du nombre de questions qui est autorisé à une formation politique en particulier, mais également du nombre de minutes qu'on passe sur une question.

Dans ces conditions, M. le député de Taschereau, vous avez la parole.

Aide aux réfugiés du Sud-Est asiatique

M. Guay: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Immigration. Il y a plusieurs semaines, le ministre de l'Immigration, au nom du gouvernement, apportait la caution morale de l'Etat québécois à un projet destiné à récolter des fonds afin de fournir une aide aux réfugiés du Sud-Est asiatique, particulièrement aux réfugiés au Cambodge qui, comme on le sait, font l'objet, depuis quelques mois et même deux ans, de ce qu'il faut bien appeler un génocide. J'aimerais savoir du ministre de l'Immigration quel a été le résultat de la campagne qui a été menée au Québec pour récolter ces fonds, notamment par le réseau des caisses populaires du Québec. J'aimerais savoir de lui également quel est l'usage précis, aussi précis que possible, que l'on entend faire de ces sommes que les Québécois ont ainsi versées pour les Cambodgiens.

Le Président: M. le ministre de l'Immigration.

M. Couture: M. le Président, j'espère que vous ne ferez pas adopter ma réponse trop rapidement.

Des Voix: Ah!

M. Couture: M. le Président, je remercie le député de Taschereau de me fournir l'occasion de répondre à ses préoccupations. Je pense que, dans cette Chambre, on n'abuse pas beaucoup des questions sur le Tiers-Monde et des questions internationales. J'imagine que cela rejoint aussi l'intérêt de milliers de Québécois. Je demanderais la collaboration de la Chambre pour m'expliquer un peu sur les questions qu'on m'a posées.

C'est un fait qu'actuellement, parce que nous avons entrepris une campagne dans tout le Québec, avec la collaboration du mouvement Desjardins, de la Croix-Rouge, section Québec, et de nombreuses personnalités, surtout dans les media, il y a des milliers et des milliers de sommes qui ont été ramassées et que les gens sont préoccupés, à juste titre, de savoir si ces sommes sont vraiment acheminées vers les populations civiles. Je pense que c'est d'intérêt public d'apporter des précisions là-dessus.

Lundi dernier, j'annonçais un résultat provisoire de cette campagne de $719 000. Aujourd'hui, nous sommes rendus à $912 794 et nous prévoyons... Je suis certain que les remerciements de toute la Chambre vont aux milliers de Québécois que les événements considérables qui se sont produits au Québec depuis quelques semaines n'ont pas été distraits de cette préoccupation pour le sort si malheureux du Cambodge.

Nous prévoyons donc, d'ici Noël, qu'il y aura $1 million de versé pour cette opération spéciale. Je voudrais profiter de l'occasion pour dire à tous les Québécois qui n'ont pas eu l'occasion — il y a quand même déjà plus de 125 000 Québécois qui ont souscrit — de souscrire, ceux qui veulent véritablement apporter leur aide, surtout durant cette période de Noël où c'est plus tranquille et durant laquelle on a plus d'occasions pour réfléchir à certains problèmes, qu'il y a la campagne d'OXFAM dont, hier, l'Assemblée nationale a soutenu unanimement les objectifs. Les gens pourront continuer, à travers la campagne d'OXFAM, de verser des sommes qui, d'ici le 15 janvier — OXFAM nous a dit — iront au Cambodge.

Il y a des opinions contradictoires sur ce qui se passe à Phnom Penh et de la façon dont ces sommes sont acheminées. Il est clair que les inquiétudes sont fondées, en partie, parce que nous avons appris que les stocks d'aliments qui sont là depuis quelques semaines, qui ont été massivement donnés par plusieurs pays occidentaux, entre autres, sont difficilement conduits aux populations en danger. J'ai demandé, ces dernières heures, à Genève même de nous dire comment ils pouvaient répondre à ces inquiétudes. On me dit ceci et là-dessus je crois que les gens peuvent être assurés des prochaines démarches: "Les aliments et les médicaments n'iront d'aucune façon aux populations sans la présence des officiers de la Croix rouge internationale ou de l'UNICEF ou d'OXFAM qui est présent".

En ce qui concerne le million de dollars qui a été amassé dans l'opération Québec-Cambodge, cette somme sera dépensée presque uniquement ici au Québec pour préparer des équipes médicales afin d'acheter des médicaments qui accompagneront ces équipes médicales. Cela me fait plaisir de dire que nous avons la collaboration du ministère des Affaires sociales pour recruter ces équipes médicales. Donc, on n'envoie pas ces sommes directement là-bas. Nous recrutons des équipes médicales. Nous achetons les médicaments et nous allons aussi à un endroit — hélas, les problèmes ne manquent pas là-bas — à la frontière thaïlandaise — je conclus, M. le Président. Enfin, les malheurs sont partout dans cette région, mais à la frontière thaïlandaise, il y a près de 300 000 réfugiés affamés et malades qui sont présents dans des camps administrés par le Haut-Commissariat des Nations Unies. Les équipes de la Croix rouge vont aller sur place avec les médicaments aider ces populations. Donc, je peux donner cette garantie à tous les Québécois que ces sommes seront effectivement accordées aux populations civiles. Merci, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: Une minute, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, pour une dernière question.

Permanence de l'Ecole de technologie supérieure

M. Lalonde: Ma question était destinée au ministre de l'Education. On sait que l'Ecole de technologie supérieure de Montréal, une des constituantes de l'Université du Québec, a été mise sur pied à titre expérimental en 1974. Après cinq ans, une évaluation de l'école a été faite par un comité ad hoc dirigé par M. John O'Brian, recteur de l'Université Concordia. Ce comité a donné son rapport le 13 mars 1979 demandant au ministère de l'Education, au gouvernement, de donner un caractère de permanence à cette école. Le Conseil des universités, dans son rapport du 27 avril 1979, a appuyé et a, en fait, même adopté le rapport du comité ad hoc. Je demande au ministre, après huit mois, ce qu'il a décidé. Quand va-t-il informer le Conseil des universités et l'Ecole de technologie supérieure de sa décision? Est-ce que sa décision sera conforme aux recommandations du comité ad hoc?

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je me suis entretenu de ce sujet hier précisément avec le président de l'Université du Québec, M. Boulet, qui venait s'enquérir de la décision du ministère. Cette décision sera prise incessamment et j'ai tout lieu de croire, d'après les documents dont j'ai pu prendre connaissance, qu'elle sera favorable.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Une question additionnelle. Est-ce que le ministre indique que cette réponse favorable sera aussi favorable pour l'admission des diplômés de cette école à l'Ordre des ingénieurs? (11 heures)

M. Morin (Sauvé): Cette question est beaucoup plus complexe, M. le Président, on le devine. L'Ordre des ingénieurs a été saisi de cette question depuis déjà deux ans et n'est pas enclin à recevoir les diplômés de l'ETS de plein droit au sein de la corpora-tion. Cependant, depuis plusieurs mois, je tente de persuader la Corporation professionnelle des ingénieurs de faire une place, dont la nature exacte reste à déterminer, aux diplômés de l'ETS. On me dit que, de part et d'autre en ce moment, il se fait un certain cheminement et qu'on pourrait trouver des accommodements qui permettront aux diplômés de l'ETS de trouver leur place au sein de la corporation mais, quelle place exactement, cela reste à voir.

Le Président: Fin de la période de questions.

Motions non annoncées.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: M. le Président, comme je l'ai confirmé tout à l'heure au chef de l'Opposition au moment de sa question, je ferai dans un instant une motion en vertu de l'article 84 de notre règlement pour que la Chambre puisse, dans les prochaines minutes ou prochaines heures, s'attarder sur un projet de loi qui concerne le situation des relations de travail à Hydro-Québec. Je voudrais immédiatement demander, avant même de faire cette motion, s'il ne serait pas possible que nos collègues membres de la commission des affaires municipales et ceux membres de la commission du travail et de la main-d'oeuvre, toutes les deux mandatées d'importants projets de loi, puissent se réunir à compter de 11 h 30 jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit ce soir. Si j'avais ce consentement à ce moment-ci, dans une demi-heure ceux-ci pourraient commencer à travailler et je présenterais tout de suite ma motion dite privilégiée.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement.

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président.

M. Brochu: M. le Président, en attendant que les consultations finissent de ce côté, je veux dire qu'en ce qui nous concerne, on est prêt à travailler de cette façon et faire siéger les deux commissions sur les projets de loi 17 et 57 pendant que la Chambre vaquera aux autres travaux.

Le Président: II y a consentement de l'Union Nationale.

M. Charron: Merci.

M. Levesque (Bonaventure): Nous concourons, M. le Président.

M. Charron: Merci beaucoup. Je considère que cette motion est adoptée, M. le Président?

Le Président: Est-ce que la motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Charron: Le vote annoncé sur le projet de loi no 73, M. le Président, pourrait peut-être être pris immédiatement, ce qui nous permettrait de nous parler à nouveau.

Le Président: Nous en sommes à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens. Il y a justement un vote en suspens.

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Si j'ai compris, si nous en sommes à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens, qu'est-ce qui arrive des motions non annoncées?

M. Charron: Je propose qu'on passe immédiatement à ce vote pour avoir le temps de se parler.

M. Levesque (Bonaventure): D'accord mais cela prend un consentement.

M. Charron: Oui.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour revenir ensuite aux motions non annoncées?

Des Voix: Oui.

Le Président: II y a consentement pour la mise aux voix de la motion de deuxième lecture relative au projet de loi no 73. Je demande qu'on convoque les députés.

Suspension à 11 h 4

Reprise à 11 h 22

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Mise aux voix de la deuxième lecture du projet de loi no 73

Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion présentée par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à savoir que le projet de loi no 73, Loi modifiant la Loi sur l'établissement par SIDBEC d'un complexe sidérurgique intégré, soit maintenant lu la deuxième fois. Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Mmes Cuerrier, Payette, MM. Bé-dard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Marois, Landry, Léonard, Couture, Vaugeois, Bérubé, Clair, Gendron, Joron, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Guay, Lefebvre, Mme LeBlanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Jolivet, Alfred, Marquis, Dussault, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Beauséjour, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure), Saint-Germain, Caron, Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, Blank, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Rivest, Mme Chaput-Rolland, MM. Larivière, Lalande, Mathieu, Dubois, Scowen, Gratton, Pagé, Verreault, Marx, Biron, Brochu, Grenier, Fontaine, Russell, Bellemare, Cordeau, Le Moignan, Shaw.

Le Président: Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever.

Le Secrétaire: Pour: 56 — Contre: 36 — Abstentions: 0

Le Président: La motion est adoptée.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Motion de suspension de certaines règles de procédure

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, je rappelle que, conformément à une motion adoptée tout à l'heure, c'est dans cinq minutes que le travail des commissions parlementaires doit reprendre.

M. le Président, je serai très bref pour expliquer ce qui nous motive à présenter la motion d'urgence suivante. Tout le monde sait — puisque cette Assemblée en a été saisie à chaque période de questions, à peu près, depuis que le conflit dure et davantage encore depuis la commission parlementaire d'hier et de cette nuit — que, d'une part, il n'y a à peu près plus d'espoir qu'un moratoire ou une fin quelconque à l'absence du service essentiel qui s'appelle "le courant électrique" à l'ensemble du Québec, soit désormais possible.

A une proposition très claire et nette que j'ai faite au nom du gouvernement — j'estime même, M. le Président, on me corrigera si j'ai tort — et au nom de toute la commission parlementaire, hier, de continuer aujourd'hui à entendre, dans le cadre du mandat de la commission, les représentants de la partie syndicale, en échange du moratoire qu'ils nous avaient annoncé en demandant cette commission parlementaire, j'ai reçu et tous les membres présents à la commission ont reçu un refus. Ce qui conduirait d'une manière absolument artificielle à poursuivre le travail aujourd'hui, puisque ce que nous voulons tous et ce que tous les citoyens souhaitent ne serait pas réalisé et que les pannes continueraient à s'accumuler.

La deuxième raison, c'est que non seulement le moratoire ou tout autre moyen étant maintenant à l'écart, c'est qu'il faut bien dire aussi que le pire s'en vient. C'est aujourd'hui le 18 décembre et pour qui est familier ou un tant soit peu familier avec la vie interne de la consommation d'électricité au Québec, nous sommes à quelques heures du point où la consommation est la plus élevée dans l'année, et cette statistique ne ment pas puisqu'elle est annuelle, c'est autour des 21 ou 22 décembre. En plus, il arrive que le Québec traverse une vague de froid peu coutumière pour cette

période de l'année, ce qui a pour effet, sans aucun doute, d'augmenter la consommation.

En conséquence — pourquoi ne pas l'évoquer aussi, puisque la poursuite de cette grève, d'une manière interminable, risquerait d'arriver en pleine période des Fêtes, ce qui est, pour l'ensemble des citoyens du Québec, je pense, une chose plus que désagréable que ça intervienne à cette période de l'année où toutes les familles québécoises se réunissent — M. le Président, puisqu'il n'y a plus d'espoir de négociation, que tout a été tenté en ce domaine et qu'il y a urgence d'intervenir avant la période de pointe pour que l'entretien et la réparation soit faits dans les heures qui viennent afin de faire face à cette période avec tous les citoyens dans une relative sécurité quant à ce service électrique, je propose, en vue de l'adoption du projet de loi no 88, que je dépose à l'instant, qui est la Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec et conformément à l'article 84, paragraphe 2, du règlement, de suspendre l'application des articles 30... (11 h 30)

Je fais parvenir copie de ma motion à l'instant au chef de l'Opposition officielle et au chef de l'Union Nationale, motion qui se lit comme suit: Que l'article 30, modifié par l'article 2 du règlement sessionnel, l'article 31, modifié par l'article 3 du règlement sessionnel, les articles 77, 87, 88, 115, 116, 134, 157 soient suspendus, que, nonobstant les dispositions de l'article 47, paragraphe 1, du règlement, toutes les séances de l'Assemblée soient publiques, que, nonobstant les dispositions de l'article 121 du règlement, il ne puisse y avoir d'amendement de deuxième lecture, que, de plus, la commission plénière fasse rapport, au plus tard trois heures après le début de ses travaux, que, dix minutes avant l'expiration de ce délai, le président de la commission mette immédiatement aux voix, sans débat, les articles du projet de loi et les amendements dont la commission n'aurait pas alors disposé, que le débat portant sur la troisième lecture soit limité à vingt minutes par parti reconnu et que l'application des règles ci-dessus énumérées soit suspendue et que l'Assemblée puisse siéger sans interruption autre que celle de 13 heures à 15 heures déjà prévue au règlement dès maintenant et jusqu'à l'adoption du projet de loi 88.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Une Voix: Adopté.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): C'est la deuxième fois dans peu de jours que le gouvernement du Parti québécois juge à propos de recourir à une loi spéciale précédée d'une motion d'urgence re- commandant la suspension des règles de procédure, et cela ne peut faire autrement, chez nous du moins, et probablement chez nos amis d'en face qui étaient présents à ces moments-là, que d'évoquer certains souvenirs alors que nous avions à faire face à des situations d'urgence et où nous devions — celui qui vous parle en particulier — prendre certaines responsabilités qui, sans doute, sont mieux comprises aujourd'hui par le gouvernement que ça ne l'était par l'Opposition du temps. Je ne veux pas tourner le couteau dans la plaie, je veux simplement assurer le leader parlementaire du gouvernement de ma plus personnelle compréhension dans les difficultés qu'il a à vivre aujourd'hui, difficultés que j'aurais pu lui prédire il y a peu de temps.

Tout de même, je veux en revenir le plus rapidement à l'objet de la motion que nous avons devant nous, d'autant plus qu'il s'agit sûrement d'un cas d'urgence, d'un cas où les citoyens du Québec sont confrontés avec une situation qui, à mesure qu'elle avance, devient de plus en plus pénible pour plusieurs, du moins de nos concitoyens. Dans les circonstances, nous avons assuré le gouvernement que nous ne ferions pas de procédurite, nous savons que cette motion d'urgence nous permettrait d'utiliser deux heures, d'après notre règlement, pour en discuter, avant que nous puissions toucher le fond de la question.

Nous croyons, contrairement à ceux qui nous ont précédé de ce côté-ci de la Chambre, que l'utilisation partisane de ces moments-là ne tiendrait pas compte de la priorité qu'on doit donner à l'intérêt public. Dans les circonstances, nous allons accepter cette motion dans toute sa rigueur ex cela simplement dans le but d'en arriver le plus tôt possible au débat de fond. A ce moment-là, nous pourrons, de part et d'autre, faire valoir les arguments qui pourront sans doute nous amener à une conclusion, je l'espère bien, dans l'intérêt de tous les citoyens du Québec.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: J'ai ici la motion d'urgence que vient de déposer le leader du gouvernement pour suspendre nos règles de procédure afin de pouvoir procéder à l'étude de ce projet de loi spécial qui est maintenant devant l'Assemblée nationale. Le leader parlementaire a brièvement évoqué l'urgence et je pense qu'à ce moment-ci on n'a pas besoin de longs discours pour souligner l'importance et l'urgence d'agir dans les plus brefs délais en ce qui concerne ce conflit de travail.

D'ailleurs, on a eu l'occasion, de ce côté-ci — plusieurs membres de l'Union Nationale — de revenir à la charge plusieurs fois en rappelant les dispositions qui avaient été prises par l'Assemblée nationale en ce qui concerne le projet de loi no 62 qui a été adopté à ce moment-là, et on se rappellera qu'on n'avait pas inclus Hydro-Québec sous le chapeau de la loi 62 parce qu'à ce moment-là il n'y

avait pas menace de grève. Par la suite, cela est devenu un fait et à tel point qu'on est dans l'impasse où on est maintenant, même après avoir tenu, à la demande des chefs du syndicat, la commission parlementaire qui a siégé hier soir et cette nuit.

Je pense aussi que la situation qui prévaut en province actuellement est suffisamment éloquente pour nous inciter à agir rapidement parce que dans une société dite — entre parenthèses — "moderne" et dite "civilisée", je ne pense pas qu'on ait le droit plus longtemps de prendre en otage qui que ce soit dans la province de Québec et que les éléments de notre démocratie doivent prévaloir également dans le monde syndical comme dans le monde de l'Assemblée nationale. Dans ce sens, si ces règles de jeu ne sont pas respectées, l'Assemblée nationale, qui est la plus haute instance, doit le plus rapidement possible rétablir les règles de jeu et faire en sorte que cette démocratie puisse jouer son rôle jusqu'à sa dernière limite et que dans ce sens les citoyens du Québec puissent avoir accès à ce service qu'est HydroQuébec.

Dans ce sens, il n'y a pas de services essentiels dans Hydro-Québec, comme disait si bien mon collègue, le député de Nicolet-Yamaska, au début de cette semaine: Hydro-Québec, dans son ensemble, est un service essentiel à la population. Dans ce sens, l'Union Nationale a fait connaître clairement ses couleurs, à quelle enseigne nous logeons et, dans ce sens, nous sommes contents de souscrire dès maintenant à cette motion sans allonger ce débat davantage à ce moment-ci pour que l'Assemblée nationale puisse étudier ce projet de loi et qu'il y ait des actions prises dans les plus brefs délais, dans les prochaines heures, pour que les citoyens du Québec se voient redonner ce service essentiel qu'est l'électricité au Québec, à ce stade-ci.

Le Président: M. le député de Pointe-Claire.

M. William Shaw

M. Shaw: I just want to take advantage to speak quickly on this motion, supporting strongly the efforts being made by the government to introduce an emergency legislation to return to the people of Québec the essential service of electricity. I welcome this law being presented at this time, and as most expeditiously as possible, I think we whould get down to studying. Thank you, Mr President.

Le Président: Alors, est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Projet de loi no 88 Première lecture

Le Président: Adopté. M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre présente maintenant la première lecture du projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, même séance.

Avant d'entamer le débat de deuxième lecture, M. le leader parlementaire du gouvernement, je me permets de vous suggérer une motion de déférence relativement au projet de loi no 73.

Projet de loi no 73 (suite)

Renvoi à la commission de l'industrie

M. Charron: M. le Président, les grands esprits se rencontrent, j'allais le faire. Puis-je proposer que le projet de loi no 73, adopté tout à l'heure, soit déféré à la commission de l'industrie et du commerce?

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Charron: Deuxième lecture maintenant, M. le Président.

Projet de loi no 88 (suite) Deuxième lecture

Le Président: Alors, M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose la deuxième lecture du projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec.

M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, vous avez la parole.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. Le projet de loi no 88 s'intitule Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec.

Si nous sommes ici en cette Assemblée, à cette heure-ci, compte tenu de l'époque, compte tenu du fait que nous sommes en fin de session, que nous avons encore beaucoup de travail à faire dans nos travaux législatifs, c'est que le Parti québécois, la population du Québec, les citoyens et les citoyennes du Québec sont touchés, sont meurtris. Egalement, c'est que c'est notre responsabilité, comme parlementaires, comme membres

de l'Assemblée nationale du Québec où, dans la société, le pouvoir a toute sa légitimité. (11 h 40)

Ceux et celles qui siègent dans cette Assemblée, M. le Président, sont les représentants de la population et, à cet égard, ils doivent, à l'occasion, passer au-delà de leurs tendances, au-delà de leurs inquiétudes, au-delà peut-être même de leurs convictions que certaines choses devraient être faites autrement pour ne tenir compte que d'une chose: c'est que nous sommes les représentants de la population québécoise.

La situation à laquelle nous faisons face en ce moment au Québec est la suivante. En plein hiver, dans un moment où le climat est particulièrement rigoureux pour cette époque de l'année, il y a des pannes d'électricité qui, de jour en jour, se multiplient et il y a cette espèce de date fatidique du 21 décembre qui est la journée de demande maximale d'énergie hydroélectrique au Québec. Cette exigence importante d'énergie du 21 décembre est susceptible de causer des pannes additionnelles, d'autant plus que, depuis maintenant près de trois semaines, l'entretien normal et courant de l'ensemble des lignes de transmission a été négligé compte tenu de l'état de grève. Nous faisons face également à une situation où les parties en présence ne sont pas parvenues à négocier un règlement. Nous faisons face également à une situation où les représentants de trois syndicats nous ont annoncé hier qu'ils refusaient un moratoire.

Il faudrait peut-être se rappeler, historiquement, comment s'est faite cette négociation. Elle a commencé d'abord à l'expiration de la convention collective en 1978 et, comme d'habitude, malheureusement, depuis dix ans, la négociation a été d'une extrême lenteur au tout début, le syndicat, pour sa part, déposant des demandes qui, évidemment, initialement, comme dans la plupart des processus de négociation, étaient considérables et Hydro-Québec, pour sa part, réagissant classiquement comme elle réagit depuis de nombreuses années par la mise sur la table d'offres qui étaient qualifiées de dérisoires par la partie syndicale et qui, chose certaine, étaient faibles dans la même proportion que les demandes syndicales étaient peut-être un peu fortes.

Quelque part au cours de l'année 1979, le processus très lent compte tenu du fait qu'il y avait le front commun qui était en négociation, s'est remis en marche, très lentement Le ministère a nommé des conciliateurs au dossier, comme il est d'habitude que nous le fassions. En cours de conciliation, les représentants de mes services ont eu l'occasion de s'apercevoir de la piètre qualité des échanges entre Hydro-Québec et le syndicat, piètre qualité non seulement des contenus, parce que les parties ne semblaient pas, de part et d'autre, mettre vraiment de l'eau dans leur vin, ce qui est normal dans une négociation, mais également parce qu'il y a une longue tradition d'affrontements de la part de l'employeur comme du syndicat à Hydro-Québec depuis une dizaine d'années.

En cours de route, le syndicat a donc choisi, à partir d'une offre patronale, de se rendre en tournée de consultation qui a duré trois semaines et même au-delà de trois semaines. Lors de cette tournée, le syndicat a présenté un bulletin aux travailleurs qui disait essentiellement ceci: "Etes-vous pour les offres patronales — il y avait une case pour mettre un X — ou êtes-vous contre les offres patronales — et dans la même phrase — et en faveur d'un mandat de grève générale?"

Les travailleurs ont été appelés à se prononcer sur ce bulletin. On m'a affirmé, dans certains coins du Québec, on m'a écrit, on a envoyé des lettres aux journaux, on en a parlé, j'ai reçu des appels téléphoniques à mon bureau et plusieurs députés ont été saisis de la nature de ce scrutin où, dans certaines des réunions, les travailleurs considéraient que le bulletin de vote avait peut-être quelque chose d'un peu pipé et que ce n'était peut-être pas vraiment leur donner un choix authentique que de leur demander d'être pour des offres patronales qu'ils n'acceptaient pas. On pourrait comprendre pourquoi ils ne les acceptaient pas. Mais s'ils voulaient se prononcer contre, en même temps ils se prononçaient en faveur d'une grève générale.

On me dit que, entre autres, dans certaines régions, de nombreux travailleurs ont décidé simplement de s'abstenir de voter refusant d'être dans cette situation. Ce qui fait que, au bout de la ligne, on a eu un taux de participation inférieur à 50% à ce scrutin. Il est vrai que 77% des gens qui ont voté, ont voté contre les offres patronales et en faveur du mandat de grève. Mais encore une fois, ce sont 77% de 47%, ce qui, au bout de la ligne, nous amène la situation de grève générale au Québec. C'est en pratique entre un quart et un tiers, un peu plus d'un tiers, dis-je, des travailleurs qui ont voté en faveur d'une grève générale dont on connaît les conséquences.

Par la suite, après cette consultation qui a duré plusieurs semaines jusqu'à il y a environ un mois, Hydro-Québec, à la suite des pressions considérables que mon ministère a exercées sur elle et dans le contexte où certaines choses débloquaient au niveau du front commun et allégeaient un peu l'atmosphère au Québec, après que j'eus demandé à mes conciliateurs de convoquer les parties, déposait de nouvelles offres. Vous vous rappellerez qu'à cette époque, j'ai eu une question en Chambre qui disait: "Qu'en est-il de la négociation?" J'ai eu, à ce moment, à faire appel à la responsabilité syndicale en constatant que malgré le dépôt de ces nouvelles offres d'Hydro-Québec, le syndicat se refusait à entreprendre quelque pourparler que ce soit, demandant à Hydro-Québec de présenter de nouvelles offres encore par-dessus les nouvelles offres. J'ai donc affirmé en cette Chambre qu'à mon avis les représentants syndicaux ne négociaient pas. C'était la constatation de nos fonctionnaires au ministère.

Effectivement, le lendemain de la déclaration en Chambre, le syndicat a demandé qu'une réunion de conciliation ait lieu. Lors de cette phase de conciliation qui avait toujours lieu, il y eut de la part du syndicat comme de la part d'Hydro-Québec d'autres pas, non sans difficulté puisque pen-

dant trois jours, il a fallu savoir sous quelle forme répondrait le syndicat et sous quelle forme reviendrait peut-être en demande ou en de nouvelles offres Hydro-Québec. Pendant trois jours, on a discuté pour savoir si c'était des projets globaux ou si c'était des chapitre par chapitre qu'on s'échangerait ou du clause par clause. Pendant ce temps-là, les choses n'avançaient pas.

Finalement, toujours au niveau de la conciliation, mes représentants dans ce dossier ont dû constater qu'il était impossible d'en arriver à une solution, à une conciliation, et nous étions alors en grève depuis de nombreux jours puisque les parties devenaient soudainement braquées. Ou côté patronal comme du côté syndical, on restait assis sur ses positions. J'ai donc choisi, le 10 décembre dernier, de nommer des médiateurs dans ce dossier. Les médiateurs ont entrepris, encore une fois, leur travail avec un mandat très précis qui était celui de déposer, dans les plus brefs délais et dans le but d'un règlement du conflit, une recommandation globale sur le projet de convention collective et sur les offres, évidemment. (11 h 50)

Au cours de cette médiation, il y eut une rencontre d'une journée presque complète avec la partie patronale et les médiateurs et une journée presque complète entre, encore une fois, les médiateurs et les parties syndicales. Mes services m'ont également avisé qu'au cours de cette médiation, le syndicat n'a rien laissé aller de plus que ce qu'il avait laissé aller en conciliation.

Trois jours après leur nomination, les médiateurs remettaient leurs recommandations, leur rapport de médiation. Un rapport de médiation, c'est l'effort que mettent, chez nous, des hommes d'expérience, des hommes impartiaux, des hommes qui n'ont pas d'intérêt personnel, qui n'ont pas une vision uniquement syndicale ou patronale des hommes qui essaient de trouver le moyen d'un règlement et qui le font à partir des positions des parties. Il y a une tradition, très longue au ministère du Travail, du respect des rapports de médiation. Quand les parties sont incapables ou irresponsables au point de ne pouvoir s'entendre sur une convention collective, particulièrement dans un secteur aussi névralgique que l'électricité, qui permet aux citoyens de s'éclairer et se chauffer en hiver, et qu'elles se sentent obligées de se voir soumettre un règlement possible par l'intervention d'un tiers, par l'intervention d'autres personnes, on s'attendrait, au moins, à ce qu'elles respectent cette démarche amorcée par le ministère du Travail.

Or, qu'est-il advenu? Le syndicat, quelques heures à peine, pas tout à fait 48 heures après avoir reçu le rapport de médiation, annonçait que, d'une part, il rejetait le rapport de médiation et, deuxièmement, contrairement à la longue tradition du ministère du Travail et contrairement à toute attente normale de celui qui vous parle, du ministère du Travail et de tous ceux qui ont fait un peu de relations de travail au Québec, le syndicat a refusé d'aller devant ses membres pour soumettre les recommandations des médiateurs du ministère du Travail.

Ce refus du syndicat, ainsi que certaines autres choses qui ont entouré cette négociation, certaines lenteurs dont certaines sont imputables, c'est vrai, à l'Hydro-Québec et d'autres, carrément au syndicat, l'ambiguïté pour le moins certaine avec laquelle on peut qualifier ce bulletin de vote sur lequel on demandait un mandat de grève et, finalement, le refus du syndicat de retourner, encore une fois, devant ses membres alors que non seulement il y avait eu de nouvelles offres patronales mais qu'il y avait, au-delà même de la conciliation, un rapport de médiation, sont un ensemble de facteurs qui me font dire que je ne suis pas sûr que la démocratie a suivi son cours quand on a un droit de grève légal dans un secteur comme celui-là que des dizaines de milliers de citoyens en sont affectés quotidiennement et risquent, évidemment, à l'approche du 21 décembre, à cause de la demande en énergie au Québec, de l'être encore plus que ce qu'on a vu dans le passé.

Les événements qui se sont déroulés par la suite, à part, je dois vous l'avouer, mon étonnement — je ne veux pas employer de gros mots — mon scandale devant cette incapacité pour le syndicat de retourner devant ses membres, ce refus buté que je ne comprends toujours pas d'un syndicat de ne pas respecter cette tradition qui veut que quand il y a une recommandation de médiation on aille devant ses mandants, devant tout cela, le syndicat nous a fait savoir, puisqu'il fallait maintenant que se passe quelque chose, qu'il voudrait une commission parlementaire et qu'il déclencherait un moratoire, c'est-à-dire qu'il mettrait fin aux jours de débrayage et à la grève, à toutes fins utiles, s'il pouvait venir en commission parlementaire.

L'objectif de la commission parlementaire aux yeux du syndicat, je suppose, était peut-être de faire en sorte qu'on oublie le rapport de médiation pour recommencer à zéro? Ou est-ce que l'objectif de la commission parlementaire, aux yeux du syndicat, c'était de venir exposer ses griefs, fondés dans certains cas, à l'égard du climat relativement pourri des relations de travail qu'on retrouve à Hydro-Québec depuis au-delà de dix ans? Ou est-ce que cette commission parlementaire demandée par le syndicat était simplement une façon d'essayer de s'en sortir?

Je ne pourrais pas vraiment vous le dire, Mme la Présidente, parce que je pense que la commission parlementaire qu'on a tenue hier ne nous a pas vraiment permis de nous éclairer là-dessus. La commission a été convoquée par celui qui vous parle à la suite d'une décision du Conseil des ministres. Le mandat de la commission, qui a été évoqué par le leader du gouvernement, était qu'on demandait au syndicat et à Hydro, si elle désirait se faire entendre, puisqu'elle avait au départ accepté, elle, le rapport de médiation, de venir nous expliquer pourquoi il refusait le rapport de médiation, premièrement, et, deuxièmement, pourquoi il n'allait pas faire voter sur le rapport de médiation?

Le syndicat ne nous a pas fourni de réponse hier. Cette commission, qui a commencé à 22

heures, s'est déroulée dans un état de confusion qu'on va tous reconnaître et, particulièrement vers 3 heures du matin, ce n'était pas particulièrement limpide. Cette confusion était due peut-être à l'interprétation — et je le dis en toute déférence à l'égard du président de la commission — peut-être au type d'interprétation que le président a voulu donner au mandat de la commission, peut-être aussi à cause d'une incertitude entre l'Opposition et le gouvernement quant au contenu, quant au type de discussion qui devrait y avoir lieu.

Bref, on a tourné en rond pendant de nombreuses heures, pour finalement en arriver, vers 1 heure du matin, à demander au syndicat: Voulez-vous, une fois pour toutes, nous expliquer les raisons pour lesquelles vous refusez ce rapport de médiation et, deuxièmement, nous expliquer pourquoi vous refusez de le soumettre à vos membres? A la première question, le représentant syndical nous a répondu qu'en fait, s'il refusait le rapport de médiation, c'est que le rapport de médiation ne remplissait pas les aspirations du syndicat et des travailleurs. J'aurais cru que s'il était convaincu que ce rapport ne remplissait pas les aspirations des travailleurs, il n'hésiterait pas à aller au scrutin pour que les travailleurs lui confirment qu'ils n'étaient pas d'accord avec le rapport de médiation.

Le président du syndicat nous a expliqué que c'était compliqué de tenir des assemblées générales, qu'il devait en tenir une centaine, qu'il devait y avoir une quinzaine ou une trentaine de personnes, je ne sais plus, qui voyageaient à travers le Québec pour expliquer tout cela et que cela pouvait prendre jusqu'à trois semaines. Pendant ce temps, Mme la Présidente, il y a des pannes d'électricité, il y a des gens qui ont froid au Québec, il y a des gens qui ne sont pas sûrs s'ils vont pouvoir s'adonner à leurs activités normales. Il y a des gens qui souffrent. Je pense que l'excuse d'avoir de la difficulté à réunir des assemblées générales, c'est une excuse qui, dans les circonstances, est absolument inacceptable. Toujours au cours de cette commission, la conclusion était donc évidente. Devant la demande un peu étrange du syndicat qu'on tienne une deuxième commission parlementaire éventuellement pour discuter de l'ensemble des points et y passer de nombreuses heures, le leader du gouvernement, après une longue discussion, a offert au syndicat qu'aujourd'hui même nous siégions à compter de 11 heures ce matin pour continuer cette commission qui se poursuivait alors qu'il était 2 h 30 du matin. Cependant, il m'apparaissait normal, puisque nous reprenions là, à toutes fins utiles, les demandes que le syndicat avait exprimées en cours de route, que le syndicat accepte le moratoire, s'il pouvait s'exprimer en commission.

Mais non, les représentants syndicaux nous ont expliqué dans le fond qu'ils voulaient que ce soit de préférence au mois de janvier que l'on tienne cette commission et on nous a dit qu'on pourrait négocier le contexte dans lequel cela pourrait être fait et qu'on espérait que cette commission en fait analyse tout cela, fasse un voeu et que le voeu, par la suite, soit soumis aux travailleurs d'Hydro-Québec avec une recommandation peut-être positive, peut-être négative, de la part de l'exécutif syndical. (12 heures)

Mme la Présidente, je pense que ce genre d'attitude, avec tout le respect que j'ai pour les structures syndicales, est un mépris à l'égard de la légitimité du Parlement. Une commission parlementaire est, en fait, une représentante de l'ensemble des citoyens, puisqu'elle émane de cette Assemblée où nous sommes tous des élus de la population. Je pense qu'un représentant syndical, dans le contexte d'une grève qui affecte des milliers de citoyens au Québec, dans le contexte de l'exercice d'un moyen de pression qui est d'une extrême puissance, n'a pas — vous me passerez l'expression — à prendre la population sur le bras.

Le représentant syndical n'était pas satisfait de la commission parlementaire d'hier soir et nous a exprimé le fait qu'il ne serait pas satisfait de sa prolongation aujourd'hui et qu'il voulait un autre type de commission parlementaire. Il faut dire que, assez c'est assez!

Devant le refus du syndicat d'accepter que cette commission soit saisie de ses arguments sur le refus du rapport de médiation, qu'on a eu, mais par bribes, jamais en entier, jamais un portrait complet, le leader du gouvernement, encore une fois, avait offert la prolongation et le syndicat nous a dit: Nous, on veut bien continuer, mais il n'y aura pas de moratoire. Cela me paraît, encore une fois, un peu méprisant à l'égard de l'ensemble de la population.

On en est donc, ce matin — ce midi, devrais-je dire — à cette loi; cette loi fixe les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec dans les trois unités. Ces conditions de travail sont celles que l'on retrouve dans le rapport de médiation et j'y reviendrai dans quelques instants.

La raison pour laquelle nous fixons les conditions de travail, c'est qu'il y a eu négociation, il y a eu conciliation, il y a eu médiation, il y a eu commission parlementaire; à un moment donné, il faut que ça arrête quelque part. Des êtres raisonnables, ceux qui sont en cette Assemblée, comme ceux qui sont dans les syndicats, les travailleurs et les travailleuses d'Hydro-Québec, savent très bien que, à un moment donné, il faut que ça arrête quelque part.

La loi prévoit que, à compter de sa mise en vigueur, à compter de ce soir, en pratique, il y a fin de la grève à Hydro-Québec. Deuxièmement, cette loi prévoit que les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec seront celles prévues dans l'actuelle convention collective ou dans les trois conventions collectives existantes, en ajoutant à ces conventions ou telles que modifiées par les quelques ententes intervenues entre le syndicat ou les syndicats et Hydro-Québec, en cours de négociation, et telles que modifiées par le rapport de médiation de MM. Tremblay, Crevier, Blais et Désilets, du ministère du Travail.

Ce rapport de médiation, que nous dit-il? Il nous dit qu'au chapitre des augmentations de sa-

laire, en 1979, 8,5%; en 1980, 8%; en 1981, 8%; 1982, 8%; pleine rétroactivité et $400 de montant forfaitaire en 1979, sans compter l'intégration — en plus du forfaitaire annuel qui pourra être versé — complète et totale de l'indexation au coût de la vie, en fonction du taux d'inflation qui est estimé et du taux d'inflation réel.

Ce rapport prévoit également que l'âge de la retraite passera, pour la retraite anticipée, pour ceux qui la choisissent, à 60 ans, sans pénalité actuarielle; qu'il y aura jusqu'à 2% par année d'indexation des rentes; qu'il y aura demi-rente au conjoint et aux enfants de moins de 18 ans; qu'il y aura des vacances préretraite d'une semaine par année à compter de 60 ans, cinq semaines à 64 ans.

Il y aura un programme de préparation à la retraite aux frais de l'employeur, il y aura une banque de 500 jours/homme avec solde à partir duquel le syndicat et/ou les trois unités, à toutes fins utiles, pourront se servir pour les fins de santé et de sécurité. Le droit pour le représentant syndical de faire enquête immédiatement après un accident. Sans compter, du côté des droits parentaux, tous les avantages obtenus dans le cadre du front commun par les autres syndicats. La demande syndicale était de 18 semaines, le rapport de médiation accorde 20 semaines de congé de maternité avec paie complète. 15% d'augementation à compter du 31 décembre 1981 des indemnités et des allocations diverses. De $21 à $23 à la signature pour l'indemnité de résidence. L'allocation de repas en surtemps passe de $4.75 à $5.50.

Les horaires de travail passent de 40 heures à 38 3/4 heures avec pleine compensation comme s'il y avait 40 heures de travail. Du côté des électriciens, mécaniciens et des hommes de métier, l'arbitrage obligatoire, si les parties ne s'entendent pas sur la classification et l'évaluation. Du côté de l'ancienneté, statu quo de la convention, sans modification. Arbitrage obligatoire également sur les points litigieux d'un plan à être mis sur pied par les parties en matière d'évaluation. Finalement, statu quo de la convention pour la rémunération des techniciens, là où, à toutes fins pratiques, la convention prévoit une progression automatique du niveau A au niveau B après cinq ans d'expérience, ce qui donne une augmentation de salaire d'environ $75 par semaine aux techniciens. Cette formule, incidemment, débalançant le système de rémunération. Une des demandes patronales était de supprimer cela; le rapport de médiation n'a pas donné cours à cette demande d'Hydro-Québec.

Finalement, l'ensemble des autres conditions qui sont contenues, qu'on peut regrouper sous huit chapitres: la sécurité d'emploi, les quatre semaines de vacances par année, la garantie de salaire, cela fait partie du tableau général qui existe dans ces conventions et non pas seulement dans le rapport de médiation. La garantie de salaire en cas de maladie, l'assurance-vie jusqu'au triple du salaire, les 13 jours fériés payés, le Régime de retraite qui est l'un des plus avantageux qui existent, la rémunération à taux de surtemps du temps de transport effectué pour l'horaire régulier de travail, les indemnités de déménagement.

En somme — c'est ce qu'il faut retenir de ce rapport de médiation — en aucune façon, ce rapport de médiation inclut-il ou implique-t-il un recul sur quoi que ce soit dans la convention collective pour le syndicat et, en aucune façon je n'irai au-delà de cela, aucune des demandes d'Hydro-Québec, pour changer le statu quo, n'a été retenue dans le rapport de médiation. Il s'agit donc d'un rapport fait par des hommes d'expérience, des hommes, à mon avis, qui pouvaient trouver la ou les solutions les plus justes possible. Ce rapport, normalement, aurait dû faire l'objet d'un vote de la part des salariés d'Hydro-Québec.

L'entêtement du syndicat, son refus toujours injustifié après quatre heures et demie de commission parlementaire, cette nuit, son refus auquel nous n'avons pas eu de réponse quant aux raisons qui ont amené le syndicat à ne pas vouloir aller devant les membres autrement que quelques généralités sur la difficulté de tenir des assemblées générales, alors qu'il y a des citoyens qui sont obligés d'aller habiter ailleurs parce qu'il n'y a plus de chauffage à la maison, s'il y a des citoyens qui doivent se déplacer pendant quelques jours pour aller habiter chez un voisin ou chez un parent, devant ces faits, je suis assuré que le syndicat aurait pu organiser des scrutins rapidement, mais, pour une raison ou pour une autre, il ne semblait pas pressé de le faire. Il ne nous a pas justifié cela clairement.

Devant tout cela, je pense qu'on peut constater que tous les efforts ont été faits. Les négociations, c'est vrai, ont été longues, difficiles, classiques à Hydro-Québec; elles vont mal, les relations de travail à Hydro-Québec, depuis dix ans. Mais conciliation, légère amélioration, médiation, intervention particulière, commission parlementaire. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, Mme la Présidente? Aucun effort n'a été ménagé et, pourtant, on est toujours devant ce refus obstiné du syndicat, entre autres, d'offrir le moratoire. (12 h 10)

Je crois qu'il faut que le Parlement affirme sa légitimité. Je crois que, comme représentants du peuple québécois, nous avons tous, de part et d'autre de la Chambre, à accomplir ce devoir, qui n'est pas particulièrement agréable, d'intervenir dans un contenu de convention. Mais nous devons, pour les citoyens du Québec et même, à certains égards, pour les salariés eux-mêmes d'Hydro-Québec, intervenir.

Les travalleurs n'entreront pas à genoux selon ce rapport puisque celui-ci est considérable. S'il est vrai qu'il n'a pas donné cours à quelque demande précise du syndicat, il a quand même permis des progrès énormes dans différents secteurs et c'est sans doute un des meilleurs résultats de négociations ou d'absence de négociation, je devrais dire, qui ait jamais été obtenu à HydroQuébec, à l'exception cependant, peut-être, d'une certaine intervention en catastrophe d'un mois de

novembre 1976 par un prédécesseur du ministère des Richesses naturelles. Les travailleurs, donc, n'entrent pas à genoux. Ces conditions de travail ont été élaborées à partir de l'expérience, de l'impartialité et de l'esprit de justice des médiateurs.

Mme la Présidente, quand on parle d'Hydro-Québec, on pense à Manic, on pense à Bersimis, on pense à Beauharnois, on pense à la Baie James; on pense à des choses qui ont été construites par les Québécois. Quand je pense à HydroQuébec, je pense un peu à une idée que je me fais du Québec; je pense un peu à une idée que je me fais des hommes et des femmes du Québec, des travailleurs et des travailleuses du Québec. Quand je pense à Hydro-Québec, je pense que c'est quelque chose dont les Québécois, à cause du travail des hommes et des femmes d'Hydro-Qué-bec, peuvent s'enorgueillir. Si on a un sujet de fierté comme institution dans notre société, c'est bien cet extraordinaire endroit où près de 12 000 hommes et femmes travaillent, fournissent de l'énergie, sont la base d'une richesse considérable pour notre peuple, nous permettent aussi de chauffer nos foyers, d'éclairer nos maisons.

Pour moi, ce qui se passe en ce moment, c'est peut-être un peu cette fierté qui est bafouée non pas par l'exercice normal, juridiquement, et reconnu légalement d'un droit de grève, mais par l'exercice entêté d'un moyen de pression et d'une attitude finalement butée où on s'égare du contenu, où on sort de l'objet de ce qui doit être le règlement, où on oublie qu'il y a des citoyens et des citoyennes qui souffrent, parce qu'il reste quelques éléments qui ne donnent pas entièrement satisfaction à des représentants syndicaux.

Dans ce contexte, je dirais — et c'est très rare, comme ministre du Travail, que j'ai eu à dire cela, parce qu'il est très rare que j'aie à le penser, il est très rare que ce soit ma conviction — qu'on assiste à la démonstration, qui n'est pas nécessaire pour les citoyens, de la puissance de représentants syndicaux qui ne représentent même pas un dixième de 1% de l'ensemble des travailleurs qui sont impliqués et qui prennent des décisions qui touchent pourtant des dizaines, des centaines et des milliers de travailleurs et qui, au bout de la ligne, peuvent toucher des dizaines de milliers de citoyens au Québec.

J'ai l'impression qu'entre la population du Québec et les travailleurs d'Hydro-Québec il y a un paravent qui est constitué par l'entêtement d'un exécutif ou de représentants syndicaux qui, à mon humble avis, ne respectent pas les règles du jeu, ne respectent pas la démocratie syndicale, ne respectent pas la population du Québec et n'ont pas respecté, comme ils l'ont démontré hier, la légitimité du Parlement québécois.

Je souhaite, Mme la Présidente, en terminant, que cette loi, encore une fois, qui permettra, après n'avoir ménagé aucun effort, aux travailleurs et aux travailleuses d'Hydro-Québec d'entrer la tête haute en termes de contenu, en termes de conditions de travail, nous permettra également d'assurer que nos maisons soient chauffées, qu'il y ait de la lumière à Noël et que toute la population québécoise y retrouve sa sérénité, son calme et sa sécurité. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Mme la Présidente, je voudrais déclarer tout de suite que l'Opposition officielle votera en faveur du projet de loi, non pas parce que le projet ne lui inspire pas plusieurs réserves dont je ferai état tantôt, mais parce que, sur le principe fondamental qui est celui de restaurer au Québec des conditions normales de fournitures des services d'électricité aux citoyens, aux entreprises et aux institutions, il ne saurait y avoir de doute. Nous attirons l'attention du gouvernement sur les conséquences de l'arrêt de travail actuel. Depuis le tout début de l'arrêt de travail, il ne s'est presque pas passé de jour dans cette Assemblée sans que nous signalions à l'attention des ministres responsables les conséquences qui affectaient des centaines et des centaines de citoyens et de nombreuses institutions de cette province. Par conséquent, nous n'avons aucune hésitation à déclarer que l'Opposition officielle votera en faveur du projet de loi au niveau du principe.

Sur la nécessité du retour au travail des salariés d'Hydro-Québec, il ne saurait y avoir de doute dans le contexte actuel. Nous le regrettons profondément pour certains droits très importants que les lois garantissent aux travailleurs syndiqués en temps normal, mais nous ne sommes pas dans une situation ordinaire. Nous sommes dans une situation où la population du Québec est privée et menacée d'être privée dans d'autres régions de services auxquels elle a un droit absolument inaliénable et le droit des citoyens — je pense que c'est important de l'affirmer sans aucune espèce d'ambiguïté — aux services essentiels qui constituent la raison même d'être de la vie en société est un droit qui passe avant l'exercice concret des libertés syndicales. Je pense qu'il faut dire les choses clairement à un moment donné. Il faut les affirmer avec toute la netteté, l'absence d'ambiguïté possible. Ce droit est premier par rapport à celui auquel on impose aujourd'hui des limites regrettables mais nécessaires.

La situation actuelle a établi deux vérités au sujet desquelles je ne sais pas par quel égarement de l'esprit on est souvent porté à nourrir des doutes. D'abord, l'impossibilité de considérer certains secteurs d'activités comme des secteurs ordinaires en matière de relations de travail. Nous avons eu cette preuve d'une manière claire à l'occasion des arrêts de travail survenus ces derniers mois dans le secteur des hôpitaux et je n'hésite point à affirmer que le secteur de l'énergie électrique est un secteur aussi essentiel dans son ordre que l'est le secteur hospitalier dans un autre ordre. Les deux sont absolument nécessaires au fonctionnement minimal de la vie en société.

Deuxièmement, je pense que la situation dont nous sommes témoins depuis quelques semaines a fait la preuve du caractère irréaliste d'un système tantôt écrit, c'est-à-dire tantôt consigné dans des lois sous l'autorité du gouvernement actuel, tantôt non écrit, en vertu duquel dans un arrêt de travail de cette nature, on abandonne à la force syndicale la responsabilité d'assurer le maintien des services essentiels. C'était là l'une des propositions majeures du rapport Martin que le gouvernement a incorporée dans une loi en ce qui touche le secteur de l'éducation et des hôpitaux. Nous avons vu dans ce secteur que c'était une présomption passablement irréaliste de la part de la commission d'enquête et ensuite du gouvernement que d'avoir établi des lois sur un tel principe. (12 h 20)

Dans le cas d'Hydro-Québec, nous constatons de nouveau qu'il est absolument irréaliste de s'en remettre à la partie syndicale pour assurer des services aussi essentiels. Quand la société voudra donner au syndicat un mandat aussi large, aussi fondamental et aussi décisif, elle le leur dira clairement par des lois. Elle ne leur demandera pas de s'approprier cette responsabilité d'une manière unilatérale. Je pense que nous franchissons des pas importants. Le gouvernement, Mme la Présidente, avait bien des choses à découvrir en matière de ralations de travail. Il partait de très loin. Il partait d'un univers paradisiaque. Il lui manquait le contact brutal avec la réalité, à partir des deux points de vue impliqués dans les relations de travail. La plupart des membres de l'autre côté, quand ils siégeaient dans l'Opposition, voyaient les problèmes à travers la lunette syndicale. C'était leur droit, mais ils avaient érigé cette perception en une espèce de théorie générale qui éclate en morceaux depuis quelques semaines. Ils le font au moins en mettant au-dessus de leurs anciens préjugés l'intérêt public. De ce point de vue, nous sommes heureux de les seconder. J'espère que, quand ils seront dans l'Opposition — ce qui ne semble pas devoir tarder — ils se rappelleront ces leçons qu'ils ont apprises dans l'exercice du pouvoir.

Deuxième observation. Je pense qu'il est important de noter, avec le plus de distance critique possible, les progrès que nous franchissons à chaque nouvelle étape que nous sommes appelés à faire dans ces questions. Je pense qu'il est important de noter le cheminement du gouvernement qui est intéressant à suivre de ce point de vue parce que, avec une certaine lenteur, il finit par rejoindre un bon sens qui a toujours existé, mais qui n'était pas perçu pendant un certain nombre d'années par nos bons amis d'en face. Il faut remarquer une différence fondamentale avec la loi no 62 que nous avons adoptée il y a deux ou trois semaines à peine. Lors de l'étude de la loi no 62, on nous avait fait des grands discours en cette Chambre. C'est intéressant d'observer tout cela. C'est très intéressant et c'est instructif. Je pense que les citoyens vont se rendre compte où est la cohérence et où est la consistance dans l'examen de ces questions. On nous a dit: II n'est pas question d'in- terdire le droit de grève. Pas du tout, c'est une notion qui dépasse notre entendement. Nous suspendons le droit de grève, nous le reportons. Tout sera revenu à la normale dans quinze jours. Vous vous rappelez l'échéance qu'on avait fixée quinze jours après. Très bien, nous autres, nous avons appuyé le projet de loi à ce moment-là, parce que nous nous disions que tout ce qu'on peut gagner, il faut le gagner dans l'intérêt public.

Cette fois-ci, on va beaucoup plus loin. Il n'est pas question d'une suspension ou d'un report. Il est tout simplement question d'un ordre de rentrer au travail, c'est-à-dire d'un ordre qui met fin d'autorité à une grève. Je pense que c'est la première fois que le gouvernement actuel est obligé de poser un tel geste. Autrefois, quand les gouvernements posaient des gestes semblables, on criait à la dictature, on criait au manque de compréhension, à l'endroit de tout l'univers, des relations de travail. Aujourd'hui, on a un aveu de la part du gouvernement qui est très éloquent. Le gouvernement est obligé, par l'évidence des faits, de conclure que dans certaines situations, il faut agir d'autorité et qu'il n'y a pas d'autre recours pour un gouvernement, une fois qu'on est parvenu à un certain stade. Je pense qu'il est bien important de noter cela. J'espère que tous les membres du gouvernement et du groupe ministériel se rendent très bien compte du pas important qu'ils franchissent, surtout si on le compare à ce qu'ils ont dit et fait antérieurement.

Troisièmement, j'ai comparé la teneur du projet de loi no 88 avec un projet de loi qui avait été adopté en 1962 visant la reprise des services essentiels justement à Hydro-Québec. Ici encore, il y a une différence très importante qu'il est opportun de noter pour qu'on sache le pas qu'on franchit aujourd'hui. Le 15 novembre 1972, cette Chambre avait été appelée par le gouvernement à approuver un projet de loi qui prescrivait le rétablissement des services essentiels d'Hydro-Québec. L'on définissait par services essentiels tous les travaux et services nécessaires aux fins d'assurer, de la façon habituelle et normale, le plein fonctionnement de tous les services électriques et gaziers publics du Québec et le fonctionnement de l'appareillage de production, transformation, transmission et distribution ainsi que tout autre appareil nécessaire, y compris le service des magasiniers, de la paie, de la sécurité, du travail clérical ancillaire aux travaux mentionnés ci-dessus. On limitait, par conséquent, l'ampleur de l'ordre de retour au travail aux salariés qui étaient compris dans la définition de services essentiels.

Cette fois-ci — à moins que j'aie mal compris le projet de loi — on prend tout le paquet. Ce sont les 11 500 travailleurs syndiqués qui reçoivent, d'un bloc, l'ordre de rentrer au travail qu'ils fassent un travail essentiel, qu'ils fassent un travail purement ancillaire ou auxiliaire, tous reçoivent l'ordre de rentrer au travail. Je ne pense pas que le ministre ait expliqué cette différence avec le projet de loi qui avait été adopté en 1972. Encore une fois, je ne fais pas de critique formelle là-dessus. Je ne m'érige pas en faux contre cette disposition

particulière; peut-être est-ce ce qu'il faut faire dans le contexte actuel. Mais, je pense que c'est important que nous le fassions en nous en rendant compte et non pas en lisant ces choses sans voir la signification précise qu'elles ont.

Quatrième observation. Celle-ci est peut-être la plus importante que je veuille faire au sujet du projet de loi. Je suis bien content que le ministre du Travail soit rentré pour écouter ce que j'ai à dire s'il veut bien me faire cet hommage. Ce n'est pas du tout une critique et vous pouvez sortir encore, ce n'est pas moi qui vais m'en formaliser. Une fois, M. le ministre, j'avais été invité à prendre la parole quelque part — je dis toujours à mes collègues de mon parti que c'est pour cette raison que j'ai toujours un bon moral — il y avait exactement une personne et 400 chaises vides. Je me suis dit: Je ne pourrai jamais descendre plus bas; mais, depuis ce temps, cela a toujours augmenté.

Les lois spéciales ne sont pas une chose nouvelle. Cela scandalisait beaucoup nos amis de l'Opposition autrefois. J'ai moi-même commenté ces lois spéciales à combien de reprises quand j'étais dans mon ancienne fonction de journaliste. Je ne me suis jamais scandalisé. Souvent, j'ai dit: Dans telle situation, une intervention spéciale, extraordinaire du Parlement est requise, ne reculons pas si les faits l'exigent. Alors, en principe, il n'y a pas de problème là-dedans. Le Parlement est là pour cela, pour apporter une solution quand d'autres instances reconnues par le système légal du pays n'ont pas été capables de produire des fruits. Mais, les lois spéciales que l'on a adoptées dans le passé prévoyaient d'ordinaire — ici, il y a une différence profonde sur laquelle je souhaite que le ministre nous apporte des explications quand il aura le droit de réplique plus tard dans la journée — deux choses. D'abord, afin d'assurer les travailleurs — qu'on oblige à renoncer à un droit qui leur était donné par la loi — qu'ils ne perdront pas de terrain ou d'avantages, on leur dit: On va incorporer dans la loi des points minimaux sur lesquels il y a déjà eu accord entre les parties. Ces points minimaux peuvent être tirés soit des négociations qui ont eu lieu jusqu'à ce point entre les deux parties, soit encore de documents annexes comme des rapports de conciliation ou des rapports de médiation, on incorpore un minimum dans la loi de manière à assurer que là-dessus, au moins, tout le progrès qui a été fait jusque-là pourra être conservé.

Deuxièmement, sur les points autour desquels il n'y a pas eu d'accord. La plupart des lois spéciales que j'ai examinées — je vous en donnerai de nombreux exemples tantôt — prévoient qu'il y aura un mécanisme spécial permettant de préserver au moins l'esprit d'égalité des deux parties qui était reconnu par la loi jusqu'au moment où la grève a été interrompue de force en raison des exigences de l'intérêt public. On prévoit soit la continuation des négociations jusqu'à une date qui est très souvent fixée dans la loi, soit l'intervention d'une médiation extraordinaire dont le rapport pourra ensuite déboucher sur des mesures imposées par le gouvernement, soit, plus générale- ment, la nomination d'un arbitre à qui on confie le soin de finir l'oeuvre qui n'a pas pu se terminer en négociation.

Je vous donne quelques exemples de ceci, Mme la Présidente, pour qu'on se comprenne encore plus clairement. En 1972, le 21 avril, cette Chambre adoptait la loi 7 assurant la reprise des services dans le secteur public. On disait ceci dans cette loi: Jusqu'à ce que les conditions de travail des salariés aient été établies suivant la loi ou par décret, suivant l'article 10, les salariés ainsi que leurs employeurs sont liés par les conditions de travail prévues aux dernières conventions collectives qui leur étaient applicables. Ensuite, on indique comment on arrivera jusqu'au décret au besoin. (12 h 30)

A l'article 8, on dit qu'il va y avoir une commission parlementaire. Cela est intéressant. Cette commission parlementaire dans le texte de la loi n'est pas astreinte aux limitations dont nous avons entendu parler hier soir. Il n'y a personne qui a décidé qu'elle n'aurait pas le droit d'avoir des opinions. C'est ensuite que le gouvernement se réserve le privilège d'intervenir. C'est l'article 8, M. le ministre, de la loi 7, sanctionnée le 21 avril 1972.

Je vous cite maintenant la loi 38. Je ne les ai pas toutes établies par ordre chronologique, malheureusement, parce que j'ai été obligé de faire cela pendant que je prenais connaissance du projet de loi tantôt. Article 9, de la loi 38 qui ordonnait le retour au travail des enseignants au printemps de 1976. Je pense que tout le monde se le rappelle ici. On avait institué un mécanisme spécial: les commissaires aux différends scolaires. Vous vous rappelez, au début, les commissaires ne devraient avoir qu'une fonction d'enquêteurs, de cueillette des faits.

Un débat s'était érigé dans l'opinion publique. J'y avais participé moi-même. J'avais insisté pour que les commissaires, si on prenait la peine de requérir leur temps et leurs énergies pendant un mois, deux mois ou trois mois, se voient au moins conférer le pouvoir d'avoir des opinions et de les émettre. Finalement, le gouvernement du temps avait fini par concéder qu'ils pourraient faire état de leurs observations sur chacun des sujets qu'ils auraient examinés. Il avait été bien convenu que, si le mot "observations" respectait les soucis d'orthodoxie des théologiens du droit, il impliquait pour les commissaires le droit d'émettre aussi des opinions sous ce titre et c'est ensuite, après avoir été éclairé par toute cette procédure, que l'on pouvait en venir à une conclusion ultime.

Loi 56 ordonnant la reprise des services normaux de la CTCUM, le 27 septembre 1975. Encore ici, on établit des conditions de travail provisoires. On prend les choses au point où elles en sont rendues au moment où le législateur met fin au conflit. On dit que tout cela vaudra jusqu'à ce qu'une sentence arbitrale soit rendue conformément à la section IV. A la section IV, intitulée: Règlement du différend, on dit que le ministre du Travail chargera un conciliateur de rencontrer les représentants des parties. Il aura une certaine pé-

riode, de quinze jours, pour faire son travail; après quoi, si son intervention est infructueuse, le différend sera soumis à un arbitre nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil. "Bill" 29, est-ce que je l'ai donné celui-là? Je pense que c'est intéressant. Vous n'avez peut-être pas eu le temps de faire cette recherche. Ce sera ça de pris. Cela fera partie de nos dossiers. "Bill" 29, c'est la loi concernant... J'ai dit "bill"; je m'excuse, Mme la Présidente, mais le ministre d'Etat au Développement culturel n'est pas ici. Peut-être que mon cas ne sera pas rapporté à la Régie de la langue française.

M. Levesque (Bonaventure): II y a l'immunité parlementaire.

M. Ryan: Je ne sais pas si l'immunité s'applique à la correction linguistique. Dans le projet de loi no 29 concernant les services de santé, sanctionné le 24 juillet 1976, ici j'avoue qu'il faudrait pousser la recherche plus loin. Il est dit ceci à l'article 8: "Les conditions de travail des salariés sont celles fixées par le document no 151 de la session déposé le 23 juillet 1976 sur le bureau du secrétaire de l'Assemblée nationale". C'était sûrement un rapport de conciliation, je ne sais pas trop. Celui-ci, en tout cas, je n'ose pas l'interpréter.

Maintenant, il y a eu plusieurs mesures fédérales au cours des années. C'est bon également. Dans ce secteur-ci, je pense que l'exemple d'un autre niveau de compétence peut-être intéressant également. En 1966, on adoptait à Ottawa la loi 50 relative à la reprise des opérations ferroviaires. A l'article 10 de cette loi, le gouvernement s'engageait à nommer un médiateur qui devait faire rapport dans un certain délai, au plus tard trois mois après l'interruption obligatoire de l'arrêt de travail et si le médiateur ne réussissait pas à produire un accord entre les parties, un accord volontaire, le tout était renvoyé à une commission d'arbitrage nommée par le gouverneur en conseil, etc.

Vous avez la loi 49 qui ordonnait le retour au travail des débardeurs des ports de Montréal, de Trois-Rivières et de Québec. Encore ici, on prévoit l'intervention d'une commission d'enquête chargée d'examiner certaines questions sur lesquelles il n'y a pas eu entente et de faire rapport de ses conclusions au ministre le plus tôt possible. Loi 23, 1er septembre 1972, relative à la reprise et à la poursuite des opérations de débardage dans les ports de l'Ouest du pays.

Encore ici, à la loi 23, article 15, on prévoit la nomination de médiateurs qui auront le mandat que tout le monde peut deviner ici. Une autre, la loi 23, celle-là du 10 octobre 1974, à l'article 7, impose des conditions de travail et il y est question de rémunération. On impose des conditions de travail, tel que convenu par les parties, jusqu'au moment où la négociation a dû prendre fin, de manière obligatoire, à cause de l'intervention législative, et, à l'article 7, on prévoit que toutes les questions qui n'auront pas été réglées devront être soumises à la décision d'un arbitre dont les fonctions et le mode de fonctionnement sont définis à cet article dont je viens de parler, l'article 7.

