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(Dix heures dix-sept minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
instant de recueillement. Veuillez vous asseoir. Affaires courantes.
Déclarations ministérielles. M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
Consultation des citoyens sur des modifications
à la Loi sur la conservation de la faune
M. Lucien Lessard
M. Lessard: M. le Président, je désire informer
cette Assemblée de l'intention du gouvernement de tenir, à la fin
de l'été, une commission parlementaire dont le but sera de
consulter les citoyens sur certaines modifications ou ajouts que j'entends
apporter à la Loi sur la conservation de la faune et de soumettre
à la discussion publique certains moyens et orientations destinés
à protéger les habitats de la faune.
Les plus récents amendements à la Loi 3ur la conservation
de la faune ont été apportés en 1978. Cette loi
nécessite maintenant des modifications importantes pour tenir compte des
nouvelles orientations dans lesquelles s'est engagé le gouvernement au
cours des dernières années. En premier lieu, nous visons à
simplifier cette loi pour en faciliter la compréhension par les quelque
300 000 Québécoises et Québécois qui pratiquent des
activités reliées à la faune, ce qui, ultimement,
contribuera à une meilleure protection de la faune. En deuxième
lieu, nous voulons faire disparaître de la loi toute forme de
présomption à l'égard de ceux qui pratiquent la chasse et
le piégeage car, pour l'immense majorité, ce ne sont pas des
braconniers. Nous voulons, par ailleurs, augmenter substantiellement les
amendes aux contrevenants de façon à décourager toute
forme de braconnage.
M. le Président, je voudrais dire quelques mots sur les nouvelles
orientations que nous entendons mettre de l'avant pour la protection de notre
patrimoine faunique. Parmi ces nouvelles orientations, l'une des plus
importantes concerne la protection des habitats. L'État
québécois a le devoir l'assurer le plein développement de
ses ressources et de veiller à leur conservation pour la jouissance des
générations actuelles et futures. À l'instar de l'Union
internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources, le
gouvernement est conscient que la conservation n'est pas un secteur
limité, mais un processus qui recoupe tous les secteurs et qui devrait
être pris en compte par tous les secteurs.
Déjà, nous pouvons être fiers de nos
réalisations dans le domaine de la conservation du territoire agricole,
des ressources forestières et de notre environnement. Dans cette
même foulée et conscient des lacunes de la situation actuelle face
aux pertes d'habitats qui menacent les ressources fauniques et mettent en
péril les retombées économiques qui y sont
rattachées, je me suis engagé, il y a un peu plus d'un an,
à trouver les remèdes qui s'imposent. J'ai d'ailleurs
reçu, en cela, l'appui de mes collègues, le ministre de
l'Énergie et des Ressources et le ministre de l'Environnement, pour
créer un groupe de travail pour la protection des habitats fauniques. Je
suis heureux de déposer aujourd'hui le rapport synthèse de ce
groupe de travail. (10 h 20)
Les premières constatations de ce groupe font état d'un
peu plus de 650 espèces de vertébrés au Québec dont
les seules utilisations par la chasse, la pêche, le piégage et
l'observation engendrent des dépenses annuelles de l'ordre de 750 000
000 $. Une telle richesse ne peut exister et se perpétuer sans un
habitat de première qualité puisque ce dernier
élément constitue une condition sine qua non à la
santé des populations fauniques. Lorsque nous parlons de protection
d'habitats, il ne faut surtout pas y voir un gel de l'ensemble du territoire
québécois et la subordination de toutes nos activités de
développement à la seule présence fortuite de quelques
éléments fauniques. Bien au contraire, le gouvernement est
soucieux d'assurer le plein développement des ressources du
Québec, mais un développement qui soit harmonieux et qui tienne
compte des exigences de la faune. Dans mon esprit, il faut assurer avant tout
la protection des habitats essentiels, c'est-à-dire ceux dont la
présence est indispensable à la faune. Il s'agit des habitats
d'espèces animales rares menacées ou en danger d'extinction ainsi
que des habitats qui jouent de façon permanente ou temporaire un
rôle déterminant dans le maintien et le développement d'une
population faunique. Nous pensons, dans ce dernier cas, aux lieux de
concentration faunique pour des fonctions vitales, telles que les ravages de
cerfs de Virginie et le milieu riverain où se rassemblent les poissons
pour frayer, les amphibiens pour se reproduire et les oiseaux pour nicher.
Étant donné que, jusqu'à présent, le
ministère dont j'ai la responsabilité s'est attaqué
surtout aux problèmes reliés à la conservation des animaux
eux-mêmes, on remarque aujourd'hui de sérieuses difficultés
dans nos tentatives pour contrer les pertes d'habitats. Il nous faudra
envisager, dans les meilleurs délais, de nouvelles mesures qui verraient
à assurer la perpétuation de l'ensemble des habitats essentiels,
tant sur terres privées que publiques. De plus, pour souligner certains
sites particuliers qui sont soit singulièrement riches, rares à
l'échelle nationale ou régionale, représentatifs d'un type
d'habitat ou soit nécessaires à une population exigeant des
conditions de forêt à pleine maturité, il nous faut
prévoir des modalités particulières qui mettent davantage
l'accent sur la protection des habitats. Dans quelques cas situés sur
des terres privées, il pourrait être utile que mon
ministère ait le pouvoir de procéder à des ententes avec
les propriétaires. Il nous faudra trouver les ressources
nécessaires pour procéder à ces ententes, qu'elles aient
trait à des accords bipartites, à des achats, à des
locations ou à des compensations fiscales.
Il va sans dire que, dans la situation économique difficile que
nous traversons actuellement, nous verrons à développer des
mécanismes qui n'ajouteront pas au fardeau financier de la population,
mais qui solliciteront plutôt la contribution des utilisateurs de la
faune et la participation volontaire des intéressés. À
titre d'exemple, certaines provinces canadiennes gèrent un fonds
spécial destiné à acquérir, protéger ou
aménager des habitats importants.
Il s'agit là de modifications majeures que le gouvernement
désire apporter à la situation actuelle, modifications qui ne
sauraient avoir cours sans la compréhension et l'adhésion
populaires. Afin de maximiser l'efficacité de ses intentions, le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche tentera, chaque
fois que cela sera possible, de s'associer aux divers organismes privés
et publics intéressés à la protection des habitats de la
faune, et même de conclure des ententes bi-partites ou multipartites.
Cet appel aux forces vives n'est pas un vain mot pour nous, mais une
approche qui se veut respectueuse des aspirations et des droits de chaque
citoyen. C'est d'ailleurs dans cette ligne de pensée que nous
convoquerons, à l'été, une commission parlementaire qui
verra à recueillir les avis de la population et à nous aider
à déterminer, avec le plus de justesse possible, quelles sont les
avenues les plus prometteuses parmi toutes celles qui s'offrent à
nous.
Au-delà de cette préoccupation pour les habitats, la
commission parlementaire examinera également toute une série de
propositions visant à améliorer l'efficacité de nos
actions comme gestionnaires de la faune.
Ainsi, nous souhaiterions que les agents de conservation de la faune
puissent faire respecter d'autres lois, telles la Loi sur la qualité de
l'environnement, la Loi sur les réserves écologiques et la Loi
sur les terres et forêts.
Nous voulons également en profiter pour examiner à nouveau
certains types d'affectations territoriales, telles les réserves
fauniques, dans un esprit de simplification tout en les adaptant aux nouvelles
orientations.
Au chapitre des pourvoiries, qui deviendront un véritable
réseau d'hôtels en forêt, nous songeons à introduire
la notion du droit territorial d'hébergement, qui accorde à un
pourvoyeur l'exclusivité d'offrir de l'hébergement sur un
territoire donné à ceux et celles qui désirent pratiquer
la chasse, la pêche ou le piégeage. Ce droit n'empêcherait
pas, par ailleurs, toute autre forme d'occupation des terres sur un tel
territoire reliée, par exemple, à la villégiature ou au
plein air.
Tout en poursuivant nos objectifs de participation des citoyens à
la gestion et à l'accessibilité à la ressource, nous
souhaitons élargir la délégation de gestion qui est
conférée au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche pour qu'il puisse s'associer partout sur le territoire à des
citoyens et groupes désireux de s'impliquer dans l'exploitation,
l'aménagement et la conservation de la faune. D'autres modifications
pourraient permettre dorénavant que du gibier sauvage ou du poisson soit
servi dans un établissement public ou commercial lors d'une fête
familiale, par exemple, ou encore d'en vendre à certaines conditions,
comme c'est le cas pour le lièvre.
Enfin, au chapitre de la stricte conservation de la faune, nous
proposons d'accorder une importance toute particulière aux
espèces rares et à celles qui sont menacées d'extinction
en les protégeant contre toute forme d'utilisation, s'il y a lieu, et en
protégeant également leur habitat. Les importantes modifications
que nous faisons subir à notre milieu ou à la forte pression
d'utilisation que nous exerçons à l'égard de certaines
espèces mettent leur survie en péril. Nous nous devons
conséquemment d'assurer la perpétuation de toutes les
espèces de notre patrimoine faunique.
En conclusion, je souhaite donc, au nom du gouvernement, que tous les
Québécois et toutes les Québécoises qui
s'intéressent de près ou de loin à la perpétuation
de cette richesse naturelle collective qu'est notre faune viennent nous faire
part de leur point de vue lors de la commission parlementaire qui aura lieu,
comme je l'ai dit, à la fin de l'été. Ce sera la meilleure
façon de prendre collectivement les moyens de protéger une
richesse qui appartient à tous.
Il me fait donc plaisir de déposer le document de consultation
qui s'intitule Vers une protection des habitats fauniques au Québec.
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: M. le Président, c'est avec un vif
intérêt que nous avons pris connaissance de la déclaration
du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche relativement à
la Loi sur la conservation de la faune et son intention de mettre l'accent sur
la protection des habitats. Je vous souligne au passage que le ministre, sans
doute occupé à des dossiers plus chauds comme celui des Indiens
de Restigouche ou celui de la fusion des villes de Baie-Comeau et de Hauterive,
qui l'animent d'ailleurs toujours, aura fait qu'aucune nouvelle
législation ou modification ne nous a été soumise depuis
au moins deux ans. Aujourd'hui, le ministre nous aligne côte à
côte des modifications à la Loi sur la conservation de la faune
et, éventuellement, une législation nouvelle en ce qui a trait
à l'habitat faunique.
Cela dit, nous partageons, de ce côté-ci de la Chambre,
l'idée voulant qu'il y ait urgence quant à assurer la protection
du milieu faunique. En fait, c'est ce que nous répétons depuis la
réforme des territoires de chasse et de pêche au Québec de
laquelle ont découlé les problèmes vécus
aujourd'hui quant à l'équilibre écologique en milieu
faunique.
En ce qui concerne les modifications proposées aujourd'hui, qui
sont d'ailleurs revendiquées par tous les milieux
intéressés depuis plusieurs mois, nous en appuierons les
principes. En fait, nous y verrons plus clair lors de la publication des
réglementations. C'est ainsi que la distinction entre piégeur et
braconnier devra être suffisamment nette de façon qu'un jour la
tradition se rompe quant à la vie relativement facile menée par
les braconniers, somme toute, depuis les débuts de la colonie. (10 h
30)
Relativement à la conservation, le gouvernement est bien malvenu,
à notre avis, de suggérer à titre d'exemples ses
réalisations en matière de territoire agricole. Je lui souligne
que la question de compensation fut l'un des sujets les plus discutés,
pour ne pas dire contestés, et tout porte à croire qu'une telle
polémique surgira de nouveau si l'on se fie aux déclarations
d'aujourd'hui.
À cette bureaucratie supplémentaire que nécessitera
la mise en place de cette politique en matière d'habitat faunique
s'ajoutera la complexité géographique du territoire. En effet, le
Québec est protégé en matière agricole,
protégé par rapport à ses ressources forestières,
protégé en vertu des zones d'exploitation contrôlée
et les citoyens, eux, se sentent surprotégés au point que l'on a
assisté, ces dernières années, à la multiplication
des réglementations, lesquelles découragent tout investisseur
désireux de venir s'installer chez nous.
Nous ne demandons pas à ce gouvernement de laisser cours au
développement anarchique. Nous lui suggérons plutôt de bien
mesurer les gestes qu'il pose de manière à éviter les
multiples conflits juridiques à la suite de la mise en place
improvisée de telles réformes.
En dernier lieu, M. le Président, une remarque que j'estime
essentielle en une matière aussi lourde de conséquences et qui
constitue la cheville ouvrière de notre système
démocratique: la consultation. Précisons d'abord que, depuis la
venue au pouvoir de ce parti politique, le véritable sens de la
consultation s'est peu à peu transformé en tyrannie. Croyez-moi,
M. le Président, le mot n'est pas trop fort et j'en veux pour seule
preuve la consultation menée dans le cadre du projet de loi no 37 et du
projet de loi no 70 où le mythe de la consultation a suffisamment
convaincu la population québécoise de la façon dont on
entend disposer de ses suggestions.
Plus près de nous, les administrateurs des ZEC, réunis en
congrès au début de 1982 à Québec, vous parleront
de la manière cavalière dont le ministre du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche a accueilli leurs suggestions alors que celui-ci n'avait
même pas assisté à leurs délibérations. Plus
récemment encore, les dix zones d'exploitation contrôlée
refusaient de signer le protocole annuel avec le gouvernement du Québec
parce que, disent les administrateurs, l'encadrement proposé n'a aucune
commune mesure avec un minimum d'autonomie, politique pourtant moussée
par le ministre lors du dernier congrès des ZEC. Si l'on en croit le
sens du respect à l'égard des représentants du milieu, M.
le Président, voyez plutôt ce que disait le ministre à la
Fédération québécoise de la faune en
décembre 1981. Je cite le Journal de Montréal: "Depuis le temps
qu'elle existe, la Fédération québécoise de la
faune n'a jamais été aussi peu représentative. Elle n'a
pas de crédibilité. Les associations, les membres ne
s'identifient pas clairement à elle."
Pourtant, les préoccupations de la Fédération
québécoise de la faune portent depuis longtemps sur des sujets
aussi précis que ceux suggérés par le ministre
aujourd'hui. Que s'est-il passé depuis? A-telle acquis cette
crédibilité souhaitée par le ministre? Ses membres
sont-ils assez représentatifs pour que l'on daigne les
consulter cette fois-ci?
Enfin, un mot concernant la tâche supplémentaire qu'auront
à remplir les agents de la faune. Actuellement les coupures
budgétaires empêchent d'ajouter les ressources humaines
nécessaires à cette opération. On m'indique même que
les agents de protection de la faune sont limités dans leurs
déplacements.
Voilà que le gouvernement souhaite que ces agents de la faune
puissent faire respecter d'autres lois concernant la qualité de
l'environnement, la Loi sur les réserves écologiques, etc.
Actuellement débordés dans le présent cadre
législatif et administratif, comment les agents de conservation
réussiront-ils à assurer d'autres tâches?
Une commission parlementaire permettra très probablement aux
intervenants de venir condamner le fouillis indescriptible qu'a
créé ce gouvernement et la dilapidation complète qu'il a
engendrée des ressources sur le territoire québécois.
Pour tenter de réparer les pots cassés, on va maintenant
entendre les intervenants. Soit, mais que le ministre retienne de mes propos le
conseil que lui donnait mon collègue du comté de
Maskinongé en matière de projets grandioses dans le cadre de
l'étude des crédits de son ministère: "La
modération a bien meilleur goût."
Je veux vous indiquer en terminant, M. le Président, que c'est
beau la démocratie quand on la pratique vraiment. Merci.
Le Président: M. le ministre, brièvement.
M. Lucien Lessard
M. Lessard: Oui, M. le Président, très
brièvement, en particulier lorsque le député parle de
consultations. Il est exact que j'avais déclaré que la
fédération de la faune devait se transformer et, justement, le
nouveau président, M. Noël Laurin, reprenant exactement les
déclarations que j'avais faites à ce sujet, est en train,
justement, de transformer la Fédération québécoise
de la faune pour qu'elle représente de plus en plus l'ensemble des
pêcheurs et des chasseurs au Québec.
Il ne faudrait quand même pas lire seulement un journaliste
lorsqu'on s'intéresse à la faune, il faudrait voir un peu ce qui
se passe dans . le milieu. Il ne faudrait pas s'attarder exclusivement à
quelques groupes de contestation qui, de toute façon, se sont toujours
opposés à l'ouverture du territoire québécois
à l'ensemble du public.
Le gouvernement du Québec, ce gouvernement, a été
le premier, depuis 1976, non seulement à consulter la population, non
seulement à écouter les quelques patroneux de l'ensemble du
Québec, mais aussi à écouter les citoyens du Québec
et à ouvrir le territoire du Québec à l'ensemble des
citoyens. Ceci était réclamé depuis vingt ans et jamais un
parti, avant 1976, n'avait eu le courage de redonner ces territoires aux
citoyens.
C'est une autre étape, il y a des choses à corriger et
cette commission parlementaire nous permettra non seulement d'en arriver
à une meilleure conservation, mais surtout d'en arriver - je
l'espère, en tout cas - à la protection des habitats fauniques
parce que c'est l'un des problèmes fondamentaux de la conservation de
nos espèces. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le ministre des Finances.
Le taux de la taxe sur le
capital versé des banques à
charte
porté à 1,2%
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, à la suite du
consensus établi au sommet économique de Québec sur
l'urgence de relancer la construction domiciliaire, le gouvernement a
négocié, au cours des dernières semaines, avec tous les
intervenants dans ce secteur d'activités, en vue de mettre en place un
programme de relance de la construction domiciliaire et d'établir la
contribution respective de chacun.
Je rappelle que les syndiqués et les employeurs de l'industrie de
la construction ont accepté d'y aller d'une contribution paritaire
substantielle estimée à 12 500 000 $ chacun par année pour
une période de quatre ans, soit une contribution totale de 100 000 000
$. Les ingénieurs, les arpenteurs-géomètres et les
notaires ont aussi accepté de collaborer en convenant d'honoraires
professionnels réduits. Il en est de même du monde municipal qui a
accepté de mettre tout en oeuvre pour assurer l'efficacité du
programme, notamment l'établissement de fonds de subvention, la
constitution de réserves foncières ou la réduction des
droits sur les mutations immobilières.
Quant aux institutions financières, on leur a demandé de
consentir, dans le cadre du programme, un taux d'intérêt
hypothécaire inférieur de 0,5% par rapport à la moyenne
des taux d'hypothèque conventionnels d'un terme d'une année des
banques, sociétés de fiducie, compagnies d'assurances et caisses
populaires. Le Mouvement Desjardins, la Banque Nationale du Canada et la Banque
d'épargne de la cité et du district de Montréal ont
accepté cette proposition et convenu de leur entière
collaboration à l'administration du programme.
Cependant, malgré nos efforts de
persuasion, d'autres banques à charte, tout en acceptant de
poursuivre les discussions concernant l'administration du programme refusent de
consentir à quelque rabais que ce soit. Compte tenu de la contribution
de l'ensemble des autres intervenants, de la contribution du gouvernement du
Québec à même les impôts des contribuables
québécois et des retombées favorables du programme sur
l'activité économique, le gouvernement du Québec ne peut
accepter ce refus.
En conséquence, j'annonce que le taux de la taxe sur le capital
versé des banques à charte est porté de 0,9% à 1,2%
pour la période allant du 1er juillet 1982 au 30 juin 1985. Toutefois,
une banque à charte prescrite par règlement à la suite
d'une entente avec le gouvernement concernant sa participation au programme
sera exemptée de cette augmentation temporaire du taux de la taxe sur le
capital. Les revenus additionnels permettront d'augmenter la subvention
gouvernementale de façon à permettre l'atteinte de l'objectif
initial d'un taux d'intérêt hypothécaire de 13 1/2% pour
l'emprunteur. Ainsi, toutes les banques à charte seront amenées
à contribuer au programme de relance de la construction domiciliaire.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Tout d'abord, j'aurais des questions de nature factuelle a l'endroit du
ministre. Quelle est la contribution en centaines de milliers ou en millions de
dollars qui sera ainsi assurée au gouvernement à même cette
augmentation de la taxe sur le capital? En même temps, le ministre
pourrait peut-être commenter la proportion du programme volontaire auquel
on s'attendait de voir participer les banques à charte qui sont
visées par cette mesure. Dans la mesure où tant de millions de
dollars seront perçus, on présumait que ce serait là la
contribution de ces institutions financières au programme de relance
domiciliaire. (10 h 40)
Ma deuxième question tient plutôt aux mécanismes que
semble employer le gouvernement à ce moment-ci. Il m'apparaît
inusité qu'on annonce une hausse de la taxe sur le capital par voie de
déclaration ministérielle, qu'il n'y ait pas d'annonce de projet
de loi qui fixerait en matière d'imposition les nouveaux barèmes
d'imposition de la taxe sur le capital versé de ces banques et,
notamment, ce qui retient également l'attention, c'est la façon
dont par règlement, suivant une entente à venir, certaines
institutions seraient exemptées d'une taxe qui à sa face
même devrait frapper toutes les institutions de la même
façon. On peut, quant à la déclaration du ministre,
également, regretter que certaines institutions ne se soient pas jointes
à l'effort de relance domiciliaire. Mais il n'en reste pas moins qu'il
s'agit là d'un programme qu'on a présenté comme
volontaire. C'est une corvée-habitation et, dans ce sens, je ne vois pas
en quoi on peut de quelque façon que ce soit culpabiliser les
institutions en question ou sévir par voie d'imposition spéciale
contre ces institutions.
Il me semble que l'objectif de toute politique fiscale est
l'uniformisation du traitement réservé aux individus ou aux
sociétés qui en sont l'objet. Dans ce sens, la mesure demeure
discriminatoire, c'est-à-dire qu'elle multiplie dans nos lois une autre
occasion, elle s'ajoute aux autres occasions où on peut prétendre
que des lois sont discriminatoires et, au premier chef, il me semble que les
mesures fiscales ne doivent pas faire preuve d'une telle discrimination. Il
m'apparaît, finalement, que c'est un autre pas dans la direction que le
gouvernement semble emprunter, c'est-à-dire qu'à chaque fois que
ces suggestions de nature politique ne font pas l'affaire de certains
intervenants, ne soulèvent pas l'enthousiasme délirant de tous
les intervenants, le gouvernement procède par voie législative.
On l'a vu à l'égard du secteur public. Sous prétexte qu'il
y a crise budgétaire et que les employés du secteur public ont
négocié de bonne foi des augmentations de salaires pour la
convention en cours, on a vu le gouvernement présenter des projets de
loi qui retirent unilatéralement à ces employés du secteur
public les augmentations de salaires auxquelles ils avaient droit. Dans le
schème du gouvernement, il y a dans notre société,
à un extrême, si je comprends bien, les grandes banques, les
méchants capitalistes et, de l'autre côté, les
syndiqués du secteur public. Le gouvernement nous démontre ce
matin qu'il est incapable de négocier avec succès avec tous les
intervenants dans la société.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je vais commencer par la
dernière allusion faite par le député de
Vaudreuil-Soulanges où il évoquait, je pense, l'image du
méchant capitaliste. Que je sache, la Banque Nationale du Canada ou la
Banque d'Épargne ne sont ni plus ni moins capitalistes, j'imagine, que
les autres banques. Or, elles ont convenu d'entrer dans le programme. Il ne
s'agit donc pas du tout - comment dire? - d'une guerre de symboles.
Revenons à chacune des questions posées par le
député de Vaudreuil-Soulanges. Combien cette taxe va-t-elle
rapporter, étant bien entendu que les chiffres que je vais donner ne
s'appliquent pas à la Banque Nationale du Canada et la Banque
d'Épargne puisqu'elles sont réputées avoir accepté
la proposition gouvernementale? Cela rapportera, en 1982, 2 000 000 $; en 1983,
4 400 000 $; en 1984, 4 800 000 $ et en 1985, 2 700 000 $.
On dit: C'est inusité. Bien sûr, c'est inusité, ce
que je viens d'indiquer, M. le Président. Toute l'opération
Corvée-Habitation est tout à fait inusitée. C'est la
première fois dans notre société qu'employeurs,
syndiqués, institutions financières pour plusieurs d'entre elles
-parce que, encore une fois, c'est l'ensemble des caisses populaires, ce sont
les deux grandes institutions de Montréal que sont la Banque
d'Épargne et la Banque Nationale -entrent avec le gouvernement dans une
concertation de cet ordre. On n'a jamais vu passer cela avant.
Évidemment, c'est inusité et le gouvernement est très
fier, d'ailleurs, de pouvoir pratiquer une opération de caractère
inusité, je pense, qui aura démontré à quel point
un très grand nombre d'intervenants, justement, dans notre
société sont prêts à discuter entre eux et avec le
gouvernement pour mettre au point un programme - Dieu sait, d'ailleurs - utile
à l'économie et à son relèvement. Que l'on n'ait
pas réussi à négocier avec tout le monde, qu'un certain
nombre de banques aient refusé de marcher, bien oui, ce sont des choses
qui arrivent. Cela ne veut pas dire que le gouvernement est mauvais
négociateur. Au contraire, dans la mesure où l'entente est aussi
large que celle que je viens d'indiquer, le gouvernement a justement
montré à quel point il pouvait pousser très loin cette
espèce de dialogue entre les intervenants de notre
société.
Ceci étant dit, cependant, il serait un peu trop facile qu'un
certain nombre de ces institutions financières disent: Ne comptez pas
sur nous. Des intervenants acceptent des sacrifices financiers pour lancer une
opération de cet ordre, nous allons en profiter, mais nous ne
contribuerons rien. Des gens viendront nous voir pour obtenir du crédit
hypothécaire à 13,5%, mais nous ne contribuerons rien. On dit:
Dans la mesure où on n'a pas réussi à s'entendre avec
vous, on le regrette, mais on va aller chercher l'argent par le truchement de
cette taxe sur le capital. Cela conclut une opération. Je regrette
encore une fois que toutes les banques n'aient pas embarqué.
Suffisamment d'institutions financières, caisses populaires ou banques
ont embarqué, cependant, pour nous permettre de savoir que, sur le plan
du financement, l'opération peut fonctionner très
correctement.
Les institutions financières qui ont accepté de
fonctionner avec nous - et je pense que c'était la dernière
question soulevée par le député de Vaudreuil-Soulanges -
représentent à peu près 40% ou un peu plus de l'ensemble
du crédit hypothécaire qui se fait chez nous, y compris
d'ailleurs la Société canadienne d'hypothèques. Dans ce
sens l'assise de financement est largement suffisante pour que l'on puisse
fonctionner.
Voilà, M. le Président, je pense, le dernier chapitre de
ces tractations que nous avons eues déjà depuis quelques semaines
et qui normalement devraient permettre à mon collègue, le
ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, d'indiquer de
façon très précise, dans les jours qui viendront, le mode
de fonctionnement du programme et sa date de démarrage. Merci, M. le
Président.
Le Président: Dépôt de documents. M. le
ministre de l'Éducation, par M. le leader du gouvernement.
Rapport annuel du Barreau du Québec
M. Bertrand: M. le Président, au nom du ministre de
l'Éducation, je voudrais d'abord déposer le rapport annuel
1981-1982 du Barreau du Québec.
Rapports de la Corporation
professionnelle des psychologues
et de l'Ordre des comptables
agréés
Deuxièmement, déposer le rapport annuel 1980-1981 de la
Corporation professionnelle des psychologues du Québec et enfin
déposer le rapport annuel 1981-1982 de l'Ordre des comptables
agréés du Québec.
Le Président: Rapports déposés. M. le
ministre des Transports.
Proposition gouvernementale sur l'organisation et le
financement
du transport en commun dans la région de
Montréal
M. Clair: M. le Président, d'abord, je voudrais m'excuser
auprès de mes collègues, puisqu'à la suite d'une erreur de
logistique le dépôt que je vais faire aujourd'hui n'a pas pu
être fait vendredi, alors qu'il aurait dû l'être.
Il me fait plaisir, M. le Président, de déposer en deux
exemplaires la proposition gouvernementale concernant l'organisation et le
financement du transport en commun dans la région de Montréal,
intitulée Le transport en commun, un choix régional.
Le Président: Rapport déposé. M. le leader
du gouvernement, pour le ministre des Affaires intergouvernementales.
Rapport de l'Office franco-québécois
pour la jeunesse, Québec
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais déposer
le rapport annuel de l'année 1981 de l'Office
franco-québécois pour la jeunesse, section du Québec.
Le Président: Rapport déposé.
Pétitions. M. le député de Nicolet.
Pétitions pour le report des projets de loi nos
68 et 70
M. Beaumier: Merci, M. le Président. Par
considération pour tous ces concitoyens et ces concitoyennes de mon
comté, je dépose en cette Chambre la pétition du Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec, signée par environ 240
de mes commettants et le président du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec. Merci.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): ... question de règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): II serait normal, M. le
Président, qu'en vertu des dispositions de notre règlement
l'honorable député nous dise le sujet de cette pétition,
afin que les pétionnaires aient pleinement justice.
Le Président: M. le député de Nicolet, un
exposé succinct et précis.
M. Beaumier: Comme le sait le leader de l'Opposition officielle,
cela concerne l'opposition aux projets de loi nos 68 et 70.
Le Président: Merci. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, en vertu des dispositions de
l'article 180 de nos règlements, je voudrais faire le dépôt
d'une pétition signée par 112 membres du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec, section Valleyfield.
Je fais la lecture du texte, M. le Président: "Attendu que le
régime de retraite fait partie intégrante de nos conditions de
travail; attendu que les autres régimes de retraite auxquels le
gouvernement est partie ne sont pas modifiés en concordance..."
M. Dussault: Question de règlement.
Le Président: M. le député de
Châteauguay, sur une question de règlement.
M. Dussault: M. le Président, étant donné
qu'hier j'ai déposé une pétition pour les fonctionnaires
de la section de Valleyfield, est-ce qu'on doit penser qu'aujourd'hui le
député de Huntingdon dépose une pétition identique
à celle que j'ai déposée hier?
Le Président: La présidence n'a pas à
présumer qu'il s'agit de la même pétition. M. le
député de Huntingdon. (10 h 50)
M. Dubois: M. le Président, "attendu que le gouvernement
envisage de modifier unilatéralement, sans accord de notre syndicat, ces
mêmes régimes de retraite, aux fins d'augmenter nos contributions;
attendu que le gouvernement envisage par voie de législation de
réduire nos salaires pour récupérer les augmentations
prévues à nos conventions collectives venant à
échéance le 31 décembre 1982; attendu que la politique
salariale actuelle nous a déjà été imposée
par le gouvernement par sa loi d'exception de 1979, loi 62; attendu qu'une
telle attitude équivaut pour le gouvernement au non-respect de sa
signature; attendu que, selon l'esprit et la lettre du Code du travail, les
parties à une négociation doivent négocier de bonne foi;
"Nous demandons, par votre entremise, à titre de membre de
l'Assemblée nationale, que l'adoption de ces projets de loi soit
reportée sine die afin de permettre que les négociations pour le
renouvellement de la convention collective se fassent de bonne foi et traitent
de ces sujets. "Même si nous ne sommes pas considérés comme
des citoyens à part entière, nous nous souviendrons, en temps
opportun, que nous devrions avoir droit de parole sur ce que doivent être
nos conditions de travail."
Cette pétition est respectueusement présentée, M.
le Président.
Le Président: Pétition déposée. Mme
la députée de La Peltrie et ministre d'État à la
Condition féminine.
Mme Marois: M. le Président, c'est à titre de
députée de La Peltrie et par respect pour les gens travaillant,
dans mon comté, au ministère du Revenu, que je déposerai,
selon le même texte lu par mon collègue de Huntingdon, une
pétition signée par 1200 travailleurs et travailleuses du
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Richelieu.
M. Martel: M. le Président, en vertu de l'article 180, je
dépose une pétition signée par 77 fonctionnaires du
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de la même
nature que celles déposées précédemment.
Le Président: Pétition déposée.
M. le député de Rimouski et ministre des Travaux publics
et de l'Approvisionnement.
M. Marcoux: M. le Président, j'aimerais déposer une
pétition signée par 497 fonctionnaires de mon comté qui se
prononcent contre la loi 68 et la loi 70.
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. le Président, à la demande du
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec des comtés de
Johnson, Verchères et Saint-Hyacinthe, je dépose une
pétition contenant 322 signatures.
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, en vertu des
dispositions de notre règlement, est-ce que nous pourrions
connaître, comme l'ont fait d'ailleurs les autres collègues, le
sujet de la pétition, un exposé clair, succinct, complet?
Le Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: C'est une pétition similaire à
celle déposée par le député de Huntingdon.
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Groulx.
M. Fallu: M. le Président, de la part de 32 fonctionnaires
travaillant dans le comté de Groulx, au bureau de l'aide sociale, au
centre de main-d'oeuvre et au bureau régional du ministère de
l'Éducation, j'aimerais déposer une pétition relative
à leurs conditions de travail.
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Sainte-Marie.
Pétition pour la mise sur pied d'un service
national volontaire
M. Bisaillon: M. le Président, en vertu des dispositions
de l'article 180 de notre règlement, qu'il me soit permis de
déposer une pétition provenant de quelque 850 citoyennes et
citoyens du comté de Sainte-Marie, qui se lit comme suit:
"Considérant les difficultés particulières
rencontrées chez nous; considérant le taux de chômage de
plus en plus élevé non seulement dans notre quartier, mais
partout au Québec; considérant le portrait
socio-économique du comté de Sainte-Marie; considérant
qu'il faut envisager au plus tôt des mesures comportant des solutions
permanentes; considérant les recommandations de la commission Jean
allant dans le même sens, nous appuyons la mise sur pied d'un service
national volontaire à l'intention principalement des jeunes de 18
à 25 ans." À suivre, M. le Président.
Le Président: Pétition déposée.
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président: M. le député de Joliette, sur
une question de règlement.
M. Chevrette: M. le Président, n'ayant pu aller dans mon
comté, il me sera impossible, avant la fin de la session, de
déposer ma pétition.
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Nous sommes au moment du
dépôt de documents et nous venons d'entendre, de la part du whip
en chef du gouvernement, qu'il aurait désiré déposer une
pétition. Mutatis mutandis, je pense bien qu'il sera obligé de
nous dire quel est le genre de pétition qu'il aurait aimé
déposer.
Des voix: Ah!
M. Chevrette: M. le Président, le leader de l'Opposition
sait très bien que c'est dans le même sens que celles de tous mes
collègues qui se sont levés avant.
Le Président: Dépôt de...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, afin que cela
soit bien clair, si vous me le permettez.
Des voix: Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Si le whip en chef a des objections
à cela, est-ce qu'il s'agit bien d'une opposition des fonctionnaires,
des gens dans les secteurs public et parapublic...
Une voix: Du comté de Joliette.
M. Levesque (Bonaventure): ... du comté de Joliette, sur
la rémunération, les conditions de travail, etc.?
M. Chevrette: M. le Président. Une voix: Fonds de
retraite.
M. Chevrette: Qui, en cette Chambre, pourrait cacher quelque
chose au leader de l'Opposition?
Des voix: Ah!
Le Président: Dépôt de rapports de
commissions élues.
M. le député de Chambly.
Étude du projet de loi no 56
M. Tremblay: M. le Président, qu'il me soit permis,
conformément aux dispositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue permanente des
institutions financières et coopératives qui a
siégé le 21 juin 1982 aux fins d'étudier article par
article le projet de loi no 56, Loi sur les coopératives. Le projet de
loi a été adopté avec des amendements.
Le Président: Rapport déposé. M. le
député d'Arthabaska.
Étude du projet de loi no 65
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, qu'il me soit
permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue permanente des
communications qui a siégé les 4, 7, 8, 9, 11, 14 et 21 juin 1982
aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 65, Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels. Le projet de loi a été adopté
avec des amendements.
Le Président: Rapport déposé. M. le
député de Nicolet.
Étude du projet de loi no 66
M. Beaumier: Également, M. le Président,
conformément aux dispositions de notre règlement, je
dépose le rapport de la commission élue permanente de la
présidence du conseil et de la constitution qui a siégé le
21 juin 1982 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no
66, Loi modifiant certaines dispositions législatives en matière
de financement des partis politiques et en matière d'élections
municipales. Le projet de loi a été adopté avec des
amendements.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article b) du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi no 86 Première lecture
Le Président: M. le ministre de la Justice propose la
première lecture du projet de loi no 86, Loi modifiant la Charte des
droits et libertés de la personne.
M. le ministre de la Justice. M. Marc-André
Bédard
M. Bédard: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le projet de loi no 86, Loi modifiant la Charte des droits et
libertés de la personne.
Ce projet de loi a pour objet de modifier, sous divers aspects, la
Charte des droits et libertés de la personne afin de l'adapter davantage
aux besoins de la société québécoise et
d'accroître la protection qu'elle confère à ses
membres.
Les modifications qu'il propose peuvent se regrouper sous cinq
thèmes, savoir: la prépondérance de la charte, les droits
nouveaux, les avantages sociaux, les programmes d'accès à
l'égalité et les pouvoirs de la Commission des droits de la
personne.
À l'égard du premier de ces thèmes, le projet de
loi vise à étendre la prépondérance de la charte
aux libertés et droits fondamentaux contenus dans les articles 1
à 8; cette prépondérance vaudra à l'égard de
toutes les dispositions des lois du Québec, qu'elles soient
antérieures ou postérieures à la charte, à moins
qu'elles n'énoncent expressément s'appliquer malgré
celle-ci.
Parmi les droits nouveaux introduits dans le présent projet de
loi, on compte, notamment: l'inclusion de l'âge et de la grossesse parmi
les motifs illicites de discrimination; l'interdiction du harcèlement en
raison d'un motif illicite de discrimination; l'interdiction de requérir
d'une personne qui postule un emploi des renseignements reliés à
ces motifs de discrimination; l'inclusion ou l'extension de certains droits
judiciaires tel le droit de ne pas être jugé de nouveau pour une
infraction dont on a déjà été acquitté ou
déclaré coupable, ou encore le droit pour l'accusé
d'être informé promptement de l'infraction particulière
qu'on lui reproche et d'être jugé dans un délai
raisonnable. (11 heures)
Le projet de loi vise également à interdire la
discrimination dans les avantages sociaux, c'est-à-dire dans les
régimes
d'avantages sociaux, de retraite, de rente ou d'assurance, les
régimes universels et les contrats d'assurance. Ne seront permises que
les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur
des facteurs de détermination de risque ou des données
actuarielles que le gouvernement établira par règlement. Dans
l'élaboration de ce règlement, le gouvernement consultera la
Commission des droits de la personne. Ce projet de règlement, comme
d'ailleurs tout autre projet de règlement découlant de la charte,
sera publié et déposé devant la commission parlementaire
élue de la justice avant d'être adopté.
Le projet de loi modifie, de plus, la charte pour permettre
l'instauration de programmes d'accès à l'égalité.
Ces programmes auront pour objet de corriger la situation des personnes faisant
partie de groupes victimes de discrimination dans l'emploi, ainsi que dans les
secteurs de l'éducation ou de la santé et dans tout autre service
ordinairement offert au public. Ces programmes pourront être
implantés sur une base volontaire après approbation de la
Commission des droits de la personne; ils pourront aussi être
recommandés par la commission après enquête ou encore
imposés par un tribunal sur présentation d'une preuve de
discrimination envers un groupe, lorsque la recommandation de la commission
n'aura pas été suivie.
Par ailleurs, le gouvernement s'oblige à implanter des programmes
d'accès dans ses ministères et se donne le pouvoir d'en imposer
à ses organismes.
Le projet de loi vise enfin à élargir certains pouvoirs de
la Commission des droits de la personne. Outre les pouvoirs relatifs aux
programmes d'accès à l'égalité, la commission
pourra s'adresser au tribunal en vue d'obtenir une injonction contre la
personne qui tente d'exercer ou exerce des représailles contre une
personne ou un organisme qui a fait une demande d'enquête ou pris part
à une enquête de la commission, ou contre une personne pour qui
une enquête a été demandée. La commission pourra
également intenter des poursuites pour une infraction à certaines
dispositions de la charte.
Enfin, le projet de loi prévoit qu'une demande d'enquête
à la Commission des droits de la personne suspendra la prescription de
tout recours civil visant le même objet. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Merci. Est-ce que cette motion de
première lecture sera adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article c du feuilleton.
Projet de loi no 90 Première lecture
Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement
propose la première lecture du projet de loi no 90, Loi sur
l'Assemblée nationale du Québec.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: Ce projet de loi a pour objet d'ordonner, de
préciser et de mettre à jour les dispositions ayant trait
à l'organisation et au fonctionnement du pouvoir législatif. Il
consacre la suprématie du Parlement du Québec constitué de
l'Assemblée nationale et du lieutenant-gouverneur et affirme
solennellement le caractère particulier et les prérogatives de
l'Assemblée nationale.
Après avoir établi la composition de l'Assemblée,
sa durée et ses pouvoirs, le chapitre I traite des commissions de
l'Assemblée, de certaines mesures concernant les députés,
des fonctions du président, des adjoints parlementaires et du
secrétaire général.
Le chapitre II ordonne et rassemble des dispositions actuellement
éparses concernant les textes législatifs.
Le chapitre III du projet reprend, en les clarifiant et en les
précisant, les grands principes qui gouvernent l'indépendance de
l'Assemblée nationale. Après la section sur les droits,
privilèges et immunités de l'Assemblée et de ses membres,
ce chapitre traite des conflits d'intérêts et des fonctions
incompatibles avec le mandat de député.
Ce projet de loi institue la fonction de jurisconsulte dont le
rôle sera de donner un avis au député qui en fera la
demande sur la conformité d'une situation éventuelle et propre
à ce député avec les dispositions du projet concernant les
conflits d'intérêts et les incompatibilités de
fonctions.
Le chapitre IV du projet édicte les règles relatives
à l'administration de l'Assemblée nationale. Il propose la
création du Bureau de l'Assemblée nationale composé du
président et de députés représentant les principaux
partis qui siègent à l'Assemblée. Le bureau exercera des
fonctions de contrôle, de réglementation et de gestion, ainsi que
toute autre fonction que
l'Assemblée lui confiera. Ce bureau remplace, avec des pouvoirs
élargis, les commissaires chargés de la régie interne de
l'Assemblée.
Le projet consacre la possibilité pour l'Assemblée de
déroger, par l'intermédiaire du bureau, à l'application de
toute loi ou règlement de nature administrative, lorsque la poursuite
des objectifs et l'exercice des pouvoirs de l'Assemblée peuvent
être plus efficacement atteints par l'utilisation de règles
particulières.
Le chapitre V du projet édicté des sanctions pour les
différentes infractions prévues et reconnaît à
l'Assemblée pleine compétence pour juger de ces infractions de
même que pour l'exécution des sanctions qui en
découlent.
Enfin, le chapitre VI du projet de loi prévoit des dispositions
transitoires et finales. Sous ce chapitre, le projet de loi apporte une
modification à la Loi sur le ministère des Communications en y
intégrant un nouveau chapitre prescrivant que le sous-ministre des
Communications est d'office l'Éditeur officiel du Québec.
D'autres dispositions énumèrent les fonctions de l'Éditeur
officiel du Québec.
Les lois modifiées par ce projet sont: la Loi sur la
Législature, la Loi sur le ministère des Communications, la Loi
électorale, la Loi sur la Fonction publique, la Loi
d'interprétation, la Loi sur le Service des achats du gouvernement et la
Loi sur la Société québécoise d'information
juridique.
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance...
Renvoi à la commission de l'Assemblée
nationale
M. Bertrand: Non, M. le Président, je voudrais faire
motion pour que ce projet de loi soit déféré à la
commission de l'Assemblée nationale.
Le Président: Est-ce que cette motion de
déférence sera adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Présentation de
projets de loi au nom des députés.
Période de questions orales des députés.
M. le député de Neiligan.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Projet d'épuration des eaux à
Granby
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais une question
à poser à "Sir Marcel Laurier", le ministre de l'Environnement,
futur premier ministre du Canada. Le ministre de l'Environnement a
été interrogé, le 6 mai 1982, sur un projet dont il ne
parle pas trop ces jours-ci, le projet d'épuration des eaux à
Granby. C'est un projet qui a commencé en 1980 pour une somme de 19 000
000 $. Dans l'espace de deux ans seulement, cela a augmenté de 300%.
C'est maintenant évalué, par les ingénieurs-conseils et la
Société québécoise d'assainissement des eaux,
à 55 000 000 $. J'ai demandé au ministre comment il se faisait
que dans deux ans ce projet ait augmenté de 300%. Voici les
réponses qu'il m'a données et je cite exactement ses mots:
Le 6 mai 1982: "J'ai fait venir le prix exact pour Granby; cela a
été signé à 32 000 000 $ en 1979." Moi, j'ai
parlé de 19 000 000 $ en janvier 1980. Un peu plus tard, il a fait une
correction lors d'un complément de réponse: "Ce qui est un peu
mêlé, peut-être, dans les dossiers du député
de Neiligan, c'est qu'avant le protocole d'entente de 1979 il y a eu un premier
protocole de 19 000 000 $, ce qui fait qu'il y a eu un correctif entre le
premier protocole et celui de 1979 de 32 000 000 $." C'est-à-dire qu'il
y avait un protocole, avant 1979, pour 19 000 000 $ et, après 1979, un
autre de 32 000 000 $.
Le Président: Question.
M. Lincoln: Excusez-moi. N'est-il pas vrai que le 18 mai 1982 il
m'a dit ceci: "Le montant est passé de 19 000 000 $ à 32 000 000
$ et ce sont les chiffres de décembre 1980"? Là, ce n'est plus
avant 1979, c'est ceux de décembre 1980. C'est seulement douze jours
après.
N'est-il pas vrai que le 2 avril, un mois avant, il m'avait dit:
"À Granby, je peux vous dire que les chiffres, au début,
s'élevaient autour de 32 000 000 $"? J'ai revu les crédits du 3
juin 1981 - j'arrive à ma question - et n'est-il pas vrai qu'il a dit:
"La ville de Granby a aussi signé un projet de 19 000 000 $ dans la
dernière quinzaine"? C'est-à-dire à la mi-mai 1981.
Mes questions au ministre sont celles-ci: Est-ce que c'est 19 000 000 $
avant 1979 ou 19 000 000 $ en mai 1981? Est-ce 32 000 000 $ au début?
Est-ce 32 000 000 $ en 1979 ou si c'est passé à 32 000 000 $ en
décembre 1980? Cinq réponses différentes en l'espace de
quelque temps, la plupart dans l'espace d'un mois.
Peut-il me dire ce qui se passe dans ce contrat? Quelle est la
réponse exacte?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement. (11 h
10)
M. Léger: M. le Président, il y a un vieux proverbe
qui dit: Pourquoi simplifier quand c'est si facile à compliquer? Le
député de Nelligan essaie de compliquer les choses alors qu'il y
a toujours deux chiffres qu'on doit continuellement distinguer, c'est le
coût en argent constant et le coût, à cause de l'inflation,
en argent courant. Autrement dit, quand on signe un projet à une date
précise, disons, 1980, s'il était terminé en 1980, c'est
le prix X défini que ça coûte. Si ce projet se termine dans
deux ans, il faut toujours ajouter l'inflation de 10%, 11%, 12% par
année, ce qui fait qu'un projet de 1980 n'est pas du même prix en
1982 tout en comportant les mêmes ouvrages. Donc, c'est la
différence entre le prix courant et le prix constant. Pour simplifier,
M. le Président, ce que le député de Nelligan veut
mêler, je vais lui dire que j'ai un document qui essaie de réunir
les chiffres de la Société québécoise
d'assainissement des eaux qui est le promoteur et le ministère de
l'Environnement qui doit s'assurer que le projet se réalise à
l'intérieur des balises prévues.
Le projet de Granby a été signé à la fin de
1979 et il y avait eu auparavant, comme je le lui ai dit, un premier protocole
de signé, mais il a été corrigé par la suite. Le
chiffre en argent de 1980 est 32 938 000 $ et, quand il sera terminé,
s'il se fait en deux ans ou en trois ans, il faut toujours ajouter les 11%
environ par année d'inflation et, nécessairement, il y a une
petite marge de manoeuvre autour de 20% pour les imprévus parce que,
quand on fait des études sur papier... Quand on va sur le territoire, il
peut y avoir des difficultés et des contraintes qui ne sont pas visibles
autrement que sur le territoire. En argent 1980, il est prévu que le
coût sera de 32 938 000 $, mais, quand les travaux seront
terminés, il faut toujours y ajouter les 11% d'inflation par
année.
Le Président: Question additionnelle, sans
préambule, M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Sans préambule. J'ai simplement demandé
au ministre comment il se fait que, dans l'espace de six semaines, il m'a
donné trois dates différentes et trois chiffres
différents. N'est-ce pas typique de toute votre affaire dans
l'assainissement des eaux où toute votre évaluation est fausse?
Cela monte de presque 300% à Granby, de 200% à Cowansville et
cela a monté la même chose à Saint-Hyacinthe. Toutes vos
évaluations sont tout à fait fausses, vous ne savez même
pas les dates auxquelles vous signez ces protocoles.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Léger: M. le Président, j'essaie de donner les
ingrédients dans le chaudron de la question du député,
mais c'est lui qui mêle la bouillabaisse.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député d'Iberville.
M. Beauséjour: M. le Président, je voudrais savoir
du ministre s'il est exact que la réalisation de ce projet pourrait
être en retard d'un an et, en même temps, si c'était exact,
si cela pourrait avoir une influence sur le projet de Farnham.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Léger: M. le Président, nous avons
décidé, pour nous assurer de la réalisation la plus
adéquate possible de l'échéancier, de réunir
à toutes les semaines les représentants de la
Société québécoise de l'assainissement des eaux
avec les autorités de mon ministère de l'Environnement pour
évaluer la façon dont l'échéancier est
respecté ou la façon dont les chiffres vont être
respectés. Donc, en ce qui concerne Granby, il n'est pas question qu'il
y ait de retard comme tel, mais justement, aujourd'hui, je rencontre des
représentants des deux groupes pour déterminer les dates pour
chacun de ces projets. Cela me fera plaisir de donner plus tard au
député les renseignements sur des dates plus précises.
Le Président: Question principale, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
Le dossier SIDBEC
M. Scowen: J'ai une question à poser au ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme concernant la compagnie SIDBEC et les
engagements, semble-t-il, qui ne sont pas respectés. En 1979, M. le
Président, le gouvernement péquiste, le gouvernement
Lévesque nous a obligés à investir 150 000 000 $ dans la
compagnie SIDBEC. Je le répète, c'était le gouvernement
péquiste. À ce moment, il s'est engagé à
présenter un plan de redressement dans les prochains six mois pour
expliquer comment, à long terme, cette compagnie pouvait devenir
rentable. Le plan n'était pas rendu public, tel que promis, six mois
plus tard. Cela fait maintenant deux ans et il n'est pas encore public.
Lors de l'étude des crédits, il y a quelques semaines, le
ministre qui a déjà promis à deux reprises que cette
étude serait
rendue publique, m'a assuré que, premièrement, elle serait
rendue publique au plus tard cet automne et, deuxièmement, qu'aucune
somme additionnelle ne serait versée dans cette société
sous forme de prêt, sous forme d'avance, avant que la population et
l'Assemblée nationale n'aient eu l'occasion d'examiner ce plan de
redressement.
Ce matin, M. le Président, il y a un rapport indiquant que le
gouvernement va peut-être faire une avance additionnelle de 40 000 000 $
à SIDBEC avant que ce plan de redressement, promis solennellement par le
gouvernement depuis maintenant deux ans, ne soit rendu public et débattu
par l'Assemblée nationale.
Je veux simplement, comme première question, que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme s'engage, ce matin, à me dire
qu'il n'a pas menti quand il m'a dit en commission parlementaire, il y a deux
ou trois semaines, qu'aucune somme ne sera versée avant que ce plan de
redressement ne soit dévoilé et discuté, et je parle non
seulement des dépenses en capital, mais aussi des avances.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je pense que le dossier SIDBEC
est très important à l'heure actuelle, vu la conjoncture et les
problèmes qu'a connus cette société au cours des
dernières années, en particulier. Je dois dire pour l'information
de cette Chambre que les opérations manufacturières dans les
quatorze dernières années ont perdu 146 000 000 $. C'est dire que
même à travers la mauvaise conjoncture et les difficultés
d'adaptation, on a perdu en moyenne 10 000 000 $ par année, mais le
problème s'est véritablement compliqué depuis quelques
années, depuis trois ans, dans les opérations minières,
à cause de contrats qui ont été signés en 1974-1975
sous le gouvernement de M. Bourassa. On a signé des contrats que pas un
homme d'affaires, pas une femme d'affaires n'aurait signé dans sa vie.
On a signé, en particulier, des contrats de financement pour produire
des boulettes de fer. Des boulettes de fer, je ne sais pas si vous savez ce que
c'est, mais cela ne se vend pas facilement dans les magasins de détail
ces temps-ci. Que SIDBEC...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Biron: ... ait besoin ou non de boulettes, le contrat est
signé de façon telle qu'on produit des boulettes que SIDBEC vend
sur les marchés internationaux en perdant de l'argent, à tel
point que l'an dernier, tout près de 50 000 000 $ ont été
perdus aux opérations minières à cause de contrats
signés en 1974-1975, auxquels nous sommes liés. Il est important
de noter que le malaise de SIDBEC provient surtout de décisions qui ont
été prises par le gouvernement de Robert Bourassa en 1974-1975 et
qui font en sorte qu'aujourd'hui les Québécois doivent payer.
Saviez-vous, M. le Président, que chez SIDBEC-Normines seulement, en
1980, sur un total de 220 000 000 $ qui ont été
dépensés, il y a, en plus, 50 000 000 $ qui sont des
intérêts? On est pris avec eux et on est pris avec le taux
d'intérêt qui augmente. Il y a un autre montant de 50 000 000 $
qui a été versé à US Steel ou à
Québec Cartier Mining et, là-dessus, on nous dit qu'il y a 12 500
000 $ qui ont été versés pour considérations
additionnelles. Une considération additionnelle, on appelle cela une
"royauté" qui est payée, bon an, mal an, à US Steel pour
avoir le droit d'oeuvrer et de creuser un trou au Québec. Le
gouvernement du Québec est pris avec cela à l'heure actuelle. On
est en train de revoir ces contrats qui ont été mal
négociés et mal signés par les libéraux de
l'époque de 1974-1975. On est en train d'essayer de renégocier
ces contrats, à la fois avec US Steel, avec Québec Cartier Mining
et avec les autres financiers de cette entreprise pour nous permettre au moins
une marge de manoeuvre qui permettra à SIDBEC de pouvoir vivre un peu
plus convenablement cette mauvaise conjoncture que nous traversons
actuellement.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai deux questions additionnelles, M. le
Président, parce qu'il n'a pas répondu à la
première question. La première question additionnelle, M. le
ministre, est la suivante: N'est-il pas vrai que votre gouvernement -
l'héritier d'Hydro-Québec, SGF, SIDBEC, SOQUEM, SOQUIA, SOQUIP et
j'en passe - a été élu pour gouverner et que cela fait
maintenant six ans que vous donnez des excuses au sujet de votre faible
administration de la compagnie SIDBEC? (11 h 20)
La deuxième question que je vous pose, M. le ministre, est
très claire. N'est-il pas vrai que c'est votre gouvernement qui a
adopté la loi en 1979 pour dépenser 150 000 000 $ de plus dans
SIDBEC? N'est-ce pas votre gouvernement qui s'est engagé à faire
un plan de redressement dans les six mois qui suivraient l'adoption de cette
loi? N'est-ce pas votre gouvernement qui n'a pas respecté cet
engagement? N'est-ce pas votre gouvernement qui, aujourd'hui, deux ans
après, n'a rien fait pour régler le problème? N'est-ce pas
vous-même qui avez pris
l'engagement dans une commission parlementaire, il y a trois semaines,
de ne plus verser un sou additionnel des fonds publics dans cette
société avant que ce plan de redressement soit rendu public? Je
veux dire rendu public ici en Chambre. Est-ce que ce n'est pas un mensonge
lorsque vous essayez aujourd'hui de blâmer le Parti libéral qui
est disparu du gouvernement depuis maintenant six ans?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, en commission parlementaire, il
y a trois semaines, lorsqu'on a discuté du cas de SIDBEC, j'ai dit au
député de Notre-Dame-de-Grâce qu'il y avait
déjà des sommes d'argent votées dans le budget actuel. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce ne m'empêchera
certainement pas de verser ces sommes d'argent qui sont votées, au su de
tout le monde, à SIDBEC en compensation pour des investissements qu'elle
a faits l'an dernier.
Deuxièmement, j'ai dit au député de
Notre-Dame-de-Grâce que, s'il fallait intervenir au point de vue
financier pour donner des garanties bancaires à SIDBEC, on ne laisserait
pas l'entreprise se faire saisir par des banques ou tomber en faillite parce
que nous autres, nous devons absolument attendre et ne pas procéder
rapidement. Je n'ai pas affirmé au député que je ne
donnais pas de garanties bancaires ou autres à SIDBEC pour passer
à travers une situation difficile, temporaire, à court terme.
Mais je dis au député de Notre-Dame-de-Grâce que, si ce
n'avait été de la conjoncture mauvaise qu'on passe depuis un an
et demi à peu près, les opérations manufacturières
de SIDBEC seraient rentables aujourd'hui. Mais on est pris avec une conjoncture
où les aciéries canadiennes fonctionnent à 65% de leur
capacité, les aciéries américaines, à 48% et,
à travers cela, nous autres, nous sommes obligés de payer de taux
d'intérêt très élevés à cause de
décisions qui ont été prises avant 1976 et, en
particulier, à cause de décisions qui proviennent de
SIDBEC-Normines.
Lorsqu'on est obligé d'assumer un déficit annuel de 40 000
000 $ à 50 000 000 $ à cause de mauvaises décisions et de
mauvais contrats que vous avez pris à l'époque, on est
obligé d'assumer nos obligations dans ce sens. Si les contrats de
SIDBEC-Normines avaient été faits comme du monde, pour produire
la quantité requise pour les partenaires, SIDBEC, British Steel et US
Steel, on ne serait pas pris aujourd'hui avec un déficit annuel de 40
000 000 $ ou de 50 000 000 $ à cause de SIDBEC-Normines. Le gros du
malaise et le cancer de SIDBEC, dans le fond, provient de
SIDBEC-Normines, de contrats qui ont été signés sur
le coin de la table par Robert Bourassa qui est censé être le
grand spécialiste de l'économie au Québec. C'est lui qui a
fait en sorte qu'aujourd'hui nous perdons de l'argent avec SIDBEC-Normines.
Le Président: Deux dernières questions
additionnelles, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, sans
préambule, s'il vous plaît, et M. le député de
Verchères. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Scowen: Le ministre n'a-t-il pas donné son engagement
en commission parlementaire qu'il ne prévoyait pas une dépense
additionnelle de fonds dans SIDBEC avant l'automne et qu'il s'engageait
à ce moment, avant que cette garantie ou avance soit faite, à
déposer en même temps le plan de redressement?
Deuxièmement, combien d'années vont-ils nous donner, une fois
rendus au pouvoir, pour blâmer le Parti québécois pour
l'achat d'Asbestos et de Québecair?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je n'ai fait que citer des
faits. Lorsqu'on analyse un bilan de société, on analyse un bilan
de société et, si on et pris avec des mauvais contrats, on dit au
moins de quoi cela dépend ou de qui cela dépend. Je n'ai que dit
au député de Notre-Dame-de-Grâce que nous sommes pris
aujourd'hui, six ans après, avec des contrats qui ont été
mal signés à l'époque et que nous sommes pris avec et
qu'il faut vivre avec. On essaie de les regarder dans tous les sens pour
ressortir SIDBEC le mieux possible et faire en sorte qu'elle passe à
travers cette mauvaise conjoncture. Je rappelle au député que, si
ce n'avait été de la mauvaise conjoncture économique, les
opérations manufacturières de SIDBEC, aujourd'hui, ne seraient
pas déficitaires; au contraire, elles seraient même rentables. On
a au moins fait un bout de chemin de ce côté. On est pris avec des
vieux contrats qui ont été signés à
l'époque.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, j'aimerais dire, au
profit des travailleurs de SIDBEC et de leur famille qui sont inquiets
aujourd'hui, que le titre du journal qui n'a pas été
mentionné par le député de Notre-Dame-de-Grâce,
c'est: "SIDBEC en faillite d'ici juillet." C'est le titre qu'on voit dans le
journal de ce matin, et on parle du 15 juillet.
Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer si la situation est
à ce point dramatique que le 15 juillet il y a risque de
faillite? Est-ce qu'il pourrait nous indiquer, au sujet des contrats de
SIDBEC-Normines, quelle est la durée de vie de ces contrats? Est-ce que
c'est exact que les contrats qui ont été signés en 1976
impliquent SIDBEC pour les 30 prochaines années, c'est-à-dire
jusqu'à ce que la mine soit épuisée?
Le Président: M. le ministre.
M. Biron: La situation n'est pas dramatique au point où
l'article de journal soit véridique; ce n'est pas vrai du tout. SIDBEC
est encore capable de payer ses comptes, a sa marge de crédit bancaire
et fonctionnera très bien au cours des prochains mois. Il y a des
problèmes importants, c'est vrai. On a demandé à la
direction de SIDBEC de revoir tous ces problèmes de fond en comble.
Aujourd'hui même, on a une réunion du comité
ministériel de développement économique pour analyser le
rapport du conseil d'administration de SIDBEC.
C'est possible qu'on cherche aussi, dans certains secteurs
manufacturiers et même dans les secteurs miniers, des partenaires avec
qui on pourra au moins essayer de rentabiliser le plus rapidement certains
secteurs d'activité. Le titre est inexact, et je crois que les
activités de SIDBEC vont continuer, d'autant plus que,
déjà, le conseil d'administration s'est mis à la recherche
de partenaires possibles. Il y a des négociations en cours.
Quant aux contrats de SIDBEC-Normines, c'est exact que des contrats ont
été signés en 1975 ou 1976 engageant le Québec pour
30 années. Cela veut dire que, quand on aura fini de creuser un trou au
Québec, on aura payé au moins 500 000 000 $ de redevances
à une multinationale américaine pour avoir, le droit d'employer
du minerai de fer du Québec. Cela, c'est le scandale de l'époque
qui a été signé par Robert Bourassa et les
libéraux.
Le Président: Question principale, M. le
député de Saint-Henri.
L'assurance collective des cadres et des directeurs
d'école
M. Hains: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre délégué à l'Administration et
président du Conseil du trésor. M. le ministre, vous savez
certainement que le plan d'assurance collective des cadres et des directeurs
d'école a démontré un surplus depuis 1974. Depuis cette
année, le CARR mandaté à cet effet employait des surplus
au profit des assurés en bonifications supplémentaires. Au 30
décembre 1980, les surplus s'évaluaient à quelque 15 600
000 $. Voici que le gouvernement vient de décréter trois choses:
1) que les surplus accumulés lui appartiendraient au prorata de sa
participation, soit 9 600 000 $; 2) que les futurs surplus lui appartiendront
en totalité; et 3) qu'aucune bonification supplémentaire ne sera
maintenant consentie sans son accord.
Voici ma question. Le respect des engagements du gouvernement
vis-à-vis de ses 4000 directeurs d'école et ses 26 000 cadres
est-il vraiment chose du passé? Est-ce que le ministre a oublié
de comptabiliser dans le gel des salaires les quelque 9 600 000 $ qu'il a pris
au plan des assurances collectives des cadres?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Bérubé: Non, M. le Président. D'abord, je
n'accepte pas du tout l'interprétation du dossier que donne le
député. De fait, ce qu'il faut réaliser, c'est que les
régimes d'assurance collective des cadres dans les secteurs public et
parapublic faisaient en sorte qu'en pratique les régimes coûtaient
beaucoup moins que ce que l'employé et le gouvernement versaient en
contribution. Ce sont les études actuarielles qui nous ont amenés
à constater que des surplus s'accumulaient très rapidement au
sein de ces régimes, provenant des surplus de cotisation qui y
étaient versés, compte tenu des dépenses que les fonds
assumaient.
Or, comme on vient de le souligner, le surplus accumulé
atteignait tout près de 15 000 000 $, et s'est posée très
sérieusement la question, à ce moment-là, à savoir
ce qu'on devait faire d'un tel surplus. Il nous est apparu qu'une bonification
d'un régime déjà fort généreux apparaissait
inappropriée et, par conséquent, qu'il était plus
approprié de retourner les cotisations soit aux employés qui les
avaient versées en trop par une réduction des cotisations pour
l'avenir, soit au gouvernement qui les avait payées en trop. (11 h
30)
Un avis juridique nous a montré qu'en pratique, les surplus de
cotisation appartenaient aux deux parties au prorata de leurs contributions et
cela explique pourquoi la contribution versée en trop par les
employés leur est retournée et celle versée en trop par le
gouvernement est retournée au gouvernement. Maintenant, ceci
représente, évidemment, plusieurs millions de dollars qui vont
permettre de donner d'autres services à la population et, dans la mesure
où le Parti libéral est perpétuellement contre toute forme
de compressions budgétaires, il sera absolument d'accord que, dans le
cas présent, il s'agit d'une excellente mesure administrative, M. le
Président.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Quant aux régimes de retraite, M. le ministre,
le gouvernement recevait les associations des cadres, le 11 mars 1982. Elles
ont fait parvenir de nombreuses réclamations et aucune réponse,
paraît-il, ne serait parvenue. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas
accepté le partage égal des coûts des régimes de
retraite au lieu de réduire des bénéfices, comme le
demandait l'association des directeurs d'école?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Bérubé: M. le Président, le régime
de retraite dans le secteur public est régi essentiellement de trois
façons différentes, soit par deux vieux régimes, qui sont
le Régime de retraite des enseignants et le Régime de retraite
des fonctionnaires, et un régime plus récent qui date de 1973,
qui est maintenant commun à l'ensemble des nouveaux employés du
secteur public - donc depuis 1973 - et regroupe près de 200 000 des
quelque 300 000 employés du secteur public. Dans la mesure où ces
régimes, comme nous l'avons expliqué - ce sont les deux
régimes particuliers des fonctionnaires et des enseignants - avaient
dégagé des déficits actuariels considérables,
compte tenu que les sommes que nous devons injecter dans ces régimes,
annuellement, simplement pour empêcher le déficit de
croître, sont tellement considérables et impliquent, pour
l'avenir, des engagements face aux générations à venir qui
sont également très importants, il nous est apparu
approprié de réduire la générosité des
régimes de manière a en faire des régimes encore parmi les
plus généreux au Canada, mais, néanmoins, d'apprendre
à vivre à la mesure de nos moyens.
Si le député de Saint-Henri ne comprend pas ce qu'est une
crise économique et l'obligation de vivre à la mesure de nos
moyens, M. le Président, je n'y peux absolument rien, mais il s'agissait
de réforme fondamentale.
M. Hains: Une dernière brève question.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Saint-Henri.
M. Hains: Je vais y aller très rapidement. Depuis le 21
avril dernier, vous avez rencontré encore des cadres et, depuis ce
temps-là, ils ont fait beaucoup de suggestions à propos du gel
des salaires qui diminue d'environ 7%, paraît-il, le salaire des
directeurs d'école actuellement. On vous demande ceci. Le ministre
a-t-il réalisé que cette politique de deux poids deux mesures
envers les directeurs d'école qui ne sont pas syndiqués est en
train de miner vraiment leur carrière parce que, depuis ce
temps-là, les professeurs ne sont vraiment plus intéressés
à postuler pour ce poste supérieur?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Bérubé: Non, M. le Président, je ne
partage pas l'analyse qui est faite. Dans le cas des directeurs d'école,
le gel des salaires pour les directeurs qui sont rémunérés
à 37 000 $ et plus est identique au gel en vigueur dans l'ensemble des
secteurs public et parapublic et, d'ailleurs, identique à ce que les
médecins ont accepté comme gel, un gel de leur
rémunération d'une année complète. Ils n'ont eu une
augmentation que pour une année et non pas l'autre année. Par
conséquent, dans l'ensemble du secteur public, les employés
bénéficiant d'un salaire de 37 000 $ à 40 000 $ et plus
ont vu leur salaire gelé pour cette année qui commence, soit
à partir de juillet 1982.
Dans le cas des directeurs d'école, la règle s'applique
également et ils ont connu un gel. La situation que dénonce le
député de Saint-Henri est liée à un autre
problème qui est l'écart existant entre, par exemple, les
directeurs d'école, certains professionnels et certains enseignants qui
sont rémunérés sauvent à des salaires
supérieurs, ou du moins très voisins, aux salaires de directeurs
d'école.
Or, c'est un problème qui est passablement universel, M. le
Président, dans la mesure où la rémunération pour
les professionnels au gouvernement et également pour les enseignants est
telle que les cadres inférieurs se retrouvent souvent avec des salaires
qui sont moindres ou à peine supérieurs aux salaires des
employés qu'ils dirigent. C'est donc un problème que nous avons
de distorsion des échelles salariales liée au fait que les
salaires de nos professionnels sont probablement complètement hors
marché et non seulement probablement, mais évidemment hors
marché. Par conséquent, il y avait un redressement à
effectuer et ce redressement, M. le Président, est en cours.
Le Président: Question principale, Mme la
députée de Dorion.
Les augmentations salariales dans les cabinets
ministériels
Mme Lachapelle: M. le Président, ma question s'adresse
aussi au ministre délégué à l'Administration et
président du Conseil du trésor.
Le premier ministre a annoncé, il y a quelque temps, une
décision de principe
quant au gel modulé des salaires du personnel de cabinet selon
les paramètres de la proportion gouvernementale faite aux centrales
syndicales en avril dernier.
Ma question est la suivante: Qu'en est-il exactement des augmentations
salariales dans les cabinets pour 1982-1983 et qu'arrive-t-il aux masses
salariales des cabinets?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Bérubé: M. le Président, c'est une
problème analogue à celui que le député de
Saint-Henri vient de souligner. Je pense d'abord qu'il faut bien comprendre que
dans le cas du personnel de cabinet, il n'y a pas que les attachés
politiques souvent rémunérés au même titre que des
professionnels du gouvernement, mais il y a également tout le personnel
de soutien, le personnel de secrétariat et les
téléphonistes qui relèvent des cabinets.
Donc, il y a un éventail très grand de salaires dans les
cabinets ministériels. Il en va de même également pour le
personnel politique engagé par le parti de l'Opposition. Il s'agissait
de définir quelles seraient les augmentations de salaires acceptables
pour les employés des cabinets politiques. Je dois dire, M. le
Président, qu'on aurait peut-être dû vous poser la question
puisque vous présidez le comité de régie interne. Il reste
que le gouvernement a demandé au comité de régie interne,
et cela a été accepté, que s'applique comme politique de
rémunération, la proposition que nous avions faite aux
employés de l'État au 15 avril dernier, c'est-à-dire que
dans le cas des employés de cabinet, les employés politiques en
bas d'échelle, c'est-à-dire rémunérés au
salaire d'à peu près 13 000 $ par année, soit 7,20 $
l'heure, le salaire sera indexé au 1er juillet pour protéger
entièrement les employés contre l'érosion de leur pouvoir
d'achat. Il en ira de même au 31 décembre, alors qu'une nouvelle
augmentation prévaudra, ce qui veut dire qu'en juillet, les
employés des cabinets rémunérés au salaire le plus
bas, c'est-à-dire 13 000 $, recevront 8,65% d'augmentation. Au 31
décembre, ils recevront 2,8% d'augmentation. Cependant, au fur et
à mesure que le salaire croît, l'augmentation de salaire diminue,
c'est-à-dire que quelqu'un qui est situé à mi-chemin dans
l'échelle salariale, soit un salarié moyen qui gagnerait environ
22 000 $, soit 12 $ l'heure, n'aurait que 4,5% à peu près
d'augmentation le 1er juillet et environ 1,5% le 31 décembre.
Quant à un employé qui gagnerait 37 000 $ et plus, il
aurait environ 1% d'augmentation au 1er juillet et 0,4% le 31 décembre.
Quant au salarié supérieur, il n'aurait absolument aucune autre
augmentation de salaire. Donc, tous les employés recevant plus de 37 000
$ de salaire verraient leur salaire complètement gelé comme le
cas des cadres qu'on vient de soulever.
Il faut souligner que cette proposition m'apparaît
éminemment juste et équitable dans la mesure où les
employés qui travaillent dans nos cabinets à bas salaire verront
leur pouvoir d'achat complètement protégé contre
l'érosion causée par l'accroissement du coût de la vie.
Soulignons également que cette proposition que nous avons faite
à l'ensemble des employés du secteur public nous apparaît
véritablement la plus équitable.
Le Président: Merci. Question principale, M. le
député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre de l'Éducation. Je vois qu'il n'est pas ici,
est-ce qu'on pourrait...
M. Bertrand: II est ici, M. le Président, il ne devrait
pas tarder.
Une voix: II se cache.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. le député de Pontiac.
M. Ciaccia: Je ne pourrai pas poser ma question...
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Ma question s'adresse au ministre de
l'Habitation...
Le Président: Excusez-moi. Pontiac et Mont-Royal,
Mont-Royal à Pontiac. M. le député de Pontiac.
Le campus Héritage
M. Middlemiss: Merci de nouveau, M. le Président. On sait
déjà que ma question s'adresse au ministre de l'Education. Est-ce
qu'il pourrait nous énumérer les motifs réels qui l'ont
amené à faire volte-face dans le dossier du campus
Héritage, le 11 juin dernier, compte tenu que le ministre avait
indiqué le 23 mars 1981, en pleine campagne électorale, qu'il
acquiesçait à la demande du conseil d'administration du
cégep de l'Outaouais de transférer l'administration du campus
Héritage au collège Champlain? Cette décision de maintenir
le lien de dépendance au cégep de l'Outaouais, plutôt
qu'à une affiliation au collège Champlain, est une atteinte
à l'autonomie du campus Héritage ainsi qu'à la
communauté anglophone de l'Outaouais et est d'autant plus douteuse,
surtout lorsqu'on regarde les
résultats du référendum du Parti
québécois en janvier et février derniers. Permettez-moi de
vous rappeler que 95% des répondants, lors de ce
référendum, s'étaient prononcés pour la question
suivante: "Que le parti réaffirme son respect et son ouverture à
l'endroit de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises, quelle que soit leur origine ethnique ou culturelle
et, notamment, par la reconnaissance du droit de la minorité anglophone
à ses établissements essentiels, scolaires et autres." (11 h
40)
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: J'espère que le député ne me
conseille pas de rattacher un campus collégial, qui compte seulement 500
étudiants, donc, qui n'a pas la taille pour devenir un cégep,
à un siège social situé à près de 250
kilomètres de ce campus régional. Ce siège social, qui
administre déjà trois campus de niveau collégial
éjarrés aux quatre coins du Québec, dont un à
Québec, un à Saint-Lambert et un autre dans la région de
l'Estrie a beaucoup à faire, certains diraient trop à faire,
d'administrer des campus régionaux déjà très
dispersés qui ont chacun leurs problèmes et dont le mode
d'administration suscite de plus en plus de critiques au sein même des
campus régionaux qui relèvent de lui.
Il me semble que ce serait une décision administrative aberrante
que d'ajouter aux problèmes que connaît déjà le
siège social du collège de Champlain pour administrer ces campus.
Si on devait y ajouter un quatrième campus, avec tous les
problèmes additionnels que cela causerait, je pense qu'on ne ferait
qu'ajouter aux problèmes, ce qui se solderait inévitablement par
une moins bonne administration.
Une autre raison qui justifie la décision que nous venons de
prendre est la suivante: elle s'appuie sur le rapport d'étude que j'ai
demandé à M. Caldwell et à deux assistants. Ce rapport
Caldwell retient deux principes fondamentaux. Le premier principe fondamental,
c'est qu'il faut accorder au campus de l'Outaouais une plus grande autonomie
car, même s'il n'y a que 500 étudiants, le campus a quand
même atteint une certaine taille. En vue du maintien et du
développement des caractéristiques culturelles et linguistiques
de cet enseignement, il importe de lui accorder une plus grande autonomie.
Or, la décision que je viens de prendre comporte une autonomie
marquée pour le campus Héritage. Par exemple, nous allons
aménager très bientôt une nouvelle annexe à ce
campus, au coût de 1 600 000 $, qui procurera des espaces, des locaux,
des équipements additionnels. Nous accordons au campus Héritage
une représentation directe au sein du cégep de l'Outaouais dont
il relève. Nous lui accordons une très grande autonomie sur le
plan des relations de travail, sur le plan de la pédagogie. Donc, on
peut dire qu'avec le nouveau régime le campus régional jouira
d'une autonomie de près de 80%, ce qui est parfaitement compatible avec
la résolution du Parti québécois qui veut que la
minorité anglophone contrôle ses établissements.
Le Président: M. le ministre, en concluant, s'il vous
plaît.
M. Laurin: Le deuxième principe... M. Garon: C'est
important.
M. Bérubé: Le deuxième est plus important
que le premier.
M. Laurin: ... du rapport Caldwell...
Le Président: M. le ministre, je comprends, mais c'est
l'une des dernières périodes des questions. Plusieurs
députés sont prêts à poser des questions et il ne
reste que cinq minutes à la période des questions. Alors, s'il
vous plaît.
M. Laurin: Le deuxième principe que retenait le rapport
Caldwell était qu'il fallait insérer de plus en plus les
communautés linguistiques anglophones dans le tissu social et culturel
de la société québécoise. Il faut donc que le
campus soit administré dans l'Outaouais, par l'Outaouais pour le
développement de la société outaouaise. En ce sens, je
pense que la décision que nous venons de prendre permettra au campus
Héritage de l'Outaouais de s'insérer d'une façon plus
marquée et significative dans le tissu social et culturel de l'Outaouais
pour le plus grand bénéfice...
Le Président: M. le député de Pontiac.
M. Middlemiss: N'est-il pas...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Middlemiss: ... vrai, M. le ministre, que le rapport Caldwell
avait recommandé l'affiliation au collège Champlain? N'est-il pas
vrai, M. le ministre, que la décision vous a été
édictée plutôt par des pressions d'organismes
socio-culturels de la région qui craignent que le passage du campus
Héritage sous l'administration anglophone n'entraîne des
francophones à s'y inscrire puisque la loi 101 n'impose aucune
restriction au niveau collégial et universitaire?
Le Président: M. le ministre, brièvement, s'il vous
plaît.
M. Laurin: M. le Président, le rapport Caldwell n'a pas
exclu une affiliation au cégep de l'Outaouais. Il pouvait, bien
sûr, recommander...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laurin: ... une affiliation au cégep Champlain, mais
ceci constituait une modalité. Il y a longtemps que j'ai appris qu'il
vaut mieux respecter les principes que les modalités, qui peuvent
changer. En ce sens, la modalité du maintien du lien entre le
cégep de l'Outaouais et le campus Héritage m'apparaît bien
plus respectueuse de l'esprit du rapport Caldwell, beaucoup plus susceptible
d'amener l'insertion de cette communauté linguistique dans le tissu de
la société québécoise et en particulier de
l'Outaouais.
Le Président: Merci. Question principale, M. le
député de Mont-Royal.
Le logement des personnes âgées
M. Ciaccia: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Habitation au sujet du programme Logirente, programme d'aide
financière aux personnes de 65 ans et plus. À une réponse
de ma collègue la députée de L'Acadie, vous aviez
indiqué l'augmentation du plafond de loyer admissible dans certains cas.
