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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Wednesday, November 25, 1981 - Vol. 26 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

Un moment de recueillement.

Vous pouvez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler... Je ne sais pas lequel des articles vous voulez que j'appelle.

Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 3.

M. Bertrand: L'article 3, sur la motion présentée par M. le premier ministre.

Reprise du débat sur la motion déterminant les conditions sous

lesquelles le Québec ne peut

accepter le projet de rapatriament

de la constitution

Le Vice-Président (M. Jolivet): Reprise du débat sur la motion de M. Lévesque (Taillon), premier ministre du Québec. La parole était au ministre d'État au Développement culturel et scientifique.

M. le ministre.

M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): M. le Président, ce n'est pas la première fois que le Québec et cette Assemblée sont aux prises avec la volonté de la majorité anglophone et du gouvernement d'Ottawa de plier la société québécoise à leurs intérêts.

Ceux qui connaissant un peu l'histoire, et ils sont probablement nombreux dans cette enceinte, se souviendront des luttes - pour ne pas dire des bagarres - incessantes auxquelles fut astreinte notre première Assemblée au temps du Bas-Canada, de 1792 à 1837, alors que les anglophones, qui ne constituaient à l'époque qu'une minorité, appuyée il est vrai par le pouvoir considérable de la métropole britannique, déjà tentaient de faire valoir leur volonté à l'encontre de la majorité que nous étions alors.

Combien plus âpres et plus difficiles aussi sont devenus ces combats depuis que nous-mêmes sommes devenus minoritaires, une minorité décroissante, hélas, dans l'ensemble du Canada. Tous les outils sont bons pour nous plier, pour nous mater: la constitution, les finances, l'espionnage au besoin, jusqu'à l'espionnage, M. le Président, comme on vient de l'apprendre par la bouche d'un responsable de la Gendarmerie Royale du Canada. Comme si nous étions, nous l'a-ton rappelé, un corps étranger dans notre propre pays.

Il faut, je pense, en prendre notre parti; je ne veux pas dire par là que nous devions nous résigner, comme certains le feraient volontiers, mais pour mieux comprendre notre situation politique, pour comprendre aussi que tout peuple placé, comme nous le sommes, dans une situation minoritaire, engendre, pour ainsi dire, inexorablement deux groupes, deux écoles de pensée, deux attitudes. D'une part, ceux qui sont toujours disposés plus ou moins à plier, à faire des compromis au détriment de leur groupe. Cela conduit, bien sûr, à des démissions toujours plus grandes au fur et à mesure que le groupe diminue en nombre, comme l'a très bien démontré, je pense, dans son Portrait du colonisé, Alberto Memmi. Et, d'autre part, il y a ceux qui veulent au contraire affirmer l'existence de leur groupe, de leur peuple, qu'ils veulent voir survivre en tant que tels et être libres, libres de choisir; ceux qui appellent à la résistance par tous les moyens légitimes.

Il en sera ainsi, M. le Président, aussi longtemps que nous accepterons de demeurer une minorité dans l'ensemble du Canada plutôt que de décider de devenir la majorité ici même au Québec. Ce choix n'est pas nouveau, ce choix est permanent dans notre histoire et il nous accompagnera aussi longtemps que nous ne l'aurons pas effectué. Le 20 mai 1980, plusieurs d'entre nous ont voulu donner une dernière chance - toujours la dernière chance - au régime fédéral dont M. Trudeau nous faisait savoir, à l'époque, qu'il allait le réformer en profondeur. Beaucoup ont cru à cela à l'époque et maintenant il faut en payer le prix.

Ottawa veut désormais empiéter même sur les compétences exclusives du Québec. Il veut que nous acceptions des changements constitutionnels et cela en allant jusqu'à forcer notre consentement, jusqu'à se passer de notre consentement si la chose lui paraît nécessaire, choses qui auraient paru inconcevables avant M. Trudeau, mais qui sont maintenant devenues une réalité parce que justement, quand un peuple n'arrive pas à se dire oui à lui-même, tôt ou tard, il est acculé forcément à dire constamment non aux autres, au fur et à mesure que ceux-ci cherchent à empiéter sur ses droits et sur les compétences de son Assemblée.

Pour justifier cette démarche unilatérale à laquelle nous sommes confrontés, le pouvoir fédéral va jusqu'à nier le caractère distinct de la société

québécoise. Il va jusqu'à remettre en doute l'égalité entre les deux peuples qui ont formé le Canada depuis deux siècles maintenant.

Le temps dont je dispose ce matin ne me permet pas d'examiner tous les détails du projet constitutionnel. Aussi, vais-je me contenter de deux aspects qui me paraissent majeurs: la question du droit de veto du Québec et la tentative fédérale de casser notre législation linguistique, particulièrement dans le domaine scolaire.

D'aucuns ont nié l'existence de ce droit de veto ou clament que le Québec y aurait renoncé. Le chef du gouvernement fédéral, il y a quelques jours encore, en conférence de presse - ce n'était pas la première fois -déclarait que le Québec - c'était sa faute -y avait renoncé. Le thème a été repris -j'en dirai quelques mots tout à l'heure - ici même, dans cette Assemblée, peut-on le croire, par le chef de l'Opposition. (10 h 20)

Je me contenterai de faire une allusion très brève aux aspects historiques de ce droit de veto. Nous l'avons toujours possédé et nous soutenons depuis toujours que rien ne peut être changé dans les dispositions fondamentales de la constitution de ce pays sans le consentement du Québec. Bien sûr, pendant longtemps, ce droit de veto s'est confondu avec la règle de l'unanimité des provinces à l'égard des changements constitutionnels, ou encore avec la règle d'une majorité qualifiée qui comprenait toujours le Québec, l'Ontario, un certain nombre de provinces à l'Ouest et un certain nombre de provinces à l'Est du pays. Cependant, à compter de 1964, les choses sont devenues beaucoup plus claires. Grâce au refus de M. Lesage, refus opposé au mode d'amendement qui s'appelait, à l'époque, la formule Fulton-Favreau, grâce, également, au refus d'accepter la charte de Victoria en 1971, refus appuyé par toute cette Chambre, on s'en souviendra, le Québec a pu affirmer, au moins à deux reprises et de façon très claire, qu'il possédait un droit de veto, en ce sens que son consentement est nécessaire pour que les dispositions fondamentales de la constitution soient modifiées.

Donc, le Québec agissant seul, a fait échec, tant en 1965 qu'en 1971, à deux tentatives bien claires de modifier la constitution. Il y a fait échec en disant simplement non et ce droit de dire non et d'empêcher des changements a été reconnu par M. Pearson à l'époque et ensuite par M. Trudeau. Je vous fais grâce des citations, mais je pourrais mettre devant cette Chambre des déclarations de M. Trudeau, à l'effet que le non du Québec explique l'échec de la charte de Victoria. Mais, il ne se tenait pas pour battu. Le Canada anglais ne se tenait pas pour battu. Puisque le Québec possédait un droit de veto, il fallait tout faire pour l'en déposséder, pour le lui arracher, et c'est ce qui explique, au fond, toute la démarche actuelle, M. le Président.

Récemment, M. Trudeau a soutenu, à plusieurs reprises, et encore ces jours derniers, que le gouvernement du Québec aurait renoncé à ce fameux droit de veto. M. le Président, il n'en est rien. Non seulement le Québec possédait ce droit, mais il le possède encore aujourd'hui. Cependant, il faut bien admettre que ce n'est pas la situation idéale puisque ce droit de veto s'étend, comment dire, à l'ensemble du Canada et empêche les autres provinces de se donner une constitution à leur goût, plus centralisatrice, si telle est leur volonté. Le Québec a toujours voulu demeurer à l'écart de cette tendance centralisatrice, mais empêcher les autres de se donner un gouvernement central fort, cela a toujours été une démarche difficultueuse, disons-le, une attitude presque impossible pour le Québec, puisqu'il empêchait les autres de se réaliser eux-mêmes. C'est pour ces raisons qu'on disait souvent au Canada anglais, dans les années soixante et au début des années soixante-dix, que le Québec constituait ce qu'on appelait un "stumbling block" pour le Canada anglais. Eh bien, c'est la raison pour laquelle le gouvernement québécois a décidé d'offrir autre chose aux provinces; cela a donné l'accord du 16 avril dernier.

Vous vous souviendrez que, dans cet accord, nous nous montrions disposés à échanger ce droit de veto contre un droit de retrait constitutionnel assorti de la pleine compensation financière, droit de retrait qui, de fait, est un droit de veto, mais limité au Québec, qui n'empêche pas les autres provinces de faire à leur tête. Je pense qu'il est clair qu'il y avait des conditions à cet échange entre le droit de veto et le droit de retrait, et l'une de ces conditions était la pleine compensation financière. On sait maintenant que le gouvernement fédéral refuse cette condition et que les sept provinces anglo-canadiennes, qui avaient commencé par l'accepter, nous ont laissé tomber dans la fameuse nuit du 4 au 5 novembre.

Quand nous disons à quelqu'un "j'offre de faire ceci si vous faites cela" et que le vis-à-vis répond "non, je ne ferai pas cela", il est bien clair que nous demeurons entièrement libres de dire "eh bien, nous ne ferons pas ceci". Quand on offre d'agir à certaines conditions et que les conditions ne sont pas remplies, on retrouve sa pleine liberté d'action et, en l'occurrence, le Québec retrouve son plein droit de veto. C'est essentiellement, d'ailleurs, ce que dit la motion qui est devant cette Chambre. La stratégie des adversaires du Québec est évidemment de tenter de nous dépouiller de ce droit de veto parce que, par la suite, nous serions livrés pieds et mains liés à la

majorité anglophone du pays et à la majorité des provinces anglophones.

Voit-on ces faux frères, les libéraux fédéraux du Québec, défendre le Québec, le droit de veto du Québec? Jamais de la vie! Non seulement ils tentent d'accréditer l'idée que nous y aurions renoncé, mais ils tentent - et cela, c'est vraiment le comble du cynisme majoritaire - de faire peser la responsabilité de cet abandon sur le gouvernement du Québec. Allez donc négocier dans des circonstances comme celai Vous proposez un échange et on vous dit que vous avez renoncé à vos droits sous prétexte que vous étiez prêts à négocier. Je pense qu'il y a là une bonne leçon qui nous apprend, entre autres, que chaque fois qu'on tente de négocier avec la majorité anglo-canadienne, on risque d'être trompé et de se ramasser Gros-Jean comme devant, comme cela a été tant de fois le cas dans notre histoire.

Malheureusement, une fois de plus, selon une très vieille habitude, les fédéraux mentent effrontément aux Québécois; ils sont prêts à dire n'importe quoi, ils affirment que le Québec lui-même a renoncé à la protection que lui vaut ce droit de veto. Je pense que leur objectif est de créer de la confusion, confusion savamment entretenue pour amener les Québécois à penser qu'ils ont eux-mêmes renoncé à une protection qui, jusqu'ici, leur était pleinement reconnue. Malheureusement, je constate que le chef de l'Opposition, le député d'Argenteuil, contribue à cette entreprise de démission quand, consciemment ou non - j'ose espérer que c'est inconscient - il propage cette propagande fédérale. Il fait, je pense, le jeu d'Ottawa et il ferait, on l'imagine facilement, un bien piètre négociateur si nous l'envoyions à Ottawa pour traiter des droits du Québec. Voilà qu'il est prêt à renoncer à ce droit de veto et qu'il essaie, d'ailleurs, pour des raisons purement partisanes, d'en faire porter la responsabilité au gouvernement, oubliant les intérêts supérieurs du Québec; il fait passer avant les intérêts du Parti libéral.

M. le Président, faut rappeler une fois de plus que le Québec se situe au-dessus des partis et qu'on n'a pas le droit de le trahir pour des intérêts partisans. Il nous faut donc réaffirmer avec force que nous n'avons jamais renoncé à ce droit de veto, mais que nous sommes prêts à l'échanger, dans des conditions raisonnables - mais ce n'est pas la même chose, renoncer et échanger - contre le droit de retrait dûment assorti de la compensation financière. C'est ce que dit la motion. Elle offre le choix entre l'un et l'autre, entre le droit de veto ou le droit de retrait avec pleine compensation financière. Mais, attention! Si la condition n'est pas réalisée, eh bien, nous reprenons nos droits et cela dans tous les domaines. La compensation financière doit s'étendre à tous les domaines de notre compétence. Autrement, la négociation est un marché de dupes comme elle l'a toujours été dans le passé, mais cette fois elle aurait des conséquences beaucoup plus graves.

D'ailleurs, nous en aurons le coeur net, M. le Président, le gouvernement envisage sérieusement la possibilité de soumettre cette question à la Cour d'appel, puis, éventuellement, à la Cour suprême. Ce n'est pas parce que j'ai une confiance illimitée dans les tribunaux. Ceux qui ont lu mes écrits dans le passé savent que j'ai là-dessus des réserves. Mais, au moins nous saurons à quoi nous en tenir; c'est important que les Québécois sachent à quoi s'en tenir. La situation sera plus claire. Elle l'est déjà beaucoup plus avec l'attitude des fédéraux et de M. Trudeau actuellement. Elle le serait encore davantage, soit que la Cour suprême déclare que le Québec a toujours eu ce droit de veto et le possède encore, soit, au contraire, qu'elle décide qu'il n'en est rien, auquel cas les Québécois sauraient au moins que leurs illusions n'étaient que de la fumée. Les illusions seraient moins nombreuses si la cour nous laissait désarmés devant les héritiers de Lord Durham. (10 h 30)

M. le Président, j'aurais voulu commenter longuement les dispositions du projet fédéral en ce qui touche les droits linguistiques. Je me contenterai de dire, avant de conclure, que l'effet de ces dispositions linguistiques serait considérable, soit qu'on songe simplement à ce qu'on appelle vulgairement la "clause Canada", qui permettrait aux élèves venant du reste du pays d'aller à l'école anglaise au Québec, soit qu'on finisse par imposer au Québec, puisque le premier ministre fédéral nous a dit qu'il attendrait son heure d'avoir devant lui au Québec un gouvernement qui se plierait à la volonté majoritaire anqlophone, soit donc qu'on impose la clause internationale qui ouvrirait l'école anglaise à tous les immigrants, d'abord, de langue anglaise et ensuite, forcément - comme on ne peut pas faire deux classes d'immigrants -à tous les immigrants.

Dans un cas comme dans l'autre, ces clauses du projet fédéral sont extrêmement dangereuses pour l'avenir. Même si on se limite à la clause Canada, il faut tenir compte du fait que dans nos écoles, avant la charte de la langue française, il y avait plus d'élèves en provenance des autres provinces que d'élèves anglophones en provenance de tous les autres pays; ils étaient déjà la majorité. Il n'y a pas de doute qu'ils le redeviendraient rapidement si on allait casser la protection qu'accordent à l'école française les dispositions de la charte de la langue française.

M. le Président, je conclus en rappelant

ce que je disais tout à l'heure. Les événements que nous vivons sont durs, sont difficiles. Ils le sont toujours tôt ou tard pour les minorités qui se résignent ou qui laissent aller les choses. Heureusement, il y a un aspect encourageant aux événements actuels. Ils ont le mérite de clarifier la situation et de dissiper les illusions. Les Québécois, de bonne foi, ont de moins en moins d'excuses de ne pas comprendre leur condition réelle de minoritaires dans l'ensemble du Canada. Heureusement aussi, M. le Président, dans l'histoire des peuples, on peut toujours se reprendre puisque, pour utiliser le vocabulaire des sportifs, on est toujours en période supplémentaire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. Le rappel historique que le ministre qui m'a précédé vient de faire m'amène à faire une constatation. En effet, dans le passé, le Québec n'a pas toujours été traité de façon équitable par le reste du Canada. Sauf que la différence fondamentale, cette fois-ci, c'est que c'est le gouvernement du Québec qui, par sa stratégie, a contribué à l'affaiblissement du Québec. C'est le gouvernement actuel qui, le premier de tous les gouvernements québécois, a réussi, à cause de sa stratégie étapiste, à faire perdre ce que le Québec avait de plus sacré, c'est-à-dire son droit de veto. Nous y reviendrons, M. le Président.

Regardons quels sont les motifs qui amènent le premier ministre à nous présenter cette deuxième motion en moins d'un mois. D'abord, je prétends, M. le Président, qu'il s'agit, dans un premier temps, d'une mesure de diversion. Le gouvernement veut éviter à tout prix de subir la critique, non seulement de l'Opposition mais de la population, à l'endroit de sa gestion, à l'endroit de son budget inqualifiable qu'on a présenté à l'Assemblée nationale, mardi dernier.

Je donne à titre d'exemple - à l'intention de ceux qui nous écoutent à la télévision - le cas que j'ai soulevé hier, à l'Assemblée nationale. Vous vous rappellerez, M. le Président, le sort que la taxe sur l'essence vient faire subir à des entreprises de l'Ouatouais. J'ai dû, dans un premier temps, poser une question à la période de questions. Période à laquelle, vous en conviendrez, on ne peut pas faire les débats de fond de façon tellement libre. J'ai même dû, à la suite de réponses complètement inacceptables du ministre d'État au Développement économique, soulever la question à nouveau, dans un mini-débat, hier soir, à 10 heures, pour enfin obtenir des informations valables, susceptibles de rassurer les personnes qui sont visées par cette mesure. Des informations, dis-je, que j'ai obtenues du ministre des Finances qui, je dois l'avouer, est beaucoup plus responsable que le soi-disant ministre responsable de l'Outaouais, le ministre d'État au Développement économique.

C'est la même chose quant au scandale de la Société d'habitation du Québec, de l'organisation des fêtes nationales, de l'utilisation des avions du gouvernement et de combien d'autres cas, M. le Président. Le gouvernement, en apportant sa motion constitutionnelle aujourd'hui, évite ou reporte à plus tard la discussion des problèmes dont les citoyens veulent entendre parler.

C'est également une autre mesure de diversion parce que le Parti québécois doit à tout prix détourner l'attention de ses propres militants, qui ne sont pas aveugles eux non plus. Combien ont constaté la mauvaise performance du gouvernement péquiste au cours des négociations constitutionnelles. Ils veulent raidir leur position. Ils exigent du gouvernement, issu de leur parti, qu'on durcisse les positions. C'est pourquoi on retrouve des choses dans la motion qu'on a volontairement, malhabilement peut-être, mais volontairement abandonnées en cours de route depuis avril dernier.

Il y a un autre élément de diversion. C'est que le gouvernement, comme nous, est toujours convaincu que les Québécois, dans leur majorité, ne sont pas prêts à dire oui à la question fondamentale. La seule question qui préoccupe les gens d'en face, c'est-à-dire: Le Québec doit-il demeurer au sein du Canada ou se séparer du reste du Canada? Le gouvernement sait fort bien que, s'il pose la question directement, il obtiendra un vote d'environ 20% à 25%. II doit donc gagner du temps. C'est là la raison d'être de la stratégie étapiste qu'on connaît depuis 1976. On doit gagner du temps à tout prix. Une façon, à ce moment-ci, de gagner du temps, c'est, bien entendu, de présenter la motion que l'on connaît.

Donc, M. le Président, c'est l'escalade verbale. Des mots, beaucoup de mots, toujours les mêmes, dans la bouche du premier ministre, et qui servent toujours la même fin, comme je le dis, gagner du temps. Je leur dis, à ces gens d'en face: Vous perdez votre temps, car vous n'en aurez jamais assez pour convaincre les Québécois d'adhérer volontairement à votre option. De toute façon, vous allez, à un moment donné... Un peu comme au moment du référendum, vous avez tergiversé jusqu'à ce qu'il soit impossible d'attendre plus longtemps, vous avez fait le référendum, vous avez perdu. Vous devrez faire la même chose dans ce cas-ci. Vous devrez tenir une élection référendaire et, à ce moment-là, vous obtiendrez le même résultat qu'au

référendum - j'y reviendrai tantôt - peut-être même pire.

Le ministre d'État au Développement culturel disait tantôt: Les Québécois n'ont jamais abandonné leur droit de veto. C'est vrai, je lui donne raison, les Québécois ne l'ont jamais abandonné, c'est leur gouvernement qui l'a abandonné. Parce que les citoyens québécois avaient donné un mandat très clair. D'abord, au référendum, ils avaient dit au gouvernement: Laissez tomber votre thèse séparatiste et allez défendre de bonne foi le renouvellement de la constitution canadienne, allez négocier de bonne foi. À l'élection du 13 avril, en reconduisant le gouvernement péquiste au pouvoir, ils répondaient au slogan du Parti québécois: II faut rester forts; ils disaient: En allant négocier le renouvellement de la fédération canadienne, faites-le en protégeant nos droits. Force nous est de constater, M. le Président, de l'aveu même des péquistes dans leurs discours, qu'ils n'ont respecté ni l'une ni l'autre de ces deux parties du mandat: ils n'ont pas négocié de bonne foi et, par surcroît, ils n'ont pas protégé les droits du Québec, puisqu'on en resssort plus affaiblis que jamais. Donc, plutôt que de respecter la volonté populaire, ils ont agi en fonction de leur intérêt partisan, fidèles à leur stratégie étapiste. (10 h 40)

Je dis, M. le Président, très clairement, sans ambiguïté, que la motion que nous débattons aujourd'hui s'inscrit dans cette stratéqie. La stratégie exige que le gouvernement ne signe jamais d'entente, une entente qui l'obligerait à accepter une nouvelle constitution canadienne qui s'applique au Québec, car cela voudrait dire automatiquement qu'il accepterait le fait que le Québec a sa place au sein du Canada, donc, qu'il n'y a plus de raison de vouloir faire l'indépendance. Je l'ai dit la semaine dernière, M. le Président, la meilleure façon de ne jamais signer d'entente, c'est encore de refuser de négocier, comme l'a fait le gouvernement. C'est pourquoi on nous parle maintenant de cette motion qui, selon le premier ministre, encore hier, est le minimum vital que le Québec peut accepter. Ce qui est curieux, M. le Président, c'est que, le 5 novembre, à la fin de la conférence constitutionnelle à Ottawa, le premier ministre a identifié trois sujets qui l'empêchaient d'accorder son appui et de signer l'entente: la question d'accès à l'école dans la langue de la minorité, la question de la compensation financière en cas d'"opting out" et la question de la mobilité.

Comment se fait-il, s'il y avait trois sujets le 5 novembre, qu'on en retrouve maintenant quinze dans la motion du premier ministre? C'est le chef de l'Opposition qui l'a clairement établi hier. Il y en avait trois le 5 novembre et, tout à coup, il y en a 15.

C'est assez facile à comprendre. Ce qui est pire, par contre, c'est que ce minimum vital que le Québec peut accepter contient des éléments que le gouvernement du Québec a lui-même abandonnés volontairement, comme la reconnaissance de la dualité culturelle dont on a tant parlé. Quand il a signé l'entente du 16 avril, le gouvernement du Parti québécois a adhéré au principe de l'égalité des provinces, pas de l'égalité des deux peuples fondateurs dont il nous parle dans la motion. Il a signé volontairement la reconnaissance de l'égalité des provinces. Quand il n'a pas abandonné nos droits volontairement, il les a perdus malhabilement comme le droit de veto. Je cite ces deux cas seulement à titre d'exemples, parce que la motion est remplie de ce genre de contradictions.

Demandons-nous pourquoi le gouvernement est prêt à se contredire lui-même de façon aussi évidente, aussi grossière en laissant sous-entendre qu'il négocierait peut-être si ce soi-disant minimum qui est, à toutes fins utiles, une fin de non-recevoir - il s'agit de lire les éditorialistes cette semaine - était accepté? C'est tout simplement qu'il est coincé entre ce que désire la population et ce que désirent les militants du Parti québécois. On sait que le gouvernement affectionne particulièrement les sondages. Il sait donc que la majorité des citoyens, c'est-à-dire 60%, ont voté non au référendum et même, plus parce qu'il y en a un certain nombre qui ont voté oui au référendum et qui croyaient que donner le mandat de négocier la souveraineté-association au Parti québécois, c'était la meilleure façon de protéger les droits du Québec mais qui, maintenant, se rendent à l'évidence que cela a eu exactement l'effet contraire: c'est qu'on a affaibli le Québec. De ceux qui ont voté oui, il y en a une bonne partie qui sont maintenant convaincus qu'ils doivent dire non à ce gouvernement. Donc, la vaste majorité des citoyens veut, selon les sondages, que le gouvernement négocie.

Le gouvernement sait également que ses militants commencent non seulement à s'impatienter de la lenteur à atteindre l'objectif de l'indépendance, mais il y en a même qui croient que la démarche louvoyante qu'a suivie le qouvernement sous les auspices du ministère des Affaires intergouvernementales a finalement compromis toute possibilité d'en arriver à réaliser l'indépendance. Ce sont ceux qui inspirent le premier ministre à nous dire, comme il l'a fait hier: Nous, nos convictions indépendantistes, on ne les a jamais cachées. Voyons donc! On n'est quand même pas des imbécilesl Les citoyens du Québec ne sont pas des imbéciles! Donc, le qouvernement est coincé. Il doit se contredire en espérant que les Québécois n'y verront rien. C'est un beau

commentaire sur le respect que ce gouvernement a envers l'intelligence des Québécois. Ils se disent, j'imagine: Quant à être rendus à ce point, aussi bien jouer le tout pour le tout, aussi bien réclamer que les dix signataires de l'entente du 5 novembre, ceux qui ont obtenu pour leur population respective, par la voie de la négociation, ce qui leur apparaissait acceptable, aussi bien exiger d'eux, maintenant qu'ils ont réussi à obtenir ce qu'ils voulaient, de recommencer à neuf pour accommoder le seul gouvernement qui n'est pas satisfait et qui est le seul responsable de ne pas être satisfait, c'est-à-dire le gouvernement du Québec.

En d'autres mots, M. le Président, on fait un peu comme si les Rough Riders d'Ottawa, qui ont perdu la partie de la coupe Grey, dimanche, à Montréal, sur le dernier jeu de la partie, à la toute dernière minute, s'étaient dit: On a été victimes du mauvais jugement des arbitres et on veut que la partie soit recommencée. C'est un peu cela que le gouvernement veut faire et, pour ceux qui ne le sauraient pas, la coupe Grey, c'est emblématique de la suprématie au football canadien. Je m'excuse, c'est canadien, il n'y a pas de football strictement québécois et ce n'est pas ma faute. Je parle des Rough Riders d'Ottawa, M. le Président, je m'en excuse également, ce n'est pas ma faute non plus et je ne pense pas que ce soit la faute du Canada anglais si les Alouettes de Montréal n'étaient pas de calibre à être dans la finale de la coupe Grey cette année.

Mais, cela étant dit, M. le Président, l'équipe des Rough Riders d'Ottawa a accepté le verdict. Elle a dit: On s'est fait battre par une meilleure équipe. Elle a pu accepter cela justement, parce que, contrairement au gouvernement du Parti québécois, elle a fait un effort loyal pour gagner la partie. Elle a fait un effort loyal pour la gagner, mais elle a perdu, tandis qu'eux autres, de ce côté-là, ils ont tout fait pour que cela ne marche pas, pour ne pas adhérer à l'entente du 5 novembre et, aujourd'hui, ils font les vierges offensées en disant: On est encore les victimes de la majorité des méchants Anglais du reste du Canada. Mea culpa, mes chers amis, c'est vous qui êtes les seuls responsables de la situation actuelle. Le premier ministre tente de se racheter comment? En présentant sa motion qu'il a délibérément rédigée de façon à forcer le fédéral, à inviter le fédéral à procéder sans le consentement du Québec, parce que, là, il va pouvoir jouer les vierges offensées, crier au meurtre, crier au viol et à quoi d'autre? Il tentera d'attiser les passions, en faisant appel au nationalisme, parce qu'on sait que cela va bien. Blâmer les autres pour ses propres faiblesses, c'est malheureusement inhérent au nationalisme, surtout celui pratiqué par le gouvernement d'en face.

Une voix: C'est traditionnel.

M. Gratton: Cela lui permettra également d'intensifier, de continuer de nous menacer de toutes sortes de mesures qu'il se garde bien de définir. Il semble qu'on va aller à la Cour suprême. Tant mieux, c'est déjà quelque chose, c'est déjà beaucoup mieux en tout cas que de pousser l'irresponsabilité jusqu'à évoquer la possibilité de la désobéissance civile, comme on l'a entendu de la bouche même du premier ministre.

Cela m'amène, M. le Président, à me demander quelle serait la situation au Québec si, au lieu d'un gouvernement péquiste au pouvoir, c'était un gouvernement libéral...

Des voix: Ce serait épouvantable!

M. Gratton: ... qui avait perdu le droit de veto du Québec, si c'était un gouvernement libéral qui avait affaibli, qui avait isolé le Québec, comme il l'a fait à partir d'une stratégie strictement axée sur des intérêts partisans...

Une voix: Comme au référendum?

M. Gratton: ... les centrales syndicales ne seraient pas devant le Parlement en train de faire des manifestations? Les sociétés nationales des Québécois, le Mouvement national des Québécois, la Société d'aménagement de l'Outaouais, les officines du Parti québécois où qu'elles se trouvent seraient là avec le drapeau, M. le Président, dans les rues de nos villes et de nos villages pour proclamer très haut: Trahisonl le gouvernement libéral nous a trahis.

Une voix: Ils auraient raison.

M. Gratton: Comment se fait-il que, parce que c'est un gouvernement péquiste... on dit bien dans les coulisses: Maudit, que vous avez manqué votre coup!

Le Vice-Président (M, Jolivet): S'il vous plaît!

M. Gratton: On se dit cela entre les péquistes. Vous savez, on n'est pas complètement aveugles, ni sourds, on sait ce qui se passe dans votre parti et on sait que ceux qui sont réellement honnêtes disent à Claude Morin: Franchement, tu as manqué le bateau, Ti-Claude! Mais, M. le Président, ce sont des choses qu'on ne dit pas publiquement. On se le dit entre nous et, en attendant, les centrales syndicales et le Mouvement national des Québécois, dans

toutes les régions, disent: II va falloir blâmer quelqu'un d'autre. On ne peut pas blâmer notre gouvernement, parce que, là, on va s'autodétruire. On va blâmer le fédéral; on va blâmer les Anglais des autres provinces; on va blâmer... Les États-Unis sont-ils mêlés à cela? Peut-être bien. En tout cas, blâmons tout le monde, mais n'acceptons jamais que nous, on a une part, une très large part du blâme à accepter.

M. le Président, en fin de compte, je répète qu'il y a seulement une façon de régler cela, parce qu'on est comme vous autres, on répète les mêmes choses. M. le stratège, ami de Doris Lussier, vous et Doris, ne pourriez-vous pas vous entendre pour enfin poser la seule vraie question? Je sais que le député de Maisonneuve, le député de Rouyn-Noranda et combien d'autres vont me suivre sur ce terrain, le député de Charlesbourg aussi. Il est temps que vous posiez la question aux citoyens du Québec: Voulez-vous, oui ou non, d'un Québec indépendant? On va faire le débat à ce moment-là, mais posez-la, la maudite question, une fois pour toutes, arrêtez de finasser, de jouer au plus fin. Cela ne serait pas si grave s'il n'y avait pas de conséquences, mais vous êtes en train de salir le Québec à un point tel que même Adélard Godbout doit se retourner dans sa tombe.

Je dis: Posez-là, votre question. Ce n'est pas à l'Assemblée nationale, par le biais d'une motion tout entortillée, qu'on peut décider de l'avenir du Québec. C'est par une élection référendaire - je me répète, encore-là, M. le Président, deux minutes et je vais terminer - et là, je ne me fais pas d'illusions. Je sais bien que vous ne la ferez pas, l'élection référendaire, avant que les sondages ne vous indiquent que vous avez une chance de la gagner. Donc, je me dis que vous ne la ferez pas avant cinq ans. Mais je vous dis que lorsque vous aurez décidé de - supposons-le - proposer une motion pour tenir une élection référendaire, à ce moment, vous pourrez compter sur mon vote d'appui, mais à ce moment-là seulement. C'est clair, ça?

Le 2 octobre dernier, vous pensez qu'on ne peut pas en parler, je vais vous en parler du 2 octobre dernier. Moi, j'ai été de ceux qui n'ont pas appuyé le gouvernement parce que je n'avais pas confiance au finasseux ministre des Affaires intergouvernementales, qui jacasse de l'autre côté. Qu'il prenne donc la parole et qu'il parle donc comme les autres!

