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(Dix heures douze minutes)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
Un moment de recueillement.
Vous pouvez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler... Je ne sais pas lequel des articles vous voulez que j'appelle.
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 3.
M. Bertrand: L'article 3, sur la motion présentée
par M. le premier ministre.
Reprise du débat sur la motion
déterminant les conditions sous
lesquelles le Québec ne peut
accepter le projet de rapatriament
de la constitution
Le Vice-Président (M. Jolivet): Reprise du débat
sur la motion de M. Lévesque (Taillon), premier ministre du
Québec. La parole était au ministre d'État au
Développement culturel et scientifique.
M. le ministre.
M. Jacques-Yvan Morin
M. Morin (Sauvé): M. le Président, ce n'est pas la
première fois que le Québec et cette Assemblée sont aux
prises avec la volonté de la majorité anglophone et du
gouvernement d'Ottawa de plier la société
québécoise à leurs intérêts.
Ceux qui connaissant un peu l'histoire, et ils sont probablement
nombreux dans cette enceinte, se souviendront des luttes - pour ne pas dire des
bagarres - incessantes auxquelles fut astreinte notre première
Assemblée au temps du Bas-Canada, de 1792 à 1837, alors que les
anglophones, qui ne constituaient à l'époque qu'une
minorité, appuyée il est vrai par le pouvoir considérable
de la métropole britannique, déjà tentaient de faire
valoir leur volonté à l'encontre de la majorité que nous
étions alors.
Combien plus âpres et plus difficiles aussi sont devenus ces
combats depuis que nous-mêmes sommes devenus minoritaires, une
minorité décroissante, hélas, dans l'ensemble du Canada.
Tous les outils sont bons pour nous plier, pour nous mater: la constitution,
les finances, l'espionnage au besoin, jusqu'à l'espionnage, M. le
Président, comme on vient de l'apprendre par la bouche d'un responsable
de la Gendarmerie Royale du Canada. Comme si nous étions, nous l'a-ton
rappelé, un corps étranger dans notre propre pays.
Il faut, je pense, en prendre notre parti; je ne veux pas dire par
là que nous devions nous résigner, comme certains le feraient
volontiers, mais pour mieux comprendre notre situation politique, pour
comprendre aussi que tout peuple placé, comme nous le sommes, dans une
situation minoritaire, engendre, pour ainsi dire, inexorablement deux groupes,
deux écoles de pensée, deux attitudes. D'une part, ceux qui sont
toujours disposés plus ou moins à plier, à faire des
compromis au détriment de leur groupe. Cela conduit, bien sûr,
à des démissions toujours plus grandes au fur et à mesure
que le groupe diminue en nombre, comme l'a très bien
démontré, je pense, dans son Portrait du colonisé, Alberto
Memmi. Et, d'autre part, il y a ceux qui veulent au contraire affirmer
l'existence de leur groupe, de leur peuple, qu'ils veulent voir survivre en
tant que tels et être libres, libres de choisir; ceux qui appellent
à la résistance par tous les moyens légitimes.
Il en sera ainsi, M. le Président, aussi longtemps que nous
accepterons de demeurer une minorité dans l'ensemble du Canada
plutôt que de décider de devenir la majorité ici même
au Québec. Ce choix n'est pas nouveau, ce choix est permanent dans notre
histoire et il nous accompagnera aussi longtemps que nous ne l'aurons pas
effectué. Le 20 mai 1980, plusieurs d'entre nous ont voulu donner une
dernière chance - toujours la dernière chance - au régime
fédéral dont M. Trudeau nous faisait savoir, à
l'époque, qu'il allait le réformer en profondeur. Beaucoup ont
cru à cela à l'époque et maintenant il faut en payer le
prix.
Ottawa veut désormais empiéter même sur les
compétences exclusives du Québec. Il veut que nous acceptions des
changements constitutionnels et cela en allant jusqu'à forcer notre
consentement, jusqu'à se passer de notre consentement si la chose lui
paraît nécessaire, choses qui auraient paru inconcevables avant M.
Trudeau, mais qui sont maintenant devenues une réalité parce que
justement, quand un peuple n'arrive pas à se dire oui à
lui-même, tôt ou tard, il est acculé forcément
à dire constamment non aux autres, au fur et à mesure que ceux-ci
cherchent à empiéter sur ses droits et sur les compétences
de son Assemblée.
Pour justifier cette démarche unilatérale à
laquelle nous sommes confrontés, le pouvoir fédéral va
jusqu'à nier le caractère distinct de la
société
québécoise. Il va jusqu'à remettre en doute
l'égalité entre les deux peuples qui ont formé le Canada
depuis deux siècles maintenant.
Le temps dont je dispose ce matin ne me permet pas d'examiner tous les
détails du projet constitutionnel. Aussi, vais-je me contenter de deux
aspects qui me paraissent majeurs: la question du droit de veto du
Québec et la tentative fédérale de casser notre
législation linguistique, particulièrement dans le domaine
scolaire.
D'aucuns ont nié l'existence de ce droit de veto ou clament que
le Québec y aurait renoncé. Le chef du gouvernement
fédéral, il y a quelques jours encore, en conférence de
presse - ce n'était pas la première fois -déclarait que le
Québec - c'était sa faute -y avait renoncé. Le
thème a été repris -j'en dirai quelques mots tout à
l'heure - ici même, dans cette Assemblée, peut-on le croire, par
le chef de l'Opposition. (10 h 20)
Je me contenterai de faire une allusion très brève aux
aspects historiques de ce droit de veto. Nous l'avons toujours
possédé et nous soutenons depuis toujours que rien ne peut
être changé dans les dispositions fondamentales de la constitution
de ce pays sans le consentement du Québec. Bien sûr, pendant
longtemps, ce droit de veto s'est confondu avec la règle de
l'unanimité des provinces à l'égard des changements
constitutionnels, ou encore avec la règle d'une majorité
qualifiée qui comprenait toujours le Québec, l'Ontario, un
certain nombre de provinces à l'Ouest et un certain nombre de provinces
à l'Est du pays. Cependant, à compter de 1964, les choses sont
devenues beaucoup plus claires. Grâce au refus de M. Lesage, refus
opposé au mode d'amendement qui s'appelait, à l'époque, la
formule Fulton-Favreau, grâce, également, au refus d'accepter la
charte de Victoria en 1971, refus appuyé par toute cette Chambre, on
s'en souviendra, le Québec a pu affirmer, au moins à deux
reprises et de façon très claire, qu'il possédait un droit
de veto, en ce sens que son consentement est nécessaire pour que les
dispositions fondamentales de la constitution soient modifiées.
Donc, le Québec agissant seul, a fait échec, tant en 1965
qu'en 1971, à deux tentatives bien claires de modifier la constitution.
Il y a fait échec en disant simplement non et ce droit de dire non et
d'empêcher des changements a été reconnu par M. Pearson
à l'époque et ensuite par M. Trudeau. Je vous fais grâce
des citations, mais je pourrais mettre devant cette Chambre des
déclarations de M. Trudeau, à l'effet que le non du Québec
explique l'échec de la charte de Victoria. Mais, il ne se tenait pas
pour battu. Le Canada anglais ne se tenait pas pour battu. Puisque le
Québec possédait un droit de veto, il fallait tout faire pour
l'en déposséder, pour le lui arracher, et c'est ce qui explique,
au fond, toute la démarche actuelle, M. le Président.
Récemment, M. Trudeau a soutenu, à plusieurs reprises, et
encore ces jours derniers, que le gouvernement du Québec aurait
renoncé à ce fameux droit de veto. M. le Président, il
n'en est rien. Non seulement le Québec possédait ce droit, mais
il le possède encore aujourd'hui. Cependant, il faut bien admettre que
ce n'est pas la situation idéale puisque ce droit de veto
s'étend, comment dire, à l'ensemble du Canada et empêche
les autres provinces de se donner une constitution à leur goût,
plus centralisatrice, si telle est leur volonté. Le Québec a
toujours voulu demeurer à l'écart de cette tendance
centralisatrice, mais empêcher les autres de se donner un gouvernement
central fort, cela a toujours été une démarche
difficultueuse, disons-le, une attitude presque impossible pour le
Québec, puisqu'il empêchait les autres de se réaliser
eux-mêmes. C'est pour ces raisons qu'on disait souvent au Canada anglais,
dans les années soixante et au début des années
soixante-dix, que le Québec constituait ce qu'on appelait un "stumbling
block" pour le Canada anglais. Eh bien, c'est la raison pour laquelle le
gouvernement québécois a décidé d'offrir autre
chose aux provinces; cela a donné l'accord du 16 avril dernier.
Vous vous souviendrez que, dans cet accord, nous nous montrions
disposés à échanger ce droit de veto contre un droit de
retrait constitutionnel assorti de la pleine compensation financière,
droit de retrait qui, de fait, est un droit de veto, mais limité au
Québec, qui n'empêche pas les autres provinces de faire à
leur tête. Je pense qu'il est clair qu'il y avait des conditions à
cet échange entre le droit de veto et le droit de retrait, et l'une de
ces conditions était la pleine compensation financière. On sait
maintenant que le gouvernement fédéral refuse cette condition et
que les sept provinces anglo-canadiennes, qui avaient commencé par
l'accepter, nous ont laissé tomber dans la fameuse nuit du 4 au 5
novembre.
Quand nous disons à quelqu'un "j'offre de faire ceci si vous
faites cela" et que le vis-à-vis répond "non, je ne ferai pas
cela", il est bien clair que nous demeurons entièrement libres de dire
"eh bien, nous ne ferons pas ceci". Quand on offre d'agir à certaines
conditions et que les conditions ne sont pas remplies, on retrouve sa pleine
liberté d'action et, en l'occurrence, le Québec retrouve son
plein droit de veto. C'est essentiellement, d'ailleurs, ce que dit la motion
qui est devant cette Chambre. La stratégie des adversaires du
Québec est évidemment de tenter de nous dépouiller de ce
droit de veto parce que, par la suite, nous serions livrés pieds et
mains liés à la
majorité anglophone du pays et à la majorité des
provinces anglophones.
Voit-on ces faux frères, les libéraux
fédéraux du Québec, défendre le Québec, le
droit de veto du Québec? Jamais de la vie! Non seulement ils tentent
d'accréditer l'idée que nous y aurions renoncé, mais ils
tentent - et cela, c'est vraiment le comble du cynisme majoritaire - de faire
peser la responsabilité de cet abandon sur le gouvernement du
Québec. Allez donc négocier dans des circonstances comme celai
Vous proposez un échange et on vous dit que vous avez renoncé
à vos droits sous prétexte que vous étiez prêts
à négocier. Je pense qu'il y a là une bonne leçon
qui nous apprend, entre autres, que chaque fois qu'on tente de négocier
avec la majorité anglo-canadienne, on risque d'être trompé
et de se ramasser Gros-Jean comme devant, comme cela a été tant
de fois le cas dans notre histoire.
Malheureusement, une fois de plus, selon une très vieille
habitude, les fédéraux mentent effrontément aux
Québécois; ils sont prêts à dire n'importe quoi, ils
affirment que le Québec lui-même a renoncé à la
protection que lui vaut ce droit de veto. Je pense que leur objectif est de
créer de la confusion, confusion savamment entretenue pour amener les
Québécois à penser qu'ils ont eux-mêmes
renoncé à une protection qui, jusqu'ici, leur était
pleinement reconnue. Malheureusement, je constate que le chef de l'Opposition,
le député d'Argenteuil, contribue à cette entreprise de
démission quand, consciemment ou non - j'ose espérer que c'est
inconscient - il propage cette propagande fédérale. Il fait, je
pense, le jeu d'Ottawa et il ferait, on l'imagine facilement, un bien
piètre négociateur si nous l'envoyions à Ottawa pour
traiter des droits du Québec. Voilà qu'il est prêt à
renoncer à ce droit de veto et qu'il essaie, d'ailleurs, pour des
raisons purement partisanes, d'en faire porter la responsabilité au
gouvernement, oubliant les intérêts supérieurs du
Québec; il fait passer avant les intérêts du Parti
libéral.
M. le Président, faut rappeler une fois de plus que le
Québec se situe au-dessus des partis et qu'on n'a pas le droit de le
trahir pour des intérêts partisans. Il nous faut donc
réaffirmer avec force que nous n'avons jamais renoncé à ce
droit de veto, mais que nous sommes prêts à l'échanger,
dans des conditions raisonnables - mais ce n'est pas la même chose,
renoncer et échanger - contre le droit de retrait dûment assorti
de la compensation financière. C'est ce que dit la motion. Elle offre le
choix entre l'un et l'autre, entre le droit de veto ou le droit de retrait avec
pleine compensation financière. Mais, attention! Si la condition n'est
pas réalisée, eh bien, nous reprenons nos droits et cela dans
tous les domaines. La compensation financière doit s'étendre
à tous les domaines de notre compétence. Autrement, la
négociation est un marché de dupes comme elle l'a toujours
été dans le passé, mais cette fois elle aurait des
conséquences beaucoup plus graves.
D'ailleurs, nous en aurons le coeur net, M. le Président, le
gouvernement envisage sérieusement la possibilité de soumettre
cette question à la Cour d'appel, puis, éventuellement, à
la Cour suprême. Ce n'est pas parce que j'ai une confiance
illimitée dans les tribunaux. Ceux qui ont lu mes écrits dans le
passé savent que j'ai là-dessus des réserves. Mais, au
moins nous saurons à quoi nous en tenir; c'est important que les
Québécois sachent à quoi s'en tenir. La situation sera
plus claire. Elle l'est déjà beaucoup plus avec l'attitude des
fédéraux et de M. Trudeau actuellement. Elle le serait encore
davantage, soit que la Cour suprême déclare que le Québec a
toujours eu ce droit de veto et le possède encore, soit, au contraire,
qu'elle décide qu'il n'en est rien, auquel cas les
Québécois sauraient au moins que leurs illusions n'étaient
que de la fumée. Les illusions seraient moins nombreuses si la cour nous
laissait désarmés devant les héritiers de Lord Durham. (10
h 30)
M. le Président, j'aurais voulu commenter longuement les
dispositions du projet fédéral en ce qui touche les droits
linguistiques. Je me contenterai de dire, avant de conclure, que l'effet de ces
dispositions linguistiques serait considérable, soit qu'on songe
simplement à ce qu'on appelle vulgairement la "clause Canada", qui
permettrait aux élèves venant du reste du pays d'aller à
l'école anglaise au Québec, soit qu'on finisse par imposer au
Québec, puisque le premier ministre fédéral nous a dit
qu'il attendrait son heure d'avoir devant lui au Québec un gouvernement
qui se plierait à la volonté majoritaire anqlophone, soit donc
qu'on impose la clause internationale qui ouvrirait l'école anglaise
à tous les immigrants, d'abord, de langue anglaise et ensuite,
forcément - comme on ne peut pas faire deux classes d'immigrants
-à tous les immigrants.
Dans un cas comme dans l'autre, ces clauses du projet
fédéral sont extrêmement dangereuses pour l'avenir.
Même si on se limite à la clause Canada, il faut tenir compte du
fait que dans nos écoles, avant la charte de la langue française,
il y avait plus d'élèves en provenance des autres provinces que
d'élèves anglophones en provenance de tous les autres pays; ils
étaient déjà la majorité. Il n'y a pas de doute
qu'ils le redeviendraient rapidement si on allait casser la protection
qu'accordent à l'école française les dispositions de la
charte de la langue française.
M. le Président, je conclus en rappelant
ce que je disais tout à l'heure. Les événements que
nous vivons sont durs, sont difficiles. Ils le sont toujours tôt ou tard
pour les minorités qui se résignent ou qui laissent aller les
choses. Heureusement, il y a un aspect encourageant aux
événements actuels. Ils ont le mérite de clarifier la
situation et de dissiper les illusions. Les Québécois, de bonne
foi, ont de moins en moins d'excuses de ne pas comprendre leur condition
réelle de minoritaires dans l'ensemble du Canada. Heureusement aussi, M.
le Président, dans l'histoire des peuples, on peut toujours se reprendre
puisque, pour utiliser le vocabulaire des sportifs, on est toujours en
période supplémentaire. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. Le rappel historique
que le ministre qui m'a précédé vient de faire
m'amène à faire une constatation. En effet, dans le passé,
le Québec n'a pas toujours été traité de
façon équitable par le reste du Canada. Sauf que la
différence fondamentale, cette fois-ci, c'est que c'est le gouvernement
du Québec qui, par sa stratégie, a contribué à
l'affaiblissement du Québec. C'est le gouvernement actuel qui, le
premier de tous les gouvernements québécois, a réussi,
à cause de sa stratégie étapiste, à faire perdre ce
que le Québec avait de plus sacré, c'est-à-dire son droit
de veto. Nous y reviendrons, M. le Président.
Regardons quels sont les motifs qui amènent le premier ministre
à nous présenter cette deuxième motion en moins d'un mois.
D'abord, je prétends, M. le Président, qu'il s'agit, dans un
premier temps, d'une mesure de diversion. Le gouvernement veut éviter
à tout prix de subir la critique, non seulement de l'Opposition mais de
la population, à l'endroit de sa gestion, à l'endroit de son
budget inqualifiable qu'on a présenté à l'Assemblée
nationale, mardi dernier.
Je donne à titre d'exemple - à l'intention de ceux qui
nous écoutent à la télévision - le cas que j'ai
soulevé hier, à l'Assemblée nationale. Vous vous
rappellerez, M. le Président, le sort que la taxe sur l'essence vient
faire subir à des entreprises de l'Ouatouais. J'ai dû, dans un
premier temps, poser une question à la période de questions.
Période à laquelle, vous en conviendrez, on ne peut pas faire les
débats de fond de façon tellement libre. J'ai même
dû, à la suite de réponses complètement
inacceptables du ministre d'État au Développement
économique, soulever la question à nouveau, dans un
mini-débat, hier soir, à 10 heures, pour enfin obtenir des
informations valables, susceptibles de rassurer les personnes qui sont
visées par cette mesure. Des informations, dis-je, que j'ai obtenues du
ministre des Finances qui, je dois l'avouer, est beaucoup plus responsable que
le soi-disant ministre responsable de l'Outaouais, le ministre d'État au
Développement économique.
C'est la même chose quant au scandale de la Société
d'habitation du Québec, de l'organisation des fêtes nationales, de
l'utilisation des avions du gouvernement et de combien d'autres cas, M. le
Président. Le gouvernement, en apportant sa motion constitutionnelle
aujourd'hui, évite ou reporte à plus tard la discussion des
problèmes dont les citoyens veulent entendre parler.
C'est également une autre mesure de diversion parce que le Parti
québécois doit à tout prix détourner l'attention de
ses propres militants, qui ne sont pas aveugles eux non plus. Combien ont
constaté la mauvaise performance du gouvernement péquiste au
cours des négociations constitutionnelles. Ils veulent raidir leur
position. Ils exigent du gouvernement, issu de leur parti, qu'on durcisse les
positions. C'est pourquoi on retrouve des choses dans la motion qu'on a
volontairement, malhabilement peut-être, mais volontairement
abandonnées en cours de route depuis avril dernier.
Il y a un autre élément de diversion. C'est que le
gouvernement, comme nous, est toujours convaincu que les
Québécois, dans leur majorité, ne sont pas prêts
à dire oui à la question fondamentale. La seule question qui
préoccupe les gens d'en face, c'est-à-dire: Le Québec
doit-il demeurer au sein du Canada ou se séparer du reste du Canada? Le
gouvernement sait fort bien que, s'il pose la question directement, il
obtiendra un vote d'environ 20% à 25%. II doit donc gagner du temps.
C'est là la raison d'être de la stratégie étapiste
qu'on connaît depuis 1976. On doit gagner du temps à tout prix.
Une façon, à ce moment-ci, de gagner du temps, c'est, bien
entendu, de présenter la motion que l'on connaît.
Donc, M. le Président, c'est l'escalade verbale. Des mots,
beaucoup de mots, toujours les mêmes, dans la bouche du premier ministre,
et qui servent toujours la même fin, comme je le dis, gagner du temps. Je
leur dis, à ces gens d'en face: Vous perdez votre temps, car vous n'en
aurez jamais assez pour convaincre les Québécois d'adhérer
volontairement à votre option. De toute façon, vous allez,
à un moment donné... Un peu comme au moment du
référendum, vous avez tergiversé jusqu'à ce qu'il
soit impossible d'attendre plus longtemps, vous avez fait le
référendum, vous avez perdu. Vous devrez faire la même
chose dans ce cas-ci. Vous devrez tenir une élection
référendaire et, à ce moment-là, vous obtiendrez le
même résultat qu'au
référendum - j'y reviendrai tantôt - peut-être
même pire.
Le ministre d'État au Développement culturel disait
tantôt: Les Québécois n'ont jamais abandonné leur
droit de veto. C'est vrai, je lui donne raison, les Québécois ne
l'ont jamais abandonné, c'est leur gouvernement qui l'a
abandonné. Parce que les citoyens québécois avaient
donné un mandat très clair. D'abord, au référendum,
ils avaient dit au gouvernement: Laissez tomber votre thèse
séparatiste et allez défendre de bonne foi le renouvellement de
la constitution canadienne, allez négocier de bonne foi. À
l'élection du 13 avril, en reconduisant le gouvernement péquiste
au pouvoir, ils répondaient au slogan du Parti québécois:
II faut rester forts; ils disaient: En allant négocier le renouvellement
de la fédération canadienne, faites-le en protégeant nos
droits. Force nous est de constater, M. le Président, de l'aveu
même des péquistes dans leurs discours, qu'ils n'ont
respecté ni l'une ni l'autre de ces deux parties du mandat: ils n'ont
pas négocié de bonne foi et, par surcroît, ils n'ont pas
protégé les droits du Québec, puisqu'on en resssort plus
affaiblis que jamais. Donc, plutôt que de respecter la volonté
populaire, ils ont agi en fonction de leur intérêt partisan,
fidèles à leur stratégie étapiste. (10 h 40)
Je dis, M. le Président, très clairement, sans
ambiguïté, que la motion que nous débattons aujourd'hui
s'inscrit dans cette stratéqie. La stratégie exige que le
gouvernement ne signe jamais d'entente, une entente qui l'obligerait à
accepter une nouvelle constitution canadienne qui s'applique au Québec,
car cela voudrait dire automatiquement qu'il accepterait le fait que le
Québec a sa place au sein du Canada, donc, qu'il n'y a plus de raison de
vouloir faire l'indépendance. Je l'ai dit la semaine dernière, M.
le Président, la meilleure façon de ne jamais signer d'entente,
c'est encore de refuser de négocier, comme l'a fait le gouvernement.
C'est pourquoi on nous parle maintenant de cette motion qui, selon le premier
ministre, encore hier, est le minimum vital que le Québec peut accepter.
Ce qui est curieux, M. le Président, c'est que, le 5 novembre, à
la fin de la conférence constitutionnelle à Ottawa, le premier
ministre a identifié trois sujets qui l'empêchaient d'accorder son
appui et de signer l'entente: la question d'accès à
l'école dans la langue de la minorité, la question de la
compensation financière en cas d'"opting out" et la question de la
mobilité.
Comment se fait-il, s'il y avait trois sujets le 5 novembre, qu'on en
retrouve maintenant quinze dans la motion du premier ministre? C'est le chef de
l'Opposition qui l'a clairement établi hier. Il y en avait trois le 5
novembre et, tout à coup, il y en a 15.
C'est assez facile à comprendre. Ce qui est pire, par contre,
c'est que ce minimum vital que le Québec peut accepter contient des
éléments que le gouvernement du Québec a lui-même
abandonnés volontairement, comme la reconnaissance de la dualité
culturelle dont on a tant parlé. Quand il a signé l'entente du 16
avril, le gouvernement du Parti québécois a adhéré
au principe de l'égalité des provinces, pas de
l'égalité des deux peuples fondateurs dont il nous parle dans la
motion. Il a signé volontairement la reconnaissance de
l'égalité des provinces. Quand il n'a pas abandonné nos
droits volontairement, il les a perdus malhabilement comme le droit de veto. Je
cite ces deux cas seulement à titre d'exemples, parce que la motion est
remplie de ce genre de contradictions.
Demandons-nous pourquoi le gouvernement est prêt à se
contredire lui-même de façon aussi évidente, aussi
grossière en laissant sous-entendre qu'il négocierait
peut-être si ce soi-disant minimum qui est, à toutes fins utiles,
une fin de non-recevoir - il s'agit de lire les éditorialistes cette
semaine - était accepté? C'est tout simplement qu'il est
coincé entre ce que désire la population et ce que
désirent les militants du Parti québécois. On sait que le
gouvernement affectionne particulièrement les sondages. Il sait donc que
la majorité des citoyens, c'est-à-dire 60%, ont voté non
au référendum et même, plus parce qu'il y en a un certain
nombre qui ont voté oui au référendum et qui croyaient que
donner le mandat de négocier la souveraineté-association au Parti
québécois, c'était la meilleure façon de
protéger les droits du Québec mais qui, maintenant, se rendent
à l'évidence que cela a eu exactement l'effet contraire: c'est
qu'on a affaibli le Québec. De ceux qui ont voté oui, il y en a
une bonne partie qui sont maintenant convaincus qu'ils doivent dire non
à ce gouvernement. Donc, la vaste majorité des citoyens veut,
selon les sondages, que le gouvernement négocie.
Le gouvernement sait également que ses militants commencent non
seulement à s'impatienter de la lenteur à atteindre l'objectif de
l'indépendance, mais il y en a même qui croient que la
démarche louvoyante qu'a suivie le qouvernement sous les auspices du
ministère des Affaires intergouvernementales a finalement compromis
toute possibilité d'en arriver à réaliser
l'indépendance. Ce sont ceux qui inspirent le premier ministre à
nous dire, comme il l'a fait hier: Nous, nos convictions
indépendantistes, on ne les a jamais cachées. Voyons donc! On
n'est quand même pas des imbécilesl Les citoyens du Québec
ne sont pas des imbéciles! Donc, le qouvernement est coincé. Il
doit se contredire en espérant que les Québécois n'y
verront rien. C'est un beau
commentaire sur le respect que ce gouvernement a envers l'intelligence
des Québécois. Ils se disent, j'imagine: Quant à
être rendus à ce point, aussi bien jouer le tout pour le tout,
aussi bien réclamer que les dix signataires de l'entente du 5 novembre,
ceux qui ont obtenu pour leur population respective, par la voie de la
négociation, ce qui leur apparaissait acceptable, aussi bien exiger
d'eux, maintenant qu'ils ont réussi à obtenir ce qu'ils
voulaient, de recommencer à neuf pour accommoder le seul gouvernement
qui n'est pas satisfait et qui est le seul responsable de ne pas être
satisfait, c'est-à-dire le gouvernement du Québec.
En d'autres mots, M. le Président, on fait un peu comme si les
Rough Riders d'Ottawa, qui ont perdu la partie de la coupe Grey, dimanche,
à Montréal, sur le dernier jeu de la partie, à la toute
dernière minute, s'étaient dit: On a été victimes
du mauvais jugement des arbitres et on veut que la partie soit
recommencée. C'est un peu cela que le gouvernement veut faire et, pour
ceux qui ne le sauraient pas, la coupe Grey, c'est emblématique de la
suprématie au football canadien. Je m'excuse, c'est canadien, il n'y a
pas de football strictement québécois et ce n'est pas ma faute.
Je parle des Rough Riders d'Ottawa, M. le Président, je m'en excuse
également, ce n'est pas ma faute non plus et je ne pense pas que ce soit
la faute du Canada anglais si les Alouettes de Montréal n'étaient
pas de calibre à être dans la finale de la coupe Grey cette
année.
Mais, cela étant dit, M. le Président, l'équipe des
Rough Riders d'Ottawa a accepté le verdict. Elle a dit: On s'est fait
battre par une meilleure équipe. Elle a pu accepter cela justement,
parce que, contrairement au gouvernement du Parti québécois, elle
a fait un effort loyal pour gagner la partie. Elle a fait un effort loyal pour
la gagner, mais elle a perdu, tandis qu'eux autres, de ce
côté-là, ils ont tout fait pour que cela ne marche pas,
pour ne pas adhérer à l'entente du 5 novembre et, aujourd'hui,
ils font les vierges offensées en disant: On est encore les victimes de
la majorité des méchants Anglais du reste du Canada. Mea culpa,
mes chers amis, c'est vous qui êtes les seuls responsables de la
situation actuelle. Le premier ministre tente de se racheter comment? En
présentant sa motion qu'il a délibérément
rédigée de façon à forcer le fédéral,
à inviter le fédéral à procéder sans le
consentement du Québec, parce que, là, il va pouvoir jouer les
vierges offensées, crier au meurtre, crier au viol et à quoi
d'autre? Il tentera d'attiser les passions, en faisant appel au nationalisme,
parce qu'on sait que cela va bien. Blâmer les autres pour ses propres
faiblesses, c'est malheureusement inhérent au nationalisme, surtout
celui pratiqué par le gouvernement d'en face.
Une voix: C'est traditionnel.
M. Gratton: Cela lui permettra également d'intensifier, de
continuer de nous menacer de toutes sortes de mesures qu'il se garde bien de
définir. Il semble qu'on va aller à la Cour suprême. Tant
mieux, c'est déjà quelque chose, c'est déjà
beaucoup mieux en tout cas que de pousser l'irresponsabilité
jusqu'à évoquer la possibilité de la
désobéissance civile, comme on l'a entendu de la bouche
même du premier ministre.
Cela m'amène, M. le Président, à me demander quelle
serait la situation au Québec si, au lieu d'un gouvernement
péquiste au pouvoir, c'était un gouvernement
libéral...
Des voix: Ce serait épouvantable!
M. Gratton: ... qui avait perdu le droit de veto du
Québec, si c'était un gouvernement libéral qui avait
affaibli, qui avait isolé le Québec, comme il l'a fait à
partir d'une stratégie strictement axée sur des
intérêts partisans...
Une voix: Comme au référendum?
M. Gratton: ... les centrales syndicales ne seraient pas devant
le Parlement en train de faire des manifestations? Les sociétés
nationales des Québécois, le Mouvement national des
Québécois, la Société d'aménagement de
l'Outaouais, les officines du Parti québécois où qu'elles
se trouvent seraient là avec le drapeau, M. le Président, dans
les rues de nos villes et de nos villages pour proclamer très haut:
Trahisonl le gouvernement libéral nous a trahis.
Une voix: Ils auraient raison.
M. Gratton: Comment se fait-il que, parce que c'est un
gouvernement péquiste... on dit bien dans les coulisses: Maudit, que
vous avez manqué votre coup!
Le Vice-Président (M, Jolivet): S'il vous plaît!
M. Gratton: On se dit cela entre les péquistes. Vous
savez, on n'est pas complètement aveugles, ni sourds, on sait ce qui se
passe dans votre parti et on sait que ceux qui sont réellement
honnêtes disent à Claude Morin: Franchement, tu as manqué
le bateau, Ti-Claude! Mais, M. le Président, ce sont des choses qu'on ne
dit pas publiquement. On se le dit entre nous et, en attendant, les centrales
syndicales et le Mouvement national des Québécois, dans
toutes les régions, disent: II va falloir blâmer quelqu'un
d'autre. On ne peut pas blâmer notre gouvernement, parce que, là,
on va s'autodétruire. On va blâmer le fédéral; on va
blâmer les Anglais des autres provinces; on va blâmer... Les
États-Unis sont-ils mêlés à cela? Peut-être
bien. En tout cas, blâmons tout le monde, mais n'acceptons jamais que
nous, on a une part, une très large part du blâme à
accepter.
M. le Président, en fin de compte, je répète qu'il
y a seulement une façon de régler cela, parce qu'on est comme
vous autres, on répète les mêmes choses. M. le
stratège, ami de Doris Lussier, vous et Doris, ne pourriez-vous pas vous
entendre pour enfin poser la seule vraie question? Je sais que le
député de Maisonneuve, le député de Rouyn-Noranda
et combien d'autres vont me suivre sur ce terrain, le député de
Charlesbourg aussi. Il est temps que vous posiez la question aux citoyens du
Québec: Voulez-vous, oui ou non, d'un Québec indépendant?
On va faire le débat à ce moment-là, mais posez-la, la
maudite question, une fois pour toutes, arrêtez de finasser, de jouer au
plus fin. Cela ne serait pas si grave s'il n'y avait pas de
conséquences, mais vous êtes en train de salir le Québec
à un point tel que même Adélard Godbout doit se retourner
dans sa tombe.
Je dis: Posez-là, votre question. Ce n'est pas à
l'Assemblée nationale, par le biais d'une motion tout
entortillée, qu'on peut décider de l'avenir du Québec.
C'est par une élection référendaire - je me
répète, encore-là, M. le Président, deux minutes et
je vais terminer - et là, je ne me fais pas d'illusions. Je sais bien
que vous ne la ferez pas, l'élection référendaire, avant
que les sondages ne vous indiquent que vous avez une chance de la gagner. Donc,
je me dis que vous ne la ferez pas avant cinq ans. Mais je vous dis que lorsque
vous aurez décidé de - supposons-le - proposer une motion pour
tenir une élection référendaire, à ce moment, vous
pourrez compter sur mon vote d'appui, mais à ce moment-là
seulement. C'est clair, ça?
Le 2 octobre dernier, vous pensez qu'on ne peut pas en parler, je vais
vous en parler du 2 octobre dernier. Moi, j'ai été de ceux qui
n'ont pas appuyé le gouvernement parce que je n'avais pas confiance au
finasseux ministre des Affaires intergouvernementales, qui jacasse de l'autre
côté. Qu'il prenne donc la parole et qu'il parle donc comme les
autres!
M. le Président, je n'avais pas confiance. On reconnaîtra,
chez certains, en tout cas, en face, qu'on a quand même eu le
mérite, par cette dissension, de présenter un portrait plus
réel, plus réaliste de l'opinion québécoise en
refusant l'unanimité que recherchait le Parti québécois.
L'unanimité n'aurait pas été le reflet réel de
l'opinion québécoise sur cette question. Vous le savez fort bien.
