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(Dix heures neuf minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Un moment de recueillement, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes.
Période des questions orales des députés. M. le
député de Jean-Talon.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Le contenu des décrets du projet de loi no
105
M. Rivest: M. le Président, j'aimerais adresser ma
question au leader du gouvernement. Accompagnant la loi 105, le gouvernement a
déposé une quantité considérable de documents qui
constituent les décrets qui détermineront les conditions de
travail de quelque 300 000 travailleurs du secteur public. À l'occasion
du projet de loi - enfin, le peu de temps qui est accordé à
l'Assemblée nationale et aux parlementaires pour étudier le
projet de loi - je voudrais demander au leader du gouvernement s'il sera
possible d'amender, d'une manière ou d'une autre, le contenu des
décrets, c'est-à-dire des documents sessionnels qui ont
été déposés lors de la présentation du
projet de loi.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, la question du
député de Jean-Talon est tout à fait pertinente. Avant de
donner une réponse qui soit vraiment très claire et très
précise - parce que effectivement les députés sont en
droit de savoir quelles sont les possibilités pour eux, lors de
l'étude du projet de loi en commission plénière,
d'apporter des amendements au projet de loi, bien sûr, cela va de soi,
et, à cause des documents sessionnels dont il est fait état dans
le projet de loi, à certains de ces décrets ou conventions
collectives qui ont été déposées ici à
l'Assemblée nationale hier - je voudrais, dans un premier temps, si le
député me le permet, m'en enquérir auprès du
parrain du projet de loi. Je m'engage à lui fournir la réponse
avant la fin de la période des questions.
Le Président: M. le député de Jean-Talon,
question additionnelle.
M. Rivest: M. le Président, sous réserve des
remarques du ministre, si tel est le cas - je pense bien que ce serait le
travail élémentaire des parlementaires - le leader du
gouvernement estime-t-il, pour faire ce travail - parce qu'il y a des droits
pour les personnes qui vont être en cause dans ces textes - que la
période de cinq heures au cours de laquelle nous aurons, je pense, comme
devoir minimal comme parlementaires pour prendre connaissance de ces choses, de
façon à éviter que se produise, selon l'expression qui est
maintenant consacrée, des coquilles législatives qui pourraient
non seulement être injustes pour les travailleurs, mais qui pourraient
poser au gouvernement, c'est-à-dire à l'administration publique
et aux administrateurs publics, des inconvénients majeurs; tout le monde
y perdrait finalement.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je crois avoir dit, au moment du dépôt
de ces décrets, que, dans l'ensemble des 109 décrets dont il est
fait mention, il y en a huit qui sont des décrets types et que,
même dans ces décrets types, il y a bon nombre de clauses sur
lesquelles, d'abord, il y a eu des ententes entre le gouvernement et les
représentants des différents syndicats qui ont eu à
négocier pendant un certain nombre de mois. Hier, un
député, entre autres - je crois que c'est le député
de Groulx - faisait allusion à des pourcentages de clauses qui ont
été paraphées: entre autres, 90% des clauses dans la
convention des fonctionnaires du gouvernement du Québec. Donc, dans
cette somme de conventions collectives, il y a des décrets types et,
dans l'ensemble de ces décrets types, il y a plusieurs clauses qui ont
été paraphées dans des pourcentages très importants
qui atteignent, dans certains cas, 90%, 92% et 95%.
Il y a par ailleurs des éléments qui sont plus importants.
Je sais qu'hier des députés ont fait allusion à certains
de ces éléments plus importants dans certaines de leurs
interventions. Je me rappelle l'intervention du député
d'Argenteuil, en autres, sur le secteur plus particulier des enseignants. Ces
éléments sont évidemment connus de l'ensemble des membres
de l'Assemblée nationale. Les ministres y ont fait
référence dans leurs discours jusqu'à maintenant et lors
des conférences de presse qui ont été tenues au moment du
dépôt des offres patronales, de même qu'au moment du bilan
final qui a été fait de la négociation
vers la fin du mois de novembre.
Alors, dans ce contexte, je pense que les députés sont
tout de même en mesure, lors de l'étude du projet de loi et des
documents sessionnels qui ont été déposés, de
concentrer leur attention sur un certain nombre de points majeurs, plus
importants, sur lesquels finalement ont achoppé les négociations
dans certains cas.
Le Président: M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, le leader du gouvernement dit
que, dans un certain nombre de cas, il y aurait un grand nombre de clauses qui
auraient fait l'objet d'ententes entre les parties et qui auraient même
été paraphées. Si, dans le secteur de l'éducation,
par exemple, vous pouviez nous donner une liste de ces clauses, pour la
convention maîtresse des enseignants de l'élémentaire et du
secondaire, cela aiderait beaucoup et je serais étonné qu'il y en
ait un grand nombre. Mon impression, au contraire, M. le ministre...
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Ryan: Elle s'en vient.
Je voudrais vous demander ceci, entre parenthèses. Je vois que le
ministre de l'Éducation n'est pas arrivé ce matin, mais il avait
fait des ouvertures il y a à peu près une couple de semaines.
Est-ce que le ministre est en mesure de nous dire si cela avait
été déposé à la table sous forme de
propositions ou si on ne se trouverait pas, dans les textes
déposés hier, avec la première version connue de ces
propositions et, déjà, avec de grandes différences entre
ce qui avait été annoncé et ce qu'on trouve dans le
décret? On a besoin de ces renseignements pour travailler
sérieusement. Je voudrais vous demander si vous êtes au courant et
si vous êtes en mesure d'assurer les députés qu'ils auront
plus de précisions.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je pense qu'il serait tout
à fait approprié que d'ici l'étude du projet de loi en
commission plénière, les ministres qui portent la
responsabilité de certains secteurs particuliers dans le cadre de ces
conventions collectives, que ce soit le ministre des Affaires sociales, Mme la
ministre de la Fonction publique, le ministre de l'Éducation ou le
parrain du projet de loi, président du Conseil du trésor,
puissent identifier certains points et indiquer aux parlementaires ceux sur
lesquels, par exemple, il y avait des ententes et ceux sur lesquels il y aurait
eu des modifications apportées depuis le dépôt des offres,
modifications apportées en cours de route ou modifications - je pense
que c'est surtout à celles-là auxquelles le député
d'Argenteuil veut faire référence - apportées à la
toute fin, c'est-à-dire au moment de la rédaction finale des
décrets. Donc, j'indiquerai, ce matin, à chacun de ces ministres
que les députés souhaiteraient que ce travail d'épluchage,
si vous voulez, puisse être fait et qu'au moment de la commission
plénière on puisse donc avoir certains points de
référence qui nous aident à mieux mener la discussion.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): II y a quelque chose qui me surprend
dans tout cela. Quand le gouvernement actuel a la moindre petite loi à
présenter à l'Assemblée nationale, la moindre petite
mesure, même la plus insignifiante, à présenter, tout cela
est accompagné de conférences de presse, de battage publicitaire,
de pochettes de presse toutes glacées avec je ne sais combien de
détails, des tableaux de toutes sortes.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): On donne une foule de renseignements.
Dans le cas actuel où nous sommes pris avec une montagne de quelque 100
documents ou conventions, c'est le silence. Peut-être qu'on vous donnera
quelque chose. On va demander aux ministres responsables....
Le Président: Votre question, s'il vous plaît, M. le
chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure):... s'il n'y a pas moyen de vous donner
quelques petits renseignements. Mais qu'est-ce que se passe, donc? Où
est cette transparence? Est-ce qu'on peut expliquer le procédé
actuel, ce genre de cachotteries, ce genre de renseignements enfouis dans des
montagnes de paperasse?
Une voix: Question!
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le gouvernement peut nous
répondre là-dessus?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Bien sûr qu'il le peut, M. le
Président. Le chef de l'Opposition dit que quand le gouvernement, en
certaines occasions, veut expliquer sa position, il procède par
conférences de presse, avec des pochettes glacées et tout un
ensemble de
documents qui réfèrent à toute une série de
messages. Effectivement, si c'est de cela qu'il veut parler, je peux donc le
renvoyer à la conférence de presse qui a été tenue
par le ministre des Affaires sociales, par Mme la ministre de la Fonction
publique...
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Bertrand:... par le président du
Conseil du trésor et par le ministre de l'Éducation, qui
faisait état, d'abord des dernières...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bertrand:... offres salariales du gouvernement. Je pense que,
concernant le domaine salarial, tout le monde connaît très bien la
situation, tout le monde connaît très bien le montant que le
gouvernement a mis sur la table à la toute fin, qui était de 95
000 000 $, auquel il a ajouté, depuis ce temps-là, 20 000 000 $,
ce qui fait 115 000 000 $. Ces choses-là sont connues, ainsi que la
réduction de l'application de la loi 70 pour environ 161 000
employés du secteur public. Cela est connu.
Pour ce qui est du normatif, chacun des ministres a indiqué
très clairement, publiquement et en toute transparence quels
étaient les éléments sur lesquels il y avait des accords
et ceux sur lesquels il y avait des désaccords et quels étaient
les pas supplémentaires que le gouvernement était prêt
à faire pour tenter d'accommoder un peu mieux, si vous voulez, les
employés du secteur public quant à leurs revendications.
Cela a été fait à la fin du mois de novembre et je
pense que chacun des ministres pourra, au moment de la commission
plénière, répondre aux questions des députés
de l'Opposition relativement à ces sujets.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure):... si je comprends bien ce que vient
de répondre le leader parlementaire du gouvernement, ce qui est contenu
dans les montagnes de conventions est exactement, sans changement, ce qui a
fait l'objet de conférences de presse au mois de novembre. Oui ou
non?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Lalonde: Le dauphin...
Mme Lavoie-Roux: Le dauphin n'est pas...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: M.
le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Les conventions collectives qui ont
été déposées sont les conventions collectives qui
existent, avec un certain nombre de clauses qui ont été conclues
entre à la fois la partie syndicale et la partie patronale et aussi des
indications sur ce que le gouvernement, au moment de prendre la décision
relativement à ces décrets, est disposé à ajouter
dans le contexte d'une décision finale qui doit être prise et qui
est celle de l'Assemblée nationale pour ce qui est du projet de loi no
105 et des décrets et documents sessionnels qui ont été
déposés à l'Assemblée nationale. Je pense
très sincèrement que les ministres pourront, lors de
l'étude en commission plénière, indiquer quels sont ces
aspects sur lesquels, effectivement, il y aurait eu des modifications en cours
de route.
Cela étant dit, je voudrais rappeler que nous avons offert
à l'Opposition, il y a deux jours, si ma mémoire est bonne, de
mettre à sa disposition des gens qui ont participé, au niveau
technique, à la préparation de ces documents, qui étaient
disposés à répondre à leurs questions relativement
au contenu de ces conventions collectives, et que l'Opposition - c'était
son droit - a refusé cette offre que nous lui avions faite.
Le Président: Question principale, M. le
député de Portneuf.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.
(10 h 20)
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.
Je pense que les droits de cette Assemblée et de tous les
députés sont brimés par les gestes du gouvernement
actuellement.
Le Président: Je voudrais que vous m'indiquiez en vertu de
quel article vous invoquez le règlement.
M. Lalonde: Question de privilège, M. le
Président.
Des voix: Ah!
M. Lalonde: L'article qui prévoit qu'un
député peut soulever une question de privilège lorsque les
droits des parlementaires sont brimés.
Une voix: Quel numéro?
M. Lalonde: L'article 49, je pense, M. le Président. Il
n'est pas suspendu, j'espère, par la motion matraque du leader du
gouvernement. Est-ce que le leader du gouvernement se rend compte qu'à
la façon dont il présente la chose les parlementaires n'auront
pas le loisir d'étudier et même de changer les décrets, si
j'ai bien compris la première réponse à la question du
leader?
Le Président: M. le leader de l'Opposition, je
considère le tout comme une question additionnelle. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: J'ai perdu la fin.
M. Lalonde: M. le Président, il parlait au souffleur
dauphin du Parti québécois. Est-ce que j'ai bien compris,
d'abord, de ce qu'il a dit sur les ondes ce matin à une émission
à laquelle on participait tous les deux et de la première
réponse qu'il a donnée à la question du
député de Jean-Talon qu'il va falloir avoir la permission du
ministre parrain pour changer les décrets? Est-ce qu'on va pouvoir
changer, lors de l'étude article par article en cinq heures, les quelque
80 000 pages de décrets?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, les décrets, le
gouvernement en porte la responsabilité. D'ailleurs, vous nous l'avez
dit: Vous allez porter la responsabilité des décrets que vous
avez déposés. Je crois qu'effectivement...
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader du gouvernement.
M. Bertrand: II y a un projet de loi no 105 qui fait l'objet
d'une étude à l'Assemblée nationale en ce moment par
l'ensemble des parlementaires. Nous allons discuter de ce projet de loi no 105
en commission plénière. Le député me demande:
Est-ce que cela veut dire que nous aurons besoin de demander l'acceptation, par
exemple, des ministres des Affaires sociales, de l'Éducation ou de la
Fonction publique pour pouvoir faire ceci ou cela? Il est très
évident que dans la mesure où l'Opposition, lors de
l'étude article par article du projet de loi no 105, voudrait, par
exemple, poser des questions au ministre de l'Éducation relativement
à certaines des clauses qui sont prévues dans les
décrets...
M. Lalonde: Pour changer les décrets. M.
Bertrand:... les décrets, c'est la responsabilité du
gouvernement. L'article 6 du projet de loi no 105, à ce point de vue,
est formel. Dans ce contexte, cela n'empêche pas, au moment de la
discussion de l'article 6 du projet de loi 105, à l'Opposition
d'indiquer quel est son point de vue relativement à ces décrets
et, partant de là, comme c'est la responsabilité de tout
Parlement, de toute façon, elle fait ses propositions, elle fait ses
suggestions, elle questionne les ministres et le gouvernement, par la suite,
comme c'est sa responsabilité, puisque c'est la décision que nous
avons prise, va devoir décréter un certain nombre de conventions
collectives. Donc, dans la mesure où des suggestions positives,
constructives, pertinentes pourraient venir de l'Opposition...
M. Rivest: Allons donc!
M. Bertrand:... rien ne dit que le gouvernement ne pourrait pas
en tenir compte.
Le Président: Question principale, M. le
député de Portneuf.
Perception des comptes à recevoir par le
ministère du Revenu
M. Pagé: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au premier ministre. Des centaines, et je dis bien des centaines de
milliers de personnes ont produit des rapports d'impôt au gouvernement du
Québec. Ces rapports d'impôt ont été acceptés
et reçus par le ministère du Revenu. La réponse du
ministère du Revenu a été, dans la très grande
majorité de ces cas: Nous acceptons votre déclaration telle que
produite et vous n'avez rien à nous payer. Ou: Le montant qui a
été versé en impôts est conforme à ce que
vous nous devez. Or, dans des milliers de cas, le gouvernement du Québec
revient en arrière pour des périodes allant aussi loin que vingt
ans.
J'ai posé une question au premier ministre il y a quelques jours,
lui demandant si le gouvernement entendait surseoir à cette
démarche qui vise à récupérer des centaines de
millions de dollars pour les coffres du ministre des Finances et du ministre du
Revenu. Ceci a permis, selon ce qu'a confirmé le ministre du Revenu, de
récupérer 372 000 000 $ d'argent qui n'était pas toujours
nécessairement dû par le contribuable du Québec, nous avons
demandé de surseoir, de fournir les informations aux contribuables et
aussi d'accélérer la création d'un tribunal administratif
qui permettrait un accès plus facile à ces citoyens qui sont
poursuivis par le ministère du Revenu pour une défense pleine et
entière de ces gens à un coût moindre. J'aimerais que le
premier ministre nous indique aujourd'hui quels sont
les éléments de ces propositions, de ces solutions
suggérées par l'Opposition qui sont retenus par le gouvernement
du Parti québécois.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense
que le député a eu les réponses les plus précises
qu'on puisse imaginer à la plupart de ses questions. Il est
évident que, par simple souci d'équité fiscale, des gens
qui doivent de l'argent aux coffres de l'État, pendant que, comme le dit
le député lui-même ou comme il le laisse entendre,
l'immense majorité, sinon la quasi-totalité des gens qui sont
contribuables ont payé ce qu'ils devaient, les quelques milliers, c'est
vrai, qui, depuis quelques années, doivent de l'argent et, dans certains
cas, se sont défilés et, dans d'autres cas, cela peut être
bien légitime, ils ne le savaient pas, mais ils le doivent quand
même, par simple équité, je crois qu'il est
nécessaire de percevoir cet argent. Il n'est pas question de surseoir.
Pour ce qui est d'avoir peut-être le genre de tribunal administratif
qu'évoque le député, cela reste une chose à
étudier.
M. Pagé: M. le Président, question
additionnelle.
Le Président: M. le député de Portneuf,
question additionnelle.
M. Pagé: Je comprends que le premier ministre est bien
occupé avec tous ces décrets et tout cela. Je voudrais porter
deux cas à son attention. J'ai ici le cas d'une dame Lessard dont j'ai
le numéro d'assurance-sociale, je suis prêt à le donner au
ministre. Avant le décès de son mari, celui-ci a produit des
rapports d'impôt et le gouvernement lui a répondu: Monsieur, vous
ne nous devez rien. On accepte vos déclarations telles que produites.
Or, après huit ans - le monsieur est décédé en 1974
-on réclame de cette dame et on soutient que son mari avait omis de
payer une somme de 450 $ avec 350 $ d'intérêt à payer. On
lui fait parvenir une mise en demeure et on lui intime l'ordre de payer dans un
délai de 21 jours. Elle ne sait pas si le montant est dû.
Le Président: Question, s'il vous
plaît1.
M. Pagé: Elle ne sait pas pourquoi c'est
réclamé. On lui dit: Madame, si vous ne payez pas d'ici 21 jours,
les avocats seront chez vous.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Pagé: Vous acceptez cela, M. le premier ministre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est cousu
de fil blanc et c'est trop facile comme petit numéro de
théâtre. Je ne sais pas ce qui est arrivé. Je ne connais
pas le dossier. Je ne sais pas ce qui est arrivé, mais je suis sûr
d'une chose, c'est que, comme tous les plaideurs - des fois le Parlement
ressemble plus à un prétoire qu'à une chambre
législative - comme tous les plaideurs, on passe à
côté du dossier et on se dit: On va essayer de faire un "millage"
avec cela. Je pense que le ministre du Revenu, qui est en charge de ces
dossiers, pourrait donner certaines indications un tout petit peu plus
équilibrées à la Chambre que ce que comportait la question
du député.
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Marcoux: M. le Président, je voudrais bien pouvoir
rendre public le résultat de la recherche que j'ai dû faire dans
le dossier cité par le député de Portneuf. Pour faire cela
il me faudrait le consentement de la personne impliquée. Ce que je peux
dire à la Chambre c'est qu'après vérification de
l'ensemble du dossier dont vous parlez le ministère du Revenu
était dans son plein droit et que la personne impliquée avait
signé un document qui reconnaissait cette dette au ministère du
Revenu en 1974. Pour aller plus loin, toute la vérification de
l'ensemble du dossier va rendre justice à cette personne.
Quant aux questions plus générales soulevées par le
député de Portneuf, je peux lui dire qu'avant même qu'il
suggère, il y a un mois, la création d'un tribunal administratif
mon prédécesseur et moi-même avions déjà
demandé aux autorités du ministère du Revenu d'examiner
cette possibilité. Il y avait déjà un comité
conjoint du ministère de la Justice et du ministère du Revenu
dans lequel est représentée l'Association
québécoise des fiscalistes qui examine les différentes
possibilités pour faciliter les recours pour les citoyens. J'ai
déjà indiqué qu'il était normal que nous
envisagions des procédures pour faciliter le recours des citoyens qui
peuvent contester les avis de cotisation émis par le ministère du
Revenu. Il y a des recours qui existent actuellement. Il y a sûrement
moyen de les améliorer. Une des possibilités est un tribunal
administratif. Il y a aussi la possibilité des tribunaux judiciaires. Il
y a différentes possibilités et nous les examinons actuellement.
Ce n'est certainement pas en quinze jours ou trois semaines qu'on nous allons
improviser de nouvelles méthodes alors que des possibilités de
recours existent actuellement et que le citoyen connaît très bien.
(10 h 30)
Quant au dossier fondamental - et là encore le
député de Portneuf a essayé d'établir une confusion
- il n'y a pas eu de nouveaux avis de cotisation émis. Ce que le
ministère du Revenu fait actuellement depuis 1978 c'est de recouvrer les
comptes à recevoir dont les avis de cotisation avaient
déjà été émis depuis plusieurs années
mais que les citoyens avaient omis de payer ou n'avaient pas payé.
L'opération, qui a commencé en 1978, était pour recouvrer
les comptes au-delà de 3000 $. Cela s'est poursuivi en 1979 et en 1980.
En 1981, nous avons continué avec les comptes entre 1000 $ et 3000 $ et
actuellement nous continuons avec les comptes entre 1000 $ et 3000 $ et les
comptes inférieurs à 1000 $.
Je pense que le ministre des Finances, qui était ministre du
Revenu à ce moment-là, a pris une décision correcte
lorsqu'il a commencé cette opération de recouvrement de nos
comptes à recevoir. C'est vrai qu'il y avait des comptes de douze ou
quinze ans en retard. Mais quand même quand on commence à mieux
administrer, à mieux gérer vous ne pouvez pas nous reprocher de
mieux gérer et de faire en sorte qu'il y ait une meilleure
équité entre tous les citoyens au niveau du traitement du
ministère du Revenu. Je pense que c'est l'équité
même entre les différents contribuables. Cette année -
c'est ma dernière phrase - c'est 125 000 citoyens que nous contactons
pour qu'ils fassent les remises dues. Sur 3 600 000 contribuables qui ont
payé leurs impôts et qui les ont payés à temps, je
pense que c'est une question d'équité fiscale seulement.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, une question
additionnelle au premier ministre parce que je regrette mais le ministre du
Revenu ne dit pas toute la vérité. Ce ne sont pas des comptes qui
ont été envoyés pour ces années-là. J'ai le
cas ici d'un travailleur autonome dans le comté de Portneuf. De 1969
à 1975 il a produit ses rapports d'impôt et le ministère
lui a répondu que c'était conforme et régulier. Cette
personne est décédée en 1975. On revient aujourd'hui
auprès de la veuve, on réclame un montant de 7000 $ et par
surcroît, on enregistre une hypothèque légale sur sa
maison. Vous acceptez cela? Cela n'a jamais été
réclamé. Je suis persuadé que ces gens ne vous le doivent
pas.
Le Président: Question, s'il vous plaîtl
M. Pagé: Ils sont placés dans
l'impossibilité de se défendre, parce qu'ils n'ont pas les
documents...
Le Président: J'aimerais rappeler à tous les
députés que l'article 165 précise que les questions
doivent être d'intérêt général, ce qui
implique que les cas particuliers ne doivent pas être discutés
à l'Assemblée nationale du Québec.
M. Pagé: M. le Président, ma question sera
générale et je suis prêt à donner les cas
particuliers en privé au premier ministre. M. le premier ministre,
acceptez-vous, comme chef du gouvernement, que votre gouvernement prenne des
hypothèques légales sur la maison de femmes qui sont veuves et
qui reçoivent des réclamations pour des montants dus il y a dix
ans, montants qui ne sont pas nécessairement dus et pour lesquels il n'y
a jamais eu de réclamation de la part de votre gouvernement?
Acceptez-vous ces hypothèques légales et ce système de
recouvrement inadmissible, par lequel vous allez chercher 370 000 000 $ dans
les poches des contribuables en plus de vos nombreux impôts, vos taxes et
tout le reste depuis une couple d'années?
Le Président: M. le ministre du Revenu. M. Marcoux:
M. le Président... M. Pagé: Question de
règlement. M. Marcoux: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le whip, sur une question de règlement.
M. Pagé: M. le Président, le règlement
prévoit qu'un député peut poser une question au ministre
et si le ministre ne veut pas ou ne peut pas répondre, il n'a
qu'à le dire. Ma question s'adresse au premier ministre. C'est vous qui
êtes chef du gouvernement.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): De façon extrêmement,
je crois, spontanée, le ministre du Revenu s'est levé,
peut-être un peu prématurément, parce que cela tombe sous
le sens que ce que fait en ce moment le député de Portneuf, cela
peut fournir deux ou trois potins de plus à ceux qui aiment cela, mais
dans un domaine aussi délicat, qui demande autant de
vérifications, ce que fait le député, le moins que je
puisse dire, c'est que c'est cousu, encore une fois, de fil blanc. C'est pour
voir s'il n'y a pas moyen de faire un peu de "millage" avec des cas qu'on n'a
d'aucune façon la chance de vérifier. Il y a des gens qui
viennent au bureau dans le comté. On en voit à toutes les
semaines ou à toutes les deux semaines, qui arrivent avec leur cas.
Curieusement, ces citoyens qui ont les deux pieds par terre, quand ils ont fini
d'expliquer leur cas et qu'on leur dit: C'est un cas, nous donnez-
vous le temps de vérifier et on pourra se revoir quand on aura
vérifié? ils comprennent tout de suite. Il y a seulement le
député de Portneuf et d'autres démagogues du même
genre qui font semblant de ne pas comprendre cela.
M. Pagé: Question de privilège! Question de
privilège!
Le Président: M. le député de Portneuf, sur
une question de privilège.
M. Pagé: Si la défense des intérêts de
contribuables qui sont agressés par le gouvernement est de la
démagogie, soit!
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Marcoux: M. le Président, je regrette que le
député de Portneuf prenne une attitude aussi irresponsable que
celle qu'il prend actuellement, puisque je peux dire que j'ai revu tous les cas
soulevés en cette Chambre et rendus publics lors de la question avec
débat du ministère du Revenu, et je peux dire que ce que le
député de Portneuf vient de dire est complètement
faux.
Des voix: Ah!
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! S'il vous plaît! J'ai déjà dit qu'une
différence... S'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Pagé: Question de privilège. Une voix: Le
porno.
Le Président: M. le député de Portneuf, une
question additionnelle.
M. Pagé: Question de privilège, M. le
Président. Le ministre du Revenu vient de dire que les faits que j'ai
énoncés étaient faux. M. le Président, c'est grave,
il veut dire que j'ai menti...
Des voix:... De l'impôt à la porno...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
J'entends tous les jours des députés, des deux
côtés de la Chambre, dire que ce que tel député a
dit est faux, que ce que tel autre député a dit, c'est faux. J'ai
déjà dit, à multiples reprises depuis deux ans, que ces
paroles, que ce genre de différence d'interprétation ou d'opinion
ne constituent pas des paroles antiparlementaires, ne violent pas l'article 99
du règlement ni l'article 39. 2 du règlement, et que ça ne
constituera jamais une question de privilège. Si vous voulez poser une
question additionnelle, je vous l'accorde.
M. Lalonde: M. le Président. Je suis d'accord avec vous
que si un député en cette Chambre dit que le gouvernement
péquiste est le meilleur qu'on ait eu et que l'autre dit que c'est faux,
ce n'est pas une question de privilège. Mais, là, nous avons un
cas où un député dit qu'il y a un document qui dit...
Des voix:... Que c'est faux...
M. Lalonde: Oui, il a montré le document indiquant que
c'est une hypothèque légale prise par le gouvernement sur la
maison d'une veuve et le ministre vient de dire que le député
avait trompé la Chambre. C'est très différent, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys et leader de l'Opposition, si j'ai bien entendu les
paroles du ministre - celui-ci me corrigera s'il y a lieu - je pense qu'il n'a
pas dit que le document était faux, il a dit que...
Une voix:... Il a dit qu'il avait...
Le Président: S'il vous plaît! Il n'a pas dit que le
document était faux. Si tel est le cas, j'accorderai la question de
privilège, mais j'ai compris que le ministre disait que les propos du
député de Portneuf étaient faux et non pas le
document.
M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.
Je m'excuse, je me suis sûrement mal exprimé et s'il y en a un
autre qui n'a pas compris, naturellement je vais le répéter. Je
n'ai pas dit que le ministre a dit que le document était faux, mais il a
bien dit que le député avait trompé la Chambre en disant
qu'une veuve s'était vu imposer une hypothèque de 7000 $ sur sa
maison par le ministère du Revenu. Il s'agit d'une accusation grave, qui
touche l'intégrité même du député.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, je n'ai pas
entendu les mots "tromper la Chambre", je n'ai pas entendu le mot "veuve" et je
n'ai pas entendu les mots "tel document est faux", que vous venez de lui
attribuer, dans la réponse du ministre du Revenu.
M. le député de Portneuf, en question additionnelle.
M. Marcoux: M. le Président.
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Marcoux: Lorsque que j'ai dit que les propos du
député de Portneuf étaient complètement faux, c'est
lorsqu'il indiquait que le ministère du Revenu continuait à
percevoir des comptes pour des montants qui
n'étaient pas dus au ministère du Revenu. C'est
très clair.
En ce qui concerne les hypothèques légales, je connais
suffisamment la Loi sur le ministère du Revenu pour savoir que la loi
nous autorise à le faire et que, dans certaines circonstances, nous le
faisons.
Le Président: Question additionnelle. M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je pense que c'est
un sujet drôlement important. Je veux savoir de la part du ministre - si
un bonhomme de Hull écrit à un responsable...
Le Président: Question, s'il vous plaît! (10 h
40)
M. Rocheleau: Ma question est là. J'ai son chèque
payé par la banque, j'en ai la preuve. Vous lui réclamez ce
montant.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Rocheleau: M. le Président, je pense que c'est
important pour les citoyens du Québec. Il y en a 125 000 qui sont pris
comme cela. J'ai un chèque payé d'un citoyen. Il a payé
ses impôts. Comment cet individu peut-il faire? Il est harcelé
encore aujourd'hui, il reçoit des appels téléphoniques de
votre ministère. Il a écrit une lettre à votre
ministère le 4 novembre, il n'a pas encore reçu de
réponse. Comment peut-on l'informer? À qui faut-il qu'il fasse
appel?
M. Bertrand: Question de règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une
question de règlement.
M. Bertrand: M. le Président, si on se
réfère à certains des articles de notre règlement,
entre autres l'article 171 et à un autre article dont je ne me rappelle
pas le numéro, mais qui se réfère à la
possibilité qu'il y a sur des cas particuliers pour un ministre de
répondre, je voudrais indiquer ceci: Bien sûr, je sais que le
député de Hull n'est pas mal intentionné, bien loin de
là, ni celui de Portneuf. La question qu'ils posent se
réfère à un cas particulier. Le lundi, il arrive - je
crois que c'est comme cela que c'est arrivé pour le député
de Hull, comme pour le député de Portneuf, comme cela m'arrive,
comme cela arrive au ministre de la Justice...
Le Président: Sur la question de règlement, s'il
vous plaît!
M. Bertrand: M. le Président, nous recevons...
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Marcoux: Oui, je veux vous répondre, M. le
député de Hull. Je crois que les autorités du
ministère sont comme moi prêtes à examiner tous les
dossiers qui nous sont présentés par tous les citoyens et, en
particulier, par les députés, comme nous l'avons fait dans le
passé. Vous connaissez comme moi les recours judiciaires qui existent.
En plus, il y a le Protecteur du citoyen, auquel plusieurs citoyens ont recours
lorsqu'ils sont insatisfaits des services qu'ils ont pu obtenir du
ministère du Revenu ou qu'ils veulent, en somme, faire revoir et
réviser leur dossier. Il y a plusieurs recours pour le citoyen,
lorsqu'il croit qu'il y a une injustice qui est commise à son
égard. J'ai déjà assuré les membres de cette
Chambre que les fonctionnaires du ministère devaient procéder le
plus humainement possible dans les recouvrements qu'ils devaient faire des
impôts dus au ministère du Revenu. Je peux vous assurer que cette
volonté est présente dans tout l'ensemble du ministère du
Revenu. Quant à tous les dossiers particuliers qui peuvent être
remis en question, je peux assurer tous les membres de cette Chambre que nous
les regardons avec attention et que nous essayons de trouver les solutions les
plus humaines dans le cadre du respect de la Loi sur le ministère du
Revenu, qui est une des lois, comme vous le savez, les plus contraignantes
votées par l'Assemblée nationale au cours des années.
Le Président: Question principale, Mme la
députée de Chomedey.
Problème de pollution à la compagnie
Tricil
Mme Bacon: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Environnement. J'espère qu'il ne qualifiera pas cette
question de potin et qu'il la prendra sérieusement. Selon une
étude faite par le ministère de l'Environnement, Tricil
émet treize fois plus de particules dans l'air que les normes. Or, le
ministère de l'Environnement a renouvelé le permis de Tricil,
même s'il savait que les normes n'étaient pas respectées.
Selon l'article 55 de la Loi sur la qualité de l'environnement, le
permis vaut pour cinq ans, et Tricil aurait donc un permis jusqu'en 1986.
Quelles sont les garanties imposées à Tricil pour avoir
décidé le ministère de l'Environnement à
émettre un permis de cinq ans, alors que le ministère savait que
ses normes n'étaient pas respectées dans le cas des
émissions de l'air.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: M. le Président, je n'ai pas coutume de
qualifier de potins les questions qui me sont posées. En ce qui
regarde la firme Tricil, un permis a effectivement été
émis à cette compagnie. À la suite de la mise en
opération, on s'est aperçu que, finalement, les normes de rejet
n'étaient pas respectées. Récemment, il a
été par ordonnance enjoint à cette compagnie de voir
à faire les réparations qui s'imposent pour que cette pollution
aérienne cesse. Entre-temps, nous avons également demandé
à des promoteurs de nous soumettre un projet de remplacement de
façon que cette usine cesse de polluer la région. Nous sommes
d'ailleurs en négociation avec Tricil sur le sujet traité dans
l'ordonnance. Nous voyons à étudier les propositions qui nous ont
été faites comme mesures de remplacement et nous verrons à
ce que cette pollution cesse le plus tôt possible.
Le Président: Mme la députée de Chomedey,
question additionnelle.
Mme Bacon: M. le Président, le ministre a émis une
ordonnance qui touchait les déchets de chlore, de fluor et de BPC, mais
non d'émission de l'air. Ma question au ministre est à cet effet.
Même s'il a émis cette ordonnance, cela ne touchait pas
l'émission de l'air et même si Tricil ne respecte pas l'article 55
de la Loi sur le ministère de l'Environnement qui prévaut pour
cinq ans et qui dit que cette loi lui donne un permis de cinq ans, les
émissions de l'air ne sont pas respectées. Le ministre le sait et
cela n'est pas compris dans son ordonnance.
Est-ce que le ministre doit revoir cette ordonnance et obliger Tricil,
lui demander des garanties concernant l'émission de l'air avant de lui
donner - il aurait dû le faire -son permis de cinq ans?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: Je ferai remarquer à Mme la
députée que l'ordonnance va tellement loin que, si la compagnie
Tricil n'est pas en mesure de la respecter, elle devra tout bonnement cesser
ses opérations et cesser toute forme de pollution.
Le Président: Mme la députée de Chomedey,
question additionnelle.
Mme Bacon: Est-ce que le ministre peut me garantir que, dans
l'ordonnance, on parle d'émission de l'air? J'ajouterais, en même
temps: II n'y a pas que Tricil comme problème dans le Québec, il
y a le cas de Saint-Michel, par exemple, le ministre a certainement dû
être saisi - le député de Viau m'en parlait encore hier -
des inquiétudes de la population concernant ce cas. Est-ce que le
ministre a déjà commencé à travailler, à
préparer une politique concernant la pollution de l'air sur le plan
industriel?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: Le sujet dont on parle traite de
l'élimination de déchets industriels qui, traditionnellement et
presque partout en Amérique du Nord, se retrouvaient dans des
rivières ou encore dans des lagunes et créaient des
problèmes majeurs. La solution qui avait été
apportée par Tricil, à l'époque, consistait à
brûler ces déchets, mais à l'intérieur de normes
très précises.
L'ordonnance que nous avons émise à cette compagnie vise
à faire cesser l'usage qu'on fait actuellement de cet
incinérateur et, je le répète, les exigences vont
tellement loin que, si on ne respecte pas l'ordonnance, cela peut conduire
à la fermeture de l'usine, donc, à la cessation de toute
pollution aussi bien aérienne que d'autres.
Le Président: Dernière question additionnelle, Mme
la députée de Chomedey.
Mme Bacon: Est-ce que le ministre peut déposer une copie
de son ordonnance?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: Je vérifie et, dans la mesure où cela
est possible, je le ferai avec plaisir.
M. Dussault: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Châteauguay, si je vous accorde cette question additionnelle, je
ne suis pas convaincu de pouvoir reconnaître par la suite votre
collègue de Verchères. Il reste trois minutes à la
période des questions.
M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Je pense que mon collègue de
Châteauguay est concerné par le dossier.
Le Président: M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, je suis tellement
concerné par ce dossier et il me tient tellement à coeur que j'ai
demandé que la compagnie Tricil sorte de Mercier. On ne me fera pas de
leçon ici ce matin, M. le Président.
Ma question additionnelle au ministre est la suivante: II nous a dit
tout à l'heure qu'il y avait eu un appel de soumissions à des
promoteurs. Je voudrais savoir quand on peut espérer que le processus
sera complété
et qu'il y aura désignation de la compagnie qui devrait
normalement donner ce service à la population.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: La question du député porte sur une
partie de ma réponse de tout à l'heure, à savoir que nous
avions demandé à des promoteurs intéressés de nous
soumettre des projets de remplacement d'une usine capable d'éliminer de
tels déchets. Treize propositions sont entrées au
ministère et les hauts fonctionnaires sont actuellement à
étudier ces propositions. Nous en accepterons une, bien sûr, celle
qui nous paraîtra la plus apte à régler le problème.
Bien sûr, le promoteur retenu aura à nous désigner un
endroit au Québec où il entend réaliser le projet qu'on
lui a demandé.
Le Président: Question principale, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais demander au
ministre de l'Industrie, du Commerce...
Une voix:...
Le Président: Non, j'ai très clairement dit qu'il
restait trois minutes à la période des questions et que je
n'étais pas convaincu qu'en accordant une question additionnelle au
député de Châteauguay, je pourrais reconnaître par la
suite le député de Verchères, mais, puisque la question et
la réponse ont pris à peine une minute...
M. Rocheleau: II a cédé sa place.
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
II n'a pas cédé sa place mais sa priorité au
député de Châteauguay.
M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président...
M. Lalonde: Je voudrais soulever une question de
règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Lalonde: Est-ce que cela veut dire qu'on doit
interpréter votre décision de la façon suivante: II
pourrait y avoir des questions principales posées par des
députés de l'Opposition et deux ou trois questions additionnelles
à chaque question principale par des députés
ministériels? (10 h 50)
Le Président: S'il vous plaît! M. le leader de
l'Opposition, j'ai compris que le député de Verchères,
sachant que le dossier en question concernait un de ses collègues, a
permis que la question additionnelle soit posée, bien qu'il prenait le
risque que sa question principale soit refusée en raison d'une question
de temps. Comme la période des questions se termine à 10 h 52,
j'avertis le député de Verchères qu'il reste environ une
minute et trente secondes. Donc, question très brève avec un
très court préambule et une réponse brève
également.
Comité chargé d'étudier les
problèmes de SIDBEC
M. Charbonneau: Faisant suite à la commission
parlementaire concernant
SIDBEC, je voudrais demander au ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme, qui nous avait indiqué qu'il y avait possibilité
qu'on mette sur pied - en fait, c'est une offre qu'il avait faite au syndicat
des métallos - un comité tripartite ou bipartite, compagnie,
syndicat et peut-être même gouvernement, s'il y a eu des suites
à cette proposition. S'il y a eu des suites, où en est-on dans le
dossier actuellement?
Le Président: Très rapidement, M. le ministre.
M. Biron: Oui, M. le Président. Nous avons divisé
les activités du comité en deux, c'est-à-dire ce qui
regarde l'exploitation minière et ce qui regarde l'exploitation
manufacturière. Ensuite, il nous a semblé plus urgent de
travailler à l'exploitation minière d'abord. Il y a eu plusieurs
réunions de ce comité composé des représentants des
métallos, des représentants de SIDBEC, de même que des
représentants du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme. Nous avons chiffré les différents scénarios, en
particulier celui de la production de 3 000 000 de tonnes. Nous avons
analysé, étudié et identifié des économies
à faire. Nous avons même entrepris des négociations avec
nos partenaires pour voir si, ensemble, on pouvait en venir à changer
les contrats et produire 3 000 000 de tonnes avec une économie
considérable pour le gouvernement et pour l'entreprise
SIDBEC-Normines.
Deuxièmement, aujourd'hui, on tient la première
réunion du comité concernant l'exploitation
manufacturière. On pense aussi que, dans ce domaine, il y aura lieu de
voir ensemble comment on pourrait faire des économies
appréciables dans l'exploitation.
Je veux noter, M. le Président, en terminant que c'est une
expérience unique lorsque des dirigeants d'entreprises et des dirigeants
de syndicats ouvriers peuvent travailler ensemble et étudier à
fond les chiffres de l'entreprise. Jusqu'à maintenant, nous avons
reçu une collaboration extraordinaire à la fois des
métallos et des
dirigeants de SIDBEC. Je tiens à dire qu'ensemble nous allons
pouvoir faire des choses pour trouver des solutions aux problèmes de
SIDBEC.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président: Fin de la période des questions.
M. Ciaccia: Une brève question additionnelle.
Le Président: Brève question additionnelle, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je ne ferai pas de
préambule. Si les propos que le ministre vient de tenir concernant la
formation de ce comité l'ont été à la commission
parlementaire, c'était une suggestion très positive. Si ces
propos sont venus avant que le ministre et ses acolytes ne s'enfuient au milieu
de la nuit pour ne pas discuter d'autres motions à la commission...
Est-ce que le ministre pourrait s'engager maintenant à reconvoquer la
commission parlementaire avant que les décisions finales soient prises
et après que les renégociations que nous avons
suggérées auront eu lieu, afin que le gouvernement puisse
informer la population, par l'entremise de la commission parlementaire, de tout
autre geste qui doit être posé quant à SIDBEC et à
SIDBEC-Normines?
Le Président: M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, je voudrais simplement
répéter ce que j'ai toujours dit en commission parlementaire et
ici en cette Chambre. D'abord, le gouvernement ne pouvait assumer des
déficits de 150 000 000 $. Il fallait trouver des moyens de diminuer ces
déficits. On pense qu'en analysant en profondeur chacun des chiffres et
que si chacune des parties fait certains sacrifices, on pourra réussir
à diminuer ces déficits. Les décisions finales ne sont pas
prises. Bien sûr, nous voulons voir tout le tableau avant. J'ai dit aussi
en commission parlementaire qu'ici, en cette Chambre, une fois que les
décisions seront prises, une fois que nous connaîtrons
véritablement tout le tableau, avant d'arrêter nos
décisions, il faudra revenir devant l'Assemblée nationale pour
obtenir les fonds nécessaires à la poursuite des
activités.
Le Président: Fin de la période des questions.
M. French: M. le Président.
Le Président: Fin de la période des questions.
M. French: Oui, M. le Président, mais c'est une demande de
directive que je voudrais vous adresser.
Le Président: M. le député de Westmount.
M. French: M. le Président, au cours de la période
des questions, j'ai soulevé une question de privilège parce que
j'étais insatisfait du résultat quant à la jurisprudence.
Je ne veux pas revenir sur le cas spécifique, mais je voudrais demander
une directive. Je souligne au début que je pense qu'une telle situation
peut se présenter autant pour un député ministériel
que pour un député non ministériel.
Voici le cas. Il me semble que le point soulevé par le
député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas été reconnu
formellement par la présidence et je suggère très
respectueusement, connaissant votre souci, votre préoccupation...
Le Président: M. le député de Westmount,
pourriez-vous me demander votre directive parce que je ne sais pas de quel
point précis vous parlez?
M. French: C'est un peu présenté en question de
privilège. Je suggère respectueusement que ça prendra un
certain temps pour déblayer le terrain, si vous voulez. Lorsqu'un
député fait une affirmation, qui est une question d'opinion, sur
la performance de l'Opposition...
Le Président: M. le député de Westmount,
s'il vous plaît! J'ai compris que vous vous êtes levé sur
une question de directive. J'aimerais donc que vous me demandiez votre
directive. Si je suis en mesure de rendre ma décision
immédiatement, je le ferai; sinon, je la prendrai en
délibéré. Votre demande de directive, s'il vous
plaît!
M. French: M. le Président, j'essaie de vous expliquer la
question de directive, si vous me le permettez. Ce n'est pas du tout pour
mettre en cause l'autorité de la présidence, c'est tout
simplement ce qui suit: Lorsqu'un député affirme certains faits
et lorsqu'un autre député affirme que ce que le premier
député a dit est complètement faux, je prétends
qu'il y a, prima facie, un cas de privilège.
Le Président: M. le député de Westmount, je
tiens pour acquis que vous rendez une décision vous-même alors que
vous me demandiez une directive. Une demande de directive, c'est une demande
d'opinion à la présidence sur un sujet déterminé.
Je viens de me rendre compte que vous avez présumé de la
réponse.
J'accepte votre demande de directive et je répète ce que
j'ai déjà dit à plusieurs reprises et ce que j'ai dit
aujourd'hui, qu'une différence d'opinion ou d'interprétation
n'est pas, n'a jamais été et ne sera jamais une question de
privilège. C'est simplement ce que j'ai dit dans le passé et que
j'ai redit aujourd'hui. Les articles 49. 1 et 49. 2 demeurent, existent encore,
et il peut y avoir de véritables questions de privilège, mais
s'il fallait, chaque fois que les députés sont en
désaccord sur l'interprétation ou l'opinion de certains faits,
que ce soit une question de privilège, on passerait 45 minutes de notre
période des questions à faire des questions de privilège
qui n'en sont pas, du moins dans l'esprit de ceux qui ont conçu notre
règlement.
M. French: M. le Président, lorsque vous dites qu'une
différence d'opinion n'est pas en soi une question de privilège,
j'en suis, mais je vous expose, tout comme je vous l'ai fait tantôt -
c'est vrai, c'est une opinion, mais je vous la propose respectueusement - que
lorsqu'un député affirme certains faits très précis
et lorsqu'un autre député dit que ces faits sont
complètement faux, le privilège du premier député
est en cause et c'est un cas prima facie.
Le Président: Je tiens pour acquis que ce n'est pas une
demande de directive et nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde en
ce qui concerne les questions de privilège.
Fin de la période des questions.
J'ai reçu, à 22 h 14 hier soir, un avis de
privilège de la part du député de Sainte-Marie qui se lit
comme suit: "M. le Président, conformément à l'article 49
de notre règlement, j'entends soulever, avant les affaires du jour, une
question de privilège suite à des révélations
troublantes contenues dans les journaux depuis quelques jours et suite à
une entrevue que j'avais accordée au Journal de Québec concernant
le déroulement des négociations dans les secteurs public et
parapublic. Les déclarations de M. Lucien Bouchard, faites aux
médias d'information mercredi le 8 décembre et rapportées
aujourd'hui, mettent en doute le bien-fondé desdites
révélations. En conséquence, je désire protester et
rétablir les faits. " C'est signé: Guy Bisaillon.
Je dois vous dire que je n'ai jamais l'habitude de rencontrer les
députés qui soulèvent des questions de privilège
mais, à la demande même du député de Sainte-Marie,
qui est venu me rencontrer ce matin à 9 h 45, je lui ai demandé
quel était le contenu de sa question de privilège. Après
en avoir discuté avec lui, j'ai décidé qu'il ne s'agissait
point, après avoir pris connaissance du contenu de sa question, d'une
question de privilège et qu'il aura l'occasion, soit aujourd'hui ou
demain, dans un discours de vingt minutes que le règlement de la Chambre
lui permet, de soulever tous les faits qu'il voudra bien soulever à
cette occasion.
Si le député de Sainte-Marie trouve qu'il y a une
différence d'opinion entre ce que j'ai dit et la sienne, il pourra se
lever et me corriger.
M. Bisaillon: M. le Président, je me soumets à
l'opinion que vous m'avez donnée et que vous venez de livrer à
cette Chambre, mais ce que je veux clairement établir, c'est qu'on ne
pourra évoquer, au moment du discours de deuxième lecture, au
moment où je soulèverai, dans mon discours de deuxième
lecture, les faits que je voulais invoquer au moment de la question de
privilège, la pertinence du débat pour m'empêcher de le
faire. (11 heures)
Le Président: J'avais oublié, mais, effectivement,
je pense que puisque vous parlez de négociations et puisque la loi 105
est une loi qui concerne des négociations et des décrets, vous
aurez l'occasion, dans ce discours de 20 minutes, de faire valoir ce que vous
voulez faire valoir.
Affaires courantes.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
Question de privilège
Les votants sur l'urgence d'étudier le projet
de loi no 105
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une
intervention dans le plus fidèle respect du règlement de
l'Assemblée nationale. Je vais d'abord vous demander une directive parce
que je crains être dans l'attente d'une réponse qui irait dans le
sens que mon intervention aurait dû être
précédée d'un avis d'une heure. Ce que je veux invoquer,
je viens tout juste d'en prendre connaissance en parcourant les journaux de ce
matin. Ceci découle de faits qui sont survenus hier à
l'Assemblée nationale au moment de la mise aux voix de la motion
d'urgence concernant le projet de loi no 105. Comme député de
Saint-Maurice et comme membre du gouvernement...
M. Lalonde: En vertu de quel...
Le Président: M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources... S'il vous plaît! J'ai
accepté deux cas identiques la semaine dernière. Je vais poser
à M. le ministre les mêmes questions que j'ai posées au
député de Brome-Missisquoi, la semaine dernière. À
quel moment avez-vous pris connaissance pour la première fois des propos
qui, d'après vous, devraient constituer une question de
privilège? Est-ce que c'est la première occasion raisonnable que
vous avez de soulever votre point? Lorsque vous aurez répondu à
ces deux questions, je vous entendrai et jugerai par la suite s'il s'agit bien,
ou non, d'une question de privilège. Je pense que tous les
députés en cette Chambre se rappelleront que, la semaine
dernière, le député de Brome-Missisquoi et un autre
député ont répondu à ces deux questions et que je
leur ai accordé leur question de privilège, puisque je n'ai
aucune raison de mettre en doute la parole de quelque député sur
le moment où il a appris les faits en question.
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement...
Le Président: M. le leader de l'Opposition sur une
question de règlement.
M. Lalonde:... simplement pour clarifier une chose. Loin de moi
le désir d'enlever l'occasion au ministre d'exprimer son
privilège, mais si c'est pour expliquer -ma question s'adresse au
président - pourquoi il était absent lors d'un vote ou de
l'autre, il y aurait 20 questions de privilège, M. le Président.
Je compte sur votre vigilance.
Le Président: M. le ministre, j'aimerais tout d'abord que
vous répondiez aux deux questions que je vous ai posées, s'il
vous plaît!
M. Duhaime: Noblesse oblige, M. le Président. Je vous
répondrai à vous d'abord et si vous le croyez utile, je pourrai
répondre aussi au député de Marguerite-Bourgeoys. Dieu a
voulu m'accorder une faculté de récupération, qui est
peut-être due à ma jeune quarantaine, mais nous avons
quitté ces lieux, ce matin, passé 2 heures. Le temps de me rendre
chez-moi et de faire les choses que tout homme fait, j'ai pris connaissance des
journaux, ce matin...
Le Président: S'il vous plaît: M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je suis bien prêt
à admettre avec tout le monde à cette Assemblée que la vie
publique a ses contraintes qui ne m'obligeront pas nécessairement
à exiger d'autres et encore moins de moi de vous raconter toute ma vie
privée. Ce que je voudrais vous dire simplement, c'est que j'ai pris
connaissance des journaux 15 à 20 minutes avant d'entrer dans cette
enceinte ce matin. C'est en répondant à votre question que je me
trouve dans l'obligation et dans l'impossibilité physique de vous donner
l'avis de 60 minutes qui, normalement, je crois, aurait été
requis. Je crains, M. le Président, que mes droits et privilèges
comme député, d'abord, et comme membre du gouvernement, dans un
deuxième temps, ce matin, ne soient durement attaqués par
plusieurs quotidiens qui, à partir d'événements qui se
sont - un instant, je précise - produits lors de la mise aux voix, hier
après-midi, de la motion d'urgence, et je prends à témoin
les officiers du greffe de cette Assemblée - à l'appel de mon
nom, personne n'a répondu. Ce matin, en lisant les journaux, ce fait est
interprété comme étant une dissension ou un manque de
solidarité envers le gouvernement, ce qui est faux, M. le
Président. Je voudrais dire que ma tâche de ministre...
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Duhaime:... ma tâche ministérielle comme
responsable du ministère de l'Énergie et des Ressources
m'obligeait, hier, à être à Trois-Rivières à
la suite d'un engagement pris, il y a plusieurs semaines où, avec mon
collègue...
Des voix:...
M. Duhaime: Cela va vous faire plaisir d'entendre le reste, j'en
suis convaincu. Vous devriez attendre. Avec mon collègue, le ministre
fédéral de l'Énergie et des Mines, M. Chrétien,
nous avons souligné l'arrivée hier en Mauricie du gaz naturel en
provenance de l'Alberta. C'est ce qui fait, M. le Président, que je
n'accepte pas que les journaux lancent des manchettes le lendemain, à la
suite de la mise aux voix d'une motion, qui viendraient dire que je ne suis pas
solidaire du gouvernement.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, était-ce une question
de privilège? Votre bienveillance est remarquable, mais, quand
même, il y aurait 20 députés qui pourraient expliquer
où ils étaient hier.
Le Président: Je pense qu'il s'agissait d'une question de
privilège à partir du moment où on interprète
l'absence d'un
député comme une dissension. Si, par contre, on ne fait
que constater l'absence d'un député, ce n'est pas une question de
privilège, mais, si on interprète cette absence comme
étant une dissension, c'est une question de privilège. Si on
constate l'absence de quelqu'un, ce n'est point une question de
privilège.
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît! Je pense avoir bien
compris le ministre en disant que le journal ou les journaux avaient
interprété ce fait comme étant une dissension.
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement pour une demande de directive.
Le Président: M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: Le député de Saint-Maurice vient de
soulever une question de privilège pour indiquer que son absence ne
signifiait pas qu'il se désolidarise de l'équipe
ministérielle. Est-ce à dire, M. le Président, que les 19
autres qui ne se sont pas levés ne sont pas en accord avec le
gouvernement?
Le Président: S'il vous plaît! Je viens de
répondre à cette question. S'il vous plaît! J'ai compris,
dans la question de privilège du député de Saint-Maurice
et ministre de l'Énergie et des Ressources, que, dans son cas
précis, son absence avait été interprétée
comme étant une dissension et c'est à cause, et uniquement
à cause de cette raison, que j'ai permis la question de
privilège. Si on n'avait fait que constater son absence sans
l'interpréter comme une dissension, je n'aurais point accepté la
question de privilège. Et je pense avoir le droit de soulever une autre
raison. En plus du fait que, dans notre droit parlementaire britannique,
connaissant le principe de la solidarité ministérielle, compte
tenu du fait également que le ministre a allégué que son
absence avait été interprétée par les journaux -
que le président n'a pas lus, mais le président n'a pas le droit
de mettre en doute la parole de quelque député que ce soit - je
considère donc qu'il s'agissait d'une question de privilège.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Une demande de directive, M. le
Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une
demande de directive.
M. Bertrand: M. le Président, vous avez reconnu ce matin
que le député de Saint-Maurice, ministre de l'Énergie et
des Ressources, a soulevé, effectivement, ce qui s'appelle, dans le vrai
sens du terme, une question de privilège, partant d'une lecture des
journaux qui interprétaient son absence comme étant une
façon pour lui de se dissocier de la position gouvernementale
relativement à la motion d'urgence. Ma demande de directive est la
suivante: La lecture de l'article qu'a faite le député de
Saint-Maurice est aussi une lecture, M. le Président, qui a probablement
été faite - je ne le sais pas pour le moment, puisque seul le
député de Saint-Maurice s'est levé - par les autres
collègues ministériels qui n'étaient pas présents
au moment de l'enregistrement des noms. M. le Président - c'est le sens
de ma demande de directive - dans la mesure où, effectivement, un tel
article existe et interprète l'absence de ces personnes comme
étant une façon pour elles de se dissocier de la position
gouvernementale, nous prévalant du règlement, pourrions-nous, par
exemple, demain matin, avant la période des questions, vous remettre,
à vous, une lettre indiquant que ces personnes ou une personne au nom de
ces personnes, puisque le règlement le permet... (11 h 10)
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Lalonde: M. le Président, voulez-vous rappeler au
leader du gouvernement que notre règlement contient un article qui
permet à tous les députés de parler pendant 20 minutes sur
la deuxième lecture de la loi que sa motion matraque a imposé
à cette Chambre d'étudier?
Des voix: Ce n'est pas une question de règlement.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas terminé;
alors, vous pouvez vous asseoir. Chacun des députés...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde:... qui veut exprimer son désaccord ou son
accord, expliquer son absence au vote, par exemple, a 20 minutes pour le faire.
Là, toutes les petites parades du leader du gouvernement pour tenter
d'excuser qu'il y a seulement 54 députés ministériels qui
ont appuyé sa motion matraque, c'est inutile.
Le Président: Affaires courantes. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Question de directive, M.
le Président. Je n'ai pas terminé, M. le Président.
Le député de Marguerite-Bourgeoys m'a interrompu sur une question
de règlement, c'était son droit, mais ma demande de directive est
pour vous demander si effectivement d'autres députés qui sont
visés par l'article et dont l'absence est interprétée
comme une façon de se dissocier de la position gouvernementale pourront,
demain, se prévaloir de l'article qui leur permet de vous envoyer une
lettre, une heure avant la période des questions et, par la suite, de
rétablir les faits et d'indiquer que leur privilège a
été brimé. On ferait ainsi en sorte que toute la liste des
ministres et députés qu'on a dans les journaux ce matin ne soit
pas interprétée -parce que c'est effectivement cela - comme une
dissension avec la position gouvernementale, parce que l'ensemble de ces
députés et ministres qui, s'ils avaient pu être ici,
auraient voté avec le gouvernement là-dessus, ne pouvaient pas le
faire.
Le Président: M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Merci, M. le Président. Juste avant que le
député de Saint-Maurice se lève pour soulever sa question
de privilège, vous veniez, justement, de m'expliquer qu'une question de
privilège que j'avais voulu soulever n'était pas en soi une
question de privilège, mais surtout que j'avais l'occasion de le faire
au moment de la deuxième lecture du projet de loi qui est devant nous,
parce que cela avait un rapport avec les négociations. À partir
du moment où une question de privilège a rapport avec le projet
de loi même, est-ce que la façon du député de
Saint-Maurice de démontrer qu'il est en accord avec le projet, ce ne
serait pas, plutôt, d'être là au moment du vote? Je suis
brimé, moi, là-dedans.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je
voudrais répondre, tout d'abord, au député de
Sainte-Marie.
Une voix: On a toute la journée, pas de
problème.
Le Président: On en a peut-être pour une bonne
partie, si on continue à demander des directives et à soulever
des questions de règlement.
M. le député de Sainte-Marie, je vous répondrai
tout simplement que j'ai appliqué au député de
Saint-Maurice exactement la même règle et la même
procédure que j'ai adoptée pour le député de
Brome-Missisquoi, la semaine dernière, et pour un autre
député. Je leur ai demandé si c'était la
première occasion raisonnable qu'ils avaient de faire valoir leur point.
Ils m'ont dit oui. C'est à ce moment que, répondant à
cette question, j'ai entendu la question de privilège du
député de Saint-Maurice et jugé que c'était une
question de privilège, si son absence avait été
interprétée, dans les journaux, comme étant une
dissension.
En ce qui concerne votre question de privilège, je me souviens
bien vous avoir dit - vous me corrigerez si je fais erreur - qu'il ne
s'agissait pas d'une question de privilège, mais que vous auriez
l'occasion, parce que le sujet était justement les négociations,
d'en parler cet après-midi ou demain. Donc, la différence majeure
- et je tiens à le dire pour que cela ne soit pas mal
interprété -entre les deux cas, c'est que j'ai jugé que,
dans votre cas, ce n'était point une question de privilège - et
je vous reconnais le mérite de l'avoir reconnu vous-même,
après que je vous l'aie déclaré - alors que, dans le cas
du député de Saint-Maurice, j'ai décidé et j'ai
jugé que c'était une question de privilège.
M. Duhaime: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: À la suite des propos que vient de tenir le
député, j'allais dire de "Saint-Marie", je voudrais tout
simplement lui dire ceci. Je voudrais faire mon intervention, non pas sur la
question de privilège que j'ai soulevée tantôt, mais
à la suite des propos que vient de tenir le député de
Sainte-Marie. Je voudrais lui dire ceci, M. le Président, et je
m'adresse à vous également: Si le député de
"Saint-Marie" veut mettre son siège en jeu sur le nombre de voix
enregistrées depuis novembre 1976, je suis prêt à mettre le
mien en jeu ce matin parce qu'il est toujours absent de la Chambre.
Le Président: S'il vous plaît:
M. Bisaillon: Est-ce que c'était une question de
privilège?
Le Président: Non, M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Merci, M. le Président.
Le Président: S'il vous plaît: M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais savoir de
votre part si la réponse que vous avez donnée ou que vous n'avez
pas donnée, je ne sais pas, au leader du gouvernement... Actuellement,
je dois choisir si je dois poser ma question de privilège maintenant -
peut-être qu'un certain nombre de mes collègues vont avoir
à faire ce choix aussi - ou si on va décider de faire quelque
chose collectivement demain. Mais une chose est certaine, c'est que je
dois savoir si je dois soulever maintenant une question de privilège ou
si je dois le faire demain avec d'autres de mes collègues.
M. Lalonde: Question de règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à ce que chaque député tente d'établir ses droits,
mais, si cela prend une suspension des travaux, cette farce, actuellement,
suspendons et permettons au caucus de ramasser les pots cassés de la loi
matraque d'hier.
Une voix: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président: S'il vous plaît! Pour répondre
à la demande de directive et du député de Verchères
et du leader du gouvernement, je vous dirai que personne n'est censé
ignorer la loi, personne n'est censé ignorer le règlement de
l'Assemblée nationale. Tout le monde connaît les articles du
règlement, je présume. Envoyez vos lettres et nous verrons par la
suite.
M. Charbonneau: M. le Président, dans ce cas, vous
m'obligez à soulever ma question de privilège maintenant.
Le Président: M. le député de
Verchères, je vous ai dit d'envoyer votre lettre et que la
présidence jugerait plus tard.
M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: Brièvement, M. le Président. Depuis
11 heures, des députés, contre l'esprit du règlement,
croyons-nous, se lèvent pour se justifier. Avez-vous l'intention de
laisser continuer ce petit jeu bien longtemps? On a autre chose à faire
de plus utile, quant à nous, que d'écouter les excuses de ces
députés.
Le Président: M. le leader du gouvernement, pour les
affaires courantes.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais vous demander
d'appeler l'article 7.
Projet de loi no 105
Reprise du débat sur la deuxième
lecture
Le Président: J'appelle la reprise du débat sur la
motion de M. Bérubé, proposant que le projet de loi no 105, Loi
concernant les conditions de travail dans le secteur public, soit maintenant lu
la deuxième fois.
M. le leader de l'Opposition et député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je veux retenir les
applaudissements et l'enthousiasme de la foule, parce que, comme je l'ai
expliqué, à 1 h 45 cette nuit, j'ai demandé l'ajournement
au nom d'un de mes collègues, ce sera le député de
Nelligan.
Le Président: M. le député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, nous sommes tout à
fait prêts à reconnaître avec le premier ministre, avec le
ministre des Finances et avec les autres ministres qui l'ont
évoquée, qu'il y a aujourd'hui une crise économique
mondiale de première importance. C'est tout à fait exact, c'est
tout à fait vrai. Nous serions naïfs de ne pas le
reconnaître. Il y a une crise économique mondiale qui touche tous
les pays du monde maintenant, même les pays qui jadis étaient les
plus prospères, dont l'économie était la plus solide, la
mieux établie. On peut parler de cette crise qui touche même des
pays dont l'économie était à la pointe du progrès,
l'Allemagne de l'Ouest, la Suède, les autres pays Scandinaves, le
Danemark, la Hollande. Cela touche la France, cela touche même
aujourd'hui le Japon qui était le pays le plus prospère du monde
jusqu'ici. Cela touche la Suisse. Cela touche les États-Unis. Cela
touche certainement le Canada dans une grande mesure. On connaît,
justement, le grand déficit du fédéral. Cela touche
chacune des provinces du Canada, y inclus le Québec. Il faudrait
être très naïf pour ne pas reconnaître cela. (11 h
20)
En même temps, il faudrait aussi être très naïf
pour ne pas reconnaître qu'au Québec nous avons une situation
spéciale, une situation de crise économique double, une situation
de deuxième crise, une autre crise économique en sus de la crise
économique mondiale. Si la crise économique mondiale sévit
dans certains pays comme l'Allemagne de l'Ouest ou le Japon depuis un an ou
deux, elle se fait voir au Québec depuis assez longtemps
déjà. En fait, on l'évoque depuis les cinq ou six ans que
le parti ministériel est au pouvoir. On pouvait en voir les signes
précurseurs depuis le moment même où ce parti a
commencé à gérer le Québec. En fait, les causes de
cette deuxième crise, de cette double crise, de cette autre crise
économique sont dues fondamentalement à un sujet principal. Je
demande à tous les membres qui sont ici d'essayer de penser à un
seul pays où un gouvernement presque autonome au sein d'un grand pays
cherche par tous les moyens qu'il
a en sa possession à déstabiliser l'ensemble du pays
lui-même.