M. le Président, je n'avais pas confiance. On reconnaîtra, chez certains, en tout cas, en face, qu'on a quand même eu le mérite, par cette dissension, de présenter un portrait plus réel, plus réaliste de l'opinion québécoise en refusant l'unanimité que recherchait le Parti québécois. L'unanimité n'aurait pas été le reflet réel de l'opinion québécoise sur cette question. Vous le savez fort bien. L'unanimité que vous recherchiez ne visait qu'un but, servir encore vos fins partisanes en laissant croire au reste du Canada que vous étiez les seuls à représenter le peuple Québécois. Je dis en terminant que moi aussi, en attendant que vous la teniez votre élection référendaire, je souhaiterais que la réforme constitutionnelle, le rapatriement, ne se fasse pas sans le consentement du Québec. Or, je suis bien obligé de reconnaître que le gouvernement d'en face, de par sa stratégie, n'y souscrira jamais. Je n'y peux rien. Je me dis que si le gouvernement du Québec veut se la faire imposer pour des raisons tactiques, eh bien, soit, mais qu'il ne compte pas sur moi pour l'aider à se justifier aux yeux de la population ou aux yeux de ses militants.

Je dis, M. le Président, que si nous étions neuf, ici, le 2 octobre, nous serons maintenant 42 au moment du vote et j'ai l'impression que les 42 votes néqatifs à la motion du premier ministre représentent une plus grande proportion encore de la population qui, elle aussi, est contre ce genre de motion. Parce que la grande majorité des Québécois, par le biais des 42 députés qui vont voter contre la motion, vont répéter ce qu'ils ont dit, le 20 mai 1980, à ces gens d'en face: Non merci! C'est-y clair?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Claude Morin

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je suis un petit peu intimidé de prendre la parole à cette heure-ci de la journée, parce que ce n'est pas celle ou je suis le plus loquace, ni le plus convaincant, mais je suis surtout intimidé de prendre la parole après un discours d'une aussi ...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plait!

M. Morin (Louis-Hébert): ... haute valeur intellectuelle. C'est tout un défi, parce que là, je viens d'apprendre que le Québec, c'est un club de football. Je viens aussi d'apprendre que le député qui vient de parler souffre lui-même de contradiction. Juste avant que j'aille plus loin, un exemple. Le bout que j'ai entendu de son discours dit à peu près ceci: Le Québec ne signera jamais d'accord, c'est épouvantable, il ne veut pas signer d'accord. Or, toute l'argumentation de son chef, hier, portait sur le fait qu'on avait signé un accord, justement le 16 avril. Il faudrait peut-être que vous vous entendiez avec votre chef.

D'ailleurs, il y a quelque chose aussi

qui me frappe dans ce qui vient de se passer. C'est qu'il est en train de dire qu'ils étaient neuf et qu'ils vont être 42, maintenant, à voter contre. Moi, si j'étais à la place de M. Ryan, je serais inquiet, parce que ce que ça signifie, c'est que le groupe des neuf dissidents qui ont regretté que leur parti soit québécois pendant deux semaines ont repris de la force et sont en train, maintenant, de tasser leur chef et de tasser les autres. Je pense que les citoyens vont se rendre compte de ce qui est en train de se produire du côté du Parti libéral qui, de plus en plus, - d'ailleurs, j'ai une citation que je servirai à la fin qui s'adresse à eux - sont vraiment ici l'instrument des libéraux fédéraux.

Il y a une chose invraisemblable qui se passe actuellement. Avec ce qui s'est passé au cours de la conférence constitutionnelle, avec la tricherie et le mensonge qui ont accompagné toutes ces négociations, avec aussi le fait qu'on en ait systématiquement, au moment crucial, écarté le Québec, il arrive que le Québec s'est fait voler, pour le moment, des droits. Or, plutôt que de voir nos amis libéraux d'en face blâmer le gouvernement fédéral et les autres provinces de nous avoir volé ces droits et, par conséquent, prendre la défense du Québec, ils nous blâment, nous, d'avoir été volés, ce que je ne trouve pas tellement conséquent, ni tellement logique.

J'ai apporté ici - parce que je n'ai pas préparé tout un discours écrit - ce que j'appellerais quelques pièces à conviction. J'en ai cinq. Je vais, si vous voulez - et ça va me servir pour l'allocution brève que je vais prononcer - commencer par une citation qui est celle de la Cour suprême et qui, je pense, devrait être répétée partout au Québec parce que je la crois fondamentalement essentielle au débat actuel. On dit ceci dans le jugement de la Cour suprême: "Si le projet de charte des droits devenait loi, chacun des chefs de compétence législative provinciale et fédérale pourrait être touché. En outre, la charte des droits aurait un effet rétrospectivement, de même que prospectivement, de sorte que les lois édictées par une province à l'avenir, de même que celles édictées dans le passé, même avant la Confédération, seraient susceptibles d'être attaquées en cas d'incompatibilité avec les dispositions de la charte des droits. Cette charte diminuerait donc l'autorité législative provinciale sur une échelle dépasssant l'effet des modifications constitutionnelles antérieures pour lesquelles le consentement des provinces avait été demandé et obtenu".

M. le Président, ce que cela signifie, c'est que le projet fédéral actuel - et nos amis d'en face devraient, quand même, s'en rendre compte - est un projet qui va complètement chambarder la dynamique du système dans lequel on vit et qui va introduire dans ce système tout un équilibre nouveau en vertu duquel la centralisation des pouvoirs et la diminution des compétences des provinces vont être beaucoup plus faciles à faire que c'était le cas avant. Et c'est un des objectifs des libéraux fédéraux auxquels souscrivent, par leur attitude, les libéraux provinciaux; ça, il ne faudrait pas s'en étonner parce qu'on assiste actuellement à deux choses qui se passent et qui sont étonnantes, et je pense que ça vaut la peine de les mentionner.

D'une part, systématiquement, les libéraux ici essaient de minimiser l'importance du coup de Jarnac dont le Québec a été victime et qui est symbolisé par une autre pièce à conviction que j'ai ici; c'est l'accord signé à Ottawa le 5 novembre par dix gouvernements dont neuf provinces anglophones et le gouvernement fédéral, avec les signatures, ici, des premiers ministres de ces provinces. Ils essaient de minimiser l'importance de cet accord, ils essaient de diminuer les conséquences néfastes que cela peut avoir sur le Québec. Ils disent, d'abord, qu'il y a seulement trois points qui accrochent: premièrement, la compensation financière qui est maintenant disparue et qui faisait partie du droit de retrait; deuxièmement, le problème de l'enseiqnement dans les écoles de la minorité et, troisièmement, le problème de la mobilité.

M. le Président, il y a beaucoup plus que ça dans cet accord des dix qui vient d'intervenir. Il y a que nous avons maintenant, avec ce papier-là qui en est le début, la constitution de l'avenir, la nouvelle constitution du Canada et que, dorénavant, une fois que cela aura été adopté, une fois que cela aura été passé par le gouvernement fédéral, ça signifie, à toutes fins utiles, et j'y reviendrai tantôt, la fin du fédéralisme renouvelé et la fin de toute révision constitutionnelle.

Mais aussi, nos amis d'en face se livrent à une autre opération. En plus de diminuer systématiquement les danqers qu'il y a dans le coup de force dont le Québec a été l'objet et la victime, ils essaient de dire - j'écoutais le chef de l'Opposition hier; cela a été repris par le perroquet, tout à l'heure, le député, tout à l'heure - que nous avons, au cours des négociations qui sont intervenues, abandonné toutes sortes de droits du Québec. Il y a une chose que le chef de l'Opposition n'a pas faite hier et, je lui demanderais de le faire, c'est qu'il n'a pas cité, à partir de l'accord du 16 avril, celui que nous avons signé, deux phrases qui en donnent la portée et qui montrent jusqu'à quel point, hier, ils charriaient en nous accusant de tous les maux. "Le projet canadien de rapatriement de la constitution est assujetti à la condition -il s'agit de l'accord du 16 avril signé par les

huit provinces avant que sept de ces huit provinces basculent du côté fédéral - que le gouvernement du Canada retire le projet d'adresse conjointe sur la constitution actuellement devant le Parlement et souscrive au présent accord." En d'autres termes, ce projet-ci était accompagné d'une condition, à savoir qu'Ottawa laisse tomber son coup de force. Ce qui n'a pas été fait.

Plus que cela, on ajoute ceci, et c'est important: "La signature au nom des gouvernements mentionnés ci-dessus - il s'agit dans un cas du Québec - sera suivie de la ratification par les Législatures ou Assemblée nationale." Ce qui veut dire que, contrairement à ce que le chef de l'Opposition a dit hier, il était entendu dès le 16 avril que tout ce projet d'accord serait discuté ici à l'Assemblée nationale du Québec, et il n'a jamais été question une seconde de faire en sorte que cet accord demeure secret et qu'il ne soit pas connu de la population.

Ce qui veut dire que lorsqu'on nous accuse aujourd'hui de laisser tomber des droits, on devrait plutôt nous dire: Vous avez été d'excellents négociateurs de vous conserver, en cours de route, ces précautions que vous avez inscrites dans l'accord signé par sept autres provinces et le Québec. On l'a négligé hier, et je trouve que ce n'est pas particulièrement honnête dans la critique qu'on est en train de faire de la part de l'Opposition du Québec à cet égard, et aussi de la façon dont les négociations ont été menées.

Vous savez, j'en ai parlé ici a l'Assemblée nationale il y a quelque temps déjà, le Québec actuellement est aux prises avec une tentative fédérale de nous enserrer dans une sorte de pince à deux tenailles, la tenaille économique, fiscale et financière, et on en voit encore des échos dans les conférences fédérales-provinciales qui se sont passées à Halifax cette semaine, et la tenaille politique et constitutionnelle; c'est toute l'opération constitution dont le gouvernement fédéral est le maître d'oeuvre.

Il s'agit au fond essentiellement de faire que le Québec devienne pour l'avenir enfermé dans un carcan de sorte que son avenir politique soit complètement bloqué. C'est voulu, c'est systématique, c'est conçu en fonction du Québec et cela dure depuis 15, 20 ou 25 ans. Là on arrive au terme de l'opération, et cela explique pourquoi nos amis d'en face sont si nerveux actuellement. Il y a deux éléments qui les rendent nerveux, c'est pourquoi on voit le chef de l'Opposition qui s'ennuie de ne jamais pouvoir aller à des conférences fédérales-provinciales - il n'est pas près d'y aller - faire ses petites conférences fédérales-provinciales, c'est-à-dire qu'il va voir M. Trudeau et puis il va parler à d'autres premiers ministres au téléphone, de sorte qu'il se donne l'illusion d'être un élément majeur, une sorte de mouche du coche majuscule dans tout ce dossier.

Deux raisons motivent leur nervosité. La première, je la prends dans une autre pièce à conviction, soit la Presse, d'il y a deux jours. Selon William Davis, un de leurs amis, la charte vise à contrer le Québec dans ses législations linguistiques; une lettre que M. Davis avait imprudemment écrite a été rendue publique. Bill Davis: la charte des droits ne vise qu'à contrer la loi no 101. On voit un des premiers objectifs de la manoeuvre fédérale. C'est, au fond, de bloquer le Québec dans un de ses éléments, dans une de ses attitudes les plus fondamentales, c'est la protection et la promotion du français au Québec, seul territoire en Amérique du Nord où le français soit la langue officielle et unique.

Cela ne plaît pas à nos amis d'en face, lorsqu'on sait quelle partie de la population ils représentent, ce qui est leur droit d'ailleurs; ils se rendent compte maintenant que leur allié a en quelque sorte dévoilé toute la stratéqie qui était derrière l'opération fédérale.

Mais l'autre raison, c'est qu'ils savent, c'est peut-être plus perturbant pour eux, qu'une fois que ce projet néfaste du fédéral sera adopté, il n'y a plus, et je les mets au défi de me dire le contraire, - je vais le répéter deux fois pour m'assurer que l'on comprenne - il n'y a plus de possibilité d'en arriver à ce qu'ils appellent, à ce qu'ils espéraient, le fédéralisme renouvelé. Il n'y a plus de possibilité d'en arriver à cela. Pourquoi? Parce que au cours de la négociation qui a eu lieu à Ottawa au début de novembre - hier, le chef de l'Opposition l'a confirmé lui-même - les autres provinces ont obtenu satisfaction sur les points qui les intéressaient, elles: un point ou deux pour M. Peckford ou cinq points pour M. Lougheed, ou l'inverse. Cela a été mentionné, hier, par le chef de l'Opposition. Ce qu'il était en train de nous dire hier, sans s'en rendre compte, c'est que les autres provinces avaient réglé leurs petits problèmes à elles. Ottawa a réglé aussi, avec cela, son propre problème à lui, c'est-à-dire encarcaner le Québec.

Je ne sais pas si vous voyez l'opération d'ici. Neuf provinces du Canada ont réglé leurs problèmes constitutionnels. Le fédéral va avoir atteint, si cela fonctionne, son objectif d'encarcaner le Québec. Une fois cette opération complétée dans les conditions que je viens de dire, pensez-vous que ces qens vont vouloir, par la suite, reprendre des négociations pour améliorer le système dans lequel on est? La réponse est non. C'est tellement non que, depuis la conférence qui a lieu au début de novembre, voici les quelques commentaires que j'ai eu des autres provinces: C'est dommage que le dossier

constitutionnel soit fermé sans le Québec. Il y a "sans le Québec" qui est important mais le mot "fermé" l'est aussi. Parce que, pour eux, le dossier constitutionnel est terminé. Si le dossier constitutionnel est terminé pour neuf provinces, et pour le gouvernement fédéral, vous vous rendez compte que dans ces conditions les livres beiges vont aller rejoindre les rapports poussiéreux qui sont empoussiérés maintenant comme ceux de Laurendeau-Dunton et autres et de la commission Pépin-Robarts, bien sûr. À cet égard, je vous demande de lire ce que votre ancienne collègue - j'ai lu cela hier soir -dit dans le livre qu'elle vient de publier, dont elle m'a aimablement transmis une copie hier ainsi qu'à quelques-uns d'entre nous. Vous lirez ses réflexions, vous allez vous apercevoir jusqu'à quel point vous avez été, vous, manipulés et trompés au moment du référendum.

Alors que vous êtes aujourd'hui en train de nous faire la leçon, vous devriez vous rappeler ce que votre chef lui-même disait dans une entrevue dont je n'ai pas ici le texte, qu'il a été manipulé par les fédéraux au moment du référendum. Le bonhomme qui a été manipulé au moment du référendum par les fédéraux est en train d'aller chercher une autre manipulation en essayant de les rencontrer à tout bout de champ pour se faire une sorte d'entremetteur étant donné qu'il n'aura jamais l'occasion de participer à ces négociations constitutionnelles. Pas l'occasion pour deux raisons: La première, il n'y en aura plus et la deuxième, de toute façon, même s'il y en avait, il ne sera pas là. Il ne sera pas là si j'en juge par l'attitude de ses députés ici qui ont réussi à le mettre de côté. Lui-même est en train actuellement de réfléchir à cette situation, parce que je pense qu'il lui reste un fond d'honnêteté et de lucidité.

M. le Président, on avait pensé aussi, nous autres, à ce danger que la négociation constitutionnelle se termine. Dans l'accord du 16 avril 1981, qui est maintenant caduc parce que les sept provinces anglophones ont fait faux bond, on leur avait demandé, je l'ai le texte ici, de promettre et de s'engager formellement dans des négociations intensives portant sur le renouvellement de la constitution pendant les trois prochaines années. C'est écrit dans l'accord du 16 avril 1981, celui qu'on a signé avec les autres provinces, qui est caduc maintenant. Mais nous avions pris une autre précaution, cela n'a pas été dit hier. Hier, il y a un certain nombre de choses qui n'ont pas été dites dans cette accusation massive qu'on a essayé de nous lancer. On n'a pas dit que cela devait être soumis à l'Assemblée nationale, ce texte-là. On n'a pas dit qu'il n'était valide que dans la mesure où le gouvernement fédéral mettait fin à son coup de force, on n'a pas dit non plus qu'il y avait un engagement formel de continuer les négociations.

Or, dans l'accord que les dix ont signé le 5 novembre, il n'y a rien de tel. Il y a un engagement de continuer des discussions mais sur les aborigènes; sur le cas du Québec non, rien d'autre. D'ailleurs à peine l'encre de cet accord était-elle sèche, que déjà il a commencé à être trituré la semaine d'après et, aujourd'hui, on arrive à une situation absurde actuellement. Vous avez un soi-disant accord formel signé le 5 novembre par dix gouvernements, neuf provinces anglophones et Ottawa, qu'on est en train tous les jours de changer à Ottawa par téléphone et tout, de sorte qu'au moment où je vous parle, aujourd'hui, je ne sais plus moi, quelle est la partie de ceci qui est encore bonne. Ce qui signifie quoi en réalité? Je ne sais pas si vous vous rendez compte de celai Cela signifie que ce texte signé par tout ce monde-là, dont neuf provinces anglophones, est en train d'être changé - donc, il ne vaut pas grand-chose puisqu'on le modifie - et que le texte que nous avions signé avec d'autres provinces anglophones le 16 avril 1981 est caduc. Cela vaut quoi une signature de province anglophone?

C'est cela que je me demande très sincèrement. Cela n'est plus bon, et cela est en train de ne plus être bon. C'est cela qui se passe, c'est cela la réalité. Puis on a un premier ministre de province qui nous dit: Toute l'opération est lancée parce qu'on veut que les lois linguistiques du Québec soient bloquées et que la minorité anglophone au Québec continue d'être la minorité la plus privilégiée du monde. Je ne dis pas cela par racisme, je dis cela par réalisme. C'est cela qui se passe. (11 h 10)

Mais vous, vous êtes bien embêtés aujourd'hui, les libéraux. C'est votre avenir à vous qui est bloqué sur le plan constitutionnel. Pourquoi? D'abord vous êtes irrémédiablement, maintenant, perçus par la population comme l'appendice, la queue des libéraux fédéraux. Vos ordres viennent d'une tête et la queue est en face, et le bout de la queue, on vient de l'entendre parler tantôt. Donc, la population vous considère comme étant la voix de son maître. Vous vous souvenez des annonces de RCA Victor? C'est vous autres. Au lieu du "L" dans votre symbole, vous devriez mettre un gramophone comme il y en avait à l'époque. Cela, ce serait vous, la voix de son maître. C'est ce que vous êtes en train de confirmer, et vous allez le confirmer en votant tous les 42 contre une motion que, vous le savez, vous pourriez très bien appuyer, si vous étiez le moindrement Québécois.

La deuxième raison, c'est qu'une fois que la révision constitutionnelle est bloquée -ce qui sera le cas - qu'est-ce que vous avez comme perspective de fédéralisme renouvelé?

Vous savez qu'il n'y en a plus; je l'ai dit tantôt. Tandis que, de notre côté, il y a quand même un avenir qui peut s'ouvrir, c'est celui de la souveraineté. On n'a jamais, nous, pensé que l'avenir du Québec devait être bloqué, comme ce sera le cas, par la volonté majoritaire du Canada anglais. C'est ça que vous acceptez. À la suite de l'accord intervenu au mois de novembre entre les neuf provinces anglophones et Ottawa, vous êtes en train de nous dire: Allez donc voir s'il n'y a pas moyen de ramasser les miettes.

Savez-vous ce que veut Ottawa actuellement? Vous le savez très bien, il vous en parle; à moins qu'il ne vous estime pas suffisamment pour en parler, ce qui ne m'étonnerait pas d'après ce que j'ai su sur la façon dont ça s'est passé au moment du référendum. Ce que veut Ottawa, c'est essentiellement qu'on soit assez niaiseux, assez naïf... Après avoir subi ce traitement sans précédent qui démontre, incidemment, qu'au Canada, l'avenir politique d'un des peuples fondateurs se détermine à partir de mensonges et de tricheries - je l'ai vécu, c'est une façon, au Canada, de régler les problèmes - vous voudriez qu'on retourne là-bas, qu'on dise: Écoutez, il y a peut-être moyen d'aller ramasser des graines, d'améliorer, en somme, une affaire qui, au départ, est viciée, qui est fausse.

C'est pour ça qu'on a publié dans les journaux, la semaine dernière, samedi, dans de grandes pages, à partir de la motion présentée à l'Assemblée nationale, ce qu'on considère comme des conditions minimales et essentielles d'une signature. Ce n'est pas vrai que le Québec ne veut pas signer. Cela, c'est un mensonge que vous êtes en train d'essayer de diffuser partout. Ce n'est pas vrai, on a déjà signé un accord en toute bonne foi avec les autres provinces. Cependant, on ne le fera pas à n'importe quelle condition.

Ce que vous voudriez, en somme, ça arrive chez les libéraux dans les moments de crise où les vieux fantômes renaissent, j'ai remarqué ça, ça arrive chez des Québécois. Que voulez-vous? On est fait comme ça, ilfaut croire. Les vieux fantômes, c'est quoi? À quoi les Québécois ont-ils été habitués pendant des générations? On revoit surgir, comme réflexe, trois choses essentiellement: la soumission, l'obéissance et, au fond, la crainte. Là, vous avez la soumission, l'obéissance et la crainte. Vous voudriez qu'à partir de ces bases, on aille quasiment s'agenouiller devant ceux qui nous ont trichés et qui ont triché le peuple québécois et qu'on leur dise: À l'article X, vous ne pourriez pas ajouter un mot? Ce serait moins pire que si vous le laissiez comme il est.

Non, ce n'est pas ainsi qu'on va agir, ce ne sera jamais comme ça. Il y a quand même une question de dignité qui se présente ici; non pas une question d'orgueil, mais une question de dignité. Je pense que vous qui nous blâmez aujourd'hui de ne pas négocier à genoux, si nous allions négocier à genoux, là, vous auriez raison de nous blâmer, et vous le feriez. Comme on vous connaît, de toute façon, on ne peut jamais avoir raison, c'est ça le rôle de l'Opposition, vous êtes payés pour être contre, c'est normal dans le système. Je pense que la population le sait, et ça fait partie du jeu. Mais ne venez pas nous demander, à partir d'instructions que vous recevez de vos amis fédéraux, de nous asseoir, nous aussi, sur les vieux fantômes qui ont l'air de vous guider actuellement. Vous aviez, pendant deux ou trois semaines, réussi à vous en dégager, mais vous avez l'air de le regretter. Vous aimez revenir à vos anciennes peurs, bien allez-y. Vous faites partie d'un Québec qui s'en va, sauf qu'il y en a un autre qui arrive, et on symbolise celui qui arrive, je pense, avec tous les défauts qu'on a.

M. le Président, j'achève. Je vais terminer par une citation qui ne peut pas mieux tomber et qui s'applique à nos amis d'en face. C'est une citation que j'ai tirée d'une de mes lectures, rares actuellement, parce qu'on est pris, avec l'énergie qu'on doit y consacrer, avec tous les problèmes que nous posent le gouvernement fédéral et leur écho provincial, ici. C'est une citation que je dédie à nos amis libéraux, qui symbolise leur attitude, leur action, leurs perspectives, leurs racines. C'est une citation que je n'aimerais pas me faire donner, mais je pense que la justice, avec tout ce qui a été mentionné tantôt et hier, exige que je m'en serve. Cela vient d'un philosophe qui est absolument inconnu ici. Je vous le dis tout de suite, c'est un philosophe tchèque, sauf que ce qu'il dit, par exemple, s'applique ici, comme quoi il y a une certaine universalité dans certains domaines. Je cite: "La dialectique du maître et de l'esclave s'applique dans le domaine de la politique de telle sorte que le vainqueur contraint le vaincu non seulement à accepter sa vision du monde, mais aussi à faire siennes les formules par lesquelles il doit accepter sa capitulation. Autrement dit, dans le jeu politique - cela s'applique à vous aussi - le vaincu est celui qui se laisse imposer l'attitude d'autrui et qui juge ses propres actions avec les yeux de l'adversaire." Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, M. le Président. Avant de me lancer dans le débat, je veux soulever deux points pour faire suite à ce que le ministre vient de dire. Premièrement, il a dit qu'il a découvert récemment que le

renouvellement du système fédéral est impossible à la suite des dernières négociations. Je veux simplement lui rappeler, ainsi qu'à la population qu'il a dit sensiblement la même chose il y a dix ou quinze ans. Je me rappelle très bien un article que j'ai beaucoup aimé à l'époque, intitulé L'évangile selon saint Ottawa ou quelque chose comme cela, qui était bien écrit et dans lequel il manifestait sa déception devant l'impossibilité de renouveler le système fédéral du Canada. Nous avons effectivement envoyé, pour renouveler le système fédéral qui est voulu par la population du Québec, très voulu, on le sait, une personne qui était convaincue, il y a dix ans, que c'était impossible. Maintenant, il nous dit: Je viens de confirmer que ce que j'ai constaté il y a dix ans est vrai. Alors, le problème, ce n'est pas qu'il a découvert quelque chose aujourd'hui. Le problème, c'est qu'il est allé à Ottawa ces derniers mois, ces dernières années, avec la ferme conviction que cela ne peut pas fonctionner. Alors, envoyer un tel personnage pour faire un tel travail, je pense que c'est plus ou moins inévitable, ce qui va arriver.

Le deuxième point que je veux soulever à la suite des propos du ministre touche la motion. Il a prétendu que, parce que nous avons voté avec le Parti québécois la dernière fois, on a l'obligation de voter encore cette fois-ci. Malheureusement, ce n'est pas la même motion. Si exactement la même motion était proposée: pas de rapatriement sans le consentement de l'Assemblée nationale et sans négociation, les deux choses qui étaient dans la première motion, quant à moi, je serais très content de voter pour une deuxième fois. Mais la motion que nous avons devant nous cette fois-ci, M. le Président, c'est le livre beige du Parti québécois. Pour la première fois, nous avons les propos pour le renouvellement du système fédéral d'un gouvernement indépendantiste et c'est un drôle de document.

La première question qu'il faut poser, c'est: Est-ce qu'on doit le prendre au sérieux? À première vue, c'est une contradiction flagrante et il nous est permis, je pense, de poser ces questions. Est-ce que c'est rédigé pour l'Assemblée nationale ou pour le congrès du Parti québécois qui va avoir lieu dans quelques jours? Est-ce que cet isolement dont le premier ministre et le ministre des Affaires intergouvernementales ont parlé veut dire neuf provinces anglophones contre une province francophone ou si c'est neuf provinces fédéralistes contre une province séparatiste? Je ne le sais pas, mais je pense qu'on a le droit de poser les questions. Est-ce que c'est le premier ministre qui a rompu avec les sept autres collègues anglophones ou si ce sont les sept qui ont rompu avec lui? La seule chose que je constate, c'est que la première fois où j'ai vu une brisure, c'est quand le premier ministre du Québec est sorti d'une réunion avec le premier ministre du Canada et a annoncé que les deux avaient effectivement établi un accord qui a été réalisé le matin à deux, semble-t-il, sans discussion avec M. Lévesque et ses collègues des sept autres provinces et qui, finalement, a raté dans l'après-midi. On a l'impression, dans le public au moins, que la première motion, le premier acte de brisure était la faute du premier ministre du Québec. Mais on ne le sait pas. De toute façon, je vais essayer de parler un peu de ce livre beige du Parti québécois, de sa définition des conditions nécessaires pour le renouvellement du système fédéral. (11 h 20)

J'ai été déçu par le discours du premier ministre hier. Je l'ai trouvé "plate", il ne disait rien de nouveau et même son style n'était pas aussi intéressant qu'auparavant. J'espère que vous m'excuserez, M. le Président, mais j'ai pensé que c'était une vieille chanson; ce n'était certainement pas une chanson de Brel ou de Brassens, ça me rappelait un peu Maurice Chevalier: l'homme est agréable, la musique est belle et nostalgique, mais on a l'impression que c'est un peu dépassé. La cassette, la patente, il n'y a pas grand-chose là pour aujourd'hui. Je ne sais pas, c'est peut-être une impression, mais on dirait que la population commence à trouver les propos répétés du premier ministre sans nuance, jour après jour, un peu dépassés. On verra en temps et lieu.

Qu'est-ce qu'il y a dans ce livre beige du Parti québécois? Si vous me le permettez, M. le Président, je vais le comparer de temps en temps avec le livre beige du Parti libéral du Québec, qui croit encore dans la possibilité de renouveler le système libéral. Le premier élément est le droit à l'autodétermination; on est d'accord, il n'y a pas de problème. Le consentement de tout chanqement par l'Assemblée nationale du Québec, il n'y a pas de problème là non plus, c'est clairement exprimé dans notre document et c'est effectivement ce que nous avons voté dans la motion du 2 octobre. La reconnaissance des deux peuples qui ont fondé le Canada et qui sont foncièrement égaux, personnellement, et avec le Parti libéral du Québec, nous sommes complètement en accord avec ce principe qui a été exprimé avec beaucoup de clarté par la commission Pepin-Robarts et, par la suite, dans le livre beige. Il n'y a pas de problème.

Ensuite, vous avez la déclaration stipulant que le Québec forme, à l'intérieur de l'ensemble fédéral canadien, une société distincte, etc. Comme notre chef l'a souligné hier, il y a des problèmes dont je soulignerai les détails dans quelques minutes, on va revenir là-dessus. Pour passer aux éléments

de la formule d'amendement, je pense que mes collègues ont déjà amplement parlé de graves problèmes qui existent dans cette formule d'amendement. Il nous a fait perdre le droit de veto, il nous a proposé quelque chose qui a finalement été accepté même par le premier ministre du Canada, sur lequel nous avons de sérieuses réserves et nous continuons de garder ces réserves.

La charte. Comme vous le savez, dans une charte des droits, vous avez quatre éléments. Il y a une drôle d'affaire, là. Il y a les droits démocratiques, les droits à l'égalité, les droits fondamentaux et les droits juridiques. Je pense que c'est important de mentionner un peu de quoi il s'agit. Les droits démocratiques, qui sont le droit de voter et l'obligation de tenir des élections, sont des droits que ce gouvernement propose d'enchâsser dans la charte fédérale. La deuxième catégorie comprend les droits à l'égalité, c'est-à-dire les droits contre la discrimination sur la base de la race, de la religion, du sexe ou de l'âge, qu'il propose d'enchâsser dans une loi québécoise. La troisième série de droits, les droits fondamentaux, sont les droits de penser, de s'exprimer librement, le droit d'assemblée, d'exprimer son opinion; il propose de les enchâsser dans la charte fédérale. Finalement, les droits juridiques, qui sont le droit à la sécurité de la personne, à la protection contre l'arrestation ou la détention arbitraire, il propose de les enchâsser dans les droits du Québec.

Vous avez ces trois droits fondamentaux dont deux, selon la thèse du livre beige du Parti québécois, devraient être enchâssés dans la constitution canadienne et deux autres qu'il propose de garder comme des droits enchâssés dans les lois du Québec. Pourquoi deux au Canada et les deux autres au Québec? Pourquoi mon droit de ne pas subir de discrimination quant à mon âge, 50 ans, doit-il être protégé par le Québec et mon droit de voter protégé...

M. Payne: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vachon.

M. Payne: Je pense qu'il est important, M. le Président, de demander au député de Notre-Dame-de-Grâce de ne pas confondre ou induire en erreur la Chambre en s'adressant carrément au livre beige du Parti québécois.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; Monsieur, vous pouvez continuer.

M. Scowen: C'est clair que le député de Vachon ne comprend pas la question de la charte des droits; il aura l'occasion de s'exprimer plus tard. De toute façon, nous avons quatre catégories de droits dont deux sont censées être enchâssées à Ottawa et deux au Québec. Si nous, les Québécois, quittons le Québec pour visiter, si vous voulez, l'Ontario, notre droit de voter au Québec sera protégé, mais notre droit de non-discrimination ne le sera pas. Notre droit de penser et de nous exprimer librement sera protégé, mais notre droit d'être protégé contre l'arrestation et la détention arbitraire ne le sera pas. C'est idiot. Cela ne tient pas debout. Je ne comprends pas.

Je passe ensuite à la mobilité. Nous, le Parti libéral du Québec, croyons fermement -et je pense que la population aussi - dans le droit de tous les Québécois d'aller vivre, gagner leur vie, travailler n'importe où au Canada. Je ne vais pas dire plus que ça à ce sujet. Je pense que c'est seulement le Parti québécois qui n'est pas d'accord sur cet aspect.

Les droits à l'enseignement. La charte proposée par le Parti québécois pour le renouvellement du fédéralisme ne dit rien. C'est le silence total quant à ses intentions d'accorder des droits aux minorités dans le domaine de l'enseignement au Québec. Alors, on ne peut pas critiguer parce qu'il ne dit rien.

Finalement, il propose de garder le droit à la péréquation que nous avons, qui est un élément unigue du système fédéral, qui avantage beaucoup le Québec. Il propose de le garder dans la constitution. On est d'accord.

En terminant, il propose que les clauses de la constitution touchant les richesses naturelles soient gardées. Je dois souligner, M. le Président, que cette partie de la nouvelle charte est un élément - c'est le propos de M. Trudeau - qui va bénéficier au Québec. Quand le gouvernement nous dit qu'il n'y a aucun pouvoir additionnel pour le Québec dans la charte qui est proposée, il doit au moins regarder de plus près la partie qui touche les richesses naturelles.