L'unanimité que vous recherchiez ne visait qu'un but, servir encore vos
fins partisanes en laissant croire au reste du Canada que vous étiez les
seuls à représenter le peuple Québécois. Je dis en
terminant que moi aussi, en attendant que vous la teniez votre élection
référendaire, je souhaiterais que la réforme
constitutionnelle, le rapatriement, ne se fasse pas sans le consentement du
Québec. Or, je suis bien obligé de reconnaître que le
gouvernement d'en face, de par sa stratégie, n'y souscrira jamais. Je
n'y peux rien. Je me dis que si le gouvernement du Québec veut se la
faire imposer pour des raisons tactiques, eh bien, soit, mais qu'il ne compte
pas sur moi pour l'aider à se justifier aux yeux de la population ou aux
yeux de ses militants.
Je dis, M. le Président, que si nous étions neuf, ici, le
2 octobre, nous serons maintenant 42 au moment du vote et j'ai l'impression que
les 42 votes néqatifs à la motion du premier ministre
représentent une plus grande proportion encore de la population qui,
elle aussi, est contre ce genre de motion. Parce que la grande majorité
des Québécois, par le biais des 42 députés qui vont
voter contre la motion, vont répéter ce qu'ils ont dit, le 20 mai
1980, à ces gens d'en face: Non merci! C'est-y clair?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Affaires intergouvernementales.
M. Claude Morin
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je suis
un petit peu intimidé de prendre la parole à cette heure-ci de la
journée, parce que ce n'est pas celle ou je suis le plus loquace, ni le
plus convaincant, mais je suis surtout intimidé de prendre la parole
après un discours d'une aussi ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plait!
M. Morin (Louis-Hébert): ... haute valeur intellectuelle.
C'est tout un défi, parce que là, je viens d'apprendre que le
Québec, c'est un club de football. Je viens aussi d'apprendre que le
député qui vient de parler souffre lui-même de
contradiction. Juste avant que j'aille plus loin, un exemple. Le bout que j'ai
entendu de son discours dit à peu près ceci: Le Québec ne
signera jamais d'accord, c'est épouvantable, il ne veut pas signer
d'accord. Or, toute l'argumentation de son chef, hier, portait sur le fait
qu'on avait signé un accord, justement le 16 avril. Il faudrait
peut-être que vous vous entendiez avec votre chef.
D'ailleurs, il y a quelque chose aussi
qui me frappe dans ce qui vient de se passer. C'est qu'il est en train
de dire qu'ils étaient neuf et qu'ils vont être 42, maintenant,
à voter contre. Moi, si j'étais à la place de M. Ryan, je
serais inquiet, parce que ce que ça signifie, c'est que le groupe des
neuf dissidents qui ont regretté que leur parti soit
québécois pendant deux semaines ont repris de la force et sont en
train, maintenant, de tasser leur chef et de tasser les autres. Je pense que
les citoyens vont se rendre compte de ce qui est en train de se produire du
côté du Parti libéral qui, de plus en plus, - d'ailleurs,
j'ai une citation que je servirai à la fin qui s'adresse à eux -
sont vraiment ici l'instrument des libéraux fédéraux.
Il y a une chose invraisemblable qui se passe actuellement. Avec ce qui
s'est passé au cours de la conférence constitutionnelle, avec la
tricherie et le mensonge qui ont accompagné toutes ces
négociations, avec aussi le fait qu'on en ait systématiquement,
au moment crucial, écarté le Québec, il arrive que le
Québec s'est fait voler, pour le moment, des droits. Or, plutôt
que de voir nos amis libéraux d'en face blâmer le gouvernement
fédéral et les autres provinces de nous avoir volé ces
droits et, par conséquent, prendre la défense du Québec,
ils nous blâment, nous, d'avoir été volés, ce que je
ne trouve pas tellement conséquent, ni tellement logique.
J'ai apporté ici - parce que je n'ai pas préparé
tout un discours écrit - ce que j'appellerais quelques pièces
à conviction. J'en ai cinq. Je vais, si vous voulez - et ça va me
servir pour l'allocution brève que je vais prononcer - commencer par une
citation qui est celle de la Cour suprême et qui, je pense, devrait
être répétée partout au Québec parce que je
la crois fondamentalement essentielle au débat actuel. On dit ceci dans
le jugement de la Cour suprême: "Si le projet de charte des droits
devenait loi, chacun des chefs de compétence législative
provinciale et fédérale pourrait être touché. En
outre, la charte des droits aurait un effet rétrospectivement, de
même que prospectivement, de sorte que les lois édictées
par une province à l'avenir, de même que celles
édictées dans le passé, même avant la
Confédération, seraient susceptibles d'être
attaquées en cas d'incompatibilité avec les dispositions de la
charte des droits. Cette charte diminuerait donc l'autorité
législative provinciale sur une échelle dépasssant l'effet
des modifications constitutionnelles antérieures pour lesquelles le
consentement des provinces avait été demandé et
obtenu".
M. le Président, ce que cela signifie, c'est que le projet
fédéral actuel - et nos amis d'en face devraient, quand
même, s'en rendre compte - est un projet qui va complètement
chambarder la dynamique du système dans lequel on vit et qui va
introduire dans ce système tout un équilibre nouveau en vertu
duquel la centralisation des pouvoirs et la diminution des compétences
des provinces vont être beaucoup plus faciles à faire que
c'était le cas avant. Et c'est un des objectifs des libéraux
fédéraux auxquels souscrivent, par leur attitude, les
libéraux provinciaux; ça, il ne faudrait pas s'en étonner
parce qu'on assiste actuellement à deux choses qui se passent et qui
sont étonnantes, et je pense que ça vaut la peine de les
mentionner.
D'une part, systématiquement, les libéraux ici essaient de
minimiser l'importance du coup de Jarnac dont le Québec a
été victime et qui est symbolisé par une autre
pièce à conviction que j'ai ici; c'est l'accord signé
à Ottawa le 5 novembre par dix gouvernements dont neuf provinces
anglophones et le gouvernement fédéral, avec les signatures, ici,
des premiers ministres de ces provinces. Ils essaient de minimiser l'importance
de cet accord, ils essaient de diminuer les conséquences néfastes
que cela peut avoir sur le Québec. Ils disent, d'abord, qu'il y a
seulement trois points qui accrochent: premièrement, la compensation
financière qui est maintenant disparue et qui faisait partie du droit de
retrait; deuxièmement, le problème de l'enseiqnement dans les
écoles de la minorité et, troisièmement, le
problème de la mobilité.
M. le Président, il y a beaucoup plus que ça dans cet
accord des dix qui vient d'intervenir. Il y a que nous avons maintenant, avec
ce papier-là qui en est le début, la constitution de l'avenir, la
nouvelle constitution du Canada et que, dorénavant, une fois que cela
aura été adopté, une fois que cela aura été
passé par le gouvernement fédéral, ça signifie,
à toutes fins utiles, et j'y reviendrai tantôt, la fin du
fédéralisme renouvelé et la fin de toute révision
constitutionnelle.
Mais aussi, nos amis d'en face se livrent à une autre
opération. En plus de diminuer systématiquement les danqers qu'il
y a dans le coup de force dont le Québec a été l'objet et
la victime, ils essaient de dire - j'écoutais le chef de l'Opposition
hier; cela a été repris par le perroquet, tout à l'heure,
le député, tout à l'heure - que nous avons, au cours des
négociations qui sont intervenues, abandonné toutes sortes de
droits du Québec. Il y a une chose que le chef de l'Opposition n'a pas
faite hier et, je lui demanderais de le faire, c'est qu'il n'a pas cité,
à partir de l'accord du 16 avril, celui que nous avons signé,
deux phrases qui en donnent la portée et qui montrent jusqu'à
quel point, hier, ils charriaient en nous accusant de tous les maux. "Le projet
canadien de rapatriement de la constitution est assujetti à la condition
-il s'agit de l'accord du 16 avril signé par les
huit provinces avant que sept de ces huit provinces basculent du
côté fédéral - que le gouvernement du Canada retire
le projet d'adresse conjointe sur la constitution actuellement devant le
Parlement et souscrive au présent accord." En d'autres termes, ce
projet-ci était accompagné d'une condition, à savoir
qu'Ottawa laisse tomber son coup de force. Ce qui n'a pas été
fait.
Plus que cela, on ajoute ceci, et c'est important: "La signature au nom
des gouvernements mentionnés ci-dessus - il s'agit dans un cas du
Québec - sera suivie de la ratification par les Législatures ou
Assemblée nationale." Ce qui veut dire que, contrairement à ce
que le chef de l'Opposition a dit hier, il était entendu dès le
16 avril que tout ce projet d'accord serait discuté ici à
l'Assemblée nationale du Québec, et il n'a jamais
été question une seconde de faire en sorte que cet accord demeure
secret et qu'il ne soit pas connu de la population.
Ce qui veut dire que lorsqu'on nous accuse aujourd'hui de laisser tomber
des droits, on devrait plutôt nous dire: Vous avez été
d'excellents négociateurs de vous conserver, en cours de route, ces
précautions que vous avez inscrites dans l'accord signé par sept
autres provinces et le Québec. On l'a négligé hier, et je
trouve que ce n'est pas particulièrement honnête dans la critique
qu'on est en train de faire de la part de l'Opposition du Québec
à cet égard, et aussi de la façon dont les
négociations ont été menées.
Vous savez, j'en ai parlé ici a l'Assemblée nationale il y
a quelque temps déjà, le Québec actuellement est aux
prises avec une tentative fédérale de nous enserrer dans une
sorte de pince à deux tenailles, la tenaille économique, fiscale
et financière, et on en voit encore des échos dans les
conférences fédérales-provinciales qui se sont
passées à Halifax cette semaine, et la tenaille politique et
constitutionnelle; c'est toute l'opération constitution dont le
gouvernement fédéral est le maître d'oeuvre.
Il s'agit au fond essentiellement de faire que le Québec devienne
pour l'avenir enfermé dans un carcan de sorte que son avenir politique
soit complètement bloqué. C'est voulu, c'est systématique,
c'est conçu en fonction du Québec et cela dure depuis 15, 20 ou
25 ans. Là on arrive au terme de l'opération, et cela explique
pourquoi nos amis d'en face sont si nerveux actuellement. Il y a deux
éléments qui les rendent nerveux, c'est pourquoi on voit le chef
de l'Opposition qui s'ennuie de ne jamais pouvoir aller à des
conférences fédérales-provinciales - il n'est pas
près d'y aller - faire ses petites conférences
fédérales-provinciales, c'est-à-dire qu'il va voir M.
Trudeau et puis il va parler à d'autres premiers ministres au
téléphone, de sorte qu'il se donne l'illusion d'être un
élément majeur, une sorte de mouche du coche majuscule dans tout
ce dossier.
Deux raisons motivent leur nervosité. La première, je la
prends dans une autre pièce à conviction, soit la Presse, d'il y
a deux jours. Selon William Davis, un de leurs amis, la charte vise à
contrer le Québec dans ses législations linguistiques; une lettre
que M. Davis avait imprudemment écrite a été rendue
publique. Bill Davis: la charte des droits ne vise qu'à contrer la loi
no 101. On voit un des premiers objectifs de la manoeuvre
fédérale. C'est, au fond, de bloquer le Québec dans un de
ses éléments, dans une de ses attitudes les plus fondamentales,
c'est la protection et la promotion du français au Québec, seul
territoire en Amérique du Nord où le français soit la
langue officielle et unique.
Cela ne plaît pas à nos amis d'en face, lorsqu'on sait
quelle partie de la population ils représentent, ce qui est leur droit
d'ailleurs; ils se rendent compte maintenant que leur allié a en quelque
sorte dévoilé toute la stratéqie qui était
derrière l'opération fédérale.
Mais l'autre raison, c'est qu'ils savent, c'est peut-être plus
perturbant pour eux, qu'une fois que ce projet néfaste du
fédéral sera adopté, il n'y a plus, et je les mets au
défi de me dire le contraire, - je vais le répéter deux
fois pour m'assurer que l'on comprenne - il n'y a plus de possibilité
d'en arriver à ce qu'ils appellent, à ce qu'ils
espéraient, le fédéralisme renouvelé. Il n'y a plus
de possibilité d'en arriver à cela. Pourquoi? Parce que au cours
de la négociation qui a eu lieu à Ottawa au début de
novembre - hier, le chef de l'Opposition l'a confirmé lui-même -
les autres provinces ont obtenu satisfaction sur les points qui les
intéressaient, elles: un point ou deux pour M. Peckford ou cinq points
pour M. Lougheed, ou l'inverse. Cela a été mentionné,
hier, par le chef de l'Opposition. Ce qu'il était en train de nous dire
hier, sans s'en rendre compte, c'est que les autres provinces avaient
réglé leurs petits problèmes à elles. Ottawa a
réglé aussi, avec cela, son propre problème à lui,
c'est-à-dire encarcaner le Québec.
Je ne sais pas si vous voyez l'opération d'ici. Neuf provinces du
Canada ont réglé leurs problèmes constitutionnels. Le
fédéral va avoir atteint, si cela fonctionne, son objectif
d'encarcaner le Québec. Une fois cette opération
complétée dans les conditions que je viens de dire, pensez-vous
que ces qens vont vouloir, par la suite, reprendre des négociations pour
améliorer le système dans lequel on est? La réponse est
non. C'est tellement non que, depuis la conférence qui a lieu au
début de novembre, voici les quelques commentaires que j'ai eu des
autres provinces: C'est dommage que le dossier
constitutionnel soit fermé sans le Québec. Il y a "sans le
Québec" qui est important mais le mot "fermé" l'est aussi. Parce
que, pour eux, le dossier constitutionnel est terminé. Si le dossier
constitutionnel est terminé pour neuf provinces, et pour le gouvernement
fédéral, vous vous rendez compte que dans ces conditions les
livres beiges vont aller rejoindre les rapports poussiéreux qui sont
empoussiérés maintenant comme ceux de Laurendeau-Dunton et autres
et de la commission Pépin-Robarts, bien sûr. À cet
égard, je vous demande de lire ce que votre ancienne collègue -
j'ai lu cela hier soir -dit dans le livre qu'elle vient de publier, dont elle
m'a aimablement transmis une copie hier ainsi qu'à quelques-uns d'entre
nous. Vous lirez ses réflexions, vous allez vous apercevoir
jusqu'à quel point vous avez été, vous, manipulés
et trompés au moment du référendum.
Alors que vous êtes aujourd'hui en train de nous faire la
leçon, vous devriez vous rappeler ce que votre chef lui-même
disait dans une entrevue dont je n'ai pas ici le texte, qu'il a
été manipulé par les fédéraux au moment du
référendum. Le bonhomme qui a été manipulé
au moment du référendum par les fédéraux est en
train d'aller chercher une autre manipulation en essayant de les rencontrer
à tout bout de champ pour se faire une sorte d'entremetteur étant
donné qu'il n'aura jamais l'occasion de participer à ces
négociations constitutionnelles. Pas l'occasion pour deux raisons: La
première, il n'y en aura plus et la deuxième, de toute
façon, même s'il y en avait, il ne sera pas là. Il ne sera
pas là si j'en juge par l'attitude de ses députés ici qui
ont réussi à le mettre de côté. Lui-même est
en train actuellement de réfléchir à cette situation,
parce que je pense qu'il lui reste un fond d'honnêteté et de
lucidité.
M. le Président, on avait pensé aussi, nous autres,
à ce danger que la négociation constitutionnelle se termine. Dans
l'accord du 16 avril 1981, qui est maintenant caduc parce que les sept
provinces anglophones ont fait faux bond, on leur avait demandé, je l'ai
le texte ici, de promettre et de s'engager formellement dans des
négociations intensives portant sur le renouvellement de la constitution
pendant les trois prochaines années. C'est écrit dans l'accord du
16 avril 1981, celui qu'on a signé avec les autres provinces, qui est
caduc maintenant. Mais nous avions pris une autre précaution, cela n'a
pas été dit hier. Hier, il y a un certain nombre de choses qui
n'ont pas été dites dans cette accusation massive qu'on a
essayé de nous lancer. On n'a pas dit que cela devait être soumis
à l'Assemblée nationale, ce texte-là. On n'a pas dit qu'il
n'était valide que dans la mesure où le gouvernement
fédéral mettait fin à son coup de force, on n'a pas dit
non plus qu'il y avait un engagement formel de continuer les
négociations.
Or, dans l'accord que les dix ont signé le 5 novembre, il n'y a
rien de tel. Il y a un engagement de continuer des discussions mais sur les
aborigènes; sur le cas du Québec non, rien d'autre. D'ailleurs
à peine l'encre de cet accord était-elle sèche, que
déjà il a commencé à être trituré la
semaine d'après et, aujourd'hui, on arrive à une situation
absurde actuellement. Vous avez un soi-disant accord formel signé le 5
novembre par dix gouvernements, neuf provinces anglophones et Ottawa, qu'on est
en train tous les jours de changer à Ottawa par téléphone
et tout, de sorte qu'au moment où je vous parle, aujourd'hui, je ne sais
plus moi, quelle est la partie de ceci qui est encore bonne. Ce qui signifie
quoi en réalité? Je ne sais pas si vous vous rendez compte de
celai Cela signifie que ce texte signé par tout ce monde-là, dont
neuf provinces anglophones, est en train d'être changé - donc, il
ne vaut pas grand-chose puisqu'on le modifie - et que le texte que nous avions
signé avec d'autres provinces anglophones le 16 avril 1981 est caduc.
Cela vaut quoi une signature de province anglophone?
C'est cela que je me demande très sincèrement. Cela n'est
plus bon, et cela est en train de ne plus être bon. C'est cela qui se
passe, c'est cela la réalité. Puis on a un premier ministre de
province qui nous dit: Toute l'opération est lancée parce qu'on
veut que les lois linguistiques du Québec soient bloquées et que
la minorité anglophone au Québec continue d'être la
minorité la plus privilégiée du monde. Je ne dis pas cela
par racisme, je dis cela par réalisme. C'est cela qui se passe. (11 h
10)
Mais vous, vous êtes bien embêtés aujourd'hui, les
libéraux. C'est votre avenir à vous qui est bloqué sur le
plan constitutionnel. Pourquoi? D'abord vous êtes
irrémédiablement, maintenant, perçus par la population
comme l'appendice, la queue des libéraux fédéraux. Vos
ordres viennent d'une tête et la queue est en face, et le bout de la
queue, on vient de l'entendre parler tantôt. Donc, la population vous
considère comme étant la voix de son maître. Vous vous
souvenez des annonces de RCA Victor? C'est vous autres. Au lieu du "L" dans
votre symbole, vous devriez mettre un gramophone comme il y en avait à
l'époque. Cela, ce serait vous, la voix de son maître. C'est ce
que vous êtes en train de confirmer, et vous allez le confirmer en votant
tous les 42 contre une motion que, vous le savez, vous pourriez très
bien appuyer, si vous étiez le moindrement Québécois.
La deuxième raison, c'est qu'une fois que la révision
constitutionnelle est bloquée -ce qui sera le cas - qu'est-ce que vous
avez comme perspective de fédéralisme renouvelé?
Vous savez qu'il n'y en a plus; je l'ai dit tantôt. Tandis que, de
notre côté, il y a quand même un avenir qui peut s'ouvrir,
c'est celui de la souveraineté. On n'a jamais, nous, pensé que
l'avenir du Québec devait être bloqué, comme ce sera le
cas, par la volonté majoritaire du Canada anglais. C'est ça que
vous acceptez. À la suite de l'accord intervenu au mois de novembre
entre les neuf provinces anglophones et Ottawa, vous êtes en train de
nous dire: Allez donc voir s'il n'y a pas moyen de ramasser les miettes.
Savez-vous ce que veut Ottawa actuellement? Vous le savez très
bien, il vous en parle; à moins qu'il ne vous estime pas suffisamment
pour en parler, ce qui ne m'étonnerait pas d'après ce que j'ai su
sur la façon dont ça s'est passé au moment du
référendum. Ce que veut Ottawa, c'est essentiellement qu'on soit
assez niaiseux, assez naïf... Après avoir subi ce traitement sans
précédent qui démontre, incidemment, qu'au Canada,
l'avenir politique d'un des peuples fondateurs se détermine à
partir de mensonges et de tricheries - je l'ai vécu, c'est une
façon, au Canada, de régler les problèmes - vous voudriez
qu'on retourne là-bas, qu'on dise: Écoutez, il y a
peut-être moyen d'aller ramasser des graines, d'améliorer, en
somme, une affaire qui, au départ, est viciée, qui est
fausse.
C'est pour ça qu'on a publié dans les journaux, la semaine
dernière, samedi, dans de grandes pages, à partir de la motion
présentée à l'Assemblée nationale, ce qu'on
considère comme des conditions minimales et essentielles d'une
signature. Ce n'est pas vrai que le Québec ne veut pas signer. Cela,
c'est un mensonge que vous êtes en train d'essayer de diffuser partout.
Ce n'est pas vrai, on a déjà signé un accord en toute
bonne foi avec les autres provinces. Cependant, on ne le fera pas à
n'importe quelle condition.
Ce que vous voudriez, en somme, ça arrive chez les
libéraux dans les moments de crise où les vieux fantômes
renaissent, j'ai remarqué ça, ça arrive chez des
Québécois. Que voulez-vous? On est fait comme ça, ilfaut croire. Les vieux fantômes, c'est quoi? À quoi les
Québécois ont-ils été habitués pendant des
générations? On revoit surgir, comme réflexe, trois choses
essentiellement: la soumission, l'obéissance et, au fond, la crainte.
Là, vous avez la soumission, l'obéissance et la crainte. Vous
voudriez qu'à partir de ces bases, on aille quasiment s'agenouiller
devant ceux qui nous ont trichés et qui ont triché le peuple
québécois et qu'on leur dise: À l'article X, vous ne
pourriez pas ajouter un mot? Ce serait moins pire que si vous le laissiez comme
il est.
Non, ce n'est pas ainsi qu'on va agir, ce ne sera jamais comme
ça. Il y a quand même une question de dignité qui se
présente ici; non pas une question d'orgueil, mais une question de
dignité. Je pense que vous qui nous blâmez aujourd'hui de ne pas
négocier à genoux, si nous allions négocier à
genoux, là, vous auriez raison de nous blâmer, et vous le feriez.
Comme on vous connaît, de toute façon, on ne peut jamais avoir
raison, c'est ça le rôle de l'Opposition, vous êtes
payés pour être contre, c'est normal dans le système. Je
pense que la population le sait, et ça fait partie du jeu. Mais ne venez
pas nous demander, à partir d'instructions que vous recevez de vos amis
fédéraux, de nous asseoir, nous aussi, sur les vieux
fantômes qui ont l'air de vous guider actuellement. Vous aviez, pendant
deux ou trois semaines, réussi à vous en dégager, mais
vous avez l'air de le regretter. Vous aimez revenir à vos anciennes
peurs, bien allez-y. Vous faites partie d'un Québec qui s'en va, sauf
qu'il y en a un autre qui arrive, et on symbolise celui qui arrive, je pense,
avec tous les défauts qu'on a.
M. le Président, j'achève. Je vais terminer par une
citation qui ne peut pas mieux tomber et qui s'applique à nos amis d'en
face. C'est une citation que j'ai tirée d'une de mes lectures, rares
actuellement, parce qu'on est pris, avec l'énergie qu'on doit y
consacrer, avec tous les problèmes que nous posent le gouvernement
fédéral et leur écho provincial, ici. C'est une citation
que je dédie à nos amis libéraux, qui symbolise leur
attitude, leur action, leurs perspectives, leurs racines. C'est une citation
que je n'aimerais pas me faire donner, mais je pense que la justice, avec tout
ce qui a été mentionné tantôt et hier, exige que je
m'en serve. Cela vient d'un philosophe qui est absolument inconnu ici. Je vous
le dis tout de suite, c'est un philosophe tchèque, sauf que ce qu'il
dit, par exemple, s'applique ici, comme quoi il y a une certaine
universalité dans certains domaines. Je cite: "La dialectique du
maître et de l'esclave s'applique dans le domaine de la politique de
telle sorte que le vainqueur contraint le vaincu non seulement à
accepter sa vision du monde, mais aussi à faire siennes les formules par
lesquelles il doit accepter sa capitulation. Autrement dit, dans le jeu
politique - cela s'applique à vous aussi - le vaincu est celui qui se
laisse imposer l'attitude d'autrui et qui juge ses propres actions avec les
yeux de l'adversaire." Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, M. le Président. Avant de me lancer dans
le débat, je veux soulever deux points pour faire suite à ce que
le ministre vient de dire. Premièrement, il a dit qu'il a
découvert récemment que le
renouvellement du système fédéral est impossible
à la suite des dernières négociations. Je veux simplement
lui rappeler, ainsi qu'à la population qu'il a dit sensiblement la
même chose il y a dix ou quinze ans. Je me rappelle très bien un
article que j'ai beaucoup aimé à l'époque, intitulé
L'évangile selon saint Ottawa ou quelque chose comme cela, qui
était bien écrit et dans lequel il manifestait sa
déception devant l'impossibilité de renouveler le système
fédéral du Canada. Nous avons effectivement envoyé, pour
renouveler le système fédéral qui est voulu par la
population du Québec, très voulu, on le sait, une personne qui
était convaincue, il y a dix ans, que c'était impossible.
Maintenant, il nous dit: Je viens de confirmer que ce que j'ai constaté
il y a dix ans est vrai. Alors, le problème, ce n'est pas qu'il a
découvert quelque chose aujourd'hui. Le problème, c'est qu'il est
allé à Ottawa ces derniers mois, ces dernières
années, avec la ferme conviction que cela ne peut pas fonctionner.
Alors, envoyer un tel personnage pour faire un tel travail, je pense que c'est
plus ou moins inévitable, ce qui va arriver.
Le deuxième point que je veux soulever à la suite des
propos du ministre touche la motion. Il a prétendu que, parce que nous
avons voté avec le Parti québécois la dernière
fois, on a l'obligation de voter encore cette fois-ci. Malheureusement, ce
n'est pas la même motion. Si exactement la même motion était
proposée: pas de rapatriement sans le consentement de l'Assemblée
nationale et sans négociation, les deux choses qui étaient dans
la première motion, quant à moi, je serais très content de
voter pour une deuxième fois. Mais la motion que nous avons devant nous
cette fois-ci, M. le Président, c'est le livre beige du Parti
québécois. Pour la première fois, nous avons les propos
pour le renouvellement du système fédéral d'un
gouvernement indépendantiste et c'est un drôle de document.
La première question qu'il faut poser, c'est: Est-ce qu'on doit
le prendre au sérieux? À première vue, c'est une
contradiction flagrante et il nous est permis, je pense, de poser ces
questions. Est-ce que c'est rédigé pour l'Assemblée
nationale ou pour le congrès du Parti québécois qui va
avoir lieu dans quelques jours? Est-ce que cet isolement dont le premier
ministre et le ministre des Affaires intergouvernementales ont parlé
veut dire neuf provinces anglophones contre une province francophone ou si
c'est neuf provinces fédéralistes contre une province
séparatiste? Je ne le sais pas, mais je pense qu'on a le droit de poser
les questions. Est-ce que c'est le premier ministre qui a rompu avec les sept
autres collègues anglophones ou si ce sont les sept qui ont rompu avec
lui? La seule chose que je constate, c'est que la première fois
où j'ai vu une brisure, c'est quand le premier ministre du Québec
est sorti d'une réunion avec le premier ministre du Canada et a
annoncé que les deux avaient effectivement établi un accord qui a
été réalisé le matin à deux, semble-t-il,
sans discussion avec M. Lévesque et ses collègues des sept autres
provinces et qui, finalement, a raté dans l'après-midi. On a
l'impression, dans le public au moins, que la première motion, le
premier acte de brisure était la faute du premier ministre du
Québec. Mais on ne le sait pas. De toute façon, je vais essayer
de parler un peu de ce livre beige du Parti québécois, de sa
définition des conditions nécessaires pour le renouvellement du
système fédéral. (11 h 20)
J'ai été déçu par le discours du premier
ministre hier. Je l'ai trouvé "plate", il ne disait rien de nouveau et
même son style n'était pas aussi intéressant qu'auparavant.
J'espère que vous m'excuserez, M. le Président, mais j'ai
pensé que c'était une vieille chanson; ce n'était
certainement pas une chanson de Brel ou de Brassens, ça me rappelait un
peu Maurice Chevalier: l'homme est agréable, la musique est belle et
nostalgique, mais on a l'impression que c'est un peu dépassé. La
cassette, la patente, il n'y a pas grand-chose là pour aujourd'hui. Je
ne sais pas, c'est peut-être une impression, mais on dirait que la
population commence à trouver les propos répétés du
premier ministre sans nuance, jour après jour, un peu
dépassés. On verra en temps et lieu.
Qu'est-ce qu'il y a dans ce livre beige du Parti
québécois? Si vous me le permettez, M. le Président, je
vais le comparer de temps en temps avec le livre beige du Parti libéral
du Québec, qui croit encore dans la possibilité de renouveler le
système libéral. Le premier élément est le droit
à l'autodétermination; on est d'accord, il n'y a pas de
problème. Le consentement de tout chanqement par l'Assemblée
nationale du Québec, il n'y a pas de problème là non plus,
c'est clairement exprimé dans notre document et c'est effectivement ce
que nous avons voté dans la motion du 2 octobre. La reconnaissance des
deux peuples qui ont fondé le Canada et qui sont foncièrement
égaux, personnellement, et avec le Parti libéral du
Québec, nous sommes complètement en accord avec ce principe qui a
été exprimé avec beaucoup de clarté par la
commission Pepin-Robarts et, par la suite, dans le livre beige. Il n'y a pas de
problème.
Ensuite, vous avez la déclaration stipulant que le Québec
forme, à l'intérieur de l'ensemble fédéral
canadien, une société distincte, etc. Comme notre chef l'a
souligné hier, il y a des problèmes dont je soulignerai les
détails dans quelques minutes, on va revenir là-dessus. Pour
passer aux éléments
de la formule d'amendement, je pense que mes collègues ont
déjà amplement parlé de graves problèmes qui
existent dans cette formule d'amendement. Il nous a fait perdre le droit de
veto, il nous a proposé quelque chose qui a finalement été
accepté même par le premier ministre du Canada, sur lequel nous
avons de sérieuses réserves et nous continuons de garder ces
réserves.
La charte. Comme vous le savez, dans une charte des droits, vous avez
quatre éléments. Il y a une drôle d'affaire, là. Il
y a les droits démocratiques, les droits à
l'égalité, les droits fondamentaux et les droits juridiques. Je
pense que c'est important de mentionner un peu de quoi il s'agit. Les droits
démocratiques, qui sont le droit de voter et l'obligation de tenir des
élections, sont des droits que ce gouvernement propose d'enchâsser
dans la charte fédérale. La deuxième catégorie
comprend les droits à l'égalité, c'est-à-dire les
droits contre la discrimination sur la base de la race, de la religion, du sexe
ou de l'âge, qu'il propose d'enchâsser dans une loi
québécoise. La troisième série de droits, les
droits fondamentaux, sont les droits de penser, de s'exprimer librement, le
droit d'assemblée, d'exprimer son opinion; il propose de les
enchâsser dans la charte fédérale. Finalement, les droits
juridiques, qui sont le droit à la sécurité de la
personne, à la protection contre l'arrestation ou la détention
arbitraire, il propose de les enchâsser dans les droits du
Québec.
Vous avez ces trois droits fondamentaux dont deux, selon la thèse
du livre beige du Parti québécois, devraient être
enchâssés dans la constitution canadienne et deux autres qu'il
propose de garder comme des droits enchâssés dans les lois du
Québec. Pourquoi deux au Canada et les deux autres au Québec?
Pourquoi mon droit de ne pas subir de discrimination quant à mon
âge, 50 ans, doit-il être protégé par le
Québec et mon droit de voter protégé...
M. Payne: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vachon.
M. Payne: Je pense qu'il est important, M. le Président,
de demander au député de Notre-Dame-de-Grâce de ne pas
confondre ou induire en erreur la Chambre en s'adressant carrément au
livre beige du Parti québécois.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;
Monsieur, vous pouvez continuer.
M. Scowen: C'est clair que le député de Vachon ne
comprend pas la question de la charte des droits; il aura l'occasion de
s'exprimer plus tard. De toute façon, nous avons quatre
catégories de droits dont deux sont censées être
enchâssées à Ottawa et deux au Québec. Si nous, les
Québécois, quittons le Québec pour visiter, si vous
voulez, l'Ontario, notre droit de voter au Québec sera
protégé, mais notre droit de non-discrimination ne le sera pas.
Notre droit de penser et de nous exprimer librement sera protégé,
mais notre droit d'être protégé contre l'arrestation et la
détention arbitraire ne le sera pas. C'est idiot. Cela ne tient pas
debout. Je ne comprends pas.
Je passe ensuite à la mobilité. Nous, le Parti
libéral du Québec, croyons fermement -et je pense que la
population aussi - dans le droit de tous les Québécois d'aller
vivre, gagner leur vie, travailler n'importe où au Canada. Je ne vais
pas dire plus que ça à ce sujet. Je pense que c'est seulement le
Parti québécois qui n'est pas d'accord sur cet aspect.
Les droits à l'enseignement. La charte proposée par le
Parti québécois pour le renouvellement du
fédéralisme ne dit rien. C'est le silence total quant à
ses intentions d'accorder des droits aux minorités dans le domaine de
l'enseignement au Québec. Alors, on ne peut pas critiguer parce qu'il ne
dit rien.
Finalement, il propose de garder le droit à la
péréquation que nous avons, qui est un élément
unigue du système fédéral, qui avantage beaucoup le
Québec. Il propose de le garder dans la constitution. On est
d'accord.
En terminant, il propose que les clauses de la constitution touchant les
richesses naturelles soient gardées. Je dois souligner, M. le
Président, que cette partie de la nouvelle charte est un
élément - c'est le propos de M. Trudeau - qui va
bénéficier au Québec. Quand le gouvernement nous dit qu'il
n'y a aucun pouvoir additionnel pour le Québec dans la charte qui est
proposée, il doit au moins regarder de plus près la partie qui
touche les richesses naturelles.