On peut penser, depuis la guerre, à quelques exemples d'une
partie de pays qui s'est détachée de ce pays. Je peux parler, par
exemple, du Bangladesh et du Pakistan, un des exemples très rares. On
pourrait parler de la Bretagne qui essaie de se détacher de la France,
mais la Bretagne n'a pas un appareil gouvernemental séparé. On
aurait pu parler de l'Irlande du Nord qui est un cas tout à fait
spécifique; en fait, c'est presque une colonie anglaise jusqu'à
présent. Il n'y a pas un seul exemple, à part le Québec,
d'une partie d'un ensemble qui se gouverne pratiquement elle-même dans
toutes les matières comme son économie, son immigration, qui a
des sujets d'autonomie tout à fait particuliers à elle et qui
cherche en même temps à désagréger le pays dont elle
fait partie. Comment l'économie du Québec peut-elle marcher quand
tous les jours il fait la guerre à son principal interlocuteur
économique?
Une voix: C'est vrai!
M. Lincoln: Comment peut-on dire qu'on collaborera avec le
fédéral, avec tous les agents économiques
fédéraux-provinciaux, quand, en même temps, on fait des
programmes tel Ottawa-Crash, quand, en même temps, on dit tous les jours:
Notre objectif principal et unique est la souveraineté du Québec?
Quand on vient dire: Aux prochaines élections, c'est la
souveraineté du Québec qu'on essaiera de faire, comment,
entre-temps, peut-on réaliser des progrès économiques dans
un ensemble où notre principal interlocuteur économique est le
gouvernement central du pays auquel nous appartenons encore?
C'est cela, le point capital. Tout découle de cela. Si on part du
principe que, dès le début de ce gouvernement en 1976,
l'idée principale était de déstabiliser les relations avec
notre principal interlocuteur économique, il est évident que
notre affaire ne pouvait marcher. Si on ajoute à cela les plus grosses
dépenses provinciales de n'importe quelle province du Canada, et de
beaucoup, des dépenses presque incontrôlées, il est
inévitable que ce gouvernement provincial subira une économie
chancelante, et de plus en plus.
C'est facile à voir. Je vais vous montrer quelques petits dessins
qui expliqueront cela de façon tout à fait logique. Il fut un
temps où le Québec s'appelait la belle province. Je sais que cela
ne s'appelle plus la belle province maintenant. Ce n'est plus de mise, c'est
tabou; on n'appelle plus cela une province. Mais du temps où
c'était une belle province, où l'économie marchait,
où l'économie était stable - on peut voir que
l'économie est la pierre d'assise de la balançoire - il y avait
un équilibre entre les revenus et les dépenses, c'était
assez équilibré. Tant que les revenus et les dépenses sont
équilibrés, l'économie, qui en est la pierre d'assise,
reste solide, bien ancrée et marche bien. Nous avions une province qui
était stable, prospère.
Ensuite, comme dans toutes les économies - nous le concevons;
cela arrive en Allemagne, au Japon, en France et dans toutes sortes de pays -
il est sûr que, de temps en temps, il y a des nuages dans le ciel et on
ne peut pas les éviter. Quand les nuages arrivent, le soleil brille un
peu moins. Nous sommes d'accord que cela arrive de temps en temps. À ce
moment-là, on fait un déficit conjoncturel. Un déficit
conjoncturel, c'est lorsque, à cause d'une crise temporaire qui peut
durer six mois, un an, il y a des dépenses qui commencent à
déséquilibrer la balançoire de l'économie. Ces
dépenses sont si lourdes ici qu'il faut faire des déficits
conjoncturels. Alors, on emprunte de l'argent et on essaie de stabiliser la
balançoire de l'économie. Mais cela est tout à fait
acceptable et tout à fait normal. Par exemple, on pourrait commencer des
programmes de création d'emplois et d'autres programmes ponctuels pour
essayer de stabiliser l'économie. On crée à dessein un
déficit conjoncturel.
Du moment que c'est dans la marge de manoeuvre raisonnable de notre
économie et de nos revenus, c'est un principe tout à fait
acceptable. Mais quand il arrive, comme au Québec, que la crise
économique et que les déficits deviennent structurels,
endémiques et se répètent d'une année à
l'autre dans une proportion croissante du produit national brut, de tous nos
revenus, de l'ensemble de nos biens et services, et que cela dépasse la
norme, à ce moment-là, nous avons des problèmes
fondamentaux. Voilà ce qui arrive.
Les dépenses, c'est le gros éléphant du Parti
québécois depuis 1976. Alors, normalement, le gros
éléphant, on ne verrait pas sa marque de commerce sur son ventre,
mais les dépenses grossissent et on commence à voir son petit
symbole qui apparaît, le symbole de la grosse dépense. Les
dépenses commencent à devenir tellement grandes que la pierre
d'assise de l'économie, de la balançoire, qui tient tout cela en
place, commence à s'affaisser. La balançoire s'affaisse tellement
d'un côté, parce que les dépenses dépassent
tellement les revenus, que cela ne peut plus équilibrer la
balançoire. On ne peut plus faire de déficits conjoncturels parce
que cela dépasse tout. C'est tellement gros. Alors, la balançoire
commence à s'affaisser. C'est cela qui nous est arrivé.
Quelle est la suite de cette situation? À un moment donné,
la pierre d'assise qui retient la balançoire, l'économie,
cela
s'affaisse, cela s'enfonce, cela se casse, cela se brise. C'est cela qui
nous arrive au Québec depuis deux, trois, quatre et cinq ans. De plus en
plus, l'éléphant, les dépenses péquistes, cela
grossit. La balançoire se casse, l'économie s'enfonce. Le
président du Conseil du trésor commence à suer à
grosses gouttes. Il ne sait plus ce qu'il faut faire. Le ministre des Finances
ne sait pas non plus ce qu'il faut faire parce que les revenus qu'il a en sa
possession sont tout à fait dépassés par les
événements, à cause des dépenses folles du parti au
pouvoir.
Alors, on pourrait nous dire: Non, vous dites des bêtises. Mais il
faudrait aller voir les chiffres. Si on compare avec la province voisine qui
compte 2 400 000 habitants de plus que notre province - 2 400 000 habitants,
c'est toute la population de la Colombie britannique et la nôtre - en
1976, les chiffres sont là pour le prouver, au Québec, nous
dépensions, dans nos dépenses globales, 1 750 000 000 $ de moins
que l'Ontario. C'était tout à fait normal. On compte une
population moindre que celle de l'Ontario d'environ 2 000 000 d'habitants.
Mais, petit à petit, avec le gouvernement de l'éléphant et
son ministre des Finances qui dépensait à gogo, comme nous
l'avons dit plusieurs fois, qui met des petits 50 000 000 $ dans
Québecair, qui met des petits 175 000 000 $ dans la
Société nationale de l'amiante, qui commande des petites
dépenses, qui paie 43 000 000 $ par année pour le Directeur
général des élections, etc., graduellement, les
dépenses totales du Québec ont commencé à devenir
parallèles à celles de l'Ontario jusqu'en 1980-1981 où,
dans notre province qui compte 2 400 000 habitants de moins, nous
dépensions, pour la première fois de notre histoire, sous le
parti du ministre des Finances, le Parti québécois, 313 000 000 $
de plus que l'Ontario, annuellement.
(11 h 30)
En 1981-1982, on en est arrivé à 1 000 000 000 $ de plus
que l'Ontario, 1 000 000 000 $ en chiffres exacts. En 1982-1983, c'est 508 000
000 $. Et ce n'est pas fini parce que le ministère des Finances, comme
chaque année, a fait des erreurs de sur-estimation des revenus et de
sous-estimation des dépenses. Ces déficits sont une erreur
moyenne de quelque chose comme 400 000 000 $ par an. Déjà, on
commence à entendre dire que les 3 000 000 000 $ de déficit
seront dépassés, que ce sera 3 200 000 000 $, 3 500 000 000 $ et
peut-être plus. C'est là la cause de toute l'affaire. Si,
aujourd'hui, on en est rendu à changer des lois, à faire adopter
des lois spéciales avec 35 000, 90 000 ou 100 000 pages de
décrets pour cinq ans, quelque chose d'inacceptable pour un gouvernement
qui est censé respecter sa signature, comme il l'a dit lui-même
plusieurs fois quand il était dans l'Opposition, si on fait cela, c'est
qu'on est dépassé par les événements. Si le
ministre des Finances ne le faisait pas, s'il n'allait pas chercher 521 000 000
$ dans la poche des travailleurs par un procédé rétroactif
de 109 décrets, à ce moment-là, le déficit du
Québec, l'éléphant deviendrait encore plus gros et on ne
verrait même pas le petit bout d'économie qui nous reste encore
sortir de terre.
Hier, le ministre du Revenu nous disait: Vous, les libéraux, tout
ce que vous faites, c'est critiquer. Vous n'avez aucune formule, vous
êtes des négatifs, vous faites du négativisme, vous
n'apportez rien de positif.
Une voix: C'est vrai!
M. Lincoln: II nous disait: Nous avons été chercher
1 000 000 000 $ par des coupures budgétaires. Nous avons
été chercher 521 000 000 $ par nos décrets. Nous avons
fait ceci et cela. Est-ce positif de faire des décrets et d'aller
chercher 521 000 000 $ à rencontre de la signature donnée? Est-ce
positif de faire des coupures budgétaires? Ce qui serait positif, ce
serait d'avoir un autre genre de gouvernement. Nous allons vous en dire, des
choses positives. Si, demain matin, il y avait un changement d'attitude au
Québec, tout changerait, comme cela s'est produit après le
référendum lorsque la construction a commencé; 800 000 000
$ de construction à Montréal.
Ce qu'il nous faut ici, au lieu d'un gouvernement de confrontation,
c'est un gouvernement de coopération; au lieu d'un gouvernement
d'arrogance, comme vous, un gouvernement de tolérance; au lieu d'un
gouvernement de rigidité, un gouvernement de flexibilité; au lieu
d'un gouvernement de réglementation à outrance, un gouvernement
de concertation; au lieu d'un gouvernement de petitesse, un gouvernement de
souplesse; au lieu d'un gouvernement de paperasserie, de bureaucratie, de
tracasserie, un gouvernement de démocratie; au lieu d'un gouvernement de
grandes dépenses, un gouvernement de bonne gérance; au lieu d'un
gouvernement de la collectivité, un gouvernement de
l'individualité; au lieu d'un gouvernement à l'esprit de clocher,
un gouvernement d'universalité; au lieu d'un gouvernement de sommets et
de pamphlets sans nombre et à outrance, un gouvernement de la
réalité; au lieu d'un gouvernement de l'absurdité et des
dépenses folles, un gouvernement de la prospérité.
Je vais vous montrer la formule qui ferait qu'on n'aurait pas besoin de
décrets, qu'on n'aurait pas besoin de lois spéciales, de vos sept
lois spéciales, vous qui vous dites de grands sociaux-démocrates.
Voilà ce qu'il va falloir faire. Je vais vous montrer la formule
positive que le ministre du Revenu
cherchait hier. Voilà la formule positive. On prend un
gouvernement, le gros L pour libéral, on envoie le ministre du Revenu et
le ministre des Finances, qui ont fait des erreurs et des déficits de
400 000 000 $ chaque année, d'année en année depuis
1976-1977, aux douches. Aux douches! Là, ils auront une douche froide et
ils vont savoir ce que c'est pour les gens de vivre sous le seuil de la
pauvreté, eux qui dépensent à gogo et comme des fous. Il
faut bien regarder cela. On les prend, eux, et on les envoie aux douches. Le
plus tôt sera le mieux pour le Québec.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Lincoln: Voilà ce qu'on va faire. On va recommencer
à bâtir. On va prendre l'éléphant du Parti
québécois et on va le coffrer. On va essayer de le resserrer pour
que son ventre diminue, son ventre plein de dépenses folles, inutiles et
absurdes. On va le mettre dans son coffre et on va recommencer à
bâtir l'économie. On va prendre la pierre de taille qu'est
l'économie, qui avait été brisée par le Parti
québécois et enfoncée dans la terre de plus en plus,
jusqu'à ce qu'on n'en voie plus rien, avec votre déficit monstre,
on va retirer cette pierre de taille de la terre et on va rétablir la
situation. On va commencer le système de la balançoire, on va
revenir un petit peu en arrière, on va vous dire: Voilà, c'est
bien simple à faire. On va faire cela. On va rebâtir. On va
remettre le gouvernement positif qui va faire de l'économie la
balançoire normale qu'il devait être avec un équilibre des
revenus et des dépenses. Vous allez me demander comment? Le jour
où on sera au pouvoir, le revenu va remonter en flèche parce que
avec nous, les investisseurs qui cherchent la stabilité, qui cherchent
la certitude, qui cherchent la souplesse, qui cherchent l'ouverture sur le
monde, ils vont revenir, ils vont réinvestir; les revenus vont monter
parce que les gens vont avoir confiance une fois de plus. Ils n'iront pas
chercher la puce comme vous, ils n'iront pas chercher la petitesse et
l'arrogance comme vous. Ils vont revenir. Nos revenus vont monter. Les
dépenses, nous allons les coffrer, nous allons cesser la folie de vos
dépenses de fous.
On ne va pas investir pour l'idée de mettre notre petite fleur de
lys sur un avion de Québecair. Cela va coûter 50 000 000 $. On ne
va pas investir dans la Société nationale de l'amiante si on n'a
pas d'argent. On va étirer les coûts de la Société
nationale avant et de Québecair dans la poche des travailleurs pour 521
000 000 $. On va être des gens de bon sens. On va être axé
sur le progrès économique du Québec. On va faire une
question positive, et nous, on va vous remonter la belle province comme elle
était avant. On ne va pas avoir peur de la belle province. On va
regarder notre interlocuteur principal qui est le gouvernement
fédéral avec un esprit constructif de concertation. Si on n'est
pas d'accord, on le dira. Si on est d'accord, si on peut profiter de cet atout
d'un gouvernement central, on le fera avec positivisme.
Nous vous disons, nous, tous vos salauds de décrets, toutes vos
90 000 pages, vous aurez beau les adopter, cela vous donnera un soi-disant cinq
ans de sursis. Mais ce ne sera pas un sursis. Je pense que c'est un sursis
factice, tout à fait hypocrite, qui va dire aux gens: La signature
donnée, cela ne compte plus avec le gouvernement du Québec.
Là, on vous redit: On va changer ce gouvernement. On va remplacer les
sommets et les pamphlets par la réalité. On va remplacer
l'absurdité et les grandes dépenses par la
prospérité. On va remplacer le Parti québécois par
un gouvernement libéral et toutes ces folies vont cesser.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Transports.
M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, après cette intervention
du député de Nelligan, je pense que les mots qu'on peut retenir,
les arguments qu'on peut retenir sont en résumé les suivants: Le
gouvernement est fou, il est absurde, les dépenses sont monstrueuses. Il
a utilisé à plusieurs reprises l'excellent argument, etc., comme
si cela allait ajouter au poids de ses arguments. Il s'est servi de tableaux
qui me rappelaient une époque que je croyais terminée au
Québec, où on se servait de caricatures, de tableaux. Cela me
rappelait un peu un ancien député qui a siégé ici
et qui représentait un comté de l'Abitibi. Franchement, je vous
dirai qu'après avoir écouté le député de
Nelligan, j'avais l'intention de lui répliquer. À part avoir fait
des allusions désobligeantes à l'égard du gouvernement,
comme c'est probablement son droit de le faire, je n'ai trouvé
finalement rien de vraiment substantiel à quoi répliquer, si ce
n'est une chose: C'est qu'il fait essentiellement remonter le début de
la crise économique, des difficultés financières que
connaît le gouvernement actuel, à l'arrivée au pouvoir du
Parti québécois, laissant entendre que c'est à compter de
ce moment que les dépenses ont augmenté de façon
énorme, qu'on aurait embauché beaucoup de fonctionnaires, que la
bureaucratie se serait alourdie, qu'on aurait contribué à
étrangler le secteur privé.
Je voudrais lui souligner simplement un certain nombre de
critères auxquels on peut se référer pour juger justement
de la
performance des gouvernements. Alors que la croissance des
dépenses sous l'ancien gouvernement de 1970 à 1976 atteignait,
lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, 20% d'augmentation par
année, sous notre gouvernement, la moyenne aura été
d'environ 10% ou 12% de croissance annuelle. Par ailleurs, en ce qui concerne
le nombre de fonctionnaires, alors que de 1970 à 1976 on avait connu un
accroissement considérable du nombre d'employés de l'État,
en ce qui nous concerne, de 1976 à 1982, il n'y a eu aucun accroissement
du nombre de fonctionnaires. Il y en a même 5000 de moins. (11 h 40)
En ce qui concerne l'écart entre les salaires payés aux
employés du secteur public et du secteur privé, encore là,
par les conventions collectives négociées en 1979 pour les deux
premières années de cette convention, l'écart a
été considérablement réduit de 16% qu'il
était à 11%.
Dans le fond, M. le Président, à l'occasion de l'adoption
de cette loi exceptionnelle, la plupart des orateurs libéraux, comme
vient de le faire le député de Nelligan, s'attarderont seulement
aux causes immédiates de la venue de cette loi. La plupart des gens
porteront aussi un jugement sur notre gouvernement, sur le comportement de
l'Opposition et sur celui des centrales syndicales, en fonction des
événements qui se sont déroulés au cours des dix ou
douze derniers mois. Une telle façon d'analyser la présentation
de cette loi amènera dans certains cas, malheureusement, des gens
à blâmer tantôt les syndicats pour leur appétit
soi-disant trop vorace, égoïste, tantôt à blâmer
le gouvernement actuel pour la manière dont il s'y prend pour tenter de
sortir de la crise économique; d'autres, enfin, condamneront
l'Opposition pour avoir simplement tenté de blâmer, comme vient de
le faire le député de Nelligan, le gouvernement à tort et
à travers sans vraiment prendre position sur le fond de la situation, du
problème qui se pose à nous. Une telle approche, M. le
Président, à mon avis, a ceci de regrettable qu'elle conduit
inévitablement des Québécois et des
Québécoises à se blâmer mutuellement, à
s'accuser de tous les torts respectivement sans vraiment chercher à
trouver les causes plus profondes et plus lointaines de la situation que nous
vivons maintenant.
Sans prétention, n'étant pas un spécialiste des
conventions collectives, non plus qu'un spécialiste en histoire
budgétaire et politique du Québec, j'aimerais m'attacher à
une explication plutôt historique de l'évolution du Québec
au cours des 20 dernières années, afin de mieux comprendre
comment nous en sommes venus à la situation dans laquelle nous nous
trouvons maintenant et pour laquelle ni les syndicats ni le gouvernement ni
l'Opposition ne sauraient porter seuls le blâme. En effet, la situation
dans laquelle nous nous trouvons m'apparaît trop complexe pour être
explicable par des raccourcis, comme vient de le faire le député
de Nelligan, ou par un blâme à l'endroit d'un groupe donné
de notre population. Une situation aussi sérieuse ne peut non plus
être le résultat de quelques mois d'égarement de qui que ce
soit.
En fait, pour bien comprendre la situation actuelle, il faut, je crois,
remonter à la fin des années cinquante pour jeter un coup d'oeil
sur l'état de la nation québécoise et de son gouvernement
au tournant des années soixante. Les principales caractéristiques
de la société québécoise et de son gouvernement au
tournant de 1960 étaient à peu près les suivantes:
L'économie québécoise était peu
développée, tant sur le plan industriel, agricole que sur le plan
économique en général. Les richesses naturelles du
Québec étaient exploitées presque exclusivement par les
autres. L'instruction publique et l'éducation en général
étaient très limitées. Nous étions largement en
retard par rapport à d'autres sociétés occidentales. Tout
le domaine des services hospitaliers, des services de santé et des
services sociaux était soit à la charge des communautés
religieuses, soit à peu près inexistants puisque la santé
était, à cette époque, un bien commercial. Les programmes
dits de sécurité sociale s'appelaient encore programmes d'aide
aux mères nécessiteuses et aux aveugles. Le gouvernement du
Québec administrait un budget très modeste, autour de 500 000 000
$ pour l'année 1960. Il n'y avait pas beaucoup de taxes, pas beaucoup de
déficits et très peu d'emprunts pour financer le gouvernement du
Québec. Finalement, en ce qui concerne les employés du
gouvernement du Québec ou de tout le secteur public et parapublic, comme
les commissions scolaires, les hôpitaux, ils étaient mal
payés, sous-payés, quand il ne s'agissait pas tout simplement de
"vocations", comme on disait, qui se consacraient bénévolement
dans des communautés religieuses ou autres à l'avancement de
notre société sur le plan de l'éducation ou au soulagement
de la misère dans le domaine social et de la santé.
Depuis 22 ans, les différents gouvernements qui se sont
succédé à Québec ont changé tout cela.
Malgré des erreurs de parcours auxquelles nous avons malheureusement
collectivement attaché souvent plus d'importance qu'à nos
succès, je crois que nous pouvons dire à ce moment-ci de notre
histoire que nous pouvons être fiers des pas de géant que nous
avons franchis dans tous les secteurs de l'activité humaine au cours du
dernier quart de siècle. En effet, dans tous les secteurs que j'ai
mentionnés, malgré les formidables handicaps qu'a imposés
au gouvernement du Québec le
régime fédéral, un régime à deux
paliers de gouvernement dans lequel nous vivons, notre société
est parvenue à marcher, quand ce n'est pas à courir, sur à
peu près tous les fronts, en avançant toujours à un rythme
maximal par rapport à sa capacité réelle. Par exemple,
dans le domaine économique, le Québec de 1982 ne ressemble en
rien à celui de 1960. Avec l'appui des institutions publiques
québécoises, un secteur public très important s'est
développé, axé principalement sur le développement
de nos richesses naturelles et la transformation de celles-ci chez nous.
De plus, l'État québécois a consacré une
part importante de ses ressources au développement de notre agriculture
et de nos entreprises industrielles dans de nombreux secteurs. Mais, pendant ce
temps aussi, le gouvernement du Québec a dépensé, en
termes d'immobilisations, des milliards de dollars pour s'équiper
convenablement en matière d'institutions d'enseignement, d'institutions
hospitalières, de services de santé et de services sociaux. En
fait, d'une société sous-développée en
matière de services de santé, de services hospitaliers, de
services sociaux et d'instruction publique, le Québec est passé
du dernier rang, ou à peu près, des sociétés
occidentales, au peloton de tête dans tous les secteurs reliés
à l'enseignement public primaire, secondaire, collégial et
universitaire, de même que dans les services de santé et les
services sociaux.
Cela ne s'est pas fait tout seul, cela s'est fait avec nos impôts
et avec nos taxes. Cela ne s'est pas fait non plus sur le dos des
employés de ces secteurs. Au contraire, eux aussi, de quelques milliers
qu'ils étaient sous-payés, ils sont devenus aujourd'hui des
centaines de milliers. En termes de salaires, de quasi-bénévoles
qu'ils étaient, ils sont devenus des travailleurs dont les conditions
d'emploi sont considérées comme des plus avantageuses quand on
les compare aux conditions des employés du secteur privé au
Québec ou à celles des employés occupant des postes
comparables ailleurs dans le monde occidental.
Les employés du gouvernement du Québec comme tels, ceux
qu'on appelle les fonctionnaires, ont connu aussi la même
évolution. Le Québec peut compter aujourd'hui sur une fonction
publique importante, compétente, bien rémunérée.
Elle évolue dans des conditions qui n'ont pas de commune mesure avec ce
qui prévalait il y a 20 ans et même, la plupart du temps,
très avantageusement comparables à ce qui se fait ailleurs dans
le monde.
Finalement, pendant toutes ces années, les mesures de
sécurité sociale n'ont cessé d'être
améliorées par tous les gouvernements, de sorte que, comme
collectivité, que ce soit en termes d'assurance-maladie, de
régime de rentes, d'aide sociale, de supplément au revenu du
travail, de HLM, de Commission de la santé et de la
sécurité du travail, d'accidents automobile et dans quoi d'autre
encore, nous sommes l'une des sociétés les mieux pourvues en
instruments de lutte contre la misère et la pauvreté. Cela ne
veut pas dire pour autant que nous sommes parfaits et qu'il n'y a plus rien
à faire dans chacun de ces secteurs. Cela signifie simplement,
cependant, que des ressources financières énormes ont
été consacrées, par tous les Québécois,
à notre avancement dans chacun de ces domaines.
On dit souvent que nous sommes l'une des sociétés les plus
imposées du monde occidental et cela est vrai. Cela s'explique par la
détermination farouche de tous les gouvernements qui se sont
succédé au Québec, depuis 20 ans, pour faire avancer notre
société sur le plan économique, sur le plan culturel, sur
le plan de l'éducation, sur le plan de la santé, sur le plan
social et sur le plan politique. Nous n'avons pas marché vers le
développement, nous avons couru vers lui et, pour ce faire, nous sommes
allés constamment à la limite de nos capacités de payer,
de notre capacité d'emprunter et de notre capacité de faire face
aux changements, de nous moderniser.
J'arrive ici à ce qui me semble être le coeur même de
l'explication de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Pendant 20 ans,
nous nous sommes développés à un rythme
accéléré, de façon encore plus précise, nous
avons développé d'une manière très
accélérée notre secteur public non seulement en termes de
nombre, mais également en termes de conditions offertes à ce
secteur public, de sorte qu'aujourd'hui 52% du budget de l'État
québécois est consacré à la masse salariale du
secteur public.
En procédant comme nous l'avons fait depuis 20 ans, d'une
manière aussi fulgurante, il était inévitable que nous
soyons vulnérables face à une crise économique. Pour nous
assurer de notre développement, nous sommes allés constamment au
maximum de ce qu'il était possible d'emprunter pour financer des
immobilisations et des infrastructures de toutes sortes. Nous sommes
allés à la limite de la taxation pour financer des services
d'instruction publique, de santé, de services sociaux, de
sécurité sociale et pour bien rémunérer tous ceux
qui y travaillaient. Mais, comme tout ce qui grandit, tout ce qui pousse
rapidement, cela était fragile et basé surtout sur une
progression constante de notre développement économique
présumé. (11 h 50)
Tant que le produit intérieur brut, c'est-à-dire notre
richesse collective, allait en s'accroissant, il n'y avait pas trop de
problèmes. Les dépenses du gouvernement pouvaient
s'accroître rapidement en
escomptant d'avance que la richesse collective continuerait dans les
années suivantes à s'accroître aussi rapidement.
Voilà que depuis août 1981, nous faisons face, comme l'ensemble du
monde occidental, à la pire crise économique depuis la
dernière guerre. Au lieu de s'enrichir, le monde occidental s'appauvrit.
Nous aussi, comme tout le monde, dans ce contexte économique, nous nous
appauvrissons. Les revenus de l'État, au lieu d'augmenter, diminuent.
Les programmes sociaux, à cause de la crise, coûtent de plus en
plus cher. Les intérêts à payer pour les investissements
que nous avons consentis depuis 20 ans ont plus que doublé depuis les
dernières années. Le gouvernement fédéral, aux
prises avec un déficit débridé, refile d'énormes
factures au Québec, et en sept ou huit mois, dix ou douze mois, d'une
situation vulnérable, le Québec passe à une situation
critique qui impose un réalignement d'une ampleur exceptionnelle de ses
dépenses pour traverser la crise. Nous avons donc dû, dans un
premier temps, nous attaquer avec acharnement à la compression des
dépenses du gouvernement. De cette façon, en deux ans, nous
sommes parvenus à éliminer plus de 1 500 000 000 $ de
dépenses que nous aurions normalement dû consentir sans cet effort
pénible de rationalisation des dépenses.
Dans un deuxième temps, pour pallier le manque de revenu de la
péréquation fédérale et tenter de faire face
à des dépenses accrues au chapitre de la sécurité
sociale, le gouvernement a augmenté de façon très
importante un certain nombre de taxes directes ou indirectes, notamment en
doublant la taxe sur les carburants.
Voilà que la crise économique autour de janvier 1982, loin
de se résorber, s'accélère et voilà que le Canada
entre dans la récession: nouvelle augmentation du coût de l'aide
sociale, nouvelle prévision à la baisse des revenus. Nous sommes
allés à la limite de notre capacité de diminuer les
dépenses sans abolir des programmes complets.
Il devient, à ce moment, évident que la masse salariale de
l'État, qui représente à elle seule 52% du budget du
gouvernement du Québec, ne peut être indexée de 14% tel que
prévu au 1er juillet 1982 et à la fin du mois de décembre
qui se termine. Tous les indicateurs économiques sur la base desquels
avaient été signées les conventions collectives de 1979
tournent à la catastrophe. C'est ainsi que, devant cette
réalité inéluctable, le gouvernement a
décidé en avril dernier de proposer aux centrales syndicales du
secteur public de rouvrir les conventions collectives au 1er juillet dernier.
Le choc a probablement été trop grand, tant sur les
syndiqués que sur les syndicats. Une réalité aussi dure,
aussi pénible, aussi grave ne s'accepte pas facilement. On voudrait y
échapper. Nous aurions voulu y échapper, mais elle demeure.
Voilà ce qui explique probablement le fait que, malgré tous nos
efforts, nous ne sommes pas parvenus à convaincre les syndicats de
l'absolue nécessité imposée par la crise de réviser
les augmentations de salaire prévues pour juillet dernier.
C'est pourquoi, afin d'assumer pleinement ses responsabilités
devant une réalité aussi cruelle, le gouvernement a dû
faire adopter la loi 70 afin de s'assurer qu'il pourrait boucler son budget au
31 mars 1982 sans augmenter, soit les impôts dans un ordre de grandeur
semblable à celui de la taxe sur les carburants, ou encore augmenter un
déficit qui a déjà atteint la limite du raisonnable.
On dit souvent que gouverner c'est prévoir. Si le gouvernement
pouvait prévoir que la crise se terminera le 31 mars prochain, il
n'aurait pas à proposer la loi que nous avons devant nous. Comme les
prévisions ne permettent à personne de rêver que
l'économie battra des records de développement pour les deux ou
trois prochaines années, il serait irresponsable pour le gouvernement de
berner ses employés ou la population en laissant croire que nous pouvons
passer à côté de la dure réalité qui nous
confronte. Il nous faut à tout prix augmenter notre productivité
dans le secteur public. Il nous faut ralentir la croissance de la masse
salariale de l'État à un niveau tolérable pour les
contribuables. Il faut éviter, par une nouvelle augmentation des
impôts, d'étrangler le secteur privé de notre
économie car ce serait à proprement parler tarir la source
à laquelle le gouvernement s'alimente.
En d'autres mots, il nous faut faire les constatations suivantes. Le
Québec est une société qui s'est développée
à pas de géant depuis 20 ans. Ce développement
phénoménal, surtout dans le domaine public, a maintenu les
finances de l'État et, finalement, l'État tout entier, dans une
situation de vulnérabilité quasi constante. Une crise
économique majeure est venue rendre critique cette situation
vulnérable, mais il est possible de s'en sortir. Pour repartir du bon
pied, cependant, il faut absolument rationaliser nos dépenses de toutes
sortes, y compris nos dépenses en matière de masse salariale et
de productivité qui représentent, encore une fois, à elles
seules 52% du budget total de l'État.
Je pense que c'est par là, M. le Président, que passe la
relance de l'économie du Québec et la relance de l'ensemble de
l'activité du Québec. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: M. le Président, j'ai
écouté très attentivement le ministre des Transports qui
nous a fait état d'une certaine histoire, d'une certaine époque,
nous ramenant de 1982 à 1950.
Je vous entretiendrai personnellement d'une histoire un peu plus
rapprochée, celle de 1976 à 1982. Nous voici en cette Chambre
afin d'étudier un projet de loi qui représente, à mon
humble avis, peut-être un des gestes les plus mal posés par ce
gouvernement. C'est, je crois, un triste jour pour le Québec, un jour
sombre pour les travailleurs québécois. Je me demande si, au fond
de leur coeur, mes collègues du Parti québécois sont fiers
d'eux, si, aujourd'hui et un peu plus tard quand nous voterons cette loi, mes
collègues seront heureux de leur performance.
Je suis de ceux qui, en 1975-1976, assistaient aux négociations.
J'étais membre de l'Assemblée nationale. Je me souviens
qu'à l'époque j'avais risqué l'expulsion de mon syndicat
à la suite des positions que j'avais prises à l'endroit d'un
dirigeant syndical. Je continue de croire aujourd'hui, comme, probablement,
l'immense majorité des Québécois, que nos travailleurs du
secteur public bénéficient d'excellentes conditions de travail.
Devons-nous pour autant conclure qu'il faille maintenant renverser la vapeur?
Devons-nous, comme nous dit le gouvernement péquiste, reculer?
Le ministre des Transports nous disait tantôt: II nous faut
ralentir. Si la loi 105 constituait vraiment un ralentissement, nous ne serions
probablement pas obligés de siéger en pleine nuit afin de
permettre l'adoption de ce projet de loi.
Ce que nous propose ce gouvernement ce n'est pas de ralentir, c'est de
reculer. Cela me fait penser à un chauffeur d'autobus qui, parce qu'il
prend de l'avance sur l'horaire dans son trajet, au lieu de ralentir sur son
parcours ou de faire des arrêts prolongés, décide de
reculer son autobus pour rattraper son horaire. C'est assez rare que cela se
fasse; pourtant, c'est ce que nous propose le gouvernement du Parti
québécois.
Tout le monde le reconnaît, il y a un certain écart qui
sépare le secteur privé du secteur public, mais ne devrions-nous
pas envisager une démarche civilisée afin d'effectuer le
rattrapage requis? D'ailleurs, de quel écart s'agit-il, de quel ordre
est cet écart? Pour le même travail effectué dans les
secteurs public et privé, cet écart est-il de 5%, de 10%, de 15%,
de 20%? Il n'y a pas d'entente là-dessus, mais il m'apparaît
logique de vous dire qu'à mon humble avis il n'appartient certainement
pas seulement à l'employeur de déterminer l'ordre de grandeur de
cet écart. M. le Président. C'est pourtant ce que le gouvernement
actuel a décidé de faire. Il fixe lui-même cet écart
qui sépare le secteur privé du secteur public. Il s'agit
là, à mon avis, d'une démarche sauvage qui contraste avec
celle que je vous proposais, soit une démarche qui devrait être
davantage civilisée. (12 heures)
Dans ce secteur comme dans bien d'autres, le gouvernement a
décidé qu'il avait la vérité et que lui seul
l'avait. Il est le seul juge en la matière. Ces mêmes gens qui, en
1975, disaient que le gouvernement libéral maltraitait ses
employés, qu'il volait les travailleurs, s'il ne leur accordait pas des
augmentations salariales de 30%, ces mêmes gens qui décident
maintenant de couper les salaires qu'ils ont déjà eux-mêmes
consentis aux travailleurs, dans la convention de 1980, juste avant le
référendum, comment qualifieraient-ils cette opération
à laquelle ils se livrent?
Une voix: C'est épouvantable!
M. Vallières: À du vol au carré, M. le
Président. Les gens d'en face disaient, en 1980, qu'ils avaient
signé la meilleure convention collective, la plus belle convention
collective qui ait jamais été signée dans le secteur
public. Aujourd'hui, ces mêmes gens parlent un autre langage.
Nous avons eu devant nous la loi no 70 et nous avons maintenant le
projet de loi no 105. Ce sont deux lois qui démasquent hors de tout
doute l'hypocrisie de ce gouvernement. Ceux qui, en 1973, 1974, 1975 et 1976,
qualifiaient les péquistes de gens purs, nous les rencontrons
aujourd'hui sur la rue et ils nous disent que la pureté péquiste
est maintenant devenue de la pure hypocrisie péquiste. Il y a eu un
changement de comportement de la part des péquistes et il y en a aussi
de la part de la population. La loi no 70, adoptée malgré
l'Opposition du Parti libéral, est une loi irresponsable. Elle nie le
principe même de la négociation. Cette loi permet au gouvernement
de renier la signature qu'il a lui-même apposée au bas des
conventions collectives.
Une voix: C'est incroyable!
M. Vallières: De plus, elle est injuste parce qu'elle fait
payer à une seule catégorie de travailleurs au Québec tous
les dégâts financiers que nous a amenés ce gouvernement. De
plus, cette loi contourne le Code du travail et modifie, de façon
unilatérale, les conditions de travail des employés du
gouvernement.
Je vous disais tout à l'heure, M. le Président, qu'il
semblerait que ce gouvernement a le monopole de la vérité. Par sa
loi no 70, ce gouvernement a prolongé la durée de la convention
collective jusqu'au 1er avril 1983 et fixe les conditions
de travail jusqu'à cette date. Comment être d'accord
aujourd'hui avec le projet de loi que nous avons devant nous? Ce gouvernement a
renié sa signature, mais non seulement il ne se limite pas à
cela, il n'a pas respecté la convention qu'il a lui-même
signée, il passe outre à sa propre loi no 70 et il vient avec une
autre loi, la loi no 105, fixer les conditions de travail avant l'expiration de
cette convention qu'il a lui-même décrétée par la
loi no 70. C'est tout simplement honteux et inacceptable. On ne peut le
qualifier autrement.
Seul un gouvernement qui a complètement perdu les pédales
est capable de pareilles bassesses. Seul un gouvernement en totale
déroute est capable d'un geste aussi antitravailleur. M. Charbonneau, le
président de la CEQ, disait récemment - je pense que cela
résume assez bien l'état d'esprit des travailleurs
québécois - que la meilleure façon de décrire ce
gouvernement, c'est d'indiquer qu'il est le plus grand rapetisseur de
Québécois qu'ait connu le Québec.
J'ai eu l'occasion, au cours des dernières semaines en
particulier, de faire quelques sondages dans mon comté, de
vérifier avec les travailleurs, entre autres ceux du secteur
privé, ce qu'ils en pensaient et comment ils réagiraient si,
unilatéralement, leur employeur décidait de fixer leurs
conditions de travail et de fixer leurs salaires à la baisse. Je ne vous
répéterai pas toutes les réactions. Plusieurs ne sont pas
citables en cette Chambre. Mais, une fois la réaction de fureur
passée, un travailleur m'a dit que, dans le but d'aider sa compagnie
à traverser la crise, il serait prêt, par exemple, à un gel
de son salaire. Il m'a dit: Un gel de six mois. Je lui ai répondu: Si
ton employeur te dit: Non, je ne veux pas un gel de six mois. Le travailleur
m'a dit: Peut-être un an. Je lui a dit: Si ton employeur te dit: Non, pas
pour un an non plus. Le travailleur m'a dit: Pour un an et demi, j'accepterais
que mon salaire soit gelé. Là, je lui ai dit: Ce n'est pas
suffisant encore. Ton employeur refuse, il te dit qu'il te coupera 20% de ton
salaire. À ce moment-là, le travailleur m'a dit: II s'agit d'un
vol, d'une provocation.
Des voix: C'est cela.
M. Vallières: Et c'est ce que nous propose le gouvernement
que nous avons devant nous. Je veux que la population sache que les
travailleurs du Québec ont offert à ce gouvernement, comme base
de négociation, le gel de leur salaire sur une période de temps
à discuter, à négocier, chose à laquelle a
refusé de se plier le gouvernement actuel, mais il y a plus que cela,
plus que ces questions de principe, il y a aussi le fait que la situation dans
laquelle se retrouve ce gouvernement est celle qu'il a lui-même
créée par son incompétence.
Comment se surprendre que ce gouvernement soit allé vendre notre
droit de veto à rabais lors des négociations? Il a commis
là une maladresse historique et il se prépare à en faire
une autre. Le gouvernement que nous avons devant nous n'est pas un
négociateur, c'est un provocateur. Le gouvernement que nous avons devant
nous n'est pas un négociateur, c'est un voleur.
Une voix: Bravo! Bravo!
M. Vallières: Ce gouvernement, incompétent au plan
constitutionnel, incompétent au plan des relations du travail, est aussi
le gouvernement le plus incompétent qu'ait jamais eu le Québec au
plan économique. L'incompétence de ce gouvernement à
résoudre les problèmes économiques du Québec est
à la base du refus de négocier avec ses employés.
Où nous conduit ce gouvernement depuis 1976? Les dépenses
budgétaires sont deux fois plus élevées. Le déficit
budgétaire est trois fois plus élevé en 1982 qu'en 1976.
La dette nette du gouvernement a plus que triplé. Le service de la dette
a quadruplé et les dépenses courantes financées par
emprunt ont sextuplé. Six fois plus de dépenses courantes sont
financées par nos emprunts.
Si, depuis six ans, tous ceux qui nous écoutent avaient
financé leur épicerie par des emprunts, on sait qu'il y a
longtemps qu'ils seraient bénéficiaires de l'aide sociale; cela
ne fonctionne pas. Quand on parle de cela à nos électeurs, ils
nous disent: Avec tant d'argent, avec tant d'emprunts, qu'est-ce que le
gouvernement a fait? Qu'a-t-il fait avec ces sommes? Nous sommes dans
l'obligation de leur indiquer, si le gouvernement du Parti
québécois quittait son poste actuellement, quel serait
l'héritage qu'il laisserait. Nous devons leur dire que cet
héritage, au moment où on se parle, est de 400 000
chômeurs, 350 000 assistés sociaux, 11 000 faillites entre janvier
et octobre 1982. Dans la région de l'Estrie, M. le Président,
votre région et ma région, 14 000 assistés sociaux, 17% de
chômage. Contrairement à la députation péquiste de
l'Estrie, comment voulez-vous que je sois fier de ce tableau? Comment ne pas
dénoncer l'attitude de ce gouvernement et son incompétence?
Je pourrais également, si le temps me le permettait, vous citer
toute une série de folles dépenses dans lesquelles le
gouvernement s'est engagé. Je vais laisser à d'autres de mes
collègues le soin de le faire, mais je tiens à vous rappeler
qu'un investissement touche particulièrement notre région, celui
de l'achat d'Asbestos Corporation: acheter une mine d'amiante et
ne créer aucun emploi!
Une voix: Très intelligent!
M. Vallières: On pourrait vous parler des dépenses
pour Québecair, tout près de 50 000 000 $. On pourrait vous
parler de l'achat de la mine Joe Mann, que le gouvernement a fait dans le bout
de Chibougamau, et qu'il a été obligé de noyer par la
suite. Je laisserai mes collègues faire des précisions
là-dessus. Je vais cependant vous parler de l'attitude de nos
collègues du Parti québécois en cette Chambre. Ils nous
parlent de corvée nationale; certains nous en parlent, d'autres nous
disent qu'il faut songer aux plus démunis de notre
société, mais la plupart se taisent et se contentent de voter
servilement avec ce gouvernement. (12 h 10)
Je suis d'accord avec certains qui nous disent qu'il faut
protéger les plus démunis, mais je trouve surprenant d'entendre
aujourd'hui nos collègues péquistes tenir ce langage. C'est une
vraie surprise. C'est une révélation. Depuis bientôt deux
ans, en cette Chambre, M. le Président, je ne les ai jamais vus se lever
pour défendre les gagne-petit, les travailleurs, les assistés
sociaux, les chômeurs, les personnes âgées. À vrai
dire, ils ont raté toutes les chances, toutes les occasions de le faire
en cette Chambre. C'est ce qui me fait douter de leur parole, aujourd'hui, ces
paroles qui visent très probablement plutôt à respecter une
stratégie péquiste qui consiste à monter un groupe contre
un autre groupe, les bons Québécois contre les mauvais
Québécois, les bons travailleurs contre les mauvais travailleurs.
C'est le style de ce gouvernement.
Les occasions ont été nombreuses pour les
députés d'en face de se lever et de défendre les
intérêts des gagne-petit. Qu'on songe à la taxe sur
l'essence, cela vise tout le monde. Qu'on songe à l'augmentation des
tarifs d'électricité, à l'augmentation de la taxe de
vente, à l'augmentation des tarifs d'immatriculation, à
l'augmentation des prix dans les chambres d'hôpitaux, à
l'augmentation du péage sur les autoroutes. Ce n'étaient pas
là de bonnes occasions d'intervenir pour les gagne-petit et
d'éviter qu'on les égorge davantage? De plus en plus, ces gens du
Parti québécois se lèvent et nous disent vouloir
défendre les gagne-petit. C'est purement par stratégie, parce
qu'à chaque fois qu'il y a quelque chose de concret en cette Chambre qui
leur permet d'éviter qu'on vienne égorger leurs contribuables, M.
le Président, ils se contentent de voter servilement des lois qui nous
sont amenées par le ministre du Revenu qui devient l'homme de main du
ministre des Finances, comme nous le savons.
Ce gouvernement qui nous a affaiblis au plan constitutionnel, qui a
réussi à détruire une bonne partie de l'entreprise
privée au Québec, qui est en train d'affaiblir le secteur public,
qui égorge les contribuables et qui condamne les autres, soit au
chômage ou à l'assistance sociale. Quelle sera sa prochaine
victime? C'est la question qu'il faut se poser. Une autre question qu'il
faudrait se poser, c'est: Ce projet que nous avons devant nous, une fois
adopté, où va-t-il nous conduire? Avec quel genre de troubles
sociaux, par exemple, pourrions-nous être aux prises au cours du mois de
janvier, au cours du mois de février, M. le Président? Il ne
faudrait pas être surpris qu'en janvier ou février, cette Chambre
doive être convoquée d'urgence afin de régler les
problèmes sociaux importants qu'aura provoqués ce gouvernement
avec sa loi 105.
M. le Président, je veux ici vous lire une lettre que j'ai
reçue du Syndicat des enseignants de l'Estrie et qui, j'espère,
va faire en sorte que les députés péquistes en Estrie
prennent la parole sur le sujet, afin qu'on connaisse leur point de vue. Elle
dit ceci - c'est signé par M. Michel Hall, président: "Monsieur,
les propos du premier ministre ont eu des effets très provocateurs dans
les rangs du Syndicat des enseignants de l'Estrie. Nos membres sont très
fortement agressifs envers un gouvernement qui s'apprête à renier
sa signature et à imposer par décret les conditions de travail et
les salaires de ses employés. Nous avons déjà avisé
les députés péquistes de la région que nous
prendrons tous les moyens nécessaires pour que les prochaines
élections sonnent le glas de leur carrière politique, s'ils
s'avisent de voter favorablement un tel décret. " M. le
Président, j'entends les gens d'en face me dire qu'il s'agit de
chantage.
M. le Président, s'il s'agit de chantage, je défie les
députés péquistes en Estrie: Au cours de la semaine qui
vient, nous pourrions obtenir un débat public avec les
députés péquistes de l'Estrie afin qu'ils viennent
expliquer aux syndiqués du secteur public qu'ils font du chantage. Ce
n'est pas du chantage qu'ils font. Ils revendiquent leurs droits. Ces gens d'en
face, qui continuellement nous disent être les défenseurs des
travailleurs au Québec, qu'attendent-ils pour se lever pour une fois et
défendre véritablement les intérêts de ces
travailleurs? On entend...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît,
à l'ordre! M. le député de Richmond, votre droit de
parole. Vous devrez terminer dans deux minutes.
M. Vallières: Oui, M. le Président, et je veux
conclure. Je vous disais tantôt que je pensais que probablement plusieurs
des députés péquistes en face ne devaient pas être
fiers au fond de leur coeur. Quand je
les entends rire comme ils le font, parce qu'on défend les
travailleurs du Québec, je n'ai plus aucun doute et je ne me pose
même plus la question. Je les entendais, à tour de rôle,
nous dire qu'il y avait urgence d'agir, qu'il y avait urgence dans ce secteur.
Je peux vous dire qu'après avoir parlé avec beaucoup de mes
électeurs, - on parle d'élections possibles en 1985, vers la fin
de votre mandat - les gens nous disent: Cela va être trop long. Et ils me
disent que l'urgence première au Québec, c'est que votre
gouvernement aille devant le peuple rendre des comptes et qu'il demande
à la population ce qu'elle pense véritablement de
l'incompétence à laquelle vous nous avez conviés depuis
votre élection en 1976.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Limoilou.
M. Raymond Gravel M. Gravel: M. le Président... Une
voix:... gros canon.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Gravel:... je ne dérange pas souvent les intervenants
dans cette Chambre. Je pense que vous devriez me laisser parler. En toute
honnêteté, vous devriez. Fermez-vous. Nous sommes saisis ici
aujourd'hui d'un projet de loi qui a pour but de déterminer les
conditions de travail applicables à nos employés pendant les
trois prochaines années. Comme travailleur syndiqué, j'aimerais
intervenir quelques minutes pour apporter mon point de vue dans ce
débat. Pourquoi le gouvernement est-il obligé de
légiférer aujourd'hui pour fixer les conditions de travail de ses
employés? Vous allez comprendre que ce n'est pas de gaieté de
coeur qu'on accepte comme législateurs de considérer une telle
mesure, mais gouverner, c'est faire des choix qui ne sont pas toujours faciles
à faire. Il y a des membres de ma propre famille qui sont touchés
durement par cette crise. Ils sont touchés aussi par les coupures
budgétaires. Permettez-moi de n'en nommer que quelques-uns. Ma propre
épouse, quatre de mes enfants, des frères et des soeurs, des
belles-soeurs, des neveux et des nièces, huit sur onze personnes de mon
exécutif de comté, une foule de membres de mon parti et mes
ex-compagnons de travail. Pensez-vous que si on avait eu le choix, on n'aurait
pas fait autrement? Mais par contre, on a tenté d'exempter une grosse
partie de la majorité des employés d'hôpitaux. Je pense que
ce sont eux qui ont à peu près les plus petits salaires dans le
front commun. Je donne des exemples. Il y a 56 285 salariés qui ne
seront pas touchés du tout. Il y a 27 724 qui vont être
touchés de 0 à 5%, ce qui fait un total de 83 000. Il y a,
ensuite, à 5%, 3431, ce qui fait un total de 87 240 employés, des
petits employés, qui vont être touchés ou à peu
près pas.
Ce serait facile pour moi aujourd'hui de profiter de cette occasion pour
me faire du capital politique. Ce serait très facile. Je n'aurais
qu'à me lever ici en cette Chambre et dire: M. le Président, je
suis contre la loi 105 et vous pouvez être assuré que demain, je
ferais les manchettes des journaux. J'aurais des tapes dans le dos de la part
des syndicats... (12 h 20)
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Si vous voulez parler,
veuillez retourner à votre fauteuil.
Des voix: II ne sera pas longtemps.
M. Gravel:... qui me diraient: Gravel, tu as du courage. Mais
moi, je pense que ce ne serait pas du courage, ce serait un manque de
loyauté envers mes concitoyens qui m'ont donné un mandat pour
défendre les plus démunis de notre société. C'est
pour cela que je n'hésite pas à dire que ce ne serait pas du
courage, ce serait plutôt de la lâcheté si je faisais
cela.
Pour moi, le courage c'est de faire ce que je fais aujourd'hui,
défendre les plus démunis de cette société. Et qui
sont les plus démunis de cette société? Les 200 000
personnes qui ont perdu leur emploi depuis un an, parce que la conjoncture
économique a cassé depuis un an. Ce sont ces 200 000 personnes
qui viennent dans nos bureaux pour nous demander du travail. Ce sont 10 000
à 12 000 personnes qui, à tous les mois, viennent nous voir pour
avoir du travail et qui deviennent bénéficiaires de l'aide
sociale.
Un gouvernement, ce n'est pas une entreprise comme une autre, c'est
simplement avec les impôts et les taxes qu'on redistribue
équitablement à la population. En fin de compte, lorsque 200 000
personnes perdent leur emploi, au lieu de rapporter des revenus au
gouvernement, elles sont plutôt des charges pour le gouvernement. Par
contre, nous tentons de prendre nos responsabilités et nous allons
continuer à les prendre, quoiqu'en dise l'autre côté de la
Chambre.
Je vais vous rapporter des notes du discours que j'ai prononcé en
juin et vous verrez jusqu'à quel point elles sont d'actualité
aujourd'hui. Je disais ceci: Certains se sont demandé ce qu'il advient
du préjugé favorable que le gouvernement entretient envers les
syndicats. Moi, je pense que c'est envers les travailleurs que le
gouvernement doit entretenir un préjugé favorable et non
pas envers les centrales syndicales ou uniquement envers les travailleurs
syndiqués. Pendant que les ressources financières du gouvernement
sont affectées au traitement de ces employés syndicaux, combien
de chômeurs attendent qu'on leur donne la chance de travailler? Combien
de travailleurs du secteur privé vivent actuellement dans l'angoisse
d'une mise à pied temporaire ou définitive? Moi, comme
travailleur, je ne peux pas rester insensible à cela. J'ai appris, dans
le passé, à être solidaire des décisions
démocratiques de mon syndicat. Aujourd'hui, comme député,
je suis obligé d'être solidaire de l'ensemble des travailleurs de
ma circonscription, syndiqués et non syndiqués.
Dans mon comté comme ailleurs, il y a des
bénéficiaires d'aide sociale, il y a des chômeurs qui
donneraient n'importe quoi pour travailler. Ils ne luttent pas, eux, pour la
sécurité d'emploi, ils ne luttent pas, eux, pour
l'enrichissement, ils ne luttent pas non plus pour l'avancement
d'échelon. Ce qu'ils veulent d'abord et avant tout, c'est ce qu'il y a
de plus légitime sur cette terre, pouvoir gagner leur vie honorablement.
Bien sûr, les syndiqués des secteurs public et parapublic ne sont
pas responsables de la situation économique que nous vivons
actuellement. Il ne s'agit pas d'en faire les boucs émissaires de cette
crise et de leur faire supporter seuls le fardeau de cette crise. Mais on ne
peut pas faire payer la crise aux plus démunis de notre
société non plus.
Je demande donc aux syndiqués et aux syndicats de
considérer que la solidarité, en période difficile, doit
s'étendre à tous les travailleurs et non pas seulement à
ceux qui sont les mieux protégés.
M. le Président, hier, j'ai été estomaqué
d'entendre le député de Marguerite-Bourgeoys qui disait à
peu près ceci, qu'il était temps de changer de gouvernement pour
mettre de l'ordre dans les finances publiques. C'est à peu près
ce qu'il disait. Vous avez la mémoire très courte. Je vais vous
la rafraîchir. Le député de Marguerite-Bourgeoys, je vais
lui rappeler qu'en 1976, avec 102 députés sur 110, le Parti
libéral déclenchait des élections
précipitées. Pourquoi? Parce qu'il avait réussi, en pleine
expansion économique, à mettre le Québec en faillite. Je
pense que nous n'avons pas de leçon à recevoir de ces personnes,
surtout pas du député de Marguerite-Bourgeoys.
En voyant agir l'Opposition dans ce débat, je peux lui dire ceci:
Que jamais la population vous permettra de venir vous asseoir ici à
notre place tant que vous prendrez cette position. Tous et chacun d'entre nous
vivons naturellement dans cette société québécoise.
Nous avons aussi des devoirs à remplir. Lorsque notre
société a des problèmes, comme ceux que nous vivons
présentement, comme travailleurs, nécessairement comme toute
société dans le monde occidental, l'Opposition peut faire croire
à la population que c'est uniquement au Québec qu'on vit des
problèmes économiques comme ceux d'aujourd'hui. Je lui
rappellerai que le gouvernement canadien, avec ses 24 000 000 000 $ de
déficit, a aussi des problèmes économiques. Allez-vous
appeler cela une société canadienne en santé? Je ne pense
pas.
En terminant, j'aimerais souligner que les solutions les meilleures sont
souvent celles qui demandent le plus de courage. Gouverner, c'est gérer
des ressources limitées pour répondre à des demandes qui
sont illimitées. C'est donc l'art de faire des choix. Nous avons fait le
choix de la majorité. On a choisi de protéger l'ensemble des
Québécois. Ce n'est peut-être pas le choix le plus facile
aujourd'hui, mais demain, on admettra qu'on a eu le courage de faire ce qu'il
fallait faire pour assurer le mieux-être des Québécois.
Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: Un discours de deuxième lecture sur la loi
105 porte sur les principes de la loi. Or, il me semble qu'il serait plus
facile de regarder contre quels principes la loi 105 joue, principe de la libre
négociation, principe du respect ou du non respect des engagements
gouvernementaux, principe du non respect de la législation du Parlement
comme tel, puisque le gouvernement, par la façon même dont le
projet de loi est réglé, demande au Parlement de se prononcer les
yeux fermés sans être au courant de l'impact et des données
contenues dans le projet de loi. Principe aussi qui va à l'encontre du
Code du travail, bien sûr, et d'un certain nombre de lois qu'on modifie
dans le même sens, dans le même coup, dans la même
foulée sans qu'il y ait nécessairement urgence de modifier en
même temps d'autres lois que celles qui nous touchent actuellement.
Qu'est-ce qui a pu amener un gouvernement aussi prometteur et aussi rempli
d'espoir pour les Québécois à agir de cette façon?
Bien sûr, du côté de quelques stratèges
gouvernementaux, c'est aujourd'hui la conclusion d'une vaste opération
de marketing, mais pour d'autres et pour une très grande majorité
dont je ne veux aucunement mettre en doute la bonne foi, ni la
sincérité, c'est la conclusion d'une grande période
d'illusions et de naïveté. (12 h 30)
Avant de faire appel aux 74 députés
québécois qui sont à Ottawa, les
Québécois seraient peut-être en droit de faire appel aux 72
députés du Parti québécois qu'ils avaient
élus en 1976 pour répondre à des objectifs précis.
Qu'est-ce qui nous avait... J'aurai l'occasion de parler au
député de Mille-Îles tantôt, M. le
Président.
M. Champagne: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mille-Îles.
M. Bisaillon: Ce n'est pas le député de
Mille-Îles, je m'excuse.
M. Champagne: Je m'excuse, M. le Président. On m'a
cité ici dans cette Assemblée et j'étais muet. Je voudrais
qu'on fasse une rectification.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je m'excuse auprès du député
de Mille-Îles. Effectivement, j'ai fait une erreur que j'admets beaucoup
plus rapidement, d'ailleurs, que celles qu'on commet de l'autre
côté. Je me suis trompé, je m'adressais à un autre
député dont je ne me souviens absolument plus du comté,
probablement parce qu'on n'en parle jamais.
Qu'est-ce qui a amené cette opération de marketing
gouvernementale, cette attitude naïve, quant à moi, et illusoire de
la part des autres députés ministériels? D'abord, un choix
net, clair d'affrontement choisi par le gouvernement. Aujourd'hui, on fait
appel à la bonne volonté et à la solidarité, alors
qu'hier on a choisi des modes d'action qui nous amenaient clairement et
inéluctablement à l'affrontement. On a toujours placé les
syndiqués des secteurs public et parapublic devant des barrières
au moment où on donnait, pourtant, l'impression, à
l'extérieur, qu'on était tout ouvert et tout prêt à
les rencontrer et à discuter.
Dans un premier temps, on a tenu un discours d'affrontement en disant:
II y a beaucoup d'assistés sociaux, il y a beaucoup de chômeurs,
et, de l'autre côté, il y a des gens trop bien payés, avec
des conditions de travail supérieures à celles qui existent au
Canada. Ce parallèle qu'on faisait à l'époque a entretenu
dans la population l'impression que les deuxièmes étaient
responsables des malheurs des premiers. Qu'on se contente aujourd'hui de dire:
Bien sûr, ils ne sont pas responsables, quant à moi, je dis que
c'est un discours qui arrive trop tard.
Deuxième aspect de la théorie de l'approche d'affrontement
du gouvernement: dans un premier temps, on annonce, par une conférence
de presse faite par une autre personne qu'un ministre, une orientation
gouvernementale qui visera la récupération de salaires avant la
fin d'une convention collective. Par la suite, recul, en disant: On respectera
nos conventions collectives, mais on passera la loi 70. La loi 70 disait: Si
vous n'êtes pas prêts à accepter ce qu'on vous demandait
d'accepter en avril, la loi 70 s'appliquera. Autre étape:
déclaration ministérielle du premier ministre qui dit: On
s'engagera dans une période intensive de négociations, mais, si
cela ne fonctionne pas, on vous dit tout de suite que dans trois semaines on
décrétera.
Cela a été l'histoire de ces négociations. Le
revolver sur la tempe constamment, sans jamais faire appel à la
concertation et à la participation. Et, pourtant, est-ce qu'on pourrait,
au moins, être d'accord sur une chose? Sur le fait que pour la
première fois, peut-être, des syndicats et des syndiqués
amorçaient une négociation avec, en tête, l'acceptation du
fait que leur salaire pouvait être gelé dans les années
à venir ou dans les mois à venir. Je n'ai jamais, jamais, jamais
vu cela dans les secteurs public et parapublic, dans toute l'histoire des
négociations de ces secteurs-là et, pourtant, c'est ce qui se
passait cette fois-ci. Est-ce que ce n'était pas, justement, une
attitude d'esprit qui nous aurait permis d'arriver à de la vraie
solidarité, à de la vraie concertation? Ce n'est, pourtant, pas
le choix du gouvernement.
M. le Président, même si le discours gouvernemental
correspondait à une analyse réelle des finances publiques, je
prétends aujourd'hui que les chiffres ne nous ont pas tous
été donnés. Je prétends aujourd'hui que la
situation financière du gouvernement, nous ne la connaissons pas
véritablement, ce qui fait qu'on est bien malvenu de tenir pour acquis
que les sommes d'argent qu'on va récupérer dans la
négociation en cours vont automatiquement être appliquées
à l'amélioration des conditions de vie des assistés
sociaux et à de la création d'emplois. On serait bien imprudent
du côté ministériel, au moment du vote sur le projet de loi
no 105, de prendre de tels engagements. Or, parce que le discours était
vrai et qu'on l'a amplifié, il a eu des effets négatifs, des
impacts négatifs sur l'économie. Notre discours gouvernemental,
depuis un an et quelques mois, a justement été tout autant
créateur de chômage que les aspects de la crise économique
mondiale ou internationale.
De plus, M. le Président, beaucoup de questions restent en
suspens, beaucoup de questions nous laissent douter du sérieux avec
lequel les négociations ont été menées. Des
révélations importantes sur la conduite des négociations
ont reçu, récemment, un large écho dans les médias
d'information. L'essentiel de ces révélations - je dois
l'admettre - provenait d'une entrevue que j'avais accordée au Journal de
Québec.
Depuis que ces nouvelles ont été publiées dans les
journaux, le négociateur patronal, M. Lucien Bouchard, dans une
déclaration remise aux médias d'information, a nié ce que
j'avais avancé.
Les trois coordonnateurs syndicaux ont envoyé, quant à
eux, un telbec pour démentir. Je vais vous lire ce telbec. Dans un
premier temps, ils disent: "Nous affirmons ne jamais avoir entendu les
citations imputées à l'une ou l'autre des parties dans l'article
de M. Normand Girard paru dans le Journal de Montréal du 8
décembre. " Les citations dans cet article, à ma connaissance, M.
le Président, il y en avait deux, trois au maximum, dont l'une
était de moi. Forcément, ils ne pouvaient pas les avoir entendues
à la table des négociations. Mais ce sont les citations qui
étaient visées par la déclaration des coordonnateurs. Dans
un deuxième paragraphe, ils disaient: "D'autre part, le processus de
négociations implique nécessairement que beaucoup de choses se
disent entre les parties et c'est un aspect essentiel sans lequel ce processus
ne peut fonctionner. Nous n'avons aucunement l'intention de
révéler quoi que ce soit de ces échanges. " C'est la
deuxième intervention publique qui visait à contredire des choses
que j'avais pu affirmer.
Troisième élément. Le chef de cabinet du premier
ministre, avec son sens protocolaire habituel, avec sa délicatesse de
langage proverbiale, a tout simplement déclaré que c'était
"fou comme de la marde". Je citais, M. le Président. Je citais des
propos, d'ailleurs, qu'on a pu lire dans les journaux.
Aujourd'hui, M. le Président, de mon siège, avec tout ce
que cela comporte, je maintiens et je déclare les
événements suivants. Un coordonnateur syndical m'a
indiqué...
Une voix: Lequel?
M. Bisaillon: M. le Président, je vous prie de me croire
que, s'il ne s'était agi que de conversations entre des
négociateurs, dans des corridors, dans
l'après-négociation, je n'en aurais pas fait mention. Ce qui
était grave pour moi, c'est que des événements soient
véhiculés à la table même de négociations. Je
maintiens qu'on m'a affirmé... M. le Président, je fais ces
déclarations de mon siège et les ministériels ont une
procédure à suivre s'ils veulent aller au fond des choses. Cette
procédure est inscrite dans nos règlements. Je fais cette
déclaration de mon siège. Quand ils voudront aller jusqu'au bout,
on ira jusqu'au bout. (12 h 40)
Premièrement, à cette table centrale, le
négociateur patronal a fait des déclarations sur les ministres
responsables de la négociation, les a ridiculisés et a amoindri
leur rôle quant à la négociation. Il s'agissait du ministre
des Finances, plus légèrement, mais surtout du président
du Conseil du trésor et de la ministre de la Fonction publique. À
la table centrale, toujours, le négociateur patronal a admis qu'il
n'avait aucun mandat après la déclaration ministérielle du
premier ministre en cette Chambre. À la table centrale, toujours, le
coordonnateur a présenté le responsable politique de la
négociation pour le gouvernement comme étant le chef de cabinet
du premier ministre, alors qu'on sait fort bien qu'il existait un comité
ministériel, avec un ministre identifié dans cette Chambre, avec
la responsabilité ministérielle de coordonner les
négociations.
À la table centrale, toujours, le négociateur patronal a
déclaré qu'un règlement, au niveau des affaires sociales,
cela passait 1° par l'abandon de la clause de plancher d'emploi et, 2°,
par une victoire pour le ministre des Affaires sociales sur deux points: le
"bumping" et les fusions de postes. Il a exprimé sa vision des choses en
expliquant aux porte-parole syndicaux que M. Johnson serait le prochain premier
ministre et que les porte-parole syndicaux devaient avoir cela en tête
s'ils voulaient avoir de bonnes négociations à l'avenir.