Je veux retourner maintenant, M. le Président, à cette guestion de la société distincte qu'est le Québec. Si vous me permettez, je vais faire tout simplement la même déclaration que la motion propose dans un autre sens. Comme vous le savez, je suis anglophone et je veux déclarer aujourd'hui que quant à moi les anglophones du Québec forment à l'intérieur du Québec une société distincte par sa langue, sa culture et ses institutions. Nous possédons tous les attributs d'une communauté nationale distincte et nous sommes un des deux peuples qui ont fondé le Canada; par conséquent, à l'intérieur du Québec, nous sommes foncièrement éqaux. Pour que ce soit bien compris dans l'autre langue, je veux répéter la même chose essentiellement en anglais.

Our English community, because of its language, its culture and its institutions, forms a distinct society within Québec. We

have a right to equal respect within Québec as members of one of the two founding peoples in Canada. The English in Québec are going to resist with vigour any efforts made by the Government of Québec to assimilate it or to make it dissapear. (11 h 30)

C'est clair. C'est la façon la plus brève et la plus précise d'exprimer une conception qui n'est pas exactement celle du Parti québécois dans cette motion. Au sein du Parti libéral, on a dit à peu près ce que je viens de dire dans notre livre rouge et, si je comprends bien, c'est l'intention des anglophones du Parti québécois d'apporter au congrès national qui aura lieu dans quelques jours une motion qui vise à peu près la même chose. J'espère, au nom des anglophones du Québec, que la majorité francophone à ce congrès va appuyer les personnes du Parti québécois qui proposeront cette motion, parce que c'est un reflet, quant à moi, de la réalité du Québec. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas plus l'intention nous-mêmes de nous suicider que vous.

Ceci étant dit, que faut-il faire? Je suis persuadé que cette dualité dont on parle et qui existe à l'intérieur du Québec est très positive. Si vous acceptez la thèse des deux nations, cela va de soi, c'est impossible d'être nationaliste, parce que le nationalisme veut dire un gouvernement, un État qui est conforme à un groupe national. Nous en avons au moins deux, mais je suis persuadé que si les Anglais acceptent - et je pense qu'on l'accepte de plus en plus - la réalité de la communauté francophone en Amérique du Nord, 6 000 000 dans un bassin de 300 000 000, si nous acceptons profondément la nécessité de protéger, pas pour un an ou deux, mais de s'assurer que cette minorité soit dotée des pouvoirs et d'un cadre juridique qui lui permettent de se développer pour son bénéfice et celui de tous, si les anglophones continuent, comme ils le font aujourd'hui, d'accepter de plus en plus ce principe, si les Français, les francophones du Québec acceptent de plus en plus d'avoir confiance dans leurs propres capacités de vivre pleinement en Amérique du Nord sans avoir peur de perdre leur langue et leur culture et si les gouvernements essaient d'éviter à tout prix d'empoisonner l'ambiance et la population avec des propos le moindrement racistes et d'encourager une compréhension mutuelle et s'ils cherchent toujours, dans les lois qu'ils adoptent, à réaliser un sain équilibre entre les deux communautés, je suis persuadé qu'on peut développer ici une société qui soit la plus intéressante, la plus riche et la plus prospère non seulement au Canada, mais en Amérique du Nord. Mais, pour le moment, ce n'est pas possible, parce que le Parti québécois continue de fausser cette réalité et je ne vois pas comment, à court terme, cela pourrait changer.

Je veux simplement soulever, en terminant, deux aspects de cette dualité canadienne. Il y a dans la motion une déclaration à savoir que la communauté anglophone est la minorité la plus privilégiée au Canada. C'est intéressant, ce débat. Les anglophones, quand ils écoutent une telle déclaration, disent: Oui, mais la situation n'est pas comparable ici et les francophones disent: C'est un peu hypocrite, n'est-ce pas? Par contre, les anglophones disent: Ici, au Québec, c'est la seule province qui exerce une discrimination juridique envers une minorité et les francophones disent: Ah oui! mais la situation ici n'est pas comparable! Les anglophones disent: C'est un peu hypocrite, n'est-ce pas? Je soulève cette contradiction simplement pour vous démontrer que le problème est complexe et, aux yeux d'une minorité soumise à une loi comme la loi 101 qui n'existe nulle part ailleurs au Canada, il faut admettre que, de leur côté, c'est normal que de temps en temps ils ressentent une certaine discrimination. Quand ils ont trop avalé de déclarations comme celle que je viens de décrire, c'est possible qu'ils aient une certaine réticence. Je vais terminer, M. le Président, et je vous remercie.

En terminant, je veux simplement résumer les raisons pour lesquelles, quant à moi, on va voter contre cette motion. Comme je l'ai dit, c'est votre proposition de renouvellement du système fédéral. Cela consiste en quoi? Une déclaration sur la dualité qui est contradictoire et sans retombée précise, sans conséquence. Il consiste, d'une façon en une proposition d'amender la constitution qui est inacceptable sauf en dernier recours. Une charte des droits, moitié fédérale, moitié provinciale que même un expert constitutionnel sera incapable de comprendre le sens du raisonnement.

Finalement, une politique linguistique inexistante. C'est votre proposition pour le renouvellement du système fédéral à la population. Je la trouve pitoyable et je pense que la grande majorité des Québécois sera d'accord avec moi. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Robert Dean

M. Dean: M. le Président, je me lève pour appuyer la résolution devant cette Chambre. Je veux vous parler, pendant quelques minutes, de constitution, d'économie et d'emploi. Quand je dis emploi, je parle de jobs.

Avant d'entrer plus spécifiquement dans la résolution constitutionnelle du

gouvernement fédéral et ses méfaits pour le Québec, pour les travailleurs et travailleuses du Québec, non seulement aujourd'hui mais dans l'avenir, je veux commenter un certain nombre de choses qui se sont dites dans cette Chambre depuis guelgue temps toujours autour de la guestion constitutionnelle.

On critique d'abord la façon dont notre gouvernement du Québec a entamé des négociations avec le Canada anglais. Ceux qui critiquent le comportement et la stratégie n'ont jamais négocié et n'ont sûrement jamais négocié avec le Canada anglais. Dans les négociations constitutionnelles, à mon humble avis, le Canada anglais était égal à lui-même.

Mon père était anglophone unilingue, né en Ontario. Ma mère était canadienne-française, anglicisée par les malchances de la vie, dans le sens que son père francophone est mort très jeune. Je suis fier de mon nom et de mon héritage, mais ça ne m'a pas empêché, pendant mes 30 ans de vie professionnelle, de vie syndicale, de vie sociale dans le Québec, de constater que ce qui s'est passé à Ottawa entre le Canada anglais et le Québec était dans la nature des choses. Ceux qui prétendent le contraire sont malhonnêtes ou ils ne savent pas de quoi ils parlent.

Pendant mes 25 ou 30 ans, j'ai constamment côtoyé le Canada anglais comme syndicaliste dans le milieu le plus sympathique, parce que des syndicalistes, par définition, par sentiment, par principe, habituellement sont des défenseurs de chiens écrasés. En général, c'est du monde qui sympathise avec des minorités. Je ne peux pas nier pour une minute que, pendant ces années, beaucoup de mes camarades syndicalistes des autres provinces du Canada étaient même sympathiques au fait français. Sympathiques aux revendications du Québec jusqu'à un certain point. Mes 25 ou 30 ans d'expérience m'ont convaincu que dans les congrès syndicaux, à travers le pays, ou dans les négociations avec les employeurs, au moment où les intérêts du Canada anglais entraient en conflit avec les intérêts des travailleurs québécois, au moment de vérité, comme on dit, l'anglophone canadien, malgré toutes ses sympathies, toutes ses compréhensions, quand il voit son intérêt confronté avec l'intérêt des travailleurs francophones québécois, c'est toujours ses intérêts qui priment et après ça, les petites tapes amicales dans le dos, la mine décontenancée, la prochaine fois, mon "chum", ça nous fait bien de la peine, mais vous comprenez. (11 h 40)

Ce que je veux dire, c'est que le Canada anglais, guand ses intérêts sont en jeu et quand il faut qu'il choisisse entre ses intérêts et les intérêts du Québécois français, c'est ses intérêts qui priment et le

Québec, c'est après. C'est exactement ça qui est arrivé dans les négociations constitutionnelles. On aurait pu faire n'importe quoi et le résultat aurait été le même, comme cela a toujours été depuis l'époque de Duplessis, Lesage, Bourassa ou n'importe quel des premiers ministres qui ont défendu les intérêts du Québec dans le passé et qui sont revenus bredouilles.

Je veux aussi parler un peu de certaines contradictions du parti de l'Opposition. La résolution devant cette Chambre parle de la reconnaissance de la dualité canadienne, de maintenir cette reconnaissance comme partie intégrante de la position minimale du Québec et le parti de l'Opposition, le Parti libéral du Québec, est contre la résolution du premier ministre. Pourtant, dans le programme électoral du Parti libéral du Québec, on lit, entre autres: "Un gouvernement du Parti libéral du Québec s'engage à faire reconnaître l'égalité des deux peuples fondateurs comme base de la fédération canadienne." On promet aux électeurs cette défense et, quand arrive le moment de voter en Chambre pour appuyer ce même principe, on le renie.

Il y a aussi, de la part de beaucoup de francophones, de fédéralistes sincères, une espèce de croyance naïve de la bonne volonté de nos partenaires de négociations, que ce soit politique, ou autres, du Canada anglais. Encore dans une entrevue qu'il a accordée au Montreal Star, le défunt Montreal Star, de triste mémoire, M. Ryan, le 15 février 1979, a dit qu'il croyait qu'il y avait des premiers ministres au Canada qui voulaient vraiment et qui avaient finalement décidé qu'il fallait une réforme constitutionnelle. Il a surtout mentionné M. Davis, qui travaille très fort dans le sens de vouloir changer quelque chose dans cette constitution canadienne. La lettre qui a été dévoilée aux journalistes l'autre jour dit que ou bien M. Davis était hypocrite ou bien l'honorable chef de l'Opposition, que j'estime beaucoup comme personne, s'est trompé royalement. Il a mal placé sa foi et sa confiance.

Maintenant, le parti de l'Opposition essaie aussi, depuis le début de la session, à toute occasion, de dire: Nous, on veut parler d'économie, le monde est tanné de la constitution. Il est vrai que le monde est tanné de parler de constitution, sauf que le Parti libéral... C'est leur stratégie publiquement déclarée, et ils vont continuer, c'est sûr: Arrêtons de parler de constitution et parlons d'économie. Bon.

J'ai un document très intéressant ici, M. le Président, écrit en anglais, pour une institution anglophone, par un anglophone connaissant les problèmes économiques. C'est fait en anglais, par des anglohones, pour des anglophones, donc, c'est vrai. Ce qui se dit en français, qui se lit en français, pour des

francophones, ça, ce n'est pas vrai; on est encore tellement sous le coup de la domination! J'accrédite cela. Le CD Howe Institute, si vous permettez, un institut très péquiste et séparatiste! Le titre, "Where the Economy and the Constitution Meet in Canada", c'est-à-dire où se rencontrent l'économie et la constitution au Canada, écrit par Barbara Hodgins. Je ne la connais pas, la bonne femme, mais son nom est anglophone, donc, elle écrit la vérité.

Je vais vous piger trois paragraphes dans ce document. Au tout début, un paragraphe, à la page 3: "Fondamentalement, l'économie et la constitution se rencontrent au Canada dans la lutte de pouvoirs qui confrontent le centre contre les régions. Le coeur industriel du pays contre le hinterland, qui est un terme d'économiste pour indiquer le monde dans le bois, le reste du pays. Elle dit surtout: "Et l'Ontario peuplé, influent sur le plan électoral, de concert avec le gouvernement fédéral contre les autres gouvernements provinciaux." C'est comme cela que cette madame analyse la chose. Un autre paragraphe: "Nonobstant le résultat du référendum du mois de mai 1980, il reste à savoir si le nationalisme canadien-français peut s'accommoder au sein du système fédéral." Est-ce assez fort? C'est pas mal intéressant, cette affaire!

Un autre paragraphe: "II suit que, dans sa formule actuelle, le "country building", c'est-à-dire l'édification d'un pays, serait centraliste dans son approche. Dans le contexte canadien, cela veut dire que les pouvoirs législatifs vont graviter vers le centre au détriment des gouvernements provinciaux et en plus le centre du pays dont l'Ontario, défini par son histoire, la démographie et même la géographie, continuera à être le coeur de l'économie et dominera l'économie politique de la nation."

Sa conclusion est la suivante. Son analyse était basée sur le débat constitutionnel actuel, mais, pour tenir compte de la particularité du Québec, la langue française, le fait français, la culture, l'éducation dans ce contexte économique, c'est un autre débat qu'il faudrait refaire dans un autre contexte et dans une autre situation tellement c'est différent, tellement c'est important.

Très rapidement aussi sur la question de la fameuse clause Canada. On dit que ce n'est pas un problème, la clause Canada, nos chers amis anglophones d'Ontario vont venir au Québec. Je vais juste vous citer un petit exemple, en plus de ce que j'ai déjà dit, sur le fait que plus des anglophones viennent au Québec, plus on les laisse libres dans l'éducation de leurs enfants, dans la langue de travail et tout le reste, plus le Québec va s'angliciser. Le contraire ne se ferait pas. Ce n'est pas vrai que le bilinguisme "coast to coast" est une réalité qui peut permettre aux francophones dans les autres provinces de survivre, ce n'est pas vrai. Juste un petit fait. L'autre jour, j'ai eu l'occasion de rencontrer un représentant d'une grande entreprise internationale qui a une usine au Québec. Il m'a dit, entre autres choses, qu'il se plaignait un peu que son directeur d'usine anglophone, de l'extérieur du Québec, qui a eu la permission pendant trois ans d'envoyer ses enfants à l'école anglaise, lorsqu'il a demandé un renouvellement de sa permission, le renouvellement était un peu mitigé. C'était donné, mais à certaines conditions. Il m'a demandé si je pouvais intervenir, et j'ai accepté avec plaisir, parce que je crois que c'est une personne qui ne restera pas au Québec. Par définition, dans "sa job", sa prochaine promotion va être ailleurs. La compagnie, en même temps, m'a dit: Soit dit en passant, nous cherchons partout pour trouver un Québécois francophone pour le remplacer comme directeur de l'usine. C'est important. Ce sont des jobs pour nos amis d'en face qui se sont identifiés, depuis le premier jour de la session, avec le patronat comme "boss". S'il y en a un qui est battu aux élections et qui voudrait devenir directeur d'usine de cette compagnie, il y aurait un poste vacant pour lui.

Je vous dis que, si la clause Canada ne s'appliquait pas, si ce monsieur pouvait s'attendre à rester ici jusqu'à la fin du monde, s'il n'y avait pas une petite pression sur lui, au moins, pour faire instruire ses enfants à l'école anglaise, la compagnie aurait demandé le renouvellement, mais n'aurait jamais parlé de trouver un remplaçant francophone québécois pour être directeur d'usine. C'est cela la différence entre la clause Canada et la loi existante. (11 h 50)

Maintenant, je veux parler surtout de la mobilité dans la charte de M. Trudeau, la mobilité qui semble un bon principe. Tous les citoyens ont le droit de travailler, de gagner leur vie, tout cela, dans n'importe quelle province. C'est très correct, c'est beau comme principe, mais qu'est-ce que cela veut dire dans le contexte économique actuel? Le gouvernement fédéral a annoncé ses couleurs - j'en ai déjà parlé ici en Chambre - cela veut dire la mobilité de la main-d'oeuvre "from coast to coast". Cela veut dire qu'on va charrier du monde où il y a des jobs au lieu de penser, à un moment donné, à créer des jobs où il y a du monde. Sur le plan économique, une philosophie est aussi bonne que l'autre. En France, quand on a du monde en chômage, on oblige les industries à s'implanter là où il y a du chômage. En Suède, on le fait aussi. Je ne parle pas de la France socialiste; je parle de la France d'extrême droite, celle de M. de Gaulle et de tous les prédécesseurs du gouvernement actuel. Mais la politique de mobilité "from coast to coast", cela veut

dire que s'il y a des jobs en Alberta, qu'on va prendre des Québécois et les "shipper" en Alberta, qu'on va leur donner des cours de formation professionnelle en Alberta. Je vous demande dans quelle langue seront ces cours de formation professionnelle, M. le Président, et à guel prix humain de déracinement, de dépaysement et, finalement, de désintégration nationale, parce que le Québécois francophone qui s'installe dans une autre province, c'est une question de mois ou d'années, il n'est plus le Québécois francophone, c'est un anglicisé. Il n'a pas le choix, la vie est comme cela.

Cette résolution constitutionnelle mettra en doute le règlement de placement de la construction. Je peux vous dire qu'avec le gazoduc on a déjà des problèmes d'une entreprise "from coast to coast" qui fait des pieds et des mains pour faire entrer de non-Québécois sur ce chantier pendant qu'il y a des centaines de milliers de Québécois qualifiés en chômage.

Une voix: C'est vrai.

M. Dean: Si on laisse aller cette charte et cet amendement constitutionnel sans le consentement du Québec, cela va simplement empirer. La charte fédérale veut dire que tout ce qu'on a légiféré pour favoriser les professionnels québécois dans l'octroi des contrats serait anticonstitutionnel et qu'il serait laissé aux tribunaux de décider si oui ou non ces règlements sont acceptables.

La politique d'achat au Québec, c'est vrai, fait de la discrimination positive en faveur des produits québécois, comme d'autres provinces le font en faveur de leurs propres produits. L'amendement constitutionnel mettrait fin à cela. Nos politiques de subventions où on favorise les industries qui sont entre les mains des Québécois seraient contestables devant les tribunaux. C'est seulement le statu quo, M. le Président. Par la résolution devant cette Chambre actuellement, on lutte pour préserver le statu quo, le minimum que le Québec a toujours eu dans le système fédéral, on ne parle pas des autres développements qui peuvent venir.

L'amendement qu'on a apporté à la clause sur la mobilité dit qu'on va pouvoir maintenant favoriser quand même dans les provinces les individus défavorisés socialement ou économiquement, si le taux d'emploi dans la province est inférieur à la moyenne nationale. Cela veut dire que si, à un moment donné, notre taux de chômage baissait au niveau canadien, on serait obligé de mettre fin à un programme qu'on a, d'attendre que le taux de chômage augmente. Cela veut dire que des programmes seraient installés, désinstallés, réinstallés, ce serait un fouillis administratif.

Cela veut dire qu'on pourrait toujours favoriser les assistés sociaux. C'est bien beau. Le système fédéral canadien pour le Québec a toujours voulu dire qu'on a l'assurance-chômage et l'assistance sociale, mais les jobs, c'est l'Ontario qui les a et, depuis récemment, l'Alberta grâce à son pétrole. Mais tout ce qu'il y a de préférence d'emploi pour les mieux nantis des travailleurs québécois serait mis en doute.

En plus du statu quo, je voudrais peut-être aussi, rapidement, parler de choses concrètes qui se font, qui nous donnent une idée des intentions du fédéral. Vous avez entendu parler de la fameuse question de l'Institut canadien de technologie et de formation aérospatiale qui serait situé à Winnipeg, où il y a juste 6% de l'industrie canadienne de l'aéronautique; le reste, c'est à Toronto et à Montréal. On nous dit, et ce ne sont pas des séparatistes, c'est l'Office de l'expansion économique de la Communauté urbaine de Montréal, appuyé par la Chambre de Commerce de Montréal et par le Montreal Board of Trade. Leur conclusion, c'est que le groupe de travail que M. Axworthy a mis sur pied pour décider de cette école de formation n'était même pas mandaté pour décider du meilleur site, il n'était mandaté que pour justifier le choix de Winnipeg comme site, et ce malgré le fait économique que le plus qrand nombre d'emplois possible dans les prochaines années dans l'industrie aérospatiale canadienne seront au Québec. Mais comment donnerait-on des cours en français aux francophones à mille milles du Québec?

Prenons maintenant le cas de Volkswagen. Tout le monde dit que le Québec a mal patiné dans le dossier. Mais, là encore, ce ne sont pas de méchants séparatistes, ce n'est pas le Parti québécois, c'est M. Simon Durivage, le 3 novembre 1981, à l'émission L'Objectif, qui dit: Depuis déjà trois ans, le gouvernement du Québec a soumis un mémoire à la commission Reisman, une commission fédérale d'enquête - je devrais dire d'entêtement - sur l'industrie automobile. Le Québec suggérait à Ottawa non seulement de réduire la taxe à l'importation, mais de l'abolir carrément, mais à la condition toutefois que le constructeur d'automobiles en question, japonais ou européen, s'engage non plus seulement à acheter des pièces au Canada, mais à fabriquer des pièces d'automobiles au Canada, donc à investir ici. Ici, dans l'esprit du Québec, ça voulait dire ailleurs qu'en Ontario seulement.

Pendant ce temps-là - ça remonte à trois ans - un sous-ministre adjoint du ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec allait régulièrement en Allemagne proposer à Volkswagen de construire une usine de pièces de moteur en aluminium au Québec, proposition à laquelle Volkswagen ne disait ni oui ni non. Mais, pendant ce temps-

là aussi, les dirigeants de Volkswagen visitaient des cibles en Ontario, à l'insu du Québec, dans le but de construire une nouvelle usine au Canada. Le Québec n'en savait rien. Mais le ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce le savait, lui, et il appuyait ces projets de Volkswagen. Jamais, ni le Québec, ni le ministère fédéral de l'Expansion économique régionale, dirigé par M. Pierre De Bané, n'ont été mis au courant de ce projet avant le mois de juin de cette année.

C'est cela le système fédéral actuel en ce qui regarde l'économie, et j'ai des exemples, c'est dommage que le règlement m'arrête à vingt minutes, j'en aurais, pour finir la journée, des exemples! Pour résumer, la résolution actuellement devant cette Chambre vise à sauver les meubles pour le Québec, à préserver les droits que nous avons actuellement, et Dieu sait que ces droits sont minimaux. S'il fallait qu'on parle de jobs, d'économie, de jobs qui seraient donnés à des gens de l'extérieur de la province de Québec pendant qu'on a des milliers et des milliers de chômeurs, quand on parle d'économie, on parle de jobs: de jobs d'usines, de jobs de chantiers, de jobs de magasins, de jobs de professionnels, de cadres, c'est dire que tout le monde au Québec veut travailler honorablement et décemment. Quand on parle de constitution, quand on parle du système fédéral actuel qui serait brimé par l'amendement constitutionnel du qouvernement Trudeau et le reste du Canada anglais, ce serait encore pire, parce qu'on voit les indications des politiques fédérales dans le domaine de la main-d'oeuvre dans le domaine de l'assurance-chômage. On cherche à rendre plus longue la période de travail nécessaire pour se qualifier pour l'assurance-chomage. Qu'est-ce que ça ferait, M. le Président? Cela ferait que, dans nos villages et dans nos villes, où il y a des travailleurs qui ont des emplois saisonniers, mais qui se fient sur l'assurance-chômage pour compléter leur année de travail, plus il faut travailler de mois pour se qualifier pour l'assurance-chômage, plus on risque d'être disqualifié et de ne pas avoir l'assurance-chômage pour 5, 6, 7 ou 8 mois de l'année. Cela c'est une pression absolument écoeurante et inadmissible sur les êtres humains, les francophones québécois qui, pour ne pas crever de faim, sont obligés de tout laisser pour aller travailler dans les autres provinces canadiennes, pour aller suivre les jobs du pétrole en Alberta, apprendre des métiers en anglais et disparaître du paysage.

Politique de formation professionnelle: 80% des fonds viennent actuellement du fédéral pour la formation professionnelle. Mais, avec la nouvelle politique fédérale qui favorise les métiers en pénurie, encore une fois, par exemple, les métiers connexes à l'industrie pétrolière seraient déplacés vers l'Ouest.

M. le Président, je termine en disant que cette résolution doit être adoptée et devrait être adoptée à l'unanimité par cette Chambre si les gens d'en face avaient moindrement à coeur l'intérêt des Québécois et des Québécoises, le désir de la masse de la population québécoise de pouvoir gagner sa vie et de vivre au Québec en français. Non seulement c'est une question de sauver les meubles, mais c'est une question d'aller chercher des pouvoirs encore plus grands si on veut véritablement prévoir, pour les Québécoises et les Québécois, des politiques industrielles et économiques qui vont permettre à l'avenir au peuple québécois de vivre chez lui dans la dignité, l'harmonie et la justice. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Madame la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais juste faire quelques remarques sur l'intervention du député de Prévost qui m'a précédée.

J'ai été étonnée par certaines de ses remarques et je dois dire que je n'aime pas m'en prendre au député de Prévost parce que je l'ai vu dans d'autres commissions parlementaires et je sais que c'est quelqu'un qui a profondément a coeur l'intérêt des ouvriers et des travailleurs, et peut-être plus que qui que ce soit de l'autre côté de la Chambre. Néanmoins, quand je le vois s'opposer avec autant de fermeté à la mobilité des travailleurs à travers le pays, évidemment, je pense que le point fondamental où on ne s'entend pas, c'est que nous, de ce côté-ci de la Chambre, on croit qu'à l'intérieur de ce pays il doit exister un esprit de solidarité, un sens du partage. Mais ces députés, du côté ministériel, ont abandonné depuis fort longtemps ces principes parce que leur objectif est toujours que le Québec doit devenir indépendant et qu'à ce moment-là, on n'a pas à se soucier de cette notion ou de ce principe de solidarité qui doit unir les gens dans un pays. Quand je le vois s'élever aussi fortement contre cette mobilité des travailleurs à l'intérieur même de notre pays...

Qu'on aime ça ou pas, de l'autre côté, on vit à l'intérieur d'un pays qui est le Canada et qui est tout autant le mien qu'il est celui de l'Anglais de l'Alberta ou de la Colombie britannique. Faut-il rappeler que même dans la Communauté économique européenne - ceci a été dit par d'autres dans cette Chambre avant moi - alors qu'il s'agit de pays souverains, de pays vraiment indépendants, on a cette mobilité des travailleurs, et jusqu'à maintenant...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Madame, Madame, je ne voulais pas vous interrompre mais, de la même façon qu'on a laissé parler le député de Prévost, je voudrais que madame la députée de L'Acadie ait son droit de parole.

Madame la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Habituellement, ils m'écoutent bien. Cela doit peut-être les fatiguer un petit peu.

Une voix: C'est seulement le député de Charlesbourg.

Mme Lavoie-Roux: Cette mobilité des travailleurs à l'intérieur du pays, il faudrait aussi dire qu'on l'a depuis toujours et je voudrais que le député de Prévost et certains autres de l'autre côté de cette Chambre aillent discuter avec les milliers de Québécois qui, actuellement, sont obligés d'aller dans l'Ouest, d'aller à l'extérieur du Québec pour gagner leur pain et leur sel.

Le député de Prévost a ajouté: Plutôt que d'envoyer travailler nos gens dans d'autres provinces, que le fédéral nous aide à créer des emplois chez nous. Je suis d'accord, c'est souhaitable, mais est-ce qu'on a le moindre contrôle sur la location, par exemple de l'huile? On sait fort bien que la grande partie des emplois qui sont présentement créés en Alberta sont dus à l'exploration du pétrole. Je souhaiterais bien qu'on en trouve dans le Bas-Saint-Laurent ou qu'on en trouve autour des Îles-de-la-Madeleine, mais, malheureusement, jusqu'à ce moment-ci, on en n'a pas trouvé. Et on sait fort bien qu'au plan économique le pétrole, à ce moment-ci, joue un rôle primordial dans le développement des économies non seulement en Amérique du Nord, mais à la grandeur du monde. Je pense que le député de Prévost serait prêt à l'admettre.

L'autre chose, le député de Prévost faisait des objections sur cette mobilité en disant que désormais on pourrait en faire fi des corporations professionnelles qui nous régissent, etc. Je voudrais simplement lui faire lire, à la page 4 de l'avis de motion, enfin du projet fédéral, l'article 6, deuxièmement, où on parle de la libre circulation des personnes. On y dit que cette libre circulation des personnes mentionnée dans le paragraphe ei-haut doit être subordonnée "aux lois et usages d'application générale en vigueur dans une province donnée, s'ils n'établissent entre les personnes aucune distinction fondée principalement sur la province de résidence antérieure ou actuelle; aux lois prévoyant de justes conditions de résidence en vue de l'obtention des services sociaux publics." Ceci existe déjà quant à la possibilité, par exemple, de se prévaloir de l'assurance-maladie dans toutes les provinces du Canada. Je pense que ceci ne crée pas de difficulté comme celle que vous avez soulevée, à savoir une violation des règles des corporations actuelles ou des différents règlements qui peuvent exister à l'intérieur des différents corps de métiers. Alors, M. le Président, c'est tout ce que je voulais dire, mais je ne pouvais pas laisser passer sous silence ces choses parce qu'elles m'apparaissent vraiment inexactes.

Nous sommes aujourd'hui devant une motion que le premier ministre a soumise à cette Chambre. J'ai l'impression que cette motion est un peu une motion dilatoire. Cela fait longtemps qu'on n'a pas utilisé ce mot à l'Assemblée nationale. Une motion dilatoire dans ce sens que le premier ministre ne revient pas nous voir avec une motion alors qu'il serait allé discuter et négocier à Ottawa, comme le lui demandait la motion que nous avons acceptée à l'unanimité dans cette Chambre le 2 novembre. Non, il ne s'agit pas de cela. Le premier ministre du Québec, sans avoir levé le petit doigt pour essayer de dire: Est-ce qu'il y a encore des terrains d'entente, tel que le souhaite la population du Québec, nous revient aujourd'hui avec une nouvelle motion. Il n'est même pas allé négocier, il n'a même pas répondu à la première motion. Moi, je pense qu'il s'agit ici d'une motion dilatoire en ce sens que le gouvernement du Parti québécois est un peu mal pris, il sait que la population lui demande de négocier. On a vu, dans la mesure où on peut accorder foi aux sondages, que 55% des francophones du Québec désiraient que le gouvernement retourne négocier à la table.

Une voix: 58%.

Mme Lavoie-Roux: 58% même, on ne se chicanera pas, mais c'est la majorité des francophones québécois qui lui demandait d'aller négocier. M. le Président, est-ce que je puis parler?

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député vous aurez l'occasion de parler au moment où vous aurez le droit de parole. Cependant, pour éviter que les gens puissent vous interrompre, il faudrait peut-être ne pas faire de dialogue avec eux, Mme la députée. Je voudrais bien protéger votre droit de parole.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie du conseil, je vais le suivre, M. le Président.

Alors, pris devant cette difficulté d'aller négocier alors qu'il n'y va pas puisgue c'est ce que la majorité de la population lui demande, il ne trouve pas mieux que de nous amener une autre motion qui, à bien des égards, est vraiment incomplète, comme l'ont signalé mes collègues. (12 h 10)

Hier, j'entendais la députée ministre du comté de La Peltrie qui à juste titre s'inquiétait que les femmes aient été exclues ou aient fait l'objet d'une clause dérogatoire dans cette charte qui était proposée à l'ensemble des Canadiens. Heureusement, on sait que tel n'est plus le cas puisque les provinces se sont entendues après être retournées négocier. Et elles qui, hier, de bonne foi, tentaient de faire un peu tardivement puisque c'était déjà accepté au niveau fédéral, réaccepter ce principe de l'égalité des hommes et des femmes, je pense que c'est vraiment élémentaire, M. le Président. Elles auraient pu y participer en retournant là-bas négocier avec le fédéral. Cela s'est fait encore une fois sans elles. Mais je dois dire, sur ce point particulier, que l'indignation de Mme la ministre, je la partageais; et même si c'est maintenant une chose faite, c'est quand même extrêmement inquiétant pour les femmes du Québec et du Canada, pour l'ensemble des femmes canadiennes de voir que même encore, en 1981, certaines provinces pensaient que c'était une chose dont on pouvait se dispenser.

Cela dit, M. le Président, cette motion à mon point de vue est simplement une manoeuvre du gouvernement pour créer l'impression qu'on a l'intention d'en arriver à une entente avec le reste du Canada. On ne peut pas se leurrer. Je voudrais, ici, relever une chose que le premier ministre disait, hier, au cours de son intervention. Il parlait des différentes catégories de citoyens, et disait comment ils réagissaient. Il disait, à la page 505: À l'autre extrême il y a ceux qui, en dépit de tous les efforts qu'on y a mis depuis si longtemps pour suivre correctement les règles du jeu, ce qu'on appelle en anglais et qu'on ne pratique pas toujours le fair play, nous soupçonnent malgré tout d'avoir sans cesse les arrière-pensées de méchants séparatistes. On ne peut pas leur enlever cela de l'esprit, qu'ils s'arrangent avec.