Je veux retourner maintenant, M. le Président, à cette
guestion de la société distincte qu'est le Québec. Si vous
me permettez, je vais faire tout simplement la même déclaration
que la motion propose dans un autre sens. Comme vous le savez, je suis
anglophone et je veux déclarer aujourd'hui que quant à moi les
anglophones du Québec forment à l'intérieur du
Québec une société distincte par sa langue, sa culture et
ses institutions. Nous possédons tous les attributs d'une
communauté nationale distincte et nous sommes un des deux peuples qui
ont fondé le Canada; par conséquent, à l'intérieur
du Québec, nous sommes foncièrement éqaux. Pour que ce
soit bien compris dans l'autre langue, je veux répéter la
même chose essentiellement en anglais.
Our English community, because of its language, its culture and its
institutions, forms a distinct society within Québec. We
have a right to equal respect within Québec as members of one of
the two founding peoples in Canada. The English in Québec are going to
resist with vigour any efforts made by the Government of Québec to
assimilate it or to make it dissapear. (11 h 30)
C'est clair. C'est la façon la plus brève et la plus
précise d'exprimer une conception qui n'est pas exactement celle du
Parti québécois dans cette motion. Au sein du Parti
libéral, on a dit à peu près ce que je viens de dire dans
notre livre rouge et, si je comprends bien, c'est l'intention des anglophones
du Parti québécois d'apporter au congrès national qui aura
lieu dans quelques jours une motion qui vise à peu près la
même chose. J'espère, au nom des anglophones du Québec, que
la majorité francophone à ce congrès va appuyer les
personnes du Parti québécois qui proposeront cette motion, parce
que c'est un reflet, quant à moi, de la réalité du
Québec. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas plus l'intention
nous-mêmes de nous suicider que vous.
Ceci étant dit, que faut-il faire? Je suis persuadé que
cette dualité dont on parle et qui existe à l'intérieur du
Québec est très positive. Si vous acceptez la thèse des
deux nations, cela va de soi, c'est impossible d'être nationaliste, parce
que le nationalisme veut dire un gouvernement, un État qui est conforme
à un groupe national. Nous en avons au moins deux, mais je suis
persuadé que si les Anglais acceptent - et je pense qu'on l'accepte de
plus en plus - la réalité de la communauté francophone en
Amérique du Nord, 6 000 000 dans un bassin de 300 000 000, si nous
acceptons profondément la nécessité de protéger,
pas pour un an ou deux, mais de s'assurer que cette minorité soit
dotée des pouvoirs et d'un cadre juridique qui lui permettent de se
développer pour son bénéfice et celui de tous, si les
anglophones continuent, comme ils le font aujourd'hui, d'accepter de plus en
plus ce principe, si les Français, les francophones du Québec
acceptent de plus en plus d'avoir confiance dans leurs propres capacités
de vivre pleinement en Amérique du Nord sans avoir peur de perdre leur
langue et leur culture et si les gouvernements essaient d'éviter
à tout prix d'empoisonner l'ambiance et la population avec des propos le
moindrement racistes et d'encourager une compréhension mutuelle et s'ils
cherchent toujours, dans les lois qu'ils adoptent, à réaliser un
sain équilibre entre les deux communautés, je suis
persuadé qu'on peut développer ici une société qui
soit la plus intéressante, la plus riche et la plus prospère non
seulement au Canada, mais en Amérique du Nord. Mais, pour le moment, ce
n'est pas possible, parce que le Parti québécois continue de
fausser cette réalité et je ne vois pas comment, à court
terme, cela pourrait changer.
Je veux simplement soulever, en terminant, deux aspects de cette
dualité canadienne. Il y a dans la motion une déclaration
à savoir que la communauté anglophone est la minorité la
plus privilégiée au Canada. C'est intéressant, ce
débat. Les anglophones, quand ils écoutent une telle
déclaration, disent: Oui, mais la situation n'est pas comparable ici et
les francophones disent: C'est un peu hypocrite, n'est-ce pas? Par contre, les
anglophones disent: Ici, au Québec, c'est la seule province qui exerce
une discrimination juridique envers une minorité et les francophones
disent: Ah oui! mais la situation ici n'est pas comparable! Les anglophones
disent: C'est un peu hypocrite, n'est-ce pas? Je soulève cette
contradiction simplement pour vous démontrer que le problème est
complexe et, aux yeux d'une minorité soumise à une loi comme la
loi 101 qui n'existe nulle part ailleurs au Canada, il faut admettre que, de
leur côté, c'est normal que de temps en temps ils ressentent une
certaine discrimination. Quand ils ont trop avalé de déclarations
comme celle que je viens de décrire, c'est possible qu'ils aient une
certaine réticence. Je vais terminer, M. le Président, et je vous
remercie.
En terminant, je veux simplement résumer les raisons pour
lesquelles, quant à moi, on va voter contre cette motion. Comme je l'ai
dit, c'est votre proposition de renouvellement du système
fédéral. Cela consiste en quoi? Une déclaration sur la
dualité qui est contradictoire et sans retombée précise,
sans conséquence. Il consiste, d'une façon en une proposition
d'amender la constitution qui est inacceptable sauf en dernier recours. Une
charte des droits, moitié fédérale, moitié
provinciale que même un expert constitutionnel sera incapable de
comprendre le sens du raisonnement.
Finalement, une politique linguistique inexistante. C'est votre
proposition pour le renouvellement du système fédéral
à la population. Je la trouve pitoyable et je pense que la grande
majorité des Québécois sera d'accord avec moi. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Prévost.
M. Robert Dean
M. Dean: M. le Président, je me lève pour appuyer
la résolution devant cette Chambre. Je veux vous parler, pendant
quelques minutes, de constitution, d'économie et d'emploi. Quand je dis
emploi, je parle de jobs.
Avant d'entrer plus spécifiquement dans la résolution
constitutionnelle du
gouvernement fédéral et ses méfaits pour le
Québec, pour les travailleurs et travailleuses du Québec, non
seulement aujourd'hui mais dans l'avenir, je veux commenter un certain nombre
de choses qui se sont dites dans cette Chambre depuis guelgue temps toujours
autour de la guestion constitutionnelle.
On critique d'abord la façon dont notre gouvernement du
Québec a entamé des négociations avec le Canada anglais.
Ceux qui critiquent le comportement et la stratégie n'ont jamais
négocié et n'ont sûrement jamais négocié avec
le Canada anglais. Dans les négociations constitutionnelles, à
mon humble avis, le Canada anglais était égal à
lui-même.
Mon père était anglophone unilingue, né en Ontario.
Ma mère était canadienne-française, anglicisée par
les malchances de la vie, dans le sens que son père francophone est mort
très jeune. Je suis fier de mon nom et de mon héritage, mais
ça ne m'a pas empêché, pendant mes 30 ans de vie
professionnelle, de vie syndicale, de vie sociale dans le Québec, de
constater que ce qui s'est passé à Ottawa entre le Canada anglais
et le Québec était dans la nature des choses. Ceux qui
prétendent le contraire sont malhonnêtes ou ils ne savent pas de
quoi ils parlent.
Pendant mes 25 ou 30 ans, j'ai constamment côtoyé le Canada
anglais comme syndicaliste dans le milieu le plus sympathique, parce que des
syndicalistes, par définition, par sentiment, par principe,
habituellement sont des défenseurs de chiens écrasés. En
général, c'est du monde qui sympathise avec des minorités.
Je ne peux pas nier pour une minute que, pendant ces années, beaucoup de
mes camarades syndicalistes des autres provinces du Canada étaient
même sympathiques au fait français. Sympathiques aux
revendications du Québec jusqu'à un certain point. Mes 25 ou 30
ans d'expérience m'ont convaincu que dans les congrès syndicaux,
à travers le pays, ou dans les négociations avec les employeurs,
au moment où les intérêts du Canada anglais entraient en
conflit avec les intérêts des travailleurs
québécois, au moment de vérité, comme on dit,
l'anglophone canadien, malgré toutes ses sympathies, toutes ses
compréhensions, quand il voit son intérêt confronté
avec l'intérêt des travailleurs francophones
québécois, c'est toujours ses intérêts qui priment
et après ça, les petites tapes amicales dans le dos, la mine
décontenancée, la prochaine fois, mon "chum", ça nous fait
bien de la peine, mais vous comprenez. (11 h 40)
Ce que je veux dire, c'est que le Canada anglais, guand ses
intérêts sont en jeu et quand il faut qu'il choisisse entre ses
intérêts et les intérêts du Québécois
français, c'est ses intérêts qui priment et le
Québec, c'est après. C'est exactement ça qui est
arrivé dans les négociations constitutionnelles. On aurait pu
faire n'importe quoi et le résultat aurait été le
même, comme cela a toujours été depuis l'époque de
Duplessis, Lesage, Bourassa ou n'importe quel des premiers ministres qui ont
défendu les intérêts du Québec dans le passé
et qui sont revenus bredouilles.
Je veux aussi parler un peu de certaines contradictions du parti de
l'Opposition. La résolution devant cette Chambre parle de la
reconnaissance de la dualité canadienne, de maintenir cette
reconnaissance comme partie intégrante de la position minimale du
Québec et le parti de l'Opposition, le Parti libéral du
Québec, est contre la résolution du premier ministre. Pourtant,
dans le programme électoral du Parti libéral du Québec, on
lit, entre autres: "Un gouvernement du Parti libéral du Québec
s'engage à faire reconnaître l'égalité des deux
peuples fondateurs comme base de la fédération canadienne." On
promet aux électeurs cette défense et, quand arrive le moment de
voter en Chambre pour appuyer ce même principe, on le renie.
Il y a aussi, de la part de beaucoup de francophones, de
fédéralistes sincères, une espèce de croyance
naïve de la bonne volonté de nos partenaires de
négociations, que ce soit politique, ou autres, du Canada anglais.
Encore dans une entrevue qu'il a accordée au Montreal Star, le
défunt Montreal Star, de triste mémoire, M. Ryan, le 15
février 1979, a dit qu'il croyait qu'il y avait des premiers ministres
au Canada qui voulaient vraiment et qui avaient finalement décidé
qu'il fallait une réforme constitutionnelle. Il a surtout
mentionné M. Davis, qui travaille très fort dans le sens de
vouloir changer quelque chose dans cette constitution canadienne. La lettre qui
a été dévoilée aux journalistes l'autre jour dit
que ou bien M. Davis était hypocrite ou bien l'honorable chef de
l'Opposition, que j'estime beaucoup comme personne, s'est trompé
royalement. Il a mal placé sa foi et sa confiance.
Maintenant, le parti de l'Opposition essaie aussi, depuis le
début de la session, à toute occasion, de dire: Nous, on veut
parler d'économie, le monde est tanné de la constitution. Il est
vrai que le monde est tanné de parler de constitution, sauf que le Parti
libéral... C'est leur stratégie publiquement
déclarée, et ils vont continuer, c'est sûr: Arrêtons
de parler de constitution et parlons d'économie. Bon.
J'ai un document très intéressant ici, M. le
Président, écrit en anglais, pour une institution anglophone, par
un anglophone connaissant les problèmes économiques. C'est fait
en anglais, par des anglohones, pour des anglophones, donc, c'est vrai. Ce qui
se dit en français, qui se lit en français, pour des
francophones, ça, ce n'est pas vrai; on est encore tellement sous
le coup de la domination! J'accrédite cela. Le CD Howe Institute, si
vous permettez, un institut très péquiste et séparatiste!
Le titre, "Where the Economy and the Constitution Meet in Canada",
c'est-à-dire où se rencontrent l'économie et la
constitution au Canada, écrit par Barbara Hodgins. Je ne la connais pas,
la bonne femme, mais son nom est anglophone, donc, elle écrit la
vérité.
Je vais vous piger trois paragraphes dans ce document. Au tout
début, un paragraphe, à la page 3: "Fondamentalement,
l'économie et la constitution se rencontrent au Canada dans la lutte de
pouvoirs qui confrontent le centre contre les régions. Le coeur
industriel du pays contre le hinterland, qui est un terme d'économiste
pour indiquer le monde dans le bois, le reste du pays. Elle dit surtout: "Et
l'Ontario peuplé, influent sur le plan électoral, de concert avec
le gouvernement fédéral contre les autres gouvernements
provinciaux." C'est comme cela que cette madame analyse la chose. Un autre
paragraphe: "Nonobstant le résultat du référendum du mois
de mai 1980, il reste à savoir si le nationalisme
canadien-français peut s'accommoder au sein du système
fédéral." Est-ce assez fort? C'est pas mal intéressant,
cette affaire!
Un autre paragraphe: "II suit que, dans sa formule actuelle, le "country
building", c'est-à-dire l'édification d'un pays, serait
centraliste dans son approche. Dans le contexte canadien, cela veut dire que
les pouvoirs législatifs vont graviter vers le centre au
détriment des gouvernements provinciaux et en plus le centre du pays
dont l'Ontario, défini par son histoire, la démographie et
même la géographie, continuera à être le coeur de
l'économie et dominera l'économie politique de la nation."
Sa conclusion est la suivante. Son analyse était basée sur
le débat constitutionnel actuel, mais, pour tenir compte de la
particularité du Québec, la langue française, le fait
français, la culture, l'éducation dans ce contexte
économique, c'est un autre débat qu'il faudrait refaire dans un
autre contexte et dans une autre situation tellement c'est différent,
tellement c'est important.
Très rapidement aussi sur la question de la fameuse clause
Canada. On dit que ce n'est pas un problème, la clause Canada, nos chers
amis anglophones d'Ontario vont venir au Québec. Je vais juste vous
citer un petit exemple, en plus de ce que j'ai déjà dit, sur le
fait que plus des anglophones viennent au Québec, plus on les laisse
libres dans l'éducation de leurs enfants, dans la langue de travail et
tout le reste, plus le Québec va s'angliciser. Le contraire ne se ferait
pas. Ce n'est pas vrai que le bilinguisme "coast to coast" est une
réalité qui peut permettre aux francophones dans les autres
provinces de survivre, ce n'est pas vrai. Juste un petit fait. L'autre jour,
j'ai eu l'occasion de rencontrer un représentant d'une grande entreprise
internationale qui a une usine au Québec. Il m'a dit, entre autres
choses, qu'il se plaignait un peu que son directeur d'usine anglophone, de
l'extérieur du Québec, qui a eu la permission pendant trois ans
d'envoyer ses enfants à l'école anglaise, lorsqu'il a
demandé un renouvellement de sa permission, le renouvellement
était un peu mitigé. C'était donné, mais à
certaines conditions. Il m'a demandé si je pouvais intervenir, et j'ai
accepté avec plaisir, parce que je crois que c'est une personne qui ne
restera pas au Québec. Par définition, dans "sa job", sa
prochaine promotion va être ailleurs. La compagnie, en même temps,
m'a dit: Soit dit en passant, nous cherchons partout pour trouver un
Québécois francophone pour le remplacer comme directeur de
l'usine. C'est important. Ce sont des jobs pour nos amis d'en face qui se sont
identifiés, depuis le premier jour de la session, avec le patronat comme
"boss". S'il y en a un qui est battu aux élections et qui voudrait
devenir directeur d'usine de cette compagnie, il y aurait un poste vacant pour
lui.
Je vous dis que, si la clause Canada ne s'appliquait pas, si ce monsieur
pouvait s'attendre à rester ici jusqu'à la fin du monde, s'il n'y
avait pas une petite pression sur lui, au moins, pour faire instruire ses
enfants à l'école anglaise, la compagnie aurait demandé le
renouvellement, mais n'aurait jamais parlé de trouver un
remplaçant francophone québécois pour être directeur
d'usine. C'est cela la différence entre la clause Canada et la loi
existante. (11 h 50)
Maintenant, je veux parler surtout de la mobilité dans la charte
de M. Trudeau, la mobilité qui semble un bon principe. Tous les citoyens
ont le droit de travailler, de gagner leur vie, tout cela, dans n'importe
quelle province. C'est très correct, c'est beau comme principe, mais
qu'est-ce que cela veut dire dans le contexte économique actuel? Le
gouvernement fédéral a annoncé ses couleurs - j'en ai
déjà parlé ici en Chambre - cela veut dire la
mobilité de la main-d'oeuvre "from coast to coast". Cela veut dire qu'on
va charrier du monde où il y a des jobs au lieu de penser, à un
moment donné, à créer des jobs où il y a du monde.
Sur le plan économique, une philosophie est aussi bonne que l'autre. En
France, quand on a du monde en chômage, on oblige les industries à
s'implanter là où il y a du chômage. En Suède, on le
fait aussi. Je ne parle pas de la France socialiste; je parle de la France
d'extrême droite, celle de M. de Gaulle et de tous les
prédécesseurs du gouvernement actuel. Mais la politique de
mobilité "from coast to coast", cela veut
dire que s'il y a des jobs en Alberta, qu'on va prendre des
Québécois et les "shipper" en Alberta, qu'on va leur donner des
cours de formation professionnelle en Alberta. Je vous demande dans quelle
langue seront ces cours de formation professionnelle, M. le Président,
et à guel prix humain de déracinement, de dépaysement et,
finalement, de désintégration nationale, parce que le
Québécois francophone qui s'installe dans une autre province,
c'est une question de mois ou d'années, il n'est plus le
Québécois francophone, c'est un anglicisé. Il n'a pas le
choix, la vie est comme cela.
Cette résolution constitutionnelle mettra en doute le
règlement de placement de la construction. Je peux vous dire qu'avec le
gazoduc on a déjà des problèmes d'une entreprise "from
coast to coast" qui fait des pieds et des mains pour faire entrer de
non-Québécois sur ce chantier pendant qu'il y a des centaines de
milliers de Québécois qualifiés en chômage.
Une voix: C'est vrai.
M. Dean: Si on laisse aller cette charte et cet amendement
constitutionnel sans le consentement du Québec, cela va simplement
empirer. La charte fédérale veut dire que tout ce qu'on a
légiféré pour favoriser les professionnels
québécois dans l'octroi des contrats serait anticonstitutionnel
et qu'il serait laissé aux tribunaux de décider si oui ou non ces
règlements sont acceptables.
La politique d'achat au Québec, c'est vrai, fait de la
discrimination positive en faveur des produits québécois, comme
d'autres provinces le font en faveur de leurs propres produits. L'amendement
constitutionnel mettrait fin à cela. Nos politiques de subventions
où on favorise les industries qui sont entre les mains des
Québécois seraient contestables devant les tribunaux. C'est
seulement le statu quo, M. le Président. Par la résolution devant
cette Chambre actuellement, on lutte pour préserver le statu quo, le
minimum que le Québec a toujours eu dans le système
fédéral, on ne parle pas des autres développements qui
peuvent venir.
L'amendement qu'on a apporté à la clause sur la
mobilité dit qu'on va pouvoir maintenant favoriser quand même dans
les provinces les individus défavorisés socialement ou
économiquement, si le taux d'emploi dans la province est
inférieur à la moyenne nationale. Cela veut dire que si, à
un moment donné, notre taux de chômage baissait au niveau
canadien, on serait obligé de mettre fin à un programme qu'on a,
d'attendre que le taux de chômage augmente. Cela veut dire que des
programmes seraient installés, désinstallés,
réinstallés, ce serait un fouillis administratif.
Cela veut dire qu'on pourrait toujours favoriser les assistés
sociaux. C'est bien beau. Le système fédéral canadien pour
le Québec a toujours voulu dire qu'on a l'assurance-chômage et
l'assistance sociale, mais les jobs, c'est l'Ontario qui les a et, depuis
récemment, l'Alberta grâce à son pétrole. Mais tout
ce qu'il y a de préférence d'emploi pour les mieux nantis des
travailleurs québécois serait mis en doute.
En plus du statu quo, je voudrais peut-être aussi, rapidement,
parler de choses concrètes qui se font, qui nous donnent une idée
des intentions du fédéral. Vous avez entendu parler de la fameuse
question de l'Institut canadien de technologie et de formation
aérospatiale qui serait situé à Winnipeg, où il y a
juste 6% de l'industrie canadienne de l'aéronautique; le reste, c'est
à Toronto et à Montréal. On nous dit, et ce ne sont pas
des séparatistes, c'est l'Office de l'expansion économique de la
Communauté urbaine de Montréal, appuyé par la Chambre de
Commerce de Montréal et par le Montreal Board of Trade. Leur conclusion,
c'est que le groupe de travail que M. Axworthy a mis sur pied pour
décider de cette école de formation n'était même pas
mandaté pour décider du meilleur site, il n'était
mandaté que pour justifier le choix de Winnipeg comme site, et ce
malgré le fait économique que le plus qrand nombre d'emplois
possible dans les prochaines années dans l'industrie aérospatiale
canadienne seront au Québec. Mais comment donnerait-on des cours en
français aux francophones à mille milles du Québec?
Prenons maintenant le cas de Volkswagen. Tout le monde dit que le
Québec a mal patiné dans le dossier. Mais, là encore, ce
ne sont pas de méchants séparatistes, ce n'est pas le Parti
québécois, c'est M. Simon Durivage, le 3 novembre 1981, à
l'émission L'Objectif, qui dit: Depuis déjà trois ans, le
gouvernement du Québec a soumis un mémoire à la commission
Reisman, une commission fédérale d'enquête - je devrais
dire d'entêtement - sur l'industrie automobile. Le Québec
suggérait à Ottawa non seulement de réduire la taxe
à l'importation, mais de l'abolir carrément, mais à la
condition toutefois que le constructeur d'automobiles en question, japonais ou
européen, s'engage non plus seulement à acheter des pièces
au Canada, mais à fabriquer des pièces d'automobiles au Canada,
donc à investir ici. Ici, dans l'esprit du Québec, ça
voulait dire ailleurs qu'en Ontario seulement.
Pendant ce temps-là - ça remonte à trois ans - un
sous-ministre adjoint du ministère de l'Industrie et du Commerce du
Québec allait régulièrement en Allemagne proposer à
Volkswagen de construire une usine de pièces de moteur en aluminium au
Québec, proposition à laquelle Volkswagen ne disait ni oui ni
non. Mais, pendant ce temps-
là aussi, les dirigeants de Volkswagen visitaient des cibles en
Ontario, à l'insu du Québec, dans le but de construire une
nouvelle usine au Canada. Le Québec n'en savait rien. Mais le
ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce le savait,
lui, et il appuyait ces projets de Volkswagen. Jamais, ni le Québec, ni
le ministère fédéral de l'Expansion économique
régionale, dirigé par M. Pierre De Bané, n'ont
été mis au courant de ce projet avant le mois de juin de cette
année.
C'est cela le système fédéral actuel en ce qui
regarde l'économie, et j'ai des exemples, c'est dommage que le
règlement m'arrête à vingt minutes, j'en aurais, pour finir
la journée, des exemples! Pour résumer, la résolution
actuellement devant cette Chambre vise à sauver les meubles pour le
Québec, à préserver les droits que nous avons
actuellement, et Dieu sait que ces droits sont minimaux. S'il fallait qu'on
parle de jobs, d'économie, de jobs qui seraient donnés à
des gens de l'extérieur de la province de Québec pendant qu'on a
des milliers et des milliers de chômeurs, quand on parle
d'économie, on parle de jobs: de jobs d'usines, de jobs de chantiers, de
jobs de magasins, de jobs de professionnels, de cadres, c'est dire que tout le
monde au Québec veut travailler honorablement et décemment. Quand
on parle de constitution, quand on parle du système
fédéral actuel qui serait brimé par l'amendement
constitutionnel du qouvernement Trudeau et le reste du Canada anglais, ce
serait encore pire, parce qu'on voit les indications des politiques
fédérales dans le domaine de la main-d'oeuvre dans le domaine de
l'assurance-chômage. On cherche à rendre plus longue la
période de travail nécessaire pour se qualifier pour
l'assurance-chomage. Qu'est-ce que ça ferait, M. le Président?
Cela ferait que, dans nos villages et dans nos villes, où il y a des
travailleurs qui ont des emplois saisonniers, mais qui se fient sur
l'assurance-chômage pour compléter leur année de travail,
plus il faut travailler de mois pour se qualifier pour
l'assurance-chômage, plus on risque d'être disqualifié et de
ne pas avoir l'assurance-chômage pour 5, 6, 7 ou 8 mois de
l'année. Cela c'est une pression absolument écoeurante et
inadmissible sur les êtres humains, les francophones
québécois qui, pour ne pas crever de faim, sont obligés de
tout laisser pour aller travailler dans les autres provinces canadiennes, pour
aller suivre les jobs du pétrole en Alberta, apprendre des
métiers en anglais et disparaître du paysage.
Politique de formation professionnelle: 80% des fonds viennent
actuellement du fédéral pour la formation professionnelle. Mais,
avec la nouvelle politique fédérale qui favorise les
métiers en pénurie, encore une fois, par exemple, les
métiers connexes à l'industrie pétrolière seraient
déplacés vers l'Ouest.
M. le Président, je termine en disant que cette résolution
doit être adoptée et devrait être adoptée à
l'unanimité par cette Chambre si les gens d'en face avaient moindrement
à coeur l'intérêt des Québécois et des
Québécoises, le désir de la masse de la population
québécoise de pouvoir gagner sa vie et de vivre au Québec
en français. Non seulement c'est une question de sauver les meubles,
mais c'est une question d'aller chercher des pouvoirs encore plus grands si on
veut véritablement prévoir, pour les Québécoises et
les Québécois, des politiques industrielles et économiques
qui vont permettre à l'avenir au peuple québécois de vivre
chez lui dans la dignité, l'harmonie et la justice. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Madame la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais juste faire
quelques remarques sur l'intervention du député de Prévost
qui m'a précédée.
J'ai été étonnée par certaines de ses
remarques et je dois dire que je n'aime pas m'en prendre au
député de Prévost parce que je l'ai vu dans d'autres
commissions parlementaires et je sais que c'est quelqu'un qui a
profondément a coeur l'intérêt des ouvriers et des
travailleurs, et peut-être plus que qui que ce soit de l'autre
côté de la Chambre. Néanmoins, quand je le vois s'opposer
avec autant de fermeté à la mobilité des travailleurs
à travers le pays, évidemment, je pense que le point fondamental
où on ne s'entend pas, c'est que nous, de ce côté-ci de la
Chambre, on croit qu'à l'intérieur de ce pays il doit exister un
esprit de solidarité, un sens du partage. Mais ces
députés, du côté ministériel, ont
abandonné depuis fort longtemps ces principes parce que leur objectif
est toujours que le Québec doit devenir indépendant et
qu'à ce moment-là, on n'a pas à se soucier de cette notion
ou de ce principe de solidarité qui doit unir les gens dans un pays.
Quand je le vois s'élever aussi fortement contre cette mobilité
des travailleurs à l'intérieur même de notre pays...
Qu'on aime ça ou pas, de l'autre côté, on vit
à l'intérieur d'un pays qui est le Canada et qui est tout autant
le mien qu'il est celui de l'Anglais de l'Alberta ou de la Colombie
britannique. Faut-il rappeler que même dans la Communauté
économique européenne - ceci a été dit par d'autres
dans cette Chambre avant moi - alors qu'il s'agit de pays souverains, de pays
vraiment indépendants, on a cette mobilité des travailleurs, et
jusqu'à maintenant...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Madame, Madame, je ne
voulais pas vous interrompre mais, de la même façon qu'on a
laissé parler le député de Prévost, je voudrais que
madame la députée de L'Acadie ait son droit de parole.
Madame la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Habituellement,
ils m'écoutent bien. Cela doit peut-être les fatiguer un petit
peu.
Une voix: C'est seulement le député de
Charlesbourg.
Mme Lavoie-Roux: Cette mobilité des travailleurs à
l'intérieur du pays, il faudrait aussi dire qu'on l'a depuis toujours et
je voudrais que le député de Prévost et certains autres de
l'autre côté de cette Chambre aillent discuter avec les milliers
de Québécois qui, actuellement, sont obligés d'aller dans
l'Ouest, d'aller à l'extérieur du Québec pour gagner leur
pain et leur sel.
Le député de Prévost a ajouté: Plutôt
que d'envoyer travailler nos gens dans d'autres provinces, que le
fédéral nous aide à créer des emplois chez nous. Je
suis d'accord, c'est souhaitable, mais est-ce qu'on a le moindre contrôle
sur la location, par exemple de l'huile? On sait fort bien que la grande partie
des emplois qui sont présentement créés en Alberta sont
dus à l'exploration du pétrole. Je souhaiterais bien qu'on en
trouve dans le Bas-Saint-Laurent ou qu'on en trouve autour des
Îles-de-la-Madeleine, mais, malheureusement, jusqu'à ce moment-ci,
on en n'a pas trouvé. Et on sait fort bien qu'au plan économique
le pétrole, à ce moment-ci, joue un rôle primordial dans le
développement des économies non seulement en Amérique du
Nord, mais à la grandeur du monde. Je pense que le député
de Prévost serait prêt à l'admettre.
L'autre chose, le député de Prévost faisait des
objections sur cette mobilité en disant que désormais on pourrait
en faire fi des corporations professionnelles qui nous régissent, etc.
Je voudrais simplement lui faire lire, à la page 4 de l'avis de motion,
enfin du projet fédéral, l'article 6, deuxièmement,
où on parle de la libre circulation des personnes. On y dit que cette
libre circulation des personnes mentionnée dans le paragraphe ei-haut
doit être subordonnée "aux lois et usages d'application
générale en vigueur dans une province donnée, s'ils
n'établissent entre les personnes aucune distinction fondée
principalement sur la province de résidence antérieure ou
actuelle; aux lois prévoyant de justes conditions de résidence en
vue de l'obtention des services sociaux publics." Ceci existe
déjà quant à la possibilité, par exemple, de se
prévaloir de l'assurance-maladie dans toutes les provinces du Canada. Je
pense que ceci ne crée pas de difficulté comme celle que vous
avez soulevée, à savoir une violation des règles des
corporations actuelles ou des différents règlements qui peuvent
exister à l'intérieur des différents corps de
métiers. Alors, M. le Président, c'est tout ce que je voulais
dire, mais je ne pouvais pas laisser passer sous silence ces choses parce
qu'elles m'apparaissent vraiment inexactes.
Nous sommes aujourd'hui devant une motion que le premier ministre a
soumise à cette Chambre. J'ai l'impression que cette motion est un peu
une motion dilatoire. Cela fait longtemps qu'on n'a pas utilisé ce mot
à l'Assemblée nationale. Une motion dilatoire dans ce sens que le
premier ministre ne revient pas nous voir avec une motion alors qu'il serait
allé discuter et négocier à Ottawa, comme le lui demandait
la motion que nous avons acceptée à l'unanimité dans cette
Chambre le 2 novembre. Non, il ne s'agit pas de cela. Le premier ministre du
Québec, sans avoir levé le petit doigt pour essayer de dire:
Est-ce qu'il y a encore des terrains d'entente, tel que le souhaite la
population du Québec, nous revient aujourd'hui avec une nouvelle motion.
Il n'est même pas allé négocier, il n'a même pas
répondu à la première motion. Moi, je pense qu'il s'agit
ici d'une motion dilatoire en ce sens que le gouvernement du Parti
québécois est un peu mal pris, il sait que la population lui
demande de négocier. On a vu, dans la mesure où on peut accorder
foi aux sondages, que 55% des francophones du Québec désiraient
que le gouvernement retourne négocier à la table.
Une voix: 58%.
Mme Lavoie-Roux: 58% même, on ne se chicanera pas, mais
c'est la majorité des francophones québécois qui lui
demandait d'aller négocier. M. le Président, est-ce que je puis
parler?
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
le député vous aurez l'occasion de parler au moment où
vous aurez le droit de parole. Cependant, pour éviter que les gens
puissent vous interrompre, il faudrait peut-être ne pas faire de dialogue
avec eux, Mme la députée. Je voudrais bien protéger votre
droit de parole.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie du conseil, je vais le suivre,
M. le Président.
Alors, pris devant cette difficulté d'aller négocier alors
qu'il n'y va pas puisgue c'est ce que la majorité de la population lui
demande, il ne trouve pas mieux que de nous amener une autre motion qui,
à bien des égards, est vraiment incomplète, comme l'ont
signalé mes collègues. (12 h 10)
Hier, j'entendais la députée ministre du comté de
La Peltrie qui à juste titre s'inquiétait que les femmes aient
été exclues ou aient fait l'objet d'une clause dérogatoire
dans cette charte qui était proposée à l'ensemble des
Canadiens. Heureusement, on sait que tel n'est plus le cas puisque les
provinces se sont entendues après être retournées
négocier. Et elles qui, hier, de bonne foi, tentaient de faire un peu
tardivement puisque c'était déjà accepté au niveau
fédéral, réaccepter ce principe de l'égalité
des hommes et des femmes, je pense que c'est vraiment
élémentaire, M. le Président. Elles auraient pu y
participer en retournant là-bas négocier avec le
fédéral. Cela s'est fait encore une fois sans elles. Mais je dois
dire, sur ce point particulier, que l'indignation de Mme la ministre, je la
partageais; et même si c'est maintenant une chose faite, c'est quand
même extrêmement inquiétant pour les femmes du Québec
et du Canada, pour l'ensemble des femmes canadiennes de voir que même
encore, en 1981, certaines provinces pensaient que c'était une chose
dont on pouvait se dispenser.
Cela dit, M. le Président, cette motion à mon point de vue
est simplement une manoeuvre du gouvernement pour créer l'impression
qu'on a l'intention d'en arriver à une entente avec le reste du Canada.
On ne peut pas se leurrer. Je voudrais, ici, relever une chose que le premier
ministre disait, hier, au cours de son intervention. Il parlait des
différentes catégories de citoyens, et disait comment ils
réagissaient. Il disait, à la page 505: À l'autre
extrême il y a ceux qui, en dépit de tous les efforts qu'on y a
mis depuis si longtemps pour suivre correctement les règles du jeu, ce
qu'on appelle en anglais et qu'on ne pratique pas toujours le fair play, nous
soupçonnent malgré tout d'avoir sans cesse les
arrière-pensées de méchants séparatistes. On ne
peut pas leur enlever cela de l'esprit, qu'ils s'arrangent avec.