Des voix: Oh!
M. Bisaillon: Ce dernier aspect m'a été
confirmé implicitement lors d'une rencontre que j'ai eue avec le
négociateur patronal lui-même. À une table sectorielle, le
négociateur patronal, a exprimé à deux
négociateurs, l'idée que, si les porte-parole de cette table
voulaient faire avancer les choses le plus rapidement possible, il fallait
d'abord qu'ils règlent le côté salarial, parce que cela
leur permettrait ensuite, au niveau de l'éducation, de faire que M. le
ministre de l'Éducation ne soit plus le seul à décider sur
le normatif et que le reste puisse être pris en main, pris en charge par
le premier ministre ou ses représentants.
À des représentants locaux, le porte-parole patronal a
démontré qu'il avait des réserves qu'il venait de trouver
dans des surplus de budgets de commissions scolaires et que ces sommes seraient
versées en addition, en ajout au niveau des tables de la FAS s'il y
avait un règlement normatif. Sur cet aspect, le négociateur
patronal m'a confirmé le fait que cette réserve existait, mais il
a, cependant, nié le fait que cela devait être appliqué
à la Fédération des affaires sociales.
Voilà donc six éléments qui ont servi de trame de
fond à cette négociation si sérieuse qui nous avait
été annoncée par le premier ministre. Il me semble qu'il y
a suffisamment de faits troublants dans cela pour que les parlementaires
puissent vouloir
aller au bout de cette question. En conséquence, je me
déclare disponible à participer à une commission
parlementaire qui pourrait être demandée par le gouvernement aux
fins d'interroger les négociateurs syndicaux et patronaux quant au
déroulement des négociations. Je dis tout de suite que j'ai
reçu, ce matin, un télégramme de la CEQ qui, par la main
de son directeur général, indique: "Si l'Assemblée
nationale agrée à votre demande de tenir une commission
parlementaire spéciale sur le déroulement de la
négociation, nous confirmons la disponibilité de notre
coordonnateur à la table centrale, Gilles Lavoie, pour répondre
aux questions des représentants de l'Assemblée nationale à
cette commission parlementaire. "
M. le Président, je pense que cela ajoute aussi un peu à
la démarche qui est entreprise aujourd'hui et nous ne pouvons pas ne pas
tenir compte de ces éléments, lorsqu'on porte un jugement sur
l'urgence de ce projet loi no 105. Il me semble qu'il y a suffisamment de faits
troublants, quant à moi, quand on parle du déroulement d'une
négociation, pour qu'on puisse s'en inquiéter
sérieusement.
Je terminerai en vous indiquant que, hier, à la suite de mon
intervention sur l'urgence de ce projet de loi qui est devant nous, j'ai
reçu une note d'un député ministériel qui me
demandait comment - et je lis sans identifier le député, je ne
pense pas que ce soit nécessaire - on se sent quand on se fait applaudir
ainsi par cette Opposition qui ne demande pas mieux que d'utiliser tout ce qui
bouge pour mettre en miettes le seul instrument qui peut encore faire la "job"
pour laquelle on a été élus en 1976. Je voudrais dire
à ce député, de même qu'à tous les autres
députés ministériels que la "job" pour laquelle j'ai
été élu en 1976, j'y crois encore. J'étais un
indépendantiste, je le suis encore. Pour moi, l'indépendance,
cela n'était pas une fin en soi. Pour moi, l'indépendance
était aussi un moyen auquel je croyais pour améliorer le sort de
chacun de nos concitoyens, de chacune de nos concitoyennes. Pour moi,
l'indépendance, cela ne devait pas être à n'importe quel
prix. Cela ne devait surtout pas se faire en foulant aux pieds ceux pour qui on
voulait la faire. Je suis toujours un indépendantiste, mais je me
demande si les circonstances nous amènent à penser que la "job"
pour laquelle on avait été élus en 1976 est toujours
possible, surtout si je me réfère à une partie du discours
du président du Conseil du trésor, qui a pourtant
été chaudement applaudi par les ministériels hier, qui
disait: "Notre erreur a été de croire que nous pouvions vivre en
français dans un univers anglophone sans devoir en payer les
conséquences. Nous avons affirmé notre droit à la
différence sans avoir les moyens d'assumer cette différence.
"
Cela va, selon moi, à l'encontre de toute cette démarche
que le Parti québécois avait entreprise en 1969, qui visait,
justement, à faire comprendre aux Québécois que ce
n'était pas vrai qu'on était nés pour un petit pain, qu'on
était capable de faire de grandes choses. Cet aspect du discours du
président du Conseil du trésor, selon moi, est une confirmation
que cela ne va plus dans ce sens, de l'autre côté.
En terminant, je voudrais aussi m'adresser de façon plus
particulière aux citoyens du comté de Sainte-Marie qui peuvent
nous écouter en ce moment, eux qui vivent des problèmes
difficiles de recherche d'emploi, eux qui vivent des conditions encore plus
difficiles en regard des sommes qu'ils peuvent recevoir de prestations d'aide
sociale, parce que j'ai toujours prétendu que c'était plus
difficile d'être un prestataire de l'aide sociale sur la rue Dufresne et
sur la rue Poupart à Montréal que cela pouvait l'être dans
des comtés éloignés du Québec, où on pouvait
au moins assurer des éléments à côté,
au-dessus des prestations d'aide sociale qu'on peut recevoir. À tous ces
gens du comté de Sainte-Marie, je veux dire que je les
représenterais fort mal si je leur laissais l'illusion que toute la
démarche qu'on vit aujourd'hui va nous amener, nécessairement,
à de meilleures conditions de vie pour eux et nécessairement
à des programmes d'emploi. Jamais le gouvernement ne nous a donné
cette assurance.
Si j'avais cette certitude, si j'avais la certitude chiffrée que
c'était susceptible, demain matin, sitôt qu'on aura voté la
loi, d'améliorer les conditions de vie des bénéficiaires
de l'aide sociale et les conditions de vie des chômeurs qui se cherchent
un emploi, en particulier les jeunes, je ferais d'autres genres de
démarches que celle que je fais actuellement. Mais, quant à moi,
ce serait mal représenter ceux qui m'ont élu que de leur laisser
entrevoir cette possibilité, malgré tous les discours qu'ils
peuvent entendre actuellement et toute l'utilisation qu'on fait d'eux dans le
débat actuel à l'Assemblée nationale.
M. le Président, j'ai dit hier des choses qui ne sont jamais
agréables à dire, même pour quelqu'un qui est devenu
indépendant. J'ai dit ces choses, cependant, parce que j'en étais
convaincu, parce que c'était ma conviction. Je les ai dites à
tort ou à raison. J'espère encore avoir tort. Je vous indique que
j'aimerais mieux avoir tort, mais il me semble que l'analyse qu'on peut faire
de tout ce qu'il y a devant nous va à rencontre de cela. (12 h 50)
Je terminerai, M. le Président, pour la troisième fois, en
vous disant que toute
cette opération que nous sommes amenés à exercer
devant le Parlement est, pour moi, un mépris total du parlementarisme.
C'est pour moi un mépris total de nos fonctions de député.
Le gouvernement nous demande de voter, les yeux fermés, 80 000 pages de
texte qui vont faire partie de la loi. Déjà, aujourd'hui, on sait
que des groupes y ont décelé des erreurs. Rien dans le projet de
loi ne prévoit des correctifs au moment où l'ensemble de ces
erreurs sera connu. M. le Président, c'est un mépris total du
Parlement. Il me semble que nous devrions tous prendre les moyens pour faire
respecter la plus grande institution du Québec, le Parlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, le député de
Sainte-Marie me permettrait-il une question?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député
de Sainte-Marie accepte-t-il une question en vertu de l'article 100? Vous
acceptez?
M. Bisaillon: Certainement, M. le Président.
M. Dussault: M. le Président, je voudrais savoir si
l'affirmation que le député de Sainte-Marie a faite, sur laquelle
il met son siège en jeu, laisse la possibilité de croire que le
coordonnateur syndical dont il est question a inventé des histoires ou a
fait une interprétation de faits.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, j'ai dit de mon
siège et je maintiens que les six éléments dont j'ai
parlé m'ont été exprimés par un coordonnateur
syndical. Dans un deuxième temps, j'ai dit que, lors d'une rencontre que
j'avais eue avec le coordonnateur patronal, je m'étais fait confirmer
implicitement un des aspects et explicitement un deuxième aspect.
Troisièmement, je dis que la CEQ, par exemple, m'a
déjà fait parvenir son accord pour participer à une
commission parlementaire. Quant à moi, en fonction de ce que j'avais su,
parce que cela se passait à une table de négociation et parce que
des aspects m'avaient été confirmés par le
négociateur patronal, je trouvais cette source suffisamment
crédible pour dire que cela justifiait une commission parlementaire.
J'ai aussi signalé que je n'avais pas tenu compte de propos qui
n'avaient pas été tenus à la table centrale, comme je n'ai
pas tenu compte, d'ailleurs, de bien des choses que m'a confiées le
négociateur patronal lors de la rencontre, mais qui n'avaient rien
à voir avec le déroulement des négociations. Je n'en ai
pas parlé parce que je trouvais que cela n'avait rien à voir avec
le déroulement des négociations. Encadrons, M. le
Président, ce dont il s'agit; il s'agit du déroulement de la
négociation et uniquement de ce déroulement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip du
gouvernement.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, j'entreprends cet automne ma
septième année comme député du Parti
québécois, membre de cette Assemblée nationale. Avant,
comme vous le savez sans doute, je faisais partie du monde de l'enseignement.
En effet, avant d'être élu député en 1976, j'ai
enseigné pendant quinze ans. Il est évident que j'aimais beaucoup
ce métier d'enseignant; j'ai conservé, d'ailleurs, d'excellentes
relations d'amitié avec plusieurs de mes anciens compagnons de travail.
Je voudrais leur dire, dès le départ, de même qu'à
tous ceux, d'ailleurs, qui font partie des secteurs public et parapublic, que
le sentiment qui m'anime à leur endroit à l'occasion de ce
débat, n'est pas un sentiment d'hostilité, de vengance ou
d'animosité.
L'autre jour, un groupe de députés, de façon
informelle - à son invitation, d'ailleurs - a rencontré le
président de la Centrale de l'enseignement du Québec, M.
Charbonneau. Il nous disait, entre autres, dans son discours: "Mais quel
péché mortel avons-nous commis pour que vous nous traitiez comme
cela, de cette façon?" Je réponds: Aucun. Les employés,
les travailleurs, les travailleuses des secteurs public et parapublic, y
compris mes anciens camarades de travail de l'enseignement, n'ont commis aucun
péché mortel, aucune faute. Je le répète et on l'a
répété maintes et maintes fois: Ils ne sont pas du tout
responsables de la crise qui sévit présentement.
Il a été de bon ton, au cours des derniers mois, et
même de bonne guerre, dans les assemblées syndicales, de la part
des leaders syndicaux, de prétendre ou de dire que le gouvernement
accusait les employés des secteurs public et parapublic d'être les
responsables, les boucs émissaires de la crise. C'était de bon
ton et de bonne guerre, mais il faut, je pense, aujourd'hui, rétablir
les faits de façon très claire. Jamais le gouvernement, jamais
aucun membre du parti ministériel, du Parti québécois n'a
accusé les employés des secteurs public et parapublic
d'être les responsables de cette crise. C'est une déformation
caricaturale de la position gouvernementale, c'est complètement
faux.
Cela étant dit, tout en affirmant qu'aucun sentiment
d'hostilité ne m'anime à l'égard des travailleurs du
secteur public, je me dois de leur dire que ma vision des choses est
différente de la leur. C'est normal. Quand j'étais enseignant -
je l'ai été pendant quinze ans - il était tout à
fait normal, légitime d'être préoccupé par mes
intérêts d'enseignant, y compris mes intérêts
matériels, pécuniaires comme enseignant. C'était tout
à fait normal et légitime. Comme député, depuis
1976, je dois, de par mes fonctions d'élu, de représentant de la
population, me soucier, me préoccuper et défendre d'abord et
avant tout les intérêts de l'ensemble de la population, en
particulier des citoyens et des citoyennes de mon comté. Cela aussi est
plus que normal. C'est tout à fait légitime.
Par conséquent, ma vision des choses a forcément
changé. Elle a été modifiée de par la fonction
même que j'ai été appelé à occuper depuis
1976. Il faudrait que mes anciens camarades de travail de l'éducation le
comprennent, puisque c'est tout à fait normal. Je n'hésite pas
à dire que la vision des choses que j'ai présentement est celle
du gouvernement du Québec et je le dis sans aucun remords, sans la
moindre honte, sans enthousiasme, oui, c'est vrai, parce qu'il faut bien
convenir que ce n'est guère réjouissant d'exercer le pouvoir en
période de crise. Sans enthousiasme, mais sans remords, sans honte et
sans crise de conscience de ma part, je tiens à le souligner.
Nous vivons dans une société - on l'a
répété maintes et maintes fois au cours de ce débat
- dont la richesse collective a diminué, en l'espace d'un an, de 6%. On
était habitué, pendant des décennies, à
connaître la croissance de l'économie, la croissance de la
production, la croissance de la richesse collective. On était
habitué à cela pendant des décennies et, aujourd'hui,
c'est l'inverse qui se produit. En un an, la richesse collective du
Québec a diminué de 6%. C'est une réalité brutale
qu'on ne peut ignorer. (13 heures)
Nous ne sommes pas la seule société qui connaît des
taux de décroissance semblables, mais cela m'apparaît tout
à fait anormal et déplorable de voir qu'un député
comme celui de Sainte-Marie semble ignorer complètement cette
réalité brutale, que nous connaissons présentement une
diminution de la richesse collective. Il faut vivre avec cette
réalité. Il faut s'y ajuster, à cette
réalité. Elle est là, elle crève les yeux. Vous
savez que cela se traduit par des statistiques, des pertes d'emplois. En un an,
du mois d'août 1981 au mois d'août 1982, le Québec a perdu
219 000 emplois. En juillet dernier, le chômage atteignait 15% au
Québec. En juillet dernier toujours, il y avait 575 000
Québécois qui vivaient de l'aide sociale. C'est une
réalité incontestable. Heureusement que, dans les
dernières minutes de son intervention, le député de
Sainte-Marie y a pensé, aux assistés sociaux et aux petits
salariés du secteur privé de son comté. Quelques minutes
de plus et il ne pouvait pas en parler. C'est, pourtant, une
réalité dont il faut tenir compte.
Or, les offres du gouvernement aux employés des secteurs public
et parapublic, nous avons été obligés de les ajuster
à cette réalité. Elles ont du reposer sur cette
réalité. C'est pourquoi ces offres ne sont pas aussi
généreuses qu'elles l'ont été dans le passé.
C'est normal. Lorsque la société québécoise
connaissait un taux de croissance de 5% ou 6% de sa richesse, on pouvait
présenter aux employés des secteurs public et parapublic des
offres en concordance, en fonction de cet accroissement de la richesse. Quand
c'est une décroissance de 6% qu'on connaît en un an, il faut bien,
si on est un gouvernement responsable, qu'on ajuste nos offres à cette
réalité-là également.
Alors, nous devons constater que ces offres, même si elles sont
raisonnables dans les circonstances, s'écartent des demandes salariales
d'une façon absolument astronomique. À partir de décembre,
du dernier dépôt des offres du gouvernement, l'écart entre
ces dernières et les demandes du front commun se situe à 3 000
000 000 $. L'écart entre les offres et les demandes s'établit
ainsi: 1 000 000 000 $ pour 1983. Pour la première année de la
convention collective, écart entre les offres et les demandes, 1 000 000
000 $. Il faut bien se poser la question: Si on décidait de leur
accorder ce milliard, est-ce qu'on supprime des services publics essentiels
pour un montant équivalent? Est-ce qu'on impose des taxes pour un
montant équivalent? Est-ce qu'on accroît le déficit pour un
montant équivalent? Les questions sont pertinentes. Si on leur accorde
le milliard, il faut le trouver quelque part, ce milliard, pour 1983, soit en
coupures de services, soit en impôts, soit en accroissement du
déficit.
Le gouvernement a décidé que ce n'était ni l'une ni
l'autre de ces possibilités, qu'on ne couperait pas des services, qu'on
n'imposerait pas de nouvelles taxes et impôts et qu'on
n'accroîtrait pas le déficit pour la rémunération
des secteurs public et parapublic. C'est la position du gouvernement. Au moins,
on a le mérite d'en avoir une, position, M. le Président. Quelle
est celle des gens d'en face à ce sujet-là? Quelles sont les
réponses à ces questions? Est-ce qu'ils sont d'accord pour
accorder le milliard qui manque en 1983 pour satisfaire les demandes
syndicales?
Pour 1984, l'écart est de 627 000 000 $. Les mêmes
questions se posent. Si on leur accorde ces
627 000 000 $, il faut soit couper des services publics, soit imposer
des impôts, des taxes, soit accroître le déficit.
Pour 1985, l'écart entre les demandes et les offres est de 1 400
000 000 $. Les mêmes questions se posent pour 1985. Si on décide
de leur accorder 1 400 000 000 $ pour réduire l'écart, il faut
aller les chercher soit en coupures de services, soit en impôts, soit en
accroissement du déficit. C'est une question pertinente. On s'est
posé ces questions-là. On y a répondu: Pas de coupure de
services, pas d'impôts, pas d'accroissement du déficit pour la
rémunération du secteur public.
Donc, on se retrouve avec un écart de 3 000 000 000 $, au moment
où l'on se parle, entre les demandes et les offres. Il nous faut bien
constater que les négociations ont abouti à l'impasse et à
l'échec. Le président du Conseil du trésor l'a clairement
affirmé hier. C'est l'échec des négociations. Il faut
peut-être le regretter, le déplorer, mais c'est l'échec des
négociations. Les négociations intensives qui ont eu lieu au
cours du mois de décembre n'ont pas permis d'aboutir à une
entente négociée. L'écart est de 3 000 000 000 $.
Du côté du gouvernement, on a mis tout ce qu'il
était possible de mettre sur la table. Tout a été mis sur
la table. D'abord, bien sûr, une centaine de millions pour
protéger, en vertu de la loi no 70, les plus bas salariés des
secteurs public et parapublic. C'est tout ce que l'on peut faire comme
gouvernement. On ne peut pas mettre plus sur la table parce qu'on n'a pas la
capacité de mettre plus.
Du côté syndical, du front commun, il faut
reconnaître qu'honnêtement ils ont fait un certain nombre de
concessions substantielles. Admettons-le. C'est vrai. Les gens ont fait un
certain nombre de concessions substantielles. Lui aussi, le front commun, est
allé jusqu'au bout de ses concessions. C'est ce qu'il affirme. Il a tout
mis sur la table. Il ne peut pas en mettre plus. Il ne peut pas concéder
davantage de son côté. Le gouvernement ne peut pas en mettre plus
sur la table, n'est pas capable d'en mettre plus sur la table. C'est simple.
C'est clair. Il n'est pas capable d'en mettre plus sur la table. Le front
commun affirme qu'il est incapable, quant à lui, de faire davantage de
concessions. Bon. Partant de là, partant de ces positions, la
réalité, c'est un écart de 3 000 000 000 $. Il faut bien
admettre que ce n'est pas possible de poursuivre les négociations.
Le député de Sainte-Marie et certains membres de
l'Opposition disent: II faut poursuivre les pourparlers, les discussions, les
négociations pour tenter d'en arriver à une entente
négociée. M. le Président, ce serait de l'hypocrisie, de
la duplicité actuellement, de prétendre qu'on puisse reprendre
les négociations avec le plus petit espoir d'aboutir à une
entente négociée. Ce serait de l'hypocrisie. Ce serait faire du
théâtre, de la mise en scène, faire semblant. Ce serait
surtout - cela m'apparaît très grave dans les circonstances -
susciter des illusions aussi bien chez les syndiqués que dans l'ensemble
de la population qui pourrait s'imaginer qu'il y a peut-être espoir,
qu'il y a peut-être une possibilité qu'en continuant de se parler,
en continuant de négocier, on puisse en arriver à une entente. Il
faut mettre fin, mettre un terme à toutes ces illusions. Tout à
l'heure le député de Sainte-Marie disait qu'on assiste à
la fin des illusions, actuellement, avec le projet de loi no 105. Quand il
affirme ou quand il prétend que les négociations doivent se
poursuivre, il suscite les illusions. Il encourage les gens à se faire
des illusions relativement à une possibilité d'entente
négociée.
Les libéraux n'ont pas l'habitude de faire des propositions. La
plupart du temps, ils se cantonnent dans un négativisme absolu.
Pourtant, le député de Jean-Talon a fait quelques suggestions
enfin intéressantes. Il a dit... (13 h 10)
M. Bérubé: Attendez qu'on les analyse.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Brassard:... On devrait offrir des augmentations salariales de
6% et 5% aux employés, soit la norme du gouvernement
fédéral. Je cite le Soleil du 10 décembre...
M. Rivest: M. le Président, sur une question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. Je veux protéger le droit de parole et il reste
quatre minutes au député de Lac-Saint-Jean. Mais c'est pour
interpréter votre discours et c'est exactement admissible en vertu de
l'article 96. M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: Question de privilège sur la base que
l'affirmation que vient de faire le député induit la Chambre en
erreur. Je crois que c'est une question de privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît: M. le député, vous
aurez l'occasion de le rectifier à la fin, s'il vous plaît. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je lis le Soleil du 10 décembre: Le critique
officiel de l'Opposition, le député de Jean-Talon, a
demandé hier au gouvernement d'aller offrir des augmentations salariales
de 6% et 5% à ses employés directs et indirects...
M. Rivest: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Lac-Saint-Jean, il y a une question de privilège de la part du
député de Jean-Talon.
M. Rivest: C'est sur la même base que la question de
privilège du député de Saint-Maurice ce matin. À la
suite des dernières paroles du député, je prends
connaissance d'un article du Soleil qui me ferait dire que le gouvernement
devait donner 5% ou 6% d'augmentation aux employés du secteur public. Ce
que j'ai dit, à la suite d'une interruption de mon discours où le
président du Conseil du trésor, invoquait les 5% et 6%, c'est
simplement que, s'il allait offrir une augmentation de 5% ou 6%,
peut-être que les travailleurs du secteur public pourraient l'accepter et
éviter la crise sociale. Mais j'avais la conviction que le gouvernement
du Québec, à cause de sa mauvaise administration, ne pouvait pas
offrir une telle somme.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon, le début était correct, mais pas la fin. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: On le cite ici: "Allez offrir cela - parlant du 6%
et du 5% - et mesurez ce que vous allez épargner comme crise et comme
tension sociale au Québec. " Voilà ce que dit le
député de Jean-Talon. Au moins, il y a une proposition qui
émane de l'autre côté: essayez d'offrir les 6% et 5%,
ajouté à une autre proposition du député de
Jean-Talon qui est la suspension pure et simple de la loi no 70. Or, faisons un
cacul rapide: d'abord, si vous suspendez la loi no 70, donc, plus de
récupération, les augmentations salariales de l'automne sont
maintenues; si vous offrez 6% en 1983, 5% en 1984, la différence serait
de 1 600 000 000 $ pour 1983 seulement. Comment l'Opposition irait-elle
chercher ces 1 600 000 000 $? Il faudrait qu'il nous le dise aussi pour
compléter sa position, pour qu'elle soit plus globale, n'est-ce pas? 1
600 000 000 $ de différence: il faudrait savoir où et comment on
va aller les chercher.
Plusieurs députés de l'Opposition ont émis
l'hypothèse qu'il fallait, dans les circonstances, déclencher des
élections. S'il fallait déclencher des élections
actuellement, ils devraient se présenter devant la population avec une
position claire et nette sur ce sujet: peut-être celle dont je parle et
dont parlait le député de Jean-Talon, laquelle aboutit à
un écart de 1 600 000 000 $ en 1983, peut-être celle-là.
Mais il faudrait, en même temps, qu'ils disent à la population
comment ils iront chercher ces 1 600 000 000 $. En impôts? En coupures de
services? S'il fallait couper des services pour 1 600 000 00 $ - un autre
élément de la position, c'est le maintien du normatif dans les
conventions actuelles - en 1983, savez-vous qu'on aurait des milliers et des
milliers d'employés des secteurs public et parapublic qui seraient
payés sans travailler, parce qu'avec 1 600 000 000 $ de coupures on
devra fermer des écoles, des hôpitaux et des centres d'accueil?
C'est cela, la position du Parti libéral. Quand il en a une, elle est
tellement farfelue qu'elle n'est pas présentable à la
population.
Une voix: Bravo!
M. Brassard: Ce serait très amusant d'aller devant le
peuple en élection avec des positions aussi incohérentes et aussi
irresponsables de la part de l'Opposition libérale. Je me demande si,
à l'occasion d'un scrutin comme celui-là, le député
de Sainte-Marie se présenterait sous l'étiquette du Parti
libéral.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon, en vertu de l'article 96.
M. Rivest: M. le Président, j'ai trouvé bien
intéressant l'exercice...
Des voix: Bravo!
M. Rivest:... de finance-fiction auquel s'est livré le
député de Lac-Saint-Jean, compte tenu que j'avais très
bien expliqué que la base de ces calculs était simple.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le député de Jean-Talon, je dois vous
rappeler que vous m'avez bien demandé la parole en vertu de l'article
96. Je dois le préciser. Sinon, je vais vous arrêter. M. le leader
adjoint du gouvernement, sur une question de règlement?
M. Guay: Exactement là-dessus. M. le Président,
l'article 96 c'est pour corriger ce qu'on a dit de ce qu'il a dit; ce n'est
pour faire une nouvelle argumentation.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: Me rendant à l'invitation que vous me faites,
ainsi qu'à celle, très aimable, du leader adjoint, j'affirme que
c'est en réponse à une question du président du Conseil du
trésor qui référait au fait que le gouvernement canadien a
les moyens, semble-t-il, d'offrir 5% ou 6%. C'était la seule
référence que j'ai faite.
L'interprétation qu'a donnée à mes propos le
député de Lac-Saint-Jean et le calcul-fiction auquel il s'est
adonné montrent - je pense que je peux conclure là-dessus -
simplement que c'est parfois très triste pour le député de
Lac-Saint-Jean de renier les engagements passés en faisant des
facéties mathématiques de ce genre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre. À
l'ordre. À l'ordre. M. le député, vous savez très
bien que l'article 96 n'engendre pas de débats. D'un autre
côté, je dois vous dire qu'on utilise toujours l'article 96 en le
commençant mal ou en le finissant mal, ce qui implique, de part et
d'autre, des fois, des débats pour rien. Le député de
Lac-Saint-Jean m'a demandé une question de règlement ou laisse-il
tomber?
M. Brassard: Non, M. le Président. En vertu de l'article
100, il me posait quasiment une question. Ce n'était pas tout à
fait une question de règlement.
M. Rivest: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Non. Je ne laisse pas
faire. D'une façon ou d'une autre, je donne la parole au
député de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, hier, nous recevions en
cette Chambre deux projets de loi, dont le projet de loi no 105
accompagné de décrets contenant 80 000 pages. Je me rappelle
très bien qu'au printemps dernier, dans un projet de loi omnibus, une
coquille s'était glissée. On avait légiféré
pour permettre à tous les citoyens du Québec d'apporter leur vin
dans les restaurants licenciés et on avait été
obligé de corriger, par la suite, cette erreur. Déjà, on
nous informe qu'il y a des erreurs à l'intérieur de ces 80 000
pages. Comment pensez-vous que des députés qui sont conscients de
faire leur travail puissent prendre connaissance de cette demi-tonne de
documents? En même temps, nous avons reçu le projet de loi no 90.
(13 h 20)
Dans le projet de loi no 105, non-respect des engagements de ce
gouvernement, non-respect de la signature des conventions collectives, pertes
de salaires. Dans le projet de loi no 90, conditions de travail des
députés. Mes chers concitoyens, vous avez lu ce matin dans les
journaux que, par le projet de loi 90, le gouvernement propose une augmentation
de 6% - on parlait de 6% tantôt - pour les députés à
compter du 1er avril 1983. Quelle logique y a-t-il derrière ce
gouvernement?
Un projet de loi qui diminue le salaire des employés, un autre
projet de loi qui augmente le salaire des députés la même
journée!
Des voix: C'est honteux!
M. Bissonnet: Citoyens du Québec, qu'est-ce que vous
pensez d'une logique comme cela la journée même où on vous
présente un projet de loi matraque sur les 300 000 employés
"civils" du Québec et un autre projet qui augmente le salaire des
députés à compter du 1er avril? Quelle logique a ce
gouvernement?
Une voix: II n'en a pas.
M. Bissonnet: Depuis 1976, on a eu beaucoup de pertes d'emplois
au Québec, beaucoup d'industries qui ont fermé, beaucoup
d'investissements qui ne viennent pas. C'est dû à qui, c'est
dû à quoi? Nous vivons actuellement, c'est un fait, une crise
économique. Nous avons un chômage record, sans
précédent, au Québec. Nous savons tous que la
récession économique sévit actuellement au Québec,
au Canada et dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Ce que l'on sait
moins, c'est que le Québec vit une deuxième crise
économique due au gouvernement au pouvoir.
On parle, du côté de l'Opposition, d'élections.
Est-ce que, mes chers concitoyens, vous êtes satisfaits de ce
gouvernement? Est-ce que les députés péquistes font du
bureau de comté? Moi, je fais du bureau de comté toutes les
semaines, j'en ferai même ce dimanche-ci, parce qu'on est pris à
l'Assemblée nationale du lundi au vendredi durant le mois de
décembre. Est-ce que les citoyens sont satisfaits? Citoyens du
Québec, dites-le donc à vos députés, ceux qui sont
dans les comtés péquistes, que vous n'êtes pas satisfaits
du travail qu'ils font depuis six ans.
On parle des employés du secteur public. Quels seront les
suivants qui seront touchés par des lois matraques? Les autres
syndiqués. On parle des prestations des gens qui sont les moins
favorisés, les plus démunis. Je suis inquiet. Nous assistons
à une confrontation du secteur public et du secteur privé. Nous
avons, au cours des années, connu des difficultés énormes
à l'intérieur des entreprises privées. Est-ce que nous
imaginons ce que feront toutes les municipalités du Québec,
demain matin, à la suite de cet exemple que le gouvernement donne aux
citoyens du Québec, pour arrêter toutes les conventions
collectives qui ont été signées dans toutes les
municipalités du
Québec? Geste illogique, incompétence, incurie de ce
gouvernement!
Je voudrais citer des exemples. La compagnie Bellechasse Transport,
saviez-vous, mes chers concitoyens du Québec, qu'elle est
propriété du gouvernement du Québec? Saviez-vous qu'avant
que le gouvernement du Québec soit propriétaire de cette
compagnie, la compagnie Bellechasse Transport faisait des profits? Il y a deux
ans, la compagnie Bellechasse Transport a fait un déficit de 500 000 $.
Cette année, elle fera un déficit de 2 000 000 $. Mauvais
investissement. À Québecair, nous sommes rendus entre 35 000 000
$ et possiblement 67 000 000 $. À l'Asbestos Corporation, 100 000 000 $
et plus. Au ministère de l'Éducation, un trou de 500 000 000 $.
Et les dépenses du Conseil exécutif - cela, c'est le bureau du
premier ministre - quatre ans, 134 000 000 $ d'augmentation, 184%. Est-ce que
ce sont des citoyens démunis, les gens du bureau du Conseil
exécutif? Et les élections! On permet à chaque candidat,
lors des élections provinciales, de dépenser un montant de 0, 50
$ par électeur. Cela coûte au bureau du président des
élections 6 $ par électeur et la proportion du vote n'augmente
pas.
On a permis cette année aux détenus dans les prisons de
voter. 204 $ par détenu. Mauvaise administration. À Paris, on est
rendu avec deux délégations. On n'en avait pas assez d'une; il a
fallu en ajouter une autre. Au Québec, le touriste ne vient pas.
Pourquoi? Vous remarquerez que l'État de New York fait de la
publicité pour inviter les Québécois. Combien d'annonces
publicitaires voit-on à la télévision pour inciter nos
concitoyens à aller dans l'État de New York? Combien d'argent le
gouvernement du Québec a mis dans la publicité pour inviter les
Américains et nos concitoyens des autres provinces du Canada à
venir nous voir? Le tourisme devrait rapporter beaucoup plus et c'est une
lacune importante de ce gouvernement. On est porté davantage à
installer des délégations, des maisons du Québec un peu
partout. Cela ne nous amène pas de monde. Et, en plus, à cause de
l'instabilité politique de ce gouvernement, les investissements ne
viennent pas.
Un Parti libéral au pouvoir apportera une injection importante et
rapide, une stabilité politique. Je suis convaincu que le climat
économique changera immédiatement, le lendemain de
l'élection, et vous le savez très bien.
Depuis cinq ans, depuis 1976, on connaît les budgets
déficitaires de ce gouvernement; on emprunte pour payer des factures
d'épicerie. En 1977-1978, 880 000 000 $, une augmentation de 38% par
rapport à 1976. En 1978-1979, 1 500 000 000 $, une augmentation de 42,
5%. En 1979-1980, 1 800 000 000 $, une augmentation de 25%. En 1980-1981, 3 000
000 000 $ de déficit, une augmentation de 29%. En 1981-1982, 3 500 000
000 $, probablement 4 000 000 000 $, une augmentation de 17, 8%. Ce
gouvernement, de quelle façon, chers concitoyens du Québec,
administre-t-il vos biens? De quelle façon? Les dépenses folles
de ce gouvernement. On n'a qu'à penser à des dépenses
jugées inutiles. Dans ce parlement, on est toujours en construction. On
est à faire des bureaux, on les change de place. On fait des toilettes,
on les rechange de place. Des dépenses qui sont jugées inutiles.
On a dépensé près de 400 000 $ pour des toilettes en
marbre pendant les années difficiles que l'on vit, pendant une crise
économique. On a même remplacé les sacs verts par des sacs
bleus. On aime tellement le bleu dans ce Parti québécois qu'on a
remplacé les sacs à ordures verts par des sacs bleus. Cela
coûte deux fois plus cher, citoyens du Québec. Ce sont de grands
administrateurs qu'on a là!
Pour la publicité, la marotte de ce gouvernement, en 1977: 5 000
000 $ "Faut pas se faire avoir", "La personne avant toute chose". Les
employés du gouvernement, les syndiqués ont des coupures de
salaires et, pour les cadres, on gèle les salaires. On traite les
employés de deux façons. Il y a deux classes d'employés.
En 1978, 11 000 000 $ en publicité, le septième rang au Canada.
En 1979, 14 000 000 $, le quatrième rang au Canada. En 1980, 17 000 000
$, le septième rang. "Faut pas se faire avoir", "Faut rester forts".
Opération lavage de cerveau. Vous avez vu dans le passé des
affirmations du célèbre comédien Doris Lussier, comment il
fallait patenter les affaires pour faire l'indépendance et tout
ça. (13 h 30)
II y en a peut-être un qui a commencé à vous voir,
à l'intérieur de votre propre parti, sous votre vrai jour: le
député de Sainte-Marie. Il se tient debout, le
député de Sainte-Marie. On lui a même envoyé un
message. Il ne nous a pas, évidemment, nommé le
député, mais il reste que le député de Sainte-Marie
est un homme qui a du courage et qui se tient debout. Tenez-vous donc debout,
messieurs les députés! On a hâte qu'il y ait des
élections, parce que l'on n'est pas inquiet. La population du
Québec saura juger. On est prêt à faire face à ce
jugement. Les solutions que nous proposerons... Ne soyez pas inquiets, la
population du Québec sera pour nous sans difficulté.
Embauche du Dr Lussier, ex-vice-président du Parti
québécois. Il n'y a pas assez d'employés, il n'y a pas
assez de personnel au gouvernement du Québec; on engage le Dr Lussier
à 29 000 $ pour 80 jours. Si on prend tout le système des
employés des ministres, des attachés
politiques, on touche les 19 000 000 $, les 20 000 000 $. Chaque fois
qu'il y a des commissions parlementaires, le ministre y va avec dix chefs de
cabinet et attachés politiques et vous n'êtes même pas
capables de nous proposer des solutions viables pour les
Québécois. Nous, les responsables de l'Opposition, nous sommes
face à vous, seuls, quelquefois accompagnés d'un recherchiste;
inégalité, M. le Président.
Tantôt le député, le whip du parti, disait qu'il
était professeur. Je n'ai rien contre les professeurs; au contraire, je
les admire. Mais, quand un gouvernement qui a 78 députés, a
à l'intérieur de son caucus 42 enseignants, peut-être qu'il
y a eu trop de théorie à l'intérieur de ce gouvernement.
Et la pratique? Dans ce gouvernement, qui a pris le risque d'un investissement?
Combien de personnes?
On a évidemment la ristourne sur le lait. On parle de 100 000 000
$. Qu'a fait le ministre? Qu'est-ce que les deux ministres ont fait? Ils ont
attendu que les questions pressantes de l'Opposition viennent. Prenez vos
responsabilités!
En 1979, le ministre des Finances disait: meilleure convention que le
gouvernement n'a jamais signée. C'est bien certain: on pensait au
référendum, on pensait aux élections
générales.
On nous a promis, par l'ex-ministre M. de Belleval, à toute la
Communauté urbaine de Montréal, un métro, deux
métros, ligne 5, ligne 6; on nous a promis des investissements de
près du milliard et aujourd'hui, on nous parle d'un déficit de 1
600 000 000 $. On nous a promis cela. Que s'est-il passé? On est en 1981
au mois de février; on a promis également à tous les
citoyens de la rive nord et de la ville de Laval, des diminutions de
péage sur l'autoroute. On promet tout dans ce gouvernement. Qu'est-ce
qu'on fait? Voyez aujourd'hui le sort des 300 000 employés: on leur
coupe leur salaire et beaucoup d'entre eux auraient accepté un gel. Je
pense que ce gouvernement qui nous arrive avec un projet de loi matraque, avec
80 000 pages et qui dans la même journée nous dit:
"Employés civils, on vous coupe, on ne gèle pas les salaires des
cadres cependant, et les députés, eh bien! on va vous proposer,
peut-être la semaine prochaine, d'augmenter vos salaires de 6%... Quelle
est la logique de ce gouvernement? Citoyens du Québec, pensez-y! Nous,
du Parti libéral, nous sommes prêts et on a hâte, parce que
cela va bouger au Québec. La gestion, l'incompétence de ce
gouvernement... Nous devrons nous relever les manches, parce qu'on a de
l'ouvrage en "titi". On est en retard sur un vrai temps. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Deux-Montagnes.
M. Pierre de Bellefeuille
M. de Bellefeuille: Je remercie mes collègues de
m'applaudir, mais, en me levant pour prendre la parole, je me demande si mon
discours, à la fin, suscitera encore des applaudissements. L'avenir le
dira.
Je crois que nous nous rendons tous compte que nous avons devant nous un
projet de loi pénible, parce que c'est un projet de loi par lequel le
gouvernement, suivant la ligne dure qu'il a adoptée il y a
déjà quelque temps, se met à gouverner par décrets
et à imposer, au moyen de 80 000 pages, les conditions d'emploi qui
prévaudront désormais pendant trois ans dans les secteurs public
et parapublic.
Il est déplorable que nous en soyons rendus là. Pourtant,
après mûre réflection, j'ai décidé de ne pas
me désolidariser du gouvernement et je vais chercher à expliquer
pourquoi. Cela se résume en une phrase: c'est que je conserve ma
confiance dans ce gouvernement et dans sa possibilité d'effectuer les
redressements qui s'imposent.
Je ne me désolidarise pas du gouvernement d'autre part, parce que
cette loi pénible est devenue inévitable. Cette loi, c'est la
conclusion logique, implacable, inéluctable de la ligne dure que le
gouvernement a choisie et a menée. On ne peut pas se
désolidariser du gouvernement à ce point, à ce moment.
Quant à moi en tout cas - d'autres le feront peut-être, c'est leur
choix - puisque j'ai voté pour la loi no 70, dans la logique de ce vote,
je ne peux pas me désolidariser aujourd'hui du gouvernement. Au moment
où j'aie voté pour la loi no 70, il se peut que j'ai
été piégé, que nous ayons tous été
piégés.
Je sais que ce que je suis en train de dire contredit peut-être
légèrement certains propos tenus aujourd'hui après la
période des questions par le leader du gouvernement, le
député de Vanier, qui semblait vouloir donner à entendre
à cette Chambre que, dans les rangs ministériels, il n'y avait
pas de divergences de vues. Nous ne sommes pas des automates; nous ne sommes
pas des robots; nous ne sommes pas des zombies; nous ne sommes pas des
morts-vivants. Il est bien évident que sur une question aussi grave, il
y a des divergences de vues au sein de la députation
ministérielle. Prétendre le contraire, c'est se moquer du monde;
il y a des divergences de vues au sein de la députation
ministérielle. D'ailleurs, comment se fait-il qu'aujourd'hui,
après la période des questions, la possibilité de ces
divergences de vues fasse scandale, alors que la nuit dernière -
peut-être que la nuit porte très bien conseil quoiqu'en pense le
leader de l'Opposition qui voulait que tout se passe seulement au grand jour;
durant la nuit, il y a peut-être des minutes de vérité plus
profondes que le jour - le député de
Verchères, qui a peut-être fait la meilleure intervention
de sa carrière, a étalé devant la Chambre des divergences
de vues dans les rangs ministériels. Il a rappelé ce moment
clé, le printemps dernier, alors que le gouvernement avait à
choisir, avait à décider s'il allait, oui ou non, rouvrir
unilatéralement les conventions collectives qu'il avait lui-même
signées. Bien sûr qu'à ce moment-là, le printemps
dernier, il y a eu des divergences de vues et celles d'aujourd'hui sont en
filiation directe avec les divergences de vues qu'il y a eu à ce
moment-là. (13 h 40)
Le député de Verchères nous a dit en toute
franchise, dans ce très éloquent discours, qu'à
l'époque il était tenant de la ligne dure et qu'encore
aujourd'hui il ne sait pas s'il avait raison à ce moment-là. Mais
les tenants de la ligne dure nous disaient: II faut rouvrir les conventions
unilatéralement. Un autre courant d'opinion dans le groupe
ministériel soutenait au contraire que, pour soutenir et défendre
la légitimité de l'État québécois, il
fallait que le gouvernement honore et respecte sa signature. Alors, j'ai
parlé d'un piège, qui consistait en ceci qu'on nous a dit avec
des arguments très convaincants à l'appui qu'il n'y avait que
deux solutions. C'était soit la réouverture unilatérale
des conventions, soit la loi no 70.
M. le Président, avec la même franchise que le
député de Verchères, je vais vous dire que j'étais
contre la ligne dure; que j'étais très sensible aux arguments
relatifs à la légitimité de l'État, mais j'ai
été piégé parce que cela m'a amené à
voter pour la loi no 70 qui, à mon avis, n'est pas une très bonne
loi. D'ailleurs, les porte-parole du gouvernement nous ont expliqué au
cours de ce débat, comme ils l'avaient fait antérieurement, qu'il
fallait en quelque sorte protéger la population contre la loi no 70.
Cela nous coûte 115 000 000 $ pour protéger la population contre
les effets de la loi no 70. C'est donc que cette loi était loin
d'être parfaite. Elle avait peut-être des défauts plus
profonds.
M. le Président, j'ai une question en tête à
laquelle je n'aurai peut-être jamais la réponse. C'est qu'alors
que nous étions piégés y avait-il une autre voie?
Aurait-il été possible de régler par la voie de la
négociation? Je donne aux négociateurs du gouvernement et
à leurs maîtres et aux négociateurs syndicaux et à
leurs maîtres, le bénéfice de tous les doutes. Je veux bien
admettre qu'ils y ont mis énormément de bonne foi. Cela n'a pas
empêché l'échec que nous connaissons et cela laisse
entendre que, peut-être, l'autre voie à laquelle j'aspire
n'existait pas. Peut-être, qu'effectivement le dilemme réouverture
unilatérale des conventions ou la loi no 70, c'était un dilemme
qui n'offrait pas d'autre issue. Mais j'ai encore la question en tête
parce qu'on observe des choses. Par exemple, j'observe qu'à un moment
donné les porte-parole syndicaux ont mis sur la table des
négociations des concessions, un certain type de gel des traitements et
des salaires qui valait 1 000 000 000 $. Il me semble que, lorsqu'on
négocie et que, de l'autre côté de la table, on dit: Nous
mettons 1 000 000 000 $ sur cette table, le négociateur de l'autre
côté doit prendre la chose, pour employer un anglicisme et un
cliché, en sérieuse considération. Qu'a dit le
négociateur en chef face à cette concession chiffrée
à 1 000 000 000 $? Il a dit: Y a rien là. Jamais M. Lucien
Bouchard, que je sache, n'aurait retiré cette observation, y a rien
là. Jamais, un porte-parole du gouvernement, le président du
Conseil du trésor ou quelque autre ministre chargé des
négociations n'a repris pour M. Bouchard ce propos méprisant.
Jamais. C'est donc cela l'attitude que ce gouvernement a eue en
négociation. L'autre partie met sur la table 1 000 000 000 $ en
concession et le gouvernement dit: Y a rien là. C'est pourquoi j'ai un
doute. C'est pour cela que malgré tout, malgré les
évidences que M. le ministre des Finances nous a longuement
étalées sur la très difficile situation budgétaire
et financière du gouvernement, c'est pour cela que j'ai toujours ce
doute, à savoir s'il n'y aurait pas eu une autre voie, s'il n'y aurait
pas eu une autre ligne que la ligne dure parce que cette ligne dure, je la
réprouve profondément et je pense que vous savez comme moi que je
ne suis pas seul à la réprouver.
Peu de députés ministériels depuis quelques mois
citent les journaux en cette Chambre. Je vais le faire aujourd'hui. Je suis
journaliste de métier et je ne suis pas seul dans ce gouvernement. Ce
gouvernement est celui qui a le plus de journalistes dans ses rangs, de
l'histoire du Québec. Cela m'étonne de voir des confrères
journalistes cesser de citer les journaux. Auraient-ils oublié le
rôle fondamental et essentiel de la presse, se seraient-ils
enfermés dans ce cercle extrêmement inquiétant des gens,
des cliques qui se disent: II n'y a que nous qui avons raison. Les journalistes
du Québec aujourd'hui, à mon avis, font un travail aussi
honnête et compétent qu'à aucune autre période de
l'histoire du Québec. Ces journalistes qui ont contribué à
la chute du gouvernement Bourassa sont aujourd'hui aussi honnêtes et
compétents et il faut savoir les lire. Il faut savoir se dire que la
presse a ce rôle de chien de garde dans notre société
démocratique et que ce qui s'écrit dans la presse doit compter
pour les gens qui gouvernent, sous peine de s'enfermer dans cette conviction
qu'on est les seuls à avoir raison. Surtout quand un de ces journalistes
s'appelle Pierre Vadeboncoeur, vieux compagnon de route des
indépendantistes,
vieux compagnon de route syndical. Nous en avons beaucoup de vieux
compagnons de route syndicaux. Je ne pense pas qu'il faille en avoir honte.
Je n'en ai pas honte et je lis ce texte assez bref, très sobre,
de Pierre Vadeboncoeur, paru dans la Presse du 26 novembre, sous la rubrique
"Libre opinion", intitulé, le titre dépend du journal je suppose:
"Une loi explosive". Cette loi explosive, c'est la loi 70. Je ne retiendrai, je
ne citerai de cet article de Pierre Vadeboncoeur, ami du gouvernement, loyal et
fidèle compagnon du gouvernement du Parti québécois, trois
mots: "coup de force". Trois mots qu'il applique à la loi 70. Cela nous
dit quelque chose à nous les péquistes, coup de force. Combien de
fois avons-nous dénoncé un gouvernement dans un autre Parlement
qui pratiquait un coup de force? Il faudrait réfléchir à
la nature d'un coup de force. Comment des gens en viennent-ils à faire
un coup de force? Des gens en viennent à faire un coup de force
précisément quand ils pensent qu'ils sont les seuls à
avoir raison, précisément quand ils envoient les
éditorialistes paître, précisément quand ils disent
que les journalistes sont des cons qui ne comprennent rien et qui ne savent
faire que des potins. C'est à ce moment que les gens font des coups de
force, ceux qui sont seuls à avoir raison.
Michel Roy, mon vieil ami Michel Roy, dans la Presse d'aujourd'hui
publie un premier Montréal qui est intitulé "Dernier acte d'un
spectacle désolant". C'est un bon titre parce que cela appuie ce que
j'ai commencé par dire, que je ne me désolidarisais pas du
gouvernement pour ce projet de loi parce que c'est le dernier acte. C'est
l'ensemble du spectacle que je mets en doute, c'est l'ensemble de la ligne
dure. Il ne sert à rien de s'en prendre au bout de la queue de la
comète de cette ligne dure. Ce qu'il faudra faire, c'est prendre des
mesures pour remplacer cette ligne dure qui nous a menés à
l'échec par autre chose. J'y reviendrai à cette autre chose. (13
h 50)
Michel Roy écrit dans la Presse de ce matin: "Le Parti
québécois se comporte ici de façon diamétralement
opposée à l'esprit sinon à la lettre de son programme. "
Bon, les exégètes faciles vont dire que le conseil national du
parti à Hull a approuvé la loi no 70. D'accord. II n'est pas
question des petites approbations en cours de route. Il n'est pas question de
la lettre du programme, il est question de l'esprit. Et cette loi, elle me
répugne pour une autre raison. Elle me répugne parce qu'il me
semble que c'est une loi qui conviendrait à merveille à nos amis
d'en face...
Une voix: Vous allez avoir besoin...
M. de Bellefeuille:... aux libéraux. C'est une loi
parfaite pour les libéraux.
Une voix: Ah bien, non, par exemplel
M. de Bellefeuille: J'ai fait allusion un peu méchamment
à M. Bouchard, mais M. Bouchard est quand même un homme d'une
expérience impressionnante dans son domaine, celui des
négociations. Je vais citer M. Bouchard dans une entrevue publiée
dans la revue Actualité; et la date est significative, c'est
Actualité de février 1981 et on dit bien dans le texte de
présentation que l'entrevue a été faite le 11
décembre 1980, donc, il y aura deux ans demain. Ce n'est pas un texte
qui sort de presse, cela fait deux ans. Que disait M. Bouchard, il y a deux
ans? Actualité lui posait cette question-ci: "Si les syndicats sont plus
puissants que le gouvernement, comme vous le dites, le gouvernement a dû
donner plus qu'il n'aurait dû le faire?" Cela, c'est après les
négociations de 1979, n'est-ce pas? Puisque c'est la fin de 1980.
Réponse de M. Lucien Bouchard: "Pas forcément aux
dernières négociations. Les gros morceaux ont été
donnés au début, au début du processus" -sous les
libéraux - "Dans les hôpitaux, par exemple, on a accordé
des clauses de promotion extrêmement libérales... " - là le
mot libéral a un autre sens - "... et aussi, ce qui est très
grave, la notion de poste, ce qui fait, qu'à la limite, on ne peut pas
demander à un infirmier qui travaille dans un département
où temporairement il n'y a pas beaucoup de malades, d'aller
dépanner un autre département qui est débordé. " -
Je n'ai que deux minutes, M. le Président? - "On ne peut pas faire cela.
" Cela remonte aux libéraux. Ce système de postes qui fait qu'on
est barré et qu'il n'y a pas la souplesse voulue dans le personnel
hospitalier, c'est l'héritage des libéraux. M. Bouchard
décrit dans une autre réponse de cette entrevue, une situation
dans laquelle, à partir des libéraux, les négociations
sont devenues un affrontement entre deux bureaucraties. La bureaucratie
gouvernementale et la bureaucratie syndicale. Cela me fait dire que cette loi
en est une qui conviendrait fort bien aux libéraux.
On pourrait voir le journal des Débats de 1976, vers la fin du
régime libéral, pour lire les discours des péquistes de
l'époque dénonçant l'action libérale. Ce n'est pas
une loi qui convient au Parti québécois. C'est ce qu'écrit
Michel Roy et j'en suis profondément convaincu parce que le Parti
québécois est un parti de confiance dans l'être humain par
opposition à un parti, comme le Parti libéral, qui est un parti
sans idées, sans programme, un parti des appareils, un parti des groupes
d'intérêt, un parti ballotté par les groupes de pression.
C'est cela le Parti libéral, M. le Président.
Nous en sommes là. Mme Voisard, dans le Soleil de ce matin...
Le Vice-Président (M. Jolivet):... en terminant.
M. de Bellefeuille: Oui, je termine, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous
plaîtî S'il vous plaît!
M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que je peux
avoir le consentement de la Chambre pour cinq minutes?
Une voix: Non!
M. de Bellefeuille: Bon!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, je dois vous demander de conclure.
M. de Bellefeuille: Je conclus, M. le Président, en
attirant l'attention de tous au dernier paragraphe de l'éditorial de Mme
Voisard et en disant que je demande une chose à ce gouvernement pour
remplacer la ligne dure. Il est beaucoup question de virage technologique, je
demande au gouvernement de faire le virage de la confiance pour remplacer la
ligne dure, la confiance de ceux qui ne croient pas être seuls à
avoir raison, la confiance dans le parti.
Dans les coulisses du pouvoir, on parle du parti comme d'une chose
à manoeuvrer. Il est temps que cela cesse. Il faut rétablir la
confiance dans le parti. Il faut rétablir la confiance dans la
députation ministérielle. Le président du Conseil du
trésor sème la panique dans la fonction publique depuis quelque
temps en disant qu'il va couper douze pans de gouvernement. Je ne le sais pas,
moi, quels fonctionnaires sont en panique et lesquels ne le sont pas, mais ils
sont tous menacés et le président du Conseil du trésor
joue à cache-cache avec l'opinion publique. Il joue à cache-cache
avec nous, les députés ministériels, il refuse de nous
consulter, il refuse de nous confier ses projets. Puisque le gouvernement parle
de...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, il n'y a pas
de consentement. Quant à moi. M. le député, je voudrais
vous demander de terminer, vous avez dépassé les trois minutes.
Non, M. le député...
Question de règlement de la part du député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Je pense qu'il est établi, en vertu de notre
règlement, que la présidence doit constater, lorsque demande est
faite par un député s'il y a consentement à ce qu'un
député prolonge son intervention, s'il y a consentement de la
Chambre. Quant à nous, nous accordons le plein consentement parce qu'on
sait...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, c'est déjà trop. J'ai constaté,
comme vous me l'avez demandé, et en vertu de la coutume je n'ai pas
à dire... Je dois vous dire qu'il n'y a pas consentement.
À l'ordre! À l'ordre! Il n'y a pas de question de
privilège. À l'ordre! J'étais debout, il n'y a rien
d'enregistré et, en conséquence, il n'y a pas de question de
privilège.
M. le député de Berthier, vous avez le droit de
parole.
M. Rivest: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant! Un instant! M.
le député de Deux-Montagnes, une demande de directive.
M. de Bellefeuille: Qu'est-ce qu'un député doit
faire, M. le Président, quand il a le consentement de ses
collègues pour continuer son intervention et que le président lui
refuse de le faire?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Deux-Montagnes, vous accusez la présidence de ne pas avoir entendu un
non dans cette salle. Je l'ai entendu et si vous voulez remettre en cause ce
que je suis comme président d'Assemblée, je dois vous dire que
j'ai entendu "non" et je n'ai pas le droit de vous laisser continuer puisqu'il
n'y a pas de consentement. C'est pour cela que je demande au
député de Berthier de faire l'intervention qu'il me demande. M.
le député de Berthier.
M. Rivest: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, Mme la députée
de Chomedey à qui on...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon, je me lève dès maintenant. J'ai dit qu'il n'y
avait eu aucun enregistrement. J'étais debout, il n'y a eu aucun
enregistrement; en conséquence, je ne veux pas qu'on mette dans les
minutes de cette Assemblée des choses qui n'ont pas été
dites et inscrites au journal des Débats.
M. le député de Jean-Talon. (14 heures)
M. Rivest: Question de règlement. Mme la
députée de Chomedey s'est levée et elle a soulevé
une question de privilège dont j'ignore absolument la nature. Vous
me
parlez d'un nom ou de ce que vous avez entendu. Je trouve très
légitime la remarque que vous avez faite, mais je pense que le
règlement permet à Mme la députée de Chomedey,
avant que vous ne disposiez de sa question de privilège, qu'elle puisse
la formuler.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je dois vous dire, M. le
député, que pour que je puisse permettre une question de
privilège à Mme la députée de Chomedey, il faut
qu'il y ait quelque chose d'inscrit dans le journal des Débats. Comme
j'étais debout et qu'au moment où je suis debout, il n'y a rien
d'inscrit dans le journal des Débats, il n'y a donc, à ma
connaissance, rien eu d'inscrit dans le journal des Débats. Quand les
gens se parlent de part et d'autre de cette salle, si ce n'est pas inscrit dans
le journal des Débats, cela ne provoque pas de droit à une
question de privilège.
M. le député de Berthier.
M. Paradis: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaîtl M. le député de
Brome-Missisquoi, sur une question de règlement.
M. Paradis: Je ne sais pas si le député de
Deux-Montagnes m'autoriserait une question à la suite des propos qu'il a
prononcés dans son discours. Est-ce que j'ai son consentement en vertu
de l'article 100?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de demander au
député de Deux-Montagnes d'accorder son consentement, je dois
vous dire, premièrement, que le règlement ne permet pas de faire
de façon détournée ce que le règlement ne permet
pas de faire de façon directe. En conséquence, en vertu de
l'article 100, si vous le lisez très bien, il y est inscrit que tant et
aussi longtemps qu'un député a la parole... Or, le
député de Deux-Montagnes n'avait plus la parole puisque je
l'avais donnée au député de Berthier. Deuxièmement,
il ne peut même pas répondre à votre question puisqu'il
n'avait plus le droit de parole. Je dois appliquer le règlement, comme
je l'ai dit et comme je l'ai répété à plusieurs
occasions, à moins - si vous me laissiez terminer, peut-être que
vous comprendriez... Je le répète, l'article 100 dit: "tant qu'il
a la parole". Or, il arrive souvent que des députés n'ayant plus
le droit de parole - puisque, pour avoir la parole, il faut avoir le droit de
parole - l'article 100, et je l'ai interprété à plusieurs
occasions, dit que, si une personne accepte de répondre à une
question, il faut qu'il y ait une sorte de consentement qui soit tacite ou
entendu de part et d'autre de cette Assemblée. Souvent, quand une
personne demande, en vertu de l'article 100, à une autre personne si
elle veut lui accorder une question et que celle-ci répond oui, mais
qu'en même temps personne d'autre n'intervient, je considère qu'il
y a consentement tacite. S'il y a des gens qui refusaient que ce soit
accordé, il n'y aurait pas de consentement.
M. le député de Jean-Talon, sur une question de
règlement.
M. Rivest: M. le Président, sur une question de
règlement. J'ai compris le sens des remarques que vous venez de faire.
Je vous signalerais deux éléments. C'est qu'avant même, je
pense - quitte à ce qu'on vérifie au journal des Débats,
sauf erreur -que vous reconnaissiez le député de Berthier, je
pense avoir moi-même soulevé une question de règlement;
c'est le premier élément. Deuxièmement, puisqu'il s'agit
de déterminer si effectivement le député de Berthier avait
la parole, je vous signale que le député de Berthier n'a pas
prononcé les mots sacramentaux de "M. le Président"; donc, il
n'avait pas la parole. Deuxièmement, en vertu de l'article 92, il est
inscrit que pour parler - je suppose que ce sont les gens qui ont la parole qui
parlent - un député doit se lever - je ne pense pas que le
député de Berthier ait été debout - et demander la
parole au président - un instant! - en le désignant par son
titre. Ce qui ferait que, techniquement parlant, le député de
Berthier, même si vous l'aviez reconnu, n'avait pas la parole et que,
comme la nature a horreur du vide la parole était encore au
député de Deux-Montagnes.
Une voix: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un peu de calme.
Effectivement, le député de Berthier, en vertu de ce que vous
dites, M. le député de Jean-Talon, n'a pas prononcé les
paroles: "M. le Président". Cependant, il était debout - il le
confirmera lui-même -et, en vertu de ce qu'on appelle l'alternance entre
les deux partis politiques, le député de Berthier m'avait
signifié qu'il voulait parler aussitôt que le droit de parole du
député de Deux-Montagnes serait terminé. Je pense que la
coutume vaut aussi ce que le règlement donne. Le règlement dit
qu'il doit prononcer, "M. le Président", mais il était
debout.
M. le député, seulement un instant. Je voudrais savoir de
la part du leader de l'Opposition... M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, pour dénouer cet
imbroglio, nous offrons notre consentement de continuer à entendre le
député de Deux-Montagnes.
M. Houde: C'est cela. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Deux-Montagnes, intervenez-vous sur cette question?
M. de Bellefeuille: Oui, je veux intervenir sur cette question,
M. le Président, pour vous dire que je n'avais pas vraiment
terminé. C'est ma faute, j'aurais dû condenser un peu plus. Mais
l'insistance que nos amis libéraux mettent à me faire continuer
m'en enlève le goût.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader. Les messages
de part et d'autre étant passés, je demande au
député de Berthier... M. le député de Jean-Talon,
j'ai rendu une décision en vertu de l'article 100. M. le
député de Berthier, vous avez le droit de parole. M. le
député de Berthier.
M. Houde: M. le Président...
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde:... le député de Jean-Talon a
demandé la parole sur une question de règlement et c'est suivant
le règlement et l'usage que je vous demande de le reconnaître.
M. Brassard: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition. M. le whip du gouvernement.
M. Brassard: Est-ce parce que le député de Berthier
se prépare à parler pour le projet de loi qu'on veut
l'empêcher de parler, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition, tout ce que je vous ai dit, c'est qu'en vertu de l'article 100,
il fallait qu'il y ait consentement. Je dois vous dire qu'il n'y a pas
consentement à prolonger le temps du député de
Deux-Montagnes. Son temps est écoulé et, en conséquence,
je demande au député de Berthier d'intervenir. M. le
député de Berthier.
M. Rivest: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: Très brièvement, M. le Président.
Parce que vous avez redonné la parole au député de
Deux-Montagnes, ce qui impliquerait que le député de Berthier ne
l'a pas encore, je voudrais me prévaloir entre les deux...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon, je m'excuse. Je n'ai en aucune façon accordé le
droit de parole au député de Deux-Montagnes. Il m'a
demandé d'intervenir sur la question de règlement, justement, ce
que je lui ai permis. Cela n'est pas sur son droit de parole. M. le
député de Berthier, vous avez maintenant le droit de parole.
M. Albert Houde
M. Houde: M. le Président, je vois que cela n'est pas
facile d'avoir la parole ici, pourtant, on est dans un pays
démocratique. Lorsqu'on entendait tantôt le député
de Deux-Montagnes parler pour et tantôt contre le projet de loi, pour
finir par dire qu'il va voter pour le projet de loi, il disait aussi qu'il
n'était pas une machine à voter et encore moins un robot. On voit
ce qu'il a fait hier, il n'a même pas voté, quand le temps est
venu. Par contre, j'aimerais que le député de Deux-Montagnes
veuille bien déposer en cette Chambre ce qu'il a dit en ce qui concerne
le président du Conseil du trésor, pour que cela puisse entrer
à l'intérieur des débats, pour qu'on puisse le voir et le
lire. J'aime cela quand il parle contre son gouvernement, surtout contre un
ministre qui est censé être important.
M. le Président, encore une fois, une loi matraque dont on est
appelé à parler encore aujourd'hui, le projet de loi no 105.
L'objet des discussions d'aujourd'hui nous oblige presque à remonter au
moment où le Parti québécois est arrivé au pouvoir
de manière à saisir les tenants et les aboutissants de cette
confrontation entre l'État, les travailleurs et les travailleuses des
secteurs public et parapublic. C'est ainsi que la première
préoccupation du gouvernement était d'unir les efforts des
Québécois pour bâtir un pays, disait-on. (14 h 10)
On a mobilisé toutes les ressources disponibles de
l'administration publique: tournées ministérielles, sondages,
référendum, programmes à portée limitée,
livre vert, livre blanc, pour faire croire que le Québec se porterait
bien mieux s'il pouvait accéder à l'indépendance, ou
encore, à la séparation. En 1982, on constate plutôt un
résultat déprimant, en ce sens que les Québécois
ont vécu des événements politiques qui les ont
divisés plus que jamais auparavant. C'est aussi un résultat de
l'incompétence démontrée par nos dirigeants plus
préoccupés à mousser l'idée de
l'indépendance qu'à défendre nos intérêts. En
engageant le dialogue tant promis avec les travailleurs et les travailleuses du
secteur public, on a oublié de tenir compte du secteur privé. On
a oublié que ce dernier était en 1982
toujours responsable de 80% des emplois créés. On a aussi
oublié que le secteur public ne peut à lui seul assurer un avenir
viable pour le Québec. En fait, on a oublié, de l'autre
côté de cette Chambre, beaucoup trop d'éléments
essentiels à une bonne gestion des fonds publics alors qu'on a dit que
le peuple du Québec possédait un sens de créativité
susceptible de traverser n'importe quelle époque difficile. Le
rôle de l'État a grandi au point où le secteur privé
s'est senti démotivé, découragé devant toute
nouvelle initiative à un moment, pourtant, où le Québec
doit s'ajuster à de nouvelles réalités.