M. le Président, je ne sais pas si le premier ministre était vraiment conscient quand il a dit cette chose. J'ai relevé quelques énoncés ou déclarations de différents députés et même d'un ministre; Dieu merci, je n'ai eu le temps que d'en réviser cinq où six. Voici ce qu'ils ont dit depuis que l'entente a été signée le 5 novembre 1981 à Ottawa. Les gens du côté ministériel, du côté du Parti québécois se sont exprimés ainsi. Le député de Rousseau: "La souveraineté-association est la voie de la sécurité collective qui assurera le développement politique, social et économique avec tout ce qu'on essaie de faire contre nous et les coups salauds, etc, il est temps de prendre la place qui nous revient. Ce n'est pas si compliqué de devenir libre, indépendant, et ouvert au monde, c'est souverainement le temps". C'est la semaine dernière que ces choses ont été dites.

La députée de Dorion: "J'exprimerai sans détour mon souhait. Qu'on en finisse au plus tôt, qu'on sorte au plus tôt de cette maison de fous et qu'on en vienne enfin à proclamer bien haut et bien fort la souveraineté politique de notre peuple."

Je lui ferai remarquer que la majorité des Québécois ne pense pas qu'il sagit d'une maison de fous puisque la majorité des Québécois demande au gouvernement du Québec de retourner négocier avec le gouvernement fédéral.

Le député de Terrebonne: "Les moyens infaillibles pour reconquérir nos droits que l'on veut nous enlever, c'est la souveraineté, l'indépendance de mon seul pays, le Québec." La députée de Johnson ajoutait: "Je voudrais léguer ce drapeau du Québec qui deviendra dans quelque temps le drapeau d'un nouveau pays, le Québec."

M. Ciaccia: Ils récidivent.

Mme Lavoie-Roux: Pour terminer - là il s'agissait de députés - je vais citer un ministre, le député de Fabre: "Nous nous commettons plus que jamais, à partir de ces moments sombres, à conduire démocratiquement, patiemment le peuple du Québec à la plénitude de son statut, c'est-à-dire la souveraineté nationale; d'autres l'appellent l'indépendance." On me dit que c'est le député de Vimont, je m'en excuse.

M. le Président, on a fait des gorges chaudes sur les dissidents du Parti libéral. Si le premier ministre nie avoir des pensées séparatistes et s'il nous accuse de le soupçonner d'en avoir, je voudrais bien qu'il compte les dissidents parmi son parti. C'est clair et net, tous ces gens, de l'autre côté de l'Assemblée, l'ont dit et redit la semaine dernière, ils l'ont dit, ils l'ont redit au moment du référendum, ils n'ont d'autre objectif que l'indépendance du Québec. C'est pour ça qu'on se retrouve devant cette motion qui, à mon point de vue, est un exercice assez futile.

M. Blouin: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, Mme la députée. M. le député, je dois vous dire que vous êtes déjà intervenu au cours du débat. En conséquence, j'aimerais que vous utilisiez plutôt l'article qui permet d'intervenir après le discours de Mme la députée de L'Acadie. Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, l'autre observation qu'on peut faire, c'est que quand le premier ministre du Québec est revenu de la conférence fédérale-provinciale qui s'est terminée par l'entente à laquelle il n'a pas participé, il a dit: II y a trois points

qu'on ne peut souffrir. Il y a d'abord celui de la possibilité de retrait, mais sans compensation financière, il y a la question de la mobilité à travers le pays et il y a aussi la question du fameux article touchant les droits linguistiques.

M. le Président, aujourd'hui, au moment où on se parle, déjà des améliorations importantes ont été apportées sur ces trois points. Déjà, le premier ministre fédéral, sans même que le Québec ait levé le petit doigt, a dit: Nous sommes prêts à accorder une compensation financière dans les cas de retrait pour ce qui touche l'éducation et la culture. De notre côté, nous avons demandé qu'on négocie la possibilité d'étendre à d'autres domaines cette compensation financière. Au lieu de prendre cette ouverture qui nous vient du gouvernement fédéral, on reste ici à discuter sur des motions vides.

Quand on parle de la question de la mobilité, déjà, en dépit de ce que disait le député de Prévost, il y a eu une amélioration sensible. On a dit: II faudra quand même tenir compte du taux de chômage dans une province pour permettre d'adopter des règlements qui contrôleront l'immigration interprovinciale dans le cas où le taux de chômage d'une province serait au-delà de la moyenne nationale. Y a-t-il d'autres garanties qui devraient être ajoutées à cette clause de mobilité ou de libre circulation des personnes? Je ne le sais pas, on n'en a jamais entendu parler de l'autre côté, sauf que, ce matin, on vient dire que ça va toucher aux corporations professionnelles, et je viens de faire la démonstration que tel n'est pas le cas. On reste assis, on ne bouge pas. M. le Président, on ne veut pas négocier.

Je voudrais surtout faire porter mes propos sur la fameuse question des garanties linguistiques. J'ai entendu, en entrant dans cette Chambre, quoique seulement à la fin de son discours, les prophéties apocalyptiques - c'est le moins qu'on puisse dire - du ministre d'État au Développement culturel, le député de Sauvé, qui nous a dit que l'article 23 contenait en germes des danqers extraordinaires pour le Québec, pour la survie culturelle du Québec. M. le Président, très honnêtement, je suis prête à discuter de tous les chiffres que les gens du côté ministériel voudront nous apporter en cette Chambre ou en commission parlementaire. S'il y a un tel danger... J'ai déjà eu l'occasion il y en a qui le savent de l'autre côté de la Chambre - de prendre mes responsabilités quand il fut nécessaire d'accorder une protection aux Québécois au plan culturel et au plan de la langue. Alors, je n'ai pas de leçon à recevoir d'eux. Mais je n'admets pas que l'on charrie la population et qu'on tente ici de nous intimider par des déclarations à l'emporte- pièce: Cela comporte des choses dangereuses pour la survie du français au Québec.

D'abord, au point de départ, faut-il rappeler que, même si l'article 23 était adopté tel quel, le français resterait la langue de travail au Québec, le français resterait la langue de communication au Québec et on pourrait encore avoir des règlements touchant la francisation des entreprises? Toutes ces dispositions qui ont été adoptées dans la loi no 101 ne seraient pas touchées. Il faut au moins dire cela à la population. Ceux qui ont assisté au débat linguistique savent fort bien que l'élément fondamental d'un Québec français, c'est qu'on soit très rigoureux sur le français, langue de travail. D'ailleurs, ceci avait été reconnu lors de l'adoption de la loi no 22, ceci a été répété lors de l'adoption de la loi no 101. Alors, cela est important pour la population du Québec que, dans aucun de ces domaines, l'article 23 ne change quoi que ce soit. (12 h 20)

Mais venons-en à l'article 23 lui-même. Il y a trois parties à l'article 23. La première partie touche la langue maternelle, en ce sens que les citoyens de langue maternelle française ou anglaise pourraient recevoir l'enseignement dans cette langue. Mais déjà le gouvernement fédéral a accepté une clause "nonobstant" à l'égard de ce premier point de l'article 23, c'est-à-dire qu'il n'entrerait en vigueur qu'au moment où l'Assemblée nationale du Québec déciderait qu'il est en vigueur.

La deuxième partie de cet article 23 touche la fameuse clause Canada, c'est-à-dire que les parents qui ont reçu leur enseignement élémentaire dans leur province d'origine peuvent recevoir l'enseignement en anglais ou en français, selon la province où ils habitent. Dans ce cas-là, au point de vue des statistiques, il n'y a pas de problème sérieux. J'y reviendrai. Mais, sur ce point particulier, il faudrait peut-être que le gouvernement d'en face nous dise où il se situe par rapport à cette fameuse clause Canada parce que, même dans les sondages qui ont été réalisés sur la loi no 101, si on répète et à bon droit que la majorité des francophones du Québec étaient d'accord avec la loi no 101, il y avait aussi une majorité des francophones du Québec qui sont d'accord pour la clause Canada. Là-dessus, il serait intéressant qu'on aille de nouveau demander à la population ce qu'elle pense de cette clause Canada. Évidemment, quand le Parti québécois a adopté cette loi, il a érigé immédiatement des frontières entre le Québec et le reste du Canada.

Maintenant, il y a aussi la clause des citoyens qui est le troisième point. M. le Président, si vous me le permettez, j'en ai juste pour quelques minutes. Quand vous regardez les statistiques de 1971, aujourd'hui,

elles seraient encore plus favorables au Québec parce qu'on a maintenant des pouvoirs touchant l'immigration que nous n'avions pas à ce moment-là. Il y a eu une émigration très considérable vers les autres provinces, vous le savez fort bien; on a des déficits de population considérables chaque année. Si je prends les statistiques de 1971, il y avait au Québec 7,8% de la population qui étaient nés en pays étrangers. Ces chiffres - je tiens à le dire - ne viennent pas de moi, ils viennent d'un rapport du Conseil de la langue française à qui on avait demandé, immédiatement après le premier projet de résolution fédéral, d'étudier les effets démolinguistiques de l'article 23 du projet fédéral de la charte des droits et libertés. Je pense qu'on ne pourra pas, de l'autre côté, contester ces chiffres.

Ces statistiques indiquaient que 7,8% étaient nés en dehors du Québec. Ces 7,8%, se divisaient comme ceci: 1,9% étaient des francophones, 16,4% étaient des anglophones; 66,4% étaient des autres. Alors, des 7,8% qui étaient au Québec, 66,4% étaient des autres et ils seraient encore obligés d'aller à l'école française. Alors, qu'on arrête de lancer en l'air des menaces qui n'existent pas. Quant aux 16,4% des Anglais, ils seraient en nombre moindre. Les immigrants francophones qui sont entrés depuis 1976 sont en plus grand nombre.

Des 4,6% qui restent ou des 4,2% des autres, qui sont venus des autres provinces, 2,3% sont des francophones, 17,8% sont des anglophones et 1,3% sont des autres. Il y a là, évidemment, un noyau d'anglophones et si le point 3 de l'article n'était pas corrigé, il en résulterait une légère progression des anglophones. Mais quand vous regardez les projections que fait le Conseil de la langue française à partir de différentes hypothèses, après avoir étudié les conséquences de l'article 23 du point de vue démographique ou démolinguistique, comme ils disent, et après avoir additionné les trois facteurs, alors que je vous ai déjà dit que le facteur no 1 ne s'appliquerait pas au Québec, il arrive à la conclusion que si l'article 23 du projet de charte constitutionnelle fédérale -parce que c'était le premier projet - s'était appliqué à partir de 1977, le nombre d'élèves des classes anglaises aurait atteint au moins 190 000 en 1979-1980, c'est-à-dire 5600 élèves de plus que sous la loi 101. Il faut bien penser que ces 5600 élèves sont répartis dans dix classes, sur dix années. Avec l'application complète de l'article 23, les classes anglaises auraient regroupé 15,1% de la clientèle scolaire. Il s'agit là d'une diminution de l'importance relative du secteur anglais, qui comptait 16,6%, si l'article 23 était accepté.

Il y a déjà le premier point qui nous favorise et qui fait l'objet d'une clause dérogatoire. Mais, même avec ça, vous avez cette diminution de la population anglophone, de la population scolaire dans les écoles anglaises. M. le Président, je pense qu'il n'y a pas là lieu de crier à la panique et au feu. Que le gouvernement soit assez honnête, s'il veut partir en campagne sur la fameuse question de la langue, qui est une question importante pour nous, et j'ai eu l'occasion de me battre et de combattre pour que la langue française ait pleine voix au Québec, mais qu'on ne vienne pas faire campagne à partir de sorcières qui n'existent pas, sauf dans l'imagination de politiciens qui, finalement, sont rendus au bout de leurs munitions. Tout ce qu'ils pourront faire valoir devant la population francophone, c'est une soi-disant menace même pas basée sur des choses ou des chiffres réels.

M. le Président, il serait peut-être intéressant qu'on vous réfère aussi à l'article du Soleil où, déjà, on dit que les objectifs de réduction de la population anglophone dans les écoles anglophones qui devaient être atteints en 1986 sont atteints au moment où on se parle. Cela m'apparaît extrêmement important.

En terminant, M. le Président, je voudrais, mais je pense bien que c'est inutile, demander au gouvernement, au premier ministre de retourner négocier, non pas de retourner négocier à rabais, mais au moins de répondre au désir de la population du Québec de le voir retourner négocier. Il est important de réaliser qu'une nouvelle constitution qui serait mise en vigueur sans la participation du Québec serait difficilement viable. Il n'en dépend que du gouvernement de retourner là-bas. Des ouvertures, des améliorations ont déjà été apportées et je suis certaine que la population du Québec n'acceptera pas que, désormais, on se cache derrière des manoeuvres comme la motion qui est devant nous. Ce que la population du Québec demande au gouvernement, c'est de retourner négocier avec ses autres partenaires de la fédération canadienne et qu'on en arrive à une entente qui respecte - et je le répète -qui respecte les lois et les aspirations du Québec. Je pense que ceci peut se faire, si on est de bonne foi à l'intérieur du Canada, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Rousseau, avant de vous accorder la parole, permettez-moi de rectifier une erreur que j'ai commise tout à l'heure, puisque Mme la députée de L'Acadie a fait allusion à un de vos discours et que j'avais cru que vous étiez intervenu dans le présent débat. Comme vous êtes intervenu dans un autre débat, j'aurais donc dû utiliser l'article 49 pour vous permettre votre question de privilège. Maintenant, je vous laisse donc cette possibilité que je vous avais promise tout à l'heure, en espérant, cependant, que

c'est vraiment une question de privilège.

M. Blouin: Oui, M. le Président. Je croyais, de toute façon, pouvoir intervenir tout à l'heure, mais j'ai suivi votre suggestion pour sauvegarder le droit de parole de la députée de L'Acadie.

La députée de L'Acadie, après avoir cité une partie du discours que j'ai prononcé il y a quelques jours - le 17 novembre, plus précisément - à l'Assemblée nationale, a prétendu que puisque je précisais dans mon discours que l'avenir du Québec, à mon point de vue, devrait être envisagé pour que nous puissions profiter pleinement des droits et des pouvoirs qui reviennent normalement aux peuples sur la terre, donc, notre avenir devrait s'orienter vers la souveraineté-association. La députée de L'Acadie a ensuite prétendu que puisque j'avais fait cette affirmation, j'étais un dissident à l'intérieur de mon parti.

Je dois rappeler à la députée de L'Acadie ce que j'ai déjà expliqué au député de D'Arcy McGee qui a fini par comprendre, lui. Au sein du Parti québécois, nous sommes résolus à faire en sorte que le Québec accède le plus rapidement possible au statut d'un pays souverain - c'est vrai - mais nous avons toujours dit - et vous n'avez pas le droit de l'ignorer - que nous le ferions avec l'appui populaire dans la mesure où la démocratie servirait également les objectifs que nous désirons atteindre. Vous n'avez pas le droit, Mme la députée de L'Acadie, de dire que je suis un dissident à l'intérieur de mon parti car le Parti québécois est branché sur ces deux principes, la souveraineté et la démocratie. (12 h 30)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du whip adjoint du Parti libéral.

M. Picotte: Évidemment, cela semble, M. le Président, être corrigé, mais il me semble que vous donniez une ouverture à une réplique dans des débats comme cela.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de privilège!

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Seulement pour répondre d'abord à la question de règlement du whip adjoint, je dois dire que je sentais que le député essayait d'expliquer qu'il n'était pas, selon les dires de la députée de L'Acadie - puisque c'est ce qu'il répétait - un dissident. Qu'il ait pris un peu plus de latitude, j'en conviens, mais c'était sur la limite. Il reste quand même qu'il avait ce droit de s'expliquer.

Mme la députée de L'Acadie sur une question de privilège.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'ai pas dit que le député de Rousseau était un dissident à l'intérieur du Parti québécois. Je pense que j'ai lu un texte du premier ministre qui a été cité en Chambre, hier, et dans lequel il disait: "II y a ceux qui, en dépit de tous les efforts qu'on y a mis depuis si longtemps pour suivre correctement les règles du jeu, nous soupçonnent malgré tout d'avoir sans cesse les arrière-pensées de méchants séparatistes." Alors, je pense que je ne fais pas d'interprétation fausse en disant que le premier ministre se défendait, lui, d'avoir des visées séparatistes. C'est à cette occasion que j'ai dit qu'un grand nombre de ses députés - et j'en ai relevé plusieurs - par rapport à l'opinion ou au sentiment qu'exprimait le premier ministre, étaient des dissidents.

Des voix: Cest vrai.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je demande l'ajournement du débat, au nom de mon collègue, le ministre de la Justice.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

M. Chevrette: Je demande également la suspension des travaux de la Chambre jusqu'à 15 heures cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Suspension des travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise de la séance à 15 h 17)

Le Vice-Président (M. Rancourt): ÀÀ l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir. Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. M. le ministre de la Justice.

Rapports du Comité de la protection

de la jeunesse et de la Commission

des services juridiques

M. Bédard: M. le Président, je dépose le rapport d'activité pour l'année 1980-1981

du Comité de la protection de la jeunesse, et le neuvième rapport annuel de la Commission des services juridigues.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapports déposés.

M. le ministre de l'Éducation.

Rapports de l'Ordre des optométristes,

de la Corporation des technologistes

médicaux, de l'Ordre des médecins

vétérinaires et de la Commission

consultative de l'enseignement privé

M. Laurin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel pour l'année 1980-1981 de l'Ordre des optométristes du Québec, celui de la Corporation professionnelle des technologistes médicaux du Québec, celui de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec et celui de la Commission consultative de l'enseignement privé.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapports déposés.

M. le ministre des Affaires municipales.

Rapport de la Commission nationale de l'aménagement

M. Fallu: M. le Président, au nom du ministre des Affaires municipales, j'ai l'honneur de déposer, conformément à l'article 220 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, le rapport de la Commission nationale de l'aménagement, rapport annuel 1980-1981.

Le Vice-Président (M. Rancourt):Rapport déposé.

M. Charron: M. le Président, M. le ministre de l'Agriculture aurait, lui aussi, un document à déposer.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture.

Rapport de la Régie des marchés agricoles

M. Garon: M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport annuel de la Régie des marchés agricoles du Québec pour l'année financière 1979-1980.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Document déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce qu'il s'agit d'un rapport récent? Est-ce que j'ai bien compris que c'était le rapport annuel pour 1979-1980, pour l'exercice se terminant le 31 mars 1980, il y a bientôt deux ans?

M. Garon: M. le Président, j'ai posé la même question au président de la régie, je trouvais, moi aussi, que ça prenait un peu de temps. Il m'a dit que c'est parce qu'il doit attendre les rapports des différents plans conjoints pour les inclure dans le rapport annuel. Si on faisait rapport sans les rapports de plans conjoints, on pourrait le faire plus rapidement. Je me demande si on ne devait pas faire ça à l'avenir, mais il y aura moins de renseignements dans le document. Pour que l'Opposition ait plus de renseignements, ça prend plus de temps à les obtenir.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

On vient de toucher les privilèges de la Chambre et je voudrais, à ce moment-ci, suggérer, d'une façon très amicale, au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation... (15 h 20)

M. Ryan: Pas trop amicale.

M. Levesque (Bonaventure): Je lui suggère tout simplement de faire cela en deux temps: d'abord, déposer son rapport annuel et déposer les rapports lorsqu'il les aura. C'est bien simple.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Dépôt de rapports du...

M. Garon: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de...

M. Garon: Le problème, c'est que si on faisait deux rapports, deux documents, M. le Président, cela coûterait plus cher.

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Une voix: 1 à 0 pour...

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Rapport du greffier en loi sur les projets de loi privés

M. Charron: M. le Président, je voudrais communiquer à l'Assemblée les notes qui me viennent du greffier en loi. S'il y a consentement, le projet de loi portera le no 228 et il concerne la ville de Matane. Il est conforme à l'avis et les avis ont tous été publiés. Il s'est toutefois écoulé plus de

six mois depuis la parution des avis. Je fais donc motion pour que nous suspendions la règle de pratique à cet égard et que nous puissions quand même déposer le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Oui.

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Dépôt de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 1 du feuilleton, M. le Président, s'il vous plaît.

Projet de loi no 228

Première lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député de Matane propose la première lecture du projet de loi privé no 228, Loi concernant la ville de Matane.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le règlement a été changé?

Une voix: C'est le député de Matapédia.

M. Levesque (Bonaventure): Ah bon! II faudrait peut-être avoir un député et non pas un ministre pour...

M. Bérubé: Oui, c'est cela.

M. Levesque (Bonaventure): ...être parrain d'un projet de loi privé.

M. Bérubé: Malheureusement, M. le Président, je ne peux pas être parrain du projet de loi privé concernant la ville de Matane, mais je crois que c'est le député de Matapédia qui est censé présenter le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est le nom du député de Matapédia qu'on inscrira.

Une voix: Un discours.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Première lecture...

M. Charron: La première lecture est-elle adoptée?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture...

M. Charron: La deuxième lecture, à une autre occasion.

Renvoi à la commission des affaires municipales

Je voudrais d'abord proposer que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire des affaires municipales.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Questions orales des députés. M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Adhésion à la charte constitutionnelle des droits de la personne

M. Ryan: M. le Président, j'aurais une question à deux volets à l'intention du premier ministre. À deux reprises, en cette Chambre, au cours des derniers jours, le premier ministre a critiqué le projet de charte constitutionnelle des droits de la personne en laissant entendre qu'on avait émasculé cette charte au chapitre des droits à l'égalité pour les personnes des deux sexes, ce qui veut dire, en pratique, les droits des femmes à l'égalité vu que notre système social a généralement favorisé les hommes.

Je voudrais demander au premier ministre, maintenant que les chefs des autres gouvernements se sont entendus clairement pour réintroduire dans le texte de la charte une disposition forte qui garantit fermement les droits des personnes des deux sexes à l'égalité, si son gouvernement est prêt, surtout après ce qu'il nous a laissé entendre au cours des derniers jours, à s'engager, lui aussi, à adhérer au moins à cette partie de la charte canadienne sans aucune distinction, sans aucune réserve.

Le deuxième volet de ma question porte sur un autre sujet de désaccord qui subsiste à l'heure actuelle, la fameuse question de la langue d'enseignement pour les enfants des minorités linguistiques. Le premier ministre a reçu de M. Joe Clark, chef de l'Opposition à la Chambre des communes, une lettre au début de cette semaine - je pense que c'est hier ou avant-

hier - dans laquelle M. Clark invitait le premier ministre du Québec à considérer la possibilité de changer un mot dans la loi 101, c'est-à-dire la possibilité de remplacer le mot "Québec" par le mot "Canada" à la clause qui définit le droit d'accès à l'école anglaise. Le premier ministre a fait un discours hier et on n'a pas entendu clairement de réponse à ce sujet-là.

Je voudrais demander au premier ministre, en deuxième lieu, s'il a été en contact avec M. Clark à ce sujet, s'il a déjà répondu et en quel sens; sinon, est-ce qu'il compte répondre et en quel sens?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est du premier volet de la question, il y avait un amendement qui, pour des raisons techniques, je crois - je n'étais pas en Chambre - a été reporté; il avait été suggéré par ma collègue la ministre d'État à la Condition féminine. Je vais répondre plutôt sur le fond de la question.

J'ai eu l'occasion, au moins à deux reprises ici, en cette Chambre, de déplorer l'attitude qui s'était manifestée dans pas mal de coins du Canada anglais jusqu'à tout récemment, après je ne sais quelle séance de tordage de bras, en particulier, sur les droits à l'égalité des femmes.

J'ai également eu l'occasion de souligner à quel point, sur ce plan, le Québec, non seulement n'avait de leçon à recevoir de personne, mais était en avant sur l'ensemble du Canada, toutes catégories, grâce à sa propre charte des droits et libertés. Il est évident que, pour ce qui concerne la motion, on peut faire toutes sortes de détours pour voir s'il y a moyen de changer le sujet, ce qui est arrivé hier avec le chef de l'Opposition. Pour ce qui concerne la motion telle qu'elle est devant nous, il est évident qu'en ce qui concerne le Québec et ses pouvoirs c'est l'essentiel; on ne passera pas à côté en nous envoyant dans d'autres compartiments. Mais, pour ce qui est des droits des femmes et répétant encore une fois qu'étant donné notre charte des droits et des libertés, à ce point de vue, il n'y a pas de restrictions au Québec, étant donné que Dieu sait que ce serait plus honorable pour le reste du Canada et que, semble-t-il, c'est réglé maintenant, d'ouvrir de ce côté, alors je n'irai pas plus loin que de dire qu'à partir du moment où nos conditions pour le Québec, dans son ensemble, seraient acceptées, on serait réceptif à la discussion à ce sujet très évidemment, comme également, pour ne pas attendre d'autres questions, au sujet des droits des autochtones. Il s'agit de voir. Eux aussi, d'ailleurs, à toutes fins utiles, sont reconnus, on est même en train d'essayer de négocier depuis deux ans la définition des droits que nous reconnaissons en principe. Partant de là, on sera réceptif à la discussion là-dessus, c'est évident.

Je dois d'ailleurs souligner au chef de l'Opposition que cela aurait pu être inclus dans certains compromis qu'on avait mis au point et qui se reflètent dans la motion parce que, si ce n'avait été de certaines provinces anglaises qui étaient opposées farouchement et mordicus à ce que les droits à l'égalité, par exemple, pour les femmes soient reconnus, il est évident qu'on aurait pu s'entendre là-dessus tout de suite à Ottawa. Inutile de dire qu'on serait prêt à discuter là-dessus.

Pour ce qui est de ce que le chef de l'Opposition appelle changer juste un mot dans la loi 101, Québec pour Canada, avec tout ce que cela peut impliquer, je trouve qu'il réduit cela à un mot, mais qui est assez lourd, avec un ton qui est quasiment dit du revers de la main: II s'agit d'un mot. Je trouve que le chef de l'Opposition a des drôles de balances par rapport à des problèmes fondamentaux quand il s'agit de soupeser les mots. En tout cas, il s'agit de la langue d'enseignement et de la clause Canada.

Je dois dire que la lettre de M. Clark, la deuxième... Et j'en profite pour répéter ce que j'ai dit déjà: C'est le premier des chefs politiques fédéraux qui ait manifesté une ouverture d'esprit en ce qui concerne les exigences du Québec. Je pense que cela en concerne une dès le départ. Je dois dire que, dès le départ, dans sa première lettre - c'est triste à dire, mais c'est comme ça - le chef de l'Opposition conservatrice à Ottawa dépassait de loin les savants calculs à la baisse du chef de l'Opposition libérale au Québec. Et ça, j'ai été obligé de le souligner. Le chef de l'Opposition conservatrice à Ottawa était très conscient, dès le début, je pense, qu'il y avait un ensemble de conditions minimales que le Québec avait posées. Il est revenu, dans sa deuxième lettre, sur la question de la langue d'enseignement pour les minorités. On a eu sa lettre avant-hier soir. On a commencé vraiment, hier, à la regarder pour essayer de saisir ce qu'elle comportait. Le moins que je puisse dire - tous ceux qui l'ont lue dans les journaux le comprendront - c'est qu'elle est beaucoup plus complexe. En fait, sauf tout le respect que je dois à M. Clark - c'est peut-être la traduction, c'est peut-être je ne sais quoi - elle était tellement emberlificotée que...

Une voix: ...

M. Lévesque (Taillon): Non, vraiment emberlificotée, qu'il a fallu même faire de la consultation du côté de M. Clark et de son entourage pour comprendre mieux ce qu'il appelait le problème pratique, parce

qu'il y a le principe et il y a le problème pratique. On a obtenu des explications qui, justement, sont à l'étude au Conseil des ministres où on a interrompu notre séance. On devrait pouvoir mettre au point la réponse qui paraîtra indiquée au gouvernement d'ici la fin de la journée, mais je ne peux pas aller plus loin pour l'instant. (15 h 30)

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Sur le premier volet de la question, l'égalité des sexes, ai-je raison de conclure que le premier ministre dit non à l'insertion d'un article explicite dans la charte canadienne des droits à ce sujet? Il nous a répondu d'une manière tellement emberlificotée qu'après l'avoir écouté pendant plusieurs minutes on n'est pas plus avancés. Je lui demanderais de nous dire franchement et clairement si, oui ou non, son gouvernement favorise l'insertion d'un article comme l'article 28 du projet de charte fédéral. Son gouvernement est-il favorable à cet article ou non? Il a signé assez de choses, il aurait pu signer celle-là aussil

Des voix: Ah! Ah!

M. Ryan: Deuxièmement, je rectifie pour commencer l'impression erronnée qu'a pu créer le premier ministre. Dans les propositions que nous avions faites le 8 novembre dernier, nous laissions la porte grande ouverte à toutes les revendications légitimes qui pouvaient être présentées. Si le premier ministre sait négocier mieux qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant, il pourrait très bien, à l'aide de ces propositions, aller chercher une compensation financière presque totale. Je lui ai demandé hier de répondre à un petit point. Il y a l'aspect de l'égalité que j'ai soulevé hier. Il y en a peut-être qui sont insensibles au problème de l'égalité pour tous les Canadiens. Nous autres, cela nous préoccupe aussi et on voudrait avoir une réponse claire de ce côté-là. Je demande seulement au premier ministre, à la suite...

Une voix: ... les francophones hors Québec.

M. Ryan: ... de sa réponse, deux petits points additionnels. D'abord, ce qu'il a dit veut-il dire qu'au Conseil des ministres on considère dans un esprit positif la suggestion faite par M. Clark? Deuxièmement, le premier ministre est-il prêt à endosser les propos qu'aurait tenus sur les ondes d'une station radiophonique de Québec aujourd'hui le député de Taschereau disant que, lui, il approuvait l'insertion dans la charte des droits canadienne d'une clause favorable à l'égalité des sexes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Guay: M. le Président...

M. Lévesque (Taillon): C'est vrai que...

M. Guay: M. le Président, je m'excuse auprès du premier ministre. Le chef de l'Opposition n'était probablement pas à l'écoute de la station CKCV où j'étais avec son collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys. Ce que j'ai dit très clairement, c'est que, personnellement, quant à moi, je trouvais, sous une réserve que je vais expliquer, qu'une clause sur l'égalité des sexes ne fait pas de problème, sous réserve que cela puisse permettre - et cela, le chef de l'Opposition ne semble pas l'avoir compris sous réserve, dis-je, que cela puisse permettre à un gouvernement, celui-ci en particulier, d'avoir ce qu'on appelle des politiques de discrimination positive qui pourraient être interdits, et cela a été le cas aux Etats-Unis à cause de la charte fédérale des droits aux Etats-Unis, sous réserve qu'on puisse le faire et qu'une telle disposition ne vienne pas l'interdire comme cela pourrait fort bien le faire.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Le mot "emberlificoter", M. le Président, m'est venu à l'esprit. Je l'ai employé et j'ai bien dit sauf tout respect pour ce qui est de la lettre de M. Clark, parce qu'elle demandait vraiment d'être étudiée, qu'il fallait consulter pour être bien sûr de ce que signifiait la proposition. Le mot "emberlificoter" m'est venu à l'esprit, je dois le dire, depuis que j'ai entendu, en m'excusant de mon absence, une partie de son discours, mais le chef de l'Opposition s'est tortillé pendant une heure et demie hier pour ne pas répondre franchement sur le fond de la motion qui est devant la Chambre.

M. Ryan: Sur une question de privilège. M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une question de privilèqe.

M. Ryan: Cela paraît que le premier ministre était absent quand j'ai parlé, parce qu'il aurait compris, s'il avait été présent.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): En fait, on a très bien compris, oui. Cela a pris au chef de l'Opposition une heure et demie d'entourloupettes pour passer à côté du fond de la question, d'une façon...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): ... pour passer à côté du fond de la question, d'une façon qui signifie simplement ceci: c'est que cela lui est impossible, parce qu'il faut d'abord préserver, empêcher de voler en éclats le Parti libéral provincial et les droits de l'Assemblée nationale et du Québec tout entier, cela vient après. Cela, on l'a très bien compris. On a même pris acte, M. le Président, de ce que cela signifiait.

Des voix: Bravo!