M. le Président, je ne sais pas si le premier ministre
était vraiment conscient quand il a dit cette chose. J'ai relevé
quelques énoncés ou déclarations de différents
députés et même d'un ministre; Dieu merci, je n'ai eu le
temps que d'en réviser cinq où six. Voici ce qu'ils ont dit
depuis que l'entente a été signée le 5 novembre 1981
à Ottawa. Les gens du côté ministériel, du
côté du Parti québécois se sont exprimés
ainsi. Le député de Rousseau: "La souveraineté-association
est la voie de la sécurité collective qui assurera le
développement politique, social et économique avec tout ce qu'on
essaie de faire contre nous et les coups salauds, etc, il est temps de prendre
la place qui nous revient. Ce n'est pas si compliqué de devenir libre,
indépendant, et ouvert au monde, c'est souverainement le temps". C'est
la semaine dernière que ces choses ont été dites.
La députée de Dorion: "J'exprimerai sans détour mon
souhait. Qu'on en finisse au plus tôt, qu'on sorte au plus tôt de
cette maison de fous et qu'on en vienne enfin à proclamer bien haut et
bien fort la souveraineté politique de notre peuple."
Je lui ferai remarquer que la majorité des
Québécois ne pense pas qu'il sagit d'une maison de fous puisque
la majorité des Québécois demande au gouvernement du
Québec de retourner négocier avec le gouvernement
fédéral.
Le député de Terrebonne: "Les moyens infaillibles pour
reconquérir nos droits que l'on veut nous enlever, c'est la
souveraineté, l'indépendance de mon seul pays, le Québec."
La députée de Johnson ajoutait: "Je voudrais léguer ce
drapeau du Québec qui deviendra dans quelque temps le drapeau d'un
nouveau pays, le Québec."
M. Ciaccia: Ils récidivent.
Mme Lavoie-Roux: Pour terminer - là il s'agissait de
députés - je vais citer un ministre, le député de
Fabre: "Nous nous commettons plus que jamais, à partir de ces moments
sombres, à conduire démocratiquement, patiemment le peuple du
Québec à la plénitude de son statut, c'est-à-dire
la souveraineté nationale; d'autres l'appellent l'indépendance."
On me dit que c'est le député de Vimont, je m'en excuse.
M. le Président, on a fait des gorges chaudes sur les dissidents
du Parti libéral. Si le premier ministre nie avoir des pensées
séparatistes et s'il nous accuse de le soupçonner d'en avoir, je
voudrais bien qu'il compte les dissidents parmi son parti. C'est clair et net,
tous ces gens, de l'autre côté de l'Assemblée, l'ont dit et
redit la semaine dernière, ils l'ont dit, ils l'ont redit au moment du
référendum, ils n'ont d'autre objectif que l'indépendance
du Québec. C'est pour ça qu'on se retrouve devant cette motion
qui, à mon point de vue, est un exercice assez futile.
M. Blouin: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, Mme la
députée. M. le député, je dois vous dire que vous
êtes déjà intervenu au cours du débat. En
conséquence, j'aimerais que vous utilisiez plutôt l'article qui
permet d'intervenir après le discours de Mme la députée de
L'Acadie. Mme la députée.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, l'autre observation
qu'on peut faire, c'est que quand le premier ministre du Québec est
revenu de la conférence fédérale-provinciale qui s'est
terminée par l'entente à laquelle il n'a pas participé, il
a dit: II y a trois points
qu'on ne peut souffrir. Il y a d'abord celui de la possibilité de
retrait, mais sans compensation financière, il y a la question de la
mobilité à travers le pays et il y a aussi la question du fameux
article touchant les droits linguistiques.
M. le Président, aujourd'hui, au moment où on se parle,
déjà des améliorations importantes ont été
apportées sur ces trois points. Déjà, le premier ministre
fédéral, sans même que le Québec ait levé le
petit doigt, a dit: Nous sommes prêts à accorder une compensation
financière dans les cas de retrait pour ce qui touche l'éducation
et la culture. De notre côté, nous avons demandé qu'on
négocie la possibilité d'étendre à d'autres
domaines cette compensation financière. Au lieu de prendre cette
ouverture qui nous vient du gouvernement fédéral, on reste ici
à discuter sur des motions vides.
Quand on parle de la question de la mobilité, déjà,
en dépit de ce que disait le député de Prévost, il
y a eu une amélioration sensible. On a dit: II faudra quand même
tenir compte du taux de chômage dans une province pour permettre
d'adopter des règlements qui contrôleront l'immigration
interprovinciale dans le cas où le taux de chômage d'une province
serait au-delà de la moyenne nationale. Y a-t-il d'autres garanties qui
devraient être ajoutées à cette clause de mobilité
ou de libre circulation des personnes? Je ne le sais pas, on n'en a jamais
entendu parler de l'autre côté, sauf que, ce matin, on vient dire
que ça va toucher aux corporations professionnelles, et je viens de
faire la démonstration que tel n'est pas le cas. On reste assis, on ne
bouge pas. M. le Président, on ne veut pas négocier.
Je voudrais surtout faire porter mes propos sur la fameuse question des
garanties linguistiques. J'ai entendu, en entrant dans cette Chambre, quoique
seulement à la fin de son discours, les prophéties apocalyptiques
- c'est le moins qu'on puisse dire - du ministre d'État au
Développement culturel, le député de Sauvé, qui
nous a dit que l'article 23 contenait en germes des danqers extraordinaires
pour le Québec, pour la survie culturelle du Québec. M. le
Président, très honnêtement, je suis prête à
discuter de tous les chiffres que les gens du côté
ministériel voudront nous apporter en cette Chambre ou en commission
parlementaire. S'il y a un tel danger... J'ai déjà eu l'occasion
il y en a qui le savent de l'autre côté de la Chambre - de prendre
mes responsabilités quand il fut nécessaire d'accorder une
protection aux Québécois au plan culturel et au plan de la
langue. Alors, je n'ai pas de leçon à recevoir d'eux. Mais je
n'admets pas que l'on charrie la population et qu'on tente ici de nous
intimider par des déclarations à l'emporte- pièce: Cela
comporte des choses dangereuses pour la survie du français au
Québec.
D'abord, au point de départ, faut-il rappeler que, même si
l'article 23 était adopté tel quel, le français resterait
la langue de travail au Québec, le français resterait la langue
de communication au Québec et on pourrait encore avoir des
règlements touchant la francisation des entreprises? Toutes ces
dispositions qui ont été adoptées dans la loi no 101 ne
seraient pas touchées. Il faut au moins dire cela à la
population. Ceux qui ont assisté au débat linguistique savent
fort bien que l'élément fondamental d'un Québec
français, c'est qu'on soit très rigoureux sur le français,
langue de travail. D'ailleurs, ceci avait été reconnu lors de
l'adoption de la loi no 22, ceci a été
répété lors de l'adoption de la loi no 101. Alors, cela
est important pour la population du Québec que, dans aucun de ces
domaines, l'article 23 ne change quoi que ce soit. (12 h 20)
Mais venons-en à l'article 23 lui-même. Il y a trois
parties à l'article 23. La première partie touche la langue
maternelle, en ce sens que les citoyens de langue maternelle française
ou anglaise pourraient recevoir l'enseignement dans cette langue. Mais
déjà le gouvernement fédéral a accepté une
clause "nonobstant" à l'égard de ce premier point de l'article
23, c'est-à-dire qu'il n'entrerait en vigueur qu'au moment où
l'Assemblée nationale du Québec déciderait qu'il est en
vigueur.
La deuxième partie de cet article 23 touche la fameuse clause
Canada, c'est-à-dire que les parents qui ont reçu leur
enseignement élémentaire dans leur province d'origine peuvent
recevoir l'enseignement en anglais ou en français, selon la province
où ils habitent. Dans ce cas-là, au point de vue des
statistiques, il n'y a pas de problème sérieux. J'y reviendrai.
Mais, sur ce point particulier, il faudrait peut-être que le gouvernement
d'en face nous dise où il se situe par rapport à cette fameuse
clause Canada parce que, même dans les sondages qui ont été
réalisés sur la loi no 101, si on répète et
à bon droit que la majorité des francophones du Québec
étaient d'accord avec la loi no 101, il y avait aussi une
majorité des francophones du Québec qui sont d'accord pour la
clause Canada. Là-dessus, il serait intéressant qu'on aille de
nouveau demander à la population ce qu'elle pense de cette clause
Canada. Évidemment, quand le Parti québécois a
adopté cette loi, il a érigé immédiatement des
frontières entre le Québec et le reste du Canada.
Maintenant, il y a aussi la clause des citoyens qui est le
troisième point. M. le Président, si vous me le permettez, j'en
ai juste pour quelques minutes. Quand vous regardez les statistiques de 1971,
aujourd'hui,
elles seraient encore plus favorables au Québec parce qu'on a
maintenant des pouvoirs touchant l'immigration que nous n'avions pas à
ce moment-là. Il y a eu une émigration très
considérable vers les autres provinces, vous le savez fort bien; on a
des déficits de population considérables chaque année. Si
je prends les statistiques de 1971, il y avait au Québec 7,8% de la
population qui étaient nés en pays étrangers. Ces chiffres
- je tiens à le dire - ne viennent pas de moi, ils viennent d'un rapport
du Conseil de la langue française à qui on avait demandé,
immédiatement après le premier projet de résolution
fédéral, d'étudier les effets démolinguistiques de
l'article 23 du projet fédéral de la charte des droits et
libertés. Je pense qu'on ne pourra pas, de l'autre côté,
contester ces chiffres.
Ces statistiques indiquaient que 7,8% étaient nés en
dehors du Québec. Ces 7,8%, se divisaient comme ceci: 1,9%
étaient des francophones, 16,4% étaient des anglophones; 66,4%
étaient des autres. Alors, des 7,8% qui étaient au Québec,
66,4% étaient des autres et ils seraient encore obligés d'aller
à l'école française. Alors, qu'on arrête de lancer
en l'air des menaces qui n'existent pas. Quant aux 16,4% des Anglais, ils
seraient en nombre moindre. Les immigrants francophones qui sont entrés
depuis 1976 sont en plus grand nombre.
Des 4,6% qui restent ou des 4,2% des autres, qui sont venus des autres
provinces, 2,3% sont des francophones, 17,8% sont des anglophones et 1,3% sont
des autres. Il y a là, évidemment, un noyau d'anglophones et si
le point 3 de l'article n'était pas corrigé, il en
résulterait une légère progression des anglophones. Mais
quand vous regardez les projections que fait le Conseil de la langue
française à partir de différentes hypothèses,
après avoir étudié les conséquences de l'article 23
du point de vue démographique ou démolinguistique, comme ils
disent, et après avoir additionné les trois facteurs, alors que
je vous ai déjà dit que le facteur no 1 ne s'appliquerait pas au
Québec, il arrive à la conclusion que si l'article 23 du projet
de charte constitutionnelle fédérale -parce que c'était le
premier projet - s'était appliqué à partir de 1977, le
nombre d'élèves des classes anglaises aurait atteint au moins 190
000 en 1979-1980, c'est-à-dire 5600 élèves de plus que
sous la loi 101. Il faut bien penser que ces 5600 élèves sont
répartis dans dix classes, sur dix années. Avec l'application
complète de l'article 23, les classes anglaises auraient regroupé
15,1% de la clientèle scolaire. Il s'agit là d'une diminution de
l'importance relative du secteur anglais, qui comptait 16,6%, si l'article 23
était accepté.
Il y a déjà le premier point qui nous favorise et qui fait
l'objet d'une clause dérogatoire. Mais, même avec ça, vous
avez cette diminution de la population anglophone, de la population scolaire
dans les écoles anglaises. M. le Président, je pense qu'il n'y a
pas là lieu de crier à la panique et au feu. Que le gouvernement
soit assez honnête, s'il veut partir en campagne sur la fameuse question
de la langue, qui est une question importante pour nous, et j'ai eu l'occasion
de me battre et de combattre pour que la langue française ait pleine
voix au Québec, mais qu'on ne vienne pas faire campagne à partir
de sorcières qui n'existent pas, sauf dans l'imagination de politiciens
qui, finalement, sont rendus au bout de leurs munitions. Tout ce qu'ils
pourront faire valoir devant la population francophone, c'est une soi-disant
menace même pas basée sur des choses ou des chiffres
réels.
M. le Président, il serait peut-être intéressant
qu'on vous réfère aussi à l'article du Soleil où,
déjà, on dit que les objectifs de réduction de la
population anglophone dans les écoles anglophones qui devaient
être atteints en 1986 sont atteints au moment où on se parle. Cela
m'apparaît extrêmement important.
En terminant, M. le Président, je voudrais, mais je pense bien
que c'est inutile, demander au gouvernement, au premier ministre de retourner
négocier, non pas de retourner négocier à rabais, mais au
moins de répondre au désir de la population du Québec de
le voir retourner négocier. Il est important de réaliser qu'une
nouvelle constitution qui serait mise en vigueur sans la participation du
Québec serait difficilement viable. Il n'en dépend que du
gouvernement de retourner là-bas. Des ouvertures, des
améliorations ont déjà été apportées
et je suis certaine que la population du Québec n'acceptera pas que,
désormais, on se cache derrière des manoeuvres comme la motion
qui est devant nous. Ce que la population du Québec demande au
gouvernement, c'est de retourner négocier avec ses autres partenaires de
la fédération canadienne et qu'on en arrive à une entente
qui respecte - et je le répète -qui respecte les lois et les
aspirations du Québec. Je pense que ceci peut se faire, si on est de
bonne foi à l'intérieur du Canada, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Rousseau, avant de vous accorder la parole, permettez-moi de rectifier une
erreur que j'ai commise tout à l'heure, puisque Mme la
députée de L'Acadie a fait allusion à un de vos discours
et que j'avais cru que vous étiez intervenu dans le présent
débat. Comme vous êtes intervenu dans un autre débat,
j'aurais donc dû utiliser l'article 49 pour vous permettre votre question
de privilège. Maintenant, je vous laisse donc cette possibilité
que je vous avais promise tout à l'heure, en espérant, cependant,
que
c'est vraiment une question de privilège.
M. Blouin: Oui, M. le Président. Je croyais, de toute
façon, pouvoir intervenir tout à l'heure, mais j'ai suivi votre
suggestion pour sauvegarder le droit de parole de la députée de
L'Acadie.
La députée de L'Acadie, après avoir cité une
partie du discours que j'ai prononcé il y a quelques jours - le 17
novembre, plus précisément - à l'Assemblée
nationale, a prétendu que puisque je précisais dans mon discours
que l'avenir du Québec, à mon point de vue, devrait être
envisagé pour que nous puissions profiter pleinement des droits et des
pouvoirs qui reviennent normalement aux peuples sur la terre, donc, notre
avenir devrait s'orienter vers la souveraineté-association. La
députée de L'Acadie a ensuite prétendu que puisque j'avais
fait cette affirmation, j'étais un dissident à l'intérieur
de mon parti.
Je dois rappeler à la députée de L'Acadie ce que
j'ai déjà expliqué au député de D'Arcy McGee
qui a fini par comprendre, lui. Au sein du Parti québécois, nous
sommes résolus à faire en sorte que le Québec
accède le plus rapidement possible au statut d'un pays souverain - c'est
vrai - mais nous avons toujours dit - et vous n'avez pas le droit de l'ignorer
- que nous le ferions avec l'appui populaire dans la mesure où la
démocratie servirait également les objectifs que nous
désirons atteindre. Vous n'avez pas le droit, Mme la
députée de L'Acadie, de dire que je suis un dissident à
l'intérieur de mon parti car le Parti québécois est
branché sur ces deux principes, la souveraineté et la
démocratie. (12 h 30)
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement de la part du whip adjoint du Parti libéral.
M. Picotte: Évidemment, cela semble, M. le
Président, être corrigé, mais il me semble que vous donniez
une ouverture à une réplique dans des débats comme
cela.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
privilège!
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Seulement pour répondre d'abord à la question de
règlement du whip adjoint, je dois dire que je sentais que le
député essayait d'expliquer qu'il n'était pas, selon les
dires de la députée de L'Acadie - puisque c'est ce qu'il
répétait - un dissident. Qu'il ait pris un peu plus de latitude,
j'en conviens, mais c'était sur la limite. Il reste quand même
qu'il avait ce droit de s'expliquer.
Mme la députée de L'Acadie sur une question de
privilège.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'ai pas dit que le
député de Rousseau était un dissident à
l'intérieur du Parti québécois. Je pense que j'ai lu un
texte du premier ministre qui a été cité en Chambre, hier,
et dans lequel il disait: "II y a ceux qui, en dépit de tous les efforts
qu'on y a mis depuis si longtemps pour suivre correctement les règles du
jeu, nous soupçonnent malgré tout d'avoir sans cesse les
arrière-pensées de méchants séparatistes." Alors,
je pense que je ne fais pas d'interprétation fausse en disant que le
premier ministre se défendait, lui, d'avoir des visées
séparatistes. C'est à cette occasion que j'ai dit qu'un grand
nombre de ses députés - et j'en ai relevé plusieurs - par
rapport à l'opinion ou au sentiment qu'exprimait le premier ministre,
étaient des dissidents.
Des voix: Cest vrai.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip du
gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, je demande l'ajournement du
débat, au nom de mon collègue, le ministre de la Justice.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Chevrette: Je demande également la suspension des
travaux de la Chambre jusqu'à 15 heures cet après-midi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Suspension des travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise de la séance à 15 h 17)
Le Vice-Président (M. Rancourt): ÀÀ l'ordre,
s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir. Affaires courantes. Déclarations
ministérielles. Dépôt de documents. M. le ministre de la
Justice.
Rapports du Comité de la protection
de la jeunesse et de la Commission
des services juridiques
M. Bédard: M. le Président, je dépose le
rapport d'activité pour l'année 1980-1981
du Comité de la protection de la jeunesse, et le neuvième
rapport annuel de la Commission des services juridigues.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapports
déposés.
M. le ministre de l'Éducation.
Rapports de l'Ordre des optométristes,
de la Corporation des technologistes
médicaux, de l'Ordre des
médecins
vétérinaires et de la Commission
consultative de l'enseignement privé
M. Laurin: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel pour l'année 1980-1981 de l'Ordre des
optométristes du Québec, celui de la Corporation professionnelle
des technologistes médicaux du Québec, celui de l'Ordre des
médecins vétérinaires du Québec et celui de la
Commission consultative de l'enseignement privé.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapports
déposés.
M. le ministre des Affaires municipales.
Rapport de la Commission nationale de
l'aménagement
M. Fallu: M. le Président, au nom du ministre des Affaires
municipales, j'ai l'honneur de déposer, conformément à
l'article 220 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, le rapport de
la Commission nationale de l'aménagement, rapport annuel 1980-1981.
Le Vice-Président (M. Rancourt):Rapport
déposé.
M. Charron: M. le Président, M. le ministre de
l'Agriculture aurait, lui aussi, un document à déposer.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture.
Rapport de la Régie des marchés
agricoles
M. Garon: M. le Président, j'ai le plaisir de
déposer le rapport annuel de la Régie des marchés
agricoles du Québec pour l'année financière 1979-1980.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Document
déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce qu'il
s'agit d'un rapport récent? Est-ce que j'ai bien compris que
c'était le rapport annuel pour 1979-1980, pour l'exercice se terminant
le 31 mars 1980, il y a bientôt deux ans?
M. Garon: M. le Président, j'ai posé la même
question au président de la régie, je trouvais, moi aussi, que
ça prenait un peu de temps. Il m'a dit que c'est parce qu'il doit
attendre les rapports des différents plans conjoints pour les inclure
dans le rapport annuel. Si on faisait rapport sans les rapports de plans
conjoints, on pourrait le faire plus rapidement. Je me demande si on ne devait
pas faire ça à l'avenir, mais il y aura moins de renseignements
dans le document. Pour que l'Opposition ait plus de renseignements, ça
prend plus de temps à les obtenir.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
On vient de toucher les privilèges de la Chambre et je voudrais,
à ce moment-ci, suggérer, d'une façon très amicale,
au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation... (15 h
20)
M. Ryan: Pas trop amicale.
M. Levesque (Bonaventure): Je lui suggère tout simplement
de faire cela en deux temps: d'abord, déposer son rapport annuel et
déposer les rapports lorsqu'il les aura. C'est bien simple.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Dépôt de
rapports du...
M. Garon: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de...
M. Garon: Le problème, c'est que si on faisait deux
rapports, deux documents, M. le Président, cela coûterait plus
cher.
Des voix: Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Dépôt de
rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.
Une voix: 1 à 0 pour...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Rapport du greffier en loi sur les projets de loi
privés
M. Charron: M. le Président, je voudrais communiquer
à l'Assemblée les notes qui me viennent du greffier en loi. S'il
y a consentement, le projet de loi portera le no 228 et il concerne la ville de
Matane. Il est conforme à l'avis et les avis ont tous été
publiés. Il s'est toutefois écoulé plus de
six mois depuis la parution des avis. Je fais donc motion pour que nous
suspendions la règle de pratique à cet égard et que nous
puissions quand même déposer le projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
sera adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Oui.
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Dépôt de
projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 1 du feuilleton,
M. le Président, s'il vous plaît.
Projet de loi no 228
Première lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député
de Matane propose la première lecture du projet de loi privé no
228, Loi concernant la ville de Matane.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le
règlement a été changé?
Une voix: C'est le député de Matapédia.
M. Levesque (Bonaventure): Ah bon! II faudrait peut-être
avoir un député et non pas un ministre pour...
M. Bérubé: Oui, c'est cela.
M. Levesque (Bonaventure): ...être parrain d'un projet de
loi privé.
M. Bérubé: Malheureusement, M. le Président,
je ne peux pas être parrain du projet de loi privé concernant la
ville de Matane, mais je crois que c'est le député de
Matapédia qui est censé présenter le projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est le nom du
député de Matapédia qu'on inscrira.
Une voix: Un discours.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Première
lecture...
M. Charron: La première lecture est-elle
adoptée?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième
lecture...
M. Charron: La deuxième lecture, à une autre
occasion.
Renvoi à la commission des affaires
municipales
Je voudrais d'abord proposer que ce projet de loi soit
déféré à la commission parlementaire des affaires
municipales.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
sera adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Questions orales des
députés. M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Adhésion à la charte constitutionnelle
des droits de la personne
M. Ryan: M. le Président, j'aurais une question à
deux volets à l'intention du premier ministre. À deux reprises,
en cette Chambre, au cours des derniers jours, le premier ministre a
critiqué le projet de charte constitutionnelle des droits de la personne
en laissant entendre qu'on avait émasculé cette charte au
chapitre des droits à l'égalité pour les personnes des
deux sexes, ce qui veut dire, en pratique, les droits des femmes à
l'égalité vu que notre système social a
généralement favorisé les hommes.
Je voudrais demander au premier ministre, maintenant que les chefs des
autres gouvernements se sont entendus clairement pour réintroduire dans
le texte de la charte une disposition forte qui garantit fermement les droits
des personnes des deux sexes à l'égalité, si son
gouvernement est prêt, surtout après ce qu'il nous a laissé
entendre au cours des derniers jours, à s'engager, lui aussi, à
adhérer au moins à cette partie de la charte canadienne sans
aucune distinction, sans aucune réserve.
Le deuxième volet de ma question porte sur un autre sujet de
désaccord qui subsiste à l'heure actuelle, la fameuse question de
la langue d'enseignement pour les enfants des minorités linguistiques.
Le premier ministre a reçu de M. Joe Clark, chef de l'Opposition
à la Chambre des communes, une lettre au début de cette semaine -
je pense que c'est hier ou avant-
hier - dans laquelle M. Clark invitait le premier ministre du
Québec à considérer la possibilité de changer un
mot dans la loi 101, c'est-à-dire la possibilité de remplacer le
mot "Québec" par le mot "Canada" à la clause qui définit
le droit d'accès à l'école anglaise. Le premier ministre a
fait un discours hier et on n'a pas entendu clairement de réponse
à ce sujet-là.
Je voudrais demander au premier ministre, en deuxième lieu, s'il
a été en contact avec M. Clark à ce sujet, s'il a
déjà répondu et en quel sens; sinon, est-ce qu'il compte
répondre et en quel sens?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est du premier volet de
la question, il y avait un amendement qui, pour des raisons techniques, je
crois - je n'étais pas en Chambre - a été reporté;
il avait été suggéré par ma collègue la
ministre d'État à la Condition féminine. Je vais
répondre plutôt sur le fond de la question.
J'ai eu l'occasion, au moins à deux reprises ici, en cette
Chambre, de déplorer l'attitude qui s'était manifestée
dans pas mal de coins du Canada anglais jusqu'à tout récemment,
après je ne sais quelle séance de tordage de bras, en
particulier, sur les droits à l'égalité des femmes.
J'ai également eu l'occasion de souligner à quel point,
sur ce plan, le Québec, non seulement n'avait de leçon à
recevoir de personne, mais était en avant sur l'ensemble du Canada,
toutes catégories, grâce à sa propre charte des droits et
libertés. Il est évident que, pour ce qui concerne la motion, on
peut faire toutes sortes de détours pour voir s'il y a moyen de changer
le sujet, ce qui est arrivé hier avec le chef de l'Opposition. Pour ce
qui concerne la motion telle qu'elle est devant nous, il est évident
qu'en ce qui concerne le Québec et ses pouvoirs c'est l'essentiel; on ne
passera pas à côté en nous envoyant dans d'autres
compartiments. Mais, pour ce qui est des droits des femmes et
répétant encore une fois qu'étant donné notre
charte des droits et des libertés, à ce point de vue, il n'y a
pas de restrictions au Québec, étant donné que Dieu sait
que ce serait plus honorable pour le reste du Canada et que, semble-t-il, c'est
réglé maintenant, d'ouvrir de ce côté, alors je
n'irai pas plus loin que de dire qu'à partir du moment où nos
conditions pour le Québec, dans son ensemble, seraient acceptées,
on serait réceptif à la discussion à ce sujet très
évidemment, comme également, pour ne pas attendre d'autres
questions, au sujet des droits des autochtones. Il s'agit de voir. Eux aussi,
d'ailleurs, à toutes fins utiles, sont reconnus, on est même en
train d'essayer de négocier depuis deux ans la définition des
droits que nous reconnaissons en principe. Partant de là, on sera
réceptif à la discussion là-dessus, c'est
évident.
Je dois d'ailleurs souligner au chef de l'Opposition que cela aurait pu
être inclus dans certains compromis qu'on avait mis au point et qui se
reflètent dans la motion parce que, si ce n'avait été de
certaines provinces anglaises qui étaient opposées farouchement
et mordicus à ce que les droits à l'égalité, par
exemple, pour les femmes soient reconnus, il est évident qu'on aurait pu
s'entendre là-dessus tout de suite à Ottawa. Inutile de dire
qu'on serait prêt à discuter là-dessus.
Pour ce qui est de ce que le chef de l'Opposition appelle changer juste
un mot dans la loi 101, Québec pour Canada, avec tout ce que cela peut
impliquer, je trouve qu'il réduit cela à un mot, mais qui est
assez lourd, avec un ton qui est quasiment dit du revers de la main: II s'agit
d'un mot. Je trouve que le chef de l'Opposition a des drôles de balances
par rapport à des problèmes fondamentaux quand il s'agit de
soupeser les mots. En tout cas, il s'agit de la langue d'enseignement et de la
clause Canada.
Je dois dire que la lettre de M. Clark, la deuxième... Et j'en
profite pour répéter ce que j'ai dit déjà: C'est le
premier des chefs politiques fédéraux qui ait manifesté
une ouverture d'esprit en ce qui concerne les exigences du Québec. Je
pense que cela en concerne une dès le départ. Je dois dire que,
dès le départ, dans sa première lettre - c'est triste
à dire, mais c'est comme ça - le chef de l'Opposition
conservatrice à Ottawa dépassait de loin les savants calculs
à la baisse du chef de l'Opposition libérale au Québec. Et
ça, j'ai été obligé de le souligner. Le chef de
l'Opposition conservatrice à Ottawa était très conscient,
dès le début, je pense, qu'il y avait un ensemble de conditions
minimales que le Québec avait posées. Il est revenu, dans sa
deuxième lettre, sur la question de la langue d'enseignement pour les
minorités. On a eu sa lettre avant-hier soir. On a commencé
vraiment, hier, à la regarder pour essayer de saisir ce qu'elle
comportait. Le moins que je puisse dire - tous ceux qui l'ont lue dans les
journaux le comprendront - c'est qu'elle est beaucoup plus complexe. En fait,
sauf tout le respect que je dois à M. Clark - c'est peut-être la
traduction, c'est peut-être je ne sais quoi - elle était tellement
emberlificotée que...
Une voix: ...
M. Lévesque (Taillon): Non, vraiment
emberlificotée, qu'il a fallu même faire de la consultation du
côté de M. Clark et de son entourage pour comprendre mieux ce
qu'il appelait le problème pratique, parce
qu'il y a le principe et il y a le problème pratique. On a obtenu
des explications qui, justement, sont à l'étude au Conseil des
ministres où on a interrompu notre séance. On devrait pouvoir
mettre au point la réponse qui paraîtra indiquée au
gouvernement d'ici la fin de la journée, mais je ne peux pas aller plus
loin pour l'instant. (15 h 30)
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Sur le premier volet de la question,
l'égalité des sexes, ai-je raison de conclure que le premier
ministre dit non à l'insertion d'un article explicite dans la charte
canadienne des droits à ce sujet? Il nous a répondu d'une
manière tellement emberlificotée qu'après l'avoir
écouté pendant plusieurs minutes on n'est pas plus
avancés. Je lui demanderais de nous dire franchement et clairement si,
oui ou non, son gouvernement favorise l'insertion d'un article comme l'article
28 du projet de charte fédéral. Son gouvernement est-il favorable
à cet article ou non? Il a signé assez de choses, il aurait pu
signer celle-là aussil
Des voix: Ah! Ah!
M. Ryan: Deuxièmement, je rectifie pour commencer
l'impression erronnée qu'a pu créer le premier ministre. Dans les
propositions que nous avions faites le 8 novembre dernier, nous laissions la
porte grande ouverte à toutes les revendications légitimes qui
pouvaient être présentées. Si le premier ministre sait
négocier mieux qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant, il pourrait
très bien, à l'aide de ces propositions, aller chercher une
compensation financière presque totale. Je lui ai demandé hier de
répondre à un petit point. Il y a l'aspect de
l'égalité que j'ai soulevé hier. Il y en a peut-être
qui sont insensibles au problème de l'égalité pour tous
les Canadiens. Nous autres, cela nous préoccupe aussi et on voudrait
avoir une réponse claire de ce côté-là. Je demande
seulement au premier ministre, à la suite...
Une voix: ... les francophones hors Québec.
M. Ryan: ... de sa réponse, deux petits points
additionnels. D'abord, ce qu'il a dit veut-il dire qu'au Conseil des ministres
on considère dans un esprit positif la suggestion faite par M. Clark?
Deuxièmement, le premier ministre est-il prêt à endosser
les propos qu'aurait tenus sur les ondes d'une station radiophonique de
Québec aujourd'hui le député de Taschereau disant que,
lui, il approuvait l'insertion dans la charte des droits canadienne d'une
clause favorable à l'égalité des sexes?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Guay: M. le Président...
M. Lévesque (Taillon): C'est vrai que...
M. Guay: M. le Président, je m'excuse auprès du
premier ministre. Le chef de l'Opposition n'était probablement pas
à l'écoute de la station CKCV où j'étais avec son
collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys. Ce que j'ai
dit très clairement, c'est que, personnellement, quant à moi, je
trouvais, sous une réserve que je vais expliquer, qu'une clause sur
l'égalité des sexes ne fait pas de problème, sous
réserve que cela puisse permettre - et cela, le chef de l'Opposition ne
semble pas l'avoir compris sous réserve, dis-je, que cela puisse
permettre à un gouvernement, celui-ci en particulier, d'avoir ce qu'on
appelle des politiques de discrimination positive qui pourraient être
interdits, et cela a été le cas aux Etats-Unis à cause de
la charte fédérale des droits aux Etats-Unis, sous réserve
qu'on puisse le faire et qu'une telle disposition ne vienne pas l'interdire
comme cela pourrait fort bien le faire.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Le mot "emberlificoter", M. le
Président, m'est venu à l'esprit. Je l'ai employé et j'ai
bien dit sauf tout respect pour ce qui est de la lettre de M. Clark, parce
qu'elle demandait vraiment d'être étudiée, qu'il fallait
consulter pour être bien sûr de ce que signifiait la proposition.
Le mot "emberlificoter" m'est venu à l'esprit, je dois le dire, depuis
que j'ai entendu, en m'excusant de mon absence, une partie de son discours,
mais le chef de l'Opposition s'est tortillé pendant une heure et demie
hier pour ne pas répondre franchement sur le fond de la motion qui est
devant la Chambre.
M. Ryan: Sur une question de privilège. M. le
Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une question
de privilèqe.
M. Ryan: Cela paraît que le premier ministre était
absent quand j'ai parlé, parce qu'il aurait compris, s'il avait
été présent.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): En fait, on a très bien
compris, oui. Cela a pris au chef de l'Opposition une heure et demie
d'entourloupettes pour passer à côté du fond de la
question, d'une façon...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): ... pour passer à
côté du fond de la question, d'une façon qui signifie
simplement ceci: c'est que cela lui est impossible, parce qu'il faut d'abord
préserver, empêcher de voler en éclats le Parti
libéral provincial et les droits de l'Assemblée nationale et du
Québec tout entier, cela vient après. Cela, on l'a très
bien compris. On a même pris acte, M. le Président, de ce que cela
signifiait.
Des voix: Bravo!