Ce gouvernement demande une fois de plus aux Québécois
d'unir leurs efforts et les convainc que l'État n'a plus les moyens de
payer ses employés. Il l'a fait subtilement au début de cette
course folle d'une vaste opération visant à
récupérer des sommes et des droits acquis sous le régime
péquiste. Mais cette course folle vers les économies
budgétaires ne fait que commencer, selon les responsables des dossiers
économiques du présent gouvernement. En d'autres termes, non
seulement le secteur public va-t-il écoper des restrictions
imposées à la suite de ces décrets, mais les 6 000 000 de
Québécois y goûteront parce que le gouvernement n'a pu
prévoir l'ampleur de la crise. Quand on dit que gouverner, c'est
prévoir, voilà tout l'invraisemblable de cette histoire ridicule
de la gestion des fonds publics sous le régime du gouvernement
péquiste.
En fait, nous sommes loin d'être parvenus aux objectifs
sociaux-démocrates prônés par celui qui formait le parti de
l'Opposition avant 1976. Nous en sommes si loin que ce gouvernement est
aujourd'hui méconnaissable par rapport aux valeurs qu'il
véhiculait à l'époque. Équité, justice,
préjugés à l'endroit des bas salariés constituaient
des paramètres de l'action d'un gouvernement péquiste. En 1982,
la catastrophe survient en dépit du fait que les revenus du gouvernement
québécois sont constitués en partie des taxes qu'il
perçoit auprès des citoyens et entreprises, des placements qu'il
effectue et enfin, des paiements de transfert du gouvernement canadien. Et on
s'obstine à convaincre les Québécois que la
sécurité économique sera atteinte lorsqu'on se retirera du
régime fédéral. Belle logique, à la lumière
des résultats de la gestion du gouvernement péquiste.
Alors que d'autres pays ont vu venir la crise sans avoir le temps de
s'ajuster complètement, le Parti québécois nous
répète, lui, que la spontanéité de cette crise
économique a eu pour effet de faire mentir toutes les prévisions
optimistes. On en est rendu à remettre en question les services offerts
aux Québécois et Québécoises dans le domaine de la
santé. C'est la crise qui a fait qu'entre 1980 et 1982, les ministres
des Affaires sociales et de l'Éducation ont subi des coupures de l'ordre
de 7. 2%. C'est la crise qui obligeait les autorités médicales de
cinq hôpitaux du nord de Montréal à dresser des listes
d'attente pour l'admission de 5000 personnes. Selon un relevé
effectué le 5 octobre dernier, pour fins de soins de courte
durée, c'est encore la crise qui contraint les autorités de
l'hôpital Maisonneuve-Rosemont d'accueillir jusqu'à 50 patients au
service des soins de courte durée qui a une capacité d'accueil de
13 lits seulement.
Notre parti n'a jamais nié la présence de cette crise,
aussi bien au Québec qu'ailleurs au pays et dans le reste du monde.
C'est pourquoi il s'est efforcé d'avertir le présent
gouvernement, à l'instar des autres observateurs de la vie
économique au Québec, qu'un grave danger le guettait s'il ne
mettait pas un terme à des dépenses aussi élevées
dans des secteurs moins prioritaires. De cette façon, le gouvernement
aurait pu prévoir les difficultés dans lesquelles il s'enlisait
de jour en jour. Il aurait pu prévoir qu'il était possible de
faire plus avec moins, sans pour autant remettre en cause les droits acquis
aussi bien par les travailleurs du secteur public que du secteur privé.
Il aurait enfin pu mettre à la disposition du secteur privé les
ressources nécessaires de manière que ce dernier puisse prendre
la relève pendant cette période difficile.
Nul ne se surprend aujourd'hui que l'État ne puisse jouer son
rôle de régulateur en intervenant là où les actions
urgentes sont nécessaires. À ce rythme, M. le Président,
il sera obligé d'abdiquer, comme il l'a fait au chapitre des
responsabilités à assumer. Oui, le gouvernement a dangereusement
déstabilisé l'économie du Québec en investissant
là où il ne le fallait pas, là où le secteur
privé était actif - on pourrait vous citer beaucoup d'exemples,
on en a de grandes pages - lequel était en mesure d'assurer la
rentabilité de certains secteurs. Quel héritage! En 1982, le
manque à gagner du ministre des Finances dépasse les seules
limites du projet de loi no 105. En fait, la situation précaire dans
laquelle nous a plongés le Parti québécois augure mal pour
l'avenir.
M. le Président, les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 1982,
par exemple, la part du déficit budgétaire financée par
des emprunts atteint 80, 8%. La dette nette du gouvernement, donc, de tous les
Québécois, atteint 15 000 000 000 $ en 1982. Le taux de
chômage dans certaines régions du Québec oscille en 16% et
20%.
Certains vous diront, M. le Président, que l'Opposition lance de
gros chiffres auxquels nous sommes tous habitués. Dans une certaine
mesure, ils n'ont pas tout à fait
tort puisque l'imprévoyance du présent gouvernement a pris
une telle ampleur depuis si longtemps que l'on tient pour acquis que jamais
personne ne se verra un jour dans l'obligation de payer cette dette. Ce seront
nos enfants qui la paieront. Voilà bien une illusion qui a tendance
à se transformer en une dure réalité.
J'avoue que je suis davantage inquiet pour les générations
qui nous suivront que pour la nôtre, M. le Président. Aujourd'hui,
les agents prêteurs ont sévèrement averti le gouvernement
que les possibilités de prêt allaient diminuant, en ce sens que le
coût du loyer de l'argent serait proportionnel à son
incapacité d'asssurer une bonne gestion des fonds publics. D'un autre
côté, le ministre des Finances sait très bien qu'il ne peut
se permettre de hausser les impôts dans son dernier budget de peur
d'éveiller la colère des Québécois. Mais nous lui
disons en plus que les appels à la solidarité ne suffiront pas
à apaiser la colère.
Quant aux jeunes, parlons de leur situation. Les chances d'avenir de nos
jeunes semblent être le cadet des soucis du gouvernement.
Dernièrement, le Conseil supérieur de l'éducation estimait
que 237 000 jeunes Québécois de 15 à 24 ans étaient
en chômage ou totalement inactifs en 1982. De plus, les jeunes ont
compris que la place qu'ils occupent dans la société ne leur est
jamais donnée sans effort. Encore faudrait-il que l'État favorise
une action concertée et surtout cohérente de manière
qu'ils accèdent à une situation avantageuse à laquelle ils
ont droit. En d'autres termes, les jeunes attendent beaucoup de leurs
dirigeants. C'est normal, puisqu'on les a habitués à une aisance,
à exprimer leurs besoins tout en leur faisant savoir l'immensité
du réservoir des ressources disponibles. Non seulement les ressources
financières ne sont plus disponibles pour répondre au besoin des
jeunes, mais jamais aura-t-on vu une pénurie d'idées si grande.
La raison est bien simple, le gouvernement n'a plus de projet original à
offrir, maintenant que la population québécoise lui a dit non
à l'indépendance ou encore mieux à la séparation,
comme vous le voulez. Les finances publiques ne lui permettent plus de proposer
de mesures d'urgence dans le secteur de la création d'emplois. On ne
parle plus que d'écart entre déficits prévus et
déficits réalisés: en 1977-1978, 38%; en 1978-1979, 42,
5%; en 1979-1980, 25%; en 1980-1981, 29%, et en 1981-1982, 17, 8%. Ce n'est pas
joli à montrer, encore moins à dire. (14 h 20)
D'autre part, le gouvernement ne peut plus encourager les jeunes vers le
secteur privé pour une autre raison: la main-d'oeuvre disponible est
déjà trop nombreuse pour permettre l'entrée massive de
jeunes désireux de relever un défi là où leurs
talents seront reconnus. Là encore les chiffres parlent
d'eux-mêmes. Au Québec la part des investissements du secteur
privé passait de 7 700 000 000 $ en 1980 à 8 500 000 000 $ en
1981 pour ensuite chuter à 8 200 000 000 $ en 1982. Quant aux
investissements étrangers. M. le Président, au train où
vont les affaires économiques, si jamais nous ne réussissons pas
à intéresser les investisseurs à nous aider à
relever le défi au Québec, demain il sera trop tard. La saveur
nationaliste dont a fait preuve le Parti québécois a
dépassé le réalisme économique et culturel de notre
véritable situation.
Nombre de mesures ont fini par décourager les investisseurs les
plus téméraires. Dernièrement, mes collègues du
comté de Notre-Dame-de-Grâce et d'Outremont rendaient publique une
compilation faisant état du départ des sièges sociaux au
Québec. Loin d'être émus, les stratèges
économiques du Parti québécois, se contentent de
dénoncer l'establishment canadien en se disant satisfaits d'une telle
situation, d'autant plus que ces départs laisseront la place aux
francophones. Or, tel n'est pas le cas puisque nombre de cadres francophones
avaient réussi à se tailler une place confortable au sein des
sièges sociaux.
C'est la réputation tout entière du Québec que l'on
atteint lorsqu'un gouvernement refuse de reconnaître le bien-fondé
de certains adoucissements de ses politiques en matière fiscale,
économique, parfois même culturelle. Une société qui
se dit tolérante et accueillante doit savoir faire preuve de pragmatisme
plus d'une fois au cours de son histoire. Parfois il vaut peut-être mieux
oublier les intentions fondées sur le repli de soi-même et faire
preuve de moins d'orgueil, de manière à faire
bénéficier l'ensemble des Québécois des
retombées éventuelles d'investisseurs désireux de
s'implanter chez nous. Dernièrement, l'animateur bien connu Pierre
Nadeau recueillait des opinions selon lesquelles plusieurs investisseurs se
disaient motivés à s'installer dans des provinces canadiennes
mais qu'une certaine réticence s'emparait d'eux lorsque s'offrait le
choix de venir au Québec. Il est normal que des investisseurs
éprouvent une certaine crainte, ne sachant trop bien le sort que leur
réservera un gouvernement aussi incohérent en matière de
planification économique.
Pour ce qui est de la collaboration syndicale, en somme, avant de
connaître si oui ou non les syndicats poursuivront leur lutte au point de
paralyser l'ensemble des secteurs public et parapublic, il nous faut souligner
au gouvernement qu'il a manqué la meilleure chance de sa vie en
matière de relations du travail au Québec. En effet, au cours des
dernières années, le syndicalisme fondé sur une
stratégie essentielle et
idéologique s'est peu à peu transformé en un
syndicalisme davantage axé sur une dimension d'affaires. C'est pourquoi
il ne faut pas s'étonner du fait que le front commun ait
récemment proposé plusieurs voies de sortie, tel
l'étalement du gel des salaires, de manière à poursuivre
le dialogue avec le gouvernement. Cela aurait été beaucoup plus
démocratique.
Malheureusement, les syndiqués se sont butés à
l'entêtement du gouvernement péquiste de revenir sur des droits
acquis, après qu'il eût lui-même consenti à des
avantages substantiels aussi bien salariaux que normatifs, lors des
dernières rondes de négociations. En d'autres termes, le
gouvernement a échappé cette chance de pouvoir offrir une
alternative quant à la nature même du déroulement des
négociations en refusant d'explorer les solutions de rechange. À
lui maintenant d'en subir les conséquences, tout en souhaitant que les
bénéficiaires des services publics soient épargnés
dans le cas où se brise le contrat social de notre province.
J'aimerais - deux minutes seulement -avant de terminer parler du
départ des entreprises. Voici les déclarations du
député et ministre, M. Landry: On ne regrette pas les
départs de nos maîtres. Voilà ce que déclarait le
ministre d'État au Développement économique, M. Bernard
Landry, en mai 1979. Je vous en citerai encore une autre, en juin 1980:
"Transfert de Montréal à Toronto: BP a pris une décision
logique et rationnelle". Quand on a des déclarations comme
celles-là, je vous assure qu'on ne va pas loin dans une province comme
la nôtre.
Parlons des décrets quelques secondes: On voit dans la Presse de
ce matin: "Québec impose des décrets, Parizeau invoque l'urgence,
gouffre financier en vue". J'ai fait un petit graphique ce matin, tout en
m'amusant, avant d'entrer en Chambre, de ce qu'on voyait en 1970-1976, selon le
graphique suivant, on parle des grèves et cela prend 1/2 pouce d'espace;
il s'agissait de quelques grèves seulement. Maintenant, ce qu'on voit de
1976 à 1981, le graphique est passablement plus haut, le double.
Lorsqu'on regarde les décrets, on ne les voit plus parce que cela
dépasse la feuille; les graphiques pour les décrets
dépassent la page...
Est-ce que je peux dépasser un peu, M. le Président?
Tantôt, ils ont obtenu trois minutes de plus. Cela ne sera pas long.
Le Président: En concluant, s'il vous plaît, parce
qu'il est 14 h 29 et votre temps de parole expirait à 14 h 29.
M. Houde: Très bien, M. le Président, je vous
remercie beaucoup. Encore une fois, j'ai constaté hier, comme nouveau
député, en faisant le tour du parlement ou encore la maison du
peuple, comme il y en a qui le disent, encore les portes fermées. C'est
à se poser des questions sur ce qui se passe avec le gouvernement qu'on
a actuellement.
Le Président: M. le député de Berthier, s'il
vous plaît; Je dois vous remettre à l'ordre sur ce point. J'ai eu
l'occasion d'expliquer hier, à la suite d'une question de votre leader
pour savoir qui avait pris cette décision, sans dire les raisons pour
lesquelles cela a été fait, mais la présidence n'a pris
que ses responsabilités.
Une voix: C'est une maison close.
Une voix: Pour ne pas qu'on s'échappe.
M. Houde: Je ne vous demanderai pas les raisons, M. le
Président. Aujourd'hui, le gouvernement péquiste veut faire payer
aux 300 000 travailleurs et travailleuses la mauvaise administration de ce
gouvernement. Qui sera la ou les prochaines cibles? Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est
très important et c'est très grave en même temps ce qui se
passe en ce moment; c'est d'une importance et d'une gravité sans
précédent. Sur les enjeux que cela comporte, il est
évident que l'Opposition ne sera pas d'accord; c'était couru
d'avance. Sauf quand l'évidence saute aux yeux, et encore, c'est devenu
une règle du parlementarisme, tel que nous le connaissons, le rôle
de l'Opposition, c'est d'être contre.
Dans certains cas qui sont particulièrement déchirants, et
on en vit un en ce moment, c'est une chose qui arrive aussi ça et
là du côté ministériel également et je dirais
que c'est dans l'ordre des choses. C'est ainsi - j'avais l'occasion de le dire
ce matin, que le Parlement devient une sorte de prétoire et chacun, s'il
y prend goût, s'il n'y prend pas garde, devient aussi un plaideur, avec
la déformation professionnelle de tous les plaideurs, dont le principal
élément, c'est d'avoir systématiquement des
oeillères. Également, forcément, c'est rempli pour
l'Opposition - ce doit l'être; c'est la règle du jeu - de calculs
tactiques. On en voit un bel exemple, en ce moment, chez nos amis d'en face.
(14 h 30)
D'une part, ce que fait le gouvernement, c'est évidemment
terrible. Cela les répugne profondément. Immense, incalculable
même est leur stupéfaction d'apprendre ainsi, en décembre
1982, ce que, pour l'essentiel, ils savaient fort bien depuis
juin 1982. Leur désir de savoir, même si tardivement, est
si insatiable qu'hier, à peu près tout le temps qu'a duré
le débat sur la motion d'urgence, ils se sont servis de leurs
exemplaires des décrets non pas pour s'y informer, mais pour les exhiber
et en faire un spectacle. Cela est venu après le refus qu'ils avaient
opposé, comme c'est leur droit, il y a deux jours, à l'offre qui
leur a été faite de fournir quelques personnes ressources
absolument non partisanes et en même temps parfaitement au courant des
faits principaux sur les contenus, de façon que l'Opposition puisse
avoir, elle aussi, le dessin aussi précis, aussi détaillé
que possible de ce dont il s'agit. Maintenant, c'est beaucoup moins fatigant et
c'est beaucoup plus conforme aux us et coutumes de déchirer ses
vêtements et d'en mettre et d'en remettre jusqu'à l'absurde, comme
le député libéral, hier soir, qui allait chercher jusqu'en
Pologne des exemples d'autocratie comparable à celle dont nous
offririons le spectacle, en ce moment, au Québec. Pour autant que je
sache, nos Lech Walesa ne sont pas au cachot même si c'est
déjà arrivé peut-être pour les chefs syndicaux, mais
c'était avant notre temps.
Une voix: Hem! Hem! Des voix: Ah!
M. Lévesque (Taillon): Donc, on a droit, ces
jours-ci...
Une voix: C'est fort.
M. Lévesque (Taillon):... sinon à du grand
spectacle, en tout cas à du très gros spectacle.
Mais, d'autre part - il faut faire attention - en même temps il y
a la tactique qui exige le respect de certaines règles de prudence
élémentaires. Il ne faut pas aller trop loin dans l'Opposition,
pas jusqu'au point où cela voudrait dire qu'à notre place, nos
amis d'en face laisseraient porter tout simplement et qu'ils ne feraient rien.
Dans les contextes où nous sommes, ce serait le comble de
l'absurdité. Alors, bien sûr que non. Mais qu'est-ce qu'ils
feraient exactement? Bien malin qui saurait le dire.
On n'a pas beaucoup le temps d'évaluer toutes les panacées
qu'on glisse ça et là dans les interventions depuis deux jours.
On glisse cela négligemment comme quelqu'un qui n'a pas lu un livre,
mais qui a lu certains extraits de critiques, et cela fait bien dans les salons
de montrer qu'on est au courant. Mais il faut manier cela avec des pincettes,
avec beaucoup de précautions. Il ne faut pas non plus donner
l'impression à la population que si elle était ici, à
notre place, avec les responsabilités que nous avons à assumer,
les interlocuteurs et les partenaires syndicaux n'auraient plus qu'à
partir avec la caisse. Il ne faut surtout pas, ce serait malsain
électoralement. Il n'y a pas le moindre soupçon de blâme
dans ce que je dis, c'est un pur et simple constat. Je crois que le Parti
québécois, quand il était dans l'Opposition, a fait la
même chose dans des circonstances, non pas équivalentes, car il
n'y a pas de précédent à ce qui se passe en ce moment dans
la société, mais dans des circonstances, disons, d'une certaine
analogie quand cela s'est présenté.
En fait, je serais plutôt porté à ressentir une
certaine admiration, parfois. C'était le cas hier soir, par exemple,
devant la candeur de renard bon apôtre avec laquelle le
député de Jean-Talon nous servait, avec toute son onction, des
bribes de vérité dont chacune, quand même, était
soigneusement enveloppée de cinq fois ou dix fois son poids ou son
volume de caricature de la réalité. J'ai même failli
pleurer sur moi-même en entendant cet être vraiment trop sensible
qu'est le député de Laporte qui reprenait au sujet de votre
serviteur, d'un ton parfois compatissant, parfois comminatoire, tous ces
"memérages" que d'aucuns multiplient couramment pour le bon motif. Si le
temps me le permet, d'ailleurs, j'aimerais y revenir, mais seulement si le
temps me le permet parce que c'est plutôt loin du fond du sujet.
Le fond du sujet, il ne se trouve surtout pas dans ce numéro de
l'Opposition éminemment classique que nous servent, comme c'est normal,
je pense bien, nos amis d'en face et aussi certains de leurs haut-parleurs
à l'extérieur. Le fond du sujet, je voudrais le situer le mieux
possible autour de deux expressions consacrées qui servent à
décrire, en le simplifiant à outrance, ce qui serait censé
être le devoir d'Etat de n'importe quel gouvernement. La première
de ces expressions - c'est une vérité de La Palice jusqu'à
un certain point - est "gouverner, c'est prévoir". En face, on s'en est
servi, depuis une couple de jours, pour prétendre que nous ne l'avions
absolument pas fait.
Je dois faire un aveu tout de suite: on n'a pas tout prévu, c'est
sûr, et loin de là. Vous savez, quand je regarde ce qui se passe
un peu partout dans le monde, et non seulement au Québec, je me dis que
le marché des boules de cristal est vraiment à la baisse par les
temps qui courent. Il n'y a pas beaucoup de prophètes qui circulent
où que ce soit dans le monde en ce qui concerne les situations
auxquelles doivent faire face les sociétés, quelles qu'elles
soient, dans le monde occidental comme partout ailleurs sur la planète.
Seulement, pour ce qui est de prévoir un peu, si on me le permet
brièvement, je voudrais - c'est toujours un peu présomptueux,
mais c'est peut-être indiqué - me citer moi-même dans
une intervention que j'avais l'occasion de faire ici, en Chambre,
à la fin de 1977. À ce moment, il s'agissait de proposer ce qui a
été accepté, ce qui a passé pour une sorte
d'angélisme, parce qu'on voulait en faire une sorte de coup de semonce
collectif jusqu'à un certain point. Cela n'a pas été
très imité. Il s'agissait de geler, ce qui a été
fait d'ailleurs, tous les traitements parlementaires pendant l'année
1978, après quoi, comme chacun le sait chez les députés -
on aura l'occasion d'en reparler ces jours-ci quand on en arrivera à la
Loi de l'Assemblée nationale - depuis 1978, la reprise des augmentations
parlementaires s'est faite sur la base de 6% maximum chaque année.
Pendant que, tout de même, admettons-le, pendant ces cinq mêmes
années, les conventions collectives, celle d'avant notre gouvernement,
celle d'après aussi, celles que nous avons signées
prévoyaient des augmentations qui étaient de l'ordre devenu un
peu traditionnel de 12% avec les échelons, etc.
Ce que nous avions à dire à la fin de 1977, il y a cinq
ans, presque jour pour jour - c'était en décembre 1977 -
s'était dit longtemps avant qu'une foule de gouvernements d'aujourd'hui
où que ce soit dans le monde occidental, certainement longtemps avant
qu'Ottawa qui s'est réveillé au mois de juin 1982, ou avant
qu'aucune autre province, pour autant que je sache, ne s'éveille
à certains problèmes et à certaines des contraintes qui se
dessinaient déjà. Je me souviens que je disais ceci: "On ne doit
pas se compter d'histoires - 21 décembre 1977 - parce qu'on est rendu
très loin sur ce chemin - c'est-à-dire le chemin de tous les
désirs qui se transforment en besoins et qui éventuellement
deviennent soi-disant des droits acquis - au Québec et au Canada. Il va
tout de même falloir cesser une bonne fois pour toutes de se fermer les
yeux sur une certaine tendance empoisonnée à la compensation
maximale pour le moindre effort, qui se répand et se
généralise sous nos yeux, en nous comme autour de nous, et qui,
si on la laisse s'implanter trop longtemps, risque de finir comme une tradition
qu'on se transmet de père en fils. "
Par exemple, je me contente de ce passage: "Au lieu de se réduire
quelque peu, de se contracter ou, en tout cas, à tout le moins de se
maintenir, presque sans exception - ce qui arrive - les écarts tendent
à s'accroître entre les plus modestes et les mieux nantis, entre
les faibles et les puissants, entre les hommes et les femmes au travail. Comme
les besoins, les désirs et les appétits ont, en revanche, leur
propre tendance extraordinairement uniforme et qu'on pourrait dire
géométrique à grandir pour tout le monde, il y a quelque
chose là qui est décidément malsain et, aussi, quelque
chose d'explosif à terme, si on ne réagit pas un peu. "Ainsi, par
exemple, - aussi bien le dire franchement, parce que tout le monde sait que
c'est vrai - les secteurs public et parapublic, où la
sécurité d'emploi est de règle, et où les avantages
qu'on dit marginaux sont généralement meilleurs que partout
ailleurs, doivent comprendre qu'ils sont devenus indiscutablement la locomotive
et le wagon de tête à la fois de toute la société et
qu'on ne peut pas continuer indéfiniment à devancer ainsi, sans
cesse davantage, le reste du convoi où se trouvent quand même tous
les autres qui font les frais de l'addition. " (14 h 40)
C'était en décembre 1977. Il me semble que cela correspond
assez bien. En tout cas, cela prend une certaine actualité par les temps
qui courent. De ce côté-là, ce que nous avons
pratiqué par la suite, ce que nous prêchions pendant les cinq ans
et quelques mois qu'a duré le premier mandat du gouvernement, en
particulier ce qu'on a pratiqué au moment des négociations de
1979, pas autant que nous l'aurions dû sans doute - aujourd'hui, on peut
dire cela - ni bien sûr, - et cela, c'est sûr - pas autant que nous
l'aurions fait si nous avions pu prévoir la crise que personne ne voyait
clairement venir avec l'intensité meurtrière qu'elle a prise
depuis l'été de l'an dernier, l'été 1981...
Tout de même, en douze mois, en 1979-1980, c'est-à-dire
à peu près la moitié ou parfois même le tiers du
temps que cela prenait auparavant, on a abouti à un règlement,
cette fois-là, qui, tout compte fait, réduisait au moins
d'à peu près 15% à 10% l'écart, tel qu'il
apparaît dans les appareils de mesure dont on dispose, tel qu'on peut
l'évaluer avec ce qu'on a comme critères de comparaison, donc,
cela réduisait, en 1979, au début de 1980, de 15% qu'il
était à environ 10% l'écart, le fameux écart entre
la rémunération du secteur privé et celle du secteur
public. Et soit dit en passant, parce que cela a été
évoqué, vu que c'était à la fin de 1979, au
début de 1980, je dois dire que ce n'était pas un
règlement préréférendaire. On savait que le
référendum s'en viendrait quelques mois plus tard. En tout cas,
ce n'était sûrement pas un règlement
préréférendaire comparable au règlement
préélectoral que nos prédécesseurs avaient fait en
1976. Je me souviens des fois très nombreuses où j'ai
été obligé de dire à des gens qu'on rencontrait et
qui étaient nos amis, mais qui étaient également
impliqués dans les négociations du front commun à quel
point, souvent, on a été obligé de dire: Ce n'est pas
possible - parce qu'il y avait parfois certains chantages de ce genre-là
-d'aller prétendre acheter votre vote référendaire, quel
qu'il soit, à même les fonds publics. Et c'est, je pense, ce qu'on
a évité de faire.
Parallèlement, pendant ce temps, les dépenses de
l'État, qui avaient grimpé presque de façon
géométrique pendant les quelques années qui nous avait
précédés, c'est-à-dire que cela avait
dépassé, non seulement atteint, mais dépassé, des
augmentations de 20% par année à certain moments. Ces
dépenses de l'État, on a réussi quand même à
les ramener - cela n'a pas été facile - à des niveaux qui,
en moyenne, ne dépassaient pas vraiment ou ne dépassaient pas du
tout, la plupart du temps, le niveau de l'inflation. Un des facteurs de ces
compressions - aujourd'hui on sait que c'était insuffisant, mais on les
a faites quand même - ce fut de contrôler les effectifs, les
effectifs de la fonction publique et, autant que possible, des
réseaux.
Je dois souligner que, jusqu'en 1976 -c'était établi
depuis assez longtemps cette tradition - le nombre des employés de
l'État grimpait gaiement d'environ 3% à 4% par année,
année après année. En cinq ans, on a quand même
réussi à ramener cela à la croissance zéro - pour
employer une expression à la mode - et même un peu moins que la
croissance zéro, parce que, globalement, il y a moins d'employés
du secteur public aujourd'hui qu'il n'y en avait en 1976. Pourtant il y a quand
même eu des réformes très importantes qui ont
impliqué des organismes nouveaux, qui ont impliqué de
l'administration nouvelle, que ce soit la protection du territoire agricole,
l'assurance automobile, etc., des choses très importantes qui
créaient des besoins massifs au point de vue administratif. Mais en
tenant tout cela ensemble le mieux possible, on a quand même
réussi, globalement, à ramener à zéro, et
même à un peu moins que zéro, la croissance d'ensemble des
effectifs qui étaient portés à monter sans arrêt
depuis des années.
On pourra nous dire - je pense qu'on ne se gêne pas pour le dire -
qu'il y a trop de cadres encore par rapport à ces effectifs. C'est vrai
que le taux d'encadrement dans le secteur public est excessif. Il y a trop de
chefs, encore aujourd'hui, pour le nombre d'Indiens qui sont là au
travail. On en est bien conscient et on sait aussi que ce n'est pas facile de
faire cette compression, qui est en marche et qui va continuer, avec autant de
détermination que, quand même, une façon civilisée
de procéder; les deux sont nécessaires.
Je vous donnerai un exemple. Aux Affaires sociales, juste pour
l'année 1981-1982 - je dois dire tout de suite que c'est là que
l'effort a été le plus consistant, le plus persistant - les
postes - je ne parle pas des employés, surtout pas de ceux qui ont leur
permanence, mais des postes, les chaises -syndiqués ou syndicables qui
n'étaient pas remplis et qui ont été abolis
représentaient 3, 4% du total. La même année 1981-1982, les
postes de cadres, aux Affaires sociales, eux aussi non remplis et abolis par
rapport aux effectifs totaux, c'était 4, 2%, autrement dit tout
près de 1% de plus de postes de cadres abolis que de postes d'effectifs
syndiqués ou syndicables. Ce n'est pas extravagant comme
résultat, mais, enfin, il y a là une détermination qui va
persister à essayer de réduire ce taux d'encadrement qui
était devenu excessif, c'est vrai. Je crois qu'on arrivera à
corriger complètement cette disproportion numérique entre les
deux secteurs de l'administration.
Donc, pour tout résumer, on n'a pas tout prévu, c'est
évident. Sans doute, on aurait dû resserrer davantage - je veux
bien l'admettre - mais c'était difficile avec les lumières dont
on disposait et surtout avec ce climat où les esprits, nous autres,
comme tout le monde au Québec et comme tout le monde dans la plupart des
sociétés de l'Occident, ne voyaient vraiment pas venir le genre
d'urgence que la crise nous a infligée depuis ce temps. Dans ce climat,
on a tâché de notre mieux au moins de renverser une vapeur qui
était devenue une tendance enracinée dans une sorte d'illusion
tenace et qui est toujours longue à dissiper, l'illusion tenace du
caractère illimité de la croissance et des ressources. Depuis
quasiment le lendemain de la seconde guerre mondiale, tout le monde avait pris
cette habitude de croire qu'il n'y avait pas de limite à la croissance,
qu'il y avait toujours des ressources pour faire face non seulement aux besoins
mais aux désirs, même de choses pas essentielles. C'était
dans les mentalités, cela l'est encore jusqu'à un certain
point.
C'est un peu à cela qu'on fait face dans le moment. C'est ainsi,
par exemple, qu'à la veille des élections l'an dernier, au mois
de mars 1981, avec les risques politiques, parce qu'il y en avait quand
même, que cela pouvait comporter, nous avons tenu à
présenter avant de lancer la campagne électorale - c'était
sans précédent aussi - au mois de mars, c'est-à-dire
à peu près un mois avant la date normale du dépôt
des budgets, le budget 1981-1982 qui prévoyait 1 000 000 000 $ de
compressions et, finalement, on en a réussi 800 000 000 $,
c'est-à-dire un genre d'effort d'austérité qui
était absolument sans précédent, autant que je sache, dans
l'histoire politique du Québec.
Voilà comment nous avons essayé sur le plan de la gestion
de prévoir, au moins le mieux possible, tout en gouvernant tant bien que
mal, pendant que les choses devenaient difficiles, et elles l'étaient
depuis quelques années.
Pour finir ce récit très sommaire, il y a une autre
expression qui, elle, est moins connue et qui prétend elle aussi dire ce
que cela doit être que d'exercer la responsabilité
gouvernementale. C'est une expression qui
s'applique elle aussi et très singulièrement,
dramatiquement, à ce qui s'est passé depuis l'an dernier
jusqu'à ce moment. Cette expression, c'est: gouverner, c'est choisir.
Elle vient d'un homme à qui cela permet de rendre hommage juste en
passant, mais qui le mérite. C'est Pierre Mendès France, l'ancien
premier ministre français dont on sait à quel point il a eu des
choix déchirants à faire dans le contexte de l'époque et
de son pays au moment de la guerre de l'Indochine, etc, qui s'en était
fait un slogan et qui l'a pratiqué de son mieux pendant le peu de temps
qu'on a enduré ce genre de caractère décidé.
C'était que gouverner, c'est choisir.
Cela est vrai tout le temps aussi. C'est aussi vrai, sinon plus, que
gouverner, c'est prévoir. Il y a toujours des choix. Tous ceux qui ont
passé par un Conseil des ministres ou par n'importe quel groupe de
décisions administratives, politiques ou économiques, peu
importe, savent à quel point tout finit par se résoudre par des
choix. Il y a toujours deux plateaux, quand il n'y en a pas quatre ou cinq,
dans chaque balance, quand on arrive devant tel ou tel problème ou tel
ou tel projet, même, et c'est là que la tradition s'est
établie. Enfin, à l'occasion, on finit par avoir un peu le
vertige et on se fait dire: Voici: hypothèse un, hypothèse deux,
hypothèse trois, cela peut aller jusqu'à quatre ou cinq, et dans
chaque cas: Voici les avantages, les inconvénients, tout cela
scrupuleusement préparé par l'administration et ensuite, on est
là et on dit: II faut choisir.
Mais ce genre de choix devient plus malaisé, plus douloureux que
jamais, évidemment, quand on est en période de crise et que les
urgences s'entassent les unes par derrière les autres. C'est à
cela qu'on ne cesse pas d'être confronté à peu près
sur tous les sujets possibles et imaginables depuis la cassure catastrophique
de l'activité économique qui s'est produite au mois d'août
et au mois de septembre 1981 et qui s'est poursuivie depuis. D'ailleurs, cette
cassure a été clairement décrite - je ne reviendrai pas
là-dessus - avec toutes ses conséquences de plus en plus lourdes
par le ministre des Finances, hier, quand il faisait son intervention sur la
motion d'urgence. (14 h 50)
C'est comme cela qu'on est arrivé à des choix qui font
partie de la responsabilité du gouvernement, des choix
extraordinairement exigeants et, à beaucoup de points de vue,
déchirants. Le premier, on l'avait quand on s'approchait, quand on
arrivait face à face avec l'échéance du 1er juillet l'an
dernier, c'est-à-dire face à ces augmentations qui avaient
été négociées de bonne foi pour les six derniers
mois de 1982, mais négociées en 1979 et qui, désormais,
dépassaient nettement et tragiquement si on avait laissé aller
les choses, la capacité de payer de l'État, c'est-à-dire,
en fin de compte, la capacité de payer de nos concitoyens, de la
collectivité.
C'est comme cela que dès le mois d'avril, bien avant
l'échéance du mois de juillet - au début d'avril 1982 -
à la conférence économique ou, comme on dit, au sommet de
Québec, on a mis sur la table, comme l'a rapporté, je pense,
hier, le président du Conseil du trésor, tout ce qui pouvait
décrire la situation, ses implications sur l'équilibre des
finances publiques. Aussitôt que tout cela a été clairement
expliqué, mâché, répercuté autant qu'on le
pouvait dans les médias d'information, au-delà des manchettes et
des rumeurs, comme des blocs concrets de la situation collective au point de
vue économique, au point de vue financier, au point de vue
budgétaire du Québec, sitôt après, avec un certain
minimum de confiance, nous avons enchaîné, dès la mi-avril,
avec des propositions à nos interlocuteurs syndicaux du front commun.
Ces propositions étaient de demander la réouverture des
conventions collectives pour ces six derniers mois et de demander si on ne
pouvait pas négocier ensemble ce qu'on a appelé le gel
modulé, c'est-à-dire un gel progressif qui protégerait les
bas salariés, comme on le sait, les plus bas salariés du secteur
public, et qui exigerait de plus en plus de participation, de plus en plus de
sacrifices, si on veut - il n'y a pas d'autre mot - de la part des
salariés mieux nantis. Cela a été refusé d'une
façon qui a flotté dans le paysage avec des "peut-être ben
que si" et des "peut-être ben que non", mais, finalement, cela a
été très clairement refusé au bout de quelques
semaines.
Alors, on avait un choix. Ou bien c'était de casser des
conventions tout de suite et d'imposer une décision gouvernementale,
unilatéralement, sans autre forme de procès, exactement comme
l'ont fait, chacun à sa façon, quelque temps après - cela
n'a pas été long - le gouvernement fédéral,
à Ottawa, avec ses 6% et 5% et aussi le gouvernement de l'Ontario; on
avait ce choix. Ou bien on avait cet autre choix qui était de nous
donner, c'est-à-dire de donner au trésor public, en fait, et de
donner aux contribuables québécois cette police d'assurance qui
s'appelle la loi no 70, qui prévoit la récupération qui va
commencer le 1er janvier, mais en éliminant au moins, dès le
départ, 56 000 des fonctionnaires les plus modestes ou les
employés les plus modestes du gouvernement et des réseaux des
Affaires sociales et de l'Éducation, et environ 120 000 autres qui
auront moins à contribuer pendant ces trois mois du début de
1983; donc, une police d'assurance parce qu'on y a inscrit quand même,
dans cette loi no 70, notre volonté, comme gouvernement, de
négocier si possible, et notre espoir si
possible aussi, d'en arriver à un règlement.
Cette décision, ce choix, il est venu après je ne sais pas
combien de discussions, de consultations entre nous, de ce
côté-ci, aussi bien au Conseil des ministres qu'au Conseil des
députés, et, finalement, si j'ai bonne mémoire, c'est
à l'unanimité, après avoir pris le temps de
réfléchir, de consulter au besoin à l'extérieur,
qu'on a fait ce choix qui nous paraissait être dans la ligne normale
d'une négociation en période de crise. Évidemment, cela a
été dit - je pense bien que c'est vrai; on le sait maintenant -
on a cru que, finalement, c'était du bluff, que le gouvernement
bluffait. Cette impression ou cette illusion de bluff, évidemment,
s'appuyait sur une tradition déjà vieille de 18 ans, une
tradition qui veut que, dans ces négociations triennales qui reviennent
comme un cauchemar de trois en trois ans, le front commun ne peut pas faire
autrement que de gagner pour l'essentiel et que le gouvernement ne peut pas
faire autre chose que de reculer pour l'essentiel, parce que le contraire
n'était jamais arrivé. Comme le contraire n'était jamais
arrivé, on se disait que cela n'arrivera pas non plus cette fois-ci,
sauf que tout cela était un peu jouer à l'autruche. On refusait
de voir - pourtant, tout autour de nous, elle était là de
façon de plus en plus claire et de plus en plus tragique pour tellement
de gens - que la crise, forcément, nous amenait à changer -on ne
pouvait pas faire autrement - ce qui avait été jusque là
les règles du jeu. C'est ainsi, après la loi 70 en juin, que
s'est poursuivi jusqu'à l'automne ce dialogue de sourds; il y a eu un
simulacre de négociations avec l'automne, selon le scénario
classique où tout le monde joue à la cachette aussi longtemps que
possible. Cela nous a menés au 18 novembre, le mois dernier, où,
encore une fois, il y avait un choix à faire. C'était ou bien de
laisser traîner les choses, les laisser aller comme cela,
indéfiniment, pendant des mois, dans le maquis, ou alors de fixer une
échéance. C'est cette dernière attitude que nous avons
choisie parce qu'il y avait un choix qui s'imposait. C'est ce que j'ai eu
à dire au nom du gouvernement dans la déclaration
ministérielle que j'ai faite le 18 novembre, c'est-à-dire qu'il
fallait absolument que ce soit réglé avant la fin de la session.
Réglé, fixé.
Il s'agissait - c'est clair, on le répète depuis deux
jours et on aura à le redire, pourquoi il fallait régler avant
les fêtes -premièrement, de protéger les salariés
modestes contre la récupération de janvier, février et
mars et cela exigeait qu'on change les dispositions contenues ou prévues
dans la loi 70 avant le 1er janvier; il s'agissait aussi d'avoir le minimum
vital de sécurité dans l'évaluation des dépenses
auxquelles on aura à faire face à compter de 1982-1983. Le budget
1982-1983 commence le 31 mars, pour ce qui est des dépenses; c'est dire
qu'au plus tard le 31 mars, il faut que ce soit fixé. Le ministre des
Finances l'a longuement expliqué hier, je n'ai pas à revenir
là-dessus.
La perspective des dépenses, combien cela va coûter - on
sait que c'est 52% ou à peu près de tout le budget d'environ 20
000 000 000 $ du Québec qui sont impliqués - pendant
l'année qui vient, il faut que ce soit connu aussi clairement que
possible dès le début de l'année. Pour imprimer les
dépenses prévisibles et les imprimer correctement pour que ce
soit déposé ici, en Chambre, avant le 31 mars, il faut tout de
même que quelque part en janvier, et pas tard en février, ce soit
connu, ce soit fixé le mieux possible. Il fallait faire ce choix non
seulement sur l'enveloppe salariale, mais aussi sur certains aspects essentiels
des conditions de travail dans lesquelles, pour cette année et aussi
pour l'an prochain, et autant que possible pour l'avenir, encore une fois, des
centaines de millions sont en jeu dans ces conditions de travail, il fallait
quand même commencer à prévoir une
récupération là aussi. C'est peut-être un
péché commun - cela m'a été dit ces jours derniers
- c'est sûrement un péché commun qu'on a commis, les
gouvernements successifs et nos interlocuteurs syndicaux, celui de la
facilité, d'une extraordinaire tendance à dire: On n'est pas
obligé de travailler aussi fort ici qu'à côté de
chez nous et un peu partout ailleurs, sur le continent nord-américain
dont, pourtant, nous faisons partie et avec lequel il faut quand même
être compétitif à tous les points de vue.
À partir de là, il y a eu cette dernière
échéance, ce dernier choix qui a été fixé et
qui nous a amenés ici, depuis hier. Entretemps, à partir du 18
novembre et jusqu'à la semaine dernière, ainsi que nous
l'espérions, il y a eu aussi une ronde intensive de négociations,
une ronde vraiment structurée et vraiment consistante de
négociations. Bien sûr, cela s'est déroulé à
huis clos; c'était l'entente normale que font les parties quand arrive
cette espèce d'entonnoir final qui doit leur permettre de se concentrer
exclusivement sur ce qu'elles ont à faire entre elles. Cela s'est donc
déroulé à huis clos comme il se doit et cela a duré
le plus clair de deux semaines. C'est vrai aussi, comme il est normal que
ça le soit, qu'avec des ministres, formant autour du président du
Conseil du trésor le comité ministériel des
négociations, qui est chargé d'évaluer, de fixer les
mandats et d'en suivre le déroulement, c'est vrai qu'il y avait aussi,
évidemment, le négociateur en chef du gouvernement et les autres
négociateurs. Il y avait aussi mon chef de cabinet, ce qui me
permettait, comme c'est normal quand arrive le point culminant - et je pense
qu'on ne
peut pas l'éviter - de pouvoir suivre, moi aussi, de jour en jour
et, à certains moments, d'heure en heure, ce qui se passait. (15
heures)
Là-dessus, je dois dire exactement comme je le pense, que non
seulement je sais à quel point sont faux et injustes les ragots que le
député de Sainte-Marie est allé ramasser à je ne
sais pas quelle source, polluée par l'idéologie ou par la
déception ou par les deux à la fois, mais je sais aussi à
quel point cela ne correspond d'aucune façon au dévouement ni
à la loyauté éprouvée des hommes qu'on calomnie
ainsi d'une façon proprement inqualifiable. Quoi qu'il en soit, au bout
de ces deux semaines, même si le gouvernement avait vraiment tout mis sur
la table dans cette ronde ultime, cela n'a rien donné sauf de pouvoir
s'entendre entre les parties sur le fait qu'il restait un écart
absolument infranchissable, c'est-à-dire un écart proprement
milliardaire.
Il y avait le dernier choix. Là aussi, il y a eu des pressions,
il y en aura toujours dans ces circonstances, et dernier choix, c'était
ou bien d'étirer encore, cela nous a été
suggéré par certains des interlocuteurs d'en face, de s'en aller
dans le maquis à travers un bout de temps en 1983, avec les risques que
cela comporte et que j'ai décrits il y a quelques instants, mais de
faire cela aussi sans bonne foi au fond parce qu'en conscience on savait qu'on
avait atteint l'absolue limite de ce qu'on pouvait accepter de laisser-aller,
c'est-à-dire l'absolue limite des compromis ou des concessions
possibles. C'était ou bien cela, qui n'aurait pas été de
très bonne foi, de traîner comme cela indéfiniment, ou
alors d'agir sans plus tarder comme on l'avait annoncé à la
mi-novembre. C'est ce choix que nous avons fait. Est-ce que j'ai besoin
d'ajouter que ce n'est pas de gaieté de coeur et d'ajouter aussi que
nous sommes bien conscients du fait que c'est un geste sans
précédent parce qu'il est évident aussi que la situation
est sans précédent?
C'est-à-dire que depuis que le syndicalisme existe dans le
secteur public et le secteur parapublic, il n'y a jamais eu de crise comparable
à celle qu'on vit et qui s'est aggravée sans arrêt depuis
le milieu de 1981. Cela n'a pas existé. Je veux bien qu'on fasse
semblant de se voiler la face et de se dire on flotte en dehors de la
réalité, mais il suffit d'ouvrir les yeux et de regarder ce qui
se passe autour de nous, il n'y a rien eu d'aussi grave, ce n'est pas la
même chose, c'est sûr. Heureusement, il y a des filets en dessous
des gens aujourd'hui, des filets à certains points de vue lamentables.
Il n'y avait pas d'aide sociale dans les années trente, il n'y avait pas
non plus certaines garanties que représente, par exemple,
l'assurance-chômage pendant un certain temps. D'une certaine façon
peut-être, c'était moins dur à d'autres points de vue, on
tombait de moins haut. Chose certaine, il n'y a jamais eu rien d'une
gravité comparable à ce qui se passe en ce moment depuis au moins
50 ans. Quand une situation est sans précédent il peut arriver
que cela ait des effets et qu'eux aussi soient sans
précédent.
Il est évident que dans le passé récent,
c'est-à-dire depuis le milieu des années soixante, à la
faveur d'un contexte de prospérité et de certaines illusions
qu'on véhiculait tous ensemble, les syndiqués du secteur public
ont pu réaliser d'abord et cela s'imposait, un rattrapage absolument
nécessaire par rapport au secteur privé parce qu'il y avait une
exploitation absolument inqualifiable dans le secteur public jusqu'aux
années soixante. Ensuite, en continuant sur la lancée, on est
parvenu à obtenir une rémunération meilleure, de
négociations en négociations, des conditions de travail de plus
en plus avantageuses, bref, d'accumuler une énorme masse d'acquis. Cette
énorme masse, je me souviens, on l'a exhibée hier, c'est ce qui
est représenté par ces milliers de pages de conventions
collectives presque de modèle industriel dans bien des cas et qui, de
virgule en virgule, de quart de minute en quart de minute et de quart d'heure
en quart d'heure finissent par baliser d'une façon qui, à cause
de toutes les complications qu'on y a introduites finit par être la
négation même d'un minimum vital de productivité et de
performance. Ce n'est pas un blâme pour les employés un par un. On
a une fonction publique qui est aussi compétente que n'importe où
ailleurs, aussi capable de performer que n'importe où ailleurs. Elle
s'est améliorée au point de vue de ses compétences, au
point de vue de ses qualifications, d'année en année, depuis une
vingtaine d'années.
Seulement, elle est littéralement encarcanée dans... Je
suis bien sûr qu'individuellement, il y a d'innombrables syndiqués
dans les secteurs public et parapublic qui en sont non seulement conscients,
mais qui ont hâte d'être débarrassés d'une partie de
ce carcan, mais ils sont devenus encarcanés dans ce genre de monstre qui
était là hier, exhibé en Chambre, et qui est le contenu
des décrets. Jusqu'ici, dans les circonstances qu'on appelait normales,
le rapport de forces patron-employés, malgré certains accrochages
- il y en a eu - a pu jouer librement sans que soit mise en péril la
situation financière de l'État ni non plus la situation
d'ensemble des citoyens qui paient la note. Les conditions faisaient donc que
la recherche d'un accord négocié, cela prenait une importance -
on l'a vécu, je pense, à chaque étape - quasi absolue et
jusqu'à la dernière nuit, la dernière heure de la
dernière nuit, il y avait des concessions, des concessions et,
finalement, sans aucune exception Jusqu'à présent, le
front commun avait, grosso modo, emporté le morceau. Mais ce n'est plus
possible. Et cela nous a amenés à faire, évidemment, ce
qu'aucun employé du secteur privé n'est obligé de faire.
Quand une entreprise privée - c'est parce que c'est plus difficile
à cerner, on le sait, c'est plus difficile à caricaturer aussi ou
à déformer -dépasse la limite de ses capacités,
qu'elle ne peut plus payer, pour tout le monde, la sanction est bien connue,
c'est la fermeture, à l'extrême limite, ou alors des mises
à pied qui s'enfilent en cascade, surtout si la situation continue
à s'aggraver.
C'est comme cela qu'on a vu, partout aux États-Unis et au Canada,
des dizaines et des centaines de milliers de travailleurs qui, pour sauver leur
emploi - parce que combien de centaines de milliers l'ont perdu aussi, mais
ceux qui ont réussi, de peine et de misère, à sauver leur
emploi - ont accepté, ont été obligés,
forcés littéralement le pistolet sur la gorge, d'accepter des
gels pendant des mois et des mois, des baisses de salaire, dans bien des cas
des reculs normatifs pour garder l'entreprise en vie, pour protéger leur
job et pour maintenir aussi un certain minimum d'activités dans
certaines localités ou certaines régions. Souvenons-nous ici au
Québec du cas de Canadian Celanese, par exemple, dans la région
de Sorel qui, après sa fermeture et son rachat, a été
amenée littéralement à proposer un recul massif au point
de vue des salaires et des conditions de travail dans l'ensemble à ses
employés pour pouvoir continuer à fonctionner.
Le même genre de sacrifices obligatoires s'est produit à
Forano, par exemple, il n'y a pas si longtemps. Aux États-Unis, les cas
impérieux, gigantesques de GM et de Chrysler, sont encore dans tous les
esprits. Chez Chrysler, on en avait un rappel pendant les derniers jours, et
cela nous rappelait, avant même de donner un coup de main à
Chrysler, au moment où elle était sur le bord de l'abîme,
que c'est le gouvernement américain, sauf erreur, qui avait exigé
qu'il y ait une baisse des salaires pendant X temps avant même de
consentir à aider à renflouer la grande corporation automobile.
Et l'on sait que des mises à pied, cela, veut dire, en partant, 40% du
salaire qui vient de disparaître - dans bien des cas, c'est plus encore -
que cela peut durer deux, six ou douze mois et même davantage, quand ce
n'est pas définitif et, à ce moment-là, le recyclage, tu
peux l'attendre longtemps, surtout quand tu as dix, quinze ou vingt ans
d'ancienneté, comme cela se produit de plus en plus dans un
métier très précis et, tout à coup, le
métier te part d'en dessous des pieds.
Si on veut garder un certain sens de la perspective, il faut tout de
même rappeler qu'au maximum, ce que prévoit la loi no 70, c'est
une récupération de 5% sur une base annuelle, c'est-à-dire
un peu plus de 19% et quelque chose pendant trois mois - c'est très
exactement un peu moins de 5% sur une base annuelle, c'est le maximum -
après six mois, en 1982, où les augmentations qui filent
jusqu'à la fin de cette année ont représenté entre
6% et 8%, en tout cas, sûrement entre 6% et 7% d'augmentation sur une
base annuelle, c'est-à-dire 12% à 14%, grosso modo, en six mois.
Je ne dis pas que c'est gai. Tout le monde sait que ce n'est pas gai, mais,
d'un autre côté, si on veut comparer ce qui se passe, et c'est
quand même important, parce que c'est l'ensemble de la
société qui se trouve hors du secteur public et qui le regarde
aller, il nous semble que, tout en étant cruel, sans
précédent, douloureux, c'est quand même conforme un peu
à ce que doit faire un secteur public, ce que doit consentir un secteur
public au moment où le reste de la société est dans
l'état que nous savons.
Il est évident qu'il faut agir de cette façon ou ne pas
agir du tout. Il ne sert à rien de se raconter des histoires, parce
qu'on ne peut pas faire de mises à pied en cascade et on ne peut
sûrement pas faire des fermetures. On ne ferme pas des hôpitaux. On
ne ferme pas des centres d'accueil pour les personnes âgées. On ne
ferme pas les écoles, autant que possible. On ne ferme pas non plus - il
y a des gens qui rêvent à cela, parfois, on en ferme quelques-uns
- on ne peut pas non plus, dans l'ensemble, fermer les ministères ni
fermer le secteur public. Seulement, la capacité de payer de
l'État et de la société n'est quand même pas
illimitée, elle non plus, pas plus que dans le secteur privé.
C'est lui qui, finalement, alimente tout cela en grande partie. (15 h 10)
C'est comme cela qu'on est arrivé à demander, au
printemps, ce qui nous paraissait civilisé, logique et rationnel, de
renoncer partiellement, pas totalement, à cette augmentation d'entre 12%
et 14% qui était devenue totalement, absolument démesurée
par rapport à l'état de l'économie. Il nous a
semblé que c'était au nom du bien commun, au nom de
l'intérêt de l'ensemble de la collectivité. Alors, comme le
consentement n'a pas été obtenu et que les
événements ont ensuite continué à
s'enchaîner, on est arrivé à la situation dans laquelle
nous sommes aujourd'hui, avec les choix que le gouvernement a été
appelé à faire et qu'il ne pouvait pas éviter.
C'est sûr que personne ne va accepter de gaieté de coeur de
se voir retirer une partie - même si elle est minime dans beaucoup de cas
- de ce qu'il ou de ce qu'elle considère comme son dû. C'est vrai
pour tous ceux à qui cela arrive en ce moment de façon souvent
beaucoup plus
brutale. C'est vrai qu'il est difficile de renoncer à des
avantages acquis, de sacrifier des avantages collectifs qui ont
été gagnés de haute lutte, c'est vrai, et de façon
qui était évidemment très légitime.
Vous savez, dans un contexte comme celui-là, il n'y a pas
beaucoup de recettes qui peuvent paraître facilement acceptables - moi,
je n'en connais pas - pour ceux qui sont affectés par le genre de
mesures que nous avons dû prendre. Mais en l'absence d'un accord
négocié, il n'y a pas de façon de procéder - je
n'en trouve pas en tout cas -qui soit douce, gentille et facilement acceptable
chaque fois que l'on remet en question des acquis.
L'offre que nous avons faite en avril dernier a été faite
sérieusement, de bonne foi, avec la pleine conscience cependant
-c'était notre premier choix et il fallait le faire - qu'en cas de refus
il faudrait procéder autrement pour atteindre les objectifs
fixés. Et il est grandement dommage, il est tristement dommage - mais on
n'y peut rien - que certains aient considéré que la loi 70
était une sorte de bluff et qu'on n'avait pas à la prendre au
sérieux. On avait tout mis sur la table, on avait mis tous les chiffres
et même les prévisions les plus sûres qu'on pouvait avoir et
qui étaient moins noires que celles qu'on peut faire aujourd'hui en
voyant la fin de 1982 et les perspectives de 1983.
Il est évident que tout cela, même si on l'a fait en
conscience, comme on croyait devoir le faire, ce n'est pas ce qui va nous faire
remporter, comme gouvernement, des concours de popularité,
sûrement pas à court terme. Mais nous n'avons pas l'intention,
parce que nous n'en avons pas le droit, de dévier de la décision,
du choix qui a été fait.
Maintenant, où allons-nous avec tout cela? On s'est beaucoup
référé, et on va continuer sans doute à s'y
référer, au passé au cours de ce débat comme au
cours des négociations. Mais, si on laisse de côté le
passé - il le faut bien à un moment donné -et même
qu'on oublie juste un peu le présent - même si on est
plongé dedans jusqu'au cou - pour jeter un coup d'oeil sur ce qui s'en
vient, la première chose à laquelle on s'arrête
normalement, par les temps qui courent, c'est au mois de janvier où il y
a des gens qui nous prédisent quasiment les trois cavaliers de
l'Apocalypse, le chaos social, la grève illimitée, etc.
J'espère et même de plus en plus je crois pouvoir avoir
confiance - d'après les indications que nous en avons - que cela ne
prendra pas cette ampleur que certains voudraient imaginer catastrophique. Il y
a une tendance naturelle, dans les médias d'information - parce qu'une
mauvaise nouvelle, c'est ce qui fait la nouvelle - de glonfer cela un peu, et
c'est normal.
J'espère qu'on nous prendra au sérieux cette fois-ci comme
gouvernement si j'affirme très simplement que, si jamais quelque chose
comme cela devait arriver, toutes les mesures nécessaires - avec toute
la vigueur nécessaire - seront prises pour que les citoyens ne soient
pas privés indûment de services qui sont toujours essentiels
à longueur d'année et qui peuvent l'être
particulièrement pendant la saison froide, pendant l'hiver que nous
connaissons dans notre climat. Nous ne pourrons pas accepter ce genre de
réactions que certains nous promettent, mais je crois
profondément que pendant la période de réflexion que
représente le temps des fêtes, une très grande partie,
sinon la majorité des syndiqués des secteurs public et
parapublic, admettront - au fond d'eux-mêmes beaucoup d'entre eux
l'admettent et nous le disent, quand ils ont une chance d'en parler de
façon privée - que même si c'est dur, même si c'est
sans précédent, même si cela a certains aspects qui sont
durs à avaler, c'était quand même une chose qui s'imposait,
ce genre de décision qu'il a bien fallu décréter puisqu'on
ne pouvait pas s'entendre dessus. Ce qui pose évidemment une question
clé: Comment va-ton arriver, et au besoin, à changer autant qu'il
le faut, ce régime qui dure depuis 18 ans, on pourrait dire, qui
sévit depuis 18 ans dans les secteurs public et parapublic? Pour
aujourd'hui, je me contenterai simplement de dire que j'ai confiance
qu'à tête reposée, une fois passées les
effervescences normales et toutes les réactions que les circonstances
comme celles que nous traversons amènent inévitablement, on
pourra aborder et on l'abordera avec nos partenaires syndicaux la façon
de sortir de ce climat. Il y a moyen de trouver cette façon. Il y a
moyen de sortir de ce climat qui, de trois ans en trois ans, sans arrêt
depuis bientôt vingt ans, nous fait vivre pendant trop longtemps à
chaque fois une espèce de climat qui a quelque chose de franchement
psychiatrique à certains moments et qui est malsain à tout point
de vue et qui finalement, n'est pas rentable, ne donne pas de résultats
dignes de la société que nous sommes devenus ici au
Québec.
Je crois qu'une bonne fois pour toutes, il va être possible
bientôt de s'entendre aussi sur ce problème. Cela permet toujours
à certains de douter de tout et de dire: On peut jouer avec les
chiffres, sur ce perpétuel problème des données, des
chiffres, des comparaisons, de toutes les informations essentielles qui
permettent de juger de la situation d'une société et de sa
capacité de payer à tel ou tel moment de son histoire.
Il y a eu une offre qui a été faite à nos
interlocuteurs syndicaux pendant les dernières semaines
récemment, de mettre sur pied un groupe ou un organisme qui serait
conjoint et qui aurait à sa portée, sous sa
direction, toutes les compétences et tous les équipements
nécessaires pour pouvoir faire de façon permanente ce genre de
calcul, ce genre d'évaluation et de comparaison, de façon qu'on
puisse avoir, bien avant l'expiration des décrets qui sont devant nous
en ce moment, bien avant cette échéance qu'on puisse avoir toutes
les données de part et d'autre qu'il y a un accord là-dessus.
C'est une des choses qui tend à empoisonner ou en tout cas qui donne la
tentation d'empoisonner à chaque fois le climat de n'importe quelle
négociation.
Si on regarde un peu plus loin, on voit que ce sera d'autant plus
important d'avoir cette idée de façon permanente, claire et nette
de la capacité de payer de la société -c'est un mot
à la mode, on parle beaucoup de virage - qu'on est dans un sacré
virage. Ce virage, on l'appelle virage technologique. Oui, c'est vrai. Quand on
dit virage technologique, avec l'ampleur que cela a pris, c'est évident
que cela veut dire un virage économique. Cela veut dire aussi, quand
c'est vaste comme cela, qu'on sent que cela s'en vient tout autour de nous et
qu'on est déjà dedans, cela veut dire un sacré virage
social et un virage psychologique aussi pour tout le monde.
Au début du siècle, il y a eu un virage comme cela.
C'était une vraie mutation. C'est un mot qui est à la mode aussi.
Vers le début du siècle, il est arrivé tout à coup,
dans des sociétés qui étaient toutes agricoles, où
on avait encore 20% ou 25% au minimum de gens qui travaillaient le sol
simplement pour produire la nourriture pour tout le monde. En avalanche, en
quelques années, l'automobile, suivie du tracteur, du camion, enfin de
tout le reste de cette nouvelle révolution industrielle, et l'avion
éventuellement et tout ce qui a été le contexte dans
lequel depuis 50 ou 60 ans, le monde a progressé comme jamais, mais cela
n'a pas été facile, ce virage au début du siècle.
Je ne remonte pas jusque là tout à fait, mais il demeure quand
même que je me souviens, pendant les années vingt où on
était petit gars, etc. à quel point il y avait encore tout un
tiraillement interne dans notre société comme dans les autres
à propos de toutes ces substitutions qui s'étaient faites de
travail et à quel point cela pouvait être douloureux pour ceux qui
n'étaient pas recyclables, ceux qui étaient poignés, si
vous voulez, dans la société qui nous partait d'en dessous des
pieds et qui n'étaient pas capables de s'ajuster à la
société nouvelle qui était en train de se dessiner. La
même chose se produit en ce moment. Il ne faut pas se conter d'histoires.
Cela s'accumule devant nous sans arrêt comme tableau et, comme les autres
fois, c'est douloureux et ce ne sera pas un cadeau de réussir à
s'ajuster à ce monde-là. (15 h 20)
La société, tu as l'impression que c'est comme un homard
qui est en mue. Il vient de perdre la carapace, l'articulation qui le tenait
ensemble depuis 50 ou 60 ans. Il est en train de la perdre, mais il y a autre
chose qui est en train de grandir, mais c'est "toffe". Ce n'est pas facile de
passer à travers ce genre de transition parce que d'une récession
à l'autre, et la crise actuelle c'est toute une récession, on
remarque depuis une quinzaine d'années, et c'est un
phénomène qui s'accentue, que chaque fois qu'il y a une reprise,
il reste quand même plus de chômeurs qu'auparavant, que la
proportion de chômeurs ne se résorbe pas parce que pendant ce
temps-là les emplois traditionnels, les emplois sur lesquels on pensait
pouvoir compter sont disparus et cette tendance est en train de
s'accentuer.
L'autre jour, j'ai vu un exemple très simple. Cela touche
l'acier, qui a été au coeur de tout le développement
industriel, l'équipement lourd, l'automobile, etc., depuis 50 ans. Il y
avait des manifestants en France qui s'étaient donné rendez-vous
- c'était une drôle de coïncidence - sous la tour Eiffel ou
à côté de la tour Eiffel, je viens de lire ça. Cela
a permis à des commentateurs de rappeler qu'en 1887 il avait fallu 7000
tonnes de fer pour grimper la tour Eiffel au-dessus de Paris et que le jour
où on aura à la remplacer, si on la remplaçait
aujourd'hui, ça prendrait à peine 2000 tonnes d'acier tel qu'on
le connaît aujourd'hui. C'est-à-dire que c'est comme une peau de
chagrin, les marchés diminuent.
Aux États-Unis, l'acier fonctionne actuellement à 37% ou
38% de sa capacité et ça dure depuis un bon bout de temps,
ça ne s'améliore pas. Qu'est-ce qui arrive pendant ce
temps-là? C'est le poids des automobiles, c'est toute une série
d'autres choses qui se produisent et il y a un avenir important pour le
Québec là-dedans, on le sait, c'est en train de se dessiner. Au
magnat de l'acier, coeur du développement industriel, certains autres
matériaux sont en train de succéder, en particulier l'aluminium.
Regardez le tableau qu'on peut faire de l'automobile depuis à peine cinq
ou dix ans et, livre par livre, c'est l'aluminium qui augmente parce qu'il est
léger, qu'il a sa durabilité, pendant que l'acier s'en va
tranquillement.
Dans les canettes que tout le monde emploie - je voyais que le dernier
chiffre aux États-Unis, et ça s'en vient chez nous aussi et
ailleurs - c'est que ces canettes de bière, de "soft drinks", de soda
pop, etc., tout ce qu'il y a de canettes vient de dépasser 50% aluminium
et l'acier fiche le camp.
Comment va-t-on s'ajuster à ça et tout le reste, la
micro-électronique, les ordinateurs dans les écoles, etc. ? Une
chose est certaine, c'est que ce ne sera rien que
pas facile et c'est de ce côté-là qu'il faut bien
regarder et cesser de s'accrocher, souvent même si c'est douloureux,
à ce qui s'en va et plutôt accueillir et essayer de
maîtriser ce qui arrive, ce qui s'en vient.
Il y a des jeunes qui le comprennent mieux que nous heureusement.
Au-delà de tous les commentaires savants ou savantissimes et toutes
sortes de choses qui nous compliquent constamment la vie parce qu'on ratiocine
sans arrêt sur des évidences, il y a un jeune étudiant de
première année à l'université qui a publié
quelque chose l'autre jour, qui s'appelle: Un avenir à négocier.