M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est maintenant de la question sur laquelle est revenu, après un deuxième préambule qu'on ne peut pas laisser passer comme ça, quand même, le chef de l'Opposition, l'égalité des sexes. Il y a certaines - je dois le dire tel qu'on le pense parce qu'on a commencé à étudier ça pour vrai, de nouveau implications, un peu celles que vient d'évoquer le député de Taschereau. Quand j'ai dit qu'on était prêt... De toute façon, ça doit venir après les conditions minimales qui nous concernent. Voici pourquoi je dis que ça doit venir après. Dans le reste du pays, ils ont fini par décider - et Dieu sait qu'il y a eu du tordage de bras, on le sait - entre eux que c'était déshonorant l'attitude qu'ils avaient prise vis-à-vis de l'égalité fondamentale des sexes, des femmes, et des droits des autochtones. Ils ont fait une sorte d'arrangement plus ou moins bâtard en ce qui concerne les autochtones; on a les quelques premières réactions. Deuxièmement, ils ont finalement ouvert la porte du côté des droits féminins.

En ce qui concerne le Québec, ces deux sujets ne posent pas de problème de principe. D'aucune façon. On est en avant du reste du pays, et depuis un bon bout de temps, par notre propre charte des droits qui a primauté sur toutes nos autres lois. Alors, ce qui, pour nous, reste primordial, c'est que les droits du Québec, comme peuple tout entier, et de son Assemblée nationale, quant à nous, c'est minimal; c'est ça qui est le fond de la motion. Pour le reste, comme je l'ai dit au chef de l'Opposition, on est parfaitement prêt à en discuter et voir comment ça peut s'ajuster en tenant compte du fait qu'aucun enchâssement des droits - une fois qu'on aura vu les implications de l'article 15, de l'article 28 et d'un autre, finalement, qui joue là-dedans - aucune de ces implications ne puisse d'aucune façon faire reculer les femmes du Québec par rapport aux progrès qu'elles ont faits en vertu de notre charte.

Le Président: Sans préambule, courte question additionnelle. Sans préambule.

M. Marx: Sans préambule, c'est une question complémentaire.

J'ai compris que le premier ministre a dit que s'il peut s'entendre avec le gouvernement fédéral, il serait prêt à enchâsser les droits des femmes du Québec dans la constitution. Est-ce que c'est vrai ou faux?

M. Lévesque (Taillon): Après examen de toutes les implications.

M. Marx: Mais pourquoi toutes les implications? Est-ce que vous êtes pour l'enchâssement des droits ou contre l'enchâssement des droits? C'est une question simple.

M. Lévesque (Taillon): À toutes fins utiles, le député de D'Arcy McGee, qui est suffisamment juriste pour savoir de quoi je parle, doit savoir que non seulement, pour autant qu'il s'agisse des pouvoirs qui existent au Québec et dont nous disposons, les droits des femmes sont enchâssés par notre propre charte pour le Québec mais qu'ils sont en avant de tout le monde.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre la Justice, sur une question de règlement, de privilège ou un complément de réponse?

M. Marx: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Question de règlement auparavant et, par la suite, M. le ministre de la Justice, je vous reconnaîtrai. Sur une question de règlement, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le premier ministre a répondu que je dois comprendre que les droits des femmes, au Québec, sont protégés dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Puis-je rappeler aux députés des deux côtés de la Chambre qu'une simple différence d'opinions entre collègues de l'Assemblée nationale ne constitue pas et n'a jamais constitué une question de règlement?

M. le ministre de la Justice, pour un complément de réponse.

M. Bédard: M. le Président, le chef de l'Opposition semble mêlé dans les chartes et les effets qu'elles peuvent avoir l'une par rapport à l'autre. Vous savez très bien une chose - M. le premier ministre l'a dit et tout le monde le sait au Canada - c'est que la charte la plus avancée concernant l'égalité des sexes, c'est celle du Québec. Premier point.

Deuxième point, je pense qu'avant de

poser un geste - le député de D'Arcy McGee devrait le savoir - il est important de très bien savoir quels seront les effets d'une charte fédérale enchâssée qui donne moins de droits aux femmes que la charte des droits du Québec en donne, parce que, s'il fallait que la charte fédérale ait prépondérance sur les chartes provinciales, si on l'acceptait, ça voudrait dire qu'on enlèverait des droits aux femmes du Québec. Cela, on ne l'acceptera jamais. (15 h 40)

M. Ryan: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une guestion de privilège.

M. Ryan: Je considère que le ministre de la Justice induit la Chambre en erreur lorsqu'il veut laisser entendre que nous voudrions enlever des droits aux femmes. Nous voulons leur en donner et leur en garantir.

M. Bédard: Question de privilège.

Le Président: M. le ministre de la Justice, sur une question de privilège.

M. Bédard: Je n'ai jamais dit que les intentions du chef de l'Opposition et de l'Opposition - on va être honnête de ce côté-ci, ce que vous n'êtes pas - étaient d'enlever des droits aux femmes du Québec. Je pense que le chef de l'Opposition a la même préoccupation que nous. Ce que je dis, c'est que le chef de l'Opposition, sans s'en rendre compte, est en train, justement, de mêler la population, parce qu'il sait très bien qu'à partir du moment où la charte fédérale a prépondérance sur les chartes provinciales, l'accepter, ce serait des droits qu'on enlèverait aux femmes du Québec. Alors, réfléchissez avant de parler.

Des voix: Bravo!

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le Président.

Le Président: II y a deux questions de privilège à ma gauche. M. le leader, est-ce que je dois vous reconnaître en premier?

M. le leader de l'Opposition, sur une question de privilège.

M. Levesque (Bonaventure): Je vais être très bref. Je vais référer aux propos du ministre de la Justice qui, comme je l'espère, a l'intention d'éviter la confusion. Ma question de privilège est celle-ci. Lorsque le ministre de la Justice parle d'une charte fédérale et d'une charte québécoise, à ce moment-là, M. le Président, il induit la Chambre et la population en erreur. Il y a une charte fédérale présentement. Il y a une charte provinciale. Mais ce dont on parle, c'est d'une charte constitutionnelle et non pas d'une loi statutaire.

Des voix: Oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je remarque que depuis quelques jours, les questions de privilège sont très populaires, mais j'inviterais les députés à relire les articles 49 et suivants de notre règlement. Je pense qu'il ne faut pas abuser des questions de privilège. Sans nommer quiconque, je dois vous dire que, depuis quelques jours, on en abuse des deux côtés de la Chambre et je demande votre collaboration, s'il vous plaît!

Question principale...

M. Marx: Question de privilège. Des voix: Ah!

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee, sur une question de privilège.

M. Marx: J'ai une question de privilège et je veux m'expliquer deux minutes, moins de deux minutes. Le ministre...

Une voix: ... question de privilège.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Question principale, Mme la députée de L'Acadie.

M. Marx: Question de privilège.

Le Président: Question principale, Mme la députée de L'Acadie.

Une voix: Thanks a lot.

Le Président: Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.

Une voix: You are a former professor. Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Lavoie-Roux: M. le Président. Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Parlez donc en français!

Une voix: Speak white!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai reconnu Mme la députée de L'Acadie.

L'état des négociations avec les omnipraticiens

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le

Président. Je ne voudrais pas jeter de l'huile sur le feu, mais si cela peut vous consoler -je me réjouis de ce que j'appellerais une session historique - c'est la première fois que je vois tous mes collègues de l'Assemblée nationale, d'un côté comme de l'autre de la Chambre, défendre les droits des femmes de cette façon.

Des voix: Bravo!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Le ministre se rappellera que peu de temps avant le référendum, les fédérations de médecins acceptaient de prolonger l'entente ou les ententes qu'ils avaient signées jusqu'en mai 1981. Je pense qu'à ce moment-là, tant le gouvernement que les fédérations étaient satisfaits. Depuis mai dernier, nous avons interrogé le ministre sur les problèmes créés dans les services de santé par l'insuffisance des effectifs dans les régions éloignées et, plus récemment, sur le problème du ralentissement de travail des anesthésistes omnipraticiens dans certaines régions du Québec. Encore aujourd'hui, ces deux problèmes n'ont pas été réglés.

Aujourd'hui, l'ensemble des médecins omnipraticiens du Québec, pour protester contre la lenteur des négociations et également à la suite du dépôt du projet de loi no 27 qui contient certaines dispositions prévoyant la possibilité du gouvernement d'intervenir du moins dans certains secteurs par un décret, ont décidé de tenir une journée d'étude lundi prochain, c'est-à-dire que 5000 médecins du Québec seront en journée d'étude.

Le ministre peut-il, aujourd'hui, faire le point sur l'état des négociations avec, premièrement, la Fédération des médecins omnipraticiens et, deuxièmement, avec les omnipraticiens anesthésistes? Dans chacun des cas, peut-il nous indiquer combien de rencontres ont été tenues entre le ministère des Affaires sociales, ou les négociateurs du gouvernement, et les fédérations? Dans le premier cas, c'est la Fédération des médecins omnipraticiens. Troisièmement, peut-il nous dire s'il y a des indications qu'on ne pourra pas régler selon le recours habituel ou le déroulement normal des négociations, ou en arriver à une entente, pour qu'il ait senti le besoin de recourir, en plein cours de négociations, à cette possibilité de décret qu'il pourrait exercer si on n'en arrive pas à une entente?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): Si on me le permet, en réponse au long préambule de la députée de L'Acadie, j'aimerais rappeler certains éléments. J'ai, en effet, pris connaissance du communiqué de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec qui a été rendu public hier et dans lequel elle rappelle qu'elle partage les grands objectifs contenus dans le projet de loi qui, comme on le sait, ont trait à l'accessibilité des soins, à la répartition des médecins sur le territoire, à l'implication des médecins au niveau des établissements et à différents mécanismes qui impliquent une gestion rationnelle de l'utilisation des ressources dans les hôpitaux.

Par ailleurs, la fédération a laissé savoir qu'elle avait des réserves sur les moyens au niveau de cette loi en faisant valoir que le ministre se donnait des pouvoirs de décret. Je crois comprendre qu'il y a peut-être une exagération de la portée de certains articles dans l'interprétation qu'en fait la FMOQ. Les pouvoirs que le ministre se donne en vertu de la loi, en termes de décret, ou que le gouvernement se donne en vertu de la loi touchent exclusivement le tarif applicable aux nouveaux entrés dans le système de la Régie de l'assurance-maladie, c'est-à-dire les gens qui adhèrent pour la première fois au système de rémunération et seulement après un échec des négociations, dans ce cas-là, donc, c'est assez limité; par ailleurs, des pouvoirs de décret dans les cas où la santé publique est en péril, ce qui, soit dit en passant, me paraît un anachronisme dans nos lois, que le gouvernement lui-même ne soit pas doté d'un minimum d'éléments lui permettant de régler les problèmes de la santé publique alors que le Code du travail le prévoit déjà pour d'autres choses. En ce sens-là, ce sont les pouvoirs de décret et les seuls dont on parle comme étant des pouvoirs de décret.

Quant à la notion de bureaucratisation de la médecine qu'on a évoquée, bien au contraire, la loi va dans le sens d'une prise en charge et d'une plus grande responsabilité des médecins entre eux-mêmes dans la médecine d'établissement et jamais je n'accepterai, tant que je serai responsable du ministère des Affaires sociales et de la santé au Québec, que les fonctionnaires interviennent dans la relation entre le patient et le médecin. La médecine est une affaire qui regarde les médecins et il faut non seulement conserver ce principe, mais également le consacrer dans certaines choses, dans certaines interventions que les médecins eux-mêmes peuvent faire en établissement. Je pense qu'il y a une place pour discuter de tout cela et cette place, c'est la commission parlementaire qui aura lieu, comme on le sait, les 8, 9 et 10 décembre prochains. (15 h 50)

Quant à la négociation, j'ai évoqué, au moment du dépôt du projet de loi, certains des grands principes et des grands mandats. Puis-je me permettre de faire un rappel très bref de cette chose? La dernière convention collective a connu son expiration il y a cinq

mois. Celle qui l'avait précédée avait pris quatre ans à se négocier. Cinq mois après l'expiration, j'ai eu l'occasion de révéler sur la place publique les grandes orientations quant aux mandats, orientations comprenant -en termes de négociations, encore une fois, non pas dans la loi - que certaines activités ou certaines catégories de spécialistes pourraient être à honoraires fixes; préciser et mettre à jour certains des éléments qu'on trouve dans ces conventions; favoriser, par différents régimes de primes, la médecine en régions au Québec pour les citoyens de ces régions; finalement, rémunérer - il reste à discuter comment - les activités administratives des médecins dans les établissements. Je pense que tout ça on peut en discuter dans un contexte qui n'est pas facile, on le sait. C'est celui que le gouvernement n'a pas tellement d'argent. Je pense que c'est un secret de polichinelle. Les médecins en savent quelque chose; compte tenu de leur niveau de revenus, ils sont abondamment taxés. Ils savent que l'État n'a pas tant d'argent que ça. C'est évident que cela ne fait peut-être pas l'affaire des médecins comme d'autres dans les secteurs public et parapublic de savoir que nous entrons dans une époque d'une certaine austérité sur le plan des dépenses publiques, y compris au chapitre de la rémunération de ceux qui émargent au budget de l'État.

Il y a une place pour ça. C'est la table de négociations, pas ailleurs. Quant aux attitudes, puis-je me permettre de faire remarquer que l'Association des médecins omnipraticiens de Montréal publiait tout récemment un bulletin qui s'appelait: Contester d'abord, négocier ensuite. Je ne sais pas si on veut nous reprocher à nous, franchement, de ne pas négocier. Nous sommes prêts. Nous avons les mandats et ils ont été évoqués publiquement. Certaines choses contenues dans la loi sont reliées à l'ensemble de l'activité médicale et peuvent intéresser les médecins. Encore une fois, ils pourront venir nous le dire en commission parlementaire.

Finalement, sur cette question qui touche les omnipraticiens anesthésistes, je pourrai donner les chiffres d'ici la fin de la période des questions. C'est un dossier que j'avais avec moi hier, mais je ne l'ai pas ici. Nous avons effectivement eu une série de rencontres avec eux. La dernière remonte à la semaine dernière. Au moment du dépôt du projet de loi, j'ai parlé au président du syndicat, le Dr Czitrom, pour lui dire qu'à mes yeux cela n'empêchait pas que nous puissions nous asseoir et régler le problème des 19 omnipraticiens anesthésistes dans le cadre d'un mandat précis, dans le cadre de l'entente existante, mais qu'on n'essaie pas de traverser toute la question de la répartition des médecins en régions à partir de ces 19 cas. Nous demeurons prêts à le faire. Il appartient maintenant au syndicat de nous répondre à la table des négociations, où nous sommes prêts.

Le Président: Question additionnelle, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre dit que la possibilité de décret ne s'applique qu'à une section particulière, soit les nouveaux médecins entrant sur le marché du travail. Je ne voudrais pas entrer là-dedans, la question ne me le permet pas, mais juste une rectification: Le ministre peut aussi à titre expérimental rendre applicable, par un arrêté qui tient lieu d'une entente, le mode de rémunération de certains professionnels à l'intérieur des établissements. C'est aussi une autre disposition qui est dans la loi. J'ai posé une question précise au ministre. Je lui ai demandé: Combien de rencontres avez-vous eues avec la Fédération des médecins omnipraticiens depuis que l'autre entente est devenue échue? C'est d'un commun accord que vous l'aviez prolongée jusqu'en 1981. Est-ce que le ministre des Affaires sociales, qui a été aussi ministre du Travail, trouve habituel ou régulier, alors qu'on est en négociations puisqu'il a parlé d'une table de négociations et de mandats, d'intervenir par le truchement d'une loi. Je ne mets pas de côté les bons éléments de la loi, on y reviendra en d'autres occasions. Mais il met de côté, en somme, les négociations, s'il n'a pas d'indication qu'elles vont bloquer immédiatement, et qu'il intervient avec les possibilités de décret précises à l'intérieur de la loi 27.

Le Président: M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Évidemment, la marge reste. Écoutez, on est toujours en négociations. On le ferait le lendemain de la signature d'une entente, puisque la loi dispose de certaines matières notamment quant à des instruments que l'État se donne pour régler le problème de la répartition des médecins en région de Québec sans affecter pour autant...

Mme Lavoie-Roux: Négociez d'abord!

M. Johnson (Anjou): Oui, mais il faut bien voir que la loi par définition, puisqu'elle touche à des choses qui ont toujours été négociées, même si ça fait qu'on n'a pas toujours réglé le problème parce que c'était toujours négociable... Il est bien évident qu'on peut nous reprocher d'intervenir dans le processus. On pourrait nous le reprocher le lendemain de la signature de l'entente aussi. En ce sens, il s'agit d'être cohérent. Il s'agit de voir qu'il y a là non pas une volonté d'empêcher la négociation de se

tenir, mais de préciser certaines règles, et ces règles, encore une fois, n'affectent pas de façon fondamentale les contenus des négociations, à l'exception de ce qui touche les médecins en région, d'une part, où encore une large partie reste à négocier et est négociable en vertu de la loi et, deuxièmement, le rôle des médecins dans les établissements. Cela va dans le sens, carrément, d'un accroissement des prérogatives, d'une responsabilisation collective des médecins à l'égard d'eux-mêmes dans l'établissement, parce qu'ils se sentent - ma foi, avec raison, dans bien des cas - passablement aliénés de ce qui se passe dans certains des établissements où ils ont très peu de préhension sur les choses qui les touchent de près.

En ce sens, je pense que c'est sans doute caricaturer considérablement que de dire qu'on change les règles du jeu et, dans la mesure où il n'y a jamais eu de règles de faites, d'en établir. C'est vrai que c'est changer une situation, mais on établit des règles à l'égard de certaines choses qui apparaissent fondamentales et qui semblent relever de l'intérêt public et de la santé publique, dans le sens de l'intérêt de l'ensemble des citoyens. Je suis convaincu que les médecins pourront y participer.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une question additionnelle.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, question additionnelle.

M. Levesque (Bonaventure): J'ai bien écouté le ministre des Affaires sociales, mais je n'ai pas tout à fait eu une réponse à des situations précises. Par exemple, au seul hôpital que j'ai dans mon comté, l'hôpital de Maria, les anesthésistes omnipraticiens ne fonctionnent plus. Donc, l'hôpital est désorganisé et cela, depuis quelques semaines. Le ministre est-il conscient de cela, va-t-il permettre que cela se poursuive et pour combien de temps?

Le Président: M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'à l'égard de la population de Maria qui est desservie par cet hôpital, il est bien évident que la situation qui s'étire à l'égard des omnipraticiens anesthésistes contient les germes de ce qui pourrait devenir une situation dangereuse, possiblement, malgré les efforts qui ont été faits et le fait que, dans les cas d'urgence, on m'a informé que les services étaient assurés.

Est-ce que ce n'est pas justement un exemple concret qui justifie le genre de mesures qu'on introduit? On dit: Quand il y a un péril à la santé publique, est-ce que tout cela devrait rester éternellement négociable? Nous répondons non au nom des citoyens.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de L'Acadie, une dernière question additionnelle.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre doit me donner quelques autres réponses, des chiffres plus précis. Peut-il me dire s'il y a eu des ouvertures ou des négociations faites dans le cadre de la loi 84 qui prévoit que, par entente, depuis que cette loi a été adoptée en 1969...Y a-t-il eu des ouvertures et des négociations avec les fédérations pour en arriver à adopter des mesures concrètes et constructives pour les régions éloignées, ou s'il n'y en a pas eu? Parce que ceci est dans la loi.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): Finalement, de quelque façon qu'on le regarde, sous quelque côté de la loupe qu'on le situe ou de quelque côté de la Chambre qu'on l'envisage, il semble évident qu'en fin de compte, on parle d'argent. Que ce soit la loi 84, le projet de loi 27, les mandats de négociation ou toute autre demande syndicale, cela se résume à une chose: de l'argent. Les mandats de négociation, non seulement dans le cadre de l'entente à renouveler et des grands objectifs de cette négociation qui commence réellement, mais également dans le cas des anesthésistes omnipraticiens, impliquent de l'argent. Nous avons mis de l'argent sur la table pour régler ce problème. Il n'y en avait pas assez, semble-t-il, d'une part. Nous avons été prêts et nous avons continué à négocier. Par ailleurs, de son côté, le syndicat a insisté quant à la technique utilisée pour la rémunération. Or, cette notion de la technique utilisée pour rémunérer ces 19 personnes touche toute la question de la répartition des médecins sur les territoires pour l'ensemble des régions du Québec. Nous pensons que ce n'est pas dans le cadre du règlement du cas de 19 médecins que tout cela doit être fait, mais à la table, dans le cadre des objectifs généraux que j'ai rendus publics récemment.

Mme Juneau: C'est à mon tour! Des voix: Ah! Ah!

Le Président: Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci.

Des voix: Bravo! (16 heures)

Levée des contingents à l'importation des chaussures de cuir

Mme Juneau: M. le Président, depuis le printemps dernier que j'essaie de poser une question. Je ne peux pas comprendre comment cela fonctionne mais, en tout cas, ce n'est pas la même question parce qu'elle a été réglée favorablement.

Ma question d'aujourd'hui s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. J'ai appris par les journaux ce matin que le fédéral était pour mettre fin au contingentement de la chaussure de cuir, malgré les protestations des manufacturiers, des syndicats et des travailleurs de mon comté de Johnson qui travaillent dans l'industrie de la chaussure de cuir, ainsi que du député de Richmond qui a plusieurs travailleurs. Je voudrais savoir si le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec va essayer de faire réviser la décision prise par le ministre de l'Industrie et du Commerce d'Ottawa pour préserver nos emplois parce que, franchement, on a beaucoup de chômage, ce n'est pas le temps d'en ajouter. Il faudrait bien qu'on fasse quelque chose, nous du Québec, si le fédéral n'est pas capable de le faire.

Le Président: M. le ministre. M. Biron: M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, je remercie Mme la députée de Johnson de l'intérêt qu'elle manifeste constamment pour les travailleurs et les entreprises de son comté.

Des voix: Travailleuses.

M. Biron: Travailleuses aussi, bien sûr. M. le Président, j'ai appris hier matin avec consternation cette décision complètement irresponsable et aberrante du ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce, M. Gray, décision qui, d'après le gouvernement du Québec, d'après les manufacturiers de chaussures du Québec, d'après les syndicats et des travailleurs et des travailleuses dans le domaine de la chaussure au Québec, sera complètement catastrophique pour environ 80 entreprises du Québec et 6600 emplois.

Il est question, M. le Président, d'enlever complètement les contingents sur les chaussures de cuir qui entreront au Canada. Lorsqu'on songe qu'au Québec 90% à 95% de notre production dans la chaussure, c'est de la chaussure de cuir, on peut s'imaginer ce qui va arriver lorsqu'on laissera entrer à pleine porte des chaussures de Taiwan, de Hong Kong et d'un peu partout dans le monde.

M. le Président, il y a déjà un an mon prédécesseur, Yves Duhaime, a écrit au ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce pour lui demander de conserver les contingents pour une période de cinq ans. Il y a quelques mois, à la fin de mai, j'écrivais à M. Gray pour lui demander la même chose. Tout ce qu'on a eu, ce sont des accusés de réception. Dernièrement, il y a un mois, avec mon collègue, le ministre d'Etat au Développement économique, nous avons fait parvenir un télégramme à M. Gray lui demandant de prendre une décision en faveur du maintien du contingentement pour protéger les entreprises et les emplois que nous avions au Québec dans ce domaine. Pour toute réponse, au dernier télégramme en particulier - les autres, c'étaient des accusés de réception - hier matin, on a reçu un télégramme nous avisant de la décision du ministre Gray de faire en sorte que des entreprises du Québec, en particulier, puissent mourir à petit feu, parce qu'on va laisser rentrer des chaussures de l'extérieur et les travailleurs, les travailleuses du Québec perderont leur job.

M. le Président, en plus, le tribunal "antidumping" fédéral, tribunal fédéral qui n'est un tribunal ni québécois, ni péquiste, disait ceci à M. Gray il n'y a pas tellement longtemps. Le tribunal disait: "Les chaussures de cuir importées de ces pays, les pays en voie de développement, font maintenant directement concurrence aux chaussures canadiennes à prix moyen qui représentent environ 90% de la production. En l'absence de contraintes à l'importation, la capacité de l'industrie canadienne à conserver sa part actuelle du marché, soit la moitié de ce dernier, serait gravement menacée et il est fort douteux que cette situation serait différente dans cinq ans."

M. le Président, surtout après que le gouvernement du Québec a fait un effort immense au cours des trois dernières années, grâce au programme Innovation chaussure, grâce à la SDI, grâce à la baisse de taxe sur la chaussure, grâce à la promotion de l'exportation des produits de la chaussure en particulier, lorsque le gouvernement fédéral et les "free traders" veulent aider l'Ontario, je répète que cette décision est complètement irresponsable.

Le Président: À l'ordre!

M. Biron: M. le Président, je répète que cette décision est complètement irresponsable. Cette décision a été prise sans aucune consultation avec le gouvernement du Québec. Chaque fois que nous avons voulu communiquer avec le gouvernement d'Ottawa, il n'y a pas eu moyen d'avoir de consultation. La seule nouvelle précise, c'est venu hier matin, lorsqu'on nous a fait part de la décision fédérale. Cela prouve

qu'Ottawa se fout complètement du développement économique du Québec, des emplois et des entreprises du Québec.

Le Président: En concluant, M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Biron: M. le Président, je suis en train de préparer aujourd'hui une lettre à M. Gray, lui demandant d'abord de changer sa décision, d'être un peu moins proontarien et un peu plus proentreprise et protravailleur et protravailleuse du Québec. En dernier lieu, je lui demande d'être complètement responsable pour une fois et de décider en faveur des entreprises et des travailleurs.

Le Président: Question principale, M. le député de Viau, sans additionnelle.

Suspension des cours

au Centre de l'enseignement

vivant

M. Cusano: M. le Président, à maintes occasions, dans cette Assemblée ou en commission parlementaire, le ministre des Finances et d'autres collègues nous ont assuré que les coupures budgétaires n'étaient que des coupures dans le gras.

Ma question sera très brève. Elle s'adresse au ministre de l'Éducation. En juin dernier, les institutions privées pour l'enfance inadaptée, c'est-à-dire le groupe des onze, ont supplié le ministre de l'Éducation de modifier la formule de financement, car celle-ci prévoyait une augmentation de 2% au budget de l'institution et d'autres règlements du ministère les forçaient à verser une hausse de 14% aux enseignants dans les institutions. Les représentants de ces institutions ont, à plusieurs occasions, dit au ministre de l'Éducation que, dans un tel contexte, elles seraient forcées de fermer leurs portes. Le ministre nous rassurait en disant: "Nous rencontrons les institutions et nous sommes en train de négocier une formule." Il continue plus loin en disant qu'il était convaincu qu'on devrait subventionner à 100% les écoles privées, spécialement celles dispensant l'enseignement à l'enfance inadaptée. M. le Président, les représentants de ces écoles ont passé du rôle de prophètes à celui d'oiseaux de malheur. M. le Président, permettez-moi de vous lire un télégramme...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Très brièvement, M. le député de Viau, s'il vous plaît! La période des questions est expirée.

M. Cusano: ... qui était adressé au ministre de l'Éducation et était signé par M. Marcel Saucier, président d'une institution du comté de Viau. "Suite à notre télégramme du 12 novembre 1981, nous nous voyons dans l'obligation de vous annoncer, M. le ministre, que le Centre de l'enseignement vivant doit, à compter d'aujourd'hui, 14 h 30, suspendre ses cours."

M. le Président, ma question est très simple, quelles mesures concrètes prendra le ministre de l'Éducation pour s'assurer que les 80 enfants mésadaptés du Centre de l'enseignement vivant puissent retrouver dans les prochaines vingt-quatre heures leur école ouverte?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, je remercie beaucoup le député pour sa question. Effectivement, nous suivons la situation de très près. J'ai reçu moi aussi, au cours des derniers jours, un télégramme de l'institution le Centre de l'enseignement vivant dont la directrice générale est la présidente de l'Association des institutions privées du Québec et dont le président est M. Marcel Saucier.

Je suis très étonné de la décision qu'a prise cette institution d'annoncer la fermeture de ses activités, car, jusqu'à présent informé, malgré ce qu'elle prétend -et nous en avons eu encore la confirmation aujourd'hui - elle a un crédit bancaire de 100 000 $ qui lui permet de continuer ses opérations.

Deuxièmement, elle a reçu, pour septembre, octobre et novembre, les contributions de la Commission des écoles catholiques de Montréal, soit pour les trois mois qui ne sont pas encore écoulés. Je pense qu'elle se doit de respecter les obligations qu'elle a à l'endroit des parents aussi bien que des enfants et de la commission scolaire. Je crois aussi qu'il ne faut pas sous-estimer le fait que cette institution, depuis plusieurs années, a accumulé un déficit qu'elle a soumis à notre examen et qui est actuellement étudié par le Conseil du trésor afin de voir si nous ne pourrions pas, par une injection de fonds gouvernementaux, pallier ce déficit. (16 h 10)

À cette occasion, j'aimerais bien rappeler qu'il y a onze institutions privées pour handicapés, actuellement: cinq de ces institutions ont accumulé un déficit de 261 000 $, alors que cinq autres ont accumulé un surplus de 447 000 $. Donc, on ne peut en conclure que ce sont uniquement les règles de subvention du gouvernement qui sont à l'origine du déficit actuel de l'institution. Il devrait bien y avoir quelque part des décisions administratives, à l'origine, là d'un déficit, là d'un surplus, qui nous amènent à porter un jugement sur la capacité administrative des institutions.

Quoi qu'il en soit, nous sommes en contact avec l'institution, avec le comité des parents, avec la direction, avec le Conseil du trésor. Nous nous sommes assurés qu'il y a une marge de crédit bancaire, que les activités de l'institution peuvent continuer. Nous savons aussi que, durant ce lundi et ce mardi où l'institution était prétendument fermée, il y a eu des journées d'étude qui n'ont pas incommodé les enfants puisqu'elles avaient été prévues depuis quelque temps.

Étant donné toutes ces conditions, je pense qu'il n'y a pas lieu, malgré l'extrême souci que l'on doit avoir à l'endroit de ces enfants inadaptés, d'entretenir les inquiétudes dont on parle à l'heure actuelle. Si la situation devait rester telle quelle, déjà, des mesures sont en cours au ministère pour que, s'il faut en arriver à cette dernière extrémité, les enfants soient relocalisés dans deux autres écoles pour inadaptés qui ont déjà accepté de les recevoir.

Le Président: Fin de la période des questions.

On m'informe que le ministre des Affaires sociales aurait un complément de réponse.

M. le ministre.

L'État des négociations avec les omnipraticiens (suite)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, en réponse à la question de la députée de L'Acadie quant aux séances de négociation avec les syndicats de médecins, je lui rappellerai que non seulement sommes-nous prêts, voulons-nous, désirons-nous que ces choses se règlent à la table de négociation pour l'ensemble et que ce qui fait l'objet de la loi fasse l'objet normal d'une discussion en commission parlementaire, mais nous avons aussi, au cours des trois derniers mois, grâce à une vingtaine de journées de négociation avec le Syndicat des médecins omnipraticiens, réglé l'entente à l'égard de la question du transport ambulancier à Montréal. Nous avons également réglé la question des honoraires des médecins omnipraticiens faisant du soutien en matière psychiatrique dans la ville de Drummondville et dans la région. De plus, avec les omnipraticiens, à l'égard du dossier des anesthésistes, nous avons tenu huit journées de négociation sur cette question.

Il faudrait bien voir que, peut-être, le contenu des règlements offerts dans le cadre de l'entente existante, ou qui vient d'expirer, ne fait pas l'affaire des vis-à-vis aux tables de négociation, mais nous négocions. C'est bien évident que si ce qu'ils veulent, c'est 100% de ce qu'ils demandent, ce n'est pas ça, négocier. On a offert une base de règlement pour les 19, mais ils ont introduit, au cours de ces jours, des éléments qui débordent la question des 19, qu'on sera prêt à aborder, mais dans le cadre du dossier général. Il y a donc une possibilité de régler le problème des 19 omnipraticiens anesthésistes si le syndicat accepte, à la table de négociation, comme nous le faisons de bonne foi, d'avancer sur les propositions et les échanges, en termes monétaires ou autres, mais pas en s'imaginant qu'en réglant ce dossier, on va régler toute la question des primes, laquelle doit faire l'objet de toute l'étape de négociation en même temps.

Le Président: Courte question additionnelle.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le ministre a l'information en main. Peut-il me donner les dates des dernières rencontres tant au sujet du renouvellement général de l'entente avec les médecins omnipraticiens que celles touchant le problème des anesthésistes omnipraticiens? Les vingt rencontres et les huit rencontres dont il parle, quand ont-elles commencé à se dérouler?

M. Johnson (Anjou): Dans le cas de Drummondville, c'était, si mon souvenir est bon, au cours de l'été, au cours du mois de juillet. Un règlement est intervenu quelque part à la fin de l'été et les arrêtés en conseil confirmant les modifications, à cause du processus qu'on connaît, le Conseil du trésor et le Conseil des ministres, ont pris un certain temps, mais l'entente a été conclue à la fin de l'été.