La loi 32 — une autre loi sur la reprise des travaux dans les ports de la côte ouest — à l'article 13, préconise la même chose: Le ministre du Travail doit nommer un arbitre et lui soumettre toutes les questions, etc.

Je pense que j'en ai assez rappelé; je vous mentionne également pour mémoire la loi 39, sanctionnée le 24 avril 1975, relative aux ports de la province de Québec, vous avez la même chose dans cette loi. Je vous mentionne la loi 57, celle-ci est la seule exception que j'aie trouvée, c'est la Loi prévoyant le maintien des services de contrôle de la circulation aérienne, en août 1977. Vous vous rappelez le conflit qui avait surgi à ce moment, un mélange de questions linguistiques et de questions salariales. Finalement, nous étions en pleine période de contrôle des salaires et le gouvernement a imposé, par la loi, les normes salariales qui étaient prévues par la Commission de lutte à l'inflation. Là, il ne pouvait pas être question de l'intervention d'un médiateur ou d'un arbitre, parce que le plafond au-delà duquel une loi plus générale ne permettait pas d'aller avait déjà été défini par d'autres autorités reconnues par la loi.

Mme la Présidente, ce que je veux signaler ici, c'est que le gouvernement s'éloigne de cette pratique très solidement établie en matière de loi d'exception, pratique qui prévoyait, d'abord, I incorporation dans la loi d'exception de certaines conditions acceptables à tout le monde, en particulier à la partie syndicale et, deuxièmement, un dispositif prévoyant un dernier examen avec l'aide d'une intervention spéciale, soit d'un médiateur, soit d'un arbitre, des questions qui n'ont pas pu faire l'objet d'un règlement. Le gouvernement a dit: On prend le rapport du médiateur, on l'impose intégralement, sans discussion, sans plus.

Je dois souligner, à ce point de vue, que nous avons hier soir une réunion de la commission parlementaire qui avait été convoquée d'urgence par le gouvernement, mais que cete commission n'a pas permis d'éclairer les esprits des députés de l'Opposition officielle en ce qui concerne le contenu du litige; nous avons à peine abordé la frange des questions qui étaient en litige au moment de l'intervention du gouvernement, de cette convocation de la commission parlementaire.

Je ne veux pas porter de jugement sur ce qui est arrivé, ni du côté du gouvernement, ni du côté du syndicat, à ce moment-ci. Comme nous sommes sur le point d'adopter une loi spéciale, ça ne servirait absolument à rien de se livrer à un tel exercice de réthorique ou de prédication.

Ce que je veux souligner, c'est que le gouvernement s'éloigne avec ceci et il s'engage dans une voie plus autoritaire que la plupart des gouvernements qui ont été obligés d'intervenir par loi d'exception ne l'ont fait jusqu'à maintenant. Cela, je vous le souligne avec une inquiétude réelle, M. le ministre, et j'ose espérer que vous allez y penser.

C'est possible d'améliorer votre loi de ce point de vue, mais ce que je crains avec ceci, on en a parlé hier soir à la commission, j'ai trouvé ça intéressant, on l'a dit, il faut faire bien attention, avec une commission parlementaire, qu'elle ne se mette à avoir des opinions sur ces questions, parce que ce serait de nature à compromettre la fonction de médiation dans notre système de relations de travail. Entre parenthèses, je ne suis pas d'accord avec le gouvernement sur ce point, je pense qu'une commission parlementaire peut très bien avoir des opinions, ce n'est pas ça qui va mettre en cause la fonction de médiation. Si la fonction de médiation a été bien faite, elle va résister aux tests qui vont la suivre, il n'y a absolument rien qui la mette en péril à cause de ça, mais je crois que la méthode qu'emploie le gouvernement est de nature à éroder l'essence de la fonction de médiation. (12 h 40)

Cette fonction, évidemment, n'est pas facile à définir, parce qu'elle n'est définie nulle part dans nos lois québécoises du travail. On peut faire chacun les théories qu'on voudra, seuls ceux qui ont un peu d'expérience de ces choses savent ce que cela veut dire réellement, parce qu'il n'y a aucun texte de loi pour nous éclairer. C'est bon qu'il en soit ainsi. Parfois, les mécanismes les plus importants, dans un système délicat comme celui des relations du travail, sont ceux qui ne sont écrits nulle part. Moi, je n'ai absolument rien contre cela. Les trois quarts des choses bien faites dans la vie se font sans qu'il existe de texte pour dire comment elles doivent être faites; c'est un des points sur lesquels nous nous opposons le plus fortement d'ailleurs au gouvernement actuel qui pense qu'il n'y a rien de bon qui peut se faire, à moins qu'on n'ait prévu des règlements pour dire comment cela doit se faire. On en a la preuve avec ces lois en matière de travail, cela ne donne pas de meilleurs résultats. Jamais une négociation à Hydro-Québec n'a duré aussi longtemps et n'a abouti à un résultat aussi pitoyable que celui qu'on a vu depuis quelque temps.

Je dis aux membres du gouvernement: Faites attention, ne faites pas inconsciemment ce que de bonne foi vous ne voulez pas faire consciemment. N'allez pas transformer la fonction de médiation en une fonction d'arbitrage subtil et indirect, en une fonction dont vous allez vous servir pour promouvoir vos fins politiques. La fonction de médiation est une fonction qui doit s'accomplir dans des conditions d'indépendance absolue, d'intégrité absolument inattaquable, il faut absolument la laisser à son niveau propre. Si on n'est pas satisfait de ce mécanisme, qui ne doit pas être obligatoire pour les parties, qui ne doit même pas comporter le genre d'obligations auxquelles le gouvernement fait allusion depuis deux ou trois jours, une obligation d'agir de telle ou telle manière, c'est la responsabilité de la direction chargée de conduire les manoeuvres pour le syndicat.

Vous pouvez compter que le parti que je dirige n'ira jamais s'ingérer dans le fonctionne- ment interne des associations syndicales comme le présent gouvernement l'a fait depuis quelques semaines. Nous leur dirons franchement, dans certains cas, que nous ne pouvons pas accepter que le droit de grève s'exerce, par exemple, dans le domaine des hôpitaux et nous n'irons pas leur dire: On vous donne le droit de grève, mais voici comment vous allez diriger votre patente, voici comment vous allez vous comporter. On va même presque vous mettre dans les mains la question que vous devrez poser à vos gens. On n'ira pas jusque-là, je vous le dis franchement. Je vous dis: Laissez la fonction de médiation à son niveau propre. J'aurais bien apprécié...

Une aute raison pour laquelle j'insiste sur ce point est la suivante: les deux parties, aidées par des conciliateurs et de médiateurs, arrivent à un constat d'impuissance illustrée par une grève désastreuse, aux effets catastrophiques. Il me semble qu'il n'appartient pas au gouvernement de se transformer tout à coup en juge et en arbitre pour dire à l'une d'elles: Toi, tu as mal agi, maintenant, tu vas passer par telle voie, tu vas entrer par telle porte et tu vas sortir par telle autre porte. Il me semble que le rôle du gouvernement, surtout qu'il est impliqué comme partie prenante dans le litige — il faut arrêter de se faire des illusions — devrait être d'adopter une loi qui va obliger ces gens à revenir au travail, très bien, mais qui va les faire revenir au travail dans des conditions de dignité, pas dans des conditions où la partie patronale se transforme soudainement en partie législative en disant: La voici, la solution, rentre au travail, ferme ta boîte, c'est fini, cette affaire-là, tu reviendras dans trois ans, en janvier 1983, pour la prochaine étape, pas d'autre chose!

Une Voix: Janvier 1982.

M. Ryan: Cela finit en décembre 1982. Une Voix: C'est cela, janvier 1983.

M. Ryan: La loi prévoit six mois d'avance, mais nous savons tous que c'est une immense farce, cette affaire-là. A l'expérience des négociations, vous savez bien que tant que le contrat n'est pas terminé, les parties ne mettront pas leurs cartes véritables sur la table, vous allez l'apprendre avec l'expérience, messieurs! Il va y avoir bien du "parlage". Les vraies négociations commencent quand la situation est chaude. C'est dommage, mais c'est un fait.

Alors, il vous le dit ici, il y a un risque de glissement dangereux; nous allons nous concerter — nous n'avons même pas eu le temps de le faire entre nous, du côté de l'Opposition officielle — et il se pourrait fort bien que nous ayons certains amendements à vos proposer à ce sujet.

Je note également que l'on prévoit, dans le projet de loi no 88, des sanctions joliment plus sévères que dans le cas de la loi 62. On est revenu au régime des sanctions qui avait été institué en novembre 1972, ironie du sort! On appelait cela la matraque dans le temps. Des amendes de $5000 à $50 000, je ne sais pas si c'est par jour... Pardon?

M. Johnson: Oui, par jour.

M. Ryan: Pour les associations, par jour. Dans le temps, on avait traité le gouvernement de barbare, de matraqueur et de tout ce que je veux. C'est peut-être un défaut de temps qui a fait qu'on a copié d'autres lois sans même se rendre compte de ce qu'elles contenaient. On laissera le ministre... d'ailleurs, il a été très discret là-dessus tantôt, pas un mot.

Voici la question que je pose au gouvernement. Quand vous avez présenté le projet de loi no 62, vous marchiez avec des pattes de velours; vous avez dit que vous ne vouliez même pas mentionner de montant dans la loi par une pudeur qui était probablement le reflet de leurs origines encore très récentes. On ne voulait pas mentionner de montant d'amende, rien; on a dit: Ce qui est prévu dans le Code du travail. Vous vous rappelez combien cela nous a pris de temps à trouver le bon article, entre parenthèses.

Cette fois-ci, on y va carrément, de $5000 à $50 000 par jour. Est-ce qu'il y a deux sortes d'associations syndicales au Québec, celles qui font plaisir au gouvernement, celles dont on peut encore compter qu'elles donneront leur appui politique, et les autres dont on a conclu qu'elles ne valent plus rien et qu'il faut passer à la matraque? Nous aimerions bien que le même traitement soit appliqué à tout le monde et qu'on ne commence pas à ériger des distinctions entre les associations sur lesquelles, apparemment, on a déjà adopté des jugements ou des conclusions sévères et les autres avec lesquelles on était prêt à faire preuve de mansuétude. Ce doit être la même discipline partout. Je vous le souligne. J'espère qu'au stade de l'étude article par article on pourra apporter des améliorations à cela.

Je conclus en soulignant que l'approche générale du gouvernement... j'ai écouté les trois ministres parler, hier soir: le ministre de l'Energie et des Ressources, le ministre des Finances et le ministre du Travail, trois ministres parmi les plus brillants du gouvernement actuel; j'apprécie l'intelligence de chacun, pas toujours leur caractère, mais l'intelligence est là. Je les écoutais hier soir — le ministre du Travail en particulier — je vous dirai franchement, je n'ai pas entendu un ministre du Travail parler à des dirigeants syndicaux comme j'ai entendu le ministre du Travail le faire hier soir. J'ai trouvé qu'il parlait avec — je m'excuse d'employer l'expression parce que c'est un bon ami pour moi — une arrogance, une suffisance qui n'était sûrement pas de mise dans une telle situation.

J'ai l'impression que, s'il y a un moment où le gouvernement, surtout à titre de partie prenante, au moins indirecte, doit s'abstenir de formuler des jugements moraux; qu'il présente sa solution, qu'il la justifie objectivement, qu'il la définisse de manière dure s'il le juge nécessaire. C'est sa prérogative. Mais il me semble que surtout pour le ministre du Travail, ce n'est pas le moment de faire des leçons aux gens quand on les amène à témoigner dans des conditions qui, d'ailleurs, prêtaient beaucoup à discussion.

J'écoutais l'exposé du ministre tantôt, il y a beaucoup de cela aussi: S'ils avaient agi comme il faut, s'ils avaient accepté de négocier. Nulle part, dans nos lois, il n'y a de disposition qui donne au ministre du Travail le droit de s'ériger en juge moral sur la façon dont les parties ont procédé en négociation. Si elles ont respecté la loi et se sont prévalues de prérogatives que leur reconnaît la loi, à ce moment-là, on peut porter un jugement sur le résultat, on peut décider d'intervenir pour corriger des situations, mais on ne vient pas porter un jugement. Il y a des éditorialistes pour faire cela. Il y a toutes sortes de gens qui ne font que cela, d'ailleurs, porter des jugements moraux dans des choses comme celles-là. Je trouve qu'on devrait rester à un degré de saine technicité un peu plus élevé et je déplore que, dans l'approche du gouvernement, il y ait un peu de ceci. Je préviens la partie syndicale. Je n'ai jamais courtisé la partie syndicale et je ne commencerai pas aujourd'hui, Mme la Présidente. Je n'irai pas passer d'entente avec personne de ce côté-là hypothéquant le rôle de l'Etat pour des années à venir, mais je veux les assurer d'une chose: ce qui leur sera reconnu dans les lois, on va leur permettre de l'exercer sans porter de jugements moraux en se servant de la tribune du gouvernement pour le faire. Si les lois ne sont pas bonnes, on les modifiera honnêtement. On proposera d'autres dispositions objectives. Il me semble que c'est la manière dont nous devons procéder.

Je termine, encore une fois, là-dessus, Mme la Présidente. Je me réjouis à la pensée que les possibilités de reprise intégrale des services d'électricité au Québec soient peut-être maintenant une question d'heures. J'insiste énormément sur la gravité du geste qu'une fois de plus nous sommes appelés à poser dans cette Chambre. Je comprends qu'il est très difficile pour la partie syndicale de se soumettre à une directive comme celle qui lui sera vraisemblablement donnée au-joud'hui par l'Assemblée nationale, mais j'ose espérer que la partie syndicale acceptera cette opinion qui émane de la volonté de représentants démocratiquement et légitimement élus par l'ensemble des citoyens, c'est-à-dire par le peuple souverain, pour parler au nom de tous et pas seulement au nom d'un groupe particulier. (12 h 50)

Si des améliorations doivent être recherchées dans le texte actuel de la loi et que la partie syndicale ait des représentations à faire, je pense que nous serons intéressés à l'entendre, sinon officiellement, du moins dans les corridors ou dans nos bureaux. S'il y a des choses qui peuvent être faites pour que justice soit assurée, c'est très bien. Mais je pense que le principe sur lequel est fondée l'intervention législative d'aujourd'hui ne souffre pas d'exceptions. Il doit entraîner le respect de la loi qui le traduit. Je veux assurer le gouvernement et nos concitoyens que l'Opposition officielle n'a d'autre souci dans cette question

que de faire en sorte, constructivement, positivement, que les citoyens aient accès le plus vite possible, sans exception, partout à travers le Québec aux services essentiels auxquels ils ont un droit inaliénable.

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Mme la Présidente, étant donné l'heure, je ne sais pas si les parlementaire donneraient leur consentement pour que nous suspendions le débat afin de le reprendre à 15 heures.

La Vice-Présidente: Cela me prendrait un consentement unanime parce que la motion comme telle disait que nous ne devions pas suspendre jusqu'à l'adoption de la loi 88.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Mme la Présidente, plutôt que de nous aventurer dans une voie qui compromettrait les travaux de la Chambre — hier soir, nous avons eu un petit problème à cause de cela — voudriez-vous, Mme la Présidente, simplement nous permettre de suspendre une minute pour nous informer auprès du leader parlementaire du gouvernement qui pourra donner aux membres les avis concernant la reprise des travaux, jusqu'à quel moment on suspend, etc. Je pense que ce serait préférable de ne pas nous aventurer dans une voie dont j'ignore les conséquences. Je préférerais prendre 30 secondes, Mme la Présidente...

Une Voix: ...

M. Bertrand: Très bien, je viens d'obtenir l'information. Suspension de nos travaux, Mme la Présidente, jusqu'à 15 heures. Nous reprendrons avec le discours du représentant de l'Union Nationale.

La Vice-Présidente: Après vérification avec la motion comme telle, nous suspendons les travaux de cette Assemblée jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 12 h 53

Reprise de la séance à 15 h 8

Le Vice-Président: Veuillez vous asseoir! M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais, au début de mon intervention, faire un bref rappel des circonstances qui nous ont amenés à la présentation de cette loi spéciale ce matin par le gouvernement.

Hier, en commission parlementaire, les représentants d'Hydro-Québec ont eu l'occasion de nous faire part de l'état de la situation au moment où nous nous parlions, c'est-à-dire vers minuit hier soir ou ce matin. Les représentants d'Hydro-Québec nous disaient que, dans une ou deux semaines, ils auront à faire face à la demande maximale, c'est-à-dire la période de pointe de l'année, et qu'ils ne prétendaient pas, dans la situation actuelle, être en mesure de faire face à cette demande considérable d'électricité à cette période de l'année.

On nous informait également que le compensateur statique situé près de Québec avait été endommagé et n'avait été réparé qu'en partie. On nous informait aussi que la ligne de 735 volts entre la Manic et Québec est brisée et que le syndicat refuse de la réparer. Cependant, elle fut remise en service de façon artisanale par les cadres d'Hydro-Québec. On nous informait également que la ligne de 240 volts entre la Baie James et Montréal est endommagée et a été réparée de façon artisanale. (15 h 10)

De plus, si la ligne de 735 volts dont je vous ai parlé tout à l'heure devait se briser, il y aurait 240 000 abonnés qui seraient touchés de façon rotative à cause du délestage. M. le Président, c'est en ce qui concerne le réseau de transport d'énergie. Quant au réseau de distribution, on nous a fait part du bilan de la journée d'hier, soit le 17 décembre 1979. Il y avait 324 pannes qui touchaient 16 000 abonnés, ce qui représente à peu près 50 000 personnes; 50 000 citoyens du Québec étaient touchés par les 324 pannes. Il y avait 156 pannes qui touchaient 1600 abonnés; elles duraient depuis deux jours et plus. 24 pannes touchaient 144 000 abonnés; elles duraient trois jours et plus. 9 pannes touchant 33 abonnés duraient depuis plus de quatre jours. Plusieurs cas où Hydro-Québec ne peut rien faire depuis la fin de novembre. On nous informe que 200 pannes par jour, c'est normal à cette période-ci de l'année, mais que c'est le temps d'intervention qui n'est pas normal puisqu'on prend plus de 24 heures à les réparer. Actuellement, une panne qui doit prendre deux à trois jours habituellement peut en prendre trois ou quatre fois plus. On traverse la période durant laquelle il faut faire le plus de réparations aux lignes. Hydro-Québec terminait en disant que le réseau est en train de se détériorer et que la situation est des plus précaires.

De plus, on nous informait également que les nouveaux abonnés qui voulaient se joindre au réseau, c'est-à-dire, les nouvelles résidences ou les nouveaux commerces, les nouvelles industries ne pouvaient être "connectés", comme on dit. M. le Président, ce bilan qui nous a été présenté par Hydro-Québec a fait en sorte que les citoyens du Québec vivent des heures troublantes et également des expériences parfois pénibles à certains endroits. J'ai moi-même expérimenté, dans mon propre comté, entre autres, une panne qui a duré plus de six jours. Les citoyens ont été obligés d'exercer des moyens de pression plus qu'ordinaires afin de pouvoir rétablir les services d'Hydro-Québec. Ce sont des faits qui nous ont été founis

par les personnes responsables. Je pense que, maintenant, la situation a assez duré.

Nous faisons face, à notre avis, à un manque de responsabilité chez les 60 chefs syndicaux des trois syndicats en présence. Je ne parle pas des syndiqués; je parle des chefs syndicaux qui sont à la tête de ces trois syndicats. Ces personnes se sont toujours refusées à soumettre le rapport des médiateurs à leurs membres. Ce sont là un des faits qui nous permettent de dire que ces personnes ont manqué de responsabilité. Je suis bien conscient qu'en prononçant ces paroles je ne fais pas plaisir aux 60 chefs syndicaux qui étaient ici ce matin ou qui sont peut-être encore dans les galeries actuellement. Je pense qu'en tant que citoyens responsables nous ne sommes pas ici pour faire plaisir aux chefs syndicaux; nous sommes ici pour rendre un service à la population. Le service que nous pouvons rendre à la population est celui de rétablir les services d'Hydro-Québec.

D'ailleurs, je ne suis pas sûr que nous ne rendons pas également service aux employés d'Hydro-Québec ou aux syndiqués eux-mêmes qui n'ont pas eu l'occasion de se prononcer sur le rapport des médiateurs. Je dis que les chefs syndicaux manquent de responsabilité également parce qu'ils ont demandé d'avoir une commission parlementaire qui serait assortie d'un moratoire, c'est-à-dire qu'ils cesseraient immédiatement la grève, lorsque la commission parlementaire leur serait accordée, jusqu'à ce qu'ils soient entendus à la commission parlementaire.

Or, je veux bien admettre que la convocation n'était pas claire, que l'interprétation qui a été faite du mandat était plus ou moins confuse et restrictive. Je veux bien croire également — là, j'adresse un blâme aux ministres du gouvernement — que les ministres ne se sont pas parlé avant d'aller en commission parlementaire. Ils ont manqué de communication entre eux parce qu'ils ne savaient pas trop trop sur quoi la commission parlementaire était convoquée.

M. Goulet: Cela coûte assez cher!

M. Fontaine: Cela, on va l'admettre. Il faudrait également être conscient qu'à un moment donné des discussions à la commission parlementaire d'hier soir, tous ont convenu qu'on pouvait entendre les chefs syndicaux sur les points sur lesquels il n'y avait pas eu d'entente à la suite du rapport de médiation. Les chefs syndicaux nous ont dit que les syndiqués poursuivent certains objectifs à atteindre et que ces objectifs n'ont pas été définis. Cependant, lorsqu'on a demandé aux chefs syndicaux qui représentaient les syndiqués à la table de nous expliquer quels étaient ces points sur lesquels ils n'ont pas atteint leurs objectifs, ils n'ont pas été en mesure de nous expliquer ces points ou ont demandé de retarder à plus tard la commission parlementaire.

Malgré le fait que M. Morrisseau, la personne responsable du dossier hier à la commission parlementaire, ait répété à quelques reprises qu'il était prêt à accorder le moratoire, si une commis- sion parlementaire lui était accordée, il s'est retiré avec son comité et a délibéré; il est revenu devant la commission parlementaire pour nous dire ceci: M. Morrisseau déclare être prêt à venir témoigner devant la commission, mais refuse le moratoire.

Devant ce manque de responsabilité des chefs syndicaux, je pense que les parlementaires n'ont d'autre choix que de procéder à l'adoption de cette loi spéciale qui nous est présentée par le gouvernement. Il devient de plus en plus évident qu'on ne peut plus se fier aux chefs syndicaux dans l'établissement des services essentiels. J'ai eu l'occasion de le dire, mes collègues de l'Union Nationale ont eu l'occasion de le dire et le premier ministre lui-même l'a affirmé dans cette Chambre il y a quelques jours, nous ne pouvons plus nous fier aux chefs syndicaux pour l'établissement des services essentiels. Le premier ministre l'a reconnu et je pense bien que toute l'Assemblée nationale et toute la population du Québec le reconnaissent également en même temps que nous. C'est une erreur que le gouvernement doit s'engager à corriger dans les plus brefs délais, que les services essentiels ne soient plus jamais établis par les chefs syndicaux dans l'application de quelque convention collective que ce soit. (15 h 20)

Plus que cela, l'Union Nationale croit que le droit de grève dans ce secteur d'activité doit être retiré. Le gouvernement est lui-même en train d'en faire la preuve. On en est maintenant à notre deuxième loi spéciale en l'espace de quelques semaines afin de restreindre ce droit de grève et même, ici, de l'enlever complètement. J'espère que certains députés syndicalistes, de l'autre côté, auront l'occasion de se lever et de donner leur point de vue à ce sujet parce que ce sont eux qui font partie de ce gouvernement, qui nous ont crié l'autre jour, lors de l'adoption de la loi 62, qu'il fallait toujours laisser aux syndiqués l'occasion d'appliquer leur droit de grève dans ce secteur névralgique de nos activités économiques.

Ce dont les citoyens du Québec ont besoin, c'est d'une loi-cadre en ce domaine qui remplace le droit de grève par la négociation permanente et l'application forcée des conventions collectives par voie d'arbitrage obligatoire. C'est ce que l'Union Nationale a demandé depuis au-delà d'un an, si ce n'est plus. C'est ce à quoi tous les parlementaires de l'Assemblée nationale se sont engagés, à la suite d'une motion qui a été présentée par le chef de l'Union Nationale en date du 31 octobre de cette année.

Cette motion se lisait ainsi: Que cette Assemblée est d'avis que la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre soit convoquée afin d'étudier l'opportunité de remplacer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic par une formule de négociation permanente comprenant l'arbitrage obligatoire pour le règlement des clauses normatives et l'élaboration d'une politique salariale basée sur la moyenne payée dans le secteur privé.

Cette motion a été adoptée par les parlementaires de l'Assemblée nationale presque à l'unani-

mité: 66 ont voté pour, personne n'a voté contre et il y a eu trois abstentions du côté ministériel. Je fais un appel particulier au député de Sainte-Marie qui, à ce moment-là, je pense, s'était abstenu sur cette motion et qui, au cours du débat sur la loi 62, s'est également abstenu de voter.

Une Voix: II a voté contre.

M. Fontaine: Je m'excuse. Il a voté contre. C'est encore pire. Le député de Sainte-Marie avait voté contre cette loi et nous disait: Ce n'est pas le temps de remplacer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic. J'aimerais bien, M. le Président, que le député de Sainte-Marie, qui lançait cela, nous dise aujourd'hui s'il est d'accord avec son gouvernement qui doit, encore une fois, en venir à l'évidence même que le droit de grève dans les secteurs public et parapublic et surtout ici à Hydro-Québec est une chose dépassée, qu'il faut remplacer par la négociation permanente et l'arbitrage obligatoire.

M. le Président, que le député de Sainte-Marie se lève aujourd'hui et qu'il donne son point de vue face à son gouvernement qui, en fin de compte, applique à la lettre, par tranches de salami, ce que l'Opposition lui dicte au jour le jour.

A cause de l'état de pourrissement de ce dossier, il y a longtemps que le gouvernement aurait dû agir. Nous lui avons dit en cette Chambre. Nous avons essayé de forcer le gouvernement à agir par des questions que nous avons posées en Chambre presque tous les jours de session depuis le début de cette grève. Nous l'avons fait également par des tentatives de motions privilégiées que nous avons déposées, des motions d'urgence que nous avons déposées à votre bureau, M. le Président, pour obtenir la tenue d'une discussion honnête sur ce dossier à l'Assemblée nationale. Chaque fois, ces motions ont été rejetées. Mais il faut bien se rendre à l'évidence qu'aujourd'hui, le gouvernement est obligé d'accepter de présenter un projet de loi que nous lui réclamions depuis déjà quelques jours.

Le gouvernement du Parti québécois attend toujours d'être acculé au mur, il attend que les citoyens souffrent injustement des situations qui lui sont causées, des dommages qui lui sont causés par son inefficacité et son manque de responsabilité, pour intervenir plus rapidement dans les dossiers afin que la population ne souffre pas inutilement. C'est irresponsable de la part du gouvernement d'avoir laissé aux syndicats le pouvoir de déterminer unilatéralement les services essentiels d'Hydro-Québec.

M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de le dire et je le répète aujourd'hui: Hydro-Québec en soi est un service essentiel au Québec. Il n'y a pas de services essentiels à Hydro-Québec. Il n'y a qu'un service essentiel: c'est la fourniture d'électricité, M. le Président, à Hydro-Québec.

M. le Président, le gouvernement, face à ce dossier, a été tout à fait incohérent et irresponsable en maintenant le droit de grève à Hydro-Québec. Mais, pour l'instant, malgré les critiques que nous avons à formuler vis-à-vis du gouvernement, il y a un problème urgent à régler et nous allons concourir avec le gouvernement afin de régler cette situation de la façon la plus décente possible.

Je terminerai en vous faisant rapport d'une situation que j'ai vécue personnellement dans mon comté, alors que 40 familles manquaient d'électricité depuis six jours. Je suis allé passer une journée avec ces familles et, à un moment donné, un des pères de famille qui étaient là a communiqué avec un des chefs syndicaux responsables de notre région pour lui demander quand il viendrait rétablir le service d'électricité. Le syndiqué en question lui a répondu: Ton sapin de Noël ne sera pas illuminé cette année à Noël. Je suis heureux de constater que le gouvernement, avec la collaboration de l'Opposition, fera en sorte que tous les citoyens du Québec puissent, à Noël, avoir un sapin qui sera illuminé.

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais faire quelques commentaires sur le fond de la question qui nous occupe, c'est-à-dire sur les conditions de travail qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas suffisamment attiré l'attention de cette Assemblée. Je pense qu'il est important, en effet, qu'on se rende compte de l'état du dossier quant aux conditions de travail des employés d'Hydro-Québec et du genre de dilemme dans lequel le syndicat nous place depuis quelques heures.

A nos amis de l'Opposition qui disent: Vous avez pris bien du temps pou vous décider, je rappellerai ceci: Bien sûr, le droit de grève, en vertu des lois que nous avons, est un droit dont disposent les employés d'Hydro-Québec, que le Code du travail est appliqué, qu'en cas de conflit, une série d'étapes doivent être franchies. Ces étapes ont été franchies, M. le Président. Il y a eu une conciliation, on le sait, qui, dans un premier temps, n'a pas donné grand-chose et qui, dans un deuxième temps, a amené un rapprochement important entre les deux parties, les deux parties ayant d'ailleurs bougé. (15 h 30)

Lorsqu'on s'est rendu compte qu'on ne pouvait guère aller plus loin, on a passé à une chose qu'on connaît bien dans notre système de négociation, c'est-à-dire la médiation. La médiation a amené, comme on le sait, un rapport. Il est coutumier que ce rapport soit mis au vote. C'est à partir de ce moment, c'est-à-dire dans les quelques derniers jours, que la situation se gâte. D'abord, le syndicat refuse de mettre au vote le rapport des médiateurs. D'autre part, après avoir demandé une commission parlementaire en assurant que, dans ces conditions, il rentrerait au travail, qu'il y aurait une sorte de moratoire, la commission parlementaire lui est accordée et il n'entre pas au travail.

A la commission parlementaire que nous avons connue hier soir, la question fondamentale, au fond, était la suivante: Pourquoi refusez-vous le

rapport du médiateur? A travers les aléas procéduriers de la commission d'hier soir, il faut bien dire — je pense que nous l'avons tous constaté, quels que soient les partis politiques dans cette Assemblée — qu'il est extrêmement difficile de savoir pourquoi, spécifiquement, le syndicat avait refusé le rapport du médiateur. Il est apparu clairement d'autre part que ce que le syndicat demandait, c'était une commission parlementaire qui irait au-delà de ce que les médiateurs avaient proposé et qu'il utilisait la commission parlementaire pour en avoir un peu plus. Cela nous amène donc, qu'on le veuille ou non, à examiner le fond du débat.

Le fond du débat se présente, je pense, comme ceci: Quand on regarde ce qui est acquis par le syndicat et ce qu'il demande, on peut se poser sérieusement la question de savoir si cela justifie une grève de cette ampleur, de cette durée et de ce caractère dramatique en plein hiver. Si on examine des choses comme, par exemple, ce qui peut séparer les clauses d'indexation de part et d'autre ou les augmentations régulières de salaire, les écarts ne sont pas à ce point grands pour le syndicat pour justifier les démarches ou l'action qu'il a entreprises.

Pour le gouvernement, bien sûr, cela pose des problèmes parce que même des écarts relativement petits représentent, à l'intérieur de l'ensemble des secteurs public et parapublic, des sommes énormes. J'ai eu l'occasion d'en faire état dans cette Chambre. Je rappelle ici que 1% d'augmentation de la masse salariale dans les secteurs public et parapublic, c'est $65 millions. Pour donner un exemple que j'ai souvent servi, M. le Président, $65 millions, c'est l'exemption de la taxe de vente sur les chaussures indéfiniment au Québec. C'est 1% de la masse salariale dans les secteurs public et parapublic. Donc, nous ne pouvons pas, nous, considérer que 1% c'est insignifiant. Ce n'est pas insignifiant. Cela touche le public dans son ensemble. Le problème consiste à savoir, cependant, si vraiment on doit s'engager dans des grèves générales de services publics essentiels en plein hiver pour, comment dire, des situations que j'aimerais expliquer.

Prenons le cas, M. le Président, des techniciens d'Hydro-Québec. A l'heure actuelle, les techniciens des classes A et B ont un maximum d'échelle — quand je dis actuellement, je veux dire au 31 décembre 1978, il y a presque un an. Leur salaire au maximum de l'échelle était de $25 700 et pour les techniciens de la classe C, $30 500. Le rapport des médiateurs donnerait, à la fin de la convention collective que nous établissons par loi aujourd'hui, aux techniciens des classes A et B, $35 246 au maximum de leur classe et aux techniciens classe C, $41 810. Voilà. Le problème, M. le Président, consiste en ceci: Est-ce que des gens dont le maximum des échelles de salaires va se situer entre $35 000 et $41 000 peuvent valablement prendre le risque d'arrêter complètement les services publics ou de la fourniture de courant à des gens qui, dans la plupart des cas, gagnent infiniment moins qu'eux? Est-ce qu'on faire en sorte que des gens restent deux ou trois jours sans électricité pour qu'on puisse déterminer si quelqu'un, au lieu d'avoir $41 000, aura $42 000?

Il ne faut pas se faire d'illusions, nous en sommes rendus ici à un conflit de valeurs dans notre société où on a perdu la perspective du sens commun. Que des gens exploités par leurs employeurs et crevant de faim recourent à des moyens extra-ordinairement sérieux d'action, cela se comprenait à une certaine époque. Mais que maintenant on condamne en plein hiver des gens à deux, trois, quatre jours sans électricité parce qu'au lieu de $41 000, on voudrait avoir $42 000, on passe les bornes du sens commun.

On a l'impression d'une société, M. le Président, qui, à certains égards, a perdu la tête. Il est trop facile, à cet égard, de désigner certains boucs émissaires. Je pense que le mal est bien plus profond qu'on pense. Il y a des gens qui ont complètement perdu le sens des valeurs d'une vie en société à peu près civilisée. On me dira: II n'y a pas que des techniciens à $41 000. Non, bien sûr, qu'il n'y a pas que des techniciens à $41 000.

Prenons le cas, par exemple, d'une autre catégorie d'employés d'Hydro-Québec, mais alors beaucoup moins bien payée, celle des commis dactylos. Les commis dactylos à Hydro-Québec, à la fin de 1978, avaient au maximum de leur échelle $13 000. Comment cela se compare-t-il au secteur privé syndiqué? Nous disposons, de juillet à juin 1979, de données dans le secteur privé syndiqué, qui nous indiquent qu'en moyenne le commis-dactylo est autour de $10 100. Donc, à HydroQuébec, ce serait $3000 de plus. Mais examinons cela par rapport au front commun; donc le reste des secteurs public et parapublic, c'était à peu près le même niveau, $10 100. C'est-à-dire qu'à Hydro-Québec l'avance prise au cours des années antérieures amenait cette société largement, même pour des emplois comme ceux-là, en avance, non seulement du secteur privé syndiqué, mais du front commun lui-même. Le front commun n est pas considéré comme un syndicat de boutique, que je sache.

C'est-à-dire que nous sommes en face d'un groupe de gens qui, catégorie par catégorie d'emploi, sont remarquablement payés dans la société, qui ont eu, l'an dernier — à la suite du règlement négocié ou imposé par l'ex-ministre des Richesses naturelles du gouvernement libéral, de nos amis d'en face, M. Cournoyer, en 1978 — 15% d'augmentation tous ensemble, en additionnant chaque augmentation qu'ils ont eue dans le courant de l'année, et qui, devant les offres du médiateur disent: Non, nous voulons pour 1979 12% d'augmentation. Ce sont des coefficients d'enrichissement qui n'existent pas dans notre société.

Ce qui, à l'heure actuelle, est demandé comme ajustement par rapport au rapport des médiateurs par le syndicat d'Hydro-Québec, représente un pourcentage d'enrichissement que nous n'avons jamais voulu consentir aux fonctionnaires pendant des mois, parce qu'il n'est pas là dans notre société, cet enrichissement, que nous n'avons pas consenti au front commun, parce qu'il

n'est pas là cet enrichissement. Le syndicat d'Hy-dro-Québec dit: Nous voulons un coefficient d'enrichissement pour 1979 qui dépasse, en fait, ce que vous avez refusé partout. Je ne dis pas qu'au cours des 15 jours ou trois semaines, on n'a pas eu l'espoir, à un moment donné, d'un rapprochement. Il est évident que nous sommes ici en face d'une stratégie syndicale qui, au fond, est probablement la suivante: Maintenant que le gouvernement a réglé avec à peu près 200 000 personnes sur 300 000 dans les secteurs public et parapublic, nous, du syndicat d'Hydro-Québec, allons chercher à traverser ce qui a été obtenu. J'en donnerai d'autres exemples que j'ai donnés hier en commission parlementaire, en dépit de certains obstacles que vous comprendrez facilement et que je déplore, bien que je m'y sois rangé. (15 h 40)

Sur le plan des heures de travail pleinement compensées en termes de salaire, le syndicat d'Hydro-Québec a commencé par demander que tous les ouvriers passent de 40 heures à 36 heures, que tous les techniciens passent de 35 heures à 32 heures, que tous les employés de bureau passent de 35 heures à 31 1/2 heures. Où, dans les secteurs public et parapublic, y a-t-il, à l'heure actuelle, des employés de métier, des ouvriers qui travaillent 36 heures? Il n'y en a pas, ils sont à 38 3/4 heures et 40 heures et à la suite de nos négociations, à l'heure actuelle, tout le monde à peu près va être aligné sur 38 3/4 pleinement compensées en termes de salaire, encore une fois.

Où y a-t-il des techniciens qui travaillent 32 heures? Il n'y en a pas. Je n'ai pas besoin de vous dire que nos employés de bureau font 35 heures et non pas 31 1/2 heures, tel que demandé par le syndicat d'Hydro-Québec. Ils sont revenus sur deux de leurs demandes. Ils ont renoncé aux demandes pour les employés de bureau et les techniciens, mais ils ont gardé leurs demandes pour les hommes de métier en disant: En somme, le gouvernement, dans l'ensemble des secteurs public et parapublic, c'est-à-dire pour à peu près 300 000 personnes, et les employés à 38 3/4 heures; nous allons faire une grève de trois semaines, un mois, un mois et demi, s'il le faut, en plein hiver pour que nous ayons 36 heures. Percée syndicale! Mais est-ce que les gens doivent geler dans leur maison pour cela? On peut se poser sérieusement la question.

Deuxième exemple. Je suis content, ce soir, de voir qu'il 'y a pas de question de règlement qui s'applique à moi pour m'empêcher de discuter de ces questions. Les repas du midi, c'est quelque chose de tout petit. On s'entend bien, c'est beaucoup moins important que les heures de travail, mais c'est quand même pour indiquer, parmi les quelques points qui ont été soulevés, où nous en sommes. Les repas du midi: Le syndicat demande $5.50 par repas pour les gens qui travaillent en surtemps. Dans les secteurs public et parapublic, on a cela d'une façon assez générale; donc, on dit: Oui, ça va, c'est normal. Mais il demande aussi $5.50 pour les gens qui, le midi, ne reviennent pas à une cafétéria d'Hydro-Québec ou à leur quartier général, une chose que, dans les secteurs public et parapublic, on n'offre pas, une chose que dans le secteur privé on n'offre pas non plus, généralement. Ce n'est pas inscrit dans le Nouveau Testament que quelqu'un doit nécessairement être, entre midi et midi et demi, dans le voisinage, à quelques centaines de pieds, d'une cafétéria d'Hydro-Québec. Les gens qui travaillent pour la voirie, au gouvernement de Québec, partent avec leur boîte à lunch comme tout le monde.

Des allocations comme cela, on n'en a jamais payé, mais on va faire une grève là-dessus parce que ce serait une grande percée syndicale. Cela permettrait de dire: Le gouvernement a négocié avec le front commun qui n'a pas obtenu cela, mais nous, on va l'obtenir. On va l'obtenir, mais dans quelles circonstances? On va l'obtenir dans des circonstances que j'aurais souhaité connaître, je dois le dire, hier, quand nous étions en commission parlementaire. A 14 h 2, cet après-midi, sur Telbec nous est arrivée une déclaration d'Hydro-Québec dont je lirai certains paragraphes et qui vous indiquera jusqu'où on est prêt à aller pour des raisons d'ordre stratégique entre des gens qui sont parmi les mieux payés de notre société. Je cite ici le Telbec publié par HydroQuébec à 14 h 2, donc il y a une heure et demie, M. le Président.

Le lundi 17 décembre, donc hier, à 8 h 25, Hydro-Québec recevait un avis officiel des dirigeants syndicaux à l'effet que les services essentiels seraient désormais limités aux priorités 1 et 2, à savoir a) les hôpitaux, b) les postes de police et pompiers, les stations de pompage, les aérogares, les maisons pour personnes âgées, les prisons, les usines de filtration. Je dois reconnaître que c'est remarquable; les prisons seront chauffées, les particuliers, non!

Le syndicat n'avait pas précisé la durée de cette nouvelle politique. Vers 14 h 20, le lundi 17 décembre — donc hier, au moment où nous discutions de la convocation d'une commission parlementaire, soit quelques heures à peine après avoir pris la position énoncée ci-dessus — les syndiqués responsables des services essentiels ont semblé se raviser et ont pris note des pannes référées par la direction des opérations d'Hydro-Québec. Ce n'est cependant qu'à 18 h 30, après qu'on a convoqué la commission parlementaire, qu'une première équipe réparait une seule panne affectant 187 abonnés depuis samedi, 21 heures.

Plus tard, dans la nuit, une autre équipe prenait la relève et réparait quatre pannes redonnant du service à 73 abonnés domiciliaires. Avec 7142 abonnés privés d'électricité à Montréal, c'est une quarantaine d'équipes qu'il faudrait pour rétablir le service dans un intervalle de huit heures. Je rappelle que, la nuit dernière, à Montréal, la température est tombée à moins 21 degrés.

Donc, c'est dans cette optique que l'on peut avoir, de jour en jour, sur la fourniture du courant électrique et la réparation des pannes, des fluctuations et des aléas de cet ordre pour avoir à déterminer si un technicien de classe C aura, en

1982, $41 000 ou $42 000. Il est normal qu'à un moment donné et en dépit de tout le respect que l'on doit avoir pour les droits des travailleurs, un gouvernement doive se poser sérieusement la question de savoir si on ne perd pas de vue le bon sens élémentaire et l'intérêt public.

Le chef de l'Opposition officielle se posait la question de savoir, ce matin, dans le discours qu'il a fait en cette Chambre, pourquoi une telle différence entre le projet de loi no 62, qui s'appliquait au front commun, et littéralement l'ordre de retour au travail et la fixation de conditions de travail au niveau du rapport du médiateur que nous présentons aujourd'hui. Mais il y a une différence fondamentale, M. le Président. C'est qu'au moment où nous avons adopté la loi 62, nous l'avons fait pour empêcher une grève générale dans les hôpitaux et dans les écoles alors que les négociations allaient bon train et étaient loin d'être terminées. Le fait est qu'on a probablement eu raison de faire cela parce que, dans la semaine qui a suivi, des ententes sont intervenues qui, à l'heure actuelle, s'appliquent — encore une fois, comme je le disais tout à l'heure — à pas loin des deux tiers de tout le secteur public et parapublic.

Au fond, les syndicats du front commun cherchaient à pousser une décision par une grève générale tout à fait prématurée. On a donc établi un moratoire de quinze jours. On leur a dit: Ecoutez, restez tranquilles pour quinze jours. On continue de négocier, alors qu'ici, dans le cas d'Hydro-Québec, ce n'est pas ça. Les négociations ont franchi chacune des étapes. Le rapport de médiation est présenté; le syndicat refuse de le présenter au vote de ses membres. Le syndicat cherche encore à maintenir une série d'opérations stratégiques pour chercher à traverser le front commun, à traverser ce que d'autres syndicats ont pu établir dans le secteur public.

Une opération stratégique se mène à quelques jours du moment où la pointe de consommation d'électricité d'Hydro-Québec va se produire, c'est-à-dire le 21 au soir ou le 22 au soir — c'est toujours cela chaque année — et il cherche, d'autre part, à provoquer ces percées d'ordre stratégique à l'égard d'autres syndicats alors que la température est rendue à moins 20 degrés ou moins 25 degrés sous zéro.

Il est donc normal, je pense, que le gouvernement arrête cette grève, détermine que le rapport des médiateurs qui, à tous égards, confirme le syndicat d'Hydro-Québec comme un des syndicats les mieux payés au Québec, soit dorénavant leurs conditions de travail.

Le rôle du gouvernement est de gouverner. Cela n'est pas toujours très drôle de gouverner. Il faut, à certains moments, être patient et on l'a été. Il faut, à un moment donné, considérer que cela suffit et ce que nous disons aujourd'hui, c'est qu'au nom de gens qui sont souvent infiniment plus mal payés que les gens de ces syndicats, dont un certain nombre à l'heure actuelle en ont assez d'être les otages du système et d'avoir simplement froid, il est temps que le gouvernement gouverne et c'est le sens de la loi qui est devant cette Assemblée. Merci. (15 h 50)

Le Vice-Président: M. le député de Pointe-Claire.

M. William Shaw

M. Shaw: Thank you very much, Mr President. I think it is only fitting today that I speak a few words of congratulations for the government for finaily taking the responsibility of enacting legislation that will ensure that the people of Québec will receive electricity as an essential service and acting now. We have been discussing, Mr President, for the last three years the principle of the right to strike in essential services and I think that progressively, since the introduction of legislation in the early 1960's allowing the right to strike in the public service and in essential services, there has been a progressive loss of confidence that the people who were responsible, that is in the labour movements, can use with discretion the powers that the government has given them. What has happened, Mr President, is the development of the phenomenon of strike leverage and the minister of Finance has so well noted how well Hydro Québec is paid at the present time and one might ask: Why is it that Hydro Québec is the best paid of all of the unions in this province? It is simply, Mr President, that Hydro-Québec has the greatest strike leverage. What other union can do so much damage to so many people and make them feel so frustrated? What other way can you completely immobilize the society in our present civilized state than by cutting off its power?

Electrical power is now a fundamental of heating, of the pumping of water, the milking of cows. It is, Madam President, a truly essential service and that any union under any circumstances whatsoever would withdraw these services as a means to achieve what they consider their powers or their rights under the collective bargaining system is an example of how the fundamental values that these unions should be demonstrating have been lost. And I think again, as the minister of Finance has so well said, that this is where the problem truly lies, that a labour union knowing that it is the best paid, knowing that its workers can certainly not claim themselves to be deprived as compared to people in other sectors of our society. It has been noted that on the average, for equivalent work, they are paid 30% more.

Obviously, Madam President, this strike leverage has been demonstrated, demonstrated unfortunately to the extent where now consideration must be given to look to strike leverage as a weapon that the society, through its government, must control. The rights of collective bargaining must always be secondary to the rights of the people to be served and the rights of collective bargaining, Madam President, have been demonstrated by the unions of Hydro-Québec as

being certainly irresponsible. We saw that this government, and perhaps this government is the best example of a government who was committed to protecting the rights to strike in the civil service and the para-public agencies. There has been a long period of negotiations with conciliation, with mediation and with arbitration following, step by step, all of the mechanics available for free honourable collective bargaining, only to find out at the end that this was a "façade" and that the union would only use the power that it had, its strike leverage, to blackmail the citizens of this province into getting exactly what they wanted.

Now, Madam President, we are prepared to pass this legislation and here is the rub. Here is the real test. One of the first things that I saw happen in this House when I became a member was the minister of Justice rising to lift all charges laid under bill 23 by the previous government. This was the result of legislation passed by the government to remove the right to strike in a previous period. In doing so, Madam President, the concept of the right of the government to lay charges against a union was actually brought into question. It is going to continue, Madam President? Is it now a precedent that crimes or breaches of the law committed in the name of collective bargaining are invariably dropped? We now have bill 62 passed a few weeks ago as the result of a need by this government to restrict the right to strike in the public service again. We heard this morning that the minister of Justice has a certain number of charges laid and we are questioning whether these charges will be taken to fruition, because if they are not, Madam President, the legal strike becomes the real problem. We are accustomed in this province to extensive illegal strikes. We had them in the police department. We had them in the fire services. We had them as a result of legislation that has been passed, presumably to bring workers back to the work place, by this government and by previous governments.

I think, in this case, Madam President, that this government, having followed every possible course available to them to demonstrate good faith to the unions that they were prepared to negotiate, must now be equally prepared to say that this law is the law of the land and it will be obeyed and the charges will be laid to any breach as the result of illegal activities by the union, as the result of the passage of this law.

Madam President, I feel that there is unanimous consent in this House that this law be passed as quickly as possible. I just ask, Madam President, that in consideration of the needs of the people of this province, that not only the law be passed, the workers be convinced of their need to respect this law and to be well aware of the fact that any breach of this law would be met with firmness by the government. Thank you, Madam President.

La Vice-Présidente: M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. J'ai envie de faire une citation ici: "Pouvions-nous espérer légitimement qu'un gouvernement, à qui les leçons des précédents échecs auraient pu servir — parce qu'il y en a eu encore une fois — soit plus vigilant, soit plus prompt à intervenir dans des conflits non pas nécessairement de manière législative, mais, comme l'a signalé le député, de toute autre façon plutôt que d'avoir à obtenir un jour le consentement de la Chambre pour disposer des règles habituelles du Code du travail." C'était le 14 novembre 1972, à l'époque où le leader actuel du gouvernement et député de Saint-Jacques faisait la leçon au gouvernement d'alors sur, entre autres, un conflit à Hydro-Québec.

On voit, Mme la Présidente, que ce que le gouvernement a, à l'occasion, reproché dans le passé, les témoignages qu'il nous a manifestés à l'Assemblée, les déclarations qu'il a faites ou formulées... On voit aujourd'hui que, dans une certaine mesure, à certains égards, ils ont de la difficulté à vivre avec et ils doivent constater aujourd'hui, d'une part, qu'ils sont au pouvoir et, d'autre part, que cela implique certaines responsabilités. (16 heures)

Mme la Présidente, nous avons une grève à Hydro-Québec qui dure, qui perdure depuis plusieurs jours déjà, qui a eu des effets qui ont été, souventefois, mis en relief ici à l'Assemblée nationale par les députés libéraux. Plusieurs de mes collègues sont intervenus pour poser des questions au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, pour poser des questions au premier ministre, afin de savoir ce qu'il allait faire, quelle était la position adoptée par le gouvernement dans le cadre du conflit, s'il donnerait suite aux demandes formulées par les syndicats, notamment à un certain moment où il était question qu'une commission parlementaire puisse siéger.

A cette période-ci de l'année — on est au beau milieu du mois de décembre; le mois de décembre est avancé — à l'aube de Noël, alors que la consommation hydroélectrique est peut-être la plus grande de l'année, à cause du climat qu'on doit subir à l'extérieur, il est inacceptable et impensable qu'on puisse souscrire à toute démarche visant à prolonger un conflit comme celui-là avec les effets qu'il a pour les contribuables qui ne sont pas toujours dotés de possibilités de produire de l'énergie par un autre moyen que l'électricité. Cela a impliqué beaucoup et ce n'est pas ici mon intention, Mme la Présidente, de revenir sur les milliers de cas, peut-être la centaine de cas qui nous ont été référés dans chacun de nos comtés respectifs où il était clairement indiqué que des gens souffraient au Québec.

C'est d'ailleurs dans cet esprit que mon intervention de cet après-midi se veut la plus objective possible. Elle se veut sous forme de commentaires sur la loi, sur la situation qui a prévalu avant la présentation de cette loi et, évidemment, ce sur quoi on a été à même d'assister hier, au cours de

la séance de la commission parlementaire de l'énergie qui a siégé pour entendre le syndicat d'Hydro-Québec et Hydro-Québec. Je devrai vous dire que je suis non seulement peiné, mais très malheureux de constater que sur une quinzaine de députés en Chambre, ce soit obligatoirement les députés libéraux — nous sommes neuf — qui devons former le quorum dans le moment, à une période où le gouvernement ou le premier ministre — on n'a même pas quorum — nous demande de passer une loi spéciale. Ce sont les libéraux qui doivent maintenir le quorum.

La Vice-Présidente: M. le député, je vérifie immédiatement. Nous allons compter les députés qui sont présents en cette Assemblée. Nous avons maintenant quorum.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Mme la Présidente, j'en étais à vous dire, avant le retour des députés péquistes, que nous en sommes à la deuxième loi spéciale et d'urgence, en un mois et demi ou deux mois. On se voit dans l'obligation, ici au Parlement, de mettre de côté les règles habituelles de la procédure, les travaux réguliers, l'ordre du jour prévu au procès-verbal, pour adopter une loi d'urgence qui témoigne très bien, encore une fois, de l'échec de l'approche gouvernementale dans le cadre de ses négociations, entre autres, échec du dossier général des négociations dans les secteurs public et parapublic. Autant, il y a quelques semaines, le premier ministre nous disait: On doit avouer notre échec; on se doit d'adopter la loi 62 — c'était vers le 11 novembre à quelques jours des élections partielles, on s'en souviendra — autant aujourd'hui, le gouvernement se voit placé face à une telle situation d'échec.

J'aimerais, avant d'aborder le projet de loi comme tel, dire un mot de la dernière période de 24 heures qu'on a vécue. On se rappellera que les conciliateurs ayant constaté que la conciliation ne donnait pas de résultat en date du 7 décembre, des médiateurs ont été nommés au dossier, ils ont fait leur travail, ils se sont montrés non seulement disponibles, mais ils ont véritablement relevé leurs manches pour contribuer par leur effort à un règlement. Ceux-ci ont soumis un rapport de médiation qui, il faut le dire sans entrer dans le contenu comme tel, plusieurs points — sur quelques points tout au moins — en plus de venir ratifier évidemment, de venir confirmer ce qui avait été paraphé à la table de négociations, venait ajouter des bénéfices ou des avantages à la convention collective qui aurait pu être adoptée et signée sur la foi dudit rapport, s'il avait été accepté.

On se rappellera que la position du gouvernement, à ce moment, aura été de demander aux parties, aux travailleurs d'Hydro-Québec de se prononcer sur le rapport. On se rappellera, de plus, que ce voeu, cette expression d'opinion a reçu une fin de non-recevoir de la part des représentants syndicaux, des leaders syndicaux, entre autres de M. Morisseau, le président ou le coor-donnateur des trois syndicats à Hydro-Québec, à ce que les travailleurs puissent se prononcer sur ledit rapport. On se rappellera, de plus, que le syndicat a formulé une demande; le syndicat a demandé au gouvernement d'intervenir. On se rappellera que c'est ainsi que des télégrammes ont été envoyés et qu'une demande a officiellement été déposée, formulée auprès du premier ministre. Quant à moi, j'en ai pris connaissance, évidemment, dans les media d'information. Il y a une dizaine de jours ou à peu près, peut-être une semaine, le syndicat des employés d'Hydro-Québec demandait au gouvernement, d'abord, de le rencontrer et d'intervenir dans le dossier. Le gouvernement a répondu non, purement et simplement.

Par la suite, voyant que la crise et que les problèmes empiraient, évidemment, le syndicat a formulé une autre demande. Le syndicat a demandé qu'une commission parlementaire siège pour entendre les parties, entre autres pour entendre les représentants du syndicat sur ce qui le séparait d'avec la partie patronale. Hier soir, Mme la Présidente, on a eu une convocation. Le gouvernement a fini par céder. Il a convoqué une commission parlementaire à 22 heures hier soir, la commission parlementaire de l'énergie, avec un mandat très limité, très restrictif, qui était d entendre deux choses: d'une part, pourquoi le rapport de médiation n'avait pas été remis, déposé auprès des membres et pourquoi il n'y avait pas eu de vote sur ce rapport de médiation. Pourquoi avait-il été refusé et pourquoi n'avait-il pas été transmis aux membres du syndicat pour que ceux-ci puissent se prononcer?

A cette commission, Mme la Présidente, on aura constaté l'attitude du gouvernement. Même si on est d'accord pour qu'une loi spéciale soit adoptée, même si on est d'accord pour que la loi soit applicable à compter de minuit ce soir, les vérités, Mme la Présidente, doivent quand même être signalées. Le ministre du Travail particulièrement — et je reviendrai là-dessus tout à l'heure — le ministre des Finances et le ministre de l'Energie et des Ressources ont voulu par leur attitude hier en commission parlementaire, par les positions qu'ils ont adoptées, justifier purement et simplement ia loi spéciale qu'ils ont présentée aujourd'hui. Je m'explique: On se rappellera que, dans le télégramme émis par le syndicat demandant ladite commission, le syndicat a dit: Si la commission siège, si la commission entend ce sur quoi on veut insister, si la commission nous consacre quelques heures, on va imposer un moratoire à nos membres. Il n'y aura plus de grève; les gens vont retourner au travail à compter du début des travaux de cette commission jusqu'à ce que le voeu exprimé par la commission soit soumis, lui, aux membres et qu'il y ait eu une décision sur le voeu ainsi exprimé.

J'ai moi-même, personnellement, Mme la Présidente, dès le début des travaux, signalé cette possibilité, que j'ai voulu faire confirmer, que la commission — parce qu'il faut le constater, la commission s'est réunie à 22 h ou à 22 h 30 hier — ne puisse aborder les questions de fond que vers

minuit environ et en discuter jusqu'à 6 heures, 7 heures ou possiblement 10 heures ce matin, ce qui était physiquement impossible pour tous et chacun des membres, et les personnes qui étaient autour de la table. J'ai demandé que la commission se réunisse aujourd'hui. On a d'ailleurs demandé, à ce moment, au syndicat s'il était disposé à décréter un moratoire sur les moyens de pression utilisés. Immédiatement, il a fallu, Mme la Présidente, intervenir jusqu'à 2 h 20 du matin. La proposition que j'ai formulée, que j'ai lancée sur la table sans en faire une motion parce que je ne voulais pas m'embarquer dans des questions de procédure, a été refusée. L'aspect contentieux du dossier était trop important; il fallait mettre de côté les aspects de procédure pour, somme toute, en arriver à un consensus autour de la table. On a reçu, de notre côté, une fin de non-recevoir à l'acceptation par le gouvernement d'une telle proposition.

On a eu droit, évidemment, aux commentaires du ministre de l'Energie et des Ressources; on a eu droit aux commentaires du ministre des Finances qui a voulu revenir sur le fond, même si ce n'était pas là le mandat de la commission. D'ailleurs, le président l'a rappelé à l'ordre. On a eu les commentaires quelque peu sarcastiques à plusieurs égards, quelque peu arrogants, encore une fois, à plusieurs égards du ministre du Travail à l'endroit des syndiqués. (16 h 10)

Tant et si bien qu'après avoir discuté, soulevé des questions de procédure, s'être interrogé sur notre mandat, s'être interrogé sur le pouvoir de la commission d'émettre un voeu ou une recommandation, s'être interrogé sur la possibilité que le moratoire soit décrété quand même à compter d'aujourd'hui, huit heures, demain matin, à ce moment, on s'est retrouvé à 2 h 30, 3 heures même, avec un syndicat qui, compte tenu du mandat très limité qui lui était donné pour se servir de son droit de parole, a refusé le moratoire.

Je n'ose prétendre que cette commission ait été un scénario pour justifier le gouvernement d'adopter une loi spéciale, ce gouvernement qui, soit dit en passant, est censé avoir un préjugé favorable aux travailleurs. Je n'ose prétendre cela, mais je tiens à vous faire part que la commission parlementaire d'hier, il me paraît, quant à moi, que ce n'est certainement pas loin d'un scénario monté de toutes pièces pour justifier une intervention à caractère draconien aujourd'hui, voulant témoigner d'une certaine force dans un gouvernement qui est affaibli, non pas seulement par l'opinion publique, mais même par les sondages.

On pourra dégager certaines choses des attitudes du gouvernement. Entre autres, il faut se surprendre, il faut s'interroger sur l'approche agressive que le gouvernement a manifestée, a témoignée dans ce dossier, agressivité qui était facilement comparable à celle témoignée dans le dossier du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. On pourra se demander pourquoi, comme, entre autres le chef de l'Opposition, ici, à l'Assemblée, en a fait part ce matin, on peut s'interroger sur les recours, se demander pourquoi de grosses amendes à des groupes, pourquoi des amendes moins substantielles à d'autres groupes, et pourquoi autant d'agressivité dans les approches, dans les réponses qui ont été données par le ministre du Travail.

On sait que le ministre du Travail a clairement manifesté, témoigné d'une agressivité qui n'était pas toujours fondée, qui n'était pas toujours justifiée, comme ministre du Travail, dans les réponses à des questions qu'on lui posait lorsqu'il se permettait des commentaires, des réserves mêmes, sur le bien-fondé, la bonne foi de certains leaders. Quand on est ministre du Travail, qu'on se permette publiquement d'agir non pas comme ministre du Travail, mais de se prononcer comme patron et, en plus de cela, de mettre en doute la parole et la bonne foi de certains leaders syndicaux, ce n'est peut-être pas explicable, et c'est, jusque dans une certaine mesure, justifiable dans certains cas que le même ministre du Travail se voie offrir des attitudes qui, elles aussi, témoignent d'une agressivité des milieux ainsi concernés.

La loi spéciale que nous avons devant nous n'est pas une suspension du droit de grève, comme c'est le cas dans la loi 62, que nous avons adoptée il y a quelque temps. Cette loi impose, décrète une convention collective applicable jusqu'au 29 décembre 1982.

Evidemment, immédiatement après les travaux de la commission de cette nuit, je savais pertinemment que la loi était en train de s'écrire, si elle n'était déjà faite. Quant à nous, nous savions que le gouvernement allait appliquer, même par une mesure aussi draconienne, une mesure aussi sévère, aussi difficile à présenter, il faut en convenir, la même approche qu'il avait avec la loi 62, c'est-à-dire d'obliger les parties à aller se prononcer sur les offres finales ou encore sur le rapport de médiation, cet aspect de la question, c'étaient les appels lancés par le gouvernement, tant par le premier ministre que par le ministre du Travail, depuis déjà deux semaines, que les gens se prononcent sur le rapport de médiation. Ce n'est pas cela du tout qui est prévu dans le projet de loi.

Les gens ne se prononceront pas sur le rapport de médiation, les gens devront vivre avec un décret, devront vivre avec une convention collective qui est décrétée par la loi. On impose de force, par une loi, une convention collective d'une période de presque trois ans. Il y a plusieurs aspects regrettables à cet égard. Autant le gouvernement est justifié d'intervenir, autant le gouvernement est justifié d'obliger les travailleurs à être en place à 00 h 01 ce soir, autant, cependant, on doit, à l'intérieur de ce débat, regretter certains éléments.

Il y a tout d'abord que le ministre du Travail se soit comporté comme un patron et non pas comme un ministre du Travail, je l'ai dit, je vais le redire, parce que c'est la vérité, et j'espère que le ministre du Travail tirera une leçon, j'espère que le ministre du Travail prêtera l'oreille à plusieurs commentaires qui ont été formulés par des gens

présents hier. Je n'ajouterai rien, il va me comprendre. J'espère qu'il en tirera une leçon et qu'à l'avenir il se comportera comme sa fonction l'indique, comme il devrait se comporter selon sa fonction, comme un ministre du Travail et non pas comme un patron, comme un employeur, laissant ce soin, cette responsabilité au ministre de l'Energie, qui est responsable d'Hydro-Québec. Il faut le regretter et reprocher au ministre du Travail entre autres, à quelques reprises, la suffisance qu'il a démontrée hier soir, lui reprocher d'avoir contribué à jeter de l'huile sur le feu.

Vous savez, Mme la Présidente, vous avez assez d'expérience pour en convenir avec moi, que quand un leader syndical, peu importe l'opinion qu'il ait, peu importe les moyens de pression qu'il maintienne, dit à une commission parlementaire ou à un autre interlocuteur: Laissez-moi cinq minutes pour aller consulter mes représentants syndicaux, c'est jeter de l'huile sur le feu, c'est être irresponsable, arrogant et insuffisant pour un ministre du Travail de se tourner de bord et de dire avec un petit sourire: Avez-vous besoin d'un médiateur? Si ce n'est pas jeter de l'huile sur le feu, je me demande ce que c'est. J'espère que le ministre du Travail pourra invoquer strictement que c'était en raison de la fatigue, parce qu'il était presque trois heures du matin.