Par exemple, un logement d'une personne seule a augmenté de 180 $
à 195 $. Le logement pour un couple, de 200 $ à 210 $. Vous avez
laissé les chambreurs à 120 $. L'augmentation moyenne
était approximativement de 8%. Est-ce que le ministre est prêt
à accepter les recommandations du front commun Logirente pour augmenter
le plafond pour les chambreurs à 145 $ et augmenter le logement pour un
couple de 200 $ à 255 $? Ne serait-il pas plus équitable
d'accepter ces recommandations du front commun Logirente spécialement en
vue du fait que même la Régie du logement a annoncé cette
année qu'elle accorderait des hausses de loyer de 10% à 20%, ce
qui serait en accord avec les recommandations qui ont été faites
par le front commun Logirente?
Le Président: M. le ministre de l'Habitation et de la
Protection du consommateur.
M. Tardif: M. le Président, comme je l'ai
déjà dit au député de L'Acadie, nous allons
procéder à une révision des loyers plafonds au cours de
l'été pour que ceux-ci soient révisés avant pour la
date anniversaire du programme, soit le 1er octobre prochain. Est-ce que ce
sera de l'ordre mentionné par le député de Mont-Royal? Je
pense qu'en toute équité il faut reconnaître que, dans le
cas des personnes vivant en chambre, il n'y a pas eu ajustement la
dernière fois, de sorte que dans leur cas il se pourrait que le
relèvement soit plus significatif que dans les deux autres. Tout ce que
je puis dire, M. le Président, c'est que nous étudions
présentement les recommandations du front commun Logirente; que ce
programme qui a été mis sur pied en 1980 et qui est dans sa
deuxième année d'existence a été bonifié une
première fois; il le sera régulièrement. Nous allons
essayer de nous ajuster justement sur la progression des loyers.
Nous savons, M. le Président, que le loyer moyen payé en
1981 - pour ceux qui à tout le moins ont fait des réclamations
à Logirente - était de l'ordre de 150 $ pour les chambreurs, de
213 $ pour les personnes seules et de 231 $ pour les couples. Donc, M. le
Président, si nous nous basons là-dessus, compte tenu du fait que
c'est le revenu de l'année précédente qui est pris en
compte, ce qui veut donc dire que la situation financière de la personne
généralement retraitée dont la pension de vieillesse est
indexée trimestriellement est meilleure que celle sur laquelle on
s'appuie pour les fins de calcul. M. le Président, il m'apparaît
que les chiffres cités par le député ne sont pas
irréalistes et que c'est dans une fourchette autour de cela que nous
allons nous retrouver au mois d'octobre. (11 h 50)
M. Ciaccia: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Sans préambule, s'il vous
plaît.
M. Ciaccia: Le front commun Logirente vous a fait des
représentations à savoir que, si ce programme était
bonifié, cela réduirait les pressions pour des demandes de HLM
qui sont beaucoup plus dispendieuses. Il y a une autre recommandation et je
demanderais au ministre s'il serait prêt à l'accepter: Vu qu'il y
a trop de personnes âgées qui sont obligées de consacrer de
30% à 40% de leurs revenus à leur loyer et que leurs revenus sont
trop limités pour consacrer un si haut pourcentage au loyer et vivre
décemment, le ministre est-il prêt à accepter une autre
recommandation, à savoir que l'allocation du logement soit
calculée en considérant que les personnes âgées ne
devraient pas consacrer plus de 25% de leurs revenus au logement, autrement
dit, d'essayer de prendre les mêmes critères, grosso modo, pour
les HLM, en termes de pourcentage de revenu, que ceux que vous prenez pour le
programme Logirentes?
Le Président: M. le ministre.
M. Tardif: Non, M. le Président. Dans l'immédiat,
ceci n'est pas envisagé. Il faut
rappeler une différence fondamentale entre le programme de HLM et
celui du supplément au loyer. C'est que c'est ou bien l'État, ou
bien une municipalité, ou bien un organisme sans but lucratif, ou une
coop qui est propriétaire du logement, mais, dans tous les cas, il
s'agit d'organismes sans but lucratif. Dans le cas du programme Logirente, les
personnes peuvent louer un logement n'importe où et évidemment
subir des hausses de loyer qui n'ont rien à faire avec les coûts
de fonctionnement, mais qui peuvent être liées également
à la recherche d'un profit. C'est peut-être normal, mais il y a un
plafond. Dans toutes les provinces qui ont un programme d'allocation-logement -
je pense à la Colombie britannique avec son programme SAFER, qui est
l'équivalent de cela, c'est pour Shelter Aid for Elderly Residents qui
est l'équivalent du programme Logirente - on retrouve les mêmes
paramètres. Étant donné que la personne est libre d'aller
d'un logement à l'autre et de se voir demander des augmentations, ce que
nous ne voulons certainement pas, c'est que l'aide de l'État passe dans
les poches du propriétaire et ne vienne pas aider véritablement
le locataire. Il y a aura donc toujours un apport additionnel, un
intérêt pour le locataire de s'assurer qu'il n'y a pas de demande
abusive de loyer et qu'on ne retrouve pas ce phénomène. Donc, M.
le Président, un réajustement du programme, mais certainement pas
dans ce sens pour l'immédiat.
Le Président: Fin de la période des questions.
Excusez-moi, M. le député de
Shefford, c'est la fin de la période des questions.
Une voix: Pourrais-je avoir le consentement, M. le
Président...
Le Président: S'il vous plaît! On m'informe que le
ministre des Affaires sociales aurait un complément de réponse
à fournir à une question du député de Laurier. M.
le ministre.
Places pour délinguants anglophones à
Montréal
M. Johnson (Anjou): M. le Président, hier, le
député de Laurier a posé une question touchant des
recommandations qui viendraient du Conseil régional de la santé
et des services sociaux du Montréal métropolitain en regard des
places non sécuritaires pour jeunes délinquants anglophones dans
cette région. En réponse précise à sa question, je
dirai que je n'ai pas reçu de telles recommandations, ni quant aux
places sécuritaires ni quant aux places non sécuritaires du
conseil régional. Au ministère, on m'avise qu'il n'y a pas eu non
plus de tel rapport ou de telles recommandations qui lui ont été
transmises. Cependant, nous croyons savoir qu'effectivement le conseil
régional s'apprêterait à nous faire des recommandations
dans ces domaines. Donc, à ce stade-ci, il est parfaitement
prématuré de se prononcer, étant donné que nous
n'en sommes pas saisis.
Le Président: Mme la députée de L'Acadie,
une courte question additionnelle.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, comme mon
collègue de Laurier n'est pas ici, la seule réponse que je
voudrais avoir du ministre est celle-ci: Confirme-t-il le fait qu'il y a un
manque de places sécuritaires pour les jeunes anglophones du
Québec et de la région de Montréal, en particulier?
Confirme-t-il ce fait-là?
Le Président: M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je peux confirmer le fait dans la
région de Montréal proprement dite, le fait qu'il y a
effectivement des difficultés en termes de ressources. Cependant, je
peux également confirmer, dans le cas des ressources
sécuritaires, que déjà, au ministère, avec
notamment Cité des Prairies, nous avons fait en sorte d'aménager
deux unités qui pourraient servir à la communauté
anglophone et qu'un des établissements anglophones, tout en
reconnaissant la valeur de ce qui a été fait dans la
première unité, ne voudrait pas se servir de la deuxième
unité de douze places et préférerait que nous fassions un
aménagement nouveau ou un réaménagement des ressources
existantes dans la communauté anglophone. En ce sens, si on regarde le
nombre de places disponibles, de façon générale, on peut
dire que, malgré la pression, sur l'île de Montréal, c'est
adéquat. Il y a tout le problème à propos de la rive sud
et du débordement sur Montréal, mais il y a effectivement un
problème d'aménagement de ressources dans la mesure où on
considère qu'il y a deux communautés, donc deux types
d'établissements, alors qu'une des approches que nous aurions
favorisée aurait été de reconnaître des
unités anglophones et de faire les aménagements
budgétaires nécessaires à l'intérieur des
ressources existantes, notamment à la Cité des Prairies qui, on
le sait, est un endroit de la communauté francophone.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme, en complément de réponse à une question du
député de Brome-Missisquoi.
L'entreprise Vélan de Granby
M. Biron: M. le Président. La semaine dernière, le
député de Brome-Missisquoi m'a posé une question
concernant une entreprise qui, apparemment, ne ferait pas d'autres
investissements au Québec à cause de la conjoncture
économique du gouvernement du Québec. Il s'agit de l'entreprise
Vélan, de Saint-Laurent et de Granby. Ce matin, le député
de Shefford et moi avons pris le petit déjeuner avec M. Vélan et
son fils. Nous avons fait le tour de ses appréhensions et de son
entreprise. M. Vélan est d'abord très déçu de voir
qu'une seule des lettres personnelles qu'il a adressées, soit celle
à M. Boivin, le commissaire industriel libéral de Granby, a
été publiée, alors qu'une autre copie de lettre qu'il
avait adressée à M. Trudeau et qui est plus dure que la
première n'a pas été publiée, blâmant le
gouvernement fédéral de la conjoncture économique et du
peu d'actions économiques que le gouvernement fédéral
poserait. À tout événement, M. le Président,
l'entreprise Vélan, il y a trois ans, avait 90 employés à
Granby et en a maintenant 160. L'entreprise Vélan faisait 9 000 000 $ de
chiffre d'affaires et en fait maintenant 28 000 000 $, à Granby. Cela
veut dire que l'entreprise est très satisfaite de sa productivité
et surtout de l'excellente collaboration que l'entreprise reçoit de ses
travailleurs de la ville de Granby, du maire, en particulier, et du
gouvernement du Québec.
M. Vélan m'a dit, ce matin, que, peu importe la situation
politique du Québec, même dans un Québec souverain, il
demeurerait au Québec et continuerait d'investir au Québec, parce
qu'il a confiance dans les travailleurs et les travailleuses du
Québec.
Des voix: Bravo!
M. Biron: Bien sûr, M. Vélan, comme d'ailleurs
beaucoup de gens au Québec, s'inquiète de la bureaucratie,
à la fois québécoise et fédérale et,
là-dessus, il appuie le gouvernement dans les décisions que nous
prenons pour essayer de dégraisser un peu notre machine. Mais je veux
aussi dire au député de Brome-Missisquoi, que, ce matin, il y
avait une lettre ouverte, dans la Voix de l'Est, de Granby, signée par
le maire de Granby, qui déplore que son commissaire industriel ait fait
publier une lettre personnelle qui lui était adressée pour des
fins probablement politiques. M. Trépanier prend la défense du
gouvernement du Québec en disant que ce n'est véritablement pas
la faute du gouvernement du Québec s'il n'y a pas d'autres
investissements.
À l'intention du député de Brome-Missisquoi et de
cette Chambre, je dis que l'entreprise Vélan vend 90% de ses produits
hors du Québec. Ce n'est certainement pas la conjoncture
économique du Québec qui fait qu'elle ne fait pas de ventes ou
qu'elle peut diminuer ses ventes, mais c'est à cause de la conjoncture
mondiale et de la conjoncture canadienne.
Dans ce sens, M. Vélan m'a dit qu'aussitôt que la
conjoncture se replacerait sur le plan mondial, particulièrement dans la
robinetterie et dans la pétrochimie, il continuerait d'investir au
Québec et particulièrement à Granby.
Le Président: Courte question additionnelle, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: La question que j'ai à poser au ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est très précise. M.
Vélan, dans une lettre du 12 mai 1982, qui a été
reproduite dans le journal La Voix de l'Est, du samedi 12 juin 1982, disait:
"Regardant un investissement très précis de..."
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi, il est de tradition, en période de complément
de réponse, qu'on accorde qu'une courte question additionnelle sans
préambule au député à qui est adressé le
complément de réponse. S'il vous plaît!
M. Paradis: N'est-il pas vrai, le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, qu'on parlait, lors de ma question, d'un
investissement de 5 000 000 $, de la création de cinquante emplois, que
M. Vélan dit retarder à cause du climat socio-politique du
Québec et du fait que le présent gouvernement n'est pas vraiment
intéressé dans le développement industriel et donne
préférence à ses batailles avec Ottawa? Vous a-t-il dit,
ce matin, qu'il ferait l'investissement de 5 000 000 $ et qu'il créerait
les cinquante emplois? (12 heures)
Le Président: M. le ministre.
M. Biron: Je crois que le député de
Brome-Missisquoi se mêle un peu entre 50 000 000 $ et 5 000 000 $, il y a
une différence importante. M. Vélan m'a dit que son
investissement de 5 000 000 $, il le ferait à Granby aussitôt que
la conjoncture mondiale - non pas la situation politique du Québec et du
Canada - pourrait se replacer et qu'il pourrait réaliser des ventes
à l'extérieur du Québec. Je vous rappelle qu'il vend
déjà 90% de ses produits à l'extérieur du
Québec. Cela veut dire que ses produits sont vraiment
écoulés en fonction de la conjoncture mondiale. M. Vélan
nous a assurés que si la conjoncture mondiale se replace, les
investissements seront faits au Québec. Je répète que M.
Vélan a confiance
au gouvernement du Québec et aux travailleurs et travailleuses
d'ici.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Shefford,
à moins d'un consentement...
Des voix: Non.
Le Président: Défaut de consentement. Motions non
annoncées, M. le député de Vachon.
M. Payne: M. le Président, selon la tradition, je demande
le consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion suivante:
Que l'Assemblée nationale du Québec enregistre son plaisir
d'apprendre la grande nouvelle venant de l'Angleterre, hier, au sujet de la
naissance d'un fils à Diana, princesse du pays de Galles et à
Charles, prince du pays de Galles.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Est-ce qu'il
y a consentement unanime?
Des voix: Non!
Le Président: Absence de consentement
constatée.
M. le député de Pontiac.
M. Middlemiss. Merci, M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Pontiac.
Référendum mondial sur le
désarmement
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je demande la
permission à l'Assemblée que l'Assemblée nationale du
Québec appuie l'idée de la tenue d'un référendum
mondial administré par l'ONU sur la question du désarmement
nucléaire et général.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Y a-t-il
consentement unanime?
Des voix: Oui, consentement.
Le Président: II y a consentement. M. le
député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Réalisant
que l'humanité est de plus en plus menacée d'une guerre mondiale
nucléaire; considérant que, malgré trente ans de
négociation, la course aux armements continue au rythme de 550 000 000
000 $ par année; constatant que l'Organisation des Nations Unies a
déclaré que l'humanité fait face à deux choix, soit
arrêter la course aux armements et procéder au désarmement
ou faire face à l'annihilation; réalisant que la question du
désarmement touche chaque individu qui ainsi dispose du droit
fondamental de se prononcer sur le sujet; étant donné que les
membres de l'ONU se sont mis d'accord sur le texte d'une résolution
McCloy-Zorin donnant les principes du désarmement général
et complet; attendu que 84 municipalités canadiennes ont appuyé
l'idée de la tenue d'un référendum mondial
administré par l'ONU sur une période de quelques années,
permettant aux peuples du monde de voter pour le désarmement
général et complet.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration.
M. Godin: Au nom du parti ministériel, il me fait plaisir
de m'associer à cette motion. J'aimerais citer la phrase du poète
Léo Ferré: À force de tant jouer avec la bombe, un jour il
faudrait bien qu'elle tombe. Pour éviter que ça tombe, justement,
je pense qu'un référendum pourrait nous donner une très
bonne indication de la volonté des peuples que la prolifération
nucléaire cesse.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leder
de l'Opposition.
Félicitations à trois
vétérans de l'Assemblée nationale
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, qu'il me soit
permis de demander le consentement unanime de cette Chambre pour
présenter une motion de félicitations et de meilleurs voeux
à l'endroit de deux de nos collègues, le député de
Saint-Louis et le député d'Orford, qui célèbrent
aujourd'hui, le 22 juin, le 22e anniversaire de leur présence en cette
Assemblée.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
Une voix: C'est quasiment tous des vieux partis...
M. Levesque (Bonaventure): ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Excusez-moi. M. le leader
de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le
Président, je voudrais, au nom de notre formation
politique...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, s'il vous
plaît! Comme il y a consentement, M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais,
au nom de notre formation politique, me faire l'interprète de tous nos
collègues et je suis convaincu, par les applaudissements qui sont venus
de toutes parts, que je me fais également l'interprète de tous
les députés de l'Assemblée nationale pour formuler nos
meilleurs voeux à nos deux collègues qui ont eu cette
persévérance de rester aussi longtemps en cette Assemblée.
Je voudrais, en particulier, féliciter leurs électeurs et leurs
électrices de leur avoir permis de dépasser le cap des 20 ans et,
maintenant, d'être rendus à 22 ans.
Le 22 juin, il est arrivé que nous ayons terminé nos
travaux ou encore il est arrivé également, pas tellement souvent,
que cette date ou ce jour soit un samedi ou un dimanche, alors nous n'avons pas
eu l'occasion de le souligner. Je suis heureux qu'en ce 22 juin nous soyons
tous ensemble ici pour rendre un hommage et un témoignage bien
mérités à l'endroit de ces deux excellents
députés.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: M. le Président, vous allez
comprendre que c'est sans aucune espèce de réserve que je
m'associe et que j'associe ma formation politique aux félicitations qui
viennent d'être adressées au député de Saint-Louis
et au député d'Orford.
Je le fais avec d'autant plus de plaisir, M. le Président, que,
de 1966 à 1970, nous avons eu l'occasion de siéger ensemble ici
dans le même Parlement, sauf qu'ils ont été plus
persévérants que celui qui vous parle et qu'ils n'ont pas
interrompu cette brillante carrière politique.
M. le Président, je résumerai le fond de ma pensée
en disant tout simplement ceci. Voici deux hommes politiques qui, bien
sûr, ont des adversaires dans cette vie tourmentée, mais, quant
à moi - je pense que c'est la même chose pour tous les membres de
cette Chambre - je ne leur connais pas d'ennemi.
M. le Président, je ne sais pas si cela devrait prendre la forme
d'un amendement à la motion du leader de l'Opposition ou si cela peut se
limiter à un simple commentaire, mais il est un autre homme politique au
Québec qui, le 22 juin 1960, a également été
élu député, sauf que, quant à lui, sa
carrière a été momentanément interrompue pendant
quelques années, mais il est revenu en 1976. Ayant été
élu député du comté de Laurier en 1960, si mon
souvenir est fidèle, il a fait cette période de 1960 à
1970 et, en 1976, il est revenu à titre de député de
Taillon et premier ministre du Québec.
M. le Président, je pense que, sous forme d'amendement, on
devrait aussi faire en sorte que ces félicitations soient
également transmises au premier ministre du Québec.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Louis.
M. Blank: Étant donné que notre règlement
nous donne le droit de faire un sous-amendement, puisque le 20 juin 1982
était un dimanche, je ne veux pas qu'on oublie que, dimanche dernier, le
20 juin, c'était le 26e anniversaire de l'élection du
député de Bonaventure.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La motion
amendée... Oh! M. le député d'Orford.
M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, je ne veux pas
faire un débat, mais je voudrais tout simplement profiter de l'occasion
pour remercier mes collègues de leur motion nous félicitant pour
nos 22 ans de vie politique. Si, après 22 ans, je suis ici aujourd'hui,
c'est grâce à la population de mon comté qui m'a élu
à sept élections consécutives. Je tiens aussi à
remercier mon épouse qui a été très patiente et qui
m'a permis de servir la population, comme je l'ai fait au cours des 22
dernières années. J'ai toujours eu le grand plaisir de desservir
une population comme celle du comté d'Orford qui m'a toujours
été très agréable. Je pense que si j'ai eu la
patience de continuer pendant 22 ans, c'est parce que j'ai été
bien servi par la population de mon comté. (12 h 10)
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Louis.
M. Blank: Avec la permission de la Chambre je voudrais dire
quelques mots. I too would like to thank my electors for sending me here seven
times. I also would like to thank my family and my wife for taking the strain
and giving the support necessary for me to be here. In passing, I suppose there
are many people responsible for me entering politics, but purhaps one person
may be responsible for my election in 1960, which, out of 40 000 votes cast I
won by less than 100 votes; I must say that the first person who got up and
spoke for me in public was the honourable René Lévesque.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
amendée et sous-amendée est adoptée? Adopté.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Merci, M. le Président. Je demande le
consentement de cette Chambre afin que cette Assemblée félicite
M. Michel Tremblay et M. Mario Thivierge, deux fonctionnaires au
ministère des
Communications du Québec, pour avoir obtenu le grand prix au gala
de l'affiche d'art 1982 pour la créativité du concept Minute
Ottawa! dénonçant le coup de force du gouvernement libéral
de Pierre Elliott Trudeau, coup de force qui réduit sensiblement les
pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a malheureusement
pas de consentement.
M. Picotte: M. le Président, je serais prêt à
donner mon consentement dans un combat verbal...
Le Vice-Président (M. Jolivet):Enregistrement des noms sur
les votes en suspens.
Qu'on appelle les députés.
Mise aux voix du rapport de la commission qui a
étudié
le projet de loi no 37, des articles, du titre,
etc.
(12 h 16)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
Les votes que nous avons à prendre portent sur la loi 37, Loi
regroupant les villes de Baie-Comeau et de Hauterive, et pour l'acceptation du
rapport. Je dois vous faire remarquer qu'à la suite d'une
décision de cette Assemblée, le vote est pris
rétroactivement à la séance précédente, tel
qu'entendu, selon l'ordre de la Chambre qui avait été
donné.
Il y a trois votes. Je vais les donner l'un après l'autre. C'est
un vote en bloc sur tous les amendements qui ont été
proposés. Vous avez ensuite, comme deuxième vote, les articles du
projet de loi qui ont été amendés, ceux qui ne sont pas
amendés, le titre, le préambule, les annexes. Le troisième
vote va porter sur l'acceptation du rapport tel qu'amendé. Ces trois
votes sont rétroactifs, tel que l'ordre de la Chambre l'a
désigné.
Je porte donc à votre attention le premier vote qui est le vote
en bloc sur les amendements.
Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
Le Secrétaire ajoint: Mme Marois, MM. Bédard,
Parizeau, Laurin, Johnson (Anjou), Bérubé, Landry, Gendron,
Lessard, Marcoux, Biron, Godin, Rancourt, Richard, Clair, Chevrette,
Fréchette, Marois, Garon, Tardif, Léonard, Martel, Baril
(Arthabaska), de Belleval, Ouellette, Mme Lachapelle, MM. Brassard, Dean,
Paquette, Gagnon, Guay, Dussault, Desbiens, Fallu, Bordeleau, Marquis,
Charbonneau, Boucher, Mme Harel, MM. Beauséjour, Champagne, Perron,
Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante, Brouillet, Rochefort, Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscaminque), LeMay, Payne, Beaumier, Tremblay,
Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré, Bisaillon.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui
sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
O'Gallagher, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Mailloux, Vaillancourt (Orford), Mme
Bacon, MM. Marx, Bélanger, Blank, Mathieu, Assad, Vallières, Mme
Dougherty, MM. Lincoln, Paradis, Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Picotte,
Rocheleau, Bissonnet, Polak, Cusano, Dubois, Sirros, Dauphin, French, Doyon,
Kehoe, Middlemiss, Hains, Leduc (Saint-Laurent), Scowen.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Y a-t-il consentement?
Consentement.
Le Secrétaire: Pour: 58
Contre: 33
(12 h 20)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Le deuxième vote, c'est sur les articles du projet de loi d'abord
amendés, ensuite non amendés, le titre, le préambule et
les annexes. Même vote?
Des voix: Même vote.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Même vote.
Adopté.
Le troisième vote, sur le rapport tel qu'amendé.
Des voix: Même vote.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Même vote.
Adopté.
Les avis à la Chambre. M. le leader adjoint, il n'y en a pas.
M. Fréchette: M. le Président, vous aurez
noté qu'au chapitre des motions ou des avis à la Chambre tout est
immaculé. Il n'y a donc aucune commission qui siège aujourd'hui.
Il n'y a pas d'avis, non plus, en conséquence de ce que je viens de
dire. Par ailleurs, je crois l'occasion utile, M. le Président,
d'informer les membres de cette
Chambre qu'au cours de l'été certaines commissions seront
appelées à siéger à des dates qui seront
déterminées. Les membres de ces différentes commissions
seront informés de ces dates dans les délais prévus par
nos règlements.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Les affaires du jour. M.
le leader adjoint.
M. Fréchette: M. le Président, je vous prierais
d'appeler l'article 20 du feuilleton, s'il vous plaît!
Prise en considération
du rapport de la commission
qui a étudié le projet de loi no
67
Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en
considération du rapport de la commission permanente de la justice qui a
étudié le projet de loi no 67, Loi modifiant la Loi sur les
poursuites sommaires, le Code de procédure civile et d'autres
dispositions législatives. Est-ce que le rapport est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint.
M. Fréchette: Je crois comprendre, M. le Président,
qu'il pourrait peut-être y avoir consentement pour que nous puissions
dès maintenant procéder à l'adoption de la motion de
troisième lecture de ce même projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a consentement. Donc,
la troisième lecture du projet de loi no 67 est adoptée. M. le
leader adjoint.
M. Fréchette: Article 21 du feuilleton, M. le
Président.
Prise en considération
du rapport de la commission
qui a étudié le projet de loi no
70
Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en
considération du rapport de la commission des finances et des comptes
publics qui a étudié le projet de loi no 70, Loi concernant la
rémunération dans le secteur public. Le rapport est-il
adopté?
Des voix: Adopté. Une voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté sur
division.
M. Fréchette: M. le Président, je vous prierais
maintenant de référer à la page 9 du feuilleton.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La troisième
lecture du projet de loi, est-ce à une séance
subséquente?
M. Fréchette: À une séance
subséquente.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Même séance
ou séance subséquente.
M. Levesque (Bonaventure): Ah, oui.
M. Fréchette: M. le Président, à la page 9
du feuilleton, au chapitre des projets de loi inscrits au nom du gouvernement
et déférés pour étude à des commissions
après la deuxième lecture, si je pouvais obtenir le consentement
pour que nous puissions dès maintenant procéder à la prise
en considération du rapport de la commission de la présidence du
conseil et de la constitution quant au projet de loi no 66 sur le financement
des partis politiques, nous serions prêts à en disposer.
Prise en considération
du rapport de la commission
qui a étudié le projet de loi no
66
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a consentement. Prise
en considération du rapport du projet de loi no 66, Loi modifiant
certaines dispositions législatives en matière de financement des
partis politiques et en matière d'élections municipales.
Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Fréchette: Troisième lecture, M. le
Président?
M. Levesque (Bonaventure): Non.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Même séance
ou séance subséquente.
M. Fréchette: Ce serait la même procédure, si
on y consentait, M. le Président, quant au projet de loi no 65.
Consentement pour la prise en considération du rapport dès
maintenant?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Y a-t-il consentement?
Des voix: Consentement.
Prise en considération
du rapport de la commission
qui a étudié le projet de loi no
65
Le Vice-Président (M. Jolivet): Consentement. Prise en
considération du rapport sur le projet de loi no 65, Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels. Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Troisième lecture, même séance ou séance
subséquente.
M. Fréchette: C'est le même processus, M. le
Président, quant au projet de loi no 56, même consentement.
Prise en considération
du rapport de la commission
qui a étudié le projet de loi no
56
Le Vice-Président (M. Jolivet): Même consentement.
Prise en considération du rapport du projet de loi no 56, Loi sur les
coopératives. Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Fréchette: M. le Président, je pense qu'on
pourrait maintenant également s'entendre pour la troisième
lecture, sauf qu'il y a cependant un amendement. Je pense que Mme la
députée de Chomedey a été saisie de la nature de
l'amendement. Je ne sais pas si elle a des commentaires à formuler ou si
elle est d'accord avec la nature de l'amendement.
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a consentement.
Troisième lecture
M. Fréchette: II faudrait faire motion, M. le
Président, pour que les écritures soient faites en
conséquence et qu'ensuite on procède à l'adoption de la
troisième lecture.
M. le Président, essentiellement, l'amendement, c'est pour
permettre que le recours collectif qui est prévu au Code de
procédure civile s'applique dans cette loi également. C'est un
ajout qui a été fait pour permettre cette possibilité.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a donc consentement
pour que les écritures soient faites, que l'amendement soit
adopté et que la troisième lecture soit adoptée avec
l'amendement?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint.
M. Fréchette: M. le Président, je vous prierais de
revenir, s'il vous plaît, à l'article 4 du feuilleton
d'aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
troisième lecture du projet de loi no 68, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant les régimes de retraite, est
adoptée?
M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je crois, M. le Président, que
ce projet de loi pourrait être discuté en même temps que le
projet de loi no 70 en troisième lecture. Comme nous allons sans doute
demander un vote enregistré, même si nous n'intervenons pas, nous
sommes prêts à dire que nous nous opposons à la
troisième lecture comme à toutes les autres lectures du projet de
loi no 68. Cependant, il faudrait s'entendre pour que nous disposions des
projets de loi nos 68 et 70 par un vote enregistré.
Le Vice-Président (M- Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: Je voudrais être sûr d'avoir
bien compris le leader de l'Opposition. Est-ce que je suis justifié de
croire qu'il serait disposé qu'on adopte la troisième lecture du
projet de loi no 68 sur division, quitte à faire le débat, qui
était ici prévu, sur le projet de loi no 70?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je pense que c'est plus que sur
division. Nous voulons enregistrer notre vote sur le projet de loi no 68 en
même temps que sur le projet de loi no 70. On pourrait avoir le
même vote, si vous voulez, mais je pense que, dans les deux cas, nous
aimerions avoir un vote enregistré.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous sommes donc mieux de
reporter la décision concernant le projet de loi no 68 en même
temps que le projet de loi no 70?
M. Fréchette: Voilà, oui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: L'article 6, M. le Président.
Projet de loi no 72 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): J'appelle la
troisième lecture du projet de loi no 72, Loi modifiant le Code du
travail, le Code de procédure civile et d'autres dispositions
législatives. Cette troisième lecture est-elle
adoptée?
M. Marois: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Pierre Marois
M. Marois: Nous en sommes rendus au terme de l'étude.
C'est un projet de loi qui - je pense que tous et toutes l'admettront -touche
un problème qui est à la fois complexe, mais, en même
temps, il touche certainement une des choses les plus fondamentales dans une
société, c'est-à-dire la primauté du droit des
citoyens de bénéficier de tous les services jugés
essentiels lorsque les travailleurs, lorsque les travailleuses exercent leur
droit de grève, non seulement et, bien sûr, au premier chef, dans
les services de santé et les services sociaux, mais également -
ce qui est complètement nouveau par le présent projet de loi -
dans les services publics, à partir du moment où certains
services publics seraient nommément désignés par
décret du gouvernement.
Nous avons passé près de 16 heures d'étude, de
travail en commission parlementaire, aussi bien les parlementaires de
l'Opposition que ceux de ce côté-ci de la Chambre, à
étudier, à scruter à la loupe chacun des articles du
projet de loi. Je voudrais, en passant, remercier très
sincèrement mes collègues des deux côtés de la
Chambre de leur coopération lors de l'étude article par article
de ce projet de loi.
Un certain nombre d'amendements ont été adoptés,
les uns suggérés par les membres de l'Opposition, les autres par
les membres de ce côté-ci de la Chambre, tout ça dans le
but de bonifier le projet de loi. Je ne vais pas reprendre tous ces amendements
ici, mais je voudrais rappeler cependant un certain nombre d'amendements
importants, notamment certains amendements qui concernent le fonctionnement du
conseil des services essentiels, pour éviter que puissent se produire
des problèmes de conflits d'intérêts. Plus
fondamentalement, il y a un amendement qui concerne l'exercice même du
droit de grève pour en resserrer, en civiliser encore davantage
l'exercice dans le sens suivant.
Si tant est que le droit de grève sent le besoin de s'exercer,
non seulement il ne pourra l'être sans que, au préalable, une
entente ou une liste entre les parties ait été
déposée en bonne et due forme, mais il faut que cela ait
été fait dans un délai précis de 90 jours, dans le
cas des services de santé et des services sociaux, et de sept jours,
dans le cas des services publics, et dans un délai tel que le conseil
des services essentiels ait le temps de procéder à
l'évaluation de ces ententes ou de ces listes avant que soit acquis,
toujours avant que soit acquis, le droit de grève, pour faire en sorte
que la suffisance ou l'insuffisance, le cas échéant, puisse
être évaluée de façon extrêmement
serrée et que, en cas d'insuffisance, il soit possible au gouvernement
d'assumer pleinement ses responsabilités, ce qui signifie clairement,
dans le projet de loi, la suspension de l'exercice du droit de
grève.
Si tant est que ces documents ne devaient pas être remis dans les
délais prévus, par voie de conséquence, le droit de
grève s'en trouverait retardé d'autant. (12 h 30)
Ces travaux, en commission parlementaire, nous ont permis aussi de
peut-être encore faire davantage ressortir ce qui apparaissait
déjà pourtant suffisamment clair. Si, des deux côtés
de la Chambre, nous nous entendons sur les objectifs fondamentaux,
c'est-à-dire d'assurer cette primauté, dans les faits, du droit
des citoyens d'obtenir les services essentiels, nous divergeons sur les moyens
à prendre pour y arriver.
L'Opposition est revenue et nous a proposé des amendements, dans
le sens de ce qu'elle avait évoqué déjà, visant
à introduire cette notion, dans notre droit et dans les faits, de
l'abolition sélective du droit de grève dans certains
établissements de santé à vocation unique, de même
que dans des établissements, comme on dit dans le jargon, à
vocation multiple, c'est-à-dire, par exemple, des hôpitaux
où on retrouve à la fois des malades chroniques, des gens qui ont
subi des interventions chirurgicales récentes, des patients
psychiatriques, des services de gynécologie, des services d'urgence,
etc.
Même si cette idée paraît extrêmement
généreuse à première vue, nous avons eu à
nouveau l'occasion d'expliquer pourquoi, à notre point de vue, elle
paraît terriblement risquée et périlleuse. L'abolition du
droit de grève n'a pas encore réussi à abolir la
réalité même de la grève lorsque des salariés
ont décidé de l'exercer. Certaines provinces en ont fait encore
récemment la douloureuse expérience. Dans ces cas, aucun
mécanisme de services essentiels n'étant prévu, on imagine
facilement les jours d'angoisse qui sont vécus par les citoyens
bénéficiaires pendant que dure la réalité d'une
grève illégale.
De ce côté-ci de la Chambre, quant à
nous, nous n'avons pas choisi la voie spectaculaire, il faut le dire, de
l'abolition, un peu, beaucoup, passionnément, sélective ou pas,
du droit de grève. Nous avons préféré une approche
qui nous paraît certes, à première vue, plus complexe. Les
uns ont dit plus bureaucratique, plus lourde. Je ne crois pas. Elle demeure
profondément, extrêmement souple, pouvant nous permettre d'agir
avec efficacité, rapidement; c'est une approche qui demeure plus
réaliste et que nous croyons aussi plus efficace.
Vous savez, M. le Président, l'espérance qu'il ne pleuvra
pas en voyage ne vaudra jamais l'efficacité d'un imperméable
qu'on apporte avec soi. Nous avons voulu faire en sorte que les
bénéficiaires des soins de santé aient l'assurance de
recevoir les soins auxquels ils ont droit. Tout en reconnaissant le droit des
salariés de faire valoir leur point de vue en matière de
relations du travail, nous balisons et nous limitons ce droit et surtout nous
le subordonnons au droit des citoyens de recevoir les services essentiels.
On me permettra à nouveau de préciser la portée de
certaines dispositions extrêmement importantes du présent projet
de loi, plus spécialement en réponse à certaines
allégations qui sont revenues à nouveau dans certains textes,
notamment, qui ont été publiés.
Les uns ont affirmé que la formule des services essentiels avait
été, jusqu'à présent, un échec. Je pense que
cette affirmation doit être très nuancée. Les faits sont
là pour en témoigner. Est-ce qu'il est encore nécessaire
de rappeler que, dans un grand nombre de cas, des ententes sont intervenues et
ont été respectées dans les établissements lors des
dernières négociations? Nous voulons capitaliser sur l'acquis
tout en raffinant cet acquis, en raffermissant la portée aussi des
mécanismes déjà expérimentés.
En ce qui a trait aux services publics, est-ce qu'il est
nécessaire de souligner à nouveau la tradition qui existe
maintenant au Québec? De plus en plus, on la voit à l'occasion de
certains conflits que la société vit présentement, la
tradition en matière des services essentiels, que ce soit
particulièrement dans le cas d'Hydro-Québec, plus près de
nous, plus présent parmi nous, ou dans le cas du conflit qui perdure
depuis déjà un bon moment chez Gaz Métropolitain. On a bon
espoir - j'ouvre une parenthèse -que ce conflit puisse se régler
dans les jours ou les semaines à venir. Cela dit, à Gaz
Métropolitain, une entente est intervenue sur les services essentiels,
qui est toujours respectée par les deux parties. Je n'ai pas encore
reçu quelque plainte que ce soit de citoyens ou de citoyennes
bénéficiant des services de Gaz Métropolitain. La liste
des services essentiels sera maintenant soumise en plus aux exigences de ce
qu'on appelle un protocole-cadre et cela va faciliter d'autant la conclusion
d'entente entre les parties.
Dans le cas où on ne parviendrait pas à une entente, la
liste présentée par la partie syndicale sera soumise - ce n'est
plus la responsabilité ultime, comme c'était le cas par le
passé - à l'examen, à l'étude, à
l'évaluation du conseil qui pourra même la refuser s'il la juge
insuffisante. Si une partie syndicale devait persister dans le maintien d'une
liste qui soit jugée insuffisante, le rapport du conseil au ministre,
dont le contenu sera rendu public pour que les citoyens soient pleinement
informés, sans compter le pouvoir général d'information
qui sera donné au conseil, ne pourrait qu'amener une suspension du droit
de grève à cet endroit précis.
Dans certains cas, la liste des services essentiels, et on a eu
l'occasion d'en discuter plus amplement, plus concrètement en commission
parlementaire, pourra comprendre et devra même comprendre, tant c'est
l'évidence même, et comme cela a été fait dans
certains établissements durant les dernières rondes de
négociation, la presque totalité des services, et de ce fait, la
grève, si tant est qu'elle sente le besoin de s'exercer, ne pourra avoir
autre chose qu'un caractère purement symbolique.
C'est particulièrement vrai pour les établissements
où les malades chroniques sont entièrement dépendants. Le
protocole-cadre devra prévoir le contenu de ce minimum exigible, minimum
qui pourrait voisiner le maximum dans certains cas. La loi précise
également, et il est important de le rappeler, que le gouvernement
pourra ultimement modifier le contenu du protocole-cadre élaboré
par le conseil.
Il est certain que notre pari repose sur l'idée que nous pouvons
faire confiance au sens des responsabilités des personnes,
salariés ou administreurs, mais un sens des responsabilités qui
sera désormais surveillé de façon extrêmement
serrée et étroite. Je demeure profondément convaincu qu'il
est moins risqué pour tous de choisir cette voie. Présumer que
les gens ne sont pas responsables et procéder par voie d'interdiction ne
peut guère encourager une attitude de concertation entre les parties
appelées à négocier.
La méfiance engendre la défiance et c'est par la porte de
la défiance que passent toujours invariablement les abus. Il va sans
dire que je souhaiterais, comme tous les Québécois et toutes les
Québécoises, j'en suis convaincu, qu'une attitude de concertation
remplace graduellement de plus en plus l'esprit d'affrontement
systématique dont nous sommes témoins trop souvent dans le monde
des relations du travail. Mais cet esprit ne peut malheureusement pas
disparaître par l'effet magique d'une loi que pourrait adopter le
législateur.
D'autres l'ont essayé avant nous sans succès. On ne peut
pas forcer ou imposer la conscience sociale, on ne peut que l'inciter à
devenir de plus en plus adulte et responsable. Nous allons faire tout ce qui
est humainement possible poursuivant dans cette voie pour en favoriser
l'éclosion en lui permettant de croître dans un cadre propice
à son épanouissement. Et ce cadre, c'est ma conviction profonde,
ne peut être que celui de la responsabilité sociale des individus
et, encore une fois, une responsabilité sociale surveillée.
Le projet de loi qui est devant nous sur le maintien des services
essentiels fait appel à ce sens des responsabilités, mais
n'exclut pas la responsabilité ultime du gouvernement dans ce domaine,
bien au contraire.
Nous osons croire qu'il peut y avoir progrès dans ce sens, mais,
cependant, la confiance que nous avons dans le sens de l'humanité, des
hommes et des femmes qui travaillent particulièrement dans les
hôpitaux, dans certains établissements de santé, à
titre de salarié, de médecin ou d'administrateur, ne doit jamais
nous faire oublier que le bien-Être des malades doit être
assuré en toute circonstance. (12 h 40)
C'est pourquoi j'ai tenu à ce que ce projet de loi contienne des
dispositions incitant au respect des principes qu'il défend, tout en
espérant que les sanctions prévues ne demeureront qu'incitatives
et n'auront jamais à être utilisées. Je peux vous assurer
que le gouvernement ne reculera pas devant ces responsabilités, s'il
doit le faire. Je demeure profondément convaincu, et je sais que c'est
une conviction partagée, en tout cas par les membres de l'Opposition qui
ont travaillé avec nous en commission parlementaire, qu'aucune voie, de
toute manière, n'offre de garantie absolue d'atteindre les buts que nous
nous fixons tous. Nous avons choisi ce qui nous semble être la voie la
plus réaliste, la plus susceptible d'offrir toutes les protections
nécessaires aux malades, quelles que soient es
éventualités. Encore une fois, ce n'était ,-ertes pas la
voie la plus spectaculaire, mais je demeure convaincu qu'il est
préférable de baliser, d'encadrer, de limiter l'exercice d'un
droit plutôt que de l'abolir.
Le projet de loi qui est présentement devant nous traduit
justement notre volonté de réaffirmer à sa juste valeur le
droit prioritaire des bénéficiaires des services de santé
à recevoir ces services et de faire en sorte que cela se traduise dans
les faits. Voilà, M. le Président, l'essentiel des objectifs des
voies et moyens qui sont contenus dans le présent projet de loi. C'est
notre intention, dès que ce projet de loi sera adopté, de faire
tout ce qui est humainement possible pour que les divers mécanismes qui
y sont prévus et contenus soient mis en place dans les plus brefs
délais. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous abordons maintenant
le débat en troisième lecture du projet de loi no 72, qui modifie
certaines dispositions du Code du travail et prévoit en particulier des
mécanismes pour assurer le maintien des services essentiels en cas de
grève. C'est probablement, au point de vue de la population, à
moyen et à long terme, le projet de loi le plus important dont
l'Assemblée nationale ait été saisie durant cette
dernière session. Il y a peut-être d'autres projets de loi qui ont
occupé un grand nombre d'heures de nos débats, mais celui-ci en a
déjà occupé, comme le signalait le ministre, un nombre
relativement important, mais ceci ne soustrait rien à l'importance
fondamentale qu'il occupe, quant à la qualité de vie et à
la protection des citoyens, c'est-à-dire la protection que l'on veut
accorder aux citoyens.
M. le Président, le gouvernement a choisi de s'en rapporter
à une structure essentiellement bureaucratique et technocratique pour
tenter d'amoindrir les inconvénients des grèves,
particulièrement dans le domaine de la santé. Pour notre part,
nous avions déjà fait connaître notre position en ce qui a
trait au maintien des services essentiels et nous proposions une restriction de
l'exercice du droit de grève dans certains domaines, en particulier en
ce qui touche les hôpitaux de soins prolongés où se
trouvent les chroniques, comme on les appelle, les hôpitaux de soins
prolongés où se trouvent les malades psychiatriques, les centres
d'accueil qui hébergent, soit des personnes âgées, des
personnes handicapées ou des enfants handicapés en besoin de
protection, en fait, une catégorie d'établissements qui, du point
de vue des services qu'ils rendent, sont des établissements
extrêmement fragiles, compte tenu du type de services et de la population
qu'ils desservent. Cela a été de bonne guerre pour le
gouvernement. J'entendais le ministre dire à la fin, et c'est le droit
du gouvernement de choisir cette voie, je ne le conteste pas: Écoutez,
nous privilégions une voie moins spectaculaire, mais que nous jugeons
efficace, sans aucun doute, puisque c'est la voie que le gouvernement a
choisie. Dans notre esprit à nous, il ne s'agissait pas d'une voie
spectaculaire, mais d'une voie réaliste et d'une voie responsable. La
population de tous les milieux et même ceux qui oeuvrent comme
travailleurs ou professionnels à l'intérieur de ces
établissements, dans des sondages répétés, ont
indiqué qu'ils trouvaient que l'exercice du droit de grève dans
ces secteurs
particulièrement névralgiques devrait être aboli.
Dans le moment, je ne parle pas de ce qu'on appelle communément les
hôpitaux de soins aigus ou les hôpitaux généraux,
comme on en parlait il y a quelques années; je parle strictement d'une
catégorie d'établissements où la population est captive,
dans ce sens que ces personnes doivent y vivre 24 heures par jour, sept jours
par semaine, douze mois par année, et qu'elles n'ont pas d'alternative
quand surgissent les conflits dans ces milieux.
Le gouvernement nous apporte ceci comme argument à la proposition
que nous lui faisions - et qui d'ailleurs, je dois le dire a mon grand regret,
n'a même pas été jugée un amendement recevable - de
soustraire au mécanisme qu'il prévoyait pour le maintien des
services essentiels ce type d'établissement: Nous
préférons faire appel à la responsabilité des
travailleurs et des travailleuses, alors que vous allez probablement laisser
à découvert ces patients ou cette clientèle qui se
trouvent à l'intérieur de ces institutions.
Je voudrais bien vous faire remarquer que nous aussi faisons appel au
même sens des responsabilités des travailleurs et des
travailleuses. Ils peuvent obéir à des lois, respecter la loi,
ils sont des citoyens à part entière, comme tous les autres. Ils
peuvent exercer un jugement responsable comme tous les autres. De la même
façon que le ministre présume qu'ils vont exercer ces
responsabilités dans le sens d'une restriction de leur droit de
grève, c'est-à-dire une restriction dans le sens qu'ils devront
assurer des services essentiels, il fait appel à la
responsabilité des travailleurs et des travailleuses, de la même
façon nous croyons que ces mêmes travailleurs et travailleuses, si
une loi légitimement votée par l'Assemblée nationale vient
leur faire la proposition que nous mettions de l'avant, peuvent exercer ce
même sens de responsabilités à l'égard de cette
loi.
Je pense que le fond du problème, dans l'approche
différente que le gouvernement a décidé d'adopter et la
nôtre, c'est que le gouvernement n'est pas encore convaincu. Pourtant,
les exemples sont nombreux. Il ne s'agit pas de dire que partout, dans toutes
les institutions, c'est le chaos, ce sont des abus; ce n'est pas le cas. Mais
les moindres abus qui s'exercent à l'égard de personnes
âgées qui, au plan physique, sont totalement dépendantes,
souvent au plan psychologique sont totalement dépendantes, les moindres
abus, ne serait-ce que dans un seul établissement, les
répercussions ne s'en mesurent pas. Nous ne pouvons pas les mesurer, ni
le ministre ni moi, mais on sait qu'elles sont considérables et qu'elles
mettent ces citoyens dans un état d'insécurité très
pénible pour eux.
D'ailleurs, il faudrait peut-être se rappeler le témoignage
de la coalition des malades devant la commission parlementaire qui
étudiait tous ces problèmes du maintien des services essentiels.
Il reste que ceux qui sont touchés sont les membres des
différents organismes représentés soit par le
Comité provincial des malades ou d'autres comités de malades ou
comités de bénéficiaires à l'intérieur des
institutions. Ces gens ont quand même, avec beaucoup de
sobriété - il faut le dire - mais aussi avec beaucoup de
conviction, rappelé à tous les membres de l'Assemblée
nationale qui siégeaient à cette commission que nous sommes
incapables, à moins que nous soyons des patients à
l'intérieur de ces institutions-là, de vraiment mesurer toute
l'insécurité que des situations de grève même
appréhendée créent pour eux. (12 h 50)
Je dois dire que, sur un point particulier, le ministre a apporté
un amendement qui avait d'ailleurs été suggéré par
l'Association des hôpitaux du Québec, à l'effet de
resserrer ou un peu mieux baliser l'exercice du droit de grève. Je pense
que c'est une amélioration, dans le sens qu'on ne pourra pas aller en
grève à moins que l'entente ait été ratifiée
par le conseil des services essentiels ou, dans le cas où le conseil
jugerait que ces services ne sont pas suffisants, que le gouvernement soit
intervenu pour dire que le droit de grève ne peut pas s'exercer. Mais,
vous vous trouverez alors dans la même situation où vous
prétendez que nous pourrions nous trouver et où nous disons que
le droit de grève ne pourrait pas être exercé. Dans ce cas
en effet, est-ce que les travailleurs ne décideront pas, malgré
le décret ou l'arrêté ministériel du gouvernement,
d'exercer leur droit de grève?
On sait fort bien qu'il y a deux autres points extrêmement
difficiles ou qui peuvent surgir dans le temps où les travailleurs
pourront exercer des pressions sur l'établissement. Il y a d'abord le
fait - et cela a été reconnu par tout le monde - que, quand on
sait que le droit de grève doit s'exercer, ce n'est pas la
journée où le droit de grève commence à s'exercer
que les problèmes se créent. Peut-être que, cette
journée-là, les services essentiels seront fort bien maintenus,
mais c'est toute la période préparatoire qui dure deux, trois
à quatre mois, et même davantage, selon la longueur des
négociations - on acquiert le droit de grève, on décide de
l'exercer, on en remet l'exercice, on redécide de l'exercer - qui est
difficile. C'est que, durant toute cette période d'attente, on sait fort
bien que le climat est très difficile et la tension très grande
à l'intérieur des établissements. Le sens de notre
proposition, c'était d'éviter à ces institutions, à
leur personnel et particulièrement aux bénéficiaires ce
climat d'incertitude, d'insécurité, de tension qui n'en
finit plus. C'est là un premier argument. Même si on
délimite tout dans un cadre très précis, vous
n'échapperez pas à cette période de préparation
à la grève qui est exercée, remise,
répétée, vous le savez bien, M. le ministre.
Il y a un deuxième point où il peut se présenter
des problèmes graves, c'est que, tout au cours de l'exercice d'un droit
de grève, on doit réévaluer d'un jour à l'autre la
liste des services essentiels, parce que les besoins diffèrent d'une
journée à l'autre, selon le type de patient, par exemple, qu'on
accueille, etc. Même à ce moment-là, dans cette remise
à jour de la liste des services essentiels, il se fait un marchandage.
À ce moment-là, les choses se précipitent. Ce qui
était bon une journée ne l'est plus le lendemain. Cela vous
crée un carcan bureaucratique, si je peux dire, un organisme
technocratique qui intervient pour juger, refaire appel au gouvernement, et
tout intervient pour que le gouvernement porte à son tour un nouveau
jugement, décide de retirer ou de ne pas retirer le droit de
grève. Tout cela est dans une séquence extrêmement rapide
où les gens qui sont touchés ne peuvent pas attendre 48 heures,
72 heures, etc.
Ce point du maintien des services essentiels, je pense qu'hier nous en
avons eu une très bonne démonstration dans le cas de la loi
spéciale que nous avons votée pour demander aux médecins
de reprendre le travail. Le ministre des Affaires sociales disait: Je refuse la
notion de services essentiels dans le cas des médecins. Très
bien. À partir de cette notion-là, cela le justifiait de faire
voter cette loi spéciale à laquelle nous avons
adhéré. Le ministre faisait valoir que, pour lui, le
médecin est le chaînon principal dans la chaîne des services
de santé, les autres travailleurs ou travailleuses n'accomplissant que
des emplois complémentaires ou supplémentaires.
M. le Président, il est vrai que dans une chaîne de
services de santé rendus à la population, à un point X,
c'est le médecin qui a le rôle principal à jouer. Mais on
sait fort bien qu'au point Y, au moment où une infirmière ou un
infirmier doit dispenser des soins à un patient, celui ou celle qui est
devenu le chaînon principal dans cette série de services de
santé, c'est l'infirmière ou l'infirmier. C'est pour cela que
cette inquiétude que le ministre des Affaires sociales nous a
communiquée en disant: Je n'accepte pas la notion de services essentiels
en ce qui a trait aux médecins, remet en cause toute là notion de
services essentiels dans l'ensemble des services de santé à
l'intérieur de nos institutions.
M. le Président, nous croyons vraiment que le gouvernement fait
fausse route. Ceci n'est pas uniquement l'avis des membres de l'Opposition
parce qu'on peut toujours les accuser de vouloir faire de la partisanerie. Je
peux vous assurer, de mon siège, que si le gouvernement avait tout de
même suivi certaines pistes que nous lui indiquions, que l'histoire
passée et l'histoire récente nous ont indiqué qu'il
fallait suivre, nous aurions avec lui, voté à l'unanimité
l'adoption d'une telle loi qui aurait vraiment corrigé, au moins en
partie, des problèmes extrêmement durs que nos institutions de
santé ou nos centres d'accueil ont dû vivre. Mais le ministre ou
le gouvernement refuse cette voie. C'est pourquoi nous nous trouvons dans
l'impossibilité de voter pour ce projet de loi parce que nous croyons
que peut-être, d'une certaine façon, il satisfait une vision
technocratique ou théorique, je dirais, du gouvernement. Mais dans la
réalité des choses il ne pourra pas satisfaire aux besoins de la
population.
M. le Président, il y a un point particulier sur lequel notre
formation politique a proposé des amendements, il s'agit de la
nomination des membres qui siégeront au conseil sur le maintien des
services essentiels. Nous croyons qu'une des conditions essentielles qui
puissent garantir le bon fonctionnement de tout organisme réside dans sa
crédibilité auprès des parties. Alors que la loi no 59,
qui est la loi qui a précédé cette loi no 72,
prévoyait la nomination par le juge en chef du Tribunal du travail des
membres de cette commission, cette loi prévoit que les membres soient
nommés par le gouvernement après consultation. Je ne voudrais pas
discréditer la valeur morale ou la valeur professionnelle des gens que
le gouvernement pourrait nommer à ce fameux conseil, mais le seul fait
que ces membres soient nommés par le gouvernement uniquement et que dans
le langage courant on puisse s'y référer comme étant un
organisme qui est une créature gouvernementale, va affecter, au moment
des conflits, la crédibilité des avis que ce conseil devra donner
au gouvernement et des mises à jour qu'il communiquera à la
population.
C'est dans ce sens que nous avions demandé même que le
président, vu l'importance de cet organisme qui, maintenant, devient un
organisme permanent, que le président de ce conseil soit nommé
par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale. D'une part, ceci
ajoute à l'autorité morale d'une personne quand elle est
nommée par l'Assemblée nationale, et nous croyons
également qu'il est beaucoup plus difficile, dans un cas de conflit,
pour quelque parti que ce soit ou quelque organisme que ce soit, d'attaquer sa
crédibilité. (13 heures)
La personne nommée par l'Assemblée nationale se sent aussi
représentative de tous les membres de l'Assemblée qui sont
élus par l'ensemble de la population. À ce moment, cela lui
permet de prendre ses distances et
d'être beaucoup plus critique, quand c'est nécessaire,
à l'endroit du gouvernement qu'on ne l'est quand on est simplement un
membre nommé par le gouvernement avec le risque que cette nomination
soit une nomination de politique partisane. Nous regrettons que le gouvernement
n'ait pas accédé à cette demande et nous demeurons
convaincus... Je pense que le temps est terminé. Alors, si vous me le
permettez, je vais conclure en disant qu'encore une fois en dépit des
affirmations du ministre qui dit qu'il croit avoir mis en place un
mécanisme ou présenté une loi qui va garantir - non, je
devrais corriger; il a dit: II n'y a rien qui est garanti d'une façon
parfaite et, là-dessus, je le rejoins - le mieux possible la
répétition des problèmes que nous avons rencontrés
lors des négociations précédentes, je ne peux mettre en
doute sa bonne foi, mais je lui dis au nom de ma formation politique - et je
crois aussi me faire le porte-parole de la population en général
et de tous les observateurs qui ont examiné le projet de loi du ministre
- qu'il fait fausse route. Je ne lui souhaite pas, parce que je crois qu'ici
personne ne se souhaite ce type de - il faut presque les appeler ainsi -
catastrophes quand les services essentiels ne sont pas maintenus, mais
malheureusement, il ne met pas de son côté les chances que les
prochains conflits de travail qui devraient survenir à l'occasion des
négociations dans les secteurs public et parapublic épargnent les
plus faibles et ceux qui ont le plus besoin, que ce soit pour une
période temporaire ou que ce soit pour une période permanente,
que leurs droits fondamentaux soient respectés et
protégés. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
troisième lecture de ce projet de loi est adoptée?
Une voix: Non.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Non. M. le leader adjoint
du gouvernement.
M. Fréchette: Avant que le député de
Prévost vous soumette une motion de suspension des débats, M. le
Président, je voudrais vous faire part d'une entente dont il a
été convenu avec le leader de l'Opposition pour que vous puissiez
l'officialiser. Nous suspendrions tout de suite nos travaux pour les reprendre
à 14 h 30 plutôt qu'à 15 heures cet après-midi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée? Adopté. M. le député de
Prévost.
M. Dean: M. le Président, je demande la suspension du
débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée? Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement, suspension jusqu'à 14 h
30?
M. Fréchette: 14 h 30, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Suspension
jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 03)
(Reprise de la séance à 14 h 34)
Complément d'enquête
sur un incident en commission parlementaire
Le Président: M. le leader, avant que vous appeliez un
article du feuilleton, j'aimerais déposer, conformément aux
engagements que j'ai pris hier, un complément d'enquête
relativement aux événements du 11 juin 1982 à la salle
81-A. M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: C'est la poursuite du débat, M. le
Président, sur le projet de loi no 72 en troisième lecture.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, quant au
complément d'enquête, ou je ne sais pas, qui a fait l'objet du
dépôt il y a un instant, est-ce que vous tenez compte de la motion
qui a été présentée à l'Assemblée
nationale pour cette partie du rapport?
Le Président: Oui. Cette partie du rapport et l'autre
seront envoyées au Procureur général du Québec
conformément à l'ordre de l'Assemblée. C'est-à-dire
que copie conforme de tous ces documents sera envoyée parce que les
originaux doivent demeurer ici à l'Assemblée nationale du
Québec. M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Alors, poursuite de l'article 6 du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi no 72
Reprise du débat sur la troisième
lecture
Le Président: J'appelle la reprise du débat sur la
troisième lecture du projet de loi no 72, Loi modifiant le Code du
travail, le Code de procédure civile et d'autres dispositions
législatives. M. l'adjoint parlementaire au ministre du Travail, de
la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. M. Robert
Dean
M. Dean: M. le Président, après un long cheminement
de procédures, de consultations, d'évaluations,
d'expériences antérieures, une commission parlementaire où
55 groupes ont été consultés, le projet de loi no 72,
suite à des amendements, va bientôt prendre sa place dans nos lois
du travail.
Je vais me contenter surtout, M. le Président, brièvement,
de relever quelques remarques de la députée de L'Acadie durant ce
débat de troisième lecture. Premièrement, elle a dit que
le processus qui demeure dans cette loi occasionnerait une instabilité
dans les établissements, surtout ceux de santé, pendant une
longue période de préparation a la grève. Elle a
souligné qu'elle pensait que la loi était adéquate en ce
qui concerne le moment de l'exercice du droit de grève mais que cette
période de préparation pouvait être nuisible.
Je répondrais, M. le Président, que le projet de loi
apporte justement plusieurs correctifs à cette situation
d'instabilité appréhendée. D'abord, le délai; le
dépôt des listes ou des ententes est prévu au moins 80
jours avant l'acquisition d'un droit de grève. L'ancienne loi
prévoyait un avis de deux jours avant le déclenchement de la
grève et le projet de loi prévoit un avis de sept jours avant
l'exercice du droit de grève et, si le droit de grève n'est pas
exercé, cela prendra un autre avis de sept jours. Donc, c'est un autre
élément d'instabilité qui va également
éliminer, dans les centres hospitaliers et dans les centres d'accueil,
ce processus de baisser les taux d'occupation un an ou plusieurs mois à
l'avance en prévision d'une grève appréhendée.
Deuxièmement, Mme la députée de L'Acadie a
suggéré qu'avec le projet de loi no 72, si on suspend l'exercice
du droit de grève dans un établissement, cela peut ressembler
beaucoup à la position de l'Opposition quant à l'abolition
partielle ou sélective du droit de grève. Donc, si cela ressemble
beaucoup à cela, l'Opposition devrait être pour ce projet de loi
et non contre. Je souligne que ce n'est peut-être pas aussi similaire que
le croit la députée de L'Acadie, dans le sens que, dans le projet
de loi no 72, dans un établissement où les services de
santé ne sont pas maintenus, on propose de suspendre le droit de
grève jusqu'à ce que les services soient assurés. Ce qui
est une différence de taille avec une abolition sélective
prônée par l'Opposition qui affecterait quelque chose comme 60% de
tous les établissements du réseau des affaires sociales.
Mme la députée de L'Acadie s'est aussi
référée à la possibilité que la liste soit
l'objet de marchandage. Je soutiens que le projet de loi no 72 met aussi fin
à cette possibilité par le fait que, maintenant, les listes sont
sujettes à l'évaluation d'un conseil des services essentiels
rendu permanent et auquel on a donné plus de pouvoir d'évaluation
pour juger de l'état d'acceptabilité de toute entente ou de toute
liste soumise par un syndicat à défaut d'entente.
Finalement, Mme la députée de L'Acadie a
évoqué la possibilité qu'on aurait dû prévoir
la nomination du conseil des services essentiels par l'Assemblée
nationale. Elle a suggéré que la nomination de ces personnes
pourrait être l'objet de favoritisme politique, etc.
Nous disons non à cette possibilité pour une raison
simple. C'est que l'économie de ce projet de loi prévoit d'abord
la responsabilisation des parties; deuxièmement, un conseil
indépendant qui exerce un rôle d'évaluation et de
dénonciation, s'il le faut, d'ententes ou de listes qui sont
inacceptables et, finalement, comme troisième volet, il prévoit
que le gouvernement doit exercer ses responsabilités en dernier lieu et
suspendre le droit de grève si les services essentiels ne sont pas
maintenus. On ne pourrait que déplorer, M. le Président, que
l'Opposition tente de discréditer à l'avance
l'intégrité et la compétence du conseil des services
essentiels qui serait fondé à la suite de l'adoption de ce projet
de loi. (14 h 40)
Maintenant, Mme la députée de L'Acadie, dont on ne peut
pas mettre en doute l'humanité et la sincérité des
préoccupations pour les démunis de notre société,
nous a dit: Est-ce qu'on peut prouver, hors de tout doute, que le projet de loi
no 72 assurerait toujours, en tout temps et en tout lieu, le maintien des
services essentiels? Non, M. le Président, il n'y a aucun
système, quel qu'il soit, qui peut assurer, hors de tout doute, que des
services seront maintenus. On ne peut qu'évoquer l'expérience de
l'Australie où le droit de grève n'existe pas, non seulement dans
le secteur des services publics, mais dans tous les secteurs et où le
taux de grève est parmi le plus élevé au monde, toutes
illégales qu'elles soient. On a des expériences vécues en
Ontario et dans d'autres provinces où, malgré que la grève
soit interdite dans le secteur de la santé, cela n'a pas
empêché qu'elles aient lieu. On a vécu, à
Montréal, il y a quelques années, la triste fin de semaine rouge
où des pompiers qui n'avaient pas le droit de grève ont tout
simplement débrayé et laissé le monde s'arranger avec ses
problèmes.
Donc, il faut dire que s'il y a irresponsabilité et mépris
dans des établissements, ils vont exister, il me semble, en tout temps
et non seulement en situation de conflit. Ce n'est pas une
situation de conflit de travail appréhendée qui transforme
des hommes et des femmes qui ont une conscience professionnelle. Ce n'est pas
une situation de conflit qui les transforme, tout d'un coup, en monstres, parce
qu'il y a une situation de conflit de travail, ce sont les mêmes hommes
et les mêmes femmes. Dans un nombre énorme de cas, les
travailleurs et travailleuses, surtout du secteur de la santé, ont
déjà fait preuve, en situation de négociation et de
conflit de travail, d'un grand sens des responsabilités, de conscience
professionnelle, de considération humaine pour le patient. Il y a un
nombre énorme de cas où les unités de soins ou dans les
établissements où des services ont été maintenus
à 100% ou à 100% moins une personne, si cette personne, par
entente, était cadre.
Il y a trop de cas où les travailleurs et travailleuses du
secteur de la santé ont déjà manifesté et fait
preuve de leur conscience et de leur responsabilité, pour qu'on
démolisse tout d'un coup cet acquis par une législation. Il faut,
au contraire, bâtir cet acquis et c'est sur cette base que la loi 72 est
bâtie. C'est-à-dire qu'avec les améliorations
substantielles apportées à notre législation par la loi
72, les hommes et les femmes qui ont fait preuve de responsabilité et de
conscience professionnelle ne seront pas privés de l'exercice d'un droit
fondamental, le droit de grève, qu'ils ont déjà su exercer
de façon humaine, civilisée et respectueuse du droit prioritaire
des malades, des handicapés et des personnes âgées à
leurs soins essentiels.
Pour ceux et celles qui n'ont pas fait preuve de ces
responsabilités, M. le Président, l'objet de la loi 72 est,
premièrement de les amener, de force s'il le faut, à exercer ce
sens des responsabilités, par la création d'un conseil permanent
avec des pouvoirs accrus. Deuxièmement, le gouvernement, en cas ultime,
prend ses responsabilités et suspend le droit de grève dans un
établissement où les services ne sont pas maintenus.
En terminant, cette loi constitue un virage, non pas un virage
technologique, mais un virage de valeurs humaines, de valeurs morales; c'est un
virage de la conscience sociale de toute une société. Notre
société, une fois pour toutes, proclame la primauté des
soins et des services essentiels des citoyens sur l'exercice, même
légitime, du droit de grève. Nous sommes convaincus que la loi no
72 contribuera à compléter ce virage dans le sens de rendre notre
société plus humaine, plus juste, et ce, même lors de
l'exercice de droits de grève de la part des travailleurs et
travailleuses des services publics. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Le débat que
nous avons ici en troisième lecture sur le projet de loi no 72, comme
l'a souligné tout à l'heure ma collègue de L'Acadie, c'est
probablement pour plusieurs personnes le projet de loi le plus important qu'on
ait étudié cette session... Nous parlons de quelque chose qui,
dans le quotidien et dans la réalité, a touché et touchera
des personnes par milliers. Effectivement, dans notre société,
qui connaît des situations de conflits de travail, la grève est
utilisée comme l'un des outils disponibles aux syndicats et aux
travailleurs pour faire avancer leurs points de vue. C'est un droit bien connu
et bien accepté dans notre société et dans notre
régime de relations de travail. Il arrive pourtant des moments où
l'exercice de ce droit touche, dans leur vie, des personnes qui, finalement,
sont spectatrices de ce qui se déroule ailleurs. Plus
particulièrement, on pense aux grèves qui ont déjà
eu lieu dans les services de santé et les services sociaux et,
effectivement, le gros du débat sur ce projet de loi tourne autour de
cette question des services de santé et des services sociaux. On parle
de gens qui sont en quelque sorte dans l'incapacité d'agir, de gens qui
sont en quelque sorte les otages d'une situation, pas nécessairement les
otages de telle ou telle personne, des syndicats ou du patronat, mais d'une
situation. Le système qu'on a engendre un rapport de forces entre deux
groupes qui s'affrontent afin d'en arriver à un genre de compromis
acceptable aux deux parties qui défendent chacune leur position.
Dans le cas des services de santé, on a un groupe de personnes
qui sont de véritables spectateurs dans le sens qu'elles n'ont
même pas le pouvoir de faire entendre leur voix. Elles sont
prisonnières de la situation. Je pense plus particulièrement
à toutes les personnes qui sont en centre d'accueil, à toutes les
personnes qui sont en centre hospitalier pour soins prolongés, en centre
psychiatrique, etc. C'est clair, par définition, que ce sont des gens
complètement dépendants de la présence tant de l'employeur
que de l'employé pour que leur vie quotidienne soit assurée.
Quand on arrive à parler de vie quotidienne dans la
réalité, on ne peut parler en même temps de services qui
sont essentiels aux besoins d'une personne. Déjà, pour que
quelqu'un soit amené à dépendre si complètement de
l'État ou de l'institution dans laquelle il vit, cela veut dire que
c'est déjà le strict minimum dont il a besoin afin de s'assurer
une vie décente. Par-dessus le marché, qu'on vienne parler de
services essentiels à quelque chose qui est déjà un
minimum pour ces gens, il y a quelque chose qui me crée, quant à
moi, certains problèmes.
II est vrai que le gouvernement a la responsabilité d'essayer,
selon moi, en tout cas, de concilier les divergences qui existent dans notre
société et d'agir en quelque sorte comme harmonisateur. C'est
l'un des deux points de vue possibles sur ce qu'est un gouvernement autre,
c'est que le gouvernement décide là où il veut mener la
société et agit de telle sorte qu'il puisse entraîner
derrière lui la population et changer ainsi la notion qu'a un peuple ou
une société d'elle-même. (14 h 50)
Le danger pourtant avec cela, c'est qu'il arrive des moments où
il faut faire des choix et c'est sur ces choix qu'on sera jugé
finalement. Quand on vient à parler de grève et de services
essentiels, il arrive des moments où effectivement l'exercice du droit
de grève est incompatible avec un autre droit, le droit à une vie
décente, à une vie aussi complète que possible pour des
personnes qui sont déjà dans une situation de dépendance
par rapport à cette société qui exerce à
différents niveaux différents droits. Alors, c'est là
qu'on est en droit de s'attendre qu'un gouvernement aura une position claire,
précise et explicite sur le droit qui aura préséance en
quelque sorte, parce qu'il y a des situations où les deux ne peuvent pas
avoir lieu: la porte est trop petite pour que les deux passent à
travers, il y en a juste un finalement qui peut sortir pour s'exprimer. C'est
là qu'on aurait droit de s'attendre que le gouvernement décide
clairement lequel des deux il choisit.
Le projet de loi que nous avons devant nous est un effort, selon moi, de
concilier les deux en mettant sur pied un système qui prévoit
certaines modalités techniques, d'autres ont dit technocratiques, afin
d'assurer ou d'essayer de prévoir que dans le cas d'une grève,
certains services seraient considérés comme essentiels par
rapport à certaines clientèles ou certaines populations et que
ces services ne seraient pas touchés. On a déjà
vécu le même principe et la seule différence entre ce
projet de loi et celui qui existait avant, le projet de loi no 59, je pense, se
trouve en gros dans les modalités parce que le principe demeure le
même. Le principe est, encore une fois, qu'il y a certains services qui
sont essentiels dans tous les domaines, dans certains domaines plutôt et
qu'il y en a d'autres, dans d'autres domaines, qui ne le sont pas.
Alors, je pense que l'expérience qu'on a connue depuis maintenant
quatre ans a démontré clairement... C'est le point de vue quasi
unanime de toutes les personnes qui ont subi, pas les personnes qui ont vu cela
de l'extérieur, pas les personnes qui regardaient de leur fauteuil ou de
leur salon à la télévision ce qui se passait, mais les
gens qui ont vécu ces choses de l'intérieur de ces
institutions... C'est l'opinion unanime de ces personnes ainsi que celle de la
plupart des observateurs non partisans, si vous le voulez, que ce principe n'a
pas marché et qu'il y a un pas de plus qu'il faudrait faire comme
société et clairement indiquer qu'il y a certains domaines dans
lesquels nous, comme société, comme gouvernement, comme
Assemblée nationale et les travailleurs et travailleuses comme
syndiqués, n'avons pas le droit d'exercer ce droit, si vous voulez, de
grève. Je pense qu'on a souvent fait appel - et ç'a
été fait tout à l'heure par l'adjoint parlementaire du
ministre du Travail - en espérant que le sens des responsabilités
des syndiqués fera en sorte que leur droit de grève sera
exercé de manière humaine, en assurant effectivement ce que le
projet de loi ou le conseil va définir comme des services
essentiels.
Je pense que le pas réel qu'il aurait fallu faire, cela aurait
été de faire appel au même sens des responsabilités
de ces mêmes travailleurs et travailleuses pour qu'ils acceptent
volontairement... Et je pense que ce n'est pas quelque chose qui est impensable
parce qu'effectivement ce sont des gens qui ont un sens des
responsabilités et s'il existe, le sens des responsabilités, son
expression réelle aurait été dans l'acceptation d'un appel
par le gouvernement à l'abolition claire et nette du droit de
grève dans les services de santé en particulier.
Je pense que si on peut faire appel pour que les gens exercent leur
droit avec responsabilité, je pense qu'on peut faire d'abord appel
à la responsabilité des gens pour qu'ils acceptent
d'eux-mêmes de reconnaître qu'une grève dans les
hôpitaux, les centres d'accueil n'est pas acceptable, surtout au moment
où ces mêmes services de santé sont déjà
réduits au minimum. Nous avons connu depuis quatre ans 500 000 000 $ de
compressions ou de coupures, appelez-les comme vous le voulez, uniquement dans
le domaine des hôpitaux, par exemple. Au même moment où nous
réduisons, comme société, au minimum les services que nous
offrons, déjà il importe encore plus que jamais que comme
société nous fassions appel aux gens pour qu'ils acceptent le
fait que les personnes qui sont complètement dépendantes de
l'État aient droit à des services de qualité et des
services surtout continus, qui ne seraient pas interrompus par une grève
et qui n'auraient pas à subir le processus de définition de ce
qui est essentiel et de ce qui n'est pas dans des situations où
finalement tout est essentiel, comme le disait hier même le ministre des
Affaires sociales dans un autre domaine.
Il faudrait tout de même être consistant et faire le dernier
pas.
Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre du Travail,
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu dans votre droit
de réplique.
M. Pierre Marois (réplique)
M. Marais: M. le Président, c'est
précisément parce que nous partageons cette conviction que vient
d'évoquer le député de Laurier que, comme
société de Québec, on doit faire un pas de plus, mais non
pas un pas vers ce qui risque, de notre point de vue, d'être un
précipice dans le sens d'une idée généreuse mais
qui peut être terriblement risquée. C'est
précisément parce que nous avons cette conviction profonde que,
comme société, il nous faut faire un pas dans le sens d'une
responsabilisation, un pas dans le sens d'une responsabilité mais
surveillée. C'est précisément aussi parce que le
gouvernement est profondément préoccupé par ce droit
profond des citoyens, plus particulièrement les plus démunis, que
nous voulons le consacrer par ce projet de loi. En cela, je crois qu'on
admettra qu'il y a là une nuance de taille en comparaison avec tout ce
qui a été fait dans le domaine des lois en matière de
relations de travail au Québec par le passé. Ce projet de loi a
pour objet -je pense qu'il est bon en terminant de le rappeler - de consacrer
la primauté du droit des citoyens et des citoyennes de continuer
à bénéficier des services fondamentaux auxquels ont droit
ces gens qui sont dans des centres de services sociaux, dans des centres de
services de santé et même plus, puisque cela couvre aussi le
secteur des services publics.
C'est pourquoi, M. le Président, en terminant, tout ayant
été ou à peu près écrit et dit sur ce projet
de loi et sur cette question, je propose l'adoption en troisième lecture
du présent projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
troisième lecture du projet de loi no 72, Loi modifiant le Code du
travail, le Code de procédure civile et d'autres dispositions
législatives, est adopté?
M. le leader adjoint de l'Opposition?
M. Lalonde: M. le Président, il est possible que nous
ayons quelques votes à prendre sur certains projets de loi. Serait-il
possible de reporter à plus tard, peut-être au cours de cette
séance, ce vote et d'autres aussi? Nous aimerions avoir un vote
enregistré sur ce projet de loi et sur d'autres.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Tout à fait d'accord, M. le
Président.
Il y aura un certain nombre de projets de loi qui, vers la fin de la
journée, pourront faire l'objet d'un certain nombre de votes. Nous
attendrons ce moment. C'est l'Opposition qui nous dira à quel moment
effectivement nous pourrons procéder à tous ces votes.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Comme il avait
été entendu un peu ce matin, c'était avec les projets de
loi nos 70, 68 et le 72.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 3 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi no 48 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture
du projet de loi no 48, Loi favorisant la poursuite des objets de la Ligue de
taxis de Montréal Inc. avec amendements. M. le ministre des
Transports.
M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, vous avez justement
annoncé des amendements que je voulais proposer au moment de la
troisième lecture. Effectivement, ces amendements font, pour deux
d'entre eux, suite à des discussions que nous avons eues en commission
parlementaire et à l'engagement que j'avais pris auprès de mes
collègues les députés de Saint-Louis et de Jeanne-Mance de
réviser nos positions sur deux questions. La première est
l'éventualité de contestations juridiques des élections
à l'article 34, où nous proposons un amendement qui nous avait
été formulé par le député de Saint-Louis,
à savoir que ces matières soient jugées et instruites
d'urgence. M. le Président, l'autre amendement comporte le pouvoir pour
le ministre de reporter l'ensemble des délais qui sont contenus au
projet de loi.
Enfin, vous vous souviendrez sans doute que ce projet de loi avait
été prévu pour adoption rapide à la fin du mois de
mai dernier et qu'à cause d'un certain nombre d'événements
parlementaires et d'événements non parlementaires qui concernent
celui qui vous parle, ce projet de loi n'a pu être adopté à
la fin du mois de mai. Ce n'est qu'aujourd'hui 22 juin, que nous sommes en
mesure d'en proposer l'adoption en troisième lecture. Comme ce projet de
loi comportait toute une série de délais de dates précises
à respecter, après en avoir discuté avec le critique de
l'Opposition en cette matière, le député de Jeanne-Mance,
nous avons convenu de reporter à peu près d'un mois
l'ensemble
des échéances qui étaient fixées, qui
étaient contenues au projet de loi no 48. J'ai eu l'occasion de
communiquer avec mon collègue, le député de Jeanne-Mance,
et à déposer sur la table de l'Assemblée nationale les
amendements qui sont proposés en troisième lecture et qui sont
essentiellement, comme je vous le dis, des modifications de dates. Cela reporte
à peu près la totalité des délais d'un mois, en
tenant compte des dimanches et des samedis; il y a quelques petits ajustements
qui sont faits à ce moment. (15 heures)
Maintenant, sur le fond de la question, ce projet de loi vise
effectivement, comme son titre l'indique, à favoriser la poursuite des
objets de la Ligue de taxis de Montréal Inc. Depuis sa
présentation en deuxième lecture, des membres de la ligue,
notamment des membres du conseil d'administration ont manifesté à
certains moments un peu de déception non pas tellement quant au contenu
du projet de loi qu'ils m'ont aidé à préparer, dont ils
m'ont facilité l'application jusqu'à maintenant - à tout
le moins, l'application future au cours des prochaines semaines - mais
davantage quant à certaines expressions que celui qui vous parle a pu
emprunter et qui ont pu blesser, à un moment ou à un autre, les
administrateurs de la ligue.