Dans le cas des ambulances, l'entente remonte maintenant à il y a environ trois semaines à la suite d'une série de négociations assez intensives pendant à peu près un mois, un mois et demi qui l'ont précédée.

Dans le cas des omnipraticiens anesthésistes, je dois dire très honnêtement que ces négociations ou ces échanges ont commencé il y a très longtemps, on le sait, quand le problème a été soulevé la première fois il y a environ un an, un an et demi. Le problème a été renvoyé à un comité, etc., les dernières rencontres ayant eu lieu, à mon souvenir, avec précision, il y a environ quinze jours. Mais cela aussi, disons, est sujet à confirmation et je donnerai confirmation. Il n'y a pas eu de rencontres, en tout cas, depuis une semaine, je peux l'assurer. Il y en a peut-être eu entre les sept et les quinze derniers jours antérieurs à cela.

Le Président: Motions non annoncées. Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre. M. le leader.

Recours à l'article 34

M. Polak: En vertu de l'article 34, M. le Président.

Le Président: M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci. J'ai une question au leader du gouvernement. Il semble qu'un projet de loi a été imprimé qui couvre, entre autres, des modifications au régime d'indemnisation des accidentés du travail. Est-ce que le ministre pourrait me dire quand ce projet de loi sera déposé et compte tenu que des regroupements d'accidentés du travail ont déjà durement dénoncé ce projet de loi par des protestations - ils ont même occupé le local de la commission à Sherbrooke - est-ce qu'une commission parlementaire aura lieu et est-ce que ces gens-là, ces regroupements seront avisés à temps pour se préparer à y venir?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je puis affirmer au député qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi qui sera déposé au cours des deux prochaines séances. Donc, il ne sera pas débattu avant Noël. Il n'y a donc pas péril en la demeure à ce sujet.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader, les avis à la Chambre. En vertu de l'article 34, M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: En vertu de l'article 34, à l'intention du leader du gouvernement. Le premier ministre mentionnait, le 12 novembre dernier, que le mandat du vérificateur concernant l'enquête au Saguenay-Lac-Saint-Jean serait déposé en Chambre. Est-ce que le leader peut nous confirmer que ce mandat sera déposé incessamment?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Oui, M. le Président, si nous le pouvons, dès demain. C'est un oubli, je m'en excuse.

M. Saintonge: Toujours en vertu de l'article 34.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Saintonge: Le premier ministre et le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche mentionnaient également, lors d'une période des questions précédente, que le rapport des comptables vérificateurs concernant le Saguenay-Lac-Saint-Jean - il y avait Montréal également, un rapport concernant le comité organisateur - serait déposé en cette Chambre. Nous avons reçu, en commission parlementaire, le rapport comptable pour le Comité organisateur de la fête nationale, mais pour Montréal et le Lac-Saint-Jean, nous n'avons pas reçu le rapport comptable. Nous avons simplement eu droit à la page couverture en ce qui concerne le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Est-ce que ces rapports seront déposés incessamment également?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Charron: Je demanderais au député la tolérance suivante. Le ministre responsable de ce dossier - je peux m'informer à son cabinet - ne sera pas présent en Chambre cette semaine. Alors, si je ne peux pas demain, ce sera à son retour, au début de la semaine prochaine, M. le Président.

M. Saintonge: D'accord, mais la semaine prochaine...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Nous aurons une commission parlementaire incessamment et il serait important qu'on ait ces documents avant.

M. Charron: Si je peux les avoir demain, je les remettrai demain en son nom.

M. Saintonge: Le ministre a quand même ces rapports depuis plus d'un mois concernant le Saguenay-Lac-Saint-Jean et nous ne les avons pas reçus.

M. Charron: Le Saguenay-Lac-Saint-Jean, oui. Mais concernant Montréal, il l'a depuis samedi et vous le demandez aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je ne voudrais pas que cela dégénère en un débat.

M. Bissonnet: En vertu de l'article 34...

Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34.

M. Bissonnet: ... est-ce que c'est l'intention du gouvernement de déposer, avant les fêtes, le projet de loi sur l'accessibilité à l'information gouvernementale?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Charron: M. le Président, même si c'est en vertu de l'article 34, comme le

ministre des Communications est leader adjoint, je demanderais, qu'on lui permette de répondre à cette question.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bertrand: M. le Président, pour répondre au député de Jeanne-Mance, je dois lui faire savoir que le projet devrait être soumis incessamment à l'attention du Conseil des ministres et, si possible, nous le déposerons avant Noël; sinon, au début de l'année 1982, c'est-à-dire à la reprise de la session en 1982.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement, les avis à la Chambre. (16 h 20)

Avis à la Chambre

M. Charron: Avant de donner les avis à la Chambre, M. le Président, je voudrais solliciter immédiatement un consentement de l'Assemblée. Le Conseil des ministres a pris une décision ce matin, plutôt au tout début de l'après-midi, qui, à nos yeux, en tout cas on verra comment elle sera reçue constitue un développement majeur dans la crise constitutionnelle qui concerne le Québec et Ottawa. M. le premier ministre souhaiterait que l'Assemblée nationale soit la toute première mise au courant de ce développement. Le calendrier et le règlement qui nous auraient obligés à faire parvenir cette déclaration ministérielle avant 14 heures n'a pas pu, dans les circonstances, être suivi. Le consentement que je sollicite est qu'à 18 heures, à la veille d'ajourner nos travaux jusqu'à demain, nous puissions entendre cette déclaration ministérielle et la réplique que le règlement prévoit, bien sûr, en m'engageant à ce que le délai d'une heure prévu au rèqlement soit suivi dans le cas du chef de l'Opposition et qu'il ait donc cette déclaration à son bureau dès 17 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Si je comprends bien, cette motion, que nous allons discuter tout à l'heure et qui est au nom du député de Jean-Talon, ne se terminerait pas normalement aujourd'hui. C'est une motion du mercredi et on sait que, normalement, il y a deux mercredis pour discuter d'une telle motion. Est-ce que le leader parlementaire du gouvernement veut indiquer qu'il permettrait à cette motion d'être débattue la semaine prochaine, mercredi prochain?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Est-ce un troc ou un échange qu'on me propose? Est-ce cela? Non?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Non. L'heure indiquée par le leader parlementaire du gouvernement serait le moment où un vote aurait été pris si la motion était arrivée à maturité, si le débat était à sa fin, mais nous sommes dans une situation assez délicate: Nous avons une motion. Normalement, elle devrait être discutée deux mercredis de suite. Je demande au leader parlementaire du gouvernement s'il a l'intention - il n'y a pas de troc ni de camion, comme on me le dit, dans cet échange - de se prévaloir des dispositions de notre rèqlement pour tout le mois de décembre, incluant mercredi prochain qui, normalement, serait consacré, dans l'après-midi, à la discussion de la motion du député de Jean-Talon.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Charron: Je dois informer le leader de l'Opposition qu'effectivement, j'ai l'intention de profiter de toute la latitude que m'accorde le règlement pour ce qui est de la période de décembre. La motion du député de Jean-Talon demeurera donc au feuilleton ce soir. Il est possible que dans l'organisation de nos travaux, au cours du mois de décembre, nous consacrions l'heure et demie ou les deux heures qu'elle aurait normalement dû recevoir d'attention de l'Assemblée à une autre période. Si le leader de l'Opposition le souhaite, dans l'organisation de nos travaux, il pourra me le proposer au cours du mois de décembre; que ce soit une fin de vendredi soir ou quelque chose comme cela, on sera toujours disponible pour accueillir cette demande.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je dois donc conclure qu'il n'y aura pas de vote ce soir, à 17 h 45. C'est donc dire que nous devrions terminer ce débat quelques minutes avant 18 heures. Si on veut le préciser à ce moment-ci, nous allons collaborer.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Charron: Ce que je proposerais, c'est que nous suspendions ce débat, à la suite du dernier intervenant qui s'exprimera, aux alentours de 17 h 50 et que nous consacrions les 10 dernières minutes de la

séance d'aujourd'hui à la déclaration ministérielle et à la répligue du chef de l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Toujours à la condition, M. le Président, que le chef de l'Opposition ait reçu, au moins une heure à l'avance, le texte de la déclaration ministérielle.

M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est adoptée avec la réserve acceptée de part et d'autre.

M. le leader, aux avis à la Chambre.

M. Charron: Je voudrais rappeler à nos collègues que nous siégerons lundi prochain à compter de 15 heures; chacun devra organiser son agenda en conséquence. Je voudrais rappeler que demain matin, à compter de 9 h 30, à la salle 91-A, il y a réunion de la commission des engagements financiers, et vous prier, M. le Président, d'appeler l'article 1 du feuilleton d'aujourd'hui.

Motion exprimant que le

gouvernement doit cesser

de contribuer à augmenter

davantage le coût de la vie

Le Vice-Président (M. Jolivet): Les affaires du jour, article 1.

Motion du député de Jean-Talon: "Que de l'avis de cette Assemblée, le gouvernement du Parti québécois devrait cesser de contribuer à augmenter davantage le coût de la vie des Québécoises et des Québécois par des mesures comme la hausse de la taxe sur l'essence, la hausse des tarifs d'électricité et la hausse des frais d'immatriculation des véhicules automobiles."

Avant de céder la parole au député de Jean-Talon, j'aimerais faire remarquer aux nouveaux dans cette Chambre, qui n'ont pas eu l'occasion de vivre ces mercredis, que l'article 91 de notre règlement indique que les droits de parole sont de 20 minutes pour les représentants de l'Opposition, de 20 minutes éqalement pour le gouvernement et de dix minutes pour chacun des autres qui voudront bien intervenir.

M. le député de Jean-Talon, vous avez droit de parole.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, on a eu l'occasion de ce côté-ci de la Chambre de signaler au moment du débat sur le message inaugural, ainsi que dans l'amorce du débat sur le budget, que la performance économique du gouvernement du Parti québécois avait conduit à un affaiblissement du Québec. À cet égard, nous avons voulu insister pour dire que l'accroissement du chômage au Québec par rapport à la moyenne canadienne a été de l'ordre de 30% sous cinq ans d'administration du Parti québécois dans la mesure où, en 1976, le Québec comptait malheureusement 22% de tous les chômeurs canadiens. Après cinq ans d'administration péquiste, dis-je, ce chiffre est passé à tout près de 30%. Même chose au niveau des investissements privés à l'intérieur du Canada. La part du Québec au cours des cinq dernières années a baissé considérablement pour atteindre un niveau de l'ordre de 18% ou de 19%. Il en résulte au total - c'est ce qui explique les difficultés non seulement économiques, financières et budgétaires du gouvernement actuel - qu'au niveau de la fiscalité, le rendement des impôts actuels est moins fort et le gouvernement, ayant moins d'argent pour financer ses programmes, effectue, d'une part, des coupures budgétaires extrêmement cruelles à certains égards et, d'autre part, augmente considérablement d'une façon directe ou indirecte le fardeau fiscal des contribuables.

C'est dans cette perspective ou dans ce contexte particulier que l'Opposition a voulu présenter à l'attention de l'Assemblée nationale la motion suivante: "Que de l'avis de cette Assemblée, le gouvernement du Parti québécois devrait cesser de contribuer à augmenter davantage le coût de la vie des Québécois et des Québécoises par des mesures comme la hausse de la taxe sur l'essence, la hausse des tarifs d'électricité et la hausse des frais d'immatriculation des véhicules automobiles."

Nous pensons en effet, comme tout le monde, que la conjoncture économique que l'on invoque avec abondance chez les porte-parole péquistes, cette conjoncture économique québécoise, canadienne et même internationale présente des difficultés certaines pour tous les gouvernements où qu'ils soient. Ces difficultés, on le sait, sont liées à la crise énergétique, à une pression sur les taux d'intérêt et à cette relative récession économique qui caractérise cette conjoncture entre autres certainement sur le continent nord-américain. Cela, nous en convenons volontiers, mais nous comprenons difficilement - au cours de ce débat, c'est le point majeur que nous voulons développer -de la part du gouvernement, que dans la mesure même où cette conjoncture économique rend pour tout le monde, pour les qouvernements comme pour les citoyens, la situation difficile à vivre, il choisisse justement ce moment pour contribuer par ses décisions à restreindre encore davantage la marge de manoeuvre financière des gens. À

cet égard, le gouvernement du Parti québécois, par les décisions qu'il prend, est, à notre avis, dans ce contexte particulier, tout à fait irresponsable. (16 h 30)

Les décisions auxquelles nous référons. Nous pourrions certainement parler des coupures budgétaires, mais nous voulons surtout cet après-midi souligner les augmentations considérables qui ont été ordonnées par le gouvernement du Parti québécois au sujet des impôts, des tarifs d'électricité et tout cela. Au total, la situation objective et drôlement cruelle, à certains égards, que le citoyen doit vivre, c'est de se situer dans le contexte d'une conjoncture économique difficile pour tout le monde, mais, en plus, son gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, diminue les services via les coupures budgétaires et, deuxièmement, rend les services existants de plus en plus onéreux par les charges qu'il impose à l'ensemble des contribuables.

M. le Président, nous pourrions simplement mentionner la promesse toujours non tenue du gouvernement du Parti québécois au titre de l'indexation des tables d'impôt qui, avec une inflation de 10%, 12% ou 13%, rapporte actuellement plusieurs centaines de millions de dollars au gouvernement. Mais ces décisions plus particulières sur lesquelles, par cette motion, nous avons voulu attirer l'attention de l'Assemblée nationale, ces décisions, les Québécois les connaissent, hélas! et ils ont malheureusement à les vivre dans le quotidien. Quelles sont ces décisions? C'est la hausse de la taxe sur l'essence, une augmentation de 20% à 40%, 0,06 $ le litre, que les Québécois connaissent drôlement depuis quelques jours; la hausse des tarifs d'électricité qui s'ajoute à cela, une hausse de quelque 16%; la hausse des frais d'immatriculation des véhicules automobiles, de l'ordre de 60%; la hausse de la taxe sur la bière; la suppression de la réduction des tables d'impôt de 2% qui devait entrer en vigueur au début de l'année 1982. Cela frappe cruellement un nombre considérable de contribuables et cela - faut-il le rappeler? - est la responsabilité directe du gouvernement. Ce sont des décisions qu'il a prises et cela, au moment où les citoyens -les gens le savent très bien - vivent dans le contexte - à cet égard, sans doute que les responsabilités sont partagées - de la hausse du prix des aliments, du vêtement et des coûts du logement que par ailleurs la Régie du logement du gouvernement du Québec ne réussit même pas à contrôler, embourbée qu'elle est dans cet appareil bureaucratique que l'on a créé. Quant à cette situation objective, nous tenons par notre motion à dire au gouvernement bien clairement: Compte tenu des difficultés auxquelles notre économie, celle du Canada et celle du continent nord-américain sont confrontées, nous nous demandons - et nous contestons -si c'est le moment pour le gouvernement du Québec de prendre des décisions qui ajoutent encore à ces difficultés.

Cette attitude du gouvernement nous paraît d'autant plus irresponsable que toutes ces augmentations auxquelles je viens de référer et dont fait état la motion sont des augmentations qui, sur le plan de l'équité pour les citoyens, sont de nature tout à fait régressive, dans le sens suivant: Elles s'appliquent indistinctement aux mieux nantis de la société comme aux moins bien nantis. Il y a là très certainement, M. le Président, une injustice sociale flagrante que l'on doit dénoncer. En effet, faut-il le rappeler, toutes ces augmentations au niveau de l'essence, de l'électricité et toutes les autres frappent les moins bien nantis de notre société. Pour montrer que ce n'est pas simplement un petit groupe, au mois de mai 1981 - c'est tout à fait récent - un organisme gouvernemental, le Conseil de planification et de développement du Québec, adressait au premier ministre un avis pour montrer qu'il y a beaucoup de gens au Québec qui sont dans la catégorie des défavorisés. Cet avis traitait des inégalités socio-économiques pour démontrer l'ampleur du problème, comment la hausse des tarifs d'électricité risque de heurter un nombre considérable de citoyens, comment la hausse de l'essence - le véhicule automobile, aujourd'hui, est un bien essentiel - risque de mettre un nombre important de nos concitoyens dans des difficultés encore plus sérieuses. Le rapport que j'ai devant moi parle de 1 000 000 de Québécois qui actuellement vivent sous le seuil de la pauvreté, dont près de 600 000 arrivent à peine à satisfaire leurs besoins élémentaires. Quand on ajoute des dépenses additionnelles pour ces gens-là, ce sont des gens qui sont frappés par les problèmes.

Deuxièmement, donc, un million de Québécois qui vivraient sous le seuil de la pauvreté. Plus de 500 000 personnes sont assujetties au régime de l'aide sociale et les jeunes chômeurs et les familles monoparentales ainsi que les veuves viennent grossir le rang. Ces gens-là vont devoir assumer les conséquences des décisions néfastes prises par le gouvernement dans une conjoncture économique, par ailleurs, difficile. Sans parler, ce que le conseil ajoute, des quelque 300 000 chômeurs québécois qui, tout en étant privés de travail, doivent continuer de vivre et de pouvoir disposer des moyens financiers pour assumer ces nouvelles hausses. Or, les décisions prises par le gouvernement, et c'est cela que nous contestons, heurtent ces gens-là de la même manière, en chiffres absolus, que les gens qui gagnent 25 000 $, 30 000 $ et 50 000 $. Est-ce que, sur le plan de l'équité, sur le plan de la justice, ce

gouvernement se comporte d'une façon irresponsable? M. le Président, nous disons et nous prétendons par cette motion que le gouvernement n'agit pas d'une façon responsable à cet égard.

Je viens d'évoquer, M. le Président, la situation des moins bien nantis, ceux qui sont vraiment au bas de l'échelle, les laissés-pour-compte de notre société. Je viens d'évoquer cela, mais il y a les travailleurs, des milliers, probablement des centaines de milliers de travailleurs, qui n'ont que le salaire minimum comme revenu, ou encore dont les revenus sont faibles ou moyens. Pensons simplement aux petits propriétaires, aux simples travailleurs, aux petits propriétaires de commerce ou d'industrie, aux petits dirigeants d'entreprise. Eux non plus n'ont pas les revenus mirobolants d'autres classes de la société, mais on les frappe de la même manière. L'augmentation de l'essence s'applique pour les riches comme pour les pauvres; l'augmentation des tarifs d'électricité, de la même manière.

Nous disons, M. le Président, par cette motion que, sur le plan, encore une fois, de l'équité et de la justice, c'est tout à fait inacceptable et cela, sans l'improvisation et l'espèce de budget, selon l'expression même du premier ministre, les décisions budgétaires et financières du gouvernement du Québec actuellement qui sont prises en catastrophe. Le gouvernement est pris financièrement et ce qu'il faut signaler, c'est que, bien sûr, par ces augmentations qui frappent les contribuables, le gouvernement, en partie à tout le moins, règle ses problèmes, mais est-ce que le gouvernement se rend compte qu'il règle ses problèmes sur le dos des gens, qu'il cause des problèmes aux gens, qu'il augmente les problèmes des gens?

M. le Président, il faut ajouter également... Là encore, je vais citer le conseil de planification, dans la mesure où, peut-être, les membres du gouvernement vont dire: Cela c'est de la critique classique de l'Opposition. Je dis que notre critique à l'endroit de ces décisions, je pense que nous avons raison de dénoncer le caractère régressif des mesures, c'est-à-dire tout le monde sur le même pied, riches comme pauvres, tout le monde paie le même montant. Mais encore, si le gouvernement du Québec avait, pour aider les moins bien nantis de notre société, prévu des programmes au niveau de ces hausses d'impôt, s'il avait rendu ces hausses sélectives, c'est-à-dire pour frapper d'une manière moins cruelle les moins bien nantis et peut-être exiger davantage des plus nantis de notre société, ou encore si le gouvernement avait prévu des programmes de crédit ou de remboursement comme il en existe pour d'autres programmes, par exemple, pour les agriculteurs, il existe des crédits pour les personnes âgées, je pense, pour l'impôt foncier, il y a un programme à cet égard, mais non, on n'a rien prévu, cela s'applique brutalement à tout le monde. Cela est le premier élément. (16 h 40)

Deuxièmement, si le gouvernement du Québec avait développé un tant soit peu ces embryons de programme de sécurité du revenu qui existent... Et je dis embryons, c'est-à-dire qu'ils sont tout à fait insatisfaisants en regard des besoins des gens. Cela, je le dis, mais le conseil, un organisme gouvernemental, dit ceci: "Bon nombre de programmes de transfert du revenu sont inefficaces quand ils ne sont pas inéquitables, contraignants et dévalorisants. Ces programmes sont d'ailleurs peu et de moins en moins redistributifs et ont des conséquences malheureuses sur les comportements familiaux et fiscaux. Certains programmes occasionnent des divisions sociales importantes et le passage, pour plusieurs, d'un statut de chômeur à celui d'assisté social accentue les difficultés tant sur le plan personnel que familial. "Les plus démunis - c'est toujours l'organisme qui parle - commencent d'ailleurs à souffrir des coupures budgétaires et des contrôles bureaucratiques ce qui, en l'absence d'une politique de main-d'oeuvre et de plein emploi, élargit davantage les inégalités." Or, le point que nous soulevons cet après-midi, c'est justement que l'ensemble des décisions que j'ai évoquées contribue à élargir encore le fossé entre les riches et les pauvres de notre société et à rendre encore plus inégales et plus injustes les conditions socio-économiques du Québec. Cela, à notre point de vue, c'est totalement inacceptable.

Concrètement, pour les plus démunis qui n'ont pas les moyens financiers, qu'est-ce que le gouvernement se trouve à leur dire par l'ensemble des décisions qui ont eu cours ces derniers temps? Il dit aux gens qui sont les plus démunis - et on a vu que ce n'est pas un petit nombre, c'est un nombre très important - ceci: Vous avez des moyens dérisoires sur le plan financier, maintenant, vous allez payer plus cher pour votre électricité; maintenant, vous allez payer plus cher pour le transport en commun avec la hausse des tarifs de l'essence. On sait que les dirigeants des transports en commun ici, dans la région de Québec ainsi qu'à Montréal, envisagent la possibilité d'augmenter les tarifs. On parle de 20%, 30% et 40% d'augmentation pour les usagers des transports en commun. Ce ne sont pas les plus riches de notre société qui vont être frappés, ce seront les travailleurs et les usagers des transports en commun directement.

Cela, sur le plan social, c'est une chose qui est injuste. Malgré la demande que le député de Rosemont avait faite, le ministre des Transports a évoqué - j'ai lu dans la

Presse que le gouvernement se refusait à aider les commissions de transport en commun. Le gouvernement dit aux moins bien nantis de notre société: Vous avez peu de moyens, on en convient; payez plus cher maintenant pour votre électricité, payez plus cher maintenant pour le transport en commun et continuez, avec les moyens que vous avez et sans qu'on vous en donne davantage, à satisfaire vous-même à vos besoins, besoins aussi essentiels que la nourriture, le logement et le vêtement. Le gouvernement n'apporte aucune espèce d'aide additionnelle aux gens. Même chose pour les travailleurs au niveau de l'automobile.

Plusieurs personnes ici m'ont dit - et on le sait - que bien des gens restent en banlieue. Il y a eu des développements au cours des dix ou quinze dernières années. Les banlieues se sont développées. Alors, quand le gouvernement augmente les frais d'immatriculation, quand le prix de l'essence augmente et que le gouvernement ajoute des taxes pour ces gens-là, ils ont besoin de l'automobile pour venir travailler ici. Souvent, c'est l'épouse qui vient travailler. Il y a tout le problème du retour de la femme au travail qui a besoin d'un véhicule automobile, ce n'est pas un luxe. Or, le gouvernement taxe cela davantage.

Le ministre des Finances ose dire: Les gens qui ont des grosses voitures n'ont qu'à les changer. Tout le monde sait, dans le contexte actuel, surtout les détaillants d'automobiles, que les gens n'achètent pas à cause des taux d'intérêt élevés. Les gens sont pris dans une espèce de cercle vicieux. Pendant ce temps-là, indépendamment de tout cela, les gens ont des difficultés à assumer les frais hypothécaires sur leur maison. Il y a plusieurs entreprises - et je suis allé, avec mon collègue de Vaudreuil-Soulanges, dans la région des Bois-Francs. On a parlé tantôt de l'industrie de la chaussure. Il y a un grand nombre d'industries actuellement qui sont extrêmement fragiles. Dans la région des Bois-Francs, nous avons rencontré des gens de l'industrie du textile où les syndicats et les patrons essaient de trouver des arrangements pour sauver les entreprises.

À cette brutale insécurité, dont sans doute la question des taux d'intérêt - là-dessus, je vais être bien honnête et dire que le gouvernement du Québec n'en est pas nécessairement responsable, n'a d'ailleurs pas la première responsabilité au niveau de la hausse des taux d'intérêt - dans cette conjoncture brutale, le gouvernement ajoute aux difficultés des gens, aux difficultés des travailleurs et aux difficultés des moins nantis de notre société. Nous voulons cet après-midi, dans le cadre de cette motion, de ce débat du mercredi, le signaler à l'attention de nos concitoyens et à l'attention du gouvernement en leur disant essentiellement, M. le Président, et je conclus là-dessus: La conjoncture économigue n'est pas facile pour le Québec, pour le Canada, et même pour l'économie nord-américaine. Mais le gouvernement du Parti québécois doit réaliser - on l'invite à réfléchir là-dessus - qu'il prend, au moment des difficultés de cette conjoncture, des décisions qui rendent encore plus difficile le vécu quotidien des citoyens premièrement, à cause des coupures. On donne donc moins de services à la population et, en général, à ceux qui en ont le plus besoin. Cela, c'est un autre débat, mais on peut l'évoquer.

Deuxièmement, on hausse une quantité considérable d'impôts directs ou indirects, les tarifs de l'électricité et de l'essence, c'est une quantité incroyable, dans un temps extrêmement limité. Encore, si ces hausses étaient raisonnables! Mais ces hausses sont, de toute évidence, excessives. Le troisième point, de 20% à 40% d'augmentation pour l'essence, 60% d'augmentation sur les droits d'immatriculation, 16% d'augmentation des tarifs de l'électricité. Nous disons simplement que le gouvernement devrait réfléchir aux conséquences humaines au lieu de nous livrer simplement les exercices budgétaires comptables, rigoureux ou plus ou moins rigoureux, du ministre des Finances. Il y a des conséquences humaines derrière ça, et le gouvernement du Parti québécois semble s'en foutre, il semble être complètement inconscient de cela. Comme c'est notre devoir, c'est ce que l'Opposition a voulu porter à l'attention de cette Assemblée et à l'attention de nos concitoyens.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, c'est sur une question de règlement?

M. Laplante: Non, je prends la parole, M. le Président.

M. de Belleval: M. le Président, je regrette, mais il me semble que...

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est pour le droit de parole?

M. Laplante: Oui, c'est pour ça, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député, je pensais que c'était sur une question de règlement que vous vous leviez. C'est au député de

Charlesbourg, adjoint parlementaire du ministre des Finances, que je donne maintenant la parole.

M. Denis de Belleval

M. de Belleval: Merci, M. le Président. J'aimerais, dans la courte intervention d'une

vingtaine de minutes qui m'est allouée, essayer de replacer le mieux possible les décisions budgétaires que nous avons prises récemment en matière, par exemple, d'augmentation du coût de l'immatriculation automobile, la hausse des tarifs de l'électricité dont il a été question et d'autres sujets soulevés par le député de Jean-Talon. J'aimerais aussi, dans une deuxième partie, indiquer - ce que le député de Jean-Talon s'est bien gardé de faire -quelles sont les mesures que nous avons prises pour réduire le fardeau fiscal des Québécois. En dernier lieu, j'aimerais indiquer pourquoi, justement, dans la conjoncture actuelle, nous sommes amenés à prendre les décisions que nous avons prises récemment.

Tout d'abord, quand on parle d'augmentation du coût de la vie, je pense qu'il faut réaliser une chose très importante, surtout au moment où les taux d'inflation sont de 10% ou 12% par année et que, par exemple, durant les cinq dernières années, les taux d'inflation ont été d'environ 10% par année, en moyenne. Cette année, on annonce une augmentation du taux d'inflation de 12,5%. La valeur de 1 $ diminue de 10% par année et, quand on parle, par exemple, du dollar de 1975 par rapport au dollar de 1980, ou du dollar de 1976 par rapport au dollar de 1981, on parle d'un billet qui s'est dévalué de 50% dans l'espace de quatre ou cinq ans. C'est ça la réalité. Un billet de 20 $ de 1975 ne vaut plus que 10 $ aujourd'hui.

Par conséquent, quand on parle des augmentations de tarifs pour certaines catégories, il faut se rendre compte que, quand ces tarifs ne font qu'augmenter, par exemple, de 10% ou de 12% par les temps qui courent, en fait, il ne s'agit pas d'une augmentation de coût réel, mais tout simplement d'une compensation pour le coût de la vie. (16 h 50)

C'est le cas, par exemple, des droits d'immatriculation que, depuis cinq ans, nous avions maintenus exactement au même niveau qu'en 1977. Ces taux d'immatriculation ont augmenté, dit-on, de 50% ou 60% cette année, ce qui veut dire qu'à toutes fins utiles, ce qu'on a fait, c'est réajuster ces taux en termes de dollars réels au même niveau qu'ils étaient en 1975 et, pendant ces quatre ou cinq dernières années, les Québécois ont bénéficié d'une réduction réelle du coût d'immatriculation de leur automobile. En faisant la dernière augmentation, enfin, le réajustement, si l'on veut, nous avons tout simplement rattrapé le niveau de l'Ontario en 1981 par rapport aux taux que nous avions. En 1981, nos taux étaient de 23 $ pour une petite voiture, par exemple, une Rabbit fabriquée en Ontario; pendant la même époque, en Ontario, les coûts étaient de 36 $ pour une Rabbit. Pour une Ford Fairmont, par exemple, six cylindres, une voiture classique, nos taux étaient de 31 $; pendant ce temps, en Ontario, ils étaient de 48 $. Pour une grosse Oldsmobile, par exemple, nos taux étaient de 51 $ et, en Ontario, pendant ce temps, ils étaient de 60 $. Autrement dit, nous avons tout simplement rattrapé, si je puis dire, l'inflation. Nous nous sommes mis à peu près au niveau de l'Ontario, mais nous l'avons fait, cependant, de la façon suivante. Nous avons gardé l'augmentation la plus basse possible pour les petites voitures de façon à favoriser les citoyens moins riches et nous avons augmenté beaucoup plus considérablement l'immatriculation pour les grosses voitures, ce qui démontre bien aussi l'espèce de préjugé que nous avons toujours voulu maintenir dans notre structure de taxation en faveur des plus petits par rapport aux gens plus riches.

Cela a été la même chose, par exemple, pour les primes d'assurance automobile en ce qui concerne les dommages corporels. Depuis quatre ans, cette prime n'a pas augmenté, alors que l'inflation a augmenté de 45%. Cela veut dire qu'en chiffres réels, les 85 $ que nous payons aujourd'hui équivalent à peu près à 50 $ de 1978. Nos primes ont, en fait, diminué depuis quatre ans en termes de pouvoir d'achat. Cette année, nous procédons à une augmentation de 12%, ce qui équivaut, à toutes fins utiles, au taux d'inflation. Donc, en chiffres réels, les Québécois ne paieront pas plus pour l'assurance automobile en 1982-1983 que ce qu'ils payaient en 1981-1982.

Je pourrais continuer avec les augmentations de tarifs d'Hydro-Québec. Nous avons discuté longuement de cette question en commission parlementaire. Là encore, le gouvernement a fait en sorte que pour les gens pour lesquels l'électricité est un besoin de base essentiel, l'augmentation nécessaire... Je pense que tout le monde admettait qu'il devait y avoir une augmentation, mais la plus petite possible, et nous l'avons conservée pour les gens pour lesquels les besoins en électricité sont les plus essentiels. Par exemple, pour ceux qui consomment moins de 600 kilowatts, l'augmentation réelle dépasse à peine l'augmentation du coût de la vie, tandis que l'augmentation pour ceux qui consomment davantage, évidemment, se retrouve autour de 16% ou 17%. Évidemment, il y a une augmentation d'environ 16% en moyenne.