Il est regrettable aussi que certains objets de la négociation n'aient pas été abordés. Si cette commission parlementaire avait pu siéger, même si, hier soir, on a siégé seulement cinq heures nous aurions pu aborder certains éléments litigieux et contentieux dans ce problème. On sait que le rapport de médiation a gardé le statu quo ou n'a pas modifié certains aspects de la convention qui avaient été proposés par Hydro-Québec. Je m'explique, je vais vous donner un exemple. On n'a pas eu l'occasion d'aborder le problème des fonds de retraite dénationalisés; c'est un élément important dans tout le dossier de la négociation à Hydro-Québec. J'ai d'ailleurs posé des questions au ministre des Finances et au ministre du Travail il y a une quinzaine et on m'a répondu: Ils sont en négociations, il ne faut pas toucher à cela; on va vous répondre par écrit, M. le député.

Lors de l'étude des crédits du ministère des Finances vendredi, il y a dix jours environ, j'ai demandé et mon collègue, le député d'Outremont, a demandé au ministre des Finances de se prononcer sur la question du fonds de retraite des employés nationalisés, des employés qui appartenaient aux compagnies comme Shawinigan, d'autres entreprises qui, elles, ont été nationalisées, dont les employés ont été intégrés le 1er janvier 1965 ou le 1er janvier 1966. A ce moment-là, le ministre des Finances nous a dit: Non, on ne peut pas, à l'étude des crédits, aborder cette question. Lorsque Hydro-Québec vient comparaître, comme elle le fait chaque année, ici, à l'Assemblée nationale, on m'indique encore une fois que ce n'est pas l'endroit pour discuter de cette question. Je m'étais dit qu'au moins on aurait pu, hier soir, ou tout au moins aujourd'hui si la commission avait siégé, discuter avec Hydro-Québec, avec ses em- ployés de la question des fonds de retraite. C'est un point contentieux, c'est un problème particulier, c'est un problème qui touche des milliers de travailleurs à Hydro-Québec, c'est un problème qui ne peut être soulevé ici, apparemment, à l'Assemblée nationale.

Peut-être que le ministre de l'Energie pourra tout à l'heure dans son intervention, s'il ne l'a pas déjà fait, donner, je l'espère, la position qu'entend adopter le gouvernement sur le dossier des employés nationalisés. Je vais vous résumer ce problème très brièvement et vous allez voir le bien-fondé de la prétention que j'ai aujourd'hui, à savoir que cette question devrait faire l'objet de discussions ici. Un employé — on se retrouve dans cette situation — qui appartenait à une ancienne entreprise qui a été nationalisée par Hydro-Québec — là, je cite un document émanant de cette association — malgré qu'il ait versé 1% de plus en cotisation que s'il avait été un employé de l'ancienne Hydro-Québec — parce qu'elle existait, cette ancienne Hydro-Québec, avant la nationalisation, évidemment — recevra une rente de 46% de moins qu'un employé d'Hydro-Québec, un employé qui appartenait à l'ancienne Hydro, qui émanait de la Montreal Light, Heath and Power du temps.

Je vous donne un cas authentique: M. Boiselle. Il m'a même donné la permission de citer son nom. Il a été embauché le 18 octobre 1948, après trente ans de service et 75 jours, il a une moyenne des cinq meilleures années de salaire de $12 759; son salaire actuel est de $341.43 par semaine. Date de la mise à la retraite: 1er janvier 1979. Il retirera une pension annuelle, comme nationalisé — c'est le montant auquel il a droit — de $5016. S'il avait été un employé de l'ancienne HydroQuébec, il recevrait $7357. Personnellement, ce sont des questions comme celle-là que j'aurais aimé aborder en présence du ministre des Finances et en présence des membres du gouvernement, en présence des gens d'Hydro-Québec pour qu'on arrête de se lancer la balle d'une place à l'autre. D'ailleurs, j'espère qu'on aura l'occasion éventuellement de revenir sur cette question. Le 19 octobre dernier, lors de l'émission Omnibus 550 à CHLM-Trois-Rivières, le premier ministre s'était quand même engagé à voir cela de très près.

Je cite le premier ministre dans son entrevue à la radio, là-bas: "Vous pouvez être sûrs qu'on va donner le coup de pouce qu'il faut, mais dans le sens, comme vous le dites, de justice et d'équité parce que, parfois, on ne peut pas être toujours d'accord sur le contenu absolu de cela." C'est malheureux, la commission n'a pas pu siéger; on s'est perdu dans les méandres, à certains égards, de la procédure, et on s'est retrouvé aujourd'hui avec une loi spéciale. (16 h 20)

On n'a pas pu discuter de l'opportunité du droit de grève à Hydro-Québec. La loi, aujourd'hui, vient régler une situation temporaire. Mais qu'est-ce qu'il y aura de réglé, demain matin, à l'égard du climat des relations de travail à Hydro-Québec?

Plusieurs autour de la table ont constaté ou ont fait valoir que les relations de travail à HydroQuébec n'étaient pas ce qu'il y avait de mieux au Québec, qu'il y avait un problème de relations de travail, qu'il y avait un problème dans les attitudes. Par ce que je signale aujourd'hui, je ne veux cautionner ni l'action syndicale, ni l'action patronale, mais regarder le dossier de relations de travail d'Hydro-Québec on aura tôt vite fait de constater qu'il y a certainement un problème dans les attitudes. Cette commission, cet échange, durant lequel les parlementaires auraient pu con-tre-interroger tant la partie syndicale que la partie patronale, nous aurait permis de mieux voir quels étaient les attitudes de chacune des parties et peut-être voir où se situait le bobo. On n'a pas pu le faire évidemment; on n'a pas discuté du droit de grève. Aujourd'hui, le gouvernement nous soumet cette loi qui vient imposer une convention collective. Qu'est-ce qui arrivera à la prochaine négociation? Est-ce que le droit de grève existera toujours? Il faudra se poser cette question de fond éventuellement.

Qu'est-ce qui arrivera d'une possibilité de médiation préventive? C'est beau de dire: On vous impose ce document qui est le rapport du médiateur aujourd'hui, mais qu'est-ce qui arrivera éventuellement? D'ailleurs, on a déjà, dans le programme du Parti québécois — le premier ministre pourra en témoigner — des mécanismes de médiation préventive; on semble vouloir favoriser cette approche. Il faudra arrêter d'agir de façon sporadique, circonstancielle, lorsqu'il faut régler des crises, il faudra arrêter d'avoir comme attitude, comme gouvernement, à certains égards, de laisser entrevoir la possibilité que des mécanismes soient efficaces comme la commission parlementaire d'hier pour justifier, par la suite, une loi matraque, parce que c'est une loi matraque, qu'on le veuille ou non.

Les gens n'auront même pas à se prononcer sur le contenu; les gens devront accepter, purement et simplement: Prenez cela et c'est la convention qui est applicable pour trois ans.

La question des recours. Il y a des recours. Je conviens qu'une loi doit avoir du muscle; je conviens que les lois doivent être respectées; je conviens que les recours doivent être de nature à dissuader toute intention de contester ou de ne pas respecter une loi. Lorsqu'on n'est pas d'accord avec une loi, on ne peut pas se permettre de ne pas la respecter. On tire notre leçon et on porte un jugement démocratique à l'élection suivante. Mais comment — et j'aimerais, dès la réplique des différents ministres, qu'on réponde à la question qui a été formulée par le chef de l'Opposition ce matin — expliquer, alors qu'en vertu de la loi 23, en 1976, des poursuites ont été intentées, des jugements ont été obtenus, lesquels impliquaient des déboursés appréciables de la part des syndicats... on se rappelle qu'il y avait eu des infractions commises en 1976, en vertu de la loi 23 qui n'avait pas été respectée; on se rappelle qu'au lendemain des élections de 1976, cette démarche qu s'inscrivait, à l'époque, dans la politique de petit bec du gouvernement du PQ, avec les travailleurs — les petits becs sont finis, vous savez — dans cette démarche, le ministre de la Justice nous avait annoncé: On met de côté les amendes, c'était farfelu, c'était folichon, des amendes aussi exorbitantes.

Comment expliquer qu'aujourd'hui le gouvernement, le premier ministre nous dise, en présentant cette loi: Oui, MM. les libéraux, vous aviez raison, en 1976, par la loi 23, de prévoir des amendes aussi substantielles, pouvant aller jusqu'à $50 000 ou $5000 par jour? Il faudra s'interroger là-dessus. Lorsque la loi 62 a été adoptée, c'étaient des syndicats amis, et Hydro-Québec est un syndicat ennemi, pourquoi faut-il tout simplement matraquer et faut-il prévoir des amendes aussi exorbitantes? C'est là toute la question.

Même si je voterai d'emblée pour cette loi — parce qu'il est important le service qui doit être dispensé à la population — le gouvernement n'est pas sans tache dans l'approche et la contribution qu'il a données à ce dossier. S'il y en a un — je termine là-dessus — qui n'est pas sans tache dans le dossier — j'espère qu'il tirera ses leçons — c'est le ministre du Travail; qu'il mette de côté sa suffisance et qu'il agisse comme un véritable ministre du Travail, ce à quoi le convie le serment d'office qu'il a prêté lorsqu'il a été assermenté.

La Vice-Présidente: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais simplement, si vous me le permettez, dire quelques mots sur cette loi qui nous est présentée aujourd'hui en vue de rétablir le courant électrique à travers la province de Québec.

Mme la Présidente, je voudrais avec vous examiner un peu la situation qui se présente à nous. Je sais que, d'un bord et de l'autre, on peut blâmer les syndicats. On va blâmer le gouvernement, mais on peut peut-être blâmer aussi les administrateurs d'Hydro-Québec et les négociateurs. Quelle est cette situation que nous avons à vivre et à examiner cet après-midi? D'abord, il faut considérer qu'Hydro-Québec n'est pas une société comme les autres. Hydro-Québec est une société qui s'est développée à l'intérieur de la province pour la production et la distribution du service électrique à chacun des citoyens. C'est une société de la couronne qui est, comme le diraient certains membres du Parti québécois, notre propriété. C'est ce dont on parle cet après-midi. C'est notre propriété, mais elle fait la distribution et elle établit un service unique. C'est un monopole. C'est ce qu'il faut examiner bien objectivement.

C'est pour cette raison que je dis qu'Hydro-Québec n'est pas une société comme les autres. Les administrateurs d'Hydro-Québec ne sont pas des propriétaires; ce sont des fonctionnaires, ce sont des employés. A mon sens, jusqu'à ce qu'on puisse prouver le contraire, ils agissent de bonne foi. Je pourrais aussi dire que les employés

d'Hydro-Québec sont des gens qui travaillent et qui agissent de bonne foi. Ces gens ont établi entre eux un service de négociation et ils ont élu à leur tête des négociateurs. Ces gens ont fait des demandes par l'entremise de leur unité syndicale et ont suivi la formule normale, de sorte qu'on a épuisé tous les recours. Ceci a été prouvé hier soir à l'occasion de cette commission parlementaire qui a été convoquée tant bien que mal. Qu'on l'accepte ou non, elle a été convoquée. Il a été établi très clairement que le Code du travail a été épuisé d'un bout à l'autre. C'est une loi qui doit être appliquée par les administrateurs du gouvernement par le truchement du ministre du Travail.

Mme la Présidente, qu'est-il arrivé? Nous avons eu des négociations et, quand on a vu que les négociations ne marchaient plus, que tout avait été épuisé, nous avons eu des conciliateurs et la médiation. Encore là, le dépôt a été fait. Les administrateurs d'Hydro-Québec, que je reconnais, jusqu'à ce jour, pour des gens responsables, agissant au nom de la population, suivant le mandat qu'ils ont reçu, ont accepté cette médiation, tout en reconnaissant que des demandes extrêmes avaient quand même été accordées par les médiateurs.

Les syndicats ont refusé la médiation. Ils ont été plus loin que cela. Ils ont même refusé de remettre, comme on le fait dans tout système démocratique, cette médiation aux syndiqués. Je pense que c'est un acte que je ne peux qualifier, du moins, que je ne peux accepter. Si j'étais un membre du syndicat, j'aimerais que mon syndicat, mon patron, celui que j'ai élu pour me représenter, me donne la chance d'examiner cette médiation pour savoir si réellement j'ai le droit de continuer de me servir de cette arme extraordinaire. J'ai toujours prétendu qu'il était impossible de laisser une telle arme entre les mains des syndicats dans des conditions comme celles qui existent à Hydro-Québec, où il y a un monopole et où il s'agit d'une société qui est responsable de donner les services à une population de six millions au Québec.

On sait que cette électricité, même si on prétend qu'elle nous coûte beaucoup meilleur marché au Québec qu'ailleurs, nous coûte quand même assez cher. Cette société dans laquelle on a investi plusieurs milliards de dollars donne actuellement du travail à une quinzaine de mille employés dont 11 000 sont syndiqués. C'est de ceux-là dont on parle cet après-midi. (16 h 30)

Lorsqu'on parle de cette médiation, il faudrait l'examiner pour savoir si, réellement, ces gens-là qu'on qualifie de gens d'expérience, je ne mets en doute d'aucune façon leurs qualifications, sont allés là de bonne foi parce qu'eux aussi ne sont pas des patrons et ne sont pas des syndiqués. Ce sont des fonctionnaires qui sont allés remplir un mandat. Ils l'ont fait en ayant une chose en tête, tâcher d'être aussi justes et aussi équitables que possible tant pour les syndiqués que pour la population.

Quand on parle d'Hydro-Québec, on ne parle pas des cadres d'Hydro-Québec. On parle de la population. C'est au nom de ces gens-là que les médiateurs ont agi. Je ne voudrais pas, Mme la Présidente, entrer dans tous les détails. Le ministre des Finances a cité quelques phrases et quelques points tout à l'heure. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre l'a fait ce matin. D'autres y ont touché un peu.

Il y a une chose qu'il faut quand même reconnaître: les employés syndiqués d'Hydro-Québec, sur chacun des points que nous avons pu regarder qui ont été acceptés et même ceux qui ont été refusés, sont mieux payés que ceux de la fonction publique, à peu près à toutes les étapes. Le salaire moyen représente actuellement au-delà de $20 000 ou $21 000, si je ne m'abuse, en comptant les avantages sociaux.

A la suite de cette convention, lorsqu'elle sera appliquée, le salaire moyen pour la convention complétée en 1982, c'est ce qu'ils viennent d'obtenir, représentera $25 000, plus les avantages sociaux. Ce qui veut dire que la moyenne des salaires des employés syndiqués représentera pour Hydro, à la fin de cette convention collective, une dépense de $34 000 par employé. Ceci est plus élevé actuellement que toutes les conventions collectives qui ont été négociées par le gouvernement pour les autres fonctionnaires lors des dernières négociations. C'est dire que, sur ces points, ces gens n'ont pas été maltraités.

Comme le disait le ministre des Finances, est-ce que les six points qui demeurent en litige, pour lesquels on veut avoir une commission parlementaire qui a été accordée hier soir... Je suis un peu d'accord avec le député de Portneuf qu'il y avait un petit malentendu sur la façon dont la convocation a été faite. On a voulu, à un moment donné, nous empêcher de. parler du fond de la question et c'était pourtant bien pour cette raison que nous avions été convoqués pour discuter et interroger ces gens. Par contre, après discussion, nous avons pu obtenir la possibilité de nous prononcer sur le fond. Lorsqu'on a eu cette liberté et lorsque mon collègue de Nicolet-Yamaska a voulu demander au syndicat de se prononcer sur le fond, on a commencé à trouver, à la suite de quelques exemples, un paquet de raisons pour lesquelles il n'avait pas le temps de se prononcer sur le fond. Cela prendrait beaucoup plus de temps. Donc, on est revenu à la charge. Le leader parlementaire a offert cette possibilité au syndicat. Je n'ai pas de raison de croire que cela n'a pas été fait bien objectivement.

On pourrait continuer aujourd'hui, pendant quelques heures, à examiner chacun de ces cas-là pour voir si les litiges qu'il dénonce sont réellement justifiés pour qu'au moins les membres de cette commission obtiennent les renseignements désirés.

Comme on vous l'a dit tout à l'heure, on a dû, disant qu'il n'en avait pas de mandat, faire ce que vous a expliqué le député de Portneuf, on s'est retiré.

Indépendamment des remarques qui ont été faites de part et d'autre, et la fatigue aidant à cette heure matinale, tout le monde est fatigué, quel est

le résultat? On est revenu devant la commission, parce que ni mes collègues ni moi-même n'étions prêts à siéger à une commission sans obtenir ce que nous avaient promis les syndicats, un moratoire.

Si on n'avait pas le moratoire, on ne pouvait pas continuer à siéger. Lorsqu'on est revenu, on nous a refusé ce moratoire. On a dit qu'on pouvait continuer à discuter, mais qu'il n'y aurait pas de moratoire. Je pense que c'était là, à mon sens, une preuve de mauvaise foi de la part du syndicat, qui démontrait que son objectif était simplement une stratégie.

On lui reconnaît le droit de se servir de toutes les stratégies qu'ils veulent bien employer, mais pas aux dépens d'une population qui est prise en otage comme cela se fait actuellement, par les temps qui courent. C'est une chose que je ne peux tolérer, que je ne peux accepter. Je crois bien qu'aucun de mes collègues n'est prêt à le faire ou même à s'en servir pour faire de la politique. Je prétends qu'on n'a même pas le droit de faire cela dans des moments aussi critiques que ceux que nous traversons actuellement.

Mais, il est de commune renommée que presque à chaque fois qu'on a été en négociation avec Hydro-Québec, on a été poussé à ce point. On a même évoqué hier soir qu'à l'occasion d'autres négociations, ils avaient obtenu la commission parlementaire. C'est un droit qui existe, mais qui n'existe pas dans le Code du travail. Lorsqu'on accorde une commission parlementaire, c'est un privilège et les députés ne doivent pas se soumettre à une négociation à cette occasion. Il y a un Code du travail qui existe, qu'on doit épuiser. Lorsque le Code du travail est épuisé, je pense que les lois doivent s'appliquer.

Actuellement, on est en train de nous faire la preuve ici, au Québec, qu'on n'a pas eu raison de donner le droit de grève aux fonctionnaires au début des années soixante. Je dis que c'est malheureux... Je dis ceci au nom des syndiqués: De la façon dont on utilise le droit de grève, on est en train de tourner massivement la population contre les syndicats. Je dis que c'est malheureux qu'on aille aussi loin que cela, qu'on se serve de ce mécanisme qui est une arme extrême pour obtenir ce qu'on peut appeler des choses très banales ou qu'on s'en serve pour faire de la politique, comme cela peut se produire à certains moments. Je ne dis pas toujours de la politique avec un grand "P" au niveau provincial, mais ce peut être de la politique aussi bien au niveau syndical pour donner à un chef syndical un prestige qu'on peut créer et cela, aux dépens d'une population au sein d'Hy-dro-Québec ou au sein d'autres sections de fonctionnaires, ce qui peut mettre en péril la santé et le bien public comme dans le cas des hôpitaux ou d'autres cas.

Mme la Présidente, je relate ceci pour vous dire que même à Hydro-Québec, lorsqu'ils ont obtenu le droit de grève, ils ont eu le vote de 4000 de leurs syndiqués sur 11 600. C'est pas mal moins que 50%. Est-ce que je dois tenir pour acquis... Hier soir, on nous a dit qu'il y en avait 4200 qui avaient voté pour la grève. On l'a donné en chiffres; j'ai fait les calculs. Il y a 11 600 syndiqués; cela veut dire qu'à peu près 35% auraient voté pour la grève. Sans connaître les conditions des médiateurs, ces gens voudraient continuer à faire cette grève qui est néfaste pour une population. Je dis que le syndicat n'a pas le droit de refuser d'abord de présenter à ses membres ce rapport de médiation et de leur donner — ils peuvent recommander de voter contre, c'est leur privilège — le droit de l'examiner objectivement pour savoir si, réellement, les médiateurs ont été justes. Si ces gens reçoivent une offre équitable en compensation du ravail qu'ils font...

Hier soir, lorsqu'on a mentionné certaines clauses, on a parlé des heures de travail et, comme le disait le ministre des Finances, je ne suis pas sûr que, lorsqu'on parle d'une heure ou deux heures par semaine, ce soit réellement une justification pour faire la grève à Hydro-Québec, de la part de gens qui retirent le salaire qu'ils ont actuellement. Je connais plusieurs des ouvriers d'Hydro-Québec qui ne veulent pas de grève; ils font simplement suivre un protocole comme syndiqués et respecter le cadre. (16 h 40)

Si on avait un mandat de grève de la part d'au moins 50% des membres, cela serait au moins plus valable. Là on en a beaucoup moins que cela et on tente de l'appliquer à la grandeur de la province. Ce que les syndicats vous ont présenté hier soir à la commission, c'était très difficile pour eux, de faire le tour de toutes leurs unités. On comprend ces malaises. Il faut aussi penser que c'est très difficile pour Hydro-Québec d'administrer à la grandeur de la province. On comprend les complications que cela peut représenter, mais quand on a des choses à administrer avec des complications comme celles-là, il faut s'organiser en conséquence. Je ne suis pas prêt à dire que ces gens ont eu raison en ce qui concerne la demande qu'ils ont refusée de présenter cette médiation à leurs membres syndiqués.

Mme la Présidente, j'ai examiné cette loi qu'on nous a présentée. Je me pose beaucoup de questions, lorsqu'on regarde un peu le passé. J'écoutais le député de Portneuf qui faisait des reproches au gouvernement et moi aussi j'en ai à lui faire. Pas simplement au gouvernement actuel, mais aux gouvernements précédents. Ils ont vécu des malaises qui peuvent se présenter de temps à autre avec les unités syndicales un peu dans tous les domaines. On les a vécus. Ils ont adopté des lois appelées lois matraques, on les appellera comme on voudra, on les qualifiera de la manière qu'on voudra, c'est exactement la même loi, qui demande aux syndiqués de retourner à leur travail et d'accepter la convention collective qui a été négociée de bonne foi.

On sait la réponse qu'on a eue dans certains cas. On a parlé du bill 23, on sait ce qui s'est passé. On sait la désobéissance qu'il y a eue à l'égard de cette loi. On le sait même, il n'y a pas tellement longtemps, on a adopté la loi 62 et la même chose s'est produite. Que je sache, encore

aujourd'hui, très peu de causes ont été entendues pour ceux qui n'ont pas respecté la loi.

Mme la Présidente, est-ce bien cela qu'on veut faire à l'occasion de cette loi-ci? Présenter une loi à laquelle les syndicats vont refuser d'obéir et on va être pris demain ou durant les Fêtes avec des causes à poursuivre le syndicat et cela va se régler quand? Dans un an, deux ans? On va dire: On va les mettre à l'amende. Oui. On peut les mettre ailleurs aussi. Cela n'avancera en rien le problème qu'on tente de régler actuellement. Je dis que ce sont des mesures actuellement dépassées complètement et, si on veut agir en hommes d'affaires, on doit prendre les dispositions pour régler le problème. Il n'est plus question de dire: On va les poursuivre, cela va leur coûter $50 000, $100 000, $200 000. On sait que cela ne les dérange plus parce qu'actuellement ils ont déjà obtenu dans le passé le retrait d'infractions qui ont été appliquées injustement ou justement. Je ne veux même pas les discuter.

Mais, les facteurs sont là. Actuellement, on a eu la désobéissance à la loi 62 dans laquelle sont impliqués des milliers de syndiqués et, que je sache, tout simplement quelques centaines de poursuites ont été entreprises contre eux. Cela n'a pas encore été plaidé. Cela va se faire quand? Dans un an, deux ans. Si c'est cela qu'on a l'intention de faire, je ne marche pas. Il y a eu des précédents qui ont été faits en cette Chambre par les gouvernements précédents et auxquels on pourrait... Mme la Présidente, je pourrais parler une heure. Je ne crois pas. Personne n'a parlé au nom du parti. Je n'ai pas l'intention de le faire, je vous préviens. J'ai trop à coeur d'accélérer les travaux pour cette loi.

La Vice-Présidente: Si vous me dites que vous parlez comme représentant du Parti, M. le député, je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous parliez une heure. Vous y avez droit.

M. Russell: Je vous dis que je n'ai pas l'intention de parler une heure. Quelques minutes. On va tâcher d'accélérer les travaux. Je sais qu'il y en a d'autres qui veulent s'exprimer sur cette loi, qui ont ce privilège. Je pense que tous ceux...

La Vice-Présidente: ... s'il vous plaît!

M. Russell: Justement, mais ils vont continuer. C'est cela, Mme la Présidente, que je veux faire comprendre au ministre. Je le connais, il est capable de prendre ses responsabilités s'il veut. Il va dire: On ne sera pas trop dur. On va être gentil. On va faire bien attention parce que cela peut froisser peut-être les syndicats, je dis, non, Mme la Présidente. Ce n'est pas ainsi qu'on doit agir. On a épuisé tous les recours du Code du travail. On s'en vient à des mesures extrêmes. Je dis que ce sont des mesures extrêmes.

Ici, c'est une loi qui sera adoptée pour demander aux ouvriers d'une société qui a un monopole dans la province de garantir les services, suivant les ordres donnés par ceux qui ont la responsabilité de l'administration d'Hydro-Québec et non plus du syndicat, comme on l'a fait dans le passé. De l'aveu de tout le monde actuellement, et même du premier ministre, cette façon pour les syndicats d'assurer les services essentiels, c'est de la foutaise. Donc, c'est une chose qu'il faut complètement changer.

Si la loi qui a été adoptée par le Parlement n'est pas respectée par les syndicats, cela va être encore de la foutaise, malgré les quelques milliers de dollars qu'on va recueillir en amendes, surtout quand on connaît la lourdeur des procédures. Je l'avais fait remarquer au premier ministre à l'occasion de la loi 62; je lui avais dit exactement ce qui arriverait et ce que je lui ai dit arrive actuellement. On n'a pas respecté la loi. On entreprend des procédures. Je suis d'accord avec le ministre de la Justice qu'il faut réellement faire enquête, qu'on ne peut pas poursuivre tout le monde sans avoir un dossier. Il faut s'assurer des dossiers, il faut faire une enquête. Combien cela coûte à la province pour toutes ces enquêtes, sans être certain que, lorsque l'enquête sera complétée, on va gagner ces quelques milliers de dollars d'amendes que cela pourra représenter pour les unités syndicales ou pour les syndicats qui ont été impliqués dans ce manque de respect de la loi?

Je sais qu'à ce moment-ci, si on veut être correct, comme le dirait le premier ministre, pour le public qui souffre actuellement et qui veut avoir demain ou dans les quelques jours qui vont suivre le courant électrique, on doit prendre les dispositions pour s'assurer que cela va se faire rapidement. Je suis convaincu qu'on devrait appliquer les mesures qui ont été adoptées à l'occasion d'une loi votée en 1967, qui a servi à retourner au travail les conducteurs d'autobus à la Commission de transport de Montréal. Cela a été fait dans le calme, cela n'a fait de mal à personne. Personne n'a été poursuivi, tout est rentré dans l'ordre. Cela s'est fait rapidement et tout le monde était de bonne humeur. Ils n'en ont pas eu plus ou moins. Si on adopte cette loi aujourd'hui avec les mêmes droits, les mêmes mesures, je suis convaincu que tout va rentrer dans l'ordre. Si on respecte la loi, cela ne fera de mal à personne. Si on ne respecte pas la loi, on ne doit pardonner à personne. Pour cela, il faut prendre des mesures draconiennes.

Je dis que, si quelqu'un a une arme dans les mains, on doit la lui enlever s'il ne sait pas s'en servir. Actuellement, je ne suis pas certain que les syndicats nous aient prouvé qu'ils peuvent s'en servir sans faire mal à bien du monde. Donc, on doit la leur enlever. Je suis convaincu que le problème serait réglé si on pouvait mettre un article dans cette loi qui pourrait se lire ainsi: La Commission des relations de travail du Québec doit, à la demande du Procureur général, révoquer l'accréditation qui aurait été accordée à toute association visée par l'article 6 du temps; c'était le droit de grève et je vais vous faire grâce de la continuité, parce que c'est un chapitre. Si on avait cet article, cela veut dire que, si les syndicats n'entrent pas au travail dans les 48 heures qui vont suivre, s'il y a désobéissance à la loi, c'est la

décertification des syndicats. Ils vont respecter cela. Mais je dis qu'il n'y a pas de danger, qu'il n'y aura pas de décertification parce qu'ils vont respecter la loi et les citoyens vont être certains que cela va être fait.

Mais, si on adopte la loi telle qu'elle nous est présentée actuellement — encore là, je ne veux pas vous lire les articles de la loi — cela va être des amendes, des poursuites, des enquêtes qui vont coûter des milliers de dollars à la province. On n'aura pas les services qui, on espère, doivent être donnés par les syndicats à la suite de l'adoption de cette loi. Les citoyens vont être privés et, encore, ils vont être les victimes de cette loi parce qu'ils vont avoir à payer des dépenses qu'ils ne devraient pas payer pour faire respecter une loi. (16 h 50)

Je dis que la loi doit rester telle quelle, plus un ou deux petits articles, très petits, qui ne disent pas grand-chose à part de donner des dents à la loi — comme le dirait peut-être le premier ministre ou certainement l'ancien premier ministre que le ministre du Travail a bien connu — et les syndicats comprennent ce que cela veut dire. Si parfois on se rend coupable d'infractions dans l'application d'un article comme celui-là, ce sera juste et raisonnable pour les propriétaires d'Hydro-Qué-bec, comme le diraient certains membres du Parti québécois, et je pense qu'on aura eu raison de l'incorporer dans la loi.

Mme la Présidente, je voudrais terminer là-dessus en vous disant que nous sommes pour cette loi et nous voulons l'adopter le plus rapidement possible. Je ne veux pas revenir sur le passé, mais je m'en voudrais et je serais bien déçu, autant que chaque citoyen du Québec affecté par la manque de service actuel, s'il fallait que la même chose se répète pour le projet de loi no 88 que pour le projet de loi no 62, que les chefs syndicaux recommandent à leurs syndiqués de ne pas respecter la loi.

Après ce que j'ai vécu hier soir, je ne serais pas surpris du tout, parce qu'ils ne semblent avoir rien à perdre. Pour eux, ce n'est pas réellement une convention collective qu'ils veulent régler, c'est, à mon sens, un système qu'ils veulent abattre. Ils ne croient plus au système, ils veulent l'abolir complètement et tous les moyens à leur disposition sont bons.

Comme le dirait le ministre des Finances, on veut faire une percée. Peut-être une percée, c'est de la stratégie. Qu'on le pousse à l'extrême, mais qu'on n'en fasse pas un abus. Actuellement, je pense qu'on est rendu à l'abus. Il y a d'autres moyens qui pourraient être utilisés pour obtenir les quelque points auxquels on travaille. D'ailleurs, il y a une couple qui, en les regardant, seront réglés à l'occasion d'une loi présentement en discussion, le projet de loi no 17. Je sais que je n'ai pas le droit de parler d'une autre loi, mais on sait que cela sera réglé. C'est donc un exemple parmi d'autres démontrant que les six points pourraient être réduits à deux ou à trois, une fois la discussion complétée. Mais je dis que ce ne sont pas des points valables pour priver la population comme on le fait actuellement.

Donc, tout en étant bien conscient des conséquences qui surgissent à travers la province de Québec, tout en étant bien conséquent avec moi-même lorsque je demande au gouvernement de reconsidérer ce petit article qu'on pourrait incorporer à la loi pour donner des dents à cette loi, je le fais avec toute la sincérité que je peux avoir et je prie le premier ministre, aussi bien que son ministre du Travail et le ministre des Finances, de même que le ministre des Richesses naturelles, qui sont directement impliqués dans cela, de le regarder sérieusement et de ne pas prendre de risque. Personne ne leur en voudra, sauf ceux qui auraient de mauvaises intentions. Ceux qui auraient de mauvaises intentions, eux, vont avoir des raisons de les critiquer, mais si les syndicats n'ont pas de mauvaises intentions, ils n'auront pas raison de critiquer un article comme celui-là qui serait incorporé à la loi. J'invite l'Opposition officielle à nous appuyer là-dessus, pour faire en sorte que cela soit inclus dans la loi pour le bien-être des syndiqués, de la population et d'Hydro-Québec en général.

Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Ce n'est certainement pas de gaîté de coeur que nous débattons cet après-midi une loi d'urgence, mais les Québécois n'attendent pas de nous que nous ayons l'âme en fête, que nous soyons contents, les Québécois attendent de nous que nous leur livrions quelque chose d'essentiel non seulement pour leur confort, mais pour leur existence même, dans un pays qui est froid, un pays au climat rigoureux et où on ne peut pas se passer d'énergie, où on ne peut pas se passer de chauffage. Les Québécois ne nous demandent pas si nous sommes sympathiques au syndicat, les Québécois ne nous demandent pas si on a négocié suffisamment, les Québécois nous demandent d'avoir de l'électricité. C'est la seule chose qu'ils nous demandent et, à un moment donné, il faut faire face à nos responsabilités.

Je voudrais cependant m'arrêter et réfléchir à un certain nombre de données concernant la situation de l'approvisionnement en électricité ici, au Québec, dans ces temps difficiles. Il faut quand même amener le Québécois à se rendre compte que toutes les pannes ne sont pas dues à la grève, toutes les pannes ne sont pas dues au syndicat.

Il y a quotidiennement, au Québec — les années passées — 100 à 200 pannes à cette période-ci de l'année. C'est normal qu'il y ait des pannes. Combien y a-t-il de Québécois qui n'ont pas expérimenté, au cours de leur vie, l'année dernière ou l'année d'avant, une panne, où ils sont restés deux heures, trois heures, cinq heures — j'ai déjà passé une journée et demie — à attendre que l'électricité soit réinstaurée, parce que

c'est normal. Le courant électrique est délicat; il suffit d'une grésil, il suffit d'une tempête de verglas, il suffit d'un déséquilibre instantané et on sait qu'on peut facilement en manquer. Donc, les pannes sont continues au Québec.

Il faut quand même dire aussi que, d'habitude, ce sont les libéraux qui jouent au poulailler; malheureusement, en ce moment, c'est l'Union Nationale. C'est la première fois, d'ailleurs, que cela se produit, mais c'est très désagréable. On ne l'entend pas au microphone, mais il reste quand même qu'on est totalement incapable de s'entendre parler. Cela, Mme la Présidente, je regrette, mais enfin...

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! M. le ministre de l'Energie et des Ressources, c'est vous qui avez la parole.

M. Bérubé: Merci, Mme la Présidente. Donc, il y a continuellement de 100 à 200 pannes au Québec dont souffrent les Québécois, et cela n'a rien à voir avec les grèves. Au contraire, ce sont les travailleurs d'Hydro-Québec qui doivent monter, dans des conditions difficiles et dangereuses, sur des lignes pour rétablir le courant, des fois à moins 30 degrés, moins 40 degrés sous zéro, par un vent difficile, parce que si ces pannes se sont produites, c'est généralement parce que les conditions météorologiques étaient mauvaises. Et ils le font quotidiennement.

C'est d'autant plus difficile en cette période de l'année que les circuits sont surchargés. On s'apprête à fêter Noël et, forcément, on arrive au maximum de production d'électricité; les circuits sont à la limite de leur capacité, il faut mettre en production les centrales thermiques. En d'autres termes, un rien peut déséquilibrer le circuit actuellement. Le climat n'est pas pour aider les conditions d'approvisionnement. Donc, il est normal, il est inévitable qu'il y ait des pannes. Y a-t-il plus de pannes maintenant que d'habitude? Un peu plus et on le verra tantôt.

Deuxième point qu'il faut élucider: Est-ce qu'une panne prolongée est nécessairement attri-buable à la grève? A nouveau, il faut dire non. il y a des pannes qui durent assez longtemps, il y a des pannes qui sont difficiles. Par exemple, le député de Richmond m'interrogeait la semaine dernière concernant un condensateur stabilisateur sur une ligne des Laurentides. J'ai dû lui répondre que pour effectuer la réparation correctement, il fallait envoyer l'appareil en usine et qu'il s'agissait, évidemment, de délais assez prolongés. Fort heureusement, on pouvait mettre une centrale thermique en production et on pouvait éviter la panne sur le circuit. Mais il y a des pannes qui sont plus longues à réparer. Donc, on ne peut pas dire présentement que toutes les pannes qui sont longues de réparation sont causées par un refus des syndiqués de travailler.

Il y a quand même des effets de la grève. Par exemple, il faut en moyenne, au Québec, de deux à trois heures pour réparer une panne dans les villes; en milieu rural, quatre, cinq ou six heures.

Or, présentement, on atteint 24 heures et même, je dois dire que, depuis deux jours, il y a un ralentissement et on tend vers deux jours. En d'autres termes, il y a véritablement une attente des citoyens pour voir le circuit remis en opération, une attente qui n'est pas acceptable. Il faut se mettre à la place d'une famille qui est privée d'électricité et qui attend patiemment. On appelle Hydro-Québec une fois, deux fois, trois fois et on regarde le thermomètre baisser, dans la maison. Après cela, il faut penser aux tuyaux, il faut penser à l'éclatement des tuyaux si jamais la température descend trop bas; il faut penser à un endroit où déménager la famille; ce n'est pas toujours facile, surtout quand, à un moment donné, cela concerne 70, 100, 200 abonnés dans une région donnée.

Donc, il y a une limite, à un moment donné, à la capacité de supporter d'une population. Comme les équipes de service ne sont pas aussi nombreuses, il se produit, à ce moment-là, des cas isolés de pannes qui sont peut-être trop isolés pour qu'on s'en occupe immédiatement et là, on va attendre trois, quatre ou cinq jours. Il y a même des pannes qui durent depuis douze jours présentement. (17 heures)

En fait, ce qu'on constate, c'est une accumulation lente de pannes. Il y avait 16 000 abonnés hier. Ce matin, c'étaient 22 855 abonnés. Dans un quartier comme celui d'Hochelaga, vous avez une panne qui affecte 70 abonnés dont une dizaine d'enfants qui dure depuis quatre jours. On ne peut plus l'accepter. On ne peut plus la tolérer. De deux choses l'une, ou le syndicat prend ses responsabilités, ou le syndicat prend les moyens pour réparer cette panne ou l'Assemblée nationale prend les moyens pour qu'elle soit réparée. On n'a pas d'autre choix.

Je ne peux pas dire, M. le Président, que ce problème est universel à l'échelle du Québec. Non. Je discutais, par exemple, avec la députée des Iles-de-la-Madeleine qui m'indiquait que les syndiqués aux Iles étaient fiers de pouvoir dire qu'ils réparaient toutes les pannes. C'est la même chose dans Matane. C'est la même chose dans cinq régions sur neuf. Mais il y a quatre régions où les syndiqués ne veulent pas fournir ce service à la vitesse qu'il devrait être fourni et ils ont tendance, de plus en plus, à ralentir leurs activités. Dans un climat de tension, un climat de relations de travail difficiles, c'est presque inévitable qu'il y ait toujours aussi quelques fous, quelques écervelés qui décident de prendre la population en otage. Le député de Laval avait raison de souligner, à un moment donné, que dans le parc industriel de sa municipalité, il y avait panne depuis cinq jours et que cette panne — il faut le reconnaître — était directement causée par des syndiqués qui bloquaient les cadres, les empêchant de faire la réparation nécessaire. Il s'agissait d'un geste malicieux, volontaire, inacceptable et intolérable dans notre société.

En fait, ceux qui nous écoutent, M. le Président, en ce moment, sont ceux qui ont l'électricité. Quand on a l'électricité, on oublie facilement ceux

qui ne l'ont pas. Ceux qui ne l'ont pas ne nous écoutent pas. Il y a quand même 4000 citoyens, en ce moment, qui ne nous écoutent pas, parce qu'ils gèlent. C'est à ceux-là qu'on s'adresse. Ce sont les citoyens qui manquent d'électricité depuis plus de deux jours. Evidemment, 4000 devant six millions, on pourra toujours dire: C'est encore négligeable. Non. Ce n'est pas négligeable, M. le Président, quand il s'agit de services essentiels. L'autre problème qui m'apparaît plus grave encore, c'est celui du fardeau que l'on impose au circuit électrique actuellement. Depuis 22 jours, il n'y a plus d'entretien préventif. Nous sommes à une période de l'année où nous allons taxer au maximum les capacités du réseau. Dans ces conditions, tout est susceptible de lâcher et va lâcher. Tout ce qui est susceptible de faire défaut va faire défaut et là, on va s'engager dans un ensemble de pannes à répétitions. Si le syndicat a décidé de ne pas réparer, à ce moment-là, on va faire endurer aux citoyens des peines qui ne sont pas acceptables, particulièrement dans une période de Noël qui est une période de paix, une période où les gens ont le droit de se retrouver en famille, où les gens ont le droit de jouir un peu de la vie.

Déjà, il y a certaines grandes lignes de transmission qui ont été affectées par le verglas. On a tenté, tant bien que mal, de les réparer de manière à pouvoir fournir le service, mais on a constaté que les lignes ont continuellement tendance à sauter, plusieurs fois par jour. On sait que les circuits sont surchargés. Lorsque nous allons approcher de Noël, il va se produire un déséquilibre et à ce moment-là, on ne pourra plus fournir l'électricité aux Québécois. Dans ces conditions, M. le Président, je vous demande au nom de quel principe pourrait-on attendre. Au nom de quel principe? Je n'en connais pas. Il n'y a pas de préjugé favorable aux travailleurs, aux syndicats, à qui que ce soit, qui puisse nous empêcher d'intervenir.

J'ai écouté le député d'Argenteuil essentiellement s'attaquer au Parti québécois en parlant de notre vision idyllique de la société vue à travers une lunette syndicale qui, finalement, nous empêche de voir et de connaître la réalité. Il a dit: Enfin, vous tombez les pieds à terre. Vous allez finalement comprendre ce que sont les relations de travail, alors que vous n'avez rien compris. Vous n'étiez que des idéalistes dans le passé. Nous n'étions que des idéalistes! Tant mieux, M. le Président; il n'y en a pas assez d'idéalistes dans le monde. Nous allons continuer à dire que le syndicalisme est le seul instrument du travailleur pour améliorer sa condition de vie? Oui, nous allons continuer à le dire parce que nous le croyons. Est-ce qu'on va changer d'idée pour cette raison-là? Jamais. Est-ce que notre vision de la société s'effondre? Non, M. le Président, pas du tout.

En fait, ce que nous rencontrons comme obstacle aujourd'hui, ce n'est pas nouveau, cela fait douze ans que je connais cet obstacle. Pourquoi me suis-je engagé en politique, M. le Président? Je me suis engagé en politique parce que j'ai confiance qu'un peuple peut, à un moment donné, avoir suffisamment de fierté, de confiance en lui-même, de désintéressement, de sens des responsabilités vis-à-vis de l'ensemble de ses compatriotes, pour dire: Je me lève et je m'assume. Je sais que, depuis douze ans, j'ai dû lutter. En 1970, il y avait quoi? 20% de la population qui nous appuyait. J'ai fait rire de moi. On parlait des pé-quistes, des communistes et des socialistes. J'ai fait rire de moi. Je m'en rendais compte. J'ai patiemment expliqué ce pourquoi je me battais. Je n'ai pas imaginé en partant que tous les Québécois étaient d'accord avec moi, mais j'étais convaincu que les Québécois pouvaient se tenir debout, qu'ils étaient dignes de prendre leurs responsabilités de peuple et cela fait douze ans que je me bats pour cela, M. le Président.

En fait, je préfère enseigner au Québécois qu'il est riche, qu'il est capable, lui aussi, de prendre des décisions qui le concernent. Je préfère faire appel à son sens des responsabilités que de continuellement chercher à le diminuer, à l'écraser, à essayer de lui donner l'impression qu'il est incapable d'aucun désintéressement. C'est cela qu'on a essayé sur le plan politique. On ne va pas changer d'attitude.

Evidemment, c'est dur quand, à un moment donné, ce sont nos alliés naturels qui ne comprennent pas. Je dis bien nos alliés naturels parce que c'est effectivement là que je retrouve tous mes militants engagés dans le Parti québécois, dans le mouvement syndical. C'est avec eux que j'ai ces discussions-là. Mais c'est vrai que c'est dur. C'est dur parce qu'il y a encore de nos militants qui croient dans le Québec, mais qui sont encore victimes de ces égoïsmes de classe. Ils ne se rendent pas compte qu'à un moment donné, lorsqu'on passe son temps à se regarder le nombril et qu'on a ramené tous les problèmes de la société à ses propres conditions matérielles, c'est la société elle-même qu'on détruit. Je ne peux pas comprendre comment on puisse être à la fois dévoué à l'idée d'un Québec et, en même temps, être incapable de faire des arbitrages quand son intérêt personnel est en cause.

M. le Président, notre premier ministre disait: Si nous avons fait une erreur, c'est une erreur de confiance. Je préfère faire une erreur de confiance que de continuellement chercher à diminuer les Québécois. Il y a des égoïsmes de classe. Il va falloir que notre société mûrisse. Elle va mûrir uniquement si on lui montre le chemin du dépassement. D'aucune autre façon va-t-elle mûrir.

Or, M. le Président, dans le cas présent, on a fait tout ce qui était humainement possible. La négociation a été longue. Le syndicat a souligné qu'elle avait été trop longue: un an et demi. Evidemment, ce qu'on n'a pas dit, c'est que, parce que également le gouvernement négociait avec le front commun, plusieurs syndicats, comme celui des fonctionnaires et comme celui d'Hydro-Qué-bec, ont préféré mettre un peu sur la glace leur propre négociation pour voir de quel côté allait la négociation avec le front commun. (17 h 10)

Je dois reconnaître que, sans doute, du côté gouvernemental, on n'a peut-être pas détesté cela

non plus. On a donc, d'un commun accord, accepté de ne pas négocier trop fébrilement et d'attendre que tout tombe à peu près en place en même temps.

Quand, finalement, ces négociations n'ont pas abouti, il y a eu la conciliation, il y a eu la médiation. Le ministre du Travail a souligné l'effort qu'il a mis dans cette médiation en y consentant quatre de ses fonctionnaires les plus experts, ceux qui avaient la plus longue expérience, ceux en qui il avait la confiance la plus totale.

M. le Président, je dirais même que nous avons accepté de commettre une deuxième erreur de confiance. Lorsque nous avons reçu un télégramme du syndicat qui nous disait "Nous serions prêts à consentir à un moratoire sur notre grève générale à la condition que votre gouvernement nous accorde, dans les jours qui viennent, l'occasion de nous faire entendre en commission parlementaire de façon à en arriver à un règlement acceptable", nous avions le choix entre une loi, un décret obligeant le retour au travail et fixant les conditions, décret qui nous apparaissait normal, parce que nous avions fait tout ce qui pouvait se faire pour favoriser le rapprochement des parties en fournissant tous les services gouvernementaux nécessaires, en consentant toute l'énergie. D'autre part, le ministre des Finances était allé au maximum de ce qu'il pouvait accorder sur le plan pécuniaire, sur le plan financier.

Dans ces conditions, puisqu'on ne pouvait pas donner plus et que le syndicat ne voulait pas rétablir le service aux citoyens, que nous restait-il? Il nous restait la loi. Non, il nous restait la proposition du syndicat de nous asseoir, de l'écouter. Il faut reconnaître qu'il avait certains arguments valables. Par exemple, les médiateurs ont souligné que le climat des relations de travail à Hydro-Québec est pourri depuis dix ans. J'étais prêt hier soir à proposer une commission parlementaire qui aurait permis de faire le tour des conditions de travail à Hydro-Québec, non pas dans un climat de grève, non pas en prenant la population du Québec en otage, mais dans un climat où la poussière est retombée, dans un climat où les gens sont retournés au travail, dans un climat où les Québécois ne sont pas continuellement menacés d'une panne d'électricité. Dans ces conditions, oui, M. le Président, en janvier ou février, je trouvais normal qu'on ait une commission parlementaire pour essayer de vider la question.

Cependant, nous avons dû faire face à deux refus de la part de la partie syndicale. Le premier refus, c'est celui de ne pas aller voir ses membres, de ne pas les faire voter sur des conditions de travail que le gouvernement estimait être le maximum que l'on pouvait accorder à des travailleurs qui sont déjà bien nantis, maximum sous peine, simplement, de transférer le coût directement aux citoyens moins bien nantis, plus pauvres en augmentant les tarifs d'électricité.

Dans ces conditions, nous avions à faire face à ce refus du syndicat d'aller voir ses membres. Or, il y a quelque chose de fondamental pour lequel nous nous sommes battus, c'est la démo- cratie syndicale. Un syndicat doit aller voir ses membres. Il doit leur soumettre les propositions, il doit les faire voter. C'est le droit fondamental d'un syndiqué. Nous avions droit d'attendre cela du syndicat.

Finalement, il y a ce refus du moratoire, qui est devenu évident, hier, lorsque le leader du gouvernement a proposé au syndicat que nous reprenions la commission parlementaire ce matin et qu'un député de l'Opposition a demandé: "Et le moratoire que vous aviez promis?" Le syndicat est revenu, après consultation, pour dire qu'il n'y aurait pas de moratoire. Dans ces conditions, nous n'avions pas beaucoup de chances. Nous n'avions pas le choix. En fait, je pense encore qu'il nous faut voter cette loi, qu'il nous faut retourner les syndiqués d'Hydro-Québec au travail, d'une part. Il nous faut rétablir le service de l'électricité aux Québécois et je pense qu'il nous faut également, en févrir, quand les passions se seront apaisées, non seulement peut-être — j'en suis parfaitement convaincu, et je suis prêt à m'y engager au nom du gouvernement — nous asseoir en commission parlementaire et réexaminer à ce moment-là tout le dossier des relations de travail à Hydro-Québec.

Le Vice-Président: M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, quand j'entendais les propos du ministre de l'Energie et des Ressources concernant la commission parlementaire hier soir et ce qui s'est passé à cette commission, je me demande si on était à la même commission, parce que l'interprétation que le ministre fait de ce qui s'est passé hier soir omet, je pense, cette interprétation des faits assez importants qui changent complètement les derniers propos du ministre. Le ministre vient de nous dire qu'il est prêt à entendre et qu'il était prêt hier soir à entendre la commission parlementaire et les syndiqués, le syndicat à une commission au mois de janvier ou au mois de février. M. le Président, c'est exactement ce que les syndicats ont proposé à la suite de questions que l'Opposition officielle leur a posées. Les syndicats étaient prêts, hier soir, à offrir un moratoire commençant à 8 heures ce matin si le gouvernement s'était engagé à tenir cette commission au mois de janvier, pour entendre les syndicats, entendre les griefs qu'ils avaient, entendre les syndicats sur les six points sur sept sur lesquels ils ne s'entendaient pas.

Je ne comprends pas, M. le Président, I impression que le ministre de l'Energie veut essayer de créer aujourd'hui en nous disant qu'il était prêt, il parle de paix, c'est le temps de Noël, pourquoi les syndicats font-ils cela? Il voulait leur accorder cette commission au mois de janvier ou au mois de février. C'est absolument faux. Si cela n'avait pas été des questions de l'Opposition officielle qui ont fait obtenir des syndicats cet engagement d'un moratoire à 8 heures, il n'aurait même pas eu cet engagement et le gouvernement a refusé catégori-

quement parce que, dit le gouvernement, il ne veut pas créer de précédent. J'ai des nouvelles pour ce gouvernement. Il y en a eu d'autres commissions parlementaires où on a entendu les syndicats, par exemple, dans le conflit de Radio-Québec il y a deux ans. Cela faisait des années que cela durait. J'en parle parce que j'étais présent à cette commission.

Il y en a eu d'autres auxquelles mes collègues ont assisté, mais dans ce cas-ci spécifiquement, cela faisait des mois qu'ils étaient en grève. On a eu la commission parlementaire. Les syndicats sont venus. Le patronat est venu. On a entendu les deux côtés. On a émis un voeu. La commission parlementaire a émis un voeu à ce moment et elle aurait pu faire la même chose, mais il aurait fallu, cependant, que le gouvernement soit de bonne foi hier soir. Il aurait fallu que le gouvernement soit moins arrogant, moins négatif, moins provocateur envers les syndicats de refuser même d'entendre. Il aurait fallu que le gouvernement donne le mandat d'entendre les syndicats sur les points qu'ils voulaient soulever. Ce n'était pas cela.

M. le Président, c'est vous-même qui présidiez hier soir et vous avez donné le mandat que le leader parlementaire avait confié à la commission parlementaire et ce mandat était très restreint. On pouvait seulement entendre les raisons pour lesquelles le syndicat ne voulait pas apporter ses offres aux syndiqués et pourquoi il refusait l'offre des médiateurs. On ne pouvait même pas, on violait le règlement en questionnant et en soulevant les points de litige, les points sur le fond. M. le Président, je crois que le ministre de l'Energie, par les propos qu'il a tenus, a induit cette Chambre en erreur en essayant de nous faire croire qu'il était prêt à tenir la commission parlementaire et que ce sont les syndiqués qui ont refusé.

M. le Président, cela ne change pas le fait que nous faisons face, aujourd'hui, à une situation qui est très sérieuse pour des milliers de personnes dans la population et qui pourrait devenir encore plus grave et dangereuse pour toute la population. Quand le ministre a fait, cela fait deux semaines qu'il se lève et qu'il nous donne le nombre de pannes, c'est tout ce qu'il nous donne. Il nous donne des statistiques sur le nombre de pannes. Il dit: Ce n'est pas la grève qui cause les pannes. Ecoutez, M. le Président, il y a des pannes, je peux le certifier, dans le comté de Mont-Royal; depuis mercredi dernier, il y a à peu près 30 familles qui n'ont pas d'électricité et le ministre de l'Energie demande au nom de quel principe nous pouvons attendre pour cette loi? Mais pourquoi n'a-t-il pas posé cette question il y a deux semaines? Pourquoi vient-il de se réveiller ce matin, après que des milliers et des milliers de personnes eurent subi des dommages considérables. Ils ont subi des ennuis. Ils ont subi des pertes considérables, le manque de chauffage et tout ce que cela entraîne. (17 h 20)

Ce matin, on essaye de nous faire croire qu'on prend les intérêts de la population en considération. Où était ce gouvernement au début, quand le manque de services essentiels s'est produit? On attendait. Ce n'est pas une excuse pour le gouvernement, pour le ministre du Travail de dire: II y a des procédures, il faut aller en conciliation, il faut aller en médiation. Pendant ce temps, les services essentiels ne sont pas fournis. Il n'y a aucune excuse au monde qui peut justifier un gouvernement qui tolère le manque de ces services essentiels à la population. C'est une situation inhumaine qui a été produite.

Quand le ministre des Finances pose la question, je l'écoutais, il disait: Est-ce que les demandes du syndicat sont justifiées? Est-ce qu'elles justifient une grève de ce genre? Je prétends que le ministre des Finances ne comprend pas le problème. Ce n'est pas la question à poser si les demandes du syndicat justifient la grève. Parce que le corrollaire serait que si les demandes justifiaient la grève, est-ce que cela veut dire qu'on peut enlever les services essentiels? Ce n'est pas la question à poser. La question qu'on doit poser c'est: Que devons-nous faire pour restaurer les services essentiels? Ce n'est pas de faire le procès aujourd'hui des demandes du syndicat. Premièrement, ils ne sont pas ici pour se défendre. Deuxièmement, il a fait un tour de table de quelques points, il en a omis d'autres. Cela crée une impression sur la population qui, peut-être, est fausse.

La question essentielle est la suivante: Que devons-nous faire pour restaurer les services essentiels? Ce n'est pas question d'aller dans les questions du conflit de travail, les points en litige. Est-ce que ce sont les syndiqués qui ont tort? Est-ce que c'est Hydro-Québec? Il faut restaurer les services essentiels.

Quand, de ce côté-ci de la Chambre, on parle des droits individuels, le côté ministériel se moque de nous. On soulève les droits individuels et on a des sourires et des moqueries. Vous voyez les conséquences aujourd'hui de leur refus de reconnaître ces droits individuels. Les personnes qui ont été affectées par cette grève, les pères de famille, les enfants, les vieillards, tous ceux qui subissent des pertes et qui subissent des ennuis, eux aussi ont des droits. On le voit ici, c'est un exemple parfait du droit de la collectivité. La collectivité, c'est le syndicat. Il ne s'en est pas occupé des droits individuels, des droits fondamentaux de survie qui peuvent toucher ces personnes. J'espère que le côté ministériel va porter un peu plus d'attention et se moquera moins des questions des droits individuels qui font la base de notre société. On voit que quand on ne les respecte pas, nous nous trouvons dans le problème, dans la situation où l'on se trouve aujourd'hui.

Le gouvernement n'est pas sans blâme dans ce litige. Il n'est pas sans blâme dans la question de ce projet de loi. Il aurait pu et il aurait dû introduire un projet de loi pour restaurer les services essentiels dès la minute où ces services étaient dépourvus à la population, que ce soit à 100, à 10, à 1000 abonnés, il aurait dû agir.

On posait des questions ici en Chambre tous les jours, on ne demandait pas d'imposer une convention collective, ce qu'il fait par ce projet de

loi-ci. Ce n'est pas cela qu'on demandait. On ne demandait pas de se faire donner la liste, les statistiques par le ministre de l'Energie, savoir combien de pannes et il soulignait, il essayait de faire croire que ce n'était pas la grève qui causait les pannes; c'était la grève qui faisait que ces pannes n'étaient pas réparées. On s'est fait nourrir d'une série de statistiques, d'une série d'excuses, d'une question de médiation, d'une question de pourparlers entre les syndiqués et le syndicat et Hydro-Québec, mais on n'agissait pas. C'est sur ce point que ce gouvernement est à blâmer de ne pas avoir agi, parce qu'on ne peut pas attendre que la situation empire encore davantage. Il y a des milliers de personnes qui subissent des dommages, qui subissent des conséquences terribles.

Le fait qu'on ait présenté aujourd'hui ce projet de loi n'excuse pas le gouvernement de ne pas avoir agi plus tôt. Ce n'est pas une excuse. Dans les services essentiels, on ne peut pas excuser l'inaction du gouvernement par référence aux étapes de la négociation et au rapport du médiateur. Même si on voulait parler du rapport du médiateur, cela fait depuis la semaine dernière que les médiateurs ont donné ce rapport et tout ce que le gouvernement a fait, cela a été d'attendre encore. Cela fait au moins cinq jours — je crois que c'est jeudi dernier — très importants qui ont causé d'autres ennuis et d'autres dommages à des milliers de personnes.

En conclusion, on peut dire que le public a droit aux services essentiels. En ne les assurant pas à la population, le gouvernement actuel nous a démontré, dans ce cas-ci, qu'il ne sait pas gouverner. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre, vous avez la parole.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je tenais à intervenir à mon tour, si brièvement que ce soit, car je n'ai pas envie de répéter tout ce qui a été dit. Je tenais donc à intervenir pour faire ma part, moi aussi, dans une besogne qui n'est pas parmi les plus agréables, mais qui est à notre avis, nécessaire et pour dire aussi une certaine tristesse que nous inspire et que m'inspire, je dois le dire, très personnellement la décision à laquelle nous nous sommes trouvés acculés. Je pense que je n'apprendrai rien à personne en rappelant qu'Hy-dro-Québec, en quelque sorte, a fait partie de ma vie pendant un certain nombre d'années; cela fait partie d'une fierté que je ressens depuis longtemps. Cela, de toute façon, ne s'effacera pas, mais je n'aurais jamais imaginé que le climat entourant Hydro-Québec pourrait se dégrader au point où on en arriverait à ne plus avoir d'autre recours que de décréter des choses fondamentales en dehors des parties, comme on est obligé de le faire aujourd'hui.

Pendant cette ronde triennale qui revient comme une fatalité, c'est la deuxième fois en quelques semaines que nous avons à le faire de façon différente. C'est aussi pénible que la première fois. Je peux rassurer tout de suite ceux qui penseraient que nous sommes en train d'effectuer un énorme virage à droite, que je ne pense pas que cela puisse devenir une habitude facile pour le genre de gens qu'on est de ce côté-ci. Seulement, il y a une chose que je voudrais rappeler: Jamais, contrairement à certains propos faciles de gens qui ne vérifient pas beaucoup ce qu'ils disent, on ne s'est interdit d'aucune façon, ni par écrit ni autrement, parce que cela aurait été de l'irresponsabilité totale, ce recours qui est un recours ultime, comme des fois la grève devrait être aussi un recours ultime, qui est celui de l'intervention du Parlement.

A ce propos, le chef de l'Opposition — il n'est pas le seul, le député de Mont-Royal vient de dire un peu la même chose à sa façon et il y a aussi d'autres porte-parole de l'Opposition qui ont employé un peu les mêmes termes — le député d'Argenteuil a été le premier à parler d'une certaine lenteur qui avait, si on veut, préparé — autrement dit, c'était venu trop tard, à son avis — cette décision. Je ne rappellerai pas, d'autres l'ont fait, tous les efforts qui ont été fournis depuis quelques semaines pour tâcher, au maximum, d'éviter ce qui constitue, encore une fois — c'est la deuxième — un échec cuisant sur le plan de la responsabilité collective et sur le plan de la démocratie vécue aussi.

Je dirai simplement qu'effectivement, à cause de ces efforts qu'on a faits, il a découlé une certaine lenteur dans la préparation de la décision finale. Il nous semblait et il nous semble encore que cette lenteur, qui accompagnait les étapes, fait partie d'un processus normal qu'il faut quand même respecter. Mais, si c'est indiqué, on devrait peut-être s'excuser de cette lenteur auprès des citoyens, surtout parmi les plus démunis souvent, qui ont eu l'impression d'attendre trop longtemps. (17 h 30)

Mais le fait est que, sur certains points, on s'est acharné à espérer pendant quelques semaines, et en particulier pendant les quelques derniers jours, même en désespérant de plus en plus, que peut-être il y avait moyen cette fois de régler sans qu'il y ait de pots cassés.

Depuis hier soir, c'est-à-dire en réalité ce matin, aux petites heures, on est arrivé au point de non-retour à la fin de la commission parlementaire. C'est vrai qu'on a pataugé peut-être un peu plus, nous de ce côté-ci, parce qu'on a été obligé de prendre la décision, pendant cette commission parlementaire, mais il reste une chose très claire, c'est qu'autour de 2 h 30, 3 heures du matin, à la veille des Fêtes, au moment où la demande maximale va arriver dans le réseau, face à la fragilité croissante de ce réseau par manque d'entretien et par un froid sibérien qui promet de durer encore pendant un bout de temps, à ce moment-là, quand on s'est fait refuser, en dépit d'un engagement qui avait paru clair ces jours derniers, le moratoire de la grève et, de plus, même si la pratique normale, je dirais même la pratique morale, dans un cas comme celui-là, la pratique morale la plus évidente aurait exigé, au

moins depuis quelques jours, un retour sans délai des dirigeants syndicaux auprès des membres et propriétaires du syndicat ou des syndicats concernés, on refusait, on continuait mordicus de refuser d'aller au vote. A ce moment-là, je pense que, comme d'autres — et il n'y a pas moyen de conclure autrement — on s'est dit: II va maintenant agir, encore une fois, par le bras législatif.

Pourtant, dans un autre contexte très récent, où les analogies sont frappantes, parce que, là aussi, il s'agit de choses essentielles, de services essentiels, un des plus respectés de tous les dirigeants syndicaux du Québec, le secrétaire général de la Fédération du travail, M. Fernand Daoust, avait ceci à dire — et c'est incroyable ce que, mutatis mutandis, cela s'applique au cas qui nous occupe en ce moment. M. Daoust disait ceci, au moment peut-être de la tension maximale dans le front commun: "II nous semble impérieux d'entourer le déclenchement d'une grève dans le secteur public et parapublic, et particulièrement dans le secteur hospitalier, secteur névralgique — c'est ce qui se posait à ce moment-là comme problème — d'infinies précautions, et la plus élémentaire de ces précautions, et c'est là que l'exercice de la démocratie syndicale prend tout son sens, c'est de vérifier si les mandats obtenus au moment où le dossier de la négociation justifiait de poser un geste de grève, si ces mandats ont la même qualité, la même valeur, lorsque le dossier a connu un avancement qui laisse poindre à l'horizon un règlement possible à court terme". C'est très précisément ce que les dirigeants ont refusé, sans vouloir employer le ton péjoratif, mais c'est une structure très dure, très forte, un "establishment" comme on dit, ce que l'"establishment" syndical a refusé mordicus de pratiquer, cette infinie précaution ou même les précautions élémentaires pour revérifier des mandats.