M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est maintenant de la
question sur laquelle est revenu, après un deuxième
préambule qu'on ne peut pas laisser passer comme ça, quand
même, le chef de l'Opposition, l'égalité des sexes. Il y a
certaines - je dois le dire tel qu'on le pense parce qu'on a commencé
à étudier ça pour vrai, de nouveau implications, un peu
celles que vient d'évoquer le député de Taschereau. Quand
j'ai dit qu'on était prêt... De toute façon, ça doit
venir après les conditions minimales qui nous concernent. Voici pourquoi
je dis que ça doit venir après. Dans le reste du pays, ils ont
fini par décider - et Dieu sait qu'il y a eu du tordage de bras, on le
sait - entre eux que c'était déshonorant l'attitude qu'ils
avaient prise vis-à-vis de l'égalité fondamentale des
sexes, des femmes, et des droits des autochtones. Ils ont fait une sorte
d'arrangement plus ou moins bâtard en ce qui concerne les autochtones; on
a les quelques premières réactions. Deuxièmement, ils ont
finalement ouvert la porte du côté des droits féminins.
En ce qui concerne le Québec, ces deux sujets ne posent pas de
problème de principe. D'aucune façon. On est en avant du reste du
pays, et depuis un bon bout de temps, par notre propre charte des droits qui a
primauté sur toutes nos autres lois. Alors, ce qui, pour nous, reste
primordial, c'est que les droits du Québec, comme peuple tout entier, et
de son Assemblée nationale, quant à nous, c'est minimal; c'est
ça qui est le fond de la motion. Pour le reste, comme je l'ai dit au
chef de l'Opposition, on est parfaitement prêt à en discuter et
voir comment ça peut s'ajuster en tenant compte du fait qu'aucun
enchâssement des droits - une fois qu'on aura vu les implications de
l'article 15, de l'article 28 et d'un autre, finalement, qui joue
là-dedans - aucune de ces implications ne puisse d'aucune façon
faire reculer les femmes du Québec par rapport aux progrès
qu'elles ont faits en vertu de notre charte.
Le Président: Sans préambule, courte question
additionnelle. Sans préambule.
M. Marx: Sans préambule, c'est une question
complémentaire.
J'ai compris que le premier ministre a dit que s'il peut s'entendre avec
le gouvernement fédéral, il serait prêt à
enchâsser les droits des femmes du Québec dans la constitution.
Est-ce que c'est vrai ou faux?
M. Lévesque (Taillon): Après examen de toutes les
implications.
M. Marx: Mais pourquoi toutes les implications? Est-ce que vous
êtes pour l'enchâssement des droits ou contre l'enchâssement
des droits? C'est une question simple.
M. Lévesque (Taillon): À toutes fins utiles, le
député de D'Arcy McGee, qui est suffisamment juriste pour savoir
de quoi je parle, doit savoir que non seulement, pour autant qu'il s'agisse des
pouvoirs qui existent au Québec et dont nous disposons, les droits des
femmes sont enchâssés par notre propre charte pour le
Québec mais qu'ils sont en avant de tout le monde.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre la Justice, sur une question de règlement, de
privilège ou un complément de réponse?
M. Marx: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Question de règlement auparavant et,
par la suite, M. le ministre de la Justice, je vous reconnaîtrai. Sur une
question de règlement, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le premier ministre a répondu que je dois
comprendre que les droits des femmes, au Québec, sont
protégés dans la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Puis-je rappeler aux députés des deux côtés de la
Chambre qu'une simple différence d'opinions entre collègues de
l'Assemblée nationale ne constitue pas et n'a jamais constitué
une question de règlement?
M. le ministre de la Justice, pour un complément de
réponse.
M. Bédard: M. le Président, le chef de l'Opposition
semble mêlé dans les chartes et les effets qu'elles peuvent avoir
l'une par rapport à l'autre. Vous savez très bien une chose - M.
le premier ministre l'a dit et tout le monde le sait au Canada - c'est que la
charte la plus avancée concernant l'égalité des sexes,
c'est celle du Québec. Premier point.
Deuxième point, je pense qu'avant de
poser un geste - le député de D'Arcy McGee devrait le
savoir - il est important de très bien savoir quels seront les effets
d'une charte fédérale enchâssée qui donne moins de
droits aux femmes que la charte des droits du Québec en donne, parce
que, s'il fallait que la charte fédérale ait
prépondérance sur les chartes provinciales, si on l'acceptait,
ça voudrait dire qu'on enlèverait des droits aux femmes du
Québec. Cela, on ne l'acceptera jamais. (15 h 40)
M. Ryan: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une guestion
de privilège.
M. Ryan: Je considère que le ministre de la Justice induit
la Chambre en erreur lorsqu'il veut laisser entendre que nous voudrions enlever
des droits aux femmes. Nous voulons leur en donner et leur en garantir.
M. Bédard: Question de privilège.
Le Président: M. le ministre de la Justice, sur une
question de privilège.
M. Bédard: Je n'ai jamais dit que les intentions du chef
de l'Opposition et de l'Opposition - on va être honnête de ce
côté-ci, ce que vous n'êtes pas - étaient d'enlever
des droits aux femmes du Québec. Je pense que le chef de l'Opposition a
la même préoccupation que nous. Ce que je dis, c'est que le chef
de l'Opposition, sans s'en rendre compte, est en train, justement, de
mêler la population, parce qu'il sait très bien qu'à partir
du moment où la charte fédérale a
prépondérance sur les chartes provinciales, l'accepter, ce serait
des droits qu'on enlèverait aux femmes du Québec. Alors,
réfléchissez avant de parler.
Des voix: Bravo!
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: II y a deux questions de privilège
à ma gauche. M. le leader, est-ce que je dois vous reconnaître en
premier?
M. le leader de l'Opposition, sur une question de privilège.
M. Levesque (Bonaventure): Je vais être très bref.
Je vais référer aux propos du ministre de la Justice qui, comme
je l'espère, a l'intention d'éviter la confusion. Ma question de
privilège est celle-ci. Lorsque le ministre de la Justice parle d'une
charte fédérale et d'une charte québécoise,
à ce moment-là, M. le Président, il induit la Chambre et
la population en erreur. Il y a une charte fédérale
présentement. Il y a une charte provinciale. Mais ce dont on parle,
c'est d'une charte constitutionnelle et non pas d'une loi statutaire.
Des voix: Oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Je remarque que depuis quelques jours,
les questions de privilège sont très populaires, mais
j'inviterais les députés à relire les articles 49 et
suivants de notre règlement. Je pense qu'il ne faut pas abuser des
questions de privilège. Sans nommer quiconque, je dois vous dire que,
depuis quelques jours, on en abuse des deux côtés de la Chambre et
je demande votre collaboration, s'il vous plaît!
Question principale...
M. Marx: Question de privilège. Des voix: Ah!
Le Président: M. le député de D'Arcy McGee,
sur une question de privilège.
M. Marx: J'ai une question de privilège et je veux
m'expliquer deux minutes, moins de deux minutes. Le ministre...
Une voix: ... question de privilège.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Question principale, Mme la
députée de L'Acadie.
M. Marx: Question de privilège.
Le Président: Question principale, Mme la
députée de L'Acadie.
Une voix: Thanks a lot.
Le Président: Mme la députée de L'Acadie,
vous avez la parole.
Une voix: You are a former professor. Le Président:
À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Lavoie-Roux: M. le
Président. Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Parlez donc en français!
Une voix: Speak white!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
J'ai reconnu Mme la députée de L'Acadie.
L'état des négociations avec les
omnipraticiens
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le
Président. Je ne voudrais pas jeter de l'huile sur le feu, mais
si cela peut vous consoler -je me réjouis de ce que j'appellerais une
session historique - c'est la première fois que je vois tous mes
collègues de l'Assemblée nationale, d'un côté comme
de l'autre de la Chambre, défendre les droits des femmes de cette
façon.
Des voix: Bravo!
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales. Le ministre se rappellera que peu de temps
avant le référendum, les fédérations de
médecins acceptaient de prolonger l'entente ou les ententes qu'ils
avaient signées jusqu'en mai 1981. Je pense qu'à ce
moment-là, tant le gouvernement que les fédérations
étaient satisfaits. Depuis mai dernier, nous avons interrogé le
ministre sur les problèmes créés dans les services de
santé par l'insuffisance des effectifs dans les régions
éloignées et, plus récemment, sur le problème du
ralentissement de travail des anesthésistes omnipraticiens dans
certaines régions du Québec. Encore aujourd'hui, ces deux
problèmes n'ont pas été réglés.
Aujourd'hui, l'ensemble des médecins omnipraticiens du
Québec, pour protester contre la lenteur des négociations et
également à la suite du dépôt du projet de loi no 27
qui contient certaines dispositions prévoyant la possibilité du
gouvernement d'intervenir du moins dans certains secteurs par un décret,
ont décidé de tenir une journée d'étude lundi
prochain, c'est-à-dire que 5000 médecins du Québec seront
en journée d'étude.
Le ministre peut-il, aujourd'hui, faire le point sur l'état des
négociations avec, premièrement, la Fédération des
médecins omnipraticiens et, deuxièmement, avec les omnipraticiens
anesthésistes? Dans chacun des cas, peut-il nous indiquer combien de
rencontres ont été tenues entre le ministère des Affaires
sociales, ou les négociateurs du gouvernement, et les
fédérations? Dans le premier cas, c'est la
Fédération des médecins omnipraticiens.
Troisièmement, peut-il nous dire s'il y a des indications qu'on ne
pourra pas régler selon le recours habituel ou le déroulement
normal des négociations, ou en arriver à une entente, pour qu'il
ait senti le besoin de recourir, en plein cours de négociations,
à cette possibilité de décret qu'il pourrait exercer si on
n'en arrive pas à une entente?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): Si on me le permet, en réponse au long
préambule de la députée de L'Acadie, j'aimerais rappeler
certains éléments. J'ai, en effet, pris connaissance du
communiqué de la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec qui a été rendu public hier et
dans lequel elle rappelle qu'elle partage les grands objectifs contenus dans le
projet de loi qui, comme on le sait, ont trait à l'accessibilité
des soins, à la répartition des médecins sur le
territoire, à l'implication des médecins au niveau des
établissements et à différents mécanismes qui
impliquent une gestion rationnelle de l'utilisation des ressources dans les
hôpitaux.
Par ailleurs, la fédération a laissé savoir qu'elle
avait des réserves sur les moyens au niveau de cette loi en faisant
valoir que le ministre se donnait des pouvoirs de décret. Je crois
comprendre qu'il y a peut-être une exagération de la portée
de certains articles dans l'interprétation qu'en fait la FMOQ. Les
pouvoirs que le ministre se donne en vertu de la loi, en termes de
décret, ou que le gouvernement se donne en vertu de la loi touchent
exclusivement le tarif applicable aux nouveaux entrés dans le
système de la Régie de l'assurance-maladie, c'est-à-dire
les gens qui adhèrent pour la première fois au système de
rémunération et seulement après un échec des
négociations, dans ce cas-là, donc, c'est assez limité;
par ailleurs, des pouvoirs de décret dans les cas où la
santé publique est en péril, ce qui, soit dit en passant, me
paraît un anachronisme dans nos lois, que le gouvernement lui-même
ne soit pas doté d'un minimum d'éléments lui permettant de
régler les problèmes de la santé publique alors que le
Code du travail le prévoit déjà pour d'autres choses. En
ce sens-là, ce sont les pouvoirs de décret et les seuls dont on
parle comme étant des pouvoirs de décret.
Quant à la notion de bureaucratisation de la médecine
qu'on a évoquée, bien au contraire, la loi va dans le sens d'une
prise en charge et d'une plus grande responsabilité des médecins
entre eux-mêmes dans la médecine d'établissement et jamais
je n'accepterai, tant que je serai responsable du ministère des Affaires
sociales et de la santé au Québec, que les fonctionnaires
interviennent dans la relation entre le patient et le médecin. La
médecine est une affaire qui regarde les médecins et il faut non
seulement conserver ce principe, mais également le consacrer dans
certaines choses, dans certaines interventions que les médecins
eux-mêmes peuvent faire en établissement. Je pense qu'il y a une
place pour discuter de tout cela et cette place, c'est la commission
parlementaire qui aura lieu, comme on le sait, les 8, 9 et 10 décembre
prochains. (15 h 50)
Quant à la négociation, j'ai évoqué, au
moment du dépôt du projet de loi, certains des grands principes et
des grands mandats. Puis-je me permettre de faire un rappel très bref de
cette chose? La dernière convention collective a connu son expiration il
y a cinq
mois. Celle qui l'avait précédée avait pris quatre
ans à se négocier. Cinq mois après l'expiration, j'ai eu
l'occasion de révéler sur la place publique les grandes
orientations quant aux mandats, orientations comprenant -en termes de
négociations, encore une fois, non pas dans la loi - que certaines
activités ou certaines catégories de spécialistes
pourraient être à honoraires fixes; préciser et mettre
à jour certains des éléments qu'on trouve dans ces
conventions; favoriser, par différents régimes de primes, la
médecine en régions au Québec pour les citoyens de ces
régions; finalement, rémunérer - il reste à
discuter comment - les activités administratives des médecins
dans les établissements. Je pense que tout ça on peut en discuter
dans un contexte qui n'est pas facile, on le sait. C'est celui que le
gouvernement n'a pas tellement d'argent. Je pense que c'est un secret de
polichinelle. Les médecins en savent quelque chose; compte tenu de leur
niveau de revenus, ils sont abondamment taxés. Ils savent que
l'État n'a pas tant d'argent que ça. C'est évident que
cela ne fait peut-être pas l'affaire des médecins comme d'autres
dans les secteurs public et parapublic de savoir que nous entrons dans une
époque d'une certaine austérité sur le plan des
dépenses publiques, y compris au chapitre de la
rémunération de ceux qui émargent au budget de
l'État.
Il y a une place pour ça. C'est la table de négociations,
pas ailleurs. Quant aux attitudes, puis-je me permettre de faire remarquer que
l'Association des médecins omnipraticiens de Montréal publiait
tout récemment un bulletin qui s'appelait: Contester d'abord,
négocier ensuite. Je ne sais pas si on veut nous reprocher à
nous, franchement, de ne pas négocier. Nous sommes prêts. Nous
avons les mandats et ils ont été évoqués
publiquement. Certaines choses contenues dans la loi sont reliées
à l'ensemble de l'activité médicale et peuvent
intéresser les médecins. Encore une fois, ils pourront venir nous
le dire en commission parlementaire.
Finalement, sur cette question qui touche les omnipraticiens
anesthésistes, je pourrai donner les chiffres d'ici la fin de la
période des questions. C'est un dossier que j'avais avec moi hier, mais
je ne l'ai pas ici. Nous avons effectivement eu une série de rencontres
avec eux. La dernière remonte à la semaine dernière. Au
moment du dépôt du projet de loi, j'ai parlé au
président du syndicat, le Dr Czitrom, pour lui dire qu'à mes yeux
cela n'empêchait pas que nous puissions nous asseoir et régler le
problème des 19 omnipraticiens anesthésistes dans le cadre d'un
mandat précis, dans le cadre de l'entente existante, mais qu'on n'essaie
pas de traverser toute la question de la répartition des médecins
en régions à partir de ces 19 cas. Nous demeurons prêts
à le faire. Il appartient maintenant au syndicat de nous répondre
à la table des négociations, où nous sommes
prêts.
Le Président: Question additionnelle, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre dit que la
possibilité de décret ne s'applique qu'à une section
particulière, soit les nouveaux médecins entrant sur le
marché du travail. Je ne voudrais pas entrer là-dedans, la
question ne me le permet pas, mais juste une rectification: Le ministre peut
aussi à titre expérimental rendre applicable, par un
arrêté qui tient lieu d'une entente, le mode de
rémunération de certains professionnels à
l'intérieur des établissements. C'est aussi une autre disposition
qui est dans la loi. J'ai posé une question précise au ministre.
Je lui ai demandé: Combien de rencontres avez-vous eues avec la
Fédération des médecins omnipraticiens depuis que l'autre
entente est devenue échue? C'est d'un commun accord que vous l'aviez
prolongée jusqu'en 1981. Est-ce que le ministre des Affaires sociales,
qui a été aussi ministre du Travail, trouve habituel ou
régulier, alors qu'on est en négociations puisqu'il a
parlé d'une table de négociations et de mandats, d'intervenir par
le truchement d'une loi. Je ne mets pas de côté les bons
éléments de la loi, on y reviendra en d'autres occasions. Mais il
met de côté, en somme, les négociations, s'il n'a pas
d'indication qu'elles vont bloquer immédiatement, et qu'il intervient
avec les possibilités de décret précises à
l'intérieur de la loi 27.
Le Président: M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Évidemment, la marge reste.
Écoutez, on est toujours en négociations. On le ferait le
lendemain de la signature d'une entente, puisque la loi dispose de certaines
matières notamment quant à des instruments que l'État se
donne pour régler le problème de la répartition des
médecins en région de Québec sans affecter pour
autant...
Mme Lavoie-Roux: Négociez d'abord!
M. Johnson (Anjou): Oui, mais il faut bien voir que la loi par
définition, puisqu'elle touche à des choses qui ont toujours
été négociées, même si ça fait qu'on
n'a pas toujours réglé le problème parce que
c'était toujours négociable... Il est bien évident qu'on
peut nous reprocher d'intervenir dans le processus. On pourrait nous le
reprocher le lendemain de la signature de l'entente aussi. En ce sens, il
s'agit d'être cohérent. Il s'agit de voir qu'il y a là non
pas une volonté d'empêcher la négociation de se
tenir, mais de préciser certaines règles, et ces
règles, encore une fois, n'affectent pas de façon fondamentale
les contenus des négociations, à l'exception de ce qui touche les
médecins en région, d'une part, où encore une large partie
reste à négocier et est négociable en vertu de la loi et,
deuxièmement, le rôle des médecins dans les
établissements. Cela va dans le sens, carrément, d'un
accroissement des prérogatives, d'une responsabilisation collective des
médecins à l'égard d'eux-mêmes dans
l'établissement, parce qu'ils se sentent - ma foi, avec raison, dans
bien des cas - passablement aliénés de ce qui se passe dans
certains des établissements où ils ont très peu de
préhension sur les choses qui les touchent de près.
En ce sens, je pense que c'est sans doute caricaturer
considérablement que de dire qu'on change les règles du jeu et,
dans la mesure où il n'y a jamais eu de règles de faites, d'en
établir. C'est vrai que c'est changer une situation, mais on
établit des règles à l'égard de certaines choses
qui apparaissent fondamentales et qui semblent relever de
l'intérêt public et de la santé publique, dans le sens de
l'intérêt de l'ensemble des citoyens. Je suis convaincu que les
médecins pourront y participer.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une question
additionnelle.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, question
additionnelle.
M. Levesque (Bonaventure): J'ai bien écouté le
ministre des Affaires sociales, mais je n'ai pas tout à fait eu une
réponse à des situations précises. Par exemple, au seul
hôpital que j'ai dans mon comté, l'hôpital de Maria, les
anesthésistes omnipraticiens ne fonctionnent plus. Donc, l'hôpital
est désorganisé et cela, depuis quelques semaines. Le ministre
est-il conscient de cela, va-t-il permettre que cela se poursuive et pour
combien de temps?
Le Président: M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'à l'égard de la
population de Maria qui est desservie par cet hôpital, il est bien
évident que la situation qui s'étire à l'égard des
omnipraticiens anesthésistes contient les germes de ce qui pourrait
devenir une situation dangereuse, possiblement, malgré les efforts qui
ont été faits et le fait que, dans les cas d'urgence, on m'a
informé que les services étaient assurés.
Est-ce que ce n'est pas justement un exemple concret qui justifie le
genre de mesures qu'on introduit? On dit: Quand il y a un péril à
la santé publique, est-ce que tout cela devrait rester
éternellement négociable? Nous répondons non au nom des
citoyens.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la députée de L'Acadie,
une dernière question additionnelle.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre doit me
donner quelques autres réponses, des chiffres plus précis.
Peut-il me dire s'il y a eu des ouvertures ou des négociations faites
dans le cadre de la loi 84 qui prévoit que, par entente, depuis que
cette loi a été adoptée en 1969...Y a-t-il eu des
ouvertures et des négociations avec les fédérations pour
en arriver à adopter des mesures concrètes et constructives pour
les régions éloignées, ou s'il n'y en a pas eu? Parce que
ceci est dans la loi.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): Finalement, de quelque façon qu'on le
regarde, sous quelque côté de la loupe qu'on le situe ou de
quelque côté de la Chambre qu'on l'envisage, il semble
évident qu'en fin de compte, on parle d'argent. Que ce soit la loi 84,
le projet de loi 27, les mandats de négociation ou toute autre demande
syndicale, cela se résume à une chose: de l'argent. Les mandats
de négociation, non seulement dans le cadre de l'entente à
renouveler et des grands objectifs de cette négociation qui commence
réellement, mais également dans le cas des anesthésistes
omnipraticiens, impliquent de l'argent. Nous avons mis de l'argent sur la table
pour régler ce problème. Il n'y en avait pas assez, semble-t-il,
d'une part. Nous avons été prêts et nous avons
continué à négocier. Par ailleurs, de son
côté, le syndicat a insisté quant à la technique
utilisée pour la rémunération. Or, cette notion de la
technique utilisée pour rémunérer ces 19 personnes touche
toute la question de la répartition des médecins sur les
territoires pour l'ensemble des régions du Québec. Nous pensons
que ce n'est pas dans le cadre du règlement du cas de 19 médecins
que tout cela doit être fait, mais à la table, dans le cadre des
objectifs généraux que j'ai rendus publics récemment.
Mme Juneau: C'est à mon tour! Des voix: Ah! Ah!
Le Président: Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci.
Des voix: Bravo! (16 heures)
Levée des contingents à l'importation
des chaussures de cuir
Mme Juneau: M. le Président, depuis le printemps dernier
que j'essaie de poser une question. Je ne peux pas comprendre comment cela
fonctionne mais, en tout cas, ce n'est pas la même question parce qu'elle
a été réglée favorablement.
Ma question d'aujourd'hui s'adresse au ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme. J'ai appris par les journaux ce matin que le
fédéral était pour mettre fin au contingentement de la
chaussure de cuir, malgré les protestations des manufacturiers, des
syndicats et des travailleurs de mon comté de Johnson qui travaillent
dans l'industrie de la chaussure de cuir, ainsi que du député de
Richmond qui a plusieurs travailleurs. Je voudrais savoir si le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec va essayer de faire
réviser la décision prise par le ministre de l'Industrie et du
Commerce d'Ottawa pour préserver nos emplois parce que, franchement, on
a beaucoup de chômage, ce n'est pas le temps d'en ajouter. Il faudrait
bien qu'on fasse quelque chose, nous du Québec, si le
fédéral n'est pas capable de le faire.
Le Président: M. le ministre. M. Biron: M. le
Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Biron: M. le Président, je remercie Mme la
députée de Johnson de l'intérêt qu'elle manifeste
constamment pour les travailleurs et les entreprises de son comté.
Des voix: Travailleuses.
M. Biron: Travailleuses aussi, bien sûr. M. le
Président, j'ai appris hier matin avec consternation cette
décision complètement irresponsable et aberrante du ministre
fédéral de l'Industrie et du Commerce, M. Gray, décision
qui, d'après le gouvernement du Québec, d'après les
manufacturiers de chaussures du Québec, d'après les syndicats et
des travailleurs et des travailleuses dans le domaine de la chaussure au
Québec, sera complètement catastrophique pour environ 80
entreprises du Québec et 6600 emplois.
Il est question, M. le Président, d'enlever complètement
les contingents sur les chaussures de cuir qui entreront au Canada. Lorsqu'on
songe qu'au Québec 90% à 95% de notre production dans la
chaussure, c'est de la chaussure de cuir, on peut s'imaginer ce qui va arriver
lorsqu'on laissera entrer à pleine porte des chaussures de Taiwan, de
Hong Kong et d'un peu partout dans le monde.
M. le Président, il y a déjà un an mon
prédécesseur, Yves Duhaime, a écrit au ministre
fédéral de l'Industrie et du Commerce pour lui demander de
conserver les contingents pour une période de cinq ans. Il y a quelques
mois, à la fin de mai, j'écrivais à M. Gray pour lui
demander la même chose. Tout ce qu'on a eu, ce sont des accusés de
réception. Dernièrement, il y a un mois, avec mon
collègue, le ministre d'Etat au Développement économique,
nous avons fait parvenir un télégramme à M. Gray lui
demandant de prendre une décision en faveur du maintien du
contingentement pour protéger les entreprises et les emplois que nous
avions au Québec dans ce domaine. Pour toute réponse, au dernier
télégramme en particulier - les autres, c'étaient des
accusés de réception - hier matin, on a reçu un
télégramme nous avisant de la décision du ministre Gray de
faire en sorte que des entreprises du Québec, en particulier, puissent
mourir à petit feu, parce qu'on va laisser rentrer des chaussures de
l'extérieur et les travailleurs, les travailleuses du Québec
perderont leur job.
M. le Président, en plus, le tribunal "antidumping"
fédéral, tribunal fédéral qui n'est un tribunal ni
québécois, ni péquiste, disait ceci à M. Gray il
n'y a pas tellement longtemps. Le tribunal disait: "Les chaussures de cuir
importées de ces pays, les pays en voie de développement, font
maintenant directement concurrence aux chaussures canadiennes à prix
moyen qui représentent environ 90% de la production. En l'absence de
contraintes à l'importation, la capacité de l'industrie
canadienne à conserver sa part actuelle du marché, soit la
moitié de ce dernier, serait gravement menacée et il est fort
douteux que cette situation serait différente dans cinq ans."
M. le Président, surtout après que le gouvernement du
Québec a fait un effort immense au cours des trois dernières
années, grâce au programme Innovation chaussure, grâce
à la SDI, grâce à la baisse de taxe sur la chaussure,
grâce à la promotion de l'exportation des produits de la chaussure
en particulier, lorsque le gouvernement fédéral et les "free
traders" veulent aider l'Ontario, je répète que cette
décision est complètement irresponsable.
Le Président: À l'ordre!
M. Biron: M. le Président, je répète que
cette décision est complètement irresponsable. Cette
décision a été prise sans aucune consultation avec le
gouvernement du Québec. Chaque fois que nous avons voulu communiquer
avec le gouvernement d'Ottawa, il n'y a pas eu moyen d'avoir de consultation.
La seule nouvelle précise, c'est venu hier matin, lorsqu'on nous a fait
part de la décision fédérale. Cela prouve
qu'Ottawa se fout complètement du développement
économique du Québec, des emplois et des entreprises du
Québec.
Le Président: En concluant, M. le ministre, s'il vous
plaît!
M. Biron: M. le Président, je suis en train de
préparer aujourd'hui une lettre à M. Gray, lui demandant d'abord
de changer sa décision, d'être un peu moins proontarien et un peu
plus proentreprise et protravailleur et protravailleuse du Québec. En
dernier lieu, je lui demande d'être complètement responsable pour
une fois et de décider en faveur des entreprises et des
travailleurs.
Le Président: Question principale, M. le
député de Viau, sans additionnelle.
Suspension des cours
au Centre de l'enseignement
vivant
M. Cusano: M. le Président, à maintes occasions,
dans cette Assemblée ou en commission parlementaire, le ministre des
Finances et d'autres collègues nous ont assuré que les coupures
budgétaires n'étaient que des coupures dans le gras.
Ma question sera très brève. Elle s'adresse au ministre de
l'Éducation. En juin dernier, les institutions privées pour
l'enfance inadaptée, c'est-à-dire le groupe des onze, ont
supplié le ministre de l'Éducation de modifier la formule de
financement, car celle-ci prévoyait une augmentation de 2% au budget de
l'institution et d'autres règlements du ministère les
forçaient à verser une hausse de 14% aux enseignants dans les
institutions. Les représentants de ces institutions ont, à
plusieurs occasions, dit au ministre de l'Éducation que, dans un tel
contexte, elles seraient forcées de fermer leurs portes. Le ministre
nous rassurait en disant: "Nous rencontrons les institutions et nous sommes en
train de négocier une formule." Il continue plus loin en disant qu'il
était convaincu qu'on devrait subventionner à 100% les
écoles privées, spécialement celles dispensant
l'enseignement à l'enfance inadaptée. M. le Président, les
représentants de ces écoles ont passé du rôle de
prophètes à celui d'oiseaux de malheur. M. le Président,
permettez-moi de vous lire un télégramme...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Très brièvement, M. le député de Viau, s'il
vous plaît! La période des questions est expirée.
M. Cusano: ... qui était adressé au ministre de
l'Éducation et était signé par M. Marcel Saucier,
président d'une institution du comté de Viau. "Suite à
notre télégramme du 12 novembre 1981, nous nous voyons dans
l'obligation de vous annoncer, M. le ministre, que le Centre de l'enseignement
vivant doit, à compter d'aujourd'hui, 14 h 30, suspendre ses cours."
M. le Président, ma question est très simple, quelles
mesures concrètes prendra le ministre de l'Éducation pour
s'assurer que les 80 enfants mésadaptés du Centre de
l'enseignement vivant puissent retrouver dans les prochaines vingt-quatre
heures leur école ouverte?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: M. le Président, je remercie beaucoup le
député pour sa question. Effectivement, nous suivons la situation
de très près. J'ai reçu moi aussi, au cours des derniers
jours, un télégramme de l'institution le Centre de l'enseignement
vivant dont la directrice générale est la présidente de
l'Association des institutions privées du Québec et dont le
président est M. Marcel Saucier.
Je suis très étonné de la décision qu'a
prise cette institution d'annoncer la fermeture de ses activités, car,
jusqu'à présent informé, malgré ce qu'elle
prétend -et nous en avons eu encore la confirmation aujourd'hui - elle a
un crédit bancaire de 100 000 $ qui lui permet de continuer ses
opérations.
Deuxièmement, elle a reçu, pour septembre, octobre et
novembre, les contributions de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, soit pour les trois mois qui ne sont pas encore
écoulés. Je pense qu'elle se doit de respecter les obligations
qu'elle a à l'endroit des parents aussi bien que des enfants et de la
commission scolaire. Je crois aussi qu'il ne faut pas sous-estimer le fait que
cette institution, depuis plusieurs années, a accumulé un
déficit qu'elle a soumis à notre examen et qui est actuellement
étudié par le Conseil du trésor afin de voir si nous ne
pourrions pas, par une injection de fonds gouvernementaux, pallier ce
déficit. (16 h 10)
À cette occasion, j'aimerais bien rappeler qu'il y a onze
institutions privées pour handicapés, actuellement: cinq de ces
institutions ont accumulé un déficit de 261 000 $, alors que cinq
autres ont accumulé un surplus de 447 000 $. Donc, on ne peut en
conclure que ce sont uniquement les règles de subvention du gouvernement
qui sont à l'origine du déficit actuel de l'institution. Il
devrait bien y avoir quelque part des décisions administratives,
à l'origine, là d'un déficit, là d'un surplus, qui
nous amènent à porter un jugement sur la capacité
administrative des institutions.
Quoi qu'il en soit, nous sommes en contact avec l'institution, avec le
comité des parents, avec la direction, avec le Conseil du trésor.
Nous nous sommes assurés qu'il y a une marge de crédit bancaire,
que les activités de l'institution peuvent continuer. Nous savons aussi
que, durant ce lundi et ce mardi où l'institution était
prétendument fermée, il y a eu des journées d'étude
qui n'ont pas incommodé les enfants puisqu'elles avaient
été prévues depuis quelque temps.
Étant donné toutes ces conditions, je pense qu'il n'y a
pas lieu, malgré l'extrême souci que l'on doit avoir à
l'endroit de ces enfants inadaptés, d'entretenir les inquiétudes
dont on parle à l'heure actuelle. Si la situation devait rester telle
quelle, déjà, des mesures sont en cours au ministère pour
que, s'il faut en arriver à cette dernière
extrémité, les enfants soient relocalisés dans deux autres
écoles pour inadaptés qui ont déjà accepté
de les recevoir.
Le Président: Fin de la période des questions.
On m'informe que le ministre des Affaires sociales aurait un
complément de réponse.
M. le ministre.
L'État des négociations avec les
omnipraticiens (suite)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, en réponse
à la question de la députée de L'Acadie quant aux
séances de négociation avec les syndicats de médecins, je
lui rappellerai que non seulement sommes-nous prêts, voulons-nous,
désirons-nous que ces choses se règlent à la table de
négociation pour l'ensemble et que ce qui fait l'objet de la loi fasse
l'objet normal d'une discussion en commission parlementaire, mais nous avons
aussi, au cours des trois derniers mois, grâce à une vingtaine de
journées de négociation avec le Syndicat des médecins
omnipraticiens, réglé l'entente à l'égard de la
question du transport ambulancier à Montréal. Nous avons
également réglé la question des honoraires des
médecins omnipraticiens faisant du soutien en matière
psychiatrique dans la ville de Drummondville et dans la région. De plus,
avec les omnipraticiens, à l'égard du dossier des
anesthésistes, nous avons tenu huit journées de
négociation sur cette question.
Il faudrait bien voir que, peut-être, le contenu des
règlements offerts dans le cadre de l'entente existante, ou qui vient
d'expirer, ne fait pas l'affaire des vis-à-vis aux tables de
négociation, mais nous négocions. C'est bien évident que
si ce qu'ils veulent, c'est 100% de ce qu'ils demandent, ce n'est pas
ça, négocier. On a offert une base de règlement pour les
19, mais ils ont introduit, au cours de ces jours, des éléments
qui débordent la question des 19, qu'on sera prêt à
aborder, mais dans le cadre du dossier général. Il y a donc une
possibilité de régler le problème des 19 omnipraticiens
anesthésistes si le syndicat accepte, à la table de
négociation, comme nous le faisons de bonne foi, d'avancer sur les
propositions et les échanges, en termes monétaires ou autres,
mais pas en s'imaginant qu'en réglant ce dossier, on va régler
toute la question des primes, laquelle doit faire l'objet de toute
l'étape de négociation en même temps.
Le Président: Courte question additionnelle.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le ministre a l'information en
main. Peut-il me donner les dates des dernières rencontres tant au sujet
du renouvellement général de l'entente avec les médecins
omnipraticiens que celles touchant le problème des anesthésistes
omnipraticiens? Les vingt rencontres et les huit rencontres dont il parle,
quand ont-elles commencé à se dérouler?
M. Johnson (Anjou): Dans le cas de Drummondville, c'était,
si mon souvenir est bon, au cours de l'été, au cours du mois de
juillet. Un règlement est intervenu quelque part à la fin de
l'été et les arrêtés en conseil confirmant les
modifications, à cause du processus qu'on connaît, le Conseil du
trésor et le Conseil des ministres, ont pris un certain temps, mais
l'entente a été conclue à la fin de
l'été.