Pendant ce temps aussi, comme vous le savez, M. le Président, le pétrole ou l'huile à chauffage augmentera de 21%. Donc, on voit que, malgré tout, nous avons une politique qui vise à garder les tarifs d'électricité le plus bas possible et à les faire augmenter moins rapidement que le pétrole. L'an dernier aussi et cette année,

même, l'augmentation du coût de l'électricité était de 10,6%, c'est-à-dire moins que le taux d'inflation; donc, une diminution réelle. Cette année, pendant ce temps, le coût du pétrole ou de l'huile à chauffage augmentait de 46,8%. Ce qui démontre très bien que quand nous avons la possibilité de prendre une décision sur la tarification, nous nous arrangeons pour prendre la décision la plus favorable possible pour ceux qui sont les moins bien nantis dans notre société. On voit bien, par ailleurs, quand nous sommes soumis aux coûts de l'extérieur, de quel taux d'augmentation il s'agit: 46% pour l'huile à chauffage, cette année, et, l'an prochain, 21%.

Effectivement, au moment où nous nous parlons, dans l'ensemble et malgré ces augmentations, il faut aussi considérer les diminutions d'impôt qu'au fil des années, depuis quatre ou cinq ans, nous avons mises en oeuvre et qui profitent d'abord et avant tout à ceux qui en ont le plus besoin dans notre société. Je voudrais, là-dessus, rappeler rapidement quelles sont les diminutions d'impôt que nous avons consenties aux Québécois, les diminutions les plus importantes étant consenties aux moins bien nantis d'entre eux.

Par exemple, l'impôt sur le revenu des particuliers. Si nous avions maintenu la même structure d'impôt que nos prédécesseurs, savez-vous combien d'impôt de plus paieraient cette année les Québécois? Seulement cette année, en 1981-1982, il s'agit de 1 147 000 000 $ de réduction d'impôt sur le revenu; donc, un impôt progressif qui avantage les moins bien nantis de notre société, ceux qui ont des salaires moins élevés, et qui pénalise davantage ceux qui ont des salaires plus élevés. Les réductions sont de 1 147 000 000 $. Et, on le sait, ces réductions ont surtout avantagé les petits et les moyens contribuables puisque, au contraire, nous avons augmenté quelque peu le taux de l'imposition de ceux qui gagnent plus de 40 000 $.

Si on fait le total, depuis la réforme de 1978 - quelqu'un peut, d'ailleurs, additionner - 245 000 000 $ de réduction d'impôt sur le revenu des particuliers en 1978-1979, 476 000 000 $ en 1979-1980, 764 000 000 $ en 1980-1981 et 1 147 000 000 $ - je viens de le dire - en 1981-1982; je pourrai donner le total pour l'ensemble des données. Je pense que c'est la marque d'un gouvernement social-démocrate qui s'occupe d'abord et avant tout des plus démunis de notre société.

Mais prenons un autre impôt régressif, sur des biens très essentiels, que nous avons aboli: la taxe de vente qui était de 8%, quand nous sommes arrivés ici, en 1976, la plus élevée de tout le Canada et que nous avons abolie graduellement sur des biens essentiels. Donc, des réductions qui favorisent d'abord et avant tout les moins bien nantis de notre société. En 1978-1979, c'est ainsi que nous avons réduit cet impôt indirect des Québécois de 234 000 000 $. Nous avons réduit cet impôt, cette taxe de vente sur les chaussures, sur les textiles, sur les vêtements, sur les meubles, y compris, maintenant, les réfrigérateurs et les cuisinières, des biens essentiels, de 203 000 000 $ en 1979-1980 et n'oubliez pas que c'est l'année du coup de force de 85 $ de M. Chrétien. En fait, la réduction est plus importante que 203 000 000 $. En 1980-1981, 296 000 000 $ et, en 1981-1982, 358 000 000 $ de moins d'impôt régressif, des réductions qui avantagent d'abord et avant tout les moins bien nantis de notre société.

Pendant ce temps, nous avons augmenté quelque peu, par exemple, les taxes indirectes sur le tabac ou sur l'alcool et, on en conviendra, tout le monde sera d'accord pour dire que ce ne sont pas des biens essentiels. Par conséquent, nous nous sommes attardés à donner des réductions qui profitaient aux moins bien nantis. Quant aux augmentations, nous les avons gardées au minimum. Règle générale, nous n'avons fait que compenser l'augmentation du coût de la vie. Le résultat net, bien sûr, c'est que les Québécois, de cette façon, ont économisé plusieurs milliards de dollars. Simplement cette année, si on additionne les 1 147 000 000 $ de réduction de l'impôt sur le revenu et les 358 000 000 $ de la taxe de vente au détail, on est à plus de 1 500 000 000 $ de réduction d'impôt. Sur l'ensemble de la période, c'est de 2 627 000 000 $ de réductions d'impôt dont il est question.

Dans les circonstances, le bilan qu'on peut faire, c'est que nous avons tenté, le plus possible, et nous avons réussi largement à créer enfin au Québec une structure de taxation qui avantage les plus démunis et qui donne un résultat net qui fait que les Québécois, maintenant, paient moins d'impôt au total que si nous n'avions pas fait ces réductions. (17 heures)

Pourtant, cette année, nous sommes soumis à des contraintes extrêmement difficiles: l'augmentation des taux d'intérêt, l'augmentation du taux d'inflation qui grève lourdement le budget du Québec. Là encore, on sait qu'il s'agit de décisions ou de politiques économiques qui relèvent d'un autre niveau de gouvernement. Qu'on pense aussi aux décisions unilatérales du gouvernement fédéral en matière de critères d'admission à l'assurance-chômage qui transfèrent aussi sur notre budget des dizaines de millions additionnels en frais, par exemple, d'assistance sociale. Qu'on pense, finalement, aux réductions des transferts fédéraux en vertu des fameux accords

fiscaux, dont on parle ces jours-ci, qui font que, simplement pour l'année 1981-1982, nous voyons nos transferts réduits unilatéralement par le gouvernement fédéral d'environ 600 000 000 $.

C'est en fonction de l'ensemble de cette image, de ces perspectives qu'il faut considérer, entre autres, l'augmentation récente du prix du pétrole. M. le Président, il faut que l'Opposition soit logique aussi. Elle critique d'abord nos coupures. Elle dit que ces coupures sont excessives. Pourtant, nous avons effectué des coupures de 800 000 000 $. Elle dit aussi que notre déficit est rendu trop élevé. Par conséquent, il ne faudrait pas augmenter notre déficit. Que peut-on faire, alors que nous avons une gestion prudente, que nous plafonnons nos dépenses, M. le Président, que nous réduisons même, par des compressions budgétaires, ces dépenses de 800 000 000 $, qu'il ne faut pas augmenter le déficit budgétaire du gouvernement et qu'en même temps nous sommes soumis à des compressions budgétaires de la part du gouvernement fédéral d'environ 600 000 000 $? Je pose la question à l'Opposition: comment peut-on, dans les circonstances, nous demander de faire l'équivalent, à suivre le raisonnement du député de Jean-Talon, de faire de véritables miracles? Évidemment, c'est absolument impossible.

Si nous n'avions pas eu, entre autres, ces ponctions unilatérales que nous impose le gouvernement fédéral, par exemple, ces 600 000 000 $, nous n'aurions pas été obligés d'augmenter temporairement la taxe sur l'essence. Nous aurions pu réduire davantage, entre autres, les impôts des Québécois ou, au contraire, ne pas réduire d'autant les dépenses gouvernementales, comme nous avons dû le faire, d'environ 800 000 000 $. Malheureusement, ce n'est pas la situation dans laquelle nous sommes. Nous avons donc choisi d'avancer d'un an l'augmentation sur le pétrole, qui est déjà décrétée, de toute façon, aussi par le gouvernement fédéral, comme on le sait.

On peut critiquer cette décision. Peut-être que le député de Jean-Talon pourrait nous dire: Écoutez, au lieu de faire ça, vous auriez dû augmenter le déficit. Vous auriez dû emprunter davantage. Mais ce n'est pas ce qu'il nous a dit. Il aurait pu nous dire: Vous auriez pu peut-être augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers, à la place, parce que ce serait mieux d'augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers plutôt que d'augmenter la taxe sur le carburant. Il aurait pu nous dire: Écoutez, non, vous auriez dû peut-être augmenter l'impôt des compagnies. Ils nous ont blâmés d'ailleurs, il y a quelques mois, quelques semaines, lors d'un débat, d'avoir augmenté les impôts des compagnies. Mais, au fond, ce que le député de Jean-Talon nous dit, c'est que c'est épouvantable qu'il y ait des augmentations d'impôt, mais qu'on ne devrait pas augmenter le déficit et il nous laisse absolument sans solution de rechange. C'est facile dans les circonstances, M. le Président, de critiquer purement négativement, démagogiquement, mais de ne proposer aucune solution de rechange, sachant fort bien que, finalement, les difficultés dans lesquelles nous sommes sont causées essentiellement par une politique délibérée du gouvernement fédéral. Évidemment qu'il ne peut pas, M. le Président, entrer sur ce terrain; on sait les raisons pour lesquelles il ne peut pas entrer sur ce terrain. Je veux déposer en cette Chambre, M. le Président, un tableau qui démontre très bien que, depuis 1977-1978, les ponctions régulières du gouvernement fédéral qui se chiffrent maintenant par 1 222 000 000 $ dont 600 000 000 $ simplement pour cette année; l'an prochain, cette ponction sera de 1 460 000 000 $. Autrement dit, si nous n'étions pas soumis à ces ponctions, il n'y aurait pas d'augmentation du taux de taxation sur les carburants, nous pourrions nous passer de cette augmentation et il nous resterait encore 300 000 000 $ de jeu pour réduire davantage les impôts des Québécois ou réduire notre ponction sur les dépenses publiques comme nous l'avons fait. Là-dessus, qu'on ne vienne pas me dire ensuite que nous sommes pris dans cet étau fédéral, je dépose ce document, M. le Président, que tous les députés pourront consulter...

Des voix: Consentement.

M. de Belleval: ... et si nous sommes dans cette situation, qu'on ne vienne pas nous dire maintenant que c'est parce que nous aurions eu une gestion de l'ensemble des dépenses publiques...

M. Rivest: ...

M. de Belleval: Oui, comme le dit le député de Jean-Talon, qui serait moins bonne, par exemple, que celle de nos prédécesseurs, entre autres, et qui divergerait complètement d'une saine gestion des fonds publics. Je vais prendre - c'est la seule statistique que je veux citer - les trois dernières années de l'administration libérale, donc, les années qui sont les plus proches de nous et je laisse de côté le déficit olympique. Je n'en parle même pas, pour ne pas qu'on nous accuse de fausser les statistiques à cause, justement, de l'inclusion dans celles-ci du déficit olympique de 1976. On n'y touchera pas. C'est par-dessus le désastre dont je vais faire état. Durant les trois dernières années de l'administration libérale qui nous a précédés, les dépenses de l'État ont augmenté de 21,3% en moyenne. Les revenus ont augmenté de 19% par année

et, durant les cinq dernières années, c'est-à-dire les nôtres, nos dépenses ont augmenté en moyenne de 13,8% et nos revenus, de 12,4%. Comment, avec ces chiffres, peut-on dire que si nous sommes dans cette situation, c'est parce que nous avons maintenu une mauvaise gestion des fonds publics? 13,8% d'augmentation des dépenses annuellement, comparé à 21,3% sous l'ancien gouvernement. Au niveau des revenus, 12,4%, 19,4%. Où est la différence véritable qui existe dans l'ensemble du portrait? La différence, c'est que nous avons diminué les impôts, bien sûr. Cette année, avec 1 200 000 000 $...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, en concluant.

M. de Belleval: Je termine, M. le Président. Cette année, avec une diminution d'impôt de 1 200 000 000 $, ce serait facile de diminuer notre déficit si nous n'avions pas accordé ces diminutions d'impôt. La différence, on la retrouve dans le tableau dont je viens de parler. 25% de notre budget qui dépend des transferts fédéraux n'augmente pas au rythme du coût de la vie, et en fait, cette année, cette ponction équivaut à 600 000 000 $ et l'an prochain, 1 200 000 000 $.

Après cela, on dira que dans la constitution ou dans le fédéralisme, on ne parle pas d'impôt, on ne parle pas d'argent et on ne parle pas d'emploi. La réalité, c'est que si nous sommes dans cette situation, c'est que nous sommes étranglés financièrement comme nous le sommes constitutionnellement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, je crois que le député de Charlesbourg avait une quasi-mission impossible pour nous démontrer et démontrer à la population que les décisions prises par le gouvernement dernièrement étaient dans le meilleur intérêt des contribuables. J'ose croire qu'il ne croit pas que les chauffeurs de taxi ou les payeurs des comptes d'Hydro-Québec vont être convaincus, d'après ce qu'il a dit, d'accepter les hausses qui ont été décrétées dernièrement. Non, je crois que les statistiques qu'il a avancées ne convaincront personne. (17 h 10)

Pour ma part, M. le Président, j'aimerais vous parler des hausses de tarif dans le domaine de l'électricité qui ont été approuvées par le gouvernement qui nous dirige et tenter de démontrer que ces augmentations sont injustifiables à leur face même, dû à la hausse exorbitante de l'électricité durant les cinq dernières années, pas seulement cette année, ni en 1982, mais depuis les cinq dernières années. Ces hausses sont en quelque sorte une trahison du contrat social qui existait entre le gouvernement et la population du Québec depuis la nationalisation de l'électricité. Vous vous souvenez que le premier ministre, qui était à ce moment-là ministre des Richesses naturelles, avait vendu à la population ce principe qu'il fallait absolument nationaliser les compagnies d'électricité, justement pour fournir l'électricité aux citoyens au plus bas coût possible. Je crois, M. le Président, que c'est là une trahison qu'il faut dénoncer.

Mais ce qui est encore plus grave, c'est que ces hausses d'électricité depuis cinq ans vont amener les tarifs de l'électricité à être semblables à ceux de l'Ontario - il faut savoir, M. le Président, qu'en Ontario il n'y a pas de taxe de vente sur l'électricité, mais qu'il y en a une au Québec - avec les augmentations qui auront lieu en 1982, qui sont de 16,7% pour Hydro-Québec, et en considérant la hausse de l'électricité en Ontario. Savez-vous, M. le Président, quelle sera la hausse de l'électricité en Ontario en 1982? Cela sera de 9,6%. Si vous prenez ces deux chiffres en considération, vous arrivez à la conclusion que les tarifs d'électricité, en 1982, vont être à peu près semblables au Québec et en Ontario. En fait, il y aura une légère différence, mais il ne faudrait pas avoir un gouvernement péquiste encore une autre année, qui nous imposerait des augmentations semblables à celles que nous allons avoir en 1982.

Nous arrivons à la conclusion, M. le Président, que la position que nous avions était une position concurrentielle unique en Amérique du Nord car nous avions les tarifs d'électricité les plus bas au monde. Cela avec le gouvernement québécois, est disparu. Nos tarifs d'électricité seront semblables d'ici très peu à ceux qui vont prévaloir en Ontario, alors que nous savons qu'en Ontario, malheureusement, un tiers de l'électricité est générée par des centrales nucléaires et que nous, au Québec, toute notre électricité est générée par des centrales hydroélectriques. Il faut le faire, M. le Président, et ceci est le résultat des actes du gouvernement du parti Québécois.

Le député de Charlesbourg nous disait: Vous savez, les hausses d'électricité n'ont pas tellement été inflationnistes. J'aimerais citer des statistiques qui nous viennent d'Hydro-Québec. En 1978, la hausse d'électricité a été de 18,7%, alors que l'inflation était de 8,4%. En 1979, la hausse a été de 13,7%, alors que l'inflation était de 9,1%. En 1980, la hausse d'électricité a été de 13,3%, alors que l'inflation était de 10,3%. J'admets qu'en 1980 il faut croire

que le gouvernement s'est trompé, parce que la hausse d'électricité n'a été que de 10%, alors que l'inflation était de 12,5%. Là c'était une année d'élections et le gouvernement avait prévu le coup. L'an prochain, la hausse sera de 16,3% en moyenne, alors que nous savons que l'inflation sera de l'ordre de 12,5%.

Tout cela pour dire que, depuis cinq ans, la hausse des tarifs d'électricité a été en gros au moins de 50% plus élevée que l'inflation. Il s'agit nettement d'une mesure tout à fait inflationniste et régressive, comme l'a démontré mon collègue de Jean-Talon. Ce n'est pas la façon d'aider les consommateurs privés, les contribuables qui eux doivent faire face à une situation très difficile présentement, et ce n'est pas non plus un façon d'aider l'industrie qui doit créer de l'emploi au Québec. Nous avions une position privilégiée, nous sommes en train de la perdre avec ce gouvernement qui nous dirige. Pourquoi le gouvernement n'aurait-il pas eu la même politique qu'en Alberta? En Alberta, vous le savez, M. le Président, et plusieurs en parlent, les citoyens de l'Alberta paient leur pétrole beaucoup moins cher que dans le reste du pays. Nous, au Québec, nous possédons des ressources hydroélectriques immenses nationalisées en 1963 et ceci appartient aux contribuables. Il me semble que l'unique voie que le gouvernement aurait pu suivre aurait été de continuer cette politique de fournir l'électricité au meilleur coût possible.

Une voix: C'est vrai.

M. Fortier: Mais le gouvernement, semble-t-il, n'a pas compris que, depuis la révolution tranquille où les prix avaient été pratiqués, les objectifs qui étaient poursuivis étaient justement d'aider les particuliers et d'aider l'industrie à être en meilleure position concurrentielle pour développer le Québec. Il semble bien que ce gouvernement qui nous dirige, qui ne comprend pas grand-chose au développement économique, n'a pas saisi que c'était une position privilégiée qu'il fallait sauver à tout prix.

Alors, M. le Président, que ce soit une trahison, je crois qu'en examinant les coupures de presse, comme je l'ai fait, de la période de 1962 où il y a eu des discours publics pour justifier la nationalisation de l'électricité, on le constate; il s'agit de revenir en arrière pour voir les déclarations de celui qui est le premier ministre du Québec maintenant et qui était le ministre des Richesses naturelles à ce moment-là. Je crois que, si j'étais premier ministre et si j'étais René Lévesque, je serais fort embarrassé en instaurant une politique qui contredit complètement toutes les décisions publiques qui ont été prises à ce moment-là. On contredit ces politiques par des pseudo- politiques énergétiques.

L'autre soir, j'entendais le ministre des Finances nous dire: Vous savez que l'augmentation du pétrole et de la gazoline est une mesure qui devrait amener les Québécois à accélérer des changements dans leur consommation d'essence, soit par le choix de voitures qui consomment moins, soit par des modifications dans leur consommation. M. le Président, vous savez, lorsqu'on essaie de justifier une politique fiscale par des pseudo-politiques économiques, je crois qu'on ne peut leurrer personne. D'ailleurs, au mois de mars, j'aimerais rappeler que justement, lorsqu'il avait annoncé le projet de loi no 16 et que, dorénavant, Hydro-Québec n'aurait plus pour mission de fournir l'électricité au meilleur coût possible, il avait justement avancé, à ce moment-là, une autre pseudo-politique énergétique, c'est-à-dire qu'il fallait que l'électricité se rapproche des autres formes d'énergie.

Il n'y a aucun Québécois qui accepte ce genre de raisonnement, il n'y a aucun Québécois qui accepte que notre gouvernement fasse en sorte que nos coûts d'électricité deviennent aussi chers qu'en Ontario, qu'ils deviennent plus chers qu'au Manitoba et que, très bientôt, nous aurons des taux d'électricité qui, dans l'Est du Québec, seront comparables aux tarifs d'électricité qui proviennent de sources d'énergie autres que l'hydroélectricité.

À ce sujet-là, qu'Hydro-Québec soit rendue maintenant une société du genre de celle de la Société des alcools ou de la Société des loteries et courses et que ce ne soit qu'une façon de sortir des sources de revenus pour le gouvernement, M. le Président, je voudrais, sans vous faire une très longue lecture d'une étude qui a été faite sur les milliards de dollars qui iront dans les coffres du gouvernement, tout simplement dire ceci: En plus des taxes que le gouvernement ira chercher dans les poches des contribuables cette année, il y a eu, depuis deux ans, d'autres mesures fiscales qui vont justement permettre au gouvernement d'aller chercher des ressources considérables dans les poches des contribuables. Bien sûr, comme vous le savez, il y a des taxes municipales, il y a le financement des programmes de santé qui augmente et, lorsqu'on sait qu'Hydro-Québec est un employeur tout à fait unique au Québec, ceci augmente encore une fois les taxes qu'ils auront à payer et, en ajoutant le financement des programmes de santé, ceci ajoutera les autres taxes qu'ils auront à payer à ce sujet, la taxe sur le capital et les dividendes.

Si on ajoute tout ça, nous arrivons avec les chiffres suivants: en 1980, Hydro-Québec a payé au gouvernement un total de 141 700 000 $ sous la forme de taxes; en

1985, avec les projections que nous avons faites, ce chiffre sera multiplié par un facteur de 10; Hydro-Québec paiera 1 400 000 000 $ de taxes au gouvernement provenant de tous les comptes d'électricité qui seront payés par les contribuables du Québec. Si, après avoir évoqué ces chiffres, nous ne sommes pas convaincus qu'Hydro-Québec est maintenant tout simplement une façon pour le gouvernement d'aller chercher des revenus additionnels, alors, je ne sais pas quel argument il faut avancer. (17 h 20)

Je ne pourrais terminer cet exposé sans vous dire que je déplore, pour ma part, ces augmentations qui vont jeter de l'huile sur l'inflation, qui vont faire en sorte qu'à l'avenir il y aura moins d'industries qui viendront s'établir au Québec, que ce sera encore plus difficile de créer des emplois et qu'en conséquence le Québec sera encore appauvri. Non seulement ces mesures sont-elles inflationnistes et régressives, mais elles vont à l'encontre du développement économique du Québec. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: M. le Président, il est surprenant que ce soit le député de Jean-Talon qui ait apporté ce genre de motion, sachant qu'il a été un des principaux conseillers de M. Bourassa lors des Jeux olympiques, sachant que l'inflation a commencé dès ce moment par des jeux qui devaient nous coûter environ 200 000 000 $, mais qui ont coûté environ 1 500 000 000 $. N'importe quel autre député...

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Question de privilège.

M. Rivest: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce que mon collègue étale ma biographie ici, mais je voudrais simplement signaler que le député de Jean-Talon n'a rien eu à voir avec les Jeux olympiques, d'abord. S'il se réfère à ce que j'ai fait, le député de Jean-Talon était également conseiller du premier ministre Bourassa au moment où il a fait la Baie-James, qui a créé de l'emploi dont vous êtes en train de réduire le nombre.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, je suis d'accord avec le député de Jean-Talon sur ce qu'il vient de dire. Ce qu'il n'a pas dit, c'est que depuis 1976, depuis que ce gouvernement du Parti québécois est en place, il a réduit le coût de la Baie-James de 3 000 000 000 $, par rapport au coût sous le régime Bourassa. Si ce n'est pas une contribution actuelle pour réduire l'inflation canadienne, je me demande ce que c'est.

C'est certain, M. le Président, qu'on n'essaiera pas de diminuer l'importance des taxes nouvelles, des taux nouveaux d'électricité, l'augmentation du prix de l'essence. Ce sont des faits qui sont là et, en toute honnêteté, on s'avoue coupables nous aussi d'avoir augmenté les prix du pétrole, des plaques d'immatriculation, tout ce que vous voudrez. Il y a des raisons à tout ça, il y a un début; il y a un début dont les gens d'en face devraient se souvenir. Si on parle seulement du pétrole, ce qui est votre dada actuellement, d'essayer de faire peur à peu près à tout le monde là-dessus, je vous demande ce que vous avez fait, vous autres, avant novembre, lorsque le Parti libéral fédéral a pris le pouvoir, concernant les ententes avec l'Alberta? Avez-vous contesté, avez-vous parlé d'inflation à ce moment-là? On n'a pas eu de motion ici, en Chambre, pour essayer de dénoncer les hausses fédérales du prix du pétrole. Les ententes avec l'Alberta, les avez-vous dénoncées? Non. Mais la répercussion se voit, c'est ce que les gens doivent savoir. Je vais répéter ces chiffres lentement. En 1982, le fédéral haussera encore une fois le prix du litre d'essence de 0,065 $. En 1983, le fédéral haussera encore une fois le prix du litre de pétrole de 0,09 $. Il sera donc porté à 0,543 $ à ce moment-là.

Encore très lentement, en 1984, le fédéral augmentera le prix du pétrole de 0,12 $ le litre. Il portera, en novembre 1985, le prix du pétrole de 0,623 $ à 0,698 $ du litre et, en novembre 1986, à 0,79 $ du litre. En toute honnêteté, même si vous êtes de l'Opposition, même si on a le sentiment que vous êtes ici, comme le gouvernement fédéral, opposés aux provinces, vous pourriez, de temps en temps, dénoncer ces choses. C'est ça qu'une population a besoin de savoir.

Qu'est-ce qu'on a fait? Il y a les autres politiques fédérales en matière de transport; Via Rail, ce n'est pas le Québec qui hausse les prix. Il faut se souvenir de cela aussi. Air Canada, ce n'est pas encore le Québec. Les taux de change, d'évaluation de la monnaie, ce n'est pas encore le Québec. L'inflation, 13%, ce n'est pas le Québec tout seul. Il peut y avoir eu une petite part, d'accord, dans les actions. Mais il y a des raisons à tout cela. Pour les taux d'intérêt, je ne pense pas qu'on ait une banque encore ici.

Une voix: C'est le fédérai:

M. Laplante: Les remboursements que le gouvernement central doit aux provinces,

c'est une source d'inflation. On est obligé de taxer pour des montants qu'on ne reçoit pas. Mais que fait le gouvernement central avec notre argent, plutôt que de nous redonner les redevances qui nous sont dues? Qu'est-ce qu'on fait? On achète des avions de guerre, on achète des bombes, on achète des bateaux pour un pays de paix. On achète des avions supposément pour la défense, des chars d'assaut. Il faut être sérieux, à un moment donné. Un pays de 25 000 000, qu'est-ce qu'on a à y mettre des milliards dans de l'équipement de guerre? Qu'est-ce qu'on a à construire actuellement pour les États-Unis? Des abris pour les armes atomiques!

Pourquoi se mêle-t-on de cela, petite nation que nous sommes? Il me semble qu'on est un peuple de paix. Vous ne parlez pas de ces choses. Pourquoi chaque Québécois, chaque Canadien - vous aimez entendre parler de Canadiens aussi - appartient-il à un des peuples les plus taxés actuellement au monde? Vous ne parlez pas de ces choses, mais on se fourre le nez dans toutes les politiques de Reagan aux États-Unis. Tout ce que M. Reagan dit, on l'accepte, dans tout ce qui est le mot "guerre", par exemple, on accepte ces choses, mais on ne parle pas de ce que le Québec fait actuellement pour essayer de contrer cette inflation. On ne parle pas du prix des propriétés, ici où les propriétés unifamiliales se vendent le meilleur marché au Canada. Une petite propriété qui vaut 40 000 $ au Québec en vaut 90 000 $ ou 95 000 $ en Ontario, et 145 000 $ dans l'Ouest, à Vancouver. On ne parle pas de ces choses. Pourquoi le bois est-il plus cher? Est-ce parce que nos Québécois ont encore le titre de porteurs d'eau et de bûcherons? Est-ce cela que vous voulez dire, M. le député de Jeanne-Mance?

Quand on veut contribuer à l'essor d'un pays dont vous parlez souvent, nous, on a à coeur d'essayer de contribuer à l'essor du Québec, de se servir avant, d'essayer de faire vivre une population au meilleur coût possible. Différence du logement: un cinq-pièces dans un duplex peut valoir ici 250 $; à Toronto, il vaut 520 $; c'est la même maison. Quand on parle du coût de l'inflation, du coût de la vie au Canada, c'est au Québec que c'est encore meilleur marché. Il faut dire ces choses. Il faut parler des efforts que le gouvernement du Québec fait actuellement pour essayer de maintenir ce taux d'inflation le plus bas possible, en diminuant les impôts chez les particuliers, en abolissant la taxe de vente en partie, par l'abolition des taxes sur l'hôtellerie. Ce sont toutes des mesures par lesquelles on a essayé de contribuer à cet effort. On vous invite, vous de l'Opposition, à essayer de trouver des mesures nouvelles, non pas des mesures toujours pour critiquer. On vous demande d'être plus réalistes, de faire la preuve face au Québec que vous êtes capables d'être...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député, je vous demande de conclure.

M. Laplante: Pour terminer, je vous demande de faire preuve, face au Québec, que vous pouvez avoir non pas seulement des idées destructives et critiques, que vous pouvez avoir des idées constructives de temps en temps. C'est le souhait que je vous laisse. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Viger. (17 h 30)

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Personne de l'autre côté de la Chambre n'a eu le courage cet après-midi de féliciter le député de Jean-Talon d'avoir porté à l'attention de la population du Québec les graves problèmes économiques qui conduisent actuellement notre province au bord de la faillite. Je vais le faire, M. le Président, je vais le féliciter. (17 h 30)

M. le Président, le deuxième budget que nous a présenté le ministre des Finances la semaine dernière démontre encore une fois que les générosités préréférendaires destinées aux secteurs public et parapublic et préélectorales destinées à l'ensemble des Québécois et Québécoises étaient inconsidérées.

On peut commencer par l'annonce des hausses des coûts d'immatriculation et des tarifs d'Hydro-Québec qui viennent confirmer l'incompétence du gouvernement du Parti québécois en matière de finances publiques.

Cette mauvaise administration nous a été démontrée à plusieurs reprises par le Parti québécois au cours de son premier mandat. Qu'il suffise de rappeler le trou de 500 000 000 $ dans le budget du ministère de l'Éducation ou encore les déficits budgétaires records. La question qu'il faut se poser c'est: Pourquoi le Parti québécois décrète-t-il ces hausses plus que considérables? Certes pas pour boucler le budget bien équilibré de la Régie de l'assurance automobile, puisque, selon sa présidente elle-même, Mme Claudine Sotiau, rien dans le contexte actuel ne justifie pour la régie une telle augmentation, d'autant plus que le nombre d'accidents avec blessés graves ou morts a diminué au cours de la dernière année.

M. le Président, ces hausses rapporteront 238 000 000 $ et cette somme sera tout simplement versée au ministre Parizeau qui pourra toujours prétendre que la gestion des fonds publics par le gouvernement du Parti québécois est

excellente. Mais il ne faut pas croire que les Québécois seront dupes de tels mensonges. Ce à guoi le ministre des Finances péquiste peut prétendre, cependant, c'est que, depuis cinq ans, il est incontestablement le champion des taxes déguisées, alourdissant le fardeau fiscal des Québécois, les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord.

Une voix: C'est vrai.

M. Maciocia: M. le Président, après l'annonce de la hausse des tarifs d'Hydro-Québec, après l'augmentation substantielle des coûts d'immatriculation et des permis de conduire, le ministre péquiste des Finances est réduit à gratter les fonds de tiroirs pour trouver des solutions à l'incompétence du gouvernement en matière de finances publiques. Tous les contribuables québécois devront en subir les conséquences. La taxe la plus dure à accepter est certes la hausse décrétée sur l'essence. Chaque fois que nous ferons le plein, il en coûtera 0,30 $ de plus le gallon. Cette dernière recommandation à ce jour signifie que la taxe sur l'essence passe de 20% à 40%. La surtaxe sur l'essence amènera au-delà de 800 000 000 $ dans le trésor provincial pour l'année 1981-1982. Elle nous frappe tous et chacun individuellement. Chaque matin, en prenant notre auto pour aller travailler, en prenant le volant pour aller faire des emplettes, chacun de nous sera la grande victime de l'inertie gouvernementale. Le gouvernement du Parti québécois et son ministre des Finances ne méritent plus la confiance des Québécois, M. le Président.

Une autre mesure des plus mesquines que le gouvernement du Parti québécois peut revendiquer est certes l'abolition de la réduction des 2% des impôts provinciaux. Cette promesse avait été contractée lors de la présentation du budget au printemps dernier, ce budget que le premier ministre Lévesque avouait avoir préparé très activement à la sauvette dans une démarche bassement électoraliste. Ce deuxième budget pour l'année courante ne fait que démontrer que le ministre Parizeau et le gouvernement péquiste sont complètement dépassés par les événements. Il nous frappe directement, vous et moi; il frappe même les plus démunis, sans égard à la capacité de payer.

Dans son discours, le ministre des Finances déclare que l'augmentation de la taxe encouragera le transport en commun. C'est faire preuve de naïveté ou d'incompétence que de faire pareille déclaration.

Premièrement, l'imposition de cette taxe sert à réduire le déficit gouvernemental, leguel est dû, comme chacun le sait, à l'incohérence des politiques fiscales du gouvernement, aux mauvaises prévisions budgétaires et aux erreurs calculées que le gouvernement a commises à la veille des élections lorsqu'il a négocié les dernières conventions collectives.