Encore une fois, les hôpitaux, le courant électrique en plein hiver, encore une fois, dans un des deux secteurs les plus névralgiques de toute la société, il y a eu un abus flagrant de la force que détiennent dans leurs mains des dirigeants syndicaux qui partent avec un mandat et qui, pendant des mois, s'en contentent même quand des négociations sont tellement avancées qu'il y a évidemment un règlement qui est là. C'est un abus flagrant et c'est une irresponsabilité qui ne peut pas être tolérée dans une société la moindrement responsable. C'est un abus de la force, à même, justement, la fragilité du secteur dont il est question. C'est un abus avec une dureté ou une espèce d'indifférence totale à l'égard de citoyens qui sont sans défense devant une telle pratique et c'est une chose qui ne fait honneur à personne.

Je suis sûr parce que je le sais de bonne source, de source directe, qu'à la base, comme on dit si souvent, chez les syndiqués de la base, il y a eu beaucoup de membres frustrés, mais littéralement poignés, comme on le dit couramment, dans la solidarité fondamentale de l'appartenance syndicale. Mais ils étaient aussi et ils se sentaient insultés par l'ignorance de leur opinion dont leurs propres dirigeants persistaient à faire la preuve, ce qui nous a amenés en conscience à légiférer d'urgence, comme nous le faisons aujourd'hui, avant l'ajournement de la Chambre, avant les Fêtes.

La façon dont nous le faisons a été mise en doute, en passant, par le chef libéral ce matin, à partir de certains exemples qu'il a pigés dans d'autres lois spéciales où il a trouvé qu'on gardait quand même la porte ouverte, au-delà de la législation spéciale ou d'exception, à quelques tractations additionnelles sous forme d'arbitrage ou même d'une poursuite des négociations. Le chef libéral a des consultations très sélectives. Il a pris certains exemples. Il en a oublié beaucoup d'autres. Rien que nos amis d'en face, sans compter le fédéral, en ont eu une douzaine en six ans, de ces lois d'exception. Il a oublié les exemples où c'était la décision contraire qui semblait s'imposer, c'est-à-dire une décision finale décrétée comme celle que nous avons cru devoir prendre aujourd'hui. La différence entre les deux dépend, sauf erreur, pour l'essentiel — et peut-être que le ministre du Travail pourra illustrer cela par certains cas — de l'état d'avancement, l'état de finalisation des négociations qu'affectent ces lois, ce qui, par exemple — le ministre des Finances je pense, l'a très bien rappelé tout à l'heure — était le cas de la loi 62 où des négociations non seulement n'étaient pas terminées, mais promettaient de jour en jour ou, en tout cas, à très brève échéance, de déboucher sur un règlement.

A ce moment-là, il nous a paru que, tout simplement, il fallait un moratoire parce que la grève était absolument prématurée. La preuve a été faite, d'ailleurs, dans les faits qu'elle était prématurée, qu'elle n'avait pas raison d'avoir lieu, tandis que dans ce cas-ci, tous les mécanismes prévus ou prévisibles, y compris les mécanismes exceptionnels jusqu'à la médiation spéciale, ont été parcourus et ont été épuisés et, par-dessus le marché, ont donné jusqu'ici comme résultat des progrès au point de vue syndical qui continuent de maintenir une avance des gens d'Hydro-Québec par rapport à tout le monde qui peut y être comparable de près ou de loin, y compris même le front commun.

Si les percées additionnelles que recherchaient les dirigeants syndicaux avaient été exposées à la formule qu'assez légèrement, d'ailleurs, le chef de l'Opposition évoquait ce matin, je pense que cela aurait été profondément hypocrite de notre part, pour la bonne et simple raison que ces percées additionnelles, en conscience, le gouvernement n'aurait pas pu les accepter, quel que soit le mécanisme additionnel qu'on aurait prétendu improviser pour faire semblant de ne pas avoir atteint le bout des possibilités, parce que cela aurait été purement et simplement faire semblant. Il y avait un prix déjà très lourd qu'on ne pouvait pas dépasser pour acheter la paix encore une fois et, par conséquent, la suggestion facile, la critique superficielle du chef de l'Opposition n'aurait pu donner qu'un processus purement artificiel et qui aurait abouti essentiellement à une tromperie des gens.

II nous a semblé plus honnête et il nous semble plus honnête, comme cela s'est déjà fait à maintes reprises, c'est-à-dire les reprises que le chef de l'Opposition libérale n'a pas citées, de fixer les conditions dans la loi, ce qui n'exclut absolument pas et spécifiquement sur HydroQuébec, en particulier, comme d'ailleurs s'est à peu près engagé au nom du gouvernement — et je suis prêt à endosser immédiatement au nom du gouvernement aussi ce qu'il a dit — l'engagement qu'a pris le ministre de l'Energie sur l'ensemble des relations de travail en ce qui concerne HydroQuébec. Cela nous permettra, comme d'ailleurs d'autres occasions vont venir à partir du début de l'année, de remettre sur le métier une réflexion, à la lumière de toutes les dernières expériences et toutes les expériences malheureuses accumulées, absolument essentielle — c'est le cas de le dire — sur le pataugeage infect dans lequel tout le monde se trouve et nous, à notre tour, en ce qui concerne cette notion des services essentiels. (17 h 40)

Hydro-Québec en souligne douloureusement justement l'urgence, parce que là non plus, cela n'a pas réussi. D'ailleurs, cette réflexion additionnelle qu'on doit s'imposer permettrait peut-être aussi au chef de l'Opposition libérale d'approfondir encore un peu les belles certitudes quelque peu fragiles et, par-dessus le marché, successives et contradictoires, à l'occasion, qu'il énonçait ce matin à propos de la conduite éventuelle de nos amis d'en face dans ce domaine. Peut-être, avant la fin de la deuxième lecture, je rappellerai au député de Jean-Talon, avant qu'il fasse du scepticisme facile, que nos amis auront l'occasion de voir ce que je veux dire; mais je laisse le plaisir de le faire à quelqu'un d'autre.

Quoi qu'il en soit, j'espère que ce projet de loi no 88 qui est, à notre avis, à la fois une loi nécessaire pour l'ensemble de nos concitoyens et une loi plus qu'équitable pour les travailleurs concernés, aura sans délai l'effet souhaité, c'est-à-dire qu'elle permettra aux syndiqués d'Hydro-Québec, dont un très grand nombre dans plusieurs régions ont quand même fait tout le long du chemin et dans un contexte plutôt pénible, très consciencieusement leur devoir, et dont bien d'autres ont rongé leur frein pendant cette grève avec laquelle, fondamentalement, ils n'étaient pas d'accord, de tous rentrer, dès ce soir ou demain, au travail avec des conditions qui, à tout point de vue, sont non seulement honorables, mais aussi plus avantageuses que jamais. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Gatineau. M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, dans tout ce débat, on semble attacher beaucoup plus d'importance à tout ce qui s'est passé dans la négociation, à tout ce qu'on devrait possiblement changer dans les procédures de négociation, qu'on en passe à parler de la situation dans laquelle se trouvent des milliers de citoyens, c'est-à-dire celle d'être privés de ce service essentiel que constitue l'électricité.

Le projet de loi no 88 que le gouvernement nous présente ordonne aux travailleurs d'Hydro-Québec de retourner au travail à compter de 0 h 1 ce soir. L'Opposition officielle a déjà indiqué très clairement, comme l'Union Nationale d'ailleurs, que nous entendons appuyer le vote de deuxième lecture aussi bien que l'adoption, à toutes les étapes, de ce projet de loi de façon que, effectivement, ce soir à 0 h 1, les travailleurs d'Hydro-Québec retournent au travail et réparent les pannes d'électricité qui privent des milliers de citoyens — je le répète — de ce service essentiel.

Pas un seul des intervenants jusqu'à présent n'a osé suggérer que le syndicat ou trois syndicats qui représentent les employés, qui savent déjà qu'on adoptera effectivement le projet de loi 88 avant minuit ce soir, pas un seul, surtout du côté ministériel, n'a osé suggérer ou demander à ces syndicats de retourner tout de suite au travail, d'y retourner à 18 heures ou presque et de rétablir ces pannes de courant qui, quoi qu'en dise le ministre de l'Energie qui nous disait tantôt... M. le Président, est-ce qu'on peut demander au député de Papineau de ne pas me déranger, pour une fois?

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Vous avez la parole.

M. Gratton: Le ministre de l'Energie disait tantôt: II y a seulement 4000 citoyens du Québec qui sont privés d'électricité depuis plus de deux jours. Je dis que, lorsque le ministre de l'Energie dit cela, il est mal renseigné ou il ment, parce que, seulement dans la ville d'Aylmer, comté de Gatineau, à moins qu'on ait réparé la panne depuis une heure, il y a 4600 abonnés. Cela veut dire au-delà de 10 000 citoyens dans la seule ville d'Aylmer qui sont privés de courant électrique depuis maintenant 51 heures. Je ne parle même pas des centaines, sinon des milliers de citoyens qui sont également privés, depuis le même moment, d'électricité dans la région de la vallée de la Gatineau, à Kazabazua entre autres, où aucun service électrique de quelque sorte, dans quelque institution que se soit n'existe depuis le même moment.

On va espérer que les employés retourneront au travail à 0 h 01. On va surtout espérer que les dirigeant syndicaux donneront le mot d'ordre à leurs membres d'y retourner. Il me semble que la décence même exigerait que ces mêmes personnes retournent tout de suite au travail et procèdent dès maintenant à réparer ces pannes d'électricité.

M. le Président, vous me permettrez de vous lire le texte de deux télégrammes. J'en ai, d'ailleurs, reçu plusieurs, mais je n'en lirai que deux qui illustrent bien à quel point en sont rendus certains administrateurs municipaux face à la frustration qu'ils éprouvent depuis bon nombre de jours. J'ai reçu ce matin ce télégramme du conseil municipal d'Aylmer qui informe le premier ministre d'une résolution adoptée hier par le conseil de la ville: "Entendu qu'une partie de la population du territoire de la ville d'Aylmer est dépourvue de ser-

vices d'électricité, soit les secteurs parc Champlain, Deschênes, Chemin de la Montagne, Sky-ridge et Lakeview Terrace; entendu que ces secteurs sont privés d'eau potable, de chauffage et d'électricité et se voient obligés d'abandonner leurs propriétés; entendu que cette situation ne peut plus être tolérée et a causé assez d'inconvénients et de préjudices à une grande partie de la population; entendu que la grève force l'usage de foyers et qu'une propriété d'une valeur de $100 000 a été complètement incendiée dans la nuit du 16 décembre 1979 et que deux autres incendies ont causé des dommages de $10 000 à $12 000 à chacune des propriétés et que des sous-sols sont inondés causant actuellement des dommages, il est résolu que le conseil de la ville d'Aylmer demande au gouvernement du Québec et au syndicat un règlement immédiat d'une situation qui met en péril la vie des résidents d'Aylmer. Ce conseil est aussi d'avis que le gouvernement devrait agir dans tous les domaines des services publics qui causent préjudice aux citoyens en enlevant le droit de grève dans ces secteurs.

C'est là, M. le Président, le souhait de plus en plus souvent exprimé par les citoyens du Québec d'enlever ce droit de grève non seulement aux employés d'Hydro-Québec, mais on mentionne le secteur public.

Un télégramme du conseil de comté de Gatineau, M. le Président. Avant qu'on ne dise: Le comté est représenté par un député libéral, cela doit être strictement les libéraux dans ce coin, ce sont des amis qui s'envoient des télégrammes, je dirai tout de suite, M. le Président, que le préfet du comté de Gatineau est un bon ami, un bon sympathisant du Parti québécois, M. Hubert Tremblay, maire de Sainte-Thérèse-de-Gatineau, que je respecte beaucoup, M. le Président, mais à qui on ne peut pas prêter d'allégeance au Parti libéral.

Voici ce que le préfet du comté et les membres du conseil d'administration de la corporation du comté de Gatineau nous écrivent dans un télégramme dont j'ai reçu copie et qui est adressé au premier ministre en date d'aujourd'hui: "Sollicitons intervention immédiate de votre gouvernement. 600 familles sont privées d'électricité dans la région de Kazabazua depuis 24 heures — et c'était à 11 heures, ce matin, M. le Président — Situation alarmante. La colère monte, la population posera des gestes, si la situation persiste, et qui auront des conséquences irréparables. Ce n'est pas tout de passer des lois sociales, si, du même souffle, on lance des armes aussi dangereuses que le droit de grève dans les domaines public et parapublic à ceux qui sont chargés de voir au mieux-être de la population. Demandons l'abolition immédiate du droit de grève dans le secteur public et parapublic".

M. le Président, je pense que ces deux télégrammes témoignent bien de l'angoisse, de la frustration qu'éprouvent les administrateurs publics partout dans une situation comme celle que nous connaissons depuis maintenant trop longtemps, depuis 22 ou 23 jours, M. le Président. (17 h 50)

J'entendais le premier ministre nous dire tantôt que le gouvernement agit maintenant, parce que vous savez que les Fêtes s'en viennent, qu'on arrive à l'heure de pointe, que le réseau, à cause du manque d'entretien, est toujours de plus en plus susceptible de crouler. Ce sont là, M. le Président, des excuses pour ne pas avoir agi au moment où il aurait été nécessaire pour un gouvernement d'agir, c'est-à-dire dès le moment où on a constaté que les services essentiels n'étaient pas assurés adéquatement par les syndicats aussi bien que par Hydro-Québec.

Dès mardi dernier, M. le Président, le 11 décembre, on est au 18, on demandait au gouvernement d'assumer ses responsabilités. On lui faisait part de pannes d'électricité affectant 40 familles dans un cas, à Queen's Park, une dizaine de familles dans Larrimac, à Hull-Ouest, qui durait depuis, à ce moment, quatre jours et qui effectivement n'a été réparée que deux jours plus tard, c'est-à-dire, six jours, M. le Président.

A ce moment, c'était ce même ministre de l'Energie qu'on a vu se livrer à combien d'angoisse tantôt, à combien de lyrisme tantôt, c'est ce même ministre qui nous disait: La situation est la suivante, il y a X nombre de grèves qui durent depuis Y nombre de jours; la situation n'est pas normale, mais cela ne va pas si mal et, de toute façon, le gouvernement n'entend pas faire quoi que ce soit avant qu'on ait le rapport des médiateurs.

Le rapport des médiateurs est déposé; immédiatement, les syndicats se prononcent: On refuse non seulement de l'accepter, on refuse même de le soumettre au vote des syndiqués. On offre, par contre, d'imposer un moratoire, de lever la grève à condition d'être entendus en commission parlementaire. Le premier ministre, les ministres du gouvernement n'ont même pas fait de commentaires sur cette offre. On se doute bien qu'il a pu y avoir des conversations téléphoniques entre eux et les représentants syndicaux, mais, à notre connaissance à tous, à la connaissance de la population, rien. On avait l'offre d'un moratoire dès jeudi ou vendredi dernier, on aurait pu tout au moins y songer, y réfléchir, accepter, dans une certaine mesure, dès jeudi dernier la commission parlementaire qu'on a eue de toute façon hier soir, et à ce moment, on aurait évité à combien de milliers de citoyens d'être privés d'électricité. Non. On s'imaginait, du côté du gouvernement, je ne sais pas trop ce qu'on s'imaginait, mais peut-être bien qu'on se disait: Notre scénario n'est pas prêt, il va falloir y penser, il va peut-être falloir surtout convaincre les députés ministériels qui ont certaines allégeances syndicales que je ne leur reproche pas, mais qui sont tout à fait absents de ce débat depuis qu'il a commencé ce matin.

On a eu l'impression que la commission parlementaire d'hier soir... Hier matin encore, le premier ministre nous disait: II n'en est pas question de la commission parlementaire et tout à coup, hier après-midi, on avait effectivement la convocation pour 10 heures hier soir, 22 heures, de cette commission parlementaire. Je vous dirai

bien sincèrement qu'hier soir, pour y avoir assisté à titre d'observateur jusqu'à la fin, j'ai eu l'impression que la seule raison d'être de cette commission, c'était de sensibiliser certains députés du Parti québécois à la nécessité ou, tout au moins, à l'opportunité d'accepter qu'on dépose une loi spéciale aujourd'hui, le projet de loi no 88. C'est tout ce qu'on a fait, hier, à la commission parlementaire. On a monté un scénario de toutes pièces, oui.

Le ministre du Travail, ce défenseur des travailleurs québécois, a été d'une suffisance et d'une arrogance telle que même moi, qui ne suis pas reconnu pour mes attaches syndicales, en ai été surpris. Hier, y a-t-il un seul membre du Parti québécois qui a posé quelque question que ce soit à Hydro-Québec?

Une Voix: Non.

M. Gratton: Non. Hydro-Québec a complètement raison. Elle ne peut avoir tort. Lorsque les représentants syndicaux alléguaient certains gestes posés par Hydro-Québec, certains gestes qui n'étaient sûrement pas susceptibles d'en arriver à un règlement du conflit, est-ce qu'on a demandé des détails, est-ce qu'on a demandé des réactions à Hydro-Québec? Mais non! Le ministre du Travail est le patron dans ce conflit, il représente le patron, Hydro-Québec. Je me demande, si la situation avait été la suivante... supposons qu'au lieu d'une grève des employés de l'électricité, on aurait eu une grève des employés d'une multinationale distributrice de pétrole...

Une Voix: Oh!

M. Gratton: ... supposons, pour un instant, que Esso Impérial, Shell, BP et d'autres voient leurs employés en grève, on ne distribue plus d'huile à chauffage dans les foyers québécois, je me demande si on aurait attendu 22 jours de ce côté-là pour présenter un projet de loi ordonnant le retour au travail de ces employés. Je me demande si le projet de loi qu'on aurait présenté à l'Assemblée nationale aurait imposé un rapport de médiateur qui est, en fait, rejeté quant à six de ses sept points par le côté syndical et accepté par le côté patronal. Je me pose la question si ces maudites multinationales, comme les a qualifiées le ministre de l'Energie la semaine dernière en cette Chambre, n'en auraient pas mangé tout un coup du ministre du Travail et de ses collègues du Parti québécois!

Le ministre peut hocher la tête, il peut faire des grimaces il en a fait suffisamment hier pour que l'ensemble des syndiqués d'Hydro-Québec se rappelle sa "bine" pour longtemps. Quant à moi, je dis que ce gouvernement s'est comporté de la façon la plus hypocrite possible.

M. le Président, je terminerai après 18 heures. Quand on sera rendu là, je vous demanderai la suspension. Cela va?

Le Vice-Président: On ne suspend pas à 18 heures, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: On verra à ce moment-là, M. le Président.

Le Vice-Président: On ne suspend pas à 18 heures.

M. Gratton: Je dis donc que le gouvernement...

M. Johnson: Question de règlement, simplement pour le bénéfice du député de Gatineau. Etant donné qu'il y a suspension des règles de la Chambre, théoriquement on continue jusqu'à ce qu'une entente visant à suspendre pour une certaine période intervienne.

Le Vice-Président: C'est ce que j'allais dire, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Justement, M. le Président, je pensais avoir eu connaissance qu'il y avait effectivement entente et qu'il y aurait effectivement suspension à 18 heures.

M. le Président, quant à moi, le gouvernement a évité trop longtemps de prendre ses responsabilités. Lorsqu'au 10 décembre et au 11 décembre on a demandé au gouvernement d'assumer ses responsabilités, c'est à ce moment-là qu'il aurait dû agir, qu'il aurait dû prendre les moyens non pas nécessairement, comme il le fait dans le projet de loi no 88, d'imposer une convention collective d'autorité jusqu'à décembre 1982, mais plutôt, comme le disait mon collègue de Mont-Royal, d'assurer les services essentiels. C'est de cela qu'il s'agit et c'est de cela qu'il s'est toujours agi dans notre esprit à nous, de la nécessité pour le gouvernement de prendre ses responsabilités et de faire en sorte que les services essentiels soient maintenus.

Le gouvernement a plutôt préféré monter son scénario et profiter de la conjoncture. Quand j'entends le premier ministre nous parler des conditions climatiques — on se rappelle qu'il y avait fait allusion pour expliquer les résultats de l'élection partielle dans D'Arcy McGee — il me semble qu'il y a des raisons beaucoup plus profondes que cela. Les députés péquistes, en particulier ceux de la région de l'Outaouais, ne répondaient pas aux appels téléphoniques qu'ils recevaient; c'était le cas du député de Hull au cours de la fin de semaine dernière et au cours des deux derniers jours. Je le sais, j'ai moi-même tenté de rejoindre le bureau de comté du député de Hull hier; on ne répondait pas aux appels, Mme la Présidente. Forcément, c'était beaucoup plus facile de ne pas répondre que de devoir dire: Le gouvernement tient une commission parlementaire ce soir; on verra ce que cela donnera. (18 heures)

Mme Ouellette: Question de privilège, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Sur une question de privilège, Mme la ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

Mme Ouellette: Mme la Présidente, je ne veux pas couper l'envolée oratoire de mon collègue de Gatineau. Je veux simplement souligner que, du lundi au dimanche inclusivement... J'étais personnellement à mon bureau de comté dimanche toute la journée. J'y étais samedi et nous avons répondu aux appels, M. le député de Gatineau.

La Vice-Présidente: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je maintiens, Mme la Présidente, que j'ai moi-même téléphoné au bureau de la députée de Hull — parce que je suis citoyen de la ville de Hull — et qu'on n'a pas répondu à mes appels répétés tout au cours de la journée d'hier. J'en prends à témoin les centaines d'appels téléphoniques que j'ai moi-même reçus à mon bureau de comté de personnes qui disaient ne pas avoir pu rejoindre le bureau de la députée de Hull.

Mme Ouellette: Question de privilège.

La Vice-Présidente: Mme la députée de Hull.

Mme Ouellette: J'ai été à mon bureau de comté hier, Mme la Présidente. J'ai été là jusqu'à 15 heures. Effectivement, nous avons répondu à tous les appels qui entraient à mon bureau de comté. Je pense que vous pourriez peut-être prendre un autre sujet plutôt que de déblatérer facilement sur des choses qui n'existent même pas, sauf dans votre imagination. Je pense qu'on a autre chose à faire.

M. Alfred: Question de privilège, Mme la Présidente.

M. Gratton: Mme la Présidente, si je peux finir...

La Vice-Présidente: M. le député de Gatineau. M. Alfred: Question de règlement, alors.

La Vice-Présidente: Que ce soit vraiment une question de règlement, M. le député de Papineau.

M. Alfred: Oui. Dimanche, toute la journée, moi aussi j'étais au bureau de Mme Ouellette.

La Vice-Présidente: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Mme la Présidente, je constate, à la suite de ces questions de privilège, que la députée de Hull et le député de Papineau ont fait un excellent travail. Je suis fort heureux de constater qu'on a été présent dans les bureaux de comté. Malheureusement, on ne semble pas avoir répondu aux nombreux appels téléphoniques qu'on a reçus de personnes qui étaient en panne d'électricité. En effet, on n'a pas fait la lumière sur le sujet.

Mme la Présidente, je conclurai en rappelant ce que disait le chef de l'Opposition, ce matin, que le droit des citoyens aux services essentiels, cela inclut, bien entendu, le droit à être approvisionnés en électricité non seulement au cours de la période des Fêtes, non seulement à l'approche de la période de pointe de consommation d'électricité, mais en tout temps, sept jours par semaine, douze mois par année. Ce droit des citoyens importe plus que n'importe quel droit de grève, droit de médiation, droit de recours quelconque de tous syndiqués ou tous syndicats que ce soient. C'est pourquoi, Mme la Présidente, non seulement appuierons-nous l'adoption de ce projet de loi numéro 88 qui redonnera enfin à tous ces citoyens qui ont été brimés dans leurs droits ce service essentiel mais que nous ne pouvons faire autrement que de reprocher à ce gouvernement de ne pas avoir, en temps et lieu opportuns, accepté ses responsabilités, les avoir exercées comme les citoyens avaient le droit de l'espérer.

La Vice-Présidente: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fernand Grenier

M. Grenier: Merci, Mme la Présidente. Quelques minutes très brièvement pour faire une brève intervention et appuyer une requête qui a été présentée par le député de Brome-Missisquoi au cours de son intervention, qui est celle qui avait été proposée par l'Union Nationale en 1967 lors de la grève dans le transport en commun à Montréal à l'occasion de l'Expo mondiale que nous tenions à Montréal. Il m'a été donné de vivre l'adoption de la première loi d'urgence, la loi qui portait le no 25, en 1967, alors que M. Johnson père était premier ministre du Québec. A ce moment-là, les gens croyaient encore à la nécessité de respecter une loi adoptée par le gouvernement. Je me souviens que pendant la nuit où nous avions ensemble travaillé pour adopter cette loi pour permettre aux enseignants ou demander aux enseignants de retourner au travail, le lendemain, à l'aube, après l'avoir votée, nous avons constaté que les enseignants étaient entrés au travail et avaient respecté la loi.

En 1967, à l'occasion de l'Expo, dans la grève du transport en commun, encore une fois, le gouvernement de M. Johnson avait été appelé à adopter une deuxième loi d'urgence pour demander aux chauffeurs d'autobus du transport en commun de reprendre le travail, principalement à cause de l'exposition qui se tenait à Montréal à ce moment. On se rend compte que maintenant tous les gouvernements ont dû adopter des lois d'urgence à la suite de ces deux-là qui avaient été adoptées par l'Union Nationale. Le Parti libéral, également, a été forcé d'en adopter une à cause de ce droit de grève qui avait été donné dans le secteur public.

Aujourd'hui, avec le gouvernement qui avait dit que c'étaient des choses inacceptables que d'être obligé de passer des lois pour ramener les gens au travail, que c'était un droit qu'ils devaient exercer, on se rend compte qu'on est en train d'adopter la deuxième loi pour forcer les gens à reprendre le travail.

Donc, c'est désuet. Il y a des choses à apporter. On se rend compte que, même avec des changements de gouvernement, plus cela change, plus c'est pareil dans ce secteur. Ce n'est plus le remède adéquat dans de pareilles circonstances. On se rend compte également, Mme la Présidente, que dans cette loi qui avait été votée — j'ai un exemplaire devant moi — en 1967 concernant le transport en commun, l'article 23 se lisait comme suit: — c'est celle à laquelle le député de Brome-Missisquoi a fait allusion il y a quelques instants — "La Commission des relations de travail du Québec doit, à la demande du procureur général, révoquer l'accréditation qu'elle a accordée à toute association visée aux articles 5 ou 6 s'il est établi que moins de 70% des personnes à l'égard desquelles cette association est accréditée se sont conformées à l'article 1." L'article 1 se lisait et se lit encore: "Toute personne qui était à l'emploi de la Commission de transport de Montréal le 20 septembre 1967, doit, dans les 48 heures qui suivent l'entrée en vigueur de la présente loi, retourner au travail et remplir les devoirs de la fonction qu'elle occupait alors."

Mme la Présidente, il est acquis maintenant que des personnes, depuis ce temps, alors que c'était un autre gouvernement, des chefs syndicaux sont allés en prison. L'actuel gouvernement se prépare à des poursuites difficiles dans d'autres secteurs relativement à la loi 62, qui n'a pas été respectée par des chefs syndicaux. Les poursuites sont difficiles — on s'en est rendu compte — à cause de la preuve qu'il y a à faire dans ce secteur avec ces chefs syndicaux qui sont venus devant les écrans de télévision demander à leurs membres de ne pas respecter la loi 62. Le gouvernement est aux prises actuellement avec cela. Est-ce que ce sera mieux demain avec la loi 88? J'en doute. Vous allez me permettre cela. Je ne le souhaite pas et je ne veux pas servir d'épouvantail, mais comme cela n'a pas été fait par des gens d'un groupe de secteur de travail avec la loi 62, pourquoi, aujourd'hui, serais-je plus optimiste avec la loi 88? Est-ce qu'on va la respecter dans le secteur d'Hydro-Québec? J'en doute, Mme la Présidente. Vous allez me permettre de me baser sur ce fait de la loi 62 pour en douter.

Ce que le député de Brome-Missisquoi a plaidé tout à l'heure au nom de notre formation politique, je pense que le ministre devra en deuxième lecture, alors que nous en ferons l'étude article par article, y réfléchir sérieusement. Je pense que si les membres syndiqués ont des droits, l'ensemble de la population aussi a des droits. Il y a des pannes d'électricité qui sévissent aujourd'hui dans la province. J'en ai dans mon comté. Je n'ai pas à les énumérer. J'ai plusieurs paroisses qui sont affectées aujourd'hui dans ma circonscription électorale et, demain, ce sera peut-être ailleurs aussi. (18 h 10)

On le signalait tout à l'heure, il suffit d'une petite neige, il suffit d'un verglas, il suffit d'une tempête, il suffit aussi d'une grève parfois pour mettre dans le "trouble" pas mal de monde. Cela passe, on a tellement l'habitude de vivre avec toutes sortes de grèves qu'on s'imagine que ce n'est plus effrayant d'avoir des grèves. Savez-vous, par exemple, que, s'il est vrai que des gens qui élèvent du porc ont une bonne organisation et se permettent d'avoir leur producteur d'électricité sur place, ce n'est pas le cas de tout le monde. Vous n'êtes pas sans savoir, Mme la Présidente, que, dans des comtés ruraux comme le mien et celui de bien d'autres, il y a encore du monde qui tire les vaches à la poignée quand il y a une grève d'électricité, et ça se trouve dans nos circonscriptions.

Bien sûr, ça ne fatigue pas les gens du gouvernement, ils ne sont pas là à l'heure de la traite, ils sont ici et ne les voient pas faire. Mais c'est pénible pour des gens qui doivent engager du monde ou rassembler la famille, alors que c'était la bonne habitude de faire ça, dans les années trente, de faire la traite le soir avec la famille; on retourne à ces méthodes, au fanal, à tirer les vaches à la poignée; on voit ça actuellement dans des municipalités de mon comté. Est-ce acceptable? Cela ne fait pas mal à bien du monde dans le moment, mais ça se fait, ça se produit actuellement. Ce ne sont pas des revendicateurs à toute épreuve ces gens, ils font appel au bureau du député et on essaie de donner le filon, mais il y en a tellement qui appellent pour ces choses qu'on finit par dire que ça doit être un peu normal, et on vit avec ça.

Non ce n'est pas normal, dans les années quatre-vingt, de se priver de services publics. Les législateurs, vont adopter une loi ce soir, cette nuit; si demain cette loi n'est pas respectée, qu'est-ce qu'il reste au gouvernement?

Je veux bien que politiquement le gouvernement semble vouloir être bon prince et dire: Le public a ses droits, mais les syndiqués ont également leurs droits. Je veux bien que le gouvernement chante ça; quand on l'a chanté dans l'Opposition aussi longtemps, on ne peut pas arriver et perdre complètement la face en Chambre, mais le bien public passe avant le bien des particuliers, et il faut s'en souvenir. On doit renier ses principes comme parti politique si la population doit souffrir. Si le Parti québécois a chanté et a dit pendant plusieurs années que le droit de grève dans le secteur public devait être respecté, quand ça fait tort à l'ensemble de la population, on marchera sur son principe de parti pour rendre service à l'ensemble de la population. L'accréditation qui est donnée à un syndicat, si on ne sait pas la faire respecter demain matin, on doit l'enlever, comme le dit le député de Brome-Missisquoi. Je pense qu'il y a pas mal de syndiqués qui seraient peut-être satisfaits qu'on retrouve ça dans la loi demain matin, il y a pas mal de syndiqués qui seraient satisfaits, parce qu'il y a pas mal de syndiqués qui sont satisfaits aussi de ce qu'ils ont dans le moment. Je veux vous signaler que plusieurs sont satisfaits de leurs conditions de travail et il y a pas mal de monde, dans ma circonscription, qui aimerait travailler à Hydro-Québec; je peux vous dire ça aussi. S'il y avait des postes vacants, il y a toute une série de gens qui aimeraient travailler là.

On me rappelait, hier soir, combien, dans le secteur privé, parfois c'est difficile de suivre la machine de l'Etat. Il y a pas mal de monde, dans ma circonscription, qui aimerait être dans le système public ou parapublic. C'est cela qui m'amène à dire, Mme la Présidente, qu'il y a pas mal de syndiqués qui aimeraient savoir qu'on est prêt à retirer l'accréditation d'un syndicat si demain on ne peut pas faire entrer ces gens au travail par les moyens qu'on leur apporte. Ces dents qu'on propose dans la loi, ces amendes qu'on propose dans la loi ne sont plus suffisantes, ce ne sont plus des moyens modernes, comme on les appelle, ce sont des moyens non respectés.

Quand le ministre de la Justice avait décidé de donner le placet et de donner l'absolution sur les grèves qu'on avait subies durant l'administration de l'ancien gouvernement, ça a peut-être donné confiance à plusieurs de ces chefs qui, actuellement, ont pris du poil de la bête et qui sont en train de montrer au gouvernement que le vrai gouvernement c'est eux, dans nos paroisses, dans nos comtés et dans la province.

Mme la Présidente, j'aimerais que le ministre réfléchisse sérieusement. Les gens qui travaillent autour de lui se sont certainement penchés sur des articles de cette loi que nous avons votée en 1967 et je pense que vous avez là un élément de solution pas mal correct, qui pourrait s'appliquer dans ce secteur comme il s'est appliqué pour la Commission de transport de Montréal en 1967. C'était assez correct, et le père de l'actuel ministre du Travail avait vu loin cette fois et pas mal de monde était satisfait. Cela a été l'article qui a permis de respecter cette loi et qui a permis que le lendemain ça roule à Montréal; ça a satisfait pas mal de gens. Alors le ministre actuel, qui n'est pas dépourvu, qui connaît ça et qui réussit parfois à régler plusieurs problèmes, devrait se pencher sur cet article 23 de la loi de 1967 que nous avons ici en main.

Notre parti, l'Union Nationale, demande au ministre du Travail, demande au gouvernement que, dans cette loi 88, on retrouve un amendement qui pourrait être apporté en troisième lecture et qui permettrait d'avoir l'assurance, demain, en cette période de froid que nous vivons et qui semble vouloir se prolonger, à l'approche des Fêtes, une fois qu'on aura adopté la loi, sans qu'il y ait de douleur, sans qu'il y ait de grandes difficultés, qu'on rendra service à une bonne proportion de gens. C'est peut-être de nature aussi à augmenter un peu les parts du gouvernement, quand on sentira que cela aura été réglé. On s'est plaint tout à fait dernièrement que, dans certains comtés, lors d'élections complémentaires, on avait perdu pas mal de crédibilité, que ce n'était pas le programme du parti qui était mis en cause, mais les services en commun qui n'étaient pas respectés. On remontera peut-être sa crédibilité dans la province en mettant dans la loi un article qui permettra de s'assurer que cette loi sera respectée à la satisfaction de tous et dans l'esprit de justice à l'égard de l'ensemble des citoyens, de s'assurer, dis-je, que cette loi sera respectée dans son entier. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Mme la Présidente, je demande la suspension des travaux de l'Assemblée.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement, vous aviez quelque chose à dire là-dessus?

M. Duhaime: Avant d'aller à la suspension, je sais que des ententes sont intervenues dans le courant de l'après-midi et je voudrais proposer à mon collègue, le leader parlementaire de l'Opposition officielle, sept heures trente pour la reprise de nos travaux. On avait parlé d'une heure cet après-midi mais...

M. Levesque (Bonaventure): On avait parlé d'une heure, mais là on approche...

M. Duhaime: Sept heures trente? Oui. Avant de demander la suspension, Mme la Présidente, à 19 h 30, je voudrais simplement rappeler que, ce soir, deux commissions parlementaires vont continuer leurs travaux sur les projets de loi 17 et 57. Je tiens également à remercier l'Opposition de sa collaboration, puisque ce soir, en effet, nous pourrons faire siéger une troisième commission parlementaire en même temps que nous poursuivrons nos travaux en Chambre sur le projet de loi numéro 78, Loi sur la sécurité dans les sports. Je dois faire motion pour avoir un ordre de l'Assemblée pour que siège, à la salle 81-A, la commission permanente du loisir, de la chasse et de la pêche pour étude article par article du projet de loi numéro 78 à compter de 20 heures. Est-ce que j'ai le consentement pour cette motion?

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je sais que, présentement, on me demande officiellement notre consentement pour une troisième commission. Sans faire un précédent mais toujours dans un esprit de collaboration qui semble bien caractériser le sens des responsabilités de l'Opposition officielle en particuler et des Oppositions en général, il nous fait plaisir, Mme la Présidente, de concourir.

La Vice-Présidente: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Mme la Présidente, en l'absence du député de Richmond qui est retenu à une commission, j'aimerais aussi vous dire que, grâce à la collaboration très étroite de notre député de Gaspé qui est actuellement en conférence avec le ministre de l'Education et les gens des collèges, j'ai l'assurance que le député de Gaspé sera présent pour l'étude de la loi 78 article par article. Nous consentons, ce soir, qu'une troisième commission siège, que les projets de loi nos 57, 17 et 78 puissent être étudiés en même temps que la Chambre, grâce à la collaboration de l'Union Nationale. J'espère que le ministre va s'en souvenir.

La Vice-Présidente: Alors, je présume que nous...

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je vais également donner mon consentement pour que cette commission puisse siéger. Cependant, j'aimerais bien l'assortir du fait que le ministre des Finances puisse rencontrer des gens de mon comté qui sont ici pour avoir une aréna à Nicolet.

La Vice-Présidente: M. le député, je vous en prie.

M. Duhaime: Maintenant, Mme la Présidente, que le commercial est passé, je voudrais assurer l'Opposition et lui dire jusqu'à quel point sa collaboration est appréciée à l'approche des Fêtes et dire, Mme la Présidente, que je voudrais faire un amendement à la motion que je viens de formuler. La commission siégera à la salle 91 au lieu de 81. Si cette motion était acceptée de consentement, je vous demanderais également d'ajourner nos travaux à 19 h 30.

La Vice-Présidente: Alors, il y a consentement à la présentation de cette motion. Est-elle adoptée?

Adopté. Maintenant, s'il vous plaît, la motion de suspension des travaux. Je présume que j'ai le consentement unanime de l'Assemblée à la présentation de cette motion de suspendre les travaux jusqu'à sept heures trente. Alors, consentement unanime à la suspension des travaux jusqu'à 19 h 30.

Voilà, cette Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.

Suspension de la séance à 18 h 20

Reprise de la séance à 19 h 39

La Vice-Présidente: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Veuillez vous asseoir.

Il s'agit de la reprise du débat sur la motion de M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec. M. le député d'Outremont, vous m'aviez demandé la parole.

M. le député.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Merci, Mme la Présidente. Mes observations sur cette loi spéciale no 88 seront brèves. Je voudrais d'abord, en premier lieu, indiquer que ma préoccupation principale en ce moment est de mettre fin à cette grève que j'appellerai sauvage, où les services essentiels ne sont pas maintenus. Je pense donc d'abord à la population qui est victime de ce conflit syndical, population qui n'a pas de moyen de se défendre contre les attaques qu'elle subit dans ses droits les plus fondamentaux. Franchement, je me demande, à l'heure actuelle, quelle sorte de société on est en train de se préparer au Québec lorsqu'on tolère l'exercice brutal du pouvoir par des poignées d'hommes qui se servent de structures et d'institutions pour faire valoir des intérêts particuliers pour mettre de l'avant et obtenir des privilèges additionnels à ceux dont l'ensemble de la population bénéficie, et je me demande, encore une fois, combien de temps nous serons obligés d'accepter d'agir le couteau sur la gorge, appliqué, encore une fois, par une poignée de chefs syndicaux incapables de prendre leurs responsabilités.

Comme la plupart de mes collègues dans cette Assemblée, j'ai reçu des appels téléphoniques, j'ai reçu des télégrammes dont la teneur essentielle est en fait un appel à des parlementaires pour que nous prenions nos responsabilités, pour faire en sorte que ces services essentiels soient maintenus en toute circonstance. Ce sont des appels répétés, des appels angoissés, je dois dire aussi — parce que j'en ai reçu personnellement dimanche — des appels de gens en colère. Ce sont des situations que je trouve intolérables, des situations que le gouvernement a contribué à créer par de longues années de démagogie suivant laquelle et avec laquelle les gens qui sont en face de nous aujourd'hui ont encouragé les gens justement à outrepasser les droits que, dans toute société civilisée, on accorde à des gens syndiqués, mais aussi à l'ensemble de la population. Combien de temps allons-nous encore souffrir cet abus de pouvoir? Je voyais dans le journal ce matin qu'on commence, dans certaines régions, à aménager des écoles de façon à pouvoir fournir l'électricité et la chaleur à des gens qui n'en ont pas et qui sont en train de geler sur place. Allons-nous bientôt vivre dans des camps de réfugiés au Québec? Allons-nous être obligés d'aménager des espaces publics pour éviter de faire face au problème fondamental qui est posé?

Je sais bien que le gouvernement se lave les mains de tous ces problèmes en disant: C'est la logique de la liberté que nous avons. C'est la logique aussi d'une attitude gouvernementale vis-à-vis des problèmes de relations de travail qui étaient censés être réglés le jour où ce gouvernement prenait le pouvoir, mais on s'aperçoit aujourd'hui qu'il n'y a pas plus de solutions d'apportées. Il n'y a aucune solution différente d'apportée que ce qui avait prévalu précédemment.

Mon deuxième point va se rapporter aux événements d'hier soir et quant à la perception syndicale du rôle d'une Assemblée nationale, d'un Parlement. Je dois dire que j'ai été bouleversé par ces attitudes qui se sont exprimées hier soir. On voit, d'un côté, un syndicat qui demande une commission parlementaire et qui nous dit: Si nous

avons cette commission parlementaire, nous proposons en échange de mettre en vigueur immédiatement un moratoire de façon à fournir les services essentiels à la population. Le gouvernement, de son côté, essaie de jouer à cache-cache, au jeu du chat et de la souris avec le syndicat, convoque une commission parlementaire à 22 heures, laisse entendre que la commission parlementaire se terminera à 24 heures et, en même temps, dit au syndicat qu'il est prêt à l'entendre.

De son côté, le syndicat dit: Nous allons réclamer une autre commission parlementaire. Ce n'est pas celle que nous voulons. Nous voulons également non seulement nous faire entendre, mais nous voulons que la commission parlementaire se prononce sur le bien-fondé des demandes syndicales, des positions d'Hydro-Québec, dictant, en quelque sorte, les règles du jeu des commissions parlementaires dans cette Assemblée nationale. C'est seulement si l'Assemblée nationale et la commission parlementaire acceptaient ces conditions que le syndicat allait offrir, de nouveau, de mettre en vigueur un moratoire sur les services essentiels jusqu'à ce que la commission se soit prononcée et que le résultat de ces décisions soit communiqué aux membres du syndicat.

En dernière analyse, le gou\emement, voyant bien qu'il ne pourrait pas fa re accepter à la population le genre de restriction mentale qu'il avait mise lorsqu'il avait décidé d'accorder cette commission parlementaire, a laissé courir le temps, a laissé s'exprimer, dans une certaine mesure, mais dans des conditions absolument inacceptables — deux heures du matin, trois heures du matin — le syndicat et a laissé s'exprimer également Hydro-Québec. Là, en dernière analyse, il finit par proposer ce que tout le monde avait pensé au départ être la solution qui devait être adoptée, c'est-à-dire d'offrir une véritable commission parlementaire dans des conditions normales de travail, une commission parlementaire qui se tiendrait le jour plutôt que la nuit et qui entendrait les doléances des syndicats concernés. A ce moment, lorsque le gouvernement a offert de continuer les travaux aujourd'hui, on a demandé à juste titre aux syndicats, quant aux offres qui avaient été faites à plusieurs reprises dans le cours de la soirée à propos du moratoire, si ce moratoire, en fait, serait introduit ce matin à huit heures. La réponse a été négative. Le syndicat, par conséquent, et indépendamment des fautes et de l'indécision du gouvernement dans les circonstances, a refusé une demande précise, claire, nette, raisonnable, venant de l'Assemblée nationale du Québec.

Ce n'était plus une demande par téléphone de la part d'un ministre, ce n'était plus une demande faite par le premier ministre, même si on reconnaît qu'une demande faite par un premier ministre devrait quand même avoir une certaine importance dans une société civilisée, mais c'était une demande d'une commission parlementaire, qui est l'autorité suprême, souveraine, dans une société. Or, à cette demande de cette commission parlementaire, le syndicat a dit: Non, il n'y aura pas de moratoire. Nous n'acceptons pas le moratoire. (19 h 50)

Cela s'est fait dans des circonstances qui m'ont paru, en ce qui me concerne, des circonstances raisonnables, des circonstances, encore une fois, qui me paraissaient faire un bon bout de chemin dans la direction des demandes syndicales originales. J'avoue que ceci m'a paru être d'une suffisance absolument déplorable et d'un manque du sens des réalités.

C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure que j'avais été bouleversé. J'ai été bouleversé et cela me ramène à ce que je demandais au tout début: Quelle sorte de société sommes-nous en train de préparer? Dans quelle sorte de monde allons-nous vivre, s'il faut que, encore une fois, un petit nombre de personnes prennent sur soi de refuser des demandes qui sont légitimes et qui, dans les circonstances, étaient même des demandes raisonnables à tous égards?

Le syndicat avait demandé de se faire entendre par la commission parlementaire. En admettant, encore une fois, que le gouvernement ait voulu se servir de la commission parlementaire, même en admettant cela, je pense qu'à trois heures, ce matin, la situation avait suffisamment évolué pour que les chefs syndicaux reconnaissent qu'ils devaient exercer, quant à eux, un sens des responsabilités un peu plus poussé, un peu plus manifeste que celui qu'ils ont finalement exprimé.

Mon dernier point se rapportera au rôle du gouvernement dans l'ensemble de cette affaire et au-delà de ce qui s'est passé hier soir. Le premier ministre a fait allusion tout à l'heure à de belles certitudes en ce qui concerne le chef de l'Opposition officielle. Il a dû choisir cette image dans le réservoir d'images qui était appliqué au Parti québécois et qui l'a été pendant très longtemps. En effet, c'est bien le Parti québécois qui partageait ces belles certitudes les jours où ils se présentait devant la population pour tâcher d'avoir l'appui de cette population pendant la dernière campagne électorale en particulier, et les années qui ont précédé.

Belles certitudes, en ce qui concerne les relations de travail au Québec. Lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, la première chose qu'il a faite a été de dire en cette Assemblée qu'il y avait des amendes et des sanctions qui étaient prévues par une loi, mais que cette loi, somme toute, étant injuste, il était également injuste d'appliquer les sanctions qui étaient prévues par cette loi.

Je pense, à ce moment, que le gouvernement du Parti québécois exprimait une naïveté absolument inconcevable, une démagogie d'ailleurs. On voulait jouer, justement, avec les lois qui avaient été adoptées au nom de quoi? Au nom d'un préjugé favorable en ce qui concerne les syndicats.

Je dis simplement ceci: Le gouvernement a mis bien du temps à acquérir, de son côté, quelque sens de la responsabilité. Ces attitudes qu'il a affichées auparavant étaient enfantines,

elles ont conduit, justement, en grande partie, à ce genre de position qui est prise de plus en plus souvent dans cette société, position qui consiste à dire: Nous prétendons que nous avons droit à ceci, si la société ne nous le donne pas, nous allons le prendre.

Nous allons exercer nous-mêmes les pressions nécessaires pour obtenir ce que la société juge qu'elle ne devrait pas octroyer dans certaines circonstances données. C'est bien le gouvernement qui est là aujourd'hui qui disait, de l'expérience antérieure, des gouvernements antérieurs, qui disait que ces expériences n'étaient pas valables. Bien sûr qu'elles n'étaient pas valables parce que le gouvernement qui était au pouvoir à ce moment-là, prétendait-il, était un gouvernement qui ne comprenait pas les problèmes, qui n'affichait pas suffisamment le sens de la justice et de l'équité pour que ses lois soient appliquées. Aujourd'hui, on récolte ce qu'on a semé.

J'ai mentionné, tout à l'heure, l'indécision, sinon le calcul qui a été fait par le gouvernement dans le conflit actuel, calcul et indécision qui ont conduit au genre de cul-de-sac auquel nous avons été confrontés cette nuit. Je veux aussi mentionner que, finalement, le gouvernement en arrive à adopter une loi spéciale, une vraie loi spéciale, pas une loi de report, pas une loi de "cooling off" comme dit le ministre des Finances, pour essayer de gagner du temps, mais une loi spéciale qui impose des conditions de travail. Imaginez, le premier ministre aussi a dit que le chef de l'Opposition officielle avait choisi ses exemples lorsqu'il a fait état des lois spéciales antérieures. Il y en a une qui me paraît particulièrement intéressante parce qu'elle s'applique aux employés d'Hy-dro-Québec, et c'est la loi de 1972, sur les services essentiels. Cette loi sur les services essentiels ne comporte aucune condition de travail, aucune. Elle comporte simplement l'obligation, pour les gens, de maintenir des services essentiels. On dit, à l'article 12, que la présente loi prend effet à compter du 15 novembre 1972 jusqu'au règlement du différend qui oppose Hydro-Québec et ses salariés. Donc, on a laissé, en 1972, la négociation se poursuivre et la loi, en tant que telle, ne s'est pas préoccupée d'imposer, n'a pas imposé les conditions de travail.

Imaginez, ce sont les mêmes personnes aujourd'hui qui disaient, naguère, que ce genre de loi qui imposait des conditions de travail était inacceptable. Pourtant, cette loi de 1972 est une loi qui aurait pu être appliquée cette fois-ci puisque notre première préoccupation, c'est justement le maintien des services essentiels dans les circonstances actuelles. C'est cela la principale préoccupation. On n'a pas appliqué une loi sur les services essentiels, on a appliqué une loi de retour au travail. Moi, cela me fait penser à une espèce de pendule, où d'un côté on retire une loi qui avait été votée auparavant en disant: De toute façon, la loi était injuste à cause des amendes qui étaient impliquées dans cette loi, amendes qu'on retrouve aujourd'hui exactement pour les mêmes montants. On trouvait cela absolument injuste. On a retiré la loi et on en applique une autre. Maintenant, c'est l'autre côté du pendule où là, il me semble, à mes yeux, qu'on a pu aussi aller, exagérer dans le sens inverse.

Enfin, Mme la Présidente, je voudrais terminer ces observations en disant que ce qui me paraît, pour l'avenir, le plus important, c'est d'examiner à nouveau l'application de nos lois et le régime de relations de travail, en ce qui concerne les services essentiels et en ce qui concerne les relations de travail dans le secteur public en particulier. Je pense que déjà depuis des années, les experts dans ces domaines se posent les mêmes questions. Il est grand temps que le gouvernement essaie de revoir ce système de relations de travail dans le secteur public parce qu'il ne fonctionne pas. Cela fait déjà trois ans que le Parti québécois est au pouvoir, cela fait trois ans qu'il aurait pu amorcer cette réflexion. Il ne l'a pas fait.

En dépit de toutes les promesses qu'il avait faites au départ quant à la paix sociale, quant à l'exigence de justice que tout gouvernement devait avoir, ce gouvernement n'a absolument rien fait, ça fait plus de trois ans qu'il est au pouvoir, et je le dis aujourd'hui: II serait peut-être temps de commencer à revoir la législation que nous avons dans le domaine du travail parce qu'il est évident que ce système ne fonctionne pas, que ce n'est pas avec des cataplasmes et des lois spéciales qu'on va résoudre les difficultés. Je pense qu'il est plus que temps que le gouvernement arrive et dépose devant cette Assemblée des propositions qui vont avoir une certaine durée et qui vont s'attaquer aux racines profondes du mal qui existe dans ce domaine et qui consiste dans le fait que des syndicats faisant face à un Etat peuvent toujours se dire qu'il n'y a pas de sanction ultime aux menaces de grève ou aux grèves. On se dit qu'on peut toujours imposer à la population des sacrifices considérables sans jamais que le syndicat lui-même soit vraiment pénalisé ou que ses membres soient vraiment pénalisés. Il faut revenir à un système où on va inciter les gens à suivre les lois et à se comporter en personnes responsables. (20 heures)

II faut que ce régime juridique que nous avons tienne compte de cette réalité, et on ne doit pas, d'un côté, ouvrir toutes les portes, et on ne doit pas, non plus, toutes les fermer. Je ne pense pas, encore une fois, que la solution réside dans des cas-par-cas, grève après grève, lorsque les services essentiels ne sont pas maintenus et que la population est tenue en otage, simplement parce qu'il faut attendre des procédures, des procédures et des procédures. Il y a, aujourd'hui, une impatience dans la population qui est entièrement justifiée et cette impatience doit trouver une réponse dans des positions et des propositions de la part du gouvernement du Québec qui soient autre chose que le genre d'utilisation politique et partisane que le gouvernement a fait de tous ces conflits sociaux jusqu'à maintenant.

La Vice-Présidente: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: Mme la Présidente, tout d'abord, puisque nous sommes à la phase de conclusion de la deuxième lecture, j'aimerais relever certains commentaires ou certaines questions qui ont été posées par l'Opposition, ou des événements évoqués par l'Opposition.

On a parlé, entre autres — cela a été le cas du député de Portneuf — de ce groupe de salariés qu'on appelle les nationalisés, c'est-à-dire ce groupe de travailleurs et travailleuses qui étaient à l'emploi des compagnies privées d'électricité qui ont été nationalisées au début des années soixante. S'il est vrai que cette négociation n'a pas été nécessairement, par définition pour eux, l'objet de déblocages plus remarquables qu'antérieurement — et peut-être le syndicat a-t-il choisi, dans ses équilibres, de faire valoir ce point de vue et celui d'autres, et de pondérer tout cela — il est cependant vrai que, même si le rapport de médiation ne leur accorde par le Pérou, il prévoit quand même l'indexation de 2% de la rente qui leur est affectée.

Quant à ceux qui sont des retraités, cependant, de la nouvelle Hydro-Québec à laquelle ils furent intégrés, évidemment, ils ne sont plus des salariés. Il n'en demeure pas moins que j'ai été avisé qu'Hydro-Québec, dès le début de l'année 1980, en janvier ou en février, doit faire certains réajustements sur ses rentes.

Quant à la question de la commission, puisqu'on y est revenu passablement au cours de ce débat, on a surtout assisté, à mon avis, à un effort de récupération qui a même frisé le manque d'élégance de la part du député de Portneuf. Le député de Portneuf a tenté de nous expliquer, tout à l'heure, que, dans le fond, la proposition finale de la commission, c'est son parti qui était responsable de cela. Si on regarde les faits, on s'apercevra qu'il y a eu passablement de confusion lors de cette commission qui, c'est vrai, a été convoquée à 18 heures pour une commission qui commençait à siéger à 22 heures.

Je pense que tout le monde, du côté ministériel comme du côté de l'Opposition, a été plus ou moins responsable d'accepter la définition très restrictive du mandat que cette Assemblée avait donné à la commission. Mais, du côté de l'Opposition en particulier, j'ai été frappé de voir que le chef de l'Opposition, à un moment donné, est intervenu quelque part entre minuit et 1 heure du matin pour expliquer qu'à son avis on ne devrait pas discuter du fond alors que le gouvernement ne souhaitait rien de moins que d'entendre les raisons pour lesquelles le syndicat avait refusé le rapport de médiation, raisons que le syndicat, à toutes fins utiles, ne nous a pas fait entendre en partie à cause de la confusion et surtout parce qu'à la fin, malgré les consentements, etc., le syndicat a choisi de répondre de façon très vague. Mais c'est quand même le chef de l'Opposition qui, dans un premier temps, a dit en commission qu'il considérait que la commission ne devait pas entendre les raisons de fond, qu'il considérait que le mandat était restrictif. Il en a même appelé au président pour le dire. Pourtant, le député d'Outremont, quelques moments après, toujours pour ajouter à cette confusion, disait: Evidemment, s'il s'agit d'entendre les raisons pour lesquelles le syndicat a refusé le rapport de médiation, il faudrait peut-être qu'il nous parle de santé et sécurité, des clauses salariales, de la question des heures de repas, de la question des heures par semaine, etc. Donc, il y avait beaucoup de confusion et, je pense, beaucoup de confusion dans l'esprit des gens de l'Opposition.

On m'a reproché de ne pas avoir questionné Hydro-Québec. Cela a été le reproche, entre autres, du député de Gatineau. Il m'a reproché de ne pas avoir questionné les gens d'Hydro-Québec. Je n'avais pas grand-chose à demander aux gens d'Hydro-Québec; ils ont accepté le rapport de médiation en disant cependant qu'à leurs yeux c'était conditionnel à un règlement. Je n'avais pas à leur demander pourquoi ils avaient rejeté le rapport de médiation. Je n'ai pas eu à leur demander pourquoi ils l'avaient accepté puisqu'ils l'avaient exposé. Je pense qu'il ne faut pas voir là une tendance patronale. Dieu sait — on n'a pas à s'en cacher — qu'il ne faut pas voir dans les membres de l'Assemblée qui sont de ce côté-ci des gens qui ont un tempérament patronal.

On m'a reproché d'autre part, et particulièrement le député de Gatineau, avec une certaine agressivité, d'avoir questionné les syndicats, d'avoir posé aux représentants syndicaux quelques questions très précises. J'ai demandé au représentant syndical quelle avait été la question sur le bulletin, quand on est allé — ce n'est peut-être pas le député de Gatineau qui a mentionné cela, c'est son collègue d'arrière-banc, le député de Portneuf, le banc voisin. J'ai demandé au syndicat quelle était la question qu'ils avaient posée aux travailleurs en assemblée, dans cette centaine d'assemblées dans les régions, pour obtenir un mandat de grève alors qu'il se faisait des tournées? Encore une fois, on avait affaire aux premières propositions patronales. Je pense qu'il était d'intérêt public, puisque les conséquences d'une grève à l'Hydro-Québec sont éminemment publiques, de savoir que la question sur le bulletin était la suivante: Etes-vous pour les offres patronales, ou contre les offres patronales et en faveur d'un mandat de grève générale? Ne laissant pas le choix au travailleur qui aurait voulu exprimer son désaccord avec les offres patronales, mais peut-être la volonté de voir cela négocié ou en conciliation ou en médiation, ne lui laissant pas de choix. Je pense que c'était d'intérêt public que ce soit su. C'est également d'intérêt public, je pense, qu'on connaisse le pourcentage de participation des travailleurs à ces scrutins secrets. Il y a eu moins de 50% des travailleurs qui ont exprimé leur opinion et là-dessus il y en a eu 77%, me dit-on, qui ont dit qu'ils étaient en faveur de la deuxième option sur le bulletin c'est-à-dire, contre les offres patronales et en faveur de la grève générale.

Ce qui fait qu'au total, cela fait moins de 40%, plutôt près du tiers des travailleurs syndiqués qui ont exprimé leur opinion négative et qui ont

entraîné cette grève générale qui paralyse, à certains égards, le Québec à l'approche du 21 décembre, date si importante. Il me semble que c'était d'intérêt public qu'on le demande. On nous a parlé également des autres lois qui ont été utilisées au Québec ou au niveau du gouvernement fédéral, les lois ordonnant le retour au travail dans des contextes, que ce soit celui des hôpitaux, des commissions scolaires, du transport public à Montréal, des ports nationaux, et je pense à un autre exemple du gouvernement fédéral. Dans la demi-douzaine d'exemples que le chef de l'Opposition nous a donnés il nous a dit: Mais pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris les méthodes qui amènent une phase additionnelle après la loi?

D'abord, il faut bien se comprendre. Le chef de l'Opposition, s'il voulait regarder le nombre de lois spéciales qui ont été adoptées en cette Assemblée de 1965 à 1976, il avait l'embarras du choix, parce que c'était une méthode assez courante, merci. Particulièrement, à l'époque de ceux qui nous ont précédés au gouvernement de 1970 à 1976. (20 h 10)

Sur ce groupe, je parle des lois québécoises, de lois, dans la demi-douzaine ou à peu près qu'il a mentionnées, il a évoqué des techniques comme l'arbitrage après la loi, sur certains points, la médiation, la nomination de conciliateurs, la commission parlementaire, autant de choses qui, effectivement, ont déjà été des recours utilisés. Mais il faut bien se rappeler que, dans la plupart de ces cas, si ce ne sont pas tous les cas, malheureusement, je n'ai pu les recenser tous au cours de la journée. Dans la plupart de ces cas, les étapes antérieures à la loi avaient donné lieu à l'expression démocratique des travailleurs, que ce soit sur un rapport de conciliation, sur les dernières offres patronales ou sur un rapport de supermédiation spéciale. C'est cela la grande caractéristique de ces lois. Cela venait après qu'un processus normal a été respecté, après que la démocratie syndicale s'est exprimée et qu'il y a, malgré tout cela, un échec.

Il faut, d'autre part, se rendre compte que, dans la négociation dont on parle, c'est-à-dire celle qui fait l'objet de cette loi, toutes les phases, on les a passées, la négociation en direct depuis 1978, la conciliation, la supermédiation avec quatre médiateurs dont le sous-ministre du Travail et le directeur des relations de travail du ministère, la commission parlementaire elle-même, tout aussi confuse qu'elle ait été hier soir.

Finalement, on en arrivait où on devait conclure qu'il n'y a pas d'étapes après cela, et le syndicat, lui, a choisi la structure syndicale, il a choisi de ne pas respecter le principe de la consultation démocratique. On a donc pris l'ensemble des conditions de travail fixées par les conventions existantes, les ententes entre les parties et le rapport de médiation, et on a fait finalement ce qui est arrivé, entre autres, en 1967, dans le secteur de l'éducation, chapitre 63, à l'article 3, où on se rendra compte effectivement qu'il y avait fixation des conditions de travail; en 1969, chapitre 68, éducation, Commission scolaire de Chambly — certains vont s'en souvenir ici — article 2, décret des conditions de travail; services de santé, 1976, chapitre 29, le député de Portneuf a voté pour cette loi, l'article 8, décrétant les conditions de travail.

Donc, puisqu'il y a un ensemble de lois, il y a un ensemble de techniques possibles et je pense que la technique qui est utilisée ici, c'était la seule possible dans les circonstances, la seule logique.

On a parlé aussi de l'attitude, qu'on jugeait agressive, de celui qui vous parle. C'est vrai. C'est vrai que je n'étais pas d'humeur à rigoler tellement hier soir en commission parlementaire. C'est vrai que j'ai peut-être employé un ton un peu raide à l'égard des représentants syndicaux, mais je dois vous avouer que je pensais aux citoyens, à ceux qui étaient les victimes de cet abus manifeste, de l'irrespect entre autres de la démocratie syndicale, de l'irrespect même de leur propre parole, du moratoire donné s'il y avait commission parlementaire. J'avoue qu'il y avait de quoi, un peu, être ennuyé et peut-être démontrer une certaine agressivité ou en tout cas sûrement, sans tomber dans l'intolérance, un certain agacement. C'est peut-être ce que j'ai manifesté hier à l'égard des représentants des structures syndicales d'Hydro-Québec et non pas des travailleurs qui, de façon générale, dans la mesure où ils ont assuré des services essentiels, ont fait leur boulot, dans des conditions souvent pas très faciles parce qu'il y avait derrière tout cela la population.