Je ne lirai pas tout ça, mais c'est à conseiller. C'était
le 28 octobre 1982 et il disait ceci à propos de ce contexte de
difficultés sociales, de négociations avortées, de
compressions qu'il faut bien s'imposer: "Ma génération -en
parlant de lui et de ceux qui l'entourent ne sera pas membre de la fonction
publique avant longtemps puisque la croissance faible de l'emploi public semble
s'installer pour un bon bout de temps. - On ne pense pas à ça
parfois. - On ne retrouvera pas les étudiants actuels professeurs non
plus puisque ceux des cégeps sont bien jeunes encore, malgré ce
qu'en dit M. Laurin -c'est lui qui a écrit ça - et plusieurs de
ceux du secondaire sont en disponibilité. Les jeunes de ma
génération, on ne les retrouvera pas davantage dans le reste de
la fonction publique puisque là aussi on parle davantage de gel de
l'emploi que d'engagements massifs pour les prochaines années. Ce qui
fait que, nous, les chômeurs diplômés ou non, pourrons
être tentés de dire aux centrales syndicales qu'on est bien mal
venus de vouloir une plus large part du gâteau quand le seul fait de
détenir un emploi est devenu une chance insigne. "
C'est vrai, ça aussi, et c'est l'avenir qui nous attend,
c'est-à-dire que c'est à ça qu'il faut travailler, qu'il
faut consacrer toutes nos énergies parce que l'avenir, c'est d'abord
notre volonté, notre capacité de nous attaquer aux effets de la
crise, notamment aux problèmes du chômage, et l'avenir, c'est
toute cette jeunesse qui nous regarde aller et qui nous juge, nous, les
aînés, comme on dit, et qui attend au moins qu'on lui fournisse le
plus de chance possible de produire et de développer, au Québec,
ce qui est en train, comme tout le reste, de se métamorphoser autour de
nous. L'avenir, à cause de tout cela, c'est une société
où le dialogue essaie de s'établir comme un système et
où on peut parler sérieusement de concertation. J'ai bon espoir,
parce que les approches ont été faites - évidemment, le
dialogue n'est pas facile pendant les jours qui passent - que, quand on
arrivera aux premières parties de l'année 1983, vers janvier ou,
plus tard, en février, après les approches ou les
préconcertations qui ont été faites, enfin, au moins les
échanges qui ont eu lieu avec nos principaux interlocuteurs, il y aura
moyen de se remettre à table sur des choses concrètes qui
correspondent justement à un besoin absolu de la
collectivité.
L'avenir, c'est évidemment la capacité de se
débarrasser de certains vieux schémas pour pouvoir avancer sans
crainte et pouvoir sans crainte découvrir et innover et être aussi
compétitif et aussi compétent que n'importe qui dans le monde; on
a les ressources pour cela, humaines et matérielles, mais il faut se
concentrer là-dessus. L'avenir, bien sûr, c'est la capacité
de nos entreprises, leur capacité d'être compétentes,
d'exporter. Les jeunes étudiants que je citais tout à l'heure,
c'est de ce côté-là, forcément, que va se trouver
dans tous ces secteurs du monde qui se développent, mais d'une autre
façon que celle qu'on a connue et cela correspond admirablement aux
capacités de la jeunesse de s'adapter, c'est par là que se trouve
l'avenir. Ce qui fait que pour y arriver -cela a l'air peut-être un peu
baroque de dire cela en ce moment, mais quand même c'est vrai et cela va
rester vrai - c'est qu'il faut pouvoir compter ensemble sur un minimum vital de
solidarité, sur le dynamisme qu'on accentue le mieux possible de tous
les agents qui sont les moteurs de l'économie parce que c'est elle qui
nourrit tout le reste. Notamment, on sait qu'on peut compter et qu'on va
continuer à compter sur une fonction publique aussi compétente
qu'efficace et responsable aussi. Autrement dit, il faut qu'on préserve
les moyens si modestes qu'ils soient, les moyens que l'État
québécois a de contribuer, de façon significative,
à édifier cet avenir - c'est une image qui a été
employée récemment - cet avenir qui s'en va vers une
société qu'on connaît à peine et qui va être
différente. Une image que j'ai vue, il y a quelque chose qui est comme
un bébé qui achève de venir au monde, mais il n'est pas
encore sorti, on ne le voit pas, mais il donne des sacrés coups de pied,
par exemple. C'est une nouvelle forme de société qui se
développe autour de nous et il faut que, là-dedans, l'État
ait les moyens, si modestes qu'ils soient encore une fois, d'aider, de
façon significative, à trouver notre avenir dans cela. Quand on
sera sortis - pour parler, mais sans dramatiser comme Shakespeare
-c'est-à-dire que, quand on sera sortis du bruit et de la fureur
réelle ou simulée, selon les cas, que nous connaissons ces
jours-ci, j'espère qu'on verra que c'est dans ce sens-là, en vue
d'y arriver le moins mal possible, que nous avons dû décider de
poser les gestes que nous sommes en train de discuter.
En terminant, puisque j'ai encore une minute, contrairement aux potins
qui circulent en ce qui concerne votre humble serviteur, M. le
Président, face à l'esprit de décision, à la
cohérence et à la solidarité
dont le Conseil des ministres et le Conseil des députés
ministériels dans leur ensemble ont fait preuve - ce n'était pas
un cadeau et ce n'est pas un pique-nique d'aucune façon -durant la
période extrêmement difficile et souvent déchirante que
nous traversons depuis des mois et des mois, j'ajouterai simplement en ce qui
me concerne que je suis aussi fier que jamais, sinon plus, de diriger une telle
équipe. Même si, à l'occasion - on ne peut pas cacher le
fait que ce n'est pas un pique-nique, que ce n'est pas une partie de plaisir je
considérerais comme tout à fait irresponsable de songer
même à quitter le bateau au beau milieu de notre mandat et au beau
milieu des intempéries que nous avons à traverser. (15 h 30)
Le Président: M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Nous venons d'entendre le chef
d'orchestre...
Des voix: Oui, oui!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): cautionner par ses propos ce
que les autres musiciens nous racontent depuis des heures et continueront sans
doute de faire pendant des heures. Il y en a quelques-uns qui jouent un peu
faux à son goût l'autre côté. On a entendu le
député de Deux-Montagnes tout à l'heure, et on a
assisté à des expressions d'opinions qui divergeaient quelque peu
de ce que le chef d'orchestre vient de nous proposer.
L'orateur qui m'a précédé a tenté, à
toutes fins utiles, de cautionner les propos de tous ceux qui, du
côté ministériel, interviennent dans ce débat, de
cautionner une trame de messages assez simple, qu'on peut facilement identifier
du côté ministériel, soit que le gouvernement n'avait pas
le choix, à ce moment-ci, selon lui, de faire quelque chose de
dramatique, de poser des gestes sans précédent. On a eu droit
à une succession ininterrompue d'intervenants qui
réitéraient cet élément que le gouvernement n'a pas
le choix, sauf de faire des choses extrêmement dramatiques.
Deuxièmement, deuxième message: la solution retenue, celle
qui est décrite, est la seule qui s'impose à l'esprit des
péquistes et, donc, doit appeler une justification. Le premier message:
on n'a pas le choix; le deuxième message: il n'y a qu'une solution et
voici pourquoi. Le troisième message, qui découle un peu du
deuxième: il n'y avait rien d'autre à faire; personne d'autre n'a
de solution, personne d'autre n'a d'idée meilleure que le projet de loi
no 175, la loi 70 de l'été dernier et la loi 105 qui est devant
nous.
Pourquoi et comment le gouvernement peut-il dire aujourd'hui qu'il n'a
pas le choix? Les musiciens qui jouaient du piccolo, des petits instruments, un
peu plus à bonne heure, avaient plutôt tendance à donner
suite à l'exposé du ministre des Finances: "Voici comment les
finances publiques ont évolué depuis quelques années,
voici où nous en sommes aujourd'hui, voici où nous devrons aller
bientôt, à l'avenir". C'est, en gros, l'exposé qu'ont
repris les autres musiciens qui ont permis, par ailleurs, de constater
l'ignorance invraisemblable dans laquelle baignent les propos qu'on a entendus
ici depuis une journée et demie. On a vu un député de
l'autre côté ne même pas comprendre une question simple du
leader du gouvernement et abrier son ignorance par des petites allusions
amusantes, démagogiques. La question très claire du leader, que
nous reprenons souvent à l'adresse autant du président du Conseil
du trésor que des intervenants, est de savoir si ces gens connaissent au
moins la différence entre l'inflation, le produit intérieur brut,
les taux d'intérêt, la croissance des dépenses, la
croissance des revenus, la croissance des déficits, la croissance de la
dette et la croissance du service de la dette. Ce sont des
éléments tellement fondamentaux quand on parle de finances
publiques qu'il faut au moins pouvoir se démêler
là-dedans.
Je vais prendre un exemple simple: Même le président du
Conseil du trésor, dont on dit qu'il est très intelligent - il
faut admettre cela...
Une voix: C'est eux qui le disent.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):... se promène pour se
vanter que le gouvernement du Québec réussit un coup de
maître en maîtrisant la croissance de ses dépenses à
un taux qui est à peu près autour du taux d'inflation, sans
même se demander si cela a de l'allure de dépenser plus vite que
la capacité de payer des Québécois. Je demande aux
députés des deux côtés de l'Assemblée -je
sais que les réponses vont diverger pas mal selon le côté
qui répond - ce qu'ils en pensent. Disons qu'un individu reçoive
une rémunération de 16 000 $, 17 000 $ et qu'il soit promu ou
alors qu'il se fasse élire ici; il bénéficie donc quand
même d'un traitement différent. Quelqu'un peut connaître,
pour toutes sortes de raisons, une augmentation de 25% de ses revenus; il me
semble que c'est sa capacité de payer qui vient d'augmenter de 25%. Si
l'inflation est de 7% ou 8% autour de lui, est-ce qu'il devrait se trouver
intelligent de nécessairement limiter la croissance de ses
dépenses à 7% ou 8% ou 9% ou 10%?
L'inverse est aussi vrai. Si les revenus, la capacité de payer de
quelqu'un monte de 10%, de 10 000 $ à 11 000 $ par année,
pendant que l'inflation ne monte que de 5%, est-ce qu'il est intelligent
d'augmenter ses dépenses de 17%, 20%, 25%, 30% même si
l'inflation, au lieu d'être de 5%, est de 30% elle aussi? Si la
capacité de payer monte de 10%, si on a 10% de plus et que l'inflation
autour de soi est de 30%, est-ce que c'est intelligent de dépenser 30%
de plus plutôt que simplement 10% de plus?
C'est de cela qu'on parle. La façon de gérer les
dépenses publiques de telle sorte qu'elles se rapprochent beaucoup plus
de la capacité de payer des Québécois, que du taux
d'inflation qui est observé, qui nous entoure. C'est le joint que, dans
chaque discours, les intervenants ont manqué de l'autre
côté. La justification à laquelle on a eu droit a toujours
fait fausse route parce qu'elle était incomplète. On disait:
Voyez, les dépenses du gouvernement du Québec n'ont pas crû
plus vite que l'inflation. Or, les dépenses du gouvernement du
Québec ont crû plus vite que la capacité de payer des
Québécois. C'est cela, le problème. Ce n'est pas de se
limiter à l'inflation. Le véritable défi que le
gouvernement n'a pas relevé aurait été de limiter la
croissance de ses dépenses à l'accroissement de la richesse des
Québécois.
Étant donné qu'il y a urgence dans l'esprit du
gouvernement, étant donné qu'aujourd'hui il faut bien vivre avec
des résultats, le gouvernement doit faire quelque chose selon lui. Il
faut manifestement faire quelque chose, C'est bien évident. Tout le
monde est d'accord. Mais il y a la question de savoir si la solution qui est
retenue peut tenir à la lumière des justifications qu'on utilise,
peut tenir surtout comme étant la seule qu'un gouvernement soit
obligé de retenir dans les circonstances.
Deuxième élément, deuxième message qu'on
entend de l'autre côté de la Chambre depuis le début: les
lois 70 et 105 sont devenues l'incarnation, l'illustration, d'après le
PQ, de la seule et unique façon dont on doit régler le
problème des finances publiques. Si on s'arrête là, il faut
trouver une raison pour faire cela. On pourrait se demander quelle sorte de
justification le gouvernement pourrait employer pour démontrer que les
mesures qu'il adopte sont les seules qui s'imposent à l'esprit. On
aurait pu avoir un gouvernement qui dise: Toute mon action consiste à
restaurer - cela peut être un objectif de finances publiques - la marge
de manoeuvre du gouvernement sur les marchés financiers. Cela peut
être un objectif en soi et, à ce moment-là, toutes les
décisions dans tous les cabinets doivent procéder de cette
volonté politique exprimée de restaurer la santé des
finances publiques. (15 h 40)
Un gouvernement peut dire, au contraire: Cela va être la
création d'emplois qui va alimenter toutes et chacune de mes
décisions chaque fois que - gouverner, c'est choisir, effectivement -
chaque fois qu'on devra choisir, on choisira les mesures qui créent des
emplois. Point à la ligne. Concentrer toute la volonté politique
d'un gouvernement derrière cet objectif permet d'arriver à
quelque chose. Pour un autre ensemble de raisons, pour des raisons qui
s'expliquent par une vue de notre société, par une vue de la
façon dont on peut la faire prospérer, un gouvernement pourrait
dire: Nous allons, dans chaque décision que nous allons prendre, dans
chaque geste que nous allons poser, trouver une façon d'améliorer
le climat de telle sorte que nos entrepreneurs québécois et les
gens de l'extérieur du Québec trouveront attrayant de faire des
choses ici, de faire affaires ici et, donc, de créer des emplois ici.
C'est la façon plus indirecte de créer des emplois, mais qui
m'assure, comme citoyen, qu'il y a quelque chose de plus permanent qui vient
s'installer au Québec, des investissements comme tels qui,
créateurs d'emplois par la bande, si on veut, viennent augmenter
l'inventaire de toutes nos richesses.
On pourrait dire: Nous allons constamment avoir un seul souci, nous
rendre, nous, les Québécois et notre environnement, plus
concurrentiels, donc tendre à faire baisser toutes les charges qui
pèsent sur les individus et les entreprises au Québec. Simplement
comme objectif de volonté politique, nous allons tendre à cela au
lieu de continuer, comme le ministre des Finances le fait - il le dit, c'est
son droit, c'est sa philosophie et son idéologie; "vous ne pouvez
toujours pas reprocher cela à un gouvernement social-démocrate -
de faire de la fiscalité de gauche. " Effectivement, on ne peut pas
reprocher à un gouvernement social-démocrate de faire de la
fiscalité de gauche, mais, s'il y a un coût associé
à cela, je pense qu'il faut que les Québécois sachent que
cela coûte quelque chose d'avoir un gouvernement social-démocrate
qui fait de la fiscalité de gauche, alors qu'en Amérique du Nord,
à peu près partout ailleurs, ce n'est pas ce qui se passe. S'il y
a un coût d'associé à cela, il faut que les
Québécois le sachent et l'acceptent; et, s'ils acceptent, les
gouvernements qui décideront de pratiquer ces politiques continuellement
seront toujours réélus si véritablement c'est
là-dessus que les citoyens se prononcent.
Il y a une cinquième ou une sixième justification, M. le
Président, qui tenait - le gouvernement l'a découvert - à
l'écart qui aurait existé entre la rémunération
dans le secteur public et la rémunération dans le secteur
privé. Cela peut être exprimé comme une volonté
politique, aussi. En matière de finances publiques, on peut
ériger en principe directeur principal qu'il faut effectivement que la
rémunération des gens du secteur public se rapproche, soit
comparable à celle
des travailleurs et des travailleuses du secteur privé. Et c'est
là que le gouvernement a découvert quelle devait être sa
volonté politique. Cela n'a pas été de retenir les autres
éléments que j'ai mentionnés d'abord. Cela a
été de découvrir - parce que la population avait
été préparée depuis huit mois - que les sondages
récents, encore hier, indiquaient que la vaste majorité de la
population croyait qu'il était souhaitable, qu'il était urgent
dans certains cas, que les écarts entre le secteur public et le secteur
privé soient ramenés à zéro, donc, que les
rémunérations soient comparables dans ces deux secteurs
d'activités. Ah bien là! Ils ont trouvé leur
volonté politique dans les sondages. Un gouvernement qui trouve sa
volonté politique, non pas dans un programme, non pas dans la formation
et l'expérience des gens qui le composent, non pas dans la recherche des
objectifs les plus grands possible pour la société
québécoise, mais dans les sondages; quand ce n'est pas en lisant
les journaux, c'est en faisant faire des sondages à même les fonds
publics. La volonté politique préfabriquée à
même les fonds publics, c'est le fondement même de la loi 70 et du
projet de loi no 105. C'est aussi simple que cela.
Cela s'imposait d'autant plus qu'on tente de faire accréditer
deux autres thèses, troisième message: que rien d'autre n'est
possible. Donc, on n'a pas le choix; les finances publiques, c'est effrayant.
Deuxièmement, on va fesser sur les employés du secteur public.
Troisièmement, on ne peut pas faire autre chose et il n'y a pas d'autre
suggestion possible, car quels sont les choix?
Du côté du gouvernement, depuis des années, les deux
arguments qu'on entend sont: c'est la faute des autres ou alors c'est parce
qu'on n'est pas indépendant. Ce sont les deux arguments qu'on entend
régulièrement. C'est le choix politique du gouvernement et il a
décidé qu'il pouvait justifier ses échecs à cause
du fait que le Québec n'est pas un pays indépendant. C'est un
choix de société, c'est un choix politique, c'est une vision de
l'avenir pour les Québécois que partagent tous les
péquistes. Cela devient donc un argument important, sauf que dire qu'on
n'est pas indépendant, cela ne règle pas le problème des
finances publiques aujourd'hui. Par ailleurs, dire que c'est la faute des
autres, chose certaine, en termes pratiques, cela ne règle pas
grand-chose, non plus.
Il faudrait se demander si les péquistes sont même capables
de concevoir des alternatives à ce qu'ils sont en train de faire. Cela
me rappelle un souvenir de lecture d'un homme politique français - moi
aussi, je vais en citer des hommes politiques français - qui a
écrit un volume intitulé Le Mal français et qui disait:
"Notre culture nous empêche de critiquer notre propre culture. La
façon dont on évolue, la façon dont on est formé,
les genres de discours qu'on persiste à tenir nous empêchent de
nous critiquer nous-mêmes. " Effectivement, les péquistes sont
incapables, à la lumière de ce que j'ai décrit, de lever
les hypothèques qu'ils ont eux-mêmes imposées aux
Québécois, lorsqu'on voit que la volonté politique du
gouvernement actuel n'est pas manifestement d'attirer les investissements, que
les comportements et les discours auxquels on a droit sont constamment
productifs d'un effet cumulatif à l'endroit des gens d'ici et des gens
de l'extérieur du Québec quant à l'attrait qu'il y aurait
pour eux d'investir et de créer des emplois ici, lorsqu'on voit qu'il y
a tellement de gestes possibles à poser - nous les décrivons sans
cesse - en parlant de nous atteler en arrière des exemples de
volonté politique que j'ai exprimés tout à l'heure, qui ne
viennent pas de sondages et qui sont extrêmement difficiles à
comprendre.
Quand on lit les sondages, il est manifestement plus facile pour le
Parti libéral, à ce moment-ci, de contribuer, avec le
gouvernement, à frapper sur le secteur public, à frapper sur la
dignité des travailleurs du secteur public, à bafouer les droits
que ces gens ont acquis de bonne foi il y a trois ans et demi. C'est facile
électoralement de faire cela. Y'a rien là, comme le disait le
négociateur patronal à des syndiqués du secteur public qui
disaient: On met 1 000 000 000 $ sur la table. " Y'a rien là, disait le
gouvernement. C'est facile électoralement de faire cela, mais beaucoup
plus difficile de parler et de voter contre la loi 70, malgré ce que la
population, d'après les sondages, peut en penser. C'est beaucoup plus
difficile de se lever électoralement et de voter contre le projet de loi
no 105, parce que les sondages sont là pour indiquer que la plupart des
gens dans la population, qui ne sont pas dans le secteur public, trouvent que
c'est merveilleux de mater les syndicats, d'enlever de l'argent aux
syndiqués. (15 h 50)
C'est exactement le choix qui se pose aux Québécois avec
un gouvernement qui, à coups de sondages, prépare l'opinion
publique et l'exploite ensuite pour trouver des solutions à des
problèmes qu'il a lui-même créés et dont
l'idéologie l'empêche de concevoir quelque autre alternative que
ce soit pour régler les problèmes auxquels nous devons faire
face, d'une part. D'autre part, il y a les membres de ce côté-ci
de l'Assemblée qui partagent avec tous les autres le souci de
créer des emplois pour les Québécois, qui ne sont pas plus
que d'autres députés dans cette Chambre les victimes ou les
représentants de groupes d'intérêts ou de groupes de
pression. On écrira tout ce qu'on voudra, on dira tout ce qu'on voudra,
mais
tous les députés ici à l'Assemblée nationale
ont le même souci: la prospérité des
Québécois, mais pas au détriment de la dignité de
ceux qui, de bonne foi, ont acquis des droits à un traitement, à
une rémunération que le gouvernement leur a accordée de
bonne foi, il faut le souhaiter, à l'époque. Manifestement, la
bonne foi ne se retrouve plus que d'un seul côté dans les
supposées négociations que nous avons traversées. Quant
à moi, elle ne se retrouve que d'un côté à
l'Assemblée nationale, c'est du côté de l'Opposition.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Prévost.
M. Robert Dean
M. Dean: M. le Président, dans ce que vient de dire le
député de Vaudreuil-Soulanges, j'ai remarqué quelque chose
de très intéressant. D'abord, il est très vite sur la
gâchette avec le mot "ignorance" à l'égard de ses
collègues de l'Assemblée nationale et de bien d'autres gens. Je
lui demanderais de se souvenir des paroles célèbres d'un de ses
prédécesseurs, chef de son parti, dans les années
soixante, qui a traité, pendant qu'il était premier ministre, la
population du Québec de "non instruite". Il s'est fait sacrer dehors par
la population lors de l'élection suivante. Dans son cas, il a
traité le monde d'"ignorant" avant d'être élu. Donc, la
population qui sait compter, qui sait choisir et qui sait juger va faire de la
prévention positive cette fois et empêcher que ses
collègues et lui ne reprennent jamais le pouvoir.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition, sur une question de privilège.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le
Président. Simplement par respect pour la mémoire de M. Lesage,
je ne peux pas laisser passer cela. Je voudrais simplement rappeler que le
député aurait dû placer cela dans le contexte de
discussions très techniques qui avaient lieu à ce moment dans le
domaine des relations fédérales-provinciales. On parlait,
justement, de la formule Fulton-Favreau. Je termine sur ceci, M. le
Président, je ne veux pas abuser de votre patience. Il s'agissait d'une
formule très technique. C'est à cela que ces paroles - que je ne
défends pas, mais je veux qu'elles soient rapportées dans leur
contexte - se sont appliquées, simplement sur une question très
technique d'étude d'une formule très complexe.
M. Guay: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Guay: Par déférence pour le leader de
l'Opposition, je ne suis pas intervenu pendant qu'il parlait. Je pense que vous
avez compris - je ne voudrais pas que cela créé un
précédent - qu'une telle question ne constitue pas une question
de privilège. C'est vrai, il se peut qu'il y ait eu un contexte, mais
ceux que M. Lesage traitait de non instruits, les Québécois, ont
fort bien compris les désavantages de la formule Fulton-Favreau et l'ont
rejetée massivement. Ils n'étaient pas si non instruits que cela.
En ce sens, on ne peut pas soulever une question de privilège sur une
question comme celle-là.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
M. Dean: Une nouvelle question de privilège!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Levesque (Bonaventure): Sur les derniers propos tenus par le
leader adjoint du gouvernement, qu'il me soit permis de rappeler que cette
formule n'a pas été rejetée par la population, mais par le
gouvernement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Guay: Le chef de l'Opposition a techniquement raison. Le
gouvernement l'a retirée, mais l'Opposition a rejeté le
gouvernement de l'époque, notamment là-dessus.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
La parole est au député de Prévost.
M. Dean: M. le Président, je note que ceux qui aiment
piquer n'aiment pas se faire piquer.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Dean: Dans cette leçon de comptabilité que vient
de nous donner l'ancien vice-président de Power Corporation dans son
dicours, il a dit que le gouvernement ne pose pas de gestes qui favorisent
l'investissement au Québec. On continue toujours cette baliverne que
depuis l'avènement au pouvoir du Parti québécois,
depuis 1976, il n'y a pas d'investissement au Québec, en
dépit du fait, souvent répété ici en Chambre et
dans la population, que la création d'emplois et l'investissement dans
le secteur privé, des PME comme des grandes entreprises, ont
progressé au Québec pendant les premières années du
mandat du Parti québécois et n'ont commencé à
fléchir qu'avec cette terrible crise qui s'abat sur nous depuis le
milieu de 1981.
Je n'ai pas besoin de faire de recherches, M. le Président.
Pendant le premier mandat du Parti québécois, la
société Alcan a investi pour plusieurs centaines de millions de
dollars au Québec. General Motors a presque doublé son personnel
à Sainte-Thérèse, en plus de créer et d'implanter
une usine d'autobus à Saint-Eustache. Pratt and Whitney, à la
fine pointe de la technologie internationale, a presque doublé son
personnel avant d'être frappée par la crise. Le gouvernement
actuel a posé un geste positif en utilisant nos ressources
hydroélectriques pour inciter des entreprises privées à
augmenter leurs investissements, ce qui a déjà porté fruit
dans le cas de Reynolds, dans l'industrie des pâtes et papiers, et qui
portera fruit au cours des mois et des années qui viennent
également.
Au Québec, on a des ressources, on a du monde compétent,
et, malgré les rumeurs de catastrophe que nos amis d'en face
promènent dans les bureaux des entreprises de Toronto, de Détroit
et de Washington, en braillant et en semant n'importe quelle histoire de
Bonhomme Sept Heures au sujet des Québécois, les entreprises,
continueront d'investir au Québec.
Fiscalité de gauche? Je souligne au professeur de
comptabilité qu'en Autriche, qui est censé être un des pays
les plus à gauche des pays sociaux-démocrates d'Europe,
malgré les politiques de fiscalité de ce gouvernement et ses
politiques sociales, General Motors est en train de compléter et de
mettre en service une usine de moteurs et de transmissions de 3000
employés pour s'intégrer dans le réseau européen
d'usines de General Motors. Donc, ce n'est pas la fiscalité de gauche
non plus; c'est plutôt le manque d'équité, le manque de
confiance à l'égard de la population et du peuple
québécois que manifeste le Parti libéral qui font en sorte
que les entreprises se posent des questions par bouts.
Une voix: Très bien!
M. Dean: Finalement, rapidement, en passant, quand je vois le
député de Vaudreuil-Soulanges et ses collègues se porter
à la défense des travailleurs, je me pose des questions. J'ai
fait un petit sondage maison avec mes moyens limités de recherche. Parmi
les députés d'en face, II y a 13 avocats et notaires;
administrateurs de toute sorte, propriétaires, directeurs, mais pas
beaucoup de directeurs de grandes entreprises, plus de 30; producteur agricole,
1; professeurs, 5. Être travailleur syndiqué, je me
méfierais un peu de la qualité de défenseurs des
travailleurs des amis d'en face, surtout quand, de l'autre côté de
la bouche, ils charrient toutes les craintes des entreprises à
l'égard de certaines mesures sociales réelles ou
appréhendées qu'on pourrait apporter pour rendre la vie plus
équitable et plus juste aux travailleurs québécois.
Nous en sommes au débat en deuxième lecture de la loi 105.
Nous sommes rendus au moment de vérité. Que voulez-vous? Quoi
qu'on dise des stratégies, des tactiques de part et d'autre, qu'un parti
ou l'autre ait bien fait ou mal fait, ait pris la bonne ou la mauvaise
décision à un moment donné, nous sommes là en
pleine tempête, en pleine houle, le bateau est brassé, il faut
ramer et, en temps et lieu, après la tempête on remettra les
choses en place et on repartira à neuf.
Pourquoi est-on rendu là, M. le Président? J'essaie de
passer rapidement parce que, quand même, d'autres l'ont dit mieux et plus
longuement que je ne peux me le permettre avec le temps qui me reste. (16
heures)
Le gouvernement, que ce soit avant ou après les élections,
parle franchement à la population de problèmes financiers. On a
parlé de cette crise qui s'aggravait. Moins de travailleurs, parce qu'il
y a plus de chômeurs, moins d'impôt. Moins de profits, donc moins
d'impôt des entreprises. Moins de ventes, donc moins de taxes. Coupures
fédérales: moins de revenus qui viennent du
fédéral, donc, baisse de revenus. De l'autre côté,
augmentation des dépenses, taux d'intérêt
élevés qu'il fallait payer, aide sociale qui augmente durant
cette crise de façon démesurée, sauvetage d'entreprises,
nécessité d'aider à sauver des entreprises valables,
rentables, progressistes, qui étaient mal prises dans cette situation de
crise, nécessité de dégager des fonds pour la
création d'emplois et augmentations salariales du secteur public en
vertu des conventions collectives.
Le gouvernement a pris les mesures et il y a bien des gens dans notre
société qui ont payé leur part de cette crise.
Compressions de services à toute la population de 1 600 000 000 $. On a
doublé, pour les employeurs, la prime d'assurance-maladie du
Québec, 700 000 000 $. Donc, on a fait payer les employeurs. La taxe sur
l'essence et la taxe de vente: on a fait payer tous les consommateurs, et les
consommateurs d'essence en particulier. On en est venu au point de constater le
fait malheureux ou heureux que 52% du budget du gouvernement étaient
consacrés aux
salaires et avantages sociaux du secteur public.
Le gouvernement a donc tenu un sommet économique où il a
mis cartes sur table, dans un geste sans précédent, sur la
situation des finances du Québec: nécessité de reprendre
500 000 000 $ dans l'année financière 1982-1983 et
nécessité que cela se fasse cette année. Lors de ce
sommet, les parties patronale et syndicale - personne n'a contesté les
chiffres - tout le monde était d'accord qu'on ne devait pas taxer les
citoyens davantage. Tout le monde était d'accord qu'il ne fallait pas
faire d'autres compressions de services, si cela était humainement
possible. Donc, à la suite de tout cela, le gouvernement a
proposé aux employés du secteur public - c'est vrai, en plein
milieu d'une convention collective - un gel modulé des salaires qui
réduisait l'augmentation prévue pour les mieux payés, mais
qui la maintenait, en tout ou en partie, pour les moins bien payés.
Comme d'autres l'ont fait, M. le Président, on aurait pu songer
à procéder par décret. Je suis l'un de ceux qui ont
parlé contre cette idée. J'ai dit qu'il fallait aller au bout de
la convention collective avant de reprendre l'argent qu'on ne pouvait pas se
permettre comme gouvernement, comme collectivité de dépenser
durant l'année financière courante. C'était parce que le
gouvernement avait confiance dans la possibilité de négociations
qu'on a adopté la proposition d'ouvrir les conventions collectives.
Dans mon cas, M. le Président, quand est arrivé le projet
de loi no 70, j'ai voté pour et j'ai dit que j'espérais qu'il ne
serait jamais mis en application parce que j'avais confiance, à ce
moment-là, que les syndicats et les syndiqués du Québec du
secteur public trouveraient, face à la crise qui accable leurs
collègues, leurs camarades de travail du secteur privé, la
lucidité et le courage, devant les cartes sur table du gouvernement, de
jouer eux et elles aussi une carte, la carte d'une nouvelle solidarité,
la carte d'une solidarité sociale et nationale, la carte qui exprimerait
leur accord avec le principe qu'il fallait arrêter et éviter de
prolonger un déséquilibre des finances publiques et
dégager une marge de manoeuvre pour la création d'emplois dans le
sens que s'il fallait qu'on emprunte à un moment donné davantage,
que ce soient des emprunts pour soutenir et financer des investissements
créateurs d'emplois et créateurs d'emplois permanents.
À ce moment-là - je tiens à le dire -j'ai fait un
choix et mon choix a été un choix de syndicaliste et de
social-démocrate. Devant cette évaluation de la situation,
l'opinion que j'exprime aujourd'hui, je continue à dire que, face
à une crise sans précédent, mon choix est aussi un choix
de syndicaliste et de social-démocrate.
Les espoirs que j'avais selon lesquels on peut réussir par la
négociation à faire face à ce problème n'ont pas
été comblés. Nous sommes rendus au moment de
vérité. Il ne faut blâmer personne, surtout pas les
employés syndiqués des secteurs public et parapublic; on ne les
blâme pas, on ne leur reproche rien, on constate des faits. Devant les
faits, il faut poser des gestes. On est devant le fait de la
société québécoise depuis les années
soixante où, qu'on soit libéral, unioniste ou péquiste, on
a bâti une société québécoise, on a mis
l'accent sur le secteur public. Comme beaucoup d'autres pays colonisés
d'ailleurs, il fallait reconnaître l'importance du public pour faire nos
preuves comme administrateurs, pour essayer de diriger davantage notre
économie et peut-être pour faire preuve aussi de nos largesses
sociales. On a favorisé la syndicalisation presque à 100% des
employés du secteur public et on a fait preuve, face au droit de
négocier et au droit de grève, de cette force parfois
démesurée, dans le cas de personnes malades, âgées
ou autres où, parfois, la force syndicale peut paraître - et
l'être évidemment - démesurée dans ces
situations.
Le résultat de tout cela - tous les partis au pouvoir au
Québec, depuis les années soixante, sont conjointement coupables
en partie des erreurs et des excès - est qu'ils sont responsables aussi
du sens positif, du fait que cela ait permis aux Québécois
d'entrer dans l'ère moderne. Le moment de traquage et de chavirage est
arrivé; on a érigé un mât de 100 pieds en "BC fir"
sur une chaloupe. Il ne faut donc pas être surpris qu'en pleine
tempête le bateau risque de chavirer. Il faut trouver les moyens de s'en
sortir. Il faut bouger et vite.
Pendant cette année de tentatives de négociation, le
gouvernement a mis en vigueur un tas de mesures avec ses moyens limités
pour créer et soutenir des emplois. On a bonifié les programmes
existants, on a créé le bon d'emploi, on a créé des
milliers d'emplois temporaires, on a mis sur pied le programme Urgence-PME qui
a sauvé maintes entreprises, dont plusieurs dans mon comté. De
bonnes entreprises rentables, progressistes ont été
sauvées de la faillite. Ce programme a aussi protégé les
emplois des travailleurs en cours de route.
Corvée-habitation. Là, je souligne que ce sont les
travailleurs syndiqués qui ont contribué à cette
idée; les employeurs les ont suivis et cela a contribué à
la relance de l'industrie de la construction. Il y a aussi le programme
d'accès à la propriété, mais ce n'est pas assez.
Aujourd'hui, et dès le mois de janvier, il faudra déployer des
efforts encore plus massifs, avec le peu de fonds, le peu de
disponibilités que nous avons comme gouvernement provincial pour voir
à l'expansion industrielle, faire de la
modernisation, de l'implantation industrielle et créer des
emplois. Il nous faut même nous diriger vers une politique
intégrée et cohérente d'emploi où l'État et
ses partenaires sociaux se donnent comme priorité globale et absolue de
l'État, sur toutes les autres priorités, la création et le
soutien des emplois.
Ceci exige la concertation. Cela exige que les employeurs, les syndicats
et le gouvernement s'assoient à une même table pour
préparer la relance ensemble. Il s'agit de s'asseoir autour d'une
même table. Là, je fais référence à une
question du député de Jean-Talon hier soir. À certains
moments, il a posé de bonnes questions. "Le gouvernement a-t-il
l'énergie, la volonté de passer à travers la crise?"
Réponse: Bien sûr que oui. Il faut prendre des mesures
énergiques, rapides et courageuses. Face à une situation de fait,
c'est ce que le gouvernement fait. (16 h 10)
Que faire pour sortir le Québec de cette ronde périodique
qui blesse le Québec: les négociations, etc. ? Les structures de
nos négociations n'ont plus de bon sens. Il est vrai aussi, M. le
Président, qu'il faut sortir globalement de cette question, pas
seulement parler du régime de négociations dans le secteur
public: II ne faut pas encore une fois bâtir un mât de 100 pieds
sur la chaloupe, il faut faire en sorte qu'on bâtisse un bateau plus
solide qui soit capable de prendre le mât de 100 pieds, en "BC fin", M.
le Président. Pour ce faire, il faut, comme je l'ai dit, que le
gouvernement, les employeurs et les syndicats s'asseoient à la
même table. Pour ceux qui nient que ce soit possible, dans les autres
pays aussi où la concertation est devenue la marque de commerce d'une
relance et d'une santé économique et sociale depuis des
années, c'était toujours ou presque sans exception en état
d'extrême crise qu'est né cet esprit de concertation et de
relance.
Il faudrait, M. le Président, dès le mois de janvier, que
les employeurs, les employés des secteurs privé et public et le
gouvernement s'asseoient ensemble pour préparer la relance et sortir de
la crise ensemble sur la base de bâtir ou rebâtir une
économie québécoise basée sur la création de
richesses par l'extraction, la transformation de nos ressources et après
cela, la distribution de nos richesses à la population et le partage de
nos richesses via les services publics essentiels pour la population. Il faut
apprendre en ce faisant, M. le Président, il faut qu'employeurs et
employés arrêtent de se déchirer. Il faut se
reconnaître mutuellement. Il faut modifier radicalement nos façons
de voir et d'agir. Il faut parler d'emplois permanents, de
sécurité d'emploi en même temps que de rentabilité
et de concurrence internationale. Il faut que les mots obscènes d'une
partie et de l'autre soient bannis et deviennent un peu la base du dialogue des
uns avec les autres. Il faut pouvoir parler d'accès à la
syndicalisation en même temps que de productivité.
Il faut parler de licenciement collectif, mais dans un contexte de
recyclage et de relance d'entreprises. Il faut parler de régimes de
rentes pour permettre aux travailleurs de prendre leur retraite dans la
dignité en même temps qu'on parle de formation professionnelle
pour les jeunes travailleurs pour qu'ils entrent dans la force ouvrière.
Il faut que tout cela se fasse et c'est possible de le faire au Québec
dans le contexte actuel.
La loi no 105, on en est rendu là, M. le Président. Le
gouvernement ne peut pas faire plus financièrement, il ne peut pas faire
plus qu'il n'a déjà fait à la table des
négociations. Quand on ne peut pas, on ne peut pas. GM l'a connu,
Chrysler l'a connu, les petites entreprises le connaissent. J'ai
rencontré des travailleurs la semaine dernière; l'employeur a mis
cartes sur table: on ne peut pas donner d'augmentation cette année. Les
travailleurs ont fait vérifier les informations par des analystes. Ils
sont d'accord, ils ne s'énervent pas en fait comme des milliers et des
milliers et des centaines de milliers de Québécois qui eux sont
du secteur privé. Quand ils ont une annonce de mise à pied, ils
ont une baisse de revenus de 40% au moins, quand ils tombent sur
l'assurance-chômage. Ils connaissent le début de cette
période de chômage: ce n'est pas pour trois mois, c'est pour une
durée, comme on dit, indéterminée.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député.
M. Dean: En terminant, M. le Président, on ne peut pas
laisser traîner cette situation plus longtemps. Il faut préparer
dès le mois de janvier la relance. Il faut prévoir cette
concertation. On a dit à satiété que gouverner, c'est
choisir. En face des faits où il faut malheureusement pour des raisons
budgétaires, pour des raisons financières, choisir entre un gel
ou une récupération temporaire pour 15% des travailleurs
québécois et équilibrer cela dans l'intérêt
de 85% des travailleurs québécois qui sont en chômage ou
sous l'aide sociale, qui avec un courage inouï se donnent dans les
programmes de Chantier-Québec, qui se partagent le travail entre eux en
acceptant des baisses de salaire volontaires pour permettre aux
collègues de partager le travail, même si cela entraîne une
baisse de revenu. Dans cette relance, M. le Président, où il faut
mettre toutes les forces vives de la société
québécoise, il y a un rôle pour les hommes et les femmes
syndiqués du secteur public. Ce rôle, même en admettant que
c'est très difficile pour eux de vivre les
prochaines semaines et le moment actuel, c'est qu'ils continuent
à fournir des services à la population, aux plus démunis,
aux chômeurs, aux bénéficiaires de l'aide sociale, aux
blessés dans les accidents du travail. S'ils ne veulent pas le faire par
amour pour leur patron-État, qu'ils le fassent par amour et par
solidarité envers leurs collègues de travail en chômage,
bénéficiaires de l'aide sociale.
M. le Président, on dit: Gouverner ou participer au gouvernement,
c'est choisir. J'ai choisi et j'ai fait un choix de syndicaliste et de
social-démocrate. Même si cela fait mal à tous mes
collègues députés du côté ministériel
d'être obligés de le faire en face de la situation et même
si cela fait mal aux travailleurs du secteur public, il faut le faire dans cet
état de crise sans précédent. Il faut poser des gestes
sans précédent comme cela s'est produit à maintes reprises
dans le secteur privé dans les grandes, moyennes et petites entreprises
en Amérique du Nord. Choisir, M. le Président? J'ai choisi et je
dis encore que c'est un choix de syndicaliste et de social-démocrate que
j'ai fait. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon, une question de règlement.
M. Rivest: M. le Président, le député de
Prévost me permettrait-il une courte question?
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vous rappelant
seulement qu'en vertu de l'article 100, si le député de
Prévost accepte la question, c'est un consentement tacite. S'il
n'accepte pas, je passe à l'autre intervenant. Acceptez-vous, M. le
député de Prévost?
M. Dean: Oui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui? M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, le député a
parlé dans son intervention d'un choix. Est-il au courant qu'aujourd'hui
une donnée importante, je pense, a été publiée qui
est celle de l'opinion de la population du Québec où seulement
27% des Québécois, en vertu d'un sondage - un sondage, cela vous
dit quelque chose CROP? favorisaient la méthode d'une loi et la
méthode des décrets?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Prévost.
M. Dean: M. le Président, quoi qu'on en dise et quelle que
soit la façon dont on interprète les sondages, le gouvernement a
un choix à faire. Il évalue la situation et il fait un choix.
C'est sur ce choix qu'on est solidaire et c'est sur ce choix qu'on sera
effectivement jugé dans les mois et les années à venir par
cette même population, pas par des sondages de compagnies de sondage,
mais par des sondages électoraux. Je suis convaincu, M. le
Président, que le gouvernement actuel a en main ce qu'il faut pour
mobiliser les forces vives de la société québécoise
en vue d'une relance de l'économie québécoise et de la
société québécoise qui va faire en sorte que lors
de la prochaine échéance électorale, encore une fois, la
population du Québec, qui sait compter, qui a du coeur au ventre et une
tête sur les épaules, va choisir l'équipe du Parti
québécois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: M. le Président, si je comprends bien les
arguments du gouvernement dans ce projet de loi 105, ils sont à peu
près ceci. Le premier message, c'est que jusqu'en 1981, le Québec
était relativement prospère et les conventions collectives qui
ont été signées en 1979 étaient, de façon
générale, équitables et justifiables. Le deuxième
message, c'est qu'en 1981, il nous est arrivé de l'extérieur, de
Washington, d'Ottawa, de l'enfer même, une espèce de crise
économique qui a changé tout cela. Le troisième message
que le gouvernement nous transmet, c'est que maintenant, tout le monde au
Québec se trouve dans l'obligation de partager. C'est ce que le ministre
de l'Éducation a appelé, hier soir, "notre appauvrissement
collectif". (16 h 20)
Le quatrième message, c'est que les syndicats étaient
poliment invités à négocier les conditions de leur
contribution à cet appauvrissement collectif et ils ont refusé.
Donc, il faut maintenant l'imposer. Le cinquième message que j'ai
entendu, c'est qu'il ne faut pas se décourager, il va y avoir, dans
l'avenir, une reprise économique, on va sortir de la crise et elle sera
remplacée par une reprise économique.
Finalement, le sixième message c'est que, en attendant, tout le
monde est invité à manifester de sa solidarité
collective.
C'est une analyse qui, pour moi, est fausse, pleine de trous et
injustifiée. Je n'ai pas le temps d'analyser les six
éléments, je vais me limiter à un seul. C'est le
cinquième qui veut qu'on ne doive pas se décourager on va sortir
de la crise, il va y avoir une reprise économique. À la fin de
cette crise, tous les gens du secteur privé et ceux du secteur public
vont retrouver de l'emploi, les augmentations de salaire et peut-être
même
un rattrapage.
C'est important cette idée de reprise économique parce
que, si on accepte l'argument de M. Parizeau, ministre des Finances, la crise
est la seule et unique cause du projet de loi no 105, que les ententes de 1979
auraient été justifiées en temps normal; donc, il est
clair que le retour à cette prospérité normale est une
condition essentielle pour un retour à la prospérité
normale des travailleurs et des travailleuses dans les secteurs public et
parapublic.
Je dois vous dire, M. le Président, que je suis de plus en plus
convaincu qu'il n'y aura pas de reprise économique, que cette
prospérité "normale" ne reviendra ni l'année prochaine ni
en 1984 ou 1985. Vous allez me dire que c'est impensable, et qu'il faut que
cela finisse un jour; c'est le cycle économique normal; cela monte, cela
descend, personne ne se pose de question sur le retour éventuel de la
prospérité il y a seulement débat sur
l'échéancier.
Mais, aujourd'hui, malheureusement, j'ai l'intention de parler avec vous
de la possibilité que la prospérité économique du
Québec ne revienne pas; il n'est pas question de "quand", mais question
de "si" cela va revenir.
Il faut commencer en limitant le débat un peu. Si j'accepte
l'argument de M. Parizeau que tous nos malheurs économiques viennent de
l'extérieur, je suis donc obligé d'accepter que toute reprise va
venir également de l'extérieur, d'une reprise économique
canadienne ou américaine. Selon la thèse de M. Parizeau, on est
sans espoir, ici, au Québec, sans outil, sauf peut-être pour
quelques petits outils qu'on peut utiliser pour limiter les
dégâts.
Je n'accepte pas cet argument. Oui, il y a des influences de
l'extérieur qui font partie de nos malheurs, mais il y a
également des influences de l'intérieur. Nous avons
démontré, à plusieurs reprises, que la croissance
économique au Québec, sous le gouvernement péquiste,
depuis 1976, est moins forte que dans le reste du Canada et il y a un grand
nombre de personnes de l'extérieur qui ont appuyé cette
thèse. Je pense que c'est presque tenu pour acquis par tout le monde
qu'il y avait un affaiblissement d'environ 20% de notre part de
l'économie du Canada, depuis les dix dernières années.
Affaiblissement dans le domaine de l'emploi, de l'investissement et de la
construction.
Autrement dit, je vous dis, observateurs indépendants à
l'appui, que le projet de loi no 105 est la conséquence de deux crises
économiques, une qui est américaine ou canadienne et une
deuxième dont seuls les Québécois sont victimes.
Verra-t-on la fin de la première crise, la crise
américaine ou canadienne? Je ne sais pas, il est possible, mais j'ai
l'impression que ce sera long, plus long qu'on ne l'imagine aujourd'hui et plus
pénible. J'ai des opinons quant à la nature de cette crise, mais
je n'ai pas assez de temps pour en discuter aujourd'hui. Je dois cependant
ajouter que je ne suis pas du tout impressionné par les performances du
gouvernement fédéral libéral depuis dix ans dans le
domaine économique. Je regrette de ne pas avoir le temps d'aller plus
loin dans ce sens, peut-être plus tard. Le point central aujourd'hui,
pour moi, c'est le problème québécois parce que c'est ici
que nous sommes, et les préoccupations du Québec, les
Québécois, leur vie, leur avenir, leur prospérité,
c'est notre préoccupation principale.
La question que je me pose est la suivante: Y aura-t-il une reprise
économique au Québec? Va-t-on sortir de la deuxième crise
économique? Mon opinion, c'est non, pas dans le sens qu'on imagine. J'ai
l'impression que, dans un avenir rapproché et même jusqu'en 1985,
notre part dans l'économie canadienne va continuer de se
détériorer. Notre économie va continuer de s'affaiblir.
C'est important de le dire, parce que, si j'ai raison, les gens des secteurs
public et privé ne doivent pas attendre une amélioration de leur
sort, même après 1985. Si j'ai raison, notre appauvrissement
collectif est ici pour rester.
Pour m'expliquer, j'ai le temps de soulever seulement deux
éléments de notre problème économique ici au
Québec, problème qui est beaucoup plus grave que ne l'imaginent
la plupart des députés d'arrière-ban péquistes qui
parlent continuellement de la reprise économique prochaine. Les deux
éléments qui me préoccupent aujourd'hui sont la dette du
Québec et la décroissance industrielle.
Hier, le député de Verchères nous a donné
une espèce de leçon de vertu. Il a raconté une
conversation qu'il avait tenue avec une personne de son comté, en
chômage, en train de se séparer de sa femme. Il nous a dit qu'il
avait déclaré à cette personne, il a affirmé qu'il
l'avait fait avec beaucoup de courage, que d'après lui ce serait immoral
d'augmenter le déficit du Québec. C'est fascinant cette
idée de la moralité ou de l'immoralité d'un déficit
gouvernemental.
Pour le député de Verchères, si je le comprends
bien, le déficit prévu par le ministre des Finances, de 3 400 000
000 $, est moral. Un déficit de 3 500 000 000 $ serait un déficit
amoral. Pour le dire d'une autre façon, peut-être que n'importe
quel déficit avec l'imprimatur du ministre des Finances est un
déficit moral et tout ce qui n'est pas approuvé par le ministre
des Finances est immoral. Je n'en sais rien. Je laisse les questions de
moralité au député de Verchères et à son
confesseur.
Je vous propose une autre conception du problème du
déficit. C'est la conception de la responsabilité. Je vous
propose que, pour tout gouvernement provincial, n'importe quel déficit
dans les comptes courants est irresponsable, sauf à très court
terme, parce que avec de tels déficits vous obligez les autres à
payer les coûts de vos propres bonheurs. Tôt ou tard, vos enfants,
les générations futures seront obligés de réduire
leur bien-être parce qu'ils sont pris avec vos dettes, ou bien ils
déménageront à un endroit où ils ne seront pas
hypothéqués par les dettes des autres.
Le message dans tout cela pour M. Harguindeguy, M. Dubé, M.
Charbonneau et M. Laberge et les syndiqués qu'ils représentent,
c'est qu'à moins que le déficit du Québec soit
réduit, ne soit pas maintenu à ce niveau moral de 3 400 000 000
$, mais réduit d'une façon très substantielle d'ici 1985
le gouvernement de cette époque ne sera pas plus capable que celui
d'aujourd'hui de vous accorder les augmentations qui correspondent à
l'augmentation du coût de la vie, parce que, finalement, ce ne sont pas
les contribuables qui déterminent nos capacités d'emprunter,
c'est "New York". New York nous a déjà envoyé un
avertissement.
J'accepte que ce soit plus compliqué que cela. Les limitations
prévues dans les lois 70 et 105 vont elles-mêmes avoir un effet
sur le déficit mais c'est très loin d'être suffisant parce
que le fond du problème du déficit du Québec n'est pas un
problème de dépenses, mais c'est un problème de revenus.
(16 h 30)
Je suis maintenant rendu au deuxième élément que je
veux aborder cet après-midi, le problème de notre
décroissance économique ou, pour prendre l'expression de M.
Pierre Lortie, la "dé-industrialisation" du Québec. Aujourd'hui
notre économie est en train de devenir de plus en plus
dépassée. Je n'ai pas le temps d'expliquer cela par une grande
théorie, je vais vous donner deux exemples seulement.
Lundi dernier, mon collègue, le député d'Outremont
et moi-même, avons rendu public un rapport sur le départ des
compagnies du Québec depuis 1976. Je n'ai pas l'intention de vous
présenter tous les chiffres aujourd'hui parce que c'est un aspect
secondaire. Je veux vous décrire la nature, la qualité des
compagnies qui nous ont quittés pour s'installer non dans l'Ouest, mais
à peine à quelques centaines de milles d'ici, en Ontario,
à Toronto ou à Ottawa, depuis six ans.
Quels sont les secteurs, quel est le genre de compagnies qui nous ont
quittés? Le secteur le plus important est celui des finances. Deux
grandes banques et deux grandes compagnies d'assurances ont, à toutes
fins utiles, quitté le Québec pour l'Ontario avec une perte
d'au-dessus de 3000 emplois très importants. Le deuxième secteur
est celui des télécommunications où six compagnies, RCA,
CP, Marconi, Bell Canada et surtout Northern Telecom sont parties. Le
troisième secteur est celui du génie et de la machinerie lourde.
Nous avons perdu neuf compagnies en tout ou en partie, par exemple Pratt and
Whitney dont le député qui m'a précédé a
parlé. Le quatrième secteur que nous avons perdu en grande
partie, c'est la pharmaceutique et le sixième concerne la chimie avec
Dupont, CIL, Monsanto, Chemcell et trois ou quatre autres. Le septième
secteur est celui de l'alimentation et des produits à la
consommation.
Quelle qualité ont en commun ces sept secteurs? C'est qu'ils sont
tous à la fine pointe de la technologie, ce sont les industries les plus
modernes et elles sont toutes en train de nous quitter.
Laissez-moi vous donner juste une deuxième petite histoire.
Mercredi, j'ai rencontré le président de la Société
générale de financement qui nous a parlé d'une nouvelle
initiative que cette société d'État prendra, un
investissement dans le domaine de la biotechnologie. Vous vous rappellerez que
la biotechnologie est un des secteurs indiqués par le gouvernement comme
étant prioritaires pour l'avenir du Québec.
Le président de la SGF était fier de nous déclarer
que l'investissement prévu dans ce nouveau secteur ne dépassera
pas 3 000 000 $ et ceci pour une période de trois ans. Seulement 3 000
000 $ dans un secteur qui, d'après le gouvernement même, est
prioritaire pour notre avenir et, en même temps, nous investissons 300
000 000 $ dans une sidérurgie non rentable, 50 000 000 $ dans une ligne
aérienne et 100 000 000 $ dans une mine d'amiante.
Demandez à n'importe quel économiste: La
sidérurgie, les lignes aériennes, les mines d'amiante sont-ils
les secteurs industriels de l'avenir? La réponse est: Non, ils sont les
secteurs traditionnels ou même dépassés. Ils sont les
symboles économiques des pays qui vivent farouchement dans le
passé. Ils sont les symboles des pays sous-développés.
Ce n'est pas sur l'acier, les mines d'amiante et les lignes
aériennes qu'on construit une économie moderne, même si ces
secteurs sont rentables, mais ici, ils ne le sont pas. On parle ici de la
technologie, mais quand arrive la vraie décision importante, les sous,
on voit quelles sont nos vraies priorités et dans ces trois exemples, on
les voit d'une façon tragique: 450 000 000 $ dans les industries
dépassées, 3 000 000 $ dans la nouvelle technologie.
M. le Président, s'il n'y a pas de développement
économique moderne ici, il n'y aura pas d'accroissement de la population
parce qu'il n'y aura pas d'accroissement de
l'emploi intéressant. En conséquence, et je retourne aux
syndiqués du secteur public touchés par ce projet de loi, notre
base fiscale, notre source de revenus gouvernementale deviendra
inévitablement de plus en plus faible. Encore une fois, les revenus de
l'État vont être affaiblis en conséquence.
Donc, le message aux gens du secteur public, c'est, pour moi au moins,
assez clair. À moins d'un véritable assainissement des finances
publiques, à moins d'un effort beaucoup plus audacieux de moderniser
notre économie, il n'y aura pas de reprise économique au
Québec. Je ne vois aucune indication que le gouvernement actuel
s'apprête à prendre ses responsabilités dans cette
direction.
Quoi faire? Dans une phrase, M. le Président, je propose, comme
solution, qu'on accepte le défi de la concurrence. C'est facile à
dire. Je le répète, accepter le défi de la concurrence.
Mais, pour le réaliser, il faut toute une série de changements
dans les priorités et les attitudes de notre gouvernement. Cela ne se
fera pas par la consultation et à des sommets. Cela va se faire par des
gestes. Il n'est pas question, comme le gouvernement le demande à la
population, de changer ses attitudes. C'est un changement dans l'attitude du
gouvernement qui est nécessaire.
Comment devenir concurrentiel et avec qui? Je propose d'abord, sur le
plan très pratique, qu'on devienne concurrentiel avec l'Ontario, parce
que l'Ontario est l'alternative réelle pour la plupart des agents
économiques qui s'intéressent au Québec et c'est
également, malheureusement, l'alternative pour une partie de notre
population. L'Ontario n'est pas la fin du monde; loin de là. Il faut, le
plus vite possible, dépasser l'Ontario, parce que nous ferons partie de
plus en plus d'un marché commun avec les États-Unis et le monde
entier. Mais il faut pour le Québec devenir au moins concurrentiel, nom
de Dieu! avec l'Ontario et accepter que cette concurrence soit
manifestée non pas dans les discours des ministres, ni dans les
déclarations du premier ministre, mais dans les chiffres. Notre PIB per
capita, notre productivité, aujourd'hui, est plus de 20%
inférieur à l'Ontario.
Comment faire? Il n'y a pas une seule réponse. Aux journalistes
qui nous demandent quelle est notre solution de rechange, on est obligé
de dire que, dans le monde de la concurrence, les plans et les programmes sont
souvent lettre morte avant même qu'ils soient rédigés et
imprimés. Ce n'est pas dans les catalogues de "Bâtir le
Québec" volumes 1 et 2 qu'on trouve l'esprit de la concurrence. C'est
dans l'audace, dans l'imagination, dans la capacité d'ajustements
quotidiens, dans la flexibilité, dans le travail, dans
l'élargissement de nos horizons, dans la vitesse de notre
réaction, dans l'adaptabilité, toutes choses qu'on trouve chez
les gens les plus intéressants sur cette terre et jamais dans les
programmes politiques.
Cela fait trop longtemps que le Parti québécois essaie de
persuader les gens du Québec qu'ils sont faibles, insécures,
menacés de l'extinction par tous les establishments du monde. Ce n'est
pas vrai. Nous sommes forts, sécures, compétents, instruits et
capables nous-mêmes de menacer les autres establishments ailleurs. Les
arguments des péquistes, au contraire, sont essentiels pour la
protection de leur propre establishment, l'élite du pouvoir, qui s'est
développé depuis six ans. Plus nous avons, nous autres, les
Québécois, confiance en nous-mêmes, moins nous avons besoin
de ces gens de l'État. Votre confiance est une qualité
très dangereuse pour l'avenir des leaders politiques. Les leaders
politiques d'aujourd'hui ont terriblement besoin de nous garder dans un
état d'insécurité pour leurs projets à eux.
En terminant, M. le Président, je veux faire une proposition
concrète. C'est que, demain, on commence à enlever des plaques
d'immatriculation de nos automobiles le slogan "Je me souviens". Ce n'est pas
dans les souvenirs collectifs qu'on va relever le défi de notre
prospérité économique dans le monde moderne. C'est bel et
bien le temps de mettre sur nos plaques d'immatriculation le message "Conduisez
prudemment" et le slogan "Devenir concurrentiel dans l'esprit de nos citoyens".
Si on ne le fait pas, les gens du secteur public comme les gens du secteur
privé vont attendre jusqu'aux calendes grecques la reprise essentielle
qui est rendue impossible par le gouvernement d'en face. Si on le fait, nous
sommes capables de tout. (16 h 40)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Je ne sais pas comment mes collègues, qui
étaient ici avant moi, se sentaient dans les débats d'importance
aussi grande que celui qui se déroule ici, à l'Assemblée
nationale, mais je peux vous dire, pour ma part, que le virage important, dont
le premier ministre a parlé tout à l'heure et que nous sommes en
train d'exécuter, ce sera un nouveau souffle de vie. Dans quelque temps,
nous atteindrons une vitesse de croisière, j'en suis sûre.
Savez-vous pourquoi j'en suis sûre, M. le Président? Parce que
j'ai confiance dans l'intelligence des Québécois, parce que j'ai
confiance aussi dans leur compréhension et leur courage. Je suis
certaine qu'on va passer au travers avec un minimum de dégâts.
Les heures que nous vivons en ce moment sont aussi graves et aussi
importantes pour l'avenir du Québec que le sont tous ceux qui y
vivent. Que vous soyez syndiqués ou pas, que vous soyez dans la fonction
publique ou dans le secteur privé, que vous soyez chômeurs,
assistés sociaux, les heures qui passent sont un tournant décisif
pour l'avenir du Québec. Depuis vingt ans, les Québécois
et Québécoises se sont dotés de services publics
accessibles et de qualité. Nous avons, aussi longtemps que cela a
été possible, accordé à nos secteurs public et
parapublic d'excellentes conditions de travail, bien souvent meilleures que
celles qu'ils pouvaient obtenir dans le secteur privé.
Aujourd'hui, au moment où la société
québécoise est durement frappée par la crise, au moment
où les Québécois et les Québécoises sont en
droit d'exiger qu'en cette période difficile on ne cherche pas à
les priver de services de santé qui doivent être disponibles en
tout temps, au moment où nos enfants sont en droit d'attendre qu'on ne
les privera pas de leur enseignement, les Québécois sont en droit
d'exiger que leur gouvernement songe autant à l'ensemble de la
population que forment les 470 000 chômeurs et les 576 000
assistés sociaux qu'à ses 335 000 employés. Combien
croyez-vous qu'il y a de mères de famille comme moi qui ont de grands
fils ou de grandes filles de 18 et 20 ans qui sont au chômage, au
Québec? Est-ce qu'on peut les sacrifier? Ce serait bien difficile pour
moi de choisir cette façon de vivre.
À des rencontres antérieures que nous avons eues avec
différents intervenants du milieu syndical, il m'a semblé de
façon claire que l'heure était venue de faire un choix. On nous a
dit, dans ces rencontres, qu'on devait faire un choix politique, mais un choix
politique, est-ce que ce serait emprunter davantage? Est-ce bien le temps
d'endetter le Québec? Est-ce bien le temps d'augmenter les impôts
des particuliers? Est-ce bien le temps de hausser les impôts de nos
entreprises, de nos PME? Le gouvernement du Québec ne veut pas
contribuer à faire mourir ses PME. Les taux d'intérêt, pour
les huit premiers mois de l'année 1982, en ont fait mourir 2900. Les PME
sont génératrices d'emplois. De quoi avons-nous besoin en ces
temps particulièrement difficiles si ce ne sont des emplois? Est-ce
qu'on a le droit de les taxer davantage?
On nous fait souvent le reproche suivant dans les rencontres qu'on a
avec les syndicats: Pourquoi avoir attendu si longtemps et arriver aujourd'hui
avec un décret? En avril 1982, nous avons mis cartes sur table. Nous
avons choisi de négocier au lieu d'imposer. Nous avons cru, à
tort peut-être, j'en conviens, que c'était la meilleure
façon d'agir étant donné les circonstances. Nous avons
voulu que la démocratie conserve toute sa force. Allons-nous nous
blâmer d'avoir cru possible une entente négociée?
Allons-nous nous blâmer d'avoir cru possible une entente prise en toute
connaissance de cause? Allons-nous nous blâmer, M. le Président,
d'avoir eu une prise de conscience collective? Je ne crois pas qu'on puisse
faire une chose semblable. Je ne le crois vraiment pas.
Quand la cloche a sonné, le 9 décembre,
c'est-à-dire hier, pour annoncer le décret, nous, membres de la
députation québécoise, n'étions pas plus fiers
qu'il faut. Nous ne nous sommes pas réjouis non plus des
déchirements que ce décret infligera à nos employés
des secteurs public et parapublic. M. le Président, pendant 20 ans nous
avons connu la prospérité. Vingt ans pendant lesquels nous avons
implanté un réseau moderne et complet d'écoles et
d'hôpitaux. Vingt ans pendant lesquels nous avons doté le
Québec des meilleurs services d'une société moderne.
Notre seule préoccupation: croissance, croissance, croissance, ce
fut possible durant ces 20 années. Nous avions les moyens de nous le
payer. L'erreur que nous avons faite, je crois, fut d'oublier un tant soit peu
l'efficacité ou l'économie. Actuellement, notre richesse
décroît et nous sommes obligés d'exiger le maximum
d'efficacité. Est-ce normal qu'un étudiant du Québec, de
niveau primaire ou secondaire, coûte au seul chapitre du salaire des
enseignants 335 $ de plus par année? Est-ce normal que chaque
journée d'hospitalisation coûte 10% de plus au Québec?
Est-ce normal que, pour réaliser les mêmes activités, il y
ait 7% de plus de fonctionnaires au Québec qu'en Ontario, M. le
Président? Je dirais donc que les services coûtent
forcément plus cher ici au Québec qu'ailleurs. Vous comprenez
pourquoi, tout à l'heure, je vous ai parlé d'efficacité et
d'économie. Nous devons ensemble adopter une attitude franche. C'est ce
que j'ai toujours essayé de faire, M. le Président, avec mes
collègues. Nous devons aussi cerner la réalité et
être solidaires devant l'effort. Nous devons donner le coup de collier
pour résister à cette tempête.
Nous avons eu, je crois, un objectif équitable: protéger
les bas salariés. Voilà notre premier souci dans ce contexte
difficile. Il faut être réaliste même si cela est conforme
aux conventions collectives, une augmentation de 14% n'est pas réaliste.
Si le contexte était normal, oui; mais dans un contexte
économiquement difficile, non. L'idée de lever de nouvelles taxes
évaluées à 641 000 000 $ est hors de question. La
capacité de payer est devenue déjà trop
élevée. La loi 70, qui entrera en vigueur en janvier 1983,
permettra au gouvernement de ne pas verser en salaires plus que ce qu'il a dans
son budget. La crise économique frappe tout le monde, M. le
Président, mais nous savons tous très bien que ce sont les
plus
petits qu'elle a frappés le plus fort. C'était, à
mon point de vue, un cas de conscience pour un gouvernement responsable de
penser à ceux qui sont le plus touchés. (16 h 50)
Que pense-t-on aussi de la justice dans le secteur privé et le
secteur public? C'est important de diminuer l'écart de
rémunération entre le secteur privé et le secteur public.