J'ai eu l'occasion d'expliquer à ces gens qu'en aucune
façon ce projet de loi ne se veut un jugement à l'égard du
comportement de qui que ce soit, en rapport avec les difficultés qu'a pu
vivre au cours des récentes années la Ligue de taxis de
Montréal Inc. Au contraire, ce projet de loi est essentiellement
basé sur la confiance, sur la confiance mutuelle que les membres de la
Ligue de taxis de Montréal Inc. peuvent mettre dans le ministre des
Transports, mais également la confiance que le ministre des Transports
peut lui-même mettre dans les administrateurs de la Ligue de taxis de
Montréal Inc.
Ce projet de loi pourrait effectivement, cette loi pourrait être
utile sans la collaboration des administrateurs actuels de la ligue A-11, mais
l'objectif n'était nullement de les écarter. Bien au contraire,
puisque la plupart des dispositions font justement appel à leur
collaboration pour faciliter la remise sur pied de la Ligue de taxis de
Montréal Inc. et l'assainissement de sa situation financière.
À l'occasion de l'adoption en troisième lecture de ce
projet de loi no 48, j'invite donc publiquement les administrateurs actuels de
la Ligue de taxis de Montréal Inc. à collaborer avec celui qui
vous parle, avec le comité de trois personnes qui sera mis sur pied afin
de faciliter l'application de cette loi, afin de trouver une solution aux
problèmes de confusion qui ont entouré la question des
élections, la question de la cotisation. Je pense que c'est en
travaillant conjointement, sur une base de confiance réciproque entre le
ministère des Transports, le ministre des Transports du Québec et
les administrateurs de la ligue A-11 que nous serons à même de
parler de l'avenir de l'industrie du taxi plus que de son passé.
D'ailleurs, je vous rappelle que j'ai toujours la volonté ferme de
déposer, de rendre public très prochainement un programme de
rajeunissement de la réglementation de l'industrie du taxi afin de
permettre non seulement aux propriétaires de taxis, aux chauffeurs de
taxi de la région de Montréal de connaître une meilleure
rentabilité financière, mais également à l'ensemble
de l'industrie du taxi dans tout le Québec.
Dans ce sens, si, par le projet de loi dont je propose aujourd'hui
l'adoption en troisième lecture, nous pouvons favoriser la poursuite des
objets de la ligue A-11, de La ligue de taxis de Montréal Inc., je suis
certain que nous aurons posé là un geste positif, significatif
pour la relance de l'industrie du taxi, en particulier, à
Montréal.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, au tout début, nous
acquiescions de bon droit aux amendements proposés par le ministre des
Transports au projet de loi tel qu'il a été adopté en
commission parlementaire. Il s'agit effectivement de modifications quant aux
délais. Nous comprenons également qu'il puisse surgir certaines
difficultés et nous permettrons qu'il y ait une prolongation des
délais à l'intérieur du projet de loi. Il a
été entendu, selon le projet de loi qui serait adopté, que
le 31 octobre 1982, tous les propriétaires artisans de taxis de
l'agglomération A-11 de Montréal auront une assemblée pour
faire des élections.
Ce projet de loi, M. le Président, est venu à cette
Assemblée parce qu'à la Ligue de taxis A-11, depuis deux ans, il
n'y a pas eu d'assemblée générale, il n'y a pas eu de
rapport des états financiers. Tout ceci a commencé, - ce n'est
pas là un blâme au ministre des Transports actuel - par une
difficulté d'interprétation de l'ex-ministre des Transports, le
député de Charlesbourg, qui a porté à confusion.
Dans la Ligue de taxis A-11, tous les propriétaires d'autos-taxis qui
détiennent des permis ne savaient pas s'ils devaient payer un montant de
60 $ ou de 35 $, et c'est en cour présentement, c'est sub judice. Il y a
eu tellement de débats à l'intérieur de la Ligue de taxis
A-11 - j'en parlais au député de Sainte-Anne, qui est un de mes
adjoints dans ce dossier - tellement de dossiers à la cour, soit
à la Commission
des Transports qui les a référés à la Cour
supérieure, à la Cour d'appel... et c'est toujours les petits
propriétaires, les chauffeurs de taxi qui seront obligés de payer
la note un jour pour ces difficultés internes, M. le
Président.
Ce projet de loi vient d'une façon définitive
établir la cotisation pour les années 1979, 1980 et 1981. S'il y
a lieu d'une cotisation spéciale, le ministre des Transports fixera
cette cotisation suite à un rapport que les vérificateurs, qu'il
nommera en vertu de ce projet de loi, devront lui soumettre avant le 1er
août 1982.
Nous acquiesçons à ce que la Ligue de taxis A-11 soit
démocratique pour permettre à tous les propriétaires de la
région métropolitaine A-11 - Montréal, Verdun et quelques
villes de banlieue - de s'exprimer de façon démocratique le 31
octobre, M. le Président, pour élire un conseil d'administration
pour bien veiller aux intérêts des propriétaires de la
Ligue de taxis A-11 de la région de Montréal.
Ce projet de loi vient confirmer la démocratie à
l'intérieur de cette ligue de taxis. J'espère que tous les
propriétaires, tous les chauffeurs de taxi, tous les
propriétaires de permis de taxi seront présents pour prendre en
main, selon une expression que le gouvernement du Parti québécois
connaît bien - II faut se prendre en main! - pour faire valoir leur point
de vue sur les élections qui se tiendront et sur la refonte des
règlements de la ligue A-11.
Donc, ce projet de loi, contrairement à la loi no 37 qui refuse
la démocratie, présenté par le ministre des Transports,
ramènera d'une façon certaine, à l'intérieur de la
Ligue de taxis A-11, une démocratie donnant à tous les
propriétaires l'occasion de s'exprimer, M. le Président.
Je serai très bref. Nous avons accepté d'emblée ce
projet de loi. Je voudrais quand même informer le ministre des Transports
qu'il y a beaucoup de difficultés dans l'industrie du taxi au
Québec. Il y a beaucoup de difficultés, M. le Président,
et je le dis en corollaire de cette loi. Je prends très
régulièrement des taxis et, suite à l'augmentation des
tarifs, la clientèle a diminué. Suite à l'augmentation de
l'essence, en particulier dans la région de Québec, les
chauffeurs de taxi ont fait une grève de trois jours. Le problème
a été soumis au ministre des Institutions financières,
mais il n'est pas réglé.
M. le Président, je demande au ministre des Transports pour la
prochaine session, à l'automne prochain... Je sais qu'il a l'intention
de déposer un livre blanc sur le taxi; je suis convaincu qu'il rendra
à terme ce projet pour que cette industrie devienne une industrie
où tous les artisans qui y travaillent puissent y gagner leur vie
honorablement. Il y a aussi la question du trop grand nombre de permis, en
particulier dans les régions métropolitaines de Montréal
et de Québec. L'Opposition entend, M. le ministre, qu'au mois de
septembre, ou au cours de l'été, vous déposiez ce livre
blanc sur le taxi afin de permettre à tous les intervenants, à
toutes les ligues de faire connaître leur point de vue pour rentabiliser
cette industrie qui aide beaucoup notre tourisme et qui est un acquis pour
notre communauté. Je suis convaincu, M. le Président, que nous
ferons avancer ce dossier et l'Opposition vous offre d'avance sa collaboration
à cet effet. Merci M. le Président. (15 h 10)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: Je veux seulement ajouter quelques mots, voyant que
j'ai été visé par le ministre, et lui demander d'acceptez
une suggestion que je vais faire concernant un amendement. Il me fait plaisir
d'accepter cet amendement, mais en adoptant ce projet de loi qui règle
le problème, j'espère que cela réglera le problème
de la Ligue de taxis A-11. J'espère que le ministre, en préparant
son livre blanc, réglera tout le problème du taxi, à
Montréal particulièrement. Qu'il ne se cache pas la tête
dans le sable car il y a d'autres facettes à la ligue de taxi. Je parle
des associations qui ne sont pas dans la ligue mais qui existent, et aussi des
propriétaires de flotte. Quand je parle de flotte, je ne parle pas
tellement de flotte de trente, quarante ou deux cents taxis, je parle de flotte
de trois, quatre ou cinq, des petits entrepreneurs qui n'achètent que
trois, quatre ou cinq permis et qui ne sont pas vraiment
représentés dans la ligue. Je sais qu'il y a un nouveau groupe
qui commence à s'organiser et qui comprend la ligue, les artisans, les
associations et les propriétaires de flotte. Je sais que le ministre a
déjà reçu une communication de ce groupe et
j'espère qu'il prendra contact avec eux afin que leur point de vue soit
aussi établi dans ce livre blanc.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Transports.
M. Michel Clair (réplique)
M. Clair: M. le Président, très brièvement,
j'exercerai mon droit de réplique de façon générale
pour remercier mon collègue, le député de Jeanne-Mance, de
la collaboration qu'il m'a offerte tout au long de ce processus. Je veux
seulement relever bien rapidement deux remarques désagréables et
injustifiées, à mon avis, qu'il a faites, premièrement,
à l'égard de mes
prédécesseurs, le député de Saguenay et le
député de Charlesbourg, qui, comme j'ai eu l'occasion de le dire,
ont toujours été animés par exactement la même
volonté que celui qui vous parle, à savoir de favoriser la
poursuite des objets de la ligue de taxis pour le meilleur intérêt
de tous les détenteurs de permis de taxi. La deuxième remarque,
c'est le rapprochement qu'il fait avec le projet de loi 37. Il a dit:
Voilà un cas où le ministre des Transports incite à la
démocratie, et dans le cas de la loi 37, c'est un peu l'inverse.
M. le Président, je lui dirai simplement que ce sont des analyses
un peu raccourcies puisqu'il s'agit de répondre à deux situations
fort différentes. Dans les deux cas, ma conviction est profonde que le
gouvernement a pris les meilleurs moyens à sa disposition pour
résoudre des problèmes réels.
Enfin, M. le Président, le député de Saint-Louis me
demande de tenir compte, dans la rédaction du livre blanc que nous
sommes à préparer - et qui est retardé un peu parce que
nous visons justement à tenir compte de l'ensemble de l'ampleur du
problème - des intervenants dans le domaine du taxi, à savoir les
associations de service, à savoir les flottes, les chauffeurs, les
propriétaires, les questions de marché, les questions de
rentabilité, les questions de types de véhicules
autorisés, l'ensemble de la question du domaine du taxi. J'ai cru, M. le
Président, plutôt que d'arriver avec un livre blanc qui ne couvre
que la stricte dimension des détenteurs de permis de taxi, il valait
mieux prendre un peu plus de temps et arriver avec une proposition un peu plus
complète.
M. le Président, je terminerai, avant de proposer l'adoption en
troisième lecture de ce projet de loi, sur une double invitation. Je
fais l'invitation, premièrement, aux administrateurs actuels de la ligue
A-11 d'offrir toute leur collaboration à celui qui vous parle, aux
vérificateurs, au comité de trois personnes qui sera
formé, pour s'assurer que, le plus rapidement possible, on pourra
respecter les délais et que la Ligue de taxis de Montréal Inc.
pourra reprendre, dans le meilleur intérêt de ses membres, sa vie
la plus normale, la plus agréable, la plus positive possible.
La deuxième invitation que je formulerai c'est d'inviter tous les
propriétaires de taxi, tous les détenteurs de permis de taxi de
l'agglomération A-11 à se présenter, le 31 octobre
prochain, à l'assemblée générale annuelle, à
suivre attentivement les activités qui se dérouleront
consécutivement à la loi, les avis de convocation, l'inscription
sur les listes, le paiement des cotisations. Je fais une invitation
générale à l'ensemble des détenteurs de permis de
taxi, de se présenter, lorsqu'ils seront requis de le faire, dans le
meilleur intérêt de leur ligue.
M. le Président, cette loi, lorsqu'elle sera sanctionnée,
sera un instrument entre les mains de la Ligue de taxis de Montréal
Inc., pour favoriser la poursuite de ses objectifs et se remettre sur pied
financièrement parlant. J'espère que c'est comme cela qu'elle
sera accueillie en définitive. Je termine donc, M. le Président,
en proposant que la loi 48 soit adoptée en troisième lecture.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de faire cette
adoption, il faut, comme j'ai cru comprendre qu'il y a un consentement de part
et d'autre, faire d'abord la révocation de la troisième lecture,
faire comme si on était allé en commission plénière
et accepter les amendements, accepter le rapport amendé et faire en
sorte que le projet de loi no 48, Loi favorisant la poursuite des objets de la
Ligue de taxis de Montréal Inc., soit adopté tel
qu'amendé. D'accord? Adopté?
M. le leader du gouvernement.
Projet de loi no 90
Convocation de la commission de l'Assemblée
nationale
M. Bertrand: M. le Président, tant qu'à faire des
choses, je voudrais vous dire que ce matin, quand j'ai
déféré le projet de loi no 90 à la commission de
l'Assemblée nationale, ce n'était pas en vertu de l'article 118a.
C'est-à-dire qu'il n'y a pas nécessité de donner avis dans
la Gazette officielle; c'est une convocation de commission pour que les
parlementaires puissent étudier le projet de loi no 90 et non pas pour
entendre des personnes que nous inviterions à se présenter devant
cette commission. Alors, la motion a été faite nonobstant
118a.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, cette correction est
adoptée?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, si je comprends bien, le
leader du gouvernement veut une dispense d'envoyer les avis. Qu'il en fasse
motion, et on l'adoptera immédiatement.
M. Bertrand: Alors, motion pour dispense d'envoyer des avis, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 9 du feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 63 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture
du projet de loi no 63, Loi sur la Raffinerie de sucre du Québec. Est-ce
qu'il y a un intervenant?
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: ... est-ce qu'on peut suspendre pour deux minutes?
Voilà, notre intervenant est arrivé.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Brome-Missisquoi, vous avez la parole sur la troisième lecture du
projet de loi no 63.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Merci, M. le Président. Il s'agit d'un projet
de loi qui est rendu à l'étape de la troisième lecture,
qui porte le numéro 63 et qui traite de la Loi sur la Raffinerie de
sucre du Québec. L'objet principal de la loi est le suivant, selon les
notes explicatives qui nous ont été fournies par le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ce projet de loi a
principalement pour objet de doter la Raffinerie de sucre du Québec d'un
fonds social de 50 000 000 $.
Mentionnons immédiatement que les paragraphes qui suivent nous
indiquent qu'une partie de cette somme a déjà été
attribuée à la Raffinerie de sucre du Québec par le
ministère de l'Agriculture. Il s'agit, suivant le ministre de
l'Agriculture du Québec, du projet agro-alimentaire le plus important au
Québec. Lorsque le ministre de l'Agriculture est arrivé à
son poste en 1976, il a trouvé sur son bureau des études
économiques qui mettaient en doute la rentabilité de ladite
raffinerie. Parce que ces études avaient été
effectuées sous un régime libéral, le ministre de
l'Agriculture, a décidé d'en faire un cheval de bataille
privilégié. Dans la phase I de son projet de raffinerie de sucre,
le ministre nous annonce que, pour 19 000 000 $, nous allons moderniser la
Raffinerie de sucre du Québec qui est localisée à
Saint-Hilaire. Pour 19 000 000 $, nous allons conserver les équipements
en place et nous allons aller acquérir, dans le
Maine, d'une compagnie qui s'appelle "Triple A Sugar", de
l'équipement moderne.
M. le Président, le premier mandat au pouvoir du Parti
québécois passe et rien ne se fait. En pleine campagne
électorale, le député de Lévis, ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation nous annonce que son
modeste projet de 19 000 000 $ qui doublait la production deviendra un
gigantesque projet de 39 000 000 $ où on conserve l'aile en place et
où on ajoute les équipements qui viennent du Maine. (15 h 20)
Ce qui inquiète le Parti libéral, ce qui inquiète
les producteurs de betterave à sucre, ce qui inquiète
l'entreprise privée dans ce dossier, c'est le fait que le ministre s'y
aventure dans aucune étude de rentabilité. Ce qui inquiète
tous les intervenants au dossier, c'est que le ministre a refusé
d'entendre en commission parlementaire les principaux intéressés
dans ce domaine. Il a refusé d'entendre le secteur privé qui
s'occupe de raffinage de sucre au Québec. Il a refusé d'entendre
les producteurs qui sont actuellement aux prises dans les champs avec des
problèmes sérieux parce qu'il y a eu sécheresse dans la
région de Saint-Hyacinthe avec les pluies de la fin de semaine
passée. Il a refusé d'entendre tout ce monde et il se lance dans
le projet du siècle en agro-alimentaire.
Ce que le Parti libéral veut éviter, c'est qu'on
investisse ce genre de deniers publics, il s'agit de 50 000 000 $ dans une
période où le gouvernement est en état de faillite. Il
s'agit d'un projet qui ne repose sur aucune étude de rentabilité.
On a demandé au ministre, en deuxième lecture, d'arriver en
commission parlementaire avec des études de rentabilité parce
qu'on savait, au Parti libéral, que les économistes du
gouvernement du Québec, du ministère de l'Agriculture du
Québec, parce qu'on savait que les économistes du niveau
fédéral qui avaient été consultés dans le
cadre d'une intervention du ministère de l'Expansion économique
régionale, disaient: On ne peut s'embarquer à cause de la
rentabilité. C'est le premier objet de notre inquiétude, 50 000
000 $ que l'on garroche dans l'économie comme cela, dans le secteur
public sans aucune étude économique.
La deuxième inquiétude du Parti libéral, ce sont
les emplois qui sont détenus par des Québécois à
Montréal dans des compagnies de sucre à caractère
privé et que l'on met ces emplois en péril en se dotant d'une
capacité additionnelle de raffinage au Québec qui va être
détenue par le secteur public et qu'on va subventionner à chaque
année.
Le troisième élément - je demanderais au ministre
de nous répondre là-dessus également - c'est le fait que
dans Le virage technologique, OSE phase II, du Parti
québécois, on devait tenir compte de la technologie de
haute pointe, on devait aller dans des secteurs qu'on appelle des secteurs durs
de l'économie par opposition aux secteurs traditionnels qui sont plus
fragiles. Ce que l'Ontario et ce que les États-Unis font
présentement, c'est qu'ils s'en vont dans des raffineries de sucre d'un
tout autre genre, c'est qu'ils s'en vont a partir du maïs plutôt que
de la betterave à sucre. Est-ce que le ministre a étudié
ce marché? Est-ce qu'il sait pourquoi les Américains s'en vont
dans une autre technologie? Est-ce qu'il sait pourquoi les Ontariens s'en vont
dans une autre technologie? Est-ce qu'il peut nous dire pourquoi il choisit de
s'en aller dans le secteur traditionnel en mettant en péril des
centaines et des centaines de producteurs qu'on embarque dans ce projet?
En conclusion, nous pouvons vous dire que s'il s'agit là du
projet agro-alimentaire du siècle, il sera consigné au journal
des Débats que le Parti libéral a voté contre un projet
qui ne reposait sur aucune étude de rentabilité. Il sera
consigné au journal des Débats que, comme projet agro-alimentaire
du siècle, on ne pouvait pas faire pire dans un domaine où la
technologie nous dit qu'on devrait se lancer dans du raffinage d'un autre genre
et qu'on ne pourra pas aller faire face au secteur privé et mettre en
péril des emplois dans le secteur privé pour en créer dans
le secteur public, à partir des deniers publics. Notre devoir de
parlementaire, c'est de défendre les taxes qui sont perçues de la
poche de nos citoyens et c'est ce que le Parti libéral va faire. Le
Parti libéral ne votera jamais pour injecter 50 000 000 $ dans un projet
où il n'y a aucune étude de rentabilité.
Des voix: Bravoi Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
troisième lecture du projet de loi no 63, Loi sur la Raffinerie de
surcre du Québec, est adoptée?
Des voix: Adopté. Une voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur division. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: Article 10 du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi no 76 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
Donc, troisième lecture du projet de loi no 76, Loi modifiant la
Loi sur la protection du territoire agricole.
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur
division. M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais vous demander
d'appeler l'article 7 du feuilleton s'il vous plaît.
Projet de loi no 75 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Troisième lecture
du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement
industriel. Est-ce qu'il y a des intervenants?
M. Bertrand: II y a deux amendements, M. le Président, un
amendement à l'article 2 qui a été transmis au
secrétaire général et un amendement à l'article 15
qui a aussi été transmis au secrétaire
général. Je ne lirai pas les deux amendements, M. le
Président, ils ont été transmis à l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: Je vois que c'est le projet de loi no 75 qui est
appelé. Serait-il possible d'appeler avant le projet de loi no 71 sur
l'aide juridique? Nos intervenants sont sur place, deux ou trois intervenants,
de sorte que l'intervenant sur le projet de loi no 75 pourra se joindre
à nous.
M. Bertrand: M. le Président, nous pourrions
peut-être effectivement appeler le projet de loi no 71,
considérant cependant que, si le ministre de la Justice n'avait pas le
temps de venir pour exercer son droit de réplique, il puisse le faire un
petit peu plus tard. Merci.
Projet de loi no 71 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Donc,
troisième lecture du projet de loi 71, Loi modifiant la Loi sur l'aide
juridique. M. le député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. Rapidement, une
réponse à une déclaration faite hier soir ou pendant la
nuit par le ministre. Il a donné l'exemple d'une pauvre femme qui a un
problème sur le plan marital et veut voir un avocat. Il dit: Elle a le
droit d'avoir l'aide juridique, cela ne lui coûte pas
une cenne. Mais il faut être bien prudent, il faut rectifier cela
parce qu'il nous a accusés. Il a dit: L'Opposition est à niaiser,
ces gens sont des démagogues sur ce projet de loi; mais nous ne le
sommes pas, on va le démontrer. Parce qu'on admet que seulement ceux qui
bénéficient de l'aide sociale aient droit à un service
gratuit. C'est admis, d'accord, pas de problème. Mais ceux qui n'ont pas
l'aide sociale sont obligés... Et je parle encore de la pauvre dame, par
exemple, qui ne reçoit pas l'aide sociale, qui a tout de même
quelques revenus, un peu plus, disons, que le niveau de l'aide sociale. Pour
être admissible à la Loi sur l'aide juridique, il faut qu'elle
fasse la preuve numéro un: avoir vraisemblablement le droit ou le besoin
d'un service juridique.
En d'autres termes, la dame va voir un avocat de l'aide juridique. Elle
dit: Voici, j'ai un problème avec mon mari, il est parti, il m'a
laissé ainsi que les enfants. Je pense que j'ai besoin d'une
séparation pour réclamer une pension alimentaire. Le projet de
loi dit très clairement: Après que cette vraisemblance est
admise. Cela est bien le fait. Elle va voir un avocat et va dire: Voici, mon
mari m'a quittée ainsi que les enfants. Le projet de loi dit que cette
personne est tenue d'acquitter les frais pour l'étude de sa demande au
montant fixé par le règlement. On retombe sur le fameux principe
du ticket modérateur; il n'y a pas de doute, le projet de loi dit
très clairement que cette femme-là qui n'est pas admissible
à l'aide sociale est obligée de payer un certain montant que le
ministre a mentionné être entre 25 $ et 30 $, justement pour avoir
cette aide juridique. Donc, qu'il ne vienne pas nous dire qu'hier soir, on
niaisait, que nous sommes des démagogues, parce que cette pauvre femme a
droit à l'aide juridique; c'est vrai qu'elle a droit à l'aide
juridique, mais il faut qu'elle paie, pour son dossier, 25 $ ou 30 $. Je
voulais juste faire la rectification de ce point de vue là.
M. le Président, comme je l'ai dit hier soir... Je suis content.
Le ministre vient d'entrer. Il peut nous répondre. La différence
entre quelqu'un qui reçoit l'aide sociale et quelqu'un qui reçoit
peut-être 10 $ de plus par mois, c'est très peu, parce que ces
deux personnes vivent en dessous du seuil de la pauvreté, parce que la
différence entre l'aide sociale et ceux qui gagnent un peu plus, c'est
presque rien. Donc, je voudrais rectifier cela en rappelant au ministre
l'article 5 de la loi. C'est très clair. Une telle personne qui ne
reçoit pas d'aide sociale, du moment qu'elle a la vraisemblance du
droit, comme l'exemple de la séparation de corps ou encore quelqu'un qui
a fait une chute sur le trottoir et veut poursuivre une ville, elle va voir un
avocat et va dire: Voici ma cause...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne, s'il vous plaît! Vous avez
terminé? C'est que j'ai beaucoup de difficulté à vous
suivre. J'aimerais que cette Assemblée baisse le nombre de
décibels pour pouvoir justement me permettre de vous suivre. (15 h
30)
M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci M. le Président. Je ne vais pas
répéter tout ce que j'ai dit parce que c'est plus important pour
moi, maintenant, que le ministre de la Justice me suive. Je voulais juste
rectifier ce que le ministre de la Justice a dit la nuit dernière
à 2 heures exactement, quand il a dit: Ces personnes sont
qualifiées pour l'aide juridique et ne paient pas. Cela n'est pas vrai.
Ce sont seulement celles qui reçoivent de l'aide sociale qui ne paient
pas, cela c'est vrai. Cette catégorie de personnes qui reçoivent
de l'aide sociale ne paient même pas de ticket modérateur. Toutes
les autres doivent payer ce qu'on appelle le ticket modérateur "user
fee" ou frais d'ouverture de dossier, comme le ministre l'a appelé. Ces
personnes sont obligées de payer entre 25 $ et 30 $. Il s'agit de
milliers de personnes pour qui, très souvent, il n'y a pas de
différence entre le revenu de l'aide sociale et leur propre revenu.
Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, le projet de loi qui nous
est présenté, cet après-midi, en troisième lecture
est véritablement un recul réel face aux conceptions
sociales-démocrates que ce gouvernement a.
M. le Président, les revenus pour permettre aux citoyens du
Québec d'être admissibles à l'aide juridique n'ont pas
été indexés en 1981. Ce qui veut dire qu'une personne
seule avec un dépendant qui reçoit plus de 185 $ de revenu n'est
pas admissible, aujourd'hui, à l'aide juridique puisqu'on a, dès
ce moment, en vertu du gel de l'indexation des revenus à l'aide
juridique au 1er janvier 1981, réduit l'accessibilité à
l'aide juridique. Je pense qu'une personne qui gagne 185 $ et qui a un
dépendant, c'est-à-dire une femme seule avec un enfant - on n'a
qu'à considérer le coût de la vie d'aujourd'hui et le
coût du logement qui augmentent sans cesse - je pense
véritablement que cette personne n'a pas les moyens de contribuer si
elle a besoin des services d'un avocat.
En commission parlementaire et à cette Assemblée, en
deuxième lecture, j'ai informé le ministre - si je l'ai
informé, c'est que j'ai vérifié auprès de certains
dirigeants de l'aide juridique qu'on a fait cette même
expérience
au Manitoba où on a permis un "user fee" tel que le mentionnait
mon collègue et ami, le député de Sainte-Anne. Ce "user
fee", après trois ans, a été supprimé par le
gouvernement du Manitoba, car on a découvert que beaucoup de personnes
qui devaient payer un ticket modérateur n'ont pas recouru aux services
d'un avocat vu le montant, même minime à payer.
Je pense que c'est un net recul sur la loi qu'avait proposée
à cette Assemblée le ministre de la Justice du temps, l'honorable
Jérôme Choquette, qui avait présenté à la
population du Québec un projet de loi permettant aux moins nantis
d'avoir les services d'un avocat pour faire valoir leurs droits
vis-à-vis la justice, M. le Président. Je pense qu'aujourd'hui,
je voterai contre ce projet de loi parce que c'est contre les moins nantis de
notre société. Quand une personne vivant avec un enfant gagne 185
$ par semaine et qu'elle n'est plus admissible à l'aide juridique
entièrement comme elle l'était auparavant, je crois que c'est un
recul et au point de vue des frais d'administration que cela va rapporter au
gouvernement, calculant les dépenses, on m'informe, M. le
Président et M. le ministre, qu'à la fin de l'année, il ne
restera pas grand-chose en surplus. Cela va être un inconvénient
beaucoup moins utile à nos concitoyens les moins nantis que cela va
rapporter au gouvernement. De là encore, je crois que le ministre aurait
eu intérêt à consulter ses collègues de la province
du Manitoba qui ont essayé ce système qui n'a pas
fonctionné.
J'espère que les membres de l'Opposition penseront, en votant sur
ce projet de loi, aux moins nantis qu'ils représentent et qui ont besoin
de l'aide juridique pour bien les représenter et sans ticket
modérateur.
Le Président suppléant (M. Gagnon): M. le ministre
de la Justice.
M. Marx: Si le ministre veut parler avant moi.
Le Président suppléant (M. Gagnon): M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Je ne vais pas reprendre
tout ce que mes collègues et amis les députés de
Jeanne-Mance et de Sainte-Anne ont dit, mais je pense qu'il faut faire le
point, même une troisième fois, parce que le message doit passer
à la population et nous sommes contre cette loi 71 qui modifie la loi
sur l'aide juridique pour deux raisons principales: premièrement, parce
que le gouvernement veut réduire la couverture de l'aide juridique et
deuxièmement, parce que le gouvernement est en train de prélever
un ticket modérateur sur les gagne-petit, les gens qui sont
économiquement défavorisés.
Il faut se souvenir que le président du Conseil du trésor
a demandé au ministre de la Justice de faire des coupures dans son
ministère et c'est le ministre de la Justice lui-même qui a choisi
de faire des coupures sur le dos des gagne-petit, sur le dos des gens qui ne
peuvent pas payer des tickets modérateurs. Et j'aimerais
répondre, pour quelques minutes, au discours que le ministre a fait hier
ou avant-hier en ce qui concerne ce ticket modérateur et parler en
général de ce projet de loi no 71.
Le ministre a dit que le ticket modérateur n'aura pas un grand
effet sur trop de personnes, parce que finalement cela sera demandé
seulement aux personnes qui ont une cause, c'est-à-dire que quelqu'un va
aller voir un avocat au bureau des services juridiques et faire état de
son problème. Si cette personne n'a pas de cause, elle ne sera pas
appelée à payer un ticket modérateur, mais dès que
l'avocat va décider que monsieur ou madame a une cause, cette personne
sera appelée à payer le ticket modérateur d'environ 30 $.
Et il ne faut pas oublier qu'on va demander aux personnes démunies,
à des gens qui n'ont pas d'argent, de payer ces 30 $.
C'est-à-dire que ceux qui reçoivent de l'aide sociale n'auront
pas à payer un ticket modérateur, mais il y a beaucoup de
Québécois qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté,
qui seront appelés à payer un ticket modérateur de 30
$.
Il me semble que ce n'est pas nécessaire pour moi de
répéter, une troisième ou une quatrième fois,
l'attitude de ce gouvernement en ce qui concerne les tickets
modérateurs. C'est le ministre des Affaires sociales qui a dit qu'un
ticket modérateur, c'était un Big Mac et un Coke. Et hier, le
ministre de la Justice a fait une farce, il a dit que c'était une grande
farce de parler comme je l'ai fait.
Mais, le ticket modérateur, 30 $, c'est beaucoup d'argent pour
quelqu'un qui a 300 $ ou 400 $ par mois pour faire vivre sa famille ou pour
faire vivre deux personnes. Et de dire qu'un ticket modérateur ce n'est
rien, c'est vraiment dénaturer toute cette Loi sur l'aide juridique qui
a été adoptée par le gouvernement libéral en 1972.
Et, pour ce qui concerne l'expression du ministre des Affaires sociales, il a
parlé d'un ticket modérateur pour les frais médicaux, les
visites chez le médecin, un Big Mac et un Coke. Il y a des dizaines de
milliers de Québécois qui ne peuvent pas se payer le luxe d'un
Big Mac et d'un Coke et qui ne peuvent pas payer ces tickets
modérateurs. Il y a des gens qui n'ont pas l'argent pour se payer un
ticket de métro pour aller au bureau d'aide juridique et maintenant, un
ticket modérateur pour le ministre de la
Justice, ce n'est pas important. (15 h 40)
Comme deuxième point, il dit qu'il faut penser aux contribuables
québécois qui paient l'aide juridique. On a pensé aux
Québécois quand on a fait adopter la Loi sur l'aide juridique en
1972. À cette époque, on n'avait pas prévu de ticket
modérateur parce qu'on a voulu donner ce service à la population
qui en avait besoin. Maintenant, qu'on fasse des économies sur le dos
des pauvres, je ne pense pas que c'est cela que les Québécois
veulent. Franchement, même si c'est un gouvernement populiste qui se
permet de faire et de dire n'importe quoi, je ne pense pas que les
Québécois en général veulent que leur gouvernement
impose un ticket modérateur aux gagne-petit et fassent cette
économie sur le dos des pauvres.
C'est le député de Sainte-Marie, qui a
démissionné du caucus du PQ, qui a dit que ce gouvernement a
été un gouvernement social-démocrate pendant trois ans
mais ne l'est plus. En fait, ce gouvernement est en train de déformer
les programmes sociaux qui ont été adoptés par les
gouvernements libéraux précédents. Comme mon
collègue et ami le député de Jeanne-Mance l'a dit, c'est
bien clair qu'un ticket modérateur va rapporter très peu au
gouvernement. En effet, on a essayé cela au Manitoba. Pourquoi est-ce
que le gouvernement ne nous parle pas de cette expérience faite au
Manitoba? C'est un gouvernement conservateur qui a adopté un
règlement ou une loi pour appliquer un ticket modérateur à
l'aide juridique et c'est un gouvernement NPD qui a abrogé cette loi.
Pour les services de l'aide juridique, ce sera seulement au Québec, de
toutes les provinces canadiennes, où les gagne-petit seront
appelés à payer un ticket modérateur.
Le ministre va répondre: Notre système d'aide juridique
est le plus généreux au Canada. Ce n'est pas sûr, ce sont
juste des paroles. En Ontario et ailleurs au Canada, les gens ont droit aux
services de l'aide juridique aussi comme au Québec et il n'y a pas de
ticket modérateur. Troisièmement, le ministre a dit: Je vais
chercher des fonds au gouvernement fédéral et si j'ai 1 000 000 $
ou 1 500 000 $ de plus, je vais abroger ce règlement qui va
prévoir le ticket modérateur.
M. le Président, premièrement, le gouvernement du
Québec reçoit déjà des fonds du
fédéral pour les services de l'aide juridique et il ne faut pas
oublier que les autres provinces n'ont pas plus que le Québec et n'ont
pas de ticket modérateur. Je pense que c'est un faux argument du
ministre, c'est même la chanson: blâmer le fédéral.
Quand les péquistes n'ont rien à dire, ils sortent toujours leur
disque, ils font jouer le même disque: C'est la faute du
fédéral, si on veut avoir plus d'argent du fédéral,
on va administrer davantage notre système au Québec. C'est un
faux argument et pour moi cela ne veut pas dire grand-chose.
Le dernier point sur lequel j'aimerais insister, c'est que ce
gouvernement, le gouvernement péquiste, a refusé de recevoir et
d'entendre des personnes et des associations qui ont demandé une
commission parlementaire sur la Loi sur l'aide juridique. Ce matin, à 4
heures, j'ai lu la liste de tous les organismes et toutes les associations qui
m'ont envoyé des télégrammes et des lettres à moi
et au ministre de la Justice. Je ne veux pas relire tous les noms de ces
associations mais, si les députés péquistes insistent pour
que je les lise, je n'ai rien contre les répétitions. Pour ceux
qui sont intéressés, il s'agit seulement de revoir les
débats de ce matin.
J'aimerais seulement lire un télégramme que j'ai
reçu cet après-midi du Front d'action populaire en
réaménagement urbain. Cela m'était adressé et il
était écrit: "Nous avons pris connaissance du projet de loi no 71
et désirons vous faire connaître notre position sur le projet dans
son entier. Nous revendiquons le maintien de la gratuité des services
d'aide juridique. Nous exigeons d'être entendus en commission
parlementaire ou nous exigeons la tenue d'une commission parlementaire sur le
projet de loi 71." Fin du télégramme. Signé: Front
d'action populaire en réaménagement urbain.
C'est seulement un des télégrammes, c'est le dernier que
j'ai reçu. J'ai, ici, des dizaines et des dizaines de
télégrammes et de lettres de partout au Québec et le
ministre a reçu les mêmes télégrammes et les
mêmes lettres. Il a refusé d'entendre, de parler a ces personnes.
Pour moi, c'est un comportement éhonté et j'ai demandé au
ministre, à maintes reprises, pourquoi il refusait d'entendre,
d'écouter ces personnes qui représentent des dizaines de milliers
de Québécois. Il ne m'a jamais donné de réponse
claire à l'Assemblée nationale et peut-être va-t-il le
faire cet après-midi.
J'ai parlé à un certain nombre de personnes et j'ai
parlé à un certain nombre de péquistes. J'ai même
parlé aux députés péquistes de cette
Assemblée nationale, dans les corridors et ailleurs et je peux vous
dire, M. le Président, qu'ils ne sont pas heureux de ce projet de loi
où le gouvernement va essayer de faire des économies de quelque
cent mille dollars par année sur le dos des gagne-petit. Il y a
même des ministres, ici, qui, j'en suis sûr, ont voté contre
ce projet de loi au Conseil des ministres, mais c'étaient les ministres
les plus durs, qui ne sont pas inconscients socialement qui ont gagné
cette lutte au Conseil des ministres.
Comme je l'ai dit au début au sujet de notre position à
propos du projet de loi 71, c'est surtout une déformation d'un
programme social initié et adopté par le gouvernement
libéral précédent et c'est tout à fait inacceptable
pour l'Opposition. C'est pourquoi, nous allons voter contre ce recul et
j'invite les députés ayant une conscience sociale dans
l'Opposition de voter avec nous comme ils le font de temps à autre
lorsqu'ils voient que le gouvernement vraiment agit à l'encontre du bon
sens. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Je voudrais profiter de
cette occasion qui m'est offerte par la troisième lecture du projet de
loi en question pour rectifier d'abord quelque chose qui a été
laissé comme impression, hier, lors de la prise en considération
du rapport de la commission permanente de la justice quant à ce projet
de loi.
M. le Président, hier, le ministre a réagi avec une
certaine excitation à la suite des interventions qu'a faites
l'Opposition officielle sur le projet de loi en question. J'ai dit, hier, et je
le répète aujourd'hui, que le projet de loi en question a pour
but, finalement, M. le Président, d'imposer un ticket modérateur
à une couche particulière de la population, plus
précisément les gens qui ne sont pas bénéficiaires
de l'aide sociale et qui ne sont pas admissibles à l'aide sociale, mais
qui sont admissibles à l'aide juridique. Cela veut dire, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Monsieur le
député de Laurier, excusez-moi. S'il vous plaît, s'il vous
plaît! Je vais être obligé de vous demander, de nouveau, de
prendre vos fauteuils et de garder le silence ou d'aller discuter à
l'extérieur de cette Assemblée. M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président, pour l'effort de mettre
un certain ordre dans nos travaux. Je disais, hier, pour revenir au sujet,
qu'il y a finalement une partie de la population qui est spécifiquement
touchée par ce projet de loi et ce sont des gens qui ne sont pas
bénéficiaires de l'aide sociale, qui ne sont pas admissibles
à l'aide sociale, mais qui sont admissibles à l'aide juridique.
Cela veut dire, M. le Président, si mes données sont correctes,
que sont admissibles à l'aide juridique les gens qui ont un revenu, les
familles, par exemple, qui ont un revenu de moins de 12 000 $. Quand on sait
que, de l'autre côté, l'aide sociale quant à elle pour le
même type de personnes peut-être, offre un certain plancher de 6000
$, cela veut dire qu'il y a un niveau de gens qui gagnent entre 6000 $ et 12
000 $ qui seront appelés dorénavant, parce que ce gouvernement a
décidé qu'il lui fallait trouver de l'argent de toute
manière, n'importe comment et peu importe de qui, à payer un
ticket modérateur quand ils auront besoin d'un avocat qui leur est
disponible par l'entremise de l'aide juridique.
Cela brime d'abord le principe original de l'aide juridique qui
était de rendre ce service accessible gratuitement.
Gratuitement, cela veut sans déboursé. Hier, le ministre
nous disait que l'aide juridique serait encore gratuite, mais dès qu'on
débourse 20 $, 30 $, 40 $, peu importe le montant - le ministre en
décidera par règlement - ce n'est plus gratuit, M. le
Président. Cela n'est plus gratuit pour des gens qui sont quand
même parmi les plus démunis de la société,
peut-être pas l'extrême, étant donné qu'on a
éliminé l'aide sociale, mais on parle quand même d'une
population qui est visiblement dans le besoin, surtout par les temps qui
courent, quand on sait le taux d'inflation, etc. Le projet de loi en question
vient chercher, strictement aux fins budgétaires de ce gouvernement, un
montant, par ce ticket modérateur, pour aider le gouvernement - par le
ministère de la Justice aussi - à sortir ou à essayer de
ne pas se noyer dans l'impasse financière dans laquelle il nous a
amenés depuis six ans, M. le Président.
Je répète que c'est le but du projet de loi, c'est l'effet
du projet de loi. Il n'y a pas de quoi en être fier. Comme je le disais
hier, je le répète aujourd'hui - si le ministre veut se lever et
dire qu'on fait de la démagogie avec cela, libre à lui de le
faire je crois sincèrement, M. le Président, quand on regarde les
autres actions de ce gouvernement par rapport même aux populations les
plus démunies, surtout au niveau de la santé, par exemple, dans
les services sociaux qui ont été coupés aussi de
façon draconienne, que cela s'inscrit dans ce même courant de
pensée qui caractérise ce gouvernement depuis un an.
Le deuxième point que je j'ai soulevé hier, c'est que je
me demandais si les prisonniers seraient admissibles à l'aide juridique.
Je suis content que le ministre ait répondu que oui, hier, sauf qu'en
lisant le projet de loi, ce n'est pas si clair. Le projet de loi dit que sont
exemptés les gens bénéficiaires du bien-être social
et ceux qui sont admissibles à l'aide sociale, mais, par
définition, un prisonnier n'est pas admissible à l'aide sociale,
techniquement. J'ai soulevé un point technique et j'ai dit hier au
ministre qu'il faudrait peut-être qu'il le regarde, qu'il le clarifie.
S'il veut bien dire devant tout le monde et devant les caméras que ce
n'est pas son intention d'exclure les prisonniers, j'en serai heureux et je le
remercierai d'avoir eu la franchise de nous le dire.
M. le Président, ce sont les deux petits
points que je voulais rectifier en cette troisième lecture. Je
vous remercie de l'occasion que vous m'avez donnée de le faire et
j'espère que ces commentaires seront pris en considération tels
qu'ils ont été donnés. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: M. le Président, c'est la première fois
que j'interviens dans ce débat sur l'aide juridique, mais j'ai
été frappé, hier soir, par le discours du ministre. Je
voulais simplement lui dire, ainsi qu'à la population, que je n'ai
jamais de ma vie entendu un discours aussi idiot. Le ministre a dit, si je
comprends bien, que nous avons aujourd'hui l'aide juridique gratuite pour
à peu près tout le monde. Il présente un projet de loi
pour obliger certaines personnes à payer les frais de l'aide juridique.
Dans le cours de ce débat, il a proposé, il a
suggéré que c'était afin de protéger les plus
démunis et en assurer l'universalité. Je le cite, j'en ai pris
note, M. le Président. C'est gratuit, en général.
Aujourd'hui, il veut imposer ces frais aux personnes qui ne sont pas
bénéficiaires de l'aide sociale, à un ensemble de
personnes qui vivent en-dessous du seuil de la pauvreté. À peu
près 100 000 personnes, selon ses propres chiffres, seront
obligées de payer les frais de l'aide juridique, alors qu'elles ne sont
pas obligées de payer ces frais à l'heure actuelle. Est-ce
clair?
Une voix: C'est cela.
M. Scowen: Des gens qui ne paient pas les frais de l'aide
juridique aujourd'hui vont les payer après l'adoption de la loi. C'est
clair.
Pour le justifier, le ministre essaie de passer le message à la
population en disant que c'est pour protéger les plus démunis et
pour garantir l'universalité du service. M. le Président, si la
population est capable d'avaler cette espèce de confusion dans le
mensonge - mensonge est peut-être un mot trop fort - mais dans la
distorsion, qu'en ajoutant, avec le projet de loi des frais aux gens qui n'en
payaient pas, pour un service qui, jusqu'ici, était plus ou moins
gratuit on assure davantage de protection pour les plus démunis et une
universalité accrue, M. le Président, j'ai mon voyage!
J'espère que la population du Québec va l'avoir aussi. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de la
Justice, votre droit de réplique.
M. Marc-André Bédard
(réplique)
M. Bédard: M. le Président, je n'emploierai
sûrement pas les expressions utilisées par le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
Une voix: Très haut niveau de discours.
M. Bédard: Je pense que c'est un niveau de discours qui
est à sa mesure. S'il avait pris la peine d'étudier ce projet de
loi, ce qu'il n'a manifestement pas fait, il se rendrait compte que les
étiquettes qu'il a employées tout à l'heure s'adressent
surtout à lui. S'il avait pris la peine de regarder le projet de loi et
d'écouter véritablement plutôt que d'affirmer n'importe
quoi cet après-midi, il saurait très bien que je n'ai jamais dit
que le système d'aide juridique était gratuit pour tout le monde.
Vous le savez à part cela, vous pouvez bien sourire. Vous pensez
qu'à force de dire des mensonges à la télévision il
va toujours en rester. Mais la vérité ne semble pas vous
préoccuper outre mesure. C'est à la mesure, je pense, de votre
intégrité intellectuelle, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Il y a des limites à prendre la population en otage avec des
affirmations qui sont complètement en dehors de la
réalité, tel que tente de le faire le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais je
vais le faire parce que je crois qu'il y a une limite à la
démagogie trop facile qui est faite cet après-midi sur le dos des
plus démunis par le député de Notre-Dame-de-Grâce,
par le député de D'Arcy McGee et par d'autres qui se sont fait
entendre cet après-midi en laissant entendre n'importe quoi.
M. le Président, je n'ai jamais dit que l'aide juridique
était gratuite pour tout le monde pour la bonne et simple raison que
tout le monde en cette Chambre et, je dirais, toute la population sait
très bien que ce n'est pas le cas. Il n'y a que le député
de Notre-Dame-de-Grâce qui essaie de prêter ces propos à un
de ses collègues, et ce d'une façon tout à fait
pernicieuse. Je le dis encore une fois: Je pense que le député de
Notre-Dame-de-Grâce a donné vraiment la mesure de sa
capacité. Il a montré jusqu'à quel point il était
capable d'aller en termes, je ne dirai pas de mensonges, mais de fausses
représentations pour essayer de berner la population sur la
portée d'un projet de loi, se disant que, au bout de la ligne, il va
toujours rester quelque chose de toutes ces fausses représentations.
La démagogie des députés de l'Opposition sur le
projet de loi concernant l'aide juridique est proprement inqualifiable. On a
laissé entendre, à un moment donné, que toutes les
personnes qui pouvaient être admissibles à l'aide juridique
pouvaient être
éventuellement touchées par ce projet de loi. Le
député de D'Arcy McGee le sait. Il a mentionné, au
début du projet de loi...
M. Marx: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je ne dois pas souffrir les mensonges du ministre. Je
n'ai jamais dit ce qu'il a dit. On peut lire les débats...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Ceci n'étant pas une question de règlement, M.
le ministre. (16 heures)
M. Bédard: M. le Président, le député
de D'Arcy McGee est drôlement nerveux parce que je n'ai pas encore dit ce
qu'il avait dit et déjà il est debout pour essayer de soulever
une question de règlement. Le député de D'Arcy McGee
essaie, comme il le fait depuis qu'il est en cette Chambre, de faire de la
démagogie pure et simple sur le dos des plus démunis. Il sait
très bien, M. le Président, que ce projet de loi ne touche
d'abord, en aucune façon, les gens qui bénéficient de
l'aide sociale. Je le dis pour la population parce qu'il est important qu'elle
le sache et qu'elle ne soit pas induite en erreur par quelque propos que ce
soit. Nous avons à coeur de défendre les plus démunis.
Il n'y a pas très longtemps, justement en termes d'administration
de la justice, j'ai fait en sorte, et ce, en l'espace de deux ans, de donner
deux augmentations concernant la Loi sur les petites créances justement
pour permettre aux plus démunis de mieux se prévaloir de ce
recours. Il n'y a pas longtemps - nous l'avons adopté cet
après-midi; le député de D'Arcy McGee le sait -nous avons
adopté un projet de loi pour essayer d'éviter la prison à
ceux qui ne sont pas capables de payer leurs amendes. C'est cela s'occuper de
l'administration de la justice envers les plus démunis. Le
député le sait très bien. Je pourrais y aller de beaucoup
d'autres mesures que, comme ministre de la Justice et comme membre de ce
gouvernement, nous avons mises au point, justement en ayant toujours à
l'esprit l'idée d'aider ceux qui sont les plus mal pris.
Or, M. le Président, avant même que le député
de D'Arcy McGee ait pu en faire la suggestion, nous y avons pensé, aux
plus démunis.
Des voix: Ah!
M. Bédard: C'est pour cela que nous n'avons pas
accepté...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bédard: L'Opposition peut rire, M. le Président,
parce qu'elle peut se laisser aller à toutes sortes de fausses
représentations au niveau de la population. Quand on est en train de
rétablir les faits, par exemple, on voit quelle est son attitude. Il y a
des dispositions extrêmement importantes dans ce projet de loi que n'ont
pas évoquées le député de D'Arcy McGee et les
autres députés. Je pense, par exemple, M. le
Président...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Scowen: Question de privilège. Des voix: Oh!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Cela fait à peu près quatre fois que le
ministre fait allusion au député de Notre-Dame-de-Grâce. Je
veux simplement savoir si c'est un projet de loi qui réduit ou qui
augmente les frais de l'aide juridique.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Il
n'y a pas de question de privilège.
M. Scowen: Augmenter ou réduire?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
J'en profite, pendant que je suis debout, pour vous demander, encore une fois,
s'il vous plaît, de maintenir un ordre qui sied tout à fait
à ce lieu. M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, s'il y a quelqu'un qui
aurait pu soulever une question de privilège, c'est bien moi, à
la suite des propos tenus par le député de
Notre-Dame-de-Grâce, mais comme je savais par qui c'était dit,
avec son degré d'intégrité intellectuelle, je n'ai pas cru
bon de soulever de question de privilège parce que sa réputation
est faite, ici en cette Chambre et devant la population.
M. le Président, on a, tout à l'heure, essayé de
tourner en ridicule le fait qu'il y avait des dispositions dans ce projet de
loi qui nous permettaient de récupérer des sommes du
fédéral. Le député de D'Arcy McGee sait bien que je
n'ai jamais évoqué de chicane fédérale-provinciale
en ce qui a trait à ce projet de loi. Au contraire, j'ai
simplement dit que je faisais une chose qui aurait dû être
faite depuis bien longtemps, à savoir un amendement qui va nous
permettre - après tout, ce sont nos impôts - d'aller
récupérer des autorités fédérales une somme
approximative de 6 000 000 $. J'ai dit également en commission
parlementaire et, cette nuit, en Chambre, que si nous pouvions, par nos
démarches, obtenir encore plus du gouvernement fédéral, je
m'engageais à faire en sorte que ces sommes soient affectées
à l'ensemble du système de l'aide juridique de manière
à aider les plus démunis.
Également, dans ce projet de loi - le député de
D'Arcy McGee n'en a pas parlé -il y a une disposition très
importante. Si l'Opposition ne veut rien comprendre, les contribuables
québécois vont comprendre que c'est normal d'aider les plus
démunis. Je pense que c'est ce que nous faisons. Il y a des
dispositions, dans ce projet de loi, qui font que, lorsqu'on a donné
l'aide juridique gratuite à une personne aux fins de faire valoir un
droit, lorsque cette personne a fait valoir son droit et qu'elle a obtenu un
montant d'argent important, disons 50 000 $, 100 000 $ et même moins, je
crois - et les contribuables québécois, les "payeurs de taxes" le
comprennent - qu'il est tout à fait normal - ce qui n'était pas
le cas auparavant, par exemple - qu'à ce moment-là, nous
récupérions, de la part de la personne qui a obtenu un montant
d'argent important, une partie de ces sommes pour payer les frais de l'aide
juridique qu'elle a obtenue d'une façon gratuite. Je pense que c'est une
attitude responsable.
En fonction de protéger également les plus démunis,
nous avons trouvé le moyen de resserrer le texte de loi de façon
qu'il ne soit plus possible à des avocats de réclamer des gens
qui reçoivent de l'aide juridique des sommes additionnelles à
celles payées par l'aide juridique sous forme de déboursés
ou encore en demandant des sommes à des tierces personnes. Je pense que
c'est important, justement en fonction des plus démunis.
Le député de D'Arcy McGee peut bien essayer de faire de la
démagogie facile, mais il y a des situations dont il faut tenir compte
en administrateurs responsables des deniers publics. Effectivement, le
système d'aide juridique que nous avons à l'heure actuelle est le
système le plus généreux au Canada, la preuve en est
faite. En commission parlementaire, j'ai fourni des chiffres qui permettent de
faire des comparaisons avec l'Ontario, avec d'autres provinces. Il a
été clairement établi que c'était le système
le plus généreux. Avec ce projet de loi, l'aide juridique
continue de demeurer l'un des systèmes d'aide juridique les plus
généreux au Canada.
Il y a une réalité qu'il ne faut pas oublier: l'aide
juridique, qui coûtait peut-être 8 000 000 $ en 1974, est
passée à 46 000 000 $ en 1980-1981 et les prévisions sont
que ce sera peut-être au-delà de 60 000 000 $ que pourrait
coûter l'aide juridique d'ici un an ou deux. Il y a, d'une part, les
personnes démunies, qui ont besoin de l'aide juridique; il y a, d'autre
part, des contribuables, des "payeurs de taxes" québécois qui ont
le droit d'exiger de leur gouvernement un juste équilibre entre, d'une
part, leur capacité de payer et, d'autre part, leur désir d'aider
les plus démunis de la société.
Je voudrais que ce soit bien clair pour ceux qui nous écoutent
parce que les propos des membres de l'Opposition ont pu les induire en erreur.
Toutes les personnes qui bénéficient de l'aide sociale au moment
où je vous parle, ou qui sont admissibles à l'aide sociale,
c'est-à-dire ayant un revenu équivalant à l'aide sociale,
ne sont en aucune façon touchées par ce projet de loi. Elles
avaient droit à l'aide juridique, à des services gratuits; elles
continuent d'avoir droit à des services gratuits.
Pour répondre au député de Laurier, qui a
soulevé une question dans ce sens, qui se demandait si les
détenus, en prison, n'ayant pas de revenu, avaient droit aux services de
l'aide juridique d'une façon gratuite, c'est évident qu'ils y ont
droit. Je pense que la première responsabilité d'un
député en cette Chambre est quand même de lire le projet de
loi, de ne pas faire comme le député de Notre-Dame-de-Grâce
et de parler à la dernière minute sur un projet de loi...
M. Sirros: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Laurier sur une question...
M. Sirros: ... de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): ... de
privilège.
M. Sirros: D'abord, j'aimerais dire que j'ai bien lu le projet de
loi. J'inviterais le ministre à faire la lecture de l'article 5 du
projet de loi; s'il lit les mots qui sont là et non pas les intentions,
il va voir que j'avais raison.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je vais lire l'article.
Vous allez voir jusqu'à quel point, tant sur ce point que sur d'autres
qui ont été soulevés par le député de D'Arcy
McGee, on essaie de charrier le monde. Cela se lit comme suit: "Après
que la vraisemblance du
droit - j'y reviendrai tout à l'heure, c'est un autre
élément important - ou, selon le cas, le besoin d'un service
juridique a été établi, cette personne est tenue
d'acquitter, pour l'étude de sa demande, les frais au montant
fixé par règlement, à moins qu'elle ne soit
bénéficiaire d'aide sociale ou admissible à l'aide
sociale, c'est-à-dire ayant un revenu équivalant à l'aide
sociale." Il me semble que c'est très clair qu'une personne qui n'a pas
de revenus équivalents ou au-dessus de ce que peut représenter
l'aide sociale a le droit à des services d'aide juridique gratuits
autant avant ce projet de loi qu'après l'adoption de ce projet de loi.
Je voudrais également mentionner un point important. (16 h 10)
M. Sirros: En vertu de l'article 96, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Le ministre a insinué que je n'avais pas lu le
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Scowen: J'ai la forte impression...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le ministre, j'aimerais entendre le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: La lecture de ce projet de loi m'avait laissé
l'impression que l'objectif était de hausser les frais de l'aide
juridique, non pas de les abaisser. J'ai cette impression, et je veux que le
ministre la confirme ou la nie. Est-ce que le but est d'ajouter des frais pour
l'aide juridique aux gens qui ne paient pas aujourd'hui, ou d'en enlever aux
gens qui paient aujourd'hui? C'est la question qu'on se pose.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: M. le Président, si le
député de Notre-Dame-de-Grâce a lu le projet, il l'a mal
lu. Je viens de faire état de plusieurs dispositions de ce projet de loi
qui vont faire en sorte que les enveloppes globales soient plus importantes en
fonction d'aider l'ensemble des plus démunis qui sont touchés,
quand on parle de l'aide juridique, ceux qui sont bénéficiaires
de l'aide sociale. Je ne sais pas combien il va falloir le dire de fois aux
membres de l'Opposition pour qu'ils le comprennent, ces gens ne sont pas
touchés, non plus que les personnes qui pourraient être
admissibles à l'aide sociale, qui n'ont pas les revenus plus que ce que
représente l'aide sociale. On a essayé de faire croire en cette
Chambre que cela toucherait d'une façon tout à fait
particulière les femmes seules qui n'ont pas de revenus. Je leur dis
à la télévision qu'elles peuvent, comme dans le
passé, se rendre à l'aide juridique, et si elles n'ont pas de
revenus qui peuvent équivaloir à l'aide sociale, elles auront
tous les services gratuits de la part de l'aide juridique. Essayer de faire
croire le contraire, c'est vraiment induire la population en erreur. C'est ce
que j'appelle essayer de faire de la démagogie facile sur le dos du
pauvre monde.
M. le Président, ce n'est pas nous qui dénaturons les
principes qui étaient à la base du système d'aide
juridique, ce sont plutôt les députés de l'Opposition qui
essaient de dénaturer ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bédard: Deux grands principes étaient à
la base du système d'aide juridique, entre autres, premièrement,
la liberté de choix de la part de ceux qui demandent des services
à l'aide juridique.
M. le Président, nous avons conservé ce principe de base.
Également, en ce qui a trait à l'universalité des
services, le député de Notre-Dame-de-Grâce a, tout à
l'heure, encore une fois, induit la population en erreur parce qu'il a mis en
doute le fait que nous gardions l'universalité des services. Justement,
c'est ce que nous avons fait parce qu'il y avait des choix qui se posaient.
Nous aurions pu décider, à ce moment, pour les personnes qui
avaient besoin de notaires, qui n'avaient pas les moyens, autrement dit, qui
étaient bénéficiaires de l'aide sociale, de couper les
frais de notaires ou la possibilité de se rendre à l'aide
juridique pour des demandes notariales. Nous n'avons pas voulu le faire. Nous
aurions pu décider que le droit civil était exclu de l'aide
juridique. Nous n'avons pas voulu le faire. Nous aurions pu décider que
les personnes qui ont des difficultés du côté du droit
criminel ne seraient pas couvertes par l'aide juridique. Nous n'avons pas voulu
le faire. Que ce soit dans le domaine du notariat, que ce soit dans le domaine
du droit civil ou du droit criminel, nous avons voulu conserver
l'universalité de ces services. Je pense que c'était un des
principes fondamentaux qui étaient à la base du service d'aide
juridique.
M. le Président, et je terminerai là-dessus, une autre
chose qui est très importante, je ne le dis pas pour l'Opposition, mais
pour ceux et celles qui nous entendent, c'est que ce dont nous parlons, ce sont
des frais de traitement de dossier qui ne s'appliquent que lorsque la
vraisemblance du droit a été établie par un avocat de
l'aide juridique. Ceci veut dire que toutes les personnes qui, jusqu'à
maintenant,
allaient à l'aide juridique, aux fins de demander des conseils
sur une cause, peuvent continuer de le faire sans exception et absolument
gratuitement, parce qu'elles doivent être informées. Ce frais de
traitement de dossier ne sera réclamable, ne sera exigible que lorsque
le dossier ou leur demande aura été évalué et qu'il
aura été décidé qu'il y avait une vraisemblance de
droit leur permettant de faire un choix.
M. le Président, je termine là-dessus. Je sais que ce
n'est jamais facile dans une période de compressions budgétaires
d'arriver avec des projets de loi qui doivent tenir compte d'une part des
besoins des plus démunis et tenir compte aussi de la capacité de
payer des contribuables québécois, surtout dans la situation
économique dans laquelle nous vivons. Je pense que c'est une
responsabilité fondamentale que nous devons assumer, nous l'avons fait.
Je suis convaincu qu'avec ce projet et même malgré, comme dirait
l'Opposition, ce projet de loi, l'aide juridique demeure et continuera de
demeurer au service des plus démunis et continuera de demeurer un des
services les plus généreux dans l'ensemble du Canada, ce dont
nous sommes fiers. Merci, M. le Président.
M. Marx: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee, en vertu de l'article 96.
M. Marx: C'est une question de privilège, parce que le
ministre m'a mal cité, soit inconsciemment, soit consciemment.
J'aimerais rectifier les faits. J'ai dit que, l'an dernier, nous avons eu 240
000 personnes qui ont fait une demande d'aide juridique, 100 000 étaient
des assistés sociaux qui ne seront pas appelés, maintenant, en
vertu de la nouvelle loi, à payer un ticket modérateur. J'ai dit
que les 140 000 qui n'ont pas payé des frais de ticket modérateur
cette année seront appelés à payer un tel ticket et ce
seront des gens qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté. De plus, le
ministre n'a pas répondu pourquoi il n'a pas entendu...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, la deuxième partie n'était vraiment pas en
vertu de l'article 96, c'était de l'argumentation et le ministre,
à ce niveau, n'avait pas l'obligation de répondre à votre
question.
M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je pourrais bien en
fait soulever une question de privilège, parce que le
député m'a fait dire, à un moment donné, que je
m'étais exprimé dans le sens que ce n'était pas important
d'avoir à adopter des mesures qui pouvaient toucher les personnes qui
sont plus démunies. Je n'ai jamais dit cela et je n'ai jamais dit que ce
n'était pas important les gens les plus démunis. C'est ce qu'a
essayé de me faire dire le député de D'Arcy McGee, mais
c'est une fausseté, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M.
le député; En vertu de l'article 96, j'ai cru comprendre le
député de Laurier de la même façon qu'on a eu une
question la nuit passée.
M. le député de Laurier.
M. Sirros: C'est très bref, en vertu de l'article 96. Sur
le cas des prisonniers qui sont admissibles ou non à l'aide sociale,
j'aimerais simplement demander si un prisonnier, selon la Loi sur l'aide
sociale, est admissible à l'aide sociale, M. le ministre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, c'était en vertu de l'article 100, si M. le
ministre veut répondre.
M. Bédard: M. le Président, il y a deux questions.
Est-ce qu'il est admissible à l'aide sociale? Vous en connaissez les
critères. Votre préoccupation est de savoir s'il est admissible
à l'aide juridique, parce que c'est de cela qu'on parle. Je vous ai
donné la réponse tout à l'heure. Cette personne est
admissible à l'aide juridique pour la bonne et simple raison qu'elle n'a
pas un salaire équivalant à plus que ce que recevrait quelqu'un
qui reçoit l'aide sociale. C'est clair, cela?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
troisième lecture du projet de loi no 71, Loi modifiant la Loi sur
l'aide juridique, est adoptée? (16 h 20)
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur division. M. le leader
du gouvernement.
Rapport de la Régie de l'assurance-maladie et
Rapport du Conseil interprofessionnel
M. Bertrand: M. le Président, avec le consentement de
l'Opposition, il y aurait à ce moment-ci trois rapports annuels à
déposer: d'abord, le rapport annuel 1981-1982 de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec; ensuite, le rapport annuel 1981-1982 du
Conseil interprofessionnel du Québec, le premier au nom du ministre des
Affaires sociales, le deuxième au nom du ministre de l'Éducation.
Le ministre de la Justice aurait un rapport annuel à déposer
aussi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de la
Justice.
Rapport du Fonds d'aide aux recours collectifs
M. Bédard: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer le rapport annuel 1981-1982 du Fonds d'aide aux recours
collectifs, une autre mesure qui est de nature à aider les
défavorisés.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous trichez un peu sur
les règlements. C'est donc avec le consentement de l'Opposition et du
côté ministériel. M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, naturellement, le ministre
s'étant permis quelques remarques, notre consentement était aussi
assujetti à la condition que le ministre n'impose pas un autre ticket
modérateur pour le recours collectif.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Alors, M. le Président, après ce
discours collectif, je vous demanderais d'appeler l'article 7 du
feuilleton.
Projet de loi no 75 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture
du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement
industriel. M. le député de Châteauguay et adjoint
parlementaire au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Est-ce
qu'il y a des amendements, M. le député?
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Justement, j'allais
dire que mon intervention ne sera pas très longue. Je pense que
l'après-midi est aux courtes interventions. J'ai effectivement deux
amendements à déposer, M. le Président. Le premier
amendement se rapporte à l'article 2, paragraphe 2, intitulé
Objectifs, qui dirait ceci au lieu du texte du projet de loi: "La
société a pour objet d'administrer des programmes d'aide
financière dans le but d'accélérer le développement
économique du Québec, notamment en favorisant le
développement des entreprises à technologie moderne et dynamique,
la croissance des exportations et les activités de recherche et
d'innovation. La société doit s'assurer que l'aide
accordée engendre des retombées significatives au Québec,
notamment en matière de création d'emplois.
Le deuxième amendement, M. le Président, se rapporte
à l'article 15. Il est tout à fait technique, d'ailleurs. Il dit
ceci: "La présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction"
plutôt qu'à la date fixée par proclamation du
gouvernement.
Sur le premier amendement, brièvement, M. le Président, je
dois dire que, lors des débats que nous avons connus ici à
l'Assemblée nationale en deuxième lecture et, ensuite, à
la commission parlementaire article par article, il n'y a pas eu vraiment
d'opposition très fondamentale des partis sur le projet de loi. Il y a
eu, évidemment, quelque réticence de la part de l'Opposition,
c'est bien normal. Particulièrement sur l'article 2, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce avait demandé au
ministre d'apporter des modifications, ce que le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme avait promis de faire au député
lorsqu'arriverait la troisième lecture. Alors, le ministre m'a
chargé de déposer cet amendement qui tend, comme cela a
été souhaité par l'Opposition, à faire en sorte que
la définition de la fonction ou de l'objet de la société
quant à ses objectifs soit plus précise, ce qui est maintenant le
cas. C'est ce que j'avais à dire sur ces amendements.
Il serait peut-être utile de rappeler que le projet de loi no 75
fait en sorte que nous ayons maintenant une nouvelle Société de
développement industriel du Québec, un instrument qui a rendu
d'énormes services à la population québécoise sur
le plan du développement économique jusqu'à maintenant. Le
projet de loi no 75 voudrait maintenant lui donner un rôle accru, en
faire un moteur encore plus imposant, plus considérable de
développement économique. Je pense que tout le monde conviendra
que le projet de loi no 75 donnera tout à fait ces résultats.
Pour terminer, à moins que je n'aie une réplique à
faire, ce qui serait étonnant, je voudrais tout simplement souhaiter
longue vie à la nouvelle Société de développement
industriel du Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Je veux remercier le ministre d'avoir
écouté nos commentaires sur l'article 2 du projet de loi.
L'article 2 pour que vous puissiez comprendre de quoi il s'agit, est un article
très important; c'est l'article qui définit les objectifs de la
société. On trouvait, de la façon dont ces objectifs
étaient rédigés dans le texte du projet de loi, qu'il y
avait toute une série d'objectifs qui étaient même
contradictoires. On a souligné ces points au ministre et le texte
amendé qu'il a proposé, même si ce
n'est pas mot à mot ce que nous avions suggéré, je
peux dire que je trouve - je pense que je parle au nom de mon collègue
d'Outremont - que c'est une grande amélioration et c'est acceptable.
Juste avant de terminer je vais ajouter, pour les gens qui vont avoir la
responsabilité de diriger cette société, que le ministre a
ajouté à la fin de ce nouvel article l'objectif de la
création d'emplois. Je veux simplement faire en sorte que tout le monde
comprenne que nous avons ici une organisation dont les objectifs sont de
financer les compagnies qui seront les plus avancées dans la technologie
moderne, dans la technologie dynamique, dans les activités de recherche
et d'innovation, et que très souvent à court terme ces
activités vont entraîner des baisses dans la création
d'emplois. Si nous voulons ici garantir que nous aurons beaucoup d'emploi on
peut essayer de continuer avec nos secteurs traditionnels, comme le textile,
qui a été traditionnellement un grand employeur mais qui
n'était pas très rentable sur le plan d'une entreprise dynamique.
Si vous allez à l'autre bout, si vous entrez dans le domaine des robots,
par exemple, qui est une technologie des plus avancées et qui a pour
effet essentiellement de remplacer les travaux des gens par les travaux des
machines, c'est une technologie avancée qui ne crée pas
d'emploi.
Nous sommes persuadés - et je pense que le président de la
Société de développement industriel et le ministre en sont
également persuadés - qu'à long terme la création
d'une économie forte basée sur une population forte et bien
instruite est basée sur l'idée d'une société qui
est très avancée dans le domaine technologique, dans le domaine
de la recherche, même si à court terme ses activités vont
impliquer une création de l'emploi qui est plus faible. C'est une
contradiction qui, peut-on dire, est dans l'objectif rédigé par
le ministre, mais j'ai confiance que le ministre et le président de la
société seront très conscients du fait que finalement
l'élément essentiel c'est la modernisation, la technologie, la
recherche, l'innovation. C'est cela qu'il nous faut.
En terminant, je veux simplement dire que quant à nous, ce n'est
pas une nouvelle société de développement industriel. La
Société de développement industriel a été
créée en 1971 par un gouvernement libéral. Elle s'est
renouvelée tous les ans par les nouveaux programmes, par les nouvelles
idées, et j'espère, je suis certain qu'elle va continuer de se
renouveler toutes les années, mais c'est quand même une
institution qui est ici depuis une dizaine d'années, qui a toujours
joué un grand rôle dans le développement économique
du Québec et qui va continuer d'agir ainsi. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci, M. le Président. Cette loi no 75 vient
donner à la SDI des suppléments de fonds pour faire le point, le
troisième point du triangle de la prospérité
économique du Québec. À la base de la maturité
sociale qui est à se cimenter dans notre société, nous
avions deux points très forts. Nous avions, d'un côté, les
prêts agricoles et les subventions agricoles formant un point du
triangle; nous avions de l'autre côté la SODICC, qui s'occupait du
monde économique, culturel et du monde économique des
communications. Manquait un point saillant du triangle qui était un peu
plus faible, celui d'une aide directe aux entreprises manufacturières et
aux industries. Ce projet de loi donne les fonds nécessaires pour
assurer à la SDI le pilier nécessaire, c'est-à-dire les
fonds requis pour que le triangle lui-même de la prospérité
économique du Québec soit bien assis et que notre mandat de
promouvoir la souveraineté autant économique que culturelle
trouve dans cette loi la finalité et nous donne à nous les
pouvoirs d'y aller à plein fouet dans l'avenir. (16 h 30)
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 96,
allez-y.
M. Scowen: À moins que je comprenne mal le projet de loi,
il n'y a aucune mise de fonds impliquée dans le projet de loi no 75.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'une façon ou
d'une autre, ce n'était vraiment pas en vertu de l'article 96 mais cela
a été dit. Simplement...
S'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): ... pour les besoins du
journal des Débats, il y aura donc entente et consentement pour
révocation de la troisième lecture.
Adoption des amendements en commission plénière. Adoption
de rapports amendés et adoption de la troisième lecture
amendée du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au
développement industriel.
M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Lalonde: Ce sont bien les amendements présentés
par le député de Châteauguay, pour qu'on se comprenne bien,
au projet de loi no 75.
Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Au nom
du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 8 du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi no 82 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 8. La
troisième lecture du projet de loi no 82, Loi visant à promouvoir
la construction domiciliaire. Il faut donc d'abord au départ un
consentement pour qu'on puisse procéder. Il y a consentement?
Il y a des amendements?
M. le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.
M. Guy Tardif
M. Tardif: M. le Président, en effet avec la permission
unanime des membres de cette Assemblée que je remercie d'ailleurs de
permettre de procéder à la troisième lecture aujourd'hui,
j'ai distribué déjà un amendement au 1er alinéa de
l'article 15 de façon à remplacer le mot "juillet" par le mot
"septembre". Il s'agit d'un amendement pour permettre à l'Office de la
construction, qui sera responsable de la perception des cotisations des
employeurs et des employés de la construction d'avoir la latitude voulue
dans le temps pour commencer a percevoir d'une part et évidemment
à l'autre bout du processus également de terminer le travail.
M. le Président, le projet de loi no 82 vise à promouvoir
la construction domicilaire... M. le Président, avant peut-être
d'aller plus loin, je veux demander qu'on puisse procéder aux
écritures dans ce cas, puisqu'il s'agit, à toutes fins utiles, de
liquider cet amendement s'il n'y a pas d'objection avant de passer aux
remarques générales.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a consentement
à ce qu'on puisse procéder et, à la fin, j'irai vers
l'ensemble des demandes nécessaires.
M. Tardif: D'accord, M. le Président.
Le projet de loi no 82, comme je l'ai dit, vise à promouvoir la
construction domiciliaire. C'est important de le noter, c'est un projet de loi
qui se veut le reflet formel d'un consensus dégagé au dernier
sommet économique de Québec, tenu au début du mois
d'avril, et qui portait, on le sait, sur la construction de 50 000
logements.
Il est assez extraordinaire de constater qu'à partir d'un
consensus au niveau des principes l'unanimité se soit
concrétisée dans les faits en l'espace de seulement quelques
semaines ainsi qu'en témoignèrent les divers intervenants lors de
la conférence de presse présidée par le premier ministre
le 8 juin dernier. C'est le fruit de cette concertation et de cette
collaboration entre tous les partenaires qui a permis que ce projet de loi soit
aujourd'hui devant l'Assemblée nationale. Lors de la conférence
de presse, j'avais suggéré que cette concertation en vue
d'oeuvrer à une relance vigoureuse de l'économie et de l'emploi,
comme l'indiquent les premières lettres des mots clés, puisse
peut-être s'appeler "Corvée-Habitation". Il semble que l'image ait
été retenue puisqu'on se réfère maintenant
couramment au programme sous ce nom. Or, Corvée-Habitation, ce sera pour
désigner le nom du programme visant la contruction des 50 000
unités de logement entre juin 1982 et mars 1984. Ce sera
également le nom de l'organisme sans but lucratif chargé
d'administrer le fonds de relance de la construction, où on retrouvera
incidemment des représentants de chaque groupe de partenaires. Ce sera
également la façon de désigner la somme des contributions
additionnelles qui pourront provenir des municipalités et des
différents corps professionnels; je pense aux architectes,
ingénieurs, arpenteurs-géomètres et notaires. Et,
évidemment, ce sera également le nom pour désigner
l'apport de tous ceux qui voudront y participer en s'assurant d'abord qu'ils
font fonctionner le programme en se faisant construire, mais aussi que les
matériaux et accessoires utilisés pour la construction de leur
maison soient fabriqués au Québec, permettant ainsi de procurer
du travail à des travailleurs québécois dans des
industries de chez nous.
Pour que ce programme de relance démarre, il fallait que les
différents partenaires ratifient l'accord de principe intervenu lors de
la conférence de presse. Or, ceci a été fait la semaine
dernière et il me plaît d'en informer cette Chambre. Cinq
associations patronales sur six jusqu'à maintenant ainsi que quatre
centrales syndicales, les quatre centrales syndicales de la construction, ont
confirmé leur volonté de contribuer financièrement au
programme. Un décret précisant les modalités de leur
contribution sera proposé pour adoption au Conseil des ministres
dès cette semaine, M. le Président. Pour leur part, plusieurs
institutions financières ont déjà donné leur
accord. C'est le cas notamment des caisses populaires, de la Banque Nationale
et de la Banque d'Épargne. Il reste à préciser avec elles
certaines modalités d'administration du
programme. Dans ces conditions donc, M. le Président, il faut
considérer que le programme de relance de la construction est à
peu près prêt pour le démarrage. Les ménages doivent
dès maintenant envisager l'achat de logements au taux
hypothécaire avantageux de 13 1/2% pendant trois ans et les promoteurs
doivent dès maintenant se mettre à offrir des logements
modèles qui suscitent l'intérêt des acheteurs.
Au retour des vacances de la construction, les formulaires d'admission
au programme devraient être disponibles dans les caisses populaires, dans
les banques et dans les autres institutions. Permettez-moi de résumer
succintement les paramètres du programme afin que l'on puisse savoir
exactement ce à quoi il donne droit.
Comme cela a déjà été annoncé, tout
logement mis en chantier après le 25 mai 1982 et avant le 31
décembre de la présente année peut
bénéficier d'une hypothèque maximale de 54 000 $ au taux
de 13 1/2 % garanti pour trois ans. Pour les unités mises en chantier
après cette date mais complétées avant le 31 mars 1984,
celles-ci bénéficieront d'un taux d'intérêt
favorable qui sera déterminé en décembre 1982 et qui sera
fixé lui aussi pour une période de trois ans. Quant aux
conditions pour bénéficier de ce taux, elles sont réduites
au minimum. En ce qui concerne les personnes, tout citoyen ou citoyenne,
déjà propriétaire ou non, qui se fait construire une
maison ou un logement reconnu pour les fins du programme a droit au taux de 13
1/2% garanti pour trois ans.
Deuxièmement, en ce qui concerne le type de bâtiment, de
construction, est admissible au rabais d'intérêt tout type de
maison ou de logement moyennant que le prix n'excède pas 60 000 $ par
logement, que celui-ci soit situé dans un immeuble d'au plus quatre
étages et soit construit par des employés et des employeurs de la
contruction participant au fonds de relance. Le logement peut prendre l'une ou
l'autre des formes suivantes: de type unifamilial, duplex, triplex, quadruplex,
quintuplex, condominium, c'est-à-dire copropriété divise,
et coopérative d'habitation.
Une autre particularité importante pour ceux et celles qui feront
construire avant le 31 décembre 1982, c'est, je le rappelle, la
réduction additionnelle du revenu imposable d'une somme de 2000 $ dans
le cas du régime enregistré d'épargne logement, tel
qu'annoncé dans le discours sur le budget. Dans le cas où le
logement est acquis par les deux membres d'un ménage, la
déduction du revenu imposable peut atteindre le cas
échéant jusqu'à 6000 $ si les deux membres ont chacun un
REEL. De plus, j'invite tout en leur demandant de faire preuve de
compréhension, les citoyens et citoyennes du Québec à
s'informer auprès de leur municipalité et chez les
différents corps professionnels des différents avantages offerts
par ceux-ci dans le cadre du programme de Corvée-Habitation. (16 h
40)
II va sans dire, M. le Président, et je le répète,
que ces mêmes citoyens et citoyennes non seulement peuvent mais doivent
faire partie de cet effort de concertation en se faisant construire, certes,
mais en s'assurant aussi du contenu québécois dans la
construction de leur maison. C'est la meilleure façon, M. le
Président, de maximiser les effets de cette injection massive dans
l'économie québécoise.