Ce qui m'amène à dire que l'ensemble de ces choses nous oblige parfois à prendre des décisions qui ne sont pas faciles. On va au meilleur de notre jugement, de notre expérience, de nos convictions, de nos orientations et de l'esprit de justice qu'on pense être celui qu'il faut adopter ici. On essaie d'être cohérent. A ce titre, je citerai simplement des propos que j'ai entendus ce matin de la part du chef de l'Opposition. La cohérence, c'est une chose qui est importante. C'est important pour les hommes politiques quand ils sont obligés de prendre des décisions qui touchent beaucoup de citoyens, quand cela implique l'ensemble du Parlement. Je pense que jusqu'à maintenant on a essayé d'être cohérent; on ne prétend pas avoir fait des miracles au Québec. Je pourrais dire, par exemple, que depuis trois ans, même si ce n'est pas un indicateur du climat social, c'est au moins un indicateur des quantités, il y a quand même eu moins de journées perdues à cause des grèves que dans la seule année 1976. J'inclus là-dedans tout le public et le parapublic de 1979. C'est quand même objectivement une certaine amélioration. On peut dire qu'au bout de la ligne, il y a eu moins de citoyens touchés, ce qui n'empêche pas que cela a été cruel, difficile pour les citoyens qui, eux, ont été touchés depuis trois ans.

Le chef de l'Opposition, ce matin, nous disait ceci au sujet des méthodes qu'on emploie: "Vous pouvez compter que le parti que je dirige, disait-il, n'ira jamais s'ingérer dans le fonctionnement interne des associations syndicales comme le pré-

sent gouvernement l'a fait depuis quelques semaines.

Nous leur dirons franchement, dans certains cas, que nous ne pouvons pas accepter que le droit de grève s'exerce, par exemple, dans le domaine des hôpitaux et nous n'irons pas leur dire: "On vous donne le droit de grève, mais voici comment vous allez diriger votre patente, voici comment vous allez vous comporter. On va même presque vous mettre dans les mains la question que vous devrez poser à vos gens. On n'ira pas jusque là. Je vous le dis franchement." Je ferme les guillemets. C'est le ruban 6963, page 1 d'aujourd'hui.

Le 12 novembre, il y a un mois et sept jours, à l'occasion de l'étude de la loi 62 — je ne parle pas d'un éditorial écrit au Devoir en 1963, je parle d'il y a un mois et sept jours — le chef de l'Opposition affirmait, en réponse au discours de deuxième lecture de présentation du projet de loi no 62: "Je suis convaincu que nous devrons en venir à un stade où la démocratie syndicale devra faire l'objet d'une codification législative beaucoup plus élaborée qu'actuellement. Je ne vois pas pourquoi nous aurions, dans nos lois, des textes législatifs extrêmement élaborés, régissant le fonctionnement des compagnies, régissant le fonctionnement des coopératives et, lorsqu'il s'agit des associations syndicales, en vertu d'un quelconque privilège ancestral ou historique, elles devraient échapper à cette nécessité." Je continue: "Je vous informe que lorsque nous prendrons le pouvoir, c'est une question que nous examinerons en profondeur. Tous les citoyens ont des responsabilités qui correspondent aux droits dont ils jouissent. En matière d'association syndicale, je dis — poursuivait M. Ryan, le 12 novembre 1979, en cette Chambre — tout de suite que je suis prêt à examiner bien des choses, non pas seul, cependant, mais bien en consultation avec les intéressés."

Je pense, comme on a lu tout à l'heure ce que le chef de l'Opposition nous a dit ce matin, qu'il a dû procéder à ces consultations et qu'il s'est fait une idée. La cohérence est une chose importante quand on adopte des lois. Ce gouvernement tente d'être cohérent; il ne prétend pas faire des miracles. Ce n'est pas par des lois qu'on va changer la société; les lois sont un instrument. La société doit évoluer.

J'écoutais tout à l'heure le député d'Outremont trouver attristant le sort que nous réserve l'avenir de notre société. Je comprends qu'il y a des choses très préoccupantes. C'est pour cela d'ailleurs qu'on adopte cette loi aujourd'hui, pour régler un problème qui est extrêmement important pour les citoyens, en faisant un accroc aux principes généraux de la non-intervention dans les négociations.

Mais le député d'Outremont me fait penser un peu à cet homme des cavernes qui, un jour, voyait un dinosaure et qui criait: Les dinosaures s'en viennent! Les dinosaures s'en viennent! Ce que je sais, c'est qu'environ 25 000 ans après, il y a encore des hommes et il n'y a plus de dinosaures et il faut peut-être se dire qu'il ne faut pas appréhender l'avenir avec autant d'anxiété. (20 h 20)

Si le député d'Outremont s'imagine qu'on s'en va vers un mur de brique, j'ai l'impression qu'il va être très malheureux, surtout ici au Parlement, où on essaie de faire des choses pour la société. Il y a des problèmes. On essaie de les régler et on essaie, encore une fois, de les régler à la lumière des intérêts de l'ensemble des citoyens et de certaines convictions qu'on peut avoir.

Je terminerai en disant que ce que cette loi vise à faire, c'est de rétablir la normalité. Ce n'est pas normal que des négociations prennent un an et demi en soi. Ce n'est pas normal que ce soit bousillé depuis dix ans à Hydro-Québec. Ce n'est pas normal qu'il y ait un échec systématique de la conciliation dans ce secteur. Ce n'est pas normal non plus qu'on n'aille pas faire voter les salariés sur un rapport de médiation. Ce n'est pas normal que des citoyens souffrent en plein hiver, à 20 sous zéro, manque de chauffage, manque de lumière, à l'approche de Noël, compte tenu surtout de l'époque et compte tenu des enjeux de cette grève, quand on regarde ce qu'il y a dans le rapport de médiation.

On rétablit donc la normalité à travers un moyen qui n'est pas courant. C'est une loi spéciale et qu'on n'aime pas faire, surtout pas nous autres. Par tempérament, on n'est pas très portés — vous n'avez qu'à lire les discours de mes collègues qui ont siégé de l'autre côté de la Chambre pendant six ans — à adopter des lois comme cela, mais, à un moment donné, il faut le faire.

Des Voix: A l'ordre! A l'ordre!

M. Johnson: A un moment donné, s'il faut le faire, on le fait. Je pense que...

La Vice-Présidente: M. le ministre, vous allez devoir conclure.

M. Johnson: Je termine là-dessus, Mme la Présidente, si vous me donnez 30 secondes. Je termine en disant que ce qui est normal, c'est que les salariés d'Hydro-Québec ont des conditions qui ont été décrites abondamment aujourd'hui, qui leur garantissent leur pouvoir d'achat, le maintien de leur pouvoir d'achat à travers l'indexation, des conditions quant à leur retraite, des conditions en matière de santé et de sécurité, des conditions sur un ensemble de points qui sont tous des progrès considérables sur la convention collective qui existait antérieurement.

Deuxièmement, la population n'aura plus normalement — si cette loi est adoptée avant minuit et les travailleurs entrant en leurs fonctions — la population n'aura pas à souffrir pendant l'hiver et on n'aura pas à appréhender le 21 décembre, qui est une époque dangereuse, si on ne fait pas attention, dans le système hydroélectrique.

Finalement, je pense que cette loi va permettre que le Québec en entier retrouve son calme.

La Vice-Présidente: Cette motion du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre proposant que

soit maintenant lu, la deuxième fois, le projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec, sera-t-elle adoptée?

M. Charron: Vote enregistré, Mme la Présidente, s'il vous plaît!

Des Voix: Vote.

La Vice-Présidente: Qu'on appelle les députés.

Suspension à 20 h 23

Reprise à 20 h 38

Mise aux voix de la deuxième lecture

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! Cette Assemblée est appelée à mettre aux voix la motion de M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec. Que ceux qui sont favorables à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Marois, Landry, Léonard, Couture, Vaugeois, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Gendron, Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Tardif, Garon, Martel, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, de Bellefeuille, Dussault, Alfred, Marquis, Ouellette, Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Ryan, Lévesque (Bonaventure), Saint-Germain, Caron, Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Giasson, Rivest, Larivière, Mathieu, Dubois, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Marx, Biron, Brochu, Goulet, Fontaine, Russell, Cordeau, Le Moignan, Tremblay. (20 h 40)

La Vice-Présidente: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever! Abstentions!

Le Secrétaire: Pour: 88 — Contre: 0 — Abstentions: 0

La Vice-Présidente: La motion est adoptée.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Commission plénière

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission plénière se réunit pour étudier article par article le projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec. Je disais donc que la commission plénière se réunit pour étudier article par article le projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec. J'appelle l'article 1 du projet de loi. M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, à l'article 1, il s'agit simplement de la définition des parties: l'association de salariés étant définie comme les trois locaux syndicaux qu'on y retrouve; le salarié étant défini au sens du Code du travail.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. L'intervention que j'ai faite cet après-midi et la teneur des propos de plusieurs de mes collègues ont été dans le sens de s'interroger sur ce qui arriverait à l'égard des points qui sont demeurés en suspens ou encore des points qui n'ont pas fait l'objet de recommandations particulières du rapport de médiation. On sait, M. le Président, que cette loi vient décréter, vient imposer une convention collective non négociée à l'égard de laquelle il n'y aura, pendant les années où ces travailleurs seront régis par la convention collective, aucune entente comme telle sauf quelques clauses de paraphées. Il reste plusieurs points... On nous informe qu'il restait plusieurs points ou tout au moins certains points en suspens.

Entre autres, cet après-midi, j'ai eu l'occasion de les soumettre à l'attention du ministre du Travail, parce que c'est le parrain du projet de loi, celui qui se sert de la matraque dans les circonstances. Cependant, le ministre de l'Energie pourrait répondre à la question que j'ai préalablement formulée, que je peux lui réitérer, soit qu'il était absent ou, même s'il était présent, que, comme d'habitude, il n'ait pas porté attention.

M. Johnson: C'est possible peut-être de revenir au projet de loi, s'il vous plaît.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: M. le Président, je tiendrais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre s'il vous plaît!

M. Pagé: II est de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je tiens à dire, pour le bénéfice des membres de la commission, qu'il est d'usage et de coutume, avant que l'article 1 soit adopté, pour les représentants de chacun des partis politiques, de poser des questions ou de faire des commentaires de nature générale. Une fois l'article 1 adopté, il devient impossible de faire ces commentaires généraux.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, on reconnaît chez vous l'expérience et la connaissance du règlement, ce qui n'est pas le cas chez plusieurs de mes collègues ministres d'en face.

J'en étais à soumettre la question suivante au ministre de l'Energie. On sait qu'un des objets en litige n'a pas fait l'objet de recommandations particulières ou de recommandations en plus de la part des médiateurs du dossier, c'est le problème du fonds de retraite de certains employés d'Hydro-Québec. On sait qu'il y a un problème en ce qui concerne les employés qui étaient au service d'entreprises qui ont été nationalisées, qui ont été intégrées à Hydro-Québec l'ancienne Hydro-Québec, le 1er janvier 1965 ou encore le 1er janvier 1966. On sait aussi que des représentations ont été faites tant à Hydro-Québec qu'au conseil d'administration d'Hydro-Québec. Ces représentations ont été transmises évidemment au Conseil des ministres, parce que celui qui tient les cordons de la bourse, celui qui a le pouvoir financier dans tout cela, c'est le ministre des Finances. On sait que le ministre de l'Energie a eu l'occasion d'échanger par des lettres, de la correspondance, tout au moins, l'ancien ministre, c'est-à-dire l'actuel ministre des Consommateurs, avec l'association des anciens employés de compagnies nationalisées.

J'aimerais d'abord savoir la position du gouvernement à l'égard de leurs représentations. On sait que ceux-ci demandent un rajustement, ceux-ci demandent d'être véritablement intégrés à l'intérieur des échelles pour qu'ils puissent bénéficier des mêmes avantages que les employés de l'ancienne Hydro, même s'ils ont, pour une certaine période, contribué de façon plus appréciable que les employés d'Hydro-Québec. Où en est rendu ce dossier, parce que c'était un des points en négociation? Et même si le gouvernement vient décréter que le rapport des médiateurs s'applique et qu'il constitue la convention collective, est-ce que le gouvernement entend se pencher, ou est-ce qu'Hydro-Québec entend reconsidérer certains points qui demeuraient en litige, qui n'ont pas été touchés ou qui n'ont pas été touchés en plus par le rapport des médiateurs? C'est là l'essentiel de la première question que je voulais formuler.

M. Johnson: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: En réponse à la première question, je suis informé que, dans le cas des natio- nalisés, ceux qui sont à l'emploi d'Hydro actuellement bénéficient de 2% d'indexation en vertu du rapport de médiation. (20 h 50)

En mai 1979, il y a eu une garantie d'un minimum de 1,66% du salaire de base des cinq meilleures années. Certaines entreprises n'avaient pas de régime, ce pourcentage s'applique pour toutes les années de service pour un nationalisé, et dans la compagnie où il était, et à HydroQuébec. Il y a possibilité de rachat de crédit de rentes de 0,34% du salaire de base au 1er janvier 1979 et Hydro-Québec paie 50% du coût de rachat. Ces deux montants, soit 1,66% et le rachat de crédit des rentes, sont indexés à raison de 2% en vertu du rapport de médiation. Dans le cas des nationalisés qui sont à la retraite, nous sommes simplement informés qu'Hydro-Québec, qui a déjà fait des ajustements, je pense, en 1972, si je ne me trompe pas, serait sur le point de préparer de nouveaux ajustements au début de 1980. En 1972, des montants d'argent avaient été versés selon l'importance de la rente qui était acquise avant la nationalisation, le montant représentant en moyenne 71% du relèvement de la rente.

En 1976, un montant de $600 a été ajouté à la rente. En mai 1979, il y a eu le redressement de la rente de 2% à 15%, de la date de la prise de la retraite. Par exemple, un employé qui a pris sa retraite en 1978 a un relèvement de 2%, l'employé qui l'a prise en 1972 en a un de 15%. Depuis 1972, les rentes en moyenne pour ces employés ont été majorées de 80%. Il demeure quand même que j'ai eu l'occasion de rencontrer un représentant d'une association bona fide, qui n'est pas le syndicat, mais qui est un regroupement de travailleurs qui sont ou des cadres, ou des travailleurs syndiqués et qui ont certains problèmes en commun du fait qu'ils sont les nationalisés des années soixante. J'ai cru comprendre que même si une partie de leurs problèmes pouvait faire l'objet de demandes du syndicat en négociation, il demeure quand même qu'ils considèrent que ce n'est pas nécessairement et uniquement en négociation que ce problème peut être réglé. Maintenant, je suis informé que le Conseil du trésor a déjà été saisi d'une étude à ce sujet. Je ne pourrais cependant pas vous dire où cela va, autrement que ce que j'ai précisé tout à l'heure.

M. Pagé: M. le Président, je suis conscient, je suis informé qu'effectivement le gouvernement ou Hydro-Québec a proposé un régime de rachat de rentes à ses employés, aux employés dits nationalisés, mais après avoir rencontré ceux-ci, après avoir eu l'occasion d'échanger avec ceux-ci sur le coût, les effets, ce que peuvent représenter les avantages d'une telle proposition, d'un tel programme de rachat de rentes, le ministre conviendra qu'il demeure encore beaucoup d'insatisfaction en ce que la parité n'est pas établie, n'est pas acquise entre les groupes dits nationalisés et les groupes de l'ancienne Hydro. Des représentations ont été faites au ministre de l'Energie et j'aimerais qu'il nous informe de sa position à l'égard de ce dossier. D'autre part, il y a peu de temps, les gens

de cette association ont communiqué avec différents membres du gouvernement, entre autres avec le premier ministre. Le ministre s'est dit non seulement sensible aux problèmes, mais intéressé à contacter ses collègues pour voir s'il n'y avait pas possibilité d'y apporter des modifications.

J'ai moi-même tenté, par des questions posées ici, à cette Assemblée, de soulever cette question et le ministre du Travail m'a dit qu'il me répondrait par écrit. Evidemment, j'attends encore la lettre. Mon collègue le député d'Outremont est lui aussi sensibilisé au dossier, il a posé des questions au ministre des Finances lors de l'étude du budget supplémentaire et le ministre des Finances nous a répondu que cette commission n'était pas habilitée à discuter de choses comme celles-là.

Lorsqu'il a été question qu'une commission parlementaire soit tenue pour discuter des points en litige entre Hydro-Québec et ses employés, nous croyions et nous espérions que cette question pourrait être débattue; évidemment, il n'en a pas été question puisque la convention collective est prévue dans le projet de loi adopté par le gouvernement. A quel moment pourrons-nous discuter de cette question? Est-ce que le ministre du Travail ou un de ses collègues du cabinet prévoit une autre procédure pour que cette association puisse se faire entendre, peut-être en dehors du cadre de négociations, parce que c'est strictement un probème de piastres et de cents, c'est un problème où la seule solution est que le gouvernement accepte de placer des fonds, somme toute, d'investir, de donner suite à une demande qui sera formulée et qui prévoira le versement de sommes assez appréciables. Cela peut se faire en dehors du cadre normal des négociations, mais comment peut-il se faire en dehors du cadre des négociations? Parce que là, il n'y a plus de négociations jusqu'au 29 décembre 1982. Comment tout cela se fera-t-il?

M. Johnson: M. le Président, à tous égards et tout événement, ou à tous événements, même s'il y avait eu une convention collective conclue par écrit, il n'y aurait pas plus de négociation pendant les trois prochaines années. Il faut quand même faire attention.

Deuxièmement, comme j'ai dit, j'ai eu l'occasion de rencontrer ces deux personnes. Il s'agit d'un problème qu'on peut caractériser de la façon suivante: II y a les nationalisés de 1962 qui ont, en pratique — je pense que c'est dans tous les cas — des régimes de pension inférieurs quant à ce qu'ils vont retirer au moment de leur pension à ceux qui ont toujours appartenu à Hydro-Québec, c'est-à-dire celle créée dans les années quarante. Il y a eu...

M. Raynauld: ...

M. Johnson: Oui, oui. Qui, souvent, apparemment, dans certains des cas, versaient des contributions qui auraient été supérieures. Maintenant, en pratique, il y a eu effectivement certains rajustements qui ont été faits depuis 1962, je pense, à trois ou quatre reprises; il y en a un autre qui doit être fait pour les pensionnés, en 1980. Il y a une autre dimension du problème, le premier étant celui de gens qui considèrent qu'ils devraient être traités également, ce qui, soit dit en passant, n'existe pas dans le secteur privé. Si vous vous promenez avec un fonds de pension d'un endroit à un autre dans le secteur privé, il n'y a pas de compensation et il n'y pas d'égalité par définition. Il peut y en avoir mais ce n'est pas un droit d'une certaine façon.

Au-delà de cela, il y a aussi l'autre problème qui, celui-là, est un problème actuariel. Je pense que le député d'Outremont est fort au courant de ce genre de problème, et je sais que c'est ce qui a été étudié par le ministre des Finances, avec qui j'ai évoqué la question, puisque j'avais rencontré ces personnes il y a plusieurs semaines, plus ou moins par hasard, dans un contexte tout à fait hors de la négociation. Je ne pourrais pas vous en dire plus pour le moment; je sais que cela a fait l'objet d'études du Conseil du trésor, que les conclusions sont sans doute que c'est extrêmement dispendieux, en termes de millions et de dizaines de millions de dollars qui pourraient être impliqués.

Maintenant, je sais que l'association en question s'appuie sur des études actuarielles pour dire qu'il y a des réserves quelque part dans les fonds d'Hydro-Québec qui pourraient servir à cela. Je pense qu'il s'agira de faire le tour du problème et je suis sûr que le gouvernement est réceptif à l'idée de faire le tour du problème, mais pas en commission parlementaire.

M. Pagé: Vous avez l'idée de le faire comment? Quand vous parlez de réserves, tout le monde est conscient qu'il y a des réserves.

M. Johnson: Sûrement mieux que vous l'avez fait, vous autres, de 1970 à 1976.

M. Pagé: Ecoutez, si vous voulez vous lancer sur cette voie, M. le ministre...

M. Johnson: Sept ans.

M. Pagé: ... on pourra y aller à deux, vous savez. Je vous pose une question et vous n'y avez pas répondu. Remarquez, j'y suis habitué. Mais je vous demande ceci: Quels sont les autres moyens qui sont prévus par le gouvernement pour que ce sujet puisse être discuté par les membres de l'association en question? Est-ce que ce sera lors de la comparution d'Hydro-Québec qui est normalement prévue pour janvier ou février prochain ou, encore, si ce n'est pas à ce moment-là, à quel moment le gouvernement prévoit-il pouvoir faire en sorte que ces gens puissent s'attabler avec les représentants du gouvernement et discuter du fond du problème? Parce que, à l'intérieur des négociations, c'est maintenant impossible.

M. Johnson: M. le Président, je vais prendre avis de la question pour mon collègue du minis-

tère des Finances et je présume que mon collègue de l'Energie transmettra la question aux autorités d'Hydro-Québec. Je ne peux pas en dire plus pour ce soir.

Ceci dit, je constate qu'il y a eu certains rajustements depuis quelque temps, qu'il y en a un qui est prévu en 1980 pour les retraités et que le rapport de médiation prévoit une indexation de 2% des rentes versées.

M. Pagé: Vous prenez avis, cela veut donc dire que vous serez susceptible de me fournir une réponse dans les meilleurs délais, ce qui, je l'espère, sera avant la fin de la session. Pourrez-vous donner la réponse avant la fin de la session?

M. Duhaime: Avant la fin de la présente session, oui.

M. Pagé: Oui? D'ici à vendredi?

M. Duhaime: Non, avant la fin de la session.

M. Pagé: M. le ministre du Travail: D'ici à vendredi?

M. Johnson: M. le Président, je ne peux pas m'engager à vous transmettre une réponse précise. Encore une fois, ce problème, qui dure depuis 1963, qui soit dit en passant n'a pas fait l'objet d'une attention très particulière des gens d'en face, de 1970 à 1976, s'il a attendu onze ans, pourra sans doute attendre quelques semaines, et je ne suis pas sûr que cela pourra se régler pour le soir de Noël.

Je peux assurer que le gouvernement regarde cela, que le gouvernement va y prêter une oreille extrêmement attentive et que les études actuarielles, si elles doivent être confrontées, le seront. Cela se fera dans un contexte normal, pas dans un contexte de catastrophe, à 21 heures, alors que cela fait 36 heures que tout le monde est debout.

M. Raynauld: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: ... sur ce point, je voudrais simplement dire qu'il semble que le problème, à ce stade-ci, soit un problème de procédure. Je pense que la demande de mon collègue porte sur des procédures qui vont être suivies. Ce n'est pas nécessairement sur le fond et sur le contenu... (21 heures)

M. Johnson: Sans doute. Puis-je me permettre de répondre à cela?

M. Raynauld: ... parce que...

M. Johnson: II y aura sans doute une rencontre à un moment donné. Il pourrait y avoir des échanges. Je présume qu'il y a des gens qui vont se voir. Les gens qui vont se voir seront sans doute Hydro et/ou le syndicat et/ou l'association des cadres et/ou les personnes impliquées ou encore, alternativement, le gouvernement ou des représentants, avec ou sans Hydro, rencontrant certaines de ces personnes avec ou sans autres. Toutes les permutations sont possibles.

M. Raynauld: Mais toujours sans vous. M. Johnson: Pardon?

M. Raynauld: Mais toujours sans vous. C'est ce qu'on retient.

M. Johnson: Sans moi, sans ministre du Travail?

M. Raynauld: C'est cela, sans le gouvernement. C'est ce que cela veut dire.

M. Johnson: Non, non, absolument pas. J'ai dit qu'une des hypothèses, c'est que ce soit le gouvernement lui-même. Je n'ai pas dit cela. Ah non!

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Pour le bénéfice du député d'Outremont, probablement que le ministre du Travail sera présent, parce qu'il s'est comporté comme un employeur dans ce dossier.

Des Voix: Oh!

M. Johnson: M. le Président...

M. Pagé: Non, non. C'est vrai. Vous le savez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: Non, non. La vérité a encore sa place.

M. Bérubé: Cela suffit! Allez, jeune homme! Jeune homme, tranquille! Tranquille!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: De toute façon, vous serez jugé par vos actes. Dieu sait que vous commencez déjà à être jugé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Revenez au débat, s'il vous plaît!

M. Pagé: Oui, M. le Président. Quels sont les autres points qui sont demeurés en suspens...

M. Johnson: M. le Président, sur la question générale qu'a posée le député de Portneuf, sur ce

qu'il a appelé les points généraux, on peut peut-être résumer cela ici et, ensuite, on verra le reste de la loi.

Une Voix: Est-ce que...

M. Johnson: Oui, ce sont les commentaires généraux à partir de l'article 1. Quand le syndicat nous a dit qu'i y avait six points en litige, il parlait des salaires, il parlait de la retraite, il parlait de la santé et de la sécurité, des droits parentaux, des primes et indemnités et de la question des techniciens, du statu quo ou de la modification du statu quo dans le cas de l'ancienneté, entre autres. Hier, on nous a parlé de cinq, six, sept... Enfin! Entre autres, c'est cela. Je dois vous dire qu'essentiellement, sauf sur deux points, le rapport de médiation touche à tout cela et accorde des choses au syndicat, ne retranche aucun des droits et en aucun cas ne donne cours à une demande d'Hydro-Québec. C'est au minimum le statu quo de la convention ou, dans tous les autres cas, c'est une amélioration, évidemment. Or, c'est vrai dans le cas des salaires, dans la mesure où les augmentations prévues pour 1979 sont de 8,5%, avec rétroactivité complète au 1er janvier 1979, plus $400 de forfaitaire, plus intégration, compte tenu de la hausse du coût de la vie l'année suivante, 8%, 8% et 8%, pour 1980, 1981 et 1982 à partir de taux d'inflation prévisibles de 8,5%, 8,5% et 7%. Dans tous les cas, il est garanti que la différence sera comblée si le taux d'inflation est de l'ordre de celui qui est là. En pratique, on peut présumer dans la plupart des cas qu'il risque d'être supérieur, en tout cas dans le cas de l'année qui vient, donc, maintien du pouvoir d'achat garanti et intégration dans l'échelle, sans compter un forfaitaire versé au moment du calcul de l'indexation. C'est considérable.

M. Pagé: Sur les autres points.

M. Johnson: Plus enrichissement collectif de 1% en 1982, dernière année de la convention. Quant au régime de retraite, ce qui est accordé, c'est 60 ans sans pénalité sur le plan actuariel. Retraite à 60 ans. C'était à 65. C'est passé à 63 dans une des offres et, finalement, à 60 ans dans le rapport de médiation. Indexation de la rente jusqu'à 2%...

M. Pagé: 60 ans, M. le ministre, c'est facultatif?

M. Johnson: ... demi-rente au conjoint... Pardon?

M. Pagé: 60 ans, c'est facultatif? M. Johnson: Oui, absolument. M. Pagé: Facultatif.

M. Johnson: Demi-rente au conjoint et aux enfants de moins de 18 ans, déficits initiaux et d'expérience, améliorations à la charge de l'employeur, préparation à la retraite avec une semaine par année à compter de 60 ans, donc, cinq semaines à 64 ans, un programme de préparation à la retraite aux frais de l'employeur. Ensuite, on passe à la section santé et sécurité. Il y a eu une espèce de confusion, je pense, en commission parlementaire. On peut le résumer de la façon suivante: ce que la convention prévoyait avant le rapport de médiation, c'était, en matière de santé et de sécurité, qu'il y avait, sur la base d'un système de coopération sans qu'il y ait de droit formel des parties, la possibilité d'intervention. Ce que le syndicat demandait, c'était ce qu'on appelle le total statu quo ante, c'est-à-dire aucune mesure, quelles que soient les circonstances, dans laquelle, par exemple, le droit de refus est exercé, etc. Ce que le rapport accorde — c'est quand même considérable — c'est évidemment rien de moins que ce qu'il y a dans la loi 17 au départ.

Deuxièmement, la formation de comités paritaires de sécurité, la possibilité d'intervention et d'enquête immédiate d'un représentant du syndicat dans le cas d'un accident mortel ou qui eût été susceptible d'être mortel, plus toute la section de l'inspection avec les différentes étapes pour l'inspection et la possibilité pour le syndicat de demander l'intervention de l'éventuelle Commission de la santé et de la sécurité du travail qui sera créée si nos amis d'en face réussissent à nous faire adopter le projet de loi.

M. Pagé: II est pas mal pour, d'abord, vous...

M. Johnson: Alors, essentiellement sur la santé et la sécurité...

M. Pagé: Oui.

M. Johnson:... on peut parler, en plus de cela, de 500 jours-personne avec solde qui peuvent être répartis entre les trois syndicats. Ceci, soit dit en passant, en plus des congés avec solde qui existent pour les comités paritaires, plus un droit de représentation syndicale pour faire l'enquête, comme je l'ai mentionné tout à l'heure.

Essentiellement, sur la santé et la sécurité, des acquis considérables, rien de moins que la loi et même plus que la loi sur certaines choses, plus la possibilité de la présence constante du syndicat en cas d'enquête, en cas d'accident, devrais-je dire.

Quant aux droits parentaux, la demande syndicale était de 18 semaines avec congé payé avec pleine solde pour la mère à venir. Ce qui a été accordé, c'est ce qui a été accordé au front commun, c'est-à-dire 20 semaines et non pas 18. C'est plus que la demande syndicale.

Les primes et indemnités et les allocations diverses ont été augmentées de 15% à compter du 31 décembre 1981 et il y a une indemnité de résidence qui passe de $21 à $23 à la signature.

Quant à l'allocation de repas, il y en a deux sortes. Je pense qu'on l'a évoqué en commission et ici. Dans le cas du repas qui doit être pris en

surtemps — disons qu'on demande à un travailleur ou à une travailleuse de faire un travail en dehors des heures normales — on lui accorde en ce moment une allocation de $4.75. Cette allocation passe à $5.50 à la signature pour le repas. Le syndicat — là-dessus, il est vrai que le rapport ne l'accorde pas — demandait également qu'une allocation soit donnée à tout travailleur qui n'était pas, encore une fois, dans un rayon d'accès d'une cafétéria d'Hydro-Québec. Il demandait $5.50 pour ce repas et cela n'a pas été accordé. Cela n'existe nulle part ailleurs, mais c'est le choix que les médiateurs ont fait. On ne peut pas dire, encore une fois, que c'est un point en litige en soi. Là-dessus, effectivement, le rapport est silencieux, comme il est silencieux sur la question du travail à forfait dans le cas des bureaux seulement. Dans les autres cas, il n'est pas silencieux, il intervient.

Finalement, sur cette fameuse question d'ancienneté, ce qu'on a appelé la clause Cournoyer, du nom de l'ancien ministre des Richesses naturelles, le statu quo de la convention prévaut, ce qui existait dans la convention collective d'Hydro-Québec demeure. Le syndicat demandait de préciser cela et de rendre encore plus hermétique la clause d'ancienneté, parce que deux arbitrages en ont finalement restreint la portée sur la base de la compétence apparente des gens. C'est le statu quo. Donc, on peut affirmer qu'en pratique cela voudra dire que la jurisprudence arbitrale évoluera normalement, mais c'est le statu quo. Encore une fois, ce n'est pas un recul, c'est le statu quo.

Rémunération des techniciens. C'est une demande d'Hydro-Québec qui était importante aux yeux d'Hydro-Québec, qui n'a pas été accordée à Hydro-Québec et qui est restée entre les mains des travailleurs. La rémunération des techniciens, c'est le statu quo, c'est-à-dire que la convention prévoyait une progression automatique du niveau A au niveau B après cinq ans d'expérience, ce qui donne une augmentation de salaire d'environ $75. C'en est resté là.

C'est en résumé ce qu'il y a, sans compter les points qui existaient déjà et que je n'énumérerai pas une fois de plus.

Est-ce que cela va? On pourrait peut-être...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article...

M. Pagé: M. le Président.

M. Johnson: ... passer à l'adoption de l'article 1.

M. Pagé: Je remercie le ministre des informations ici fournies.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 1 sera adopté?

M. Pagé: L'article 1 est adopté, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 1 est adopté. L'article 2? M. le ministre.

M. Johnson: A l'article 2, M. le Président, on prévoit qu'à compter de minuit et une minute ce soir...

Une Voix: Et une seconde... M. Johnson: Pardon?

Une Voix: ... une seconde.

M. Johnson: Je m'excuse, c'est minuit et une seconde, techniquement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 2 sera-t-il adopté?

M. Johnson: Pardon?

M. Pagé: Oui, en fait, l'article 2, c'est l'obligation de reprendre les services à minuit. Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 2 est adopté. L'article 3?

M. Johnson: Même chose pour Hydro-Québec, qui doit assurer les services.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté?

M. Pagé: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 3 est adopté. L'article 4? (21 h 10)

M. Pagé: Article 4, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: "L'association de salariés doit prendre les mesures appropriées pour amener ses membres à se conformer à l'article 2." Je conviens que d'une part, il y a des recours qui peuvent être exercés contre les travailleurs et des recours qui peuvent être exercés contre l'association ou certaines associations. Lorsque le législateur dira, une fois l'article adopté, que des mesures nécessaires doivent être prises par l'association, des mesures appropriées, cela veut dire quoi dans l'esprit du ministre qui a présenté la loi, qui est probablement celui qui l'a écrite?

M. Johnson: En pratique, cela veut dire donner l'ordre de rentrer. Il y a beaucoup de précédents. La plupart des lois adoptées par nos amis d'en face, à l'exception du chef de l'Opposition qui n'était pas là mais qui a eu l'occasion de commenter cela abondamment au cours des an-

nées, contiennent cette disposition. En fait, c'est imposer à l'appareil syndical, aux structures syndicales ce devoir de dire finalement: II faut rentrer. La jurisprudence est variée et diverse sur cette question. Pour autant que je connaisse un de ces jugements, dans une cause célèbre, Commonwealth Plywood — j'ai eu l'occasion d'en parler en cette Chambre il y a à peu près un an — où une certaine extension aux mesures appropriées avait été donnée mais dans le cadre d'une injonction et non pas dans le cadre d'une loi. C'est la méthode habituelle. C'est l'expression consacrée.

M. Pagé: L'article 4 sera adopté mais en l'adoptant, je vous demanderais d'accepter de suspendre le titre de l'article 5 et d'accepter une suspension de nos travaux pour dix minutes.

M. Johnson: Suspension de l'article 5?

M. Pagé: Suspendre l'article et, en même temps, accepter une suspension de nos travaux pour dix minutes.

M. Johnson: Vous voulez examiner l'article 5? M. Pagé: Oui.

M. Johnson: M. le Président, je ne veux quand même pas bousculer personne mais le projet de loi a été déposé à 11 heures ce matin et l'article 5, j'ai l'impression... M. le Président, est-ce que je pourrais savoir pourquoi l'Opposition qui a ce texte entre ses mains depuis 11 heures ce matin — cela fait presque douze heures — a besoin de cela?

M. Pagé: Je vais répondre à la question du ministre, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La présidence ne peut pas décider d'elle-même de suspendre les travaux de la commission.

M. Pagé: C'est pour cela qu'on veut vous indiquer... On demande le consentement.

M. Johnson: Pour dix minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De consentement unanime, les travaux de la commission plénière sont suspendus pour dix minutes de telle sorte qu'à 21 h 25 exactement, je serai à mon siège.

Suspension à 21 h 13

Reprise à 21 h 33

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission plénière reprend ses travaux. L'article 4 étant adopté, je vous demanderais maintenant si l'article 5 sera adopté.

M. Pagé: L'article 5, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Effectivement, on a demandé quelques minutes de suspension. Vous comprendrez, Mme la Présidente, qu'il est bien vrai que nous avons pris connaissance du projet de loi ce matin vers 11 heures et vous comprendrez de plus qu'il y a eu d'autres travaux aujourd'hui ici à l'Assemblée nationale, entre autres la loi 17, à laquelle faisait référence le ministre du Travail tout à l'heure; certains de mes collègues, et moi, ont dû agir et participer aux travaux de la loi 17. Le projet de loi, j'ai eu l'occasion de l'indiquer à quelques reprises pendant cette journée, prévoit que les dispositions contenues dans le rapport des médiateurs et les points sur lesquels il y a eu des paragraphes de parafés constituent somme toute la convention collective. Le ministre, à l'article 1 du projet de loi, dans les commentaires généraux, nous a indiqué ce qui pouvait être encore contentieux. D'ailleurs, cela a été quelque peu exprimé hier par le syndicat des employés d'Hydro-Québec, qui nous a indiqué les points sur lesquels il divergeait avec la partie patronale et les points qui, à son avis, n'étaient pas réglés à sa satisfaction par le rapport du médiateur.

L'article 5, je me permets de le lire. "Les dernières conventions collectives liant HydroQuébec et les associations de salariés sont renouvelées. Elles sont toutefois modifiées de façon à rendre applicables les ententes écrites intervenues entre les parties lors de la négociation en vue de leur renouvellement de même que les recommandations faites par les médiateurs nommés par le ministre du Travail le 10 décembre 1979 dans le rapport qu'ils ont transmis aux parties le 13 décembre 1979. "Les conventions collectives ainsi renouvelées et modifiées constituent les conventions collectives au sens du Code du travail. Elles lient les parties jusqu'au 29 décembre 1982". C'est là le libellé de l'article 5. C'est donc dire que tout ce qu'il y avait d'acquis dans la dernière convention demeure. Ce qui a fait l'objet d'entente aux tables de négociation, parce que la convention est quand même échue depuis le 31 décembre 1978, demeure aussi et est introduit de plein droit dans la convention et, enfin, les dispositions des médiateurs dans leurs recommandations sont introduites elles aussi dans la convention collective.

La première question que je poserais au ministre, et c'est "la" question: Compte tenu que les dispositions de l'article 5 viennent établir de façon arbitraire, le législateur, le gouvernement, de par la majorité, évidemment, d'autant plus qu'il a l'appui unanime sur le principe du projet de loi qui est de régler dans les meilleurs délais et faire en sorte qu'à compter de 0 h 1 minute ou 1

seconde ce soir les travailleurs soient disponibles, selon leur équipe de travail, que les pannes se règlent, compte tenu aussi qu'il faille les régler ces pannes, qu'on ne peut tolérer que la situation puisse durer plus longtemps, le gouvernement est certainement justifié d'intervenir. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'on a voté pour en deuxième lecture. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'on a accepté dès ce matin, Mme la Présidente, et vous vous le rappellerez, de mettre de côté les règles de procédure et mettre de côté la possibilité qu'un débat puisse être tenu par le leader pour indiquer en quoi il y avait un caractère urgent et en quoi il fallait mettre de côté les règles.

Tout cela on en convient. Nous avons non seulement collaboré étroitement avec le gouvernement jusqu'à maintenant, mais on s'y est associé très étroitement parce que l'objectif qui est recherché, de faire en sorte que ces pannes soient réglées, c'est le nôtre; on le fait nôtre. D'ailleurs, on a demandé par nos questions à plusieurs reprises à l'Assemblée ici que le gouvernement intervienne, que le gouvernement agisse, que le gouvernement tente de favoriser la rencontre des parties, que le gouvernement accepte de rencontrer le syndicat, tel que le syndicat l'avait demandé, et que le gouvernement, encore une fois, comme on a eu l'occasion de le réitérer, donne suite à sa demande de faire siéger une commission parlementaire, etc.

Cependant, malgré tout cela, il n'en demeure pas moins que ce soir le gouvernement, le ministre du Travail vient de décréter et déterminer ce qui sera contenu dans la convention collective. On sait que dans d'autres circonstances — et là quelques minutes de recherche pourraient me permettre de citer des cas particuliers au ministre — où le législateur se voyait placé dans une telle conjoncture, face à de telles circonstances, les dispositions obligeant le retour au travail prévoyaient des mécanismes d'arbitrage pour ce qui restait de litigieux ou de contentieux.

Le ministre nous a indiqué tout à l'heure qu'il restait environ sept points contentieux. Comment expliquer que le gouvernement n'ait pas jugé plus opportun, plutôt que d'agir péremptoirement et de décréter que la convention collective ce serait le rapport des médiateurs, sur quoi, dis-je le gouvernement s'est-il fonde pour en arriver à une telle disposition plutôt que de laisser évoluer les mécanismes prévus au Code du travail à l'article 81? Pourquoi n'avez-vous pas jugé plus opportun de soumettre tout cela à l'arbitrage, quitte à ce que la loi contienne des dispositions qu'on y retrouve, d'une part, avec les mêmes obligations d'enlever le droit pour les travailleurs d'Hydro-Québec de faire la grève à 0 h 1 seconde ce soir, les obligeant à retourner au travail, les obligeant à agir comme si la convention collective était signée, comme si la convention collective était en vigueur, mais en se laissant une porte ouverte comme législateur? Compte tenu du droit qu'ont les parties, que ce ne soit pas le gouvernement qui agisse d'office pour et en leur nom, que tout au moins ce soir possiblement les mécanismes d'arbitrage qui in- terviennent. Pourquoi n'avez-vous pas choisi ce moyen dans les circonstances? Vous auriez pu le faire. Il serait encore possible de le faire par un amendement à l'article. Je n'en fais pas un amendement comme tel. Je veux strictement le demander au ministre, à la lumière des indications que je lui ai fournies. J'espère que le ministre dans sa réponse, peu importe son argumentation, qu'elle soit pour ou qu'elle soit contre, ne se limitera pas à une intervention à caractère partisan. (21 h 40)

Je veux bien qu'il me comprenne. On est d'accord avec la loi, on a voté la loi, on est pour la loi et on veut que les gens reprennent leur travail, on veut que les pannes soient réparées, on veut que les gens aient ce service qui n'est pas essentiel, qui est absolument nécessaire. Essentiel, ce n'est même pas assez fort. L'électricité, il le faut dans les maisons; c'est vital dans certains cas, surtout à cette période-ci de l'année. Pourquoi, sur cet article 5, n'avez-vous pas choisi d'aller à l'arbitrage, de faire en sorte que les parties puissent aller à l'arbitrage dans un délai qui aurait pu être d'un mois?

M. Johnson: Je veux dire au député de Portneuf — je donnerai tout le raisonnement et je veux bien répondre à des sous-questions — que ma réponse va être: Non. Ma réponse est que je pense qu'il ne faut pas d'arbitrage et je vais essayer d'expliquer pourquoi. Je voudrais juste, à partir du moment où il sait que ce sera ma réponse, savoir s'il va y avoir un amendement pour qu'on ne fasse pas le débat deux fois. S'il a l'intention de proposer un amendement visant l'arbitrage, je lui demanderais de le faire et, là, on discutera.

M. Pagé: Non, M. le Président, ça ne marche pas comme ça! Je conviens que le ministre n'a pas beaucoup d'expérience, mais...

M. Johnson: Bon!

M. Pagé: Si vous nous dites non et que vous nous donnez des motifs tels qu'on constate qu'il serait préférable qu'il n'y ait pas d'arbitrage, on s'en tient là, purement et simplement.

M. Johnson: Et on refera le débat après, c'est ça.

M. Pagé: Je veux que le débat soit le plus serein possible.

M. Johnson: Je veux bien. Si c'est pour vous faciliter les choses, on est là pour vous servir. Bon! D'abord, je voulais juste relever une couple d'affaires. Quand le député de Portneuf dit que le gouvernement a utilisé l'arbitraire pour imposer les conditions de travail et le contenu de la convention collective, ce n'est pas exact. Le rapport de médiation, ce n'est pas de l'arbitraire, au sens de l'intervention patronale. L'arbitraire, s'il devait y en avoir un, c'est l'autorité qu'exerce le

Parlement par voie de législation en disant: Voilà ce que seront les conditions. Ce n'est pas le gouvernement qui les a définies, c'est la médiation. Il faut bien se rappeler cela. Deuxièmement, c'est la convention existante et, troisièmement, ce sont les ententes intervenues entre les parties, entre le moment de l'expiration de la convention collective et le dépôt du rapport de médiation, parce qu'en conciliation, on a paraphé certains textes.

Deuxièmement, il faut aussi faire attention au vocabulaire qu'on utilise. Le député de Portneuf disait tout à l'heure que le gouvernement, à cause de sa majorité, impose... Dans le fond, il a suivi une espèce de penchant naturel, mais le vote est unanime. Personne n'a écrasé personne avec une majorité ici. Mais il s'est senti obligé...

M. Pagé: Je l'ai dit.

M. Johnson: ... de se reprendre par la suite. C'est l'habitude.

M. Pagé: Deux éléments.

M. Johnson: II a pesé sur le bouton no 32 au sujet de l'arbitraire et de la majorité. Il faut regarder ce qui se passe dans la réalité.

Maintenant, le vrai arbitraire, c'est de dire qu'il y a sept points en litige. Il n'y a pas sept points en litige. D'une part, il y a sept, peut-être six, peut-être cinq — cela dépend — sujets qualifiés comme tels par les représentants des structures syndicales à Hydro-Québec à la suite du rapport de médiation et le rapport n'est silencieux que dans deux cas. C'est un silence voulu et choisi par les médiateurs à partir de leur expertise, de l'analyse des faits, de l'analyse des situations comparables, s'il y en a, et de l'analyse, évidemment, de l'économie interne du rapport de médiation.

Deuxièmement, sur les autres points, qu'il y en ait trois ou qu'il y en ait vingt-cinq, sur les autres points, le rapport parle, le rapport dit des choses sur l'indexation. Il n'accorde pas le genre de formule d'indexation que voulait le syndicat, mais il en accorde une qui est le maintien parfait du pouvoir d'achat et l'intégration aux échelles, plus un enrichissement collectif de 1%. Le syndicat voulait plus, mais est-ce que c'est en litige? Non, c'est le syndicat, c'est la même structure syndicale qui n'est pas allée devant les travailleurs avec le rapport de médiation qui nous dit: Cela, c'est en litige. Mais, si on se mettait à qualifier cela de cette façon, je pourrais vous dire qu'on rouvrirait la clause au sujet des techniciens qui dit qu'après cinq ans, quand tu passes de la catégorie B à la catégorie A, tu as automatiquement $75 de plus par semaine. Une des demandes d'Hydro-Québec était de mettre fin à cette disposition. Est-ce que ce serait un point en litige parce que les médiateurs n'ont pas donné voix à la demande d'Hydro-Québec et ont fait comme si HydroQuébec ne l'avait jamais demandé, comme si le syndicat ne l'avait jamais demandé dans le cas des $5.50 pour les repas, si tu n'es pas à proximité d'une cafétéria d'Hydro-Québec.

Ce n'est pas cela qui s'est passé aujourd'hui. Il faut peut-être se le rappeler. Qu'est-ce qui s'est passé depuis hier. Ce qui s'est passé c'est qu'on a parlé d'un rapport de médiation, qu'on a parlé dans une atmosphère relativement confuse en commission parlementaire de ce qu'était la qualification, de points de litige, de la part des représentants syndicaux. Mais cela a une économie interne, cela a des principes, un équilibre; c'est un jugement au sens des hommes qui exercent leur jugement, que le rapport de médiation. C'est voulu. Les tableaux que j'ai évoqués ici tout à l'heure sont des analyses que les médiateurs eux-mêmes ont faites constamment et, finalement, ils trouvent un équilibre là-dedans et ils trouvent une solution qu'ils considèrent juste.

Si on n'admet pas cela au départ, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on va envoyer à l'arbitrage? On va envoyer toute la convention à l'arbitrage parce qu'il y a une partie qui a décidé qu'elle définissait ce qu'étaient les points en litige. Evidemment, si tu n'as pas 100% de ta demande quand tu es un syndicat, ou 100% de ta demande, si tu veux aller en demande sur le statu quo, quand tu es l'employeur, tu peux toujours définir cela comme un litige. Mais, à ce rythme, il n'y aurait jamais de négociation dans notre société. C'est un régime de convention collective qui prévoit qu'à un moment donné il y a du monde qui met de l'eau dans le vin. A un moment donné, il y a une partie qui peut décider — c'est ce dont il a été question ici et les conséquences que cela a sur le public — qu'elle va gagner cela à tout prix et le moyen qu'elle exerce, c'est la grève ou le lock-out. Dans le cas d'Hydro-Québec, cela a été la grève.

Dans le fond, ce que revient à me dire le député de Portneuf, ce que reviendrait à me dire la logique — je ne dis pas que c'est son intention — du député de Portneuf là-dedans, c'est dire: Le syndicat a choisi que les $5.50 pour les repas, en temps régulier pour ceux qui ne sont pas près d'une cafétéria, c'est une affaire qui est sine qua non pour la vie du syndicat, pour les conditions de travail des travailleurs. Je pense qu'on a parlé abondamment de cela. Quand on regarde les conséquences que cela a sur toute la société, l'exercice de ce droit, je pense qu'on tranche.

Je pense, par ailleurs, que les médiateurs ont tranché au meilleur de leur jugement, avec les meilleurs instruments possibles et ils ont produit un rapport équilibré. Et, équilibré, il faut bien s'entendre: il est équilibré à l'intérieur des demandes syndicales, il n'y a pas une seule demande d'Hydro-Québec qu'ils aient retenue. Je ne sais pas si cela s'explique par le passé, parfois syndical, de nos services, mais il n'y a pas une seule demande d'Hydro-Québec qui a été retenue dans ce rapport de médiation. On dit: II faudrait aller en arbitrage sur autre chose.

Je pense que c'est un rapport qui est équilibré à l'intérieur même de ce qu'étaient les demandes syndicales. Je suis convaincu d'ailleurs que si les travailleurs avaient eu à se prononcer, dans un contexte démocratique où ils auraient été informés et appelés à formuler un jugement, ils s'en seraient rendu compte. Ecoutez, on est à des

centaines de milles de ce qu'étaient les dernières offres patronales sur lesquelles les travailleurs ont voté au mois d'octobre. Ce sont des pas considérables en avant.

C'est pour cela qu'à mon avis, toute modification à l'article 5 qui viserait à déférer certains points à l'arbitrage serait — je ne veux pas faire de jeu de mots — carrément arbitraire.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: J'écoute le ministre du Travail et je suis un peu surpris. C'est comme si, pour lui, il n'y avait plus de litige parce qu'il a décidé qu'il n'y en aurait plus. On dirait qu'on n'a pas fait face à des situations où il y a des travailleurs qui ont décidé, en fait, de ne pas maintenir des services que tout le monde considère comme étant essentiels et qu'on a fait face à une situation de conflits de travail. Quand bien même que le ministre dirait que le rapport de médiation est un rapport équilibré et qu'il est raisonnable et légitime, cela ne supprime pas la réalité qui était là.

Dans tous les conflits de travail, c'est justement parce qu'il y a une des deux parties qui n'est pas d'accord avec ce genre de proposition qu'il y a un conflit de travail. Autrement, c'est comme si le ministre supprimait le conflit en disant: II n'y a pas de litige parce qu'à ce moment-là, si on est obligé de penser qu'à chaque fois que le syndicat dit qu'il n'est pas d'accord avec quelque chose, il y a un litige, écoutez, où est-ce qu'on s'en irait? Je trouve que c'est un argument à l'envers. Il existe un litige au point de départ; il y a un rapport de médiation qui peut être excellent à tous égards mais qu'une des deux parties considère inacceptable. C'est le point de départ. (21 h 50)

On ne part pas avec un jugement a priori qui est établi par le ministre qui dit: Le rapport de médiation est bon. Par conséquent, il n'y a plus de litige. Non. On part d'un premier fait. C'est qu'il y a un litige. Il y a effectivement une des deux parties... C'est pour cette raison qu'on est obligé d'adopter une loi spéciale ordonnant aux travailleurs de rentrer. Il y a donc un litige. A ce moment-là, on se dit: Partant de là, la meilleure solution est-elle de dire, de la part du gouvernement, peut-être pas d'une façon arbitraire, mais d'une façon péremptoire: Voilà les conditions de travail auxquelles vous allez vous soumettre, et vous rentrez au travail dans ces conditions?

Or, il arrive qu'il y a une autre procédure qui a été employée très largement, très souvent et très fréquemment. C'est une procédure d'arbitrage obligatoire dans des cas où, justement, on retire le droit de grève. C'est une pratique qui existe depuis très longtemps. Ce n'est pas une pratique qu'on peut proposer à tout bout de champ et à propos de n'importe quoi, mais il nous a semblé que, sur ce plan, le gouvernement aurait pu proposer la formule d'arbitrage obligatoire qui a été proposée à plusieurs reprises dans d'autres lois spéciales du même genre, soit au niveau du Québec, soit au niveau fédéral ou dans d'autres provinces. C'est également une pratique très courante, dans l'ensemble, comme mécanisme de règlement des conflits de travail. La question est donc posée. Un arbitrage obligatoire n'aurait-il pas apporté la possibilité que les parties s'entendent sur autre chose que sur un document qu'elles ont déjà refusé? C'est le premier point.

Le deuxième point, évidemment, c'est le problème que pose une suggestion comme celle-là en ce qui concerne les points qui seraient admissibles à cet arbitrage. Or, sur ces points qui seraient admissibles à l'arbitrage, il y a eu une liste qui a été donnée hier. On a dit: II y avait sept points, mais il y en a un qui a été résolu par le rapport de médiation. Il en reste six: santé et sécurité au travail, clauses salariales — et là, je ne sais pas exactement quel est le contenu de cela — les heures de travail, les repas du midi, les régimes de retraite et les travaux à forfait. Il y en a six. La liste nous a été donnée. Donc, il ne s'agirait pas de rouvrir l'ensemble de la convention collective, dans notre esprit tout au moins. Dans notre esprit tout au moins, on accepterait les points sur lesquels il y a déjà eu des ententes et le rapport de médiation pour les points qui sont acceptés et il pourrait être avantageux de soumettre les points sur lesquels une des deux parties dit: Nous ne sommes tellement pas d'accord que nous allons suspendre les services essentiels ou nous allons, en tout cas, faire des grèves rotatives ou autres pour essayer d'obtenir gain de cause. C'était l'intention et c'est dans ce sens que mon collègue de Portneuf a posé la question suivante: Le gouvernement a-t-il songé que dans ce cas-ci, de cette loi spéciale, il va très loin dans le sens qu'il impose des conditions de travail, qu'il retire un droit de grève sans la possibilité qui est souvent utilisée dans d'autres cas similaires de donner un arbitrage obligatoire sur les points qui demeurent les points litigieux?

M. Johnson: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Johnson: ... d'abord, dans le fond, j'aurais peut-être pu continuer si le député d'Outremont avait mis des points de suspension à sa phrase: Comme le gouvernement libéral, en 1976, a imposé des conditions de travail en vertu du chapitre 63, je pense, dans le cas de certains établissements de santé. Le député de Portneuf a voté pour cette loi, d'ailleurs et...

M. Raynauld: Des conditions de travail — je m'excuse — il n'y en avait pas en 1972 pour Hydro-Québec.

M. Johnson: Non. Je parle de 1976 dans le cas des établissements de santé.

M. Raynauld: 1972 pour Hydro-Québec.

M. Johnson: 1972, Hydro, c'était autre chose. C'est vrai.

M. Pagé: Vous faites peut-être les mêmes erreurs qu'on a faites. De toute façon, vous irez à la place où on est allé, dans l'Opposition. Vous le savez, à part cela.

M. Johnson: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est M. le ministre qui a la parole.

M. Johnson: ... la grande différence est que, dans le cas présent, les conditions de travail qui sont déterminées dans cette loi, ou, en fait, par référence, ce n'est pas le gouvernement qui les a imposées. Le gouvernement impose que ce sera le rapport de médiation, mais ce n'est pas le gouvernement qui a décidé qu'à l'article 3.06 ce serait telle chose qui serait écrite, tandis que dans le secteur de la santé et dans le secteur scolaire au Québec, depuis 1965, quand il y a eu des conditions imposées, c'étaient des conditions imposées dans le cadre d'une proposition gouvernementale élaborée par des membres d'un gouvernement et, dans certains cas, par la médiation ou à partir de la médiation. Ce qu'on fait ici, c'est la médiation.

M. Raynauld: Toujours la médiation.

M. Johnson: Oui, mais c'est toujours comme cela. Je comprends que le député d'Outremont dise cela. Maintenant, je ferai remarquer...

M. Raynauld: C'est un rapport de médiateurs.

M. Johnson: ... au député d'Outremont... Je vais l'inciter, devant ses angoisses existentielles dont il nous faisait part cet après-midi... C'est vrai qu'on vit dans cela. On ne vit pas dans une société facile. Il y a des tensions et on vit dans une société qui est d'ailleurs relativement capricieuse, il faut se le dire. Je ne parle pas de tout le monde, mais quand ton problème, c'est de savoir si tu vas gagner $41 000 ou $42 000, tu sais ce que je veux dire, ce n'est pas exactement l'exploitation du sous-prolétariat, tu n'es pas dans le Tiers Monde. On a peut-être une société qui a des tensions autour de problèmes comme ceux-là. C'est la vie, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est la vie. J'aimerais que la société change un peu et que les valeurs soient à d'autres places parfois. C'est pour cela que j'ai décidé de faire de la politique et d'essayer d'y apporter ma contribution. C'est tout. Je présume que c'est la même chose pour le député d'Outremont et les autres. Je suis sûr que c'est vrai pour tous les députés qui sont en politique ici. On a une vision du déroulement de la société, mais je pense qu'il ne faut pas avoir un "down" — si vous me passez l'expression — parce que parfois cela va mal. On essaie d'agir.

M. Raynauld: Je ne suis pas tiraillé du tout comme le premier ministre.

M. Johnson: Ceci dit, je voudrais, au-delà de ces considérations périphilosophiques, vous dire que dans le Code du travail, la procédure d'arbitrage existe. Il y a la procédure d'arbitrage obligatoire dans le cas des pompiers et des policiers. Il y a également la procédure d'arbitrage de différends à laquelle peuvent se soumettre les parties si elles le désirent. Or, dans le rapport de médiation lui-même, dans le cas spécifique du plan d'évaluation des employés de bureau, à la page 27 du rapport, vous allez remarquer que les médiateurs ont eux-mêmes recommandé — par définition, cela va faire partie de la convention collective — que la question du plan d'évaluation des employés de bureau fasse l'objet d'un arbitrage séparé. En d'autres termes, la convention collective va dire: Evaluation de bureau, référez-vous à un arbitrage. L'arbitrage va avoir lieu et ils vont décider comment la procédure d'évaluation des employés de bureau fonctionne. C'est parce que les parties avaient fait un bout de chemin, mais les parties n'ont peut-être pas fait un bout de chemin sur les autres sujets. Elles ne se sont peut-être pas parlé assez longtemps sur certaines choses. Ce n'est pas en deux jours de médiation, si compétentes, si habiles, si expérimentées soient-elles, qu'on peut présumer d'un travail qui n'a pas été fait entre les parties. Déférer à l'arbitrage, c'est bien beau de dire: Bon! Moi, je dis blanc; moi, je dis noir; on s'en va à l'arbitrage. Ce n'est pas simple comme cela une négociation. Ce sont des zones de gris jusqu'à ce qu'on arrive à quelque chose qui est un gris parfait. Cela n'existe pas; c'est bien connu. Mais ce sont des zones de gris.

L'autre chose, c'est qu'une négociation, comme un contrat, une convention collective, une sentence arbitrale, un rapport de médiation qui est sous forme de recommandation, c'est une affaire globale. L'expression, en anglais, c'est un "package deal". C'est cela l'expression anglaise. C'est vraiment cela, c'est une affaire globale. Quand le syndicat dit: II n'y a que sept sujets en litige: santé et sécurité, régime de retraite, salaires et indexation, repas du midi, ancienneté, horaire de travail, contrats à forfait, c'est à peu près la moitié de la convention collective, les clauses salariales. Ecoutez! Il y a environ un tiers des dispositions de la convention collective qui sont des clauses salariales. On va envoyer tout cela à l'arbitrage?

Dans le fond, ce que nous dit le député d'Outremont, c'est qu'on va faire comme si rien de tout cela n'avait existé; on va juste abolir le droit de grève à perpette dans ce domaine et on réfère tout à l'arbitrage. Je ne suis pas sûr que c'est cela qui aurait amené de l'électricité aux gens demain et les travailleurs de retour au travail avec un minimum de satisfaction, parce qu'ils ont des conditions qui ont de l'allure. Le débat que soulève le député d'Outremont, c'est tout le débat de fond qui va se faire dans notre société sur la question du droit de grève dans certains types de services publics. Je l'invite, et cela me fera plaisir de participer à des discussions là-dessus dans les mois qui viennent. On aura toutes sortes de forums. Je sais que certains des membres de

l'Opposition ont été invités récemment à des congrès de relations industrielles et des choses comme celles-là. C'est cela. Il faut débattre de tout cela. C'est important.

M. Raynauld: Oui. Mme la Présidente, si vous me le permettez.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je voudrais faire juste une petite remarque. Je ne voudrais pas que le ministre laisse l'impression que, parce que j'ai soulevé la question d'arbitrage obligatoire, cela se substituait à la loi qui est proposée. Le ministre a laissé entendre que cela n'aurait peut-être pas réglé les problèmes. C'est vrai que cela n'aurait peut-être pas réglé les problèmes d'envoyer cela à l'arbitrage, mais si je parle d'arbitrage, c'est dans le cadre de cette loi de retour au travail. (22 heures)

Je veux que cela soit bien clair. Nous sommes d'accord avec cette loi de retour au travail. C'est vrai que cela n'aurait probablement pas réglé les problèmes des services essentiels; nous voulons régler les problèmes des services essentiels. C'est juste pour clarifier la position que j'ai essayé d'expliciter ma pensée.

M. Johnson: Si vous me permettez une dernière remarque à ce sujet.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: II ne faut pas oublier, encore une fois, qu'il n'y a jamais eu d'expression claire de la volonté des travailleurs sur le rapport de médiation. Cela est très important. Ce qu'on a eu, c'est la qualification par les officiers syndicaux, dans un contexte tout à fait anormal. Une recommandation de médiation, cela va au vote. Cela a toujours été comme cela. Ils ont décidé que cela n'allait pas au vote. Si, au moins, on avait eu l'expression claire des travailleurs qu'effectivement, il y avait un rejet massif ou je ne sais quoi de cela, il y a des gens qui allument leurs lumières. Dans ce temps-là, on appelle cela un échec de la médiation. Cela arrive parfois, c'est déjà arrivé dans le passé. Cela s'appelle parfois un échec de la conciliation ou un échec de la négociation. Mais là, il n'y a pas eu d'expression claire de la volonté des travailleurs. Il y a eu, par des officiers syndicaux, le rejet, comme cela. Je ne tiens pas pour acquis que c'est un rejet de contenu de rapport de médiation.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Mme la Présidente, je vais remercier le ministre de ses commentaires. Il nous a fait part de la position du gouvernement à cet égard. Si j'ai abordé cette question, c'est qu'il nous apparaît, quant à nous, de l'Opposition officielle, que même si le gouvernement est tout à fait justifié d'agir, un gouvernement, quel qu'il soit, placé dans de telles circonstances, est justifié, se doit d'intervenir de la façon dont il intervient par la loi 88 avec les dispositions qu'elle contient, à savoir d'enlever le droit de grève à cet égard et faire en sorte que les services essentiels soient rétablis et que l'ensemble des services soit maintenu à cette période-ci de l'année. Nous sommes d'accord, nous y souscrivons et nous disons: Oui.

Cependant, — c'est d'ailleurs dans ce sens que j'ai voulu porter à son attention les dispositions de l'article 5 — ce en quoi on diffère d'opinion, c'est que notre approche, si on avait été placé dans la conjoncture où le gouvernement est placé, aurait été différente dans le sens qu'on aurait permis dans ce cas, par les dispositions de l'article 5, que les points en litige soient ramenés à l'arbitrage de façon à ne pas imposer de carcan au législateur et au gouvernement. De par sa majorité, même s'il a l'appui de tous les membres de l'Opposition, le fait de fixer... c'est quand même important, cela a des répercussions, car le gouvernement décrète les conditions de travail des employés du syndicat donné pour une période de trois ans.

Le ministre aura beau me répondre que cela a déjà été fait dans le passé, j'en conviens. Le ministre nous dira qu'on a peut-être déposé des lois qui allaient dans ce sens, qui reprenaient peut-être l'essentiel du libellé de l'article 5 de la loi, j'en conviens encore une fois. Je conviens aussi que le ministre sera d'accord si je dis qu'à ce moment-là, nos amis d'en face, qui étaient dans l'Opposition, qualifiaient ces lois de lois-matraques. Je conviens aussi que c'est à la lumière d'erreurs comme celles-là qu'on peut tirer des leçons.