Dans le cas des ambulances, l'entente remonte maintenant à il y a
environ trois semaines à la suite d'une série de
négociations assez intensives pendant à peu près un mois,
un mois et demi qui l'ont précédée.
Dans le cas des omnipraticiens anesthésistes, je dois dire
très honnêtement que ces négociations ou ces
échanges ont commencé il y a très longtemps, on le sait,
quand le problème a été soulevé la première
fois il y a environ un an, un an et demi. Le problème a
été renvoyé à un comité, etc., les
dernières rencontres ayant eu lieu, à mon souvenir, avec
précision, il y a environ quinze jours. Mais cela aussi, disons, est
sujet à confirmation et je donnerai confirmation. Il n'y a pas eu de
rencontres, en tout cas, depuis une semaine, je peux l'assurer. Il y en a
peut-être eu entre les sept et les quinze derniers jours
antérieurs à cela.
Le Président: Motions non annoncées. Enregistrement
des noms sur les votes en suspens.
Avis à la Chambre. M. le leader.
Recours à l'article 34
M. Polak: En vertu de l'article 34, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci. J'ai une question au leader du gouvernement. Il
semble qu'un projet de loi a été imprimé qui couvre, entre
autres, des modifications au régime d'indemnisation des
accidentés du travail. Est-ce que le ministre pourrait me dire quand ce
projet de loi sera déposé et compte tenu que des regroupements
d'accidentés du travail ont déjà durement
dénoncé ce projet de loi par des protestations - ils ont
même occupé le local de la commission à Sherbrooke - est-ce
qu'une commission parlementaire aura lieu et est-ce que ces gens-là, ces
regroupements seront avisés à temps pour se préparer
à y venir?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je puis affirmer au
député qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi qui sera
déposé au cours des deux prochaines séances. Donc, il ne
sera pas débattu avant Noël. Il n'y a donc pas péril en la
demeure à ce sujet.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader, les avis
à la Chambre. En vertu de l'article 34, M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: En vertu de l'article 34, à l'intention du
leader du gouvernement. Le premier ministre mentionnait, le 12 novembre
dernier, que le mandat du vérificateur concernant l'enquête au
Saguenay-Lac-Saint-Jean serait déposé en Chambre. Est-ce que le
leader peut nous confirmer que ce mandat sera déposé
incessamment?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Oui, M. le Président, si nous le pouvons,
dès demain. C'est un oubli, je m'en excuse.
M. Saintonge: Toujours en vertu de l'article 34.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député.
M. Saintonge: Le premier ministre et le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche mentionnaient également, lors d'une
période des questions précédente, que le rapport des
comptables vérificateurs concernant le Saguenay-Lac-Saint-Jean - il y
avait Montréal également, un rapport concernant le comité
organisateur - serait déposé en cette Chambre. Nous avons
reçu, en commission parlementaire, le rapport comptable pour le
Comité organisateur de la fête nationale, mais pour
Montréal et le Lac-Saint-Jean, nous n'avons pas reçu le rapport
comptable. Nous avons simplement eu droit à la page couverture en ce qui
concerne le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Est-ce que ces rapports seront
déposés incessamment également?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Je demanderais au député la
tolérance suivante. Le ministre responsable de ce dossier - je peux
m'informer à son cabinet - ne sera pas présent en Chambre cette
semaine. Alors, si je ne peux pas demain, ce sera à son retour, au
début de la semaine prochaine, M. le Président.
M. Saintonge: D'accord, mais la semaine prochaine...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laprairie.
M. Saintonge: Nous aurons une commission parlementaire
incessamment et il serait important qu'on ait ces documents avant.
M. Charron: Si je peux les avoir demain, je les remettrai demain
en son nom.
M. Saintonge: Le ministre a quand même ces rapports depuis
plus d'un mois concernant le Saguenay-Lac-Saint-Jean et nous ne les avons pas
reçus.
M. Charron: Le Saguenay-Lac-Saint-Jean, oui. Mais concernant
Montréal, il l'a depuis samedi et vous le demandez aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je
ne voudrais pas que cela dégénère en un débat.
M. Bissonnet: En vertu de l'article 34...
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article
34.
M. Bissonnet: ... est-ce que c'est l'intention du gouvernement de
déposer, avant les fêtes, le projet de loi sur
l'accessibilité à l'information gouvernementale?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: M. le Président, même si c'est en vertu
de l'article 34, comme le
ministre des Communications est leader adjoint, je demanderais, qu'on
lui permette de répondre à cette question.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, pour répondre au
député de Jeanne-Mance, je dois lui faire savoir que le projet
devrait être soumis incessamment à l'attention du Conseil des
ministres et, si possible, nous le déposerons avant Noël; sinon, au
début de l'année 1982, c'est-à-dire à la reprise de
la session en 1982.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement, les avis à la Chambre. (16 h 20)
Avis à la Chambre
M. Charron: Avant de donner les avis à la Chambre, M. le
Président, je voudrais solliciter immédiatement un consentement
de l'Assemblée. Le Conseil des ministres a pris une décision ce
matin, plutôt au tout début de l'après-midi, qui, à
nos yeux, en tout cas on verra comment elle sera reçue constitue un
développement majeur dans la crise constitutionnelle qui concerne le
Québec et Ottawa. M. le premier ministre souhaiterait que
l'Assemblée nationale soit la toute première mise au courant de
ce développement. Le calendrier et le règlement qui nous auraient
obligés à faire parvenir cette déclaration
ministérielle avant 14 heures n'a pas pu, dans les circonstances,
être suivi. Le consentement que je sollicite est qu'à 18 heures,
à la veille d'ajourner nos travaux jusqu'à demain, nous puissions
entendre cette déclaration ministérielle et la réplique
que le règlement prévoit, bien sûr, en m'engageant à
ce que le délai d'une heure prévu au rèqlement soit suivi
dans le cas du chef de l'Opposition et qu'il ait donc cette déclaration
à son bureau dès 17 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Si je comprends bien, cette motion,
que nous allons discuter tout à l'heure et qui est au nom du
député de Jean-Talon, ne se terminerait pas normalement
aujourd'hui. C'est une motion du mercredi et on sait que, normalement, il y a
deux mercredis pour discuter d'une telle motion. Est-ce que le leader
parlementaire du gouvernement veut indiquer qu'il permettrait à cette
motion d'être débattue la semaine prochaine, mercredi
prochain?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Est-ce un troc ou un échange qu'on me propose?
Est-ce cela? Non?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Non. L'heure indiquée par le
leader parlementaire du gouvernement serait le moment où un vote aurait
été pris si la motion était arrivée à
maturité, si le débat était à sa fin, mais nous
sommes dans une situation assez délicate: Nous avons une motion.
Normalement, elle devrait être discutée deux mercredis de suite.
Je demande au leader parlementaire du gouvernement s'il a l'intention - il n'y
a pas de troc ni de camion, comme on me le dit, dans cet échange - de se
prévaloir des dispositions de notre rèqlement pour tout le mois
de décembre, incluant mercredi prochain qui, normalement, serait
consacré, dans l'après-midi, à la discussion de la motion
du député de Jean-Talon.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Je dois informer le leader de l'Opposition
qu'effectivement, j'ai l'intention de profiter de toute la latitude que
m'accorde le règlement pour ce qui est de la période de
décembre. La motion du député de Jean-Talon demeurera donc
au feuilleton ce soir. Il est possible que dans l'organisation de nos travaux,
au cours du mois de décembre, nous consacrions l'heure et demie ou les
deux heures qu'elle aurait normalement dû recevoir d'attention de
l'Assemblée à une autre période. Si le leader de
l'Opposition le souhaite, dans l'organisation de nos travaux, il pourra me le
proposer au cours du mois de décembre; que ce soit une fin de vendredi
soir ou quelque chose comme cela, on sera toujours disponible pour accueillir
cette demande.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je dois donc conclure qu'il n'y aura
pas de vote ce soir, à 17 h 45. C'est donc dire que nous devrions
terminer ce débat quelques minutes avant 18 heures. Si on veut le
préciser à ce moment-ci, nous allons collaborer.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Ce que je proposerais, c'est que nous suspendions ce
débat, à la suite du dernier intervenant qui s'exprimera, aux
alentours de 17 h 50 et que nous consacrions les 10 dernières minutes de
la
séance d'aujourd'hui à la déclaration
ministérielle et à la répligue du chef de
l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Toujours à la condition, M. le
Président, que le chef de l'Opposition ait reçu, au moins une
heure à l'avance, le texte de la déclaration
ministérielle.
M. Charron: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est
adoptée avec la réserve acceptée de part et d'autre.
M. le leader, aux avis à la Chambre.
M. Charron: Je voudrais rappeler à nos collègues
que nous siégerons lundi prochain à compter de 15 heures; chacun
devra organiser son agenda en conséquence. Je voudrais rappeler que
demain matin, à compter de 9 h 30, à la salle 91-A, il y a
réunion de la commission des engagements financiers, et vous prier, M.
le Président, d'appeler l'article 1 du feuilleton d'aujourd'hui.
Motion exprimant que le
gouvernement doit cesser
de contribuer à augmenter
davantage le coût de la vie
Le Vice-Président (M. Jolivet): Les affaires du jour,
article 1.
Motion du député de Jean-Talon: "Que de l'avis de cette
Assemblée, le gouvernement du Parti québécois devrait
cesser de contribuer à augmenter davantage le coût de la vie des
Québécoises et des Québécois par des mesures comme
la hausse de la taxe sur l'essence, la hausse des tarifs
d'électricité et la hausse des frais d'immatriculation des
véhicules automobiles."
Avant de céder la parole au député de Jean-Talon,
j'aimerais faire remarquer aux nouveaux dans cette Chambre, qui n'ont pas eu
l'occasion de vivre ces mercredis, que l'article 91 de notre règlement
indique que les droits de parole sont de 20 minutes pour les
représentants de l'Opposition, de 20 minutes éqalement pour le
gouvernement et de dix minutes pour chacun des autres qui voudront bien
intervenir.
M. le député de Jean-Talon, vous avez droit de parole.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, on a eu l'occasion de ce
côté-ci de la Chambre de signaler au moment du débat sur le
message inaugural, ainsi que dans l'amorce du débat sur le budget, que
la performance économique du gouvernement du Parti
québécois avait conduit à un affaiblissement du
Québec. À cet égard, nous avons voulu insister pour dire
que l'accroissement du chômage au Québec par rapport à la
moyenne canadienne a été de l'ordre de 30% sous cinq ans
d'administration du Parti québécois dans la mesure où, en
1976, le Québec comptait malheureusement 22% de tous les chômeurs
canadiens. Après cinq ans d'administration péquiste, dis-je, ce
chiffre est passé à tout près de 30%. Même chose au
niveau des investissements privés à l'intérieur du Canada.
La part du Québec au cours des cinq dernières années a
baissé considérablement pour atteindre un niveau de l'ordre de
18% ou de 19%. Il en résulte au total - c'est ce qui explique les
difficultés non seulement économiques, financières et
budgétaires du gouvernement actuel - qu'au niveau de la
fiscalité, le rendement des impôts actuels est moins fort et le
gouvernement, ayant moins d'argent pour financer ses programmes, effectue,
d'une part, des coupures budgétaires extrêmement cruelles à
certains égards et, d'autre part, augmente considérablement d'une
façon directe ou indirecte le fardeau fiscal des contribuables.
C'est dans cette perspective ou dans ce contexte particulier que
l'Opposition a voulu présenter à l'attention de
l'Assemblée nationale la motion suivante: "Que de l'avis de cette
Assemblée, le gouvernement du Parti québécois devrait
cesser de contribuer à augmenter davantage le coût de la vie des
Québécois et des Québécoises par des mesures comme
la hausse de la taxe sur l'essence, la hausse des tarifs
d'électricité et la hausse des frais d'immatriculation des
véhicules automobiles."
Nous pensons en effet, comme tout le monde, que la conjoncture
économique que l'on invoque avec abondance chez les porte-parole
péquistes, cette conjoncture économique québécoise,
canadienne et même internationale présente des difficultés
certaines pour tous les gouvernements où qu'ils soient. Ces
difficultés, on le sait, sont liées à la crise
énergétique, à une pression sur les taux
d'intérêt et à cette relative récession
économique qui caractérise cette conjoncture entre autres
certainement sur le continent nord-américain. Cela, nous en convenons
volontiers, mais nous comprenons difficilement - au cours de ce débat,
c'est le point majeur que nous voulons développer -de la part du
gouvernement, que dans la mesure même où cette conjoncture
économique rend pour tout le monde, pour les qouvernements comme pour
les citoyens, la situation difficile à vivre, il choisisse justement ce
moment pour contribuer par ses décisions à restreindre encore
davantage la marge de manoeuvre financière des gens. À
cet égard, le gouvernement du Parti québécois, par
les décisions qu'il prend, est, à notre avis, dans ce contexte
particulier, tout à fait irresponsable. (16 h 30)
Les décisions auxquelles nous référons. Nous
pourrions certainement parler des coupures budgétaires, mais nous
voulons surtout cet après-midi souligner les augmentations
considérables qui ont été ordonnées par le
gouvernement du Parti québécois au sujet des impôts, des
tarifs d'électricité et tout cela. Au total, la situation
objective et drôlement cruelle, à certains égards, que le
citoyen doit vivre, c'est de se situer dans le contexte d'une conjoncture
économique difficile pour tout le monde, mais, en plus, son
gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, diminue les
services via les coupures budgétaires et, deuxièmement, rend les
services existants de plus en plus onéreux par les charges qu'il impose
à l'ensemble des contribuables.
M. le Président, nous pourrions simplement mentionner la promesse
toujours non tenue du gouvernement du Parti québécois au titre de
l'indexation des tables d'impôt qui, avec une inflation de 10%, 12% ou
13%, rapporte actuellement plusieurs centaines de millions de dollars au
gouvernement. Mais ces décisions plus particulières sur
lesquelles, par cette motion, nous avons voulu attirer l'attention de
l'Assemblée nationale, ces décisions, les Québécois
les connaissent, hélas! et ils ont malheureusement à les vivre
dans le quotidien. Quelles sont ces décisions? C'est la hausse de la
taxe sur l'essence, une augmentation de 20% à 40%, 0,06 $ le litre, que
les Québécois connaissent drôlement depuis quelques jours;
la hausse des tarifs d'électricité qui s'ajoute à cela,
une hausse de quelque 16%; la hausse des frais d'immatriculation des
véhicules automobiles, de l'ordre de 60%; la hausse de la taxe sur la
bière; la suppression de la réduction des tables d'impôt de
2% qui devait entrer en vigueur au début de l'année 1982. Cela
frappe cruellement un nombre considérable de contribuables et cela -
faut-il le rappeler? - est la responsabilité directe du gouvernement. Ce
sont des décisions qu'il a prises et cela, au moment où les
citoyens -les gens le savent très bien - vivent dans le contexte -
à cet égard, sans doute que les responsabilités sont
partagées - de la hausse du prix des aliments, du vêtement et des
coûts du logement que par ailleurs la Régie du logement du
gouvernement du Québec ne réussit même pas à
contrôler, embourbée qu'elle est dans cet appareil bureaucratique
que l'on a créé. Quant à cette situation objective, nous
tenons par notre motion à dire au gouvernement bien clairement: Compte
tenu des difficultés auxquelles notre économie, celle du Canada
et celle du continent nord-américain sont confrontées, nous nous
demandons - et nous contestons -si c'est le moment pour le gouvernement du
Québec de prendre des décisions qui ajoutent encore à ces
difficultés.
Cette attitude du gouvernement nous paraît d'autant plus
irresponsable que toutes ces augmentations auxquelles je viens de
référer et dont fait état la motion sont des augmentations
qui, sur le plan de l'équité pour les citoyens, sont de nature
tout à fait régressive, dans le sens suivant: Elles s'appliquent
indistinctement aux mieux nantis de la société comme aux moins
bien nantis. Il y a là très certainement, M. le Président,
une injustice sociale flagrante que l'on doit dénoncer. En effet,
faut-il le rappeler, toutes ces augmentations au niveau de l'essence, de
l'électricité et toutes les autres frappent les moins bien nantis
de notre société. Pour montrer que ce n'est pas simplement un
petit groupe, au mois de mai 1981 - c'est tout à fait récent - un
organisme gouvernemental, le Conseil de planification et de
développement du Québec, adressait au premier ministre un avis
pour montrer qu'il y a beaucoup de gens au Québec qui sont dans la
catégorie des défavorisés. Cet avis traitait des
inégalités socio-économiques pour démontrer
l'ampleur du problème, comment la hausse des tarifs
d'électricité risque de heurter un nombre considérable de
citoyens, comment la hausse de l'essence - le véhicule automobile,
aujourd'hui, est un bien essentiel - risque de mettre un nombre important de
nos concitoyens dans des difficultés encore plus sérieuses. Le
rapport que j'ai devant moi parle de 1 000 000 de Québécois qui
actuellement vivent sous le seuil de la pauvreté, dont près de
600 000 arrivent à peine à satisfaire leurs besoins
élémentaires. Quand on ajoute des dépenses additionnelles
pour ces gens-là, ce sont des gens qui sont frappés par les
problèmes.
Deuxièmement, donc, un million de Québécois qui
vivraient sous le seuil de la pauvreté. Plus de 500 000 personnes sont
assujetties au régime de l'aide sociale et les jeunes chômeurs et
les familles monoparentales ainsi que les veuves viennent grossir le rang. Ces
gens-là vont devoir assumer les conséquences des décisions
néfastes prises par le gouvernement dans une conjoncture
économique, par ailleurs, difficile. Sans parler, ce que le conseil
ajoute, des quelque 300 000 chômeurs québécois qui, tout en
étant privés de travail, doivent continuer de vivre et de pouvoir
disposer des moyens financiers pour assumer ces nouvelles hausses. Or, les
décisions prises par le gouvernement, et c'est cela que nous contestons,
heurtent ces gens-là de la même manière, en chiffres
absolus, que les gens qui gagnent 25 000 $, 30 000 $ et 50 000 $. Est-ce que,
sur le plan de l'équité, sur le plan de la justice, ce
gouvernement se comporte d'une façon irresponsable? M. le
Président, nous disons et nous prétendons par cette motion que le
gouvernement n'agit pas d'une façon responsable à cet
égard.
Je viens d'évoquer, M. le Président, la situation des
moins bien nantis, ceux qui sont vraiment au bas de l'échelle, les
laissés-pour-compte de notre société. Je viens
d'évoquer cela, mais il y a les travailleurs, des milliers, probablement
des centaines de milliers de travailleurs, qui n'ont que le salaire minimum
comme revenu, ou encore dont les revenus sont faibles ou moyens. Pensons
simplement aux petits propriétaires, aux simples travailleurs, aux
petits propriétaires de commerce ou d'industrie, aux petits dirigeants
d'entreprise. Eux non plus n'ont pas les revenus mirobolants d'autres classes
de la société, mais on les frappe de la même
manière. L'augmentation de l'essence s'applique pour les riches comme
pour les pauvres; l'augmentation des tarifs d'électricité, de la
même manière.
Nous disons, M. le Président, par cette motion que, sur le plan,
encore une fois, de l'équité et de la justice, c'est tout
à fait inacceptable et cela, sans l'improvisation et l'espèce de
budget, selon l'expression même du premier ministre, les décisions
budgétaires et financières du gouvernement du Québec
actuellement qui sont prises en catastrophe. Le gouvernement est pris
financièrement et ce qu'il faut signaler, c'est que, bien sûr, par
ces augmentations qui frappent les contribuables, le gouvernement, en partie
à tout le moins, règle ses problèmes, mais est-ce que le
gouvernement se rend compte qu'il règle ses problèmes sur le dos
des gens, qu'il cause des problèmes aux gens, qu'il augmente les
problèmes des gens?
M. le Président, il faut ajouter également... Là
encore, je vais citer le conseil de planification, dans la mesure où,
peut-être, les membres du gouvernement vont dire: Cela c'est de la
critique classique de l'Opposition. Je dis que notre critique à
l'endroit de ces décisions, je pense que nous avons raison de
dénoncer le caractère régressif des mesures,
c'est-à-dire tout le monde sur le même pied, riches comme pauvres,
tout le monde paie le même montant. Mais encore, si le gouvernement du
Québec avait, pour aider les moins bien nantis de notre
société, prévu des programmes au niveau de ces hausses
d'impôt, s'il avait rendu ces hausses sélectives,
c'est-à-dire pour frapper d'une manière moins cruelle les moins
bien nantis et peut-être exiger davantage des plus nantis de notre
société, ou encore si le gouvernement avait prévu des
programmes de crédit ou de remboursement comme il en existe pour
d'autres programmes, par exemple, pour les agriculteurs, il existe des
crédits pour les personnes âgées, je pense, pour
l'impôt foncier, il y a un programme à cet égard, mais non,
on n'a rien prévu, cela s'applique brutalement à tout le monde.
Cela est le premier élément. (16 h 40)
Deuxièmement, si le gouvernement du Québec avait
développé un tant soit peu ces embryons de programme de
sécurité du revenu qui existent... Et je dis embryons,
c'est-à-dire qu'ils sont tout à fait insatisfaisants en regard
des besoins des gens. Cela, je le dis, mais le conseil, un organisme
gouvernemental, dit ceci: "Bon nombre de programmes de transfert du revenu sont
inefficaces quand ils ne sont pas inéquitables, contraignants et
dévalorisants. Ces programmes sont d'ailleurs peu et de moins en moins
redistributifs et ont des conséquences malheureuses sur les
comportements familiaux et fiscaux. Certains programmes occasionnent des
divisions sociales importantes et le passage, pour plusieurs, d'un statut de
chômeur à celui d'assisté social accentue les
difficultés tant sur le plan personnel que familial. "Les plus
démunis - c'est toujours l'organisme qui parle - commencent d'ailleurs
à souffrir des coupures budgétaires et des contrôles
bureaucratiques ce qui, en l'absence d'une politique de main-d'oeuvre et de
plein emploi, élargit davantage les inégalités." Or, le
point que nous soulevons cet après-midi, c'est justement que l'ensemble
des décisions que j'ai évoquées contribue à
élargir encore le fossé entre les riches et les pauvres de notre
société et à rendre encore plus inégales et plus
injustes les conditions socio-économiques du Québec. Cela,
à notre point de vue, c'est totalement inacceptable.
Concrètement, pour les plus démunis qui n'ont pas les
moyens financiers, qu'est-ce que le gouvernement se trouve à leur dire
par l'ensemble des décisions qui ont eu cours ces derniers temps? Il dit
aux gens qui sont les plus démunis - et on a vu que ce n'est pas un
petit nombre, c'est un nombre très important - ceci: Vous avez des
moyens dérisoires sur le plan financier, maintenant, vous allez payer
plus cher pour votre électricité; maintenant, vous allez payer
plus cher pour le transport en commun avec la hausse des tarifs de l'essence.
On sait que les dirigeants des transports en commun ici, dans la région
de Québec ainsi qu'à Montréal, envisagent la
possibilité d'augmenter les tarifs. On parle de 20%, 30% et 40%
d'augmentation pour les usagers des transports en commun. Ce ne sont pas les
plus riches de notre société qui vont être frappés,
ce seront les travailleurs et les usagers des transports en commun
directement.
Cela, sur le plan social, c'est une chose qui est injuste. Malgré
la demande que le député de Rosemont avait faite, le ministre des
Transports a évoqué - j'ai lu dans la
Presse que le gouvernement se refusait à aider les commissions de
transport en commun. Le gouvernement dit aux moins bien nantis de notre
société: Vous avez peu de moyens, on en convient; payez plus cher
maintenant pour votre électricité, payez plus cher maintenant
pour le transport en commun et continuez, avec les moyens que vous avez et sans
qu'on vous en donne davantage, à satisfaire vous-même à vos
besoins, besoins aussi essentiels que la nourriture, le logement et le
vêtement. Le gouvernement n'apporte aucune espèce d'aide
additionnelle aux gens. Même chose pour les travailleurs au niveau de
l'automobile.
Plusieurs personnes ici m'ont dit - et on le sait - que bien des gens
restent en banlieue. Il y a eu des développements au cours des dix ou
quinze dernières années. Les banlieues se sont
développées. Alors, quand le gouvernement augmente les frais
d'immatriculation, quand le prix de l'essence augmente et que le gouvernement
ajoute des taxes pour ces gens-là, ils ont besoin de l'automobile pour
venir travailler ici. Souvent, c'est l'épouse qui vient travailler. Il y
a tout le problème du retour de la femme au travail qui a besoin d'un
véhicule automobile, ce n'est pas un luxe. Or, le gouvernement taxe cela
davantage.
Le ministre des Finances ose dire: Les gens qui ont des grosses voitures
n'ont qu'à les changer. Tout le monde sait, dans le contexte actuel,
surtout les détaillants d'automobiles, que les gens n'achètent
pas à cause des taux d'intérêt élevés. Les
gens sont pris dans une espèce de cercle vicieux. Pendant ce
temps-là, indépendamment de tout cela, les gens ont des
difficultés à assumer les frais hypothécaires sur leur
maison. Il y a plusieurs entreprises - et je suis allé, avec mon
collègue de Vaudreuil-Soulanges, dans la région des Bois-Francs.
On a parlé tantôt de l'industrie de la chaussure. Il y a un grand
nombre d'industries actuellement qui sont extrêmement fragiles. Dans la
région des Bois-Francs, nous avons rencontré des gens de
l'industrie du textile où les syndicats et les patrons essaient de
trouver des arrangements pour sauver les entreprises.
À cette brutale insécurité, dont sans doute la
question des taux d'intérêt - là-dessus, je vais être
bien honnête et dire que le gouvernement du Québec n'en est pas
nécessairement responsable, n'a d'ailleurs pas la première
responsabilité au niveau de la hausse des taux d'intérêt -
dans cette conjoncture brutale, le gouvernement ajoute aux difficultés
des gens, aux difficultés des travailleurs et aux difficultés des
moins nantis de notre société. Nous voulons cet
après-midi, dans le cadre de cette motion, de ce débat du
mercredi, le signaler à l'attention de nos concitoyens et à
l'attention du gouvernement en leur disant essentiellement, M. le
Président, et je conclus là-dessus: La conjoncture
économigue n'est pas facile pour le Québec, pour le Canada, et
même pour l'économie nord-américaine. Mais le gouvernement
du Parti québécois doit réaliser - on l'invite à
réfléchir là-dessus - qu'il prend, au moment des
difficultés de cette conjoncture, des décisions qui rendent
encore plus difficile le vécu quotidien des citoyens
premièrement, à cause des coupures. On donne donc moins de
services à la population et, en général, à ceux qui
en ont le plus besoin. Cela, c'est un autre débat, mais on peut
l'évoquer.
Deuxièmement, on hausse une quantité considérable
d'impôts directs ou indirects, les tarifs de l'électricité
et de l'essence, c'est une quantité incroyable, dans un temps
extrêmement limité. Encore, si ces hausses étaient
raisonnables! Mais ces hausses sont, de toute évidence, excessives. Le
troisième point, de 20% à 40% d'augmentation pour l'essence, 60%
d'augmentation sur les droits d'immatriculation, 16% d'augmentation des tarifs
de l'électricité. Nous disons simplement que le gouvernement
devrait réfléchir aux conséquences humaines au lieu de
nous livrer simplement les exercices budgétaires comptables, rigoureux
ou plus ou moins rigoureux, du ministre des Finances. Il y a des
conséquences humaines derrière ça, et le gouvernement du
Parti québécois semble s'en foutre, il semble être
complètement inconscient de cela. Comme c'est notre devoir, c'est ce que
l'Opposition a voulu porter à l'attention de cette Assemblée et
à l'attention de nos concitoyens.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, c'est sur une question de règlement?
M. Laplante: Non, je prends la parole, M. le
Président.
M. de Belleval: M. le Président, je regrette, mais il me
semble que...
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est pour le droit de
parole?
M. Laplante: Oui, c'est pour ça, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député, je pensais que c'était sur une question de
règlement que vous vous leviez. C'est au député de
Charlesbourg, adjoint parlementaire du ministre des Finances, que je
donne maintenant la parole.
M. Denis de Belleval
M. de Belleval: Merci, M. le Président. J'aimerais, dans
la courte intervention d'une
vingtaine de minutes qui m'est allouée, essayer de replacer le
mieux possible les décisions budgétaires que nous avons prises
récemment en matière, par exemple, d'augmentation du coût
de l'immatriculation automobile, la hausse des tarifs de
l'électricité dont il a été question et d'autres
sujets soulevés par le député de Jean-Talon. J'aimerais
aussi, dans une deuxième partie, indiquer - ce que le
député de Jean-Talon s'est bien gardé de faire -quelles
sont les mesures que nous avons prises pour réduire le fardeau fiscal
des Québécois. En dernier lieu, j'aimerais indiquer pourquoi,
justement, dans la conjoncture actuelle, nous sommes amenés à
prendre les décisions que nous avons prises récemment.
Tout d'abord, quand on parle d'augmentation du coût de la vie, je
pense qu'il faut réaliser une chose très importante, surtout au
moment où les taux d'inflation sont de 10% ou 12% par année et
que, par exemple, durant les cinq dernières années, les taux
d'inflation ont été d'environ 10% par année, en moyenne.
Cette année, on annonce une augmentation du taux d'inflation de 12,5%.
La valeur de 1 $ diminue de 10% par année et, quand on parle, par
exemple, du dollar de 1975 par rapport au dollar de 1980, ou du dollar de 1976
par rapport au dollar de 1981, on parle d'un billet qui s'est
dévalué de 50% dans l'espace de quatre ou cinq ans. C'est
ça la réalité. Un billet de 20 $ de 1975 ne vaut plus que
10 $ aujourd'hui.
Par conséquent, quand on parle des augmentations de tarifs pour
certaines catégories, il faut se rendre compte que, quand ces tarifs ne
font qu'augmenter, par exemple, de 10% ou de 12% par les temps qui courent, en
fait, il ne s'agit pas d'une augmentation de coût réel, mais tout
simplement d'une compensation pour le coût de la vie. (16 h 50)
C'est le cas, par exemple, des droits d'immatriculation que, depuis cinq
ans, nous avions maintenus exactement au même niveau qu'en 1977. Ces taux
d'immatriculation ont augmenté, dit-on, de 50% ou 60% cette
année, ce qui veut dire qu'à toutes fins utiles, ce qu'on a fait,
c'est réajuster ces taux en termes de dollars réels au même
niveau qu'ils étaient en 1975 et, pendant ces quatre ou cinq
dernières années, les Québécois ont
bénéficié d'une réduction réelle du
coût d'immatriculation de leur automobile. En faisant la dernière
augmentation, enfin, le réajustement, si l'on veut, nous avons tout
simplement rattrapé le niveau de l'Ontario en 1981 par rapport aux taux
que nous avions. En 1981, nos taux étaient de 23 $ pour une petite
voiture, par exemple, une Rabbit fabriquée en Ontario; pendant la
même époque, en Ontario, les coûts étaient de 36 $
pour une Rabbit. Pour une Ford Fairmont, par exemple, six cylindres, une
voiture classique, nos taux étaient de 31 $; pendant ce temps, en
Ontario, ils étaient de 48 $. Pour une grosse Oldsmobile, par exemple,
nos taux étaient de 51 $ et, en Ontario, pendant ce temps, ils
étaient de 60 $. Autrement dit, nous avons tout simplement
rattrapé, si je puis dire, l'inflation. Nous nous sommes mis à
peu près au niveau de l'Ontario, mais nous l'avons fait, cependant, de
la façon suivante. Nous avons gardé l'augmentation la plus basse
possible pour les petites voitures de façon à favoriser les
citoyens moins riches et nous avons augmenté beaucoup plus
considérablement l'immatriculation pour les grosses voitures, ce qui
démontre bien aussi l'espèce de préjugé que nous
avons toujours voulu maintenir dans notre structure de taxation en faveur des
plus petits par rapport aux gens plus riches.
Cela a été la même chose, par exemple, pour les
primes d'assurance automobile en ce qui concerne les dommages corporels. Depuis
quatre ans, cette prime n'a pas augmenté, alors que l'inflation a
augmenté de 45%. Cela veut dire qu'en chiffres réels, les 85 $
que nous payons aujourd'hui équivalent à peu près à
50 $ de 1978. Nos primes ont, en fait, diminué depuis quatre ans en
termes de pouvoir d'achat. Cette année, nous procédons à
une augmentation de 12%, ce qui équivaut, à toutes fins utiles,
au taux d'inflation. Donc, en chiffres réels, les
Québécois ne paieront pas plus pour l'assurance automobile en
1982-1983 que ce qu'ils payaient en 1981-1982.
Je pourrais continuer avec les augmentations de tarifs
d'Hydro-Québec. Nous avons discuté longuement de cette question
en commission parlementaire. Là encore, le gouvernement a fait en sorte
que pour les gens pour lesquels l'électricité est un besoin de
base essentiel, l'augmentation nécessaire... Je pense que tout le monde
admettait qu'il devait y avoir une augmentation, mais la plus petite possible,
et nous l'avons conservée pour les gens pour lesquels les besoins en
électricité sont les plus essentiels. Par exemple, pour ceux qui
consomment moins de 600 kilowatts, l'augmentation réelle dépasse
à peine l'augmentation du coût de la vie, tandis que
l'augmentation pour ceux qui consomment davantage, évidemment, se
retrouve autour de 16% ou 17%. Évidemment, il y a une augmentation
d'environ 16% en moyenne.