M. le Président, 50 000 logements, au prix moyen de 50 000 $ par
logement, signifient des investissements de 2 500 000 000 $, soit plus que ce
qu'ont produit beaucoup de mégaprojets et avec infiniment plus de
retombées en termes d'emplois directs et indirects, étant
donné le ratio logement-personne-année qui est voisin de
l'unité, ce qui veut donc dire que 50 000 logements produisent au moins
50 000 emplois mesurés en termes d'année-homme.
En terminant, M. le Président, il nous reste à souhaiter
que cette solidarité manifestée par les Québécois
se propage à d'autres secteurs et que, d'autre part, le gouvernement
d'Ottawa ne vienne pas, encore une fois, neutraliser les efforts des
Québécois par de nouvelles hausses d'impôt et qu'il
prendra, je le souhaite, les mesures nécessaires pour que les
rentrées fiscales dont il profitera grâce à l'effort de
tous soient retournées sous une forme ou sous une autre dans
l'amélioration de l'habitation au Québec.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: II y a une année, à peu près
à ce temps-ci, M. le Président, que le gouvernement faisait
adopter un projet de loi pour favoriser l'accès à la
propriété. C'était au mois de juin 1981. Les critiques que
nous avons apportées à ce moment-là, M. le
Président, allaient dans le sens que ce projet de loi était trop
restrictif, trop restreignant, même on était allé
jusqu'à dire qu'il était discriminatoire. On avait
suggéré au gouvernement de permettre l'accès à la
propriété non seulement aux familles qui avaient un enfant de
moins de 12 ans mais à toute la population. Autrement dit, M. le
Président, l'année dernière à ce temps-ci, nous
avons demandé au gouvernement d'introduire un programme de subventions
pour les taux hypothécaires dans tout le Québec pour toute la
population pour promouvoir la construction domiciliaire. Les indices
étaient là, il y avait une chute
désastreuse dans la construction et la mise en chantier de
maisons unifamiliales et on avait demandé au gouvernement d'agir.
Le gouvernement, M. le Président, a refusé, il s'est
entêté à garder son projet de loi restrictif. Une
année plus tard, en juin 1982, le gouvernement vient nous demander
d'adopter un projet de loi qui aurait du être adopté
l'année dernière s'il avait écouté les
recommandations et suggestions de l'Opposition officielle. Nous savons ce qui
est arrivé durant la dernière année dans le secteur de la
construction, spécialement dans le secteur domiciliaire.
Le ministre, dans sa conférence de presse, a dit que son
programme avait connu une réussite, il y avait eu 7685 demandes mais il
a oublié de dire qu'il n'y en avait eu seulement 2685 acceptées
et 1013 de plus acceptées conditionnellement. Mais, même s'il y
avait eu environ 3000 demandes acceptées, le fait demeure que, durant
les douze derniers mois et spécialement durant les cinq ou six derniers
mois, la construction domiciliaire a été absolument
désastreuse. Il y avait nécessité que le gouvernement
agisse pour introduire un programme de subventions pour les taux
d'intérêt.
Or, M. le Président, le gouvernement s'est donné un
pouvoir de réglementation dans le projet de loi no 82. On ne nous a pas
donné les détails du projet de loi, le ministre en a parlé
en troisième lecture, mais ici on aurait besoin aussi de faire une mise
en garde, M. le Président, parce que la même chose est
arrivée l'année dernière. Le gouvernement avait
annoncé son programme au mois de juin, avait donné les
détails et cela lui avait pris six mois avant que les règlements
soient publiés, deviennent officiels. Non seulement cela, mais quand les
règlements ont été publiés dans la Gazette
officielle, quand ils ont été rendus publics, juste avant
Noël, ils avaient été changés. Le programme qui avait
été annoncé au mois de juin n'était pas le
même qui a été mis en application au mois de
décembre.
Le ministre sait bien quels sont les changements qu'il a faits. Au lieu
que le taux d'intérêt soit de 0% pour les premiers 10 000 $, 5% la
deuxième année et 10% maximum pour la troisième à
la cinquième année, puisque les taux d'intérêt
avaient augmenté, le gouvernement a changé son programme. En
effet, le taux d'intérêt sera de 0% pour les premiers 10 000 $,
pour la première année, un tiers des taux en vigueur la
deuxième année et deux tiers pour la troisième à la
cinquième année. C'était une modification et il ne
faudrait pas que la même chose se produise ici. Il ne faudrait pas que
les règlements, que le ministre va nous annoncer, soient
différents de ceux qu'il nous a annoncés aujourd'hui. Le
troisième point est qu'il y a urgence. Une fois qu'on annonce un
programme de ce genre, on bloque les mises en chantier. On reçoit des
télégrammes et des téléphones de différents
groupes demandant: Quand le programme va-t-il être mis en application?
J'ai remarqué que le ministre ne nous a pas dit qu'il était
maintenant en application, il nous a dit - si j'ai bien compris ses paroles -
qu'il est à peu près prêt pour le démarrage. Il
faudrait s'assurer que la réglementation soit mise en application le
plus tôt possible.
Lorsque le ministre, au premier alinéa de l'article 15, remplace
le mot "juillet" par le mot "septembre", j'espère que ce n'est pas une
indication que les règlements ne seront pas publiés avant le mois
de septembre. Si c'est le cas, non seulement avez-vous perdu la construction du
printemps et de ces mois-ci, mais vous allez perdre tout le mois d'août
et cela va retarder indûment les mises en chantier.
Il y a un autre problème. Nous avons reçu - je suis bien
certain que le ministre a dû en recevoir aussi - des
télégrammes de différents organismes, de différents
entrepreneurs au sujet du budget d'aide a l'habitation. Je cite un
télégramme: "Résultat: vente bloquée des maisons en
stock. Acheteurs prêts à perdre leur dépôt,
entraîne poursuites judiciaires, etc. Suggestion: inclure ces maisons
dans le programme. Nous serions prêts à payer 2% du prix de vente
pour les inclure dans le programme. Raison: relance retardée, il faut
d'abord vendre les maisons neuves, déjà construites, sinon, pas
de nouvelles constructions."
Je continue à citer le télégramme: "Les
constructeurs actifs sont pénalisés pour avoir tenté de
relancer l'économie avant la présentation du budget. Ceux-ci
relanceront la construction si l'aide est appliquée sur les maisons en
stock." C'est signé par différentes corporations ou
sociétés qui sont dans le domaine de la construction.
C'est un problème. Des maisons ont été construites,
des maisons neuves. Je voudrais que le ministre nous dise ce qu'il va advenir
de ces maisons qui sont déjà en stock. Est-ce possible de les
inclure dans le programme ou de faire certaines modifications pour ne pas les
exclure totalement? Une suggestion a été faite ici, de payer une
prime de 2%; ce serait quelque chose d'acceptable, semble-t-il, aux personnes
impliquées.
Comme le disent ces gens, il ne faudrait pas, parce que le gouvernement
a tardé à annoncer son programme, pénaliser les gens qui
ont voulu faire la relance de la construction. Ce problème ne se serait
pas posé si, l'année dernière, dans votre programme
d'accès à la propriété, vous aviez ouvert le
programme à tout le monde qui se qualifiait pour les maisons de 60 000 $
et moins sans les restreindre aux familles qui avaient un enfant. (16 h 50)
M. le Président, un autre problème qui existe est celui du
coût de la construction. Le ministre pourrait-il nous dire comment il va
s'assurer que les contributions qu'il exige des employeurs n'augmenteront pas
le coût de construction des maisons? Dans sa conférence de presse,
il a parlé d'une mesure modifiant la Loi sur la protection du
consommateur. On remarque que dans le projet de loi 82 il n'y a pas une telle
mesure. J'aimerais que le ministre nous explique comment il va s'assurer que
les sommes qui sont payées par les employeurs n'augmenteront pas d'une
façon artificielle le coût du produit, le coût des
maisons.
M. le Président, il y a aussi les participants dont le ministre
avait parlé. On remarque que les architectes ne sont pas inclus dans le
projet de loi. Il est vrai que les architectes ne sont pas impliqués
dans des maisons de 60 000 $ et moins, et en plus, leurs règlements leur
permettent déjà de réduire leurs tarifs, même s'ils
sont impliqués, mais je crois que le ministre savait cela avant sa
conférence de presse. Pourrait-il nous expliquer pourquoi les
fournisseurs de matériaux ne sont pas compris? Le ministre des Finances
a augmenté sa taxe de vente de 1% sur les matériaux de
construction, ce qui va augmenter, encore une fois, le coût de
construction des maisons. Le ministre pourrait peut-être nous expliquer
pourquoi les fournisseurs de matériaux ne sont pas inclus dans le projet
de loi. Il va peut-être y avoir une autre déclaration
ministérielle du ministre des Finances qui va imposer une taxe
spéciale aux fournisseurs de matériaux qui ont refusé ou
qui ont négligé de faire partie du programme.
On remarque aussi que les institutions financières n'ont pas
toutes donné leur accord jusqu'à maintenant. Nous devons
déplorer la façon d'agir du ministre des Finances qui, par une
loi punitive ou un règlement punitif, veut pénaliser les
institutions financières et les organismes qui ne sont pas d'accord avec
lui. Je crois, M. le Président, qu'il aurait dû y avoir un autre
moyen de procéder plutôt que de faire une réglementation,
une taxe spéciale sur certains secteurs de notre société,
certains organismes qui ne sont pas d'accord avec le programme du ministre. Je
déplore qu'ils ne se joignent pas au programme pour réduire les
taux d'intérêt de 19% à 18,5%. De ce côté-ci
de la Chambre, nous aurions voulu que toutes les institutions
financières participent au programme de relance de la construction
domiciliaire. Ceci étant dit, le fait que quelques-unes d'entre elles ne
participent pas n'est pas une raison pour imposer le genre de taxe dont le
ministre des Finances a parlé dans sa déclaration
ministérielle aujourd'hui. C'est un précédent très
dangereux, M. le Président, et je crois que dans un pays
démocratique, ce n'est pas une façon d'agir. Ce n'est pas la
bonne manière, d'amener les gens qui ne sont pas d'accord avec nous, par
des lois matraques, des taxes spéciales et des taxes discriminatoires,
à partager le point de vue du gouvernement.
M. le Président, j'avais donné certains chiffres, en
deuxième lecture, mais malheureusement, durant le discours du ministre
en deuxième lecture, j'avais d'autres travaux et je n'ai pu être
en Chambre et me lever sur une question de privilège que j'aurais pu
faire sur les propos du ministre. Je peux dire seulement ceci: Les chiffres que
j'ai donnés quant aux mises en chantier dans le domaine de la
construction, soit domiciliaire, soit commerciale, le pourcentage du
Québec vis-à-vis du reste du Canada, ce sont des chiffres
officiels, des chiffres de la Société canadienne
d'hypothèques et de logement et je défie le ministre de les
contredire. Je peux comprendre les propos du ministre, en deuxième
lecture, qui demandait au chef de l'Opposition de changer le porte-parole du
dossier de l'habitation. M. le Président, si j'étais passé
par les mêmes expériences que le ministre de l'Habitation, avec le
dossier de la Société d'habitation du Québec, je
comprendrais son désir que je m'occupe d'autres dossiers. Je vous
comprends bien.
M. le Président, si vous me permettez, ce programme affecte
plusieurs personnes de langue anglaise. Je voudrais prendre juste quelques
minutes pour faire un résumé du programme, afin de leur donner un
peu d'information et de clarifier le programme que vient d'annoncer le
ministre.
The Government proposes to grant subsidies to lower the interest rates
for single-family dwellings, to reduce the interest rate to 13,5% on dwellings
having a maximum cost of 60 000 $, whether it be a single-family unit, a
condominium or an undivided ownership with a maximum of four storeys. However,
as usual, with this Government there are a lot of misrepresentations in the way
it goes about to announce its programs. The Government held a press conference,
but it did not have the details of the program; the purpose of the press
conference was to tell us that they would subsequently announce the details and
get the consent of all the parties.
Unfortunately, not all of the parties who were solicited by the
Government have accepted to be a part of the program. One association of
employers has refused. However, they will be forced to participate because a
majority of employers have accepted. As for the financial institutions, some of
them have accepted, others have not. Unfortunately, this morning, the Minister
of Finance imposed a special tax on the financial institutions that do not want
to
participate in this program. The applauses that you hear are those of
the Parti québécois members, applauding a punitive measure by the
Minister of Finance. Certain people do not agree with his point of view and it
is a very dangerous precedent, Mr. Speaker, that the Minister has set today in
a democratic Government. It is unfortunate.
We hope that the Minister will revise his decision because that kind of
action is not conducive to creating a climate attracting investment in
Québec and we all know that unless we create jobs, unless we have a
social atmosphere where people will come and invest money, a program to
encourage the building of homes will not be successful.
M. le Président, je voudrais aussi demander au ministre si le
chiffre de 50 000 logements inclut les mises en chantier qui auraient eu lieu
sans le programme ou si c'est en plus des mises en chantier qui auraient eu
lieu sans le programme qui vient d'être annoncé par le
ministre.
En conclusion, nous sommes favorables à un programme de relance
de la construction domiciliaire. Nous remettons quelque peu en question
certaines des modalités que le gouvernement nous a annoncées.
Nous voudrions demander aux différents participants, les notaires, les
autres professionnels, quel est le montant que cela peut représenter en
épargne pour l'acheteur éventuel. Le ministre a certainement
dû consulter ces différents corps professionnels. Il a dû se
faire donner des chiffres. Ce serait bon qu'il nous le dise pour que la
population soit informée, sache ce que cela peut représenter. (17
heures)
Nous ne voyons pas d'invitation à une participation de la
Société canadienne d'hypothèques et de logement. Nous
savons que c'est une société qui oeuvre depuis 1954, qui a
beaucoup d'expérience. Un des problèmes qui existent maintenant,
M. le Président, c'est les différents programmes à
différents paliers de gouvernement. Il y a des programmes municipaux,
des programmes du Québec, des programmes fédéraux. Je
pense qu'il faudrait avoir un organisme qui puisse coordonner ces
différents programmes. Par exemple, 44 000 000 $ venant de la
Société canadienne d'hypothèques et de logement n'ont pas
été utilisés au Québec, parce qu'il n'y a pas eu de
demande dans le domaine des coopératives et des sociétés
à but non lucratif.
M. le Président, c'est bien beau de faire des querelles
constitutionnelles, mais quand cela vient dans des programmes d'aide à
la construction, on a un exemple parfait ici que le manque de coordination peut
seulement faire peur à une catégorie de personnes, c'est la
population. Si vous étiez un peu plus de bonne foi et si vraiment, au
lieu de faire de la politique avec vos spectacles de conférences de
presse prématurées, vous aviez obtenu ou si vous demandiez la
coopération en essayant de faire la coordination de tous ces programmes,
je pense que les bénéficiaires seraient les consommateurs.
Or, M. le Président, en conclusion, tous les
éléments sont là pour relancer la construction, les mises
en chantier sont presque nulles, la demande est là. Si la construction
domiciliaire n'est pas relancée, je pense que le gouvernement aura
seulement lui-même à blâmer. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Habitation et de la Protection du consommateur, dans votre droit de
réplique.
M. Guy Tardif (réplique)
M. Tardif: M. le Président, je ne peux pas laisser passer
toutes ces affirmations grosses, pour ne pas dire grossières, du
député de Mont-Royal. J'espère que, cette fois-ci, il va
rester là, parce que, quand j'ai donné la réplique en
deuxième lecture, il est parti, de sorte que j'ai donné la
plupart des réponses aux questions qu'il soulève maintenant. Je
suis heureux de voir que le chef de l'Opposition est également
là. C'est vrai qu'en commission parlementaire j'ai suggéré
que ce soit le député de Mégantic-Compton qui soit le
critique officiel de l'Opposition, parce qu'il posait des questions très
pertinentes en tant qu'ancien entrepreneur en construction, alors que le
député de Mont-Royal - je m'excuse de le dire comme cela - a
évoqué un dossier auquel je suis évidemment très
sensible, M. le Président. Je lui dirai qu'il aurait peut-être
plus d'expérience à bâtir des centres commerciaux que des
immeubles à logement. M. le Président, je n'entrerai pas
là-dedans aujourd'hui. Cela prend quand même un certain culot de
la part d'un député comme celui de Mont-Royal, qui était
membre d'un gouvernement...
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mont-Royal, sur...
M. Ciaccia: Une question de privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): ... une question de
privilège.
M. Ciaccia: Je voudrais demander au ministre d'expliciter sa
remarque. Que voulait-il dire par son affirmation sur les centres commerciaux
et le secteur domiciliaire? Si on veut faire un débat là-dessus,
je suis prêt à le faire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, j'ai tout simplement
dit...
M. Ciaccia: II ne faudrait pas, M. le Président, faire des
insinuations parce qu'on est fâché des propos que j'ai tenus sur
le projet de loi no 82.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, je n'insinue rien, je fais
tout simplement état de l'expérience passée du
député de Mont-Royal dans la construction de centres commerciaux,
aussi bien sur la Côte-Nord que partout au Québec, pour Ivanhoe
Corporation.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
le député de Mont-Royal, sur une question de...
M. Ciaccia: De privilège, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): privilège.
M. Ciaccia: Je peux affirmer de mon siège, M. le
Président, que je n'ai jamais, à aucun moment, construit de
centre commercial, que ce soit à Montréal ou sur la
Câte-Nord. Cette insinuation du ministre de l'Habitation et de la
Protection du consommateur est peu digne d'un ministre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, encore une fois, je ne
relèverai pas, moi non plus, les insinuations du député de
Mont-Royal sur les travaux de la Société d'habitation dans le
dossier de réparations majeures où elle n'a fait que
réparer le gâchis que le député connaît aussi
bien que moi, puisqu'il était là à l'époque. M. le
Président, on va fermer ce dossier et on le reprendra à un autre
moment, si cela intéresse le député. Ce que je veux tout
simplement dire, c'est que je trouve qu'il faut quand même être
drôlement...
M. Ciaccia: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mont-Royal, sur une question de privilège.
M. Ciaccia: Je n'accepterai pas les insinuations du ministre
quand il dit qu'on va fermer ce dossier. Il n'y a pas de dossier. S'il a des
affirmations à faire, qu'il les fasse maintenant.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, je fais état, entre
autres, d'un article du Devoir paru au mois de décembre dernier. Le
député l'a lu aussi bien que moi. Cet article fait état
justement de cette expérience fort pertinente qu'il avait dans un
secteur, qui était celui de l'implantation des centres commerciaux, mais
je suis prêt à fermer ce dossier et à revenir au sujet qui
nous intéresse.
Je dis qu'il faut être drôlement culotté pour avoir
fait partie d'un gouvernement qui a aboli le seul programme d'aide à
l'habitation familiale qui existait au Québec, qui avait
été instauré par le régime Duplessis en 1948 et que
votre gouvernement, à l'époque, a aboli, c'est-à-dire en
1974. Le député de Mont-Royal dit: Vous avez mis au point un
programme d'aide à l'accession à la propriété
à la même époque l'année dernière et il n'a
pas atteint les objectifs qui étaient fixés. Encore là,
c'est faire preuve véritablement de courte vue de la part du
député de Mont-Royal puisqu'il sait pertinemment que ce qui s'est
produit entre le printemps dernier et maintenant, c'est la montée en
flèche des taux d'intérêt.
Lorsque le programme d'aide à l'accession à la
propriété résidentielle a été lancé,
au mois de mars ou au mois d'avril dernier, les taux d'intérêt
étaient autour de 15%. Ils ont atteint 21% au cours de l'hiver. À
moins d'être complètement aveugle, c'est ça la
véritable cause de la baisse dramatique de la construction. C'est une
baisse dramatique non seulement au Québec...
M. Ciaccia: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je vais
essayer de bien protéger votre droit de parole en vertu de l'article 100
et je vais demander au député de Mont-Royal s'il accepte, dans ce
cas-ci - sinon je vais lui donner la parole - d'utiliser l'article 96. Ce n'est
pas cela? L'article 49?
M. Ciaccia: L'article 49, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mont-Royal, en vertu de l'article 49.
M. Ciaccia: Le ministre vient d'induire
la Chambre en erreur. Les taux d'intérêt n'étaient
pas de 15% à l'annonce du programme, ils étaient à plus de
18%.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, les taux
d'intérêt au printemps étaient de 15% et une fraction.
C'est au mois de juillet qu'ils étaient de 18%. Ils ont monté
à peu près de 1% par mois jusqu'à atteindre 20% et 21% aux
mois de décembre et janvier. Je mets le député de
Mont-Royal au défi.
Ce sont ces taux d'intérêt, qui s'appliquent non seulement
au Québec, mais partout, qui expliquent la baisse dramatique de la
construction non seulement au Québec, mais partout au Canada. Les
statistiques de la SCHL, que j'ai citées lors de ma réplique aux
discours de deuxième lecture, indiquent des baisses de 50% à 60%
de la construction cette année par rapport à l'année
dernière. Ce n'est pas propre au Québec. Évidemment, le
député de Mont-Royal persiste à dire que c'est une
situation particulière au Québec.
L'autre point qu'il est important de souligner, c'est que les chiffres
de mises en chantier au Québec seraient encore de beaucoup
inférieurs si ce n'était du programme d'aide à l'accession
à la propriété qui, à l'heure actuelle, suscite des
demandes de l'ordre de 1200 à 1500 par mois, dont à peu
près moitié-moitié pour le logement neuf et le logement
ancien. Deuxièmement, le député de Mont-Royal dit que
ç'a pris un certain temps à faire commencer le programme. C'est
vrai, c'était un nouveau ministère que j'avais l'honneur
d'instituer, sauf que ce programme était rétroactif au 1er mai,
de sorte que personne n'a rien perdu. Cela, le député de
Mont-Royal ne le dit pas.
Deuxième élément. Le député veut nous
faire ce que j'appelle le coup qu'ils ont fait à mon collègue, le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, cette
semaine, en disant: Écoutez, le programme d'établissement de 50
000 $ pour les jeunes agriculteurs, c'est notre idée, vous n'avez fait
que le mettre en forme. Voyons donc, M. le Président! Ils sont en train
de nous dire que le programme de relance de la construction, c'est aussi leur
idée et qu'on ne fait que le mettre en forme. La seule chose que vous
avez faite dans le domaine de la construction à l'époque,
ç'a été d'abolir le seul programme qui existait au
Québec. C'est ça que vous avez fait.
Je suis d'accord, d'autre part, qu'il y a urgence à faire
commencer ce programme parce que l'industrie est vraiment stagnante
présentement. Je suis également d'accord avec le fait que nous
devons établir avec les institutions financières les
modalités administratives. Elles nous l'ont demandé, ça
m'apparaît raisonnable. Ce qui est important, c'est que les gens sachent
qu'ils peuvent se prévaloir de tel taux d'intérêt pour une
période fixe. Le député de Mont-Royal dit: Comment nous
assurer que les coûts de la contribution accrue des entrepreneurs ne
seront pas reflétés dans le coût des maisons? (17 h 10)
M. le Président, cette contribution des entrepreneurs est de
l'ordre de 0,75% du taux d'intérêt sur une réduction de
5,5% puisque, quand on parle d'un taux d'intérêt de 13,5% alors
qu'il est actuellement de l'ordre de 19% ou 19,25%, cela veut dire une
subvention de 5,5% à 5,75% du taux d'intérêt.
Le député a parlé de la Loi sur la protection du
consommateur. Ce que j'ai dit je l'en ai informé en commission
parlementaire - c'est que dans les délais qui nous étaient
impartis, il nous était impossible de réviser la Loi sur la
protection du consommateur présentement, mais que nous allions tenter de
remédier à cette situation dès l'automne. Ce qui nous
apparaissait important, c'était, pour l'instant, de faire
démarrer la construction.
Il a posé la question sur les architectes et il a donné la
réponse lui-même, d'autant plus que je la lui avais donnée
aussi, en commission parlementaire. Cet ordre professionnel, contrairement aux
notaires, aux ingénieurs et aux arpenteurs-géomètres, n'a
pas de tarif minimal. Donc, on n'a pas à les autoriser à
consentir un tarif plus bas que celui prescrit par règlement puisqu'il
n'y a pas de tarif minimal prescrit présentement.
Le député nous a parlé des 50 000 logements en nous
disant: Est-ce que ce sera 50 000 logements en tout et partout ou en plus? Je
dis, M. le Président, que ce sera 50 000 logements en plus. Maintenant,
il est bien évident qu'il y a des gens qui, présentement, parmi
les 20 000 logements qui auraient été mis en chantier, vont faire
une demande d'admission au programme et qui vont donc s'en prévaloir, si
bien qu'il se pourrait que le nombre total de logements subventionnés
à l'intérieur du programme dépasse le nombre de 50 000 et
atteigne 60 000 ou 65 000 en raison de ces plages de recoupement.
Le député de Mont-Royal fait une affirmation
grossière également lorsqu'il dit que le Québec n'utilise
pas toutes les sommes. C'est une vieille rengaine, un disque usé. Je ne
sais pas où il a pêché cela. Je le mets au défi, M.
le Président, publiquement, de fournir des preuves à l'appui de
ce qu'il dit puisque, présentement, toutes les coopératives
d'habitation au Québec se plaignent qu'on manque de financement en vertu
de l'article 56.1. Partout, dans toutes les régions du Québec,
elles viennent nous voir pour avoir accès au programme
LOGIPOP et nous disent: On a fait une demande à la SCHL et on
manque de fonds présentement. C'est entièrement faux. Toutes les
sommes qui étaient disponibles ont été utilisées et
même plus, c'est la SCHL qui, présentement, nous dit: On n'est pas
capable de suffire à la demande.
Également, le député de Mont-Royal, dans son
intervention qu'il a terminée aussi bien... Il pose la question à
propos des matériaux de construction. Or, il devrait savoir, puisqu'il
était en commission parlementaire, qu'un amendement a été
apporté à l'article 2, soit les articles 2.1 et 2.2, pour dire
ceci: "À la demande des parties contractantes à un décret
adopté en vertu de la Loi sur les décrets de convention
collective qui régit les activités reliées à la
fabrication, à l'installation de matériaux ou d'assemblage de
matériaux de construction, le gouvernement peut, par
règlement..." Nous avons donc donné ouverture, en partie,
à ce que le député de Mont-Royal a demandé. Il
était en commission, néanmoins, M. le Président, et je
m'interroge sur la raison pour laquelle il a posé cette question.
Évidemment, le député de Mont-Royal nous dit:
Écoutez! Il y a une association patronale qui a refusé.
Évidemment, c'est son droit de dire qu'il y en a une sur six qui a
refusé, mais cela aurait été plus conforme, je pense,
à l'honnêteté et à l'intégrité s'il
avait dit: II y en a cinq sur six qui ont accepté. Cela aurait
été, je pense, un peu plus conforme à ce qui est
l'espèce de consensus qui s'est dégagé. De la même
manière, il n'a pas fait état que les quatre centrales syndicales
se sont engagées par écrit.
Il a parlé des banques et il a dit que c'est une mesure punitive.
Or, les caisses populaires ont spontanément accepté. La Banque
Nationale a officiellement accepté et la Banque d'épargne
également a officiellement accepté. Les autres banques,
effectivement, ont demandé que les pourparlers se prolongent. On a dit:
Maintenant, c'est le temps d'accoucher. Vous pouvez choisir votre image. Est-ce
que vous voulez choisir une image comme une institution financière au
service des Québécois, prête à faire son effort,
surtout au moment où une commission parlementaire à Ottawa
étudie les profits des banques, ou si vous voulez avoir justement
l'image d'une institution qui soit complètement
déconnectée de la réalité québécoise?
Je pense qu'elles ont le choix, d'autant plus que la déclaration
ministérielle de mon collègue, ce matin, les exemptera de la taxe
pour peu qu'elles veuillent bien contribuer au fonds de relance comme tout le
monde. Donc, elles peuvent choisir leur image.
M. le Président, en terminant, je n'ai pas d'autres commentaires
à faire à la suite de cette intervention du député
de Mont-
Royal. Tout ce que je souhaite, c'est que le maximum de
Québécois se prévalent de ce programme qui va être
relativement coûteux pour l'ensemble de la société
québécoise. On en a parlé. C'est un effort global
d'environ 500 000 000 $ en termes d'aide, de bonification de taux
d'intérêt dont les contributions viennent de diverses sources,
c'est une injection de 2 500 000 000 $ dans l'économie
québécoise. C'est énorme, c'est appréciable, et
j'espère qu'il pourra s'en réaliser dans tous les comtés
des gens qui sont encore ici et qui suivent la fin de ces débats. Je
comprends que, dans certains comtés, l'espace est peut-être plus
restreint qu'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous invitons...
Le député de Mont-Royal disait: Pourquoi parler des
architectes, quand on sait que, dans le cas des petites
propriétés, on n'a pas recours à un architecte? M. le
Président, je vous dis qu'il serait peut-être temps d'avoir
recours à des architectes pour essayer de concevoir un type d'habitat
pour contrer la formule du développement unifamilial en banlieue, qui
soit autre chose que des tours en hauteur. Là-dessus, l'Ordre des
architectes nous a assurés de sa collaboration pour essayer de trouver
justement de ces types d'habitat de moyenne densité qui permettent de
réaliser des immeubles à des coûts abordables et qui se
prêtent justement, en cette période de crise
énergétique, à cette espèce de mouvement de retour
à la ville.
Donc, voilà ce que je voulais dire en terminant et, malgré
les remarques du député de Mont-Royal, je veux remercier
l'Opposition d'avoir assuré que ce projet-là franchisse toutes
ses étapes en une si courte période. Merci, M. le
Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Avec consentement, nous
avons révoqué la troisième lecture. Nous y ajoutons un
amendement que nous avons ajouté en comité plénier. Cet
amendement est adopté. Le projet de loi est donc adopté tel
qu'amendé en troisième lecture.
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, pour faire suite à
une entente intervenue hier, nous allons aborder à ce moment-ci
l'étude du projet de loi no 62 dans sa phase finale, le chef de
l'Opposition ayant un droit de parole d'environ 20 minutes et le ministre de
la
Justice à peu près l'équivalent. C'est l'article 2
du feuilleton.
Projet de loi no 62
Reprise du débat sur la troisième
lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat
sur la motion du ministre de la Justice proposant que le projet de loi no 62,
Loi concernant la Loi constitutionnelle de 1982, soit lu pour la
troisième fois.
M. le chef de l'Opposition, député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, le projet de loi no 62, que le
gouvernement est sur le point de faire adopter est l'un des plus importants qui
aient été soumis à l'attention de l'Assemblée
nationale au cours de la présente session. C'est un projet de loi
auquel, du côté de l'Opposition, nous nous opposons fermement et
pour des raisons fondamentales. Je regrette profondément qu'à
compter de maintenant l'on doive, à cause de ce projet de loi, envisager
la perspective que, dans tous les textes de lois adoptées au
Québec, autant dans le passé que dans l'avenir, il faudra se
résigner à voir figurer à la fin du texte un petit
paragraphe dans lequel on a commencé d'ailleurs à dire: "... Mais
ce texte de loi sera soustrait à l'application des articles 2 et 7
à 15 de la Charte des droits et libertés du Canada."
À ce sujet, deux principales questions nous séparent
profondément du gouvernement. Tout d'abord, la question de
l'enchâssement même des droits, et, deuxièmement, la
question de l'enchâssement des droits dans une constitution canadienne.
Sur l'enchâssement des droits, le gouvernement soutient qu'il ne s'agit
pas là d'un objectif impérieux. Le gouvernement
préfère, en matière de protection de droits, les
protéger par voie de législation ordinaire qui fait appel
à la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec dont il nous dit qu'elle peut assurer une protection aussi bonne
que celle qui est garantie par la Charte des droits et libertés du
Canada. (17 h 20)
Je pense qu'il y a une différence fondamentale de perception,
pour nous, de l'Opposition, des libertés fondamentales des citoyens, de
la liberté de parole, de la liberté d'association, de la
liberté de réunion, de la liberté de pensée, du
droit à des protections fondamentales devant les tribunaux en
matière légale, du droit à la protection contre diverses
formes de discrimination malheureusement encore beaucoup trop largement
répandue dans notre société. Ce sont des biens tellement
fondamentaux pour les citoyens qui doivent être l'objet de la mesure de
protection la plus forte qu'on puisse imaginer. Si on compare la protection
accordée par une loi ordinaire à celle qui est accordée
par une loi constitutionnelle, il saute aux yeux que la protection
accordée par une loi constitutionnelle est beaucoup plus forte, beaucoup
plus solide que la protection accordée par une loi ordinaire.
D'ailleurs, il suffit de se demander comment ces lois peuvent être
modifiées pour comprendre tout de suite la différence. Quand une
protection est inscrite dans la loi constitutionnelle, elle ne peut plus
être altérée ou effacée sauf par le recours à
une procédure d'amendement qui est très compliquée et qui
exige beaucoup plus que la majorité des voix dans un seul Parlement ou
dans une seule Législature. Quand les droits sont garantis uniquement
par une loi ordinaire, il suffit d'une majorité, dans une
Législature, pour qu'un droit soit modifié, altéré
ou éliminé purement et simplement, n'importe quand.
Nous avons vu, au cours de la dernière session, certains projets
de loi. Il y a celui, par exemple, qui touche la fusion de deux villes de la
Côte-Nord, Baie-Comeau et Hauterive. Il saute aux yeux que le projet
gouvernemental obéit à une logique capricieuse et arbitraire qui
contredit d'ailleurs tout ce qu'avait dit le gouvernement avant cela. Le
gouvernement va quand même faire adopter sa loi, selon toutes les
apparences; à moins d'un miracle de dernière heure, le rouleau
compresseur va passer tantôt. Mais nous ne voulons pas que la même
chose puisse se produire à propos des droits fondamentaux des citoyens
et c'est pour cela que nous trouvons infiniment préférable que
ces droits soient garantis dans la constitution et non pas uniquement dans une
loi ordinaire.
Le ministre soutient que c'est bien commode de définir ces droits
seulement dans une loi ordinaire, que cela permet de faire des ajustements,
c'est sûr. Mais nous, nous pensons que les libertés individuelles
des citoyens sont beaucoup plus importantes que les besoins d'ajustement de
n'importe quel Parlement ou de n'importe quel gouvernement, elles sont le
fondement même, la pierre d'assise sur laquelle doit reposer tout
l'édifice démocratique.
Deuxièmement, nous disons au gouvernement que nous n'avons pas
d'objection, de ce côté-ci de la Chambre, que des droits aussi
fondamentaux soient garantis dans la constitution canadienne. Là, je
pense que nous frappons un sujet qui nous oppose radicalement et invinciblement
au gouvernement actuel. Nous disons que le Canada est le pays dont nous faisons
partie et nous tenons énormément au Québec, c'est notre
société immédiate, c'est là qu'évolue
la communauté dont nous sommes tous fiers de faire partie. Le
Québec et les citoyens qui en font partie sont également membres
de la fédération canadienne. Dans la pensée du
gouvernement, l'adhésion à l'ensemble canadien est une affaire de
pure collectivité. Le Québec fait partie de la
fédération canadienne.
Si on suivait la philosophie profonde du gouvernement, les rapports avec
les autres n'auraient lieu qu'au niveau des collectivités et des
gouvernements, tellement ce gouvernement a peur du danger de contamination qui,
selon lui, nous menacerait dans la fédération canadienne. Nous
disons que ce n'est pas seulement le gouvernement et l'Assemblée
nationale du Québec qui font partie de l'ensemble canadien, ce sont
aussi les citoyens, individuellement, les personnes humaines qui habitent le
Québec. Si nous acceptons ce pays, il est infiniment souhaitable,
hautement désirable que tous les citoyens de ce pays, de l'Atlantique au
Pacifique, puissent évoluer n'importe où au pays en sachant que
leurs libertés fondamentales d'expression, de parole, de choisir les
lectures, les journaux, les sorties, les distractions, le métier, la
compagnie, les relations, les associations soient reconnues de la même
manière et protégées de la même manière
partout à travers ce pays qui leur est commun.
Si la liberté de parole est bonne, si la liberté
d'association est une bonne chose, il est infiniment préférable
d'en jouir à l'échelle d'un pays qui s'étend de
l'Atlantique au Pacifique, plutôt que d'en jouir uniquement à
l'intérieur des frontières du Québec. Nous ne voyons pas,
si l'objectif est le même... Je pense que, de ce côté, le
gouvernement serait prêt à accepter de garantir aussi ces
libertés fondamentales. Nous disons: Ayons-les au Québec, mais
ayons-les également à l'échelle de tout le Canada.
Pour ceux qui croient à l'idéal canadien, la
reconnaissance de ces droits fondamentaux peut être une source
d'unité plus grande pour ce pays. Je sais que je scandaliserai
peut-être nos amis d'en face en leur parlant de l'unité plus
grande du pays comme d'un bien désirable. Nous qui adhérons
à l'objectif du fédéralisme canadien, nous ne le faisons
pas uniquement pour des raisons de forme. Nous le faisons parce que nous
voulons que cela marche. Nous voulons que ce pays soit plus fort, plus
efficace, plus à l'avant-garde de la civilisation, surtout dans le
domaine de la protection des droits. Toutes les indications que nous avons - et
je défie le ministre de la Justice de me contredire à ce sujet -
nous autorisent à affirmer que la tendance générale dans
le monde actuellement va vers la protection constitutionnelle des droits
fondamentaux et non pas seulement vers la protection statutaire ou la
protection par des lois ordinaires. Encore une fois, quant à faire
partie d'un pays qui s'appelle le Canada, nous trouvons qu'il est infiniment
souhaitable que ces droits fondamentaux soient garantis avec la même
intensité, de la même manière partout.
Si la Charte des droits et libertés du Canada était un
mauvais document, si c'était une charte mal faite, une charte
conçue d'une façon arbitraire ou improvisée, je
comprendrais les réserves du gouvernement. Ce n'est pas le cas. Il est
arrivé des accidents de parcours malheureux dans le processus qui a
conduit à l'adoption de cette charte. Il est arrivé même
qu'à certains moments nous nous soyons entendus, de ce
côté-ci de la Chambre et de l'autre, pour déplorer
certaines manières de faire qui n'étaient pas conformes à
la tradition et à l'esprit de la constitution du Canada. Ces faits sont
maintenant du passé. On ne peut pas bouder le passé pendant des
générations. Je pense qu'on stériliserait tout le
processus politique en agissant ainsi.
Si nous regardons froidement les documents, nous sommes obligés
d'admettre que la Charte canadienne des droits et libertés est un bon
document pour les citoyens individuels. Je pense que le ministre de la Justice
lui-même reconnaîtra que l'article 2 de la Charte canadienne des
droits et libertés qui garantit la liberté de pensée, la
liberté d'expression, la liberté de religion et la liberté
d'association, c'est bon pour les citoyens individuels. Le document
définit nos droits d'une manière sobre, d'une manière
classique, d'une manière généralement reçue
à travers le monde et, même si le ministre voulait s'efforcer de
trouver une meilleure formulation, je pense qu'il serait réduit, en
regardant la charte québécoise des droits, à conclure
qu'il n'y a pas tellement de différence dans la formulation, sauf que la
charte québécoise des droits, même avec les
améliorations que le ministre vient d'annoncer et que nous examinerons
avec beaucoup d'intérêt de ce côté-ci de la Chambre,
restera une protection statutaire et non pas une protection constitutionnelle.
Par conséquent, ce sera une protection beaucoup plus faible.
Deuxièmement, la charte limite les pouvoirs de l'Assemblée
nationale. Elle limite également les pouvoirs des autres
Législatures provinciales du Canada. Elle limite - il faut le noter avec
force - les pouvoirs du Parlement canadien. Ce sont tous les Parlements qui se
voient invités à accepter une certaine limitation de leurs
pouvoirs au profit non pas du gouvernement fédéral, mais d'une
plus grande protection des libertés fondamentales des citoyens.
Le gouvernement a soutenu, en deuxième lecture, qu'il n'avait pas
trop confiance aux pouvoirs judiciaires pour
arbitrer ces grandes causes historiques qui découleront
peut-être, éventuellement, de l'application de la Charte des
droits et libertés du Canada. Nous lui répondons, de notre
côté, que nous avons davantage confiance aux pouvoirs judiciaires
pour certaines formes d'arbitrage. Dieu sait - et nous l'avons vécu
encore pendant cette session - que les partis politiques sont malheureusement
continuellement tentés d'exploiter les préjugés
populaires, de flotter sur les passions, de cultiver les
préjugés, d'entretenir souvent l'ignorance dans l'esprit des
citoyens. S'il fallait attendre que les partis politiques sortent de leur
gélatine intellectuelle, souvent, on attendrait très longtemps
avant d'avoir des améliorations en matière de liberté. Aux
États-Unis, les partis politiques se renvoyaient la balle de l'un
à l'autre continuellement en matière de protection des droits des
Noirs. S'il avait fallu attendre que l'un ou l'autre avance... Les
Démocrates ne voulaient pas. Ils avaient peur des Démocrates de
la Louisiane et du Sud des États-Unis. Les Républicains ne
voulaient pas. Ils avaient peur d'autre chose et, finalement, on se
succédait, de parti en parti, au gouvernement et les Noirs continuaient
d'être les victimes d'une exploitation honteuse qu'on avait trouvé
le moyen de rationaliser avec les plus beaux refrains et les arguments les plus
séduisants. (17 h 30)
II a fallu qu'un pouvoir judiciaire indépendant, se situant
au-dessus de la mêlée, intervienne il y a déjà une
vingtaine d'années, si mes souvenirs sont bons, même une trentaine
d'années, qui a été le tribunal que présidait M.
Warren à l'époque, pour dire: Ces folies ont assez duré.
À partir de maintenant, il faut reconnaître véritablement
l'égalité des gens. On va se rendre compte une fois pour toutes
que des Blancs et des Noirs séparés, cela ne fait pas des Blancs
et des Noirs égaux. Cela fait des Blancs et des Noirs inégaux.
C'est depuis ce moment qu'a commencé le vaste mouvement
d'émancipation moderne des Noirs aux États-Jnis. Il a fallu
l'intervention du pouvoir judiciaire.
Je pense qu'au Canada, avec l'instrument qu'on s'est donné
maintenant, il y a de très bonnes chances de progresser de ce
côté beaucoup plus vite et surtout beaucoup plus
décisivement que ne le feraient des partis qui passent leur temps
à calculer s'ils vont faire un peu de millage aux dépens de
l'autre, en faisant un petit peu plus de surenchère démagogique
que l'autre. On l'a vu en discutant ce projet de loi no 62.
J'ajoute un point: dans les articles que vise le projet de loi no 62, il
y a un aspect qui est particulièrement déplorable pour nous. Ces
articles n'imposaient rien au Québec. De fait, dans ces articles, il est
dit que, nonobstant ce que prescrivent ces articles, une Assemblée
législative ou un Parlement peut toujours décider que telle ou
telle loi ne sera pas affectée par l'article en question. Donc, nous
avions toute possibilité raisonnable de soustraire pour des raisons
valables une loi précise, une loi particulière à
l'application de cette charte, si nous avions dû constater qu'il existait
un conflit invincible entre la Charte canadienne des droits et libertés
et telle ou telle loi précise du Québec. Le gouvernement n'a
jamais fait d'étude des lois qui pourraient être affectées
par cette Charte canadienne des droits. Il ne nous a jamais soumis de rapports
précis, fonctionnels disant que telle loi va être affectée,
et que telle autre loi devrait être affectée. Il a fait un geste
globaliste. Il a pris toutes les lois que nous avons adoptées au
Québec depuis avant même la Confédération, toutes
celles que nous adopterons à l'avenir. Il dit, d'un seul petit trait de
plume, d'un seul petit texte de loi d'à peu près deux pages:
Bonsoir la visite, c'est fini. Nous autres, nous disons que tout cela, cela ne
nous regarde pas. Nous pensions être citoyens de ce pays. Nous pensions
avoir participé à la définition progressive de ces droits,
à force de débats, d'expériences de toutes sortes. Le
gouvernement vient nous dire: On se soustrait à cela.
M. le Président, je soumets que c'est une manière
cavalière et irresponsable de procéder, en matière de
droits fondamentaux. J'ai déjà souligné dans cette Chambre
que, dans l'avenir prévisible, il résultera de l'adoption du
projet de loi no 62 une diminution effective et grave de la protection
accordée par nos lois aux citoyens du Québec en matière de
libertés fondamentales. Déjà, les articles 2 et 7 à
14 de la Charte canadienne des droits s'appliquent au Québec. Ils sont
en vigueur au Québec à l'heure où je vous parle, mais ils
ne seront plus en vigueur dans quelques heures après que le projet de
loi no 62 aura été adopté. Tant que le ministre n'aura pas
fait adopter les amendements qu'il a annoncés ce matin à la
charte québécoise des droits, c'est-à-dire dans un nombre
indéfini de mois, les Québécois n'auront pas la même
qualité de protection en matière de libertés fondamentales
qu'ils ont à l'heure où nous nous parlons. Même quand le
ministre aura réussi à faire adopter ses amendements, la
qualité de protection sera loin d'être aussi forte parce que cela
restera, comme je l'ai dit tantôt, une protection statutaire et non pas
une protection constitutionnelle.
Je regrette infiniment que nous en soyons rendus là. Nous avons
déjà adopté quelques textes de loi depuis quelques jours.
Vous trouvez en bas ce petit paragraphe qui n'a rien à voir avec le
texte de la loi. C'est une espèce de baroud d'honneur que le
gouvernement veut se donner. On dirait que
le gouvernement veut faire oublier la piètre performance qu'il a
donnée en matière de négociations constitutionnelles
depuis surtout un an. Cela a été une série de gaffes, une
série d'erreurs, une série de reculs, une série de
déceptions. On dirait que le gouvernement, au lieu d'essayer
constructivement de réparer les dégâts qu'il a faits, veut
essayer de se frapper le bedaine en disant: Malgré toutes les erreurs
qu'on a faites, on va s'enfoncer encore un petit peu plus loin. C'est
l'impression qu'on a en regardant ce projet de loi. Je suis obligé de
dire que, lorsqu'un gouvernement libéral sera au pouvoir, ce sera l'une
des premières lois qu'il se fera un devoir de modifier pour qu'enfin les
Québécois puissent participer de plain-pied à la
protection plénière, à la protection fondamentale,
à la protection stable et solide que leur garantit la Charte canadienne
des droits et libertés.
Seulement un dernier point, M. le Président, en ce qui regarde
les droits linguistiques, parce qu'il en est question brièvement
à la fin du projet de loi no 62. J'ai déjà dit dans cette
Chambre que nous sommes parfaitement d'accord pour que l'application de
l'article de la Charte canadienne des droits et libertés qui regarde
l'adoption du critère de la langue maternelle, comme critère
d'admission des enfants à l'école anglaise, soit laissée
au jugement de l'Assemblée nationale et non pas simplement du
gouvernement. Si ce n'était que de cet article du projet de loi no 62,
le débat aurait duré cinq minutes entre nous, nous aurions
été facilement d'accord. Mais ce que nous ne pouvons pas accepter
et ce contre quoi je veux protester vigoureusement, c'est le refus
systématique que le gouvernement continue d'opposer à la mise en
oeuvre au Québec de la clause Canada, entendue d'une manière
raisonnable et pratique.
La clause Canada, dans le sens où je l'entends, veut dire que
tout enfant de parents ayant reçu leur instruction, au niveau
élémentaire, en langue anglaise, n'importe où au Canada,
devrait être admis à l'école anglaise au Québec. En
vertu de la loi 101, ce n'est pas le cas, seuls sont admis à
l'école anglaise les enfants de parents qui ont fait leurs
études, au niveau élémentaire, au Québec, en
anglais. Disons qu'une famille déménage de Hawkesbury à
Granville; elle traverse seulement l'Outaouais pour venir s'installer dans le
comté d'Argenteuil, comme cela arrive à peu près tous les
mois. Il y a des familles qui viennent trouver du travail du côté
québécois et vice versa. Cette famille n'aura pas la même
protection suivant qu'elle traverse d'un côté ou de l'autre. C'est
parfaitement ridicule et irréaliste dans un pays qui veut être un
pays fédéral, c'est-à-dire un pays basé, comme le
dit l'étymologie du terme, sur la confiance et l'amitié
réciproque.
Je dis au gouvernement qu'il est profondément déplorable
qu'il continue de s'opposer à la mise en oeuvre d'une clause dont les
effets au point de vue quantitatif n'auraient rien du caractère
catastrophique que se plaît à annoncer mensongèrement le
ministre actuel de l'Éducation. Franchement, je le déplore
profondément et je déplore encore plus profondément que le
gouvernement ait engagé des procédures judiciaires pour
empêcher que cette clause s'applique normalement au Québec, qu'il
ait engagé des procédures administratives. Le ministre a
envoyé des directives dans les commissions scolaires. Il a envoyé
des directives aux institutions privées d'enseignement, les
menaçant de toutes sortes de sanctions si elles commettent l'erreur
impardonnable d'accepter de se soumettre à la Charte canadienne des
droits et libertés qui, jusqu'à nouvel ordre, est une loi
parfaitement constitutionnelle et légitime. Je demande au gouvernement
de cesser de gaspiller les fonds publics dans cette cause qui, de toute
évidence, est perdue d'avance. On essaie de gagner du temps, de retarder
des enfants d'un an. Je trouve que c'est absolument inhumain pour les enfants,
pour les parents et pour les administrateurs scolaires. Si, au moins, le
gouvernement avait consenti sur ce point précis... Quand le ministre
veut nous faire croire qu'il va y avoir des conséquences
numériques catastrophiques, c'est absolument faux. L'article 23 de la
charte canadienne, celui qui repose sur le critère de la langue
maternelle, comporte des dangers et nous sommes prêts à tenir
compte de ces dangers. J'ai dit moi-même dans cette Chambre que nous ne
proposerions pas cet article. Nous proposerions qu'il reste comme il est
là, c'est-à-dire qu'il ne soit pas applicable au Québec,
mais l'article qui définit la clause Canada, je pense que c'est
l'article 23.(l)a, je demande au gouvernement d'examiner dans les plus brefs
délais la possibilité de l'appliquer loyalement au Québec
et je lui demande d'enjoindre au ministre de l'Éducation de cesser ses
procédure! tracassières par lesquelles il cherche à faire
de la misère actuellement aux parents, aux enfants et aux commissions
scolaires.
Il me semble que faire partie d'un pays commun, cela postule un minimum
d'esprit de collaboration. Il y a des problèmes sur lesquels le
gouvernement doit maintenir une ligne ferme. Quand elle sera raisonnable, nous
l'appuierons volontiers, mais il y a d'autres problèmes au sujet
desquels il doit penser au bien des citoyens individuels. Dans ce cas-ci, il me
semble que, s'il l'avait fait, nous n'aurions pas ce projet de loi contre
lequel nous serons obligés de voter tantôt.
Des voix: Bravo!
(17 h 40)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de la
Justice.
M. Marc-André Bédard
(réplique)
M. Bédard: M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention les propos du chef de
l'Opposition. Je pense qu'il a raison de dire que nous avons des
différences fondamentales de perspective, qu'il y a, lorsqu'on parle de
droits et libertés, surtout de l'enchâssement des droits et
libertés dans une charte constitutionnelle, deux courants de
pensée qui se heurtent, sans pour cela aller jusqu'à dire qu'ils
ne se respectent pas. Je respecte les opinions du chef de l'Opposition, mais je
ne les partage pas, très sincèrement.
Le chef de l'Opposition a passé une grande partie de son discours
à nous vanter les mérites absolus de l'enchâssement des
droits dans une constitution par rapport à une situation telle que celle
que nous avons ici au Québec. Je respecte cette opinion, mais je ne suis
pas d'accord avec cette confiance presque aveugle qu'évoque le chef de
l'Opposition dans la nécessité qu'il y a ou qu'il semble y avoir
pour lui que pour être respectés, ces droits et libertés
doivent être nécessairement enchâssés dans une
constitution.
Si une charte constitutionnelle était miraculeuse au point que
veut nous le faire croire le chef de l'Opposition en termes de protection des
droits et libertés, comment explique-t-on que le Québec, comme
société, se situe à l'avant-garde de la protection des
droits et libertés non seulement au Canada, mais dans le monde entier,
par rapport à des pays qui ont des chartes constitutionnelles, qui ont
enchâssé leurs droits et libertés dans leur
constitution?
Pourtant ici, au Québec, jusqu'à maintenant, un tel
enchâssement n'existe pas et n'existera pas, en fonction de la loi 62,
par rapport à certains secteurs de la loi constitutionnelle, et ceci
n'empêche pas, sans se prendre pour d'autres, d'être en mesure
d'affirmer que la société québécoise, même si
elle n'a pas eu jusqu'à maintenant de charte constitutionnelle, se place
- le chef de l'Opposition le sait - à l'avant-garde du monde entier
quant à la protection des droits et libertés. Cela veut dire que,
même si je respecte l'opinion du chef de l'Opposition, ce n'est pas vrai
- je parlerai un peu plus longuement tout à l'heure là-dessus -
que l'enchâssement constitutionnel a des propriétés aussi
miraculeuses qu'essaie de le faire croire le chef de l'Opposition pour la
protection des droits et libertés.
Cette protection - j'y reviendrai tout à l'heure - prend beaucoup
plus sa force, sa racine non pas dans un enchâssement ou dans une loi,
qui sont des moyens, au bout de la ligne, mais ce respect des droits et
libertés prend beaucoup plus sa base, sa racine dans la
détermination et la volonté d'une population de vouloir respecter
les droits et libertés. C'est ce qui se passe ici dans la
société québécoise.
Le chef de l'Opposition - cela me surprend de sa part - en fait presque
une question d'idéal canadien - je l'entendais parler tout à
l'heure - une question de fédéralisme. Ce n'est pas le cas. Je
m'excuse, mais ce n'est pas le cas, c'est déplacer le problème.
Ce n'est pas une question d'idéal canadien, ce n'est pas une question de
fédéralisme ou pas. Ce n'est pas une question, comme on l'a
entendu dire à plusieures reprises, de refus du Canada. C'est une
question, par exemple, de refus d'un Canada qui ne veut pas respecter la
société québécoise, qui ne veut pas respecter
l'Assemblée nationale qui représente l'ensemble de la
société québécoise, et qui ne veut pas respecter
les pouvoirs et les devoirs de cette Assemblée nationale. C'est cela, la
loi no 62.
Des voix: Bravo!
M. Bédard: Je suis bien d'accord avec le chef de
l'Opposition lorsqu'il dit qu'il faut sortir de la gélatine
intellectuelle - j'emploie son expression - pour tomber dans les choses
pratiques, mais ce n'est pas une raison pour tomber aussi rapidement qu'il
semble le faire dans le ciment de la démission face aux pouvoirs et aux
devoirs de l'Assemblée nationale, parce que c'est de cela qu'il s'agit,
M. le Président. C'est une question de principe fondamentale. Le
Québec comme société - on le sait, on en a fait la preuve
-est capable, enchâssement ou pas, de respecter et de protéger les
droits et libertés aussi bien, sinon mieux que n'importe quelle
société.
Des voix: Bravo!
M. Bédard: Le principe fondamental de ce projet de loi,
c'est de savoir si le Québec comme société, si
l'Assemblée nationale comme représentante de cette
société québécoise a décidé ou non de
se respecter. C'est une question de principe. Donc, il s'agit de dire non, non
pas à la protection des droits et libertés - nous les
protégeons déjà ici et même mieux que dans tout le
reste du Canada - mais à un Canada qui, malgré tous les efforts
qui ont été faits, n'a pas été capable de respecter
la volonté de cette Assemblée nationale.
Le chef de l'Opposition devrait se rappeler qu'il y a quand même
une logique dans le projet de loi no 62. Il devrait y en avoir une au niveau
des membres de l'Opposition. Nous avons voté d'une façon unanime,
au niveau des partis avec quelques dissidents libéraux, ici, à
cette Assemblée
nationale, il y a quelques mois - le chef de l'Opposition en a le
souvenir - une résolution qui était très claire,
très explicite, à savoir que cette Assemblée nationale,
dont nous faisons partie et dont fait partie le chef de l'Opposition,
n'accepterait jamais de voir ses pouvoirs diminués sans son
consentement.
Or, nous savons la suite des événements. Le
fédéral, dans sa manière d'agir, a passé outre aux
représentations faites par cette Assemblée nationale et les
membres qui la constituent. Il a décidé de passer outre à
cette volonté quand même clairement exprimée par les
membres de l'Assemblée nationale et nous avons eu droit à ce coup
de force, tel qu'on l'a qualifié. Ce n'est pas une question, encore une
fois, de faire une bataille de fédéralisme ou pas, d'idéal
canadien ou pas. C'est une question de nous respecter nous-mêmes comme
Assemblée nationale, comme instrument qui représente la
société québécoise, cette société
québécoise qui a le droit d'être respectée lorsque
le gouvernement fédéral se permet d'y aller d'une
législation constitutionnelle aussi considérable que celle que
nous connaissons, la Loi constitutionnelle de 1982.
M. le Président, je pense que ça vaut quand même la
peine d'être rappelé. Ce n'est jamais arrivé et ce n'est
pas une question de ressasser des souvenirs pour le plaisir de la chose. C'est
une question de logique, ce à quoi j'invite, mais maintenant en
désespoir de cause, parce que je pense que le chef de l'Opposition a
annoncé ses couleurs assez clairement tout à l'heure... C'est une
question de logique qui fait qu'une société, qu'elle soit
québécoise ou autrement, ne peut pas accepter qu'un autre
gouvernement puisse se permettre de légiférer dans des secteurs
aussi fondamentaux que la protection des droits et libertés sans
l'accord de cette société qui est concernée au premier
chef. (17 h 50)
Je l'ai rappelé tout à l'heure, le 2 octobre dernier,
l'Assemblée nationale, dans un vote qui a fait l'unanimité des
partis, s'opposait formellement à tout geste qui pourrait porter
atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement.
Puisqu'il n'y a jamais eu de consentement du Québec à la Loi
constitutionnelle, il n'est que normal que l'Assemblée nationale donne
suite à sa décision du 2 octobre dernier et utilise maintenant
non pas l'illégalité, mais toutes les possibilités
légales - et c'est ce que nous faisons - offertes par la Loi
constitutionnelle elle-même pour protéger le mieux possible nos
pouvoirs et nos droits. Face à ce coup de force du gouvernement de M.
Trudeau, nous avons décidé d'utiliser toutes les soupapes
contenues dans la Loi constitutionnelle fédérale afin de limiter
son impact et aussi de donner priorité aux lois
québécoises. Il me semble qu'il n'y a rien de plus normal que
ça. Ce n'est pas une question, encore une fois, d'idéal canadien,
de fédéralisme ou de refus du Canada. Il y a des choix à
faire en politique. Si c'est le Québec d'abord - l'Opposition est
peut-être en mesure de nous le dire, on ne le sait pas encore - il y a
quand même une logique qui s'impose au niveau des gestes à poser,
c'est d'abord de ne jamais accepter qu'on passe sur le dos du Québec et
qu'on lui impose des choses comme société, sans son
consentement.
Quand vous votez contre le projet de loi no 62, c'est que vous acceptez
que le gouvernement fédéral passe sur le dos des
Québécois alors que cette société
québécoise ne s'est pas prononcée sur les amendements qui
ont été apportés à la constitution. La meilleure
preuve est est, M. le chef de l'Opposition, votre refus d'assister aux
fêtes qui ont eu lieu à Ottawa. Vous vous le rappelez? Il y a
quelques-uns de vos députés qui se sont faits un honneur, qui
n'ont pas eu peur de se traîner sur le ventre pour se faire inviter
à ces magnifiques fêtes en l'honneur de celle qui nous
visitait.
M. Rocheleau: Vous nous insultez! C'est insultant!
M. Bédard: C'est insultant, oui. Le député
de Hull dit que c'est insultant. Sûrement, c'est insultant de voir autant
de députés de l'Opposition faire toutes les manigances possibles
pour avoir l'honneur de se faire inviter à Ottawa par un gouvernement
qui, à ce moment-là, était
délibérément passé au-dessus de la volonté
exprimée par cette Assemblée nationale représentant la
société québécoise.
Des voix: Bravo!
M. Bédard: D'ailleurs, c'est tellement vrai - cela, je
suis obligé de le souligner et j'en suis fier - que même s'il y a
beaucoup de députés de l'Opposition qui se sont
prêtés à ce manège, à cette démission,
heureusement, le chef de l'Opposition s'est tenu debout. J'en étais fier
parce que, au moins, il a exprimé la connaissance et le respect qu'il
avait de l'opinion de cette société québécoise qui
s'était exprimée. Je pense que c'est la meilleure leçon
qu'il pouvait donner à tous ceux - je dis "tous ceux" parce que je pense
que Mme la députée de L'Acadie n'était pas là - qui
se sont empressés d'accepter des invitations plutôt que de
continuer à défendre les droits du Québec.
Que fait cette loi 62? D'abord, la loi 62 refuse l'entrée en
vigueur au Québec du critère de la langue maternelle pour
l'admission à l'école anglaise. Ce critère, il faut s'en
souvenir - le député de Marguerite-
Bourgeoys en sait quelque chose - est le même que celui de la loi
22 qui a causé de grandes difficultés d'application au
gouvernement précédent. De plus, cette loi oblige le gouvernement
à soumettre toute décision à ce sujet à un
débat public à l'Assemblée nationale avant qu'elle ne
devienne irrémédiable. Cette disposition n'est pas l'objet d'une
controverse puisque le chef de l'Opposition a lui-même dit tout a
l'heure, qu'il était d'accord. Quand il fait la promesse que c'est la
première loi qu'il ferait sauter - pour employer l'expression -si jamais
il assumait la responsabilité du pouvoir, il doit convenir qu'il vient
de nous dire qu'il y en a déjà une bonne partie avec laquelle il
est d'accord.
Deuxièmement, que fait cette loi? Elle donne - ce n'est pas un
malheur, comme on essaie de nous le faire croire - priorité aux lois
québécoises et, notamment, à la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec adoptée en 1975 par un
gouvernement libéral. Elle donne priorité à cette charte
sur les dispositions de la Loi constitutionnelle canadienne qui sont sujettes
à une telle priorité.
M. le Président, on l'a reconnu tout à l'heure, ce n'est
pas une question de bataille de chartes plus qu'il ne le faut. Tous
reconnaissent que les droits et libertés énumérés
à la Loi constitutionnelle, dont il s'agit, se retrouvent
également dans la charte québécoise. Tous reconnaissent,
de plus, que la charte québécoise couvre un grand nombre de
droits et libertés que l'on ne retrouve pas dans la Loi
constitutionnelle fédérale. Parmi ceux-ci se retrouvent des
droits aussi fondamentaux que le droit au respect de la vie privée et de
la demeure, le droit à la non-discrimination sur la langue, la condition
sociale, les convictions politiques, un handicap, l'orientation sexuelle et
l'état civil, le droit de l'enfant à la protection, à la
sécurité et à l'attention, le droit à l'instruction
publique gratuite, le droit de toute personne âgée d'être
protégée contre toute forme d'exploitation. Ce sont tous des
droits et libertés qui sont dans notre charte et qu'on ne retrouve pas
dans la Loi constitutionnelle. Il y a également le droit des
minorités ethniques de maintenir et de faire progresser leur vie
culturelle.
De plus, comme l'a fait remarquer le chef de l'Opposition, je viens de
déposer un projet de loi, que nous étudierons cet automne, qui
améliore substantiellement la Charte québécoise des droits
et libertés, notamment, au chapitre du harcèlement sexuel.
C'était demandé par tous les groupes de femmes qui se sont fait
entendre devant la commission parlementaire sur notre Charte des droits et
libertés. Cela améliore également la Charte
québécoise des droits et libertés au chapitre des
avantages sociaux et, également, de l'état de grossesse. Ce sont
des préoccupations qui ont été évoquées lors
de nos travaux en commission parlementaire. Cela ne se retrouve pas dans la
charte' fédérale. Combien de temps cela prendrait-il, avec le
lourd processus d'amendement à la constitution, pour que ces
libertés et ces droits se retrouvent dans la Loi constitutionnelle?
Quand on sait à quel rythme vont les amendements constitutionnels, on
sait que la population risquerait d'attendre longtemps.
En plus d'une protection plus étendue, notre charte offre aussi
l'immense avantage de pouvoir être modifiée par l'Assemblée
nationale pour s'ajuster à l'évolution de la
société québécoise sans passer par le lourd
processus de l'amendement constitutionnel du système
fédéral canadien qui nécessite l'accord de sept provinces,
nécessite l'accord du Sénat et du Parlement d'Ottawa. Le meilleur
exemple en est tout simplement le dépôt de ce projet de loi no 86
que nous avons fait ce matin Loi modifiant la Charte des droits et
libertés de la personne qui, justement, présente plusieurs
modifications importantes qui vont être soumises aux membres de cette
Assemblée, que nous allons probablement voter unanimement ensemble, qui
va représenter une amélioration. Cela peut se faire très
rapidement dans l'espace de quatre ou cinq mois, alors que s'il fallait
attendre, quand on parle de protection des droits et libertés, les
amendements constitutionnels, avec le processus que cela représente,
nous attendrions longtemps.
Je terminerai sur ceci. Le second objet de la critique du chef de
l'Opposition porte, je l'ai mentionné au début de mon propos, sur
la valeur intrinsèque qu'il reconnaît à
l'enchâssement des droits et libertés comme étant un moyen
nécessaire à la sauvegarde des libertés individuelles et
des droits démocratiques. (18 heures)
M. le Président, vous le savez, nous en avons des exemples
constamment, cette sécurité juridique que représente
l'enchâssement, qui est invoquée par le chef de l'Opposition, peut
vite devenir une sécurité théorique. Qu'on me permette
juste un exemple. Ce n'est pas parce qu'une charte des droits et
libertés est enchâssée qu'elle est nécessairement
respectée. La meilleure preuve en est ce qui se passe en URSS. Qu'il me
soit simplement permis de rappeler que la constitution de l'URSS prévoit
une charte des droits complète, peut-être dans ce qu'il y a de
plus complet en termes de charte des droits et libertés. Cependant, vous
serez d'accord avec moi que ce n'est sûrement pas un exemple que l'on
peut imiter en matière de droits et libertés. Pourtant, elle est
enchâssée. Enchâssement ou non, c'est un moyen, M. le
Président. Je le dis, parce que je le crois sincèrement, parce
que je crois que la véritable protection
des droits et libertés pour une collectivité, cela prend
sa racine dans le coeur des citoyens, dans la volonté des citoyens de
voir à ce que ces droits et libertés soient respectés. Je
pense que, dans ce domaine -je terminerai là-dessus - vous le savez, le
Québec a une tradition exceptionnelle de tolérance et de respect
de la démocratie. Ce n'est pas à cause du régime
constitutionnel ou du fédéralisme, c'est plutôt une
tradition qui prend ses racines dans le coeur et l'esprit des
Québécois, une tradition qui se révèle avec force
dans la façon généreuse et respectueuse avec laquelle on a
traité la minorité anglophone ici au Québec.
Dans une société, autrement dit, M. le Président,
les libertés fondamentales ne sont efficacement protégées
que si la volonté propre des citoyens et des citoyennes s'exprime
clairement à ce sujet. À ce titre, l'enchâssement
constitutionnel, surtout lorsqu'il est fait à la manière
fédérale, ne paraît certes pas le meilleur moyen de
refléter les valeurs propres de la société
québécoise. C'est avec cette confiance que j'ai que nous sommes
capables ensemble à l'Assemblée nationale d'améliorer
notre Charte des droits et libertés pour offrir encore mieux à
l'ensemble de la population québécoise, c'est avec cette
confiance aussi que j'ai de la continuité - si vous en doutez, je n'en
doute pas - de cet esprit de tolérance et de cette
générosité dont a toujours fait preuve la
société québécoise et qui va continuer que je dis
tout simplement que, maintenant, il s'agit d'être logiques, il s'agit de
nous respecter nous-mêmes, d'avoir confiance en notre Assemblée
nationale, comme dans tous les autres domaines, et surtout dans le domaine de
la protection des droits et libertés et c'est à ce titre que la
société québécoise sera le mieux
protégée. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La troisième
lecture du projet de loi no 62, Loi concernant la Loi constitutionnelle de
1982, est-elle adoptée? M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais qu'on reporte le
vote avec les autres votes qui seront pris à la fin de la
séance.
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Consentement. M. le leader
du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, comme c'est un projet de loi
sur lequel, semble-t-il, il n'y a pas d'intervention, ni du côté
de l'Opposition, ni du côté ministériel, nous pourrions,
à ce moment-ci, avec le consentement des députés, appeler
la troisième lecture du projet de loi no 66.
Projet de loi no 66 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): La troisième
lecture du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines dispositions
législatives en matière de financement des partis politiques et
en matière d'élections municipales, est-elle adoptée? M.
le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, si, en effet, le ministre de
la Justice n'a pas un discours aussi tortueux que celui qu'il vient de
prononcer, nous n'aurons pas non plus d'intervention sur ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté?
Adopté. M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, le grand sourire du ministre
de la Justice m'indique qu'il n'a pas prêté oreille et attention
aux propos du député de Marguerite-Bourgeoys. À ce
moment-ci, M. le Président, encore une fois avec le consentement de
l'ensemble des députés, je vous demanderais d'appeler la
troisième lecture du projet de loi no 65.
Projet de loi no 65 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
troisième lecture du projet de loi no 65, Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels, est adoptée?
M. Lalonde: Un instant, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: D'abord, nous allons donner notre consentement pour
que la troisième lecture soit faite maintenant.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Consentement.
M. le député de Westmount.
M. Richard French
M. French: M. le Président, quelques mots pour souligner
l'occasion importante qu'est la troisième lecture du projet de loi no
65, Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des
renseignements personnels. L'Opposition a entrepris l'étude du
projet de loi avec beaucoup d'intérêt, croyant qu'un accès
amélioré aux documents publics ainsi qu'une meilleure protection
de la vie privée des citoyens québécois étaient des
objectifs louables. Nous croyons avoir trouvé une certaine attention de
la part de nos homologues du côté gouvernemental; nous avons
trouvé une atmosphère qui a transcendé la partisanerie
politique au sein de la commission permanente des communications.
Nous avons essayé d'améliorer le projet de loi dans le
sens suivant. Tout d'abord, l'idée maîtresse était que
l'accès aux documents publics devait être aussi grand que
possible, le moins restrictif possible, non seulement quant au contenu des
documents, mais aussi par rapport aux procédures utilisées pour y
avoir accès. D'autre part, nous avons essayé de garantir autant
la protection des renseignements personnels que de plus en plus de
Québécois se trouvent à confier aux organismes publics,
non seulement aux organismes ministériels du gouvernement du
Québec, mais aussi aux hôpitaux, commissions scolaires,
écoles, universités, cégeps, centres de services sociaux,
CLSC, etc.
Dans cette optique, l'Opposition veut souligner que le ministre des
Communications s'est montré très réceptif, de même
que son adjoint parlementaire, le député de Taschereau. Le
ministre des Communications a ultimement accepté de modifier quelque 64
articles sur un total de 184. Dans la plupart des cas, il s'agissait ou bien
d'amendements que l'Opposition avait présentés ou bien
d'amendements qu'avait apportés le gouvernement à la suite des
suggestions de l'Opposition.
Je voudrais souligner brièvement certains amendements importants.
Nous avons réussi, par exemple, à faire sauter une certaine
partie de l'article 32 qui représentait une restriction importante qui
donnait aux organismes publics la possibilité de ne pas divulguer des
documents. Je cite cette partie de la version originale du projet de loi: "de
compromettre sérieusement la réalisation d'un projet en cours".
Il nous semblait - et, heureusement, il le semblait au ministre des
Communications, au gouvernement - qu'il y avait là une restriction
beaucoup trop grande et dangereuse pour l'accès aux documents publics.
On n'avait qu'à penser à certains ministres, notamment le
ministre de l'Éducation, qui a toujours quelques projets en cours et qui
est toujours menacé sérieusement par la divulgation de documents
que le ministre ne voudrait pas voir rendus publics.
Nous avons dans plusieurs cas réussi à réduire les
délais de divulgation que certaines classes de documents allaient exiger
des organismes publics qui les détenaient. Encore une fois, nous avons
trouvé un allié important en la personne du ministre dans ces
cas. Nous avons réussi, à la suite de l'intervention de la
présidence de l'Assemblée nationale, à obtenir une
meilleure protection pour l'Assemblée nationale et pour ses agents, y
compris plus particulièrement les services de recherche des partis
politiques. (18 h 10)
Dans le cas de l'article 66, un article important, nous avons
réussi à limiter le pouvoir du gouvernement du Québec de
décréter des ententes entre organismes publics là
où les organismes publics eux-mêmes ne pouvaient pas se mettre
d'accord, des ententes qui traiteraient de l'échange de renseignements
personnels. Donc, nous avons réussi quelque peu à resserrer
l'exercice de ce pouvoir que l'Assemblée nationale donne, dans le projet
de loi no 65, au gouvernement.
Concernant les renseignements personnels, nous avons réussi,
à la suite d'interventions, notamment, celle du député de
Marguerite-Bourgeoys, à restreindre une certaine ouverture qui semblait
plus nécessaire quant à l'accès aux renseignements
personnels de certains, comme les corps policiers, etc. Nous avions toujours
à l'esprit, au cours de l'étude de ce chapitre du projet de loi,
d'abord et avant tout la protection de la vie privée, ce qui nous semble
l'objectif primordial durant lequel doivent se plier les exigences de
l'administration, les exigences des corps policiers dans les enquêtes
judiciaires.
Nous avons également, dans ce chapitre II du projet de loi,
réussi à restreindre un certain "tatillonnage", une certaine
paperasse qui menaçait de surgir autour des activités
réglementaires que le projet de loi, dans sa version originale, donnait
à la commission. Ainsi, nous avons changé, de façon
significative, les pouvoirs de réglementation de la commission au
fichier des renseignements personnels. Nous avons également
réussi à mieux adapter le projet de loi au vécu quotidien
de plusieurs organismes publics et de plusieurs individus avec des
responsabilités importantes par rapport aux renseignements
personnels.
Finalement, nous avons suggéré - le gouvernement l'a
accepté - de clarifier et de simplifier les fonctions essentielles de la
commission d'accès en tant qu'organisme quasi judiciaire. Nous avons
enlevé plusieurs fonctions qui nous paraissaient une invitation à
la bureaucratisation de cette commission, une invitation à la
dépense, une invitation à un certain gonflement, si vous voulez,
de cette institution importante dont les fonctions devraient demeurer quasi
judiciaires.
M. le Président, il faudrait quand même mentionner que,
dans plusieurs cas, nos suggestions n'ont pas été
acceptées par le gouvernement. Nous regrettons, par exemple, la
protection qui est, à notre avis, indue concernant les documents du
Conseil des ministres et de certaines autres instances décisionnelles
dans les organismes publics.
Nous regrettons également - je pense qu'il faut vraiment discuter
cela de façon plus détaillée - que le gouvernement n'ait
pas trouvé suffisamment de courage pour retirer l'article 146 du projet
de loi. Même si la commission ordonne à un organisme public de
divulguer un document, l'article 146 donne au gouvernement du Québec, au
Conseil des ministres du gouvernement du Québec, le pouvoir de
décréter que le document en question ne doit pas être
divulgué par l'organisme public en question.
Il faudrait bien souligner, M. le Président, qu'on ne parle pas,
à l'article 146, uniquement des organismes ministériels. On ne
parle pas uniquement des organismes du gouvernement du Québec. On parle
de n'importe lequel des 5000 organismes publics ultimement visés par le
projet de loi: les cégeps, les universités, les hôpitaux,
les municipalités, etc. Il faudrait aussi souligner qu'on ne parle pas
uniquement de certaines restrictions, peut-être plus importantes que
d'autres, comme la restriction concernant les relations intergouvernementales,
mais on parle bel et bien de toutes les restrictions contenues dans le projet
de loi. On ne parle pas non plus d'un délai limité dans le temps.
On parle bel et bien, M. le Président, d'un pouvoir donné au
Conseil des ministres du gouvernement du Québec de
décréter un délai illimité quant à
l'application de l'ordonnance de la commission. On prétend que c'est
dans l'intérêt public que ce soit ainsi. D'ailleurs, on
prétend que c'est le Conseil des ministres du gouvernement du
Québec qui est la seule institution politique de la province
habilitée à définir ultimement l'intérêt
public en ce qui a trait à l'accès aux documents publics et
à la protection des renseignements personnels.
Je pense bien qu'il y a là des différences fondamentales
non seulement entre tous les gouvernements et toutes les Oppositions, mais
entre le gouvernement actuel et l'Opposition actuelle, parce que nous n'avons
jamais, de ce côté-ci de la Chambre, imaginé que le Conseil
des ministres, qu'il soit péquiste, unioniste ou libéral, soit la
seule institution politique habilitée ultimement à définir
l'intérêt public pour tous les Québécois. S'il est
possible, à la limite, d'imaginer que l'Assemblée nationale doit
définir l'intérêt public d'ailleurs, c'est exactement ce
que fait le projet de loi no 65, parce qu'il définit
l'intérêt public dans la confidentialité dans plusieurs
cas, dans plusieurs restrictions - nous avons reconnu cette
nécessité, nous avons essayé de bonifier ces restrictions,
mais nous avons accepté le principe que les restrictions doivent
exister.
Quand on demande à l'Assemblée nationale de
déléguer ses pouvoirs, de définir l'intérêt
public en ce qui a trait à l'accès de la population aux documents
des organismes publics, ça, c'est aller trop loin, c'est d'éviter
la politicaillerie, c'est d'éviter les espèces d'échanges
de services politiques entre certaines administrations de certains organismes
publics et le gouvernement du Québec. C'est donc une tentation indue qui
ne devrait pas exister.
On prétend, parce que le pouvoir de décret envisagé
à l'article 146 implique, exige le dépôt du décret
à l'Assemblée nationale subséquemment, qu'il va y avoir un
débat à l'Assemblée nationale et qu'ainsi le gouvernement
va payer le prix politique de ses gestes. Je veux bien, mais il est difficile
d'imaginer comment on peut avoir un débat informé avec le genre
de décret qui découlerait de l'article 146. En vertu de l'article
146, le lieutenant-gouverneur en conseil demande au cégep de Longueuil
-entre parenthèses, dans le comté du premier ministre du
Québec - de ne pas divulguer tel document - document décrit,
évidemment, dans des termes très généraux, parce
qu'il est évidemment impossible de révéler ce qui est dans
un document qui doit rester confidentiel - pour un délai de 36 mois.
Comment voulez-vous qu'on soit en mesure de façon informée
et réelle, de soutenir ce débat dans de telles circonstances?
C'est évident qu'il y aura une question, deux questions, peut-être
une motion de blâme, au maximum, on est là et la machine du
gouvernement va continuer de rouler pour n'importe quel gouvernement au pouvoir
dans ce cas-là, c'est la tendance naturelle des gouvernements. Ce que
fait le gouvernement dans le projet de loi no 65 -je veux donner le
crédit à qui il est dû -c'est d'adopter une espèce
d'autodiscipline. Il dit: On ne peut pas se fier ultimement, avec toute la
bureaucratie, dans tous les ministères, dans tous les organismes
publics, qu'on va respecter systématiquement ce pouvoir d'accès
public jour après jour. Alors, nous allons légiférer
là-dessus. C'est tout à fait louable et très acceptable.
Je vais même dire que c'est exemplaire du point de vue de ce genre de loi
pour le Canada et pour les systèmes de type parlementaire
britannique.