Il nous paraît que le gouvernement, le législateur, le ministre du Travail devraient davantage s'écarter du pouvoir qu'ils ont de par la loi d'établir la convention collective et éviter de se substituer aux parties et même de se substituer aux parties prévues au Code du travail, parce que l'arbitrage est prévu au Code du travail et que cela aurait pu être déféré. Cela aurait été, en même temps, faire confiance aux mécanismes prévus à l'intérieur d'une loi qui a été adoptée par le titulaire de cette loi, le ministre actuel du Travail, et qui prévoit aujourd'hui dans la même loi ne pas faire confiance aux dispositions du Code du travail à l'égard de l'arbitrage mais prévoir directement, de par la loi, des conditions de travail pour une période de trois ans. Je n'en ferai pas une motion, Mme la Présidente. Il est déjà 20 h 05 et on veut que la loi soit adoptée et sanctionnée avant minuit évidemment, cela va de soi. Alors, l'article 5 sera adopté sur division.

M. Johnson: Mme la Présidente, avant de procéder à l'adoption...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Johnson:... je voudrais simplement relever cela. Cela me paraît bien important, et on va finir l'article 5 rapidement, si vous le voulez.

M. Pagé: C'est vous qui voulez faire un filibuster? Pourquoi? J'ai dit qu'on adoptait sur division l'article 5.

M. Johnson: Je veux relever ce qu'a dit le député de Portneuf. Je pense que c'est important qu'on se comprenne.

M. Pagé: Exécutez-vous.

M. Johnson: La première chose, c'est que le député de Portneuf a mentionné tout à l'heure qu'il ne voulait pas que je fasse d'intervention partisane. Je viens de le voir faire un immense 8 sur la glace. Un patin de fantaisie comme je n'en ai pas vu depuis longtemps pour expliquer qu'il est pour et qu'il est contre la loi en même temps. Est-ce qu'il est pour ou il est contre? Deuxièmement, je voudrais souligner...

M. Pagé: Vous le savez. Vous faites de la démagogie comme d'habitude, comme vous en avez fait hier devant les syndiqués.

M. Johnson: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, c'est vous qui avez la parole.

M. Johnson: Deuxièmement, le député de Portneuf sait très bien que la définition de ce qui est sujet à l'arbitrage, c'est un gros problème en droit du travail quand il y a des conventions collectives de 125 pages. Qui est-ce qui définit la juridiction de l'arbitrage? Quels sont les objets sur lesquels les arbitres vont se prononcer? Troisièmement, en plus de la position alambiquée et du problème de la définition de la juridiction de l'arbitre, troisièmement, il y a le fait que si c'était l'arbitrage régulier qui s'était appliqué et les principes généraux qu'on retrouve dans l'arbitrage, je peux à peu près vous assurer que le syndicat ou les travailleurs auraient moins obtenu sur bien de ces affaires-là qu'il n'a obtenu en médiation parce qu'en général, l'arbitrage réfère aux conditions existantes, dans des domaines semblables. Or, on sait que dans le cas d'Hydro-Québec, sur à peu près tout ce qu'il y a dans cette convention, c'est supérieur à peu près à tout ce qu'on trouve partout au Québec dans le secteur privé et dans le secteur public. Donc, la référence à l'arbitrage aurait, en pratique, pu vouloir dire des reculs en terme de convention collective pour les travailleurs. Evidemment, si c'est cela que le député de Portneuf a en tête et avait en tête, je vais commencer à comprendre ce qui s'est passé de 1970 à 1976.

M. Pagé: C'est de la démagogie que vous faites. Ce n'est pas ce que j'ai énoncé. L'arbitrage aurait pu porter sur les points en litige que le ministre a évoqués tout à l'heure. C'est purement démagogique et cela témoigne et cela représente l'attitude que — vous étiez là, d'ailleurs, Mme la Présidente — le ministre du Travail a adoptée hier, témoignant et démontrant une suffisance qui a même déplu à certains de ses collègues de son côté, d'ailleurs. Article 5, adopté sur division.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 5 sera adopté sur division. Adopté, sur division. Article 6.

M. Johnson: Article 6, Mme la Présidente, j'ai un papillon. Je pense que vous l'avez. On va le lire pour l'Opposition. D'abord, au papillon, je voudrais simplement ajouter à la deuxième ligne du papillon, après le mot "salariée" et avant le mot "une" qui précède une union, il faudrait dire, pour les fins du français, "ainsi qu'", "ainsi qu'une union". Les changements sont les mots soulignés que vous retrouvez, c'est-à-dire, "qui contrevient à l'article 4 où une association de salariés ainsi qu'une union". En fait, c'est ce qu'avait lui-même évoqué le député de Portneuf tout à l'heure, l'article 4 était en effet sans sanction. C'était un oubli simplement dans la rédaction. Deuxièmement, on a ajouté, on a précisé et explicité la notion de grève interdite ou un ralentissement de travail pendant la durée d'une convention collective visée par l'article 5. C'est simplement une explicitation de l'arrêt de travail. Voilà.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement sera-t-il adopté?

M. Pagé: Adopté.

M. Johnson: Est-ce que l'article est adopté, Mme la Présidente?

M. Russell: II semble que dans la question de ces poursuites comme dans chacun des cas, il semble qu'il y a toujours eu certaines difficultés d'interprétation lorsqu'il s'agit de l'infraction. Je me demande si le ministre a pensé à trouver une meilleure interprétation pour faciliter la tâche de ceux qui ont à faire appliquer cette loi ou ces lois.

M. Johnson: M. Brière, qui est juriste, me souligne que le problème qui est soulevé, c'est celui de la question des chefs de dénonciation dans le cas d'une infraction qui dure plusieurs jours. En pratique, les tribunaux règlent cela. Ce n'est pas au niveau de la loi qu'on peut régler cela. En fait, on n'a pas besoin de le régler par une modification.

M. Russell: II y a une jurisprudence qui existe actuellement dans les cours qui est utilisée comme preuve. (22 h 10)

M. Johnson: En pratique, en vertu de la Loi des poursuites sommaires, on peut faire une dénonciation qui comporte plusieurs chefs d'accusation, un par jour. C'est réglé par la Loi des poursuites sommaires.

Est-ce que l'article 6 est adopté, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement à l'article 6 ainsi que son sous-amendement sont-ils adoptés?

M. Pagé: Adopté.

M. Johnson: L'article 6 est-il adopté?

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 6 est-il adopté?

M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Mme la Présidente, juste un problème. C'est une question que je pose. On dit dans l'amendement: A contrevenir à l'article 2 ou à participer à une grève visée dans l'article 5. L'article 5 établit les conditions de travail. Je ne comprends pas pourquoi il y a une référence à l'article 5.

M. Johnson: Ce n'est pas une grève visée à l'article 5, c'est pendant la durée d'une convention visée à l'article 5.

M. Raynauld: La convention qui est visée dans l'article 5. Très bien, merci.

M. Johnson: C'est cela.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 6 est-il adopté tel qu'amendé?

M. Pagé: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 7 est-il adopté?

M. Johnson: Un instant, s'il vous plaît! D'accord, cela va, l'article 7.

M. Pagé: Article 7, adopté, Mme la Présidente. Le ministre prendra quand même acte des commentaires qu'on lui a faits.

M. Johnson: On a un papillon à l'article 7. M. Pagé: Encore.

M. Johnson: Qui est en fait de même nature, c'est la concordance avec l'article 6; il s'agit simplement de dire: Ou à un ralentissement de travail pendant la durée de la convention collective, alors qu'on parlait de grève interdite dans l'ancien article.

Je dépose l'amendement à l'article 7. L'amendement est pour remplacer au cinquième alinéa...

La Présidente (Mme Cuerrier): Comme à l'article 6, c'est le premier alinéa qui est amendé.

M. Johnson: C'est cela, pour les fins d'inclure les mots "ou à un ralentissement de travail pendant la durée d'une convention collective visée par l'article 5".

La Présidente (Mme Cuerrier): Cet amendement est-il adopté?

M. Pagé: L'amendement est adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement est adopté. L'article 7 est-il adopté tel qu'amendé?

M. Pagé: Oui, Mme la Présidente. J'espère que le ministre aura pris acte des commentaires qu'on a formulés dans nos interventions en deuxième lecture sur la surprise qu'on a dû manifester à l'égard du montant élevé des amendes comparativement aux montants prévus dans la loi 62.

M. Johnson: Mme la Présidente, est-ce que... Je veux bien en prendre acte. Est-ce que vous avez une suggestion d'amendement?

M. Pagé: Non, mais on peut quand même exprimer notre surprise.

M. Johnson: De toute façon, ce sont celles à l'égard du syndicat qui sont de l'ordre de celles qui ont été constantes sous le régime libéral, soit dit en passant.

M. Pagé: Que vous avez annulées le lendemain de l'élection.

M. Johnson: ... mais à l'égard des travailleurs...

M. Pagé: ... parce que c'était selon vous trop élevé.

M. Ciaccia: Sous le régime libéral c'était de $5000 à $20 000.

M. Johnson:... il y a des amendes qui sont de l'ordre de $25 à $100, ce qui est considérablement inférieur à ce qui a été prévu dans le passé par nos amis d'en face.

M. Pagé: Je tiens à dire pour la gouverne du ministre, peut-être que les gens de son cabinet pourraient lui indiquer, s'ils faisaient des recherches dans ce sens, relativement à la loi 253, notamment, les amendes prévues étaient de $5000 à $20 000, et non pas de $5000 à $50 000.

Ce sont entre autres les amendes...

M. Johnson: Voulez-vous présenter un amendement?

M. Pagé: Non, mais, écoutez là, vous avez pris acte...

M. Johnson: Non, mais si... Je veux bien prendre acte, mais...

M. Pagé: Mme la Présidente, c'est moi qui ai la parole.

M. Johnson: Cela s'appelle porter son chapeau, il y en a qui disent porter ses culottes...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Johnson: Si vous trouvez que c'est trop élevé, proposez un amendement.

M. Pagé: Je vous en prie. Je vous en prie.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, s'il vous plaît, c'est M. le député de Portneuf qui a la parole.

M. Pagé: Mme la Présidente, rappelez-le donc à l'ordre!

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, s'il vous plaît! C'est le député de Portneuf qui a la parole.

M. Pagé: Très bien, merci. J'ai tout simplement demandé au ministre qu'il prenne acte des commentaires qu'on lui a formulés cet après-midi, où on a pu manifester notre surprise alors que le gouvernement, au lendemain de la prise du pouvoir par le gouvernement du Parti québécois, annonçait qu'il retirait les poursuites et tout. D'ailleurs, il y avait eu des amendes imposées à plusieurs groupes, plusieurs individus qui totalisaient quelques millions de dollars. On se rappellera qu'à ce moment le gouvernement nous avait dit, par la voix de son ministre de la Justice, que les amendes pouvant aller jusqu'à $20 000 par jour pour un syndicat c'était exorbitant, c'était inacceptable, que ces gens ne seraient pas capables de payer, c'était somme toute les mettre en faillite, etc.

On constate encore une fois que le gouvernement revient sur sa parole, revient sur ses arguments antérieurs, met de côté ses préjugés — évidemment, chaque jour, il en met de côté, des préjugés — et il prévoit des amendes qui sont différentes de celles prévues dans la loi 62 qu'on a adoptée il y a cinq semaines concernant le secteur des hôpitaux et concernant les associations du secteur public qui étaient à ce moment-là à négocier leurs dossiers. Dans le moment, cela peut aller jusqu'à $50 000. C'est beaucoup et j'ai demandé au ministre purement et simplement d'en tenir compte.

M. Johnson: Dans le cas du syndicat, il faut se rappeler que la formule Rand existe, qu'il y a 12 000 travailleurs qui paient des cotisations syndicales. Cela représente des sommes considérables. Ce n'est pas un syndicat qui est obligé de demander des subventions au fédéral. Il en demande peut-être, remarquez!

M. Pagé: Que le ministre ne fasse pas son petit comptable, il y a assez de problèmes dans ses relations de travail comme ça! Article 7, adopté?

Une Voix: Adopté.

M. Pagé: Laissez ça à M. Parizeau, les finances.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 7 est-il adopté tel qu'amendé?

M. Michaud: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Laprairie.

M. Michaud: ... nous sommes encore à l'article 6?

La Présidente (Mme Cuerrier): Non. M. Pagé: C'est passé.

M. Michaud: Excusez-moi. A l'article 7, on parle d'amendes de $5000 à $50 000. Il y en a qui trouvent peut-être ça exorbitant. Je ne sais pas si le ministre accepterait d'amender cet article pour mettre, à la place de $5000, $1000 et, à la place de $50 000, $10 000.

M. Johnson: II s'agit ici...

M. Pagé: Vous acceptez cet amendement, Mme la Présidente?

Une Voix: L'amendement est-il recevable?

M. Johnson: Oui, l'amendement est recevable, Mme la Présidente. Je n'ai pas d'objection.

M. Pagé: L'amendement est-il reçu? Il est reçu.

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, vous discutez sur la motion d'amendement.

M. Johnson: Dans le fond, il s'agit, si je comprends bien — et je comprends très bien — des amendes cette fois-ci non pas du syndicat, mais des dirigeants syndicaux, c'est-à-dire un permanent, un employé, un président, un secrétaire, un trésorier de syndicat pour lesquels on mettrait des amendes qui seraient plutôt de $1000 à $10 000 par opposition à $5000 à $50 000. J'accepterais l'amendement, Mme la Présidente, et je le ferais mien.

M. Ciaccia: Mme la Présidente...

M. Johnson: Sauf qu'il va falloir faire une concordance avec l'article 6, si on fait cela. Il va falloir faire une concordance avec l'article 6 simplement pour des raisons techniques. Je reviendrai dessus le cas échéant.

M. Ciaccia: ... si je comprends bien...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ... le député de Laprairie avait suggéré un amendement à l'article 6.

M. Michaud: A l'article 7, je m'excuse. C'est à l'article 7.

M. Ciaccia: A l'article 7.

M. Johnson: II va y avoir une concordance à faire au deuxième alinéa de l'article 6. En faisant un amendement à l'article 7 qui viserait à remplacer, dans le premier paragraphe, le premier alinéa, à l'avant-dernière ligne les chiffres de $5000 à $50 000...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre...

M. Johnson: Pardon?

La Présidente (Mme Cuerrier): Un petit détail technique. Il me faudrait le consentement unanime pour retourner à l'article 6 puisque ce sera un amendement de concordance si, éventuellement, cet amendement était adopté par la commission plénière. Consentement?

M. Johnson: Mme la Présidente, c'est l'article 7 que j'amende et par concordance ce sera l'article 6. En amendant l'article 7, on est en train d'étudier l'article 7...

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 6 étant déjà adopté...

M. Johnson: Oui, mais puisque c'est de la concordance... Est-ce qu'on a le consentement, Mme la Présidente? Je ne suis pas sûr qu'on en ait besoin parce que c'est de la concordance, c'est une affaire de cohérence du texte.

La Présidente (Mme Cuerrier): De toute façon, M. le ministre, si nous avions le consentement unanime pour revenir à l'article 6, nous n'aurions pas besoin des discussions actuelles.

M. Johnson: Parfait!

La Présidente (Mme Cuerrier): Nous avons le consentement pour retourner à l'article 6. Voilà. M. le député de Laprairie, je vous demanderais, à ce moment-ci, de proposer votre amendement à l'article 6.

M. Michaud: Oui. Je voulais tout simplement remercier le ministre d'accepter mon amendement proposant de changer les $5000 pour $1000 et les $50 000 pour $10 000 en ce qui concerne les dirigeants et les administrateurs. Je serais très heureux si l'Opposition acceptait mon amendement pour qu'on puisse le voter rapidement et à l'unanimité. Il faudrait le formuler. On pourrait prendre une minute pour le formuler par écrit.

La Présidente (Mme Cuerrier): Si j'ai bien compris, cet amendement à l'article 6 serait de remplacer $5000 par $1000.

M. Johnson: Mme la Présidente, si vous permettez, est-ce qu'on pourrait procéder d'abord...

La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous clarifier cet amendement?

M. Johnson: Est-ce que je pourrais suggérer une procédure, Mme la Présidente, pour que cela aille plus rapidement? Je suis sûr que nos amis de l'Opposition vont nous permettre de le faire. Est-ce qu'on pourrait simplement s'occuper de l'article 7? On le fera par concordance à l'article 6 en présumant du consentement qui nous a été donné tout à l'heure. (22 h 20)

Alors, Mme la Présidente, est-ce qu'à l'article 7 on pourrait dire que l'amendement est le suivant, si je comprends bien ce que le député de Laprairie nous dit: "Remplacer les chiffres "$5000 à $50 000" par l'expression "$1000 à $10 000", à l'article 7."

La Présidente (Mme Cuerrier): Que je retrouve cet article 7 et que je vérifie, M. le ministre, un moment, s'il vous plaît!

M. Johnson: Mme la Présidente, si la commission me le permet, est-ce que je pourrais faire lecture globalement, juste pour qu'on se comprenne, et après cela, on va les prendre un après l'autre? Dans le fond, l'objet de tout cela, ce que nous demande le député de Laprairie, c'est que dans le cas d'un dirigeant syndical, d'un conseiller syndical, d'un trésorier, d'un élu de syndicat, et non pas d'un salarié simplement et non pas la structure syndicale elle-même, de faire en sorte que l'amendement, au lieu d'être de $5000 à $50 000, soit de $1000 à $10 000. Tout ce qu'on va faire, c'est ce que cela va dire.

La première étape serait de dire, à l'article 6, de remplacer dans le deuxième alinéa de l'article 6, à la septième ligne du deuxième alinéa de l'article 6, les mots "pour l'infraction" par les mots "au premier alinéa de l'article 7".

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, remplacer "pour l'infraction"...

M. Johnson: Par les mots "au premier alinéa de l'article 7".

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, je relis le paragraphe pour que nous nous comprenions, le dernier paragraphe de l'article 6, pour que ce soit bien clair: "Lorsqu'une de ces associations, unions, fédérations ou confédérations a commis une infraction prévue à l'alinéa précédent, chacun de ses dirigeants, administrateurs, employés, agents ou conseillers qui a participé à l'accomplissement de l'infraction ou qui y a acquiescé, est réputé être partie à l'infraction et est passible de la peine prévue au premier alinéa de l'article 7, que l'association, l'union, la fédération ou la confédération ait ou non été poursuivie ou déclarée coupable."

M. Johnson: Mme la Présidente, je m'excuse, je pense que vous n'avez pas tenu compte du premier amendement qu'on a fait tout à l'heure au moment où on a étudié l'article 6 qui disait "ou à un ralentissement de travail pendant la durée..." Parfait, cela va. C'est cela, l'article 6, cela va. Article 7.

La Présidente (Mme Cuerrier): Cela va? Alors, article 6, adopté tel qu'amendé?

M. Johnson: Tel que modifié, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté tel qu'amendé. Alors, le sous-amendement est adopté et l'article 6 est adopté tel qu'amendé. Article 7.

M. Pagé: A l'article 7, Mme la Présidente, on accepte l'amendement. Nous l'acceptons mais nous considérons... On aura quand même...

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'article 1... M. Pagé: ... constaté qu'il aura...

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'article 7, le premier paragraphe devient donc: "Un dirigeant, administrateur, employé, agent ou conseiller d'une association de salariés, union, fédération ou confédération visée dans l'article 6, qui autorise, encourage ou incite une personne à contrevenir à l'article 2 ou à participer à une grève ou à un ralentissement de travail pendant la durée d'une convention collective visée dans l'article 5, commet une infraction et est passible, en outre du paiement des frais, d'une amende de $1000 à $10 000 pour chaque jour ou partie de jour pendant lequel dure la contravention." Cet amendement de $5000 à $1000 et de $50 000 à $10 000 est-il adopté?

M. Pagé: L'amendement est adopté sur l'article tel qu'amendé.

M. Johnson: II reste le deuxième alinéa par concordance, toujours, qu'il faut ajuster. Il s'agirait de remplacer dans le deuxième alinéa de l'article 7... Cela va?

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui.

M. Johnson: De remplacer dans les cinquième et sixième lignes du deuxième alinéa les mots "l'amende prévue au même titre que cette personne" par les mots "la peine prévue au premier alinéa de l'article 6". Voilà! C'est bien simple. C'est $1000, $10 000, mais cela prend cinq opérations. C'est cela, faire cela systématiquement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Papineau, sur la motion de sous-amendement.

M. Alfred: Je souscris à cet amendement parce qu'il est pédagogiquement très intéressant.

La Présidente (Mme Cuerrier): Le deuxième alinéa de l'article 7 se lirait donc comme suit, si l'amendement était adopté: "L'association de salariés, l'union, la fédération ou la confédération visée dans l'article 6, dont un dirigeant, administrateur, employé, agent ou conseiller commet une infraction prévue à l'alinéa précédent est partie à cette infraction et passible de la peine prévue au premier alinéa de l'article 6." Cet amendement est-il adopté?

M. Pagé: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.

M. Johnson: Cet article est-il adopté?

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 7, tel qu'amendé, est-il adopté?

Des Voix: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.

M. Raynauld: Mme la Présidente, ce n'est pas "au premier alinéa de l'article 6". C'est "au deuxième alinéa de l'article 6", je pense.

La Présidente (Mme Cuerrier): Merci, M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Quand vous l'avez relu.

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est bien cela. Après vérification, M. le député d'Outremont, au lieu de l'amendement, on ferait la concordance avec le deuxième alinéa de l'article 6. C'est bien cela?

M. Raynauld: C'est cela.

La Présidente (Mme Cuerrier): Tout le monde est d'accord?

M. Johnson: C'est cela.

La Présidente (Mme Cuerrier): Au deuxième alinéa de l'article 6. le sous-amendement sera-t-il adopté?

Une Voix: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Le sous-amendement à l'amendement et l'article 7, tels qu'amendés, sont-ils adoptés?

Une Voix: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. Voilà! Article 8. L'article 8 sera-t-il adopté?

M. Johnson: Mme la Présidente, simplement remplacer le mot "amende" par le mot peine", par concordance, simplement. Il s'agit de l'avant-dernière ligne du premier alinéa, c'est-à-dire de

l'article 8, le mot "amende" remplacé par le mot "peine".

La Présidente (Mme Cuerrier): Cinquième ligne...

M. Johnson: De $25 à $100 par jour. M. Pagé: Pourquoi?

M. Johnson: Par cohérence, tout simplement, avec le reste du texte. C'est pour avoir le même terme dans tous les articles, le mot "peine" plutôt que le mot "amende".

Une Voix: Ou "amende" plutôt que "peine".

M. Johnson: Ou "amende" plutôt que "peine".

M. Raynauld: Mme la Présidente, il va falloir... C'est amende.

M. Pagé: On tombe dans l'incohérence.

M. Raynauld: Le mot "peine" a été introduit une seule fois dans l'amendement qui vient d'être apporté, mais dans tout le reste du texte, c'est le mot "amende".

M. Johnson: Pardon. Je m'excuse. Vous avez raison. C'est parce qu'on travaille sur deux textes. C'est différent. On laisse le mot "amende " partout.

M. Raynauld: Amende...

M. Pagé: Là, vous êtes cohérent.

M. Johnson: Toujours. Mme la Présidente, après l'article 8.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article 8. Le mot "amende" demeure tel quel, n'est-ce pas?

Une Voix: Oui.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 8 est-il adopté?

M. Pagé: Adopté.

M- Johnson: Mme la Présidente, j'introduirais ici un article entre l'article 8 et l'article 9 et on changerait donc la numérotation. Ce serait le nouvel article 9 qui se lirait comme suit: "Tout administrateur, employé, agent ou conseiller d'Hy-dro-Québec qui participe ou qui acquiesce à un acte posé par Hydro-Québec, contrairement à l'article 3, ou à un lock-out pendant la durée d'une convention collective visée à l'article 5, commet une infraction et est passible, en outre du paiement des frais, d'une amende de $5000 — il s'agirait ici de mettre de $1000 à $10 000 parce que c'est un individu — pour chaque jour ou partie de jour pendant lequel dure cette contravention. (22 h 30)

II s'agit, en fait, d'imposer sur les officiers et administrateurs d'Hydro-Québec qui décideraient de faire un lock-out illégal au sens du Code du travail des peines qui ne sont pas celles du code, mais qui sont plus sévères que dans le code, comme on l'a fait d'ailleurs pour les officiers syndicaux.

La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous clarifier, M. le ministre? Je vous ai mal entendu. Il y a eu...

Une Voix: D'Hydro-Québec. M. Johnson: D'Hydro-Québec.

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, il faut corriger... Voilà. Ces amendements sont-ils adoptés?

M. Pagé: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): On l'a lu.

M. Johnson: ... un papillon, ii s'agit simplement d'un amendement pour les fins de renumérotation. Il s'agit de renuméroter les articles 9, 10 et 11, qui deviennent respectivement les articles 10, 11 et 12.

La Présidente (Mme Cuerrier): 11 et 12. L'article 9 est-il adopté tel qu'amendé?

Des Voix: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 10, maintenant, M. le ministre?

M. Johnson: A l'article 10...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je voudrais à ce stade-ci, Mme la Présidente, à la suite de l'article 9, proposer d'ajouter un article qui se lirait comme suit, immédiatement après l'article 9. On pourrait le numéroter 9.1 ou 10 et changer le numéro des autres articles. Cet amendement que nous proposons fait suite aux interventions du député de Brome-Missisquoi et du député de Mégantic-Compton quant à la décertification des syndicats qui ne respecteraient pas la loi qui nous est proposée aujourd'hui par le gouvernement. Mme la Présidente, voici la motion d'amendement que je fais qui se lirait comme suit: "Que l'article 9 soit modifié en ajoutant après le premier alinéa les alinéas suivants: 9.1. Le commissaire général du travail au sens du Code du travail doit, à la demande du Procureur général, révoquer l'accréditation accordée à toute association visée à l'article 1 s'il est établi que moins de 70% des personnes à l'égard desquelles cette association est accréditée se sont conformées à l'article 2; "9.2 Lorsque l'accréditation d'une association est révoquée en vertu de l'article 9.1, cette

association ne peut plus être accréditée dans les douze mois qui suivent cette révocation ni tant que les amendes imposées en vertu de la présente loi à cette association, à cette union, fédération ou confédération à laquelle cette association adhère ou est affiliée ou à chacun de leurs fonctionnaires, administrateurs, employés, agents ou conseillers n'ont pas été entièrement payées. Aucune autre association qui adhère ou est affiliée à une union, fédération ou confédération d'associations à laquelle adhérait ou était affiliée l'association dont l'accréditation a été ainsi révoquée ne peut au cours de la même période être ou demeurer accréditée pour représenter des employés qui étaient membres de l'association dont l'accréditation a été révoquée."

Mme la Présidente, il y a également un amendement, 9.3, qui se lirait comme suit: "9.3 Lorsque l'accréditation d'une association a été révoquée en vertu de la présente loi, les employés représentés par cette association cessent alors d'être régis par toute convention collective alors en vigueur."

Mme la Présidente, ces modifications que nous proposons vont effectivement dans le cadre de cette loi. Il s'agit tout simplement d'une pénalité additionnelle qui est prévue dans la section IV qui s'intitule Sanctions. Alors, il s'agit d'une sanction additionnelle que nous voudrions voir imposer aux syndicats qui, en fait, ne respecteraient pas la loi, telle que proposée par le gouvernement. Cela n'enlève absolument rien aux syndicats. Il s'agit tout simplement d'avoir une assurance supplémentaire pour que la loi soit respectée. Si la loi est respectée, cela n'enlève absolument rien aux syndiqués. La loi s'appliquera telle quelle mais si, par exemple, comme on l'a vu d'ailleurs pour la loi 62, les chefs syndicaux s'avisaient de demander à leurs membres de ne pas respecter la loi, à ce moment, l'accréditation des syndicats qui agiraient ainsi serait annulée. Mme la Présidente, nous soutenons que ces amendements peuvent être reçus en vertu de notre règlement. Nous recommandons au ministre et également à l'Opposition officielle d'y concourir en vue de leur adoption pour que les lois que nous adoptons ici, à l'Assemblée nationale, soient enfin respectées.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement de M. le député de Nicolet-Yamaska sera-t-il adopté?

M. Johnson: Mme la Présidente, je pense...

M. Pagé: Le député de Papineau, je pense, de par son intention, voulait demander un vote enregistré?

M. Johnson: Si je comprends bien, le député de Nicolet-Yamaska voulait qu'on soulève... Est-ce que c'est le député de Brome-Missisquoi qui veut parler?

M. Russell: Mme la Présidente, je pense bien que ce n'est pas être exigeant. Certaines person- nes peuvent prétendre que ce n'est pas raisonnable d'insérer à l'intérieur d'une loi une infraction aussi rigide que celle-là. Je présume que tout le monde est de bonne foi, les syndicats et les syndiqués, mais je dois prendre des précautions pour m'assurer que s'il y avait des gens de mauvaise foi, ceux qui en sont les victimes soient protégés. Je pense que cette infraction que nous insérons à l'intérieur de la loi va faire en sorte que les gens qui sont impliqués vont y penser deux fois avant de faire comme ils ont fait pour la loi 62 en continuant à contester une loi du Parlement. Je ne crois pas que ce soit une loi trop sévère. Je pense que la population qui est visée par le service de cette société d'Etat a le droit à cette protection. C'est en son nom que je parle ce soir; c'est en son nom que je fais cet appel au ministre du Travail d'insérer cette clause à l'intérieur de la loi que nous adoptons aujourd'hui pour faire en sorte qu'elle soit respectée et que les services soient rétablis dans les délais prescrits par cette loi.

M. Johnson: Mme la Présidente, brièvement. Je connaissais l'intention des députés de Nicolet-Yamaska et de Brome-Missisquoi là-dessus. Je m'y oppose parce que la décertification est, à mon avis, une sanction extrêmement sévère; deuxièmement, elle préjuge... Elle a été introduite dans le cas de la CTCUM dans un contexte très précis où un moyen de pression très précis avait été appliqué par les travailleurs et c'est ce qu'on voulait éviter par cette disposition. Le ministre du Travail à l'époque était l'actuel député de Johnson. L'autre chose, c'est qu'en pratique cela pose le problème du trou juridique si jamais cela survient, le problème du débrayage sporadique sur lequel le syndicat n'aurait pas eu de contrôle dans un cas précis. Dans l'ensemble des dispositions du Code du travail, je pense que cela peut soulever beaucoup de difficultés. Les amendements qui sont là ne permettent pas, je pense, de...

M. Fontaine: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Le ministre du Travail parle de débrayage sporadique qui pourrait avoir lieu. Nous avons pris la précaution d'inclure dans notre amendement, à l'article 9.1, le fait qu'il faudrait au moins que 70% des syndiqués...

M. Johnson: Je retire mon argument sur le débrayage sporadique mais les autres valent.

M. Fontaine: Vous en aviez deux et vous en avez retiré un; il ne vous en reste qu'un. On va parler du deuxième.

M. Johnson: II est juridique; c'est un gros morceau.

M. Fontaine: Je ne vois pas de trou juridique.

M. Johnson: Cela l'emporte.

M. Fontaine: Quel est le trou juridique que vous voyez là-dedans? Si le syndicat ne respecte pas la loi, il est tout simplement décertifié et le syndicat n'existe plus. Il n'y a pas de trou juridique. (22 h 40)

M. Johnson: Les travailleurs n'ont plus d'institution. On peut porter le jugement qu'on voudra sur les institutions syndicales, mais les conséquences de la décertification dans ce contexte, c'est de priver les personnes d'institutions syndicales. Je ne suis pas sûr qu'on fait de la législation nouvelle sur un coin de table comme cela; je préfère qu'on puisse s'asseoir un jour et peut-être en discuter.

M. Fontaine: II n'y a rien qui empêche... M. Johnson: Largement.

M. Fontaine: II n'y a rien qui empêcherait le gouvernement de redonner une accréditation au syndicat au moment même où il continue de respecter la loi.

M. Johnson: Oui, mais cela, c'est déjà tout un processus. Ce n'est pas le gouvernement qui donne les accréditations, c'est le commissaire du travail, c'est un personnage quasi judiciaire, etc. Ce que je dis, c'est que, même sans aller au fond de cette question, j'avoue que, personnellement, sur le fond, je trouve que c'est extrêmement sévère, la décertification. Je ne dis pas qu'il ne faudra pas y penser un jour, si on doit être amené à y penser. Indépendamment de cela, il y a l'enchevêtrement sur le plan juridique qui, à mon avis, ne peut pas être réglé à 22 h 45 ce soir.

M. Fontaine: Le ministre a raison de dire que c'est le commissaire du travail qui donne les accréditations, mais, dans ce cas, étant donné qu'il aurait été enlevé par le fait de la loi, il faudrait que ce soit également la loi qui le redonne. C'est pour cela que je dis que ce serait le gouvernement qui pourrait présenter un projet de loi pour redonner l'accréditation aux syndicats qui l'auraient perdue par le non-respect de la loi. Si le syndicat respecte la loi, il n'y a aucun problème. Il ne sera jamais décertifié, s'il respecte la loi. Donc, cela n'affecte aucunement les droits du syndicat.

M. Johnson: On pourrait aussi dire, s'il ne respecte pas la loi, qu'on les met dans les mongolfières et qu'on les renvoie dans la strastosphère. S'ils ne respectent pas la loi, il n'y a pas de danger. C'est juste que le type de sanction que constitue la décertification, c'est une procédure qui existe en vertu du code dans la mesure où quelqu'un peut demander la désaccréditation dans un contexte très précis. C'est une opération complexe, si vous me permettez l'expression, c'est de la chirurgie d'un droit collectif. Avant d'entreprendre la chirurgie d'un droit collectif, je pense qu'il faut regarder cela tranquillement, à tête reposée.

M. Fontaine: Mme la Présidente, je voudrais tout simplement faire remarquer...

M. Johnson: Je ne dis pas que le député de Nicolet-Yamaska n'a pas la tête reposée ce soir. Qu'on se comprenne bien. Le contexte actuel, à mon avis, ne se prête pas à l'introduction de telles mesures ou même à son étude.

M. Fontaine: Mme la Présidente, je voudrais tout simplement...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: ... faire remarquer qu'en 1967, le gouvernement d'alors avait décidé de faire une chirurgie de droit collectif et, à ce moment, je rappellerai au ministre du Travail que c'était son père qui était le premier ministre.

M. Johnson: Oui, les circonstances étaient différentes.

M. Russell: Mme la Présidente, il n'y a pas seulement...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: ... en 1967 que ce droit a été...

M. Johnson: La loi avait été présentée au ministre du Travail.

M. Russell: Mme la Présidente, je voudrais référer le ministre à une loi qui a été adoptée en date du mois d'octobre 1969 pour les policiers de Montréal, et on voyait les mêmes sanctions à l'intérieur de la loi. Je pourrais aussi le référer à une autre loi qui a été adoptée au mois d'octobre et à l'intérieur de laquelle on voyait les mêmes sanctions — c'est drôle qu'il y a eu d'autres lois... et, à ce moment, les policiers ont respecté cette loi. Il y a eu d'autres lois qui ont été adoptées par d'autres gouvernements; vous l'avez vu pour les pompiers de Montréal, pour les policiers, et vous avez vu la suite de ces lois. Je pense que, lorsqu'on prend des mesures comme celles-là, on prend des dispositions pour que ce soit respecté. Je dis que, dans la loi que nous adoptons ce soir, je l'avais mentionné aussi à l'occasion de la loi 62, nous faisons une loi qui n'avait pas de dents, qui pouvait facilement être violée et surtout les infractions étaient très minimes. C'est exactement ce qui est arrivé et je ne voudrais pas que la même chose se répète à l'occasion de cette loi-ci, parce qu'il y a trop de gens impliqués.

On parle de la population du Québec, de six millions de gens qui ont un service qui leur est rendu et que ce service est garanti par un groupe d'ouvriers. On a prouvé hier, à l'occasion de la

commission et aujourd'hui que ces gens étaient mieux payés que tout autre fonctionnaire qui travaillait pour le gouvernement du Québec. Je ne voudrais pas que ces gens se servent de tous les moyens à leur disposition pour faire en sorte de continuer à priver la population de services auxquels elle a le droit et qu'elle paie chèrement. C'est la raison pour laquelle je dis que ces mesures ont été exercées ailleurs dans notre droit législatif et je pense qu'on peut les appliquer là, sans faire quoi que ce soit, sans brimer aucun ouvrier. Si les intentions de ces gens sont de retourner au travail, il n'y a aucun effet si leurs intentions ne sont pas de retourner au travail, la population a le droit et le législateur a le devoir de faire en sorte que la population soit protégée convenablement. C'est pour cette raison que je soumets cet article et j'insiste pour que le ministre du Travail reconsidère, et je demande aussi à l'Opposition officielle d'y penser sérieusement avant d'agir à la légère et que demain, ou d'ici quelques jours, on regrette de ne pas l'avoir fait et que ce soit la population qui soit exposée à accepter les sacrifices qu'elle fait actuellement.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement du député de Nicolet-Yamaska est-il adopté?

M. Fontaine: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je voudrais que vous preniez un vote enregistré, un appel nominal des députés.

M. Johnson: Un appel nominal de toute l'Assemblée?

La Présidente (Mme Cuerrier): II n'y a pas de vote enregistré, M. le député.

M. Fontaine: Un vote à main levée.

M. Johnson: Un vote à main levée.

La Présidente (Mme Cuerrier): II pourrait toujours y avoir un vote à main levée.

Sur l'amendement... Est-ce que vous pouvez vous asseoir s'il vous plaît!

Sur l'amendement de M. le député de Nicolet-Yamaska, ceux qui sont pour l'amendement.

Ceux qui sont contre.

L'amendement est rejeté.

M. Fontaine: Le gouvernement est contre.

Une Voix: II y a un manque de courant électrique...

M. Pagé: Combien?

La Présidente (Mme Cuerrier): C'était fortement majoritaire contre, M. le député de Portneuf. Je pense qu'on n'avait pas besoin de compter. L'article 9 sera-t-il renuméroté 10?

M. Johnson: Mme la Présidente, si vous permettez, on va passer... Voulez-vous que je fasse l'amendement de renumérotation?

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, s'il vous plaît, M. le ministre.

M. Johnson: II s'agit de renuméroter les articles 9, 10 et 11 qui deviennent 10, 11 et 12.

La Présidente (Mme Cuerrier): Le nouvel article 10 est-il adopté?

Une Voix: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 10 renuméroté 11 est-il adopté?

M. Johnson: L'article 11 dit: La présente loi n'a pas pour effet de soustraire la société, il s'agit de remplacer les mots "la société" par HydroQuébec simplement, par cohérence avec le reste du texte.

La Présidente (Mme Cuerrier): Soustraire "Hydro-Québec".

M. Johnson: Non. Il s'agit de soustraire les mots "la société" pour les remplacer par "HydroQuébec".

La Présidente (Mme Cuerrier): Si l'amendement est adopté, cet article se lirait... Il s'agit de rayer "la société"... et l'article se lirait: "La présente loi n'a pas pour effet de soustraire HydroQuébec et les salariés qu'elle vise à l'application du Code du travail".

M. Johnson: Adopté, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors l'amendement est adopté. L'article 10 renuméroté 11 est-il adopté tel qu'amendé?

Une Voix: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 11 renuméroté 12 est-il adopté?

M. Pagé: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.

M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière a étudié le projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec, qu'elle a adopté avec des amendements.

Le Président: Est-ce que ce rapport sera adopté?

Des Voix: Adopté.

Troisième lecture

Le Président: Adopté. J'appelle maintenant la troisième lecture. Est-ce que la troisième lecture du projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des

services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec, sera adoptée?

Une Voix: Adopté.

M. Levesque (Bonaventure): Vote enregistré, M. le Président.

Le Président: Puisqu'une demande est formulée pour un vote enregistré, qu'on convoque les députés!

Suspension à 22 h 50

Reprise à 23 heures

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

J'appelle maintenant le vote sur la motion de troisième lecture du projet de loi no 88, Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec.

Je demande à ceux et celles qui sont en faveur de cette motion de bien vouloir se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Charron, Mme Cuer-rier, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Marois, Léonard, Couture, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Joron, de Belleval, Johnson...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: ... Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Tardif, Garon, Martel, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Lefebvre, Dussault, Alfred, Marquis, Ouellette, Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Ryan, Levesque (Bonaventure), Saint-Germain, Caron, Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Giasson, Rivest, Lalande, Mathieu, Dubois, Pagé, Ver-reault, Springate, Biron, Brochu, Grenier, Fontaine, Russell, Cordeau, Le Moignan.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît! Les abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 78 — Contre: 0 — Abstentions: 0

Le Président: La motion est adoptée.

M. Charron: M. le Président, je voudrais, en invitant les collègues qui sont en commission parlementaire à reprendre leur travail pour indi- quer tout de suite que cette loi sera sanctionnée dans les deux langues dans quelques instants...

Une Voix: Cela va faire plaisir à nos amis d'en face.

M. Charron: ... et que, évidemment, le menu que j'avais annoncé pour la journée d'aujourd'hui est — c'est le moins qu'on puisse dire — modifié. Il reste quand même qu'avec une collaboration assurée, je crois qu'un certain nombre de projets de loi qui ne devraient pas susciter un débat très long pourraient dès ce soir être adoptés et, tout de suite, dans cette lancée, je vous prierais d'appeler l'article 4 du feuilleton d'aujourd'hui, M. le Président.

Projet de loi no 54 Commission plénière

Le Président: J'appelle maintenant la troisième lecture du projet de loi no 54, Loi sur le recouvrement de certaines créances. Je demande si cette motion de troisième lecture... M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Me prévalant de l'article 125, je voudrais proposer que, pour quelques instants à peine, cette Assemblée nous permette de retourner en commission plénière, où le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières avait un amendement que connaît déjà l'Opposition, je crois, et qui serait intégré au projet de loi.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Une Voix: Oui. Adopté.

Le Président: Adopté, M. le leader parlementaire du gouvernement. Avant de quitter le fauteuil, comme vous le souhaitez, M. le leader parlementaire du gouvernement, j'aimerais demander aux représentants de l'Opposition, à au moins un représentant de l'Opposition et à un représentant de l'Union Nationale de même que de la majorité ministérielle, de venir à la salle 103-A à 11 h 30 exactement, pour la sanction du projet de loi no 88.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Joron: M. le Président, très brièvement. Les amendements — puisque nous en avons deux — que nous voulons apporter au projet de loi traitent de la question du droit d'un créancier de communiquer avec le conjoint du débiteur. Nous nous sommes, après réflexion, rendus à l'argumentation que nous avaient apportée des membres de la commission parlementaire lors de l'étude du projet de loi article par article et à certaines autres représentations qui nous avaient été faites. En

conséquence, M. le Président, je voudrais proposer que l'article 4 du projet de loi soit modifié en remplaçant les trois dernières lignes du premier alinéa par les suivantes: "créance, communiquer avec l'employeur ou les voisins du débiteur, sauf si l'une de ces personnes est sa caution, ou pour obtenir l'adresse du débiteur." C'est le premier amendement. Voulez-vous que je vous les donne tous les deux ou si on va les prendre un par un?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous pouvez annoncer votre deuxième amendement et on les adoptera un après l'autre tout à l'heure.

M. Joron: Le deuxième amendement consiste à ne pas exempter, par contre, l'agent de recouvrement de l'application de ce que nous venons de faire pour les créanciers généraux. Je voudrais proposer d'amender l'article 34 en insérant, après le deuxième paragraphe du premier alinéa, le paragraphe suivant: "3°. communiquer avec le conjoint du débiteur ou un membre de sa famille, sauf si une telle personne s'est portée caution du débiteur ou pour obtenir l'adresse du débiteur, et il doit alors s'identifier. "

Ensuite, les paragraphes 3 à 8 deviendraient respectivement, à la suite de la concordance numérotive, les paragraphes 4 à 9. Finalement, en remplaçant à la dernière ligne du troisième alinéa, 5° par 6°.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'un après l'autre: à l'article 4, le ministre propose l'amendement suivant. Est-ce que vous l'avez, M. le député de Jacques-Cartier?

M. Saint-Germain: Je l'ai, M. le Président, oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II propose que l'article 4 du projet de loi no 54 soit modifié en remplaçant les trois dernières lignes du premier alinéa par les suivantes: "créance, communiquer avec l'employeur ou les voisins du débiteur, sauf si l'une de ces personnes est sa caution ou pour obtenir l'adresse du débiteur."

M. Saint-Germain: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cet amendement sera-t-il adopté?

M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je crois que c'est un amendement qui est valable et qui bonifie le projet de loi, parce que nous avions critiqué la sévérité de ces articles 2, 3 et 4. Ce que fait cet amendement, c'est simplement de soustraire les créanciers en général à cette obligation négative, si vous voulez, mais de conserver le statu quo pour ce qui regarde les agents de recouvrement. Comme je le dis, c'est un amendement valable et nous l'acceptons, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'amendement proposé sera adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 4, tel qu'amendé, sera adopté? Adopté. Maintenant, nous allons à l'article 34 du projet de loi. Le ministre propose que l'article 34 soit amendé en ajoutant, après le paragraphe 2° du premier alinéa, le paragraphe suivant: "3°. communiquer avec le conjoint du débiteur ou un membre de sa famille, sauf si une telle personne s'est portée caution du débiteur ou pour obtenir l'adresse du débiteur et il doit alors s'identifier. (23 h 10) b) les paragraphes 3 à 8 deviennent respectivement les paragraphes 4 à 9; c) en remplaçant, à la première ligne du troisième alinéa, cinquièmement par sixièmement.

M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Pour ce qui regarde cet amendement qui fait suite au premier, c'est qu'enfin, pour ce qui regarde les agents de recouvrement, il n'y a pas de modification. C'est, comme je le disais tout à l'heure, le statu quo.

Nous pouvons d'ailleurs regretter que le ministre nous apporte ces amendements de façon aussi tardive. Je crois que ces études et ces modifications auraient dû être faites lors de l'étude article par article de ce projet de loi. Je suis assuré que ces modifications seraient certainement faites, si nous avions eu l'avantage d'avoir une commission parlementaire sur le sujet de façon à écouter tous les intéressés et à recevoir leurs mémoires. Ceci n'a pas été fait. C'est probablement la raison pour laquelle ces amendements sont si tardifs. Nous l'acceptons tout de même. M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que les amendements proposés par le ministre seront adoptés?

M. Russell: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 34 tel qu'amendé sera adopté?

M. Saint-Germain: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté.

La commission plénière a rempli son mandat.

Mme la Présidente, je vous fais rapport que la commission plénière a étudié les amendements proposés par le ministre et les a adoptés.

La Vice-Présidente: Le rapport est-il adopté? M. Saint-Germain: Adopté.

Troisième lecture

La Vice-Présidente: La troisième lecture. Y a-t-il consentement à la troisième lecture?

M. Saint-Germain: Consentement.

La Vice-Présidente: Consentement.

La troisième lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. Charron: Je pense que M. le député veut parler.

La Vice-Présidente: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Noël Saint-Germain

M. Saint-Germain: Si le ministre ne veut rien ajouter, j'aurais tout de même quelques...

La Vice-Présidente: Vous auriez un mot à ajouter en troisième lecture?

M. Saint-Germain: Si vous vouliez bien me permettre quelques minutes.

Je dirais, premièrement, que les interdictions des articles 2, 3 et 4 quant au recouvrement de créances auprès des individus constituent un changement majeur, non seulement par rapport à la loi en existence actuellement, mais aussi par rapport à celle sanctionnée en 1974.

En effet, ces interdictions touchent toutes les activités de recouvrement de créances auprès des individus, que le recouvrement soit effectué par qui que ce.soit, bref, ces dispositions affectent des milliers de personnes qui n'étaient pas nécessairement soumises à la juridiction de la loi de 1974. Tout de même, tout au long des études de ce projet de loi, le gouvernement s'est toujours référé aux mémoires et aux études de la commission parlementaire de 1974.

Il me semble qu'il est évident que ces milliers de personnes, de créanciers qui n'étaient pas soumis à la loi de 1974, comme de raison, ces créanciers et ces débiteurs ne sont pas venus soumettre au gouvernement du temps leur opinion, n'étant pas nécessairement directement impliqués par ce projet de loi passé. Mais tous ces gens, actuellement, qui sont concernés par ce projet de loi et qui ne l'étaient pas dans l'autre, se sont vu privés de l'avantage qu'ils auraient eu de laisser connaître à l'Assemblée nationale leur opinion et leur idée à ce sujet.

Je crois que si nous avions eu ces avantages et ces renseignements, si le gouvernement en avait pris connaissance, les articles 2, 3 et 4 n'auraient pas été rédigés de la façon dont ils le sont présentement. Premièrement, nous reprochons au gouvernement de ne pas avoir permis à la commission parlementaire de recevoir les opinions et les mémoires de ces personnes intéressées.

Deuxièmement, je crois que ces articles 2, 3 et 4 sont rédigés et sont libellés de façon extrêmement vague, utilisant, par exemple, des termes comme "harcèlement" et "intimidation" sans nécessairement les définir. Je comprends que ces mots sont définis dans nos dictionnaires, mais l'article pourrait donner ouverture à des réclamations en dommages exagérés surtout si on tient compte de l'article 49 du projet de loi qui est presque une invitation à la multiplication de recours en dommages douteux par des débiteurs insolvables. La rédaction de ce projet de loi sent le genre de rédaction que nous avons eue lors de la Loi sur la protection du consommateur. Il me semble évident que le gouvernement et les légistes du gouvernement se sont laissé influencer par cette loi.

Je dois vous dire que cette loi n'est pas encore en application et nous avons, dans le temps, reproché à cette loi son manque de clarté comme nous l'avons fait d'ailleurs lors de son étude. Il est tout de même curieux que le gouvernement se soit servi de la rédaction de la Loi sur la protection du consommateur comme exemple dans la rédaction de cette nouvelle loi. Il me semble évident que seuls les juges et les tribunaux pourront réellement nous éclairer sur la portée de cette loi. Lorsqu'une loi a nécessairement besoin d'être définie par les tribunaux pour en connaître la portée exacte, je crois que nous pouvons dire, sans craindre de nous tromper, que c'est une loi mal rédigée.

Deuxièmement, cette loi est rédigée dans des termes trop vagues et ce sera un inconvénient sérieux lors de son application. Troisièmement, il y a aussi dans cette loi un abus de la réglementation, et ceci est tout à fait caractéristique du gouvernement actuel. Le pouvoir réglementaire du gouvernement est poussé à ses limites extrêmes. En effet, la totalité des règles d'exercice de la profession d'agent de recouvrement est laissée à la réglementation. Un bel exemple, le montant et la forme du cautionnement, à l'article no 8, sont laissés à la réglementation. Pourtant, dans l'ancien projet de loi, cette forme et ce montant du cautionnement étaient inscrits dans la loi. C'est là un pas en arrière, c'est là une régression dans la qualité de la loi.

Comme un autre exemple, il y a les critères pour obtenir les permis à l'article 11, quatrième paragraphe, et à l'article 18. Sont soumis à la réglementation la tenue des livres et dossiers ainsi que les renseignements à fournir, à l'article 25. La forme des mandats de recouvrement sera aussi réglée par le cabinet, selon l'article 32. Le modèle d'avis de réclamation. Pour le comble, à l'article 51, on dit, au dixième paragraphe, ce qui suit. Je crois que cet article mériterait d'être lu dans son entier. Je lis l'article 51, paragraphe 10: "Le gouvernement peut, en outre des autres pouvoirs prévus dans la loi, faire des règlements pour exempter, aux conditions qu'il détermine, une catégorie de personnes ou de créances de l'application totale ou partielle de la présente loi." Ceci est, à mon avis, absolument inacceptable. (23 h 10)

Le gouvernement ne peut s'arroger le pouvoir de décider à qui la loi s'appliquera ou ne s'appliquera pas. Ce pouvoir appartient exclusivement à la Législature et elle ne saurait s'en départir. C'est là un principe de base de notre démocratie parlementaire. Il faudrait que les députés soient intransigeants sur cette question. Nous savons que la majorité des députés de cette Chambre

voteront, en troisième lecture, pour ce projet de loi. Il est dommage que certains de ces députés seront, dans l'avenir, dans l'Opposition et ils sentiront jusqu'à quel point ils ont été induits en erreur par l'Exécutif en laissant à celui-ci cette responsabilité qui devrait être nécessairement et exclusivement des responsabilités de l'Assemblée nationale dans son ensemble.

Il y a dans ce projet de loi un abus de la réglementation. Quatrièmement, je crois que ce projet de loi est sévère à l'excès. Les pratiques interdites aux agents de recouvrement sont si nombreuses et touchent si directement l'exercice de leur profession que certains prétendent que leur existence même est en jeu; en particulier, l'article 34 interdit de communiquer oralement avec un débiteur si celui-ci donne un avis en ce sens. Bref, il s'agit de restrictions telles qu'une bonne partie des agences pourraient être éliminées. Il faudrait donc s'assurer, au préalable, que ce sont simplement les agents douteux et coupables d'abus qui seront éliminés.

Deuxièmement, que les agents tout à fait honorables ne seront pas handicapés par ce projet de loi. Troisièmement, que la concurrence dans cette industrie ne sera pas réduite indûment.

En ce domaine, les bonnes intentions ne suffisent pas comme l'a bien montré l'expérience millénaire des lois contre l'usure. Or, lorsque prises dans leur ensemble, les dispositions du projet de loi no 54 pourraient facilement produire de tels résultats, entièrement contraires à ceux escomptés. Nous songeons ici aux répercussions combinées de la diminution du nombre et de l'activité des agents, des restrictions à la diffusion de l'information, de l'extension de recours en dommages et intérêts, de l'imprécision des interdictions faites à tous les créanciers. Vues dans leur ensemble, ces dispositions telles que présentement rédigées, ne nous garantissent aucunement que l'activité de recouvrement sera débarrassée des abus actuels et encadrée de façon civilisée. Mieux vaut une réglementation moins sévère mais réaliste et respectée qu'une solution de rêve qui conduirait à l'expansion des pratiques illégales.

Il faut tout de même admettre que les agents de recouvrement qui oeuvrent sous ce nom ou sous d'autres noms, existent probablement depuis qu'il y a des créanciers qui existent dans le système économique. C'est dire que leur activité correspond à une nécessité dans notre système financier, actuellement. On sait pertinemment que dans cette province le crédit est à la mode. Plusieurs disent même qu'on en abuse. Il est donc important, si nous voulons avoir un système de distribution efficace, de voir à ce que les agents de recouvrement soient éliminés mais que les gens sérieux puissent continuer à oeuvrer dans ce domaine, car il me semble évident que si les marchands ou certains créanciers ont de la difficulté à recouvrir leurs argents, ceci signifie en fait une augmentation du coût de notre système de distribution et, par la suite, une augmentation du coût des services et des marchandises.

Quatrièmement, dans l'application de ce projet de loi, nous trouvons que certains articles sont absolument trop sévères, mais nous souhaitons, malgré ces lacunes, que ce projet de loi soit positif et qu'on puisse prouver, dans son application, qu'il est dans l'intérêt de la population du Québec.

La Vice-Présidente: M. le déuté de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: Mme la Présidente, très brièvement. Evidemment, ce projet de loi a été déposé et étudié. Je suis heureux des amendements que le ministre nous a apportés à la suite de certaines remarques qui ont été faites. Je conviens de la justesse des remarques qui ont été faites par le député de Jacques-Cartier. Evidemment, le but poursuivi, l'objectif poursuivi, c'est très bien, je pense, c'est de se protéger des charlatans du métier qui abusaient de la population, des gens qui n'étaient pas trop au courant du processus normal de la perception des comptes. Je veux simplement répéter ce que j'ai dit d'ailleurs en deuxième lecture, ce projet de loi donne beaucoup de latitude au ministre, au Conseil exécutif. C'est une loi qui sera appliquée presque entièrement par règlement et qui va donner au ministre une certaine flexibilité. Je présume que le ministre a voulu garder ce pouvoir pour l'ajuster au fur et à mesure qu'il va vivre l'expérience de l'application de cette loi. Espérons qu'il sera assez flexible. Si, comme l'a dit le député de Jacques-Cartier, l'effet est contraire au but poursuivi, il prendra des dispositions de façon à ne pas paralyser l'économie en général dans ce domaine bien particulier. Je suis d'accord avec lui sur le but poursuivi, d'éviter et d'éliminer les charlatans qui abusent de la population et surtout du consommateur.

Donc, nous allons supporter le ministre dans son objectif. S'il y a de l'abus, nous tâcherons de le lui rappeler afin qu'il apporte les changements nécessai res pour corriger la situation. Nous voterons en faveur de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: M. le ministre exercera-t-il son droit de réplique?

M. GuyJoron

M. Joron: Oui, un petit mot, si vous me le permettez, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord remercier tous les députés qui ont participé au débat à l'occasion de l'étude de ce projet de loi aussi bien en cette Chambre qu'en commission parlementaire. Je me réfère aux remarques que faisait tout à l'heure le député de Jacques-Cartier. Je pense qu'il y a des choses qui ne sont peut-être pas encore complètement à sa satisfaction, bien que nous nous soyons rendus, par quelques-uns de nos amendements, à plusieurs de ses avis et conseils. Il reste peut-être des termes qui lui paraissent encore vagues. Il mentionnait à titre

d'exemple le mot "harcèlement" ou le mot "menace", etc. Je dois lui dire qu'à cet égard, la langue française en a elle-même certaines limites, et s'il n'y a pas moyen de trouver un terme plus précis, il faut bien employer les seuls instruments et le seul vocabulaire qui nous sont disponibles.

Il y a peut-être beaucoup de réglementation, c'est vrai, et je ne serais pas loin de concourir à son argumentation, c'est peut-être le vice de toutes les lois, pas seulement dans cette Législature, mais probablement dans toutes les Législatures du monde, de faire une place de plus en plus grande à la réglementation. D'un autre côté, il faut comprendre qu'il est difficile de tout prévoir à l'avance dans des projets de loi. Il y a des choses qui, carrément, n'ont pas leur place dans un projet de loi quand on vise, par exemple, à décrire la forme que doit prendre telle formule, quelle question elle doit comporter. Ce sont des choses qui se font par réglementation. Il ne faut pas croire non plus que, parce que c'est fait par règlement, c'est fait en catimini et en cachette de tout le monde. Nos pratiques veulent que les règlements soient d'abord publiés dans la Gazette officielle, qu'il y a un certain délai qui permet à la population et aux citoyens et citoyennes qui peuvent avoir des remarques ou des suggestions à faire de les faire. Ce délai permet à la population de réagir, si l'Exécutif, dans sa réglementation, allait trop loin ou outrepassait ses pouvoirs. Alors, il y a une soupape de sécurité.

Certains diront peut-être que ce projet de loi est sévère. Par rapport à la situation antérieure, oui, nous faisons en quelque sorte, jusqu'à un certain point, du droit nouveau, bien qu'il soit peut-être utile de rappeler que le gouvernement qui a précédé le nôtre avait, en 1974 — si ma mémoire ne me fait pas défaut — fait adopter un projet de loi duquel s'est inspiré celui-ci et qui, pour une raison qu'on n'a jamais pu expliciter d'ailleurs tant de ce côté-ci de la Chambre que de l'autre, n'a jamais été mis en vigueur. Mais il est vrai que c'est du neuf dans un certain sens, bien qu'il y ait d'autres Etats en Amérique du Nord, des Etats américains, qui ont des lois qui y ressemblent, mais d'autres provinces du Canada également. (23 h 30)

C'est un complément à la Loi sur la protection du consommateur et son langage, sa philosophie ou son économie, comme on dit, s'en inspirent, c'est exact. A cet égard, je pense que c'est un projet de loi qui sera de grande utilité pour le consommateur. Il faut rappeler son objectif premier qui est de définir, par certaines normes, les pratiques en matière de recouvrement de créances, en quelque sorte d'établir les règles du jeu dans ce domaine. C'est la première fois que les règles du jeu vont être établies aussi clairement.

On a voulu, comme le recommandait d'ailleurs la Chambre de commerce du Québec dans son mémoire soumis en 1974 en commission parlementaire, que tous les créanciers soient assujettis à des règles de pratique semblables. Ce projet de loi vise également à définir le cadre particulier de cette pratique de l'activité de recouvrement de créances pour des personnes qui, moyennant une rémunération, recouvrent des créances pour autrui. On aura donc, en quelque sorte, à l'avenir une sorte de code d'éthique en ce domaine.

Je suis persuadé que ce projet de loi permettra non pas, comme le craignait le député de Jacques-Cartier tout à l'heure, d'y voir une possibilité de menace à l'existence même de la profession ou du métier d'agent de recouvrement de créances. Moi, je pense que toute profession, tout métier a grand avantage à voir les règles du jeu ou son code d'éthique mieux défini et que, dans un cadre sain, les gens pourront continuer d'exercer leur métier.

On aura donc, par ce projet de loi, l'instauration d'une forme d'éthique à laquelle, je pense, on est en droit de s'attendre de tous les créanciers et de tous les agents de recouvrement. Cela, je pense que ce sera dans le plus grand intérêt des consommateurs québécois.

C'est pourquoi je recommande à cette Chambre l'adoption de ce projet de loi, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Cette motion de M. le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières proposant que soit maintenant lu pour la troisième fois le projet de loi no 54, Loi sur le recouvrement de certaines créances, est-elle adoptée?

M. Saint-Germain: Sur division.

La Vice-Présidente: Adopté sur division. M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Merci, Mme la Présidente, je vous prierais d'appeler l'article 12 du feuilleton d'aujourd'hui, s'il vous plaît!

Projet de loi no 70 Deuxième lecture

La Vice-Présidente: M. le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 70, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières concernant le contrat de concession ou de franchisage.

M. le ministre.

M. Guy Joron

M. Joron: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à cette Chambre.

Le projet de loi no 70 a pour but de modifier la Loi sur les valeurs mobilières afin d'assujettir le contrat de franchisage à la surveillance et au contrôle de la Commission des valeurs mobilières du Québec.

L'objectif que nous poursuivons en tout premier lieu est la protection des nombreux petits

et moyens commerçants qui s'engagent et s'engageront à l'avenir dans des accords de franchise ou de concession. En effet, depuis quelques années, cette technique commerciale connaît un essor assez important au Québec. Il n'est pas difficile pour un observateur le moindrement averti de constater le nombre croissant de commerces franchisés qui se sont implantés dans les centres commerciaux et le long des principales artères commerciales du Québec. Ils se retrouvent non seulement dans le domaine de la restauration, mais aussi dans le commerce de la pharmacie, des appareils électroniques, de divertissement, des pièces d'automobiles, de l'hôtellerie, des épiciers dépanneurs ainsi que de nombreux services, comme la préparation des rapports d'impôt, voire même jusqu'à des cliniques de cure d'amaigrissement.

La formule d'affranchisage a connu un essor considérable au cours des dernières années et il y a tout lieu de croire, selon les tendances que l'on observe ailleurs en Amérique du Nord, que cette formule continuera à prendre de l'importance au cours des années à venir. Or, il existe dans le domaine du franchisage des problèmes inhérents au déséquilibre entre les parties au moment de la signature ou du renouvellement du contrat de franchise. On peut dire qu'il existe trois types fondamentaux de problèmes et qu'ils sont liés au déséquilibre des forces en présence.

Le premier type de problème est relié au fait que, d'un côté, se trouve le franchiseur ou le concédant d'une marque de commerce, souvent très prestigieuse, fort de l'expérience de l'exploitation de nombreuses franchises et de l'appui de conseillers techniques et légaux qui ont accès à toutes les données pertinentes à la prise d'une bonne décision. De l'autre côté, se trouve le franchisé ou le concessionnaire, la plupart du temps un commerçant relativement petit qui n'a que peu de pouvoirs de négociation, qui n'a finalement que l'alternative d'accepter tel quel le contrat qui lui est offert sans avoir les connaissances ou l'accès aux connaissances qui lui permettraient de discuter de toutes les implications du contrat qu'il s'apprête à signer ou à l'intérieur duquel il fonctionne.

Un second problème est celui de l'interprétation parfois abusive des clauses du contrat par les franchiseurs ou concédants sous menace de la terminaison du contrat. Le déséquilibre des forces persiste, mais renforcé cette fois-là par l'argument que si le franchisé n'accepte pas le point de vue du franchiseur, celui-ci lui retirera la franchise. Cet argument massue est d'autant plus convaincant que les conditions de terminaison du contrat ne sont pas toujours clairement déterminées.