Lorsque la situation sera rétablie, lorsque l'écart sera amoindri
entre les deux secteurs, à ce moment-là - mais à ce
moment-là seulement - nous devrons protéger globalement le
pouvoir d'achat de chacun. Le gouvernement du Québec n'est pas un
employeur ordinaire. Il doit tenir compte de l'ensemble de la communauté
et pas seulement d'une partie de celle-ci. Le gouvernement du Québec
doit s'attaquer aux problèmes reliés à la crise
économique et s'évertuer à provoquer la reprise. Comment,
M. le Président? En créant des emplois. La seule façon
pour un peuple de surmonter une crise, c'est d'accepter de remettre en cause
certains acquis. C'est de se serrer les coudes et faire face aux
événements avec lucidité et solidarité. J'ai lu
quelque part que demain appartenait à ceux qui y croyaient et moi, j'y
crois très fort, avec l'ensemble de mes collègues ici.
Pour terminer, M. le Président, dans une des dernières
rencontres que nous avons eues, mes collègues de l'Estrie et moi, avec
les dirigeants syndicaux, on m'a remis une lettre avec un ultimatum au bas de
la lettre, une épée de Damoclès au-dessus de ma
tête. On m'a dit: Si tu prends position et si tu votes pour la loi, lors
de la prochaine élection, on s'engage publiquement à te faire
battre. Remarquez bien, M. le Président, que j'essaie de me situer
au-dessus de cela. Je voudrais seulement dire que toute ma vie, j'ai
essayé de travailler honnêtement et pour l'ensemble des gens que
je représente. Quand je voterai pour la loi 105, je le ferai en toute
connaissance de cause, ayant pesé le pour et le contre. Je le ferai
aussi au nom de l'équité sociale. Savez-vous ce qui me viendra
à l'idée au moment où je vais voter pour cette loi? Je
vais me rappeler le 13 avril dernier, quand les gens du comté de Johnson
ont mis leur confiance en moi, quand ils m'ont dit: Tu vas aller nous
représenter tous. Pas seulement un groupe de mon comté, M. le
Président, mais l'ensemble de mon comté. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Orford.
M. Georges Vaillancourt
M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, le projet de
loi no 105 est accompagné de 109 décrets qui fixent
unilatéralement les conditions salariales et de travail des quelque 350
000 employés de l'État. En cette triste journée qu'il est
convenu d'appeler un triste chapitre de l'histoire du syndicalisme au
Québec, mon intention n'est pas de faire le procès du
gouvernement. Cependant, on me permettra de chercher à comprendre les
véritables raisons pour lesquelles la société
québécoise doit subir, aujourd'hui, les foudres
incohérentes du gouvernement.
M. le Président, j'aimerais, en premier lieu, vous rappeler qu'au
cours des années précédant la venue au pouvoir du Parti
québécois les attentes des milieux syndicaux, en matière
de relations du travail, étaient apparemment si grandes qu'ils furent
enclins d'appuyer tout parti d'Opposition susceptible de changer l'état
et le contenu des négociations collectives dans la fonction
publique.
En 1982, peu après la publication des recommandations du rapport
Bisaillon, peu après également une conférence dont les
discussions portaient sur les thèmes de solidarité et
d'administration des fonds publics entre le gouvernement, d'une part, et les
principaux agents socio-économiques, d'autre part, on en arrive
aujourd'hui à un point de confrontation majeur dont les effets sont
incalculables en termes de contrat social. C'est ainsi que le climat de
concertation, auquel le premier ministre faisait allusion en février
dernier, dégénère en climat d'affrontement marqué
par des reculs importants, aussi bien sur le plan social que sur le plan
normatif.
Jamais n'y aura-t-il eu autant de batailles et victoires syndicales
menées, depuis le milieu des années soixante, par les
employés des secteurs public et parapublic réduites en cendres.
Jamais n'aura-t-on vu un gouvernement si irrespectueux à l'égard
de sa propre signature apposée sur des documents officiels lors des
dernières rondes de négociations.
M. le Président, cette façon cavalière de traiter
avec ses employés nous laisse songeurs quant aux effets sur ce qu'il est
convenu d'appeler le contrat social. Le gouvernement, par le dépôt
de ce projet de loi no 105, mettra un terme définitif au
préjugé soi-disant favorable aux travailleurs.
En passant, M. le Président, permettez-moi de souligner que le
présent projet de loi no 105, accompagné de 109 décrets,
fixe unilatéralement les conditions salariales et de travail de 350 000
employés de l'État, y compris les employés de la
Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal,
plus dix sociétés d'État qui sont: la
Société des alcools du Québec, la Commission des droits de
la personne, la Commission de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, la
Commission des services juridiques, la Corporation d'aide juridique, la
Société des traversiers du Québec, la Régie
des installations olympiques, l'Office de la construction du
Québec, l'Office franco-québécois pour la jeunesse et la
Société des loteries et courses.
M. le Président, parmi les effets pouvant être
comptabilisés, il faut mentionner que si le gouvernement se sent si
coincé aujourd'hui qu'il impose d'aussi grandes injustices à ses
propres travailleurs, c'est que l'État employeur a manqué de
vigilance dans sa façon d'administrer les fonds publics. Il nous faut
donc lui rappeler les piètres performances en matière
économique dont sont victimes aussi bien les travailleurs du secteur
public que ceux du secteur privé.
Il est déplorable qu'un gouvernement puisse commettre l'affront
de demander au peuple québécois le mandat de réaliser
l'indépendance, alors que la crise des finances publiques, qui est
intimement reliée à la crise économique, entraîne un
effondrement des finances et de l'économie du Québec. (17
heures)
En ce qui a trait à la situation budgétaire, nous
convenons, de ce côté-ci de la Chambre, que le déficit ne
date pas de 1976. Nous savons, comme n'importe qui, que les nombreux programmes
sociaux mis de l'avant par les gouvernements antérieurs et
prolongés par le présent gouvernement, nécessitent des
disponibilités financières énormes depuis le début
des années soixante-dix. Par contre, vous vous souviendrez des
commentaires formulés par le Parti québécois au temps
où il formait l'Opposition officielle. Il dénonçait
l'incompétence du gouvernement d'alors à équilibrer ses
budgets. On se promenait bras dessus, bras dessous avec les dirigeants
syndicaux et l'on affirmait sans trop savoir pourquoi qu'une augmentation de
salaire inférieure à 30% - oui, M. le Président, vous avez
bien entendu: 30% -constituait une injustice envers les employés de
l'État.
Quant au déficit budgétaire, de 121 000 000 $ qu'il
était en 1971, il est passé à plus de 3 000 000 000 $ lors
du dernier discours sur le budget 1982-1983. Est également venu
s'ajouter un manque à gagner, lors de la publication trimestrielle des
activités financières, qui va être plus près de 4
000 000 000 $.
Sur le plan des investissements, la situation n'est guère plus
brillante. En quatre ans, soit de 1977 à 1981, seulement 16% de nouveaux
emplois étaient créés au Québec. L'année
1982 est caractérisée par des pertes d'emploi importantes. En
effet, la saignée des pertes d'emploi ne s'inscrit plus seulement
aujourd'hui au secteur primaire et au secteur secondaire de notre
économie, mais aussi à de nombreux secteurs d'activité
relevant du secteur tertiaire.
En dépit des propos ronflants du ministre de l'Habitation sur le
programme
Corvée-habitation, les indicateurs économiques nous disent
que les mises en chantier connaissent des moments difficiles. Elles
n'atteignent plus en 1982, entre les mois de janvier et octobre, que 16% des
mises en chantier totales au Canada. Enfin, en 1983, la croissance
économique du produit intérieur réel du Québec
devait être de 1, 7% selon les dernières prévisions du
Conference Board du Canada.
En dernier lieu, l'épineux problème de l'emploi au
Québec revêt, bien sûr, une dimension économique mais
davantage humaine, à un moment de notre histoire où personne ne
semble avoir le goût de relever des défis pourtant essentiels pour
l'avenir du Québec. En plus d'être catastrophique, l'écart
entre la situation d'emploi qui sépare le Québec et le Canada
demeure vraiment inquiétant.
En novembre 1980, le taux de chômage au Québec se situait
à 10, 2% comparativement à 7, 2% au Canada. En 1981, 11, 4% au
Québec comparativement à 8, 9% au Canada. En 1982, toujours au
mois de novembre, 14, 4% au Québec et 12, 7% dans le reste du pays. Le
taux de chômage chez les jeunes est tout aussi préoccupant, 17, 1%
en novembre 1980, 18, 9% en 1981 et 22, 6% au même mois de 1982.
M. le Président, appliquée aux régions, cette
performance au chapitre de l'emploi se traduit par un taux de chômage de
16, 9% en novembre dans la région de l'Estrie, soit juste
derrière les régions du Nord-Ouest et de la Gaspésie. Un
mois plus tôt, soit en octobre, le taux de chômage avait atteint
16, 3% après un résultat de 15, 5% en septembre.
La situation économique de la région de l'Estrie est
d'autant plus préoccupante que les dernières statistiques
indiquaient récemment une baisse de la population âgée de
15 ans et plus, soit 183 000 à 181 000. Pendant ce temps, la population
inactive augmentait de 1000 personnes, passant de 68 000 à 69 000 en
septembre et en octobre. De plus, le nombre de bénéficiaires de
l'aide sociale totalisait 334 955 personnes au 1er décembre 1982
comparativement à 226 000 au 1er décembre 1977, soit une hausse
de 52%.
Dans la région de l'Estrie, la hausse intervenue entre le 1er
décembre 1977 et 1982 est de l'ordre de 54%, soit de 9000 personnes
à 13 914 personnes en décembre 1982.
Ce n'est une surprise pour personne que la crise que traverse le
Québec se reflète encore plus durement dans chacune de nos
régions. J'irai plus loin en vous disant que l'issue des
négociations des secteurs public et parapublic est instructive pour les
gens de chez nous. En effet, si le gouvernement du Québec se permet de
revenir sur ses propres engagements avec ses employés, comment les
gens de l'Estrie peuvent-ils avoir confiance en leurs dirigeants pour ce
qui est des engagements pris dans le domaine du développement
régional?
Pour seul exemple, M. le Président, je vous envoie à la
question posée hier concernant les travaux devant être
réalisés dans la rivière et le lac Magog au cours de 1982
et reliés au problème de la pollution. Sans que le ministre
puisse me répondre sur ce dossier, l'ancien titulaire de l'Environnement
avait pourtant promis la fin des travaux en 1982 et, dernièrement, je
recevais une lettre de cinq associations vouées à la protection
de l'environnement enjoignant le gouvernement d'agir dans ce dossier. En
passant, je tiens à dire au ministre que je n'ai pas encore reçu
d'accusé de réception à ma lettre du 29 septembre dernier.
Pourtant, ce projet devrait fournir de l'emploi à plus de 500
personnes.
Oui, avec le projet de loi no 105, nous en sommes là et, avec ce
parti péquiste qui avait toutes les solutions avant 1976, aujourd'hui,
avec ce projet de loi, nous fermons la boucle. Nous sommes tous d'accord pour
reconnaître que ce gouvernement est un gouvernement irresponsable,
incompétent et imprévoyant. Coup sur coup, depuis 1976, nous
avons connu une série de crises sans précédent au
Québec. D'abord la crise constitutionnelle provoquée
essentiellement par ce gouvernement, le PQ, qui est encore obsédé
par son option séparatiste, qui a réussi à affaiblir le
Québec dans tous les domaines, mais surtout dans les domaines
économique et social.
Je terminerai en vous disant que le présent gouvernement agit de
façon irrespectueuse envers les membres de l'Assemblée nationale
tout en bafouant la tradition parlementaire, en n'hésitant pas à
se servir des travaux de notre Assemblée à ses propres fins. Les
observateurs de l'histoire syndicale jugeront sévèrement ce
triste chapitre des relations du travail au Québec.
En somme, je crois que tout le Québec attend de pied ferme nos
dirigeants actuels lorsqu'ils parleront de solidarité. Merci.
Des voix: Vote! Vote! Vote! (17 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Louis.
Des voix: Ah!
M. Harry Blank
M. Blank: M. le Président.
Une voix: Vous manquez de volontaires.
M. Blank: Je ne suis pas surpris qu'il n'y ait pas d'autres
députés de l'autre côté qui prennent la parole.
C'est possible qu'ils soient maintenant gênés d'appuyer ce projet
de loi, le moins qu'on puisse dire, odieux. Après avoir entendu les
députés de ce côté-ci de la Chambre qui ont
décrit, qui ont montré exactement ce que le gouvernement fait ici
aujourd'hui et pourquoi il le fait, je ne suis pas surpris qu'il n'y ait aucun
orateur de l'autre côté de la Chambre. Cela prend l'Opposition
pour essayer d'expliquer la façon de procéder de ce
gouvernement.
La question qu'on se pose est la suivante: Qu'est-ce qu'on fait ici avec
ce projet de loi no 105? Pourquoi a-t-on le projet de loi no 105 aujourd'hui,
à la fin de la session? Pourquoi? Pour ma part, je considère que
ce projet de loi est prématuré et inutile. Comme le
député d'Orford l'a dit, c'est un affront au système
parlementaire. Comme le député de Sainte-Marie l'a dit, c'est un
mépris du Parlement, c'est un mépris des députés,
c'est un mépris du système démocratique qu'on veut
prêcher au Québec. Qu'est-ce qu'on a ici? On arrive avec ce qu'on
appelle un projet de loi matraque, c'est-à-dire imposer quelque chose de
force à un secteur de la population.
Je ne parlerai pas du contenu pour le moment, je parlerai des questions
de procédures. Qu'est-ce qu'on fait? On vient présenter ce projet
de loi matraque en utilisant les règlements de la Chambre, en utilisant
le Parlement et en utilisant les députés, en disant que c'est
urgent. C'est une affaire très urgente et on doit l'adopter maintenant,
point. Mais est-ce que c'est vraiment urgent? Depuis le printemps dernier, on a
monté ce scénario, ce procédé de marketing, soit
essayer de laver les cerveaux des Québécois en disant que les
syndicats des employés de la fonction publique et parapublique sont
mauvais et qu'ils sont là pour vous égorger. On va les
arrêter et on a monté cette affaire de marketing jusqu'à
aujourd'hui. Je ne sais pas pourquoi on a arrêté maintenant. C'est
peut-être parce que c'est juste avant Noël, que les gens sont plus
occupés et qu'ils ne voient pas ce qui se passe ici, mais je suis
certain que les Québécois qui nous regardent à la
télévision aujourd'hui et qui vont lire les nouvelles dans les
journaux demain vont comprendre ce qui se passe ici.
On vient ici pour essayer de régler un problème qui n'est
pas encore là. C'est comme si vous aviez un billet qui est payable au
mois d'avril prochain et que la banque vous dise: Aujourd'hui, vous devez nous
payer. Si vous ne nous payez pas, on va adopter une loi qui va vous forcer
à payer. C'est exactement ce qu'on fait. Il y a un contrat qui se
termine seulement au mois d'avril. Il n'y a aucune grève, il n'y a
aucune pression à ce moment-ci, mais le gouvernement a employé le
mot "urgent".
C'est dommage que nos règlements soient ce qu'ils sont. C'est
dommage que vous, M. le Président, ne soyez pas la personne qui doive
trancher la question d'urgence parce que je suis certain que vous voyez que ce
n'est pas une affaire urgente, mais on a utilisé la majorité
parlementaire. C'est très facile, quand on a la majorité
parlementaire, dans notre système démocratique, de forcer quelque
chose qui n'est pas nécessaire du tout à ce moment-ci.
Nonobstant cela, disons que la loi est nécessaire. Vous, les
députés, devez étudier ce projet de loi, devez mettre
votre expérience, vos connaissances, votre éducation pour
améliorer ce projet de loi et faire les changements nécessaires.
Mais qu'est-ce qu'il y a dans ce projet de loi? C'est un projet de loi qui
compte neuf pages et qui ne dit rien, mais les 109 décrets de 35 000
à 80 000 pages, selon qui a raison -mais au moins 35 000 pages - c'est
là qu'est le coeur de l'affaire.
On nous a présenté cela hier. Pas d'exemplaires pour tous
les députés, parce qu'il semble que, selon le Parti
québécois, les députés ne sont pas tous
égaux. Cela veut dire qu'on a une copie pour les 43 membres de
l'Opposition; je ne sais pas si le député de Sainte-Marie en a eu
une copie. Ce qui est intéressant, c'est qu'on a dit qu'il est possible
- je ne sais trop de quelle façon - d'étudier ces 80 000 pages,
d'en faire l'analyse et d'arriver avec des suggestions pour faire tel et tel
changement comme c'est le devoir des députés.
Le leader du gouvernement a dit aujourd'hui: Non, monsieur, nous prenons
nos responsabilités; aucun changement dans les décrets ne sera
fait par vous. C'est nous qui ferons des changements s'ils sont
nécessaires. Pas aujourd'hui, peut-être lors d'un autre Conseil
des ministres, la semaine prochaine, dans un mois, dans deux mois, dans trois
mois. Qu'est-ce qu'on fait ici, nous? Qu'est-ce qu'on va faire durant les cinq
heures pendant lesquelles nous avons le droit de discuter de ces
décrets? Pourquoi sommes-nous ici si on ne peut rien changer? Le but
d'une commission parlementaire qui étudie une loi article par article,
annexe par annexe, c'est de faire un peu de "input", comme on dit, de faire les
changements qui sont nécessaires. Toute la vérité n'est
pas de l'autre côté, nous avons un peu d'expérience, ici.
Il y a des gens qui ont de l'expérience dans beaucoup de domaines et ils
peuvent faire des changements constructifs, des suggestions constructives. Le
ministre a dit: Non, aucun changement. Voilà la démocratie,
voilà le système parlementaire!
Je constate qu'un député - je ne peux pas le nommer - fait
signe que oui: Oui, vous avez raison. C'est le système que vous avez
institué ici. Des gens vous reprochent cela, le juge Deschênes a
dit: Vous avez des idées totalitaires un peu. Honte! Le système
de justice est ceci ou cela. Vous n'aimez pas l'impartialité, vous
n'êtes pas un gouvernement qui aime cela. Dans les journaux d'aujourd'hui
- ce n'est pas payé par les politiciens, c'est payé par les
syndicats - on lit: Les décrets, c'est l'outil de la dictature. C'est
vrai. Quand vous venez ici, en Chambre, déposer des décrets et
que vous dites à l'Opposition qu'elle n'a pas le droit de changer quoi
que soit ou de faire des suggestions, c'est de la dictature. C'est cela. Est-ce
démocratique? Je suis ici, élu par la population, et je n'ai pas
le droit de parler, je n'ai pas le droit de faire des changements dans la
loi.
Si c'est cela, pourquoi ne pas présenter une loi, puisque vous
avez la majorité, pour créer un système unilatéral,
un parti seulement, comme on a en Afrique? Est-ce ce que vous voulez?
Voulez-vous agir comme un pays du tiers monde avec un seul parti politique?
C'est ça que vous voulez? Si c'est cela l'opinion du
député de Terrebonne...
M. Blais: Non, non, non. M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Terrebonne.
M. Blais: Je respecte l'opinion de mon ami d'en face, le
député de Saint-Louis; cependant, loin de moi d'approuver
l'énoncé que le gouvernement dont je fais partie est un
gouvernement qui se doit d'être dictateur.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît: II
est évident, M. le député de Terrebonne, que ce
n'était pas une question de privilège. S'il vous plaît!
C'est une divergence d'opinions que vous auriez pu émettre lors d'une
prochaine intervention.
M. le député de Saint-Louis.
M. Rocheleau: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Hull.
M. Rocheleau: M. le Président, si le gouvernement veut
voter tout de suite, on est prêt. Je vous demanderais d'appliquer
l'article 28, s'il vous plaît!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons voir. S'il
vous plaît: Je constate qu'il y a quorum. M. le député de
Saint-Louis. S'il vous plaît:
M. Blank: II semble que le député de Terrebonne
pense que ce que j'ai dit, ce n'est pas vrai. Mais je ne suis pas aveugle,
pourquoi a-t-il fait un signe affirmatif quand
je dis que c'est un système antidémocratique...
(17 h 20)
M. Blais: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Terrebonne.
M. Blais: M. le Président, j'aimerais beaucoup, selon le
règlement, que vous entendiez le bout que j'ai à dire pour voir
s'il y a vraiment question de privilège. M. le député de
Saint-Louis disait que de son côté, devant cette loi, il n'avait
rien à dire et j'ai opiné de la tête parce que depuis le
début, c'est vrai qu'ils n'ont rien à dire. Cela se voit dans
leurs discours. Cependant, je n'approuve pas qu'il dise que je fais partie d'un
gouvernement...
M. Pagé: Question de règlement, M. le
Président. Question de règlement.
M. Blais:... qui est dictatorial.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, dois-je comprendre,
après les deux questions de privilège que vous venez d'accepter
de l'honorable député, que dès le moment où un
député diffère d'opinion avec le collègue qui
intervient il a le droit de poser une question de privilège? Si c'est
cela, M. le Président, je dois vous exprimer ma surprise devant
l'interprétation qui est donnée à l'application de notre
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Tout à l'heure,
premièrement, j'ai écouté la question de privilège,
au départ, et j'ai dit que le député pourrait utiliser son
droit de parole tantôt pour faire connaître son opinion.
Maintenant, M. le député de Saint-Louis.
M. Blank: Je ne sais pas si le député -oui, encore
- de Terrebonne comprend le français. Ce que j'ai dit, c'est qu'avec le
leader de la Chambre on n'a le droit de rien ajouter de changement au
décret. C'est cela que j'ai dit. S'il ne comprend pas le
français, I will say it in English. Maybe you will understand it a
little better.
What the Minister said was that when it comes to the "comittee of the
whole", notwithstanding any contribution that the Opposition wants to make to
these decrees, these collective agreements that are being imposed by the
Government, the answer is no, you cannot make any changes. We, the Government,
take full responsibility; these 80 000 pages that have been filed here are
Gospel, and they cannot be changed by the democratic process. That is
what the Minister said.
I asked the question: What are we doing here? Why are we here, if we
cannot contribute to the making of laws and to the executing of laws? The
Minister comes, deposits documents and we are supposed to have five hours to
study them; 80 000 pages, in five hours. We are going to have to go through
them, check the spelling, see that they make sense and the purpose of the
Opposition is constructive criticism, to aid the Government in making changes.
Because we are not all stupid on this side, believe it or not. We can add and
contribute a lot to some of the laws that are passed here. When you see how
many laws come back each year for correction, you need a lot of help. We are
prepared to help you. But this Bill is an affront to the parliamentary system
in two ways.
I do not want to repeat myself in what I said in French a few minutes
ago but this is supposed to be a special procedure, which is a very unusual
procedure in our parliamentary regulations. There are two things that are the
toughest in the parliamentary procedure, one is closure and the other is an
urgent debate. Well, this is an urgent debate. The Government says: The
situation is so grave, so terrible at this particular moment that everything in
this House must stop, that the administration of this National Assembly must
cease; we must stop everything and study this very urgent matter.
What is the urgent matter? We are going to fix 109 collective agreements
and say: This is the law between the employer and the employees. Now you would
think that the streets are massed with people rioting, demonstrating,
manifesting; that all the Government offices are closed; that the hospitals are
not functioning; that the schools are not functioning. Therefore, everything
must stop. We must have this legislation. But nothing of the sort is hapenning.
There are no strikes, there are no manifestations, there are no demonstrations,
there is not even the threat of a strike and the collective agreements that you
are changing here do not terminate until next April, four months from now. What
is the hurry? That is the first affront to the parliamentary system.
The second is that you do not allow the Opposition to participate. As a
matter of fact, you do not even allow your own Members to participate. The
Cabinet has decided and from what I am told, if you listen to the Member for
Sainte-Marie, it is not even a Cabinet; it is the éminence grise in the
Prime Minister's office who has decided, and this is it. We have these decrees
whether you like it or not. That is
it. And the rest of you, the back-benchers of the Parti
québécois, you are voting machines. You come in and you ratify
what the Government says is good for you.
You have not looked at this. I am sure that no more than two or three of
the backbenchers of the Government here have seen or read these 80 000 pages of
collective agreements and yet, here you are. You are going to rubber-stamp it.
And you call that democracy? Then the Member for Terrebonne criticizes me when
I say that the Government is antidemocratic. It is not I who called them
dictators. I am very sorry. It is the Syndicat des fonctionnaires provinciaux
who, in today's papers, have said that the decree is the tool of dictators. I
did not say it. If the shoe fits or the hat fits, wear it, but do not blame it
on somebody else.
M. le Président, la raison pour laquelle nous sommes ici
aujourd'hui, c'est le projet de loi no 105. Il y a toutes sortes de raisons,
mais si on peut traduire cela en chiffres la vraie raison, c'est les 521 000
000 $. C'est ce dont le gouvernement a besoin, 521 000 000 $. C'est la cause de
toute cette affaire pour laquelle on est ici aujourd'hui. La grande urgence et
les grands débats, c'est 521 000 000 $. Pour un gouvernement qui
gaspille l'argent comme il l'a gaspillé, comme on dit en bons Canadiens,
ce sont des "peanuts", quand on voit le fameux trou dans l'éducation,
500 000 000 $. C'est le même montant. Comme le député de
Notre-Dame-de-Grâce l'a dit il n'y a pas longtemps: Qu'on mette notre
argent dans des entreprises un peu moins farfelues; 300 000 000 $ pour SIDBEC,
50 000 000 $ pour Québecair, 100 000 000 $ pour Asbestos. Pourquoi? Il y
a d'autres façons d'aider ces entreprises. Arrangez-vous un peu avec
l'entreprise privée. Mais c'est un peu contre votre
idéologie.
Voilà, entre ces deux choses que j'ai mentionnées, vous
avez 1 000 000 000 $, à part des autres gaspillages, des chiffres plus
ou moins petits pour le gouvernement, 400 000 $ pour les toilettes en marbre
juste ici en arrière ou d'autres gaspillages semblables. Mais on a 1 000
000 000 $ dans les choses que je viens de mentionner, le double du montant que
cela prend pour régler cette crise, cette crise que le gouvernement a
provoquée. Comme le député de Vaudreuil-Soulanges l'a dit:
Le gouvernement l'a provoquée parce que le sondage a dit: C'est le temps
de la provoquer. Le gouvernement fonctionne au moyen de sondages. Ce sont les
sondages qui dirigent le gouvernement. Ce ne sont pas des éditoriaux qui
ont dirigé les autres gouvernements, mais ici, ce sont les sondages. Et
ils pensent que c'est dans leur intérêt politique d'agir comme ils
agissent, mais ils ont fait une grave erreur, parce que le public va maintenant
connaître la vraie raison de ces décrets et de ces agissements
gouvernementaux.
Le gouvernement - cela fait partie de sa pensée - essaie de tout
contrôler. Ici, ils ont peur du système des fonctionnaires, du
système syndical. Oui, leurs grands amis, les syndicats, ils ont
maintenant peur d'eux et ils essaient de les contrôler. Ils pensent
qu'ils ont l'opinion publique de leur côté à ce moment-ci,
mais ce n'est pas vrai. L'opinion publique, c'est le fameux marketing qui est
là, le "icing on the cake", mais si on entre dans le gâteau les
gens vont comprendre ce qu'on fait ici. (17 h 30)
On fait grand état du fait qu'on doit équilibrer les
salaires entre l'entreprise privée et la fonction publique. C'est vrai,
mais quelle est la vrai raison de cet écart entre les deux? Ce n'est pas
que les salaires de la fonction publique sont trop élevés, c'est
parce que ceux de l'entreprise privée sont un peu trop bas. Pourquoi
sont-ils bas? À cause de la crise économique, ici, dans cette
province. C'est vrai qu'il y a une crise économique partout dans le
monde, mais ici, c'est un peu pire que partout ailleurs. Et ici, à cause
de cela, les salaires accordés dans l'entreprise privée n'ont pas
augmenté comme ils ont monté ailleurs et l'écart est un
peu plus grand.
Essayez de faire augmenter les salaires de l'entreprise privée et
arrêtez de parler de séparatisme, arrêtez de parler de tous
vos changements un peu à gauche, qui font peur aux investisseurs, qui
les rendent nerveux. Pourquoi des gens qui doivent investir ici seraient-ils
nerveux? Ils peuvent investir ailleurs, à côté, en Ontario,
au Nouveau-Brunswick. C'est la vraie cause de cette crise et la crise est la
cause du projet de loi no 105.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vachon, je vous ai reconnu en premier lieu.
M. David Payne
M. Payne: M. le Président, j'ai entendu, il y a quelques
minutes, les propos du député de Saint-Louis. Il parlait de
"peanuts". Comme anglophone, je peux bien comprendre la connotation. Mais il
parlait strictement et particulièrement de nos programmes de
création d'emplois.
J'aimerais lui parler quelques minutes d'une usine de mon comté
qui s'appelle Fleet's Industries et dont le propriétaire est un
anglophone. Cette entreprise a passé au feu il y a un an. On a perdu du
jour au lendemain 75 emplois. C'est à la suite de l'intervention directe
et immédiate du gouvernement du Québec qu'on a réussi
à
reconstruire cette usine en trois semaines. On n'a pas seulement
sauvé 75 emplois, mais on a aussi réussi à agrandir
l'entreprise avec les programmes PME-industrie, PME-expansion et PECEC.
Qu'est-il arrivé par la suite, M. le Président? Il s'agit
d'une PME, d'une petite entreprise de Saint-Hubert et elle a réussi
à obtenir un contrat de General Bakeries pour construire combien de
boîtes de camions? Un contrat de 100 boîtes de camion, pour 1 000
000 $.
J'ai entendu le député de Notre-Dame-de-Grâce, un
peu plus tôt cet après-midi, parler de ce qu'il appelle la fuite
des sièges sociaux, un phénomène présent partout
dans les provinces maritimes, à New York à Boston et
jusqu'à Chicago. Il devrait penser plutôt aux petits emplois, aux
petits travailleurs plutôt qu'aux sièges sociaux, parce que c'est
cela l'épine dorsale du Québec, M. le Président. Ce qui
est important, c'est la construction de centaines de boîtes de camion
à Saint-Hubert. S'il pense que ce sont des "peanuts" la contribution du
gouvernement du Québec aux programmes de création d'emplois,
qu'il consulte avec moi pendant quelques minutes les données de
l'ensemble des programmes d'aide à l'emploi du gouvernement dans les
derniers douze mois.
Par exemple, le budget initial pour l'ensemble des programmes, et cela
pendant une période très limitée, pendant neuf mois,
c'était 115 000 000 $. J'ai été chanceux dans
Saint-Hubert, on en a eu pour notre part, on a lutté pour avoir notre
quote part de ces subventions.
Je peux vous donner les chiffres du programme Chantier-Québec, un
programme qui peut aider ceux qui bénéficient actuellement de
l'aide sociale à réintégrer le marché du travail ou
au moins à avoir la dignité de récupérer quelques
dollars par semaine de plus pour nourrir leur famille, tout en étant
bénéficiaires de l'assurance-chômage, 22 000 000 $. Le
programme de retour au travail, le programme PRET, destiné aux personnes
ayant de la difficulté à réintégrer le
marché du travail, consiste à accorder des subventions. Combien?
12 000 000 $. Je pourrais continuer sur une quinzaine de programmes. Si ce sont
des "peanuts", donnez-les moi encore dans le comté de Vachon.
Des voix: Bravo!
M. Payne: J'ai été tenté, au début de
mon discours, de me lancer tout de suite en langue anglaise pour
répondre aux critiques vides de substance du député de
Saint-Louis. Permettez-moi cependant de me joindre à mes
collègues de ce côté de la Chambre, cette semaine, pour
qu'on puisse voir pendant quelques minutes ce que sont le rôle et la
responsabilité d'un député. Comme nouveau
député, je peux vous dire quelque chose -peut-être que je
m'abuse, peut-être que je me trompe - j'ai appris qu'un
député est là pour représenter tout le monde.
J'écoute soigneusement les critiques des membres de l'Opposition qui ne
sont pas impressionnés par l'idée, la philosophie, le pragmatisme
qu'un député devrait être à l'écoute de la
population. Si on peut être critiqué sur beaucoup de choses depuis
1976, il y a très peu de gens qui peuvent dire que notre gouvernement et
notre équipe n'étaient pas très présents.
Ce que nous avons fait pendant cinq ans, pendant six ans, cela a
été d'essayer de représenter l'ensemble des travailleurs.
Pendant les années expansionnistes, pendant les années
soixante-dix, on a été habitués à parler des
travailleurs, on a été habitués à parler de tous
les citoyens comme si, à toutes fins utiles, tout le monde travaillait.
Comme députés, nous sommes obligés maintenant de faire
face à une réalité qui est brutale et qui ne mérite
pas les moqueries des membres de l'Opposition comme on en a vu depuis quelques
jours. On ne les entend pas parler des chômeurs. On ne les entend pas
parler des bénéficiaires de l'aide sociale. C'est la raison pour
laquelle je les invite, quelques-uns d'entre eux, particulièrement les
plus cyniques, à venir avec moi dans mon comté un lundi, un
vendredi ou un samedi, pour qu'on puisse justement être un peu plus
sensibles à ceux qui réclament nos exigences. Est-ce que je peux
demander un peu de votre collaboration, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vachon, s'il vous plaît!
M. Payne: Je pense que nous devons témoigner,
particulièrement ces deux dernières années, d'une
situation extraordinairement difficile pour tous les Québécois.
Nous demandons, aujourd'hui et cette semaine aux syndiqués; et, on
devrait être capables, cette semaine, de faire appel à leur propre
solidarité, parce qu'il y en a. Ils sont venus me voir à mon
bureau, comme ailleurs, chez d'autres députés, pour dire: Nous
sommes mal à l'aise avec les 20% de chômage dans notre
comté, on aimerait bien, si on en avait la possibilité,
élever la voix pour dire: Peut-être qu'on aurait dû accepter
la proposition du gouvernement du mois de juin, du mois d'avril, celle
où il s'est engagé à donner 12% à ceux qui
gagnaient en bas de 13 000 $, ou 5% à ceux qui gagnaient 22 000 $ et
moins, et finalement 2% à ceux qui gagnaient 37 000 $. Ils sont trop peu
nombreux dans mon comté. (17 h 40)
Quand j'entends quelqu'un à mon bureau, comme le
propriétaire anglophone,
tout à l'heure, qui a dit: Donnez-moi 150 000 $ et je peux vous
créer 125 jobs dans la construction de boîtes de camion, je suis
fier. Savez-vous ce qui arrive à l'heure actuelle, M. le
Président? Le gouvernement d'Ottawa a fait des appels d'offres pour
fabriquer des camions pour les postes canadiennes. Savez-vous d'où ils
ont importé ces camions pendant les derniers quinze ans? Des
États-Unis. Ils étaient faits par Grumman Aircraft aux
États-Unis. Ici, nous avons un produit de qualité avec les
travailleurs du comté de Vachon qui sont capables justement de
construire ces boîtes de camion. Nous sommes d'ailleurs le seul
soumissionnaire pour ce projet au Canada. On verra si on l'obtiendra.
Je peux vous dire que, comme représentant de mon comté,
cette Chambre en entendra parler si le Canada octroie encore une fois ce
contrat aux États-Unis.
Je pense qu'il a été assez intéressant de voir
depuis quelques jours comment l'Opposition, qui était un peu
habituée dans le passé à adopter des décrets,
semble vouloir induire la population en erreur vis-à-vis des
propositions faites par le gouvernement. Je vais être très
spécifique. Le député de Saint-Louis nous reprochait de ne
pas avoir montré d'intérêt et ne pas être
entré dans les détails. Dans le chapitre de l'enseignement il y
avait une proposition qui touchait la sécurité d'emploi. Durant
les négociations, le gouvernement avait maintenu cette proposition de
sécurité d'emploi qui n'existe nulle part ailleurs dans le
secteur privé. Je peux citer quelques exemples, à savoir comment
cela fonctionne. Bref, si quelqu'un est mis en disponibilité, il
garderait 80% de son salaire pendant les premiers douze mois et 50% pour les
années subséquentes. Dans le secteur privé, dans nos PME,
nulle part au monde on ne peut avoir une telle sécurité
d'emploi.
Je trouve cela extraordinaire et important mais mettons cela, comme
députés responsables pour l'ensemble de la population, dans son
contexte global. Nous avons proposé des mesures de préretraite
selon lesquelles une commission scolaire accorde une préretraite d'un an
avec plein salaire à un enseignant lorsque cette mesure permet de
relocaliser un autre enseignant en surplus.
Deuxièmement il y a une prime de séparation. Si un
enseignant démissionne et que cette démission permet
l'intégration d'un enseignant en surplus, l'enseignant
démissionnaire obtient une prime qui peut aller jusqu'à six mois
de salaire en fonction de ses années de services.
Un autre modèle. Là où, par exemple, il y a deux
gagne-pain dans une famille, un des deux partenaires peut faire en sorte qu'il
récupère 80% de son salaire pendant quatre ans et, la
cinquième année, il prend une année sabbatique tout en
récupérant 80% de son salaire pour cette cinquième
année. Évidemment, ses impôts diminuent. Il contribue
moins. Finalement, il fait en sorte qu'au point de vue de l'économie de
la famille, il réussit à mieux s'en sortir. Nous avons fait la
proposition d'un congé sabbatique. Nous avons présenté un
régime d'emploi à temps partiel. Nous avons fait une proposition,
un sixième chapitre sur l'allocation de replacement. Finalement, on a
fait en sorte que la mobilité intersectorielle puisse se faire plus
facilement pour donner plus de flexibilité dans les déplacements
d'un professeur d'un endroit à un autre en changeant d'emploi.
Parlons, si vous voulez, M. le député de Saint-Louis, du
secteur hospitalier. N'est-il pas vrai qu'on pourrait être un peu plus
flexible dans les déplacements, dans les changements d'emploi? Par
exemple, là où les besoins en pédiatrie et en
obstétrique diminuent, la gériatrie et la gérontologie
augmentent. Mais avec la politique appellée le plancher dans l'emploi
qui, en bref, veut dire que quelqu'un demeure dans son unité de service
sans que l'employé ait la moindre possibilité de se relocaliser
ailleurs, selon cette proposition, on dit: Peut-être pourrait-on sauver
des jobs, plutôt que d'en donner un à quelqu'un de
l'extérieur, pourrait-on déplacer quelqu'un de cette unité
de service pour qu'il puisse, dans l'ensemble de l'unité, mieux
gérer l'unité, mieux gérer les besoins de l'hôpital
en question. C'est une possibilité qui est incluse dans les
décrets. C'est quelque chose qui a fait l'objet de plusieurs
discussions. Je peux vous dire qu'il y avait beaucoup de syndiqués qui
étaient d'accord avec le principe de la flexibilité.
Bien sûr, M. le Président, lorsque nous parlons d'une
situation de crise, il faut que chaque député regarde l'ensemble
de son comté, l'ensemble du Québec, que la personne soit riche ou
pauvre, qu'elle soit un chômeur ou un travailleur, qu'elle soit un
enseignant ou un journalier, qu'elle soit jeune ou vieille. Le choix le plus
difficile à faire, c'est de faire abstraction de la situation, c'est de
ne pas regarder exclusivement les représentants du front commun, mais de
regarder aussi les jeunes diplômés qui sortent de nos
écoles et qui n'ont pas de job. Faisons le bilan depuis les deux
dernières années. Voyons comment la crise évolue et
analysons des possibilités de les aider davantage. Si quelqu'un avait pu
prévoir la crise avec toute la clarté possible, selon les
discussions des deux derniers jours, c'était le Parti libéral du
Québec. Ce n'étaient pas des économistes de Londres qui,
il y a à peine trois semaines, ont déploré le fait que
personne, nulle part dans le monde, ne pouvait prévoir la crise de
1981-1982. Ce n'est pas le Washington Post qui, juste après Noël,
l'an passé, déplorait le fait qu'il n'y ait pas un
économiste qui pouvait vraiment
prévoir la crise; ce sont les grands visionnaires du Parti
libéral du Québec qui ont tout prévu et tout vu à
l'avance. Ils ont des yeux qui regardent toujours en avant, ils oublient trop
souvent leurs propres arrières, ils oublient leur passé. Si on en
est arrivé au point de discuter de décrets, nous n'avons pas de
leçon à prendre de vous autres. Lorsque arrive une question de
responsabilité sociale, d'équité, de chômeurs, des
considérations de bien-être social, on est prêts à
assumer nos responsabilités. Nous sommes aussi prêts à
faire face à nos syndiqués pour discuter avec eux de l'ensemble
des éléments de la crise. On n'a jamais refusé de
rencontrer qui que ce soit.
Il y en a ici, comme vous l'avez bien constaté verbalement dans
les deux derniers jours, qui ont beaucoup de sympathie de ce
côté-ci pour les principes du syndicalisme, beaucoup, et cela va
continuer, d'où vient la difficulté, beaucoup plus pénible
pour nous, de vraiment juger, d'essayer de légiférer pour le
bien-être de l'ensemble des travailleurs et de ceux qui ne travaillent
pas. Cela dépend d'eux autres. Au moins, dans mon comté, je ne
suis pas prêt à abandonner aussi facilement que cela, je ne suis
pas sûr qu'ils vont venir demain matin me voir pour me dire: On a
trouvé un sauveur dans le Parti libéral. Ce n'est pas un Parti
libéral sans chef, ce n'est pas un Parti libéral sans programme
qui ira à la rescousse de nos assistés sociaux, lui qui, pendant
cette crise, pendant ces discussions pénibles des derniers deux jours,
est devenu tellement moqueur, tellement cynique. Ceux qu'on appelle nos amis
d'en face sont sans programme, sans chef, sans avenir, avec un passé de
plus en plus pénible. (17 h 50)
Si nous voyons la crise et si nous l'analysons, on est au moins
prêts à en discuter entre nous, en caucus, on est prêts
à se lever en Chambre pour expliquer pourquoi on va
légiférer pour le bien-être de tout le monde. Si nous avons
trouvé ici dans ce débat une solidarité extraordinaire, ce
n'est pas parce que nous sommes triomphalistes, c'est parce que nous sommes
convaincus que nos travailleurs, ceux qui conservent en ce moment leur job avec
un minimum de sécurité d'emploi dans l'enseignement, dans les
hôpitaux, seront, en fin de compte, vraiment solidaires de tous les
autres Québécois pour qu'on puisse vraiment passer à
travers cette crise ensemble, cette crise si difficile, si pénible. On a
une confiance que vous n'avez jamais accordée aux
Québécois.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. Pour moi, ce projet de
loi est la preuve concluante de la faillite totale, morale de ce gouvernement.
On a fait avec vous, depuis 1976, le cercle complet. Vous vous rappelez, M. le
Président, l'été 1976, à peine quatre ou cinq mois
avant que le gouvernement ait été élu pour la toute
première fois, les idées des péquistes, même ici en
Chambre, les députés qui disaient: II ne faut pas respecter une
loi qui est non respectable? C'est grave, mais ils l'ont dit. En même
temps, ils ont dit: Avec nous, pour la population, cela va devenir le bonheur
total. On aura, quand vous choisirez les péquistes pour gouverner le
Québec, un gouvernement où on trouvera les représentants
syndicaux, les enseignants, la classe ouvrière, cela sera le "fun" avec
nous.
Je relate quelques paroles d'un discours tenu dans le temps, ici
à l'Assemblée, au mois de juillet 1976, par M. Charron,
député de Saint-Jacques. Voici ce qu'il disait: Les
Québécois ont déjà dans leur coeur un autre
gouvernement qui se prépare à établir, à la place
du gouvernement actuel, non pas dans un esprit de vengeance à
l'égard des travailleurs, mais qui a plutôt déjà
inscrit dans son programme des mesures visant à offrir à ces
travailleurs des conditions de travail qui ne nous obligeront pas, nous,
à convoquer en plein milieu du mois de juillet - parce que
c'était en juillet qu'il parlait -une session spéciale de
l'Assemblée nationale parce que nous aurons été incapables
de nous entendre avec nos employés.
Est-ce possible? Il a dit exactement cela: Vous, la population, allez
choisir les péquistes, on n'aura absolument plus besoin de ces mesures
spéciales, de ces lois spéciales, de ces lois matraques contre
les employés; on n'aura plus besoin de cela parce qu'avec nous, cela va
être totalement différent. C'était en juillet 1976. Il ont
été élus en novembre 1976. Depuis ce temps, M. le
Président, on a vu ici, de ce même gouvernement - cela
était le début du cercle, cela commençait le cercle - huit
lois spéciales. Je ne vais pas toutes les citer avec les numéros
parce que je n'ai pas beaucoup de temps, parce que j'ai beaucoup à dire
sur d'autres sujets concernant ce projet de loi no 105. On a eu des lois
spéciales péquistes dans le domaine de l'éducation,
Hydro-Québec, Communauté urbaine de Montréal, les
enseignants, Commission de transport de la Communauté urbaine de
Montréal; c'était en janvier 1982, alors que j'étais ici.
Encore une autre, au mois de juin 1982, j'étais ici, pour les
médecins. Encore une autre en novembre, alors que j'étais ici, la
Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. Cela
fait huit. Et, hier, on nous a donné le coup de grâce, le projet
de loi no
105 qui, cette fois, vise au-delà de 300 000
Québécois et Québécoises qui travaillent. Dans ce
projet de loi, on fixe les conditions de salaire et de travail. M. le
Président, avec ce que j'ai énuméré tout à
l'heure, on a fait le cercle au complet. On en est arrivé là.
Depuis 1976, cela a pris jusqu'au mois de décembre 1982 pour en arriver
là, pour arriver à ce que j'appelle la faillite totale morale du
gouvernement.
M. le Président, M. Marcel Adam, journaliste, a écrit dans
la Presse, et je cite: "II ne faut pas toujours prendre pour du courage ce qui
est, en vérité, un abus de pouvoir de la part d'un
Exécutif qui se moque du processus législatif. " Et on en a eu la
preuve, parce que hier on nous a présenté ce projet de loi
comprenant 18 articles. Le projet de loi ne veut rien dire en soi, parce que le
projet de loi se réfère à d'autres documents. On parle de
80 000 pages. J'ai entendu parler de 50 000. Personne ne sait exactement
combien. Je peux vous assurer que c'est un paquet de documents haut comme cela.
Hier, on en a eu une copie ici à l'Assemblée nationale.
C'était une pile de documents de 50 000 ou 80 000 pages qu'on
était censé étudier pour donner nos commentaires
là-dessus. C'est un mépris des députés.
Et l'arrogance du gouvernement va plus loin que cela. On en a
parlé ce matin, pendant la période des questions. On a
demandé - j'étais ici et je pense que c'est notre chef qui a
posé la question - s'il n'y aurait pas un sommaire de ces 80 000 pages
qu'on puisse au moins étudier, un document d'une quarantaine ou d'une
cinquantaine de pages, pour savoir un peu en détail ce dont il s'agit.
On nous a répondu: Ce n'est pas nécessaire, parce que ce qui se
trouve dans ce document de 80 000 pages, ce sont vraiment les offres patronales
avec quelques changements. Mais je me rappelle que, lors d'une séance de
la commission des engagements financiers, j'ai posé une question au
président du Conseil du trésor. À un moment donné,
on parlait des négociations: Où en est-on rendu? Il a
répondu: Ce ne sont pas vos affaires. Le gouvernement ne négocie
pas sur la place publique. Je n'étais pas au courant des offres
patronales, parce que je n'étais pas censé les savoir. Ce matin -
le sommet de l'arrogance de la part du leader du gouvernement -savez-vous ce
qu'il a répondu? Il a dit: Vous auriez pu aller aux conférences
de presse de différents ministres et là, vous auriez eu la
réponse. Imaginez-vous, M. le Président, qu'on est maintenant non
seulement gouverné par décrets, mais on est aussi gouverné
par les conférences de presse des ministres. Moi, comme
député, j'ai autant de droits que le leader du gouvernement qui
représente un comté. Je n'ai pas besoin d'aller écouter
une conférence de presse pour savoir ce qui se passe. Je veux avoir la
documentation, j'insiste pour avoir le sommaire pour être capable
d'étudier mon projet de loi, de parler intelligemment là-dessus
et ne pas me faire traiter comme un petit con. C'est ce que vous avez fait et
la population va le savoir, parce qu'on en parle.
M. le Président, on appelle cela de l'arrogance. J'étais
ici, hier soir, jusqu'à deux heures du matin, et le soir d'avant.
J'écoutais les péquistes qui ont parlé. Savez-vous que
j'ai noté qu'il y en a quelques-uns qui ont surtout, en tout cas
j'interprète cela... Le ministre de l'Éducation a
été ici pendant un bout de temps et il avait ce petit sourire de
dédain, ce petit sourire de mépris en nous regardant, comme s'il
voulait dire: Voici, vous autres, vous ne comprenez rien. Nous, on
possède la vérité; vous autres, vous ne comprenez rien.
Allez donc à une conférence de presse pour entendre nos
déclarations et ce qu'on a à dire. C'est comme si on n'existait
pas. Cela m'enrage. Heureusement, il n'y en a pas trop comme cela.
D'autres ont fait des discours avec des larmes de crocrodile, la grande
profession de foi: MM. les syndicalistes, je suis de votre appartenance, je
n'ai pas fait cela par choix, il est malheureux que je doive agir comme le
gouvernement agit, mais, s'il vous plaît, comprenez-moi, je suis encore
avec vous. Il y en a qui étaient un peu plus sentimentaux que d'autres,
mais c'était le message.
Savez-vous, M. le Président, je n'aime pas serrer la main
à un crocrodile, surtout quand le crocrodile a des larmes de crocodile.
Cela ne me dit rien parce que je sais qu'il me mangera, me détruira et
me tuera. (18 heures)
Savez-vous que le gouvernement commence maintenant à
récolter ce qu'il a semé en 1976? Vous avez le résultat,
la récolte est là devant nous, ici, avec ce projet de loi et avec
des documents de 80 000 pages. Voilà la récolte que vous avez
semée.
Le Parti québécois et le gouvernement ont perdu la
confiance totale de tous les secteurs de la population. Vous avez perdu la
confiance totale des chômeurs parce que vous ne pouvez pas créer
d'emplois et, si vous en créez, savez-vous ce que vous créez?
Heureusement, à la commission des engagements financiers, on obtient des
renseignements de temps en temps. Il y a un programme dont on a parlé la
semaine dernière, le programme Chantier-Québec, des milliers de
dollars créant 20 emplois ici, 20 emplois là. Quelles sortes
d'emplois? Pour une période de 20 semaines. J'ai demandé au
ministre et président du Conseil du trésor: Pourquoi 20 semaines?
Il m'a répondu carrément - il ne cache plus rien - parce
qu'après 20 semaines on les envoie au
fédéral, à l'assurance-chômage. C'est cela,
votre programme de création d'emplois. C'est honteux! C'est humiliant
pour un jeune de lui donner une petite "job" de 20 semaines pour le calmer et
l'envoyer ensuite au fédéral bénéficier de
l'assurance-chômage. Je trouve que c'est un scandale. Ce n'est pas une
création d'emplois.
Je lui ai suggéré d'aller prendre le train ou l'avion pour
Ottawa, d'aller parler avec M. Axworthy et lui dire: Voici, le Québec
est prêt, comme l'Ontario, à faire un programme conjoint de
créations d'emplois dans lequel les deux gouvernements, le
fédéral et le provincial, mettront de l'argent. Mais,
évidemment, à Québec, c'est impossible. On ne peut pas
faire cela parce qu'il y a toujours ces maudites chicanes de juridiction, mais
le petit jeune qui cherche un emploi s'en fout de la juridiction; il veut
travailler. Pas seulement pendant 20 semaines, il veut avoir un vrai emploi. Il
veut être employé sur une base permanente, il veut avoir une
fierté comme citoyen. Vous ne lui donnez pas de fierté du tout,
vous lui donnez un travail de 20 semaines, c'est tout.
Vous avez perdu la confiance des assistés sociaux parce que vous
savez très bien que la majorité d'entre eux - et je peux en
parler en connaissance de cause, il y en a dans mon comté - vivent en
dessous du seuil de la pauvreté. Les faits sont là, les chiffres
sont là.
Vous avez perdu la confiance des travailleurs, qui ne
bénéficient pas de l'aide sociale ni du chômage, mais qui
sont les plus taxés de tous les travailleurs et travailleuses du Canada.
Ici, on paie plus en taxes directes, indirectes, de quelque manière que
ce soit, que n'importe où. C'est la pénalité pour avoir le
bon droit de demeurer et de travailler dans la belle province de Québec
que vous êtes en train de détruire.
Vous avez perdu la confiance des hommes d'affaires. Pourquoi? Parce
qu'ils n'ont aucune confiance en vous, absolument pas. Je connais le cas de
ceux qui voulaient investir, soit au Québec ou en Ontario, et qui,
malheureusement, ont été forcés de choisir l'Ontario parce
que les conditions étaient meilleures. Là-bas, ils ont
été reçus et, ici, on leur a donné le message clair
et net: Vous n'êtes pas les bienvenus, et, si vous voulez des exemples,
je vous en donnerai.
Par ce projet de loi qui est devant nous, on récupérera
400 000 000 $. C'est donc une question de sous, une question d'argent, et il
faut aller le chercher dans la poche des employés. Mais qu'est-ce que le
gouvernement lui-même a fait avec ses sous, avec nos sous, avec l'argent
de la bourse publique à laquelle tout le monde contribue? Il faut
regarder cela et je vous donnerai des exemples.
La semaine dernière, j'étais à mon bureau de
comté; j'ai entendu le député de Vachon, juste avant moi,
parler des assistés sociaux. Il nous invitait à venir les voir.
Bien, moi, je l'invite à venir dans mon comté. Une cinquantaine
d'assistés sociaux sont venus à mon bureau et savez-vous ce qui
est arrivé? Il y a un monsieur d'un certain âge qui est
affligé de surdité; il porte un appareil auditif et dans cet
appareil auditif il y a une batterie. Le gouvernement, le ministère des
Affaires sociales, a décidé de réduire l'allocation des
batteries de 5 $ par mois à 3 $ par mois. Mais le pauvre monsieur, avec
3 $ par mois, vu que la batterie dure un certain temps, doit couper les heures
d'audition de son appareil, autrement cela ne marche pas. Qu'est-ce qu'on lui a
répondu au ministère des Affaires sociales? Vous cherchez
à épargner quelque chose comme 2 $. On lui a répondu:
Fermez donc votre maudite batterie le soir, allez donc vous coucher à 8
heures du soir, fermez votre batterie, votre moteur et le lendemain vous serez
correct. C'est ce que nous a donné le gouvernement péquiste,
transparent et social-démocrate.
Cela me fait penser; hier soir, je partais d'ici à 20 heures et
savez-vous ce que je voyais? Je les ai comptées, sept grosses
automobiles de ministres "shinées", Chevrolet, et tous les moteurs
marchaient. Les moteurs marchaient parce que les automobiles doivent être
chaudes en dedans pour recevoir le ministre. Quand je suis retourné plus
tard, vers 23 heures, les mêmes automobiles étaient encore
là, les mêmes moteurs marchaient. Il n'y avait personne à
l'intérieur sauf les chauffeurs. J'ai eu l'intention de leur dire:
Fermez donc vos maudits moteurs et mon gars pourra avoir une batterie pour ses
oreilles. C'est une question de priorité, une question d'approche.
Je vais vous donner quelques exemples. La semaine dernière, on en
a discuté, le Québec loue une résidence pour le
délégué général du Québec au Mexique
pour 170 000 $. On a posé la question au président du Conseil du
trésor: Où demeure-t-il, ce monsieur? Cela coûte cher pour
un logement. Savez-vous ce qu'il a répondu? Ce monsieur a le droit
d'être traité de la même manière que l'ambassadeur du
Canada au Mexique, parce que nous ne sommes pas au deuxième rang. On a
dit: Écoutez, le Québec, c'est tout de même un province; le
Canada, c'est dix fois plus grand que notre province. Peut-être que notre
délégué général n'a pas besoin de demeurer
dans une petite rue en arrière au Mexique, mais tout de même on
pourrait avoir un peu de modestie. Vous n'avez pas de modestie, c'est toujours
la chicane. Parce qu'on veut être sur un pied d'égalité, on
le paie.
On a vu une subvention de 250 000 $ à la Corporation du
comité organisateur des
rencontres francophones de Québec. J'ai demandé au
ministre: Est-ce que ce sera une rencontre de francophones hors du
Québec? Il m'a répondu: Non, non, c'est bien marqué
"francophones de Québec". Qu'est-ce que cela veut dire? Les francophones
de Québec se rencontrent, on donne une subvention de 250 000 $. Mais les
francophones de Québec, c'est la population. Il dit: Je ne sais pas ce
que cela veut dire, je vais m'informer et vous aurez la réponse. Mais
moi, je sais une chose, cela coûte 250 000 $.
On a donné une subvention à la Régie des
installations olympiques, au mois d'avril, de 1 675 000 $. Pour que cela ne
frappe pas en même temps, on donne toujours -c'est la bonne langue des
péquistes - la première tranche de la subvention. C'est 1 675 000
$. J'ai demandé: Est-ce qu'il y a d'autres tranches? On a dit: Ah oui!
parce qu'au mois de juillet, on voit les autres tranches, subvention
additionnelle et voici maintenant le total, 6 700 000 $, pour la RIO. D'accord.
La population paie pour cela.
Dans le même cahier, on a eu, au mois de juillet une subvention
à une firme de comptables pour remplir son mandat de liquidatrice de ce
dossier de la fête nationale 1981. Combien? 1 500 000 $. J'ai
demandé si les 1 500 000 $ couvraient le montant qu'on doit aux
fournisseurs ou si cela inclut aussi les honoraires du comptable. On ne le
savait pas. J'attends la réponse. Mais je sais que c'est 1 500 000 $
qu'on a payé pour la fête nationale.
Au mois de mai, une subvention à l'Office de la construction du
Québec, 5 882 000 $. Ils commencent à augmenter ces chiffres, il
faut faire le total. Ce ne sont pas des petits montants de 5000 $ ici et 10 000
$ là, ce sont des gros montants à l'Office de la construction du
Québec. Même là, vous, les péquistes, vous avez
perdu la confiance de la population, parce qu'il y a maintenant un gros
groupement qui s'appelle - avec des milliers de membres - le Groupe des
interdits de la construction. Savez-vous qu'un jeune ne peut jamais entrer dans
la construction, mais on lui dit d'aller prendre des cours de technologie. Vous
allez devenir un gars qui connaît votre métier et, par la suite,
on vous donnera de l'emploi. Il cherche un emploi et ils lui disent: Bien non,
tu ne te qualifies pas parce qu'il faut avoir travaillé tant d'heures,
etc. Cela est un autre problème que vous avez créé et que
vous n'avez pas résolu. (18 h 10)
Notre fameux projet de loi d'aujourd'hui... Dans les engagements
financiers, on accorde des contrats pour les services de certaines gens et je
cite le document que j'ai devant moi: "Agir à titre d'agent
négociateur dans le cadre du renouvellement des conventions collectives.
" Donc, je trouve là qu'on paie un monsieur 70 000 $ pour 48 semaines
à partir du mois d'août, cela veut dire jusqu'à
l'été prochain, et il n'y a rien à faire parce qu'on a un
décret. Tout est fini. Est-ce que ce monsieur va rembourser le
gouvernement pour les trois quarts de son "stipendium"? Savez-vous comment
s'appelle ce monsieur? Me François Aquin, homme bien connu des
péquistes. Je peux en nommer d'autres. À la même page, je
trouve un autre montant de 78 000 $: convention collective; un autre: 67 000 $:
syndicat des fonctionnaires; un autre pour 33 000 $: professeur de
l'État du Québec, et un autre montant de 37 000 $. Dans une page,
on retrouve 200 000 $ que nous payons pour négocier et il n'y a plus
rien à négocier, c'est fini. Allez-vous leur demander de
rembourser au gouvernement 75% de cette somme? Je ne le sais pas.
M. le Président, je pense que mon temps tire à sa fin et
c'est malheureux. Je voudrais vous donner un dernier exemple. Avec l'argent que
nous avons pris dans la bourse publique, la nôtre, la vôtre, celle
de tout le monde, nous avons payé une somme totale de 167 000 $ pour
avoir un échange avec les enseignants des îles Seychelles. Les
îles Seychelles se trouvent - je les ai trouvées finalement -
quelque part dans l'océan. C'est beau. Il y a une plage, la plus belle
plage du monde se trouve aux îles Seychelles. C'est bien connu. Qu'est-ce
qu'on a payé? $80 000 $ pour le billet d'avion-aller retour
Québec aux îles Seychelles. Je ne sais pas combien d'enseignants y
sont allés; 31 000 $ pour une ressortissante seychelloise qui va venir
ici pour enseigner à nos enfants ou pour apprendre qu'elle peut
enseigner aux enfants là-bas. Cela coûte encore 31 000 $ pour un
autre ressortissant seychellois - il faut que je parle vite, mon temps prend
fin - et une subvention au centre d'étude et de coopération de 25
000 $, tout cela pour cette petite affaire des îles Seychelles. C'est
bien beau. Je n'ai rien contre la coopération internationale, mais
à condition d'avoir les capacités de le faire, d'avoir l'argent
pour le faire, et on ne l'a pas. C'est pour cela que j'ai voulu faire...
M. le Président, c'est malheureux. Je peux vous donner une
cinquantaine d'autres exemples où vous avez dépensé des
millions de dollars et où vous avez choisi les mauvaises
priorités, où vous faites la preuve d'une faillite morale
totale.
Je veux finir avec un exemple du même M. Charron que j'ai
cité au début. Voici ce qu'il a dit au mois de juillet, je
reprends ses paroles: Au moins puissions-nous avoir le souffle d'espoir que
c'est une des dernières lois que présente ce gouvernement. Je
suis d'accord avec cela. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député de Charlevoix.
M. Raymond Mailloux
M. Mailloux: M. le Président, le gouvernement du Parti
québécois, par ses ténors, depuis quelques jours, se
plaît à traiter de démagogues tous les propos qui ne sont
pas d'accord avec le hold-up dont se rend coupable aujourd'hui ce gouvernement
du Parti québécois. Soi-disant issu de la faveur des milieux
syndicaux, c'est aujourd'hui la huitième fois que ce gouvernement du
Parti québécois, qui a tellement décrié de telles
lois avant 1976, se permet d'imposer 109 décrets d'une façon
tellement cavalière que j'éviterai de qualifier une telle mesure
que seule pourrait se permettre, à mon sens, une dictature.
Le gouvernement évoque aujourd'hui avec un renfort de
publicité la situation financière tragique dans laquelle se
débat le Québec. Je dis: C'est vrai qu'elle est tragique notre
situation financière. Personne ne nie qu'il y a une crise mondiale dans
tous les pays industrialisés. Le Canada est un de ces pays, mais quoi
que dise le Parti québécois de la responsabilité du
gouvernement canadien dans la crise plus grande que connaît le
Québec, ce qui d'ailleurs est partiellement vrai, lui, le gouvernement
du Québec a également sa grande part de responsabilité. Il
est grand temps qu'il arrête de faire le mea culpa sur la poitrine des
autres et commence à frapper durement sa propre poitrine.
On a dit dans cette Chambre que les syndiqués des secteurs public
et parapublic sont les enfants chéris de la société
québécoise. Je ne sache pas qu'aucun de mes collègues du
Parti libéral du Québec ne soit pas bien conscient qu'à
travers des conventions de plus en plus alléchantes et parfois
aberrantes, ces syndiqués soient aujourd'hui bien en avance sur le
secteur privé, sur les non-syndiqués, les chômeurs et les
bénéficiaires de l'aide sociale. Pourquoi une telle avance? Le
premier ministre et d'autres intervenants ministériels ont avancé
que c'est principalement en raison des avantages consentis durant les
années de vaches grasses qu'aujourd'hui nous devons reculer. Il est vrai
que beaucoup de gens ont cru que la prospérité serait toujours
à notre portée, c'est pourquoi on s'est payé le meilleur
système de sécurité sociale du monde entier et,
aujourd'hui, on doute qu'on puisse continuer de se le payer
indéfiniment.
C'est ignorer la réalité de 1972 et de 1976, sous la
gouverne libérale, que d'affirmer que nous aurions une si grande
responsabilité. En 1972, le service de la dette était à
300 000 000 $ et la dette québécoise était de 3 000 000
000 $. La prospérité est ce qu'on connaissait en 1972. Où
était alors le député de Montmorency, aujourd'hui ministre
des Affaires culturelles, et autres syndiqués qui, aujourd'hui, sont
devenus députés et ministres qui insistaient pour que,
malgré des conditions déjà intolérables,
incacceptables, on en consente encore de meilleures.
Relisez les discours des six députés du Parti
québécois qui ont, de la façon la plus démagogique
possible, poussé les syndiqués à l'intolérance la
plus complète. Le public ne nous appuyait pas dans ce temps quand nous
voulions arrêter la montée des coûts de la syndicalisation
parce que nous étions en période de prospérité et
les gens étaient écoeurés de voir les hôpitaux et
les collèges fermés. En 1976, nous avons un service de la dette
d'environ 500 000 000 $, une dette de 5 000 000 000 $. Les six
députés sont sur les barricades ici, devant le parlement,
embrassant les syndiqués et les invitant de nouveau à renverser
le gouvernement Bourassa.