Mais, avec l'article 146, on en arrive à entacher cet effort
louable. J'informe donc le ministre que l'Opposition serait tout à fait
prête - je vois que le ministre de la Justice est aux alentours -
à aider le gouvernement pour améliorer son projet de loi dans son
étape finale. Qu'il retire l'article 146, qui est le seul article qui
crée vraiment des
problèmes dans le projet de loi. (18 h 20)
M. le Président, encore une fois, je voudrais dire qu'on est, de
ce côté de la Chambre, tout à fait conscient de l'attitude
positive avec laquelle le ministre et son adjoint parlementaire ont entrepris
le défi de la commission parlementaire. Je trouve que leurs efforts et
les nôtres, avec cette troisième lecture du projet de loi no 65,
sont couronnés de succès. Une des raisons pour lesquelles j'ai
choisi d'entrer dans l'arène politique au niveau provincial, c'est parce
que je croyais que ce serait possible d'accomplir plus, plus vite. La
première fois que j'ai eu le sentiment d'avoir vraiment contribué
à un projet de loi, cela a été le projet de loi no 65.
J'en suis très reconnaissant. Je reste convaincu que le projet de loi 65
est un modèle, abstraction faite de l'article 146, pour d'autres
Parlements de type britannique, qu'ils soient au Canada, qu'ils soient en
Australie, en Nouvelle-Zélande, même en Inde, en Angleterre, Dieu
sait où.
C'est ainsi que nous, de l'Opposition, remercions le ministre de son
attitude positive et de sa flexibilité. Nous espérons que le
projet de loi saura servir la démocratie québécoise, tel
que c'est prévu qu'il le fasse. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, je serai très bref.
Je voudrais tout d'abord souligner, comme l'a dit le député de
Westmount, l'attitude positive du ministre des Communications, qui était
bien différente de l'attitude qu'il avait, l'autre soir, lorsqu'il a
présenté ce projet guillotine qu'était la loi 37.
La commission parlementaire des communications a siégé de
façon très assidue pour étudier ce projet de loi. Elle a
passé 33 heures à l'étudier article par article. Je me
dois ici de souligner le leadership qu'a assuré notre
député de Westmount dans l'étude de ce dossier. Par sa
compétence et ses qualifications, il a, aidé de l'un de nos
recherchistes, M. Jean Larivière, apporté à cette
commission de nombreux amendements qui ont bonifié ce projet de loi. Il
est évident que les recommandations soumises par la commission
Paré ont été d'une aide bien précieuse aux membres
de la commission pour préparer ce travail. Je dois souligner que c'est
une loi très importante pour l'Opposition que cette Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels.
Mon propos sera très bref, c'est de féliciter notre leader
dans ce dossier, le député de Westmount. Grâce à lui
et grâce au travail aussi des autres membres de la commisison, nous
arrivons aujourd'hui à un résultat positif. Quant à
l'article 146, je pense, M. le ministre, que si vous biffiez cela et proposiez
un amendement pour le retirer du projet de loi, ce projet de loi serait encore
plus valable qu'il ne l'est présentement. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Taschereau et adjoint parlementaire au ministre des
Communications.
M. Richard Guay
M. Guay: Merci, M. le Président. Très
brièvement, parce que je ne veux pas abuser du temps de cette Chambre.
J'ai été un petit peu déçu d'une partie de
l'intervention du député de Westmount qui ne reflétait
pas, en s'attardant à un seul article, tout l'effort exceptionnel,
l'apport qu'il a fourni à la commission. Il ne reflétait pas non
plus complètement l'esprit dans lequel les travaux de la commission se
sont déroulés, qui a été un esprit
dénué de toute partisanerie politique, un esprit où on
cherchait de part et d'autre à donner aux Québécois et aux
Québécoises la meilleure loi possible, une loi fondée sur
deux principes; le maximum de protection des renseignements privés, et
l'accès le plus large aux documents des organismes publics qui, faut-il
le rappeler, sont au nombre de 5000, tels que définis dans la loi. Ce ne
sont pas seulement le gouvernement et les régies, ce sont aussi les
municipalités, les commissions scolaires, les hôpitaux, enfin tout
ce qui relève de près ou de loin de l'Assemblée nationale
du Québec,
Je ne prévoyais pas mentionner l'article 146, mais puisque le
député de Westmount a fait porter une si grande partie de son
intervention là-dessus, je pense, et je le dis brièvement, que
l'on exagère la portée de l'article 146.
Le régime normal quotidien de cette loi, dès lors qu'elle
sera en vigueur complètement, dès lors que les 5000 organismes
publics seront visés par le projet de loi et que la loi fonctionnera,
fera qu'une personne s'adressera à un organisme public, comme la ville
de Québec, la Commission des écoles catholiques de
Montréal, l'Hôpital de Valleyfield, enfin bref, peu importe, pour
demander un document et que l'organisme dira oui, le voici, ou non, on ne le
vous donne pas. Ce n'est que dans le cas où l'organisme ne le donne pas
que la personne pourra en appeler à la commission pour lui demander de
réviser la décision. La commission, à son tour, dira: Non,
vous ne l'avez pas et l'organisme avait raison de ne pas vous le donner. Cela
finit là. Ou, alors la commission dira: Oui, l'organisme aurait
dû vous le donner. La décision quotidienne dans ce domaine
sera prise par les 5000 organismes sur le terrain. Or, ce n'est pas la
décision des organismes qui peut faire l'objet de la révision
gouvernementale; c'est la décision de la commission en appel d'une
décision négative d'un organisme et seulement dans les cas
où la commission dit: Oui, le document devrait être
dévoilé. Dans ces cas-là seulement et encore là
très exceptionnellement au nom de l'intérêt public, le
gouvernement peut dire: Attention, suspendez cela pour l'instant, et
déposer un décret en ce sens à l'Assemblée
nationale.
Alors, on exagère grandement la portée de l'article 146
parce qu'on semble donner l'impression que le gouvernement pourrait suspendre
la décision d'un organisme public dans l'application de la loi, ce qui
n'est absolument pas le cas. Cela étant, M. le Président, je ne
veux pas m'attarder sur l'article 146, mais beaucoup plus sur les travaux de la
commission.
Le député de Westmount l'a fait, le député
de Jeanne-Mance l'a fait. Je veux à mon tour souligner l'esprit qui a
régné à cette commission. Je pense, M. le
Président, que ces trente heures de débat, si elles avaient pu
être enregistrées sur film ou sur ruban magnétoscopique,
auraient probablement révélé à la population qui
est habituée à nos débats très contradictoires en
cette Chambre, de manière assez surprenante d'ailleurs, ce que peut
être le travail d'une commission au-delà des lignes de parti et
jusqu'à quel point le travail d'une commission parlementaire peut
fouiller, scruter, gratter, tester les articles d'un projet de loi et chercher
constamment à les bonifier, à les améliorer dans le
meilleur intérêt de la population.
En ce sens, je vous le dis, M. le Président, en six ans
maintenant que je siège dans cette Chambre, c'est la commission la plus
intéressante à laquelle j'ai participé, celle que j'ai
trouvé la plus constructive et qui, à mon avis, sert ou devrait
servir de modèle pour ce que devrait être maintenant et pour
l'avenir une commission parlementaire de cette Assemblée nationale.
La commission héritait d'un projet de loi qui venait
déjà de loin, de travaux antérieurs à la commission
Paré, du rapport Paré, du projet de loi du ministre des
Communications qui avait été vérifié au
Comité ministériel de développement culturel, au Conseil
des ministres, au comité de législation. La commission a aussi
bénéficié de l'aide des membres de l'Opposition, je veux
le signaler. Le député de Jeanne-Mance a noté l'apport du
député de Westmount. C'est exact, le député de
Westmount avait et a dans ce domaine des compétences reconnues qui nous
ont été particulièrement précieuses. Le
député de Marguerite-Bourgeoys aussi dont la qualité
d'avocat a été également précieuse lorsqu'il s'est
agi de vérifier la portée de certains articles de loi et de la
restreindre à certains moments.
Tout ce projet de loi, donc, qui provenait de cette source a
été, comme je le disais, gratté, vérifié. On
a évoqué publiquement, sans ligne de parti, des hypothèses
qu'on a retenues, qu'on a abolies, qu'on a modifiées, qu'on a
améliorées. Finalement, le travail de ces trente heures de tous
les membres de cette commission fait que ce projet de loi aujourd'hui devient
le projet de loi non plus du gouvernement, non plus le projet de loi issu de la
commission Paré, mais véritablement le projet de loi de toute
l'Assemblée nationale du Québec.
En ce sens, M. le Président, tous les parlementaires qui
aujourd'hui, en votant la troisième lecture de ce projet de loi no 65,
donneront aux Québécoises et aux Québécois cette
Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels, c'est-à-dire nous-mêmes,
M. le Président en cette Chambre, peuvent le faire la tête haute
et avec fierté parce que c'est véritablement, je pense, dans les
circonstances, le meilleur projet. Le député de Westmount l'a
souligné, c'est un projet qui est probablement le meilleur qui puisse
exister à l'heure actuelle dans nos démocraties occidentales. (18
h 30)
Je veux, M. le Président, ajouter deux choses. D'abord que le
défi que pose ce projet de loi est loin d'être terminé du
fait de son adoption. Beaucoup dépendra - et les membres de la
commission qui ont travaillé si fort à ce texte le savent - des
personnes qui seront nommées à cette commission, parce que,
même avec le meilleur projet de loi, selon les individus, on peut faire
un projet de loi qui, finalement, ne prend pas son envol et n'aura pas toute sa
portée. Donc, la nomination des membres de la commission sera
extrêmement importante à cet égard. Je veux souligner aussi
une chose importante, le député de Trois-Rivières l'a
signalée dans son discours de deuxième lecture et je veux revenir
là-dessus, parce qu'il est très important pour le gouvernement de
déposer dès l'automne le projet de loi sur les archives
nationales, qui vient compléter la loi 65. Cela étant, M. le
Président, j'ai mentionné l'apport du député de
Westmount, l'apport du député de Marguerite-Bourgeoys.
Je voudrais, en terminant, rendre hommage à la personne qui, tout
au long de ce cheminement, depuis le tout début, avec
ténacité, persévérance - et j'ai mentionné
les étapes qu'il a fallu franchir; dans certains cas, c'étaient
des étapes longues, parfois difficiles - a su conserver l'espoir, la
volonté de mener à terme ce projet et de faire en sorte que les
Québécoises et les Québécois
soient dotés de ce projet de loi sur l'accès aux documents
des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.
Je veux parler, bien sûr, du ministre des Communications. Cela est
d'autant plus remarquable, à mon avis, qu'en cours d'année, le
ministre des Communications a hérité d'une lourde
responsabilité additionnelle comme leader du gouvernement,
responsabilité d'autant plus lourde en cette fin de session.
Malgré tout cela, il a réussi à mener à terme ce
projet de loi no 65. Je me souviens, M. le Président, quand le rapport
Paré a été publié, que les médias
d'information se sont posé la question: Le ministre des Communications
aura-t-il le courage de donner suite au rapport Paré? S'il fallait qu'il
n'ait pas eu ce courage, les médias d'information seraient tous
aujourd'hui en train de parler de l'absence de courage du ministre des
Communications. Il a eu ce courage et, assez paradoxalement, les médias
d'information ne parlent pas du projet de loi no 65 qui est pourtant, à
mon avis, un des projets de loi les plus importants que cette Assemblée
nationale s'apprête à donner aux Québécois et aux
Québécoises en cette session.
Malgré le double fardeau qu'il a dû assumer, le ministre
des Communications a mené ce projet à terme. C'est une
coïncidence - et je pense qu'on peut le dire à la Chambre -
d'autant plus heureuse. Je pense que tout le monde a le même sentiment.
Lorsque l'on donne des cadeaux, on a l'impression souvent que c'est beaucoup
plus agréable que d'en recevoir. Normalement, le jour de son
anniversaire, on reçoit des cadeaux, mais je pense qu'il est beaucoup
plus agréable d'en donner un. Il est significatif que cette
troisième lecture de ce projet de loi et la sanction, je présume,
de ce projet de loi no 65 se fait le jour de l'anniversaire du leader
parlementaire du gouvernement et ministre des
Communications. En ce sens, c'est probablement le meilleur cadeau qu'il
pouvait faire à la population du Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, même si nous sommes
dans les dernières heures de cette session et que le temps est
précieux pour aborder d'autres projets de loi, je pense qu'il importe de
nous attarder quelques minutes sur ce projet de loi. D'abord, est-ce que le
leader du gouvernement veut, à la suite de l'annonce que son adjoint
vient de nous faire, accepter les bons voeux de l'Opposition? Je le
souhaite.
Deuxièmement, on passe tellement de temps ici à se
chicaner de toutes les manières que, lorsqu'on s'entend, je pense que
cela vaut la peine d'insister et de le dire. Lorsque ce gouvernement... Comme
dirait le leader de l'Opposition, ces gens font tellement d'erreurs que, quand
ils font une bonne chose, il faut le souligner aussi.
C'est donc avec beaucoup d'espoir que j'avais vu, d'abord, les travaux
de la commission Paré et, ensuite, son rapport. Nous l'avons accueilli,
mais avec un certain scepticisme, comme l'a dit le député de
Taschereau. On a dit: Est-ce que le ministre aura le courage? Nous avons
participé, tout le monde le sait, à cette commission
parlementaire qui a entendu des gens sur le rapport Paré. Nous avons
aussi accueilli avec beaucoup de joie le projet de loi. C'est, en effet, comme
le disait le député de Taschereau, un travail d'équipe. Je
me souviens de quelques occasions où c'était le
député de Taschereau et votre humble serviteur qui, ensemble,
tentaient de convaincre le ministre et le député de Westmount
d'un de leurs amendements. Alors, c'était au-delà de la
partisanerie.
On a tenté - et cela, je le répète même s'il
faut prendre quelques minutes de plus - de trouver la plus grande ouverture
à l'accès aux documents publics - je pense que je
répète les mots du député de Taschereau - et de
réduire au minimum les occasions où les renseignements personnels
pourraient être transmis d'une personne à l'autre, etc. Donc, la
plus grande protection pour les renseignements personnels. Est-ce que nous
avons réussi? Je rencontrais un brillant légiste qui a
travaillé avec la commission Paré et peut-être - je le
soupçonne aussi -qui a travaillé à la rédaction de
la loi et je lui disais: J'espère qu'on n'a pas trop "magané" ta
loi. Je ne sais pas, j'espère qu'on l'a améliorée. En
fait, c'est l'esprit dans lequel on l'a fait. D'ailleurs, les conseillers du
ministre l'accompagnaient pas à pas pour nous empêcher d'aller
trop loin. Cette loi a une portée incroyable. Moi aussi, je regrette le
peu de publicité que cette loi a eue jusqu'à maintenant. À
partir de maintenant, il faudrait la faire connaître. Elle a une
portée incroyable, il y a 5000 organismes qui, à partir du moment
où cette loi entrera en vigueur, devront changer des habitudes, devront
avoir une attitude complètement différente vis-à-vis du
citoyen, implanter des structures et aussi une nouvelle gestion des documents.
C'est une loi qui a une grande portée et on s'en apercevra lorsqu'elle
sera mise en vigueur. Je suis sûr que ce cadeau -il nous fait plaisir de
nous joindre au ministre pour le donner à la population aujourd'hui -
recevra à ce moment-là les éloges qu'il mérite.
Une autre chose - cela vaut la peine de le mentionner, car le ministre a
innové à plusieurs égards dans cette loi - c'est, par
exemple, la clause qu'il appelle crépusculaire. C'est une loi
qu'on devra revoir parce que, si on ne la revoit pas, elle va
disparaître. Donc, c'est une clause qui existe dans d'autres lieux, dans
d'autres lois, mais qui force le gouvernement qui sera là à ce
moment-là à la revoir, à se repencher dessus, à
réexaminer sa portée, à en corriger les excès. Pour
cela, je pense qu'on doit remercier le gouvernement et, en particulier, le
ministre que je félicite et le député de Westmount,
naturellement. Sans lui...
J'étais pris entre deux commissions parlementaires, j'avais celle
sur le projet de loi no 37 et celle-là; imaginez-vous
l'atmosphère de l'une à l'autre! Cela changeait. Pardon?
Une voix: II y avait une plus grande hospitalité.
M. Lalonde: II y avait deux personnalités aussi: le leader
du gouvernement qui nous imposait la guillotine et le ministre des
Communications qui nous accueillait à bras ouverts, prêt à
nous écouter avec la plus grande bienveillance.
C'est donc à l'épreuve qu'on verra la portée de
cette loi. Je souhaite qu'elle soit mise en action dans les plus brefs
délais. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Communications et leader du gouvernement.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, les différents
témoignages qui ont été apportés par le
député de Westmount, le député de Jeanne-Mance, le
député de Taschereau et le député de
Marguerite-Bourgeoys auraient de quoi m'émouvoir; je n'ai pas
l'émotion facile, mais je dois dire que j'accepte l'ensemble des
félicitations qu'ils m'ont adressées, et je l'accepte d'autant
plus facilement que je suis capable de les retourner. Effectivement, je
reprendrai là-dessus l'image du député de
Marguerite-Bourgeoys, vers la fin de ses propos, quand il disait qu'il
changeait de chapeau en passant de la commission parlementaire des affaires
municipales qui étudiait le projet de loi no 37 à celle des
communications qui étudiait le projet de loi no 65. J'ai aussi
coiffé deux chapeaux au cours des derniers mois, celui de leader
parlementaire du gouvernement et celui de ministre des Communications, et je
dois vous avouer que je ressentais beaucoup plus de satisfaction personnelle
dans le type de climat qui prévalait à la commission
parlementaire des communications que dans le discours que j'ai tenu sur la
guillotine que le gouvernement avait décidé d'imposer pour mettre
fin aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi no 37.
En d'autres mots, à la commission parlementaire permanente des
communications personne n'a cherché à passer sur le corps de
l'autre; je dirais au contraire que l'ensemble des parlementaires qui ont
oeuvré sur ce projet de loi pour le bonifier, pour l'améliorer
ont vraiment joint leurs efforts, se sont serré les coudes et ont
permis, je pense, au parlementarisme de connaître un de ses beaux et de
ses grands moments. Effectivement, nous sommes en politique très
souvent, la plupart du temps pourrais-je dire, pour vous affronter, exprimer
nos divergences d'opinions et montrer à la population qu'il existe un
fossé important entre ce qu'on peut penser dans un parti politique et ce
qu'on peut penser dans un autre.
À cette commission parlementaire, nous avons vraiment
travaillé en équipe. Il était agréable de voir -
quoique ça ne devait pas arriver trop souvent, sinon on se serait
posé des questions sur les principes de solidarité
ministérielle et de responsabilité ministérielle -
à l'occasion le député de Taschereau poser des questions
et même argumenter avec le ministre et voir aussi le député
de Marguerite-Bourgeoys confronter ses points de vue à ceux du
député de Westmount de telle sorte qu'on n'avait pas vraiment
l'impression qu'autour de cette table il y avait d'un côté
l'Opposition, de l'autre le gouvernement, d'un côté le Parti
libéral, de l'autre le Parti québécois. Je le dis avec
vraiment toute la sincérité qui peut caractériser mes
propos en ce moment, c'était vraiment un moment de parlementarisme qui
nous a permis de situer le débat à un niveau très
élevé et de faire en sorte que nous nous sentions tous ensemble
coresponsables de la loi que nous allions faire adopter par l'Assemblée
nationale. C'était un de ces moments où le député
de Trois-Rivières, qui a présidé à ce document fort
important sur la réforme parlementaire, aurait pu réaliser que
peu importent les réformes parlementaires, peu importent les projets de
loi, peu importent les idées, si on ne peut pas modifier les
comportements, les habitudes et les mentalités, finalement il n'y a pas
de véritable réforme parlementaire. Je crois que cette commission
parlementaire était en elle-même un bel exemple de ce que le
parlementarisme peut atteindre comme idéal de perfection.
M. le Président, ce projet de loi que nous allons adopter en
troisième lecture, il a d'abord été dans l'histoire une
idée. Dans d'autres pays, c'était depuis longtemps une tradition,
ça fait partie de l'histoire. Chez nous, c'est devenu une idée
à un certain moment. Je veux rendre hommage, à ce point de vue,
au député de Trois-Rivières qui, en 1980, lorsqu'il
assumait les
reponsabilités de ministre des
Communications, avait présenté un mémoire au
Conseil des ministres sollicitant son appui pour créer la commission
Paré et permettre ainsi que cette commission puisse effectuer le bon
travail que nous avons recueilli et surtout cette proposition de loi qui nous a
été tellement utile pour faire avancer plus rapidement nos
travaux.
De projet de loi en projet de loi, de commission parlementaire en
comité ministériel permanent jusqu'au comité de
législation, le Conseil des ministres et tous ces organismes qu'on doit
traverser avant de parvenir à l'Assemblée nationale, il y a eu
beaucoup de travail et je dois en rendre hommage à ces fonctionnaires
qui, au sein du ministère des Communications, au comité de
législation, au ministère de la Justice, parmi ce groupe de
légistes fort compétents, nous ont aidés à
préparer le projet de loi.
Je veux dire que cette idée qui a été
présentée par le député de Trois-Rivières
est aujourd'hui appliquée dans un projet qui va devenir, tout le monde
l'aura reconnu, une des pièces majeures de notre législation. Je
pense que, dans les objectifs de transparence que nous cherchons à
atteindre, dans les objectifs d'amélioration de notre régime
démocratique et dans ces objectifs fondamentaux qui sont inscrits dans
la Charte des droits et libertés, comme, par exemple, le droit à
l'information et le droit à la protection de la vie privée, je
crois que ce projet de loi fournit finalement ce que le député de
Westmount appelait tout à l'heure une des pièces
législatives exemplaires dans le domaine de l'accès à
l'information et de la protection des renseignements personnels.
Je suis content du travail qui a été fait en commission
parlementaire parce que, effectivement, comme le disait le député
de Westmount, nous avons réussi à bonifier le projet de loi. Nous
avons calculé, quant à nous, plus de 70 articles qui ont
été modifiés sur les 184 que contient le projet de loi.
C'est beaucoup, mais c'est correct et c'est normal. Nous étions dans un
champ nouveau, nous faisions du droit nouveau et il était normal que,
dans ce contexte, nous apportions, à l'occasion de l'étude
article par article pendant ces 33 heures de débat en commission
parlementaire, un bon nombre d'améliorations.
La loi, maintenant, va être adoptée. Cette loi, je le dis,
en y incluant l'article 146, va vivre un certain nombre d'années
jusqu'à ce que notre gouvernement ou un autre ait la
responsabilité de la réviser. C'est à l'usage et à
l'usure, comme dirait l'autre, qu'on verra ce qu'elle donne, qu'on pourra
évaluer les résultats qu'elle permet et dans la mesure,
évidemment, où, depuis la proposition de loi contenue dans le
rapport Paré jusqu'à tous ces brouillons, esquisses, projets qui
ont préparé le projet de loi no 65, nous en arrivions à
l'adoption de cette loi, il y a eu beaucoup de travail qui a permis d'en
arriver à perfectionner cet instrument, mais il y aura beaucoup à
faire encore. Je suis convaincu que, dans cinq ans, lorsque des parlementaires
se pencheront de nouveau sur cette loi, ils y auront trouvé un certain
nombre de trous, ils y auront trouvé un certain nombre de failles, ils
auront réalisé que certains de ses articles doivent ou
disparaître, ou être améliorés ou que d'autres
articles doivent être introduits. C'est le lot des lois. Elles ne sont
pas coulées dans le ciment pour empêcher qu'il y ait une
dynamique. (18 h 50)
L'évolution va nous permettre d'évaluer justement quels
sont ces changements qui devront être apportés en cours de route.
Mais je pense que nous avons là un bon point de départ. Nous
avons un outil, un instrument qui va être extrêmement utile pour
l'ensemble de la collectivité québécoise parce que c'est
pour elle que nous avons préparé ce projet de loi et que nous
allons adopter ce projet de loi. C'est pour l'ensemble de nos concitoyens et
concitoyennes, à qui nous disons que le droit à l'information, ce
doit être plus qu'un beau mot; que la protection de la vie privée,
ce doit être plus qu'un voeu pieux. Cela doit se concrétiser dans
des actes, dans des gestes, dans des attitudes, dans des comportements, dans
des mentalités. C'est tellement vrai que cette loi, aussi valable
soit-elle, ne sera jamais efficace ou efficiente si les hommes et les femmes
qui ont à l'appliquer, qui ont à vivre avec ne sont pas des
personnes qui acceptent de modifier leur comportement, leurs habitudes et leur
mentalité.
Donc, dans ce contexte, M. le Président, je voudrais dire en
terminant que, quant à moi, j'ai trouvé extraordinaire
l'expérience vécue à l'occasion de l'étude de ce
projet de loi et, en particulier, en commission parlementaire lors de
l'étude article par article. J'y ai découvert, j'ai appris
à y connaître davantage des collègues de l'Assemblée
nationale qui jamais n'ont laissé pointer quelque allusion partisane
dans l'ensemble des discussions. Je le dis pour le député de
Taschereau, dont les connaissances dans le secteur juridique ont
été extrêmement profitables au ministre des Communications
qui n'a pas eu le privilège de poursuivre des études dans cette
discipline. Je le dis pour le député de Westmount, dont la
connaissance des lois vécues dans plusieurs pays a été
extrêmement profitable pour l'amélioration de ce projet de loi. Je
le dis à l'ex-Solliciteur général qui nous a
apporté bon nombre de remarques pertinentes qui ont permis certaines
modifications qui, je le crois, ont bonifié ce projet de loi à la
fin.
Je dis à toutes ces personnes que c'est
leur oeuvre, c'est leur accomplissement et qu'aujourd'hui le ministre
des
Communications, effectivement, en ce 22 juin, est très fier de
pouvoir présenter à la collectivité
québécoise le projet de loi no 65, en espérant qu'il sera
utilisé au maximum et qu'il permettra concrètement d'en arriver
à réaliser ce double objectif de droit à l'information
pour l'ensemble de la collectivité et de protection de la vie
privée pour les hommes et les femmes du Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
troisième lecture du projet de loi no 65, Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: Oh: M. le Président, emporté par
l'enthousiasme d'adopter un projet de loi et ne résistant aucunement
à la bonification jusqu'à la dernière minute, j'allais
oublier que deux amendements s'y ajoutent, mais ils sont purement de forme. Il
y a un amendement à l'article 1 et un amendement à l'article 163;
ils ont été transmis à mes collègues de
l'Opposition ainsi qu'au secrétaire général. Je ferais
motion pour que nous puissions les adopter.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: Je veux être bien sûr pour ne pas qu'on
fasse erreur. Ce que le leader nous a communiqué contenait aussi un
amendement à l'article 22.
M. Bertrand: Oui, il est enlevé. C'est une erreur. On
voulait souligner le 22 juin etc., mais c'est une erreur, on voulait dire autre
chose.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, nous allons
procéder selon les formes, c'est-à-dire qu'il y a consentement
pour la révocation de la troisième lecture, qu'il y a adoption
des modifications à l'article 1 et à l'article 163, les
amendements, que le rapport en commission plénière est
adopté tel qu'amendé et que la troisième lecture est
adoptée tel qu'amendée.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, à ce moment-ci,
puisque nous avons le plaisir d'avoir avec nous le ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor, sans oublier sa lourde responsabilité mais
combien intéressante de député du comté de Matane,
aborder en même temps l'étude en troisième lecture des
projets de loi nos 68 et 70. C'est l'article 4 du feuilleton, M. le
Président, ainsi, avec le consentement de l'Opposition, que le projet de
loi no 70 qui n'est pas inscrit au feuilleton parce nous avons effectué
la prise en considération plus tôt aujourd'hui.
Projets de loi nos 68 et 70 Troisième
lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est cela. Il y a
consentement pour qu'on puisse procéder à l'étude du
projet de loi no 70. Donc, il y aura la troisième lecture du projet de
loi no 68, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant
les régimes de retraite et, selon l'entente prévue, la
troisième lecture du projet de loi no 70, Loi concernant la
rémunération dans le secteur public. M. le ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor.
M. Bérubé: M. le Président, nous avons
longuement débattu du projet de loi no 68 et du projet de loi no 70.
Même qu'hier, tard dans la nuit, pour la prise en considération du
rapport sur la loi 68, j'ai eu l'occasion de faire une intervention d'une
dizaine de minutes. Je pensais me réserver simplement le droit de
réplique de telle sorte qu'on puisse, en fait, aller un peu plus
rapidement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord. Le chef de
l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, nous aimerions pouvoir passer
aussi rapidement sur ce projet de loi que semble vouloir le faire le
président du Conseil du trésor, mais c'est impossible de le faire
pour des raisons qui sautent aux yeux. Autant nous étions d'accord pour
accepter le projet de loi no 65 et nous en réjouir, autant nous devons
maintenir jusqu'à la fin l'opposition très ferme que nous avons
exprimée à l'encontre des projets de loi nos 68 et 70. Le projet
de loi no 68 est celui qui modifie unilatéralement et arbitrairement les
conditions de participation aux régimes de retraite des employés
des secteurs public et parapublic et le projet de loi no 70 est celui qui
modifie les conditions salariales des employés des secteurs public et
parapublic pendant les trois premiers mois de l'année 1983.
Mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, a
résumé ce matin au stade de la prise en considération du
rapport de la commission les objections que nous avons formulées
à l'encontre du projet no 68 relatif aux régimes de retraite.
Je voudrais parler plus particulièrement, à ce stade-ci,
du projet no 70, dans une dernière tentative, que je sais
malheureusement devoir être vaine, en vue de convaincre le gouvernement
de la gravité du geste qu'il s'apprête à faire en utilisant
sa majorité en cette Chambre.
Il est arrivé à plusieurs reprises, M. le
Président, que nous ayons été appelés dans cette
Chambre au cours des dernières années à adopter des lois
spéciales dans des domaines directement reliés aux conditions de
travail. Encore hier, nous avons adopté la loi 91 en vertu de laquelle
l'Assemblée nationale, usant de son pouvoir souverain, enjoignait aux
médecins omnipraticiens de reprendre le travail dès aujourd'hui.
Au début de la présente année, nous avons adopté
une loi ordonnant aux travailleurs de la Commission de transport de la
Communauté urbaine de Montréal de reprendre le travail. Mais
chaque fois depuis, je dirais, une quinzaine d'années que ce recours
à des lois d'exception existe dans l'Assemblée nationale, chaque
fois que l'Assemblée nationale a adopté une loi spéciale
affectant les conditions de travail dans un secteur, cela a été
au terme d'un processus pendant lequel toutes les règles de la
négociation libre des conditions de travail avaient été
observées par les deux parties. C'est parce que, étant parvenu au
terme du processus et ayant abouti à un constat d'impuissance
insurmontable, les parties n'avaient plus de solution; le bien public
était directement affecté, que l'Assemblée nationale
était invitée par le gouvernement à intervenir. Toujours,
l'intervention s'est faite, par conséquent, au terme d'un processus de
négociation libre qui est un des fondements même de tout notre
régime de relations du travail et je dirais, je l'expliquerai tout
à l'heure d'ailleurs, de tout notre régime politico-social. (19
heures)
Dans ce cas-ci, le gouvernement intervient alors que ce processus n'a
pas du tout connu son développement normal. D'abord, il n'y a pas eu de
négociation en bonne et due forme. Il y a eu des embryons de
conversation, il y a eu des échanges de vues exploratoires, des
échanges de propos par la voie des journaux et de la
télévision, il n'y a pas eu de négociation au sens
réel du terme.
Deuxièmement, la période pendant laquelle auraient
dû avoir lieu ces négociations expirait, selon la loi
modifiée par le gouvernement actuel, le 31 décembre prochain. Il
restait par conséquent sept mois pour procéder à des
négociations en bonne et due forme avec les syndicats
accrédités qui représentent légalement les quelque
350 000 employés des secteurs public et parapublic. Le gouvernement n'a
pas tenu compte de ce facteur.
En troisième lieu, le gouvernement avait fait une demande aux
syndicats concernés, il les avait invités à renoncer
à des engagements qu'il avait pris sous sa signature. Les syndicats lui
ont donné une réponse contenant des éléments
d'ouverture importants. Malgré tous ces facteurs, le gouvernement a
décidé de procéder de manière unilatérale,
de manière urgente, de manière autoritaire et de manière
que je qualifierais d'arbitraire. C'est une attaque sans
précédent contre le principe du droit d'association et son
corollaire logique, le principe même du droit à la libre
négociation des conditions de travail par les salariés dans
quelque secteur que ce soit.
Si l'on craint que mes paroles soient trop sévères, qu'on
me permette de rappeler ce qu'ont dit en commission parlementaire les
porte-parole les plus autorisés des travailleurs syndiqués du
Québec. En particulier, M. Louis Laberge, le président de la
Fédération des travailleurs du Québec, a
déclaré publiquement et avec beaucoup de force que ce projet de
loi était la mesure la plus odieuse, la plus abjecte, la plus dangereuse
et la plus rétrograde qu'il lui ait été donné de
voir en 30 années de vie syndicale.
Le nouveau président de la CSN, M. Donatien Corriveau - à
qui je rends hommage, parce qu'il est venu témoigner devant la
commission comme un homme sensé et responsable; il n'y avait aucune
démagogie dans les propos que cet homme est venu nous tenir - a
porté lui aussi un jugement très sévère sur le
projet gouvernemental. Nous avons entendu un jugement également
sévère et dur de la part du président de la Centrale de
l'enseignement du Québec, M. Gaulin, et de la part du président
du Syndicat des fonctionnaires du gouvernement du Québec, M.
Harguindeguy.
C'est une attaque, encore une fois, sans précédent. C'est
la négation du droit à la libre négociation des conditions
de travail par un groupe extrêmement important, le salarié de
notre société. En commission parlementaire, le ministre, avec qui
nous avons eu des échanges très substantiels, très
ordonnés, très cordiaux même à certains moments,
quoique les divergences soient demeurées profondes et inconciliables du
début à la fin, en commission parlementaire, le ministre a
laissé tomber des propos que je ne puis m'empêcher de relever. Il
a dit: Au fond, l'Opposition et le gouvernement sont d'accord sur la substance;
ce sont des questions de forme qui nous séparent. Je tiens à me
dissocier totalement et très catégoriquement de cette distinction
que je qualifierais d'inacceptable. C'est un principe de fond qui est
impliqué ici. Ce n'est pas uniquement une question de forme. Je me
rappelle quand nous discutions les
amendements constitutionnels, en février dernier. Moi-même,
comme chef de l'Opposition, je me suis opposé à la manière
unilatérale de procéder du gouvernement fédéral et
j'ai entendu plusieurs porte-parole fédéraux dire à
l'époque: II n'y a pas de problème, le chef de l'Opposition
à Québec est d'accord sur le fond. C'est simplement un
désaccord de forme. J'ai insisté pour dire à ce
moment-là que le processus lui-même impliquait des principes
fondamentaux auxquels nous ne pouvions pas demeurer indifférents et
auxquels nous ne pouvions, par conséquent, renoncer.
Dans ce cas-ci, je dis au ministre que c'est un principe fondamental qui
est violé directement, ouvertement, je dirais même inconsciemment
par le gouvernement. J'ajoute à l'intention du ministre que s'il avait
été là quand nous avons fait des luttes qui ont abouti
à la libéralisation de nos lois du travail, au début des
années 60, - il était encore très jeune à ce
moment-là - s'il avait été présent quand nous avons
tenu ces débats sur la place publique, d'autres dans ce Parlement,
d'autres dans les journaux, d'autres dans les organisations volontaires de
toutes sortes, il ne parlerait pas comme cela, parce qu'à ce
moment-là, quand nous réclamions la libéralisation des
droits du travail, nous étions convaincus que nous traitions d'un
problème de substance, que nous traitions du contenu même du genre
de société démocratique dans laquelle nous voulions vivre.
Si ces questions devaient devenir, pour le gouvernement actuel, des pures
questions de forme, je serais très inquiet. J'ose espérer qu'en
s'exprimant de cette manière le ministre, président du Conseil du
trésor, a laissé tomber des propos qui dépassaient
largement sa pensée, ainsi que celle de ses collègues du
gouvernement.
Deuxième point. Il est souvent arrivé, au cours des
derniers mois, à l'occasion de cette crise économique que nous
connaissons et dont je dirai un petit mot tantôt, que des employeurs, mal
pris par les effets de cette situation économique extrêmement
corsée, se soient sentis obligés de remettre en question les
engagements auxquels ils avaient consenti sous la signature de leurs
représentants attitrés. L'adjoint parlementaire du ministre du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, le
député de Prévost, évoquait dans cette Chambre, il
y a déjà quelque temps, le cas de la compagnie Ford, aux
États-Unis, qui avait demandé à ses syndicats d'être
déliée de ses engagements contractuels. On pourrait citer le cas
de General Motors, le cas de Chrysler également et d'un bon nombre
d'autres compagnies.
Mais ce que l'adjoint parlementaire n'a pas ajouté, ce qu'il a
oublié de mentionner et qui est capital, c'est qu'aucune de ces
entreprises qu'il a mentionnées n'aurait procédé à
des changements dans ses engagements contractuels si elle n'avait pas obtenu
l'acquiescement de la partie syndicale. C'est tellement vrai qu'au Canada c'est
curieux, parce que l'adjoint parlementaire a parlé des
États-Unis, mais il oublié de parler du Canada qui est bien plus
important pour nous autres - la compagnie Ford et la compagnie General Motors
ont demandé à leurs syndicats de rouvrir des conventions
collectives qu'elles avaient signées en bonne et due forme et, les
syndicats ayant refusé, ces compagnies ont reconnu qu'il ne leur
était pas loisible de rouvrir unilatéralement les conventions
collectives.
C'est la première fois, à ma connaissance, qu'un employeur
de l'importance du gouvernement du Québec décide, de son propre
chef, seul, de procéder de cette manière. J'assure le ministre
que le mécontentement profond créé par cette mesure ne
fait que commencer à se manifester. Je pense que le gouvernement vit
encore sous l'effet d'un certain engourdissement créé dans
l'opinion publique par le fait que la mesure ne prendra effet qu'à
compter du 1er janvier 1983. Je veux vous assurer, M. le Président, que
ce que le gouvernement fait en reniant sa signature, en refusant d'honorer ses
engagements, en procédant de manière jésuitique, de
manière sibylline, de manière subreptice pour faire, à
compter du 1er janvier 1983, ce qu'il n'était absolument pas
autorisé à faire avant le 31 décembre 1982, c'est une
procédure qui est absolument déplorable. C'est une
procédure qui contribue à mettre en doute la
crédibilité du gouvernement, la crédibilité de nos
institutions politiques et la crédibilité de n'importe quelle
signature qui pourra émaner à l'avenir de ces gens du
gouvernement. Comment pourra-t-on prendre au sérieux à l'avenir
leur signature quand on se souviendra que, dans une affaire aussi importante,
ils ont décidé de l'envoyer promener en se servant, encore une
fois, de la majorité dont ils jouissent dans cette Chambre pour faire
des choses qu'ils auraient été les premiers à condamner
vivement, à reprocher sévèrement à d'autres, si
elles avaient été faites du temps où ils étaient
dans l'Opposition? Ils ont fait énormément d'agitation sociale
quand ils étaient dans l'Opposition, pour des motifs infiniment
inférieurs à ceux qui justifient les opposants à cette
mesure législative de la combattre avec vigueur.
Avec le projet de loi no 70 et le projet de loi no 68, le gouvernement
va chercher dans la poche des employés des secteurs public et parapublic
800 000 000 $, au bas mot, M. le Président: à peu près 521
000 000 $ avec le projet de loi no 70 qui affecte immédiatement les
salariés syndiqués des secteurs public et parapublic, 150 000 000
$ avec le projet de loi no 68
qui touche les régimes de retraite et au moins 50 000 000 $ du
côté des cadres non syndiqués qui seront frappés par
un gel complet à partir du mois prochain.
C'est une mesure qui entraîne des réductions salariales
pendant les trois premiers mois de 1983 pour les employés
syndiqués des secteurs public et parapublic, non pas de 18,8%, comme l'a
dit vertueusement le président du Conseil du trésor dans son
discours de présentation, mais d'environ 22%. Nous avons fait les
calculs ensemble et je pense que le ministre en a convenu avec nous lors des
travaux en commission parlementaire. En tout, c'est 22% de réduction que
les employés syndiqués des secteurs public et parapublic se
verront imposer pendant les trois premiers mois de 1983 sans savoir ce qui les
attend par la suite.
Disons que c'est une mesure injuste et illégale. On prend en
otage une catégorie particulière de travailleurs, on leur impose
des sacrifices qui sont sans aucune commune mesure avec ceux exigés non
seulement des autres citoyens en général, mais même
d'autres catégories très importantes de travailleurs qui
évoluent eux aussi dans les secteurs public et parapublic, mais qui
échappent aux effets de cette mesure. Nous disons que c'est une mesure
odieuse parce que, une fois de plus, suivant une habitude qui le
caractérise et dont nous avons eu d'autres exemples dans cette Chambre
pas plus tard qu'aujourd'hui, le gouvernement exploite un préjugé
populaire et tente de l'utiliser pour ses avantages politiques et
électoraux.
Tout le monde sait qu'il y a un préjugé très
répandu voulant que les employés des secteurs public et
parapublic soient mieux traités que les autres, soient dans une
espèce de loge dorée où ils n'ont pas de problème,
pas d'inquiétude pour l'avenir, où ils seraient beaucoup mieux
payés que les autres en retour d'un travail souvent moins
considérable, moins abondant que celui qu'on observe dans d'autres
secteurs. Il y a des questions qui se posent à ce sujet. Il ne faut pas
être aveugle, il ne faut pas se laisser aller à des jugements
faciles ni dans un sens, ni dans l'autre. Nous trouvons qu'utiliser ce genre
d'argument à ce moment-ci pour justifier des mesures qui visent une
catégorie particulière de citoyens, c'est procéder d'une
manière proprement odieuse et inadmissible.
Si le gouvernement a fait des erreurs dans le passé - nous en
parlerons tantôt - il y a des moyens de les corriger dans l'avenir, mais
on ne cherche pas à corriger ses erreurs en exploitant des
préjugés qui circulent un peu partout au sujet des soi-disant
écarts qui existeraient dans le traitement accordé aux
employés du secteur public et ceux dont jouissent les salariés
d'autres secteurs. N'oublions pas que les employés des secteurs public
et parapublic sont déjà surtaxés par le gouvernement
actuel. Comme tous leurs autres concitoyens, ils paient 18% de taxe de plus que
les salariés de l'Ontario.
Je vois le président du Conseil du trésor qui me regarde
avec étonnement. L'écart fiscal véritable entre les
citoyens du Québec et ceux de l'Ontario est de 18%, de l'aveu même
du ministre des Finances. C'est 14% selon vos formules de rapports
d'impôt et 4% de plus en redevances que vous allez chercher dans la
caisse des sociétés de la couronne, des organismes d'État,
lesquels vont chercher leurs revenus dans les goussets des contribuables sous
forme de tarifs plus élevés. Si le ministre ne veut pas me
croire, il pourra réfuter mes propos tantôt. Ce sont des chiffres
qu'on trouve dans le document annexé au discours sur le budget du
ministre des Finances présenté le 26 mai dernier. 14% si vous
regardez le fardeau direct qui échoit aux contribuables individuels et
18% si on ajoute à ce fardeau les sommes que le gouvernement va chercher
en plus dans la caisse des sociétés de la couronne.
Ces employés des secteurs public et parapublic paient par
conséquent des taxes à un niveau beaucoup plus
élevé que les citoyens des autres provinces. Ils sont
frappés durement par les conséquences de l'impéritie du
gouvernement. Le gouvernement les frappe d'une manière toute
spéciale avec le projet de loi no 70 et le projet de loi no 68 et nous
ne pouvons en aucune façon être solidaires d'une mesure aussi
arbitraire, aussi contraire à nos traditions et aussi influencée
par la situation désespérée dans laquelle, au point de vue
financier, le gouvernement s'est lui-même placé, sans que ses
fonctionnaires et ses employés aient rien à y faire. Pourquoi le
gouvernement agit-il de la sorte? Voilà la vraie question que nous
devons nous poser, M. le Président.
La cause de cette situation dans laquelle est plongé le
gouvernement, le ministre nous a dit, avec une répétition presque
inlassable, que c'est la crise économique actuelle. C'est l'argument
qu'a trouvé le gouvernement, un argument à deux volets. Nous
sommes dans une situation de crise épouvantable et, deuxièmement,
nous faisons appel à la solidarité nationale. Venez vous joindre
à nous. Nous avons absolument besoin de vous et, comme vous ne le voulez
pas, on va vous conscrire de force. Le gouvernement invoque la crise
économique. Il n'est pas le seul à être frappé par
la crise économique. Il y en a beaucoup d'autres qui sont
frappés. Les municipalités du Québec sont frappées
par la crise économique. Avez-vous entendu parler d'une seule
municipalité du Québec qui se serait présentée
à l'Assemblée nationale en demandant d'être soulagée
de ses engagements contractuels
envers ses employés? Avez-vous entendu parler du gouvernement
d'une autre province du Canada? Ils en ont des conventions collectives, en
quantité, dans les autres provinces. Ils ne fonctionnent pas de la
même manière centralisée que nous avons au Québec
par la faute surtout du ministre actuel des Finances, mais ils ont des
conventions collectives en quantité. Avez-vous entendu parler d'un seul
gouvernement d'une autre province qui aurait été obligé de
se présenter devant sa Législature en disant: Notre ministre des
Finances a négocié des conventions que nous ne sommes plus
capables d'honorer. Voulez-vous nous soulager de notre signature? Nos
employés ne veulent pas comprendre. Il n'y a aucune autre province
où le problème se soit présenté de cette
manière-là.
Le gouvernement fédéral a des problèmes
considérables dont il est largement responsable, mais est-ce que vous
l'avez vu se présenter devant le Parlement en disant: Nous avons pris
des engagements avec nos employés des Postes, avec nos employés
de Radio-Canada, avec nos postiers, avec nos employés de l'impôt
sur le revenu, et nous ne sommes plus capables de leur payer des salaires que
nous nous étions engagés à leur payer. Voulez-vous nous
dégager, par une loi spéciale, de la signature que nous avions
donnée? Nulle part, M. le Président, un employeur public
n'invoque un tel argument et, de manière très
générale, les employeurs privés que nous avons au Canada
respectent, eux aussi, intégralement, les engagements qu'ils ont pris
par voie de négociation et de convention collective.
Pourquoi le gouvernement en est-il réduit à
présenter une mesure comme celle-ci? C'est bien simple. Il a fait deux
graves erreurs ces dernières années. D'abord, il a mal
géré les finances publiques du Québec. Il les a
gérées d'une manière imprudente et imprévoyante. Je
le disais, l'autre jour, au ministre des Finances. Dans les autres provinces du
Canada, on a commencé, il y a cinq ou six ans, à réduire
les déficits, à exercer un contrôle vigilant sur les
dépenses publiques. On voyait venir la crise. Tout le monde sentait la
venue de cette crise qui s'est manifestée d'une manière beaucoup
plus virulente au cours de la dernière année. Mais les autres
gouvernements ont été prévoyants. Ce gouvernement-ci, au
lieu de faire montre de prévoyance, a laissé les déficits
s'accroître sans cesse, au point qu'il nous a endettés
collectivement de 14 000 000 000 $ de plus en l'espace de six ans. Notre dette
était à 5 000 000 000 $. Elle sera, à la fin de la
présente année budgétaire, de 18 000 000 000 $. Cela veut
dire des déficits incroyables. Nous en sommes au troisième
déficit annuel de 3 000 000 000 $. Il faut bien, quand on entre dans une
période de contraction économique encore plus marquée, que
la piqûre, l'effet de cette piqûre se manifeste quelque part. Cela
s'est manifesté dans la caisse du gouvernement qui était devenue
vide. Il était en désespoir de cause - je vais en parler
tantôt - et il s'est dit: II me reste seulement une sortie: il faut que
j'aille chercher cela dans la poche des employés des secteurs public et
parapublic qui seront sans défense à ce moment-là.
La deuxième erreur qu'a faite le gouvernement a été
de négocier, en 1979-1980, des conventions collectives extrêmement
imprudentes. D'abord, au plan des clauses normatives qui sont tellement
importantes dans leurs implications financières, vous avez, messieurs du
gouvernement, laissé aller tout le paquet en 1979. Vous avez
laissé tomber à peu près tout cela. Il y a un journaliste
qui était témoin de toutes ces négociations, M. Demers. Il
a écrit un volume récemment et il raconte qu'eux autres
mêmes, du côté syndical, étaient renversés de
la légèreté avec laquelle le négociateur en chef du
gouvernement laissait tomber toutes les clauses normatives. Il disait: On va
maintenir le statu quo sur toute la ligne. Déjà, il y avait de
ces clauses-là qui demandaient à être
révisées en profondeur. Vous les avez laissées toutes
aller. Vous avez même ajouté des élargissementes
considérables en matière de sécurité d'emploi. Vous
avez ajouté des clauses qui sont absolument indéfendables et dont
nous espérons que vous voudrez les réviser à l'occasion
des prochaines négociations. (19 h 20)
En matière salariale, c'est vous autres, du gouvernement, qui
avez concédé les clauses que le ministre et président du
Conseil du trésor veut rappeler ou racheter par le truchement de la loi
70. Ce n'est pas venu du ciel, ce n'est pas tombé des nues, ces
obligations qui incombent au gouvernement aujourd'hui, c'est lui-même qui
les a contractées. Aujourd'hui, il voudrait créer une
atmosphère, par sa propagande et ses propos, qui en ferait reposer tout
le blâme sur les employés des secteurs public et parapublic, nous
refusons fermement ce genre d'exercice. À cause de son
imprévoyance, le gouvernement s'est placé dans une situation
telle que tous les robinets sont bouchés. Il voudrait recourir à
l'emprunt, et ici, je vais corriger une fausse impression qui a
été créée par plusieurs porte-parole
gouvernementaux.
On nous dit: Vous affirmez que nous ne pouvons plus emprunter. Ce n'est
pas nous qui l'affirmons, c'est le ministre des Finances, c'est le premier
ministre, c'est le président du Conseil du trésor, c'est vous
autres qui avez dit que vous n'êtes plus capables d'emprunter
au-delà de 3 000 000 000 $. Nous n'y pouvons rien,
nous ne sommes pas des magiciens des finances publiques, c'est vous
autres qui l'avez admis en toutes lettres. Vous avez mené toute votre
campagne pour le projet de loi no 70 sur ce thème. Vous nous avez dit:
On ne peut pas taxer davantage. Ce n'est pas a nous de vous le dire, c'est vous
autres qui l'avez dit.
Vous nous dites: Troisièmement, nous avons fait des compressions
budgétaires, mais nous ne pouvons pas aller plus loin. Vous nous posez
souvent cette question: Qu'est-ce que vous auriez fait, à notre place?
Comment agiriez-vous, si vous étiez à notre place? Si nous avions
été à la place du gouvernement, nous aurions d'abord fait
marcher l'économie d'une manière tout à fait
différente de celle qu'a employée ce gouvernement. Au lieu de
décourager les entrepreneurs, au lieu de nous réjouir quand des
entreprises quittaient le Québec, au lieu de créer des conditions
vraiment de nature à "désinciter" ceux qui veulent investir, nous
aurions essayé, par tous les moyens, d'encourager ceux qui sont capables
de procurer des emplois et de faire marcher l'économie.
Nous aurions fait l'économie de querelles stériles,
inutiles et coûteuses avec le gouvernement fédéral, qui ont
privé le Québec d'une participation légitime à bien
des programmes qui auraient permis de renforcer l'activité dans
plusieurs secteurs de notre économie. Nous aurions gardé les
déficits à un niveau beaucoup plus raisonnable, nous aurions
évité de porter l'endettement public à ce niveau qui est
devenu incontrôlable. Je le disais l'autre jour au ministre des Finances,
si seulement le rapport entre la dette publique et les dépenses du
gouvernement était demeuré du même ordre - si le
pourcentage était demeuré le même - que ce qu'il
était en 1976... Personne ne vous dira sérieusement que la dette
du Québec aurait dû rester à 5 000 000 000 $. Non, il
était normal qu'elle augmente, mais elle aurait dû, selon nous,
augmenter dans les mêmes proportions que les dépenses ont
augmenté de façon que le rapport entre ce que vous
dépensez et ce que vous allez chercher sous forme de revenus et
l'endettement que vous encourez soit demeuré sous contrôle
raisonnable.
Si la dette était demeurée dans le même rapport,
comparativement aux dépenses où elle était en 1976,
savez-vous de quelle marge de liquidité additionnelle le gouvernement
aurait disposé en 1982-1983? 1 000 000 000 $ au bas mot. Cela vous
aurait évité l'obligation d'aller voler aux employés des
secteurs public et parapublic les sommes que vous allez extraire par le
truchement des projets de loi nos 68 et 70. Nous aurions été en
mesure, avec ce genre de gestion, de présenter au public
québécois, pour l'année 1982-1983, une équation
budgétaire entièrement différente, des revenus d'une
nature différente, des dépenses d'un volume différent, un
déficit d'un volume beaucoup moins élevé. Cela nous aurait
permis d'envisager le renouvellement des conventions collectives, à
compter de 1983, dans des conditions infiniment meilleures à la fois
pour le gouvernement employeur et pour les travailleurs syndiqués que
celles qui se dessinent dans le sillage des lois 68 et 70 dont vous devrez
porter longtemps la responsabilité aux yeux des travailleurs.
Vous nous avez dit souvent en cours de route - je tiens à y
revenir, parce que cela a été un de vos leitmotivs en cours de
discussion - qu'est-ce que vous auriez fait à notre place? Avez-vous des
suggestions positives a présenter? Nous en avons présenté
à plusieurs reprises, je vais les rappeler brièvement. Pour faire
mentir ceux qui disent que nous n'en avons jamais présenté, je
vais m'inspirer du discours que j'ai fait en deuxième lecture pour
rappeler ces choses.
Premièrement, comme gouvernement, nous aurions respecté
notre signature intégralement. Avant de donner notre signature, nous en
aurions mesuré davantage les implications, mais, une fois donnée,
nous l'aurions respectée intégralement.
Deuxièmement, nous n'aurions jamais envisagé de faire
indirectement ce que nous ne pouvons faire directement, ce que nous nous
serions engagés à ne pas faire directement sous la signature de
tout un gouvernement. Troisièmement, nous aurions affirmé
beaucoup plus tôt et beaucoup plus clairement que le gouvernement actuel
ne l'a fait le principe d'une parité raisonnable, en matière de
rémunération, entre le secteur public et le secteur
privé.
De l'aveu même du gouvernement, la source du problème
auquel on prétend trouver une solution par la loi 70, ce sont les
salaires trop élevés qu'aurait donnés ce gouvernement dans
ses conventions de 1979-1980; autrement, il ne viendrait pas rechercher cet
argent, il l'admet lui-même. Nous autres, nous affirmons depuis
déjà au moins deux ou trois ans qu'il faut aller vers la
parité raisonnable entre le secteur public et le secteur privé.
Vous vous êtes toujours vanté, parce que vous aviez bien des
appuis électoraux dans ce milieu, que vous étiez capables de
faire mieux, que le secteur public devait être la locomotive qui
véhiculait tout le reste, qui donnait son "impetus", son élan
à tout le reste. On paie pour aujourd'hui, tous ensemble. Nous le disons
clairement.
Quatrièmement, nous proposons que soient établis dans les
plus brefs délais des mécanismes institutionnels impartiaux pour
la cueillette et l'interprétation des données. Tout ceci se fait
sur la base de données qui ont été recueillies et
interprétées
unilatéralement par le gouvernement. On vous dit: C'est
effrayant, vous êtes payés beaucoup plus que dans le secteur
privé. II faut aller chercher cela dans vos poches. Savez-vous que, sur
les 350 000 employés des secteurs public et parapublic, il y en a
à peine 90 000 ou 100 000 au maximum qui occupent des emplois
comparables à ceux qu'on trouve dans le secteur privé. Les autres
ne sont même pas comparables.
Comment pouvez-vous fonder tout un projet de loi sur une affirmation
comme celle-là? Nous vous disons que c'est un domaine où il
faudrait absolument - vous avez eu six ans pour le faire et vous ne l'avez
point fait encore - que nous ayons un mécanisme impartial de cueillette
et d'interprétation des données. Il faudrait au moins que les
données, les chiffres soient les mêmes pour tout le monde, qu'ils
soient communément acceptés, qu'ils soient établis par une
autorité impartiale sur laquelle les deux parties pourraient exercer un
droit de regard, un droit de surveillance quelconque, mais qui, en fin de
compte, pourrait dire: La vérité, c'est ceci. Ce ne serait pas
uniquement la vérité du gouvernement, ni celle des syndicats,
mais une vérité impartiale. En matière de chiffres et de
rémunération, ce sont des choses qu'il est possible
d'établir.
Nous vous avons dit, en cinquième lieu, que vous devriez vous
préparer dès maintenant à présenter, en vue de
l'année 1983 et des années subséquentes, des propositions
salariales en bonne et due forme sur la table. Nous ne les avons pas encore,
ces propositions. Nous n'avons même pas l'ABC d'une politique salariale
du gouvernement. C'était le temps. Jusqu'au mois de décembre,
c'est en plein la période où le gouvernement aurait dû
déposer sur la table ses propositions salariales en vue de
l'année 1983.
Le député de Joliette me regarde, il connaît cela,
la négociation collective, il sait que c'est comme cela que cela se
fait. Il sait qu'actuellement le gouvernement est dans une voie dont il n'a
jamais vu l'équivalent quand il négociait du côté
syndical. C'était cela, la procédure à suivre. Si vous
n'êtes pas capables de donner d'augmentation en 1983, si vous
n'êtes plus capables de donner l'indexation, de donner la prime
d'enrichissement et de tenir compte de tous les autres facteurs, si vous
n'êtes plus capables de tenir compte des avancements d'échelon,
nous vous le disons: Déposez franchement vos propositions sur la table,
vous avez jusqu'au mois de janvier pour le faire. Par conséquent, vous
n'aviez aucune raison valable de procéder de manière
unilatérale et aussi arbitraire à un stade aussi
prématuré dans le déroulement du processus dont nous avons
parlé tantôt. (19 h 30)
Enfin, nous vous disions: Définissez donc les
éléments d'une véritable politique salariale. Ce n'est pas
tout de dire: II faut se baser sur le secteur privé, ce n'est pas
suffisant pour définir une politique salariale humaine, sérieuse,
responsable et complète. Jamais nous n'avons entendu de la part du
gouvernement - cela fait six ans qu'il gère les affaires du
Québec - jamais nous n'avons entendu un exposé de politique
salariale sérieux. II y a d'autres suggestions que nous avons faites
également. Je pense que j'en ai présenté assez pour
montrer que l'attitude de l'Opposition est une attitude foncièrement
positive dans ce débat.
Je recevais cet après-midi même, du président d'une
des centrales syndicales les plus importantes, un appel
téléphonique dans lequel il me demandait où nous en
étions rendus dans l'étude du projet de loi. Il n'avait pas suivi
l'affaire de près; il a été pris par d'autres obligations,
je le comprends. Il me demandait où cela en était rendu et s'il y
avait encore quelque espoir d'éviter qu'un projet aussi odieux pour la
tradition des relations du travail au Québec soit adopté par la
majorité de l'Assemblée nationale. Je lui ai dit qu'il pouvait
compter jusqu'au bout sur l'attitude franche, sur la fidélité
à ses principes de l'Opposition libérale. Je lui ai dit que
jusqu'à la dernière minute, nous essaierions de convaincre le
ministre et ses collègues que ce serait infiniment
préférable de mettre ce projet de loi de côté et
d'aller négocier au cours des prochains mois, quitte à nous
revenir à la fin de l'année avec des propositions en bonne et due
forme du gouvernement, à défaut d'entente avec l'autre. Je lui ai
dit qu'il y avait très peu de motifs d'espoir, parce que le gouvernement
m'est apparu, tout au long du processus, intransigeant et intraitable.
Je vous dis, M. le Président, que c'est une très mauvaise
attitude de la part d'un employeur qui se prépare, nous dit-il, à
passer à la table de négociation. Vous vous apprêtez
à passer à la table de négociation, mais vous avez
déjà réglé, unilatéralement, les trois
quarts du problème que vous êtes censé y négocier.
Je le regrette infiniment et l'Opposition ne saurait être solidaire de
vous dans un geste aussi déplorable.
Le Vice-Président (M. Rancourt): J'attends celui qui va
demander la parole. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, il y a à peine un an,
soit précisément le 6 avril 1981, donc l'an dernier, à une
semaine des élections générales au Québec, on
pouvait lire en page éditoriale du "Financial Time" de Toronto le bilan
suivant du premier mandat du Parti québécois. Donc,
c'était en
avril de l'an passé et on lisait en page éditoriale: "En
1976, les croque-morts économiques disaient qu'un gouvernement
Lévesque ruinerait l'économie du Québec. En fait,
l'économie du Québec a connu une croissance réelle de
14,5% depuis 1976, abstraction faite de l'inflation. Cela représente
presque le double du taux de croissance de 7,7% en Ontario, la province la plus
semblable sur le plan économique."
L'éditorialiste de ce journal, peu susceptible, tous en
conviendront, d'appuyer le Parti québécois, continuait en citant
une série de données montrant que les finances publiques
québécoises avaient été gérées de
façon efficace et prudente, que le fardeau fiscal des
Québécois s'était relativement allégé par
rapport à celui des Ontariens depuis 1976.
Mais que s'est-il donc passé pour que tout à coup le ciel
tombe sur la tête de centaines, de milliers de Québécoises
et de Québécois victimes de chômage ou vainement à
la recherche d'un emploi, disparus dans la tourmente des fermetures d'usines,
des faillites ou de la récession économique? Que s'est-il donc
passé, depuis un an, pour que les finances publiques, pour que
l'État québécois lui-même soit profondément
secoué dans cette tourmente? Est-ce qu'il s'agit d'un cataclysme naturel
de l'ordre de la fatalité devant lequel tout le monde doit s'incliner?
Non, M. le Président, bien au contraire. On parle d'abondance dans cette
Assemblée et on parle avec raison de tous ceux et celles, patrons comme
employés, qui sont victimes de cette crise. La réalité est
certainement qu'au Québec, nous en sommes collectivement
affectés. Nous parlons peu de ceux qui en profitent, sans doute parce
qu'il y en a peu des nôtres. Cependant, il faut se rappeler que
ceux-là existent grassement aussi.
Le ministre des Finances disait, il y a quelque temps, que ce qui se
passait à l'échelle de l'économie était une
gigantesque redistribution des revenus des salariés au profit des gens
propriétaires de capitaux. On assiste, en définitive, dans
l'économie québécoise comme dans l'ensemble des
économies des pays industrialisés, à un vaste
redéploiement de l'économie privée qui consiste à
fermer des usines pour en rentabiliser d'autres, à introduire des
changements technologiques considérables pour augmenter la
productivité, augmenter le niveau de profit, sans garantie du maintien
et encore bien moins sans aucune garantie de l'augmentation du niveau de
l'emploi.
Je crois sincèrement que nous n'avons pas les moyens, comme
Québécois, de laisser aux forces aveugles du marché
privé le soin de déterminer seul le niveau des emplois ni le
niveau des salaires qui y seront payés. Je sais bien que nous ne sommes
pas les seuls, même comme gouvernement, je sais très bien que nous
ne pouvons pas décider cela seuls; imbriqués comme nous le
sommes, à notre corps défendant, dans des politiques"
monétaires et industrielles qui sont très largement
décidées ailleurs.
Nous avons ici la chance de former une collectivité nationale
à l'échelle humaine. Le fait est que, très
fréquemment, dans nos rencontres sociales, il nous est possible de nous
rendre compte que le Québec est un grand village où souvent un
peu tout le monde se connaît. Nous pouvons, comme bien peu de
sociétés industrielles, faire de la concertation la pierre
d'assise de notre développement économique. Nous avons les moyens
de convaincre plutôt que de contraindre, de persuader plutôt que
d'imposer. Quant à moi, je pense que pour ce faire, nous devons
très clairement envisager le syndicalisme comme un agent dynamique de
transformation sociale. Nous devons accréditer le processus de la libre
négociation dans le secteur public et élargir la syndicalisation
dans le secteur privé comme des éléments fondamentaux du
progrès social et du progrès économique dans une
société industrielle.
En fait, il suffit de regarder actuellement les salaires payés
dans le secteur privé et ceux du secteur public pour, entre autres
choses, constater qu'un pas a déjà été franchi dans
le secteur public, notamment dans la réduction des écarts entre
les salaires versés aux femmes et les salaires versés aux hommes,
par exemple pour des travaux équivalents, et également pour se
rendre compte que les réductions d'écarts ont franchi un certain
pas dans les salaires versés entre les hauts et les bas salariés.
On se rend compte que c'est dans une direction tout à fait
opposée aux salaires payés dans le secteur privé où
les écarts, depuis dix ans, ont eu tendance à s'élargir
plutôt qu'à se réduire.
J'ai la conviction profonde qu'en cette période économique
très inquiétante les Québécoises et les
Québécois qui ressentent un besoin profond de solidarité
n'aspirent pas à l'égalité dans la malchance pour les
travailleuses et les travailleurs du secteur public, mais aspirent plutôt
à une politique de solidarité nationale ayant pour objectif
premier la création d'emplois et la lutte aux inégalités.
Évidemment, on s'attend que cette politique de solidarité
nationale soit largement soutenue, avec un échéancier de
réalisation et avec un mode de financement équitable, par
l'ensemble des travailleuses et des travailleurs du secteur public et
parapublic.
Le projet de loi no 70 qu'on discute présentement à
l'Assemblée n'empêche pas -et je le sais bien - la poursuite des
négociations avec les employés de l'État, mais il faut
quand même convenir que la porte des négociations qui est
entrouverte et
qui demeure entrouverte l'est dans un climat d'échec
appréhendé puisque le projet de loi se veut une mesure
préventive en cas d'échec. J'ai eu l'occasion de faire part des
réserves que j'avais à l'égard de ce projet de loi au
conseil national du Parti québécois. Mon point de vue n'a pas
été retenu. Je peux dire d'ailleurs qu'il n'a pas
été largement partagé, loin de là, et j'en
conviens. J'entends ne pas me dissocier de la décision du conseil
national, ni, cependant, voter en désaccord avec moi-même. Aussi,
vais-je m'abstenir lors du vote sur le projet de loi no 70. (19 h 40)
M. Polak: Cela commence à craquer là-bas.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Papineau. S'il vous plaît! M. le
député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. Avec le projet de loi no
70, nous sommes encore une fois en face d'une loi spéciale. Les
péquistes sont devenus des spécialistes des lois
spéciales. Déjà, durant les quatre mois où j'ai
été ici, j'ai vu deux lois de retour au travail; on a ici la loi
no 70 que j'appelle une loi de coupure de salaires et on trouve une nouvelle
terminologie péquiste: le document sessionnel. Ils ont produit un projet
de loi avec le document sessionnel qui contient toutes les conditions
concernant les salaires. Quand le ministre des Finances veut imposer une taxe
aux banques, on procède par décret. Quand le ministre de la
Justice veut imposer un ticket modérateur sur le dos des pauvres, on
procède par règlement. Quand on veut une fusion forcée de
deux municipalités Baie-Comeau et Hauterive, on se sert de la
majorité pour écraser ceux qui voient dans cette loi, à
juste titre, une mesure antidémocratique. Donc, une loi spéciale
ce n'est presque plus spécial parce que l'exception est presque devenue
la règle.
Savez-vous que j'étais à la commission quand on a
étudié en détail ce projet de loi no 70? Je me rappelle
très bien que je demandais au ministre, président du Conseil du
trésor, de prendre l'exemple d'un fonctionnaire qui gagne un salaire,
disons, moyen d'à peu près 20 000 $, 21 000 $. Qu'est-ce qui
arrive à ce fonctionnaire-là? Parce que, savez-vous, ces
fonctionnaires encore aujourd'hui ont l'impression que, dans la période
du 1er janvier 1983 jusqu'au 31 mars 1983, ils vont subir une baisse de salaire
de 18,8%. Mais ce n'est pas vrai parce que la vraie réduction est de
21,2%. On a fait la démonstration et je vais vous donner rapidement les
chiffres tirés de l'exemple. Un fonctionnaire qui gagne aujourd'hui,
à la fin du mois de juin, 840 $ va recevoir le 1er juillet une
augmentation à 926 $; ensuite, à la fin de décembre, il va
monter à 953 $ pour ce que le ministre appelle une seconde entre le 31
décembre et le 1er janvier, pour ensuite retomber le 1er janvier
à 751 $. J'ai demandé au ministre, parce qu'il se promène
toujours avec sa petite calculatrice en main. Voulez-vous faire le calcul? Il a
dit: Oui, si vous le calculez comme ça, c'est vrai, ce n'est pas 18,8%,
c'est 21,2% de moins pendant trois mois. C'est mieux que les fonctionnaires le
sachent et, quand le ministre enverra la prochaine fois un petit
dépliant aux fonctionnaires pour expliquer la politique du gouvernement,
qu'il soit donc honnête avec ses chiffres!
Deuxième point, on a parlé de la productivité dans
les secteurs public et parapublic. On a eu le rapport Bisaillon; ça,
c'était avant que Bisaillon devienne un candidat indépendant ou
un député indépendant. Tout de même, il y avait de
très bons points dans ce rapport. On a parlé du facteur de la
productivité. Comment croyez-vous qu'on aura de la productivité
de ces fonctionnaires qui, le 1er janvier, vont recevoir une coupure de salaire
de 21,2%? Ça, on n'en parle pas. On a demandé à la
commission parlementaire: Qu'est-ce qui arrive au point de vue des institutions
d'enseignement privées? Savez-vous ce que le ministre a répondu?
Bien, dans ce domaine, on coupe simplement des subventions. Qu'ils s'arrangent
avec leurs problèmes! J'ai dit: Mais, il y a les enseignants qui ont des
contrats sous signature privée avec une école privée. Ils
ont un contrat, ils vont dire à leur employeur: Tu ne peux pas couper
mon salaire, j'ai un contrat, je vais te poursuivre. J'ai demandé au
ministre: Voulez-vous amender ce projet de loi pour au moins donner la
possibilité à l'employeur...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne, s'il vous plaît, je vais demander
à nouveau la collaboration de cette Assemblée pour me permettre
justement, comme je l'ai dit à plusieurs occasions, au moins d'entendre
le député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, je suis content de savoir que
vous voulez m'entendre parce que je pense qu'avec les autres, surtout le
président du Conseil du trésor, je ne réussis pas.
À un moment donné, en commission parlementaire, quand il ne veut
plus rien écouter, il se penche comme cela en arrière et il
n'écoute plus. Je continue à parler parce qu'on a toujours
espoir, jusqu'à la dernière minute. On a demandé, pour les
institutions d'enseignement privées, de donner le pouvoir à
l'employeur d'intervenir dans les contrats. Il dit: Cela ce n'est pas mon
problème, qu'ils s'arrangent avec leur problème, ils auraient
dû être syndiqués.
Évidemment, comme le chef de notre parti a expliqué, je
n'ai pas besoin d'aller dans les détails, on a des raisons très
sérieuses d'être contre ce projet de loi parce qu'il s'agit d'une
manière unilatérale d'agir, d'une manière de jouer avec
les dates. Tout va bien jusqu'au 31 décembre 1982 et là le
fonctionnaire reçoit ce qu'on appelle le cadeau Bérubé
pour l'année 1983. Il se réveillera le 1er janvier et il aura un
mal de tête, non pas parce qu'il aura trop bu le 31 décembre mais
parce que son chèque de paie va être coupé.
Je sais qu'il y en a d'autres qui veulent parler. Je suis curieux
d'entendre le député de Sainte-Marie qui va parler apparemment ce
soir. Comme j'écoute le ministre, j'écoute les
représentants de notre formation politique, je vais écouter le
représentant d'une nouvelle formation politique, quoique cela ne
m'impressionne pas parce que vraiment il est resté péquiste; il
sera toujours péquiste, il est séparatiste et peut-être que
le gouvernement est bien content qu'il va jouer un peu le rôle de
l'Opposition et critiquer le gaspillage de fonds.
Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Joliette et whip du gouvernement.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, nous venons à peine
d'entendre, avant les quelques mots du député de Sainte-Anne et
de la députée de Maisonneuve, le chef de l'Opposition et c'est
à partir de ses paroles que je voudrais commencer mon bref
exposé.
J'écoutais le chef de l'Opposition, dans ses envolées
habituelles, dire avec beaucoup d'énergie: Si nous étions au
pouvoir nous aurions, nous, sans doute gardé des services identiques.
Nous n'aurions sans doute nullement augmenté les déficits. Nous
n'aurions sûrement pas augmenté les impôts mais nous aurions
relancé l'économie. Je me suis dit, il va ajouter autre chose. De
fait il a ajouté: Nous n'aurions pas augmenté plus ailleurs
à l'étranger. Là je me suis dit: II a un don ce gars, il
va chercher l'argent je ne sais où, ou bien il y a quelque chose qui se
passe, il a des sources sûrement miraculeuses d'impression
monétaire.
M. Brassard: ...
M. Chevrette: Cela me fait déjà penser à de
vieux politiciens - vous avez raison mon collègue de Lac-Saint-Jean -
qui parlaient pratiquement d'impression de dollars. Mais plus je
l'écoutais, plus je me disais: Combien d'incohérences, combien de
fausses alliances à très court terme. Le Parti libéral
du
Québec se faisant le défenseur des travailleurs du secteur
public, si cela ne me fait pas rire personnellement! Le défenseur des
fonctionnaires du Québec! Les enseignants du Québec, les
professionnels du Québec, le Parti libéral! Je me suis dit que
peut-être il ne fait pas de farce et qu'il est sérieux mais
après avoir réfléchi il a complètement raison de
s'en faire le défenseur. Mais, de là, par exemple, à nous
faire porter l'odieux de la situation, on va s'en parler pendant quelques
minutes.
Qui, pendant six ans, a augmenté le nombre de fonctionnaires
d'une façon tout à fait désordonnée, prohibitive et
exagérée? 104 000 nouveaux fonctionnaires en six ans, 104 000,
alors que, sous le gouvernement péquiste, 980 nouveaux fonctionnaires en
six ans. Avec une sécurité d'emploi à toute
épreuve, voilà sans doute une des raisons qui font en sorte qu'on
a un problème budgétaire. C'est vrai, mais où est la
cause? Ne le dites pas, de grâce ne le dites pas! Ce n'est pas vous
autres, voyons! Voyons! Le président de l'Office des autoroutes, un
député battu, vos organisateurs, tout le monde pullulait, on
devenait fonctionnaire comme on devient un simple "moppologiste". Il s'agissait
d'être libéral, cela était clair. M. le Président,
je n'en reviens pas. Je n'en reviens pas qu'on soit tout à fait
inconscient dans une telle crise économique dans une formation dite
libérale qui se soucie du bien des gagne-petit. (19 h 50)
Imaginez-vous que des travailleurs au Québec, il n'y en a pas
uniquement dans la fonction publique! Il y a 67, 68, 69, peut-être 70% de
la main-d'oeuvre au Québec qui n'est pas dans le secteur public, qui n'a
même pas de syndicat, qui n'a même pas de sécurité
d'emploi, qui n'a même pas une clause d'indexation face à
l'augmentation du coût de la vie. Et vous allez nous reprocher, du jour
au lendemain, d'avoir une pensée plus collective, plus globale, de nous
préoccuper aussi des 66% qui sont à peine au salaire minimum? Je
m'excuse, vous pourrez nous reprocher de ne pas avoir de préjugés
favorables envers les travailleurs, malgré qu'on l'ait dit en 1976, mais
je peux vous prouver facilement le contraire.
Depuis 1976, nous avons adopté des lois dans cette Chambre qui
ont permis à des groupes de salariés complètement
démunis en termes d'organisation, tout d'abord, de se structurer; au
lieu de demander une accréditation à 50%, on peut le faire
maintenant avec 35% des employés dans une usine. Nous avons
adopté une loi antiscabs. C'est une chose que vous n'avez jamais
osé faire même si un député de l'Opposition,
à l'époque, Robert Burns, avait présenté cela comme
membre de l'Opposition. Nous avons voté des lois, les normes du travail
pour nous préoccuper du gagne-petit. Qui a adopté
cette loi pour protéger nos gens gui n'ont aucune protection
d'aucune nature? Qui s'est occupé de la sécurité du
revenu, du supplément de revenu, de l'allocation de maternité, de
la baisse des impôts consécutive qu'on a fait et de la
responsabilisation des travailleurs dans le domaine de l'établissement
des services essentiels? Qui a augmenté à trois reprises le
salaire minimum? Quelle formation politique? Le Parti libéral? Mon oeil;
Le temps que vous avez été là, vous avez monté et
bâti des éléphants blancs qui ont coûté trois
fois le prix que cela valait. Exemple, le chantier olympique.
On pourrait continuer et parler du bon d'emploi pour nos jeunes, parler
de l'assurance automobile où nos petits salariés se faisaient
littéralement exploiter et parler expressément de ce qu'on a fait
en fonction du gagne-petit. Moi, quand on vient me dire aujourd'hui: Tu es un
traître parce que tu trahis ceux avec lesquels tu as travaillé
dans la fonction publique... En état de crise, quand on vit en famille,
quand on vit dans une collectivité, quand on vit en communauté,
je m'excuse, mais on donne un peu de notre lait quand on en a un plein verre et
qu'un autre n'en a pas à côté. C'est cela la loi.
Le chef du Parti libéral du Québec, avec des élans
de sainteté, s'en vient nous dire qu'on a signé des conventions
désordonnées. Mon oeil encore, M. le Président! Sous le
régime libéral, 4% de croissance, 4% d'enrichissement chaque
année de convention collective. Sous le régime péquiste,
0,4%. Ce n'est pas cela qu'on a fait. Ce n'est pas cela qu'on a fait lorsqu'on
a signé nos conventions. On a été très raisonnable,
mais on n'est pas le bon Dieu en taxi, comme on dit par chez nous. On ne peut
pas prévoir des crises économiques. Quand on vit une crise et
qu'on a une conscience sociale vraiment ouverte et collective, on demande
à tout le monde de mettre la main à la pâte et on dit
à ceux qui sont les mieux nantis: Aidez-nous donc, venez donc vous
écraser à une table. Négocions donc ensemble un peu, un
tant soi peu, pour permettre à ceux qui dans notre collectivité,
ont de la difficulté, de mieux respirer. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Les éclats de
voix du député de Joliette ne masqueront pas la
réalité qui nous oblige à rester ici ce soir, M. le
Président, et à passer l'heure du souper à écouter
et à essayer de faire comprendre au gouvernement une chose qui est
claire à tout le monde.
C'est que, quand ce gouvernement prétend avoir un
préjugé favorable pour quelque chose ou quelqu'un,
méfiez-vous, faites bien attention, parce qu'il va se passer quelque
chose que vous n'aimerez pas. Faites attention s'il a le malheur de prononcer
les mots "préjugé favorable" pour vous, il s'en vient quelque
chose que vous n'aimerez pas. Garez-vous quand le gouvernement nous dit qu'il a
un préjugé favorable pour l'autonomie municipale,
méfiez-vous, parce qu'il y a un projet de loi no 37 qui s'en vient.