Enfin, un troisième problème porte sur les pertes que peuvent encourir les franchises et concessionnaires à la terminaison du contrat. Il existe en effet une tendance chez certains franchiseurs à racheter les franchises, surtout les plus profitables, c'est compréhensible, ou de s'appuyer sur la menace de terminaison de la franchise pour imposer leurs conditions aux franchisés. Etant donné également le droit légitime du franchisé de disposer de sa franchise en récupérant son investissement et l'achalandage aussi si une plus-value s'est accumulée, il nous paraît que les conditions de terminaison ou du transfert de la franchise doivent être bien établies au contrat.

Enfin, il existe aussi des problèmes qui découlent de la faiblesse financière du franchiseur ou du concédant ou de la faiblesse morale de certains promoteurs ou encore de la faiblesse de la formule de certaines franchises ou de certains produits offerts en concession. De ces situations nombreuses ne peuvent que résulter des pertes souvent importantes pour les franchisés ou les concessionnaires qui ont investi leur temps et leur argent dans des entreprises qui n'avaient aucune ou peu de chances de succès. Par ricochet, il arrive aussi que des consommateurs, qui transigent avec ces commerçants en difficulté, peuvent eux-mêmes être lésés soit parce qu'ils ne peuvent récupérer un dépôt versé ou parce qu'ils se retrouvent avec une garantie ou un contrat de service après vente sans beaucoup de valeur.

Bien que l'immense majorité des agents impliqués dans le domaine du franchisage ou de la concession commerciale soient sans doute compétents, honnêtes et solvables, il demeure que dans l'intérêt même de l'industrie du franchisage et de la concession et du maintien de sa réputation, il y a lieu pour le gouvernement du Québec, comme l'ont d'ailleurs déjà fait d'autres gouvernements ailleurs, de prendre des mesures pour corriger ces problèmes ou alors s'en prémunir. A titre d'exemple, il existe en Alberta une loi sur les franchises dont l'application relève de la Commission des valeurs mobilières de cette province. Des lois semblables existent également dans plusieurs Etats américains. Ces lois ont retenu une approche qui rend obligatoire la divulgation au franchisé des faits pertinents à la situation financière et à la valeur morale du franchiseur et à la qualité de la franchise et aux droits et obligations des parties notamment en ce qui concerne la conclusion de tels contrats.

Dans un rapport qu'il nous présentait au printemps 1979, le Comité d'étude sur le fonctionnement et l'évolution du commerce au Québec recommandait que le gouvernement du Québec exerce un contrôle sur les contrats de franchisage. Nous avons retenu cette recommandation du Comité d'étude sur le fonctionnement et l'évolution du commerce et avons, de plus, l'intention d'introduire une réglementation concernant les contrats de concession commerciale. En effet, il y a lieu de rétablir l'équilibre en s'assurant que le plus faible aura tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée et qu'il connaîtra exactement toutes les modalités entourant l'exécution et la terminaison du contrat qui lui est proposé. C'est donc pourquoi nous proposons d'amender la Loi sur les valeurs mobilières afin d'y reconnaître de façon explicite le contrat de franchisage et le contrat de concession commerciale comme étant des valeurs mobilières. (23 h 40)

La Commission des valeurs mobilières du Québec est l'organisme de surveillance et de contrôle du commerce des valeurs mobilières. En application de cette loi et des nouveaux règlements qui en découleront, la commission pourra protéger l'intérêt du public et favoriser le développement sain des franchises et des concessions commerciales. La commission établira des normes d'enregistrement, examinera le contenu des documents d'information et, le cas échéant, pourrait ordonner des enquêtes et des poursuites qui s'imposeraient.

Les règlements afférents aux modifications qui seront apportées à la présente loi des valeurs mobilières permettront d'exiger, de la part de concédants et de franchiseurs, en plus des règlements nécessaires à établir leur valeur morale et leur solidité financière, la pleine et entière divulgation des droits et devoirs des parties au contrat de franchise ou de concession. Comme elle le fait habituellement, la Commission des valeurs mobilières verra à ce que les règlements fassent l'objet de consultations auprès des divers milieux intéressés et concernés avant leur adoption.

Je crois que ce projet de loi est dans l'intérêt non seulement des petits et moyens commerçants du Québec qui, de plus en plus, s'engageront dans des accords de franchise et de concession, mais également, comme je l'ai mentionné précédemment, dans celui de tous les consommateurs du Québec. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Julien Giasson

M. Giasson: M. le Président, ce projet de loi no 70, à sa lecture, paraît peut-être fort anodin au départ, sauf qu'après mûre réflexion on réalise qu'il apporte des modifications face à des habitudes commerciales peut-être plus récentes, mais qui sont appelées à se développer à un rythme beaucoup plus rapide que ce que nous avons pu constater dans le passé.

Evidemment, le ministre, par son discours, a pu apporter un certain éclairage sur les objectifs recherchés par le projet de loi et nous indiquer qu'il a pris connaissance d'un rapport qui lui avait été présenté à lui ou à la Commission des valeurs mobilières et qui faisait état du besoin d'un meilleur contrôle et d'une supervision d'opérations qui découlaient de concessions ou de franchises accordées dans des pratiques commerciales qui se font de plus en plus nombreuses chez nous.

Je n'ai pas pu réaliser, dans l'examen rapide que j'ai fait du projet de loi, si le terme franchisage était déjà défini à l'intérieur de la loi, du moins dans la partie des définitions. Le ministre ne nous a pas indiqué une intention de définir ce terme afin qu'on soit en mesure de mieux saisir quels sont les genres d'activités ou de commerces qui font partie de ce qu'on appelle une franchise ou du "francisage" chez nous. Le terme, il faut le prononcer quasiment en matinée, quand on vient en fin de soirée, après une longue journée de travail, cela devient plus compliqué de le prononcer avec un accent précis.

Le ministre a également fait état de la possibilité de réglementations nouvelles qui vont déterminer et préciser quelles sont les obligations qui vont exister dans ces transactions, soit les pouvoirs du franchiseur, ainsi que la protection des droits du franchisé. Cependant, là encore, il s'agit de règlements qu'on ne connaît pas; il faut s'en remettre une fois de plus à la bonne volonté et faire une confiance presque aveugle à la Commission des valeurs mobilières qui va, somme toute — du moins, on le présume — présenter une forme de réglementation à l'attention du ministre et ce sera le lieutenant-gouverneur ou le Conseil des ministres qui vont une fois de plus, par règlement, déterminer des règles du jeu et établir de dispositions nouvelles concernant ce secteur d'activité de concessions ou de franchises.

Sans doute, le ministre pourrait, dans la courte réplique qu'il va donner dans quelques moments, nous faire un exposé sur la réglementation qui a dû lui être recommandée déjà par la Commission des valeurs mobilières, de façon qu'on puisse évaluer beaucoup mieux quelles sont les fins qui pourront être atteintes par les objectifs que poursuit la loi.

Je crois que, dans le passé, en dépit de la présentation de ce projet de loi, il s'est effectué beaucoup de franchises comme de concessions au Québec, et cela dans des secteurs très variés. Je pense à mon collègue de Bonaventure qui doit avoir soit une concession d'un grand distributeur de véhicules ou une "franchise", je ne saurais dire laquelle des deux situations est vécue par mon collègue de Bonaventure.

Sans doute qu'il pourrait intervenir, mais il nous a indiqué la nature de l'entente ou du contrat intervenu entre son entreprise et le fabricant. Mais il serait bon, M. le Président, que ce soit précisé davantage afin qu'on puisse vraiment évaluer et comprendre les bienfaits ou l'aide que pourrait apporter le projet de loi que nous soumet le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

Je n'avais pas l'intention, vous le comprendrez facilement, M. le Président, d'intervenir longuement dans un texte de loi aussi court. Je veux vous indiquer qu'il nous apparaît s'agir d'une amélioration et d'un contrôle qui sont nécessaires dans le contexte de l'évolution de notre commerce. Nous serons heureux d'apporter une collaboration en votant en faveur de ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: M. le Président, très brièvement sur ce projet de loi que le ministre vient de nous présenter. Avec son court exposé, il a peut-être été

un peu avare dans les explications qui voulaient nous éclairer sur l'objectif visé par ce projet de loi. Nous avons tenté d'examiner, voir, connaître un peu le but poursuivi par ce projet de loi qui — comme on dit — avec seulement deux articles, ne semble pas représenter beaucoup. Evidemment, on sait que je pourrais amener ici plusieurs cas de franchisage où il y eu des abus. C'est peut-être l'exception dans ce rapport que le ministre a mentionné. Tout à l'heure, en commission — si on va en commission — il pourra peut-être nous expliquer et nous donner plus de détails sur le rapport qu'il a reçu pour nous démontrer qu'il y a réellement un abus et que ce projet de loi est réellement nécessaire en vue d'assurer la protection de ceux qui font l'exploitation de commerces reliés à des franchises.

Il est évident qu'ici ce n'est pas complet. Lorsqu'on aura l'addition en commission parlementaire, on pourra peut-être faire des recommandations au ministre pour couvrir d'autres cas particuliers, qui devraient être couverts ici au Québec comme ils le sont dans d'autres provinces.

M. le Président, je ne retarderai pas le débat là-dessus. Je pense que nous pourrions peut-être nous comprendre plus rapidement en discussion très franche, lors d'échanges nécessaires, pour clarifier certains points de ce projet de loi. Donc, nous sommes en faveur de ce projet de loi pour tâcher d'améliorer, si c'est nécessaire, le contrôle et la protection de ceux qui opèrent des commerces à l'intérieur de notre province.

Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Guy Joron

M. Joron: M. le Président, en guise de réplique, je pourrais peut-être répondre à quelques-unes des questions que mes collègues ont soulevées. Au départ, je vous rappellerai que c'était un engagement du premier ministre, dans son discours inaugural au début de cette session, d'apporter une loi et que le gouvernement pose des gestes dans le but de protéger des petits commerçants qui sont devenus des milliers au Québec aujourd'hui et dont certains, parfois — comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention — étant donné le déséquilibre des forces entre des chaînes internationales souvent très puissantes et le franchisé ou le concessionnaire local, se sont faits, sinon rouler, du moins malmener dans le passé. Les plaintes que la plupart des membres de cette Chambre, chacun dans leur comté respectif, ont pu en recevoir en témoignent certainement. Ce sont des cas qui ont dû se produire un petit peu partout.

Alors, il y a deux choix qui se présentaient à nous. La première idée, c'était que le ministre de l'Industrie et du Commerce apporte une loi portant spécifiquement sur les franchises. Par la suite, on s'est aperçu qu'il existait déjà, à l'intérieur de la Loi sur les valeurs mobilières, une définition qui incluait, dans un sens large peut-être, la concession et qui la définissait comme une valeur mobilière. (23 h 50)

Là, on s'est dit: Au lieu de rédiger une loi, en quelque sorte, qui va imposer des obligations aux parties et qui va, en somme, régir le franchisage comme tel, pourquoi n'adoptons-nous pas le deuxième choix qui était celui de la divulgation et de laisser les individus libres de s'engager dans des contrats de franchisage, après que nous nous soyons assurés, comme législateurs, que tous les faits pertinents vont lui être présentés et qu'il saura dans quoi il s'embarque en signant un tel contrat?

Alors, on a opté pour la deuxième solution qui implique l'addition du mot "franchise" ou franchisage " au terme "concession" qui, lui, est plus global, nous a dit l'Office de la langue française. Et après vérification, le terme "franchisage " est inclus, si vous voulez, à l'intérieur du mot concession" qui est déjà dans notre loi des valeurs mobilières, mais s'applique de façon plus pertinente à la pratique plus récente, plus moderne de l'utilisation de marques de commerce par un certain nombre de commerçants, qui se répandent presque comme des traînées de poudre un peu partout à travers le monde, à l'heure actuelle.

C'est le sens qu'en France, par exemple, on a donné au mot "franchisage", sens donc un peu plus restreint que le mot "concession . C'est pourquoi on propose dans le projet de loi qui est devant vous, d'ajouter simplement cette précision pour être bien sûrs qu'on couvre cela. Deuxièmement, de faire l'obligation à quiconque veut vendre une franchise à quelqu'un, d'obtenir un prospectus, lequel va devoir contenir un certain nombre de renseignements et de créer l'obligation au franchiseur de présenter ce prospectus, au moins un certain temps à l'avance, à celui avec qui il veut signer un contrat, de façon que le franchisé, lui, ait tout le temps pour peser le pour et le contre, et évaluer les renseignements que ce prospectus doit contenir. C'est cela que les règlements vont devoir définir. Comme par exemple, des choses non officielles, adresse du siège social, description de l'entreprise offerte, les noms des marques de commerce, expérience en affaires de l'émetteur de la franchise, si c'est le cas, évidemment, états financiers vérifiés du franchiseur, pour que l'autre partie soit à même d'évaluer la responsabilité de la partie avec laquelle elle entre dans un contrat et tout autre renseignement pertinent comme, évidemment, la description du type de contrat, comment il peut être terminé, les sommes à payer et ainsi de suite.

Ce sont là les choses, les règlements que la commission, après audiences publiques, comme c'est sa pratique, d'ailleurs, elle le fait toujours, elle entendra les parties, on lui fera sans doute des suggestions dont elle a, quand c'était pertinent, dans le passé, toujours tenu compte, et ainsi, nous serons appelés à adopter, comme exécutif, des règlements qui définiront plus précisément les renseignements qui devront être contenus dans ces prospectus.

Voilà l'esprit, si vous voulez, qui a présidé à la présentation de ce projet de loi. Je pense que la technique qu'il utilise est la moins compliquée possible, c'est la technique de la divulgation. Je pense que la Commission des valeurs mobilières étant un organisme qui, dans le passé, a bien joué son rôle de protection des marchés financiers dans son rôle de s'assurer que tous les agents impliqués dans le commerce des valeurs mobilières soient renseignés de façon pertinente, nous pouvons être assurés qu'à l'égard des franchises, elle saura également être, pour les milliers de franchisés du Québec également, un élément de protection valable.

Le Vice-Président: Est-ce que le projet de loi no 70, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières concernant le contrat de concession ou de franchisage sera adopté?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je voudrais proposer que vous quittiez le fauteuil et que sur ce projet de loi, la Chambre procède immédiatement en commission plénière à l'étude article par article.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Vice-Président: Adopté.

Commission plénière

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

Cette Assemblée s'est formée en commission plénière pour étudier le projet de loi no 70, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières concernant le contrat de concession ou de franchisage.

L'article 1 sera-t-il adopté?

M. Giasson: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: ... il est de pratique courante, je crois, avant d'entrer dans la discussion du texte de l'article lui-même, de faire un tour d'horizon et de poser quelques questions au ministre.

J'aimerais savoir du ministre si la pratique courante qui s'est faite dans le domaine de la concession et de la franchise a développé des activités ou des transactions pour le moins douteuses ou qui auraient été au désavantage marqué du franchisé, et est-ce qu'on lui a rapporté des abus importants ou nombreux dans l'opération de ces concessions ou de ces franchises?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

M. Joron: Moi-même, je vous avoue qu'occupant le poste de la responsabilité du ministère depuis quelques mois seulement, on ne m'en a pas rapporté à moi personnellement des tas. Mais dans le passé et à d'autres de mes collègues, notamment je sais que cela arrive souvent au ministère de l'Industrie et du Commerce, c'est arrivé sans doute à ma prédécesseur au ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières également. C'est la raison pour laquelle le comité d'étude sur le commerce dont j'oublie l'appellation totale — je ne l'ai pas devant moi — avait déjà fait cette recommandation au gouvernement le printemps dernier à savoir, intervenir dans ce secteur parce qu'il y avait eu probablement des plaintes portées à l'attention de cet organisme. Combien nombreuses? Je ne pourrais pas vous le dire mais cela a dû fréquemment arriver et je pense que ce n'est pas difficile à imaginer étant donné des fois le rapport de force complètement démesuré des chaînes. Là, je ne voudrais pas en nommer mais je pense à des chaînes de restauration, par exemple, que l'on retrouve à la grandeur du monde entier maintenant. Un petit commerçant local qui décide d'acquérir une de ces franchises ou de ces concessions n'est pas tout à fait à armes égales quand il négocie un contrat avec ces grandes entreprises qui arrivent avec leur batterie d'avocats, de spécialistes.

Je pense que dans le but de protéger celui qui s'engage dans de telles choses, il est important de demander — non pas de faire une loi qui aurait été très chinoise, qui aurait voulu tout régir ce genre de contrat entre individus, cela reste la liberté des individus de contracter entre eux — une divulgation des faits pertinents qui vont protéger celui qui veut embarquer dans un tel contrat, simplement, qu'il sache avec qui il fait affaires et à quoi son contrat l'entraîne. Pour répondre à votre question, parce qu'on a eu des cas qui ont été portés à notre attention — quand je dis nous collectif, je ne parle pas de moi personnellement — des cas où il y avait eu des abus qui se sont soldés par des expériences financièrement douleureuses pour les franchisés.

M. Giasson: Est-ce qu'il est possible de croire qu'à partir de la sanction de la loi, dorénavant, les franchiseurs devront obligatoirement procéder par prospectus?

M. Joron: C'est exact.

M. Giasson: Sous contrôle de la Commission des valeurs mobilières du Québec.

M. Joron: C'est exact.

M. Giasson: Et c'est ainsi que les clients potentiels, ou les franchisés futurs, pourront, par

le prospectus, savoir de quoi ils relèvent exactement dans le contrat ou l'entente à être négocié entre les deux parties.

M. Joron: C'est exactement cela. C'est une procédure qui n'est pas nécessairement très longue, ni très compliquée. Elle se fait assez régulièrement et assez couramment chaque fois, par exemple, qu'une entreprise qui a plus qu'un certain nombre d'actionnaires veut, par exemple, émettre des titres nouveaux; alors, elle est obligée, évidemment, dans le but de protéger les investisseurs qui pourraient être appelés à souscrire soit des actions ou des obligations de cette entreprise, de faire approuver par la Commission des valeurs mobilières un prospectus dans lequel sont décrits les faits pertinents qui peuvent éclairer celui qui, ensuite, est toujours libre de prendre sa décision, d'y aller ou de ne pas y aller. Mais, au moins, le rôle de la commission c'est de s'assurer qu'il y a divulgation. (Minuit)

Ce sera exactement le même processus. Un franchiseur qui veut vendre des franchises avant d'entrer en contrat avec un franchisé devra lui fournir un prospectus, devra avoir obtenu de la Commission des valeurs mobilières un prospectus et le fournir un certain nombre de jours en avance. Je vais y aller parce que j'ai un petit amendement à suggérer pour prévoir des délais.

M. Giasson: A la connaissance du ministre, est-ce que, dans les autres provinces, il y a des lois, des modes de contrôle ou d'intervention à peu près similaires ou équivalents à ce qu'on apporte à la Loi sur les valeurs mobilières?

M. Joron: A ma connaissance, exactement le même genre de processus administré par la Commission des valeurs mobilières existe en Alberta, par exemple, et dans un certain nombre d'Etats américains. De mémoire, je me souviens du Michigan. Ce sont des Etats américains, au pluriel. Pour le moment, je ne me souviens que du Michigan, mais il y en a d'autres également. Enfin, on n'est pas les premiers en Amérique du Nord, si vous voulez, à légiférer dans ce domaine. La loi qu'on présente ici, qui est la voie de la divulgation par la voie de la Commission des valeurs mobilières, c'est exactement la même technique que celle employée en Alberta.

M. Giasson: Au-delà des recommandations du comité d'étude sur les pratiques commerciales dans ce secteur, est-ce qu'il y a eu d'autres représentations ou recommandations qui ont pu être déposées auprès de la Commission des valeurs mobilières ou encore auprès du ministère? Le ministre est tout neuf à ce ministère, mais son prédécesseur a peut-être reçu des suggestions ou des représentations en ce sens.

M. Joron: Cela ne veut pas dire qu'il n'y en ait pas, mais à ma connaissance, je ne saurais faire état d'autres représentations. Il y a mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui aurait probablement pu vous en faire part s'il avait été ici, mais comme on ne savait pas à quelle heure nous étudierions ce projet de loi, il n'est pas là en ce moment. Peut-être aurait-il pu vous faire part de représentations qui lui auraient été faites plus spécifiquement. Au-delà de ce que je vous ai dit, je n'aurais rien d'autre à ajouter.

M. Giasson: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Brome-Missisquoi m'avait demandé la parole.

M. Giasson: D'accord, je reviendrai.

M. Russell: II y a des questions posées par le député de Montmagny-L'Islet qui sont intéressantes, c'est de l'information et je ne me sens pas privé, mais je voudrais savoir du ministre si, quand on parle de frachisage, on parle simplement de commercialisation. Il y a aussi un autre terme — je ne sais pas si c'est le bon terme — les droits d'auteur de production.

M. Joron: Non.

M. Russell: Cela ne se trouve pas couvert par cette loi?

M. Joron: Non.

M. Russell: Quelqu'un qui a des droits de fabrication ici, au Québec, de l'extérieur du Québec?

M. Joron: Non. Des royautés ou des droits d'auteur, des choses comme cela. Non.

M. Russell: Pour couvrir la commercialisation.

M. Joron: L'exploitation d'une entreprise, c'est cela.

M. Russell: L'exploitation d'une entreprise?

M. Joron: Vous voyez l'article 1 ? C'est exactement cela. Cela ajoute ceci à la Loi actuelle sur les valeurs mobilières pour venir préciser le mot "concession". "D'un contrat de concession ou de franchisage en vertu duquel le concessionnaire ou le franchisé obtient certains droits particuliers quant à l'exploitation d'une entreprise".

M. Russell: Donc, si quelqu'un veut importer un produit de l'Europe et qu'il en fait la mise en marché ici, si c'est un produit qui est exclusif, il ne peut être couvert par cette loi?

M. Joron: Non.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Le ministre tout à l'heure, dans sa réplique, a fait allusion à une réglementation qui serait sans doute préparée par la commission

et soumise à l'attention du gouvernement pour adoption et acceptation. Avez-vous une idée du moment où cette réglementation va être produite et prendra effet dans le temps?

M. Joron: La commission a déjà travaillé sur un avant-projet, mais sur le véritable projet de règlement, qui fera l'objet d'auditions publiques, comme la commission en tient souvent d'ailleurs, cela devrait avoir lieu dans les tout premiers mois de l'année prochaine. Cela ne tardera pas, cela devrait être dès le début de l'année 1980.

M. Giasson: Est-ce que le public sera informé par une publication dans la Gazette officielle, de ces séances pour audition publique, ou par une publication dans les journaux?

M. Joron: A ma connaissance, oui, mais j'aimerais mieux vérifier davantage. Peut-être pourrais-je vous fournir la réponse définitive ou plus spécifique un peu plus tard ou à un autre moment. Je regrette, à cette heure-ci de la nuit, de ne pouvoir consulter les officiers de mon ministère pour vous la fournir.

M. Giasson: La réglementation, nécessairement...

M. Joron: Peut-être que le député de Marguerite-Bourgeoys, qui connaît bien la Commission des valeurs mobilières, pourrait vous fournir la réponse.

M. Lalonde: Je serais plutôt tenté de penser que cet avis paraît dans le bulletin de la Commission des valeurs mobilières qui est distribué à la clientèle régulière des avocats, des courtiers. C'est possible aussi que cet soit un avis publié dans les journaux, s'ils veulent atteindre... Je ne pense pas, de façon générale...

M. Joron: Je pense que dans un cas comme celui-là, ce serait indiqué que ce le soit, un lieu public.

M. Giasson: Est-ce que les règlements, Mme la Présidente, vont nécessairement définir les types de contrats assujettis...

M. Joron: C'est cela.

M. Giasson: ... à la loi? Même si on parle de concession et de franchise en terme général, cela va prendre une définition précise des types de contrats ou de commerces touchés par les modifications apportées à la loi.

Maintenant, vous avez dit tout à l'heure, M. le ministre, que l'avis de la Commission de la langue française était le suivant: le mot "franchise" serait contenu dans un terme plus général qu'on appelle concession. C'est l'indication qu'on vous donne, mais tout de même il doit exister une certaine différence dans le sens de la définition d'une franchise par rapport à une concession.

M. Joron: Ecoutez! Le mot "concession" est... M. Giasson: Est général.

M. Joron: ... évidemment général. Il est employé commercialement aussi depuis longtemps. On sait spontanément ce à quoi on fait allusion. La franchise est apparue surtout plus récemment dans le cas de l'utilisation de marques de commerce. On pense à des restaurants, des hôtels où on prévoit les mêmes noms un peu partout, mais qui ne sont pas nécessairement la propriété de la compagnie qui est propriétaire du nom. Elle vend son nom ou l'exploitation de son nom, si vous voulez, à des intérêts divers. C'est à ce moment-là qu'on a appliqué le mot, semble-t-il. Ecoutez! Je ne suis pas linguiste ou spécialiste de la question, mais semble-t-il que c'est cette appellation un peu plus restreinte et plus spécifique qu'on a voulu donner au mot "franchisage". Je vous avoue que j'ai été moi-même surpris au début parce que j'avais l'impression que les mots "franchise" et "franchisage" et les mots "franchiseur" et "franchiser" étaient des anglicismes pour dire "concédant", "concessionnaire", et "concession". Après vérification de ce qui se passait en France, on emploie bel et bien le mot "franchise" pour désigner la concession dans le sens plus restrictif que je viens de vous définir.

M. Giasson: Mme la Présidente, je n'ai pas d'autres questions à caractère général.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: J'ai deux questions. Le ministre dans son exposé tout à l'heure a parlé d'un rapport dans lequel on lui recommandait d'apporter ces amendements au projet de loi. Y aurait-il possibilité d'obtenir une copie du rapport dans lequel il y avait ces recommandations?

Une Voix: II a été déposé...

M. Russell: II n'est pas nécessaire de l'avoir ce soir. Il pourra nous le transmettre...

M. Joron: Mon collègue me souffle à l'oreille qu'il aurait déjà été déposé. Enfin, le rapport était adressé... Comme il portait sur les pratiques du commerce au Québec, cela aurait dû, le rapport aurait dû être adressé au ministre de l'Industrie et du Commerce. Peut-être l'aurait-il déposé? En tout cas, je vais le vérifier. Si cela n'a pas été fait, cela me fera plaisir de le faire.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Laprairie.

M. Michaud: Si vous me le permettez, je pourrais peut-être répondre au député. Il y a environ un an et quelques mois, le ministre de l'Industrie et du Commerce a reçu officiellement le rapport qu'il a déposé. C'est un volumineux rapport sur le

commerce en détail au Québec qui a été produit par M. Cloutier et un groupe de chercheurs.

M. Joron: On le vérifiera.

M. Giasson: Est-ce que c'était à l'article 1 que vous aviez fait allusion?

M. Joron: Non, j'ai un amendement un peu plus loin. Il s'agit d'insérer un nouvel article, en fait.

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que l'article 1...

M. Joron: Est-ce que l'article 1 est adopté, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Cuerrier): ...sera adopté? M. Giasson: Adopté, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. L'article 2 est-il adopté?

M. Lalonde: II y a une petite faute à l'article 2, peut-être l'avez-vous déjà mentionnée, on parle de "franchisage" à l'article 1 et à l'article 2 on parle de "franchissage". Il y a un "s" de trop.

M. Joron: II y a un "s" de trop.

M. Lalonde: Si vous voulez l'enlever.

M. Joron: Est-ce qu'il faut faire un amendement ou si c'est une faute de frappe qui va de soi? Alors, à la troisième ligne, au mot "franchissage"...

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, correction...

M. Joron: ... supprimer un "s".

La Présidente (Mme Cuerrier): Bien sûr qu'elle est adoptée, évidemment. L'article 2 est-il adopté?

M. Giasson: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article...

M. Joron: Avant de passer à l'article 3, Mme la Présidente, je voudrais proposer l'insertion d'un nouvel article qui deviendrait le nouvel article 3 et qui se lirait comme suit: "Dans le cas du contrat de concession ou de franchisage un exemplaire du prospectus doit être remis au moins quatre jours, à l'exclusion des samedis et des jours fériés, avant la signature du contrat et avant tout paiement." (0 h 10)

Cela deviendrait le nouvel article 3. Si on demande qu'un exemplaire du prospectus soit remis au plus tard avant la confirmation de la vente et avant tout paiement du prix de vente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous auriez d'autres copies, M. le ministre?

M. Joron: Non. C'est la seule que j'ai. Je regrette.

La Présidente (Mme Cuerrier): Nous allons la faire photocopier.

M. Giasson: En définitive, c'est l'obligation du prospectus avec un délai au minimum de quatre jours.

M. Joron: La raison pour laquelle il faut introduire ce nouvel article, c'est que l'actuelle loi des valeurs mobilières oblige les compagnies qui doivent émettre un prospectus à le faire seulement au moment de la confirmation de la vente ou avant tout paiement du prix de vente de ces valeurs mobilières. Mais, évidemment, dans le cas qui nous concerne, il est logique de penser qu'il faudrait que le prospectus soit délivré avant la signature du contrat pour qu'il y ait un délai minimal pour que le franchisé puisse en prendre connaissance. C'est pour cela qu'on est obligé d'introduire ce nouvel article.

M. Mathieu: Mme la Présidente. La Présidente (Mme Cuerrier): Oui.

M. Mathieu: J'aurais une question à poser à M. le ministre. C'est remis à qui? A la personne qui désire se prévaloir des... ou à la commission?

M. Joron: Au franchisé.

M. Mathieu: Merci.

M. Joron: Au futur franchisé.

La Présidente (Mme Cuerrier): Le nouvel article 3 est-il adopté?

M. Lalonde: Un instant! Seulement une chose.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: On sait que ces prospectus obéissent à toutes sortes de règles formelles de production et de présentation. Mais, étant donné que la franchise, par définition ou par tradition, ne s'adresse quand même pas à un grand public en même temps, on peut, si on est un franchiseur, vendre une franchise par semaine ou par mois et cela s'adresse à un client tout à fait particulier, contrairement à la distribution des valeurs mobilières à travers le courtier, où on peut avoir 10 000 ventes ou 1000 ventes dans une journée.

Est-ce que le ministre est satisfait qu'on n'obligera pas les franchiseurs à produire un prospectus imprimé, avec tout le tralala qui est très coûteux et qui s'adresse peut-être à une dizaine ou à une vingtaine de personnes, une centaine, en l'espace d'un an?

M. Joron: On parlait tout à l'heure de la province de l'Alberta où la chose existe, une province où la population est un peu moins du tiers de celle du Québec et où le marché est déjà plus restreint.

Au Québec, avec l'importance du marché québécois, c'est vrai que cela ne va pas chercher des dizaines de milliers de prospects, de clients possibles, mais, quand même, quand on pense à des concédants, de grandes entreprises qui accordent des contrats, cela couvre par exemple les concessionnaires d'automobiles, General Motors, par exemple, les postes d'essence, les restaurants McDonald. Cela fait quand même un joli nombre. Cela veut dire plusieurs centaines. J'imagine qu'il va être assez facile d'avoir un contrat type, finalement, qui ne sera pas, pour le frachiseur, quelque chose de très onéreux à faire produire.

M. Lalonde: Vous ne parlez plus que d'un contrat type. Vous parlez d'un prospectus. J'imagine que la commission va exiger la divulgation des états financiers...

M. Joron: Des états financiers, oui, assez récents.

M. Lalonde: ... et d'information à caractère commercial, financier, la divulgation nécessairement aussi de toutes les attaches. Quand on parle d'une franchise, le franchisé s'engage à respecter un tas de conditions, peut-être un peu moins pour la concession, mais cela ne s'adresse quand même pas au grand public.

Si le ministre est satisfait qu'on n'impose pas une charge financière énorme comparativement au nombre de personnes impliquées, à ce moment-là, cela pourrait peut-être aussi être couvert par les règlements.

La Présidente (Mme Cuerrier): Le nouvel article 3 est-il adopté?

M. Lalonde: Oui.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. Il faudra une renumération.

M. Joron: L'article 3 devenu l'article 4. Il faudrait proposer que l'ancien article 3 soit renuméroté 4.

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce qu'il est adopté? L'ancien article 3 renuméroté 4 est-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière a étudié le projet de loi no 70, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières concernant le contrat de concession ou de franchisage et qu'elle l'a adopté avec un amendement.

Le Vice-Président: Merci. Ce rapport sera-t-il adopté?

M. Charron: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 6 du feuilleton, M. le Président.

Le Vice-Président: Je comprends que vous n'allez pas à la troisième lecture du projet de loi 70, que c'est à une autre séance.

Projet de loi no 41

J'appelle la troisième lecture du projet de loi no 41, Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Encore une fois, me prévalant de l'article 125, je voudrais qu'on revienne en commission plénière l'espace d'un instant, puisqu'il s'agit d'un amendement à grande portée, mais vraiment mineur, dont tout le monde va saisir l'importance, que le ministre de l'Agriculture voudrait présenter à ce moment-ci.

Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Que vous quittiez votre fauteuil, M. le Président, en effet.

M. Charron: Oui et tout le tralala. Le Vice-Président: Adopté.

Commission plénière

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, un petit amendement pour qu'à l'article 33, à l'avant-dernière ligne et à la dernière ligne, on change ce qui est écrit entre parenthèses, pour qu'au lieu de dire "insérer ici la date du dépôt du présent projet de loi", on dise à la place "insérer ici la date d'entrée en vigueur de la présente loi".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pourriez-vous nous fournir une copie de votre amendement, M. le ministre, s'il vous plaît?

M. Garon: Le but, c'est de ne pas rendre le projet de loi rétroactif, tout simplement.

M. Giasson: La modification que le ministre de l'Agriculture apporte, étant donné que, lors de la discussion au cours de la commission parlementaire où nous avons examiné le projet de loi article par article, il y avait eu une suggestion de mon collègue, le député de Beauce-Sud, qui avait indiqué au ministre, à ce moment-là, qu'il serait peut-être préférable d'apporter ce changement de façon à ne pas donner cet effet de rétroactivité et

de ne pas placer dans une situation assez difficile des transactions éventuelles qui auraient pu se mener, même si les possibilités étaient très petites, cela aurait pu faire l'objet de problèmes vis-à-vis des quelques transactions qui auraient pu être menées entre la date de la sanction par rapport à la date du dépôt qui était mentionnée audit article. Donc, nous souscrivons, M. le Président, à ce changement apporté au projet de loi. (0 h 20)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avec votre permission... M. le ministre?

M. Garon: C'est volontairement que j'avais fait le dépôt du projet de loi à la commission parlementaire. Pendant les quelques jours que le projet de loi était resté inscrit, les spéculateurs avaient voulu voir ce qui se passait. Ils avaient dit: La loi est rétroactive, cela ne donne rien de spéculer. Comme elle va être adoptée très rapidement et qu'il est tard, les bureaux d'enregistrement sont fermés, on peut changer cela à la dernière minute. Une bonne partie de l'effet va y être quand même.

M. Levesque (Bonaventure): On ne légifère pas comme cela d'habitude. C'est un bluff! Cela joue au bluff!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, MM. les membres de la commission, étant donné l'importance de l'amendement et étant donné que la présidence n'a pas actuellement en sa possession le projet de loi 41 tel qu'il a été adopté avec amendement après la deuxième lecture, puisqu'il est chez l'officier en loi pour traduction, je me dois donc, étant donné l'importance de l'amendement, d'attendre le texte en question. Je pense qu'il est arrivé maintenant. M. le ministre, j'aimerais que vous me répétiez exactement l'amendement que vous avez proposé.

M. Garon: C'est vous qui l'avez, mais disons que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sauf qu'il est assez difficile à...

M. Garon: A l'article 33, les deux dernières lignes, il y a quelque chose d'inscrit entre guillemets. On dit: Avant de "insérer ici — avant, c'était écrit le texte tel qu'adopté en deuxième lecture à la commission parlementaire — la date du dépôt du présent projet de loi". Pour que le projet de loi ne soit pas rétroactif, l'amendement dit: Insérer ici la date...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): "Insérer ici la date de l'entrée en vigueur de la présente loi."

M. Garon: L'entrée en vigueur de la présente loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, toute chose étant comprise, est-ce que l'amendement sera adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 33 tel qu'amendé sera adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté. La commission plénière a maintenant rempli son mandat et elle fera rapport.

Mme la Présidente, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié l'amendement proposé par le ministre de l'Agriculture au projet de loi no 41, article 33, et l'a adopté.

La Vice-Présidente: Le rapport est-il adopté? Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: II s'agit du projet de loi 41.

M. Charron: Le projet de loi 41, madame, l'article 6 du feuilleton. Je vous proposerais maintenant d'appeler la troisième lecture de ce projet de loi.

Troisième lecture

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture propose que soit maintenant lu pour la troisième fois le projet de loi no 41, Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Troisième lecture de ce projet de loi, adopté.

M. Russell: Mme la Présidente, peut-être que le leader parlementaire pourra me permettre une suggestion. Etant donné que, par l'amendement qu'on vient d'apporter, il existe un grand danger de spéculation, et suivant les remarques qui ont été faites par le ministre de l'Agriculture, on pourrait peut-être faire une proposition à laquelle on pourrait concourir, si le lieutenant-gouverneur voulait se soumettre, faire la sanction de cette loi ce soir et qu'elle entre en vigueur immédiatement pour qu'il n'y ait pas de spéculation et de personnes qui pourraient abuser de la largesse du ministre d'avoir apporté un amendement aussi large.

M. Charron: On pourra, madame, si le député insiste, comme il y a un bien-fondé, à la première heure demain convoquer son excellence pour cette sanction.

M. Giasson: Souvenez-vous, les bureaux de notaire, cela ouvre très tôt le matin!

M. Charron: Matinaux! Madame, l'article 22 du feuilleton, s'il vous plaît!

Prise en considération du rapport

de la commission ayant étudié

le projet de loi no 43

La Présidente (Mme Cuerrier): II s'agit ici de la prise en considération du rapport de la commission de l'agriculture et de l'alimentation qui a étudié le projet de loi no 43, Loi modifiant de Loi du ministère de l'Agriculture. Il n'y a pas d'amendements?

M. Charron: Oui, madame, il y a des amendements. Je crois qu'ils ont été fournis — les deux, d'ailleurs — par le député de Brome-Missisquoi. C'est bien ça? Je laisse celui-ci présenter ses amendements.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: Mme la Présidente, nous avons présenté un amendement à l'article 33 qui se lit comme suit: "Le premier alinéa de l'article 33 est modifié en remplaçant les mots "organisme public qu'il désigne" par "l'Office du crédit agricole du Québec". Si je peux donner les explications... D'ailleurs, je l'ai fait en commission parlementaire l'autre jour lorsque nous avons discuté de cette loi. Nous trouvions que, dans le contexte actuel, il était loisible que l'on puisse déterminer immédiatement l'organisme qui s'occuperait de l'administration de cette loi. Etant donné que l'Office du crédit agricole a une quarantaine d'années d'expérience dans ce domaine et que ça pourrait éviter bien des erreurs et bien des spéculations, nous trouvions que l'administration revenait à l'Office du crédit agricole.

D'ailleurs, ce n'est pas seulement nous qui avons pensé à ça. Le ministre lui-même, lorsqu'il avait présenté son projet de loi no 99 il y a déjà douze mois, dans cette loi, c'était compris que ce serait l'Office du crédit agricole qui serait chargé de l'administration de sa loi. J'ai demandé au ministre l'autre jour, lors de l'étude article par article de cette loi, les raisons qui l'avaient motivé à changer d'opinion et je n'ai pas trouvé la réponse trop satisfaisante. Nous en avons discuté et nous en sommes venus à la conclusion que ceci devait demeurer comme un amendement et je le soumets humblement au ministre et à mes collègues pour que nous puissions prendre en sérieuse considération cette recommandation, cet amendement.

Nous avons aussi soumis un amendement à l'article 32, qui se lirait comme suit: "Que le premier alinéa de l'article 32 soit modifié en remplaçant, après le mot "favorisé", dans la quatrième ligne, par les mots suivants: "L'exploitation des terres arables non utilisées ou sous-utilisées en vue de permettre la relève en agriculture et l'agrandissement ou la consolidation des fermes du type familial."

Donc, avec ce deuxième amendement, Mme la Présidente, nous voulions éviter, par ce fait même, l'abus de langage que certaines personnes pour- raient se permettre à l'égard du ministre. Je sais que, dans le passé, plusieurs personnes ont voulu laisser entendre que le ministre était un gars qui avait plutôt une conception socialiste et je sais que le ministre n'aime pas ça. Il est revenu lui-même à la charge à plusieurs reprises lors de son exposé de deuxième lecture. Il a vendu à la Chambre cette idée, qui était hors de tout doute, que lui n'avait aucunement cette pensée et que le seul but de cette loi était de permettre à cette société, qui administrerait et appliquerait la loi, d'acheter, en vue de revendre ou de louer des terres. C'est la raison pour laquelle nous apportons cet amendement. L'article, rédigé de cette façon, va éviter que cet organisme désigné par le ministre, qui sera certainement l'Office du crédit agricole, puisse faire de l'exploitation agricole, comme ça se fait actuellement dans l'Abitibi. C'est le ministre lui-même qui nous l'a fait remarquer. Ils ont des terrains qui leur appartiennent; ils en font l'exploitation et la location à des cultivateurs. Mais ils ont fait l'aménagement du groupement de terrains qu'ils ont actuellement.

Donc, si nous laissions l'article tel qu'il est rédigé actuellement, le ministre pourrait devenir le plus grand agriculteur du Québec. On ne veut pas ça, et lui non plus ne veut pas ça.

Une Voix: ... le plus gros...

M. Russell: En plus de ça, on voudrait assurer le ministre que s'il y avait des modifications ou des changements dans le cabinet, si c'était un autre ministre qui avait les idées plus... Oui, ça pourrait être le leader parlementaire du gouvernement, qui aurait des idées peut-être socialisantes ou... Il pourrait peut-être devenir un grand cultivateur...

Une Voix: Lui aussi, un gros...

M. Russell: Cela pourrait être drôlement dangereux ou décourageant pour nos cultivateurs qui ont des petits lopins de terre qu'ils essaient de cultiver et à voir ce grand compétiteur, l'Etat... on voudrait éviter tout ça. (0 h 30)

C'est pour cela, Mme la Présidente, que nous avons de bonne foi, présenté un article. Cela a été fait de la façon la plus humble, la plus sincère, pour fournir au ministre la plus grande coopération de façon à s'assurer que personne ne pourra prendre avantage ou abuser de cette loi que le ministre passe devant cette Chambre dans le but d'obtenir les pouvoirs nécessaires à la réussite de ce qu'il a appelé son grand désir, cette banque de terres agricoles.

Cette banque de terres agricoles vise deux buts en particulier: l'amélioration des fermes, mais leur vente à des agriculteurs de type familial ou leur location à ces mêmes personnes. Donc, cet amendement lui permet de faire ça et évitera aux mauvaises langues de dire des choses comme on en a entendues dans le passé, traitant le ministre de socialiste ou de socialisant, ou ses successeurs de mauvais gouvernement aux mauvaises pen-

sées. Cela va éviter tout ça, tout le monde va être heureux et le ministre aura sa loi qui lui permettra d'administrer pour le plus grand bien des agriculteurs du Québec.

La Vice-Présidente: Les amendements de M. le député de Brome-Missisquoi seront-ils adoptés?

M. Garon: Pour répondre à ça... Mme la Présidente, j'ai écouté le député de Brome-Missisquoi qui avait fait le même amendement en commission parlementaire et nous en étions venus à la conclusion que cet amendement n'aurait pas pour effet les résultats souhaités par le député de Brome-Missisquoi. C'est pour ça que nous nous sommes prononcés contre l'amendement parce qu'il aurait eu pour effet d'empêcher la banque de terres de louer les terres ou de disposer des terres qui n'auraient pas été nécessairement des terres non-utilisées ou sous-utilisées.

Quand il donne comme exemple que le gouvernement pourrait être le plus grand cultivateur et que le ministre de l'Agriculture pourrait être le plus grand cultivateur, le seul exemple qu'on nous avait donné en commission parlementaire, c'était l'exemple de pâturages communautaires où le ministère de l'Agriculture a regroupé des terres qui avaient été acquises lors du réaménagement foncier pour en faire un pâturage communautaire où les cultivateurs peuvent aller faire paître leurs animaux et ce pâturage leur est loué pour aller faire paître leurs animaux. Je pense que c'est un bon exemple justement de ce que pourrait faire une banque de terres, en mettant des sols sous-utilisés ou non-utilisés à des agriculteurs par une location.

Il y a de multiples exemples et je pense que l'amendement du député de Brome-Missisquoi n'aurait pas l'effet souhaité et qu'il aurait pour effet d'empêcher la banque de terres de jouer son rôle. Quant à craindre que l'Etat ne devienne cultivateur, l'Etat serait un si mauvais agriculteur qu'il n'y a pas un ministre de l'Agriculture sensé qui voudrait faire de l'Etat un cultivateur.

M. Giasson: Mme la Vice-Présidente...

La Vice-Présidente: A l'ordre!

M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Si vous permettez, il y a eu deux propositions émanant du député de Brome-Missisquoi, soit à l'article 33 d'inscrire l'organisme qui sera chargé par le gouvernement. Tout d'abord, je crois que le député de Brome-Missisquoi a proposé deux amendements. Est-ce que vous aviez proposé un amendement à l'article 33 également?

M. Russell: Oui.

La Vice-Présidente: II y a deux amendements sur la table. Il s'agit de... Alors c'est deux. Je demande si les deux amendements seraient...

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Mme la Présidente, je viens d'entendre le ministre de l'Agriculture qui donnait un exemple de pâturages qu'on voulait remettre à des agriculteurs. Je voudrais lui rappeler qu'actuellement il y a devant l'Assemblée nationale un projet de loi privé qui est parrainé par le député de Vanier, qui concerne la commune de Yamaska où, justement, le projet de loi en question veut exactement faire le contraire, c'est-à-dire prendre des pâturages qui servent actuellement à des agriculteurs et les remettre au gouvernement. Je voudrais donc demander au ministre de l'Agriculture s'il ne pense pas que ces deux façons de procéder sont un peu inconciliables avec ce qu'il vient de nous énoncer?

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Je ne peux pas dire grand-chose, Mme la Présidente, sur la commune d'Yamaska. Vous voyez que c'était une commune et vous voyez que ce n'est pas la banque de terres qui est dans la transaction parce que son rôle n'est pas de faire des communes, mais de remettre les terres aux cultivateurs. La commune d'Yamaska, c'est un territoire un peu submergé. J'ai eu l'occasion de le survoler l'autre jour. On me l'a montré. Je pense que les gens qui se spécialisent dans l'étude des oiseaux avaient pas mal d'îles à occuper dans le centre du fleuve vu le nombre d'îles incroyable et on remarque qu'ils veulent avoir un territoire un peu plus grand. Comme les oiseaux normalement n'endommageront pas trop le territoire, j'imagine, on pourra le récupérer éventuellement quand les alluvions auront enlevé l'eau et que la terre alluvionnaire aura monté un peu plus haut.

La Vice-Présidente: Ces motions d'amendement de M. le député de Brome-Missisquoi seront-elles adoptées?

Des Voix: Adopté. Des Voix: Rejeté.

La Vice-Présidente: Les amendements sont rejetés.

Le rapport de la commission parlementaire sur l'agriculture concernant le projet de loi no 43 sera-t-il adopté?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

M. Charron: Madame, je propose la troisième lecture de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Charron: ... à la prochaine séance.

La Vice-Présidente: Alors, projet de loi 43, troisième lecture, prochaine séance.

M. Charron: L'article 9 du feuilleton, madame, s'il vous plaît.

Projet de loi no 59 Deuxième lecture

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Une Voix: Adopté.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, on sent qu'à 12 h 40, Mme la Présidente, il manque un peu d'enthousiasme dans l'Opposition. Je vous dirai, avec un grand plaisir, que nous présentons cette loi aujourd'hui, parce que depuis trois ans nous entendons l'Opposition, tous les jours, nous dire qu'on crée de nouvelles régies. Dans ce cas-ci, Mme la Présidente, nous allons fusionner deux régies. Je peux vous dire que c'est difficile de fusionner des régies parce que... J'entends mon député voisin qui dit que ça mélange les bleus avec les rouges. Il y a plus de vrai qu'on pense dans cette phrase-là. Alors, c'est évident qu'il y a sans doute plus de rouges, parce que les rouges ont été au pouvoir plus longtemps, mais le but de la loi, au fond, est de rendre ces organismes plus efficaces, pour la raison suivante. Ces organismes fonctionnent depuis 1977 à un rythme accéléré parce que le nombre des personnes qui s'en prévalent a augmenté considérablement.

En 1976, par exemple, le régime de la Commission d'assurance-stabilisation des revenus agricoles avait une clientèle restreinte puisque sa clientèle totale était de 1547 adhérents et que les têtes de boeuf assurées étaient de 44 159, alors qu'en 1979 il y a, seulement dans ce programme de boeuf, 1900 adhérents avec 62 000 têtes de bétail assurées. Des bouvillons à l'engraissement avec un nouveau régime qui est établi en 1979, 83 adhérents avec 9722 têtes de boeuf assurées à l'engraissement. (0 h 40)

Pour les porcelets, régime qui a été institué en 1978, il y a eu 800 producteurs, 256 en 1978, chiffre qui est passé à 800 en 1979 et il y a 715 000 truies assurées, un nombre de truies considérable. Quand on tient compte qu'une truie peut donner une vingtaine de porcelets par année...

Les pommes de terre également, on en parlait l'autre jour, le député de Verchères en parlait, le régime a été institué en 1977, c'est une des récoltes qui suit les plus grandes variations et il y avait 111 assurés en 1977, 204 en 1978, 275 en 1979 pour un total de 21 000 acres en 1979. Je regardais justement ce matin, en rencontrant le ministre de l'Agriculture à Ottawa, M. Wise, on discutait de pommes de terre, je regardais les statistiques en m'en allant, pour ne pas arriver à rencontre et je constate qu'avec 21 000 acres assurées en 1979, alors qu'il y avait à peu près 48 000 acres en production en 1979, ça veut dire qu'il y a près de 50% de l'acrage en pommes de terre au Québec qui est assuré.

Pour le maïs-grain également, régime qui a été institué, qui fonctionne pour la première fois cette année en 1979, 34 producteurs, ce qui représente 4565 acres en maïs-grain; pour l'avoine, l'orge et le blé, il n'y a pas encore eu d'assurés, parce qu'on a annoncé le programme cette année, mais les prix sont tellement bons pour l'avoine, l'orge et le blé qu'ils n'ont véritablement pas besoin d'assurance, pour cette année, parce que le prix est élevé.

Mais c'est un régime qui va commencer à fonctionner l'an prochain et les gens vont pouvoir s'assurer.

Donc, nous avons un total maintenant de 3092 assurés, avec la Commission d'assurance-stabilisation des revenus et nous avons actuellement six régimes... en fait, il y a plus de six régimes, parce qu'il y a plusieurs régimes qui sont fusionnés, si on tient compte que l'avoine, l'orge et le blé, ce sont trois productions différentes, alors les veaux d'embouche aussi, si on tient compte qu'on a assuré différentes sections dans les veaux d'embouche. Cela veut dire qu'actuellement nous avons couvert plusieurs productions depuis 1977.

Ce régime d'assurance-stabilisation rend cette commission vraiment active, mais aussi, depuis 1977, ce qu'on a connu, c'est un accroissement considérable des assurés à l'assurance-récolte. L'assurance-récolte avait, en 1975, 6048 assurés, en 1976, 5150. Les cultivateurs commençaient à être tellement découragés, dans le temps des libéraux, qu'ils arrêtaient même de s'assurer. En 1977, il y a une croissance, on est rendu à 6465 assurés, en 1978, 11 620 et en 1979, 16 150 assurés.

Cela veut dire qu'on passe de 5150 en 1976 à 16 150 en 1979, plus de trois fois, presque trois fois et demie plus d'assurés qu'en 1976, en l'espace de trois ans, pour l'assurance-récolte. Tout à l'heure, je montrais qu'avec le régime d'assurance-stabilisation, cela avait doublé, dans ce cas-là, le nombre d'assurés.

Ce sont les chiffres qui démontrent des croissances considérables. Aujourd'hui aussi, nous avons ajouté, au printemps 1977, avec l'amendement à la Loi de l'assurance-récolte, les régimes collectifs. Je ne voudrais pas que vous pensiez que j'emploie le mot collectif pour parler d'un régime socialiste, un régime collectif d'assurance, c'est de l'assurance-groupe, comme on trouve dans les entreprises; on a de l'assurance-groupe pour les cultivateurs également, facultative, c'est-à-dire qu'elle n'est pas obligatoire, parce qu'il y avait un article qui prévoyait une assurance-

groupe, mais obligatoire, comme je le disais tout à l'heure, embarquer tout le monde de force.

Comme le gouvernement actuel est contre les régimes coercitifs, les régimes dictatoriaux qui avaient été adoptés dans le temps des libéraux, nous avons dit: Nous allons mettre un régime facultatif; les cultivateurs sont des adultes qui peuvent décider eux-mêmes de s'assurer et s'il y a un nombre significatif, un nombre assez important, plus de 50%, par exemple, à ce moment-là le régime d'assurance-groupe pourra fonctionner. Ce fut un enthousiasme considérable vis-à-vis de cette assurance, dans la plupart des régions du Québec, puisque la plupart des régions sont assurées à plus de 66% et les régions qui ont connu ce régime en premier, comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean et l'Abitibi-Témiscamingue sont assurées à plus de 80%.

Cela veut dire que pour ce régime d'assurance, une fois qu'on y a goûté, on y revient, tandis que dans d'autres types, une fois qu'on y a goûté, on s'en va. Ceux qui ont été assurés par ce régime ont continué à s'assurer.

Aussi, nous avons établi le nouveau régime d'assurance pour les producteurs de légumes, dans les pommes de terre, les pois, les haricots jaunes, les haricots verts, le maïs sucré, la betterave à sucre, le tabac jaune, le tabac à cigare, les pommes, les fraises et les framboises, les cultures maraîchères, les bleuets, etc. Alors, il y a eu une foule de productions qui ont été ajoutées et, cette année, nous avons ajouté la production en serre de sorte que, à toutes fins utiles, il reste seulement le sirop d'érable à assurer, dans l'assurance-récolte, pour couvrir tout ce qui peut être récolté au Québec.

Je vous ferai remarqué aussi que c'est un régime décentralisé, puisque nous avons des employés dans toutes les régions du Québec, il y en a à Rimouski, à La Pocatière, à Québec, dans la Beauce, à Nicolet, à Sherbrooke, à Saint-Hyacinthe, à Longueuil, à Hull, en Abitibi, à Repentigny, à Trois-Rivières et au Lac-Saint-Jean; il n'y a pas un ministère qui est décentralisé comme le ministère de l'Agriculture parce que...

Une Voix: ...

M. Garon: A Nicolet? Il y en a cinq.

Une Voix: A Trois-Rivières?

M. Garon: A Trois-Rivières, il y en a trois.

Une Voix: II y a moins de cultivateurs dans Trois-Rivières.

M. Garon: On peut répondre, sans hésiter, que l'assurance-récolte rend des services inestimables aux producteurs agricoles qui ont subi des pertes de récolte et l'assurance-récolte vient assurer, si on veut, le climat, tandis que... Parce qu'il y a deux facteurs qui varient dans l'agriculture et qui sont dangereux, c'est-à-dire qu'il y a le climat qui varie et il y a les prix qui varient. Avec l'assurance- récolte on assure le climat, on assure les récoltes malgré les intempéries ou les variations du climat et, avec l'assurance-stabilisation, on assure les variations des prix, parce que si les prix varient, avec l'assurance, on vient couper les minimums, pour empêcher les revenus de l'agriculteur de baisser en dessous d'un certain niveau. Alors, ce sont des protections considérables.

Mais il fallait — comme nous avons rajouté énormément de productions au point de vue assurance-récolte, au niveau des régimes d'assurance-stabilisation et que les gens de l'assurance-récolte vont devoir aller mesurer les champs et voir les rendements, tandis que les gens de l'assurance-stabilisation voulaient aller mesurer les champs aussi — empêcher qu'il y ait trop de fonctionnaires qui se promènent dans les champs des cultivateurs, afin de réduire les dépenses administratives. Ce que nous avons fait, pour empêcher les dédoublements de coûts administratifs, c'est de réunir, pendant les deux premières années, avec des ententes administratives, les deux organismes, pour empêcher que deux équipes de fonctionnaires aillent dans le champ. Avec la fusion des deux organismes, on pourra en arriver à une refonte de toute la loi, éventuellement. A ce moment, on pourra en arriver à un seul régime d'assurance; ça me fait penser au temps de l'assurance automobile, la partie A, l'assurance-récolte alors que la partie B pourrait être l'assurance-stabilisation et on aurait les deux volets; on pourrait assurer sa récolte contre les variations de température et contre les variations de prix. (0 h 50)

Eventuellement, quand tout cela fonctionnera bien on pourra penser à avoir un genre d'assurance-bétail. En mettant cela tout ensemble, à ce moment-là, on pourra assurer des récoltes contre les variations de température, on pourra assurer les revenus. Dans le bétail, on pourra assurer contre les maladies et, ensuite, assurer contre les variations de revenu qu'on peut faire actuellement avec des animaux.

Alors, cela va permettre une meilleure efficacité administrative. Je vois le leader du Parlement qui me fait signe de ne pas parler trop longtemps parce qu'il veut passer le plus de lois agricoles possible ce soir, Mme la Présidente, parce qu'il sait que le meilleur temps pour passer les lois agricoles, c'est le mois de décembre...

Des Voix: Le mois de novembre.

M. Garon: ... le mois de novembre ou le mois de décembre en préparation de la prochaine récolte, de la prochaine année. C'est le meilleur temps, on le fait volontairement à ce moment-ci, comme l'an dernier pour la Loi de la protection du territoire agricole, parce que, pendant l'hiver, c'est meilleur. On avait prévu passer cela en décembre, mais l'Opposition, qui n'avait pas une bonne perspective de l'agriculture, nous a obligé à passer cela en février. Alors, ce n'est pas aussi bon qu'en décembre, mais c'est mieux que rien.

M. Giasson: Question de privilège. Quand le ministre dit que l'Opposition s'est opposée, de façon à passer cela en février, je crois qu'il induit cette Chambre en erreur. L'Opposition officielle était prête à travailler en décembre. Précision fort importante, M. le ministre.

Une Voix: C'est de la vraie opposition dont je voulais parler.

M. Garon: Je ne puis pas, madame, connaître toutes les ententes qu'il y a entre les partis de l'Opposition pour s'opposer à tel moment plutôt qu'à tel autre, mais je puis dire tout simplement que nous sommes contents de présenter cette loi, c'est une bonne loi qui va unifier ces deux organismes et qui va permettre une meilleure économie de budget, une économie de coûts, au point de vue administratif...

Une Voix: De combien?

M. Garon: ... Considérable avec l'augmentation des régimes, avec l'augmentation du nombre des assurés, il est évident, qu'à ce moment-là, la même personne va pouvoir voir les deux groupes en même temps et on va sauver de l'argent. Alors, je pense que c'est une bonne loi et c'est pour cela que nous la présentons avec enthousiasme.

La Vice-Présidente: Motion de deuxième lecture du projet de loi no 59.

M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Julien Giasson

M. Giasson: Mme la Présidente, à l'occasion de ce débat de deuxième lecture, sur le projet de loi qui a comme objectif fondamental de fusionner, de regrouper deux régimes d'assurance qui touchent le secteur agricole, le ministre de l'Agriculture a tenté de nous décrire une situation du monde agricole qui est presque le paradis terrestre. Il semblerait, d'après les propos que le ministre vient d'énoncer, que les changements apportés à la Loi de l'assurance-récolte, plus les modifications ou la mise en place de nouveaux régimes d'assurance-stabilisation des revenus, font que, dans le monde agricole au Québec, la situation est absolument merveilleuse, que c'est le lait et le miel qui coulent en ce paradis.

Mais lorsqu'on a examiné les chiffres qu'a voulu nous servir le ministre de l'Agriculture, nous disant qu'en matière d'assurance-stabilisation des revenus agricoles, il y avait un total de 3092 assurés et que cela touchait six régimes. Le ministre a pris bien garde de faire allusion à un manque total d'un régime d'assurance-stabilisation des revenus dans le secteur du porc comme dans le secteur de la production de chair de volaille au Québec. Je suis d'autant plus satisfait, à ce moment-ci, de l'indiquer au ministre que, la semaine dernière, j'avais l'opportunité d'écouter et d'entendre les intervenants au mini-sommet économique qui a traité de l'industrie avicole au

Québec et des petits animaux de ferme, pour réaliser les pressions et les demandes formelles qui sont venues d'à peu près tous les intervenants, à quelques exceptions près, priant le ministre d'intervenir périodiquement, momentanément, en vue de permettre à ces producteurs de faire face à une situation qui devient intenable pour différentes raisons.

D'abord, dans un premier temps, il y a eu augmentation du prix des céréales au cours des derniers mois. Ce prix additionnel pouvait découler, d'une part, de la grève des manutentionnaires, des débardeurs dans différents ports de Québec. Cela découlait également d'une décision du nouveau ministre de l'Industrie, au gouvernement fédéral, qui a négocié des ententes nouvelles avec le gouvernement américain acceptant, dans ces ententes, une augmentation du volume de poulet qui pouvait être importé dans le contrat global pour les trois prochaines années; il acceptait, de plus, la possibilité d'émettre des contrats supplémentaires d'importation à des postes d'abattage qui faisaient la preuve qu'il manquait de produits de volaille vivante dans certains secteurs.

Il y a également d'autres facteurs qui sont intervenus pour faire en sorte que la production de chair de volaille, au Québec, connaisse, au moment où on se parle, cet état de difficultés assez grandes qui va continuer de s'accroître puisque les stocks, à l'entrepôt, s'il n'y a pas un arrêt ou une diminution de la production de la part des agriculteurs québécois, vont continuer d'augmenter.

Tout à l'heure, au-delà du producteur de chair de volaille qui est aux prises avec des difficultés, nous allons également retrouver des postes d'abattage, des abattoirs agricoles au Québec qui vont connaître des difficultés aussi grandes que celles des producteurs eux-mêmes.

S'il y a un secteur présentement, au Québec, pour lequel on devrait instituer un régime d'assurance-stabilisation des revenus agricoles, c'est celui de la production de chair de volaille. Il y a également une situation qui devient de plus en plus difficile pour les producteurs de porc, au Québec. Ces gens connaissent une diminution sensible du prix au marché, non seulement au marché québécois, mais au marché en général, au Canada comme aux Etats-Unis, et ces gens vivent également des augmentations du coût de l'alimentation par le prix des céréales qui s'est accru également dans le secteur des céréales qui servent davantage à la fabrication de moulées proci-nes, et nos producteurs de porc au Québec ont commencé à connaître des problèmes, à faire de la production qui est devenue déficitaire, sauf pour quelques producteurs qui ont cette capacité de bons gestionnaires qui ne sont pas aux prises avec des emprunts trop lourds, trop volumineux, qui peuvent encore joindre les deux bouts, mais pas plus, sans aucun bénéfice.

La plupart des producteurs, au moment où nous nous parlons, Mme la Présidente, produisent en accumulant des déficits, et on sait que ça va durer encore beaucoup de mois, cette situation de

prix plutôt faibles dans le secteur de la production porcine.

Donc, quand le ministre se targue et se bombe le torse en disant qu'il a à peu près réglé tous les problèmes agricoles au Québec par le développement de l'assurance-récolte, qui va assurer la "température", pour prendre un terme utilisé par le ministre, et quand il se targue également d'avoir réglé le problème des prix par l'assurance-stabilisation, il donne une image fausse de la réalité, puisque je viens de citer deux grandes productions agricoles au Québec qui représentent des sommes d'argent beaucoup plus fortes que des productions présentement couvertes par des régimes d'assurance-stabilisation, le volume que représente laproduction de pommes de terre, au Québec, est minime à côté de la valeur de la production porcine. La production de boeuf qu'on est en train de développer graduellement au Québec demeure minime comme valeur totale à côté de la valeur de la production agricole, le ministre le sait très bien. La plus grande valeur que nous avons dans les productions, au Québec, c'est d'abord la valeur de la production laitière, que ce soit dans le lait industriel ou le lait de consommation. Le deuxième champ de production en agriculture au Québec qui représente une valeur qui suit immédiatement celle de la production laitière, c'est la production porcine, et le troisième secteur en importance est celui de la production avicole. (1 heure)

Le ministre nous pète une broue avec la révolution qui est faite en agriculture parce que des régimes de stabilisation de revenu existent dans des productions secondaires. Non pas que ces productions ne soient pas importantes, loin de là, mais elles sont secondaires dans le sens que le total des revenus provenant de ces petites productions est minime, est peu de chose si on compare cela au total des revenus provenant des trois productions que je viens de mentionner.