J'ai vu le ministre des Finances du temps, M. Garneau, alors que
j'étais moi-même ministre et membre de l'Exécutif,
s'arracher les cheveux devant les demandes syndicales; il connaissait
déjà les conséquences sur les conventions futures:
quelques centaines de millions, et on savait ce que cela donnerait dans les
conventions ultérieures. Pourtant, c'est l'actuel ministre des Finances,
M. Parizeau, qui, en dehors du Parlement, disait de cette convention qui nous
coûtait quelques centaines de millions de trop que c'était voler
les syndiqués et qu'on aurait pu donner presque 30% de plus que ce qui
était alloué à ce moment.
En 1979, alors que la crise faisait déjà des ravages
importants, avec la mauvaise administration du Parti québécois,
le service de la dette se situait à 1 300 000 000 $ et la dette du
Québec atteignait déjà au-delà de 10 000 000 000 $.
À qui faire accroire qu'on ne connaissait pas, en 1979, les conditions
de la crise qui était déjà presque à son plus
fort?
Le PQ sait, à ce moment, quelle est sa situation
financière, mais, pour le référendum, on offre aux
syndicats le ciel sur la terre et même des congés de
parternité. Ce n'est pas le Parti libéral qui vous a
poussés à une telle convention. Nous n'étions pas sur les
barricades comme les vôtres en 1972 et 1976; nous n'avons poussé
personne à renverser le gouvernement et nous avons demandé qu'on
observe les lois. La masse salariale serait, d'après ce que le premier
ministre a dit, aujourd'hui, rendue à 52% du budget. C'est trop
élevé, à qui le dites-vous? On nous dit que, quand la
masse salariale atteint 45%, la lumière rouge est allumée et Dieu
sait qu'elle est allumée de la même façon au gouvernement
fédéral depuis un bon bout de temps. On a beaucoup parlé
de l'erreur du Parti libéral du Québec, qui aurait trop
gonflé la fonction publique et
parapublique durant les années de vaches grasses. C'est en partie
vrai parce que c'était en période de
prospérité.
M. le Président, quand le gouvernement du Parti
québécois tente de nous faire avaler que, depuis 1976, il a
réduit la croissance de la fonction publique et parapublique à
zéro ou presque, je lui dis, après 20 ans que je suis dans cette
Chambre: Ne me prenez pas pour une valise, cela ne prendra pas aujourd'hui.
C'est vrai qu'on n'engage plus de journaliers; c'est vrai qu'on n'engage
plus de gens dans le champ, pour l'agriculture, pour la chasse et la
pêche et ailleurs ou pour des postes semblables; tout cela est vrai.
À chaque concours de la fonction publiqe depuis quatre ou cinq ans, ce
ne sont jamais des indiens qu'on demande, ce sont toujours des chefs de tribu,
non pas à 12 000 $ et 15 000 $, mais à 40 000 $, 50 000 $, 60 000
$ et 70 000 $. Regardez les derniers concours, vous en aurez un exemple
pertinent. L'on sait comment ces fonctions commandent de dépenses
inhérentes au poste. (18 h 20)
M. le Président, je voudrais simplement, en deux mots, faire
allusion à un article, qui n'est pas écrit par un libéral,
et qui a paru dans le Devoir en quatre parties. Le train de vie du gouvernement
du Parti québécois, les dépenses du Conseil
exécutif, où il y avait 47 personnes en 1976 et où on en
retrouve 134 aujourd'hui. Le train de vie du gouvernement pour ses
déplacements comme, par exemple, l'Office de la planification, où
l'on dépensait 12 000 $ en 1976 et 121 000 $ en 1981, quatre ans
après. Les lois compliquées des élections qui,
actuellement, font que le Québec est obligé d'engager plus de
gens que les neuf autres provinces et le gouvernement canadien réunis;
qu'est-ce que cela coûte aux contribuables du Québec? Quand on
regarde encore ces articles, on y apprend qu'on prétend avoir
économisé alors que, de 1976 à 1981, de 74 sous-ministres
adjoints on en est rendu à 110. J'ai été titulaire de
ministère et je me rappelle qu'il y avait moins de cinq attachés
politiques et secrétaires; c'est de cinq à dix actuellement par
cabinet, et j'en passe.
En écoutant le premier ministre aujourd'hui, j'en ai
déduit que, sachant que, depuis plusieurs mois, il devenait impossible
de signer une convention, et il a fait référence aux conventions
précédentes qui n'ont pu être signées, le
gouvernement préparait depuis très longtemps ces décrets
-on a dit qu'il y avait 80 000 pages à ce document - sachant qu'il n'y
aurait pas de conventions signées. Le député de
Deux-Montagnes a dit que les députés ministériels avaient
été trompés de même qu'en raison de la loi no 70. Si
le gouvernement a préparé ce décret à l'endroit des
fonctionnaires des secteurs public et parapublic, leur retirant au-delà
de 500 000 000 $, peut-être qu'ayant oublié de traiter tout le
monde sur le même pied, il a été obligé de le faire
sur le dos de ceux-là seulement.
Si j'acceptais une telle perspective, je voudrais faire des
comparaisons, ayant vécu deux crises économiques, et celle de
1940 n'a pas été un cadeau. Comme personne de vous ne l'a
vécue, je voudrais poser quelques questions au gouvernement. En 1940,
les syndicats n'existaient pas, il n'existait aucune aide sociale, il
n'existait aucune assurance-chômage. Par contre, j'ai vu, à ce
moment-là, au plus fort de la crise, des médecins aller à
cinq, dix ou quinze milles faire des accouchements à 5 $ pour aider les
Québécois à sortir de la crise. Ils étaient tout
aussi médecins et aussi consciencieux que ceux d'aujourd'hui. Je vous
donnerai l'exemple d'un médecin de famille qui, à un moment
donné, après douze accouchements dans la même maison,
à des milles de distance, avait osé demander 120 $, alors que le
tarif était d'environ 10 $ ou 5 $. Le gars surpris lui a dit: Comment se
fait-il que vous me demandiez 5 $ et que là c'est 120 $? C'est parce que
tu ne m'as jamais payé. Je te demande 120 $ et tu ne me paieras pas
plus. C'est vous dire qu'à cette époque les professionnels comme
les autres aidaient à ce que la crise se résorbe. Si de tels
exemples ont pu permettre au Québec des années quarante de sortir
du marasme, c'est que chacun y a contribué et que chacun a
épaulé l'autre, ce qui ne se fait pas actuellement.
Pourquoi, en 1982, vous, le gouvernement, connaissant l'état
lamentable des finances publiques, connaissant le nombre d'assistés
sociaux, le nombre de chômeurs pour lesquels vous avez besoin d'une marge
de manoeuvre - ce que je ne conteste d'aucune façon - n'avez-vous pas
demandé aux médecins, aux médecins spécialistes,
aux omnipraticiens, au lieu de les augmenter, de réduire leurs demandes?
Pourquoi ne l'avez-vous pas demandé? Est-ce que c'est parce qu'ils
détiennent les leviers qui commandent les soins de santé dont on
a besoin qu'on doit craindre de demander plus à des gens qui sont quand
même assez gavés dans la société? Pourquoi n'a t-on
pas demandé à la Sûreté du Québec de
réduire ses demandes? Est-ce parce que ses hommes ont un revolver et
qu'on en a besoin, au moment où il y a des désordres au
Québec? Pourquoi n'a-t-on pas demandé aux fonctionnaires
d'Hydro-Québec, qui sont parmi les mieux payés des
syndiqués, de réduire certaines de leurs exigences? À ce
moment-là, peut-être qu'on aurait moins demandé aux
syndiqués des secteurs public et parapublic qui seront coupés de
5%, 10% et 20%. Les cadres de la fonction publique qui sont payés
entre
40 000 $ et 70 000 $ ont accepté, j'en conviens, en juillet, un
gel des salaires. Pourquoi n'a-t-on pas demandé à ces cadres, qui
deviennent de plus en plus nombreux au gouvernement, dans les
sociétés d'État, partout dans l'appareil gouvernemental,
un sacrifice plus grand pour éviter d'en demander davantage aux plus
petits? Concernant tous les professionnels à contrat qui gagnent des
millions du gouvernement, tous les professionnels engagés à
contrat par tous les ministères, pourquoi n'a-t-on pas pensé de
réduire les honoraires pour l'ensemble des services professionnels que
sollicite le gouvernement avant de demander à des syndiqués
gagnant 17 000 $ et 18 000 $ de rembourser 5% ou 10% de leur salaire? Est-ce
que cela ferait moins mal aux petits? Si on avait évité que la
note soit tellement élevée dans les services professionnels, si
tous ceux qui, dans la société, se sont gavés, si toute la
société avait été appelée au même
sacrifice, alors on pourrait demander aux syndiqués d'accepter des
coupures pour aider les sans-emploi.
Si vous demandez à certains de faire un sacrifice, demandez-le
à tous les mieux nantis et, à ce moment-là, chacun pourra
être solidaire, mais à cette condition seulement.
M. le Président, je vous dis en terminant que si, demain, pour
des raisons personnelles, je ne suis pas en Chambre, ce n'est pas parce que je
voudrai voter pour le gouvernement. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas
observé certaines normes permettant à tout le monde de participer
au sacrifice qu'on demande, je voterai toujours contre des lois aussi iniques
que celle qui est devant la Chambre.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Gilles Baril
M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamin-
gue): M. le Président, plusieurs ont évoqué
depuis quelques heures le caractère extrêmement difficile et
déchirant du geste que le Parlement s'apprête à poser. Nous
sentons tous que nous sommes à une croisée de chemins et que les
choix paraissent très douloureux, mais que choisissons-nous au
juste?
Certains commentateurs ont souligné que c'est le principe
même de nos relations du travail qui était bouleversé, que
ce qui avait prévalu dans le passé dans la préparation des
conventions entre les organisations de travailleurs et l'État, c'est
tout cela en fin de compte qui était en train d'être
profondément modifié. Au-delà des cris passionnés,
de la fureur des uns et des émois des autres, les choix que nous devrons
faire pour les prochaines décennies seront très exigeants,
parfois douloureux, complexes, mais non moins impérieux et fondamentaux.
Quels sont ces choix? Je les exprimerai à partir d'une expérience
très personnelle.
Je dirai d'abord: Poursuivre, voire accélérer la
modernisaton du Québec. Il faut poursuivre notre volonté
collective d'une société équitable où
l'égalité des chances est plus qu'un voeu pieux. Il faut
poursuivre le développement d'une société où la
qualité de l'éducation, des services sociaux et du rôle de
l'État comme facteur d'équilibre social demeure une
priorité pour l'ensemble du Québec. Les conditions de travail qui
seront décrétées dans quelques heures sont au coeur
même de cette qualité de vie que nous nous sommes donnée
depuis 20 ans et que nous voulons poursuivre. (18 h 30)
On pourrait souligner que je suis jeune et même très jeune
pour parler ainsi de l'évolution de nos institutions depuis 20 ans. Par
ailleurs, je me sens d'autant plus à l'aise pour en parler
qu'étant moi-même né au début de la
révolution tranquille, j'ai grandi, été
élevé, éduqué et soigné par ces mêmes
institutions. Les jeunes, mes concitoyens, ceux et celles qui ont 18 ans, 20
ans, 22 ans, savent mieux que quiconque ce que nous devons à
l'État. Nous sommes peut-être la première
génération qui a pu profiter d'une accessibilité largement
généralisée à l'éducation. Nous sommes aussi
profondément conscients qu'un nombre très élevé de
jeunes parmi nous ont décroché, ont abandonné leurs
études parce que non motivés, désabusés parfois par
des gens qui avaient perdu le sens de leur responsabilité
première. Je ne voudrais pas faire ici le procès de mes anciens
professeurs, loin de là. Sait-on dans cette Assemblée nationale
le nombre de grèves, le nombre de jours scolaires perdus, le
harcèlement que des jeunes comme moi et d'autres ont vécu tant au
primaire qu'au secondaire, dans les cégeps ou bien même dans les
universités?
Le rapport de forces manichéen entre les bons travailleurs et le
mauvais "boss" nous fait de plus en plus rigoler, surtout lorsque la
qualité de notre formation devient un enjeu dans le cadre d'une
négociation. Pour la jeunesse, l'affrontement à tout prix est une
mentalité à changer. Nous ne voulons pas d'une
société où le droit syndical est synonyme de la
liberté de faire du harcèlement sur les usagers des services
publics. Ne parlons pas du droit de grève dans le secteur hospitalier,
des malades pris en otage, parce que ce serait trop facile. Je prendrai un
autre exemple, M. le Président, celui des fonctionnaires qui ont
déjà retardé l'émission des chèques des
prêts et bourses aux étudiants de l'ensemble du Québec,
lorsqu'on sait ce que représente un prêt-bourse, environ
3000 $ par an, pour un étudiant et une étudiante. Il y a de quoi
se scandaliser. On ne parle pas d'une question de vie, mais de survie. Il nous
faudra, au cours des prochains mois et des prochaines années, changer
nos relations du travail, mais c'est d'abord nos mentalités, pourrait-on
dire, que nous devons changer.
C'est là un choix à faire et un choix nécessaire
selon nous pour préparer l'avenir et bâtir le Québec de
demain car, il faut se le rappeler, M. le Président, il est important de
le rappeler, le droit au syndicalisme, c'est d'abord le droit au travail, le
droit d'avoir un emploi et ce, pour tous. Encore une fois, la jeunesse est
parfaitement consciente de l'importance de ce droit, droit d'organisation,
droit à la représentation, droit à la négociation.
Elle est consciente aussi des avantages sociaux dont profitent les travailleurs
et travailleuses des secteurs public et parapublic. Je disais tout à
l'heure que nos institutions sont jeunes. Elles le sont parce que les gens qui
y oeuvrent, nos aînés, sont encore relativement jeunes. Nous ne
sommes pas sans savoir, nous qui avons moins de 25 ans, que la
sécurité d'emploi dont vous bénéficiez tous et
continuerez de bénéficier, parce que c'est là un choix de
société essentiel, cette société,
c'est-à-dire, qui vous a donné un emploi, limitera dans une
très large mesure l'accès au secteur public et aux emplois qui
s'y rattachent.
Dans le contexte d'aujourd'hui, pourrait-on dire, à 18
années de l'an 2000, d'autres choix s'imposent à nous pour
préparer le Québec moderne que nous souhaitons tous, celui de
relancer notre économie par exemple, de la moderniser et de la garder
à la fine pointe de la technologie. Il nous faudra pour cela valoriser
la formation des jeunes, la formation professionnelle notamment. Il nous faut
poursuivre l'accessibilité à l'université, le
développement des études des deuxième et troisième
cycles de la recherche, faute de quoi nous serons bientôt de ceux et
celles de 20 ans et de 25 ans qui ne sont ni syndiqués, ni travailleurs,
des sans-emploi, gelés bien raide. Lorsque j'évoque le choix de
la solidarité nécessaire pour relancer notre économie, je
ne le fais pas uniquement pour ceux de ma génération qui compte
un chômeur sur quatre, mais je le fais aussi pour la majorité des
80 000 assistés sociaux. Je le fais aussi pour les gens de mon coin de
pays, de l'Abitibi-Témiscamingue, pour ces gens que je côtoie et
pour lesquels j'ai le plus grand respect: des travailleurs forestiers, des
travailleurs miniers, des personnes âgées, des commerçants,
des femmes collaboratrices d'entreprises agricoles qui connaissent leurs lots
de difficultés et, souvent, le chômage, oeuvrant dans des secteurs
particulièrement affectés par la conjoncture. Pour eux aussi,
nous devons créer de l'emploi, et cela demandera de la
solidarité, un sens aigu des responsabilités et la volonté
d'être individuellement et collectivement responsables et productifs. Le
gouvernement, dans ses demandes et au cours des négociations que nous
avons connues, a fait appel à cet effort de productivité: une
tâche accrue de quelques heures par semaine pour les enseignants; au
primaire, par exemple, deux heures de plus; au secondaire, trois
périodes de plus; au collégial, environ 13% d'augmentation de la
tâche. La solidarité n'est pas un vain mot, elle engage
profondément ceux et celles qui y croient.
En fin de compte, ou nous nous déchirons mutuellement, ou on
décide de travailler tous ensemble. Lorsque je dis qu'il faut changer
nos mentalités par rapport aux relations du travail, au
développement, à l'avenir, cela veut dire des choix de
société, ceux d'une société plus productive, plus
généreuse, plus équitable, une société de
plein emploi et, cela, nous le pouvons ensemble, si nous le voulons, comme des
conspirateurs, qui vient du mot latin conspirare, c'est-à-dire souffler
ensemble vers l'avenir.
Au Québec, nous parlons de virage technologique. Les jeunes sont
prêts à prendre ce tournant, il faut leur en donner la chance.
Notre vieille structure industrielle doit changer et changera. Cela voudra dire
une qualification accrue, une transformation de notre économie, une
amélioration de notre formation même, mais pour cela il faut
changer la culture même de notre société, il faut changer
nos mentalités, transformer nos esprits pour transformer ensuite la
matière.
Cela voudra dire une éducation de qualité, des programmes
nombreux dans des technologies nouvelles, davantage de centres de recherche.
Pourrons-nous y arriver si notre réseau scolaire est plus coûteux
que celui des États avoisinants, si la tâche des enseignants y est
moindre et si les salaires continuent de progresser à un rythme qui
dépasse largement celui du produit intérieur brut, dans un
contexte où les conditions de travail et la sécurité
d'emploi garantissent la tâche individuelle maximale et demeurent pour
l'essentiel les mêmes que celles que nous avons connues? Pouvons-nous
penser que les enseignants et les enseignantes s'engageront vers l'avenir pour
améliorer la formation des jeunes?
La jeunesse est pleine d'espoir et, malgré les difficultés
qu'elle connaît, elle ne veut pas désespérer. Elle envisage
l'avenir d'un oeil positif, elle est prête à des changements, elle
souhaite bâtir, créer des emplois, imaginer, participer de plein
droit et solidairement à la société qu'il nous reste
encore à faire. C'est un Québec indépendant et un pays que
nous voulons édifier, un Québec équitable, moderne, ouvert
sur le
monde, qui ne sacrifiera aucun groupe au profit d'autres, tous
orientés, si on peut dire, vers l'avenir.
La vision que je voulais donner, c'est celle d'un député,
le plus jeune de cette Chambre, et ce n'est pas non plus un cri d'alarme pour
la jeunesse que je lance; c'est un cri d'espoir, c'est un appel, car,
constatons-le, la société hyperstructurée,
hyperbureaucratisée que l'on nous a bâtie ne nous laisse
guère de choix et guère de place à nous. Dans ce contexte,
si nous ne changeons pas nos mentalités et certaines règles du
jeu, et la société elle-même, nous aboutirons à un
cul-de-sac. Je pense que c'est l'ensemble de la collectivité
québécoise qui peut y perdre.
Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que la loi no 70 est justement
l'amorce d'un véritable changement d'esprit, de mentalité et
d'approche dans la société québécoise et qui, j'en
suis sûr, même si elle est difficile à vivre maintenant, ne
fera qu'apporter des éléments positifs pour l'édification
du Québec de demain. Je vous remercie, M. le Président. (18 h
40)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyorc Merci, M. le Président. Nous sommes
conviés à de biens tristes funérailles. Quel rendez-vous
macabre avec le gouvernement péquiste comme officiant! Nous mettons
aujourd'hui en terre un certain nombre de valeurs fondamentales de notre
société auxquelles cependant nous, de ce côté-ci de
la Chambre, nous continuons de croire. Nous mettons en terre, sous la menace de
la majorité ministérielle, notre régime de relations du
travail, notre système d'équité et de justice dans les
relations du travail, notre désir comme société de
régler par voie de négociation nos différends et aussi,
par la façon dont le gouvernement présente ses solutions, notre
volonté d'agir solidairement. Quelle tristesse, quel désastre! Il
s'agit vraiment d'une cérémonie propre à une fin de
régime. Les abus législatifs dans lesquels se délecte le
gouvernement péquiste s'inscrivent parfaitement dans l'histoire
déjà trop longue du pouvoir péquiste à
Québec.
Il est remarquable que toutes les fins de régime se
caractérisent par les signaux qu'il lance en commettant des abus aux
antipodes mêmes des espoirs que leur arrivée au pouvoir avait
suscités. Il n'en est pas autrement du PQ, qui a fort habilement,
pendant des années, cultivé une image de grand rénovateur
et de grand innovateur. La déception ne peut être plus totale. La
boucle est bouclée, le masque tombe enfin. Les supposés
réformateurs n'étaient finalement que des illusionnistes dont les
artifices ont flanché. Les supposés innovateurs cachaient des
réactionnaires avides de pouvoir.
La population saura tirer les conclusions qui s'imposent. L'aventure
péquiste aura coûté à la société
québécoise des frais énormes dans le domaine
économique, dans le domaine social et dans le domaine constitutionnel.
Jamais le Québec ne se sera trouvé dans une telle situation
d'affaiblissement général, causé en très large
partie par des actions irréfléchies, des solutions
improvisées, des propositions irréalistes.
Le projet de loi no 105, qui émane du gouvernement
péquiste, est en même temps à son image, à son image
parce qu'il constitue la négation du processus de négociation
collective comme processus accepté par la société
québécoise pour le règlement des relations du travail,
à son image parce que le projet de loi no 105 est le rejet d'une
conception de la société dont le climat social est basé
sur une acceptation mutuelle des données qui guident les rapports entre
les participants.
On entend les ténors péquistes dire à qui mieux
mieux que le gouvernement agit, légifère, impose, parce qu'il
considère qu'il y va du bien-être de la population. Le
gouvernement péquiste, selon le discours qu'il nous sert, comprend mieux
la situation que quiconque. Il la comprend mieux que les travailleurs et les
travailleuses, que les divers intervenants de la société, et
c'est pourquoi il décide à leur place que ces solutions sont les
meilleures et qu'elles doivent s'appliquer quel qu'en soit le prix.
Il est indéniable que les sirènes péquistes ont un
certain attrait. Il peut être sécurisant de voir que les
difficultés que rencontre le Québec peuvent être
réglées d'en haut, mais il arrive des échéances
où les vendeurs de promesses doivent livrer la marchandise et où
les propos incantatoires ne produisent plus leurs effets. Cette heure que
craignent tous ceux qui ont agi de cette façon a sonné
aujourd'hui en cette Chambre.
Le projet de loi no 105 établit clairement que le gouvernement
péquiste doit avouer son échec, le reconnaître dans sa
totalité et maladroitement, malhonnêtement tenter d'en faire payer
le coût par ceux qui n'en sont pas les véritables responsables. Il
est faux de prétendre que les employés des secteurs public et
parapublic doivent payer pour les erreurs qu'a commises, au cours des
années, le gouvernement Lévesque. Ce sont des erreurs
découlant de l'irresponsabilité, de l'incompétence, de
l'imprévoyance. On ne peut inpunément accumuler déficit
sur déficit, erreur budgétaire sur erreur budgétaire,
gifle sur gifle à l'entreprise privée et prétendre se
surprendre que l'accumulation des bêtises n'exige pas, en fin de compte,
un prix extrêmement lourd à payer. Nous en sommes là, M. le
Président;
il faut maintenant que la gestion financière cesse de se
détériorer et fasse l'objet d'une tentative de correction.
À la suite de ces calculs, de ces additions de coûts, de
ces soustractions d'avantages, de ces multiplications de taxes et de ces
divisions de notre société québécoise, il faut
inévitablement que le gouvernement péquiste en vienne à la
conclusion de son échec, de son incapacité complète, je
dirais même de son incapacité congénitale à
administrer correctement notre société québécoise.
Quand je dis "incapacité congénitale", je me réfère
particulièrement au fait que, congénitalement, le Parti
québécois étant essentiellement idéologique, un
parti dont la raison d'être est basée sur une idée fixe, un
credo, un acte de foi, c'est-à-dire la thèse
indépendantiste, la thèse souverainiste, un tel parti ne peut
prétendre être apte à assurer une administration convenable
des affaires publiques. Pourquoi? Parce qu'un tel parti ne peut faire
abstraction en aucun moment de sa raison d'être, c'est-à-dire la
séparation du Québec du reste du Canada, quand il pose des gestes
administratifs ou des gestes politiques.
Comment peut-on gouverner quand on connaît les difficultés
dont il faut tenir compte, de tous les paramètres, si on ajoute une
considération supplémentaire et dominante qui est celle que tout
acte gouvernemental, tout acte administratif doit s'inscrire dans la poursuite
d'un objectif qui est celui de l'indépendance du Québec? En
agissant de la sorte, on complique d'une façon inouïe tous les
actes gouvernementaux et on fausse totalement la problématique des
décisions et des solutions. La preuve en est tout simplement l'exercice
dans lequel nous sommes actuellement plongés par l'étude du
projet de loi no 105. Comment se fait-il que nulle part ailleurs, nulle part au
Canada, nulle part aux États-Unis, nulle part dans
l'hémisphère occidental nous n'avons eu besoin d'avoir recours
à de tels moyens? Il est clair que notre situation à nous, au
Québec, est plus difficile parce que ici nous avons un gouvernement qui
est différent des autres du fait que c'est un gouvernement
séparatiste péquiste. Elle plus difficile au niveau du
chômage; elle est plus difficile au niveau des taxes; elle est plus
difficile au niveau des fermetures d'usines et d'entreprises.
Tout le monde sait que nous partageons avec le reste du Canada un
certain nombre de facteurs qui, somme toute, sont équivalents. Où
se trouve la différence? Elle ne se trouve nulle part ailleurs que dans
le fait que chez nous, au Québec, nous avons un gouvernement
péquiste, un gouvernement pour qui l'administration des finances
publiques doit se faire en fonction et pour la souveraineté,
l'indépendance du Québec; pour qui l'établissement des
relations du travail doit se faire aussi en fonction d'une accession
éventuelle du Québec à l'indépendance; pour qui la
mise en place de structures économiques doit se faire en fonction du
même facteur, la souveraineté.
Je pourrais continuer l'énumération, mais je pense que la
chose n'est pas nécessaire. Nous avons donc, au Québec, un
gouvernement qui est différent des autres au Canada non seulement parce
qu'il porte un autre nom, mais parce qu'il est guidé par une option, par
une idée qui prime toutes les autres considérations qu'il
relègue au deuxième plan et qui, finalement, doit être la
mesure de tous les gestes posés. (18 h 50)
II faut réaliser le coût d'une telle façon de
gouverner. Nous avons au Québec deux crises qui s'additionnent, deux
crises qui se doublent l'une l'autre. Une première crise qui est celle
que connaît le monde occidental en général, une
deuxième crise qui, elle, est due spécifiquement au fait que le
gouvernement péquiste est là au pouvoir depuis maintenant six
ans. Le prix à payer de cette deuxième crise est énorme
et, actuellement, nous sommes en train d'en écrire la note; elle porte
un numéro, elle porte le numéro du projet de loi, 105.
Aujourd'hui, le gouvernement péquiste frappe durement ses propres
employés, il le fait sous le couvert de l'obligation financière.
Réalise-t-on que cette obligation financière que le gouvernement
évoque aujourd'hui est une obligation qu'il s'est lui-même
créée, une situation dont il est lui-même l'auteur? Son
inefficacité administrative, son mauvais choix de priorités, son
obsession de séparatisme sont des facteurs dont il est personnellement
responsable. Aujourd'hui, il invoque l'argument de la nécessité
pour agir brutalement comme il l'a fait avec le projet de loi no 105. Personne
n'est dupe, personne ne l'absoudra des fautes graves dont il s'est rendu
coupable et qui l'amènent aux extrêmes auxquelles nous en sommes
actuellement. Le gouvernement invoque volontiers, pour faire avaler la pilule
à ses employés, le besoin qu'il y a d'axer la
rémunération de ses employés sur le secteur
privé.
Nous, de ce côté de la Chambre, n'avons aucune
difficulté à accepter un tel principe. Là où on se
doit cependant de souligner ce qui ressemble à de la fourberie, c'est
quand on réalise quel sort le gouvernement péquiste a
réservé, ces dernières années, à
l'entreprise privée, par sa taxation abusive, par le fardeau fiscal
exagéré, par la réglementation trop lourde et trop
nombreuse et aussi, malheureusement et surtout, par ses discours trop souvent
insultants, par ses discours trop souvent humiliants envers les entrepreneurs
et envers les détenteurs de capitaux. Il a mis
l'entreprise privée dans une situation qui, dans bien des cas,
s'apparente au désastre. Maintenant que le secteur privé a subi
des dommages semblables de la part de ce gouvernement péquiste,
maintenant que dans bien des cas le secteur privé survit à peine,
que viennent nous dire les dirigeants péquistes? Ils viennent nous dire
qu'il faut aligner le secteur public sur le secteur privé.
Y a-t-il plus bel exemple de cynisme? Qu'on considère que la
santé du secteur privé est sérieusement affectée.
Qu'on considère aussi que le gouvernement péquiste en est
très largement responsable. Sans cligner des yeux, dans les
circonstances, alors que ce même secteur privé se voit
obligé de traiter ses employés d'une façon qui,
malheureusement, n'est pas toujours assez généreuse, les
péquistes, le gouvernement Lévesque vient nous dire que le
secteur public devrait être traité sur la même base
exactement que le secteur privé. On n'a pas eu assez de détruire
le secteur privé, on veut aligner le secteur public sur ce qui reste
encore dans la société québécoise, après ce
que le gouvernement péquiste a détruit.
Le principe de l'équilibre est certainement acceptable, mais
compte tenu des actes qui ont été posés envers ce
même secteur privé, peut-on voir autre chose dans la proposition
péquiste que malhonnêteté pure et simple? Il en serait
autrement si le gouvernement péquiste avec agi correctement, avec
"fairplay" et avait encouragé le secteur privé de façon
à lui donner une certaine prospérité qui aurait pu se
refléter dans le traitement que le secteur privé aurait
accordé à ses employés. Alors, le gouvernement
péquiste aurait pu nous dire que le secteur public devait s'aligner sur
le secteur privé.
Il est dommage que nous en soyons rendus là, que nous soyons au
point où la seule voie que nous propose le gouvernement soit celle de la
diminution, celle de la décroissance, celle du retour en arrière,
celle du recul pur et simple. Les Québécois et les
Québécoises méritent mieux que cela. Ils ont eu mieux que
cela et ils auront mieux que cela. Le gouvernement péquiste a trahi la
population, il a failli à sa tâche. Son tour de piste est
terminé. Qu'il n'attende pas d'applaudissements, il n'amuse plus
personne, le peuple le hue déjà. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: M. le Président, avant d'entrer dans le vif du
sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, un sujet d'une extrême
importance, j'aimerais faire une brève remarque qui pourrait se baser
sur un proverbe qui serait le suivant: quand le chat n'y est pas, les souris
dansent. C'est la première rencontre d'importance que nous avons
à cette Chambre depuis le départ de M. Ryan comme chef du Parti
libéral et on voit que, lorsque le chat n'y est pas, les souris dansent.
Nous avons eu droit à une kyrielle de ce que l'on peut appeler discours,
en étant polis, teintés de mesquinerie, de mollesse,
d'infantilisme et d'un manque flagrant des responsabilités dont doivent
faire face les membres d'une Opposition officielle de taille. J'en suis
déçu, parce que, dans une période cruciale comme celle que
nous traversons, il n'y a pas que le gouvernement qui doit se tenir debout,
l'Opposition doit faire de même. Je ne m'attarderai pas davantage sur ce
sujet, je crois que les gens qui ont suivi les débats en ont eu des
preuves, à tous les deux discours qui se déroulent ici.
Je me souviens qu'avec une sorte de trémolo dans la voix je
parlais, de ce même siège, de la loi no 70. Si vous vous souvenez,
M. le Président, je vous disais que ce discours je le faisais
poussé par la raison et non pas poussé par mon coeur et par mes
sentiments. Il en est de même aujourd'hui, parce que, fatalement, si les
discussions avortaient, nous devrions nous relever en Chambre aujourd'hui pour
subir les conséquences de la loi no 70.
Le projet de loi no 105 d'aujourd'hui, conçu dans
l'adversité économique et sociale, porte quand même en son
sein un message d'espoir, de liberté et de maturité nationale.
Oui, un message d'espoir et de liberté par la responsabilité
collective et commune qu'il sous-tend parce que provoqué par une crise
économique mondiale: une responsabilité des gouvernants et une
responsabilité des syndicats, "deux personnes" qui doivent se
parler.
Le gouvernement, dans sa façon ouverte et franche dans la
discussion, a tout mis sur la table, a discuté de façon
honnête. Toutes les possibilités de négocier ont
été tentées par le gouvernement. Je me souviens, avant
l'ajournement des débats de cette Assemblée nationale en juin,
que nous avions reçu ici un télégramme des syndicats. Nous
disions de notre côté: L'ouverture à la négociation
n'est pas très forte. Cependant, les chefs syndicaux nous
répondaient: C'est une ouverture pour la discussion. Nous aurions pu,
comme responsables, comme État patron, fort de ce
télégramme dans lequel on nous disait: Nous sommes prêts
à négocier... Si on était prêt à
négocier, c'était donc dire que l'augmentation du 1er juillet, on
ne voulait pas la recevoir comme telle, on voulait en discuter. On aurait pu ne
pas la verser, forts de ce télégramme. Cependant, nous ne l'avons
pas fait. Nous aurions pu attendre le résultat des négociations
avant de
commencer à verser, forts de ce télégramme, mais
par souci de démocratie, pour pousser jusqu'au bout la
négociation, pour donner la chance aux deux interlocuteurs de se parler,
nous n'avons pas profité stratégiquement de ce
télégramme. (19 heures)
Nous avons poussé la négociation jusqu'au bout et,
malheureusement, le bout, c'était hier. Nous avons laissé la
chance à notre interlocuteur, le syndicat, de discuter avec nous. Nous
n'avons pas fait, comme disent certaines personnes de l'autre
côté, un geste unilatéral; nous avons discuté avec
nos employés. À Ottawa, ils ont dit tout simplement 6% et 5%; en
Ontario, un décret, c'est 6%, c'est 5%. Ici, nous avons discuté
de bonne foi, les livres sur la table. Nous devions le faire par souci
démocratique, M. le Président.
Cependant, au sortir de cette discussion avortée entre le
gouvernement et le syndicat, il n'y a aucun vainqueur. Il y aura un seul
gagnant, ce sera le peuple du Québec qui doit être fier de voir
qu'un gouvernement, dans des occasions comme celle-là, sait se tenir
debout. La population entière sera gagnante parce que nos chefs
syndicaux sauront prendre leurs responsabilités devant cette loi. Le
peuple du Québec, devant ces discussions avortées, sera le seul
vainqueur et doit être le seul vainqueur.
Nous sommes, au Québec, vous le savez autant que moi, à
l'enfance de toutes les libertés. On ne nous reconnaît pas encore
comme peuple, de l'autre côté, ou comme nation. Encore moins
à Ottawa, nous sommes pour eux une tribu. Nous sommes à l'enfance
des libertés au Québec, à l'enfance des libertés
politiques, à l'enfance des libertés religieuses et à
l'enfance des libertés syndicales. Il y a à peu près une
vingtaine d'années que le vrai syndicalisme existe au Québec. Il
est normal que durant certaines périodes, surtout comme celle où
nous vivons... Il n'y a pas beaucoup de syndicats dans le monde qui ont
vécu une période comme celle que nous vivons; c'est arrivé
de 1929 à 1939. Au Québec, de 1929 à 1939, il n'y avait
pas beaucoup de syndicalisation. Le syndicat, malgré la bonne
volonté de ses dirigeants, bien sûr, n'a pas un passé
très long et est encore pubère; c'est l'enfance de la
liberté syndicale, c'est sûr.
Cette loi frappe fort, elle frappe dru, comme la crise frappe fort, elle
frappe dru; elle frappe! On ne sait pas où elle s'arrêtera de
frapper, on ne sait pas qui elle frappera et on ne sait pas quand elle
s'arrêtera de frapper. La seule clarté de cette loi, c'est que le
gouvernement prend une chance, il frappe fort par cette loi et il frappe dru.
Mais il dit qui il frappe, quand on s'arrêtera de frapper et comment il
frappe. Cette crise peut nous frapper tellement fort, dans le monde occidental,
que beaucoup de personnes de l'entreprise privée se retrouveront en
chômage ou bénéficiaire du bien-être social. Bien
malin celui qui pourra prédire quand finira cette crise.
Nous, au moins, si nous demandons à nos hauts salariés de
faire un sacrifice devant cette crise, nous disons où nous frappons,
à regret, et nous protégeons, par cette loi, les moins nantis de
la société. Nos chefs syndicaux peuvent certes prendre leurs
responsabilités devant ce projet de loi, même si, à
l'intérieur, ils sont déchirés par la tradition de la
négociation et par les responsabilités qu'ils doivent prendre
durant cette crise. Je suis persuadé qu'ils sauront prendre leurs
responsabilités, mais cette crise, la base, l'ensemble des
syndiqués la comprend et je suis sûr que souvent, tacitement, ils
appuient le geste du gouvernement.
Il existe toujours, cependant, des groupes ou des groupuscules un peu
plus fébriles que d'autres, c'est sûr, M. le Président.
Pour aider nos chefs syndicaux à y aller fort et à prendre leurs
responsabilités devant leurs syndiqués dans cette période
qui s'en vient, la période des fêtes, qui est censée
être une période de réjouissances, où les grand
ténors des différents milieux feront connaître leurs voeux,
où sont les grands ténors, les défenseurs du consensus
social? Où sont-ils dans cette crise? Où sont les Bourassa dans
cette crise? Où sont les Pierre Bourgault dans cette crise? Où
sont-ils pour encourager nos chefs syndicaux qui veulent être
encouragés par des gens qui sont conscients qu'on se doit d'avoir un
consensus social actuellement? Où sont-ils? On ne les voit pas dans le
décor, actuellement.
Il y a bien M. Garneau qui a dit quelques mots, mais quand même!
je parlais de gens influents! Où sont les grands revendicateurs?
Où sont les associations de chômeurs? Où sont ceux qui
demandent toujours pour les associations, pour les bénéficiaires
de l'aide sociale? On se doit de faire cette coupure pour protéger,
à cause de la crise, ceux qui sont moins nantis, les handicapés,
les gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale qu'on se doit
d'indexer, les gens de l'âge d'or, Logirente. C'est pour ces gens que
nous le faisons. Si nous n'effectuons pas ces coupures, nous devrons couper
certains plans d'aide aux moins nantis de la société.
Où sont les défenseurs de la veuve et de l'orphelin?
Où sont-ils? Où est l'ancien député de
Saint-Laurent? Où se cache-t-il actuellement, lui qui a
démissionné de ce caucus, caucus du Parti libéral, parce
qu'il a dit que jamais ce caucus ne présentait quelque chose de positif
devant une situation difficile. Il a dit textuellement: "Je m'en vais pour une
raison surtout; il faudrait que nous coupions 1 000 000 000 $ dans la
masse salariale des employés publics. " 1 000 000 000 $, et on
l'a laissé aller.
Une voix:...
M. Blais: On l'a laissé aller. On ne comprenait pas. Ceux
qui comprennent dans ce parti s'en vont très vite ou on les
dégomme.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Blais: Dans des situations difficiles, on dirait que ces gens
se transforment tous par intérim en diseurs de bonne aventure. Parlez,
parlez, laissez faire le fond, ce sont les sons qui comptent.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît:
M. Blais: Je suis peiné et c'est malheureux même
pour les membres de l'Opposition; nous ne sommes pas éternels de ce
câté-ci.
Des voix: Non.
M. Blais: C'est sûr, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît:
M. Blais: C'est sûr, M. le Président, nous ne sommes
pas éternels.
Une voix: II s'en vient de l'autre côté. (19 h
10)
M. Blais: Même par partisanerie, s'il y avait un brin de
rationalité de l'autre côté, même par partisanerie,
au cas où ils prendraient le pouvoir à la prochaine
élection.
Des voix: Bravo!
M. Blais: Cette loi ne peut qu'aider le gouvernement qui viendra
à la prochaine élection parce que c'est mettre de la
rationalisation dans les dépenses publiques, où les
déficits budgétaires sont rendus à leur summum à
cause de la crise, bien sûr, M. le Président.
Cette loi sauvage, dans son essence, a été conçue
de façon civilisée.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Blais:... et elle s'adresse à des gens
civilisés.
Une voix: Va chercher tes plumes!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de Terrebonne.
M. Blais: Cette interruption prouve que cela s'adresse aux gens
civilisés.
Cette loi sauvage, dans son essence, a été conçue
de façon civilisée. Elle est sauvage à cause de la crise
sauvage.
M. le Président, s'il vous plaît, voulez-vous demander aux
gens de l'autre côté, s'ils ne veulent pas m'entendre, je ne veux
pas les entendre moi non plus. Ils pourraient sortir.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Terrebonne, vous avez la parole. Continuez!
M. Blais: Cette loi, malgré son essence sauvage, a
été conçue par des gens civilisés et s'adresse
à des gens civilisés. Elle porte en elle-même tout ce qu'il
faut pour montrer qu'au Québec nous avons des chefs syndicaux qui sont
capables de prendre leurs responsabilités, un gouvernement qui est
capable de prendre ses responsabilités parce que la crise que nous
vivons le commande. De ceci, que vivent les syndicats et que vive la
solidarité de toute la population du Québec! Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: M. le Président, je crois que pour la
première fois de ma vie je suis d'accord avec le député de
Terrebonne: cette loi est vraiment sauvage.
Ayant été élu pour la première fois en 1976,
à un moment où le Québec allait bien, à un moment
où le taux de chômage était relativement bas, à un
moment où on pouvait espérer pour nos concitoyens des jours
encore meilleurs, je pensais et je croyais sincèrement que ce vent de
prospérité allait souffler sur le Québec pour encore
très longtemps.
En 1976, lors de ma première présence en cette
Assemblée nationale à titre de député de
Huntingdon, heureux et honoré du mandat que je venais de recevoir de mes
électeurs, je n'aurais jamais cru à ce moment-là qu'un
jour j'aurais à prendre la parole sur une mesure législative
aussi invraisemblable. Jamais je n'aurais cru qu'un gouvernement
québécois pourrait un jour vouloir poser un acte aussi
provocateur, aussi cynique, aussi dangereux et aussi indécent.
M. le Président, le but de mon intervention sera surtout
d'essayer de faire ressortir les raisons qui auraient pu pousser le
gouvernement Lévesque à renier sa signature, à revenir sur
sa parole donnée et
à déchirer un contrat dûment signé. Le but
que je poursuis n'est pas de vouloir protéger ou appuyer un travailleur
particulier par rapport à un autre, mais je voudrais plus
particulièrement faire porter mes propos sur l'impact social que peut
provoquer un geste provenant d'un tel gouvernement.
Je sais que l'administration pourrie que l'on connaît depuis six
ans a conduit le Québec à une situation des plus dramatiques. Je
sais également que ses administrateurs nous ont conduits à un
nombre record de sans-emploi et à un nombre record d'assistés
sociaux. Je sais aussi, M. le Président, que ces éléments
représentent pour tous les membres de cette Assemblée une
situation des plus préoccupantes et des plus troublantes, mais le sujet
qui doit être débattu et traité est d'un tout autre
ordre.
M. le Président, tout le Québec est aujourd'hui
convié à considérer, à analyser et à
décortiquer un geste sans précédent, le geste le plus
indécent et le plus inquiétant qu'un gouvernement soi-disant
démocratique n'ait jamais osé poser. Il s'agit bien d'une rupture
de contrat, de la non-reconnaissance d'une signature, de la non-reconnaissance
d'une convention dûment signée entre parties et du bris
unilatéral d'un engagement gouvernemental.
À la suite de cette pseudo-négociation qui, en raison de
l'attitude patronale, a tourné en queue de poisson, le gouvernement,
depuis l'adoption de la loi no 70, avait choisi d'y aller d'un coup de force
sans précédent. Le projet de loi no 105 dont nous étudions
la portée aujourd'hui aura sans doute, lui aussi, des
conséquences sans précédent.
Nous en sommes là. Si un gouvernement peut renier sa signature
après s'être lui-même servi et avoir profité de cette
même signature pour des fins électoralistes et partisanes, lors du
référendum et de l'élection du 13 avril 1981, comment
pourra-t-on, à l'avenir, avoir foi dans tout acte signé par ce
gouvernement? Comment, à la suite de ce geste, pourra-t-il demeurer
crédible aux yeux de la population qu'il a pour mandat de gouverner? Qui
pourra prendre au sérieux les futurs engagements de ce gouvernement
péquiste? Les générations futures se souviendront
longtemps du PQ comme le plus grand "Indian giver" de tous les temps.
Je suis très inquiet de la gravité et du danger de cet
acte. Je suis inquiet des répercussions que pourraient provoquer ces
méthodes draconiennes dont se sert le gouvernement actuel pour tenter de
régler un problème qu'il a lui-même créé de
toutes pièces. Je me souviens trop bien, M. le Président, que le
13 avril 1981 le Québec était encore très riche. Il n'y
avait rien de trop beau. Mais 24 heures plus tard, soit le 14 avril 1981, on
était soudainement devenu un peuple pauvre raide. C'est ce qui est
arrivé le lendemain de l'élection 1981.
C'est peut-être imager un peu la situation cruellement
véridique, mais je n'exagère aucunement la situation qui
prévalait à ce moment-là. L'élection de 1981 fut un
hold-up politico-électoral machiné par nos intellectuels d'en
face. Le coût de cette absurdité - je pense que tous en
conviendront - nous amène aujourd'hui à se poser de
sérieuses questions. Je pense que tous reconnaissent qu'un climat sain
et durable, c'est extrêmement long à bâtir, mais c'est aussi
extrêmement fragile. Il s'agirait d'un geste comme celui que le
gouvernement s'apprête à poser pour mettre en péril des
années d'efforts et de sacrifices que se sont imposés des
millions de mes concitoyens.
Je supplie les gens d'en face d'évaluer de nouveau toutes les
répercussions possibles que ce projet de loi pourrait entraîner.
J'aimerais que les gens d'en face analysent sérieusement et
consciencieusement, si conscience il reste, ce que représenteront et ce
que voudront dire, à l'avenir, pour les 6 000 000 de
Québécois, la signature d'un gouvernement, l'engagement d'un
gouvernement, un contrat signé par un gouvernement, une convention
signée par un gouvernement. Pour moi, ce sont tous les engagements
futurs des gouvernements, ceux qui se succéderont, qui vont en prendre
un dur coup. La crédibilité et l'honnêteté qui
doivent caractériser un gouvernement demeureront sérieusement
handicapées. Si un gouvernement peut, par simple décret ou loi,
déchirer un contrat et revenir sur des ententes signées, je dis
aux péquistes que l'institution démocratique que
représente l'Assemblée nationale aura été
entachée, elle aura perdue de ses valeurs fondamentales si jalousement
conservées depuis des siècles. (19 h 20)
Maintenant, tout ce que je peux oser espérer, c'est qu'au moins
la population du Québec ne se comporte jamais comme son gouvernement
péquiste dont l'image est immensément ternie. Après avoir
observé les six années de l'administration péquiste, il
devenait de plus en plus évident que le ballon séparatiste
éclaterait tôt ou tard. Après six ans d'appauvrissement du
Québec, l'inévitable devait se produire. Tout cela après
avoir écrasé le secteur privé, après avoir
fermé des milliers d'industries et commerces et après avoir
chassé du Québec des centaines d'industries importantes et des
centaines de sièges sociaux.
Après avoir craché, depuis six ans, sur tout ce qui
n'était pas authentiquement francophone et québécois,
après avoir participé à la création de 400 000
chômeurs au Québec, après avoir augmenté à
345 000 le nombre de nos assistés sociaux et, en plus, après
avoir exercé, depuis six ans, un lavage de cerveau systématique
et après s'être amusé pendant six ans à jouer sur
les
cordes sensibles des Québécois, maintenant, nous voici
devant le triste bilan que nous laisse la clique d'intellectuels
indépendantistes qui ont procédé, ces six dernières
années, à la destinée du Québec.
Il était clair, il était évident, cela crevait les
yeux, que la dernière convention collective signée par le
gouvernement Lévesque était totalement irréaliste et
dépassait toute logique et tout raisonnement. Il y avait deux buts que
poursuivait le Parti québécois: le pouvoir et
l'indépendance du Québec. Le référendum de mai 1980
et l'élection d'avril 1981 représentaient deux étapes
primordiales à l'aboutissement de la seule et unique raison d'être
du Parti québécois. Il fallait, pour atteindre ce but, ne rien
épargner, allant même jusqu'au point d'appauvrir et d'affaiblir le
Québec à tout jamais.
Dans ce sens, l'histoire des peuples nous démontre très
bien qu'une population collectivement pauvre et démunie se manipule
beaucoup plus facilement. Mais ce gouvernement péquiste avait
sous-évalué le courage, l'énergie, la volonté et la
résistance des Québécois. Jamais, et de tous les temps, un
gouvernement ne se sera attaqué aussi durement, aussi impitoyablement et
aussi férocement aux racines, au raisonnement et à l'intelligence
d'une population. Le coût en fut énorme, il se chiffre par
milliards de dépenses folles et exagérées. Ces coûts
exorbitants nous ont conduits à la situation que l'on vit
actuellement.
Aujourd'hui, c'est un aveu et un constat d'échec que le projet de
loi no 105 représente au vu de tous les observateurs. C'est
également la déchéance et la fin du régime
péquiste, régime orchestré depuis six ans par des
rêveurs et des provocateurs. Si les engagements, la parole et la
signature des péquistes ne valent plus rien pour les employés des
secteurs public et parapublic, ils ne valent rien non plus pour nos malades,
pour nos étudiants, pour nos personnes âgées, nos
chômeurs, nos bénéficiaires de l'aide sociale ni tous les
autres travailleurs du Québec. M. le Président, maintenant que le
gouvernement Lévesque a fait son lit et que le rouleau compresseur a
fait son oeuvre, j'espère fortement et sincèrement que tous ceux
qui sont touchés par ce projet de loi 105 démontreront plus de
responsabilités et de civisme que ne le fait le gouvernement.
M. le Président, nous, de ce côté-ci, savons que des
jours meilleurs sont à l'horizon et peut-être fallait-il, pour
mieux apprécier les bonnes conditions de vie et mieux se souvenir de
l'extraordinaire développement économique et social qui fut
nôtre depuis les années soixante jusqu'à 1977,
connaître des jours sombres et des situations difficiles. Peut-être
fallait-il subir cette période extrêmement creuse et
extrêmement accablante. Peut-être fallait-il, malheureusement,
qu'un groupe de destructeurs séparatistes prennent le pouvoir en 1976.
Enfin! M. le Président, nous, du Parti libéral du Québec,
demandons aux travailleurs d'être calmes et responsables. Nous
suggérons de ne pas mettre dans une situation encore plus pénible
les plus démunis et les plus dépendants de notre
société. Nous n'avons pas dans nos rangs, nous, de l'Opposition,
des Charron, des Bédard, des Lessard, des Laurin, des Joron, des Burns,
des Léger ou des Morin. Non, M. le Président. Nous n'avons pas
dans nos rangs ce genre de personnages promoteurs de désordres et de
manifestations. Nous sommes très conscients de nos
responsabilités sociales et morales. M. le Président, nous vous
assurons que c'est dans le respect intégral de l'autorité et de
nos lois que nous accomplirons notre tâche.
En terminant, j'indique que, tout comme ce fut le cas de 1970 à
1976 et également depuis ce temps à aujourd'hui, les instigateurs
de la contestation et les provocateurs de désordres sociaux, les
incitateurs de trouble et les gens qui déchirent les contrats
signés se trouvent et se retrouvent, comme toujours, du
côté péquiste. Enfin, M. le Président,
peut-être est-il superflu d'indiquer que je vais voter contre ce projet
de loi, mais si, par hasard, mes propos ne vous avaient pas encore convaincu,
je tenais à le réaffirmer. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Westmount.
M. Richard French
M. French: Merci, M. le Président. Le projet de loi 105
est une mesure répugnante, présentée à
l'Assemblée nationale d'une façon odieuse, mais nous n'avons pas
besoin de décrire de façon plus détaillée tous les
problèmes qu'il va amener pour les travailleurs dans le secteur public
québécois et pour tous les citoyens et les citoyennes. Si nous
avons parlé de la signification économique et sociale de
l'impasse des finances publiques québécoises, il me semble que
nous n'avons quand même pas pu, vu l'intensité de la crise,
prendre un certain recul et regarder de façon très froide la
signification historique de la situation que nous vivons aujourd'hui. Il me
semble que nous vivons maintenant un point tournant dans l'histoire politique,
dans l'histoire sociale du Québec qui dépasse largement dans son
importance le débat sur la politique financière du gouvernement
actuel ou les aléas des négociations avec le front commun. (19 h
30)
La crise actuelle est avant tout la crise d'une classe dominante, la
crise d'une coalition d'intérêts, la crise d'une coalition de
pouvoirs dont nos amis d'en face sont
l'expression politique la plus récente. La classe dominante dans
la politique québécoise, depuis une quinzaine d'années, a
dicté le vocabulaire de la politique, a défini la
problématique de l'agenda public, a exprimé ce qu'elle jugeait
être les questions les plus importantes à débattre, les
problèmes les plus importants auxquels devait s'attaquer le pouvoir
public.
C'est ce soir, à l'Assemblée nationale, qu'on
étudie en deuxième lecture la mesure qui incarne la fin de cette
classe dominante. La mort de Duplessis a marqué la naissance de cette
classe dominante, de cette coalition d'intérêts. C'est la
croissance économique des années soixante, du début des
années soixante-dix qui lui a permis d'émerger comme force
dominante. Dans l'histoire du Québec, depuis 1960 à peu
près, ce sont effectivement les employés du secteur public, les
cadres, les professionnels de la fonction publique, les administrateurs de CLSC
et de cégeps, les professeurs d'université qui, avec
l'aristocratie syndicale et l'industrie de la parole, se sont constitués
en fiduciaires du testament de la révolution tranquille, un testament
important pour tous les Québécois, un testament qui visait la
modernisation, un testament nationaliste. Cette classe se donnait, pendant les
années soixante, au début des années soixante-dix, la
fonction de demander, de créer et de gérer les biens publics, les
services publics. C'est donc à cette classe que nous devons - toute la
société québécoise - depuis 1960, les services dans
le secteur de l'éducation, du bien-être, de la santé, de la
protection du consommateur et tous les autres biens publics.
En quelque sorte, pour cette classe dominante, la souveraineté du
Québec est devenue la fin logique. C'est sûr que, dès la
naissance de cette classe, plusieurs establishments d'alors, l'establishment
religieux, par exemple, l'establishment bénévole, l'establishment
du monde des affaires subissaient les conséquences de l'arrivée
au pouvoir d'une nouvelle classe.
La classe dominante avait certaines marques de commerce. Son
modèle d'innovation, son modèle du progrès, son
modèle de prise de décisions était centralisateur et c'est
à une centralisation du pouvoir et de l'innovation qu'on a
assisté depuis 20 ans. Pour cette classe, les employés publics,
l'industrie de la parole, les syndicalistes, l'aristocratie syndicale, c'est le
gouvernement, c'est l'autorité publique qui doit donner l'exemple, c'est
l'autorité publique qui doit, par exemple, diriger l'économie et
le mot "diriger" est important.
Cette classe dominante vivait et vit encore largement du trésor
public et des cotisations syndicales. La classe dominante a réussi
à faire la preuve, en contexte québécois, de l'analyse de
l'économiste
Albert Breton, à savoir que le nationalisme est un instrument
pour le transfert des ressources, surtout les ressources financières,
pour une certaine classe moyenne, cette nouvelle bourgeoisie, cette classe
dominante dont je parle.
Cette classe dominante, dans la poursuite de ses intérêts,
se félicitait de comprendre les éléments les plus
dynamiques de la société québécoise et, parmi les
absents de cette classe, se trouvaient, notamment, le monde des affaires et les
minorités ethniques. Puisque cette classe dominante dépendait
d'un surplus économique issu de la croissance et approprié par
les moyens de l'État au profit des services publics - en gros, des
individus qui géraient ces services publics en particulier - la classe
dominante se trouve, aujourd'hui, face à la crise financière de
l'État, face à la crise économique nord-américaine
elle-même en pleine crise, puisque l'arrêt de la croissance
économique veut dire, forcément, l'arrêt du surplus
économique qui était, dans les années soixante et
soixante-dix, approprié de façon systématique pour les
services publics. Ce qu'on constate, ce soir, dans les discours de nos amis
d'en face et dans les discours tenus un peu partout au Québec,
d'ailleurs, c'est un manque de diagnostic adéquat pour expliquer la
situation et surtout pour voir l'avenir. Je ne prétends par le fournir
ce soir, M. le Président, mais j'essaie d'esquisser un cadre analytique
à cette fin, d'essayer de voir un peu où on s'en va. À
force de le faire, on voit un peu où on en est venu.
Le diagnostic de nos amis d'en face, le diagnostic de cette classe
dominante s'avère totalement inadéquat compte tenu de la
situation actuelle. Il y a deux portes de sortie pour cette classe ou pour les
idéologues de cette classe. D'une part, il y a la possibilité
d'une radicalisation idéologique, un virage à gauche, mais c'est
une démarche intellectuelle qui a toujours été
rejetée par les éléments dominants de cette classe. C'est
le virage qu'a entrepris, je crois, notre ami le député de
Sainte-Marie, mais c'est un virage qu'en gros le Parti québécois
est incapable d'entreprendre à ce moment-ci. Cela voudrait dire
effectivement leur marginalisation et ils sont trop conscients de l'importance
du pouvoir pour le faire.
L'autre choix est la remise en question de quelques-uns de leurs
principes les plus fondamentaux. Voilà l'option qu'ils ont choisie sans
trop connaître toutes les conséquences de cette décision.
C'est évident que comme toute classe dominante dont les jours tirent
à leur fin, celle-ci reste un peu médusée,
inévitalement, par rapport à ses attentes, par rapport à
ce qu'elle a appris, à ce qu'elle a anticipé depuis quinze ans:
de plus en plus de services publics, de plus en plus de ressources publiques
à la disposition
du secteur public, des employés publics. La situation
aujourd'hui, à leurs yeux, est inévitablement le monde à
l'envers. (19 h 40)
En écoutant les discours de nos amis d'en face, je me souviens de
cet aphorisme, de ce dictum: les généraux des forces
armées se préparent toujours pour la dernière guerre
plutôt que pour la prochaine guerre. Nos amis d'en face aiment à
se battre dans des genres de combats auxquels ils sont habitués, par
exemple le combat constitutionnel, la guerre constitutionnelle. Ils ont
largement perdu ce combat, mais ils continuent d'essayer de remettre cette
question à l'ordre du jour, même si le public n'est plus
intéressé par cette question. Ils aiment à se battre, ils
aiment faire des combats linguistiques. Voilà un combat qu'ils ont
largement gagné, qui n'est plus tellement pertinent, qui n'est plus
tellement important par rapport à la situation actuelle. Mais ils
continuent à s'impliquer là-dedans, à s'intéresser
là-dedans. Ils sont incapables de faire face au défi de
l'avenir.
La porte de gauche ne mène nulle part, la porte de gauche
mène à une marginalisation. La porte de droite amène
fatalement certaines prises de position qu'ils sont incapables d'embrasser.
Entre-temps, pendant que la scission inévitable s'enracine dans la
classe dominante, la prochaine classe dominante se prépare. Je suis
convaincu, M. le Président, que vous allez me demander: C'est quoi cette
prochaine classe? Je m'explique. Pour identifier cette prochaine classe, il est
à noter que l'arrêt de la croissance ou plutôt
l'exacerbation au Québec de la crise économique
nord-américaine et mondiale, cette deuxième crise
économique qui est uniquement québécoise, n'est pas
étrangère à l'absence des gens d'affaires, à
l'absence des administrateurs de la classe dominante actuelle.
La nouvelle classe dominante va également utiliser des moyens
collectifs, tout comme la classe dominante pendant les 20 dernières
années, mais les moyens collectifs utilisés par cette nouvelle
classe vont être des moyens privés et non pas des moyens publics.
D'ailleurs, on le voit déjà, M. le Président; sans trop le
savoir, le ministre des Affaires sociales est en train de faire de la
publicité gouvernementale pour encourager le bénévolat. Si
on n'avait pas détruit le bénévolat par un excès
d'interventions publiques dans les années soixante, on n'aurait pas,
dans les années quatre-vingt, à rebâtir le
bénévolat par de la publicité gouvernementale. Un autre
aspect des moyens qui seraient adoptés par cette nouvelle classe
dominante, serait que ces moyens seront non seulement privés, mais
décentralisés, et pour la nouvelle classe dominante, les termes
du débat seront d'abord et avant tout, et inévitablement, pour
les quinze à vingt ans à venir, économiques. Finie
l'histoire de l'obsession politico-linguistique, finie l'histoire des
obsessions constitutionnelles. C'est un luxe que nous ne pouvons plus nous
permettre. L'adolescence de la nouvelle classe dominante, l'adolescence qu'elle
vit aujourd'hui n'est pas marquée par l'insécurité
constitutionnelle. Elle n'est pas marquée non plus par
l'insécurité linguistique: II n'y a pas de jobs. Elle est
marquée par l'insécurité économique.
Voilà donc, M. le Président, le défi de l'avenir,
le défi auquel la classe dominante qui se prépare va s'attaquer,
parce que sa jeunesse, son adolescence aura été marquée
par l'insécurité économique. Cette nouvelle classe se
dessine déjà parmi les étudiants des écoles de
gestion. On sait qu'on en a plus ici au Québec par rapport à la
population qu'on en a dans les autres provinces. Cette nouvelle classe se
dessine dans les écoles de génie, dans les facultés de
physique et de chimie, et dans les facultés des sciences de
l'information. Ce sont ces étudiants les adultes de demain. Ce seront
des "managers", ce seront des administrateurs, ce seront de nouveaux
professionnels, des comptables, des avocats, des MBA, des informaticiens
embauchés par les entreprises du Québec qui vont être le
coeur et l'âme de la classe dominante de la fin du siècle au
Québec.
Le défi de la nouvelle classe dominante est clair: c'est de
rebâtir la compétitivité et d'éviter la
régionalisation de l'économie québécoise. Sous les
effets conjugués de l'évolution économique du continent et
de la pression de la classe dominante actuelle dont, comme je l'ai dit,
l'expression la plus récente est le Parti québécois,
l'économie de la province de Québec évolue, de
façon systématique, d'une envergure nationale qu'elle avait hier
à une taille modestement québécoise qui se dessine
aujourd'hui.
C'est évident, M. le Président, que si notre
économie se rétricit suffisamment, si elle sert presque
uniquement le Québec, il n'y aura plus de problèmes de
francisation; tous les emplois et toutes les entreprises vont être
francophones, il y aura une francisation impeccable. Malheureusement, dans un
tel cas, les attentes historiquement établies par les
Québécois quant aux normes d'emploi, quant à la
qualité d'emploi ne seront jamais satisfaites sous un scénario
pareil: À moins qu'on ne parvienne à exporter autre chose que des
ressources naturelles, à moins qu'on n'arrive à bâtir autre
chose que des industries de vêtements, de textiles - il n'y a rien de mal
à cela, mais il faut faire autre chose - la suite logique des politiques
qu'on poursuit actuellement sera de toute beauté, ce sera le syndrome de
"l'auto-insuffisance".
Je n'ai pas terminé, si j'ai le consentement de la Chambre, j'ai
deux
autres paragraphes, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement?
Des voix: Consentement.
M. French: Voilà pourquoi, M. le Président, le
défi de la nouvelle classe sera de taille continentale et mondiale,
plutôt que régionale. Il est sûr que, dans un tel cas, une
nouvelle classe va amener un cosmopolitisme, une sensibilité
d'entrepreneurship qui incommoderont grandement les vestiges de l'ancienne
classe dominante. Mais la solution est simple, c'est la solution du marasme
économique accompagné de conflits sociaux comme ceux que nous
vivons aujourd'hui, accompagné de conflits sociaux chroniques sur la
répartition d'une richesse diminuant d'année en année. En
effet, l'expérience britannique, depuis dix à quinze ans, est
tout simplement impensable pour nous tous, quelle que soit notre option
constitutionnelle.
Si, par le passé, c'était le fonctionnaire, le mandarin,
le conseiller du ministre, l'éditorialiste et le sociologue qui ont
incarné nos mythes sociaux les plus puissants, qui ont symbolisé
nos espoirs comme société, ce seront demain les cadres
d'entreprises québécoises qui feront concurrence sur les
marchés mondiaux, les chercheurs en informatique ou biotechnologie, les
experts-conseils en génie, en finance, en marketing, en gestion de
projets qui en feront autant d'ici la fin du siècle.
M. le Président, nous n'avons pas de choix. Parce que les emplois
des travailleurs partout au Québec en dépendent, il faut prendre
ce virage. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Compte tenu que c'est
la première occasion que j'ai de soulever des faits qui se sont
passés tout dernièrement, je voudrais soulever deux questions de
privilège se rapportant auxdits faits. La première question de
privilège se rapporte à des articles de certains journaux ce
matin qui laissaient entendre que, puisque je n'étais pas présent
hier lors du vote sur la motion du gouvernement, j'étais dissident quant
à la loi que nous avons devant nous.
M. le Président, pour votre information et pour l'information de
cette Chambre, hier après-midi, de 15 heures à exactement 16 h
15, j'assistais à un comité spécial pour la
création d'emplois pour notre jeunesse du Québec.
La deuxième question de privilège que je voudrais soulever
fait suite à une déclaration qui fut faite mardi dernier, et dont
j'ai appris la teneur aujourd'hui, par le député de Mont-Royal
qui était présent à Sept-Îles, donc dans ma
circonscription. Il a dit textuellement que, lors de la motion
déposée par le Parti libéral concernant SIDBEC et
SIDBEC-Normines, je n'avais pas voulu discuter de la motion sur la
renégociation pour maintenir SIDBEC-Normines ouverte et, concernant la
commission parlementaire, que j'avais même voté contre la motion.