C'est cela, le préjugé favorable, méfiez-vous, cela
s'appelle le projet de loi no 37 en faveur des municipalités.
Quand le gouvernement nous dit qu'il a un préjugé
favorable en faveur des économiquement faibles, méfiez-vous, vous
qui l'êtes ou qui le serez, parce qu'il s'en vient un projet de loi
où on aura ce qu'on appelle, avec beaucoup de modestie, avec beaucoup de
pudeur, un ticket modérateur, ce qui est une taxe sur l'accès
à la justice, méfiez-vous, vous qui allez
bénéficier du préjugé favorable en faveur des
économiquement défavorisés, parce que c'est cela le
préjugé favorable.
L'entreprise privée, qu'elle se méfie maintenant avec Le
virage technologique où on veut avantager l'entreprise privée.
Avec ce virage technologique, on vire tellement qu'on est en train de tourner
en rond et je vous annonce qu'il est à prévoir que, très
bientôt, on aura exactement ce qui s'est passé dans d'autres
domaines, c'est que le préjugé favorable annoncé dans Le
virage technologique prendra d'autres formes qui seront beaucoup plus
semblables à la nationalisation d'Asbestos, a la formation d'un
Pétro-Québec, ce sera quelque chose comme cela, le
préjugé favorable en faveur de l'entreprise privée. C'est
cela que le gouvernement nous présente. Quand le gouvernement nous a
annoncé qu'il avait un préjugé favorable pour les
syndicats et des syndiqués, qu'avons-nous aujourd'hui devant nous, M. le
Président? On a le projet de loi no 70, on a le projet de loi no 68 qui
injustement, illégalement et d'une façon totalement
unilatérale, enlèvent aux personnes qui ont négocié
de bonne foi, qui de bonne foi ont mis leur signature, leur enlèvent des
avantages qu'elles étaient allées chercher par la voie normale de
la négociation.
M. le Président, si ce n'était de parodier et de
paraphraser un geste que vous connaissez par la publicité
péquiste, je prendrais la convention des employés, je ferais cela
et je dirais: Minute, PQ, minute, PQ! Vous ne ferez pas cela à notre
convention, parce que c'est comme cela que vous agissez. Minute PQ! Cela va
faire, les gens commencent à vous voir sous vos vraies couleurs! Ce que
le président du Conseil du trésor nous annonce d'une façon
désinvolte en se disant:
Moi, j'ai tout compris et je vais vous expliquer comment cela marche.
Mais ce qu'il oublie de nous dire est plus important que ce qu'il nous dit. Ce
qu'il oublie de nous dire, c'est que, quand il prétend épargner
500 000 000 $ des fonds publics qu'il enlève injustement aux
employés, il se garde bien cependant de dire combien, sur ces 500 000
000 $ qu'il dit épargner, il en serait entré de toute
façon dans les poches et dans les coffres du gouvernement, combien il en
aurait été dépensé dans des commerces, dans des
industries qui auraient payé des impôts, qui auraient
engagé du personnel, qui auraient retardé des fermetures, qui
auraient gardé en poste des gens qui ont besoin de gagner leur vie et
qui, à cause de ces gestes unilatéraux injustifiés, se
voient dans l'obligation de quémander ce qui finalement leur est
dû.
M. le Président, on n'a tout simplement, pour juger les gens d'en
face qu'à regarder leur attitude gênée, leur attitude de
personnes prises en défaut quand ils sont obligés de se lever,
conformément aux souhaits de leurs électeurs, et de dire: Voici,
j'aurais moi aussi une petite pétition à vous présenter.
On a de la misère à entendre leurs voix, M. le Président.
On dirait qu'ils ne savent même plus lire, ils ne sont pas capables de
les lire, ils ont perdu la capacité même de lire ce qu'il y a sur
leurs feuilles. Ils sont tout gênés, M. le Président, on
est obligé d'avoir notre leader parlementaire de l'Opposition pour
inviter le président à inviter ces gens-là à se
conformer au règlement et à lire ce qui finalement provient des
gens qui nous ont amenés ici aussi bien moi que vous. Ces gens-là
ont le droit de se faire entendre à l'Assemblée nationale et de
voir leurs pétitions présentées d'une façon
équitable, qu'ils aient le bonheur ou non d'être servis par des
gens de l'Opposition ou par des gens du côté ministériel.
Tous les citoyens du Québec doivent avoir les mêmes droits. Ce
n'est parce qu'on s'adonne à être dans un comté
péquiste, c'est entendu qu'on n'est pas chanceux, mais on ne doit pas
insister, on ne doit pas rendre leur situation pire en empêchant ces gens
de se faire entendre alors que, du côté de l'Opposition, nous nous
rendons au désir de nos commettants en lisant leurs pétitions en
bonne et due forme et en faisant connaître à l'Assemblée
nationale ce qui est le but de ces pétitions, M. le Président.
(20 heures)
M. le Président, le président du Conseil du trésor
nous a expliqué, en grand administrateur qu'il est, ce qui faisait que,
dans certaines circonstances, c'était plus ou moins facile d'aller
chercher des fonds, comment on devait s'y prendre pour avoir des emprunts
à des taux plus ou moins favorables, il nous a expliqué la
disponibilité des fonds, etc., mais il y a une chose sur laquelle il ne
nous a pas donné son éclairage. Lorsque des prêteurs, M. le
Président, sont sollicités par un emprunteur pour avoir des
fonds, il y a un élément extrêmement important dont ils
doivent tenir compte: la qualité des administrateurs à la
tête de la corporation ou de la compagnie ou de l'organisme public qui
doit utiliser ces fonds.
Si le gouvernement est obligé de confesser aujourd'hui - le chef
de l'Opposition le mentionnait - qu'il est dans l'impossibilité d'aller
chercher des fonds supplémentaires dépassant 3 000 000 000 $, ce
qui est le déficit réel depuis trois ans de la province de
Québec, c'est en grande partie à cause d'un facteur difficilement
évaluable mais qui a une importance capitale, primordiale chez tous les
prêteurs qui doivent évaluer les risques auxquels ils ont à
faire face quand ils prêtent leurs fonds, leur argent, c'est la
qualité des administrateurs à qui ils vont confier leur capital
contre paiement d'intérêts.
M. le Président, ce que je dis à cette Assemblée,
c'est que la qualité des administrateurs est tellement piètre que
le plafond de 3 000 000 000 $, que le ministre des Finances reconnaît
comme étant le maximum qui peut être emprunté par la
province de Québec, est en grande partie attribuable à la
mauvaise réputation d'administrateur qu'a réussi à
acquérir en l'espace de quelques années le gouvernement
péquiste qui est au pouvoir depuis 1976.
Je pense, M. le Président, qu'un gouvernement a la
responsabilité bien nette d'administrer en donnant l'exemple. Ce qui est
particulièrement inquiétant dans la situation à laquelle
nous avons à faire face, c'est le mauvais exemple que donne le
gouvernement concernant le respect de sa signature au bas des conventions
collectives. Il faut s'interroger sur les conséquences
considérables, qu'il est difficile d'évaluer, qu'aura cette
négation de sa signature par le gouvernement péquiste. Comment
réagiront les autres compagnies, les autres employeurs, les autres
syndicats quand, à tout moment, ce gouvernement les appellera au respect
de leur signature, au respect des clauses des conventions collectives qu'ils
ont signées? Comment le gouvernement pourra-t-il répondre
à ces personnes, à ces gens qui se serviront de l'argument
suivant, M. le Président: On n'est pas pire que vous-autres.
Qu'allez-vous répondre à cela? On n'est pas pire que vous autres.
On est aussi mal pris que vous prétendiez l'être et on emploie des
solutions que vous nous avez vous-mêmes enseignées.
J'invite le gouvernement à réfléchir
là-dessus et je pense qu'en réfléchissant il se rendra
compte que les avantages à court terme qu'il prétend retirer de
la négation de sa signature sont totalement, sans proportion
et sans comparaison, contrebalancés par le coût social que
vont entraîner cette attitude et cette décision. C'est beau de
jouer aux pompiers, de jouer aux apprentis sorciers, de penser qu'on a des
solutions à tout, mais le contrôle des instruments qu'on a
ensorcelés peut nous échapper. On a des exemples nombreux dans le
passé d'attitudes comme cela et le gouvernement est en train de se
mettre dans cette situation.
Je pense que la population est en train de juger le gouvernement sur ses
actes et non pas sur ses paroles, de le juger sur ses promesses, sur ses
réalisations. Ma conviction profonde, c'est que le verdict est
absolument désastreux pour le gouvernement. Il est sans appel et,
dès que la population le pourra, elle fera savoir à ce
gouvernement que gouverner, c'est aussi respecter les autres, savoir que
lorsqu'on s'est assis à une table et qu'on a négocié de
bonne foi, comme l'autre partie l'a fait, il faut respecter cela. Je pense que
c'est une leçon fondamentale qui doit être tirée et
j'invite le gouvernement à la tirer.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: M. le Président, d'abord, au
député de Joliette qui s'est permis tout à l'heure cette
grande envolée démagogique, probablement au profit des agents qui
cherchent de nouveaux comédiens, je lirais simplement une petite
citation du ministre actuel des Finances, M. Parizeau, qui disait, il n'y a pas
si longtemps, le 19 décembre 1975. Que le Québec soit
financièrement aux abois et ait besoin d'en enlever aux uns pour en
donner à d'autres, cela est bien possible, mais alors c'est sa gestion
des affaires publiques qu'il doit défendre. S'il a tellement mal
administré qu'il doit maintenant tripoter les salaires et voler une
partie de sa main-d'oeuvre pour équilibrer ses comptes, il n'a pas de
raison d'être fier de sa performance. Je comprends bien, M. le
Président, le désir de fouetter les troupes, en quelque sorte, de
faire un petit spectacle pour permettre aux gens de dire: Voilà, on est
encore bon à quelque chose. Au moins, on peut faire de la bonne
démagogie, M. le Président, mais c'est à peu près
tout, parce que le contenu du message que nous a livré le
député de Joliette était d'un vide incroyable.
Par exemple, il a parlé de 104 000 nouveaux emplois de
fonctionnaires qui ont été créés par l'ancien
gouvernement libéral, entre 1970 et 1976. Il a oublié de
mentionner, M. le Président, quelques faits très saillants dans
ce contexte. Il a oublié de mentionner, par exemple, la mise sur pied
des cégeps durant la même époque. Il a oublié de
mentionner l'augmentation de la clientèle scolaire. Il a oublié
de mentionner la mise en oeuvre et sur place de la Régie de
l'assurance-maladie. Ce sont toutes des actions qui ont nécessité
effectivement une intervention de l'État à travers des
fonctionnaires, des employés du secteur parapublic pour des choses qui
avaient une valeur qu'on reconnaît aujourd'hui, même si,
aujourd'hui, ce même gouvernement est en train de détruire
tranquillement, petit à petit, tout ce qui a été construit
au Québec depuis les derniers douze à quinze ans.
M. le Président, sur un gouvernement qui arrive à
gouverner finalement par des lois d'exception et des lois spéciales, je
pense qu'il y a une autre citation d'un autre ministre qui fait partie de ce
gouvernement aujourd'hui, le ministre de l'Éducation, qui disait
finalement que quand on arrive à gouverner par des lois
spéciales, ce n'est qu'une preuve de l'incapacité de
prévoir, de l'incapacité de gérer, de l'incapacité
d'apporter des solutions pour guérir des choses, sans parler de
prévenir des choses.
Si le Québec se trouve aujourd'hui au point où il ne lui
reste plus de marge de manoeuvre, ni quant aux emprunts, ni quant aux taxes, et
que le gouvernement se voit obligé aujourd'hui de nous dire d'adopter
ces projets de loi no 70 et no 68, pour finalement voler - parce qu'il s'agit
d'un vol après avoir donné sa parole - ses propres
employés, ce n'est pas seulement la question des finances publiques qui
est en jeu, M. le Président, parce que, même avec ce projet de loi
no 70, le problème des finances publiques du Québec ne sera pas
résolu. On va peut-être sauver la situation pour cette
année, mais cela ne règle en rien le problème chronique
que nous avons et cela ne règle en rien le fait qu'il y a un
déficit de 3 000 000 000 $, non pas de 500 000 000 $ et que,
l'année prochaine, on sera encore au même point. À ce
moment-là, ayant vu déjà le genre d'exemple que donne le
gouvernement quand il s'agit de respecter sa signature et sa parole, qu'il met
de côté avec une légèreté incroyable, les
travailleurs et d'autres personnes de la société, d'autres
groupes sociaux pourraient bien se demander ce qui arrivera. Comme le disait
mon collègue de Louis-Hébert: Méfiez-vous. Effectivement,
dès qu'on nous dit que ce gouvernement veut protéger une certaine
partie de la population, c'est peut-être elle qui va payer
prochainement.
Le fait que le gouvernement décide de venir devant
l'Assemblée pour adopter le projet de loi no 70 et le projet de loi 68,
qui font en sorte que le gouvernement lui-même renie sa signature,
à la suite de négociations libres, la signature qu'il a
lui-même librement consentie il y a à peine deux ans et demi quand
le gouvernement et, encore une fois, le ministre des Finances nous disaient que
le gouvernement s'était
trouvé, à la fin de ces négociations, un valable
gardien des fonds publics, le fait, dis-je, que le gouvernement arrive
aujourd'hui et nous dise: Notre signature ne vaut pas grand-chose, parce qu'on
est pris, veuillez nous comprendre, que voulez-vous, cela ne veut pas dire
grand-chose. (20 h 10)
M. le Président, je pense qu'on commence a avoir là une
attitude arrogante. C'est à peu près la seule manière dont
je peux la qualifier. À peu près la seule personne que j'ai
trouvée consistante et logique avec elle-même effectivement dans
ce débat, c'est le député de Sainte-Marie. Je ne le dis
pas pour faire du capital politique, parce que je me réjouis que...
Croyez-le ou non, mais je crois que le député lui-même,
avant de poser ce geste, a dû s'interroger sur ce qu'il faisait.
Effectivement, je crois qu'il a décidé qu'il était plus
important de rester consistant et logique avec lui-même que de faire
partie de cette farce que nous avons devant nous, ce projet de loi qui met de
côté une parole d'un gouvernement face à des
employés, face à une signature donnée à la suite
d'une négociation libre.
Le député de Joliette disait: C'est drôle de voir le
Parti libéral venir à la rescousse et à la défense
des syndiqués et prétendre qu'ils sont maintenant devenus les
défenseurs des syndiqués. Je crois que ce qu'il est important de
comprendre dans ce débat, c'est que, finalement, il s'agit de devenir et
de rester un défenseur de certains principes, à un certain
moment. Si, aujourd'hui, on peut dire que le Parti libéral défend
les syndiqués dans ce dossier, c'est surtout parce que le Parti
libéral défend le principe qui part du respect d'une signature du
gouvernement, le principe de la libre négociation qui fait que, au
moins, les syndicats, avec nous, savent où ils vont. They know where
they stand, as it is said in English.
Par contre, de l'autre côté, vous avez charrié
pendant des années en nous disant que vous aviez un
préjugé favorable envers les travailleurs, en nous disant que le
secteur public devrait être la locomotive qui allait entraîner le
secteur privé dans les augmentations des conditions de travail, du
salaire, etc. Tout cela pendant que le Parti québécois cherchait
le pouvoir et qu'il cherchait à garder le pouvoir.
Une fois que le Parti québécois a eu le pouvoir pour la
deuxième fois, il ne pouvait plus cacher à la population la
situation dans laquelle il nous avait amenés. Après six ans de
gérance économique ou de désastre économique, les
masques sont effectivement tombés. Peut-être le font-ils à
contrecoeur, mais, jusqu'à maintenant, je n'ai vu personne dire que
c'était à contrecoeur; on fait appel à un sentiment de
solidarité. Le premier ministre nous dit: Voyons donc, tout le monde va
comprendre, il faut que chacun fasse sa part. Vous êtes les
défenseurs de quoi, alors? Finalement, vous êtes les
défenseurs du pouvoir que vous détenez parce que vous voulez bien
le garder et vous direz à peu près n'importe quoi pour le
maintenir. La preuve, nous l'avons devant nous: la loi 70 et la loi 68. Merci
beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, je vais répondre
immédiatement au député de Laurier. Qui
défendons-nous? Nous défendons les plus vulnérables de la
société. Dans une période économique difficile
comme celle que nous traversons, le Québec paie chèrement le prix
de sa dépendance politique et économique. Il est certainement
plus difficile d'être social-démocrate, de protéger les
plus faibles de la société, mais c'est justement la
période où on doit être véritablement
social-démocrate et où les choix sont difficiles. Québec
n'est pas la seule société à être placée dans
cette situation. C'est l'ensemble du monde occidental qui est touché par
la récession économique et par ce que ma collègue de
Maisonneuve décrivait comme une redistribution de la richesse vers les
détenteurs de capitaux.
Nous ne sommes pas la seule société et je vais vous donner
l'exemple de la société française qui, depuis un an, s'est
donné un gouvernement socialiste dont les liens sont extrêmement
étroits avec les centrales syndicales, encore plus que le
préjugé favorable que peut avoir le Parti québécois
face aux travailleurs. Pourtant, même ce pays souverain qui dispose de
tous les outils économiques, ce que le Québec n'a pas, est
obligé de prendre des mesures extraordinaires pour faire face à
la crise économique et budgétaire. Je vous donne un exemple. Le
gouvernement français se propose de couper 8 000 000 000 de francs
d'économie dans les dépenses de sécurité sociale,
dans les dépenses de maladie, l'étalement des augmentations
prévues de certaines prestations, allocations familiales, allocations au
logement.
Concernant l'inflation, le gouvernement français a le pouvoir de
bloquer les prix. Nous n'avons pas ce pouvoir, M. le Président. Le
gouvernement français peut donc bloquer les prix et les salaires. Sur le
plan des salaires, les mesures qui sont actuellement devant la
société française, proposées par un gouvernement
socialiste, consistent en un blocage général des salaires
également, sauf le salaire minimum, avec particulièrement la
suspension des clauses dans les conventions des employés du secteur
public en termes
d'augmentation de salaires et des accords d'indexation des revenus non
salariés aussi dans le secteur privé. M. le Président, je
pense que ceci démontre que toutes les sociétés doivent
prendre des mesures extraordinaires pour faire face à la crise.
Ici, au Québec, je ne voudrais pas analyser longuement les causes
de notre dépendance politique. Un dollar qui est rendu à 0,77 $,
la production nationale qui baisse, le chômage (400 000 chômeurs au
Canada dont 150 000 au Québec) créé par les politiques
monétaires du gouvernement fédéral, tout cela
démontre le coût de notre dépendance politique. Mais,
indépendamment qu'on s'entende ou non avec les gens du Parti
libéral sur les causes, on doit convenir d'une chose: comme la
société française, comme les autres
sociétés, il faut faire appel à la solidarité
nationale. Autrement, c'est la loi de la jungle à laquelle nos amis du
Parti libéral nous ont habitués pendant qu'ils étaient au
pouvoir.
Ce gouvernement-ci demande à tous les Québécois un
effort. Encore aujourd'hui, on vient de voter une loi pour geler le salaire des
médecins pour un an. Les hauts salariés vont être
gelés: les médecins et les cadres. Les cadres de la fonction
publique sont gelés pour un an. Les députés ont des
augmentations de salaires de 6% depuis trois ans et leurs salaires seront
gelés dès la prochaine occasion, de même que les
régimes de retraite.
On dit: Vous n'avez pas augmenté suffisamment les impôts
des entreprises. En cinq ans, les impôts des entreprises ont
augmenté de 179%, alors que la moyenne des revenus du gouvernement a
augmenté de 60%. Aujourd'hui, le ministre des Finances a annoncé
un impôt sur les institutions financières de façon à
financer le programme de relance de l'emploi dans l'industrie de la
construction. Ce qui est demandé aux employés du secteur public,
c'est de faire leur part comme les autres. Je pense que là-dessus on va
s'entendre facilement.
Dans le domaine de la construction, les syndiqués ont
accepté de contribuer, à même une réduction de leurs
salaires, à la création d'emplois de façon à
assurer leur propre sécurité d'emploi et à aider d'autres
salariés dans le domaine de la construction à se trouver un
emploi.
Est-ce que la solution aurait été de se mettre à
réduire des postes dans le secteur public? II y a beaucoup de gens dans
les syndicats qui ont pris cela comme du chantage. Ce n'est pas du chantage, M.
le Président. C'est la situation économique et budgétaire
qui est comme cela.
Il reste la question de l'opportunité du projet de loi no 70.
C'est cela, je pense, la véritable question qu'il faut discuter. Il n'y
a personne qui va chicaner sur le fait qu'il faut geler les hauts
salariés, qu'il faut indexer partiellement les salariés moyens et
qu'il faut indexer pleinement les bas salariés dans le secteur public.
Qu'est-ce que fait le projet de loi no 70? Il dit essentiellement: Si on ne
peut pas négocier une meilleure entente, une meilleure
répartition d'une masse salariale globale qui doit être de 500 000
000 $ de moins qu'elle était prévue pour l'année
budgétaire en cours, si on n'est pas capable de négocier quelque
chose de mieux, il y aura, en dernière alternative, une réduction
de salaires au mois de janvier.
Je vous signale, M. le Président, que l'effet de ce projet de loi
no 70 fera quand même que sur neuf mois, quand on regarde le salaire au
mois de juin de cette année par rapport au salaire en avril 1983, avec
des hauts et des bas, bien sûr, les bas salariés auront
augmenté, en moyenne, de 11,7%, les moyens salariés de 5,8% et
les hauts salariés auront vu leurs salaires gelés comme les
cadres, comme les médecins et comme les députés. (20 h
20)
M. le Président, je pense que ce projet de loi est important pour
montrer la détermination de ce gouvernement de faire en sorte que tous
les employés dans la société québécoise et
tous les Québécois fassent leur part de façon à
protéger les plus vulnérables, de façon qu'on puisse
indexer pleinement l'aide sociale et payer pour ceux qui arrivent sur l'aide
sociale justement à cause de la récession économique,
à cause du chômage.
On nous dit: Ce projet de loi no 70 n'aurait peut-être jamais
dû être présenté, cela va nuire aux
négociations. J'espère, je souhaite que cela ne soit pas le cas.
Mais on peut aussi prétendre que, si le projet de loi no 70 n'avait pas
été présenté, tout le monde s'imaginerait qu'il
n'est pas nécessaire de réduire la masse salariale de 500 000 000
$. M. le Président, au point où on en est, il n'y a pas d'autres
solutions. C'était 700 000 000 $ dont le gouvernement avait besoin en
mars, 900 000 000 $ en mai, à cause de la récession
économique qui s'accentue et qui fait boule de neige. Il suffit de lire
les journaux. Dans deux ou trois mois, cela peut être 1 200 000 000 $
avant qu'on commence à en sortir, avant qu'on crée suffisamment
d'emplois pour en sortir. S'imaginer qu'on peut aller chercher un peu d'argent
en laissant augmenter le déficit, en créant quelques taxes,
peut-être est-ce possible, mais je pense qu'un gouvernement responsable
doit se garder un certain nombre de mesures au cas où la situation
économique continuerait de se détériorer.
M. le Président, je pense qu'on peut comprendre les centrales
syndicales qui disent: Vous venez bouleverser le processus de
négociation, vous nous faites une pression indue. On a le fusil sur la
tempe, comme le
disaient les chefs syndicaux. Je pense que c'est le devoir de ce
gouvernement de leur dire que c'est l'ensemble de la société qui
a le fusil sur la tempe, actuellement, et que l'ensemble des
Québécois doit faire sa part.
J'espère que personne ne va penser, dans la
société, que ce parti, que ce gouvernement en a contre les
syndicats, voudrait toucher les syndiqués plus que les
non-syndiqués. Le propos de tous les gens de ce côté-ci de
la Chambre vise à protéger les plus vulnérables de la
société. L'attitude honnête, c'est de mettre la situation
sur la table telle qu'elle est, d'inviter les gens à laisser de
côté les questions de forme qui peuvent être importantes et
qui ne doivent pas céder le pas au fond du problème. Le fond du
problème, c'est qu'on a une crise économique qui découle
de notre dépendance politique et économique; pour en sortir, il
faut que chacun fasse sa part. Je vous remercie, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: On peut se demander, après six ans, comment
il se fait que nous qui, avant 1976, parlions de la négociation des
priorités gouvernementales, nous qui, avant 1976, parlions de la
concertation, nous qui, avant 1976, parlions de préjugé
favorable, nous nous retrouvions aujourd'hui avec un projet de loi comme celui
qui est devant nous. J'admets, au départ, que la conjoncture
économique actuelle, que les difficultés budgétaires
gouvernementales doivent amener le gouvernement à se préoccuper
de trouver les moyens d'en sortir. J'admets aussi que les moyens qu'on va
trouver doivent tenir compte du fait qu'on doit, d'abord et avant tout, se
préoccuper des plus démunis de la société. Par
ailleurs, je trouve que la façon dont on procède actuellement
vise davantage à opposer des groupes précis de la
société plutôt que de les amener justement a se
préoccuper encore plus et encore davantage des plus démunis de
notre société. La façon dont on procède peut nous
amener, à court terme et sûrement à moyen terme, à
faire en sorte que des gens qui auraient été prêts et qui
fondamentalement sont encore prêts à se préoccuper des plus
démunis, parce qu'on aura utilisé les mauvais moyens, se
détourneront peut-être des objectifs que, nous aussi, on
poursuit.
On pourrait être contre le projet de loi no 70 par principe, en
disant que cela balance toute négociation actuelle et future, que cela
rejette le principe même d'une négociation librement consentie.
Une négociation, cela suppose que chaque partie fait ses demandes, qu'on
fait du donnant donnant et qu'on en arrive, en fin de compte, à un
résultat qui convienne aux deux parties. C'est la formule traditionnelle
des négociations. On peut prétendre que la loi 70 vient
bouleverser tout le champ futur des négociations. Certains pourraient
prétendre que, quand on parlait de renouveler le mode des relations du
travail au Québec, de renouveler la façon de négocier des
gouvernements, c'était peut-être cela qu'on voulait dire. Je
prétends qu'à l'époque ce n'était pas cela du tout
qu'on voulait dire. On pourrait donc s'opposer au projet de loi no 70 par
principe, en disant que c'est un principe tellement fondamental que cela va
compromettre toute action future du gouvernement, peu importe que ce soit au
niveau des relations du travail ou à d'autres niveaux.
M. le Président, je vais me permettre de vous citer un exemple
qui nous a été servi cet après-midi, en cette Chambre, par
le biais d'une déclaration ministérielle. Vous vous souviendrez
que le ministre des Finances nous a annoncé qu'on avait
procédé à de larges négociations avec les
intervenants du milieu pour les amener à participer aux efforts
gouvernementaux, que, de façon générale, les gens avaient
admis qu'il fallait faire un effort, mais qu'un certain nombre de banques
n'avaient pas consenti à faire ces efforts que les autres, eux, avaient
consentis. En conséquence, on imposait une taxe particulière sur
les profits de ces banques à charte.
M. le Président, je voudrais bien qu'on me comprenne. Je ne veux
surtout pas dire ici qu'il ne fallait pas en arriver à cette solution.
Je voudrais, cependant, qu'on soit bien conscient qu'on fait le même
genre de négociations gouvernementales, cette fois, que le genre de
négociations que, dans le passé, on a reproché aux
centrales syndicales, une négociation d'escalade, une négociation
qui part d'un certain nombre d'acquis et qui dit: À partir du moment
où j'ai mes acquis, tant pis, tu vas embarquer dans le train. C'est
exactement ce qu'on fait. Qu'est-ce qu'elles vont dire, les mêmes
entreprises, la prochaine fois qu'on va aller négocier? Vont-elles dire:
Est-ce une négociation? Je suis aussi bien d'accepter ce qu'ils me
proposent; sans cela, ils vont m'arriver après avec une mesure qui va me
coûter plus cher, comme l'employeur gouvernemental autrefois se disait:
Je suis aussi bien de prendre les demandes qu'ils me font, parce que, si je ne
les prends pas, ils vont me faire la grève et, après la
grève, cela va me coûter plus cher. On procède exactement
de la même façon.
Ce sur quoi j'aurais été d'accord, c'est qu'on dise
à l'ensemble du mouvement financier: Vous profitez actuellement,
vous
autres, par rapport aux plus démunis, des taux
d'intérêt élevés; vous avez donc un surplus à
donner. Ce surplus, on l'impose au départ à tout le monde, mais
on ne fait pas semblant d'aller le négocier avec d'autres et, par la
suite, de se venger auprès de ceux qui n'ont pas négocié.
Il me semble qu'il y a une procédure, une façon de faire qui est
exactement celle qu'on a reprochée aux autres dans le passé. (20
h 30)
On pourrait donc être contre ce projet de loi à cause aussi
de la procédure utilisée. Par exemple, le gouvernement annonce,
à un moment donné, son intention de mettre fin de façon
unilatérale aux conventions collectives. Par la suite, il se ravise et
il dit: Non, effectivement, ce ne serait pas respecter ma parole. Donc, je ne
mettrai pas fin unilatéralement aux conventions collectives. Je vais
accorder les privilèges salariaux qui étaient prévus dans
les conventions collectives, mais je vous préviens que, le lendemain
matin, je vais aller vous chercher ces sommes.
M. le Président, aux yeux du public, on a respecté notre
parole jusqu'à la dernière journée et quand, dans les
trois mois qui suivent, on va rechercher l'argent, c'est dans le cadre d'une
nouvelle négociation. En principe, M. le Président, on pourrait
peut-être rappeler que, quand une convention collective se termine, elle
se poursuit normalement, et les mêmes clauses, les mêmes conditions
s'appliquent normalement jusqu'à la conclusion d'une nouvelle
convention. Si c'est exact, on fait donc, le lendemain de la fin de la
convention collective, la même chose qu'on s'apprêtait à
faire avant la fin de la convention collective et que, pourtant,
officiellement, on avait annoncé qu'on ne ferait plus jamais.
Il y a donc une espèce de "finassement" de "fafinage", de jeu de
stratégie qui va exactement à rencontre aussi des orientations,
il me semble, qu'on s'était données, entre nous, à un
moment donné. On pourrait être contre, parce qu'on pourrait dire
que la procédure à utiliser - compte tenu de l'analyse qu'on peut
faire, qu'effectivement un bon nombre de travailleurs des secteurs parapublic
et public sont conscients qu'eux aussi, ils ont quelque chose à faire,
qu'eux aussi doivent apporter quelque chose - aurait pu être de profiter
de cette occasion pour les réunir, pour se concerter, pour leur laisser
l'occasion, en même temps qu'ils consentaient à des gels de
salaires, de nous donner au moins l'orientation ou de nous indiquer des voies
ou des moyens qu'ils auraient voulu qu'on prenne quant à l'utilisation
de ces sommes.
On pourrait être contre le projet de loi, M. le Président,
parce qu'on pense que ce ne sont pas les bons moyens. On pourrait être
contre le projet de loi, parce qu'on dirait: II y a d'autres moyens qui
auraient pu être utilisés que celui-là.
Mais, au-delà de tout cela, au-delà de la question de
principe, au-delà de la question de procédure, au-delà de
la question du jugement qu'on peut porter sur les bons moyens ou pas les bons
moyens - je termine de cette façon, M. le Président -
au-delà de tous ces moyens, est-ce qu'on ne pourrait pas se poser une
autre question, qui serait: Est-ce que la fin justifie toujours les moyens
utilisés?
Je voudrais vous donner un exemple vécu dans un milieu,
justement, de démunis, l'exemple d'un père de famille dont les
enfants n'ont pas mangé pendant deux jours et qui se rend chez le
dépanneur du coin pour emprunter le tiroir-caisse. Le motif est
très louable, est très valable en soi, mais est-ce qu'il a
utilisé le bon moyen? On pourrait appliquer exactement la même
question à ce qu'on s'apprête à faire actuellement.
Au-delà de cela, on pourrait aller plus loin et se poser la question sur
les effets à moyen terme. En tout cas, quant à moi, je ne suis
pas encore convaincu que des positions présentées par les
centrales syndicales - l'Alliance des professeurs de Montréal, par
exemple, effectivement, proposait un gel des salaires, proposait de
surcroît un investissement de la part des travailleurs, pour autant qu'on
l'investisse dans des programmes d'emplois - n'auraient pas été
plus valables à court terme.
Si on regarde les sommes que le gouvernement va aller chercher et qu'on
déduit de ces sommes les pertes en impôts que le gouvernement ne
recevra pas, que l'on déduit de surplus les pertes en taxes et en
impôts que les commerçants ne paieront pas parce que les
travailleurs des secteurs public et parapublic vont moins acheter, qu'on
déduit - je termine, je n'ai pas abusé -finalement les effets
secondaires de cette situation, le montant d'argent qu'on retiendra en fin de
compte, ces 100 000 000 $ ou ces 150 000 000 $, est-ce qu'on n'aurait pas eu
avantage à aller les chercher de plein consentement, sans couteau sous
la gorge, en faisant l'analyse suivante? Ces travailleurs qu'on vise depuis un
an, ceux qu'aujourd'hui on se sent obligé de déculpabiliser, ceux
à qui on doit dire aujourd'hui: Vous savez, ce n'est pas vous autres les
responsables, ce n'est pas tout à fait cela qu'on a voulu dire, est-ce
que, depuis un an, on n'aurait pas pu prendre les moyens pour aller chercher
ces 100 000 000 $, avec leur consentement, avec leur participation, en leur
donnant la fierté qu'au moins eux aussi avaient participé
volontairement parce qu'ils y croyaient, et qu'ils voulaient faire quelque
chose pour les plus démunis de la société?
Ils sont actuellement - et ce sera ma conclusion - même pas
certains, même pas
sûrs, même pas assurés que les sommes qu'on va leur
prendre serviront justement aux plus démunis de la
société. Dans ce sens, on a choisi une stratégie
d'affrontement plutôt qu'une stratégie d'approche de concertation.
C'est pour ces raisons que je serai contre le projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor, votre droit de réplique.
M. Yves Bérubé (réplique)
M. Bérubé: M. le Président, j'ai
écouté les interventions qui, à nouveau, ont
été riches de part et d'autre parce que c'est un débat qui
va, finalement, au fond d'un certain nombre de valeurs dans notre
société. On ne peut pas qualifier le dialogue auquel on a eu
droit de dialogue de sourds, mais on peut certainement parler, de part et
d'autre, de la défense d'un ensemble de valeurs et d'un choix politique
sur des moyens à prendre pour sortir collectivement non seulement d'une
impasse budgétaire, mais d'une impasse économique tout court.
J'ai entendu plusieurs intervenants présenter le projet de loi no
70 comme étant la négation du droit à libre
négociation, comme s'il n'y avait qu'un seul droit, comme si le droit
des plus démunis de la société n'exitait pas non plus,
comme si le droit à l'indexation de l'aide sociale pour les 600 000
assistés sociaux du Québec n'était pas également un
droit qui représente dans la conjoncture actuelle des sommes
considérables, comme si les 150 000 travailleurs devenus chômeurs
et qui ont fini par aboutir même à l'aide sociale - cette
année, il y en aura près de 60 000 de plus -n'avaient pas
également le droit de faire manger leur famille, et cela aussi
coûte de l'argent à la société. C'est aussi un droit
qu'il faut mettre dans la balance.
On n'a pas parlé d'un certain nombre de droits de la
société québécoise, lorsque, par exemple, il a
fallu réduire nos dépenses dans la crise que nous traversons et
qu'on n'a pu épargner aucun secteur. On a dû toucher les affaires
sociales comme l'éducation. Souvent, à l'éducation, cela a
touché l'accueil à l'enfance inadaptée, l'éducation
des adultes qui ont écopé. On a entendu énormément
de critiques nous dire: Ah! Le gouvernement s'en prend à ceux qui ne
sont pas organisés, à ceux qui n'ont pas une force de frappe pour
défendre leurs droits et leurs privilèges, il s'en prend aux plus
démunis. On n'a pas parlé des droits de ces gens maintenant dans
le débat. Parce que, subitement, on a demandé aussi aux
travailleurs mieux organisés de faire leur part, là on a dit:
Vous violez le droit à la libre négociation. On n'a pas
parlé du droit des Québécois à un réseau de
soins de santé. C'est tellement important à nos yeux qu'on ne
tolère pas la moindre grève de nos omnipraticiens, à titre
d'exemple, et que notre Assemblée, unanimement, décide
d'intervenir pour protéger ce droit à des soins lorsque nos
citoyens sont malades. De la même façon, il faut protéger
l'ensemble de ce réseau, l'ensemble de ces institutions. Il faut
éviter que, faute des fonds nécessaires, on menace l'ensemble de
nos institutions que nous nous sommes données dans le domaine culturel,
dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé, que
l'on menace ces institutions de l'asphyxie à laquelle elles pourraient
être entraînées si nous ne dégageons pas les marges
de manoeuvre dont nous avons besoin. (20 h 40)
Voilà des droits de la société
québécoise dont l'Opposition n'a pas parlé, pas une fois,
comme si ces droits n'existaient pas, mais que subitement il ne restait plus
que le droit à la libre négociation au sein de notre
société. Eh bien non! Il y en a un paquet de droits dans notre
société. Il faut essayer de faire un équilibre entre ces
droits et le projet de loi no 70 vise à établir un certain
équilibre.
J'ai écouté l'Opposition qui nous a dit que nous avons mal
géré, nous du Parti québécois. Je pense que c'est
la députée de Maisonneuve qui, par une brève citation,
à mon avis, a répondu à toutes les interventions de
l'Opposition. Elle a cité un article qui datait du mois d'avril 1981. En
pleine campagne électorale un journal comme le Financial Times, qu'on ne
peut certainement pas taxer d'appartenance péquiste, souligne que la
croissance économique durant le mandat du Parti québécois
a été le double de celle de l'Ontario. Je ne reprendrai pas cette
citation.
M. Ryan: Question de règlement.
M. Bérubé: M. le Président, je m'excuse, sur
la question de règlement du chef de l'Opposition...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît, M. le ministre. Pour pouvoir juger une question de
règlement, il faudrait au moins que je l'entende. M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, je soutiens que le ministre
induit cette Chambre en erreur en citant ces chiffres qui sont faux, nous
l'avons prouvé l'autre jour.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Bérubé: Non, M. le Président, ces
chiffres-là ne sont...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Bérubé: M. le Président, ces
chiffres-là ne sont pas faux, loin de là; ils sont tirés
directement des chiffres publiés par le gouvernement
fédéral dans Statistique Canada et ils sont repris par l'ensemble
des analystes économiques. Ce sont les façons de les citer du
chef de l'Opposition qui sont erronées, comme l'était,
d'ailleurs, sa question de privilège qui n'en était pas une.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bérubé: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bérubé: M. le Président, je ne
prétends pas que l'actuel gouvernement n'a fait aucune erreur au cours
des années où il a été en charge des finances
publiques; je ne prétends pas cela. Nous avons géré au
meilleur de notre connaissance et si, au sommet économique, on a pu
sougliner que la croissance du produit intérieur brut per capita a
été quasiment le double de celle de l'Ontario au cours des
dernières années, si on compare les investissements du secteur
privé au Québec avec ceux de l'Ontario, parce qu'on a toujours
fait des comparaisons avec notre voisin, on doit constater que la performance
n'a pas été mauvaise, loin de là.
M. le Président, non, je ne chercherai pas des boucs
émissaires, je ne chercherai pas à attaquer le gouvernement
fédéral pour sa mauvaise gestion, pas plus que je ne chercherai
à attaquer le gouvernement américain pour sa politique
monétaire. Je laisserai à d'autres le soin de le faire; la
littérature, les journaux en sont pleins. Lors d'une réunion
récente de banquiers canadiens ici au Québec - je ne citerai pas
le nom de ces banquiers, mais je citerai le Devoir du jeudi 10 juin, simplement
pour ne pas gêner certains de ces intervenants qui ne voudraient
peut-être pas passer pour avoir appuyé la politique
gouvernementale comme telle - on souligne de la bouche d'un
vice-président d'une importante banque de Montréal, qui ne met
pas de gants blancs pour l'affirmer, qu'il n'existe aucun indice venant
d'Ottawa qui permette de croire que des solutions pourraient venir de la
capitale fédérale pour régler nos maux économiques.
Un de ses collègues souligne qu'on a les politiciens que l'on
mérite et, à vous entendre, je comprends de quelle classe vous
êtes.
On voudrait - c'est un autre président de banque qui le souligne
- que la situation se redresse, mais personne ne veut faire les premiers pas
dans ce sens. Dernière citation, un des présidents de banque
souligne que le dernier budget de M. Parizeau n'est pas mal dans les
circonstances puisqu'il réduit la croissance des dépenses
publiques, y compris les salaires de ses employés qui gagnent encore 15%
de plus que ceux du domaine privé.
M. le Président, si la performance économique du
Québec n'a pas été mauvaise au cours des cinq
dernières années, cela ne peut pas être parce qu'on s'est
donné un mauvais gouvernement en 1981 que, subitement, elle changerait.
C'est qu'il y a une crise, et nous l'avons abondamment décrite.
Tantôt, le député de Sainte-Marie nous disait: Dans ce
processus de négociations auxquelles nous sommes habitués, il y a
du donnant, donnant. Oui, c'est vrai. C'est vrai que, lorsqu'il y a une
croissance de la richesse, il s'agit de la partager, que les
négociations des conventions collectives dans le secteur public ont
permis, par du donnant, donnant, de choisir entre accroître les services
à la population et donner une meilleure rémunération aux
employés du secteur public. Ceci a permis effectivement de faire en
sorte que les employés du secteur public, qui étaient fort mal
rémunérés autrefois, aujourd'hui soient
rémunérés à un niveau décent. C'est vrai, il
s'agissait de partager une nouvelle richesse, et dans ce donnant, donnant, on
effectuait les arbitrages.
Lorsqu'on est en période de récession, lorsque
l'économie ralentit, lorsqu'il n'y a plus de richesses à
partager, cela ne peut plus être du donnant, donnant. On va donner quoi
en échange? La chemise des Québécois? La
problématique est différente à ce moment. Il faut faire un
certain nombre de choix. Un bel exemple de ce type de négociation, c'est
l'accord conclu avec les spécialistes. Ils n'ont pas obtenu toutes leurs
demandes. De fait, ils demandaient des augmentations beaucoup plus
substantielles, se comparant avec les médecins de l'Ontario, les
médecins d'autres provinces du Canada. Ils ont fait la preuve - et je
pense que c'était assez clair - qu'ils étaient sans doute les
médecins les plus mal payés au Canada. Néanmoins, les
spécialistes ont accepté de régler non pas sur la base de
leurs demandes, mais sur la base d'un gel, acceptant une réduction de
leur pouvoir d'achat pour l'année qui vient. Ce n'est pas du donnant,
donnant cela; c'est du donnant tout court.
C'est bien certain que, dans la conjoncture que nous traversons, il va
falloir éviter les affrontements stériles, les
déchirements inutiles. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi
d'ouvrir les livres,
de mettre toutes les données sur la table, qui ne sont
contestées par personne qui fait l'analyse des finances publiques et qui
tire les mêmes conclusions que nous tirons. Mais l'inconvénient
d'ouvrir les livres, c'est qu'on n'a plus un baril avec deux et trois fonds, M.
le Président. Dans une négociation, quand vous avez ouvert les
livres, que vous avez dit: Voici ce qu'il y a dans le baril; il n'y en a pas
plus, à partir de ce moment, on change complètement la dynamique
de la négociation. C'est une négociation fondée davantage
sur la franchise, sur l'ouverture et sur une prise de conscience de la
réalité que nous traversons. C'est vrai que les
négociations que nous allons connaître vont être
différentes de ce que nous avons connu dans le passé et c'est
normal. On ne négocie pas en période de croissance
économique comme on négocie en période de
récession. Indéniablement il faut changer un certain nombre
d'attitudes.
Nous avons encore beaucoup de choses à négocier avec les
employés du secteur public. Indéniablement, nous injectons dans
le secteur de l'éducation, pour essentiellement les mêmes
résultats, près de 800 000 000 $ de plus que l'Ontario. Si nous
voulons développer nos universités, si nous voulons mettre en
valeur l'éducation des adultes, il va falloir trouver un moyen de
réorienter les ressources que nous y mettons, qui sont
généreuses, trouver moyen de les réorienter, non pas
réduire l'argent que nous investissons dans l'éducation, mais
s'assurer que, face aux besoins nouveaux, nous avons la flexibilité,
comme société, avec les moyens dont nous disposons et qui sont
généreux, de faire en sorte que l'on puisse relever ce genre de
défi. Il faudra s'occuper de l'accueil de l'enfance inadaptée. Il
y a des réformes dans le secteur de l'éducation qui doivent
être faites au Québec, pour lesquelles nous avons besoin de
ressources et cela ne veut pas nécessairement dire aller puiser de
nouveau dans les poches des contribuables, mais peut vouloir dire plonger dans
ce qui est déjà abondant et l'utiliser différemment. Il
faudra donc être assez flexible, être assez mobile pour relever les
défis que nous allons connaître dans les années 80 avec les
moyens dont nous disposons. (20 h 50)
Dans le domaine hospitalier, par exemple, lorsqu'il faut fermer des
services, réorienter des services, ce n'est pas normal et les
employés eux-mêmes le vivent et le ressentent. Ce n'est pas normal
que pour fermer un poste, on doive pratiquement déplacer quinze autres
employés dans le réseau hospitalier, ce n'est pas normal, il faut
trouver une solution à cela. On parle de sécurité
d'emploi, oui, et ce n'est pas malsain la sécurité d'emploi, mais
il va falloir rechercher la mobilité. Il y a des employés qui se
morfondent depuis des années dans des emplois qu'ils n'aiment plus. Il
faut trouver un moyen de leur permettre de se déplacer à
l'intérieur de la fonction publique. Il faut même avoir des
politiques pour nos cadres pour faire en sorte qu'il y ait une mobilité
continue avec de nouveaux défis continuels. Voilà le genre de
négociation pour bâtir un système de qualité avec
les moyens dont nous disposons, qui sont abondants. Il reste encore beaucoup de
choses à discuter avec les employés du secteur public. Le
défi que nous aurons à relever au cours des prochaines
négociations en sera un de réalisme et de solidarité. Oui,
depuis deux exercices financiers, nous nous attachons à corriger les
finances publiques, à faire en sorte que nous ayons un budget
équilibré et je peux vous assurer que ce sera fait très
bientôt, de façon complète et de façon
éclatante.
Mais nous ne le faisons pas simplement pour équilibrer une
comptabilité. Nous sommes en pleine crise avec un effondrement de
l'industrie de la construction. Nous pourrions attendre encore une année
qu'il y ait relance économique et qu'éventuellement l'industrie
de la construction redémarre. Il y a cette proposition qui nous est
venue de la Fédération des travailleurs du Québec
appuyée par la CSN de, tous ensemble, donner un coup de main pour
relancer plus vite l'industrie de la construction, de mettre 50 000 maisons en
construction. Dans quelle société a-t-on vu des travailleurs
offrir de réduire leur salaire, des banques offrir de réduire
leur taux d'intérêt pour aider d'autres Québécois
à devenir propriétaires de leur domicile? Il n'y a pas beaucoup
de pays où cela s'est fait, mais cela se fait au Québec. Et c'est
cela une société qui est capable de relever le défi de la
solidarité.
On a une quantité de jeunes qui cherchent du travail. Souvent, on
parle de l'augmentation du chômage. C'est vrai que cette croissance du
chômage au Québec affecte profondément notre
société. Ce qu'on ne dit pas, cependant, c'est que la
création d'emplois n'a pas été mauvaise au cours des
dernières années. Près de 2% d'augmentation des emplois
par année alors que la population n'augmente que de 0,5% sauf que ce que
l'on ne mentionne pas, c'est cette quantité incroyable de jeunes qui
arrivent sur le marché du travail et qui arrivent à un rythme
plus rapide que nous arrivons à créer des emplois. Il va falloir
s'attaquer à ce problème des jeunes. La mise sur pied du bon
d'emploi va permettre à un certain nombre de jeunes qui, après
six mois, n'ont pas réussi à prendre de l'expérience nulle
part, qui sont dans ce cercle vicieux: sans expérience, sans emploi,
sans emploi, sans expérience. Voilà une mesure gouvernementale
qu'on met sur pied pour justement donner une chance à nos jeunes, mais
pour cela, il faut une marge de
manoeuvre. Nous avons des assistés sociaux au Québec aptes
au travail, qui viennent d'arriver à l'aide sociale. Pourquoi? Parce
qu'il n'y a pas d'emplois. Quand il y a 40 demandes pour un emploi disponible
dans un centre de main-d'oeuvre, on se rend bien compte qu'il y a un grand
nombre de gens qui vivent de l'aide sociale présentement et qui n'ont
jamais vécu de l'aide sociale dans le passé et qui veulent
travailler, qui veulent faire quelque chose d'utile pour la
collectivité. Ce programme qu'on a mis sur pied pour permettre à
un plus grand nombre de ces bénéficiaires de l'aide sociale,
c'est-à-dire 25 000, d'embarquer, eux aussi, dans la ronde de la
solidarité et de travailler, eux aussi, à des projets
communautaires, voilà une action gouvernementale, mais pour cela, il
faut une marge de manoeuvre.
Quand on veut une marge de manoeuvre, ce n'est pas simplement pour
"balancer" des équilibres financiers, c'est pour être capable de
faire des choses, c'est pour être capable de répondre aux attentes
de nos concitoyens et à un certain nombre de problèmes auxquels
nous faisons face. Le défi technologique que nous avons à
relever, indéniablement, il faut penser pour aujourd'hui mais il faut
penser pour demain. Lorsqu'un jeune vient dans mon comté, qu'il a fait
un cours en instrumentation et qu'il cherche un endroit où il pourrait
travailler dans un domaine qui le passionne qui est l'électronique et le
contrôle automatique des procédés, qu'il sort directement
du cégep et qu'il ne se trouve pas d'emploi après un an, on se
rend bien compte qu'il faut penser à l'avenir.
Il va falloir investir là-dedans parce que nous avons investi
pour éduquer nos enfants. Mais, aujourd'hui qu'ils ont des connaissances
qui vont leur permettre d'innover, de développer un certain nombre de
nouveaux secteurs, il faut que la société leur offre la chance
d'exercer ces connaissances. C'est pour cela que ça prend une marge de
manoeuvre; c'est cela, une marge de manoeuvre. Lorsqu'on dit qu'il faut
réduire nos dépenses de 500 000 000 $, ce que l'on dit en
même temps, M. le Président, c'est essentiellement une chose. Nous
avons des défis à relever comme collectivité. Nous avons
une mentalité à modifier face à une crise qui affecte le
monde entier, autant les pays derrière le rideau de fer que les pays
occidentaux, une crise qui touche tous les pays.
Mais, M. le Président, il y a une façon de se sortir de la
crise, c'est de regarder la réalité en face, honnêtement,
franchement. Un peu comme un papillon qui vient se brûler les ailes
à une lumière, il ne faut pas inutilement, M. le
Président, se meurtrir à vouloir des choses que nous ne pouvons
pas réaliser.
La loi 70 vient baliser les ressources que la collectivité
québécoise peut mettre à la disposition des
employés du secteur public. Ils continueront d'être bien
rémunérés, M. le Président, ils continueront
d'être mieux rémunérés que dans le secteur
privé, même après cette loi-là, et nous continuerons
dans le secteur public à avoir de bonnes conditions de travail. En
même temps, le gouvernement aura une marge de manoeuvre pour s'engager
dans la relance de l'économie qu'attend l'ensemble de nos concitoyens.
En même temps, le gouvernement pourra faire en sorte qu'on ne mettra pas
en danger, en cause les acquis de notre société et le grand
nombre de ces institutions que nous nous sommes données au cours des 20
dernières années et auxquelles nos concitoyens tiennent.
M. le Président, la loi 70, c'est une loi franche, une loi
honnête qui dit: Nous devons vivre avec la réalité, mais,
parce que nous savons vivre avec la réalité, nous serons capables
de relever les défis de demain, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de troisième lecture est adoptée? M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: II y a une situation qu'il faudrait rendre
claire, M. le Président. Je comprends que la réplique du ministre
dispose à la fois des projets de loi nos 68 et 70 mais, par ailleurs, il
a été convenu que le vote sur ces deux motions se prendrait en
même temps que sur certaines autres qui ont déjà
été laissées en suspens. C'est le sens de l'entente. Oui,
votes enregistrés, bien sûr.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Si on veut attendre l'issue du projet
de loi no 37. À moins que le gouvernement ne veuille retirer le projet
de loi no 37. Est-ce que j'ai compris que le gouvernement voulait retirer le
projet de loi 37?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Est-ce que nous devons comprendre que l'Opposition
serait prête à voter immédiatement sur le projet de loi no
37?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Tenant compte du fait que nous voulons
être aussi efficaces et logiques que possible malgré cette fin de
session un peu turbulente, je me
demandais s'il fallait réunir les députés deux
fois. Alors, c'est pour cela que je me demandais si on ne devait pas attendre
l'issue du projet de loi no 37. Pardon? (21 heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: Vote sur les projets de loi nos 68 et 70
jusqu'à ce que nous soyons prêts à disposer
également, par vote enregistré, du projet de loi no 37 et du
projet de loi no 72.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement, est-ce que vous ne considérerez pas aussi le vote sur les
projets de loi nos 68 et 62?
M. Bertrand: Tous les votes, M. le Président...
M. Levesque (Bonaventure): Si je pouvais faire une suggestion au
leader parlementaire du gouvernement, est-ce qu'on ne pourrait pas, à ce
moment-ci, étudier les projets de loi en deuxième et
troisième lecture, les projets de loi privés?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: C'est exactement ce que j'allais proposer à
l'Assemblée nationale, c'est qu'avant d'entreprendre l'étude du
projet de loi no 37 qui pourrait clore nos travaux, nous puissions disposer de
tous les projets de loi privés ainsi que de deux projets de loi publics
inscrits au nom de députés. Quand nous aurons disposé de
ces projets de loi privés ainsi que du projet de loi no 37, nous ne
prendrons les votes qu'à ce moment-là, c'est-à-dire une
fois le débat terminé. Je vous demanderais donc, M. le
Président, d'appeler l'article 22 du feuilleton.
Prise en considération du rapport de
la commission qui a étudié le
projet
de loi no 190
Le Vice-Président (M. Rancourt): Prise en
considération du rapport de la commission permanente de la justice qui a
étudié le projet de loi no 190, Loi sur la commune de la
seigneurie d'Yamaska. Est-ce que cette prise en considération du rapport
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Troisième lecture M. Bertrand: M. le Président,
motion pour adopter en troisième lecture le projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de troisième lecture est adoptée? Adopté.
Des voix: Adopté.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 17 du feuilleton.
Projet de loi no 191 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Troisième lecture
du projet de loi no 191, Loi modifiant la Loi concernant la ville d'Acton Vale.
Est-ce que cette motion de troisième lecture est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 23 du feuilleton.
Projet de loi no 207 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 207, Loi concernant la succession de Jean-Louis Brissette.
Est-ce que cette deuxième lecture de ce projet de loi est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Est-ce que
la troisième lecture de ce même projet de loi est adoptée?
Adopté.
M. Bertrand: Article 24 du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi no 208 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 208, Loi concernant la succession de Robert Meighen. Est-ce
que cette deuxième lecture est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Est-ce que
la troisième lecture de ce projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je compte que le leader parlementaire
du gouvernement nous fera part s'il y avait des objections dont il aurait
été mis au courant ou dont le gouvernement aurait
été informé quant à tous ces projets de loi de
nature privée.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Chaque fois qu'il y
aura une objection, j'en ferai part à l'Assemblée nationale.
Article 25 du feuilleton, M. le Président.
Projet de loi no 226 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 226, Loi concernant la succession d'Edmond Laliberté
senior. Est-ce que cette deuxième lecture est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. La
troisième lecture de ce même projet de loi est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: Article 26, M. le Président.
Projet de loi no 242 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 242,
Loi modifiant la Loi constituant en corporation l'Hôpital
d'Argenteuil. Est-ce que cette deuxième lecture de ce projet de loi est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Est-ce que
la troisième lecture de ce même projet de loi est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: Article 27, M. le Président.
Projet de loi no 210 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 210, Loi concernant la succession de Louis Fortier. Est-ce
que cette deuxième lecture est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Est-ce que
la troisième lecture de ce même projet de loi est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: Article 28.
Projet de loi no 213 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 213, Loi concernant la fabrique de la paroisse du
Sacré-Coeur de Jésus. Est-ce que cette deuxième lecture
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Est-ce que
la troisième lecture de ce même projet de loi est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. leader
du gouvernement.
M. Bertrand: II y a un petit problème à l'article
29. Effectivement, je voudrais souligner que nous avons un certain nombre de
réserves et nous voudrions reporter l'adoption de ce projet de loi
à l'automne prochain.
M. Levesque (Bonaventure): D'accord, M. le Président. Cela
fait partie des appréhensions que j'avais.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Reporté.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Vous avez vu avec quel grand sourire, M. le
Président, il l'appréhendait? L'article 30 du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi no 233 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 233, Loi concernant certains terrains donnés
à Horace Bérubé. Est-ce que cette deuxième lecture
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
troisième lecture de ce même projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: L'article 31, M. le Président.
Projet de loi no 243 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 243, Loi concernant la succession de Edward Scallon. Est-ce
que la deuxième lecture de ce projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
troisième lecture de ce même projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Article 32, M. le Président.
Projet de loi no 257 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 257, Loi concernant certains lots du cadastre de la
paroisse de Saint-Augustin, division d'enregistrement de Portneuf. Est-ce que
la deuxième lecture de ce projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
troisième lecture de ce même projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Article 33, M. le Président.
Projet de loi no 202 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 202, Loi concernant la ville de Montréal-Est. Est-ce
que la deuxième lecture de ce projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
troisième lecture de ce même projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Article 34, M. le Président.
Projet de loi no 203 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt):Deuxième lecture du
projet de loi no 203, Loi concernant la ville d'Anjou. Est-ce que la
deuxième lecture de ce projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
troisième lecture de ce même projet de loi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Levesque (Bonaventure): Je me permets de demander au leader
parlementaire du gouvernement s'il a l'intention de demander l'adoption des
projets de loi de l'article 32 à l'article 57.
M. Bertrand: M. le Président, de l'article 35 à
l'article 56 inclusivement.
M. Levesque (Bonaventure): Vous n'avez pas à le demander,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, pour les articles 35
à 56 inclusivement qui sont inscrits au feuilleton, je ferai motion pour
que nous adoptions en bloc les deuxième et troisième lectures de
ces différents projets de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de deuxième et de troisième lecture est adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): À la condition que vous en
fassiez la lecture, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Que j'en fasse la lecture
individuellement?
M. Levesque (Bonaventure): Oui.
Projet de loi no 204 Deuxième et
troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cela va. Deuxième
lecture du projet de loi no 204, Loi concernant la ville de Kirkland.
Projet de loi no 212 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième lecture du projet de loi no 212, Loi modifiant la charte
de la ville de Vanier.
Projet de loi no 216 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième lecture du projet de loi no no 216, Loi concernant
l'Union-Vie.
Projet de loi no 220 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième lecture du projet de loi no 220, Loi modifiant la charte
de la ville de Longueuil.
Projet de loi no 223 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième lecture du projet de loi no 223, Loi concernant la
Compagnie de fiducie Citicorp.
Projet de loi no 224 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième lecture du projet de loi no 224, Loi modifiant la charte
de la ville de Shawinigan.
Projet de loi no 232 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième lecture du projet de loi no 232, Loi concernant les
Soeurs de la Charité de l'Hâtel-Dieu de Saint-Hyacinthe devenant
Soeurs de la Charité de Saint-Hyacinthe.
Considérez que, depuis le début, il s'agissait des
deuxième et troisième lectures.
Projet de loi no 234 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 234, Loi
concernant la Corporation des Soeurs de Sainte-Croix et des Sept-Douleurs
devenant Les Soeurs de Sainte-Croix.
Projet de loi no 235 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 235, Loi
concernant la ville de Val-d'Or.
Projet de loi no 238 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 238, Loi
modifiant la charte de la ville de Québec.
Projet de loi no 240 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 240, Loi
concernant Ressources Consolidées Impérial Limitée.
Projet de loi no 241 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 241, Loi
concernant Citicorp Ltée.
Projet de loi no 246 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 246, Loi
concernant la ville de Saint-Basile-le-Grand. (21 h 10)
Projet de loi no 247
Deuxième et troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 247, Loi
concernant la cité de Verdun.
Projet de loi no 250 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 250, Loi
concernant la ville de Victoriaville.
Projet de loi no 255 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 255, Loi
concernant la ville de Vaudreuil.
Projet de loi no 256 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 256, Loi
modifiant les pouvoirs de la ville de La Prairie.
Projet de loi no 258 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 258, Loi
concernant la ville de Grand'Mère.
Projet de loi no 261 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 261, Loi
concernant la ville de Ville-Marie.
Projet de loi no 264 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 264, Loi
modifiant la charte de la ville de Trois-Rivières.
Projet de loi no 268 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 268, Loi
concernant la ville de Fermont.
Projet de loi no 279 Deuxième et
troisième lecture
Deuxième et troisième lecture du projet de loi no 279, Loi
concernant les Soeurs Franciscaines missionnaires de
l'Immaculée-Conception.
Est-ce que ces motions de deuxième et troisième lecture,
en bloc, sont adoptées?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième
lecture de ces projets de loi.
M. Levesque (Bonaventure): Avec les réserves que nous
avions faites, M. le Président, à savoir que le gouvernement nous
aurait indiqué s'il y avait eu des objections.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je veux bien faire part
immédiatement au leader de l'Opposition des objections que nous avons.
Il s'agit, évidemment, de projets de loi qui sont inscrits à la
page 10 du feuilleton d'aujourd'hui et qui ont été
déférés pour étude à des commissions
après la première lecture. Ce sont tous des projets de loi qui
seront étudiés l'automne prochain et un seul pose des
problèmes - je l'indique immédiatement au leader de l'Opposition
-c'est le projet de loi no 206 inscrit au nom de M. Sirros, Loi concernant
Canadian Slovak Building Ltd. Tous les autres, c'est-à-dire les trois
premiers ainsi que les trois derniers, six au total, seront
étudiés l'automne prochain.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Des projets de loi privés
déférés pour étude à des commissions
après la première lecture, on m'a indiqué le projet de loi
no 206. Ensuite, qu'est-ce qui arrive avec les autres?
M. Bertrand: Le projet de loi no 206 fait problème et les
six autres projets de loi privés pourront être
étudiés l'automne prochain.
M. Levesque (Bonaventure): Ils sont tous pareils. C'est pour
l'automne prochain.
M. Bertrand: De toute façon, c'est remis à
l'automne prochain.
M. Levesque (Bonaventure): D'accord.
M. Bertrand: Mais je voulais vous faire savoir qu'il y avait un
problème particulier pour ce projet de loi.
M. Levesque (Bonaventure): D'accord.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
Projet de loi no 200 Commission
plénière
Corrections au rapport de la commission
M. Bertrand: M. le Président, il nous resterait, à
l'article 57 du feuilleton, la deuxième lecture du projet de loi no 200,
Loi modifiant la charte de la ville de Montréal. Je voudrais vous
indiquer que, premièrement, il y a des corrections à apporter au
rapport de la commission des affaires municipales et, deuxièmement, il y
a deux amendements à apporter au projet de loi no 200.
Je fais motion, M. le Président, pour que les corrections soient
apportées. Elles ont été transmises au Secrétaire
général pour que les amendements soient adoptés.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on peut les voir?
M. Bertrand: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Le ministre pourrait les lire de son
siège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Affaires municipales, la lecture des amendements.
M. Léonard: M. le Président, il s'agit d'un premier
amendement qui concerne une disposition permettant un colistier à
Montréal sur lequel nous avions interrogé, d'ailleurs, les
représentants de la ville de Montréal lorsqu'ils sont venus
à la commission parlementaire.
Alors, je lis l'amendement: "Malgré leur abrogation, les
dispositions de la Loi concernant les élections de 1978 dans certaines
municipalités et modifiant la Loi des cités et villes, 1978,
chapitre 63, relatives au colistier s'appliquent à une élection
générale en les adaptant." Cela a pour effet de permettre le
système de colistier à Montréal.
Une deuxième amendement...
Une voix: ...
M. Léonard: II faut l'inscrire après l'article
450.
En ce qui concerne un autre amendement de fond, nous voulons rendre
rétroactif l'article 51 qui concerne une inscription au
rôle de certains immeubles. Il s'agit de pouvoir inscrire au râle
des immeubles de 50 000 000 $ et plus, en termes d'évaluation, qui sont
construits sur une période de trois ans et de permettre la construction
sur une période de trois ans avant l'inscription au rôle, ce qui a
été discuté en commission parlementaire, je pense; mais il
y en a un ou deux ensemble, l'édifice de Bell Canada et de la Banque
Nationale du Canada à Montréal. Cela touche cet
édifice-là en particulier. Pour les autres, ça va
être normal.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, le parrain accepte les
amendements.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Ce qui est beaucoup plus important en
procédure parlementaire que le parrain, c'est l'Opposition, M. le
Président, surtout à ce moment-ci de nos travaux. Je tiens
à dire que l'Opposition est heureuse de concourir à cela.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Les amendements sont
adoptés.
M. Bertrand: M. le Président...
M. Léonard: Excusez-moi...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Léonard: Est-ce que les corrections au rapport doivent
être lues intégralement aussi pour plus de
sécurité?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Ce serait
préférable.
M. Léonard: Je les lis.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant! M. le leader
de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Si le ministre a l'air inquiet, je
pense qu'on va accepter parce qu'il a peut-être des remords ou il veut se
justifier.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Léonard: Une première correction de forme
à l'article 48. Il s'agit d'une correction du rapport de la comission
parlementaire visant à retrancher le deuxième alinéa de
l'article 755 proposé par la ville et qui n'a pas été
adopté lors de la commission parlementaire du 15 juin dernier, qui avait
été indiqué comme étant adopté.
Une deuxième correction à l'article 50b qui vise à
ajouter les mots "ou d'un local" à la fin du sous-paragraphe c) du
paragraphe 2 de l'article 808 de la charte et qui vise aussi à
retrancher un paragraphe 3 apparaissant dans le rapport et qui n'a pas
été adopté en commission parlementaire. Le deuxième
alinéa du paragraphe 2 du rapport devenant le paragraphe 3. Cela va?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cela va? M.
Léonard: Mais, il y en a d'autres...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y en a
d'autres, M. le ministre?
M. Léonard: Oui. Ensuite, une correction de concordance
à l'article 76 en remplaçant les mots "par les rubriques et les
articles suivants" par les mots "par la rubrique et l'article suivant". C'est
vraiment une correction de forme.
Ensuite, inscrire à l'article 80a cet article qui a
été adopté en commission parlementaire mais qui ne figure
pas comme adopté au rapport de la commission. Il y a donc lieu de
l'adopter.
À l'article 80 du projet de loi, il s'agit de remplacer le
paragraphe 2 de l'article 80 par le suivant: "La ville de Montréal
s'engage à prolonger la rue Jean-Talon dans son territoire jusqu'au
chemin Kildare prolongé par la cité de Côte-Saint-Luc
à ses limites et à construire les tunnels ou viaducs requis pour
traverser les voies du Canadien Pacifique dans ce territoire", parce que le
paragraphe 2 apparaissant au rapport n'a pas été celui qui fut
adopté.
Enfin, à l'article 787b de la charte qui était
édicté par l'article 50 du projet de loi, il faut enlever les
soulignés qui apparaissent au rapport de la commission. J'ai
terminé, M. le Président.
Deuxième et troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Pour les besoins du
journal des Débats, nous allons procéder de la façon
suivante. Il y aurait acceptation de la deuxième lecture. Nous avons
consentement pour avoir été en commission plénière
où les corrections et les amendements ont été faits au
rapport présenté. Les amendements sont adoptés.
En commission plénière la correction au rapport a
été faite de consentement. Le rapport a été
adopté tel qu'amendé et le projet de loi est adopté en
deuxième lecture et en troisième lecture avec les amendements
à la fois au rapport et au projet de loi même.
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je voudrais immédiatement indiquer que l'avis
qui est inscrit en appendice ne tient plus. C'est l'avis qui consistait
à convoquer la commission des engagements financiers pour le 8 juillet
prochain.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Nous passons au
projet de loi no 37.
M. Bertrand: Oui, la troisième lecture du projet de loi no
37. (21 h 20)
Projet de loi no 37
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture
du projet de loi no 37, Loi regroupant les villes de Baie-Comeau et de
Hauterive. M. le ministre des Affaires municipales.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Nous entreprenons maintenant, en
troisième lecture, l'étude d'un projet de loi qui a
suscité, dans un premier temps, un débat plus régional et
national par la suite, où se sont fait entendre divers groupes de
citoyens, de contribuables, plusieurs organismes, qui avaient pour objectif le
développement de la Côte-Nord, et les élus des deux villes,
Baie-Comeau et Hauterive.
Depuis quelque temps, le débat a peut-être
dégénéré quelque peu, prenant, un jour, des allures
de guérilla, prenant, un autre jour, des accents à ce point
excessifs que la réalité quotidienne de la vie des
Québécois, qui vivent dans les villes de Baie-Comeau et de
Hauterive, a été oblitérée, à ce point
qu'aujourd'hui beaucoup de Québécois d'ailleurs, de
Jonquière, de Hull, de Matane, de partout, désirent en savoir
plus long.
Baie-Comeau est née en 1937, à l'embouchure de deux
grandes rivières: la Manicouagan et la rivière aux Outardes.
Baie-Comeau s'est développée au rythme d'une très grande
entreprise d'exploitation forestière, la Quebec North Shore Paper, qui
avait élu domicile à cet endroit avant même que Baie-Comeau
n'apparaisse sur la carte. Plus tard, en 1959, à cause de
l'énergie renouvelable qu'offraient les rivières et à
cause de la baie de l'embouchure qui permettait l'installation d'un port
sécuritaire sur le Saint-Laurent, d'autres entreprises, comme
l'aluminerie de la Reynolds, se sont ajoutées.
Baie-Comeau compte donc aujourd'hui un peu plus de 12 000 habitants, ce
qui est relativement peu pour une ville qui accueille de si grandes
entreprises. Ce phénomène s'explique par ce que je suis
prêt à nommer, comme les citoyens de la région, un accident
historique. Cet accident, c'est Hauterive.
En fait, Hauterive est née, en 1950, sur un plateau sablonneux,
de l'autre côté des rivières, lorsque les grands
propriétaires de terrains, les grandes entreprises de Baie-Comeau,
prioritairement, n'ont pas voulu céder de territoire à
l'installation d'équipements communautaires de caractère
religieux ou éducationnel. Les travailleurs des usines ont suivi pour
les mêmes raisons: les services qu'on offrait à leur famille.
Aujourd'hui, même si Hauterive est née 13 ans après
Baie-Comeau, la population de l'agglomération parallèle de
Hauterive est supérieure de quelque 2000 citoyens. Ces deux villes
vivent seules, côte à côte, accrochées aux rives du
golfe Saint-Laurent, au bord d'un immense territoire. Mais Hauterive ne serait
pas venue au monde si on ne l'y avait pas forcée.
Aujourd'hui, il y a donc en apparence, strictement géographique,
deux agglomérations, un coeur industriel, une succursale domiciliaire,
Baie-Comeau et Hauterive, une ville de compagnies et une ville de travailleurs.
Mais il ne s'agit que d'une seule communauté dont les territoires
spécialisés sont strictement complémentaires. Plus des
deux tiers des travailleurs des usines à l'est des rivières ont
élu résidence à l'ouest des rivières et la tendance
se maintient.
Lorsque, d'autre part, la compagnie Reynolds investira sous peu quelque
750 000 000 $ sous la forme d'installations nouvelles et plus
compétitives, elle devra camper ses équipements adjacents
à ceux qui sont déjà là, dans le secteur de
Baie-Comeau actuel, ce qui est encore normal et ce qui maintient la tendance
à la spécialisation naturelle des secteurs d'aménagement.
Là où la situation n'est plus compatible avec la
réalité sociale du milieu, c'est en termes de redistribution des
dépenses que cotise l'ensemble de la communauté économique
chaque année pour se donner les services nécessaires.
Il faut savoir que depuis de très nombreuses années, pour
ne pas dire depuis la naissance de Hauterive, qui est née d'une division
forcée, les contribuables des deux villes juridiques d'aujourd'hui se
servent indifféremment des équipements de l'une ou de l'autre
municipalité dans leur travail, dans leur commerce ou dans leur choix de
loisirs.
Or, il faut aussi savoir que l'agglomération actuelle de
Baie-Comeau tire des revenus très élevés de 286 000 000 $
d'évaluation qui vont gonfler encore, avec d'autres
établissements industriels annoncés dont plus de 63% proviennent
du domaine
industriel. Ces revenus sont redistribués aux seuls 12 000
habitants du secteur Baie-Comeau, et la ville dépense 888 $ par
habitant, un sommet très élevé, sinon
inégalé au Québec, pour une municipalité de cette
taille. D'autres villes comme Matane, par exemple, de l'autre côté
du fleuve, qu'habitent le même nombre de citoyens, dépensent moins
de la moitié pour offrir des services décents à leurs
contribuables. Aima dont les 26 000 habitants font plus que le double de la
population de Baie-Comeau actuelle dépense la moitié, 449 $,
exactement la moitié de l'argent qu'investit par habitant la ville de la
Côte-Nord. Donc, double d'habitants, mais moitié moins de
dépenses par habitant et pourtant, Alma est une ville heureuse. Rien
à redire sur une telle situation, M. le Président, si ce n'est
pour expliquer que toute l'acrimonie qui a été jusqu'ici
distillée peut venir d'administrateurs, peut-être, de revenus qui
vont de toute façon augmenter de façon assurée,
progressive, demain.
Rien à redire non plus sur une telle situation, si ce n'est pour
constater que de l'autre côté de la rivière,
c'est-à-dire Hauterive, où demeurent la majorité des
travailleurs qui oeuvrent dans les usines, qui fournissent en bons citoyens
corporatifs la base des revenus municipaux, on doit se couper de
l'éventualité d'une redistribution normale et naturelle de ces
revenus communautaires. Pour sa part, le secteur de Hauterive ne dispose que de
142 000 000 $ d'évaluation contre 286 000 000 $ à Baie-Comeau, la
moitié moins, ne dispose que de la moitié de la richesse
d'évaluation, donc, de sa soeur qui est d'ailleurs constituée en
toute logique à plus de 80% de résidences familiales. La
situation est claire. Le secteur de Baie-Comeau ne supporte qu'une partie non
équitable des services nécessités par le
développement résidentiel nécessaire aux ouvriers et qu'on
doit réaliser dans le secteur de Hauterive. Les autorités
municipales de Hauterive ont quand même dû dépenser plus de
580 $ par habitant l'an dernier, ce qui est aussi au-dessus de la moyenne
québécoise.
L'écart qui est aujourd'hui inscrit dans la réalité
juridique fictive des deux villes ira toujours en s'écartant et tous les
corps intermédiaires, des chambres de commerce des deux
agglomérations jusqu'au Conseil régional de développement,
sont venus le rappeler aux députés de l'Assemblée
nationale il y a plus de six mois déjà, au mois de
décembre dernier. Ce paysage, M. le Président, ne peut être
considéré isolément. Ces deux villes sont
complémentaires comme jamais depuis leurs 29 années de vie
commune. Les mêmes citoyens vont magasiner, travailler ou voir des
parents de part et d'autre des mêmes rivières. Ils sont 26 000
Québécois à habiter l'ensemble du territoire. L'ensemble
des groupes intermédiaires issus de cette population, les jeunes
chambres, les chambres de commerce, la Confédération des
syndicats nationaux, la Fédération des travailleurs du
Québec, le Conseil régional de développement, tous ces
organismes depuis 1960 revendiquent une entente entre les deux administrations
municipales qui puisse briser une séparation juridique paralysante. Un
mémoire de 1967 préparé par la Jeune chambre de
Baie-Comeau-Hauterive était clair dans ses conclusions lorsqu'il
étudiait les raisons de manque de planification en termes
d'aménagement lié aux défis économiques.
Le mémoire signale que la fusion éliminerait sans aucun
doute les retards, les tiraillements et les indécisions qui ont
été notre lot au cours des récentes années. La
planification du développement des quartiers résidentiels, des
centres industriels et commerciaux, les parcs publics, les maisons
d'enseignement, toute la panoplie d'une cité moderne et dynamique ne
peut être réalisée rationnellement qu'en assurant
l'unité de décision au préalable. Nous croyons, M. le
Président, que ces citoyens ont raison. Trop de dossiers se sont plus ou
moins réglés sans que jamais le monde des affaires n'ait pu
s'habituer à une telle situation de stérilité ambiante.
D'autres solutions à d'autres problèmes ne sont pas encore
survenues alors que les ensembles industriels et urbains comparables de
Sept-Îles et Port-Cartier, les concurrents naturels, les ont
déjà ou inventées ou installées.
(21 h 30)
L'agglomération de Baie-Comeau attend encore son parc industriel
régional, un retard de plusieurs années qui ne s'explique par
aucune raison logique, sinon l'absence d'une décision concertée
du milieu. Port-Cartier et Sept-îles disposent déjà de cet
outil. Pourtant, les subventions accordées à
l'agglomération de Baie-Comeau sont gelées aux ententes
Canada-Québec depuis 1977, parce que le milieu ne réussit pas
à faire le choix du site du parc industriel régional.
L'agglomération de Baie-Comeau, par ailleurs, pourrait obtenir un
financement beaucoup plus intensif advenant que la municipalité
participante détienne un bloc de population, un bloc d'emplois et un
nombre d'industries supérieures. La Société de
développement industriel Manicouagan-Outardes est venue en commission
parlementaire nous citer cet aspect de la paralysie régionale. C'est une
situation à laquelle ne se sont jamais non plus habitués les
organismes de planification et de développement régionaux.
L'Association touristique régionale de Manicouagan a cité les
nombreux problèmes d'une concurrence indue au coeur de la même
communauté
économique. Même le Conseil régional de
développement, le CRD, qui juge préférable l'annexion au
statu quo, a dit devant les députés de l'Assemblée
nationale que le regroupement municipal constitue l'objectif qu'il faut
atteindre le plus rapidement possible. C'est une situation aussi qu'ont
condamnée depuis 1960 tous les rapports d'études dont cinq sur
six ont été commandés par le milieu de
Baie-Comeau-Hauterive et qui ont conclu unanimement en fin d'analyse à
une communauté, une ville. Et je tiens à rappeler que ce sont les
citoyens contribuables du grand Baie-Comeau qui ont payé ces
études qu'ils ont envoyées à Québec coup sur coup
depuis 20 ans pour dire que la seule solution pour eux est de doter leur
communauté d'une seule autorité locale et communautaire. Une
seule de ces études, la sixième, celle de Major et Martin, a
coûté plus de 200 000 $ à l'ensemble des citoyens du
Québec. Elle concluait, elle aussi, au regroupement des services des
deux agglomérations. C'est une situation, M. le Président,
à laquelle les gouvernements eux-mêmes ne se sont pas non plus
habitués, que ce soit celui de Québec ou celui d'Ottawa,
lorsqu'on a discuté des écoles, des organismes
socio-économiques, du parc industriel, lorsqu'on a discuté aussi
du bureau de poste.