Pendant ce temps aussi, comme vous le savez, M. le Président, le
pétrole ou l'huile à chauffage augmentera de 21%. Donc, on voit
que, malgré tout, nous avons une politique qui vise à garder les
tarifs d'électricité le plus bas possible et à les faire
augmenter moins rapidement que le pétrole. L'an dernier aussi et cette
année,
même, l'augmentation du coût de l'électricité
était de 10,6%, c'est-à-dire moins que le taux d'inflation; donc,
une diminution réelle. Cette année, pendant ce temps, le
coût du pétrole ou de l'huile à chauffage augmentait de
46,8%. Ce qui démontre très bien que quand nous avons la
possibilité de prendre une décision sur la tarification, nous
nous arrangeons pour prendre la décision la plus favorable possible pour
ceux qui sont les moins bien nantis dans notre société. On voit
bien, par ailleurs, quand nous sommes soumis aux coûts de
l'extérieur, de quel taux d'augmentation il s'agit: 46% pour l'huile
à chauffage, cette année, et, l'an prochain, 21%.
Effectivement, au moment où nous nous parlons, dans l'ensemble et
malgré ces augmentations, il faut aussi considérer les
diminutions d'impôt qu'au fil des années, depuis quatre ou cinq
ans, nous avons mises en oeuvre et qui profitent d'abord et avant tout à
ceux qui en ont le plus besoin dans notre société. Je voudrais,
là-dessus, rappeler rapidement quelles sont les diminutions
d'impôt que nous avons consenties aux Québécois, les
diminutions les plus importantes étant consenties aux moins bien nantis
d'entre eux.
Par exemple, l'impôt sur le revenu des particuliers. Si nous
avions maintenu la même structure d'impôt que nos
prédécesseurs, savez-vous combien d'impôt de plus
paieraient cette année les Québécois? Seulement cette
année, en 1981-1982, il s'agit de 1 147 000 000 $ de réduction
d'impôt sur le revenu; donc, un impôt progressif qui avantage les
moins bien nantis de notre société, ceux qui ont des salaires
moins élevés, et qui pénalise davantage ceux qui ont des
salaires plus élevés. Les réductions sont de 1 147 000 000
$. Et, on le sait, ces réductions ont surtout avantagé les petits
et les moyens contribuables puisque, au contraire, nous avons augmenté
quelque peu le taux de l'imposition de ceux qui gagnent plus de 40 000 $.
Si on fait le total, depuis la réforme de 1978 - quelqu'un peut,
d'ailleurs, additionner - 245 000 000 $ de réduction d'impôt sur
le revenu des particuliers en 1978-1979, 476 000 000 $ en 1979-1980, 764 000
000 $ en 1980-1981 et 1 147 000 000 $ - je viens de le dire - en 1981-1982; je
pourrai donner le total pour l'ensemble des données. Je pense que c'est
la marque d'un gouvernement social-démocrate qui s'occupe d'abord et
avant tout des plus démunis de notre société.
Mais prenons un autre impôt régressif, sur des biens
très essentiels, que nous avons aboli: la taxe de vente qui était
de 8%, quand nous sommes arrivés ici, en 1976, la plus
élevée de tout le Canada et que nous avons abolie graduellement
sur des biens essentiels. Donc, des réductions qui favorisent d'abord et
avant tout les moins bien nantis de notre société. En 1978-1979,
c'est ainsi que nous avons réduit cet impôt indirect des
Québécois de 234 000 000 $. Nous avons réduit cet
impôt, cette taxe de vente sur les chaussures, sur les textiles, sur les
vêtements, sur les meubles, y compris, maintenant, les
réfrigérateurs et les cuisinières, des biens essentiels,
de 203 000 000 $ en 1979-1980 et n'oubliez pas que c'est l'année du coup
de force de 85 $ de M. Chrétien. En fait, la réduction est plus
importante que 203 000 000 $. En 1980-1981, 296 000 000 $ et, en 1981-1982, 358
000 000 $ de moins d'impôt régressif, des réductions qui
avantagent d'abord et avant tout les moins bien nantis de notre
société.
Pendant ce temps, nous avons augmenté quelque peu, par exemple,
les taxes indirectes sur le tabac ou sur l'alcool et, on en conviendra, tout le
monde sera d'accord pour dire que ce ne sont pas des biens essentiels. Par
conséquent, nous nous sommes attardés à donner des
réductions qui profitaient aux moins bien nantis. Quant aux
augmentations, nous les avons gardées au minimum. Règle
générale, nous n'avons fait que compenser l'augmentation du
coût de la vie. Le résultat net, bien sûr, c'est que les
Québécois, de cette façon, ont économisé
plusieurs milliards de dollars. Simplement cette année, si on additionne
les 1 147 000 000 $ de réduction de l'impôt sur le revenu et les
358 000 000 $ de la taxe de vente au détail, on est à plus de 1
500 000 000 $ de réduction d'impôt. Sur l'ensemble de la
période, c'est de 2 627 000 000 $ de réductions d'impôt
dont il est question.
Dans les circonstances, le bilan qu'on peut faire, c'est que nous avons
tenté, le plus possible, et nous avons réussi largement à
créer enfin au Québec une structure de taxation qui avantage les
plus démunis et qui donne un résultat net qui fait que les
Québécois, maintenant, paient moins d'impôt au total que si
nous n'avions pas fait ces réductions. (17 heures)
Pourtant, cette année, nous sommes soumis à des
contraintes extrêmement difficiles: l'augmentation des taux
d'intérêt, l'augmentation du taux d'inflation qui grève
lourdement le budget du Québec. Là encore, on sait qu'il s'agit
de décisions ou de politiques économiques qui relèvent
d'un autre niveau de gouvernement. Qu'on pense aussi aux décisions
unilatérales du gouvernement fédéral en matière de
critères d'admission à l'assurance-chômage qui
transfèrent aussi sur notre budget des dizaines de millions additionnels
en frais, par exemple, d'assistance sociale. Qu'on pense, finalement, aux
réductions des transferts fédéraux en vertu des fameux
accords
fiscaux, dont on parle ces jours-ci, qui font que, simplement pour
l'année 1981-1982, nous voyons nos transferts réduits
unilatéralement par le gouvernement fédéral d'environ 600
000 000 $.
C'est en fonction de l'ensemble de cette image, de ces perspectives
qu'il faut considérer, entre autres, l'augmentation récente du
prix du pétrole. M. le Président, il faut que l'Opposition soit
logique aussi. Elle critique d'abord nos coupures. Elle dit que ces coupures
sont excessives. Pourtant, nous avons effectué des coupures de 800 000
000 $. Elle dit aussi que notre déficit est rendu trop
élevé. Par conséquent, il ne faudrait pas augmenter notre
déficit. Que peut-on faire, alors que nous avons une gestion prudente,
que nous plafonnons nos dépenses, M. le Président, que nous
réduisons même, par des compressions budgétaires, ces
dépenses de 800 000 000 $, qu'il ne faut pas augmenter le déficit
budgétaire du gouvernement et qu'en même temps nous sommes soumis
à des compressions budgétaires de la part du gouvernement
fédéral d'environ 600 000 000 $? Je pose la question à
l'Opposition: comment peut-on, dans les circonstances, nous demander de faire
l'équivalent, à suivre le raisonnement du député de
Jean-Talon, de faire de véritables miracles? Évidemment, c'est
absolument impossible.
Si nous n'avions pas eu, entre autres, ces ponctions unilatérales
que nous impose le gouvernement fédéral, par exemple, ces 600 000
000 $, nous n'aurions pas été obligés d'augmenter
temporairement la taxe sur l'essence. Nous aurions pu réduire davantage,
entre autres, les impôts des Québécois ou, au contraire, ne
pas réduire d'autant les dépenses gouvernementales, comme nous
avons dû le faire, d'environ 800 000 000 $. Malheureusement, ce n'est pas
la situation dans laquelle nous sommes. Nous avons donc choisi d'avancer d'un
an l'augmentation sur le pétrole, qui est déjà
décrétée, de toute façon, aussi par le gouvernement
fédéral, comme on le sait.
On peut critiquer cette décision. Peut-être que le
député de Jean-Talon pourrait nous dire: Écoutez, au lieu
de faire ça, vous auriez dû augmenter le déficit. Vous
auriez dû emprunter davantage. Mais ce n'est pas ce qu'il nous a dit. Il
aurait pu nous dire: Vous auriez pu peut-être augmenter l'impôt sur
le revenu des particuliers, à la place, parce que ce serait mieux
d'augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers plutôt que
d'augmenter la taxe sur le carburant. Il aurait pu nous dire: Écoutez,
non, vous auriez dû peut-être augmenter l'impôt des
compagnies. Ils nous ont blâmés d'ailleurs, il y a quelques mois,
quelques semaines, lors d'un débat, d'avoir augmenté les
impôts des compagnies. Mais, au fond, ce que le député de
Jean-Talon nous dit, c'est que c'est épouvantable qu'il y ait des
augmentations d'impôt, mais qu'on ne devrait pas augmenter le
déficit et il nous laisse absolument sans solution de rechange. C'est
facile dans les circonstances, M. le Président, de critiquer purement
négativement, démagogiquement, mais de ne proposer aucune
solution de rechange, sachant fort bien que, finalement, les difficultés
dans lesquelles nous sommes sont causées essentiellement par une
politique délibérée du gouvernement fédéral.
Évidemment qu'il ne peut pas, M. le Président, entrer sur ce
terrain; on sait les raisons pour lesquelles il ne peut pas entrer sur ce
terrain. Je veux déposer en cette Chambre, M. le Président, un
tableau qui démontre très bien que, depuis 1977-1978, les
ponctions régulières du gouvernement fédéral qui se
chiffrent maintenant par 1 222 000 000 $ dont 600 000 000 $ simplement pour
cette année; l'an prochain, cette ponction sera de 1 460 000 000 $.
Autrement dit, si nous n'étions pas soumis à ces ponctions, il
n'y aurait pas d'augmentation du taux de taxation sur les carburants, nous
pourrions nous passer de cette augmentation et il nous resterait encore 300 000
000 $ de jeu pour réduire davantage les impôts des
Québécois ou réduire notre ponction sur les
dépenses publiques comme nous l'avons fait. Là-dessus, qu'on ne
vienne pas me dire ensuite que nous sommes pris dans cet étau
fédéral, je dépose ce document, M. le Président,
que tous les députés pourront consulter...
Des voix: Consentement.
M. de Belleval: ... et si nous sommes dans cette situation, qu'on
ne vienne pas nous dire maintenant que c'est parce que nous aurions eu une
gestion de l'ensemble des dépenses publiques...
M. Rivest: ...
M. de Belleval: Oui, comme le dit le député de
Jean-Talon, qui serait moins bonne, par exemple, que celle de nos
prédécesseurs, entre autres, et qui divergerait
complètement d'une saine gestion des fonds publics. Je vais prendre -
c'est la seule statistique que je veux citer - les trois dernières
années de l'administration libérale, donc, les années qui
sont les plus proches de nous et je laisse de côté le
déficit olympique. Je n'en parle même pas, pour ne pas qu'on nous
accuse de fausser les statistiques à cause, justement, de l'inclusion
dans celles-ci du déficit olympique de 1976. On n'y touchera pas. C'est
par-dessus le désastre dont je vais faire état. Durant les trois
dernières années de l'administration libérale qui nous a
précédés, les dépenses de l'État ont
augmenté de 21,3% en moyenne. Les revenus ont augmenté de 19% par
année
et, durant les cinq dernières années, c'est-à-dire
les nôtres, nos dépenses ont augmenté en moyenne de 13,8%
et nos revenus, de 12,4%. Comment, avec ces chiffres, peut-on dire que si nous
sommes dans cette situation, c'est parce que nous avons maintenu une mauvaise
gestion des fonds publics? 13,8% d'augmentation des dépenses
annuellement, comparé à 21,3% sous l'ancien gouvernement. Au
niveau des revenus, 12,4%, 19,4%. Où est la différence
véritable qui existe dans l'ensemble du portrait? La différence,
c'est que nous avons diminué les impôts, bien sûr. Cette
année, avec 1 200 000 000 $...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, en concluant.
M. de Belleval: Je termine, M. le Président. Cette
année, avec une diminution d'impôt de 1 200 000 000 $, ce serait
facile de diminuer notre déficit si nous n'avions pas accordé ces
diminutions d'impôt. La différence, on la retrouve dans le tableau
dont je viens de parler. 25% de notre budget qui dépend des transferts
fédéraux n'augmente pas au rythme du coût de la vie, et en
fait, cette année, cette ponction équivaut à 600 000 000 $
et l'an prochain, 1 200 000 000 $.
Après cela, on dira que dans la constitution ou dans le
fédéralisme, on ne parle pas d'impôt, on ne parle pas
d'argent et on ne parle pas d'emploi. La réalité, c'est que si
nous sommes dans cette situation, c'est que nous sommes étranglés
financièrement comme nous le sommes constitutionnellement.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, je crois que le
député de Charlesbourg avait une quasi-mission impossible pour
nous démontrer et démontrer à la population que les
décisions prises par le gouvernement dernièrement étaient
dans le meilleur intérêt des contribuables. J'ose croire qu'il ne
croit pas que les chauffeurs de taxi ou les payeurs des comptes
d'Hydro-Québec vont être convaincus, d'après ce qu'il a
dit, d'accepter les hausses qui ont été
décrétées dernièrement. Non, je crois que les
statistiques qu'il a avancées ne convaincront personne. (17 h 10)
Pour ma part, M. le Président, j'aimerais vous parler des hausses
de tarif dans le domaine de l'électricité qui ont
été approuvées par le gouvernement qui nous dirige et
tenter de démontrer que ces augmentations sont injustifiables à
leur face même, dû à la hausse exorbitante de
l'électricité durant les cinq dernières années, pas
seulement cette année, ni en 1982, mais depuis les cinq dernières
années. Ces hausses sont en quelque sorte une trahison du contrat social
qui existait entre le gouvernement et la population du Québec depuis la
nationalisation de l'électricité. Vous vous souvenez que le
premier ministre, qui était à ce moment-là ministre des
Richesses naturelles, avait vendu à la population ce principe qu'il
fallait absolument nationaliser les compagnies d'électricité,
justement pour fournir l'électricité aux citoyens au plus bas
coût possible. Je crois, M. le Président, que c'est là une
trahison qu'il faut dénoncer.
Mais ce qui est encore plus grave, c'est que ces hausses
d'électricité depuis cinq ans vont amener les tarifs de
l'électricité à être semblables à ceux de
l'Ontario - il faut savoir, M. le Président, qu'en Ontario il n'y a pas
de taxe de vente sur l'électricité, mais qu'il y en a une au
Québec - avec les augmentations qui auront lieu en 1982, qui sont de
16,7% pour Hydro-Québec, et en considérant la hausse de
l'électricité en Ontario. Savez-vous, M. le Président,
quelle sera la hausse de l'électricité en Ontario en 1982? Cela
sera de 9,6%. Si vous prenez ces deux chiffres en considération, vous
arrivez à la conclusion que les tarifs d'électricité, en
1982, vont être à peu près semblables au Québec et
en Ontario. En fait, il y aura une légère différence, mais
il ne faudrait pas avoir un gouvernement péquiste encore une autre
année, qui nous imposerait des augmentations semblables à celles
que nous allons avoir en 1982.
Nous arrivons à la conclusion, M. le Président, que la
position que nous avions était une position concurrentielle unique en
Amérique du Nord car nous avions les tarifs d'électricité
les plus bas au monde. Cela avec le gouvernement québécois, est
disparu. Nos tarifs d'électricité seront semblables d'ici
très peu à ceux qui vont prévaloir en Ontario, alors que
nous savons qu'en Ontario, malheureusement, un tiers de
l'électricité est générée par des centrales
nucléaires et que nous, au Québec, toute notre
électricité est générée par des centrales
hydroélectriques. Il faut le faire, M. le Président, et ceci est
le résultat des actes du gouvernement du parti
Québécois.
Le député de Charlesbourg nous disait: Vous savez, les
hausses d'électricité n'ont pas tellement été
inflationnistes. J'aimerais citer des statistiques qui nous viennent
d'Hydro-Québec. En 1978, la hausse d'électricité a
été de 18,7%, alors que l'inflation était de 8,4%. En
1979, la hausse a été de 13,7%, alors que l'inflation
était de 9,1%. En 1980, la hausse d'électricité a
été de 13,3%, alors que l'inflation était de 10,3%.
J'admets qu'en 1980 il faut croire
que le gouvernement s'est trompé, parce que la hausse
d'électricité n'a été que de 10%, alors que
l'inflation était de 12,5%. Là c'était une année
d'élections et le gouvernement avait prévu le coup. L'an
prochain, la hausse sera de 16,3% en moyenne, alors que nous savons que
l'inflation sera de l'ordre de 12,5%.
Tout cela pour dire que, depuis cinq ans, la hausse des tarifs
d'électricité a été en gros au moins de 50% plus
élevée que l'inflation. Il s'agit nettement d'une mesure tout
à fait inflationniste et régressive, comme l'a
démontré mon collègue de Jean-Talon. Ce n'est pas la
façon d'aider les consommateurs privés, les contribuables qui eux
doivent faire face à une situation très difficile
présentement, et ce n'est pas non plus un façon d'aider
l'industrie qui doit créer de l'emploi au Québec. Nous avions une
position privilégiée, nous sommes en train de la perdre avec ce
gouvernement qui nous dirige. Pourquoi le gouvernement n'aurait-il pas eu la
même politique qu'en Alberta? En Alberta, vous le savez, M. le
Président, et plusieurs en parlent, les citoyens de l'Alberta paient
leur pétrole beaucoup moins cher que dans le reste du pays. Nous, au
Québec, nous possédons des ressources hydroélectriques
immenses nationalisées en 1963 et ceci appartient aux contribuables. Il
me semble que l'unique voie que le gouvernement aurait pu suivre aurait
été de continuer cette politique de fournir
l'électricité au meilleur coût possible.
Une voix: C'est vrai.
M. Fortier: Mais le gouvernement, semble-t-il, n'a pas compris
que, depuis la révolution tranquille où les prix avaient
été pratiqués, les objectifs qui étaient poursuivis
étaient justement d'aider les particuliers et d'aider l'industrie
à être en meilleure position concurrentielle pour
développer le Québec. Il semble bien que ce gouvernement qui nous
dirige, qui ne comprend pas grand-chose au développement
économique, n'a pas saisi que c'était une position
privilégiée qu'il fallait sauver à tout prix.
Alors, M. le Président, que ce soit une trahison, je crois qu'en
examinant les coupures de presse, comme je l'ai fait, de la période de
1962 où il y a eu des discours publics pour justifier la nationalisation
de l'électricité, on le constate; il s'agit de revenir en
arrière pour voir les déclarations de celui qui est le premier
ministre du Québec maintenant et qui était le ministre des
Richesses naturelles à ce moment-là. Je crois que, si
j'étais premier ministre et si j'étais René
Lévesque, je serais fort embarrassé en instaurant une politique
qui contredit complètement toutes les décisions publiques qui ont
été prises à ce moment-là. On contredit ces
politiques par des pseudo- politiques énergétiques.
L'autre soir, j'entendais le ministre des Finances nous dire: Vous savez
que l'augmentation du pétrole et de la gazoline est une mesure qui
devrait amener les Québécois à accélérer des
changements dans leur consommation d'essence, soit par le choix de voitures qui
consomment moins, soit par des modifications dans leur consommation. M. le
Président, vous savez, lorsqu'on essaie de justifier une politique
fiscale par des pseudo-politiques économiques, je crois qu'on ne peut
leurrer personne. D'ailleurs, au mois de mars, j'aimerais rappeler que
justement, lorsqu'il avait annoncé le projet de loi no 16 et que,
dorénavant, Hydro-Québec n'aurait plus pour mission de fournir
l'électricité au meilleur coût possible, il avait justement
avancé, à ce moment-là, une autre pseudo-politique
énergétique, c'est-à-dire qu'il fallait que
l'électricité se rapproche des autres formes
d'énergie.
Il n'y a aucun Québécois qui accepte ce genre de
raisonnement, il n'y a aucun Québécois qui accepte que notre
gouvernement fasse en sorte que nos coûts d'électricité
deviennent aussi chers qu'en Ontario, qu'ils deviennent plus chers qu'au
Manitoba et que, très bientôt, nous aurons des taux
d'électricité qui, dans l'Est du Québec, seront
comparables aux tarifs d'électricité qui proviennent de sources
d'énergie autres que l'hydroélectricité.
À ce sujet-là, qu'Hydro-Québec soit rendue
maintenant une société du genre de celle de la
Société des alcools ou de la Société des loteries
et courses et que ce ne soit qu'une façon de sortir des sources de
revenus pour le gouvernement, M. le Président, je voudrais, sans vous
faire une très longue lecture d'une étude qui a été
faite sur les milliards de dollars qui iront dans les coffres du gouvernement,
tout simplement dire ceci: En plus des taxes que le gouvernement ira chercher
dans les poches des contribuables cette année, il y a eu, depuis deux
ans, d'autres mesures fiscales qui vont justement permettre au gouvernement
d'aller chercher des ressources considérables dans les poches des
contribuables. Bien sûr, comme vous le savez, il y a des taxes
municipales, il y a le financement des programmes de santé qui augmente
et, lorsqu'on sait qu'Hydro-Québec est un employeur tout à fait
unique au Québec, ceci augmente encore une fois les taxes qu'ils auront
à payer et, en ajoutant le financement des programmes de santé,
ceci ajoutera les autres taxes qu'ils auront à payer à ce sujet,
la taxe sur le capital et les dividendes.
Si on ajoute tout ça, nous arrivons avec les chiffres suivants:
en 1980, Hydro-Québec a payé au gouvernement un total de 141 700
000 $ sous la forme de taxes; en
1985, avec les projections que nous avons faites, ce chiffre sera
multiplié par un facteur de 10; Hydro-Québec paiera 1 400 000 000
$ de taxes au gouvernement provenant de tous les comptes
d'électricité qui seront payés par les contribuables du
Québec. Si, après avoir évoqué ces chiffres, nous
ne sommes pas convaincus qu'Hydro-Québec est maintenant tout simplement
une façon pour le gouvernement d'aller chercher des revenus
additionnels, alors, je ne sais pas quel argument il faut avancer. (17 h
20)
Je ne pourrais terminer cet exposé sans vous dire que je
déplore, pour ma part, ces augmentations qui vont jeter de l'huile sur
l'inflation, qui vont faire en sorte qu'à l'avenir il y aura moins
d'industries qui viendront s'établir au Québec, que ce sera
encore plus difficile de créer des emplois et qu'en conséquence
le Québec sera encore appauvri. Non seulement ces mesures sont-elles
inflationnistes et régressives, mais elles vont à l'encontre du
développement économique du Québec. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: M. le Président, il est surprenant que ce
soit le député de Jean-Talon qui ait apporté ce genre de
motion, sachant qu'il a été un des principaux conseillers de M.
Bourassa lors des Jeux olympiques, sachant que l'inflation a commencé
dès ce moment par des jeux qui devaient nous coûter environ 200
000 000 $, mais qui ont coûté environ 1 500 000 000 $. N'importe
quel autre député...
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Question de privilège.
M. Rivest: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à ce que mon collègue étale ma biographie ici, mais je
voudrais simplement signaler que le député de Jean-Talon n'a rien
eu à voir avec les Jeux olympiques, d'abord. S'il se
réfère à ce que j'ai fait, le député de
Jean-Talon était également conseiller du premier ministre
Bourassa au moment où il a fait la Baie-James, qui a créé
de l'emploi dont vous êtes en train de réduire le nombre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, je suis d'accord avec le
député de Jean-Talon sur ce qu'il vient de dire. Ce qu'il n'a pas
dit, c'est que depuis 1976, depuis que ce gouvernement du Parti
québécois est en place, il a réduit le coût de la
Baie-James de 3 000 000 000 $, par rapport au coût sous le régime
Bourassa. Si ce n'est pas une contribution actuelle pour réduire
l'inflation canadienne, je me demande ce que c'est.
C'est certain, M. le Président, qu'on n'essaiera pas de diminuer
l'importance des taxes nouvelles, des taux nouveaux
d'électricité, l'augmentation du prix de l'essence. Ce sont des
faits qui sont là et, en toute honnêteté, on s'avoue
coupables nous aussi d'avoir augmenté les prix du pétrole, des
plaques d'immatriculation, tout ce que vous voudrez. Il y a des raisons
à tout ça, il y a un début; il y a un début dont
les gens d'en face devraient se souvenir. Si on parle seulement du
pétrole, ce qui est votre dada actuellement, d'essayer de faire peur
à peu près à tout le monde là-dessus, je vous
demande ce que vous avez fait, vous autres, avant novembre, lorsque le Parti
libéral fédéral a pris le pouvoir, concernant les ententes
avec l'Alberta? Avez-vous contesté, avez-vous parlé d'inflation
à ce moment-là? On n'a pas eu de motion ici, en Chambre, pour
essayer de dénoncer les hausses fédérales du prix du
pétrole. Les ententes avec l'Alberta, les avez-vous
dénoncées? Non. Mais la répercussion se voit, c'est ce que
les gens doivent savoir. Je vais répéter ces chiffres lentement.
En 1982, le fédéral haussera encore une fois le prix du litre
d'essence de 0,065 $. En 1983, le fédéral haussera encore une
fois le prix du litre de pétrole de 0,09 $. Il sera donc porté
à 0,543 $ à ce moment-là.
Encore très lentement, en 1984, le fédéral
augmentera le prix du pétrole de 0,12 $ le litre. Il portera, en
novembre 1985, le prix du pétrole de 0,623 $ à 0,698 $ du litre
et, en novembre 1986, à 0,79 $ du litre. En toute
honnêteté, même si vous êtes de l'Opposition,
même si on a le sentiment que vous êtes ici, comme le gouvernement
fédéral, opposés aux provinces, vous pourriez, de temps en
temps, dénoncer ces choses. C'est ça qu'une population a besoin
de savoir.
Qu'est-ce qu'on a fait? Il y a les autres politiques
fédérales en matière de transport; Via Rail, ce n'est pas
le Québec qui hausse les prix. Il faut se souvenir de cela aussi. Air
Canada, ce n'est pas encore le Québec. Les taux de change,
d'évaluation de la monnaie, ce n'est pas encore le Québec.
L'inflation, 13%, ce n'est pas le Québec tout seul. Il peut y avoir eu
une petite part, d'accord, dans les actions. Mais il y a des raisons à
tout cela. Pour les taux d'intérêt, je ne pense pas qu'on ait une
banque encore ici.
Une voix: C'est le fédérai:
M. Laplante: Les remboursements que le gouvernement central doit
aux provinces,
c'est une source d'inflation. On est obligé de taxer pour des
montants qu'on ne reçoit pas. Mais que fait le gouvernement central avec
notre argent, plutôt que de nous redonner les redevances qui nous sont
dues? Qu'est-ce qu'on fait? On achète des avions de guerre, on
achète des bombes, on achète des bateaux pour un pays de paix. On
achète des avions supposément pour la défense, des chars
d'assaut. Il faut être sérieux, à un moment donné.
Un pays de 25 000 000, qu'est-ce qu'on a à y mettre des milliards dans
de l'équipement de guerre? Qu'est-ce qu'on a à construire
actuellement pour les États-Unis? Des abris pour les armes
atomiques!
Pourquoi se mêle-t-on de cela, petite nation que nous sommes? Il
me semble qu'on est un peuple de paix. Vous ne parlez pas de ces choses.
Pourquoi chaque Québécois, chaque Canadien - vous aimez entendre
parler de Canadiens aussi - appartient-il à un des peuples les plus
taxés actuellement au monde? Vous ne parlez pas de ces choses, mais on
se fourre le nez dans toutes les politiques de Reagan aux États-Unis.
Tout ce que M. Reagan dit, on l'accepte, dans tout ce qui est le mot "guerre",
par exemple, on accepte ces choses, mais on ne parle pas de ce que le
Québec fait actuellement pour essayer de contrer cette inflation. On ne
parle pas du prix des propriétés, ici où les
propriétés unifamiliales se vendent le meilleur marché au
Canada. Une petite propriété qui vaut 40 000 $ au Québec
en vaut 90 000 $ ou 95 000 $ en Ontario, et 145 000 $ dans l'Ouest, à
Vancouver. On ne parle pas de ces choses. Pourquoi le bois est-il plus cher?
Est-ce parce que nos Québécois ont encore le titre de porteurs
d'eau et de bûcherons? Est-ce cela que vous voulez dire, M. le
député de Jeanne-Mance?
Quand on veut contribuer à l'essor d'un pays dont vous parlez
souvent, nous, on a à coeur d'essayer de contribuer à l'essor du
Québec, de se servir avant, d'essayer de faire vivre une population au
meilleur coût possible. Différence du logement: un
cinq-pièces dans un duplex peut valoir ici 250 $; à Toronto, il
vaut 520 $; c'est la même maison. Quand on parle du coût de
l'inflation, du coût de la vie au Canada, c'est au Québec que
c'est encore meilleur marché. Il faut dire ces choses. Il faut parler
des efforts que le gouvernement du Québec fait actuellement pour essayer
de maintenir ce taux d'inflation le plus bas possible, en diminuant les
impôts chez les particuliers, en abolissant la taxe de vente en partie,
par l'abolition des taxes sur l'hôtellerie. Ce sont toutes des mesures
par lesquelles on a essayé de contribuer à cet effort. On vous
invite, vous de l'Opposition, à essayer de trouver des mesures
nouvelles, non pas des mesures toujours pour critiquer. On vous demande
d'être plus réalistes, de faire la preuve face au Québec
que vous êtes capables d'être...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député, je vous demande de conclure.
M. Laplante: Pour terminer, je vous demande de faire preuve, face
au Québec, que vous pouvez avoir non pas seulement des idées
destructives et critiques, que vous pouvez avoir des idées constructives
de temps en temps. C'est le souhait que je vous laisse. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Viger. (17 h 30)
M. Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Personne de l'autre
côté de la Chambre n'a eu le courage cet après-midi de
féliciter le député de Jean-Talon d'avoir porté
à l'attention de la population du Québec les graves
problèmes économiques qui conduisent actuellement notre province
au bord de la faillite. Je vais le faire, M. le Président, je vais le
féliciter. (17 h 30)
M. le Président, le deuxième budget que nous a
présenté le ministre des Finances la semaine dernière
démontre encore une fois que les générosités
préréférendaires destinées aux secteurs public et
parapublic et préélectorales destinées à l'ensemble
des Québécois et Québécoises étaient
inconsidérées.
On peut commencer par l'annonce des hausses des coûts
d'immatriculation et des tarifs d'Hydro-Québec qui viennent confirmer
l'incompétence du gouvernement du Parti québécois en
matière de finances publiques.
Cette mauvaise administration nous a été
démontrée à plusieurs reprises par le Parti
québécois au cours de son premier mandat. Qu'il suffise de
rappeler le trou de 500 000 000 $ dans le budget du ministère de
l'Éducation ou encore les déficits budgétaires records. La
question qu'il faut se poser c'est: Pourquoi le Parti québécois
décrète-t-il ces hausses plus que considérables? Certes
pas pour boucler le budget bien équilibré de la Régie de
l'assurance automobile, puisque, selon sa présidente elle-même,
Mme Claudine Sotiau, rien dans le contexte actuel ne justifie pour la
régie une telle augmentation, d'autant plus que le nombre d'accidents
avec blessés graves ou morts a diminué au cours de la
dernière année.
M. le Président, ces hausses rapporteront 238 000 000 $ et cette
somme sera tout simplement versée au ministre Parizeau qui pourra
toujours prétendre que la gestion des fonds publics par le gouvernement
du Parti québécois est
excellente. Mais il ne faut pas croire que les Québécois
seront dupes de tels mensonges. Ce à guoi le ministre des Finances
péquiste peut prétendre, cependant, c'est que, depuis cinq ans,
il est incontestablement le champion des taxes déguisées,
alourdissant le fardeau fiscal des Québécois, les contribuables
les plus taxés en Amérique du Nord.
Une voix: C'est vrai.
M. Maciocia: M. le Président, après l'annonce de la
hausse des tarifs d'Hydro-Québec, après l'augmentation
substantielle des coûts d'immatriculation et des permis de conduire, le
ministre péquiste des Finances est réduit à gratter les
fonds de tiroirs pour trouver des solutions à l'incompétence du
gouvernement en matière de finances publiques. Tous les contribuables
québécois devront en subir les conséquences. La taxe la
plus dure à accepter est certes la hausse décrétée
sur l'essence. Chaque fois que nous ferons le plein, il en coûtera 0,30 $
de plus le gallon. Cette dernière recommandation à ce jour
signifie que la taxe sur l'essence passe de 20% à 40%. La surtaxe sur
l'essence amènera au-delà de 800 000 000 $ dans le trésor
provincial pour l'année 1981-1982. Elle nous frappe tous et chacun
individuellement. Chaque matin, en prenant notre auto pour aller travailler, en
prenant le volant pour aller faire des emplettes, chacun de nous sera la grande
victime de l'inertie gouvernementale. Le gouvernement du Parti
québécois et son ministre des Finances ne méritent plus la
confiance des Québécois, M. le Président.
Une autre mesure des plus mesquines que le gouvernement du Parti
québécois peut revendiquer est certes l'abolition de la
réduction des 2% des impôts provinciaux. Cette promesse avait
été contractée lors de la présentation du budget au
printemps dernier, ce budget que le premier ministre Lévesque avouait
avoir préparé très activement à la sauvette dans
une démarche bassement électoraliste. Ce deuxième budget
pour l'année courante ne fait que démontrer que le ministre
Parizeau et le gouvernement péquiste sont complètement
dépassés par les événements. Il nous frappe
directement, vous et moi; il frappe même les plus démunis, sans
égard à la capacité de payer.
Dans son discours, le ministre des Finances déclare que
l'augmentation de la taxe encouragera le transport en commun. C'est faire
preuve de naïveté ou d'incompétence que de faire pareille
déclaration.
Premièrement, l'imposition de cette taxe sert à
réduire le déficit gouvernemental, leguel est dû, comme
chacun le sait, à l'incohérence des politiques fiscales du
gouvernement, aux mauvaises prévisions budgétaires et aux erreurs
calculées que le gouvernement a commises à la veille des
élections lorsqu'il a négocié les dernières
conventions collectives.