Deuxièmement, le secteur du transport en commun est touché directement par les mesures préconisées par le ministre. Les usagers du métro et de l'autobus à Montréal ne font pas partie des couches les plus nanties de notre société. Or, dès cette semaine, le président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal et le président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec ont, tous les deux, déclaré qu'ils envisageaient une augmentation des tarifs du transport en commun. M. le Président, lorsqu'on dit, de ce côté de la Chambre, que cette taxe est régressive, c'est parce que même les usagers des autobus et du métro sont touchés. Et j'aimerais tout de suite proposer au ministre des Finances, afin justement de prouver que de ce côté de la Chambre nous sommes positifs, qu'il suspende l'imposition de cette taxe à tous les réseaux de transport en commun au Québec, y compris les réseaux de transport d'écoliers.

Troisièmement, l'industrie du transport vient d'encaisser un dur coup. Camionneurs, taxis, déménageurs, mais également toutes les industries dont les coûts de transport sont un élément important du coût de production sont très durement touchés. Et ici, je pense aux cultivateurs dont a parlé le député de Beauce-Sud, je pense à l'industrie du bois, à l'industrie de l'alimentation, du textile, du tourisme; toutes les industries sont touchées. Certaines d'entre elles, les taxis et les camionneurs, par exemple, ne peuvent augmenter leurs tarifs, car ces industries sont réglementées. Celles-là vont souffrir encore plus de cette mesure. Les autres, augmenteront leurs tarifs. Mais qui paiera la note? C'est le consommateur qui va payer la note. C'est ça, le drame. D'une part, directement, le gouvernement péquiste impose aux consommateurs une taxe éhontée et, d'autre part, il leur fait subir l'impact inflationniste que va avoir cette mesure sur l'ensemble des industries et qui se traduira sans aucun doute par une augmentation des prix des biens. Pour un gouvernement social-démocrate, félicitations, monsieur.

M. le Président, devant le gâchis financier dans lequel se retrouve aujourd'hui le Québec, on comprend aisément pourguoi le ministre et ses collègues refusent d'accorder au Vérificateur général des pouvoirs équivalents à ceux qu'Ottawa a consentis au sien. Le ministre et le cabinet prétextent, pour lui refuser des pouvoirs additionnels, qu'il ne faut pas que le vérificateur se substitue aux administrateurs publics en qualifiant telle ou telle dépense, tel ou tel programme d'inutile ou de gaspillage des fonds publics. La futilité de la raison

invoquée démontre à quel point ce gouvernement qui mène la province à la faillite craint une vérification serrée de ses livres.

M. le Président, en terminant, les questions que nous devons nous poser aujourd'hui sont les suivantes: Est-ce que la cote de crédit du Québec, qui actuellement est AA, sera encore la même et pour combien de temps? Parce qu'il semble que deux firmes américaines, qui représentent une bonne partie de nos prêteurs, sont en train de vérifier les livres comptables du Québec, mais ici il faut faire une petite précision, les vrais livres, pas ceux que les ministres tentent de nous présenter. Si la cote est révisée à la baisse, une partie assez importante des revenus que le ministre est allé chercher avec ses taxes antisociales devra être versée en intérêt supplémentaire sur la dette énorme du Québec. Merci, M. le Président. (17 h 40)

Le Président: M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Je vais immédiatement engager mon intervention en enchaînant sur celle du député de Viau. Bien sûr qu'on est conscient de l'importance, pour le gouvernement du Québec, de garder sa cote financière AA.

Si on n'était pas conscient de l'importance de conserver cette cote financière, on n'aurait sans doute pas fait les coupures budgétaires qu'on a faites, on n'aurait sans doute pas augmenté les taxes et les impôts, on aurait plutôt augmenté le déficit et on aurait emprunté plus sur les marchés étrangers.

M. Maciocia: Question de privilège. Le Président: Oui, M. le député.

M. Maciocia: Si vous permettez, seulement pour ne pas induire en erreur le député Charbonneau, je ne suis pas le député de Viau mais bien de Viger.

Le Président: Alors, M. le député de Verchères, à vous la parole.

M. Charbonneau: D'ici quelques années, je finirai par apprendre qu'il est le député de Viger.

Cela ne change pas le fond; je suis content que le député, dans sa petite remarque, n'ait pas attaqué le fond de mes propos. Donc, comme je le disais, il avait raison de souligner l'importance qu'on doit avoir de conserver la cote financière du gouvernement du Québec parce que c'est un des outils que le gouvernement a, actuellement, pour pouvoir finalement avoir un budget et des revenus qui soient suffisants pour rencontrer les dépenses.

On est conscient - il n'y a personne qui doute de ça au Québec, je pense - on est conscient que les décisions qui ont été prises, la semaine dernière, par le gouvernement, par le ministre des Finances occasionnent des problèmes aux femmes et aux hommes du Québec. Pensez-vous honnêtement qu'il aurait été possible pour un gouvernement, quel qu'il soit, d'augmenter les taxes de 285 000 000 $? D'augmenter en particulier la taxe sur l'essence et de ne pas savoir à l'avance que cela créerait du mécontement et des problèmes aux gens du Québec? Est-ce que les gens qui nous écoutent pensent honnêtement qu'on a pris cette décision en pensant que ça pourrait peut-être leur faire plaisir et que ça pourrait peut-être nous faire plaisir à nous?

Je pense que les gens qui nous écoutent savent très bien que, quand on a pris cette décision-là, ce n'était pas de gaieté de coeur, et on savait très bien qu'ils étaient pour nous critiquer abondamment au cours des jours et des semaines qui suivraient la présentation du budget supplémentaire.

La question que je demande aux gens de se poser c'est: Est-ce que le gouvernement du Québec avait le choix? On a nos responsabilités et je pense qu'on est capable d'y faire face. On nous a dit: Vous avez été trop généreux pour le secteur public. Peut-être. Mais, on est bien conscient que les secteurs public et parapublic, salaires, avantages sociaux, régimes de pension, ça grève 52% du budget du Québec. Je me rappelle des dernières négociations, des critiques que l'Opposition formulait, des pressions qu'il y avait dans l'opinion publique pour régler rapidement. Je me rappelle qu'effectivement on a réglé à la hausse bien sûr par rapport à ce qu'il y avait avant, mais en en donnant moins, en étant moins généreux que le gouvernement précédent l'avait été, lui, quand il avait négocié la dernière fois. On aurait pu être encore plus dur que le gouvernement Bourassa mais il y a des choses, à un moment donné, impossibles à corriger en une négociation. Les gens qui nous écoutent et qui suivent l'actualité au jour le jour savent ça. Tu ne peux pas corriger, du jour au lendemain, des situations, des tendances aussi importantes que celles dans la négociation du secteur public lors d'une seule négociation.

Fait-on des dépenses qui ne sont pas essentielles, qui ne peuvent pas être comprimées? Bien sûr qu'on en fait. C'est la raison pour laquelle on s'est engagé dans une vaste opération de compressions budgétaires. Pouvez-vous me nommer un gouvernement qui, en une année, à travers l'histoire du Québec, a décidé d'opérer une compression de plus de 1 000 000 000 $ de dépenses? Il

n'y a pas beaucoup de gouvernements, dans l'histoire du Québec, qui ont engagé ce processus-là. On est conscient que le gouvernement lui-même a des dépenses superflues. Ce n'est pas pour rien que, par exemple, si le gouvernement avait des besoins projetés de 25% par rapport à l'ensemble des besoins de la société, des grands secteurs, des entreprises, des établissements de santé et de services sociaux, des institutions d'enseignement, va faire des compressions budgétaires pour 31%; c'est qu'on est conscient qu'il y a des possibilités de couper des dépenses moins essentielles qu'elles ne le paraissaient à prime abord.

Donc, on a engagé un processus de coupures budgétaires de 1 000 000 000 $ et on va réaliser notre objectif à peu près à 80%, 85%. On a une responsabilité, bien sûr, mais il y a la responsabilité des autres. Nos amis d'en face n'aiment pas tellement parler du gouvernement fédéral, ils nous reprochent à chaque fois qu'on le fait de le faire, mais les citoyens qui nous écoutent honnêtement, les gens qui nous écoutent vont se poser la question en conscience - est-ce qu'ils le savaient avant que je le dise, ou avant que le ministre des Finances le dise la semaine dernière, que 25% des revenus du gouvernement du Québec proviennent de transferts fédéraux payés avec nos taxes et nos impôts, mais qui viennent du gouvernement fédéral, selon des accords fiscaux établis à tous les 5 ans unilatéralement par le gouvernement fédéral?

L'adjoint parlementaire au ministre des Finances, le député de Charlesbourg, disait tantôt que cette année uniquement, selon des études qui ont été publiées il y a à peine deux semaines et qui n'ont été constestées par personne, on a un manque à gagner -pour les gens, il vaudrait la peine qu'ils prennent leur crayon et leur papier, qu'ils écrivent cela et qu'ils fassent leur calcul après - de 607 000 000 $.

S'il n'y avait uniquement que les transferts fiscaux qui nous affectaient par rapport aux décisions qui sont prises au gouvernement fédéral, cela serait déjà énorme; mais lorsqu'on constate qu'il y a d'autres décisions du gouvernement fédéral qui nous coûtent cher cette année sur lesquelles on n'a aucun contrôle et qui expliquent pourquoi nous n'avions pas le choix de faire ce qu'on a fait la semaine dernière qui ne nous fait pas davantage plaisir.

La politique monétaire, de qui relève-telle au Canada? Est-ce que cela relève du gouvernement du Québec ou du gouvernement fédéral? Elle relève du gouvernement fédéral, les taux d'intérêt, on n'a aucun contrôle sur cela, et s'il y a des taux d'intérêt au Canada qui sont plus élevés qu'aux États-Unis, ce n'est pas la faute de Reagan, c'est celle de Trudeau et de MacEachen. Cela nous coûte cette année 355 000 000 $, c'est déjà seulement la hausse des taux d'intérêt; plus en montant que l'augmentation totale des taxes qu'on a décrétées la semaine dernière, 355 000 000 $, alors que l'augmentation de taxes était de 285 000 000 $.

Le gouvernement fédéral, il y a à peine deux ans et demi ou trois ans, a modifié unilatéralement les règles d'admissibilité pour l'assurance-chômage.

Les gens de ce côté-ci et bien des gens ont applaudi en disant: Les paresseux, on va les envoyer, ils n'auront plus droit à l'assurance-chômage. Mais ce qu'on n'a pas dit, par exemple, c'est que les gens qui n'ont plus droit à l'assurance-chômage, ils s'en vont sur l'aide sociale, et quand le fédéral prend des décisions sans consulter le Québec, le résultat, c'est que cela nous coûte, cette année, 40 000 000 $ de plus à l'aide sociale. Faites le total. 607 000 000 $ pour les transferts fiscaux qu'on n'a pas eus cette année et qu'on aurait dû avoir, 355 000 000 $ pour les taux d'intérêt, 40 000 000 $ pour l'assurance-chômage, on est rendu à 972 000 000 $ de manque à gagner pour le gouvernement du Québec pour l'année financière 1981-1982, alors que pour la même année, dans le budget supplémentaire qu'on a déposé la semaine dernière, on augmente les taxes et les impôts de 285 000 000 $.

Est-ce qu'on avait le choix? On n'avait pas le choix. Est-ce que c'est important de parler des décisions fédérales? Je pense que oui. C'est tellement important - il n'y a pas un de ces chiffres qui a été contesté - que, si on n'avait pas eu à subir les attaques financières du gouvernement fédéral faites délibérément, on n'aurait pas eu besoin de faire la majorité des compressions budgétaires qu'on est obligés de faire actuellement et on n'aurait pas été obligé de taxer l'essence des Québécois. Nous autres aussi, on se promène en automobile, nous autres aussi, cela nous coûte plus cher et nous autres non plus, on n'aime pas cela, pas plus que les gens qui nous écoutent. Mais, en réalité, on n'avait pas le choix. Dites-nous une autre façon qu'on aurait pu utiliser pour s'en sortir. Vous pouvez faire pendant des semaines et des semaines des discours pour nous critiquer, la réalité c'est que quand tu es coupé de 972 000 000 $ par des décisions unilatérales du fédéral, et que tu es obligé de l'autre côté d'augmenter les taxes et les impôts de 285 000 000 $ et de faire des compressions budgétaires d'à peu près le même montant, de 800 000 000 $ ou 900 000 000 $ cette année, il me semble que cela ne prend pas un cours d'université, cela ne prend pas un diplôme des HEC pour comprendre le bons sens.

Et les gens qui nous écoutent, qui sont

mécontents et qui ont raison d'être mécontents, ce que je leur demande, honnêtement, en toute bonne foi, c'est peut-être qu'il serait temps que les gens au Québec se rendent compte qu'ils paient des taxes à deux niveaux de gouvernement, qu'ils ont deux "gangs" de députés. Il n'y a pas juste ce Parlement qui les représente. Jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à ce que ce système soit changé, il y a aussi une gang de députés qui sont à Ottawa. Mais, à chaque fois qu'il y a des problèmes au Québec, les gens ne vont jamais voir leurs députés fédéraux, les gens se comportent malheureusement au Québec comme si le Parlement fédéral n'existait pas et que les députés fédéraux n'avaient aucune responsabilité.

La réalité pourtant, c'est qu'ils sont responsables actuellement des décisions malheureuses qu'on est obligé de prendre. La semaine dernière, hier encore, à la télévision, à la radio on entendait des journalistes dire quoi? Que le gouvernement fédéral diminue son déficit sur le dos des provinces pour laisser aux provinces l'odieux de monter les taxes et les impôts. Si cela est vrai, il va peut-être falloir un moment donné au Québec mettre la responsabilité à la bonne place, au gouvernement fédéral, à Ottawa.

Cela ne nous a pas fait plaisir de faire ce qu'on a fait et, M. le Président, ce qui est dramatique, c'est qu'il y a un budget -je termine avec cela - qui s'en vient, il y en aura un autre en mars prochain. Les décisions du gouvernement fédéral, dans son récent budget, nous permettent déjà d'anticiper le pire. Est-ce que, d'ici le mois de mars, les gens au Québec ne pourraient pas de temps en temps écrire à leurs députés fédéraux, leur parler, leur téléphoner pour leur dire qu'ils ne sont pas d'accord et qu'ils appuient le gouvernement du Québec parce que les hausses de taxes sur l'essence, ils n'acceptent pas cela, pas plus que le gouvernement du Québec? Mais quand tu n'as pas le choix, un moment donné, il faut que tu prennes tes responsabilités. C'est ce qu'on a fait, M. le Président, Merci.

Le Président: M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, après... Je demanderais l'ajournement du débat, M. le Président.

Une voix: Adopté.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: M. le Président, je demanderais la suspension de nos travaux pendant quelques minutes en attendant que le premier ministre puisse venir faire sa déclaration ministérielle.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je comprends que vous faites...

M. Bertrand: Je fais motion pour que nous suspendions nos travaux pendant quelques minutes.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Les travaux de l'Assemblée sont suspendus pour quelques minutes mais il faut absolument qu'ils reprennent avant dix-huit heures, sinon nous serons dans l'illégalité.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise de la séance à 17 h 57)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Étant donné qu'il est 17 h 58, peut-être puis-je prendre l'initiative de demander s'il y a consentement unanime pour que nous puissions dépasser 18 heures car, dans quelques minutes, en vertu de notre rèqlement, les travaux devraient normalement être ajournés.

M. le premier ministre.

Déclarations ministérielles

Québec exerce son droit de veto

à l'encontre de la résolution

sur le rapatriement de la

constitution

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): D'autant plus que je serai relativement très bref.

Dans la présentation que je faisais hier, en cette Chambre, d'une motion contenant les conditions que le Québec veut voir acceptées avant de se joindre à l'accord signé entre Ottawa et les neuf autres provinces, j'ai indiqué que nous poserions aujourd'hui un geste concret dans le but de définir, avec le plus de précision et le plus de clarté possible, l'attitude que le gouvernement entend prendre face à la résolution fédérale telle qu'elle est actuellement rédigée.

Au moment où je vous parle, le sous-ministre des Affaires intergouvernementales, M. Robert Normand, agissant au nom du gouvernement du Québec, remet au premier ministre du Canada - ou, en tout cas, aussi vite qu'il pourra le rejoindre - copie d'un décret adopté ce matin par le Conseil des ministres, de même qu'une lettre dont voici la teneur:

"M. Pierre Elliott Trudeau "Premier ministre "Hôtel du Parlement "Ottawa "M. le premier ministre "Au nom du gouvernement du Québec, je vous transmets officiellement le décret par leguel le Québec exerce formellement son droit de veto à l'encontre de la résolution portant sur le rapatriement et la modification de la constitution canadienne telle que présentée à la Chambre des communes par le ministre de la Justice en date du 18 novembre 1981. "Je vous souligne, à cet égard, que le gouvernement du Québec a toujours maintenu que l'assentiment du Québec était constitutionnellement nécessaire à tout accord qui permettrait de rapatrier la constitution et d'en fixer le mode d'amendement pour l'avenir. Les discussions qui ont mené à l'accord interprovincial du 16 avril 1981 ont uniquement porté sur la façon de modifier la constitution après le rapatriement. D'ailleurs, cet accord étant maintenant caduc, le Québec n'y est plus lié et nous sommes revenus à la situation antérieure. Il n'a donc jamais été question de toucher au droit de veto que le Québec a toujours possédé et possède toujours sur le rapatriement et le mode d'amendement lui-même. (18 heures) "Quant au droit de veto du Québec sur le partage des compétences dont il était question dans l'accord interprovincial du 16 avril 1981, nous avons toujours dit que seul un droit de retrait accompagné d'une compensation pleine et obligatoire pourrait être une formule de remplacement acceptable. Cette contrepartie nous ayant été refusée, nous conservons donc intact notre droit de veto traditionnel. "En conséquence, je vous demande d'agir comme vous l'avez fait en 1971, lorsque le Québec s'est opposé à l'accord de Victoria, et de suspendre votre projet jusqu'à ce qu'une entente intervienne non seulement avec les provinces anglophones, mais aussi avec le Québec. "Je vous saurais gré également de bien vouloir faire déposer le texte des présentes à la Chambre des communes et au Sénat afin que les parlementaires canadiens soient formellement mis au courant de la position officielle du Québec. "Je compte, pour ma part, en déposer une copie à l'Assemblée nationale du Québec - ce que je ferai à l'instant, M. le Président, si on me le permet. "Sur le fond de la question, je vous réitère - c'est de nouveau à l'adresse de M. Trudeau - que le Québec est prêt à signer tout accord qui satisferait aux conditions minimales exprimées dans la motion que j'ai déposée à l'Assemblée nationale le 17 novembre 1981, dont vous avez déjà reçu copie. Ce sont là des conditions raisonnables qui représentent pour le Québec le minimum vital dont il a besoin pour protéger sa spécificité et ses droits historiques. "Veuillez agréer, M. le premier ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs."

M. le Président, cette démarche nous paraît impérieuse dans les circonstances actuelles. Nous avons, en effet, la responsabilité de faire savoir avec le plus de force possible que le Québec ne reconnaît en aucune façon la validité d'un accord dont il serait exclu et qu'il entend exercer un droit qui lui a toujours appartenu d'opposer son veto à des changements constitutionnels effectués uniquement par le Canada anglais et qui ont pour effet de nous enlever des droits comme nation et d'affecter les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec sans son consentement.

Vous aurez noté que nous maintenons notre intention de signer tout accord qui remplira les conditions que nous avons fixées par le biais de la motion qui est débattue ces jours-ci, ici, à l'Assemblée nationale. Comme je le dis dans la lettre à M. Trudeau, je dépose deux copies de cette déclaration, mais aussi deux copies du décret qui a été adopté cet après-midi et qui, normalement, devrait être rendu à Ottawa d'ici une demi-heure ou trois quarts d'heure.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Les applaudissements quelque peu artificiels qui ont suivi, du côté ministériel...

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Ryan: ... la déclaration du chef du gouvernement ne sauraient faire oublier qu'il s'agit, de la part du chef du gouvernement, d'un effort de récupération plutôt lamentable à la suite d'actions encore davantage lamentables qu'il a faites lui-même au cours des derniers mois.

Le chef du gouvernement fait aujourd'hui un geste qu'il aurait dû faire bien auparavant; il aurait dû le faire dès le 16 avril dernier, il aurait dû le faire dès le début de la conférence constitutionnelle qui a eu lieu du 2 au 5 novembre dernier. Le 2 novembre - je l'ai rappelé en cette Chambre au moins à une ou deux reprises depuis le début de la session - lorsque M. Davis, le premier ministre de l'Ontario, a laissé entendre qu'il était prêt à abandonner le droit de veto de sa province, nous avons tout

de suite compris que c'est le droit de veto du Québec qui allait y passer si le Québec ne réagissait pas immédiatement. Dans ce sens, j'ai adressé au premier ministre, à Ottawa, un télégramme qui se lisait comme suit: "Au sujet de la formule d'amendement constitutionnel...

Une voix: Au premier ministre du Québec.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Au premier ministre du Québec, évidemment. "Au sujet de la formule d'amendement constitutionnel, le droit de veto du Québec revêt une importance capitale. Je vous prie d'insister pour que ce droit soit garanti au Québec. La formule des huit n'offre pas cette garantie. Le droit de retrait qu'elle propose pour le Québec serait tout au plus négatif et limité. Le renoncement de l'Ontario au droit de veto ne doit pas influencer la position du Québec. Le Québec est la seule province à majorité francophone; plus de 80% des francophones du Canada vivent au Québec. Ces faits justifient le Québec de réclamer un droit de veto sur les modifications constitutionnelles de l'avenir." C'était signé: "Claude Ryan, chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale." J'ai attendu, à la suite de ce message, des interventions publiques du premier ministre ou du ministre des Affaires intergouvernementales qui viendraient défendre vigoureusement ce principe de fond auquel nous souscrivons des deux côtés de la Chambre. Je les ai attendus en vain parce que déjà, moralement, le premier ministre avait renoncé au droit de veto du Québec en échange de cette garantie dont il parlait tantôt. La meilleure preuve...

M. Lalonde: M. le Président, on n'a pas interrompu le premier ministre. Un peu de respect.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: La meilleure preuve que j'en puisse offrir, M. le Président, est très facile à trouver; elle se trouve dans la lettre même dont le premier ministre vient de nous donner lecture. Il est encore disposé aujourd'hui à abandonner le droit de veto, dont il constate le prix, pour le même plat de lentilles que le 16 avril dernier. C'est ça qu'il y a de formidable. Il prouve par cette lettre-ci qu'il n'a même pas compris la portée du geste qu'il a posé le 16 avril, parce qu'il serait prêt à le faire encore. Maintenant, nous verrons à ce sujet. Ce sont des gestes d'une portée considérable qui ont été faits qu'on essaie de récupérer maintenant.

J'aurais des questions à adresser au premier ministre. J'espère qu'il pourra répondre tantôt. Quant au geste qui est fait aujourd'hui, qui paraît un geste assez formaliste, qui est empreint, entouré d'un langage très solennel, nous autres, en parlementaires pratiques, nous essayons de voir le contenu véritable, la portée réelle d'un geste comme celui-là. J'ai deux questions à adresser au premier ministre à ce sujet. D'abord, au point de vue légal, qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce que vous entendez instituer des procédures auprès des tribunaux pour faire clarifier une question qui ne l'aurait point été? À ce sujet, je voudrais vous faire un bref rappel. Lorsque le gouvernement du Québec s'est adressé à la Cour d'appel il y a quelques mois, il a posé à celle-ci trois questions. Voici comment était formulée la plus importante, celle qui se rattache au sujet d'aujourd'hui: La constitution canadienne habilite-t-elle, soit par statut, convention ou autrement, le Sénat et la Chambre des communes du Canada à faire modifier la constitution canadienne sans l'assentiment des provinces et malgré l'objection de plusieurs d'entre elles de façon à porter atteinte, etc?" Il n'était pas question du Québec. Vous auriez pu, si vous aviez eu l'esprit présent, poser la question du Québec dès ce moment-là, M. le Président. C'est formidable! Je vous cite les textes, M. le Président. (18 h 10)

Maintenant, si le gouvernement veut se présenter devant la Cour suprême, il faudra qu'il examine soigneusement ce qui a été dit par la Cour suprême dans son dernier jugement. La Cour suprême dit ceci: "II ne convient pas que la Cour suprême conçoive dans l'abstrait une formule précise d'amendement qui indiquerait en termes positifs quel degré de consentement provincial est nécessaire pour que la convention soit respectée. Les conventions, de par leur nature, s'élaborent dans l'arène politique et il revient aux acteurs politiques et non pas à cette cour de fixer l'étendue du consentement provincial nécessaire, etc." Je demande au premier ministre s'il envisage des recours judiciaires à ce stade très tardif de réveil de la part du gouvernement. S'il envisage des recours judiciaires, pense-t-il qu'ils ont des chances sérieuses de produire des résultats positifs?

Deuxièmement, étant exclu le côté judiciaire de l'opération, il y a le côté politique. C'est évident que cette bataille va se jouer au plan politique, parce que les acteurs de l'autre côté, forts du jugement de la Cour suprême et des résultats de l'accord du 5 novembre dernier, prétendront qu'ils ont la constitutionnalité en faveur de leur démarche. Je demande au premier ministre, au chef du gouvernement, quelle mesure concrète, quelle démarche pratique il

envisage au plan politique pour contribuer à la solution de cette grave crise constitutionnelle.

La voie la plus indiquée, c'est naturellement celle des négociations, M. le Président, que nous avons recommandée continuellement au gouvernement depuis plusieurs semaines et sur laquelle il a systématiquement et arrogamment levé le nez depuis le 5 novembre dernier. Je demande au premier ministre s'il est prêt, dans une ultime tentative afin de trouver une solution négociée, à prendre le téléphone, à établir des contacts avec les interlocuteurs et, deuxièmement...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Je comprends les membres du gouvernement d'être nerveux, parce qu'ils sont bien embarrassés avec les gestes qui ont été faits depuis quelques mois.

Je demande au chef du gouvernement, à défaut de recours judiciaire sérieux, à défaut de recherche d'une solution raisonnable par voie de négociation...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Ryan: ... qu'est-ce qui se produirait, au plan politique, et combien de temps le gouvernement actuel, dont les vues en cette matière sont manifestement contraires à celle de la majorité de la population du Québec, combien de temps le gouvernement tiendra-t-il la majorité de la population en otage de ses vues séparatistes? Est-ce que le gouvernement envisage de trouver un moyen qui permettrait au peuple souverain de trancher ce dilemme dans des délais raisonnables, afin que la vie politique puisse reprendre son cours normal et qu'on puisse enfin parler des vrais problèmes qui préoccupent les citoyens?

Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais être relativement bref, encore une fois.

Premièrement, le chef de l'Opposition, dans sa réplique, comme il le fait à chaque fois qu'un geste qui est posé touche les intérêts fondamentaux du Québec, depuis quelques semaines nous dit: Allez négocier au rabais. C'est cela, sa seule et unique réponse, de façon à ne jamais répondre sur le fond.

M. Ryan: ... privilège, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une question de privilège.

M. Ryan: M. le Président, je n'ai jamais demandé au gouvernement d'aller négocier au rabais, mais d'aller négocier tout court.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): II a fallu que le chef conservateur, M. Joe Clark, en ait l'idée, lui qui vient de l'Alberta, en ait l'idée, d'une compensation pleine et entière, pour qu'en fin de semaine le chef du Parti libéral rajuste ses flûtes et dise: Cela pourrait avoir du bon sens. Il y a deux semaines, il n'aurait pas été capable de dire cela.

Mais derrière cette pression constante pour aller négocier les restes, il y a évidemment d'essayer de dissimuler sans arrêt le fait que ces attitudes ne servent qu'à affaiblir le Québec. Par exemple, et là je reviens directement à la déclaration que j'ai faite, à la lettre à M. Trudeau et à la première réaction du chef de l'Opposition. Il dit, c'est la seule réponse essentielle: Vous avez lâché, maintenant vous allez essayer de le rattrapper.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est faire le jeu des libéraux fédéraux qui essaient de propager sans arrêt cette même propagande qui est totalement fausse. Un esprit honnête qui lit... D'ailleurs, deux de mes collègues, ce matin, MM. Morin et Morin, enfin, les députés de Sauvé et de Louis-Hébert, en ont parlé. Je ne répéterai pas tout ce qu'ils ont dit, je prendrai simplement, de la part d'un constitutionnaliste, le député de Sauvé, cet extrait très simple que, justement à partir des connaissances, on peut dire en langage de tous les jours. À propos justement de cette fraude qu'on essaie d'escamoter, d'un droit que le Québec n'a jamais laissé aller, qu'on essaie d'escamoter tout simplement en répétant sans arrêt la fausseté elle-même. On sait très bien à quel point c'est facile, dans des domaines qui sont extraordinairement complexes, de mêler les gens pour essayer de camoufler ses propres lâchetés. Ce que le député de Sauvé a écrit se comprend par n'importe qui et on n'a pas besoin d'être constitutionnaliste.

Quand on dit à quelqu'un: J'offre de faire ceci, si vous, vous faites cela, et qu'on signe un contrat là-dessus avec des conditions, si le vis-à-vis, finalement, au lieu de remplir les conditions, répond non, je ne ferai pas cela, il est clair que nous demeurons entièrement libres, nous, de dire:

Dans ce cas-là, nous ne ferons pas ceci.

Quand on offre d'agir à certaines conditions et que les conditions ne sont pas remplies, on retrouve - j'ajoute au texte du député de Sauvé - dans une société civilisée ce qu'on appelle en anglais, je pense, une "society of laws", sa pleine liberté d'action et, en l'occurrence, le Québec retrouve, en entier, son plein droit traditionnel. C'est essentiellement ce que dit d'ailleurs la motion qui est devant cette Chambre.

La stratégie des adversaires du Québec - je continue de citer le député de Sauvé -est évidemment de tenter de nous dépouiller de ce droit, comme de certains autres, parce que, par la suite, tant et aussi longtemps que nous serions dans le régime actuel, nous serions livrés pieds et poings liés à la majorité anglophone du pays et à la majorité des provinces anglophones.

Ce que je trouve extraordinairement déplorable dans cette espèce de prolongement de la propagande des libéraux fédéraux dans le parti qui est en face de nous ici, sans arrêt, c'est comme si on souhaitait qu'on n'ait plus le droit dont on parle. On dit que c'est faux qu'on l'ait perdu, on le dit à partir des meilleurs avis qu'on puisse trouver. Ce que je trouve invraisemblable, c'est qu'en propageant ce bobard, sans arrêt, en dépit d'une certaine rigueur intellectuelle qu'il a déjà eue et de certains principes qu'il énonçait il y a à peine quelques semaines, le député d'Argenteuil se trouve à mettre les intérêts à court terme du Parti libéral du Québec en avant des intérêts permanents du Québec lui-même.

Pour répondre, du même coup, aux deux dernières questions du chef de l'Opposition, si le premier ministre fédéral, M. Trudeau, recevant ce décret du gouvernement du Québec, et sachant très bien de quoi il s'agit et comment ça s'est passé, prétendait que c'est constitutionnel et qu'il peut quand même s'en aller à Londres sans respecter le droit que nous considérons avoir, qui n'est jamais disparu, alors que c'est par fraude qu'on a essayé de nous l'enlever, premièrement, on verrait alors qui spolie les Québécois qui ont mis ces gens au pouvoir et qui les ont maintenus là, qui spolie, jusqu'à l'abus total, les Québécois d'un droit fondamental. De plus, tous les recours possibles - c'est la seule réponse que je peux donner à la question du chef de l'Opposition - tous les recours possibles, en temps et lieu, qui peuvent venir vite, seront ici.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de l'Assemblée sont ajournés... à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! ... à demain... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Les travaux de l'Assemblée sont ajournés à demain, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 21)

ADJOINTS PARLEMENTAIRES

M. Robert Dean Adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu

M. Denis Vaugeois Adjoint parlementaire au ministre délégué aux Affaires parlementaires

M. Jérôme Proulx Adjoint parlementaire au ministre des Affaires culturelles

M. Gilbert Paquette Adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation

M. Pierre de Bellefeuille Adjoint parlementaire au ministre des Affaires intergouvernementales

M. Élie Fallu Adjoint parlementaire au ministre des Affaires municipales

M. Richard Guay Adjoint parlementaire au ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur

M. Gilles Grégoire Adjoint parlementaire au ministre de l'Énergie et des Ressources

M. Adrien Ouellette Adjoint parlementaire au ministre des Transports

M. Roland Dussault Adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme

M. Maurice Martel Adjoint parlementaire au ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement

M. Denis de Belleval Adjoint parlementaire au ministre des Finances

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