M. le Président, à quel genre de gouvernement avons-nous
affaire dans le cas de Baie-Comeau? Nous avons affaire à un gouvernement
qui est aujourd'hui conscient que les premières tentatives de
réunion ont été entreprises par les deux villes de
Baie-Comeau et Hauterive il y a plus de 20 ans déjà, à un
gouvernement qui a le courage de se rendre à la volonté diffuse
de la majorité régionale qui, de 1963 à 1976, envoyait
à Québec les résultats d'études favorables au
regroupement des forces que nous préconisons, à un gouvernement
qui n'a jamais, depuis 1976, en six ans, jusqu'à ce jour, imposé
de regroupement de municipalités au Québec. Nous avons affaire,
M. le Président, au gouvernement qui a été le plus
soucieux et le plus dynamique face à l'autonomie et à la
vitalité municipale depuis les années 1920. Avant la Loi sur la
fiscalité, des municipalités reposaient, pour plus de 30% de leur
budget, sur les subventions de Québec. Elles s'autosuffisent aujourd'hui
à plus de 90%. Avant la loi permettant les ententes intermunicipales,
les collectivités ne pouvaient, avec souplesse, combiner leurs forces et
leurs services pour atteindre d'appréciables économies
d'échelle. Avant la Loi sur l'aménagement qui réunit
à cette fin plusieurs municipalités et qui leur donne leur
premier pouvoir d'intervention, il fallait procéder de la manière
forte comme le faisaient les gouvernements antérieurs et la loi 98 du
gouvernement Bourassa a réuni par la force 44 municipalités en
dix jours, entre le 17 décembre et le 27 décembre 1974. Il s'agit
ici d'un gouvernement qui croit à l'émergence des
mentalités régionales et à la prolifération des
ententes intermunicipales qui, selon nous, sont des solutions
économiques et administratives qui ressemblent beaucoup plus aux
façons de s'identifier des Québécois et des
Québécoises. Mais, pour ce qui est de l'avenir du grand
Baie-Comeau, ni les ententes intermunicipales, ni la municipalité
régionale de comté ne pouvaient suffire à atteindre ces
objectifs de correction de la situation que nous venons de décrire, ni
en termes fiscaux, ni en termes de cohérence d'avenir
économique.
Il y a eu, au Québec, depuis six ans, des fusions entre plusieurs
villes. Notre attitude a été alors d'accorder aux élus
responsables toute l'aide technique que le gouvernement pouvait offrir dans
cette démarche, y compris une subvention statutaire.
Dans le cas de Baie-Comeau et de Hauterive, une subvention de 734 000 $
a été annoncée dès le dépôt du projet
de loi, en décembre, et était destinée au fonds
général de la nouvelle municipalité. Le gouvernement - et
nous devons insister sur cet aspect de la solution que nous proposons - a aussi
estimé que le rétablissement de la situation, aujourd'hui
inéquitable, devait se faire sans que les citoyens de Baie-Comeau ne
soient indûment pénalisés par la venue de
l'agglomération de Baie-Comeau.
L'ensemble des contribuables du Québec vont donc verser une
seconde subvention au secteur de l'ancien Baie-Comeau de 1 300 000 $ pour
diminuer l'impact sur le compte de taxes de ses contribuables du nouvel
équilibre. Ce gouvernement versera donc, M. le Président, la
somme totale de 2 034 000 $ à la nouvelle ville moderne et
désormais concurrentielle de Baie-Comeau.
Cet effort de tous les Québécois, de Hull à
Gaspé, de 5chefferville à Sherbrooke, pour aider les citoyens de
Baie-Comeau et de Hauterive à réorganiser leur vie en fonction de
l'an 2000 ne mérite pas les attitudes excessives qui, au fond,
défendent une espèce de paradis fiscal quel qu'en soit le prix
social et économique. On avait mis fin, déjà, aux espoirs
du milieu, en 1977, de voir se réaliser un regroupement volontaire entre
les deux secteurs de l'agglomération de Baie-Comeau. Pour une
évaluation de 25 000 $, la charge fiscale du contribuable du secteur de
Baie-Comeau aurait augmenté alors de 21 $.
On avait dit non, comme aujourd'hui, au bien commun et à un
avenir économique et social mieux équilibré,
libéré de la paralysie de la fausse concurrence. On est
même allé et je le regrette comme tous les
Québécois, comme tous les députés de
l'Assemblée nationale à affirmer qu'on
préconiserait le non-respect de la loi votée par cette
Assemblée à l'instar des entreprises établies au coeur de
l'agglomération de Baie-Comeau. Je souhaite que l'intérêt
commun aura plus d'importance que toute autre considération, M. le
Président.
Nous considérons que le tremplin de ce projet de loi accorde aux
26 000 citoyens de l'agglomération de Baie-Comeau un nouveau
départ exaltant que peuvent envier la plupart des autres villes du
Québec. L'agglomération de Baie-Comeau tirera sa richesse d'une
évaluation très équilibrée, 51% industrielle et 49%
résidentielle, équilibre que ne détient pas
Sept-Îles. L'agglomération de Baie-Comeau aura une dette à
long terme de 1496 $ par habitant qui se compare très avantageusement
à la moyenne de la dette des villes de la Côte-Nord qui est de
1787 $.
Un autre indice avantageux de ce projet de loi pour la nouvelle
communauté: l'agglomération de Baie-Comeau détiendra un
indice de richesse de trente-deux points supérieur à la moyenne
des municipalités du Québec, supérieur de quinze points
à celui d'une ville comme Lévis et se rapprochant à
près de dix points de Sept-îles, sa concurrente naturelle. La
richesse collective de l'agglomération de Baie-Comeau, puisque c'est
ainsi qu'on peut considérer la valeur de l'évaluation municipale,
sera comparable à celle de Sept-îles lorsque l'investissement de
750 000 000 $ de la compagnie Reynolds sera devenu réalité.
Si l'on veut évaluer le niveau de services auquel auraient droit
les citoyens de l'agglomération de Baie-Comeau à partir des
budgets 1981 des deux secteurs actuels, nous obtenons de très heureuses
comparaisons. L'agglomération de Baie-Comeau accorde par tête 89 $
pour les loisirs alors que Valleyfield n'en accorde que 38 $ à chacun de
ses 32 000 contribuables, et que Rimouski n'en comptabilise que 50 $ pour ses
29 000 citoyens. Au budget de la police, l'écart est encore plus
marqué. Nous avons aligné ces chiffres pour affirmer que
l'agglomération de Baie-Comeau n'est pas une fantaisie, n'est pas un
rêve. C'est le souhait de la majorité du territoire parce qu'il
assure un meilleur équilibre présent, parce qu'il permet le
déblocage de très nombreuses hésitations dans le milieu et
parce qu'il renforce l'ensemble des contribuables réunis.
Baie-Comeau, c'est une ville qui est là pour rester, qui est
assise sur des richesses renouvelables. Québec est conscient qu'il y a
dans l'agglomération de Baie-Comeau une large partie du dynamisme de la
Côte-Nord. Son but n'est que de consolider et de donner de l'élan
à cette communauté et le gouvernement utilise d'ailleurs 2 000
000 $ des taxes des Québécois dans la situation présente,
pour aider à la rapidité de cette relance. Le gouvernement ne
peut être accusé d'acharnement et encore moins de dictature, il
agit à la suite de six rapports d'étude envoyés à
Québec depuis 1960, il obéit à la volonté
majoritaire des témoins qui sont venus déposer auprès de
la commission parlementaire en décembre 1981. Nous croyons que c'est au
tour du gouvernement d'agir, après que des corps constitués et
des citoyens aient dépensé autant d'argent et d'efforts. Nous
proposons une formule de gestion municipale réaliste, équitable,
intégrée et plus moderne que le statu quo.
Nous proposons la seule façon possible de redistribuer l'ensemble
de la richesse communautaire là-bas. Nous proposons d'ouvrir les portes
à l'avenir en accordant aux élus de l'agglomération de
Baie-Comeau un plus large accès aux mesures d'assistance au
développement et à la promotion industrielle et
économique. Un gouvernement qui, pour la première fois de son
existence, prend cette responsabilité de faire primer la solution du
bien commun, doit bien définir ses positions et son objectif. Il veut
créer des conditions favorables pour que se forment, à
Baie-Comeau, un pôle économique et social dont l'équipement
sera concurrentiel et puissant, une ville équilibrée sans les
anachronismes des années cinquante, une communauté d'avenir avec
un port, un aéroport, un parc industriel et une participation
équitable et dynamique de tous les partenaires.
Nous croyons, comme des citoyens du milieu sont venus nous le dire, que
nous devons aider à réunir ce qui n'aurait jamais dû
être désuni et que ce regroupement sera plutôt une question
d'avenir. Au-delà de la fierté, au-delà des
héritages, au-delà de la courte vue, au-delà de
l'intérêt immédiat, les élus démocrates et
responsables de l'agglomération de Baie-Comeau vont se mettre à
la tâche, j'en suis sûr, comme l'ont fait ceux de Jonquière,
Kénogami et Arvida pour bâtir le Grand Jonquière, comme
l'ont fait ceux de Port-Alfred, Grande-Baie et Bagotville pour créer
Labaie. Québec croit au Grand Baie-Comeau, à ses 26 000 citoyens.
Je dis, en terminant, M. le Président, que demain matin, c'est
déjà l'avenir.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je n'ai pas eu l'occasion de
participer avant ce soir au débat sur le projet de loi no 37. Ce n'est
pas parce que je ne suivais pas le déroulement des procédures,
c'est parce que j'étais pris par mes devoirs à d'autres
commissions ou à d'autres tâches. Je m'étonne de la
placidité avec laquelle le
ministre a présenté son plaidoyer ultime à l'appui
de son projet de loi. Il nous a parlé comme si tout s'était fait,
s'était déroulé dans un climat de paix et d'harmonie.
C'est absolument faux. Rarement un projet gouvernemental aura-t-il donné
lieu à une telle agitation, à des réactions aussi vives.
Je crois qu'il faut se demander sur quoi repose toute cette agitation, tout ce
malaise qui entoure l'adoption très prochaine maintenant du projet de
loi.
D'abord, il y a eu une précipitation, dans cette Chambre, qui
nous étonne tous. Nous entendions les rapports des travaux qui ont
été faits autour de différents projets de loi au cours de
la journée. Autour des projets de loi nos 68 et 70, on a
travaillé pendant à peu près 28 ou 29 heures en
commission. Autour du projet de loi no 65, je crois qu'on a travaillé
pendant 33 ou 35 heures, on a progressé graduellement, on est
arrivé à des conclusions qui sont, dans l'ensemble, très
positives. Moi-même, j'ai travaillé à la commission des
finances et des comptes publics autour des projets de loi nos 68 et 70 et
jamais, en cours de route, on ne nous a parlé d'imposer le
bâillon. Jusqu'à la toute dernière minute, nous avons eu
des raisons de travailler à ces deux projets de loi jusqu'à
minuit vendredi dernier et jamais on n'a agité le spectre d'une
intervention du type du bâillon qu'on a imposé autour du projet de
loi no 37. Pourtant, autour du projet de loi no 37, la commission n'avait
travaillé que pendant 15 à 18 heures au plus pendant la
présente session, même avant cela, déjà on nous
avait informés la veille ou l'avant-veille qu'on s'en venait avec le
bâillon. C'était déjà décidé dans
l'esprit du gouvernement et il n'y avait plus grand-chose à faire.
J'entendais le ministre évoquer l'opinion majoritaire des
citoyens de la région, je ne sais pas sur quoi il se repose; apparemment
sur des sondages. Le ministre sait comme moi que des sondages, ce n'est pas la
mesure la plus sûre de l'opinion publique. Il y en a beaucoup qui le
voudraient. Je pense que j'ai des titres à exprimer certains doutes
là-dessus parce que je n'ai jamais été identifié
comme un partisan aveugle des sondages. Souvent, j'ai réussi à
prouver, d'ailleurs, qu'ils avaient tort. Je dis au ministre que, s'il veut
être sérieux dans une manoeuvre aussi importante, on ne prend pas
une décision à l'aide d'un sondage. On va consulter la population
par les moyens valides qui lui sont disponibles.
De très nombreux citoyens et des organismes responsables ont
proposé au gouvernement - et nous-même l'avons fait -aux stades
antérieurs de l'étude du projet, un sondage par la voie d'un
référendum pour s'assurer du sentiment réel des citoyens.
Nous n'avons même pas insisté, dans les propositions qui ont
été faites, sur la nécessité, par exemple, d'avoir
un sondage requérant la majorité absolue des citoyens des deux
villes concernées. Nous vous disions: Allez donc procéder par les
voies régulières. On exige des référendums dans les
Affaires municipales pour des questions infiniment moins importantes que
celle-là. Comment se fait-il que le gouvernement ait
résisté avec autant, je dirais, de férocité, de
détermination ou d'obtination à une idée qui est pourtant
simple? Le ministre n'en a pas parlé, et comme il n'en a pas
parlé, je lui pose le problème tout simplement. Ce qui
inquiète beaucoup, c'est le fond.
Je tiens à répéter une chose qu'il m'avait
été donné de dire au tout début de l'étude
du projet, quand on avait réuni la commission des affaires municipales
en décembre dernier. Il y a des raisons objectives qui justifient le
projet du gouvernement. C'est évident que le déséquilibre
dans la fiscalité et dans le développement économique
entre les deux villes justifie l'idée d'une mise en commun des
ressources tôt ou tard. Là-dessus, nous avons dit à
plusieurs reprises, de ce côté-ci de la Chambre, que nous
étions prêts à coopérer avec le gouvernement
à la réalisation de cette intention qui est noble en soi et qui,
à long terme, est très probablement justifiée. Les
citoyens de l'une des deux villes, en particulier... En disant ceci, je tiens
à me dissocier de certaines choses qui ont pu être dites par le
maire de Baie-Comeau. Je l'ai entendu l'autre soir à la
télévision et je crois humblement que ce n'est pas une
façon convenable de procéder. Je l'ai même entendu
témoigner, à certains moments. Je pense que, s'il avait mis un
peu moins de passion obstinée dans son affaire, il aurait mieux
réussi à faire passer son argument, à certains points de
vue. Par conséquent, je tiens à exprimer clairement certaines
réserves que m'ont inspirées des choses que je l'ai entendu
dire.
Nonobstant ces écarts regrettables, je pense qu'il y a des
citoyens de Baie-Comeau qui sont de bonne foi, des citoyens au jugement calme
et responsable qui s'inquiètent des implications financières de
tout ceci. Ils se disent: Nous avons bâti une ville à force de
travail, à coups de sacrifices également, à coups
d'énergie; les autres en ont bâti une de leur côté
avec leurs critères, avec leurs préférences, avec leur
manière d'agir. Ils se disent: On ne voudrait pas que tout cela soit mis
ensemble, qu'on recommence toute l'équation à partir de
zéro demain matin sans qu'il n'ait été établi, de
manière judicieuse, impartiale, objective et surtout équitable,
le partage des actifs et des responsabilités en vue de l'avenir.
Un comité conjoint a été formé dont les
auteurs ont eu la chance de comparaître devant la commission
parlementaire. Malheureusement - et là-desssus, je suis sujet
à correction parce que je n'ai pas suivi toutes les étapes
du travail - entre les recommandations formulées par le comité
conjoint et les conclusions que le gouvernement a retenues, il y a un
écart considérable qui demeure une source d'inquiétude
très répandue là-bas. Il est probablement trop tard pour
que le gouvernement change son intention et cette détermination qu'il a
manifestée de passer le rouleau compresseur sur toute forme
d'opposition. Je dis au gouvernement qu'il n'est peut-être pas trop tard,
au stade de la mise en oeuvre de cette décision, pour examiner une
dernière fois toutes les implications dans un esprit de justice et
d'équité, surtout étant donné que vous allez
obliger, par le projet de loi no 37, les citoyens des deux villes à
partager des services et une administration municipale commune pour un avenir
indéfini.
Quand on se rappelle le climat très rude et violent dans lequel
on s'est acheminé vers cette décision au cours des derniers mois,
surtout des dernières semaines, je pense qu'il s'impose que le
gouvernement fasse montre d'un esprit de compréhension, de respect de la
réalité qui semble, malheureusement, avoir fait défaut
jusqu'à maintenant.
Je termine là dessus, en disant qu'à cause de ces
facteurs, du fait que le gouvernement a refusé de laisser le processus
de travail parlementaire se poursuivre normalement, il a recouru d'une
manière prématurée et mal justifiée à la
clôture; deuxièmement, à cause du fait que le gouvernement
a refusé de procéder à une consultation populaire en bonne
et due forme et, troisièmement, à cause de fait que les
répercussions financières de tout ceci demeurent définies
d'une manière insatisfaisante pour un grand nombre de citoyens qui
seront concernés, il sera très difficile pour un
député de l'Opposition de voter pour ce projet de loi et nous
voterons même contre sans aucune hésitation. (21 h 50)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Dans une
dernière tentative pour convaincre le ministre des Affaires municipales
et même le député de Saguenay qu'il faudrait retirer ce
projet de loi no 37, je m'adresse de nouveau à cette Assemblée
pour essayer d'éviter le pis.
J'aimerais tout d'abord citer, certaines paroles qu'a déjà
prononcées un membre de cette Chambre et qui se lisent comme suit: "II
n'est pas question de "bulldozer" un projet de loi comme cela et de l'adopter
avant qu'un certain consensus ne soit établi." Ce sont les paroles du
premier ministre à l'Assemblée nationale, le 17 décembre
1981. Lors d'une conférence de presse improvisée le jeudi 17 juin
1982, le premier ministre déclarait, suite à l'adoption du projet
de restructuration scolaire par le Conseil des ministres et je le cite: "II
n'est pas question de "bulldozer" un projet de loi comme cela et de l'adopter
avant qu'un certain consensus ne soit établi."
La population du Québec, les administrateurs municipaux et
scolaires devront se rappeler que, lorsque que le premier ministre parle de ne
pas "bulldozer" et de consensus, il ne fait qu'utiliser des termes de son
répertoire auxquels il ne croit pas lui-même. Jamais dans les
délibérations de l'Assemblée nationale un gouvernement
n'aura imposé la guillotine à l'Opposition après moins de
vingt heures de discussion en commission parlementaire et surtout pendant que
c'était le gouvernement lui-même qui faisait obstruction à
toute motion d'amendement soumise par l'Opposition. Une telle méthode,
c'est plus que du "bulldozage". D'ailleurs, le leader du gouvernement a
très bien défini l'objectif poursuivi par le gouvernement pour
soutenir sa motion de censure quand il nous a dit: On va vous passer sur le
corps, c'est pire que le bulldozer, c'est le rouleau compresseur qui veut
écraser ceux qui ne sont pas d'accord ou ceux qui ont le devoir de
défendre ceux qui ne sont pas d'accord avec le gouvernement. Ce
gouvernement a oublié que plus de 46% des électeurs du
Québec comptent sur l'Opposition pour défendre leurs points de
vue parce que plus de 46% des électeurs ont voté contre ce
gouvernement et le pourcentage est encore plus élevé lorsqu'il
s'agit de l'obsession indépendantiste qui hante ce même
gouvernement et qui lui a fait oublier ses véritables
responsabilités envers l'ensemble des Québécois.
Revenons maintenant à la définition du mot "consensus".
C'est peut-être bon, ce soir, qu'on le rappelle au ministre des Affaires
municipales. Selon le petit Robert, il y aurait consensus lorsqu'il y aurait
accord et consentement entre personnes. En décembre 1981, toute une
population, celle de Baie-Comeau a dit non à une fusion sans
consultation préalable. Plus de 5000 lettres ont été
transmises à cet effet au premier ministre qui n'a même pas eu la
décence d'y répondre. Toujours en décembre 1981, un
sondage réalisé par le cégep de Hauterive
démontrait que 60% de la population des deux villes étaient en
désaccord avec le projet de fusion forcée. En février
1982, à l'occasion d'un autre sondage réalisé par la
maison CROP, cette fois, 80% des citoyens des deux villes ont émis
l'opinion que le gouvernement devrait toujours consulter les populations
concernées avant de procéder à la fusion. En juin 1982,
c'est plus de 98%
des 3500 citoyens qui assistaient à une réunion
d'information à Baie-Comeau qui rejettent le projet de loi no 37 parce
qu'il ne contient aucun mécanisme de consultation.
De quel consensus le premier ministre parlait-il donc le 17
décembre 1981 et le 17 juin 1982? Ce n'était certainement pas
d'un consensus au sein de chacune des deux populations concernées. Le
consensus auquel faisait allusion le premier ministre, c'est celui qui est
intervenu entre le premier ministre qui s'était engagé envers
Hauterive à faire la fusion, et cela sans aucune consultation avec la
ville de Baie-Comeau; le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche,
qui avait promis que chaque ville assumerait sa dette, qu'il n'y aurait aucune
augmentation de taxes à Baie-Comeau s'il y avait fusion et qu'il
n'imposerait jamais la fusion; le ministre des Finances qui n'avait plus
d'argent pour sortir Hauterive de sa situation financière
précaire; les membres du cabinet qui, au moment où ils
étaient dans l'Opposition, s'opposaient à toute fusion qui ne se
ferait pas selon les dispositions de la Loi favorisant le regroupement des
municipalités; les députés du Parti
québécois qui constataient que le geste qu'on leur imposait
était contraire aux principes démocratiques auquels ils croyaient
peut-être encore et au programme de leur parti, qui est défendu
par l'Opposition et renié par le gouvernement.
Pour l'Opposition, le consensus à respecter et à
défendre était celui qui démontrait que la majorité
des citoyens des deux villes s'opposaient à une fusion forcée et
sans consultation préalable. Pour respecter ce consensus, l'Opposition a
voulu proposer l'introduction dans le projet de loi no 37 d'un mécanisme
de consultation des deux populations concernées. L'amendement
proposé par l'Opposition a été jugé irrecevable. Le
gouvernement, dès la première journée de discussion sur le
premier article du projet de loi, a fait obstruction à toute tentative
d'amendement qui pouvait être faite par l'Opposition, parce que ces
amendements auraient pu alléger quelque peu le poids du rouleau
compresseur. Le projet de loi dont ce gouvernement se prépare à
imposer l'adoption, contrairement à ce que pourrait dire le
gouvernement, n'aura jamais été discuté de façon
normale à l'Assemblée nationale pour la bonne raison que le
ministre des Affaires municipales l'a complètement chambardé. Il
lui a davantage donné l'allure du règlement de compte ou du
"crois ou meurs" par les amendements à la toute dernière minute
qu'il a produits pour les articles 2 et 3 et qu'il n'a même pas eu le
courage de déposer devant les membres de la commission
parlementaire.
Si ce projet de loi est adopté, si les députés du
Parti québécois l'approuvent, alors qu'ils savent tous qu'il va
à l'encontre du programme de leur parti, des principes défendus
par leurs collègues lorsqu'ils étaient dans l'Opposition et des
actions antérieures de leur gouvernement en matière de
regroupement, soit par exemple, le dégroupement de Buckingham et
l'abrogation des dispositions d'une loi qui aurait forcé la fusion
Jonquière-Chicoutimi; si ce projet de loi est adopté, en
dépit de la volonté contraire exprimée par la
majorité des citoyens des villes concernées, ce sera une honte
pour le Parti québécois. Le Québec vit encore la
démocratie parce qu'il fait toujours partie du Canada. Autrement ce
serait la dictature qu'il aurait à subir, le rouleau compresseur, le
bulldozer; le "crois ou meurs" et "on va vous passer sur le corps", dont la
démonstration a été clairement faite dans le cadre du
projet de loi no 37.
Cette loi, le gouvernement a l'indécence d'en imposer l'adoption.
Cette loi le suivra partout, comme un boulet. Nous nous assurerons que les
citoyens du Québec ne l'oublieront jamais. Le ministre nous disait:
Demain matin, c'est déjà l'avenir. Je pense que ce soir, c'est
presque une veillée d'armes de la part de l'Opposition pour tenter,
encore une fois, de convaincre le ministre des Affaires municipales du
bien-fondé des arguments de l'Opposition. (22 heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Fabien Bélanger
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Encore une
fois, nous sommes réunis pour parler du projet de loi 37. Cette attitude
du gouvernement est vraiment inquiétante. Le projet de loi no 37 vise
à fusionner, comme on le sait, les villes de Baie-Comeau et de Hauterive
aux conditions imposées uniquement par le gouvernement et sans
consultation préalable des citoyens.
Considérant les manoeuvres utilisées pour adopter ce
projet de loi en dépit de toute logique, c'est un abus de pouvoir.
Ce qui est pire, M. le Président, c'est que les
députés péquistes qui représentaient l'Opposition
en 1974 ont combattu des projets de loi de fusion forcée, dont les
conséquences étaient beaucoup moins graves, parce que le
gouvernement n'avait pas respecté, selon eux, le processus prévu
par la Loi favorisant regroupement des municipalités. Ces mêmes
députés siègent maintenant au Conseil des ministres et ont
donné leur appui à ce projet de loi inique. C'est un abus de
confiance.
Lorsque le premier ministre, sans aucune consultation avec les
autorités de la ville de Baie-Comeau et sans jamais les en informer par
la suite, a pris l'engagement solennel de fusionner les villes de Baie-Comeau
et de Hauterive, en invoquant le
fait que la ville industrielle se devait de payer pour la ville
résidentielle, il s'est comporté en dictateur et, par
surcroît, sans aucun respect pour les élus municipaux. Ce n'est
pas surprenant que le premier ministre ait agi de la sorte. Vous avez vu de
quelle façon il résout les problèmes à
l'intérieur même de son parti. Si un conseil national ne fait pas
son bonheur, si des résolutions ne sont pas selon sa vision, sa
pensée, on impose immédiatement un référendum,
trois questions, une réponse.
M. le Président, lorsque le ministre du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche s'est engagé à ne pas faire de fusion
forcée, à faire assumer par chaque municipalité la dette
dans le cadre de la fusion, à faire une fusion sans aucune augmentation
de taxes pour les citoyens de Baie-Comeau, alors qu'il savait
déjà qu'il manquait 2 000 000 $ au budget de Hauterive,
qu'à ces 2 000 000 $ il faudrait probablement ajouter 1 000 000 $
annuellement pour l'accroissement du service de la dette de Hauterive et que la
dette, dans cette fusion, serait assumée par tous les citoyens de la
nouvelle ville, il trompait les gens mêmes qui l'avaient élu et
qui étaient en droit de s'attendre qu'il les défende
loyalement.
Quand le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le
député de Saguenay, a voulu faire croire aux citoyens de
Baie-Comeau et de Hauterive que la taxe d'affaires moyenne, dans les villes
industrielles du Québec, était de 15% de la valeur locative, lors
d'une conférence de presse devant la Chambre de commerce de Hauterive,
le 25 janvier 1982, il trompait la population des deux villes.
Une voix: C'est vrai!
M. Bélanger: Quand le premier ministre déclarait
à l'Assemblée nationale, comme en a fait état ma
collègue de Chomedey, le 17 décembre 1981, qu'il n'était
pas question de "bulldozer" un projet de loi comme cela, qu'il fallait attendre
un consensus, alors qu'on voit les moyens qu'il prend actuellement pour faire
adopter son projet de loi, en sachant très bien qu'on fait maintenant
face à une situation de confrontation grave entre les citoyens des deux
villes, il se moquait non seulement de l'Assemblée nationale, mais des
deux populations concernées.
Quand le gouvernement, le 25 janvier 1982, a annoncé une
subvention additionnelle, comme en a fait état le ministre, de 1 300 000
$ - cette subvention, M. le Président, on la récupérait
presque en totalité par la diminution des paiements d'"en lieu" de taxes
sur les édifices des réseaux de l'éducation et des
affaires sociales - il savait qu'il retirait d'une main ce qu'il donnait de
l'autre.
Quand le gouvernement a rejeté du revers de la main le rapport du
comité conjoint, qui confirmait les mémoires antérieurs de
la ville de Hauterive en ce sens qu'il lui manquait plusieurs millions de
dollars pour s'administrer de façon normale, mémoires qui avaient
été portés à la connaissance du premier ministre et
de plusieurs de ses ministres au Conseil des ministres, il se dégageait
de tout cela, en remettant la responsabilité, encore une fois, sur les
deux populations concernées.
L'appui inconditionnel, M. le Président, que les
députés du Parti québécois s'apprêtent
à donner au premier ministre, qui en est tout de même le
véritable parrain, c'est lui le chef du parti, alors qu'ils savent tous,
sans exception, que ce projet de loi va à l'encontre de leur programme
électoral, va à l'encontre des principes défendus par ce
parti, c'est là la parfaite démonstration que ces gens n'ont pas
été élus pour gouverner. Ils ont été
élus pour obéir. Obéir à qui? Obéir à
René 1er.
Ce projet de loi, dans les circonstances qui l'ont vu naître, avec
les méthodes utilisées pour le faire adopter, est une
véritable honte pour le Parti québécois. Ce projet de loi
mérite le mépris, tout comme ceux qui l'ont parrainé et
qui l'ont proposé. Nous voulons avertir les maires des
municipalités du Québec que c'est là la
démonstration de la façon dont ce gouvernement entend les
respecter.
Enfin, M. le Président, lorsque nous avons été
informés que le maire de Hauterive et son greffier, en commission
parlementaire - on a appris cela en décembre 1981 - avaient
eux-mêmes participé à l'élaboration du projet de loi
no 37, à l'insu évidemment des autorités municipales de la
ville de Baie-Comeau, nous ne pouvons en tirer qu'une seule conclusion. Ce
gouvernement entretient à l'égard des autorités de
Baie-Comeau une attitude de mépris. Je l'ai déjà
mentionné, il faut le rappeler à cette Assemblée. Le geste
le plus disgracieux auquel nous avons dû assister est sans doute lorsque
le leader du gouvernement a imposé sa motion de clôture, sa
guillotine, avec un certain plaisir.
J'écoutais mon collègue de Bonaventure, le leader de
l'Opposition, dire que, lorsqu'il a dû poser le même geste à
quelques occasions durant sa longue carrière politique, cela a
été un geste de sacrifice, cela a été un geste
posé à la dernière minute, mais ce que nous avons vu en
cette Chambre était totalement différent. C'était un geste
de dictature, un geste totalitaire. Le gouvernement allait nous passer sur le
corps. Il allait nous couper la tête, mais non pas seulement à
nous de l'Opposition, il allait couper la tête à 46% de la
population qui nous a envoyés dans cette Chambre et, s'il y avait des
élections demain matin,
probablement à 60% ou 70% de la population du Québec.
C'est à ces gens que le leader du gouvernement - que nous avons
baptisé d'ailleurs, depuis ce temps-là, le petit bélier
mécanique - voulait couper la tête et leur passer sur le
corps.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président.
L'Opposition se voit dans l'obligation de faire valoir des voix qui
doivent être écoutées par le gouvernement, que le
gouvernement connaît, mais qu'il n'entend pas parce que le gouvernement a
choisi d'être sourd. Il est sûr qu'il n'y a pas de pire sourd que
celui qui a choisi de ne pas entendre et c'est ce que le gouvernement fait.
Peut-être que, si l'on donne lecture au gouvernement d'un article qui a
paru dans le Soleil d'aujourd'hui par l'éditorialiste et
rédacteur en chef, M. Claude Masson, qui ne dit rien d'autre que ce qui
suit: "Le gouvernement actuel a menti aux populations visées, tant par
son programme que par les déclarations multiples et sans
équivoque de ses ministres. Le PQ s'est engagé à
n'effectuer aucune fusion forcée et à consulter les citoyens
avant de réaliser un regroupement municipal. Ces promesses formelles
n'ont pas été respectées, dit M. Masson. Au chapitre
économique, les chiffres gouvernementaux sont erronés. Alors que
la fusion devait coûter approximativement 2 000 000 $, c'est plus que le
double qui a été prévu par un comité conjoint
Baie-Comeau-Hauterive avec l'apport de la Commission municipale du
Québec. Le député-ministre de Saguenay, M. Lucien Lessard,
instigateur du projet de regroupement, s'est dédit continuellement dans
les discussions utilisant constamment un langage provocateur et irritant,
jouant au petit dictateur régional." L'article continue, et ce ne sont
pas des termes que j'emploie moi-même, ce sont les termes de M. Masson
dans le journal d'aujourd'hui. (22 h 10)
Le problème auquel est confronté le gouvernement
actuellement, c'est la difficulté dans laquelle il se trouve de faire
une adéquation acceptable. On ne demande pas une adéquation
parfaite, on demande une adéquation acceptable entre ses gestes et ses
paroles. Il n'y a aucune rencontre entre les deux et c'est ce qui cause
l'espèce de cul-de-sac dans lequel s'est enfermé le gouvernement
lui-même. M. le Président, il est certain qu'on ne peut
indéfiniment tenir un langage qui est contredit dans les faits. À
un moment donné, il faut en payer le prix et on n'y échappe pas.
Et c'est ce prix que devra payer le gouvernement.
Les Indiens disaient des gens qui n'ajustaient pas leurs paroles avec
leurs gestes qu'ils avaient une langue fourchue. M. le Président, c'est
un terme qu'on pourrait encore employer en ce qui concerne le gouvernement
actuel. Il a la langue fourchue parce qu'il dit blanc et qu'il fait noir.
À partir de là, comment peut-on savoir quels sont les gestes qui
vont être entraînés par les paroles du gouvernement? Cette
incertitude dans laquelle on est constamment avec ce gouvernement qui nous
parle de préjugés favorables envers celui-ci ou celui-là,
alors qu'il fait le contraire, cette incertitude est plus grave que les pires
manquements à la bonne administration, et Dieu sait que ce gouvernement
ne s'en est pas privé. L'incertitude dans laquelle la population est de
ne pas savoir à quoi s'attendre, c'est ce qui est le pire pour une
population, c'est ce qui est le pire pour les travailleurs, c'est ce qui est le
pire pour les investisseurs. Un climat d'incertitude, une atmosphère qui
est loin d'être transparente, une atmosphère qui est
nébuleuse dans laquelle on ne sait pas où on s'en va, c'est le
pire handicap empêchant d'en arriver à des solutions qui soient
acceptables pour la population.
Il est paradoxal, et j'ai eu l'occasion de le dire, de voir un parti qui
a été et qui reste un parti dont l'article premier est
l'indépendance du Québec, la séparation du Québec,
prôner aujourd'hui les avantages de la fusion, les avantages de l'union,
alors que ce parti est caractérisé par une marque de commerce qui
est la sienne, celle de la séparation, de la désunion. C'est
paradoxal parce que du côté ministériel on nous fait valoir
les avantages des grands ensembles pour justifier ses prises de position en ce
qui concerne Baie-Comeau et Hauterive. On nous dit qu'il va y avoir des
économies d'échelle, on fait de beaux discours sur les avantages
indéniables, prétend-on, qu'il y a à étendre le
territoire, à avoir un seul gouvernement municipal, etc. Comment dans le
même souffle peut-on prétendre être logique et
conséquent avec soi-même quand on voit qu'ici même au Canada
on a un pays qui s'étend sur un territoire immense, du Pacifique
à l'Atlantique? Je pense qu'on a ce qu'on peut qualifier un grand
ensemble. Avec une population de 25 000 000 ou 26 000 000, nous faisons
sûrement des économies d'échelle et, si le raisonnement que
nous tient le PQ est valable pour convaincre Hauterive et Baie-Comeau de
s'unir, de fusionner, comment le gouvernement peut-il ne pas réaliser
que ces mêmes arguments qu'il tente de vendre à la population
actuellement sont des arguments qui à un plus fort degré se
retournent contre lui quand il tente de détruire le pays qui est le
Canada?
Comment peut-on concilier ces deux attitudes sinon en y mettant un
dénominateur commun qui s'applique aux deux cas et qui s'appelle
l'opportunisme électoral, l'opportunisme politique tout simplement?
Là-dessus, il y a toujours un coût, coût que malheureusement
la population devra payer en l'occurrence. Je me réjouis quand
même jusqu'à un certain point parce que les bêtises que sont
en train de faire les ministériels, espérons que la population va
les voir sous leur vrai jour et qu'elles amèneront les commettants
à poser un jugement qui se basera sur des faits qui, malheureusement,
auront des effets néfastes pour les habitants de Hauterive et de
Baie-Comeau, mais qui n'auront pas, au point de vue néfaste, la
même amplitude que si elles étaient posées envers toute la
population du Québec et toute la population du Canada.
Je pense, M. le Président, qu'il faut mettre cet exemple sous un
verre grossissant, sous la loupe de l'observation populaire, de façon
qu'on puisse voir très bien ce qui est à la base même du
raisonnement biaisé, du faux raisonnement des ministériels. Je
pense que cette loupe grossissante doit nous éclairer plus que n'importe
quel discours sur la façon dont gouverne le gouvernement actuel. Le
gouvernement actuel se comporte exactement comme un éléphant dans
un magasin de porcelaine, M. le Président. Le monde municipal est un
monde fragile; je le connais assez, M. le Président, je l'ai vu de
l'intérieur, ayant été, pendant de nombreuses
années, secrétaire de la Commission de refonte des lois et
secrétaire de la Communauté urbaine de Québec. Je sais que
c'est un monde fragile qu'on ne peut bousculer par des supposées
décisions qui sont pour le meilleur intérêt de la
population. Le monde municipal est un monde adulte, c'est un monde qui est
capable de décider ce qui est bien pour lui. Il n'a pas besoin des
directives de qui que ce soit, il n'a pas besoin de se faire dire par le
gouvernement quelle pilule doit le guérir des supposées maladies
qui ont été diagnostiquées par les médecins
ministériels qui nous gouvernent actuellement et qui sont bien plus des
apprentis sorciers qu'autre chose.
M. le Président, je pense que ce gouvernement va traîner
une tache indélébile et que cette tache indélébile
s'appelle le projet de loi no 37 et que, dorénavant, M. le
Président, on ne pourra prononcer le chiffre 37 sans penser à
Baie-Comeau et Hauterive et sans penser à la bêtise qu'a faite le
gouvernement, sans penser à la clôture qu'il nous impose, sans
penser à la guillotine, sans penser au bâillon. Le chiffre 37 va
être identifié d'une façon permanente au gouvernement
actuel. Cette tache-là va vous suivre où que vous alliez, parce
que c'est une décision que vous avez prise en y pensant comme il faut,
en vous entêtant avec opiniâtreté, avec obstination et vous
n'avez aucune excuse de vous entêter. Vous n'avez pas l'excuse de poser
un geste pressé par les circonstances. C'est un geste qui est
tempéré, c'est un geste réfléchi, mais qui est
d'autant plus grave que vous n'avez aucune excuse pour le poser.
M. le Président, je pense que les bouleversements de la vie
municipale qui sont provoqués par le projet de loi no 37 sont graves et
on n'a qu'à regarder les précautions qui ont été
prises dans le passé pour éviter de forcer des populations
à partager un même toit, à partager les mêmes
institutions, à partager le même maire, les mêmes
conseillers. M. le Président, je connais...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui. Merci, M. le Président, je termine
là-dessus. Je connais la région de Baie-Comeau et de Hauterive et
mes dernières paroles sont pour dire que cette région
méritait décidément mieux que ce que le gouvernement est
en train de lui servir, le projet de loi no 37.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le
Président, nous intervenons, à ce moment-ci, dans la
troisième lecture du projet de loi no 37. Nous en sommes
évidemment à la fin de l'étude de ce projet de loi comme
à la fin de cette session et je voudrais, dans un premier temps, M. le
Président, remercier tous les collègues de l'Opposition qui ont
participé aux différents débats auxquels on a
été conviés dans le cadre de l'étude du projet de
loi no 37, que ce soit le débat en deuxième lecture, que ce soit
la motion de report que nous avons déposée et qui a
malheureusement été refusée par la majorité
ministérielle, que ce soit en commission parlementaire où un
travail peut-être limité à quelques heures s'est fait. Mais
ce travail était nécessaire et il aurait été tout
à fait opportun, je crois, que la commission parlementaire
chargée d'étudier le projet de loi article par article puisse
siéger plus longtemps, de façon à prendre connaissance des
amendements qui ont été déposés et qui
étaient d'ailleurs préparés par l'Opposition.
Je me dois, M. le Président, à ce moment-ci, de remercier
bien sincèrement, au nom de notre formation politique, notre
collègue de Hull qui, pendant tous ces instants, pendant l'étude
et toute l'évolution de ce projet, a suivi le dossier de très
près, s'est rendu à Baie-Comeau et à Hauterive
et, comme porte-parole du ministère des Affaires municipales du
côté de l'Opposition, a pris ce dossier à coeur. On doit
lui témoigner notre appréciation à l'égard du
travail qu'il a fait. (22 h 20)
À propos de ce projet de loi, peut-être plusieurs personnes
se demandent-elles pourquoi nous avons mené une bataille aussi farouche?
C'est que nous sommes en profond désaccord avec cette mesure telle que
présentée. À plusieurs reprises en cette Chambre, le
député de Saguenay et le ministre des Affaires municipales ont
évoqué cette volonté qui s'est manifestée, à
certains moments depuis quelques années, des populations de Baie-Comeau
et de Hauterive de se fusionner pour devenir une nouvelle entité
municipale.
M. le Président, vous aurez certainement compris par les
commentaires qu'on a formulés, que nous n'étions pas contre la
fusion comme telle. Nous sommes contre la façon dont cette fusion sera
décrétée; nous sommes contre la façon dont les
études préparatoires se sont faites et, finalement, nous sommes
contre le fait que le gouvernement ait refusé péremptoirement de
donner suite à plusieurs requêtes qui ont été
présentées par les gens de Baie-Comeau et formulées ici
par l'Opposition. Je me rappelle qu'un des moments importants des
échanges et des débats autour de ce projet de loi aura
été finalement la formation d'un comité mixte comprenant
des représentants de la ville de Baie-Comeau, de la ville de Hauterive
et des membres de la Commission municipale du Québec.
On sait, M. le Président, que depuis décembre dernier, ce
projet de loi a été étudié ici et c'était
l'élément qui devait être le plus déterminant dans
la position gouvernementale. Je me rappelle avoir déjà entendu,
en cette Chambre, que ce comité allait siéger afin
d'étudier les impacts de tous les tenants et aboutissants à une
fusion éventuelle. Ce comité a siégé, s'est
réuni, il en est arrivé à des conclusions bien
particulières. Il a pu quantifier et chiffrer l'effet pour les
contribuables des deux municipalités d'une telle fusion. À
plusieurs égards, les conclusions de ce comité qui ont
été rendues publiques, allaient dans le sens des
représentations et des inquiétudes exprimées par les
citoyens de la ville de Hauterive. Curieusement, le gouvernement a fait fi des
engagements qu'il avait pris, a mis de côté ses conclusions, lui
qui, par la voix des membres du cabinet, avait déclaré que
c'était tout à fait illusoire, tout à fait non
fondé de penser ou de croire que le coût de la fusion serait
très exorbitant. Malgré qu'on le lui ait démontré
noir sur blanc, le gouvernement s'est quand même obstiné et il a
continué l'étude du projet de loi.
M. le Président, quand on voit une opposition aussi farouchement
exprimée, je ne voudrais pas, ici, être considéré
comme étant celui qui veut jeter de l'huile sur le feu, au contraire, M.
le Président. On sait que l'opposition a été farouche
envers ce projet de loi, tant de la part des autorités municipales de la
ville de Baie-Comeau que de la part des citoyens. Malgré cette
opposition clairement exprimée, le gouvernement s'est toujours
obstiné à continuer et nous avions, la semaine dernière,
par la voix du leader du gouvernement, un énoncé assez clair,
assez évident et assez net sur le sens donné à la
démocratie par le gouvernement du Parti québécois. On se
rappellera longtemps la déclaration du leader du gouvernement, savoir
que ce projet de loi allait être adopté envers et contre tous et
que s'il le fallait, le gouvernement passerait sur le corps de l'Opposition
à l'Assemblée nationale.
On doit en conclure, M. le Président, aujourd'hui, que le
gouvernement nous est effectivement passé sur le corps. On se rappelle
que la commission parlementaire a délibéré pendant une
douzaine d'heures seulement ou à peu près. On se rappelle que le
projet de loi a été étudié en pleine nuit. On se
rappelle que vendredi soir dernier, lors de la prise en considération du
rapport, nous avons siégé jusqu'à minuit. On se rappelle
que cette nuit, le projet de loi a été amené vers 1 h 30
et qu'on a siégé jusqu'à 4 heures du matin. Le
gouvernement s'est caché pour passer son bill. Le gouvernement a pris
tous les moyens dont celui de passer sur le corps de l'Opposition, qui
représente 46% des électeurs du Québec et qui voulait
exprimer, je pense que c'est tout à fait justifié, par la voix
qu'elle a fait entendre, ici, à l'Assemblée nationale, les
réserves qu'elle avait à l'endroit du projet de loi, de plusieurs
questions de fond, de l'approche du ministre des Affaires municipales et du
député de Saguenay.
M. le Président, je termine mon propos en exprimant, à
titre de whip de mon parti, tout le regret que nous, les parlementaires, avons
de voir que ce projet de loi sera adopté finalement envers et contre
tous, après avoir été "bulldozé", après nous
avoir passé sur le corps. Étant donné que la loi sera
probablement sanctionnée ce soir et que l'on peut présumer qu'on
sera battu parce qu'ils sont 79 députés et que nous sommes
seulement 43, j'ose espérer que cette fusion se fera dans le plus grand
calme, sous l'indice de la paix et que, malgré tout, les citoyens
respecteront cette loi parce que c'est une loi qui est adoptée à
l'Assemblée nationale du Québec, par la majorité des
parlementaires ici.
Je crois que la seule leçon que les citoyens doivent tirer de
cela, c'est que le gouvernement a accepté de présenter cette loi,
malgré qu'elle contrevienne, malgré
qu'elle aille dans un sens tout à fait contraire au programme
politique du Parti québécois. Le gouvernement a accepté de
présenter cette loi, malgré que la très grande
majorité des porte-parole du Parti québécois se soient
déjà prononcés contre des lois analogues. Le gouvernement
du Parti québécois et le premier ministre en tête ont
accepté que cette loi soit présentée, malgré que
plusieurs députés du caucus se considèrent comme tout
à fait inconfortables avec ce projet de loi no 37. Le gouvernement a
accepté de faire parrainer cette loi par le ministre des Affaires
municipales, malgré que - et cela, on peut le constater de
l'intérieur - le ministre des Affaires municipales soit mal à
l'aise et inconfortable avec ce projet de loi.
Le gouvernement a accepté de présenter ce projet de loi,
finalement, pour faire plaisir au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche et député de Saguenay qui, aujourd'hui, à la
fin de nos travaux, veut évidemment en arriver à poser un
testament politique ou quelque chose de cette nature à l'égard
des villes de Baie-Comeau et de Hauterive et régler de vieux
comptes.
La loi sera adoptée. Cette loi devra être respectée.
Je suis persuadé que les citoyens et de Baie-Comeau et de Hauterive
tireront leur conclusion sur la façon cavalière dont le
gouvernement les a traités. Lorsqu'on reçoit une leçon
comme celle-là, on se la rappelle au moment d'un scrutin
général. Il faut respecter la loi, mais qu'on se rappelle cela au
moment des prochaines élections.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull.
Des voix: Bravo! Bravoi
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Avant de faire une
rétrospective de ce projet de loi matraque, je voudrais, pour le
bénéfice du ministre des Affaires municipales, sûrement, et
pour le bénéfice de la population du Québec, apporter une
correction à un éditorial que nous lisait, lors de la prise en
considération, le ministre des Affaires municipales, un éditorial
de M. Gérard Lefrançois, père du journalisme sur la
Côte-Nord. Le ministre des Affaires municipales, au cours de cette
période de prise en considération, nous mentionnait tous les
mérites qu'avait soulignés M. Gérard Lefrançois
dans un éditorial de 1965...
Une voix: II était en retard.
M. Rocheleau: ... les études qui avaient été
faites et le souhait qu'émettait M.
Gérard Lefrançois de voir ces deux municipalités de
la Côte-Nord fusionner. Mais, en 1982, ce même Gérard
Lefrançois que j'ai eu l'occasion de visiter chez lui, à
Sainte-Foy, étant maintenant résident de Sainte-Foy... J'ai
passé avec lui quelques heures à discuter des problèmes de
fond de Baie-Comeau et de Hauterive. M. Gérard Lefrançois, dans
le Plein Jour sur Manicouagan, en avril 1982 disait ceci et je vous le lis pour
le bénéfice de tous les citoyens du Québec qui sont
à l'écoute de ce débat depuis déjà plusieurs
mois. J'espère que le ministre des Affaires municipales va aussi faire
comme tous les citoyens et citoyennes du Québec; écouter.
Une voix: II rit, il rit. (22 h 30)
M. Rocheleau: "J'ai été et je suis toujours pour la
fusion nous a-t-il confié à la condition que Baie-Comeau n'ai pas
à payer pour les dettes de la ville de Hauterive. Il est peut-être
trop tard, ajoute M. Lefrançois. Pourquoi? L'ex-échevin de la
ville de Baie-Comeau soutient que Hauterive est fortement endettée et
qu'on devra compter entre huit et dix ans pour rétablir sa situation. Il
est peut-être trop tard pour la fusion en ce sens que la duplication des
services qu'on aurait pu éviter existe présentement. À
titre d'exemples, M. Lefrançois cite les polyvalentes, les arénas
et même les hôtels de ville. Quant il a lancé l'expression
"mieux vaut tard que jamais", M. Lefrançois maintient que c'était
avec scepticisme, non pour signifier que la fusion devait nécessairement
se faire. Selon le père du journalisme dans la région, si la
fusion doit se réaliser, il faudra que la population soit
consultée." Je pense que c'est important de souligner les propos de cet
homme qui a connu la Côte-Nord, qui a écrit sur la
Côte-Nord, qui a vécu sur la Côte-Nord et qui est
très conscient des problèmes que vivent encore aujourd'hui ces
deux municipalités.
M. le Président, la loi no 37, c'est beaucoup plus qu'une fusion
entre deux municipalités, c'est-à-dire Baie-Comeau et Hauterive.
C'est un changement d'orientation politique de ce parti, de ce gouvernement
qui, en 1977, inscrivait dans son programme, dans ses engagements du Parti
québécois que jamais au Québec on ne ferait la fusion de
deux municipalités d'une façon forcée. C'est un engagement
qui fait partie d'une orientation politique d'un parti; d'une orientation sur
laquelle ce parti s'est fait élire, d'une part, en 1976 et
sûrement réélire en 1981. Même en 1981, le 6
février, à peine quelques mois avant l'élection
générale du 13 avril, le député et ministre du
Loisir, de la Chasse, et de la Pêche faisait cette déclaration que
jamais le gouvernement n'imposerait une fusion forcée entre Baie-Comeau
et Hauterive.
Aujourd'hui, ce n'est pas une question de prendre pour les rouges ou de
prendre pour les péquistes ou de nous lire des déclarations de
militants libéraux qui sont pour une fusion ou de militants
péquistes qui sont contre une fusion; c'est une question, tout
simplement, de démocratie. Lorsqu'on examine ce projet de loi no 37, on
dit que ce n'est pas simplement deux villes, Baie-Comeau et Hauterive, qui sont
concernées mais tout le Québec, toutes les municipalités,
les villes, les villages, les paroisses, et cela, même si le Parti
libéral supporte entièrement le fait qu'il y a trop de
municipalités au Québec, que nous devrions, à toutes fins
utiles, tenter d'en fusionner plusieurs. Nous l'avons mentionné à
plusieurs reprises. On n'a qu'à examiner la province voisine, l'Ontario,
qui compte 2 000 000 de population de plus que le Québec et qui a la
moitié moins de municipalités que le Québec. Il est bien
évident que ce serait un avantage, mais il existe des moyens, parce
qu'il existe une loi qui s'appelle la loi no 276 qui préconise des
fusions volontaires, qui permet à cette démocratie de s'exercer,
qui accorde cette liberté à l'individu de décider
lui-même de ce que doit devenir sa collectivité, alors
qu'aujourd'hui le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche se fait
le bourreau de ces deux municipalités, impose sa volonté.
À l'exemple du leader du gouvernement, l'autre soir, quand il disait
à l'Opposition: Le gouvernement va vous passer sur le corps, j'ai eu un
certain frisson, voyant le leader du gouvernement qui aurait à peine la
force de tuer une mouche et qui se permettait subitement de passer sur le corps
de l'Opposition et en même temps, et sûrement, sur le corps du
député de Hull. Cela aurait été quelque chose
à voir!
M. le Président, le ministre des Affaires municipales nous a dit
l'autre soir, entre autres: Le gouvernement qui nous a
précédés, c'est-à-dire avant 1976... Il a
invoqué à toutes fins utiles la loi 98 pour dire que le Parti
libéral ou le gouvernement libéral du temps avait imposé
des fusions à au-delà de 40 municipalités dans l'Outaouais
et dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Je me permets, pour le bénéfice de tous nos citoyens du
Québec, de mentionner simplement que, lors de l'adoption de cette loi 98
qui touchait l'Outaouais, j'étais maire de la ville de Hull. Oui,
j'étais maire de la ville de Hull et dans l'Outaouais on a
regroupé 32 municipalités en huit, pour après en
dégrouper une qui est celle de Buckingham, parce que le gouvernement
libéral du temps n'avait pas supposément consulté
suffisamment la population. On a consulté par référendum
pour après soustraire certaines muncipalités de Buckingham dans
cet esprit de la grande démocratie et de cette consultation que ce
gouvernement voulait à tout prix dans le temps.
Aujourd'hui, on se rend compte d'une chose: À regarder du
côté ministériel, on s'aperçoit que ce sont des gens
fatigués, des gens que le pouvoir a usés en cinq ans à
peine. Il est malheureux que cette même démocratie ne permette pas
aujourd'hui à la population tout entière du Québec de se
débarrasser de ce gouvernement, parce que, vous le savez, c'est ce
gouvernement qui va décider quand aller au peuple. C'est le peuple qui,
effectivement, a à choisir ses représentants, comme ce même
peuple, en 1981, a eu à choisir son député du comté
de Saguenay. Je vous avoue que, parmi la clientèle péquiste
d'aujourd'hui à Baie-Comeau et à Hauterive, on retrouve des
mécontents en grand nombre. Si vous saviez tout ce que j'ai entendu lors
de mes voyages sur la Côte-Nord: Plus particulièrement, j'ai voulu
me rendre sur la Côte-Nord, j'ai voulu aller visiter les citoyens de
Baie-Comeau et de Hauterive. Je n'ai pas eu besoin de passeport pour aller et
à Baie-Comeau et à Hauterive, car j'étais le bienvenu. Je
n'avais pas de "body-guard". J'ai été reçu par le conseil
municipal de Baie-Comeau. J'ai rencontré le comité de citoyens.
J'ai rencontré aussi des citoyens bien ordinaires. J'ai rencontré
des travailleurs. Je suis allé sur les lieux. Quand le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche se promène en région
pour s'occuper de ses loisirs, cela lui prend peut-être beaucoup plus que
quelques jours pour s'apercevoir des problèmes qu'on peut avoir en
région. Mais cela ne prend pas de temps au député de Hull
pour voir quel genre de problèmes peuvent exister dans une ville. (22 h
40)
Je me suis rendu sur les lieux. Je suis allé visiter, entre
autres, les travailleurs de la compagnie Reynolds. Ces travailleurs
n'étaient pas tous des gens de Baie-Comeau. II y en avait de Hauterive
et il y en avait d'un peu partout. Je pense que ces gens sont impliqués
dans le milieu. Tous ces gens se posaient la question, à ce
moment-là, le 2 avril dernier: Pourquoi ne veut-on pas nous informer de
ce qui va nous arriver s'il y a une fusion? Pourquoi veut-on forcer cette
fusion sans nous consulter? C'étaient ces questions qu'on entendait.
Qu'est-ce que le gouvernement nous cache? Y a-t-il quelque chose de si
épouvantable qui va survenir après cette loi matraque, pour qu'on
ne le sache pas? Après tout, M. le Président, qui, dans une
municipalité, paie les taxes, si ce ne sont pas les citoyens? Qui, dans
une municipalité, a à décider de son avenir, de la
collectivité et de ses besoins? Ce sont les citoyens.
Ce même ministre des Affaires municipales est le grand
défenseur de la Loi sur l'aménagement du territoire, la loi 125.
On se rappelle le mécanisme que peut
engendrer un changement de zonage dans une municipalité, quand on
parle d'un petit quadrilatère tout petit et que les citoyens veulent
changer le zonage, soit pour passer d'un logement à un duplex, permettre
un troisième logement ou de la haute densité. Les citoyens sont
alors contraints à la formule du référendum, à la
consultation populaire, pour décider s'il doit y avoir un changement
dans ce coin; les citoyens sont appelés, dans une consultation
populaire, à décider s'il doit y avoir un changement au point de
vue de la densité dans un secteur donné d'une
municipalité.
Ce soir, M. le Président, on nous arrive avec ce projet de loi no
37, pour lequel on va devoir voter dans quelques instants et on oblige deux
collectivités, deux entités locales autonomes à se
fusionner d'une façon forcée, alors qu'il est si facile de suivre
des mécanismes afin que, d'une part, la démocratie soit
respectée et que, d'autre part, la liberté d'expression de chacun
puisse aussi être exercée.
Dans ma tournée sur la Côte-Nord, j'ai pu me rendre compte
de plusieurs problèmes. Je vais vous en citer quelques-uns. Entre
autres, en 1979, le premier ministre du Québec, dont on connaît
bien les envolées oratoires et les promesses souvent faites sans tenir
compte des implications, a dit aux gens de Hauterive que cela n'avait pas de
bon sens d'avoir deux municipalités et qu'il fallait, à tout
prix, avoir une agglomération de Baie-Comeau, une grande ville et que
cela allait se faire. C'était un engagement, M. le Président, en
1979, du premier ministre du Québec. Pourtant, à compter de cette
date, la ville de Hauterive a préparé un mémoire,
mémoire d'intentions présenté au premier ministre du
Québec, en 1980, qui souhaitait à tout prix un consensus s'il
devait y avoir fusion, qui souhaitait à tout prix, que le gouvernement
reconnaisse les problèmes qui avaient été causés
à Hauterive par le gouvernement libéral du temps. Nous, cela ne
nous fait rien d'accepter qu'on puisse avoir commis des erreurs dans le
passé, mais une erreur qui a été commise dans le
passé mérite un correctif, cela ne mérite pas d'être
doublé par une autre erreur. Quand en 1971, on a par la loi no 50
éliminé les subventions tenant lieu de taxes sur les barrages
hydroélectriques, on a, du même coup, soustrait en subventions
à Hauterive environ 2 000 000 $ par année. C'est bien
évident qu'à Hauterive, à ce moment, avec les barrages
qu'Hydro-Québec avait construits, il fallait tout de même apporter
les services, des infrastructures. Il y avait de plus en plus de citoyens qui
s'installaient dans cette municipalité qui prenait un essor assez
important et qui voyait sa population augmenter de semaine en semaine, sinon de
mois en mois. Et subitement, en 1971, on retire cette subvention importante
pour
Hauterive. Cela a été le début des problèmes
pour cette ville. Cela a été suivi d'une mauvaise planification.
Combien de fois et combien de fois allons-nous devoir répéter aux
citoyens et citoyennes du Québec, dans chacune des municipalités
qui élisent un maire et des conseillers de faire en sorte de choisir les
personnes les plus aptes à les représenter, les personnes les
plus responsables, les personnes qui doivent tenir compte des capacités
de payer des citoyens, des personnes qui ne doivent pas de par les
responsabilités qui leur sont confiées de faire des
dépenses peut-être même inutiles. Mais on doit excuser cette
même population parce qu'elle a commis la même erreur, le 13 avril
1981, en élisant, pour une deuxième fois, ce gouvernement, alors
que ce même gouvernement se lançait dans une multitude de
promesses de toutes sortes. On a même raconté, quelques jours
avant le 13 avril 1981, que le premier ministre se promenait avec une sacoche
à promesses. Il avait fait des promesses à la grandeur du
Québec pour plus de 6 000 000 000 $, alors qu'aujourd'hui on se rend
compte d'une façon dramatique dans quelle situation on est
pognés.
Voici un exemple typique d'une administration mal planifiée,
à Hauterive: avec la complicité de ce gouvernement on a
déménagé un parc de maisons mobiles de cette
municipalité pour l'amener à quelque 1000 pieds plus loin. Le
parc de maisons mobiles - ici pour ceux qui écoutent la
télévision, c'est facile de faire des chiffres -a
coûté 6 000 000 $ en aménagement, 6 000 000 $ pour
favoriser la venue de 300 roulottes. Cela fait 20 000 $ le terrain uniquement
pour les services d'aqueduc et d'égout, de pavage, de trottoirs, et
luminaires. 20 000 $ le terrain. Il n'y a pas une municipalité à
travers tout le Québec qui peut se permettre de construire des services
d'aqueduc et d'égout, de pavage, de trottoirs et de luminaires à
20 000 $ le terrain, pas une. En 1982, aujourd'hui, cela coûte entre 9000
$ et 11 000 $ pour ces services. Et le gouvernement a été
complice par sa participation. Combien d'autres erreurs pourrait-on soulever!
Quand on pense à fusionner avec sa voisine, on n'emménage pas
dans un nouvel hôtel de ville; on demeure dans les locaux qu'on occupe et
on tente de traiter avec sa voisine pour faire un mariage des plus heureux. (22
h 50)
Mais non! on se paie des équipements ici, des équipements
là. La preuve, on l'a sortie il y a quelques jours: dans une dette
globale de 21 000 000 $ à Hauterive, il y a plus de 8 000 000 $
d'engagés depuis 1979, alors qu'on s'était fait dire qu'il y
avait une possibilité de voir ces municipalités fusionner. On
s'est payé la traite avant d'aller faire payer ses dettes par la
ville
voisine. Je pense que c'est important de le souligner. C'est d'autant
plus important de le souligner que cela peut arriver n'importe où au
Québec, dans n'importe quelle municipalité, qu'il y en ait une
qui se paie la traite, etc., et qui va voir ce gouvernement de gaspilleux, et
parce qu'il voit une municipalité qui est plus ou moins en santé
à côté d'elle, on va les fusionner, on va pénaliser
ceux qui ont bien administré pour ceux qui ont été trop
gourmands.
Cela nous fait penser en passant à un des slogans du Parti
québécois. En ont-ils pondu des bons au cours des
dernières années? Des vraies poules à pondre des slogans
un après l'autre. Celui-là s'applique sûrement aux gens de
Baie-Comeau. S'ils sont à l'écoute ce soir, qu'ils le prennent et
qu'ils l'analysent, parce que le gouvernement a déjà dit: II ne
faut pas se faire avoir. Bien, les gens de Baie-Comeau sont en train de se
faire avoir par leur député et par son complice, le ministre des
Affaires municipales, qui joue au bon p'tit gars. Je l'ai déjà
dit, un petit gant de velours sur une main de fer. Le ministre des Affaires
municipales ne fait pas de bruit, il fait sa petite valse à tous les
jours, passe ses projets de loi matraques. Il faudrait aussi prendre un autre
slogan du Parti québécois: II faut se prendre en main. Avez-vous
déjà vu quelque chose de plus beau? Il faut se prendre en main,
se pogner; et de temps en temps il faut s'attacher, s'attacher au
Québec.
Mais les gens de Baie-Comeau ne demandent pas mieux que de se prendre en
main! Ils n'ont jamais demandé à leur ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche qui, en passant, prend peut-être la fusion de
Baie-Comeau et de Hauterive pour un loisir. Mais non, s'il faut se prendre en
main, qu'on laisse donc les gens de Baie-Comeau se prendre en main. En passant,
je veux souhaiter la bienvenue à notre premier ministre. Il est aussi le
troisième responsable de cette fusion forcée entre Baie-Comeau et
Hauterive. Le premier ministre du Québec avec son équipe de
batteurs de tambour.
Une voix: Sa chorale.
M. Rocheleau: M. le Président, on a un premier ministre
qui fait des promesses et qui fout cela dans les bras de ses ministres.
Actuellement, son ministre des Affaires municipales, si le petit oiseau pouvait
nous dire ce qu'il entend parfois, il doit sûrement être en maudit
contre son ami et ministre du Saguenay.
Mais apparemment que du côté ministériel, on appelle
cela de la solidarité. Oui, en parlant de solidarité, il y en a
un qui a décroché, le député de Sainte-Marie,
l'autre jour. Je me servais de lui comme exemple depuis quelque temps parce
qu'il avait dit que le ministre des Affaires municipales, au sujet du projet de
loi no 46 sur la Communauté urbaine de Montréal, qu'il
était entêté et j'avais donné raison à mon
collègue, le député de Sainte-Marie, parce que
j'étais tout à fait d'accord avec lui. Étant responsable
des affaires municipales, M. le Président, et travaillant effectivement
en collaboration quand on peut avec le ministre des Affaires municipales et son
équipe, je me suis aperçu que le ministre des Affaires
municipales était entêté. Et son entêtement servait
l'orgueil du député et ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche du comté de Saguenay. Ministre, petit soldat orgueilleux qui
a même déjà dit au maire Henry Leonard qu'il allait le
mettre à ses pieds; possiblement que c'est une façon de
procéder du député pour trainer à ses pieds ceux
qui n'ont pas voulu l'écouter ou ceux qui n'ont pas voulu, dans le
passé, partager ses opinions. Projet de loi matraque obligeant
maintenant ces deux municipalités à vivre ensemble, projet de loi
matraque pénalisant deux populations.
Alors, M. le Président, jamais je n'aurais pensé, alors
que j'étais maire de Hull et que mes citoyens me demandaient de me
présenter à cette Assemblée nationale afin de
débarrasser un des plus beaux comtés du Québec d'un
député péquiste, jamais je n'aurais pensé, dis-je,
venir en cette Chambre et rencontrer un gouvernement qui avait une orientation
"pognée" dans le ciment à l'intérieur de ses politiques.
Et, pourtant on n'a pas assisté à un "renérendum" pour
changer cela, non, parce que dans le référendum que le premier
ministre a tenu, il y a à peine quelques mois, dans la commande de
"grocerie" il aurait pu ajouter, je veux dire la fusion forcée des
municipalités et passer cela en même temps parce qu'il attendait
après un oui. Il n'avait pas eu son oui au référendum du
20 mai 1980 et puis il en voulait un à tout prix. Il a pris son gang et
s'est fait voter un oui sur son bord et depuis ce temps-là qu'il est
heureux.
Mais, M. le Président, quand on pense au ministre de la Justice
qui nous parlait encore ce soir de la Charte des droits et libertés de
la personne, quand on pense à cela on se pose de sérieuses
questions, quand on pense qu'en cette Chambre ce matin, le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, le petit bourreau du Saguenay, nous disait
qu'il allait faire une consultation au cours de l'été en ce qui a
trait aux loisirs, consulter les gens. M. le Président, il aurait
peut-être dû pratiquer sur les gens de Baie-Comeau et de Hauterive
et les consulter, il me semble que cela aurait été une bonne
pratique et après cela il aurait pu se promener à la grandeur du
Québec et aller consulter les autres. Je ne sais pas de quelle
façon il sera reçu partout et si les gens
voudront y aller, quand on va voir arriver un petit matraqueur, M. le
Président, consulte aujourd'hui, impose demain. Est-ce une façon
de procéder d'un gouvernement? Je vous l'ai dit tout à l'heure,
M. le Président, c'est un gouvernement fatigué. On s'en rend
compte, tous les citoyens du Québec s'en rendent compte aussi et on s'en
rend drôlement compte quand on voit les projets de loi matraques qu'on
impose ici en cette Chambre et encore si on donnait la chance à
l'Opposition de faire son travail jusqu'au bout mais non, M. le
Président, quand cela ne fait pas l'affaire, on passe le bâillon.
Oui, M. le Président. (23 heures)
J'aimerais vous entretenir quelques instants sur le processus qu'a suivi
ce gouvernement, M. le Président, pour en arriver, ce soir, à
passer son projet de loi no 37. Le 30 novembre dernier, c'est-à-dire
1981, dépôt en cette Chambre du projet de loi no 37. Le 15
décembre dans une certaine forme de consultation, on permet aux
intervenants, c'est-à-dire les villes de Baie-Comeau et de Hauterive, le
Conseil régional de développement, la chambre de commerce et
autres, de se faire entendre. Par la suite, on procède à la
deuxième lecture en cette Chambre.
L'Opposition avait demandé trois choses
élémentaires dans un regroupement. Premièrement, une
étude. Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche nous
sortait des rapports Demain, des rapports ici et des rapports de là qui
dataient de 1965, 1967, 1970. Allons donc! Quand on parle d'une fusion en 1982,
on tient compte d'un rapport récent de 1982. Tout ce que l'Opposition a
demandé, c'était d'avoir une étude récente. Sachant
qu'il y avait une certaine rivalité entre les deux municipalités,
on s'est dit: Impliquons la commission municipale, formée de gens quand
même neutres dans le portrait, de gens spécialisés, afin
qu'elle participe à cette étude.
Le député de Saguenay ne voulait pas d'étude, cela
retarderait encore son projet de fusion forcée. Il y a eu une
étude et le ministre des Affaires municipales a compris qu'il fallait
impliquer la Commission municipale du Québec et l'Opposition
était relativement heureuse parce qu'on s'est dit: Au moins, on va
connaître le coût réel de cette fusion pour les deux
municipalités. Le 18 mai, le rapport du comité conjoint est
déposé aux conseils municipaux de Baie-Comeau et de Hauterive.
Là, c'est comme la tombe, personne n'en parle.
Le ministre des Affaires municipales, à cette date, n'a
même pas exprimé son opinion sur l'ensemble du rapport. II n'a
même pas tenu compte des demandes et des coûts dans le rapport du
comité conjoint. On a retenu un élément. Est-ce un manque
de confiance envers la commission municipale, est-ce un manque de confiance
envers deux municipalités qui ne semblaient pas pouvoir se parler et qui
se sont parlé? On peut se poser de sérieuses questions sur
l'intransigeance de ce gouvernement aujourd'hui. On peut se demander si ce
gouvernement ne cache pas quelque chose d'autre. Dans le contexte actuel,
après avoir pris connaissance de ce rapport, ce n'était pas une
question de crier victoire, c'était simplement un fait que les chiffres
qu'avait produits Baie-Comeau le 15 décembre 1981 semblaient très
conservateurs, si on tient compte du rapport du comité conjoint.
À toutes fins utiles, ce n'était pas un péché, ce
n'était pas mal de dire: Baie-Comeau avait raison.
Si le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche n'avait pas
passé son temps à faire des déclarations au micro partout
et dire aux gens: Cela ne coûtera pas plus cher à Baie-Comeau et
ça va coûter moins cher à Hauterive; si c'était pour
coûter plus cher à Baie-Comeau, je serais un de ceux qui seraient
"antifusionnistes". Le député de Saguenay passait son temps
à lancer des choses comme ça partout. On n'avait même pas
commencé l'étude en commission parlementaire, M. le
Président - vous le savez, vous étiez ici avec nous - que
déjà le député de Saguenay annonçait
à Baie-Comeau qu'il mettrait le bâillon. Il nous passait la corde
au cou avant même d'avoir commencé à étudier le
projet de loi en commission parlementaire. Cela va bien pour travailler quand
vous avez la masse sur la tête.
Après cela, on se pose des questions quand des gens de
Baie-Comeau viennent à Québec en autobus pour manifester et qu'il
y en a qui ont des sautes d'humeur. Quand il y a provocation, ces
gens-là, j'essaie au moins de les comprendre. Je ne partage pas trop
leur opinion et je ne suis pas d'accord que l'Assemblée nationale soit
perturbée par une certaine forme de violence, mais il faudrait que le
boss, le premier ministre du Québec avertisse ses ministres de faire
attention à ce qu'ils disent dans leur comté parce que c'est de
cette façon que ça part, la violence, M. le Président.
Cela peut devenir grave, cette affaire-là. Je pense qu'il faudrait quand
même en tenir compte.
M. le Président, dans le fond, c'était tellement simple un
projet de fusion volontaire. C'était tellement simple, qu'on a
tenté, en commission parlementaire, d'adopter un amendement qu'on a
présenté à l'article 1. On s'est fait dire qu'on avait
refoulé cela pour ne pas que cela passe. On avait retardé. On
appelait cela un filibuster. Voyons donc, M. le Président! On a un
projet de loi, fusion volontaire, M. le ministre des Affaires municipales.
Est-ce que c'est possible? On a dit: Le calme à Baie-Comeau et à
Hauterive. Non, cela n'a pas été retenu, M. le
Président.
On a même invoqué l'article 68 du règlement. On va
peut-être déterrer cela un jour et on va vous en parler. Je vais
vous lire l'amendement qu'on avait présenté. Ce n'était
pas si bête après tout. M. le premier ministre, écoutez
celai Cela a du bon sens notre affaire. On disait: À la suite d'une
consultation des propriétaires et des locataires, tenue
conformément à l'article 13 de la Loi favorisant le regroupement
des municipalités, est constituée la ville de Baie-Comeau dont la
charte se lit comme suit. C'était l'amendement à l'article 1. On
n'était pas contre une fusion. On en donnait une fusion, une fusion
volontaire, M. le Président. Ce n'était pas compliqué. On
venait de recevoir une pétition de 6059 personnes de Baie-Comeau qui
demandaient, d'une part, d'être informées sur le rapport du
comité conjoint. La pétition demandait au ministre des Affaires
municipales et à son complice, le député de Saguenay,
d'aller rencontrer les gens de Baie-Comeau et de leur expliquer le rapport du
comité conjoint, les chiffres, et leur parler de consultation. Il leur
avait même garanti qu'il n'y aurait aucun problème. Est-ce assez
fort? Mais non, on a vu à la télévision, le soir de cette
assemblée qui regroupait plusieurs milliers de personnes, plus de 3500
personnes, deux chaises en avant avec les noms du ministre des Affaires
municipales, M. Léonard, et du ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche et député de Saguenay, M. Lessard. Deux chaises
vides. Est-ce possible? Ils veulent regrouper deux villes, M. le
Président. Tous les deux se promènent à Hauterive et,
quand vient le temps d'aller voir l'autre gang à Baie-Comeau, ils n'y
vont pas. Après, ils parlent de climat social, de paix, etc.
M. le Président, on avait un projet de loi qu'on a offert au
gouvernement. Pour prouver - écoutez bien cela, les citoyens du
Québec, je vais vous parler de cela - qu'on avait raison avec ce projet
de loi... Tantôt, en cette Assemblée, on a adopté à
peu près 25 projets de loi privés pour lesquels l'Opposition a
donné toute sa collaboration au gouvernement. Ce soir, on a même
adopté la deuxième et la troisième lecture, d'un seul
coup. Regardons les ministériels: ils ont l'air tellement
fatigués qu'il semble qu'ils voudraient partir ce soir. On s'est dit:
Voyons! On ne va pas s'accrocher au projet de loi no 37; on pourrait les faire
mourir cette nuit; cela ne donnerait rien de plus parce que, demain matin, il
va être adopté.
Mais, M. le Président, on avait offert toute notre collaboration
au ministre des Affaires municipales. Tous ces projets de loi ont
été adoptés ce soir, dont le projet de loi no 200, Loi
modifiant la charte de la ville de Montréal, qui contenait 87 articles,
pour lequel on a entendu des intervenants, et combien d'autres projets de loi
importants pour les municipalités. L'Opposition a offert toute sa
collaboration au ministre des Affaires municipales et, ce soir, nous avons
même accepté des amendements une autre fois, en troisième
lecture. On n'a pas bloqué, on n'a pas demandé de se retirer en
commission spéciale pour étudier ça article par article et
de revenir ensuite. Toute notre collaboration a toujours été
offerte et, parfois, je me pose la question à savoir si on doit,
justement, être de si bons garçons que ça. (23 h 10)
Tout ce qu'on demandait, c'est que ce gouvernement accepte de regarder
le projet de loi qu'on offrait aux gens de Baie-Comeau et de Hauterive. Le
président de cette commission, le député de Bourassa, ne
jugeait pas opportun d'accepter les amendements de l'Opposition parce que cela
semblait perturber les travaux de la commission. Les amendements du ministre
des Affaires municipales, eux, étaient corrects. On a même
déposé des amendements pareils à ceux du ministre des
Affaires municipales, pareils, pareils, pareils, la virgule avec. Notre
amendement n'était pas bon et l'amendement du ministre était bon.
Le député a été obligé d'aller consulter
plus haut et il est revenu pour nous dire qu'on avait raison.
Quand on a vu ça, M. le Président, on s'est dit: De quelle
façon l'Opposition peut-elle faire son travail en cette Chambre quand,
en commission parlementaire, on avait trois articles qui se
répartissaient dans 27 sous-articles en tout? On avait, quand
même, passé quatre articles et les autres s'en venaient. Il aurait
fallu ne pas utiliser le projet de loi no 37 simplement pour boucher les trous
au cours de toute cette session. Alors que le gouvernement n'avait pas de lois
à nous offrir, il nous planquait le projet de loi no 37 un soir en
deuxième lecture et tantôt c'était en motion de report,
etc. On se promenait ici et envoie donc! Le projet de loi no 37 servait de
bouche-trou. Oui, gens de Baie-Comeau et de Hauterive, vous avez servi de
bouche-trou au gouvernement pendant au moins quelques mois. Cela fait six mois
qu'on est là-dessus, six mois pour passer un petit projet de loi comme
ça - six mois, est-ce que cela se peut? - alors qu'on aurait pu
consulter la population, qu'on aurait pu accepter une motion de report. Au mois
de février, on demandait six mois.
Si le gouvernement avait accepté de reconnaître l'erreur
qu'il commettait, on ne l'aurait dit à personne. On se serait tu pour ne
pas éveiller de soupçons dans la population. On se serait tu. On
leur avait même dit: Si vous acceptez de corriger votre erreur, on ne le
dira pas et on va même collaborer avec vous autres. Non! L'orgueil a pris
le dessus. C'est dommage. L'orgueil et un petit peu de vengeance, ça
fait une drôle
de soupe, ça!
Je ne peux pas m'empêcher... Cela, je l'ai vérifié
deux fois. Je vais revenir avec des questions, mais ce ne sera pas avant
l'automne peut-être. En passant, il y a une chose qui m'inquiète
énormément. Je ne sais pas si je devrais le dire, mais je pense
que je suis quand même obligé de vous en parler, parce que
ça concerne une question que j'avais posée au ministre de
l'Énergie et des Ressources il y a quelque temps, à savoir s'il
avait répondu au télégramme de la firme Reynolds. On se
souvient de ça, j'avais posé une question en Chambre. Il avait
reçu un télégramme en décembre 1981 et un autre au
mois de mars. Le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Duhaime,
m'avait dit qu'il allait les rencontrer.
Il y a deux semaines, je suis allé à la commission de
l'industrie, du commerce et du tourisme et j'ai demandé au ministre s'il
avait rencontré le président-directeur général de
Reynolds qui voulait savoir ce que la fusion allait coûter, et c'est tout
à fait normal. Le ministre de l'Industrie m'a dit: Oui, je l'ai
rencontré avec mes fonctionnaires, la semaine passée. J'ai dit:
Eh bien! c'est pas pire! Le lendemain matin, il me prend une idée. Je me
suis dis: Ces gars-là, je ne les "trust" pas. Je me suis dit: Je vais
appeler le président-directeur général de la Reynolds. Je
lui ai demandé: Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme -
il est caché derrière la colonne, mais je le vois quand
même - vous a-t-il téléphoné, vous a-t-il
rencontré? Il m'a dit: Non, il ne m'a pas rencontré. Je lui ai
demandé: Le ministre de l'Énergie et des Ressources est-il
allé souper avec vous? Il m'a dit: Non, il n'est pas venu souper avec
moi.