M. le ministre, avant de crier victoire par le développement de ces régimes d'assurance, ayez donc l'honnêteté de reconnaître que deux productions, entre autres, auraient besoin, au moment où on se parle et depuis quelques mois, d'un régime de stabilisation des revenus et que ces productions vont causer des pertes incroyables aux cultivateurs — le terme n'est pas trop fort — s'il n'y a pas une correction dans le prix moyen au marché au cours des mois à venir. A l'horizon, il ne se présente rien de trop intéressant. Nous savons que, dans la production porcine, nos voisins du Sud, les Etats-Unis, ont augmenté considérablement leur production de porcs au cours de 1979. A elle seule, l'augmentation de production aux Etats-Unis, en 1979, équivaut à la totalité de la production canadienne de 1978. C'est vous dire, Mme la Présidente, que le bout du tunnel, dans le secteur de la production porcine, est encore loin et que nos producteurs de porcs vont connaître des difficultés sérieuses. C'est une production où il serait fondamentalement nécessaire d'avoir un régime de stabilisation des revenus.

Le même phénomène va jouer, comme je l'ai indiqué il y a un instant, du côté de la production de chair de volaille, sauf si le ministre décide d'intervenir et écoute la voix du président de la fédération qui a eu cette gentillesse de faire l'éloge du ministre de l'Agriculture lors du dernier congrès général de l'UPA, qui a même dit au ministre: Vous êtes sans doute le meilleur ministre de l'Agriculture que nous ayons eu au Québec depuis fort longtemps, mais il a pris soin de rappeler au ministre que des gouvernements moins bons que le sien avaient aidé les producteurs dans des périodes de difficultés, même s'il s'agissait de productions bien structurées, contingentées, telles que la production du lait industriel. Le ministre devrait se rappeler ce commentaire du président de la fédération de la chair de volaille au Québec, que des gouvernements que le ministre prétend beaucoup moins bons que le sien ont apporté de l'aide et ont permis à certains producteurs agricoles du Québec de traverser des périodes compliquées et difficiles.

J'aimerais savoir ce que le ministre entend faire, au-delà de la représentation qu'il peut faire vis-à-vis des autorités fédérales, pour les inciter à modifier les ententes déjà convenues avec les Etats-Unis en matière d'importation de poulets américains, pour bloquer, dans un premier temps, les contrats supplémentaires qu'on accorde à certains postes d'abattage en Ontario. Mais, au-delà de cela, il sera absolument nécessaire que nous ayons au Québec un programme d'aide pour les producteurs de chair de volaille. Je ne dis pas un programme qui devrait durer toujours dans le temps, sauf si c'était un régime d'assurance-stabilisation du revenu. Mais, M. le ministre, vous savez très bien que les producteurs en nombre, comme en volume de production, comme en coût, qui auraient fondamentalement besoin d'un régime d'assurance-stabilisation, ce sont les deux secteurs que je viens de décrire, la production porcine comme la production de chair de volaille.

Mme la Présidente, par sa loi le ministre va fusionner deux régimes d'assurance qui touchent le secteur agricole pour créer, sous un seul chapeau, une régie des assurances agricoles au Québec et, derrière cette décision, le ministre peut compter sur l'appui de l'Opposition officielle, parce que nous considérons que c'est un geste heureux, que c'est un geste nécessaire, puisque, en définitive, ces régimes ne s'adressent pas nécessairement aux mêmes agriculteurs, mais à des agriculteurs qui ont besoin de sécurité, que ce soit dans le secteur des récoltes, dans le secteur de la prévention contre les situations atmosphériques ou climatiques, et également dans le secteur de garantie de soutien du revenu qui est établi à partir des coûts de production à la ferme.

Nous allons donner notre appui et nous savons que ce n'est pas le bout de la course ou de la route, dans le secteur de l'assurance agricole. Avant longtemps, nous devrons sans doute ajouter, selon les besoins et les demandes formulées par les agriculteurs, d'autres régimes d'assurance et la nouvelle Régie des assurances agricoles du Québec, sera l'organisme à qui on pourra confier

le mandat de bâtir d'autres programmes et d'autres plans d'assurance, de manière à répondre à des besoins et à une volonté des agriculteurs dans ce secteur.

Je ne poursuivrai pas plus longtemps ce débat de deuxième lecture. Nous avions convenu, avec le leader du gouvernement, que chaque parti devait consacrer cinq minutes d'intervention ou de débat, mais vu l'engouement du ministre de l'Agriculture, on s'est permis aussi de faire une tournée plus grande que celle qui avait été convenue lors des ententes. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: Mme la Présidente, vous me permettrez bien d'intervenir pendant quelques minutes sur ce projet de loi. Je regrette de n'avoir qu'une heure à ma disposition, étant donné l'ouverture que m'a faite le ministre quand il a tenté de nous exposer le mérite, la justification de la fusion de ces deux régies, dont il a fait état.

Je vais être obligé de le rappeler. D'ailleurs, il a tâché de nous démontrer la justification et la force qu'il a données à cette régie, en disant que pour rassurer les agriculteurs, il voulait assurer la température. Je pense que c'est une bonne indication. C'est un peu comme la santé. Il faut toujours s'assurer contre la maladie. Là, on a la santé.

Mme la Présidente, je pense bien que le but poursuivi par le ministre est louable. Je crois qu'il ne nous a pas donné de détails pour nous dire l'économie qu'il ferait. Et moi, si j'étais un peu malin comme il y en a quelques-uns, je dirais, encore là, le ministre veut fusionner des régies pour déplacer certains personnages et peut-être amener ses amis à l'intérieur.

Mais je sais que ce n'est pas là son intention, Mme la Présidente. Donc, je vais éviter de faire cela. Mais j'aurais aimé qu'il ait des chiffres avec lui et tâcher de justifier, de façon sincère, comme je le connais, pour nous démontrer l'économie, la vraie économie qu'il fait, à la face de la Chambre, mais démontrer que lui, il travaille d'une façon beaucoup plus économe que ses autres collègues de l'exécutif et qu'il fait cela dans un but bien poursuivi. C'est pour prêcher par l'exemple, d'abord à toute la classe agricole qui elle, malgré l'effort que fait le ministre pour améliorer l'agriculture au Québec, prouve qu'il existe encore, comme l'a dit le député de Montmagny-L'Islet, certains malaises et certains malaises qui peuvent arriver. Quand on parle d'assurance — je n'ai pas tous les détails comme le ministre, je n'ai pas tous les dossiers du ministre — on a simplement les plaintes qui nous viennent de certains cultivateurs qui se plaignent, à tort ou à raison, et cela, pour tâcher de justifier leurs raisons ou leurs torts. On s'adresse au ministère de l'Agriculture et on a des réponses. Cela vient. Cela s'améliore un peu, quand on se plaint au ministre. De temps en temps, cela s'améliore. On sait qu'on a une réponse un petit peu plus vite.

Mais j'aimerais que cela vienne un peu plus vite. On pourrait répondre un peu plus rapidement à nos cultivateurs qui s'adressent à nous. Il y en a un dernièrement qui me parlait d'un quota, que les vétérinaires ont des quotas, pour faire du travail pour soigner les animaux des cultivateurs, mais lorsque le quota est fini, le cultivateur paie de sa poche. On se plaint actuellement de cela. Je ne sais pas si c'est simplement dans une région ou si le ministre a établi cela équitablement à travers la province, ou si c'est régional. Tout à l'heure, il a fait état de toute l'augmentation en flèche, de toutes ces primes d'assurance, le nombre de cultivateurs qui étaient assurés, le nombre d'animaux additionnels qui étaient assurés. Il était même rendu dans les patates. Il assurait même les patates. Mais pourtant, lorsqu'il assure seulement les patates, au Québec, il n'en assure pas beaucoup, parce qu'il ne s'en produit pas tellement. On pourrait s'améliorer beaucoup. Si l'assurance que le ministre nous garantit, ou garantit à nos cultivateurs, il faut croire qu'il va y avoir des prix garantis sur le produit agricole. Je sais que le député de Montmagny-L'Islet faisait part tout à l'heure d'un malaise possible dans le domaine du porc, ils se plaignent un peu de la volaille... (1 h 10)

Je pense que le ministre pourrait peut-être faire un effort pour assurer de meilleurs marchés aux agriculteurs. Ce serait une chose passablement plus rentable. Concentrez un peu pour assurer les marchés et laissez donc les cultivateurs produire. Eux autres vont s'occuper de produire. Vous allez voir que cela sera rentable. S'ils ont de bons marchés, ils auront de bons prix et ils vont produire à beaucoup meilleur marché, parce que, plus on produit, avec le volume, plus les prix baissent. C'est une partie du malaise qui existe chez nous, chez nos agriculteurs du Québec. Parce qu'on limite par des quotas la production, on augmente les coûts par le fait même. Il y a deux choses qu'il faut assurer. Ce n'est pas toujours avec des assurances sur papier, ce sont des assurances dans les faits. Si on pouvait assurer la matière première qu'on utilise pour faire de la production et assurer des marchés pour vendre la marchandise, il est évident que ce serait la meilleure assurance qu'on pourrait fournir à nos cultivateurs.

En tout cas, Mme la Présidente, je vais tâcher de me conformer à une ligne raisonnable, bien mesurée et de faire confiance au ministre qui va nous donner l'assurance, ce soir, ici à cette Chambre, à nous les députés, qu'il va étudier d'une façon bien objective la façon dont il va assurer la classe agricole le plus rapidement possible en se servant de ce projet de loi et prendre les mesures nécessaires pour l'élargir, si c'est nécessaire, afin d'assurer la survivance de l'agriculture au Québec. Si on a cette assurance du ministre, sans plus de préambule, sans plus d'exposé, sans plus d'énoncé, parce que j'aurais une liste assez longue à lui présenter... Mais je sais que cela prendrait un peu de temps au ministre de répondre à cette liste-là. Il va le faire d'une façon très rapide et je vais tâcher de raccourcir le

plus que je peux la liste et dire au ministre: Nous allons voter pour ce projet de loi, lorsqu'il nous aura exposé la manière dont il va assurer d'abord l'économie en faisant cette fusion et, deuxièmement, le cultivateur et l'agriculture au Québec.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, on sent que l'agriculture n'est pas la ligne du député de Brome-Missisquoi. Il connaît les affaires, mais dans le domaine agricole, on sent... Quand il parlait des producteurs de patates... Ce n'est pas important les producteurs de patates. Il y en a seulement 1560 au Québec. 1560 producteurs de pommes de terre au Québec, je pense que c'est très important.

Une Voix: Quel est le pourcentage de la consommation?

M. Garon: Plus de 50% à l'état frais. Dans les pommes de terre lavées, cela monte à 75%. Dans les croustilles, c'est 100%. Le domaine dans lequel nous sommes faibles principalement, c'est dans la frite congelée. Mais je vous dirai, Mme la Présidente, que nous allons d'abord sauver des postes au niveau de la régie elle-même, puisqu'il y avait cinq commissaires à la Régie de l'assurance-récolte et qu'il y en avait cinq à la Commission d'assurance-stabilisation. Cette année, pour permettre une fusion plus harmonieuse, il y en aura sept. Au lieu d'en avoir dix, il y en aura sept. On sauve là-dessus déjà trois postes.

M. Grenier: Où est-ce qu'ils vont aller ceux-là?

M. Garon: Non, on a laissé se finir les mandats justement pour qu'on puisse faire cela harmonieusement. L'an prochain, alors qu'on pourra travailler à nouveau à améliorer cette loi-là, là, on pourra réduire à cinq, parce qu'il y a des mandats qui se seront écoulés. Cela pourra se faire harmonieusement. Là, on aura réduit considérablement. A ce moment-là, au lieu d'avoir dix membres de la régie, on en aura cinq. C'est évident qu'en fusionnant les deux groupes, lors de la fusion, on va voir qu'il y a des doubles emplois qu'on va pouvoir éviter. C'est évident qu'on va sauver des postes.

Ce projet de loi aussi ajoute, il faut dire, Mme la Présidente, l'assurance-groupe ou l'assurance collective pour les cultures commerciales, qui n'était pas prévue dans la loi. L'assurance-groupe a eu tellement de succès dans les grandes cultures qu'elle sera ajoutée pour les cultures commerciales.

Quant à la déclaration du député de Montmagny-L'Islet qui a dit que le ministre de l'Agriculture se bombait le torse en disant qu'il avait tout réglé, je n'ai jamais dit cela et ce n'est pas ma prétention. Au contraire, si... Pourquoi? Parce qu'il y a eu tellement d'années où l'agriculture a été laissée pour compte. On se rappelle du temps des premiers ministres dans les années soixante.

Je ne parlerai pas de M. Duplessis, il a aimé l'agriculture; mais je parlerai du temps de M. Lesage, du temps de M. Bourassa, où l'agriculture était un parent pauvre, vous savez. Qu'est-ce que cela mange en hiver l'agriculture? On sentait... Les agriculteurs, dans l'ensemble du Québec, l'ont ressenti que l'agriculture n'était pas bienvenue dans ces gouvernements, dans le gouvernement libéral. Quand je vois aujourd'hui le député de Montmagny-L'Islet qui dit: Nous autres, on serait pour l'assurance-stabilisation pour les producteurs de porcs, alors qu'il avait amendé la loi pour faire un régime d'assureurs de plans conjoints, sans référendum, pour le porc, et quand le gouvernement a voulu en établir un, c'est le Parti libéral qui l'a combattu, lui qui avait amendé la loi pour en faire un! Il l'a combattu! Ces gens qui font ce genre de promesses, vont venir nous dire: Nous autres, on ferait cela! Voyons donc! Ils n'ont rien fait pendant les quinze ans qu'ils ont été là. Ils vont venir nous dire: Nous autres, si on était là, on ferait quelque chose!

Mme la Présidente, loin de me bomber le torse, j'ai l'impression qu'à la fin d'une session comme cela, on va passer une année où on va se reposer un peu, dans le temps des fêtes, pendant quelques jours. J'ai plutôt l'impression d'être courbé par le travail qu'il faut faire dans le ministère de l'Agriculture qui a tellement été laissé pour compte pendant de nombreuses années. Je ne veux pas me bomber le torse, loin de là. Dans la chair de volaille, je peux dire une chose: Si les libéraux avaient adopté — je suis obligé de blâmer le gouvernement fédéral, mais je dois admettre que ce n'est pas à cause du gouvernement en place à l'heure actuelle — le plan national qu'on avait signé en septembre 1977, au lieu d'attendre le début de l'année 1979, au lieu d'avoir un quota d'importation de 47 millions ou 48 millions de livres, cela aurait été 20 millions de livres de poulet, et il n'y aurait pas les problèmes que les producteurs ou que les abattoirs ont avec l'entreposage de volaille. Ce que le député de Montmagny-L'Islet n'a pas dit, c'était le Parti libéral qui était responsable de cette situation, parce que c'est lui qui a taponné et qui a adopté cette loi à la veille des élections. Cela a fait augmenter le quota de 28 millions de livres!

Le député de Montmagny-L'Islet n'a pas dit que les producteurs ont dit aussi que s'ils avaient de la difficulté dans le domaine de la volaille, c'était à cause du nouveau régime adopté par les libéraux le 28 mars 1979, qui devait entrer en vigueur le 1er août 1979, le nouveau régime pour les grains de provende, où actuellement les producteurs québécois de chair de volaille et de porcs n'ont plus accès au marché libre comme ils avaient le droit auparavant. Le prix des moulées est de pire en pire si le règlement du 28 mars 1979 persiste à être adopté par l'administration libérale. Il faut dire les choses. Les producteurs, ce qu'ils ne disent pas aussi, c'est que justement le prési-

dent des producteurs de volaille a dit à tout le monde: Oui, c'est à cause de ce règlement qu'on paie plus cher. Ce sont les mêmes gens qui ont condamné ce règlement, qui ont condamné le taux des importations du plan national.

Tout le monde s'entend pour dire qu'il n'y a jamais de régime d'assurance-stabilisation quand il y a un prix à administrer. J'ai dit, comme je l'ai dit à la conférence, et tout le monde était d'accord pour dire que nous allons faire les dernières propositions concernant le plan national du poulet, pour voir ce qu'il est possible d'en tirer. Ce matin, on m'a donné l'assurance à Ottawa qu'il n'y aurait pas de quota supplémentaire d'émis. C'est quelque chose, c'est mieux que rien. Ce n'est pas le Pactole, mais c'est mieux que d'avoir des quotas supplémentaires d'émis de temps en temps. On m'a dit qu'il n'y en aurait plus. Il y a d'autres mesures qu'il va falloir adopter concernant la chair de volaille, mais il faudrait dire, par exemple, où sont les responsables.

Dans le régime du porc, des producteurs de porc — je vais être bref — je ne vois pas beaucoup un gouvernement qui adopterait un régime d'assurance-stabilisation dans le porc avant l'établissement d'un plan conjoint pour le porc, parce qu'il est évident que s'il n'y a pas de plan conjoint, qu'il va être difficile d'établir les véritables revenus.

Il y a toutes sortes de contrats qui sont administrés, que ce ne sont pas nécessairement les prix du marché qui sont payés et, qu'à ce moment-là aucun gouvernement ne fait un régime d'assurance-stabilisation sans qu'il y ait un plan conjoint qui vienne administrer certaines choses dans ce domaine. Je serais le plus étonné du monde que le Parti libéral vienne assurer des productions dans le porc à 100 000 cochons, 150 000 cochons, sans connaître quels sont les contrats qui lient l'intégré à l'intégrateur. Je pense que c'est normal, dans ces conditions, de regarder davantage la situation. Pour le porc, on peut dire une chose, par exemple. Nous avons assuré le porcelet et il y a 800 producteurs d'assurés en 1979. Dans le temps du Parti libéral, il n'y avait pas du tout de plan pour le porcelet. On a assuré le porcelet, parce qu'en 1978, le prix du porcelet était plus bas et on sentait qu'il serait plus bas. On a commencé par le porcelet et nous avons établi des régimes au fur et à mesure que nous pouvions calculer des coûts.

Mme la Présidente, je ne veux pas aller plus loin, parce que je sens encore que le leader me dit qu'il ne faut pas que je parle trop longtemps, parce que le député de Bonaventure, apparemment, est fatigué et si je parle trop longtemps, ça va briser les ententes. Alors, comme je ne veux être désagréable pour personne, je vais terminer là, Mme la Présidente, parce que je sais que c'est une bonne loi. Les deux partis d'Opposition ont même dit qu'ils voteraient pour, même s'ils ont fait de grands sparages sur d'autres sujets.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Je veux assurer mon bon ami, le ministre de l'Agriculture, que je suis en excellente forme, pas du tout fatigué, nous avons tout le temps devant nous et, d'ailleurs, Mme la Présidente, c'est pour éviter justement de prolonger le débat, sachant que le ministre de l'Agriculture avait tellement de responsabilités, il est déjà courbé, comme il vient de l'indiquer, par le fardeau qui i'accable au ministère, j'avais l'intention moi-même d'intervenir, et n'eût été du fait que c'est le droit de réplique du ministre que nous avons entendu, j'aurais sûrement eu quelque chose à ajouter à ce qu'il a dit, surtout des remarques très injustes qu'il a eues à l'égard de ses prédécesseurs. On dirait que, depuis qu'il est là, il n'y a rien eu avant lui. Je pense que c'est là réellement faire injure à tout le travail de ses prédécesseurs qui ont fait beaucoup pour l'agriculture au Québec.

La Vice-Présidente: Cette motion du ministre de l'Agriculture, proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 59, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles est-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. La Vice-Présidente: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Renvoi à la commission de l'agriculture

M. Charron: ... Mme la Présidente, je voudrais la déférer d'abord à la commission de l'agriculture et de l'alimentation, si vous le permettez.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. La Vice-Présidente: Adopté.

M. Charron: Et, finalement, Mme la Présidente, dans un projet de loi qui apparaît à l'article 14 du feuilleton aujourd'hui, on me dit que mon collègue de l'Agriculture aurait besoin de s'adresser à la Chambre entre quatorze et quinze minutes.

M. Levesque (Bonaventure): II est averti, là...

Projet de loi no 75 Deuxième lecture

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 75, Loi sur les grains.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, on m'avise que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi. Cela m'étonnerait... Je ne sais pas s'il l'a lu, mais il en recommande l'étude à la Chambre. Je voudrais dire, Mme la Présidente, que le député de Bonaventure me disait tout à l'heure qu'en terminant la loi fusionnant les deux régimes d'assurance, j'avais parlé contre mes prédécesseurs. Loin de moi l'idée, Mme la Présidente, de parler contre les ex-ministres de l'Agriculture, au contraire. Mais, ce que j'ai dit, que je soutiendrai et ce dont tout le monde est conscient, c'est que les ministres de l'Agriculture, dans le Parti libéral, n'ont jamais été écoutés et ce n'était pas important, les ministres de l'Agriculture. L'agriculture, ce n'était pas important.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, Mme la Présidente. Loin de moi...

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition officielle, j'allais rappeler au ministre la pertinence du débat et lui rappeler, en même temps, qu'il lui reste treize minutes sur ses quinze minutes.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je vais concourir avec la présidence — je veux simplement, sans retarder même d'une demi-minute les travaux de la Chambre — je voudrais rappeler au ministre que lorsqu'il tient des propos comme ceux qu'il vient de tenir, il s'attaque à mon privilège et à mes droits de député et particulièrement de membre de ces cabinets, du cabinet Lesage et du cabinet Bourassa et je dois dire que quant à moi, et je peux en dire autant de mes collègues, nous attachions énormément d'importance aux représentations du ministre de l'Agriculture et nous lui avons accordé des budgets, budgets qu'évoquait tout à l'heure le député de Montmagny-L'Islet, qui seraient bienvenus aujourd'hui pour aider les producteurs.

M. Garon: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: En temps et lieu j'aurai sans doute l'occasion de dire ce que disait un de ces premiers ministres lorsqu'on me présentait à lui comme ministre de l'Agriculture. J'ai eu vraiment le sentiment de ce que représentait à ce moment-là le ministère de l'Agriculture dans le Parti libéral. Je ne veux pas dramatiser, mais je peux rappeler par exemple que le député de Lac-Saint-Jean, lorsqu'il lisait un mémoire au caucus libéral sur les non-résidants, le ministre de l'Agriculture du temps avait présenté un mémoire au caucus libéral en février 1976 et il n'a pas été supporté. De sorte qu'il n'a pas présenté sa législation.

Je ne voudrais cependant pas passer mon temps de parole là-dessus, j'aurai l'occasion d'y revenir ailleurs qu'en cette Chambre. Je voudrais dire qu'aujourd'hui nous présentons le projet de loi sur les grains. Ce projet de loi no 75 est une loi excessivement importante. Il y a déjà longtemps que l'on parle au Québec de développer la production céréalière. Il faudrait plutôt dire relancer cette production, car au début du siècle, il y avait environ 2 millions d'acres ensemencées en céréales au Québec. En effet, et on me rappelait dernièrement que dans l'édition La terre de chez nous du 17 avril 1940, le ministère de l'Agriculture du temps demandait aux agriculteurs de semer plus d'orge afin de diminuer notre dépendance en céréales.

Rappelons aussi qu'au début des années 1970, suite à ce que certains ont appelé la crise des provendes, la discrimination dans les prix des céréales envers les acheteurs québécois a alors atteint son paroxysme et le gouvernement du temps s'était engagé dans une politique d'auto-approvisionnement dont les principaux éléments devaient être une nouvelle répartition des cultures en fonction de leurs exigences, de leur valeur énergétique, de leur degré de productivité et des besoins de notre cheptel.

La recherche et l'emploi de variétés mieux adaptées, la vulgarisation de méthodes éprouvées de culture, de protection de récolte et de conservation, l'augmentation des rendements par unité à l'acre et le conditionnement à la ferme des aliments et du bétail et leur transformation en produits animaux.

Malheureusement, à notre arrivée au pouvoir au mois de novembre 1976, nous nous sommes vite aperçus que cette politique d'auto-approvisionnement n'avait pas été vraiment traduite en programmes précis, mais n'était demeurée qu'un vague énoncé d'intentions. C'est probablement sur ce point que le gouvernement actuel se distingue des gouvernements précédents en matière agricole. Nous avons démontré une volonté ferme d'agir pour développer la production céréalière au Québec au lieu de nous contenter d'en parler.

Je vous ferai brièvement un bilan, pas complet parce que je n'ai pas le temps. Je pensais avoir une heure et je vais être obligé de couper à quinze minutes. J'avais seulement quelques mots à dire brièvement sur quelques secteurs qui ont été développés depuis trois ans et qui permettent d'accroître la production de céréales au Québec. Le drainage souterrain est une nécessité au Québec à cause des conditions biophysiques du Québec où il existe un climat humide et froid et des sols ayant un égouttement naturel déficient. Le drainage devient donc une priorité si on veut vraiment développer une production céréalière. Il faut comprendre, quand on parle du centre du Québec, que c'est dans le fond d'une ancienne mer, de sorte que le fond est plat et qu'il faut permettre l'égouttement des eaux.

Le drainage s'est donc accru considérablement. En 1976, il y eut au Québec 77 000 acres drainées. En 1977, 92 000, en 1978,119 000 et cette année, nous pensons dépasser 130 000 acres

drainées au Québec. C'est une augmentation considérable; si on calcule par rapport à 1976, c'est à peu près deux fois plus d'acres drainées.

En termes de stabilisation des revenus nous avons déjà adopté en trois ans l'assurance-stabili-sation pour les producteurs de maïs-grain, l'assurance-stabilisation pour les producteurs de blé, l'assurance-stabilisation pour les producteurs d'orge, l'assurance-stabilisation pour les producteurs d'avoine. Quatre programmes uniquement dans le domaine des céréales.

Il y a eu également la protection du territoire agricole, M. le Président, pour permettre de garder à l'agriculture nos meilleures terres agricoles. Maintenant, nous allons adopter — ce soir ou ce matin compte tenu du moment où on se place — une loi sur la banque de terres qui va permettre justement de mettre en valeur, d'aider à remettre en valeur des terres sous utilisées et non utilisées.

La recherche également, M. le Président. Nous avons développé des serres expérimentales pour activer, tripler, quadrupler le rythme des recherches à Saint-Hyacinthe avec des serres qui ont coûté $1500 000 en 1978. En 1979, cette année, on n'a pas eu encore le temps d'inaugurer, mais cela va venir, le centre de multiplication des nouvelles variétés de semences de céréales de Saint-Bruno rattaché à la station d'amélioration des plants de Saint-Hyacinthe et nous y avons investi $180 000 pour la construction et l'aménagement de facilités permettant le conditionnement de grains de semence de nouvelles variétés de céréales. C'est la grainerie de Saint-Bruno maintenant. Il y a également des réseaux de centres. Je pourrai aussi éventuellement dire qu'il y aura une autre nouvelle dans ce secteur bientôt parce qu'une entreprise québécoise importante a été rapatriée sous le contrôle québécois, c'est une entreprise qui joue un rôle très important dans le domaine des céréales. Nous aurons l'occasion, au cours du mois de janvier, d'annoncer cette transaction importante dans le domaine des céréales.

Les réseaux de centres de conditionnement et d'entreposage, tant à la ferme qu'en région. C'était le problème majeur quand nous sommes arrivés au gouvernement. Des producteurs avaient beau produire des céréales, il n'y avait pas de place pour les entreposer, sauf de petites organisations que certains s'étaient faites eux-mêmes. Il n'y avait pas véritablement un système d'entreposage québécois pour les céréales. Cela a été un des premiers programmes que j'avais annoncés au mois d'octobre 1977, lorsque nous avons annoncé les deux programmes. Un programme pour l'entreposage en région et un programme pour l'entreposage à la ferme. Nous avons réussi un coup important à ce moment-là en allant récupérer du gouvernement fédéral les subventions qu'il avait coupées sur le transport des grains de l'ouest vers le Québec. Il avait coupé ces subventions de $6 700 000 à jamais. Nous sommes allés récupérer $6 700 000 pour une période d'au moins cinq ans que nous avons décidé d'affecter aux silos à la ferme. Il y avait une condition... ils avaient accepté de donner cette somme de $6 700 000 pendant cinq ans sur le talon du chèque. On a dit qu'on n'avait pas d'objection à se plier à cela. Ce qui est important pour nous c'est d'avoir l'argent pour aider au développement des céréales. Je pense que le gouvernement actuel a réussi ce que n'avait pas réussi le gouvernement précédent, aller chercher ces montants d'argent pour pouvoir les utiliser au développement de l'agriculture québécoise, des sommes qui avaient été enlevées au transport des grains de l'ouest.

Au point de vue de cette capacité d'entreposage, il y a eu un accroissement extraordinaire depuis deux ans. Je peux vous dire qu'il y a actuellement dix centres d'entreposage construits ou dont la construction se termine, un onzième que nous annoncerons bientôt, et l'an prochain il devrait y avoir aussi dix ou onze centres régionaux qui vont se construire au cours de l'an prochain. Quant aux silos à la ferme c'est un nombre considérable chaque année, ce sont des milliers de silos qui s'élèvent sur les fermes des agriculteurs, et on peut dire que depuis deux ans la capacité d'entreprosage des céréales au Québec a augmenté et sera multipliée par trois fois et demi. Trois fois et demi plus de capacité d'entreposage qu'il y en avait il y a deux ans. C'est considérable comme augmentation. Ceci va permettre la production de grains d'une beaucoup plus grande qualité. Il faut dire qu'au manque de capacité d'entreposage adéquat s'ajoutait aussi une faiblesse au niveau de l'équipement de conditionnement des grains, c'est-à-dire l'équipement de séchage et de nettoyage.

Les acheteurs de céréales, soit les meuniers, les minoteries, les distilleries ou autres, sont habitués à recevoir un produit nettoyé, uniforme et de bonne qualité. Ils exigent les mêmes caractéristiques du produit québécois qu'ils sont habitués d'obtenir des grains qu'ils importent de l'ouest. Pour atteindre ces standards, il faut que les céréales soient séchées et criblées en plus d'être regroupées en lots uniformes. Si vous les nettoyez, vous les criblez et vous les mélangez tous, ça ne fait pas la même catégorie de grains qui a la même valeur nutritive, la même valeur en protéines.

Il faut, une fois que les grains ont été nettoyés, comptés, qu'on les classe en fonction de leur valeur. Ceci était excessivement important, parce que, si, après avoir bâti ces systèmes d'entreprosage, pour remplacer les carrés à grain, les vieilles remises, les vieux hangars avec tous les rats qui se promenaient et en mangeaient une bonne partie, aujourd'hui, dans les silos, on va en garder une plus grande partie qu'auparavant. C'est un peu comme la tubulure, le sirop d'érable ne déborde plus des chaudières, il s'en va directement dans le réservoir. Au point de vue des grains, c'est la même chose, il y a beaucoup moins de perte, dans les grains, avec les systèmes d'entreposage moderne que nous avons aujourd'hui.

Ce qui est important, c'est de travailler à la qualité. Nous avons donc choisi les centres régionaux d'entreposage à la ferme. Nous étions conscients à ce moment-là que le succès du dévelop-

pement de la production locale nécessite un système de regroupement physique de l'offre et un système officiel de classification des céréales. En effet, l'acheteur important, que ce soient les meuniers, les distilleries, les fabricants de farine, etc., veulent des conditions comparables à celles qu'ils rencontrent lorsqu'ils achètent des céréales de l'extérieur, c'est-à-dire une quantité suffisante et stable de grains nettoyés et classifiés.

La création de ce réseau de centres régionaux, n'a cependant pas réglé les autres problèmes de mise en marché. Il n'y avait toujours pas de système de classification adapté aux besoins du Québec, de garantie financière pour les utilisateurs des silos régionaux, de collectes systématiques de l'information sur les prix, etc.

C'est pourquoi nous avons créé, à l'automne 1977, un groupe d'études qui avait pour mandat, et croyez, Mme la Présidente, que tous ces projets qui voient leur aboutissement aujourd'hui, je parle de projets qui ont été mis dans la machine en 1977, à notre arrivée au gouvernement, ne pouvaient pas connaître leur aboutissement immédiatement; il fallait qu'ils connaissent leur période normale de gestation.

C'est pourquoi nous avons créé, à l'automne 1977, un groupe d'études qui avait pour mandat d'étudier toutes les facettes de la mise en marché des grains au Québec et de me faire des recommandations dont celles pertinentes à la création d'une régie québécoise des grains. Ce comité m'a remis, au cours de l'année qui suivit, un rapport recommandant effectivement la création d'une régie québécoise des grains, dont les principales fonctions pourraient être les suivantes: l'administration de politiques et de programmes destinés à stimuler la production et l'utilisation de céréales au Québec, la surveillance de la gestion des centres régionaux, la réglementation et le contrôle de la qualité des grains mis en marché, l'émission de licences et de permis aux agents impliqués dans la commercialisation des grains, la collecte, l'analyse et la diffusion de l'information relative aux marchés céréaliers, la réglementation au niveau des procédures d'achat et de vente.

Suite à la réception de ce rapport, nous avons continué nos consultations concernant la création d'une régie. La conférence socio-économique de Saint-Hyacinthe sur l'industrie céréalière qui a eu lieu au mois de novembre 1979, fut en quelque sorte une super consultation publique où tous les intervenants du secteur des céréales au Québec étaient regroupés ou, du moins, leurs représentants.

Cette conférence socio-économique nous a convaincus de l'urgence de présenter le projet de loi actuellement à l'étude. Permettez-moi de vous citer des extraits du rapport de cette conférence qui est disponible maintenant, dont je viens d'avoir la première copie. C'est un rapport officiel de ce qui s'est dit lors de cette conférence socio-économique. M. Couture, le président de l'UPA, à ce moment-là, disait sur le projet de régie des grains dont la création a été annoncée par le premier ministre: "nous avons fait connaître la philosophie générale de l'Union des producteurs agricoles dans un document déposé le 9 avril 1979 à l'occasion d'une rencontre tenue au bureau du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation du Québec". (1 h 40)

En gros, nous disions alors qu'une telle régie, si on devait la créer, devrait occuper le champ d'intervention qu'occupe la Commission canadienne des grains.

Le projet que nous proposons, Mme la Présidente, va jouer exactement ce rôle. M. Réal Fredette, président de la Fédération des producteurs de culture commerciale disait, également, pour préciser, "nous serions favorables, bien sûr, à une régie qui, au domaine de la classification, verrait à s'adapter vraiment aux conditions du Québec." Il dit un peu plus loin: "Est-ce que, dans votre projet, il y aura une partie qu'on pourrait appeler surveillance du système. Je pense aux balances, aux pesées, au transport, à toute cette série qui fait que parfois, il y a des problèmes. Ce serait facile à régler s'il y avait une organisation indépendante pour voir à ce domaine de la surveillance du système de classification, des bons de garantie, etc."

M. Valmont Blanchette, de l'Association des négociants en céréales du Québec disait: "Lorsque vous parlez de la commercialisation des grains québécois, pour nous, c'est absolument impératif que la classification soit faite, sans quoi on ne peut les commercialiser. Au cours des transactions, selon toutes les normes et les exigences de transactions décrites par les bourses, il y a des garanties qu'on doit donner à ceux à qui on vend, aux consommateurs. Et dans le Québec, la production, l'organisation, la structure de mise en marché sont telles que nous ne pouvons garantir ce produit. Lorsqu'il y aura des structures en place, j'ai l'impression que tous mes collègues se feront non seulement un plaisir et une commodité, mais également un devoir de transiger des grains québécois. Si ces grains sont produits, classifiés, entreposés, de façon à être disponibles, nous ne voyons aucune raison pour laquelle les négociants ne transigeraient pas ces grains."

M. Fernand Beaudet de la Coopérative fédérée de Québec, disait: "Je verrais une régie administrative des grains qui pourrait s'occuper de la classification, ou mettre de l'uniformité là-dedans, pour installer des procédures uniformes. Il y a aussi les silos d'entreposage. Je pense que le provincial a mis beaucoup d'aide gouvernementale là-dedans. Il y a beaucoup d'argent et c'est important qu'il y ait des règlements là-dedans. Il y a aussi la question de protéger les intérêts des producteurs. Les grains, cela coûte cher, cela se produit en volume. Si le producteur en a mis en entreposage dans un silo, quelle est sa protection. Sinon que quelqu'un soit responsable là-dedans? "Celui qui dit cela, M. Beaudet, s'occupe, à la Coopérative fédérée, justement des grains. La coopérative, qui est un entreposeur de grains, souhaite qu'il y ait des garanties données aux producteurs parce qu'il peut y avoir des pertes

encourues par des producteurs qui ont déposé leur récolte là-dedans.

Et il continue en disant: "Dans l'Ouest, il y a la Commission canadienne des grains qui s'occupe de cela, la classification et l'assurance-responsabilité. Elle s'assure que le propriétaire de silo est capable, est viable, est solvable. Je vois une régie administrative qui va mettre de l'organisation, qui va mettre des règlements, qui va aider, qui va protéger le producteur et qui va peut-être aussi l'éduquer."

La protection du producteur là-dedans, c'est via l'information et via l'éducation. Il sait que la concurrence dans les grains vient de l'Ontario, à un tel prix livré à la meunerie. S'il a une qualité égale, il n'a tout simplement qu'à maintenir ce prix et l'obtenir et c'est ce qu'il devra obtenir.

Vous voyez, Mme la Présidente, que la plupart des intervenants — pas la plupart, mais tous les intervenants — qui étaient impliqués personnellement dans les céréales, ont souhaité la création d'une régie, d'une régie québécoise, qui s'occuperait d'abord de faire la classification des grains, de voir à ce que la classification soit faite selon des prescriptions prévues par règlement, voir à surveiller que tout cela marche correctement et voir à ce qu'il y ait des bons de garantie pour protéger les producteurs qui entreposent leur récolte dans ces silos régionaux.

Et nous sommes tellement confiants que ce projet de loi va être bien reçu que nous avons même prévu que les permis seraient facultatifs. C'est quoi la Régie des grains du Québec? Je vais le dire en deux mots. Je suis pressé, Mme la Présidente, mais habituellement, dans le monde agricole, on aime cela prendre notre temps pour expliquer ce qu'on a à dire et là, je suis un peu bousculé par les événements, parce que nous sommes en fin de session et que les libéraux s'en vont tous. Il n'y a que l'ex-député de l'Union Nationale qui est resté. Tous les autres sont partis.

Le présent projet de loi prévoit la création d'une régie. Je peux dire que depuis que je suis en Chambre, je n'ai jamais eu le bonheur de voir le chef du Parti libéral écouter un débat sur l'agriculture. Ce n'est jamais arrivé une fois. Il est toujours parti. Je ne sais pas s'il ne m'aime pas ou s'il a quelque chose qui ne va pas, qu'il n'aime pas le sujet ou je ne sais quoi. Mais jamais c'est arrivé, il n'est jamais arrivé une seule fois qu'il reste à un débat agricole. Moi, je n'en reviens pas.

Le présent projet de loi prévoit la création d'une régie qui accordera des permis à un marchand de grains, un exploitant d'un centre régional ou un exploitant d'un centre de séchage qui veut utiliser dans l'exercice de ses activités une classification prescrite par règlement à l'égard d'une classe de grains et qui s'engage à n'acquérir ou à ne recevoir que du grain classé ou destiné à l'être conformément à la présente loi et ses règlements ou conformément à Loi sur les grains du Canada et ses règlements. Il s'engage aussi à respecter les règlements, entre autres ceux qui seront relatifs à la classification de registres et de comptes.

Par rapport à la Loi sur les grains du Canada, le projet de loi est souple et bien adapté aux besoins actuels du Québec. C'est le grand rôle de la commission canadienne des grains. Nous avons retenu pour la régie québécoise l'émission de permis, l'établissement des différentes classes de grains, le contrôle de l'inspection et la classification des grains, la protection financière des différents intervenants par l'exigence de cautionnements financiers pour les agriculteurs et la collecte d'informations sur les prix et les quantités de céréales transigées.

En plus de ces tâches, la Commission canadienne des grains a aussi le contrôle pour l'homologation de nouvelles variétés et la fixation de tarifs maximaux que peuvent exiger les détenteurs de permis ainsi que le contrôle des tarifs de transport, l'inspection des balances et la recherche sur les grains, mais nous n'avons pas l'intention de contrôler tout cela quant à nous.

Enfin, contrairement à la loi canadienne, il n'y aura aucune disposition dans la loi qui peut permettre d'exiger que tous les centres de séchage, les centres régionaux et les marchands de grains soient licenciés. Ceux qui voudront continuer à opérer sans permis le pourront pour autant qu'ils n'emploient d'aucune façon les classifications contenues dans la loi et les règlements de la régie.

Ce que nous suggérons s'apparente un peu au système américain. On dit toujours que ce sont des règlements dans les pays socialistes. Voyez-vous, encore une fois, je vous montre qu'on a un système qui se compare un peu, qui prend son origine dans le système américain. Dans ce pays, le système fédéral qui se nomme The Federal Grains Inspection Service est le responsable de la classification, du pesage ou de la manutention du grain américain qui va à l'exportation alors que, pour le commerce domestique, il ne fait que superviser le travail fait par les Etats ou encore les compagnies qui ont obtenu un permis. En fait, les Etats américains ne se substituent pas à l'organisme national et ne sont, en réalité, qu'un complément pour le marché domestique. C'est un peu notre objectif. Nous ne voulons pas remplacer la Commission canadienne des grains, mais jouer dans notre milieu les fonctions qui ne lui sont pas actuellement dévolues et nécessaires à une mise en marché ordonnée.

Pour ce qui regarde la classification proprement dite, nous espérons en arriver à une entente administrative pour que nos classifications respectives, celles de la Commission canadienne des grains et celles de la Régie québécoise des grains, soient identiques et mutuellement acceptables.

Voilà, Mme la Présidente, en gros les objectifs que nous poursuivons par le dépôt du projet de loi no 75, la Loi sur les grains du Québec.

La Vice-Présidente: M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: Merci, Mme la Présidente. Beaucoup plus brièvement que le ministre, j'aimerais

apporter quelques commentaires sur ce projet de loi sur les grains. Le projet de loi 75 vise principalement l'application d'un système de classification en vue du classement des grains utilisés au Québec.

Mme la Présidente, sur le principe même, j'aimerais indiquer mon accord, puisqu'il est important que les producteurs québécois puissent se prévaloir d'un outil nécessaire à la mise en marché des grains classifiés et de qualité uniforme. Une constance de qualité est aussi très importante au niveau des acheteurs et particulièrement au niveau des brasseries qui, selon mes indications, ne sembleraient pas favoriser énormément l'achat de maïs, surtout de maïs-grain québécois. Les brasseries, dans leur souci de qualité constante, doivent rechercher des produits dont la qualité est elle aussi constante et dont la classification est basée sur des normes très sévères.

Mme la Présidente, sur l'aspect de la classification, j'endosse les intentions du ministre, mais je crois que le ministre aurait eu intérêt à s'entendre avec la Commission canadienne des grains, laquelle possède le "know-how" dans ce domaine de classification, en plus d'une renommée mondiale bien acquise. (1 h 50)

Un fait à remarquer, Mme la Présidente, c'est que l'Ontario a accepté l'offre de la Commission canadienne des grains, afin d'assurer l'inspection de tous les grains produits et transigés sur son territoire. Pour le Québec, je m'interroge sur l'opportunité de se doter d'une régie québécoise, surtout face au bas volume de production ici et aussi parce qu'il faudra tout de même que nos normes soient identiques à celles appliquées par la Commission canadienne des grains.

Il faut également considérer que la très grande majorité des entrées ont déjà reçu l'inspection de la Commission canadienne des grains. Sur ces points, le ministre m'ouvre la porte à spéculer. Peut-être croit-il que le référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec apportera aux Québécois l'indépendance politique, et si la naïveté du ministre allait aussi loin que cela, je pourrais comprendre qu'il désire se dissocier de tout contrôle, ou de toute norme venant d'un pays qui, à ses yeux, serait étranger.

Mme la Présidente, si c'est là la raison de cette régie, j'aimerais que le ministre nous en fasse part. Ce serait pour moi un éclairage très important. Si la raison était de placer à l'intérieur de sa régie certains amis du parti, qu'il nous en fasse part également.

Si le ministre, par la création de cette régie, entend mettre en place une structure et qu'une fois bien rodée, se verrait attribuer des pouvoirs additionnels, comme par exemple, ceux de s'ingérer dans le commerce des grains ou dans l'établissement des prix, il faudrait que le ministre nous en fasse part immédiatement. Il serait, selon moi, très important de connaître les vraies intentions du ministre et celles du gouvernement dans ce dossier particulier.

Nous savons que le document Bâtir le Québec fait état, de façon voilée, d'un tel instrument pouvant contrôler au besoin les prix, et ceci, dans le concept d'une politique d'autosuffisance sélective. A mon sens, il ne m'apparaît pas utile d'apporter une telle mesure législative, si ce n'est que pour répondre au grand rêve péquiste qu'est l'option d'indépendance, sinon on aurait eu avantage à s'ajuster aux structures et aux contrôles de qualité, ainsi qu'à la classification telle qu'exercée par la Commission canadienne des grains dont les services sont disponibles à tous les Canadiens.

Mme la Présidente, je tiens encore à préciser que j'accorde beaucoup d'importance à la classification, mais les moyens que le ministre entend prendre ne me semblent pas indiqués pour atteindre son objectif. Alors que l'on compte au Québec un fonctionnaire pour neuf producteurs agricoles et que l'on doit reconnaître que la bureaucratie est de beaucoup supérieure ici qu'en Ontario, il me paraît, à ce moment, vraiment superflu de l'augmenter encore.

En terminant, j'aimerais que le ministre, dans sa réplique, nous assure hors de tout doute, que l'entreprise privée continuera à jouer le rôle prépondérant qui est actuellement sien et qu'il n'entend d'aucune façon étatiser la commercialisation des grains au Québec.

Mme la Présidente, ceci résume quelques commentaires que j'avais à faire sur ce projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Vioe-Présidente: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: Mme la Présidente, je vais tâcher de relever quelques remarques de la part du ministre sur cette régie qu'il veut former en vue de faire en sorte d'inspecter tous les grains produits au Québec. Je voudrais l'avertir d'avance que cela ne prendra pas tellement d'inspecteurs, parce que le volume de production de grains au Québec n'est pas tellement élevé.

Simplement, je ne suis pas contre la formation de cette régie. Je pense que c'est une bonne initiative. On va pouvoir commencer à entraîner les inspecteurs sur les normes canadiennes, pour ne pas dire les normes nord-américaines qui sont presque des normes mondiales, et avec un peu de rodage nous espérons que la tâche qu'on a entreprise d'augmenter la production québécoise dans ce domaine sera un succès et fera en sorte que cette régie pourra devenir plus utile qu'elle ne l'aura été dans le passé, parce que si on se rappelle un peu l'histoire, le grain produit au Québec était une chose un petit peu négligée dans le passé. C'était l'Ouest canadien qui faisait la production des grains et l'Est qui faisait la production du lait. Mais, depuis quelques années, on a tâché de faire en sorte que ce courant soit inversé un peu et on veut développer, comme on peut facilement le faire au Québec, une production beaucoup plus volumineuse qui ne s'est faite dans le passé.

Pour ce faire, évidemment, il faut se documenter, s'équiper. Je voudrais que toutes ces nouvelles lois, ces nouvelles mesures qu'on apporte, ces commissions, ces régies puissent seconder le ministre dans ses efforts. Nous pourrons, dans un avenir rapproché, voir une évolution marquée de cette régie qui, d'abord, a été demandée par l'UPA et par les gens d'à peu près toutes les catégories qui sont touchés par la commercialisation des grains au Québec.

Mme la Présidente, je n'insisterai pas plus longtemps. On aura la chance, en commission parlementaire, en troisième lecture, de discuter de façon plus élaborée ce projet de loi qui est devant nous ce soir.

La Vice-Présidente: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Julien Giasson

M. Giasson: Mme la Présidente, très brièvement, voici que le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation propose à l'Assemblée de pousser l'étude d'une pièce législative qui est une conséquence assez directe de politiques récentes qui ont été lancées au Québec en matière de productions céréalières découlant d'un goût nouveau, de possibilités nouvelles qui ont été constatées par des producteurs agricoles de chez nous, à savoir de modifier un petit peu nos productions traditionnelles et de tenter une pointe dans de la production de céréales, chose qui était plutôt très faible au Québec et ça, depuis de nombreuses années.

Il fut une époque, comme l'a souligné le ministre lors de son intervention, où le Québec avait des emblavures, des ensemencements assez importants. C'était surtout à la fin du siècle dernier, avant que les provinces des Prairies aient vraiment lancé la production céréalière dans cette région du pays. Mais, au fur et à mesure que les trois provinces des Prairies ont agrandi les superficies défrichées, ensemencées, la production des céréales s'est déplacée graduellement vers ces provinces, tant et si bien que l'agriculture québécoise a été confinée dans d'autres secteurs de production, dans d'autres champs de production.

Ces dernières années, comme je l'indiquais, et le ministre en a fait état tout à l'heure, les producteurs du Québec ont eu à dépendre très largement, depuis environ 20 ans, de la production de céréales venant des prairies, surtout avec un développement très rapide de productions sans sol au Québec. Je fais allusion ici à la production du porc, comme à la production du côté de l'aviculture. Il s'agit là de deux productions qui ont connu là un essor considérable depuis environ 20 ans, on pourrait dire même 30 ans. Depuis 30 ans, nous assistons à un phénomène de développement très rapide de ces deux grandes productions sans sol, ce qui a fait que les producteurs québécois ont augmenté de façon considérable également les achats et les importations de grains venant du côté des Prairies.

Au cours des récentes années, on a réalisé qu'avec l'augmentation du prix des céréales en général, et ça, au niveau international, au niveau mondial, les producteurs du Québec ont constaté qu'il y avait peut-être des possibilités de développement, surtout dans les régions du Québec qui sont nettement plus chaudes en matière de climat que les régions telles que le Saguenay-Lac-Saint-Jean, le Nord-Ouest québécois ou le Bas-Saint-Laurent, tant et si bien que la politique mise de l'avant par le gouvernement fédéral, voulant compenser le retrait des subventions d'aide au transport, a décidé d'offrir aux provinces, entre autres, à la province de Québec, une équivalence du coût de transport en signant une entente avec le ministère de l'Agriculture du Québec aux fins de consacrer $35 millions payables sur une période de cinq ans pour le développement et l'entreposage des céréales à la ferme. (2 heures)

A ceci est venue s'ajouter une des bonnes politiques, une des vraies bonnes politiques de l'actuel gouvernement, de l'actuel ministre de l'Agriculture, le développement de centres régionaux de réception, d'entreposage et de criblage. Mais il manquait une dimension, en dépit de ce programme de développement des centres régionaux de céréales, celle de la classification, d'un système de classification et de normes de qualité, puisque toutes les autres provinces au pays qui produisent des céréales sont assujettis à de telles normes, de par l'existence de la Commission canadienne des grains, qui remonte, sauf erreur, vers l'époque de 1912.

La première loi sur les grains que le gouvernement fédéral a votée au pays doit remonter vers 1912 et cette loi fut amendée par la suite en 1930, pour créer la Commission canadienne des grains. De la sorte, l'expertise qu'a développée la Commission canadienne des grains a été reconnue au plan mondial à un point que le Canada est devenu, de tous les pays producteurs de céréales au monde, le pays qui avait le meilleur système de classification, de contrôle, de manutention, de transport même des stocks, compte tenu de l'immensité de ce pays. Ainsi, les pays acheteurs de céréales dans le monde ont fini par reconnaître une particularité au Canada, c'est qu'ils pouvaient se permettre d'acheter des céréales sans venir les inspecter. Quand le Canada donnait tel "grade" de produit, telle classification de produit, les pays importateurs de céréales étaient sûrs que, une fois un contrat signé avec le Canada sur tel "grade" ou telle qualité de produit, ils pouvaient "bâcler", fermer le contrat d'achat, ils étaient certains d'avoir la livraison de ce qui correspondait aux achats.

Cela a été reconnu par tous les pays importateurs du monde, au point que, un jour, les Etats-Unis d'Amérique, qui étaient également des exportateurs de céréales, ont jugé qu'ils devaient examiner le système de classification et de contrôle qu'avait la Commission canadienne des grains et ajuster leur propre système à ce que nous avions ici au Canada.

Il manquait donc à la politique de développement de centres régionaux de séchage et d'entreposage, comme le développement des silos à la

ferme, la dimension d'une classification afin de créer une uniformité des grains produits au Québec par rapport à l'ensemble du système qui prévaut au pays. De ce côté, vous comprendrez, Mme la Présidente, très facilement que l'Opposition officielle, comme l'a signalé mon collègue tout à l'heure, donne son appui au projet de loi parce qu'il vient compléter un trou, un manque à l'intérieur de ce programme que le ministère de l'Agriculture a commencé à instaurer au Québec.

Le ministre nous a dit que d'autres centres régionaux d'entreposage et de séchage devraient se construire au cours de la prochaine année de façon à couvrir à peu près toutes les régions du Québec où la production céréalière a des chances de se développer et répondre aux conditions nécessaires à cette production.

Je crois que l'instauration de la régie, qui aura comme fonction première d'uniformiser un système de contrôle et de classification, de surveiller la mise en route et les méthodes opérationnelles qu'on va retrouver dans des centres régionaux comme du côté des silos à la ferme, de surveiller tout ça et d'établir des systèmes de contrôle, va permettre à des distilleries que nous avons et qui opèrent au Québec, qui avaient toujours boudé en général les grains, surtout le maïs-grain produit du Québec, d'acquérir, à partir de la mise en place d'un système de contrôle précis et juste, le maïs-grain produit dans la province et de ne plus dépendre uniquement de provinces telles que l'Ontario ou les Prairies, et même, parfois, du maïs importé des Etats-Unis.

Cela ne règle pas pour autant tout le problème de la commercialisation des grains et je crois qu'il est bien qu'il en soit ainsi. J'ai senti, chez les différents intervenants dans le secteur des céréales, tant du côté des producteurs que des utilisateurs, qu'on ne souhaitait pas que la Régie des grains au Québec établisse un contrôle sur la commercialisation. Les producteurs en général semblent vouloir s'en remettre à un contrôle qui leur soit personnel au plan de la profession comme producteurs de céréales, de façon à instaurer les plans conjoints, si c'était nécessaire un jour. Ainsi les producteurs veulent que la régie des grains se limite à ce rôle qui est propre à la classification et au contrôle de la qualité. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture exercera-t-il son droit de réplique?

M. Jean Garon

M. Garon: Très rapidement, Mme la Présidente. Je voudrais dire d'abord que la régie n'aura aucun contrôle sur les prix puisque ce sera artificiel de vouloir contrôler les prix au Québec alors que nous importons 65% des grains, dans l'état actuel des choses, et que c'est beaucoup plus le marché américain, la bourse de Chicago ou encore la Commission canadienne du blé qui fixe les prix des grains au Canada. A ce moment-là, ce serait artificiel de vouloir contrôler les prix.

Deuxièmement, la régie n'a pas l'intention non plus de faire du commerce. Cela a été mentionné par les différents intervenants. On ne souhaite pas que la régie fasse du commerce. Le gouvernement ne voulait pas que la régie fasse du commerce non plus. Alors, il n'y a pas de problème à ce point de vue-là. La régie va faire exactement ce sur quoi tout le monde s'était entendu lors de la conférence de Saint-Hyacinthe, ce qu'on avait souhaité qu'elle fasse, la classification des grains, assurer la garantie et la solvabilité des centres et également, surveiller l'ensemble du système après avoir établi une classification des grains, un classement des grains.

Nous souhaitons faire la meilleure entente possible avec la Commission canadienne des grains. Il y a déjà eu des rencontres, mais à ce moment-là il n'y avait pas eu de projet de loi, pour voir un peu leur état d'esprit. Nous souhaitons avoir la meilleure collaboration possible avec la Commission canadienne des grains. De sorte que la régie devrait connaître une naissance harmonieuse, ce que je souhaite. Quant à ceux qui ont dit que c'était pour placer des amis, je vais vous dire une chose. Le problème c'est plutôt de trouver des gens compétents à nommer sur une régie comme celle-là. Il s'agit d'un secteur dans lequel on n'a jamais opéré au Québec, la classification des grains, et vous pouvez être certains que la principale préoccupation c'est de trouver des gens compétents qui vont pouvoir travailler à la classification des grains au Québec, pour que les cultivateurs qui vont faire du grain de qualité obtiennent un meilleur prix. Et en obtenant un meilleur prix, tous les cultivateurs québécois vont être intéressés à faire des céréales pour obtenir le meilleur prix sur le marché. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: La motion de deuxième lecture du ministre de l'Agriculture concernant le projet de loi no 75, Loi sur les grains, est-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. La Vice-Présidente: Adopté. Renvoi à la commission de l'agriculture

M. Charron: Adopté. Madame, je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture et de l'alimentation.

La Vice-Présidente: La motion est-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. M. Brochu: Adopté.

M. Charron: Avant de proposer l'ajournement de la Chambre à dix heures, madame, je voudrais donner un aperçu de l'ordre dans lequel les travaux de demain, d'aujourd'hui plutôt, le 19

décembre, seront appelés. Immédiatement après la période de questions, nous procéderons à la prise en considération du rapport concernant le projet de loi no 74. Par la suite, seront appelées dans l'ordre les deuxièmes lectures des projets de loi 65 et 68, au nom du ministre du Revenu, et la Chambre procédera à leur étude en commission plénière. Nous ferons aussi, par la suite, une révocation de l'ordre de référence en commission parlementaire du projet de loi no 72 créant le ministère de l'Energie et des Ressources pour plutôt faire, au cours de la séance de demain après-midi probablement, l'étude, également ici en Assemblée, article par article, de ce projet de loi. Il a déjà été déféré. Je proposerai plutôt de le rappeler. Je le ferai en temps et lieu demain. Finalement, la loi...

M. Levesque (Bonaventure): En commission plénière?

M. Charron: Oui, de même que la loi 66 qui unifie ou crée, change au moins l'appellation d'un certain nombre de ministères. C'est un projet de loi qui est à mon nom. Ceci complétera notre journée de travail demain.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le ministre a volontairement omis les troisièmes lectures? (2 h 10)

M. Charron: Mon Dieu, celles qui seront prêtes, il y en a qui sont prêtes effectivement, on en a laissé en suspens ce soir. Ou en fin de séance demain après-midi, pour donner le temps à ceux qui ont demandé une suspension d'une séance de réexaminer leur position.

M. Brochu: Est-ce que le leader parlementaire du gouvernement a volontairement omis la prise en considération du rapport de la loi 77?

M. Charron: Non, je la prévois jeudi. M. Brochu: Ah!

La Vice-Présidente: Vous en étiez aux commissions plénières, M. le leader.

M. Charron: Aux commissions parlementaires, madame, il y aura, bien sûr, la commission sur le projet de loi 57, qui poursuivra son travail. La commission sur la loi 17, j'ai reçu aujourd'hui des rapports encourageants, non seulement sur la façon dont procède cette commission, mais sur le climat qui y règne et à un tel point que ce soir, nos collègues membres de cette commission — je ne leur en fais pas grief aucunement — ont choisi, à 23 heures, après avoir été rappelés ici pour le vote de troisième lecture sur la loi spéciale, de ne pas reprendre leurs travaux, confiants qu'ils étaient que l'heure qu'ils abandonnaient ce soir allait être avantageusement reprise demain. Au point qu'on puisse espérer que vers 15 heures demain après-midi, cette commission aura terminé son travail et pourra laisser place à la commission de l'éducation pour continuer son travail, déjà entrepris, sur le projet de loi 71, demain après-midi et demain soir.

Les informations que j'ai me disent que, de part et d'autre, ces heures de travail, ces sept heures de travail en commission parlementaire suffiraient pour mettre fin à une étude attentive de ce projet de loi déjà assez avancé, à ce qu'on me dit.

De même, demain soir, je viserais, si tout marchait sur des roulettes, à mettre fin aux travaux de la Chambre aux alentours de 18 heures, ou à peu près, pour donner congé à l'Assemblée et plutôt convoquer une troisième commission parlementaire. Outre sur les projets de loi 57 et 71, ce serait celle de l'agriculture et de l'alimentation qui vient de recevoir deux projets de loi ce soir et ce, jusqu'à jeudi donc.

Il reste un point d'interrogation, que nous règlerons demain. Je crois que le leader de l'Opposition en a été saisi, le projet de loi de SIDBEC aurait normalement dû être étudié hier ou aujourd'hui, nous n'avons pas pu à cause des circonstances que vous savez. C'est un projet de loi de quelques articles seulement, même pas une dizaine et il y a une question qui se soulève à propos de la présence, qui pourrait être nécessaire, du président directeur général de SIDBEC qui doit partir pour une mission dans l'exercice de sa fonction, demain soir, en Europe.

Si, par un consentement, on pouvait trouver... même je ne le sollicite pas, parce qu'il s'agit de s'assurer la présence d'un certain nombre de membres, à ce moment-ci, mais je dis seulement que demain, il est possible que je fasse cette demande. Si c'est impossible, on se privera de sa présence, mais c'est seulement pour le travail de la commission qu'il serait opportun d'avoir sa présence dans le cas de l'étude article par article. Gardons ça sur la glace, Mme la Présidente, allons plutôt nous coucher et je propose l'ajournement à demain...

M. Grenier: Mme la Présidente...

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le leader parlementaire du gouvernement veut nous indiquer à quel poste se trouve ce dernier projet de loi?

M. Charron: SIDBEC, c'est la loi 73 qui a été déférée à la commission parlementaire de l'industrie et du commerce. Je n'ai pas mon feuilleton avec moi, mais vous devriez le trouver dans les projets de loi déférés aux commissions, après la deuxième lecture.

M. Levesque (Bonaventure): Je ne le trouve pas.

M. Charron: II n'est pas dans le feuilleton?

M. Duhaime: C'est le feuilleton de l'année passée que vous avez.

M. Levesque (Bonaventure): J'ai le feuilleton de mardi, le 18 décembre 1979. Je comprends qu'on est rendu au 19, mais ça, c'est hors de mon contrôle.

M. Giasson: On l'a perdu dans le décor.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je pense que le leader parlementaire du gouvernement vient de se rendre compte qu'on en a perdu un.

M. Charron: Ah, ah! on a voté dessus ce matin, la deuxième lecture de ce projet de loi, il a été déféré immédiatement après...

M. Levesque (Bonaventure): Quelle page?

M. Charron: C'est parce que c'étaient des votes en suspens ce matin.

M. Duhaime: C'est cela. Ils seront au feuilleton demain matin. Est-ce que vous l'avez?

M. Levesque (Bonaventure): D'accord. On vient de le retrouver.

M. Duhaime: II ne faudrait pas le perdre, c'est $150 millions.

M. Grenier: Est-ce que le leader peut nous informer de ce qui arrive à la loi sur les sports? Je n'ai pas le numéro. Est-ce que la commission est terminée?

M. Charron: Elle est terminée. M. Grenier: C'est terminé?

M. Charron: Avec la collaboration de tout le monde. Je remercie l'Opposition qui a permis que cette troisième commission puisse siéger ce soir. Il semble que, d'après les informations que j'ai eues, non seulement on y a accompli un bon travail et on s'y est même beaucoup amusé.

M. Grenier: Avec un numéro comme cela, c'est bien assez.

La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): Votre motion, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je propose l'ajournement à tout à l'heure, à dix heures, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): Motion adoptée.

M. Levesque (Bonaventure): Adopté, forcément.

La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): Cette Assemblée ajourne ses travaux à tantôt, dix heures.

Fin de la séance à 2 h 16

Document(s) related to the sitting