Deuxièmement, le secteur du transport en commun est touché
directement par les mesures préconisées par le ministre. Les
usagers du métro et de l'autobus à Montréal ne font pas
partie des couches les plus nanties de notre société. Or,
dès cette semaine, le président de la Commission de transport de
la Communauté urbaine de Montréal et le président de la
Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec ont,
tous les deux, déclaré qu'ils envisageaient une augmentation des
tarifs du transport en commun. M. le Président, lorsqu'on dit, de ce
côté de la Chambre, que cette taxe est régressive, c'est
parce que même les usagers des autobus et du métro sont
touchés. Et j'aimerais tout de suite proposer au ministre des Finances,
afin justement de prouver que de ce côté de la Chambre nous sommes
positifs, qu'il suspende l'imposition de cette taxe à tous les
réseaux de transport en commun au Québec, y compris les
réseaux de transport d'écoliers.
Troisièmement, l'industrie du transport vient d'encaisser un dur
coup. Camionneurs, taxis, déménageurs, mais également
toutes les industries dont les coûts de transport sont un
élément important du coût de production sont très
durement touchés. Et ici, je pense aux cultivateurs dont a parlé
le député de Beauce-Sud, je pense à l'industrie du bois,
à l'industrie de l'alimentation, du textile, du tourisme; toutes les
industries sont touchées. Certaines d'entre elles, les taxis et les
camionneurs, par exemple, ne peuvent augmenter leurs tarifs, car ces industries
sont réglementées. Celles-là vont souffrir encore plus de
cette mesure. Les autres, augmenteront leurs tarifs. Mais qui paiera la note?
C'est le consommateur qui va payer la note. C'est ça, le drame. D'une
part, directement, le gouvernement péquiste impose aux consommateurs une
taxe éhontée et, d'autre part, il leur fait subir l'impact
inflationniste que va avoir cette mesure sur l'ensemble des industries et qui
se traduira sans aucun doute par une augmentation des prix des biens. Pour un
gouvernement social-démocrate, félicitations, monsieur.
M. le Président, devant le gâchis financier dans lequel se
retrouve aujourd'hui le Québec, on comprend aisément pourguoi le
ministre et ses collègues refusent d'accorder au Vérificateur
général des pouvoirs équivalents à ceux qu'Ottawa a
consentis au sien. Le ministre et le cabinet prétextent, pour lui
refuser des pouvoirs additionnels, qu'il ne faut pas que le vérificateur
se substitue aux administrateurs publics en qualifiant telle ou telle
dépense, tel ou tel programme d'inutile ou de gaspillage des fonds
publics. La futilité de la raison
invoquée démontre à quel point ce gouvernement qui
mène la province à la faillite craint une vérification
serrée de ses livres.
M. le Président, en terminant, les questions que nous devons nous
poser aujourd'hui sont les suivantes: Est-ce que la cote de crédit du
Québec, qui actuellement est AA, sera encore la même et pour
combien de temps? Parce qu'il semble que deux firmes américaines, qui
représentent une bonne partie de nos prêteurs, sont en train de
vérifier les livres comptables du Québec, mais ici il faut faire
une petite précision, les vrais livres, pas ceux que les ministres
tentent de nous présenter. Si la cote est révisée à
la baisse, une partie assez importante des revenus que le ministre est
allé chercher avec ses taxes antisociales devra être versée
en intérêt supplémentaire sur la dette énorme du
Québec. Merci, M. le Président. (17 h 40)
Le Président: M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Je vais immédiatement engager mon
intervention en enchaînant sur celle du député de Viau.
Bien sûr qu'on est conscient de l'importance, pour le gouvernement du
Québec, de garder sa cote financière AA.
Si on n'était pas conscient de l'importance de conserver cette
cote financière, on n'aurait sans doute pas fait les coupures
budgétaires qu'on a faites, on n'aurait sans doute pas augmenté
les taxes et les impôts, on aurait plutôt augmenté le
déficit et on aurait emprunté plus sur les marchés
étrangers.
M. Maciocia: Question de privilège. Le Président:
Oui, M. le député.
M. Maciocia: Si vous permettez, seulement pour ne pas induire en
erreur le député Charbonneau, je ne suis pas le
député de Viau mais bien de Viger.
Le Président: Alors, M. le député de
Verchères, à vous la parole.
M. Charbonneau: D'ici quelques années, je finirai par
apprendre qu'il est le député de Viger.
Cela ne change pas le fond; je suis content que le député,
dans sa petite remarque, n'ait pas attaqué le fond de mes propos. Donc,
comme je le disais, il avait raison de souligner l'importance qu'on doit avoir
de conserver la cote financière du gouvernement du Québec parce
que c'est un des outils que le gouvernement a, actuellement, pour pouvoir
finalement avoir un budget et des revenus qui soient suffisants pour rencontrer
les dépenses.
On est conscient - il n'y a personne qui doute de ça au
Québec, je pense - on est conscient que les décisions qui ont
été prises, la semaine dernière, par le gouvernement, par
le ministre des Finances occasionnent des problèmes aux femmes et aux
hommes du Québec. Pensez-vous honnêtement qu'il aurait
été possible pour un gouvernement, quel qu'il soit, d'augmenter
les taxes de 285 000 000 $? D'augmenter en particulier la taxe sur l'essence et
de ne pas savoir à l'avance que cela créerait du
mécontement et des problèmes aux gens du Québec? Est-ce
que les gens qui nous écoutent pensent honnêtement qu'on a pris
cette décision en pensant que ça pourrait peut-être leur
faire plaisir et que ça pourrait peut-être nous faire plaisir
à nous?
Je pense que les gens qui nous écoutent savent très bien
que, quand on a pris cette décision-là, ce n'était pas de
gaieté de coeur, et on savait très bien qu'ils étaient
pour nous critiquer abondamment au cours des jours et des semaines qui
suivraient la présentation du budget supplémentaire.
La question que je demande aux gens de se poser c'est: Est-ce que le
gouvernement du Québec avait le choix? On a nos responsabilités
et je pense qu'on est capable d'y faire face. On nous a dit: Vous avez
été trop généreux pour le secteur public.
Peut-être. Mais, on est bien conscient que les secteurs public et
parapublic, salaires, avantages sociaux, régimes de pension, ça
grève 52% du budget du Québec. Je me rappelle des
dernières négociations, des critiques que l'Opposition formulait,
des pressions qu'il y avait dans l'opinion publique pour régler
rapidement. Je me rappelle qu'effectivement on a réglé à
la hausse bien sûr par rapport à ce qu'il y avait avant, mais en
en donnant moins, en étant moins généreux que le
gouvernement précédent l'avait été, lui, quand il
avait négocié la dernière fois. On aurait pu être
encore plus dur que le gouvernement Bourassa mais il y a des choses, à
un moment donné, impossibles à corriger en une
négociation. Les gens qui nous écoutent et qui suivent
l'actualité au jour le jour savent ça. Tu ne peux pas corriger,
du jour au lendemain, des situations, des tendances aussi importantes que
celles dans la négociation du secteur public lors d'une seule
négociation.
Fait-on des dépenses qui ne sont pas essentielles, qui ne peuvent
pas être comprimées? Bien sûr qu'on en fait. C'est la raison
pour laquelle on s'est engagé dans une vaste opération de
compressions budgétaires. Pouvez-vous me nommer un gouvernement qui, en
une année, à travers l'histoire du Québec, a
décidé d'opérer une compression de plus de 1 000 000 000 $
de dépenses? Il
n'y a pas beaucoup de gouvernements, dans l'histoire du Québec,
qui ont engagé ce processus-là. On est conscient que le
gouvernement lui-même a des dépenses superflues. Ce n'est pas pour
rien que, par exemple, si le gouvernement avait des besoins projetés de
25% par rapport à l'ensemble des besoins de la société,
des grands secteurs, des entreprises, des établissements de santé
et de services sociaux, des institutions d'enseignement, va faire des
compressions budgétaires pour 31%; c'est qu'on est conscient qu'il y a
des possibilités de couper des dépenses moins essentielles
qu'elles ne le paraissaient à prime abord.
Donc, on a engagé un processus de coupures budgétaires de
1 000 000 000 $ et on va réaliser notre objectif à peu
près à 80%, 85%. On a une responsabilité, bien sûr,
mais il y a la responsabilité des autres. Nos amis d'en face n'aiment
pas tellement parler du gouvernement fédéral, ils nous reprochent
à chaque fois qu'on le fait de le faire, mais les citoyens qui nous
écoutent honnêtement, les gens qui nous écoutent vont se
poser la question en conscience - est-ce qu'ils le savaient avant que je le
dise, ou avant que le ministre des Finances le dise la semaine dernière,
que 25% des revenus du gouvernement du Québec proviennent de transferts
fédéraux payés avec nos taxes et nos impôts, mais
qui viennent du gouvernement fédéral, selon des accords fiscaux
établis à tous les 5 ans unilatéralement par le
gouvernement fédéral?
L'adjoint parlementaire au ministre des Finances, le
député de Charlesbourg, disait tantôt que cette
année uniquement, selon des études qui ont été
publiées il y a à peine deux semaines et qui n'ont
été constestées par personne, on a un manque à
gagner -pour les gens, il vaudrait la peine qu'ils prennent leur crayon et leur
papier, qu'ils écrivent cela et qu'ils fassent leur calcul après
- de 607 000 000 $.
S'il n'y avait uniquement que les transferts fiscaux qui nous
affectaient par rapport aux décisions qui sont prises au gouvernement
fédéral, cela serait déjà énorme; mais
lorsqu'on constate qu'il y a d'autres décisions du gouvernement
fédéral qui nous coûtent cher cette année sur
lesquelles on n'a aucun contrôle et qui expliquent pourquoi nous n'avions
pas le choix de faire ce qu'on a fait la semaine dernière qui ne nous
fait pas davantage plaisir.
La politique monétaire, de qui relève-telle au Canada?
Est-ce que cela relève du gouvernement du Québec ou du
gouvernement fédéral? Elle relève du gouvernement
fédéral, les taux d'intérêt, on n'a aucun
contrôle sur cela, et s'il y a des taux d'intérêt au Canada
qui sont plus élevés qu'aux États-Unis, ce n'est pas la
faute de Reagan, c'est celle de Trudeau et de MacEachen. Cela nous coûte
cette année 355 000 000 $, c'est déjà seulement la hausse
des taux d'intérêt; plus en montant que l'augmentation totale des
taxes qu'on a décrétées la semaine dernière, 355
000 000 $, alors que l'augmentation de taxes était de 285 000 000 $.
Le gouvernement fédéral, il y a à peine deux ans et
demi ou trois ans, a modifié unilatéralement les règles
d'admissibilité pour l'assurance-chômage.
Les gens de ce côté-ci et bien des gens ont applaudi en
disant: Les paresseux, on va les envoyer, ils n'auront plus droit à
l'assurance-chômage. Mais ce qu'on n'a pas dit, par exemple, c'est que
les gens qui n'ont plus droit à l'assurance-chômage, ils s'en vont
sur l'aide sociale, et quand le fédéral prend des
décisions sans consulter le Québec, le résultat, c'est que
cela nous coûte, cette année, 40 000 000 $ de plus à l'aide
sociale. Faites le total. 607 000 000 $ pour les transferts fiscaux qu'on n'a
pas eus cette année et qu'on aurait dû avoir, 355 000 000 $ pour
les taux d'intérêt, 40 000 000 $ pour l'assurance-chômage,
on est rendu à 972 000 000 $ de manque à gagner pour le
gouvernement du Québec pour l'année financière 1981-1982,
alors que pour la même année, dans le budget supplémentaire
qu'on a déposé la semaine dernière, on augmente les taxes
et les impôts de 285 000 000 $.
Est-ce qu'on avait le choix? On n'avait pas le choix. Est-ce que c'est
important de parler des décisions fédérales? Je pense que
oui. C'est tellement important - il n'y a pas un de ces chiffres qui a
été contesté - que, si on n'avait pas eu à subir
les attaques financières du gouvernement fédéral faites
délibérément, on n'aurait pas eu besoin de faire la
majorité des compressions budgétaires qu'on est obligés de
faire actuellement et on n'aurait pas été obligé de taxer
l'essence des Québécois. Nous autres aussi, on se promène
en automobile, nous autres aussi, cela nous coûte plus cher et nous
autres non plus, on n'aime pas cela, pas plus que les gens qui nous
écoutent. Mais, en réalité, on n'avait pas le choix.
Dites-nous une autre façon qu'on aurait pu utiliser pour s'en sortir.
Vous pouvez faire pendant des semaines et des semaines des discours pour nous
critiquer, la réalité c'est que quand tu es coupé de 972
000 000 $ par des décisions unilatérales du
fédéral, et que tu es obligé de l'autre côté
d'augmenter les taxes et les impôts de 285 000 000 $ et de faire des
compressions budgétaires d'à peu près le même
montant, de 800 000 000 $ ou 900 000 000 $ cette année, il me semble que
cela ne prend pas un cours d'université, cela ne prend pas un
diplôme des HEC pour comprendre le bons sens.
Et les gens qui nous écoutent, qui sont
mécontents et qui ont raison d'être mécontents, ce
que je leur demande, honnêtement, en toute bonne foi, c'est
peut-être qu'il serait temps que les gens au Québec se rendent
compte qu'ils paient des taxes à deux niveaux de gouvernement, qu'ils
ont deux "gangs" de députés. Il n'y a pas juste ce Parlement qui
les représente. Jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à ce
que ce système soit changé, il y a aussi une gang de
députés qui sont à Ottawa. Mais, à chaque fois
qu'il y a des problèmes au Québec, les gens ne vont jamais voir
leurs députés fédéraux, les gens se comportent
malheureusement au Québec comme si le Parlement fédéral
n'existait pas et que les députés fédéraux
n'avaient aucune responsabilité.
La réalité pourtant, c'est qu'ils sont responsables
actuellement des décisions malheureuses qu'on est obligé de
prendre. La semaine dernière, hier encore, à la
télévision, à la radio on entendait des journalistes dire
quoi? Que le gouvernement fédéral diminue son déficit sur
le dos des provinces pour laisser aux provinces l'odieux de monter les taxes et
les impôts. Si cela est vrai, il va peut-être falloir un moment
donné au Québec mettre la responsabilité à la bonne
place, au gouvernement fédéral, à Ottawa.
Cela ne nous a pas fait plaisir de faire ce qu'on a fait et, M. le
Président, ce qui est dramatique, c'est qu'il y a un budget -je termine
avec cela - qui s'en vient, il y en aura un autre en mars prochain. Les
décisions du gouvernement fédéral, dans son récent
budget, nous permettent déjà d'anticiper le pire. Est-ce que,
d'ici le mois de mars, les gens au Québec ne pourraient pas de temps en
temps écrire à leurs députés
fédéraux, leur parler, leur téléphoner pour leur
dire qu'ils ne sont pas d'accord et qu'ils appuient le gouvernement du
Québec parce que les hausses de taxes sur l'essence, ils n'acceptent pas
cela, pas plus que le gouvernement du Québec? Mais quand tu n'as pas le
choix, un moment donné, il faut que tu prennes tes
responsabilités. C'est ce qu'on a fait, M. le Président,
Merci.
Le Président: M. le député de Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président,
après... Je demanderais l'ajournement du débat, M. le
Président.
Une voix: Adopté.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bertrand: M. le Président, je demanderais la suspension
de nos travaux pendant quelques minutes en attendant que le premier ministre
puisse venir faire sa déclaration ministérielle.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je
comprends que vous faites...
M. Bertrand: Je fais motion pour que nous suspendions nos travaux
pendant quelques minutes.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Les travaux de l'Assemblée sont
suspendus pour quelques minutes mais il faut absolument qu'ils reprennent avant
dix-huit heures, sinon nous serons dans l'illégalité.
(Suspension de la séance à 17 h 52)
(Reprise de la séance à 17 h 57)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Étant donné qu'il est 17 h 58, peut-être puis-je
prendre l'initiative de demander s'il y a consentement unanime pour que nous
puissions dépasser 18 heures car, dans quelques minutes, en vertu de
notre rèqlement, les travaux devraient normalement être
ajournés.
M. le premier ministre.
Déclarations ministérielles
Québec exerce son droit de veto
à l'encontre de la résolution
sur le rapatriement de la
constitution
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): D'autant plus que je serai
relativement très bref.
Dans la présentation que je faisais hier, en cette Chambre, d'une
motion contenant les conditions que le Québec veut voir acceptées
avant de se joindre à l'accord signé entre Ottawa et les neuf
autres provinces, j'ai indiqué que nous poserions aujourd'hui un geste
concret dans le but de définir, avec le plus de précision et le
plus de clarté possible, l'attitude que le gouvernement entend prendre
face à la résolution fédérale telle qu'elle est
actuellement rédigée.
Au moment où je vous parle, le sous-ministre des Affaires
intergouvernementales, M. Robert Normand, agissant au nom du gouvernement du
Québec, remet au premier ministre du Canada - ou, en tout cas, aussi
vite qu'il pourra le rejoindre - copie d'un décret adopté ce
matin par le Conseil des ministres, de même qu'une lettre dont voici la
teneur:
"M. Pierre Elliott Trudeau "Premier ministre "Hôtel du Parlement
"Ottawa "M. le premier ministre "Au nom du gouvernement du Québec, je
vous transmets officiellement le décret par leguel le Québec
exerce formellement son droit de veto à l'encontre de la
résolution portant sur le rapatriement et la modification de la
constitution canadienne telle que présentée à la Chambre
des communes par le ministre de la Justice en date du 18 novembre 1981. "Je
vous souligne, à cet égard, que le gouvernement du Québec
a toujours maintenu que l'assentiment du Québec était
constitutionnellement nécessaire à tout accord qui permettrait de
rapatrier la constitution et d'en fixer le mode d'amendement pour l'avenir. Les
discussions qui ont mené à l'accord interprovincial du 16 avril
1981 ont uniquement porté sur la façon de modifier la
constitution après le rapatriement. D'ailleurs, cet accord étant
maintenant caduc, le Québec n'y est plus lié et nous sommes
revenus à la situation antérieure. Il n'a donc jamais
été question de toucher au droit de veto que le Québec a
toujours possédé et possède toujours sur le rapatriement
et le mode d'amendement lui-même. (18 heures) "Quant au droit de veto du
Québec sur le partage des compétences dont il était
question dans l'accord interprovincial du 16 avril 1981, nous avons toujours
dit que seul un droit de retrait accompagné d'une compensation pleine et
obligatoire pourrait être une formule de remplacement acceptable. Cette
contrepartie nous ayant été refusée, nous conservons donc
intact notre droit de veto traditionnel. "En conséquence, je vous
demande d'agir comme vous l'avez fait en 1971, lorsque le Québec s'est
opposé à l'accord de Victoria, et de suspendre votre projet
jusqu'à ce qu'une entente intervienne non seulement avec les provinces
anglophones, mais aussi avec le Québec. "Je vous saurais gré
également de bien vouloir faire déposer le texte des
présentes à la Chambre des communes et au Sénat afin que
les parlementaires canadiens soient formellement mis au courant de la position
officielle du Québec. "Je compte, pour ma part, en déposer une
copie à l'Assemblée nationale du Québec - ce que je ferai
à l'instant, M. le Président, si on me le permet. "Sur le fond de
la question, je vous réitère - c'est de nouveau à
l'adresse de M. Trudeau - que le Québec est prêt à signer
tout accord qui satisferait aux conditions minimales exprimées dans la
motion que j'ai déposée à l'Assemblée nationale le
17 novembre 1981, dont vous avez déjà reçu copie. Ce sont
là des conditions raisonnables qui représentent pour le
Québec le minimum vital dont il a besoin pour protéger sa
spécificité et ses droits historiques. "Veuillez agréer,
M. le premier ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs."
M. le Président, cette démarche nous paraît
impérieuse dans les circonstances actuelles. Nous avons, en effet, la
responsabilité de faire savoir avec le plus de force possible que le
Québec ne reconnaît en aucune façon la validité d'un
accord dont il serait exclu et qu'il entend exercer un droit qui lui a toujours
appartenu d'opposer son veto à des changements constitutionnels
effectués uniquement par le Canada anglais et qui ont pour effet de nous
enlever des droits comme nation et d'affecter les pouvoirs de
l'Assemblée nationale du Québec sans son consentement.
Vous aurez noté que nous maintenons notre intention de signer
tout accord qui remplira les conditions que nous avons fixées par le
biais de la motion qui est débattue ces jours-ci, ici, à
l'Assemblée nationale. Comme je le dis dans la lettre à M.
Trudeau, je dépose deux copies de cette déclaration, mais aussi
deux copies du décret qui a été adopté cet
après-midi et qui, normalement, devrait être rendu à Ottawa
d'ici une demi-heure ou trois quarts d'heure.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le chef de l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Les applaudissements quelque peu artificiels qui ont
suivi, du côté ministériel...
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Ryan: ... la déclaration du chef du gouvernement ne
sauraient faire oublier qu'il s'agit, de la part du chef du gouvernement, d'un
effort de récupération plutôt lamentable à la suite
d'actions encore davantage lamentables qu'il a faites lui-même au cours
des derniers mois.
Le chef du gouvernement fait aujourd'hui un geste qu'il aurait dû
faire bien auparavant; il aurait dû le faire dès le 16 avril
dernier, il aurait dû le faire dès le début de la
conférence constitutionnelle qui a eu lieu du 2 au 5 novembre dernier.
Le 2 novembre - je l'ai rappelé en cette Chambre au moins à une
ou deux reprises depuis le début de la session - lorsque M. Davis, le
premier ministre de l'Ontario, a laissé entendre qu'il était
prêt à abandonner le droit de veto de sa province, nous avons
tout
de suite compris que c'est le droit de veto du Québec qui allait
y passer si le Québec ne réagissait pas immédiatement.
Dans ce sens, j'ai adressé au premier ministre, à Ottawa, un
télégramme qui se lisait comme suit: "Au sujet de la formule
d'amendement constitutionnel...
Une voix: Au premier ministre du Québec.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: Au premier ministre du Québec, évidemment.
"Au sujet de la formule d'amendement constitutionnel, le droit de veto du
Québec revêt une importance capitale. Je vous prie d'insister pour
que ce droit soit garanti au Québec. La formule des huit n'offre pas
cette garantie. Le droit de retrait qu'elle propose pour le Québec
serait tout au plus négatif et limité. Le renoncement de
l'Ontario au droit de veto ne doit pas influencer la position du Québec.
Le Québec est la seule province à majorité francophone;
plus de 80% des francophones du Canada vivent au Québec. Ces faits
justifient le Québec de réclamer un droit de veto sur les
modifications constitutionnelles de l'avenir." C'était signé:
"Claude Ryan, chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale." J'ai
attendu, à la suite de ce message, des interventions publiques du
premier ministre ou du ministre des Affaires intergouvernementales qui
viendraient défendre vigoureusement ce principe de fond auquel nous
souscrivons des deux côtés de la Chambre. Je les ai attendus en
vain parce que déjà, moralement, le premier ministre avait
renoncé au droit de veto du Québec en échange de cette
garantie dont il parlait tantôt. La meilleure preuve...
M. Lalonde: M. le Président, on n'a pas interrompu le
premier ministre. Un peu de respect.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre! M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: La meilleure preuve que j'en puisse offrir, M. le
Président, est très facile à trouver; elle se trouve dans
la lettre même dont le premier ministre vient de nous donner lecture. Il
est encore disposé aujourd'hui à abandonner le droit de veto,
dont il constate le prix, pour le même plat de lentilles que le 16 avril
dernier. C'est ça qu'il y a de formidable. Il prouve par cette lettre-ci
qu'il n'a même pas compris la portée du geste qu'il a posé
le 16 avril, parce qu'il serait prêt à le faire encore.
Maintenant, nous verrons à ce sujet. Ce sont des gestes d'une
portée considérable qui ont été faits qu'on essaie
de récupérer maintenant.
J'aurais des questions à adresser au premier ministre.
J'espère qu'il pourra répondre tantôt. Quant au geste qui
est fait aujourd'hui, qui paraît un geste assez formaliste, qui est
empreint, entouré d'un langage très solennel, nous autres, en
parlementaires pratiques, nous essayons de voir le contenu véritable, la
portée réelle d'un geste comme celui-là. J'ai deux
questions à adresser au premier ministre à ce sujet. D'abord, au
point de vue légal, qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce que vous
entendez instituer des procédures auprès des tribunaux pour faire
clarifier une question qui ne l'aurait point été? À ce
sujet, je voudrais vous faire un bref rappel. Lorsque le gouvernement du
Québec s'est adressé à la Cour d'appel il y a quelques
mois, il a posé à celle-ci trois questions. Voici comment
était formulée la plus importante, celle qui se rattache au sujet
d'aujourd'hui: La constitution canadienne habilite-t-elle, soit par statut,
convention ou autrement, le Sénat et la Chambre des communes du Canada
à faire modifier la constitution canadienne sans l'assentiment des
provinces et malgré l'objection de plusieurs d'entre elles de
façon à porter atteinte, etc?" Il n'était pas question du
Québec. Vous auriez pu, si vous aviez eu l'esprit présent, poser
la question du Québec dès ce moment-là, M. le
Président. C'est formidable! Je vous cite les textes, M. le
Président. (18 h 10)
Maintenant, si le gouvernement veut se présenter devant la Cour
suprême, il faudra qu'il examine soigneusement ce qui a été
dit par la Cour suprême dans son dernier jugement. La Cour suprême
dit ceci: "II ne convient pas que la Cour suprême conçoive dans
l'abstrait une formule précise d'amendement qui indiquerait en termes
positifs quel degré de consentement provincial est nécessaire
pour que la convention soit respectée. Les conventions, de par leur
nature, s'élaborent dans l'arène politique et il revient aux
acteurs politiques et non pas à cette cour de fixer l'étendue du
consentement provincial nécessaire, etc." Je demande au premier ministre
s'il envisage des recours judiciaires à ce stade très tardif de
réveil de la part du gouvernement. S'il envisage des recours
judiciaires, pense-t-il qu'ils ont des chances sérieuses de produire des
résultats positifs?
Deuxièmement, étant exclu le côté judiciaire
de l'opération, il y a le côté politique. C'est
évident que cette bataille va se jouer au plan politique, parce que les
acteurs de l'autre côté, forts du jugement de la Cour
suprême et des résultats de l'accord du 5 novembre dernier,
prétendront qu'ils ont la constitutionnalité en faveur de leur
démarche. Je demande au premier ministre, au chef du gouvernement,
quelle mesure concrète, quelle démarche pratique il
envisage au plan politique pour contribuer à la solution de cette
grave crise constitutionnelle.
La voie la plus indiquée, c'est naturellement celle des
négociations, M. le Président, que nous avons recommandée
continuellement au gouvernement depuis plusieurs semaines et sur laquelle il a
systématiquement et arrogamment levé le nez depuis le 5 novembre
dernier. Je demande au premier ministre s'il est prêt, dans une ultime
tentative afin de trouver une solution négociée, à prendre
le téléphone, à établir des contacts avec les
interlocuteurs et, deuxièmement...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Ryan: Je comprends les membres du gouvernement d'être
nerveux, parce qu'ils sont bien embarrassés avec les gestes qui ont
été faits depuis quelques mois.
Je demande au chef du gouvernement, à défaut de recours
judiciaire sérieux, à défaut de recherche d'une solution
raisonnable par voie de négociation...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Ryan: ... qu'est-ce qui se produirait, au plan politique, et
combien de temps le gouvernement actuel, dont les vues en cette matière
sont manifestement contraires à celle de la majorité de la
population du Québec, combien de temps le gouvernement tiendra-t-il la
majorité de la population en otage de ses vues séparatistes?
Est-ce que le gouvernement envisage de trouver un moyen qui permettrait au
peuple souverain de trancher ce dilemme dans des délais raisonnables,
afin que la vie politique puisse reprendre son cours normal et qu'on puisse
enfin parler des vrais problèmes qui préoccupent les
citoyens?
Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais
être relativement bref, encore une fois.
Premièrement, le chef de l'Opposition, dans sa réplique,
comme il le fait à chaque fois qu'un geste qui est posé touche
les intérêts fondamentaux du Québec, depuis quelques
semaines nous dit: Allez négocier au rabais. C'est cela, sa seule et
unique réponse, de façon à ne jamais répondre sur
le fond.
M. Ryan: ... privilège, M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une question
de privilège.
M. Ryan: M. le Président, je n'ai jamais demandé au
gouvernement d'aller négocier au rabais, mais d'aller négocier
tout court.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): II a fallu que le chef
conservateur, M. Joe Clark, en ait l'idée, lui qui vient de l'Alberta,
en ait l'idée, d'une compensation pleine et entière, pour qu'en
fin de semaine le chef du Parti libéral rajuste ses flûtes et
dise: Cela pourrait avoir du bon sens. Il y a deux semaines, il n'aurait pas
été capable de dire cela.
Mais derrière cette pression constante pour aller négocier
les restes, il y a évidemment d'essayer de dissimuler sans arrêt
le fait que ces attitudes ne servent qu'à affaiblir le Québec.
Par exemple, et là je reviens directement à la déclaration
que j'ai faite, à la lettre à M. Trudeau et à la
première réaction du chef de l'Opposition. Il dit, c'est la seule
réponse essentielle: Vous avez lâché, maintenant vous allez
essayer de le rattrapper.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est faire
le jeu des libéraux fédéraux qui essaient de propager sans
arrêt cette même propagande qui est totalement fausse. Un esprit
honnête qui lit... D'ailleurs, deux de mes collègues, ce matin,
MM. Morin et Morin, enfin, les députés de Sauvé et de
Louis-Hébert, en ont parlé. Je ne répéterai pas
tout ce qu'ils ont dit, je prendrai simplement, de la part d'un
constitutionnaliste, le député de Sauvé, cet extrait
très simple que, justement à partir des connaissances, on peut
dire en langage de tous les jours. À propos justement de cette fraude
qu'on essaie d'escamoter, d'un droit que le Québec n'a jamais
laissé aller, qu'on essaie d'escamoter tout simplement en
répétant sans arrêt la fausseté elle-même. On
sait très bien à quel point c'est facile, dans des domaines qui
sont extraordinairement complexes, de mêler les gens pour essayer de
camoufler ses propres lâchetés. Ce que le député de
Sauvé a écrit se comprend par n'importe qui et on n'a pas besoin
d'être constitutionnaliste.
Quand on dit à quelqu'un: J'offre de faire ceci, si vous, vous
faites cela, et qu'on signe un contrat là-dessus avec des conditions, si
le vis-à-vis, finalement, au lieu de remplir les conditions,
répond non, je ne ferai pas cela, il est clair que nous demeurons
entièrement libres, nous, de dire:
Dans ce cas-là, nous ne ferons pas ceci.
Quand on offre d'agir à certaines conditions et que les
conditions ne sont pas remplies, on retrouve - j'ajoute au texte du
député de Sauvé - dans une société
civilisée ce qu'on appelle en anglais, je pense, une "society of laws",
sa pleine liberté d'action et, en l'occurrence, le Québec
retrouve, en entier, son plein droit traditionnel. C'est essentiellement ce que
dit d'ailleurs la motion qui est devant cette Chambre.
La stratégie des adversaires du Québec - je continue de
citer le député de Sauvé -est évidemment de tenter
de nous dépouiller de ce droit, comme de certains autres, parce que, par
la suite, tant et aussi longtemps que nous serions dans le régime
actuel, nous serions livrés pieds et poings liés à la
majorité anglophone du pays et à la majorité des provinces
anglophones.
Ce que je trouve extraordinairement déplorable dans cette
espèce de prolongement de la propagande des libéraux
fédéraux dans le parti qui est en face de nous ici, sans
arrêt, c'est comme si on souhaitait qu'on n'ait plus le droit dont on
parle. On dit que c'est faux qu'on l'ait perdu, on le dit à partir des
meilleurs avis qu'on puisse trouver. Ce que je trouve invraisemblable, c'est
qu'en propageant ce bobard, sans arrêt, en dépit d'une certaine
rigueur intellectuelle qu'il a déjà eue et de certains principes
qu'il énonçait il y a à peine quelques semaines, le
député d'Argenteuil se trouve à mettre les
intérêts à court terme du Parti libéral du
Québec en avant des intérêts permanents du Québec
lui-même.
Pour répondre, du même coup, aux deux dernières
questions du chef de l'Opposition, si le premier ministre
fédéral, M. Trudeau, recevant ce décret du gouvernement du
Québec, et sachant très bien de quoi il s'agit et comment
ça s'est passé, prétendait que c'est constitutionnel et
qu'il peut quand même s'en aller à Londres sans respecter le droit
que nous considérons avoir, qui n'est jamais disparu, alors que c'est
par fraude qu'on a essayé de nous l'enlever, premièrement, on
verrait alors qui spolie les Québécois qui ont mis ces gens au
pouvoir et qui les ont maintenus là, qui spolie, jusqu'à l'abus
total, les Québécois d'un droit fondamental. De plus, tous les
recours possibles - c'est la seule réponse que je peux donner à
la question du chef de l'Opposition - tous les recours possibles, en temps et
lieu, qui peuvent venir vite, seront ici.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Les
travaux de l'Assemblée sont ajournés... à l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! ... à
demain... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Les
travaux de l'Assemblée sont ajournés à demain, 14
heures.
(Fin de la séance à 18 h 21)
ADJOINTS PARLEMENTAIRES
M. Robert Dean Adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
M. Denis Vaugeois Adjoint parlementaire au ministre
délégué aux Affaires parlementaires
M. Jérôme Proulx Adjoint parlementaire au ministre des
Affaires culturelles
M. Gilbert Paquette Adjoint parlementaire au ministre de
l'Éducation
M. Pierre de Bellefeuille Adjoint parlementaire au ministre des Affaires
intergouvernementales
M. Élie Fallu Adjoint parlementaire au ministre des Affaires
municipales
M. Richard Guay Adjoint parlementaire au ministre de l'Habitation et de
la Protection du consommateur
M. Gilles Grégoire Adjoint parlementaire au ministre de
l'Énergie et des Ressources
M. Adrien Ouellette Adjoint parlementaire au ministre des Transports
M. Roland Dussault Adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme
M. Maurice Martel Adjoint parlementaire au ministre des Travaux publics
et de l'Approvisionnement
M. Denis de Belleval Adjoint parlementaire au ministre des Finances