M. le Président, c'est un investissement de 500 000 000 $
à Baie-Comeau. Je dirais au ministre des Affaires municipales qu'il ne
faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Si on ne compte
que sur l'addition au projet de 500 000 000 $, vous devriez, M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, soigner nos industries au
Québec pour les empêcher de partir et essayer de garder celles
qu'on a, au moins.
M. Biron: Question de privilège, s'il vous
plaît!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme.
M. Biron: J'entends le député de... Des voix:
Hull!
M. Biron: J'avais oublié le nom de son comté.
Une voix: C'est écoeurant!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance, si vous voulez prendre la parole, vous
devez au moins être à votre siège. M. le ministre.
M. Biron: J'entends le député de Hull dire des
fausssetés et je voudrais qu'il vérifie sérieusement avant
d'affirmer des choses en cette Chambre. J'ai parlé personnellement
à M. David P. Reynolds Junior aux États-Unis et c'est lui qui m'a
confirmé que les 500 000 000 $ d'investissement, au minimum, se
faisaient, que tout était attaché, que les décisions
étaient prises et que ça se ferait à Baie-Comeau.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Hull, vous avez la parole.
M. Rocheleau: M. le Président, de mon siège, je
peux affirmer que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme m'a
dit qu'il les avait rencontrés avec ses fonctionnaires à
Baie-Comeau. Là, il vient de me dire qu'il a appelé Junior
Reynolds aux États-Unis; ce n'est pas pareil, ça. Je vais
vérifier avec Junior Reynolds demain et je vous en reparlerai
après-demain.
Des voix: Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Rocheleau: En terminant, je trouve...
Une voix: Cela vous fait mal.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull, un instant, s'il vous plaît! Même si
nous en sommes peut-être à la dernière journée, je
demanderais la collaboration de cette Assemblée pour pouvoir, dans les
formes et dans les règles, entendre les intervenants. M. le
député de Hull.
M. Pagé: M. le Président, brièvement, j'ai
une demande de directive.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui.
M. Pagé: Est-ce un concours de circonstances qui fait que,
lorsque vous rappelez à l'ordre un député de l'Opposition,
il est nommé par son comté alors que, de l'autre
côté, il n'est jamais nommé par son comté?
Des voix: Oh!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député de Portneuf...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci beaucoup, M. le Président. Je constate
que, du côté ministériel, ça commence à les
fatiguer, quand on leur lance des vérités et qu'on va même
vérifier. Je me souviens que mon collègue de Richmond a remis
à sa place le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
l'autre jour.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
(23 h 20)
M. Rocheleau: Ce n'est pas croyable de voir les amendements,
à la pochetée, qu'a déposés le ministre des
Affaires municipales, en rapport avec le projet de loi no 37, au cours des
derniers jours. Ce n'est pas croyable, M. le Président!
Sérieusement, je ne pensais pas du ministre des Affaires municipales
qu'il pouvait nous déposer un brouillon. Alors qu'il disait que
c'était l'Opposition qui avait retardé, le ministre des Affaires
municipales était tellement en retard avec son travail qu'il nous a
déposé un brouillon. Je ne peux pas comprendre non plus de quelle
façon Baie-Comeau et même Hauterive vont pouvoir accepter un
projet de loi qui contient autant de failles. J'ose espérer encore que
dans les quelques minutes qu'il nous reste il va y avoir une lumière
quelque part qui va s'allumer dans le cerveau de ces gens...
Une voix: Ce ne sont pas des 5000 watts.
M. Rocheleau: Si ça prenait la main de Dieu, M. le
Président, je n'ai rien contre cela. Remarquez que s'il y avait une
petite lueur d'espoir pour que ce gouvernement n'adopte pas ce projet de loi,
qui va perturber davantage le climat social entre Baie-Comeau et Hauterive
plutôt que de le corriger, et prenne les moyens ordinaires, les moyens
que les gens comprennent, c'est-à-dire la consultation... On l'a dit
souvent à Baie-Comeau: Pas de fusion sans référendum. Ce
n'est pas compliqué, M. le Président. Cela ne veut pas dire qu'il
n'y aurait pas de fusion s'il y avait un référendum. Au
contraire. Si on donne aux gens l'occasion de s'exprimer, de disposer
d'eux-mêmes, d'exprimer librement ce qu'ils veulent, il n'y a rien de
bête là-dedans... Si c'est là qu'on s'en va, c'est
dangereux. On tente de dégrouper le Canada et on veut en grouper
d'autres au Québec. C'est une façon de se venger contre les
autres, M. le Président. C'est à n'y rien comprendre.
En terminant, je vous remercie et je remercie mes collègues de ce
côté-ci qui m'ont prêté un concours extraordinaire au
cours de ces six derniers mois. Tous ont participé à ce
débat. Nous aurions souhaité que ce gouvernement comprenne.
Malheureusement, on doit s'en remettre aux citoyens de Baie-Comeau et de
Hauterive. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le député de
Saguenay utilisera la demi-heure qui est normalement dévolue au leader
parlementaire du gouvernement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, député de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, je voudrais d'abord, en
commençant cette intervention, remercier mes collègues qui depuis
le début de l'étude de ce projet de loi n'ont cessé de
m'appuyer. Je sais très bien que ce projet de loi n'était pas
facile. Je sais très bien que ce projet de loi allait à
l'encontre même du programme du Parti québécois. Je sais
très bien...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Simplement, M. le Président, je
voudrais bien comprendre la procédure à ce moment-ci. Le ministre
qui a proposé la troisième lecture du projet de loi a un droit de
réplique. Si je comprends bien, le ministre a décidé de ne
pas l'utiliser. Cependant, j'ai des doutes quant à la possibilité
que le député de Saguenay puisse sans un consentement que je
serais sans doute prêt à lui donner... Ah non! c'est parce que je
ne voudrais pas créer de précédent à la toute
dernière minute de cette session. Je voudrais, M. le Président,
savoir si vous êtes d'accord que l'on puisse ainsi créer un
précédent à quelque chose que je n'ai pas encore vu, que
le leader parlementaire du gouvernement puisse lui-même utiliser son
droit de parole, mais les changements de cette sorte me semblent une
nouveauté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il n'y a pas lieu
d'intervenir très longuement, d'autant plus que le leader de
l'Opposition dit que, dans les circonstances, il lui
apparaît un peu normal que le député de Saguenay
puisse...
Une voix: Consentement.
M. Bertrand: D'accord? Avec consentement? Je ferai simplement
valoir que l'article 94, paragraphe 1, prévoit que le leader
parlementaire du gouvernement peut utiliser la moitié de la
période normalement prévue, soit une demi-heure par rapport
à une heure et que, dans les circonstances, il peut très bien
céder son droit de parole à un autre parlementaire. Je lis
l'article, M. le Président: "Sauf dispositions contraires du
règlement, un député peut parler sur une motion de fond
pendant vingt minutes; mais peuvent parler pendant une heure le premier
ministre, le leader parlementaire du gouvernement, le chef d'un parti reconnu
ou leur représentant et lors des deuxième et troisième
lectures, le proposeur du projet de loi." Deuxième paragraphe: "Sur
toute autre motion, la durée des discours prévue au paragraphe 1
est réduite de moitié. Pour les fins du présent article,
les motions de deuxième et troisième lectures sont
assimilées à des motions de fond."
M. le Président, à ce moment-ci, plutôt que de faire
ce qu'on pourrait appeler une querelle de procédure, je pense que nous
pourrions peut-être, d'un commun accord, sans même vouloir donner
une interprétation au règlement, sans même vouloir
présumer de ce qu'est le règlement 94.1 et 94.2, permettre au
député de Saguenay d'exercer un droit de parole qui pourrait
être d'environ 20 minutes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Dans les circonstances, nous sommes
prêts à donner notre consentement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, consentement. M. le
ministre.
M. Lucien Lessard
M. Lessard: M. le Président, je sais très bien que
ce projet de loi n'était pas facile, que ce projet de loi allait
à l'encontre d'un certain nombre de principes que nous avions
défendus, que ce projet de loi allait même à l'encontre du
programme du parti; il n'était pas facile pour les membres du parti,
pour les membres du gouvernement, d'accepter ce projet de loi. Mais lorsque
j'ai eu l'occasion de leur expliquer, de leur présenter le
problème comme j'essaierai de l'expliquer, de le présenter ce
soir, mes collègues ont compris, justement, que l'exception confirmait
la règle. Ils ont compris qu'il s'agissait d'une loi exceptionnelle. Ils
ont compris qu'il s'agissait d'une loi spéciale et qu'il était
nécessaire d'adopter ce projet de loi au nom des intérêts
de l'ensemble de la région, au nom des intérêts de la
Côte-Nord et surtout, au nom des intérêts des gens de
Baie-Comeau et de Hauterive.
Je tiens à remercier spécialement le ministre des Affaires
municipales qui s'est engagé dans ce projet de loi - j'en parlerai de M.
Leonard tout à l'heure - qui s'y est engagé une fois qu'il eut
compris le dossier, une fois qu'il eut pris conscience qu'il s'agissait d'un
dossier qui traînait depuis 20 ans, qu'il s'agissait d'un dossier qu'il
fallait absolument régler, qu'il s'agissait d'un dossier où il
fallait, comme gouvernement, comme dans de nombreux autres cas, prendre nos
responsabilités. Je pense que le ministre des Affaires municipales a
accepté de s'engager dans une bataille difficile, dans une bataille qui
était dure pour lui, dans une bataille qui ne touchait pas son
comté, qui ne touchait pas sa région, mais qui touchait une
région du Québec, comme il s'est engagé dans une bataille
qui touchait la population de Montréal. Je pense qu'il est aussi
important d'essayer de régler des problèmes qui touchent des
régions que de régler les problèmes de Montréal. Il
y a Montréal, il y a le développement économique de
l'ensemble du Québec et il y a aussi le développement
économique des régions comme celle de la Côte-Nord.
Cette bataille, c'est vrai, elle a été difficile avec
l'Opposition, c'est normal et je n'ai pas l'intention, ce soir, de
répondre à toute l'argumentation qui a été
développée par l'Opposition. J'ai eu l'occasion hier soir -comme
j'en ai eu l'occasion il y a quelques jours, comme j'en ai eu l'occasion en
deuxième lecture - de répondre à toute cette
argumentation. Il est normal pour l'Opposition de reprendre un certain nombre
de faits, d'insister sur des faits, de ne pas insister sur d'autres, de dire,
par exemple, que 90% de la population de Baie-Comeau était contre la
fusion forcée, de dire que 65% de la population de Hauterive
était contre la fusion forcée et d'éviter de dire que,
dans ce même sondage qui a été commandé par la ville
de Baie-Comeau, payé par la ville de Baie-Comeau, 59% de la population
de Baie-Comeau et de Hauterive était favorable à la fusion. C'est
la confirmation d'un sondage qui avait d'ailleurs déjà
été fait en 1970.
M. le Président, l'Opposition a fait sa bataille. Le maire Henry
Leonard a fait aussi sa bataille. Je connais très bien, depuis
très longtemps, le maire Henry Leonard. Je sais très bien avec
quel acharnement, lorsqu'il s'engage dans un dossier, il est capable d'y mettre
toute sa passion. Le maire Leonard, M. le Président, ce soir ou cet
après-midi, selon des informations que je possède,
annonçait qu'il serait candidat à la mairie du Grand
Baie-Comeau. C'est donc dire que le maire Leonard accepte la démocratie,
c'est donc dire que le maire Leonard accepte de travailler dans le sens de la
loi. Je dis ce soir au maire Henry Leonard, sans préjuger des
décisions qui seront prises par la population en octobre prochain,
quelle que soit sa décision, quel que soit le résultat, que je
lui assurerai encore, comme dans le passé, toute ma collaboration.
Je voudrais reprendre certains arguments du chef de l'Opposition. J'ai
été surpris, ce soir, de l'intervention du chef de l'Opposition
parce que, lorsqu'il était éditorialiste au Devoir, il a toujours
demandé aux hommes politiques de s'élever au-dessus des
intérêts partisans, des intérêts particuliers et le
chef de l'Opposition nous disait qu'il s'agissait là d'un abus de
pouvoir.
Je voudrais expliquer ceci au chef de l'Opposition, lui qui
connaît d'ailleurs très bien le dossier, lui qui connaissait
très bien d'ailleurs Mgr Labrie qui a été obligé de
fonder la ville de Hauterive à la suite d'un refus de la ville
fermée qui était la propriété, à ce
moment-là, de la QNS. Je suis resté surpris de l'intervention du
chef de l'Opposition parce que je comprends une chose. Le chef de l'Opposition
a décidé ce soir, plutôt que de s'élever au-dessus
de la partisanerie politique, de parler au nom des intérêts
partisans, ce qu'il dénonçait lorsqu'il était
éditorialiste du Devoir.
Si j'avais écouté simplement mes intérêts
partisans, si j'avais écouté simplement mes intérêts
comme député du comté de Saguenay, jamais je ne me serais
embarqué dans un tel projet. J'ai obtenu à la dernière
élection 53% du vote à Baie-Comeau, 74% du vote à
Hauterive et 68,9% du vote dans l'ensemble du comté. Avais-je besoin de
m'embarquer dans un tel projet? Avais-je besoin de m'embarquer dans de telles
complications? J'aurais pu dire: Au nom de mes intérêts partisans
et politiques, je ne m'embarque pas dans un tel projet.
D'ailleurs, contrairement à ce qu'on a dit depuis le
début, depuis sept ou huit mois qu'on discute de ce projet, je
m'étais engagé au moment de la campagne électorale - ce
qui a été confirmé en commission parlementaire par un
journaliste qui s'appelle Charles Hamelin - à l'occasion d'une interview
que j'avais à la radio avec un certain nombre de journalistes, à
considérer le projet de fusion de Baie-Comeau et de Hauterive à
partir de zéro. Un des journalistes me posait la question suivante:
Est-ce que cela veut dire que vous pouvez envisager une fusion forcée?
J'ai indiqué, au moment de la campagne électorale, que je ne
refusais aucune hypothèse. Cela, M. le Président, c'était
en pleine campagne électorale.
Il faudrait dire pourquoi je me suis engagé dans cette bataille.
Je ne me suis pas engagé dans cette bataille tout seul. Jusqu'en 1976,
je n'avais discuté ni avec le maire de Baie-Comeau, ni avec le maire de
Hauterive, de fusion, mais est arrivé le rapport Major-Martin qui a
été déposé dans la région par Bernard
Lachapelle, ministre de l'OPDQ dans le temps. Le rapport Major-Martin avait
été payé par le gouvernement du Québec à la
demande des deux villes de Baie-Comeau et de Hauterive et concernait le
développement de l'ensemble de la région, particulièrement
de la région de Baie-Comeau-Hauterive.
Le rapport Major-Martin recommandait, comme une des premières
conclusions pour le développement de la région de
Baie-Comeau-Hauterive, ceci en 1976: "Le regroupement des deux villes
éviterait la concurrence inutile sur le plan industriel. Le regroupement
permettrait de donner de meilleurs services à la population." M. le
Président, ce n'est pas Lucien Lessard qui l'affirme, ce n'est pas une
firme qui a été payée par le gouvernement du Parti
québécois; c'est une firme qui avait été
engagée par les libéraux en 1976. On lisait ceci dans le rapport
Major-Martin: "II s'agit, en fait - on parlait de la fusion - d'une condition
de développement essentielle pour l'avenir de la région", d'une
condition essentielle pour l'avenir de la région. Lorsque Bernard
Lachapelle est venu dans la région, à Baie-Comeau en particulier,
le maire Henry Leonard s'engagait, au moment du dépôt du rapport,
à respecter chacune de ces recommandations qui étaient faites
dans le rapport Major-Martin, en particulier de s'engager dans le projet de
fusion.
C'est dans ce sens que, le 3 mars 1977, je recevais la lettre suivante
qui m'était adressée: "Bonjour Lucien. Tel que convenu lors de
notre rencontre du lundi 28 février 1977, je te fais parvenir les
documents concernant le dossier fusion. Si tu juges à propos de faire
des corrections concernant ces documents, n'hésite pas à
communiquer avec nous. J'ose croire que nous respecterons fidèlement la
"cédule" afin que nous puissions disposer de ce fameux dossier. Au
besoin, nous sommes à ta disposition pour une saine et bonne promotion
de la Côte-Nord. Bien à toi, Henry Leonard. Maurice Boutin." (23 h
40)
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Lessard: Donc, M. le Président, je dois dire ce soir,
non seulement à la population de Baie-Comeau et de Hauterive, mais
à toute la population du Québec que le projet de fusion n'a pas
été commencé d'abord par Lucien Lessard, mais il a
été commencé d'abord par les deux maires, le maire, M.
Henry Leonard, et le maire, M. Maurice Boutin.
Dans ce dossier, on me demandait de régler un certain nombre de
choses. Je vais vous citer un certain nombre de ces choses. À la suite
d'une assemblée qui réunissait les membres suivants des deux
conseils municipaux, M. Henry Leonard, maire; M. Sylva Lord, conseiller de
Baie-Comeau; M. Jean-Paul Montigny, conseiller; M. Jean-Claude Ouellet,
conseiller; M. Aurèle Paradis, conseiller de Baie-Comeau; M. Maurice
Boutin, maire de Hauterive, les conseillers: MM. Marius Gauvin, Hamel Savard,
Jacques Asselin et André Lavoie. Ouverture de l'assemblée
à 9 heures 30; la date: 26 février 1977, il est convenu de
regarder et discuter de certaines mesures incitatives relatives au dossier
fusion. Les mesures incitatives peuvent se grouper en trois catégories.
Les titres de chapitres seront les suivants: Au premier chapitre, Hauterive,
boulevard Laflèche. Le coût de construction de ce boulevard qui
est utilisé comme route nationale 138 devrait être payé
entièrement par le gouvernement du Québec.
Oui, M. le Président, nous l'avons payé entièrement
parce que les libéraux ne l'avaient pas payé dans le temps. Vous
l'aviez laissé... C'était essentiellement la route 138. Les
libéraux ne l'avaient pas payé et nous avons versé 500 000
$ pour compenser justement le fait que les libéraux n'avaient rien fait
de 1970 à 1976.
Dans ce dossier, il y avait aussi la question du plateau. Nous avions
inscrit "programme" à l'intérieur du programme régulier du
gouvernement. Il y avait approvisionnement en eau potable. Deux rapports
existent, donc deux solutions; "un choix économique et logique devra
être fait." Cela a été réglé, 2 000 000 $
versés par le gouvernement du Québec. Parc de maisons mobiles
dont a parlé le député de Hull tout à l'heure, parc
absolument ridicule et qui ne correspond pas à la réalité;
réglé, versement par le gouvernement du Québec: 4 850 000
$.
Les dossiers de Baie-Comeau, parlons-en. Résidence pour personnes
âgées. Que le projet de 100 logements tel que conçu par
l'Office municipal d'habitation de Baie-Comeau et la Société
d'habitation du Québec soit activé. Depuis 1973 que cela
traînait parce que les libéraux ne bougeaient pas. Que ce
programme soit activé et que le projet débute au printemps;
réglé, versement de 4 231 758 $ à Baie-Comeau. La nouvelle
ville; le débarcadère, et je continue, versement par le
gouvernement du Québec de 3 100 000 $. Parc industriel, parce qu'on n'a
pas réussi à s'entendre encore, parce qu'on fonctionnait dans le
sens de la fusion; pour le parc industriel, il reste encore 2 500 000 $ qu'une
ville fusionnée pourra venir chercher.
Route de liaison à la ville de Gagnon, 19 000 000 $ que le
gouvernement du
Québec a versés depuis 1976, ce que les libéraux
n'ont jamais été capables de verser, de 1970 à 1976. Je
pourrais... Subvention de fusion: 2 034 000 $. 90% des dossiers qui
étaient inscrits dans ce document ont été
réglés. Qu'est-ce qui est arrivé? Le maire Leonard a
décidé de sortir du comité conjoint de la fusion. On ne
peut pas profiter à la fois des avantages et des interventions du
gouvernement du Québec et, après cela!' décider de se
retirer en disant: Maintenant que nos dossiers sont réglés...
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Lessard: Oui, M. le Président, vous comme moi avons lu
M. Claude Masson du Soleil ce matin, comme je lisais les éditoriaux du
chef actuel du Parti libéral. Je comprends que, quand on écrit
des éditoriaux il faut écrire au jour le jour; je comprends que
bien souvent on n'a pas le temps de regarder un dossier qui remonte à 20
ans. Mais quand on est dans le milieu, comme je l'ai indiqué l'autre
jour, quand on vit depuis des années et des années dans la
région on est capable de comprendre les problèmes. Quant à
moi, comparativement au député de Hull, je devrai vivre dans ma
région, je devrai y rester, dans ma région.
C'est facile de venir deux jours dans une région, c'est facile
d'essayer de venir monter des citoyens dans une région. D'ailleurs les
libéraux eux-mêmes... Hier soir, j'ai nommé les
différentes associations régionales qui sont d'accord avec la
fusion, les différentes - parce que le député de Saguenay
n'est pas seul dans cette bataille -municipalités de l'ensemble du
comté qui sont d'accord avec cette fusion. Je lisais hier des
télégrammes. Il est facile pour le député de Hull
de venir monter des citoyens, venir essayer de créer des
problèmes dans une région, mais la différence, c'est
qu'après la loi le député de Hull va retourner à
Hull, mais moi je devrai retourner dans ma région.
Je voudrais, puisqu'il me reste quelques minutes, m'adresser non pas
à l'Opposition...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Lessard: ... mais aux citoyens du comté. Je voudrais
m'adresser aux gens de Baie-Comeau comme aux gens de Hauterive. Un certain
nombre de ces citoyens - et je les comprends - se sont opposés à
la fusion; un certain nombre d'autres personnes n'ont pu nous dire qu'elles
étaient pour la fusion sinon lorsqu'elles nous rencontraient, parce
qu'un certain climat existe à Baie-Comeau. Je suis convaincu que ce
climat peut devenir positif parce que dans le fond - je les comprends - une
grande partie de ces citoyens qui se sont opposés à la fusion de
Baie-Comeau et de Hauterive sont les
premiers citoyens de la Côte-Nord, des citoyens qui ont tout
risqué au moment où la QNS est venue dans la région, qui
ont tout risqué pour venir s'installer sur la Côte-Nord. Ils ont
construit Baie-Comeau, mais ces mêmes citoyens, à la suite d'un
défi fondamental, à la suite d'un défi important et au nom
des intérêts de la Côte-Nord, ces mêmes citoyens
peuvent se donner la main. Au lieu de se battre entre Baie-Comeau et Hauterive
on peut fonctionner ensemble comme deux chevaux de trait et travailler
ensemble.
M. le Président, je pourrais parler du rapport du comité
conjoint, je n'en ai pas le temps, mais je leur lance le message suivant. Il
s'agit ce soir, une fois que nous aurons terminé avec ce projet de loi,
de créer une grande ville sur la Côte-Nord. Vous allez me dire que
non par rapport à Montréal, mais par rapport à la
Côte-Nord, c'est une grande ville. Il s'agit de créer un grand
pôle d'attraction sur la Côte-Nord, qui est d'ailleurs
lancé. Il s'agit de faire une meilleure planification des ressources
entre Baie-Comeau et Hauterive. Surtout, finies les chicanes de clochers;
Finies les chicanes d'hôpitaux! Finies les chicanes de polyvalentesl
Finies les chicanes de palais de justice! Construisons ensemble la grande
ville, M. le Président. (23 h 50)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. le leader de l'Opposition.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous avons
donné notre consentement au député de Saguenay...
Des voix: Bravo!
M. Levesque (Bonaventure): ... pour qu'il exerce son droit de
parole, apparemment, pour représenter le leader parlementaire du
gouvernement et en même temps nous avons su du ministre des Affaires
municipales qu'il n'avait pas l'intention d'exercer son droit de
réplique, droit auquel il aurait pu avoir recours s'il l'avait
jugé à propos.
Le député de Saguenay, ministre du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche, a fait une excellente intervention dans les termes
parlementaires et je le comprends très bien. J'ai moi-même
été assez longtemps député d'un comté. Je
comprends qu'au moment où nous arrivons à la fin d'un long
débat il sente le besoin de faire entendre ce qu'il croit être
l'opinion majoritaire de son comté. Je n'en suis pas tellement sûr
mais, enfin, c'est ce qu'il pense. On a vu la nervosité des
ministériels qui se sont empressés d'aller le féliciter,
après avoir souffert un martyre de plusieurs semaines et de plusieurs
mois. Nous comprenons tout cela. À la fin d'une session comme celle-ci,
nous sommes prêts à reconnaître qu'il y a des
éléments humains qu'il faut reconnaître. Je sais que le
député de Saguenay, le ministre, a sûrement passé
des moments difficiles. Je lui souhaite de ne pas continuer à passer des
moments difficiles. Les moments qu'il va connaître ne sont pas
nécessairement ceux qu'il vient de connaître pour un instant ici.
Ce moment de gloire va passer et il aura à rendre compte à la
population de Baie-Comeau et de Hauterive dans les heures et les jours qui
viennent. C'est son problème, et je n'ai pas l'intention de jeter de
l'huile sur le feu.
Je veux simplement rappeler à cette Chambre que, quant au projet
de fusion, c'est un objectif valable, c'est un objectif auquel nous avons
même souscrit quant au principe de cette cause qui peut être
défendue. Même si nous pensons qu'il y a là un
élément de justice économique et fiscale, même s'il
y a des arguments qui peuvent normalement encore militer en faveur d'une fusion
de ces deux villes, il y a autour du processus employé des choses
extrêmement troublantes. C'est justement cela qui a fait que nous avons
poursuivi une lutte pendant plusieurs semaines, et particulièrement au
cours des derniers jours, ce qu'on a appelé un "filibuster", qui a
amené de la part du gouvernement une motion de clôture afin de
mettre fin à la voix de l'Opposition, voix qui ne se voulait pas
contraire au principe ou à l'objectif d'une fusion, mais qui voulait
qu'une telle fusion se fasse selon des voies et des principes
démocratiques. C'est cela que nous avons défendu.
Est-ce qu'il a été possible de convaincre ce gouvernement
qu'il aurait été infiniment plus acceptable de procéder
par une consultation populaire des gens intéressés? Est-ce que
nous aurions pu réussir cela? Pas avec ce gouvernement. Malgré ce
que nous trouvons dans le programme sacré ou sacro-saint du Parti
québécois qui, dans ce programme même, se refuse à
des fusions qui ne sont pas entourées de toutes les précautions
démocratiques, M. le Président.
Ce gouvernement a dit que jamais il ne procéderait à des
fusions forcées. Nous avons là un exemple, présentement,
d'une fusion forcée. M. le Président, est-ce que cela veut dire
que, si on poursuivait ainsi cette politique, il faudrait en arriver à
la conclusion que ce gouvernement est prêt à faire des fusions non
seulement pour le petit chou du Saguenay, mais pour tous les autres
députés qui ont des problèmes comme ceux-là et
où on pense que, rationnellement, on aurait besoin d'un fusion? J'ai
dans mon propre comté des exemples où, je pense personnellement,
que ce serait mieux qu'il y ait une fusion. Il en a d'autres, même chez
nos amis d'en face, j'en suis convaincu. Je
vois déjà qu'il y a des acquiescements, il y a dans chacun
de ces comtés ou dans la plupart de ces comtés, d'un
côté comme de l'autre de la Chambre, des exemples où des
fusions seraient désirables justement pour des fins
d'équité fiscale et économique. Est-ce qu'on va dire,
désormais, que nous allons procéder à des fusions
forcées dans chacun de ces cas?
Des voix: Non.
M. Levesque (Bonaventure): Oui ou non, M. le Président?
C'est la question que je pose au gouvernement, ce soir. Ce gouvernement a-t-il
décidé, après l'exemple de Baie-Comeau et de Hauterive,
qu'ailleurs au Québec, dans les autres comtés du Québec
où il y a des raisons qui justifient de procéder à des
fusions, il devrait y avoir des lois spéciales et des motions de
clôture pour imposer des fusions? Est-ce la politique du gouvernement?
J'attends la réponse de ce gouvernement. Ou a-t-on fait un cas
spécial de Baie-Comeau et de Hauterive? On peut se poser des questions,
en dehors de l'euphorie de quelques instants du moment de gloire du
député de Saguenay, du ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, qui a été entouré de tous ceux qui ont
été complètement bouleversés par une
nervosité qui a rejoint chacun des membres de cette Assemblée.
Derrière les rideaux, dans les coulisses, le long des corridors de
l'Assemblée nationale, depuis quelques jours et quelques semaines, on
dit: Mais, mon Dieu! on est pris avec l'affaire de Baie-Comeau-Hauterive! Les
ministériels ne savaient plus où donner de la tête...
Des voix: Oh!
Une voix: C'est faux!
M. Levesque (Bonaventure): ... et ils se disaient: Est-ce qu'on
est pris avec le projet de loi no 37? On ne pourra même pas ajourner la
session à cause du projet de no 37. Qui a voulu cela, M. le
Président? On a même pris certaines précautions à la
dernière minute. On a dit: On va avoir un rapport. On va demander
à un comité formé de gens de Hauterive, de Baie-Comeau et
de la Commission municipale du Québec de se pencher sur la question et
de nous apporter un rapport qui nous dira la vérité.
La vérité, M. le Président, elle a
été déposée en cette Chambre. Cela n'a rien
changé aux intentions du gouvernement, cela n'a rien changé,
à la réalité des gens de Baie-Comeau et de Hauterive.
A-t-on ajouté quelques sommes pour aider justement à
réparer certaines injustices qui peuvent être créées
par cette fusion? Rien, M. le Président. On a même ajouté
des amendements qui sont de nature dictatoriale, pour assurer cette fusion, une
fusion forcée comme jamais on a forcé une fusion, M. le
Président.
Pourquoi deux minutes? Est-ce que je dois comprendre qu'il me reste deux
minutes, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est cela, M. le
député et leader de l'Opposition. Vous avez un droit de parole de
dix minutes.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, avec le
consentement, je vais continuer. Je suis convaincu qu'on va me donner deux ou
trois minutes, nous avons été très généreux
dans nos consentements toute la journée.
Une voix: Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Ceci étant dit, je ne suis pas
inquiet, M. le Président. La session n'est pas terminée et
j'espère que je vais avoir le consentement. Voici, M. le
Président. Nous avons entendu le ministre tout à l'heure parler
de la danse des millions, les millions qui auraient été
donnés à Baie-Comeau, à divers titres. Mais, M. le
Président, le "bonjour Lucien" de 1971, comment se fait-il qu'en 1982 ce
ne soit plus "bonjour, Lucien"? Il y a là une sorte de refus global de
la population de Baie-Comeau à cette fusion. (Minuit)
M. le Président, si cela fait 20 ans, 30 ans ou 40 ans que cela
dure, je ne sais pas combien d'années, est-ce qu'on n'aurait pas pu
attendre quelques mois simplement pour nous assurer que le tout se fasse selon
certains principes acceptables dans une démocratie? Est-ce qu'on
n'aurait pas pu procéder simplement à une consultation populaire?
Si on avait peur d'une consultation populaire dans chacune des
municipalités, est-ce qu'on n'aurait pas pu, au moins, avoir une
consultation populaire globale des deux municipalités? Rien, rien. On a
toujours refusé toutes les suggestions qui sont venues de la part de
l'Opposition et de la part des citoyens. Je me demande, M. le Président,
pourquoi on a ainsi procédé. On a créé là un
précédent. Et je reviens à mes paroles du début:
Est-ce une nouvelle politique du gouvernement? Est-ce qu'on va déchirer
la page du programme du Parti québécois qui dit que jamais on ne
veut avoir de fusions forcées? Vous ne le savez pas? Retournez à
votre programme et vous verrez.
Des voix: On l'a.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on a le programme du Parti
québécois quelque part ici? Oui. Je vois le premier ministre me
dire: Ce n'est pas nécessaire. Lui, il le sait! Je dis: Si on veut
déchirer cette page, qu'on
la déchire publiquement, mais jusqu'à nouvel ordre je
crois que nous sommes dans une situation où n'importe où au
Québec on pourra maintenant recourir à une fusion forcée.
Là, j'invite le ministre, même s'il a refusé son droit de
réplique, à le reprendre - deux minutes, d'accord - pour nous
dire si c'est la politique du gouvernement de procéder à des
fusions forcées lorsque des fusions volontaires semblent difficiles.
Les citoyens des villes concernées, du moins ceux de la ville de
Baie-Comeau désirent que les gens soient consultés avant de se
voir imposer cette fusion. N'est-ce pas là ce que proposait le programme
même du Parti québécois, lequel précise en page 4:
"Puisque les citoyens du Québec vivent en démocratie, c'est au
peuple de décider lui-même de son avenir"? Ailleurs, on peut lire:
"Un gouvernement du Parti québécois s'engage à revaloriser
le pouvoir local, notamment en démocratisant la Loi du
référendum au même titre que les autres lois
électorales et en étendant cette Loi du référendum
à toutes les cités et villes du Québec, y compris
Montréal et Québec, pour que leurs projets importants soient
agrées ou refusés par les électeurs". Alors, est-ce assez
clair, M. le Président?
Des voix: Bravo!
M. Levesque (Bonaventure): Ceci étant dit, lorsque le
ministre, mon bon ami le député de Saguenay...
Une voix: C'est un bon gars.
M. Levesque (Bonaventure): Je comprends les difficultés
qu'il a passées récemment. J'espère qu'il n'en aura pas
trop dans l'avenir. Mais le discours qu'il a fait ce soir, pourquoi ne le
fait-il pas à Baie-Comeau?
Des voix: Bien oui.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'il ne pourrait pas
convaincre les gens de Baie-Comeau?
Une voix: À l'aréna.
M. Levesque (Bonaventure): II y avait 3500 de ses concitoyens qui
étaient réunis à Baie-Comeau récemment et qui
invitaient le ministre à venir les rencontrer. Il n'a pas voulu,
à ce moment, aller faire le discours qu'il a fait en Chambre ce soir.
S'il avait été aussi éloquent et si ce qu'il a dit
correspondait autant à la vérité qu'ont semblé le
reconnaître ses collègues ministériels, il me semble qu'il
aurait pu convaincre la population. Pourquoi ne convainc-t-il pas la
population? Qu'est-ce qu'il y a qui ne va pas?
Une voix: Ouais!
M. Levesque (Bonaventure): Je ne le sais pas, je ne suis pas de
Hauterive, je ne suis pas de Baie-Comeau. J'aime les gens de Hauterive comme
j'aime les gens de Baie-Comeau. Plusieurs d'entre eux sont des gens qui
viennent de chez nous, qui viennent de la patrie du premier ministre, de la
patrie de celui qui vous parle. Les gens qui ont bâti Baie-Comeau et
Hauterive sont des gens que nous aimons bien. Nous aimerions que ces gens
puissent s'exprimer, dire avec qui ils veulent vivre ou ne pas vivre. Pourquoi
le ministre n'irait-il pas, avant l'adoption de cette loi, convaincre les gens,
demander un référendum?
Pardon? Je vous l'accorde, M. le ministre, si vous voulez avoir un droit
de réplique et me dire que vous irez à Baie-Comeau et que vous
voulez convaincre... Vous avez le droit de réplique. Quant à moi,
j'invite le ministre à venir nous dire qu'il est prêt à
aller à Baie-Comeau et à retarder l'adoption du projet de loi
pour que cette fusion se fasse dans l'harmonie. C'est cela que nous souhaitons.
Ceci étant dit, je souhaite que, si ce projet de loi doit être
adopté, cependant, j'invite les gens de Baie-Comeau et de Hauterive
à essayer de vivre le plus heureux, malgré le Parti
québécois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Jacques Léonard (réplique)
M. Léonard: M. le Président, je vous remercie, je
remercie l'Opposition de m'accorder une ou deux minutes pour clore un
débat qui tire à sa fin, évidemment, puisque nous allons
voter tout à l'heure et, sans préjuger du résultat. Quand
même, on peut escompter que beaucoup de gens ici à cette
Assemblée ont été convaincus du fond du dossier. D'autant
plus que, comme le rappelait le leader de l'Opposition, il y a eu un
comité conjoint qui a fonctionné. Alors qu'il s'était
disloqué à la fin de janvier, il s'est remis sur pied et il a
pondu un rapport fort intéressant, qui va servir sûrement aux
prochains élus de l'agglomération de Baie-Comeau pour prendre des
décisions très éclairées.
Quoi qu'il en soit, je ne voudrais pas en parler davantage. Je veux
simplement dire que, s'il y a une expérience qui a été
vécue ici qui a été difficile pour beaucoup de gens, elle
nous a donné quelques enseignements, bien sûr, à savoir que
je pense que j'aurai le consentement de mes collègues lorsque je
secouerai la poussière qu'il y a sur la loi des fusions volontaires pour
l'aménager et la rendre plus facile d'accès pour tout le monde,
et c'est vraiment la voie dans
laquelle il faut se diriger. Je pense que les fusions forcées
comme celles-là sont des exceptions.
Alors, en terminant, je pense que, maintenant que le débat est
fait, lorsque le vote sera terminé, il s'agit de vivre avec une loi. Il
faut le faire dans la solidarité des gens de Baie-Comeau. Je pense que
nous leur donnons l'occasion de créer sur la Côte-Nord une
très grande métropole qui va être dynamique, qui va
être bien intégrée. Je pense aussi que ce sont des gens
eux-mêmes dynamiques qui ont foi dans l'avenir et qu'ils vont
réaliser ce qu'ils espèrent. Alors, l'avenir, c'est demain
matin.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Comme il a
été convenu, il y a cinq projets de loi, le projet de loi no 72,
le projet de loi no 62, le projet de loi no 68, le projet de loi no 70 et le
projet de loi no 37, qu'il faut maintenant mettre aux voix. Est-ce qu'on doit
appeler les députés?
M. Levesque (Bonaventure): Oui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Qu'on appelle les
députés. (0 h 08)
Mise aux voix
(0 h 12)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Prenez vos sièges.
S'il vous plaît. S'il vous plaît.
Le premier vote va donc porter sur la troisième lecture du projet
de loi no 37, Loi regroupant les villes de Baie-Comeau et de Hauterive. Que
ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bertrand, Mme Marois, MM. Bédard, Johnson (Anjou), Bérubé,
Landry, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Marcoux, Biron, Godin,
Rancourt, de Bellefeuille, Richard, Clair, Chevrette, Fréchette, Marois,
Duhaime, Garon, Tardif, Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Proulx, de
Belleval, Mme Lachapelle, MM. Brassard, Dean, Paquette, Gagnon, Guay, Dussault,
Vaugeois, Fallu, Marquis, Charbonneau, Boucher, Mme Harel, MM.
Beauséjour, Champagne, Blais, Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante,
Lavigne, Brouillet, Rochefort, Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue),
LeMay, Rodrigue, Payne, Beaumier, Tremblay, Lafrenière, Paré,
Lachance, Dupré, Bisaillon.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux qui sont contre
veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
O'Gallagher, Ciaccia, Lalonde, Vaillancourt (Orford), Mme Bacon, MM.
Bélanger, Mathieu, Assad, Vallières, Mme Dougherty, MM. Lincoln,
Paradis, Pagé, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Cusano, Dubois, Sirros,
Dauphin, Doyon, Kehoe, Houde, Middlemiss, Hains.
Le Secrétaire: Pour: 62 Contre: 27
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Mise aux voix de la troisième lecture du projet
de loi no 70
Le deuxième vote porte sur la troisième lecture du projet
de loi no 70, Loi concernant la rémunération dans le secteur
public. M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je proposerais avec le
consentement de l'Opposition que, pour les quatre autres projets de loi, soit
les projets de loi nos 70, 68, 62 et 72, nous ayons le même vote.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il semble que
le gouvernement est tellement sûr que ses lois ne sont pas bonnes qu'il
prévoit qu'on va voter contre. Je pense que le gouvernement a raison
pour une fois. Nous allons voter contre tous ces projets de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cependant, je pense que le
député de Sainte-Marie...
M. Bisaillon: M. le Président, il serait peut-être
possible de procéder au vote sur 70 et 68. Quant à moi, je vote
contre 70 et 68; pour les autres, je suis pour.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Quant à moi, c'est l'abstention sur le projet
de loi 70.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, je vais lire le
projet de loi.
M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Le secrétaire
général semble avoir des difficultés et, s'il en a, je
crois qu'on va voter pour vrai.
Des voix: On vote.
M. Levesque (Bonaventure): On vote.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui
sont pour le projet de loi 70 veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bertrand, Mme Marois, MM. Bédard, Johnson (Anjou), Bérubé,
Landry, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Marcoux, Biron, Godin,
Rancourt, de Bellefeuille, Richard, Clair, Chevrette, Fréchette, Marois,
Duhaime, Garon, Tardif, Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Proulx, de
Belleval, Mme Lachapelle, MM. Brassard, Dean, Paquette, Gagnon, Guay, Dussault,
Vaugeois, Fallu, Marquis, Charbonneau, Boucher, Beauséjour, Champagne,
Blais, Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne, Brouillet, Rochefort, Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), LeMay, Rodrigue, Payne, Beaumier,
Tremblay, Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui
sont contre veuillent bien se lever s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
O'Gallagher, Ciaccia, Lalonde, Vaillancourt (Orford), Mme Bacon, MM.
Bélanger, Mathieu, Assad, Vallières, Mme Dougherty, MM. Lincoln,
Paradis, Pagé, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Cusano, Dubois, Sirros,
Dauphin, Doyon, Kehoe, Houde, Middlemiss, Hains, Bisaillon.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Abstentions.
Le Secrétaire adjoint: Abstentions, Mme Harel.
(0 h 20)
Le Secrétaire: Pour: 60
Contre: 28
Abstentions: 1
Enregistrement des noms sur la
troisième lecture des projets
de loi nos 68, 62 et 72
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Troisième lecture du projet de loi no 68, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant les régimes de retraite.
J'ai cru comprendre que c'est le même vote que celui sur la loi no 37,
sauf que le député de Sainte-Marie vote contre au lieu de voter
pour.
M. Bisaillon: C'est cela, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture
du projet de loi no 62, Loi concernant la Loi constitutionnelle de 1982. C'est
le même vote que celui sur la loi no 37.
Une voix: C'est cela.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture
du projet de loi no 72, Loi modifiant le Code du travail, le Code de
procédure civile et d'autres dispositions législatives. C'est le
même vote que celui sur la loi no 37.
Une voix: C'est cela.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce qu'on
pourrait ajouter le nom du député de
Notre-Dame-de-Grâce?
Des voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Consentement.
M. Levesque (Bonaventure): Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le premier
ministre.
Bilan et voeux M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président,
après les flots d'éloquence qu'on a entendus ce soir, je vais
essayer d'être le plus bref possible parce qu'il est déjà
passé minuit largement. D'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une
prorogation, mais d'un ajournement. On ne quitte pas cette session
définitivement, on ajourne nos travaux à plus tard pro forma,
comme on dit en général, c'est-à-dire que c'est une
formalité. La date qui vous sera donnée ne sera, le moins que je
puisse dire, fort probablement pas la bonne. Il est possible que nous avancions
cette date, il y a même de fortes possibilités, mais je crois que
c'est normal, dans la tradition, de prendre la date la plus lointaine possible
quand on ajourne pro forma, de façon à pouvoir garder une
certaine souplesse.
Évidemment, la session n'est pas terminée. On a encore
beaucoup de pain sur la planche pour l'automne. Il suffit d'ailleurs de
référer au discours inaugural de novembre 1981 pour s'apercevoir
qu'il manque encore des pièces. Certaines pièces majeures qui,
à la dernière minute, ont été
déposées, demanderont du travail pendant cet été et
à la reprise aussi, que ce soit la Loi de l'Assemblée nationale -
je dois souligner ici pour la énième fois, parce qu'il y a des
gens qui, dans les médias d'information surtout, ne semblaient pas avoir
compris - qui n'est pas complète, tout le monde le sait. Il manque des
pans entiers du côté des questions délicates pour tous les
parlementaires, que sont le traitement et aussi le régime de retraite
sur lesquels nous nous sommes engagés, sous forme de complément,
à terminer le travail cet été. En particulier ce
qui est évidemment difficile parce que c'est la
nécessité, comme on vient de le faire d'ailleurs en ce qui
concerne les secteurs public et parapublic, mutatis mutandis, la
nécessité d'ajuster, d'une façon plus acceptable, je
crois, pour la suite, ce régime de retraite des parlementaires.
On a eu d'ailleurs la chance d'avoir un petit groupe de citoyens
éminents qui nous ont donné un coup de main - parce que c'est
toujours difficile, c'est un peu délicat quand on est pris
soi-même par le sujet, on risque toujours d'être à la fois
juge et partie - qui nous ont fait d'excellentes recommandations dans
l'ensemble. On va les étudier le plus rapidement possible de
façon à faire le meilleur travail possible aussi et autant que
faire se pourra, de concert avec l'Opposition, pour arriver avec un projet de
loi complet, dont la partie retraite sera nécessairement
rétroactive au 1er juillet. Il y a donc cette Loi de l'Assemblée
nationale. Il y a la révision et, je crois, des progrès
substantiels aussi dans la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne qu'il faudra travailler avant la fin de la
session.
Je dois dire que vous retrouverez dans le discours inaugural
l'évocation, la perspective de changements qui sont devenus
nécessaires, tout le monde l'admet, et c'est un très gros morceau
au point de vue social comme au point de vue économique, en ce qui
concerne le Régime des rentes du Québec, et, par voie de
conséquence, la Caisse de dépôt. Du travail se fera, je
l'espère, de façon qu'on puisse arriver avec tout ça dans
le meilleur état possible au moment de la rentrée. Sans compter,
au-delà de la législation, tout ce qui, dans le domaine
budgétaire et administratif, pourrait nous solliciter pendant les
derniers mois de l'année.
Ce n'est pas le temps, ce soir, de prétendre faire un bilan qui
ne serait pas complet. Je rappellerai simplement qu'on a eu à remplir,
et je pense que c'est normal pour un gouvernement qui a un renouvellement de
mandat, certains engagements qui sont devenus d'autant plus prioritaires que la
situation économique nous semblait commander qu'on fasse le maximum de
ce qu'on pouvait parce que c'était directement relié à
certains aspects, hélas trop modestes, on le sait bien, mais des
difficultés économiques auxquelles il faut faire face: que ce
soient les bons d'emploi pour les jeunes ou le programme d'accès
à la propriété qui, heureusement, donne de bons
résultats, ou que ce soit l'établissement des jeunes
agriculteurs, de la relève agricole. En fait, on peut dire que la
situation économique, la crise économique à laquelle tout
le monde doit faire face, on l'a retrouvée, depuis la fin de l'an
dernier, à tous les détours depuis le début de la session.
On l'a retrouvée, hélas, dans le budget supplémentaire
très dur, cruel même, qu'il a fallu adopter à la fin de
1981... On retrouve également entre les lignes du budget régulier
de 1982-1983 qui est venu 'à la fin de mai cette préoccupation
constante, obsédante, de la situation économique. Cela se
répercute dans les projets de loi nos 68 et 70 qu'on vient de voter et,
bien sûr, c'était également à l'arrière-plan
de la loi d'exception qu'on a cru devoir présenter, hier soir, pour
assurer le retour au travail d'une partie importante du corps médical,
des effectifs médicaux du Québec.
C'est aussi la situation économique qui nous a dicté le
programme de maintien d'emplois ou de stimulation économique qu'avec les
moyens du bord dont on dispose, on a complété ces
dernières semaines, y compris cette pièce maîtresse qui a
été complétée par une loi qui, je crois,
était un projet d'urgence et qui, grâce à la
coopération de l'Opposition, a pu être complétée,
votée ces jours derniers, cette pièce maîtresse
étant, bien sûr, le programme de relance de la construction
domiciliaire.
J'écoutais, tout à l'heure, le président du Conseil
du trésor; je ne répéterai pas ce qu'il a dit, sauf pour
simplement le réaffirmer. C'est quelque chose dont, en touchant du bois,
en espérant que cela va donner tous les résultats
escomptés - parce que je pense que personne ne peut être contre la
perspective de succès pour un programme comme celui-là - on peut
être fier, simplement qu'on se soit rendu, déjà, à
cette solidarité concrète de gens qui disent: Oui, on va faire
notre part, on va casquer les uns et les autres pour essayer de relancer ce qui
reste toujours un secteur stratégique dans n'importe quelle
économie. Je pense que je n'ai jamais vu cela ailleurs, on ne l'a jamais
vu avant au Québec. Il n'y a pas de mérite particulier du
gouvernement, c'est le mérite de notre société où
de plus en plus de gens se rendent compte qu'il va falloir le plus possible, au
coude à coude, en tout cas, comme jamais auparavant, faire face à
ce qui se passe comme situation économique et à tout ce que cela
peut impliquer d'épreuves pour l'ensemble de nos concitoyens.
On retrouve cela tout au long de la session. On a retrouvé cela
dans les préoccupations tout au long de l'année. En même
temps que c'était sous le signe de la crise, tout ce qui est
arrivé ou tout ce qu'on a essayé de faire de notre mieux, on peut
dire aussi que c'était sous le signe de l'espoir ou, en tout cas, d'une
confiance en l'avenir qui semble de plus en plus justifiée.
Évidemment, on ne voit pas cela à court terme. Quand on ne voit
pas plus loin que le bout de son nez, c'est sûr qu'on ne le voit pas.
Ayant déjà vécu ce qu'est l'Opposition, je me dis que
c'est normal aussi que ce soit
le court terme qui préoccupe surtout nos amis d'en face. Nous
sommes tous exposés à cela. C'est normal, dans le quotidien, mais
il reste quand même que, quand on regarde ce qui se passe dans notre
population - peut-être qu'on devrait sortir plus souvent, on va en avoir
l'occasion pendant un certain nombre de semaines - on a l'impression que la
perspective est beaucoup moins noire que ce que parfois on distille ici sans
trop s'en rendre compte les uns et les autres. (0 h 30)
II y a tellement de force, il y a tellement d'espoir concrètement
réalisable grâce à nos ressources humaines, à leur
qualité maintenant et grâce à la dotation matérielle
que renferme le Québec, peut-être qu'on devrait profiter - le
premier qui pourrait le dire, c'est votre serviteur - mais les uns et les
autres de la pause estivale pour essayer le plus possible d'aller voir ce qui
se passe un peu partout dans tous les milieux chez nous et corriger un peu une
certaine vision qu'on risque d'avoir parfois à force de s'enfermer dans
des débats qui sont toujours à court terme. En tout cas, sur le
plan législatif en particulier, on verra la suite à
l'automne.
Entre-temps, je dois juste souligner qu'avec quelques-uns de mes
collègues du Conseil des ministres, j'arrivais ce soir des
États-Unis, juste à côté, pas loin, où
là aussi, en compagnie de représentants de six États
américains de la Nouvelle-Angleterre et de cinq provinces y compris le
Québec, on a pu partager encore ce sentiment, cette conscience de vivre
de très grandes difficultés, d'être quelque part dans un
tunnel économique dont on ne voit pas très
précisément le bout, mais, et c'est ce qui arrive dans notre
société - on a l'impression que ça peut arriver entre gens
qui se connaissent bien, qui ont des liens d'amitié et des liens de
coopération de plus en plus solides - cette crise est aussi l'occasion
de travailler ensemble comme jamais auparavant et d'essayer en tout cas de voir
toutes les possibilités de maximiser nos efforts pour autant qu'on peut
les mettre en commun.
Beaucoup de gens parlent à travers le monde du dialogue Nord-Sud
à l'échelle planétaire. Cela n'a pas l'air exactement pour
demain, que ça puisse se réaliser concrètement, bien que
la perspective soit généreuse et probablement nécessaire
pour l'avenir du monde. Quant à nous, on a un petit dialogue à
notre échelle Nord-Sud avec nos voisins, en particulier de New York et
des États de la Nouvelle-Angleterre, qui devient, à mon humble
avis, de plus en plus une tradition fructueuse et un resserrement non seulement
de relations de bon voisinage, mais de relations d'amitié de plus en
plus productives et de plus en plus bénéfiques pour les deux
parties. De cela comme de bien autre chose, on aura sûrement des
nouvelles et des développements à communiquer d'ici à la
fin de l'été.
D'ici là, très brièvement, selon l'usage, il me
reste et très chaleureusement à rendre un hommage
mérité à tous ceux et celles qui ont contribué
directement ou indirectement au progrès et au succès de nos
travaux depuis un bon nombre de mois, à commencer, bien sûr, par
toute l'équipe ministérielle avec au premier rang les whips, pour
qui le travail de fin de session est toujours particulièrement
cauchemardesque, et les leaders. Je soulignerais en particulier le travail du
leader officiel du gouvernement, mon voisin ici, le député de
Vanier, qui a pris la relève au pied levé, littéralement,
en plein coeur de la session, et qui, grâce à un travail
acharné - on peut tous en témoigner de ce côté-ci -
grâce aussi à la collaboration loyale qu'il a réussi
à maintenir, et cela se joue des deux côtés, avec le leader
de l'Opposition, est parvenu à conduire à bon port, à une
heure encore convenable et avant les derniers délais, cette partie
importante de la session.
Évidemment, je voudrais remercier le secrétaire
général, tous les officiers et tout le personnel de la Chambre
qui, sous la direction ferme et souple de la présidence, nous ont
facilité la tâche tout le long du chemin, de même que les
équipes du journal des Débats, les équipes de la
télévision des débats et tout le personnel du
Parlementaire qui est toujours aussi accueillant, aussi dévoué.
Je n'ai pas à remercier les gens de la tribune de la presse dont le
rôle n'est pas de nous faire plaisir. Ils ont réussi à
écorcher tout le monde à peu près également, donc,
ils ont dû remplir leur rôle convenablement. À eux et
à elles, à toutes et tous, comme aussi à nos concitoyens
qui ont parfois la patience de suivre nos travaux, il reste à souhaiter
d'abord une bonne fête nationale au-dessus des partis, des divisions.
Peut-être qu'on rediscutera encore des budgets un peu plus tard, mais
espérons que non. Ils sont marqués au signe de
l'austérité cette année de toute façon. Quoi qu'il
en soit, ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de
fierté et d'identité en tout cas et je crois qu'on doit se
souhaiter à tous une bonne fête nationale et aussi de pouvoir
prendre des vacances et d'en profiter pour qu'on se retrouve dans la meilleure
forme possible un jour qu'il reste à fixer définitivement pendant
l'automne qui vient. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, quand j'écoutais le
premier ministre dire tantôt que la presse avait réservé un
traitement à peu
près égal aux députés des deux
côtés de la Chambre, j'ai vu son collègue, le ministre de
la Justice, sourire en me regardant. Il semblait trouver que j'avais
été l'objet d'un traitement un peu plus égal que les
autres à certains moments.
Des voix: Ah! Ah!
M. Ryan: Quand j'écoutais ce soir le député
de Saguenay, suivi par mon collègue, le député de
Bonaventure, je m'amusais intérieurement, parce que je me disais qu'il y
a seulement dans la politique qu'on peut défendre avec autant de chaleur
des points de vue opposés en étant convaincus qu'on a
parfaitement raison de chaque côté. Nous savons tous que dans la
réalité, les choses sont plus partagées, même
l'intérieur de chacun. Je tiens à rassurer le
député de Saguenay de ce côté-là que, sur le
projet de loi qu'il défendait, sur le fond, j'avais une sympathie
profonde pour la cause qu'il représentait. J'aurais voulu qu'il la
défende d'une autre manière, mais cela fait partie de nos moeurs
parlementaires. Je pense que le système veut que nous soyons dans une
relation d'adversaires à peu près tout le temps et il faut que
nous l'acceptions.
Je constate, malgré ce que je viens de dire, qu'encore au cours
de la dernière session, si nous traçons un bilan objectif de ce
que nous avons fait, les projets de loi qui nous ont permis d'être
d'accord ont été au moins aussi nombreux que ceux sur lesquels
nous nous sommes sentis obligés d'être en désaccord. Je ne
veux pas faire frémir les membres de mon parti en disant que sur au
moins dix textes de loi différents, nous avons voté avec le
gouvernement, mais c'est une vérité historique. J'observais cet
après-midi des échanges de bons procédés auxquels
-encore une fois, je veux rassurer tout le monde - je n'avais rien à
faire, M. le Président, entre les députés de ce
côté-ci de la Chambre qui ont participé avec le ministre
des Communications et quelques-uns de ses collègues à
l'étude du projet de loi qui est devenu loi maintenant, sur
l'accès à l'information. On nous racontait de part et d'autre que
le travail s'était fait dans un esprit de recherche objective et
désintéressée qui était vraiment une source
d'édification pour nous tous. Je pense qu'il y a de ces moments
constructifs dans la vie de l'institution parlementaire qu'il convient de
signaler. Je constate qu'au cours de cette partie de session que nous
terminons, en plus du projet de loi 65, il y a eu le projet de loi 75 sur le
développement de la SDI qui a donné lieu à un accord des
deux côtés de la chambre.
Le projet de loi que nous avons adopté hier sur le retour au
travail des médecins omnipraticiens a également donné
lieu, je pense, à un débat hautement civilisé, de
même que la loi sur la réforme, la législation
coopérative, la loi sur le programme d'urgence en matière
d'habitation, les deux projets de loi du ministre de l'Agriculture qu'on fait
semblant de traiter durement de ce côté-ci de la Chambre et qui
sait qu'on l'affectionne beaucoup. Il nous le rend, d'ailleurs, au
centuple.
Il y a également deux projets de loi que nous avons
été très heureux de voir adopter par cette Chambre, celui
sur le financement des jeunes agriculteurs qui veulent se lancer dans la
profession agricole et celui sur l'ajustement de la loi de mise en
marché des produits agricoles pour les producteurs de pommes. Nous
sommes très heureux de ces changements qui ont été
apportés à nos lois. Je pense que ce sont autant d'exemples qui
montrent que sur bien des sujets, il existe encore, malgré nos
divergences, un consensus profond, c'est-à-dire un certain nombre de
valeurs et de principes communs qui nous permettent de chercher ensemble, dans
un esprit constructif, des solutions valables pour tous nos concitoyens.
Évidemment, il y a également des projets de loi auxquels
nous nous sommes opposés durement au cours de la dernière
session. Je mentionne, en particulier, les projets de loi qui regardent les
relations du travail, le projet de loi sur les régimes de retraite
gouvernementaux, le projet de loi sur les coupures salariales que devront
encaisser les travailleurs des secteurs public et parapublic au début de
la prochaine année, le projet de loi 72 sur lequel nous trouvions que le
gouvernement a apporté une solution très déficiente, le
projet de loi 37 sur la fusion de Baie-Comeau et de Hauterive et le projet de
loi sur le zonage agricole où nous trouvons qu'il répond
très incomplètement aux besoins qui existent de ce
côté. Finalement, il y a eu le projet de loi sur la
Communauté urbaine de Montréal au sujet duquel, après
avoir approuvé l'intention du gouvernement en deuxième lecture,
nous nous sommes vus obligés de voter contre le texte, parce qu'il y
avait des points essentiels sur lesquels nous n'avions pas eu satisfaction,
mais je pense qu'on peut dire d'une manière... (0 h 40)
M. Levesque (Bonaventure): Le projet de loi no 62.
M. Ryan: II y a le projet de loi 62 que j'allais oublier, dont
nous avons évidemment discuté, encore aujourd'hui, sur lequel
j'ai réussi à réveiller le ministre de la Justice qui
aurait voulu qu'on ait un débat très bref et qui, finalement, a
parlé presque aussi longtemps que moi, ce qui n'est pas peu dire.
Pour conclure, je pense que nous avons fait un bout de session
très productif, le
dernier. Malheureusement, pendant toute la première partie de la
session, le gouvernement s'est essayé à maintes reprises au jeu
des motions à caractère unanimiste. J'étais très
heureux de voir le premier ministre, à la fin du débat, conclure
que, selon lui, selon l'expérience que nous avons vécue ensemble,
ce n'est peut-être pas le meilleur usage que nous puissions faire de
l'institution parlementaire que de multiplier le recours à ces motions.
De toute manière, c'est le gouvernement qui a l'initiative dans cette
Chambre et nous sommes toujours prêts à lui répondre au
meilleur de nos aptitudes.
Je pense que le climat des relations entre les parlementaires de deux
côtés, si vous voulez ma modeste impression, s'est plutôt
amélioré au cours de la dernière année. Je suis
entré en Chambre dans une période où il y avait une
polarisation très intense et où on ne se parlait pratiquement pas
des deux côtés de la Chambre. Je ne pensais pas que c'était
aussi dur. Peut-être que ça s'adressait plus à moi parce
que j'étais nouveau, dans une fonction nouvelle, je ne sais trop, mais
je trouvais ça un peu dur. Je crois constater que depuis quelques mois,
les rapports sont meilleurs de ce côté-là. Les divergences
restent nombreuses et profondes, mais il me semble qu'on a appris davantage
à se parler avec respect et à se considérer même
quand on est à des pôles entièrement opposés dans le
spectre des opinions.
Je voudrais dire seulement un mot en terminant sur la leçon que
je dégage personnellement de cette session. Je pense que c'est une
session qui a été dominée par la hantise de la crise
économique qui frappe très durement nos concitoyens du
Québec et par cette impression d'échec que nous avons
constatée de ce côté-ci de la Chambre en matière de
gestion des finances publiques. Je pense que nous étions dans une
situation économique qui aurait exigé de la part du gouvernement
des ressources, un potentiel d'intervention qui, malheureusement, a
été épuisé presque complètement par les
déficits énormes des dernières années. C'est
malheureux que nous ne puissions pas faire davantage ensemble pour contribuer
à soulager cette situation qui multiplie les chômeurs, qui
multiplie les fermetures d'entreprises, les coupures de personnel, les
réductions dans le volume de la production, les tensions auxquelles sont
en proie des milliers et des milliers de foyers de chez nous. Je veux vous
assurer que, de ce côté-ci de la Chambre, nous allons employer
toute notre énergie au cours de la période à venir pour
collaborer à la recherche de solutions aux problèmes qui se
posent à nos concitoyens dans le domaine de l'économie.
Au cours des débats, il nous arrive souvent de mettre le
blâme du côté du gouvernement. Je pense que c'est notre
responsabilité de le faire et, très souvent, nous avons de bons
arguments pour appuyer nos reproches. Nous savons très bien qu'il y a
une conjoncture générale qui est défavorable actuellement,
qui fouette très durement non seulement le Québec, mais tout le
Canada, toute l'Amérique du Nord et même tout le monde
industrialisé. Je pense qu'il y a une leçon très
sérieuse qui se dégage de tout ça pour nous. Après
les années d'optimisme que nous avons vécues ensemble depuis
1960, nous sommes entrés dans une période de contraction, de
rétrécissement des chances qui nous obligent à faire
preuve d'infiniment plus de mesure et de circonspection dans le
déploiement des moyens que nous allons puiser finalement dans les
goussets des contribuables. Je pense que nous sommes entrés dans une
période où les mots discipline, sobriété,
pondération, retenue, qui faisaient sourire il n'y a pas tellement
longtemps beaucoup de monde dans ce milieu, commencent à prendre toute
leur signification. On s'aperçoit que ce sont des mots qui vont
peut-être nous conduire au redressement dont nous avons besoin pour
retrouver le sens de notre avenir.
Je pense qu'en cette veille de fête nationale il n'y a pas de
sentiment plus pertinent à exprimer que celui que je résumerais
par les mots suivants: D'un côté, malgré toutes ces
difficultés que nous connaissons ensemble, nos concitoyens et
nous-mêmes, nous devons garder une foi profonde dans le destin de notre
peuple. Notre peuple a connu bien des difficultés dans le passé,
toute son histoire a été consacrée à vaincre des
obstacles qui apparaissaient insurmontables aux yeux des observateurs de
l'extérieur, aux yeux de bien des pessimistes de l'intérieur
également. Chaque fois, par une espèce de ressort
intérieur très profond et toujours vivant, notre peuple a
réussi à passer à travers, à forger son destin,
parfois d'une manière obscure, incompréhensible à l'oeil
nu, mais pour atteindre de nouveaux sommets, de nouveaux dépassements
qui lui ont permis de se doter d'une société, d'un réseau
d'institutions, d'un mode de vie qui fait de lui une nation, une
communauté nationale, originale, dans la famille des peuples.
J'espère que ce sentiment, nous allons tous ensemble l'approfondir au
cours des prochains jours. Je parle autant pour nos concitoyens en
général que pour nous-mêmes parce que nous sommes tous
égaux en ce jour de fête nationale. Il n'y a plus de chefs. Il n'y
a plus de sujets. Tout le monde, nous sommes les membres égaux d'une
grande famille, y compris ceux qui sont d'une origine différente de
celle de la majorité.
Je pense que la deuxième note qui se dégage de notre
expérience des derniers mois, c'est la note du réalisme. La foi
est
très importante; le réalisme aussi. Je pense que nous
devons nous méfier plus que jamais des rêveurs qui nous
amènent vers des aventures sans issue et aussi des opportunistes qui
voudraient nous diminuer et nous rabaisser à un niveau dont nous ne
voulons pas non plus. C'est dans ce mélange harmonieux de
réalisme et de foi dans les plus hautes destinées que nous allons
trouver le chemin de l'avenir au cours des mois qui s'annoncent dans des
conditions difficiles, mais que nous sommes capables de vaincre.
Je souhaite à tous nos concitoyens une très heureuse et,
malgré les circonstances difficiles d'aujourd'hui, une joyeuse
fête nationale. J'espère que, des deux côtés de la
Chambre et tous les Québécois sans aucune distinction de classe,
de race, de langue, de religion ou d'origine, tous ensemble nous fêterons
le Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, j'ai eu plus que ma large
part de fleurs, cet après-midi, lorsque nous avons étudié
en troisième lecture le projet de loi no 65, Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels. À ce moment-ci, prenant le chapeau du leader parlementaire
du gouvernement, je sens que les circonstances m'amènent à
peut-être inviter le pot davantage que les fleurs.
Effectivement, ce métier difficile de parlementaire,
particulièrement dans une position où il s'agit, jusqu'à
un certain point, de piloter une équipe à l'Assemblée
nationale, nous amène, à l'occasion, à des excès de
voix et, quelquefois, des écarts de langage. À ceux que j'aurais
blessés, d'une façon ou d'une autre, quels que soient les termes
qui auraient pu être utilisés dans le cadre de quelque
débat que ce soit, je voudrais dire à l'ensemble de mes
collègues de l'Assemblée nationale que tout cela n'est jamais
fait de mauvaise foi. Nous sommes, de part et d'autre, des gens qui pensent
différemment. Nous tentons d'exprimer nos sentiments, nos
émotions, nos opinions, sous une forme qui nous apparaît
convenable. L'Assemblée nationale étant ce qu'elle est, le
Parlement étant l'institution qu'on connaît, il arrive qu'il
existe un fossé plus large entre les quelques pieds qui nous
séparent les uns des autres qu'entre les sentiments profonds qui nous
animent lorsque nous débattons différents projets de loi. Tout le
monde aura bien compris qu'en aucun moment, ni par goût, ni par
motivation, je n'ai voulu passer sur le corps de qui que ce soit. Mais les mots
sont là et ils demeurent. (0 h 50)
Au-delà de ces mots et de ces réalités, il y a tout
de même des choses positives qui demeurent. Parmi ces choses les plus
positives, je voudrais dire que ce que je retiens de véritablement
intéressant dans cette fonction de leader parlementaire du gouvernement,
c'est cette très étroite collaboration que le leader
parlementaire de l'Opposition qui, pour l'instant, est distrait par son
adjoint, a toujours voulu m'accorder.
Effectivement, M. le Président, il s'agit là d'un homme
qui a consacré à la vie politique plus d'années que
quiconque en cette Chambre, beaucoup d'expérience, beaucoup de sagesse,
un certain caractère de renard, une certaine capacité de tourner
le fer dans la plaie. Je ne sais, pour n'être pas né dans cette
région, s'il s'agit de caractéristiques qui sont propres aux gens
de la Gaspésie...
M. Lévesque (Taillon): C'est sui generis.
M. Bertrand: ... il n'en demeure pas moins que j'ai su
apprécier et comprendre comment nous devons, ici à
l'Assemblée nationale, remplir de part et d'autre nos
responsabilités avec tout ce que cela implique de difficultés, de
remous et, en même temps, savoir, parce qu'il le faut bien, se
rencontrer, se concerter, dialoguer, collaborer et coopérer. À ce
point de vue, M. le Président, vous me permettrez ici de rendre un
hommage particulier, après quatre mois dans cette fonction de leader
parlementaire du gouvernement, à la finesse, à la gentillesse,
à la cordialité, à l'amabilité du leader de
l'Opposition.
Des voix: Bravo!
M. Lévesque (Bonaventure): ...
M. Bertrand: M. le Président, je sais qu'il ne me le
rendra pas nécessairement, mais je sais par contre que, si cette
relation doit se maintenir au cours des prochains mois, je peux compter sur une
personnalité de cette Assemblée nationale qui apporte une
contribution exemplaire à ce qu'on pourrait appeler la valorisation de
l'institution même dans laquelle nous sommes appelés à
travailler.
Je voudrais aussi, parce que nous oublions trop souvent ces personnes
qui travaillent autour de nous, et le leader de l'Opposition sait de qui je
veux parler, souligner de façon particulière cette fois-ci
à quel point autour de nous, des femmes et des hommes nous aident
à faire ici à l'Assemblée nationale, notre strict devoir
d'état. Je veux remercier très particulièrement trois
personnes qui, depuis fort longtemps, sont associées non seulement
au travail du leader parlementaire du gouvernement qui assume cette
responsabilité depuis le 23 février, mais qui, aussi,
étaient là au moment où mon prédécesseur, le
député de Saint-Jacques, occupait les mêmes fonctions. Je
veux mentionner tout particulièrement les noms de Denise Malouin, de
Pauline Poisson et de Mathieu Proulx. Ce sont des personnes qui, dans l'ombre,
chaque jour, efficacement, font un travail qui, par la suite, est pris en
charge par le leader de chacune des formations politiques. Je pense qu'il est
tout à fait normal, dans les circonstances, que nous rendions à
ces personnes l'hommage qu'elles méritent.
Nous avons vécu une session d'environ 80 jours, 80 jours qui nous
auront permis de voter, d'adopter environ 45 projets de loi publics et 35
projets de loi privés; cela constitue, comme le disait le chef de
l'Opposition, un travail considérable. Cela constitue aussi un travail
qui, particulièrement dans le contexte de la crise économique que
nous connaissons, de la crise budgétaire que nous tentons, tous
ensemble, de traverser, je dois le dire, est attribuable à cette
équipe qui, d'heure en heure, de commission en commission, de
séance en séance, ici, jour et nuit, très souvent, sous la
gouverne du whip en chef du gouvernement et de ses collaborateurs, a permis que
nous en arrivions à faire en sorte que le bilan, somme toute, soit
positif en fin de compte. Je voudrais donc remercier ici tous les membres de
l'équipe ministérielle, les députés d'abord - je le
dis - et les ministres.
Finalement, pour conclure ces quelques propos, je voudrais qu'au moment
de terminer ces quelques commentaires, nous puissions rendre hommage ici,
à l'Assemblée nationale, à toutes ces personnes qui nous
aident de près ou de loin, chez vous, M. le Président, dans votre
entourage, les gens de la télédiffusion des Débats, les
gens qui travaillent autour de nous comme pages, à une personne qui,
demain, prend sa retraite, qui nous quitte après avoir consacré
plusieurs années à nous rendre service; simplement par une motion
non annoncée, mais qui, je le crois, sera agréée par tout
le monde, je veux rendre hommage à quelqu'un que vous avez
visité, M. le premier ministre, sur la rue Sainte-Thérèse,
dans le comté de Taschereau, à l'occasion du Carnaval de
Québec, notre bon ami Paul Frenette qui prend sa retraite demain et que
nous remercions beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Gérard D. Levesque M. Levesque (Bonaventure): M. le
Président, il est 1 heure du matin et vous devez avoir hâte de
m'entendre.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Ah! Ah! Ah!
Je suis convaincu que tous ceux qui demeurent ici voudraient
bénéficier du message fort important que j'ai à livrer ce
soir ou ce matin.
Ceci étant dit, M. le Président, très
brièvement, je voudrais vous remercier, vous, l'équipe de la
présidence, si je peux l'appeler ainsi, l'équipe de soutien, en
commençant par le secrétaire général
lui-même, ses collaborateurs, les gens du journal des Débats, du
Parlementaire, les journalistes, qui sont tous là et nous
écoutent présentement...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Je voudrais féliciter et
remercier tous ceux, autrement dit, qui ont collaboré avec nous pour
faciliter toute cette vie parlementaire qui a divers aspects: des aspects
heureux, des aspects malheureux, des aspects de cordialité, des aspects
d'affrontement, de confrontation, des compliments de fin de session, que nous
aimons bien recevoir, mais qui nous mettent mal à l'aise
vis-à-vis de nos troupes qui disent: II a dû nous trahir, ce
leader parlementaire de l'Opposition! Pourquoi n'a-t-il pas été
plus dur, pourquoi ne leur a-t-il pas mis des bâtons dans les roues,
pourquoi n'a-t-il pas fait en sorte que cette session ne se termine jamais? (1
heure)
Tout ceci étant dit, c'est avec beaucoup de cordialité que
je salue mon bon ami le leader parlementaire du gouvernement, qui mérite
sûrement des félicitations pour la façon dont il a
assumé ses responsabilités, avec sincérité, avec
fiabilité également, parce que je n'ai eu aucune occasion de le
voir manquer à sa parole. Je pense que c'est une des choses qui compte
le plus dans les relations, les rapports qui doivent exister entre les leaders
et leaders adjoints, de part et d'autre. Les whips, je salue mon "boss", le
whip en chef parce que c'est lui qui a la discipline ici. Je le remercie du
travail qu'il fait tous les matins à 9 heures, lorsqu'il nous convoque
en caucus et qu'il dirige très bien toute cette réunion qui doit
se faire rapidement et avec efficacité. Je le félicite et je
félicite également, en plus du député de Portneuf,
le député de Marguerite-Bourgeoys qui lui aussi a assumé
de nouvelles responsabilités comme leader adjoint. Je félicite
évidemment, cela va de soi, M. le Président, je prends 30
secondes pour féliciter tous mes collègues, surtout ceux qui sont
encore ici. Ils sont tous ici, d'après ce que je peux voir. Je les
félicite parce que ce que nous voyons ici et ce que nos
concitoyens voient à la télévision, c'est juste la pointe
de l'iceberg.
Tout le travail qui se fait en commission parlementaire, en
comité, les missions économiques, sociales, culturelles,
agricoles, tous ces travaux qui se font à la journée ici, tout le
travail des députés dans les comtés, cela ne paraît
pas ici à l'écran mais cela fait partie du travail des
députés, d'un côté comme de l'autre de
l'Assemblée nationale. Je veux féliciter tous nos
collègues pour le magnifique travail qu'ils font. Eux,
évidemment, ils sont du mauvais bord, M. le Président. Ils
essaient, mais cela n'a pas l'air de réussir. Tout de même, ce
soir, je ne dirai pas un mot. À 1 heure du matin, M. le
Président, je n'ai pas envie de susciter quelque controverse que ce
soit. Simplement, je continuerai à faire mon devoir comme mes
collègues pour attaquer ce gouvernement.
Ceci dit, M. le Président, je veux souhaiter bonne fête,
encore une fois, avant qu'il ne soit trop tard, c'est l'heure du
Nouveau-Brunswick, mais, tout de même, je peux souhaiter bonne fête
à mon vis-à-vis, le leader parlementaire du gouvernement,
même s'il est 1 heure du matin. Je voudrais, avant de terminer,
simplement rappeler l'importance qu'il y a pour nous tous de conserver ce
dialogue même lorsqu'on se chicane. J'ai dit au leader parlementaire du
gouvernement, quand il a été nommé par le premier
ministre: Fais attention, on va se chicaner. Mais il y a une chose importante,
c'est que, quand on sort d'ici, on ne se chicane plus parce qu'écoutez,
si on ne se parle plus entre leaders, vous allez avoir bien des
problèmes. Vous ne finirez jamais une session. Je vous le dis, jamais
vous ne finirez une session, ce sera une session continuelle.
Ceci dit, M. le Président, nous nous sommes parlé
quelquefois plus durement, toujours fermement, toujours sincèrement.
Soyez sûr d'une chose, dans l'intérêt du public, c'est
important, s'il y a des législations, qu'on les laisse adopter pour deux
raisons: La bonne pour aider le public; la mauvaise, pour que le gouvernement
soit jugé le plus rapidement possible et qu'il soit battu. Il faut faire
notre possible, M. le Président, pour bonifier les projets de loi. Mais,
lorsque le gouvernement s'entête, on les laisse adopter et, à un
moment donné, cela s'accumule. Je connais ça. J'ai
été d'un bord, j'ai été de l'autre. À un
moment donné, on a perdu nos élections. D'autres fois, on les a
gagnées. La prochaine fois, on les gagnera parce que, quand on est dans
l'Opposition, on s'en va vers le pouvoir. Quand on est au pouvoir, on s'en va
vers l'Opposition. Cela a toujours été comme ça.
M. le Président, la population du Québec se réjouit
ce soir de voir qu'encore une fois l'histoire s'écrit. Ces messieurs des
bills 68, 70, 72, tous ces bills, le bill 37, évidemment, ça fait
partie du bagage qui s'en va, qui amène tous ces gens vers la porte,
vers la sortie, M. le Président. Quant à nous, nous sommes
disponibles et surtout avec un chef comme le député d'Argenteuil
qui a fait un travail magnifique, qui fait l'édification de ceux avec
qui il travaille. Oui, oui, il a été pour nous tous une source
d'inspiration et il l'est tous les jours, M. le Président. Il y a du
placotage à gauche et à droite, mais il y a une chose: Je suis
fier de travailler avec cet homme. C'est un homme - et je tiens à le
dire en terminant - qui nous a appris à travailler d'une façon
efficace et en profondeur. C'est un homme de principe, un homme
d'intégrité, un homme qui nous amène, avec son esprit
d'analyse et de synthèse, à garder une cohérence dans nos
politiques. Je suis heureux de travailler avec lui et tous nos collègues
ici ce soir sont heureux de témoigner que nous avons travaillé,
que nous avons fait une excellente session sous le leadership d'un homme comme
le député d'Argenteuil que je salue en terminant. Au premier
ministre, au chef de l'Opposition, à tout le monde, mes meilleurs voeux.
Bonnes vacances, bon été et à la prochaine chicane!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de passer à
la...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! II
y a une dernière motion importante du leader du gouvernement.
Ajournement au 9 novembre
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais faire motion
pour que nous ajournions nos travaux jusqu'au 9 novembre prochain, à 14
heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accepter cette
motion, j'aimerais vous rappeler qu'il y a sanction, à la salle 103-A,
de plusieurs projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Et contrairement à une information
donnée ce soir, M. le Président, la commission des engagements
financiers se réunira effectivement le 8 juillet prochain.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion d'ajournement
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
(Fin de la séance à 1 h 07)