C'est exactement la déclaration qui fut faite mardi dernier. Je l'ai ici
sur cassette.
Ma question de privilège est dans le sens suivant: II est exact
que, sur un amendement qui a été apporté par le
député de Brome-Missisquoi et se rapportant à la tenue
d'une commission parlementaire, j'ai voté contre cet amendement qui
était pour faire partie de la motion. C'est inscrit ici dans les
procès-verbaux de notre Assemblée nationale. J'ai voté
contre cet amendement, mais j'ai voté cependant pour l'amendement de M.
Biron. J'ai voté aussi pour la motion telle qu'amendée qui a
été présentée par le député de
Mont-Royal. Donc, il est faux de dire que je n'ai pas voté pour le
maintien des activités de SIDBEC-Normines et de SIDBEC. Il est faux de
dire que j'ai voté contre une motion qui demandait de renégocier
les contrats avec les partenaires. Si vous permettez, M. le Président,
je voudrais maintenant passer directement au projet de loi que nous avons
devant nous, puisque j'ai eu l'occasion d'expliquer mes deux questions de
privilège.
Vous savez, M. le Président, ce n'est pas avec gaieté de
coeur que je prends la parole aujourd'hui, tout comme la majorité de mes
collègues de cette Assemblée nationale, mais cependant, si je le
fais, je le fais par nécessité, à cause de la situation
économique que nous vivons au Québec, à cause des besoins
financiers qu'a le gouvernement actuel face à cette récession
économique. Je le fais aussi en particulier pour les bas salariés
des secteurs public, parapublic et même privé. Je le fais aussi
par souci des responsabilités qui m'ont été
confiées à deux reprises: en 1976, lorsque je fus élu pour
la première fois dans le comté de Duplessis, et en 1981, lorsque
je fus réélu.
A-t-on le droit, comme responsables de ce gouvernement, comme
responsables des affaires du Québec, de permettre la disparition de la
marge de manoeuvre dont nous avons besoin pour divers programmes nouveaux et
aussi pour des programmes de création d'emplois afin
d'accélérer l'emploi au Québec? À-t-on le droit de
remettre en question certains programmes qui existent dans mon comté,
qui existent aux Îles-de-la-Madeleine et qui existent aussi en
Gaspésie
dans le domaine des pêcheries? À-t-on le droit de remettre
en question la grande majorité des programmes généraux de
différents ministères du gouvernement du Québec qui
s'adressent spécialement et très souvent à des populations
dans le besoin? Lorsque je parle de populations dans le besoin, je parle, bien
entendu, de cette majorité silencieuse qui nous écoute
aujourd'hui et qui nous a écoutés hier.
A-t-on le droit, et là je parle directement de mon comté
de la Côte-Nord, de remettre en question des programmes qui pourraient
s'adresser à des travailleurs et des travailleuses de SIDBEC-Normines
à Gagnon et Fermont? À-t-on le droit de remettre en question des
programmes du gouvernement du Québec qui pourraient s'adresser à
la ville de Schefferville pour qu'elle survive à ses problèmes
actuels? Est-ce qu'on a le droit de remettre en question, en donnant aux
secteurs public et parapublic, donc en se rendant à toutes les demandes
que les secteurs font, en ajoutant une masse salariale incluant non seulement
les salaires, mais aussi les bénéfices marginaux, en ajoutant une
masse monétaire qui irait chercher un montant additionnel de plus de 3
000 000 000 $ dans les trois prochaines années?
On ne peut pas remettre en question les programmes du gouvernement que
nous avons créés nous-mêmes et qui existaient même
dans le temps des libéraux, lorsque ceux-ci étaient au pouvoir.
Moi, je dis: Non, M. le Président, nous n'avons pas le droit puisque
nous devons prendre nos responsabilités. Nous devons prendre nos
responsabilités même si cela nous fait mal, même si cela
fait mal aux gens qui sont touchés par ce projet de loi no 105.
Il y a plusieurs façons de régler des problèmes
financiers pour un pays ou pour un État comme celui du Québec. Il
y en a qui s'en vont, comme le fédéral, dans des déficits
exorbitants de l'ordre de plus de 24 000 000 000 $ pour une année
financière, ce que nous ne voulons pas faire comme gouvernement puisque
ce serait irresponsable.
Il y en a qui font en sorte d'augmenter les impôts. Il y en a qui
font en sorte d'éliminer certains programmes, certains services du
gouvernement. Il y en a aussi qui font en sorte d'augmenter les taxes des
résidents et des résidentes d'un pays ou d'un État. Mais
je pense qu'on n'a pas le droit de faire ça non plus. On n'a pas le
droit de faire ça pour permettre à des travailleurs et des
travailleuses, spécialement les plus hauts salariés des secteurs
public et parapublic, on n'a pas le droit de permettre qu'une masse salariale
énorme se dirige vers un seul secteur de notre société
pendant que nous en avons tant d'autres qui sont touchés par la
récession. (20 heures)
On peut ajouter les assistés sociaux. D'ailleurs, je pense que
c'est bon d'en faire la remarque. En 1976, lorsque nous avons été
élus, soit le 15 novembre, les prestations d'aide sociale n'avaient pas
été indexées depuis 1974. Quel est le gouvernement qui, en
1977 et depuis ce temps, a indexé les prestations d'aide sociale? C'est
le gouvernement du Parti québécois, M. le Président. Ce
n'est pas le gouvernement du Parti libéral.
Regardons ce qui s'est passé depuis quatre ans. Vous savez, M. le
Président, j'ai été élu en 1976 et lorsque j'ai
été élu pour la première fois, j'ai
été élu par des membres du Parti québécois,
par des sympathisants au Parti québécois, j'ai été
élu par des syndiqués des secteurs privé et public et j'ai
été élu par toutes les autres personnes qui font partie de
la majorité silencieuse.
En 1981, lors des élections du 13 avril, j'ai été
élu de la même façon, avec un pourcentage accru,
d'ailleurs, dans le comté de Duplessis. C'était la même
chose. J'ai été élu par des membres du Parti
québécois, par des sympathisants, j'ai été
élu par des syndiqués membres des secteurs privé et
public, j'ai été élu par toutes les autres personnes qui
font partie de la société et qui ne sont pas incluses dans de ce
que j'ai mentionné plus haut.
Si on respecte vraiment le mandat qui nous a été
donné comme députés, à cette Assemblée
nationale du Québec, il faut respecter non seulement une
catégorie de personnes, mais l'ensemble des citoyens et des citoyennes
du Québec. On ne peut pas faire exception à cela. Quand, par
exemple, 82% des travailleurs et des travailleuses du Québec paient la
note pour les travailleurs et les travailleuses des secteurs public et
parapublic, je pense qu'il y a lieu de remettre en question certaines attitudes
que nous avons eues dans le passé.
Les libéraux ont fait un choix. J'entendais certaines
déclarations des députés du Parti libéral.
D'ailleurs, ils ont mentionné, à plusieurs reprises, ce qui
pourrait arriver si jamais cela ne fonctionnait pas, etc., comme si, par le
biais de cette Assemblée et par le biais de leurs déclarations,
on avait souhaité que le climat social, à la suite de l'adoption
de ce projet de loi, se détériore. J'espère que ce n'est
pas ce qu'ils ont voulu dire, M. le Président.
D'ailleurs, j'ai entendu, à partir de l'enregistrement que j'ai
ici et je m'inscris en faux contre cette déclaration, le
député de Mont-Royal dire que M. Morin, l'actuel ministre des
Affaires intergouvernementales ainsi que tous les députés qui ont
siégé en cette Chambre entre 1973 et 1976 avaient fait en sorte
d'appuyer les syndicats dans les débrayages illégaux. Je
m'inscris en faux contre cette déclaration qui a été faite
et
c'est sur cassette, M. le Président. Si vous êtes
intéressé et si des membres de cette Chambre sont
intéressés, je pourrais vous la faire écouter.
M. le Président, lorsqu'on parle du Parti libéral, on peut
se poser des questions sur la cohérence de certains membres de ce parti.
Dans plusieurs déclarations, on dit qu'il ne faut pas augmenter les
impôts. Dans d'autres déclarations, on dit qu'il ne faut pas
taxer. Dans d'autres déclarations, on dit qu'il ne faut pas augmenter le
déficit. Je pense qu'ils n'ont rien compris. Nous ne voulons pas
augmenter le déficit. Au contraire, nous voulons faire en sorte que ce
déficit demeure celui qui a été prévu dans la
déclaration du ministre des Finances, en mai dernier. C'est une des
raisons fondamentales pour aller récupérer certaines sommes
prévues pour la période du 1er janvier 1983 au 31 mars 1983 et se
garder une marge de manoeuvre toujours pour créer le maximum d'emplois
surtout pour les jeunes et pour ceux et celles qui en ont besoin.
À un certain moment, M. Forget -d'ailleurs, le
député de Terrebonne en a fait mention tout à l'heure - a
dit qu'il fallait réduire la masse salariale du gouvernement du
Québec de 1 000 000 000 $. Ils n'ont pas compris puisqu'ils disent
actuellement le contraire. Il faudrait s'embarquer, aller de l'avant avec les
fonds publics, se promener dans le paysage et faire à peu près
n'importe quoi avec.
Je fais maintenant allusion à une déclaration faite, je
crois, par l'ancien député d'Outremont, M. Raynauld, qui avait
dit qu'il ne fallait pas avoir une augmentation de déficit -
c'était en 1980 -mais qu'il fallait taxer les citoyens et les citoyennes
du Québec. Dans un autre discours, prononcé par un autre
député, à peu près quinze minutes plus tard, ce
dernier a déclaré qu'il ne fallait pas augmenter le
déficit, qu'il ne fallait pas taxer. Comme vous pouvez le constater, la
cohérence n'est pas présente dans le Parti libéral. Il
faudra peut-être qu'un jour ou l'autre ils se branchent. Moi, j'ai fait
mon choix.
Je suis un ancien syndiqué d'Hydro-Québec et, au moment
où je vous parle, j'ai toujours ma sécurité d'emploi
puisque je suis en congé sans solde. Oui, je suis en congé sans
solde. Je fais partie du secteur péripublic.
Une voix: Vous allez en avoir besoin probablement
bientôt.
M. Perron: Lorsqu'on parle des responsabilités d'un
élu à cette Assemblée nationale, je tiens à
souligner que si, demain matin, je retournais à Hydro-Québec
comme syndiqué, mon salaire serait de l'ordre de 46 000 $ par
année, plus la pension de député. Je travaille aujourd'hui
plusieurs heures par jour pour un salaire, incluant tous les
bénéfices, de l'ordre de 42 496 $, si ma mémoire est
bonne. Je prends mes responsabilités. Comme le disait le premier
ministre cet après-midi, qui, lui, n'a pas l'intention de lâcher
au cours d'un mandat, moi non plus, je n'ai pas l'intention de lâcher au
cours d'un mandat parce que cela pourrait m'être profitable.
C'est drôle, puisqu'on parle de salaires de députés,
que dans une récession économique aussi prononcée que
celle que nous vivons, nos amis d'en face n'ont jamais mentionné les
augmentations salariales totalisant 21 400 $ que se sont données les
députés de la maison-mère d'Ottawa en l'espace de 18 mois.
Un député fédéral, qui gagnait 44 000 $, il y a 18
mois, gagne actuellement 64 900 $ ou à peu près, plus les 6% ou
les 5% qu'ils viennent de se voter pendant qu'ils demandent à tout le
monde de se serrer la ceinture. Je pense que nous nous sommes serré la
ceinture, vous l'avez vu à l'intérieur du projet de loi 90 qui a
été déposé pour discussion la semaine prochaine.
Vous allez voir de gros changements dans une loi qui avait été
déposée en 1974 et même défendue par la
députée de Chomedey, loi qui autorisait un régime de
retraite faramineux et des augmentations salariales, mais que nous avons
amendée en décembre 1977. Aujourd'hui, si on avait la même
loi que les libéraux se sont votée en 1974, notre salaire
dépasserait celui des députés d'Ottawa. Cela, on l'a
empêché.
En avril dernier, j'ai fait un choix lorsque j'ai
entériné, au niveau du conseil des députés du Parti
québécois, la proposition gouvernementale qui a été
déposée devant les syndicats et les syndicalistes. En juin
dernier, puisque cela n'avait pas marché, j'ai aussi fait un choix, j'ai
opté pour la loi 70 puisque, pour moi, c'était à peu
près la seule solution de rechange équitable pour permettre des
négociations futures.
Aujourd'hui, je fais aussi un choix devant cette Assemblée, je
fais un choix devant les électeurs et les électrices de mon
comté, je fais un choix devant les électeurs et les
électrices de tout le Québec. Ce choix, je le fais en favorisant
la loi 105, celle que nous avons devant nous, et je le fais pour des raisons
bien évidentes, que j'ai expliquées antérieurement. Mon
plus grand souhait est que, dans un proche avenir, on puisse s'asseoir avec la
partie syndicale et la partie patronale, incluant le gouvernement, pour
regarder les mécanismes de négociation que nous avons eus dans
les secteurs public et parapublic depuis 18 ans. (20 h 10)
Je pense qu'il est temps qu'on apporte des changements. Je pense qu'il
est temps aussi que ces négociations se fassent avec toutes les
personnes intéressées. M. le Président, je ne pense pas
qu'aujourd'hui je
manque de courage en venant ici, comme ancien syndiqué, toujours
d'ailleurs prosyndical, qu'on en dise ce qu'on veut, M. le Président,
mais je ne pense pas que je manque de courage aujourd'hui en venant prendre
position pour la loi 105, au contraire. Je pense que je le fais par souci
d'économie. Je le fais aussi, et d'autres collègues
députés l'ont mentionné, par solidarité avec le
gouvernement et je le fais aussi par solidarité avec mes
collègues dans cette Assemblée nationale, spécialement
ceux du côté ministériel. Je termine là-dessus, M.
le Président, en espérant que tous les travailleurs et toutes les
travailleuses des secteurs public et parapublic respecteront et la loi 105 et
tous les décrets qui en découleront. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, je n'avais pas l'intention de
faire des remarques sur les discours qui ont précédé le
mien. Je pense que l'occasion est trop belle. On m'ouvre la porte trop grande.
On nous a habitués à des termes difficiles, déchirants,
douloureux, la larme au coin de l'oeil. M. le Président, on a même
ajouté l'humilité que ces gens avaient à s'exprimer sur la
loi 105. Le dernier orateur nous a parlé de ses salaires qui ont
précédé son entrée en politique ou ce qu'il
gagnerait s'il retournait dans la vie privée. Il a même
rappelé des souvenirs d'un ancien gouvernement auquel j'appartenais,
évidemment avec beaucoup de fierté. Il a oublié que
quelques-uns de ses collègues présents à ce moment, au
moment où on adoptait, où on présentait le rapport d'un
comité tout à fait en dehors d'un comité parlementaire et,
donc, qui le faisait avec beaucoup de justesse et de justice aussi, il a
oublié, dis-je, que certains de ses anciens collègues qui ont
quitté maintenant le Parti québécois et qui ne se sont pas
privés en le quittant de faire la leçon à ce même
Parti québécois sur des grandes politiques du parti, ces
mêmes gens ont dit regretter des attitudes qu'ils avaient eues à
ce moment et regretter les gestes qu'ils avaient posés au moment
où le gouvernement libéral présentait cette réforme
de la Législature.
M. le Président, il y avait aussi à ce moment des gens qui
appartenaient au parti du dernier orateur, qui faisaient des discours en
Chambre, interminables, contre ce projet que nous présentions et qui
allaient en même temps chez le directeur de l'administration demander une
avance sur le salaire qu'ils ne voulaient pas voter en cette Chambre, M. le
Président. Je ne les nommerai pas, parce qu'il ne faut quand même
pas accabler des gens qui ont déjà été
accablés par leur propre premier ministre. Je pense qu'il ne faudrait
quand même pas faire ici en cette Chambre, ce genre de démagogie.
Je veux bien que les gens d'en face se trouvent malheureux d'avoir à
voter un tel projet de loi. Je les comprends d'être aussi malheureux, M.
le Président. Je ne veux pas non plus qu'on jette un venin sur
l'Opposition qui fait aussi son travail, l'Opposition qui représente ici
- et je le dirai encore aujourd'hui - la population qui ne peut s'exprimer.
Donc, nous le faisons à sa place. La crise sociale que nous vivons
aujourd'hui est l'aboutissement d'une série de crises qui ont
frappé le Québec.
Tout d'abord, la crise constitutionnelle due principalement à
l'obsession séparatiste et indépendantiste. Ensuite, la grave
crise économique qui affecte le Québec entier et toute
l'Amérique du Nord, mais qui touche encore plus le Québec. En
fait, les Québécois, contrairement aux autres Canadiens sont
victimes d'une double crise économique, la deuxième étant
certainement imputable à notre propre gouvernement provincial et
à ses politiques économiques inefficaces. De plus, le
gouvernement péquiste se montre de plus en plus impuissant à
faire face à ces deux crises économiques et surtout à
développer des solutions qui pourraient, d'une part, minimiser les
effets et, d'autre part, relancer l'économie.
Il y a aussi la crise des finances publiques qui est intimement
reliée à la crise économique et qui entraîne,
à cause de la mauvaise gestion, un effrondrement des finances et de
l'économie du Québec. Plus le temps passe, M. le
Président, plus la crise frappe durement les Québécois. On
a entendu encore les gens d'en face nous parler des gens qui sont en
chômage. Oui, M. le Président, 401 000 personnes en novembre 1982
étaient en chômage au Québec; 344 995, le 1er
décembre, vivaient de l'aide sociale; le taux de chômage chez les
jeunes de 15 à 24 ans est de 22, 6% et ce, en novembre 1982. En quatre
ans, de 1977 à 1981, seulement 16% des nouveaux emplois canadiens
étaient créés au Québec. L'année 1982, quant
à elle, s'est caractérisée par des pertes d'emploi. La
part des nouveaux investissements par rapport au Canada a aussi chuté;
de 22% pour la période de 1970 à 1976, elle est passée
à 19% pour les année 1977 à 1982. Je pense qu'il n'y a pas
de quoi se réjouir, M. le Président.
La mise en chantier connaît aussi ses moments difficiles. Elle
n'atteint plus en 1982, soit de janvier à octobre, que 16% de la mise en
chantier totale au Canada. Pour 1983, la croissance économique du
produit intérieur réel du Québec devait être de 1,
7% selon les dernières prévisions du Conference Board du Canada,
ce qui est le deuxième plus mauvais taux derrière
l'Île-du-Prince-
Édouard, où la croissance privée est de 1, 3%.
Quand on est rendu à comparer ainsi l'économie
québécoise avec l'économie des deux provinces les plus
démunies du Canada, il y a de quoi s'inquiéter, M. le
Président. Nous n'avons aucunement le droit d'ignorer tous ces faits qui
touchent tous les Québécois. Ce désastre et cet
affaiblissement économique découlent principalement de
l'irresponsabilité du gouvernement actuel en matière
économique, son impuissance à gérer les finances publiques
et à trouver des solutions efficaces à court et à moyen
terme pour nous sortir de la crise actuelle. Avec ce parti, celui du Parti
québécois qui avait toutes les solutions en 1976 et surtout
à cause de lui, nous bouclons aujourd'hui la boucle, celle de
l'irresponsabilité, de l'incompétence et de
l'imprévoyance.
Coup sur coup, depuis 1976, nous avons connu une série de crises
sans précédent au Québec. D'abord, la crise
constitutionnelle, comme je le mentionnais tantôt, provoquée
essentiellement par un parti, celui du Parti québécois, qui,
obsédé par son option séparatiste et coincé dans un
résultat référendaire net et clair - oui, cela a
été non au référendum - n'a réussi
qu'à affaiblir le Québec, qu'à lui faire perdre sa place
historique au sein du Canada.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît! Madame, vous avez la parole.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je pense que cela les
dérange un peu quand on parle de la crise économique. Ensuite, il
y eut une crise économique de caractère mondial que ce
gouvernement dépassé et sans imagination s'est contenté et
se contente toujours de regarder passer béatement, cette crise, autant
nord-américaine que canadienne qui frappe plus fort encore au
Québec que partout ailleurs et cette crise, celle des finances
publiques, le plus beau gâchis administratif et financier qu'aucun autre
régime au Québec n'eût pu produire, un déficit
annuel de l'ordre de 3 000 000 000 $, produit par ceux-là mêmes
qui, en 1975, dénonçaient un déficit trois fois moindre,
M. le Président; un écart de taxation aux dépens du
contribuable québécois de l'ordre de 20% par rapport à
l'Ontario, y compris une ponction fiscale de 1 600 000 000 $ pour le seul
exercice de 1982-1983; une croissance inconsidérée des
dépenses à un rythme annuel supérieur, en moyenne, de
quatre points à l'inflation. Et finalement cette crise, la pire entre
toutes, celle qui fait perdre à toute société son sens
véritable, soit la crise sociale que l'on nous demande de sanctionner
aujourd'hui. Car le projet qui est à l'étude présentement
équivaut carrément à un abandon pur et simple de
responsabilités. Il signifie en clair l'aveu d'impuissance,
d'inconséquence et d'irresponsabilité le plus clair jamais
donné par un gouvernement du Québec. Il traduit la fin de toute
possibilité pour ce gouvernement d'établir le consensus social
nécessaire au développement du Québec. (20 h 20)
En ce moment, que devons-nous retenir de cette période qui,
lorsque terminée, passera comme ayant été l'une des plus
noires de notre histoire? La loi no 70, c'est la recherche de l'affrontement.
En juin dernier, l'Opposition libérale a dénoncé les
projets de loi no 70 et no 68 et a voté contre leur adoption. La loi no
70 demeure, malgré les allégements apportés, une mesure
irresponsable, qui nie le principe même de la négociation. La loi
no 70 demeure, malgré les allégements apportés, une mesure
injuste pour une catégorie de citoyens, des employés de
l'État, à qui l'on demande de payer seuls les dégâts
de la politique financière du gouvernement. La loi no 70 demeure,
malgré les allégements apportés, une mesure arbitraire en
ce qu'elle constitue le reniement pur et simple de la signature du gouvernement
et la modification unilatérale des conditions de travail de ses
employés.
L'obstination du gouvernement à s'accrocher à sa loi 70 ou
à la maintenir dans sa forme originale, récupération et
coupures de salaires, devait mener tout droit à un affrontement, ce qui
est maintenant fait, et à une crise sociale d'envergure dont le
Québec ne peut certainement pas se payer le luxe, M. le
Président.
La réduction de l'écart entre la
rémunération des employés des secteurs public et
privé est un principe souhaitable, mal engagé par le
gouvernement, mal engagé au nom d'un élémentaire principe
de justice et d'équité. L'Opposition libérale endosse
pleinement l'idée d'une parité raisonnable entre la
rémunération des travailleurs des secteurs public et
privé. Un tel critère objectif de comparabilité exigeait,
pour être applicable, que cela se fasse d'une manière responsable
et civilisée, sur la base d'un accord commun entre les parties, d'une
méthode rigoureuse et dans le cadre d'une démarche raisonnable
dans la réduction des écarts.
Or, nous avons assisté à un débat stérile,
qui portait non pas sur l'essentiel, c'est-à-dire la réduction
des écarts, mais sur la crédibilité même de
l'opération, de la mise en vigueur de la loi, le manque de rigueur de la
méthode et la brutalité de la démarche. Une illustration
de plus de l'irresponsabilité du gouvernement qui, dans un état
de panique qui le caractérise, ne s'est absolument pas soucié de
prendre les précautions préalables qui s'imposaient et qui a
dû, finalement, retraiter sur cette question.
Nous sommes aussi aujourd'hui en face
de l'effritement du processus de négociation dans les secteurs
publics et l'attitude du Parti québécois y contribue. Cette ronde
de négociations mal engagée et mal menée par un
gouvernement irresponsable n'est pas sans avoir des conséquences sur la
signification même du processus de négociation dans les secteurs
publics. Le droit pour les employés de l'État de négocier
librement leurs conditions de travail est toujours reconnu dans nos lois.
Le gel des effectifs, les coupures passées, les nouvelles
coupures qui s'annoncent, tout cela modifie en fait les conditions de travail
des employés de l'État, et ces modifications sont
unilatérales, sans participation aucune des travailleurs.
Le discours politique partisan du gouvernement, au sujet des conditions
de travail des secteurs public et privé est exagéré. Pris
à la lettre, ce discours et la propagande qui l'accompagne nient la part
indéniable du syndicalisme à l'amélioration des conditions
de travail, pour les bas salariés surtout. Étonnant discours, M.
le Président, pour un gouvernement péquiste
social-démocrate. Pour la première fois, l'idée même
d'une masse salariale globale non négociable est imposée sans que
l'on sache s'il s'agit d'une volonté politique véritable ou le
simple fruit de la pression des événements. Les lois 68 et 70
viennent établir le précédent d'une modification
unilatérale des termes d'une convention collective en vigueur. Nulle
part ailleurs en société démocratique pareille chose ne
s'est produite.
La complexité des structures de négociation et le maintien
de leur centralisation à outrance ont encore une fois accru les tensions
déjà vivement ressenties, et une nouvelle fois, les machines
gouvernementales et syndicales se sont heurtées brutalement. Ce sont
là des choses sur lesquelles il importe de réfléchir et
qu'il faut garder à l'esprit dans les attitudes que l'on prend de part
et d'autre en ce moment. Car cet ensemble de choses va nécessairement
mener à une réévaluation en profondeur des relations du
travail dans les secteurs public et parapublic. Existe-t-il une solution
différente? Y avait-il une manière de procéder dans cette
négociation sans qu'on se trouve ici aujourd'hui obligé d'adopter
cette loi d'exception? Certes oui, parce que s'il n'y avait pas 521 000 000 $
que la signature du gouvernement garantissait aux employés de
l'État, n'eut été l'exigence des banquiers new-yorkais
inquiets de l'ampleur des déficits accumulés et du volume des
emprunts, il n'y aurait pas eu la proposition de désespoir d'avril 1982,
non plus que la loi 70. Il y aurait vraisemblablement eu le respect des
conventions signées et, dans les conditions économiques
présentes, des offres salariales à un taux de croissance faible
ou un gel modulé, la possibilité d'adopter une réduction
graduelle des écarts de rémunération entre les secteurs
public et privé et la disponibilité du temps nécessaire
à la mise en place d'outils suffisants à la détermination
des écarts publics et privés. Les négociations se seraient
engagées sur de bien meilleures bases et se seraient très
certainement terminées autrement.
Nous avons en effet la conviction que les employés de
l'État sont prêts à faire leur part pour permettre au
Québec de passer honorablement à travers la crise. Nous sommes
convaincus du sens des responsabilités des travailleurs des secteurs
public et parapublic. Ils l'ont d'ailleurs prouvé en acceptant et en
étant toujours prêts à s'imposer un gel salarial. Mais rien
de tout cela n'a pu se produire, simplement à cause de l'invraisemblable
irresponsabilité de la gestion financière du gouvernement depuis
avant le référendum, depuis avant l'élection
générale et depuis ce temps.
M. le Président, on est tenté de rapporter bien des choses
qui nous ont été dites par les membres de l'équipe
ministérielle lorsqu'ils étaient en dehors du pouvoir ou avant la
prise du pouvoir. J'ai passé outre ces citations, pour terminer en vous
disant que le gouvernement a encore exigé de sa députation une
opération "renflouage du portefeuille du ministre des Finances". Le
gouvernement a fait comme il a fait dans bien d'autres situations. Il a
pressé le bouton panique. On emprunte aujourd'hui aux enfants la terre
qu'ils habiteront demain. J'espère que demain, ces enfants sur cette
terre qu'ils habiteront après nous, auront au moins droit à une
paix sociale que l'on met maintenant en péril. Ils auront surtout droit
à ce moment à demander des comptes à ceux qui aujourd'hui
posent des gestes irresponsables qui peuvent avoir des conséquences
irrémédiables. La mise en péril du climat social du
Québec pour 521 000 000 $, je regrette, comme membre de cette Chambre,
je ne puis l'accepter.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre
délégué à l'Aménagement.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, collègues
parlementaires, citoyens et citoyennes qui nous écoutez, je tiens
à dire au préalable que ce n'est sûrement pas de
gaieté de coeur qu'il faut aborder un projet de loi comme
celui-là. Plusieurs d'entre les nôtres l'ont abordé. On est
à l'heure de choix difficiles, de choix fondamentaux. Ce qui m'importe
le plus et ce qui est le plus important, je
pense, c'est d'expliquer pourquoi il en est ainsi. Depuis plusieurs
heures, on a assisté à toutes sortes de considérations,
à toutes sortes de lectures sur les événements qui nous
ont amenés à discuter de cette loi. Il n'est pas facile, dans un
processus de négociation publique et parapublique, de pouvoir en arriver
à une entente suivant les règles que tout le monde connaît,
suivant les habitudes traditionnelles. (20 h 30).
Je pense qu'il est tout à fait important que chacun d'entre nous
soit convaincu que lorsqu'un gouvernement, quel qu'il soit - pour l'instant,
c'est le gouvernement du Parti québécois - est obligé
d'arriver à une telle loi, c'est qu'il y a des difficultés
quelque part et il est important d'essayer au moins d'expliquer aux citoyens et
citoyennes du Québec pourquoi il en est ainsi.
Contrairement à ce qu'on pourrait laisser voir, je pense, M. le
Président, que la loi 105 est une loi difficile, j'en conviens, c'est
une loi qui exige du gouvernement du Québec de prendre ses
responsabilités, mais il y a plusieurs analystes qui conviennent d'une
certaine façon que, compte tenu des objectifs qu'un gouvernement peut
avoir dans une période difficile comme celle que nous vivons et compte
tenu des objectifs traditionnels que les syndiqués peuvent avoir, il se
pouvait qu'effectivement nous soyons obligés de poser le geste que nous
sommes en train de discuter.
À cet effet, je voudrais juste illustrer que ce n'est pas aussi
surprenant que cela puisque, dans une publication, ici, et le titre me faisait
rire, parce qu'on disait: Version modifiée d'un document de la CSN, mais
publié par la CEQ, mais même si le titre me faisait rire, il n'en
demeure pas moins que le contenu est très intéressant par rapport
aux propos que nous devons tenir ce soir. On y disait ceci: "Le
dépôt des offres salariales -c'est la Centrale de l'enseignement
du Québec qui parle - est dans la lignée de la stratégie
gouvernementale depuis maintenant plus d'un an. Rappelons-nous les
événements suivants - je voudrais juste attirer l'attention des
parlementaires sur les événements qu'on relate dans une
publication de la CEQ - la demande de René Lévesque de renoncer
à l'enrichissement prévu pour le 1er juillet 1982... "
C'était en décembre 1981, c'est important qu'on fasse attention
à ce que je viens de relater puisque je prétends que diriger,
c'est prévoir, et on a laissé voir que c'est en catastrophe,
d'une façon un petit peu hypocrite, sans avoir respecté aucune
règle, qu'après quinze jours de véritable
négociation, nous arrivons avec une loi comme la loi 105, alors
qu'eux-mêmes, dans leur publication, disaient que le premier ministre du
Québec avait indiqué - en décembre 1981, compte tenu des
événements - et j'y reviendrai tantôt - que c'était
peut- être important de commencer à penser que le renouvellement
des contrats collectifs ne pourrait sûrement pas se faire avec les
mêmes exigences, avec les mêmes contenus de bonification que si on
était en dehors d'un contexte de crise difficile.
Le deuxième élément qu'il est important de relater,
assez succintement quand même, c'est que, toujours dans la même
publication, on disait ceci: "La proposition du 15 avril 1982, visant à
réduire de plus de la moitié les augmentations de salaire
prévues pour le 1er juillet 1982 et le 31 décembre de la
même année... "
C'est là le scénario d'une publication de la CEQ.
Si on y regarde pendant quelques minutes, cela signifie que ces
gens-là étaient conscients qu'il y avait eu une proposition le 15
avril 1982 et une proposition qui était faite d'une façon
beaucoup plus souple et beaucoup plus naturelle, dans un contexte où,
effectivement, il est important d'avoir des relations franches et ouvertes avec
nos porte-parole. Qu'est-ce qu'on disait exactement dans cette proposition
comme gouvernement, pour un gouvernement, selon certains de nos amis d'en face,
irresponsable, matraqueur, qui ne voulait avoir aucune considération
pour ses employés et qui, selon certains... c'est le perroquet criard de
Brome-Missisquoi qui a même eu le culot de dire ce qui suit.
Une voix: C'est un menteur, c'est un "bluffeur":
M. Gendron: II disait que nous parlions de nos employés en
disant: "Ces enfants gâtés du système. " Oui, cela a
été dit, je le déplore et je vais préciser ce que
je déplore.
Quand on a parlé de "ces enfants gâtés du
système", c'était en comparaison avec le système
privé. Mais on nous a fait dire et ajouter que ces gens-là, on
les trouvait particulièrement dans la fonction publique et que
c'étaient des gens qui étaient grassement payés à
ne rien faire. On a prétendu qu'on avait discrédité ces
gens et qu'on voulait faire porter la responsabilité de la situation
difficile du Québec, tant pour ses finances que pour la crise
économique, aux travailleurs des secteurs public, péripublic et
parapublic. Jamais, M. le Président. Le député de
Brome-Missisquoi est allé jusqu'à dire qu'on disait que
c'étaient des "pourris". Je le cite: "Ce sont des pourris; il faut les
mettre au pas et c'est cela que le PQ va faire. C'est le premier argument;
c'est la première thèse péquiste. " Il faut être
vraiment rendu passablement bas, pour agir d'une façon aussi
démagogique; mais, quand on connaît le député de
Brome-Missisquoi, la démagogie, cela le connaît. Ce qu'il y avait
de curieux, c'est qu'au moment où il disait cela, un de ses
collègues, sans être inscrit
au feuilleton, disait: Attendez un peu; vous n'avez rien vu; je n'ai pas
parlé. C'est un collègue du Parti libéral qui parlait
ainsi.
Une voix: II n'a pas encore parlé, lui.
M. Gendron: II n'a pas encore parlé. Vous allez l'entendre
tantôt.
Une voix: Cela va être beau!
M. Gendron: Tout cela pour vous dire, M. le Président,
que, le 15 avril 1982, on a fait une proposition d'un gel modulé, parce
que cela fait bien moins mal - tout le monde est capable de comprendre cela
-dans un contexte de crise difficile, de dire au personnel syndiqué:
Accepteriez-vous de ne pas toucher à ce qui s'en vient, dans un contexte
de partage de la richesse, dans un contexte de meilleur équilibre. Nous
parlions d'un contexte où, tous les jours, de toute façon, nous
avions sous les yeux des exemples d'ouverture de conventions collectives, de
contrats de travail dans le secteur privé où des entreprises
discutaient avec les travailleurs en leur disant: Cela fait un an, un an et
demi; vous n'êtes pas des extra-terrestres; vous vivez des situations
difficiles en termes d'emploi, en termes de chômage. Chacun d'entre nous
- on l'a dit combien de fois - était conscient qu'un ou l'autre des
membres de nos familles, un cousin, un parent, un frère, une soeur,
était en difficulté. Les gens du monde syndical avaient
également des parents ou des amis dans cette même situation. Quand
on a fait l'offre du gel modulé, on a dit aux dirigeants syndicaux: Ce
serait important d'accepter de ne pas prendre ce que vous devriez toucher le
1er juillet prochain. C'est cela qu'on a dit à l'offre du gel
modulé du mois d'avril.
C'est facile, aujourd'hui, de nous dire que c'est une loi inique - je
parle de la loi no 70 pour l'instant - que c'est une loi sans
précédent, comme on n'en avait jamais vu que d'aller
récupérer des sommes que des citoyens avaient gagnées. On
s'est fait dire: Comment se fait-il que vous n'avez pas fait d'ouvertures? Ils
se sont dits d'accord pour le gel des salaires en 1983. C'est trop facile, M.
le Président, après avoir pris 14% et 15% dans un contexte
où la richesse collective était inférieure de 6%. Il y a
eu une perte de la richesse collective de 6% après en avoir pris 14%.
Est-ce que vous pourriez accepter le gel pour 1983, alors que, durant cette
même période, tout le monde devra faire des efforts et des
sacrifices?
C'est de cette façon qu'on a relaté les
événements dans la publication gouvernementale. On continuait
ainsi: Le refus du gouvernement de négocier tel que le proposent les
centrales syndicales le 10 mai 1982... M. le Président, le 10 mai 1982,
quand on a eu une réponse de la centrale syndicale avec ses
considérations relativement à l'offre du gel modulé que
nous avions déposée, tout le monde se le rappelle, on n'a pas
pris cela au sérieux. On a dit: Vous ne ferez pas cela; voir si un
gouvernement comme le nôtre poserait un tel geste. Même si on avait
beau expliquer qu'on n'était plus dans un contexte où on pouvait
se permettre des fanfaronnades et ne pas avoir ce qu'on appelle des
considérations sérieuses, ce n'était pas cela le contexte.
Qu'est-ce qu'on nous a prêché? Le discours syndical. Au nom du
discours syndical, je viens de l'entendre dire par Mme la députée
de Chomedey, une signature, on respecte cela; il est impensable d'ouvrir une
convention collective, quel que soit le contexte.
Une voix: On ne l'ouvre pas. (20 h 40)
M. Gendron: J'ai également fait du syndicalisme. Je suis
de ce milieu. Je ne regrette pas du tout ce que j'ai fait. J'ai dit
moi-même qu'une convention, on respecte cela. Mais, au moment où
je le disais, je ne vivais pas, nous ne vivions pas et les citoyens et les
citoyennes du Québec ne vivaient pas - ce que je n'ai jamais vécu
car, personnellement, je n'ai que 38 ans - la pire crise qu'on ait jamais vue
dans la société québécoise. Au même moment
où je disais qu'une convention collective, ça ne s'ouvre pas, je
n'avais pas sous les yeux des exemples comme Chrysler, Ford, Forano, qui ont
ouvert leur convention collective. On pourrait en citer de multiples dans le
secteur privé qui l'ont fait justement au nom de la crise, au nom de ce
qui se passait. Ce n'est pas théorique, c'est pratique.
J'ai eu l'occasion de rencontrer des syndiqués, des
collègues de l'enseignement, particulièrement, de
l'Abitibi-Témiscamingue et ceux de ma région dans une
réunion où, il y a trois semaines, on a fait venir le
négociateur de la table sectorielle des enseignants, M. Bisaillon. J'ai
expliqué que je trouvais que la récupération que nous nous
devions de faire, oui, était difficile, oui, était dure, oui,
nous étions en demande partout. Il faut être honnête et il
faut expliquer a ceux qui sont touchés, aux travailleurs des secteurs
public et parapublic, de même qu'à toute la population, pourquoi
c'est comme cela. Est-ce comme cela uniquement parce qu'on a été
un gouvernement imprévoyant? Est-ce comme cela uniquement parce qu'on a
été un gouvernement irresponsable comme tentait de le laisser
croire le député de Jean-Talon?
Le député de Jean-Talon disait ceci et je le cite au
texte: "C'est depuis 1978 que les finances publiques sont dans un état
lamentable. " Je le cite au texte, c'est le député de Jean-Talon
qui disait cela. Il dit: "Non seulement les finances publiques sont
lamentables depuis 1978, mais, quand vous arrivez avec votre comparaison
du secteur privé et du secteur public, vous avez tellement
massacré le secteur privé, vous ne vous êtes tellement pas
préoccupés du secteur privé que c'est une comparaison qui
est viciée. " C'était repris par le perroquet, le criard de
Brome-Missisquoi, qui disait exactement la même chose.
Revenons à quelques faits concrets. On parlait de l'état
lamentable des finances publiques depuis 1978. Je me rappelle, entre autres, un
commentaire du ministre ontarien M. D'Arcy McKeough. J'aime autant croire M.
D'Arcy McKeough, le ministre des Finances ontarien d'alors, que n'importe quel
perroquet d'en face. Il disait que les finances du gouvernement du
Québec ont été contrôlées sainement. On
parlait d'un taux de croissance, pour ces années, supérieur
à celui de l'Ontario. Le 13 avril 1981, toute une population du
Québec, que nos amis d'en face considèrent sûrement comme
très irresponsable, a reconduit au pouvoir un gouvernement qui,
jusqu'alors, avait ses torts, parce qu'on n'est pas parfait et, dans certains
secteurs, on n'a pas réalisé les choses qu'on voulait
réaliser, mais ce n'est pas le moment, sur une discussion aussi
importante, de faire le procès de six années d'administration
d'un gouvernement.
Le public a eu l'occasion, à l'élection de 1981, de porter
un jugement sur la gestion du gouvernement du Parti québécois et,
dans l'ensemble, qu'est-ce qui est arrivé en avril 1981? On a
reporté cette équipe au pouvoir parce qu'on avait eu une
performance normale et même très encourageante dans plusieurs
secteurs. Partant de là, il se passe quoi, après? On n'est pas
aussitôt reporté au pouvoir qu'il arrive ce que vous savez. Ce que
vous savez, c'est la crise sans précédent. Bien sûr, on
peut avoir notre part de responsabilité, on peut avoir une petite part
de responsabilité. J'entendais le député de Jean-Talon
dire que les Québécois sont capables de plus que cela, qu'ils
n'ont pas besoin d'une loi dure, d'une loi matraque comme cela, les
syndiqués non plus, qu'il ne s'agit que d'avoir une volonté
politique pour améliorer la situation de l'économie du
Québec. C'est ce que j'entendais, comme si la question des taux
d'intérêt de fous qu'on a connus à l'automne 1981, de 24%
ou de 25%, c'était une question de volonté politique. Comme si
les problèmes sur le marché de l'acier, c'était une
question de volonté politique de notre gouvernement. Comme si le
problème du marché du bois, c'était une question de
volonté politique de notre gouvernement. Les prix des mines et
métaux, etc. Voyons donc! La population n'est pas dupe. Les citoyens et
les citoyennes du Québec sont conscients qu'on est dans une
période difficile et, quand tu es dans une période difficile, tu
es obligé de faire des choix que tu ne fais presque jamais. La loi 70,
c'était pour cela, pour éviter de faire un choix draconien de
récupération parce que c'est toujours très difficile de
faire de la récupération.
Je comprends, par contre, les enseignants particulièrement parce
que j'ai oeuvré dans ce milieu et ce n'est pas facile d'accepter de se
faire "clencher" - il n'y a pas d'autre expression - on les "clenche" au niveau
salarial, on les "clenche" sur le plan de la sécurité d'emploi un
peu et également sur la tâche. J'ai mentionné tantôt
que ce qui importe, c'est d'expliquer et d'essayer de faire partager, les
raisons qui ont fait que le gouvernement du Québec est obligé
aujourd'hui de prendre les décisions qui s'imposent. J'aimerais cela
qu'on puisse regarder cela dans quelques minutes. Si on regarde, par exemple,
au niveau de la tâche, la toile de fond sur laquelle les offres
patronales actuelles ont été faites est d'abord et avant tout
constituée par le cadre financier, le contexte économique et
également les comparaisons avec d'autres marchés.
Il y a un deuxième élément que personne n'a
cité parce qu'on n'a pas parlé beaucoup de contenu dans le
débat. L'autre élément, c'est qu'il y a eu des travaux par
plusieurs comités sur ce qu'on appelle la tâche à
l'élémentaire et au secondaire particulièrement dans le
Québec et ces travaux ont conclu à certaines
considérations qui disaient que la tâche des enseignants à
l'élémentaire et au secondaire, au Québec, est, d'une
part, plus faible qu'ailleurs, beaucoup plus faible. En plus, c'est une charge
de travail très normalisée, très balisée. On a
même parlé, à un moment donné, qu'on avait une
espèce de modèle industriel minuté, fragmenté
très difficilement conciliable par rapport à un certain besoin de
souplesse, une certaine adaptation par rapport au milieu. À ce niveau,
j'aimerais juste procéder à quelques comparaisons parce que c'est
important, à un moment donné, d'expliquer lorsqu'on dit que la
charge de travail en est une plus faible que partout ailleurs, ici, j'ai un
document, M. le Président, où on a fait un relevé de
plusieurs bonnes conventions collectives dans les États
américains, entre autres, et dans le reste du Canada où on dit
ceci: Quel que soit le point de comparaison, que ce soit les heures de cours,
le nombre d'heures de présence à l'école, la
disponibilité, le nombre moyen d'élèves par groupe,
l'indice comparatif global, peu importe, l'écart a toujours joué
entre 13% et 40%, partout ailleurs dans le reste du Canada et aux
États-Unis, supérieur à ce qui se passe ici au
Québec.
Dans ce sens, je pense que cela peut se comprendre, compte tenu des
difficultés que nous avons, qu'on soit en mesure de dire aux
syndiqués, particulièrement de l'enseignement à
l'élémentaire et au secondaire, il va falloir faire un effort
supplémentaire. Pas parce qu'on ne les aime pas. Pas parce qu'on
prétend qu'ils sont des ci et des ça et qu'ils ne font pas leur
part, mais parce qu'il est tout à fait important que nous puissions,
dans un contexte très serré, apporter des correctifs dans des
bases de conventions collectives qui, de toute façon comme cela a
été dit par plusieurs, ont toujours des références
budgétaires. Parce qu'ils ont toujours des références
budgétaires, dans un contexte où il faut partager
différemment et que lorsque le gâteau ne grossit pas,
immanquablement, cela veut dire récupérer et, dans ce sens, il
s'agit bel et bien de récupération. Moi, je pense qu'il faut
être honnête et dire les choses telles qu'elles sont.
Je pense que, dans l'ensemble, le gouvernement du Québec est
conscient qu'il a pris un risque avec une loi comme celle que nous discutons,
mais un risque qui, si on a l'occasion d'expliquer aux citoyens et aux
citoyennes du Québec, que quand on va faire plus pour des gens qui,
depuis presque une armée, vivent des situations de chômage, des
situations de fermeture, des situations très démobilisantes en
termes de perspectives d'avenir, il n'y a pas 56 solutions et c'est dans ce
sens, M. le Président, que non seulement les travailleurs des secteurs
public et parapublic vont comprendre les objectifs du gouvernement du
Québec, mais je suis certain que la population du Québec et
l'ensemble des gens plus particulièrement touchés dans la crise
vont tout mettre en oeuvre pour qu'effectivement on puisse franchir cette
étape et comme gouvernement, essayer d'assumer plus et mieux les
engagements qui sont nécessaires pour aller de l'avant. Merci. (20 h
50)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Chapleau.
M. John Kehoe
M. Kehoe: Mr. Speaker, before entering into the discussion of the
main theme of this bill 105, I would like to make just a few general
observations of the debate up until this time. We have just heard the Minister,
le ministre de l'Aménagement, speaking on this bill. Both him and last
night the Minister of Revenue almost tore their clothes in public, decrying
their obligation to have to proceed with such a dramatic, drastic and brutal
measure as bill 105. The other Members of Parliament, the other deputies of the
Parti québécois who, in the most part, are ex-union members, are
ex-professors, have done the same thing. It is absolutely amazing, it baffles
the mind, to hear the arguments that they bring forth in order to justify this
measure that the Government has taken at this time. There is no question, there
is no question at all they are passsing through brutal and difficult times; the
international, the national and the provincial economic situation is dramatic.
But the fact remains that if somebody gives me a punch in the face, it is going
to hurt and this is exactly what we are getting with this bill 105. One of my
colleagues, yesterday, said the procedure taken by the Government in this bill
105 reminded him of the story of the orphan boy who was brought up in front of
the juvenile delinquant court. He had been charged with having murdered his
father and mother and he asked the judge for mercy because he was an orphan. It
is about the same way that they are proceeding with in their argument in this
case. We heard Mr. Lévesque this afternoon. Mr. Lévesque, as we
know, is one of the best communicators, one of the best public speakers we have
in Canada and it is a great credit to this Parliament that we have a person of
such ability, but as Lincoln once said, you can fool some of the people some of
the time, but not all of the people all of the time. Mr. Lévesque, you
cannot fool the people of the province of Québec any more. They are
listening not only to what you are saying, but how you are saying it and what
you are doing in particular. We are fed up with this demagogy, the way you are
talking, your beautiful language and your beautiful promises, and yet you come
up with this type of a law. Mr. Lévesque, your time is over. The cards
are down. You are at the cross-road of your career. There is no going back and
I am sure that this bill 105 is going to be your Waterloo.
Le Vice-Président (M. Jolivet): J'ai de la part du
député de Vachon une question de... ? Je m'excuse. M. le
député, est-ce une question de règlement ou...
M. Payne: Je voudrais invoquer le règlement pour que le
député en face se réfère au premier ministre par
son titre plutôt que par son nom.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Ce ne sera pas long, je vais vous donner la parole, M.
le député. Je voudrais simplement rappeler qu'à plusieurs
occasions, quelques députés oublient que le règlement
exige qu'on nomme la personne par son titre, soit de ministre ou de
député. Je voudrais simplement vous le rappeler. M. le
député de Chapleau, vous avez la parole.
M. Kehoe: Premier Lévesque, the Prime Minister, has weaken
the province of Québec by a number of procedures that he has taken.
Principalement, mais pas seulement
par l'achat de la compagnie Asbestos, durant la période de crise
que nous traversons actuellement; on sait qu'on n'a pas d'argent. Il y a des
coupures dans les affaires sociales. Il y a des lits d'hôpitaux. Il y a
des gens qui attendent dans les corridors pour avoir un lit d'hôpital. Il
y a des gens dans le réseau des affaires sociales qui n'ont pas les
soins requis. Pendant ce temps, on dépense un montant de 100 000 000 $
pour acheter la compagnie Asbestos, 100 000 000 $ l'année
dernière. Ce n'est pas encore dépensé complètement,
mais c'est à la limite. Lorsque le plein montant sera
dépensé... l'engagement est fait, c'est un montant de 100 000 000
$ qui est engagé pour l'achat de cette compagnie. Jusqu'à
maintenant, je tiens à souligner que le déficit pour les neuf
premiers mois d'exploitation, de janvier au mois de septembre, est de 6 500 000
$. L'an passé, pour la même période, la compagnie qui
était propriété privée a fait un profit de 2 500
000 $. Je comprends que les temps sont difficiles, mais lorsqu'on a
acheté la compagnie Asbestos, on savait qu'il y avait des dangers quant
à l'utilisation des produits, on savait que plusieurs pays avaient
refusé d'employer ce matériau dans la construction des
édifices et des maisons. Malgré tous les conseils qu'on a
reçus, on a procédé à l'achat. J'ai posé la
question au premier ministre: Est-il encore satisfait de l'achat de cette
compagnie? Nécessairement, la réponse a été: oui.
C'est une promesse électorale qui a été faite par des
ministres et par des députés. Il n'y aura pas de mises à
pied, il n'y aura pas de fermeture d'usine, à la suite de l'achat de la
compagnie Asbestos. C'est justement le contraire qui est arrivé depuis
ce temps.
M. le Président, SIDBEC est une autre gaffe monumentale,
certainement pas uniquement du Parti québécois, parce que ce fut
commencé par les libéraux, poursuivi par l'Union Nationale, et
maintenant par le Parti québécois. Mais où on blâme
sévèrement le Parti québécois - justement un de nos
collègues l'a dit dans son discours - c'est de ne pas avoir
négocié, en 1978-1979, lorsque c'était vraiment le temps
de faire une entente de bon sens avec ses autres partenaires pour, soit se
débarrasser de SIDBEC-Normines, soit s'entendre pour faire en sorte que
les pertes ne soient pas aussi élevées que celles qu'on a
aujourd'hui. Mais non, les membres du parti étaient
intéressés dans autre chose, intéressés à
vanter leur option d'indépendance, ils avaient un but objectif
seulement. À ce moment-là, ils ont complètement
oublié l'administration de la province de Québec, ils ont plus
spécifiquement oublié l'administration de SIDBEC avec les
conséquences que, aujourd'hui, lors de la commission parlementaire qui
s'est tenue la semaine dernière, nous avons découvert que le
déficit de cette année, pour SIDBEC, va dépasser les 150
000 000 $.
Parlons un peu de Québecair. On a posé des questions au
premier ministre et au ministre des Transports. Cela les provoque, cela les
choque, ils ne veulent pas nous répondre. Mais il reste tout de
même que le journal La Presse a divulgué le montant approximatif
investi jusqu'à maintenant dans la compagnie. Cela varie, selon les
chiffres, entre 50 000 000 $ et 60 000 000 $ échelonnés sur une
courte période de temps. Qu'est-ce que cela a donné aux
Québécois? Est-ce que cela va continuer à desservir des
endroits éloignés? Est-ce que cela va sauver les emplois des
employés de Québecair? On sait actuellement - le ministre des
Transports l'a confirmé, ici, en Chambre -que Québecair va fermer
ses portes, va faire faillite s'il n'obtient pas une aide du
fédéral. Voilà un autre exemple de l'administration de ce
parti.
M. le Président, depuis 1976, le Parti québécois a
négocié à plusieurs reprises avec ses employés.
Cela m'amène justement au but du projet de loi no 105 dont on parle ce
soir. En 1976, juste après l'élection, alors que les
libéraux ont été défaits, les beaux
péquistes arrivent au pouvoir. Un tas de procédures
légales avaient déjà été intentées
contre les grévistes qui s'étaient rendus coupables
d'illégalités. Qu'est-ce que le gouvernement a fait, il a tout
pardonné et a dit: Venez avec nous, nous avons un préjudice
favorable pour vous, venez avec nous, tous ensemble on va construire un
Québec fort. Cela a commencé ainsi en 1976. En 1979-1980, il y a
eu des négociations dans les secteurs public et parapublic pour les
fonctionnaires. Le ministre des Finances a déclaré que les
négociations étaient très faciles. C'est vrai, il a tout
donné. Comme les fonctionnaires étaient heureux à ce
moment! Ils ont dit: Voilà un bon gouvernement, on demande n'importe
quoi et il nous l'accorde tout de suite. (21 heures)
C'était évident, par contre, que le
référendum s'en venait. Les péquistes étaient
intéressés à tout donner pour acheter, pour gagner le
référendum. Encore une fois, le bon sens du peuple de la province
de Québec était là. Il a dit non à votre
référendum, à votre question de
souveraineté-association. Il a dit non à 60%. Si cela avait
été une question strictement comme celle-ci: Voulez-vous
l'indépendance, oui ou non, le résultat aurait été
de beaucoup plus que 60%.
En 1981, encore une fois, une élection s'en venait, il y a eu des
négociations. En 1980-1981, les négociations n'ont pas
été difficiles. Il n'y a pas eu de projet de loi no 70, il n'y a
pas eu de projet de loi no 105, il n'y a pas eu de projet de loi no 68. Encore
une fois, on avait besoin de gagner
l'élection du 13 avril 1981. Les négociations ont
été faciles. On a tout donné encore une fois. Dans la
réseau de l'éducation, on a donné la garantie d'emploi.
Les salaires étaient quinze fois plus élevés dans
l'ensemble du secteur public que dans le secteur privé.
Arrive le budget de mars 1981, il n'y a eu aucune hausse de taxes,
nécessairement. Un mois après, il y avait des élections.
Le ministre des Finances a préparé un budget en catastrophe, le
premier ministre l'a dit par la suite. Il n'y a pas eu de hausse des taxes,
tout le monde est resté à peu près à la même
chose, on se préparait pour l'élection. Immédiatement
après l'élection, on est revenu à la
réalité. On a su à ce moment-là l'envergure du
déficit. C'est la première fois dans l'histoire politique de la
province de Québec qu'un ministre des Finances a été
obligé de présenter un deuxième budget la même
année, soit au mois de novembre 1981. Ce qui nous a donné le vrai
coup de masse, c'est la hausse de 100% de la taxe sur l'essence, un bien
essentiel, un bien dont tous les Québécois ont besoin pour gagner
leur vie, et une hausse des tarifs à HydroQuébec.
Sans le budget en mai 1982, un déficit accru encore une fois, le
déficit était rendu à un montant que les financiers de
Wall Street ne permettaient pas. Il fallait absolument faire quelque chose. On
ne pouvait pas laisser le déficit dépasser 3 300 000 000 $, 1 000
000 000 $, je m'excuse. Encore une fois, hausse de taxe, augmentation du
péage sur les autoroutes, qui est passé de 0, 25 $ à 0, 50
$, soit une hausse de 100%. Quand on pense aux travailleurs de Laval qui sont
obligés de travailler à Montréal et de passer au moins
à quatre postes de péage pour se rendre et à quatre pour
s'en retourner tous les jours, on sait combien cela leur coûte. Durant
l'été, il y a eu des négociations entre le gouvernement et
le secteur public. Cela n'a mené à absolument rien. Pour quelle
raison? C'est bien évident. C'est la loi no 70, le bill matraque qu'on
amène. M. Louis Laberge qui, comme vous le savez tous, a des tendances
péquistes, c'est un ami du premier ministre, a dit - je me souviens,
c'était en commission parlementaire - clairement: Le revolver est sur la
table. Si vous ne donnez pas les 521 000 000 $, on va aller les chercher.
Est-ce une manière de négocier sérieusement avec vos
employés? Vous dites: Si vous ne nous les donnez pas, on va aller vous
les chercher. Oublions le contrat qu'on a signé, la convention
collective.
Comme vous le savez, la loi dit que quand une convention collective est
signée et qu'il n'y a pas une entente pour la fin de cette convention
collective, elle est reconduite jusqu'à ce que les parties s'entendent.
Ce n'est pas cela que le premier ministre a fait. Ce n'est pas cela que le
Parti québécois a fait. Il a dit sommairement et brutalement:
À partir du 1er janvier, il y a un "rollback" des salaires des
employés de la fonction publique et du secteur parapublic pour un
montant de 521 000 000 $. C'est un "rollback" de 20%, dans quelques cas, et qui
descendra jusqu'à 5% dans d'autres.
Je soumets respectueusement que ce n'est pas une manière de
négocier avec nos employés. Les projets de loi no 70 et 105 sont
bien similaires. L'un est la suite naturelle et normale de l'autre. Le
gouvernement savait très bien, en adoptant le projet de loi no 70,
qu'à toutes fins utiles il mettait fin à toute négociation
sérieuse possible avec ses employés. Ils ont gâché
un défi. Ils ont dit: C'est ça ou rien, c'est ça ou on
procède par décret. À ce moment-là, il n'y avait
pas de négociations possibles.
À partir de juin, lorsque le projet de loi no 70 a
été déposé, jusqu'au décret
déposé maintenant les négociations étaient des
exercices de futilité. Les syndicats connaissaient d'avance la position
du gouvernement. Le gouvernement conaissait la position des syndicats. Les
négociations étaient, comme on dit en anglais, du "shadow boxing.
Going through the motions. " On tentait de montrer au public que quelque chose
se faisait, alors qu'il n'y avait absolument rien. Le gouvernement ne
cédait absolument rien pour tenter d'en arriver à une
entente.
No, ladies and gentlemen, this Bill is not accepted either by the
public, by the Liberals or by 18 Members of the Government. 18 Members of the
Government were absent yesterday when the vote was taken. We have a list of
them all here. Most of them are involved in union work, in teacher's work or
other work.
Une voix: Ce n'est pas vrai.
M. Kehoe: Ce n'est pas vrai? Mrs Harel, was she here yesterday?
Les autres membres qui étaient absents hier... Un des ministres a
soulevé une question de privilège pour expliquer. J'ai hâte
de voir, lorsque le vote se fera demain, combien de députés,
combien de ministres se lèveront pour voter pour? J'ai mes doutes. S'il
y en a qui se réveillent demain et prennent conscience
intérieurement...
Hier, le ministre du Revenu m'a presque fait pleurer avec son
témoignage, à savoir comment il trouvait ça dur, comment
c'était difficile, comment... Franchement, s'il avait parlé deux
minutes de plus, tout le monde en Chambre aurait pleuré.
Je me demande si ces pleurs, ces larmes le garderont assis, demain,
quand nous voterons. Nous verrons s'ils sont sincères. On verra s'ils
sont des machines à voter. On verra s'ils se boucheront le nez pour
voter
cette loi odieuse. Cette loi, j'en suis sûr, si ce n'était
pas de l'espoir qu'un des "backbenchers" soit nommé ministre, ils
voteraient contre.
Combien y en a-t-il parmi vous autres qui, durant les années
d'activité à l'intérieur des syndicats, avez dit
exactement ce qu'on dit aujourd'hui? Ils ont pris exactement la même
position que M. Louis Laberge a prise, ils ont fait exactement les mêmes
revendications que les syndicats. Demain, parce que votre chef vous demande,
vous ordonne de voter d'une certaine manière, vous mettrez de
côté toutes vos tendances, votre passé, vous oublierez tout
ça, vous fermerez les yeux, vous vous boucherez les oreilles et vous
voterez pour cette loi? Je ne comprends plus rien, M. le Président.
En terminant, permettez-moi de dire que les autres membres de ma
formation politique et moi-même ne considérons pas que c'est une
urgence pour la société de la province de Québec, comme
l'a dit M. Parizeau. Où est l'urgence? Il n'y a pas de grève pour
le moment. La possibilité de négocier est encore là. J'ai
entendu M. Louis Laberge à la télévision, ce soir, dire
que les syndicats sont ouverts à la négociation. Soumettons des
propositions, retirons le projet de loi matraque no 70 qui est
l'empêchement le plus important à des négociations
sérieuses. Enlevez cette loi-là. Ils sont prêts à
retourner, demain matin, à la table des négociations. Ils sont
prêts à faire certaines concessions. Mais il faut absolument que
le gouvernement, de son côté, soit prêt à faire la
même chose. (21 h 10)
On insiste pour que le déficit ne dépasse pas 3 300 000
000 $. Ce n'est pas coulé dans le ciment. Il y a d'autres façons
de procéder que de nous passer sur le corps, comme on a fait à
d'autres occasions, que de nous présenter une loi de censure. Au cours
de la présente session, c'est la troisième loi semblable que le
gouvernement a été obligé d'adopter. Depuis les six
dernières années qu'ils sont au pouvoir, ils ont
été obligés d'adopter huit lois semblables pour forcer
certains travailleurs de différentes parties de notre
société à se soumettre à leur volonté. Mais
nous, les libéraux, on va se tenir debout et on ne votera pas pour le
projet de loi no 105, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: M. le Président, ce gouvernement du Parti
québécois apparaît, depuis quelque temps,
particulièrement aujourd'hui, dangereusement loin de la
réalité, loin des responsabilités. Il est
complètement déboussolé. II est pris au piège de
son propre entêtement maladif. Il poursuit, inconscient des
conséquences, une politique aux couleurs de l'imposition empreinte d'une
volonté de plus en plus manifeste d'écraser, de
décréter plutôt que de négocier.
Les travailleurs du Québec ne sont pas seuls à
réclamer de ce gouvernement du Parti québécois qu'il
accepte la véritable négociation. Toute personne, tout individu
qui respecte la démocratie l'exige. L'ensemble des
Québécois demande à ce gouvernement qu'il abandonne enfin
son exercice solitaire de possession tranquille d'une vérité
absolue, qu'il se retrouve à peu près seul à proclamer.
Après avoir fermé toutes les portes, il ne lui reste plus
aujourd'hui que la voie de la dictature, la voie de politiques et d'actions
d'une république de banane. C'est sa façon d'agir, M. le
Président.
C'est seulement dans des républiques de banane qu'on aurait eu le
culot de présenter aux parlementaires deux lois comme les suivantes dans
la même semaine: d'abord, le projet de loi no 105 et, ensuite, le projet
de loi no 90. Le projet de loi no 90, entre autres, prévoit une
augmentation de salaire des députés. On entend les ténors
de l'autre côté dire qu'on est dans une situation de crise, qu'il
faut se serrer la ceinture. Pourtant, M. le Président, on nous
présente le projet de loi no 90 qui offre une augmentation
considérable des salaires des députés. On en parlera la
semaine prochaine, M. le Président. Le projet de loi no 105, celui que
nous débattons présentement, ce n'est pas une augmentation qu'il
prévoit. C'est une modification à la loi no 70 qui impose non
seulement des coupures, mais des conditions de travail pour les prochaines
années.
Depuis quelque temps, M. le Président, le ministre des Finances
et le premier ministre semblent avoir perdu la mémoire,
particulièrement lorsqu'on parle des 300 000 $ français qui sont
peut-être - on ne le sait pas encore définitivement - allés
dans les coffres du Parti québécois. Lorsqu'on parle de ces 300
000 $, leur mémoire est très courte. Je me suis aperçu
également, en faisant certaines recherches, que le ministre des Finances
commence, ces jours-ci, à avoir de la difficulté avec sa
mémoire. Avant que M. Parizeau devienne ministre des Finances, il
était quasiment un prophète. Il parlait de l'ancien gouvernement
en disant: "Le gouvernement est aux abois. Mais alors, c'est sa gestion des
affaires publiques qu'il devra défendre. S'il a tellement mal
administré qu'il doit maintenant tripoter et voler une partie de sa
main-d'oeuvre pour équilibrer ses comptes, il n'a pas raison
d'être fier de sa performance. "
Je suis convaincu que M. Parizeau
parlait de lui-même. M. Parizeau, aujourd'hui ministre des
Finances, était vraiment un prophète. Les paroles qu'il a
prononcées en 1975 s'appliquent à la lettre aujourd'hui. C'est ce
gouvernement qui est en train de voler, de tripoter les salaires des
travailleurs et des travailleuses du secteur public. C'est aussi évident
qu'ils le font car les finances ne sont pas tout à fait saines. On doit
recourir à une récupération brutale d'au-delà de
500 000 000 $ chez les travailleurs et les travailleuses du secteur public.
Son prédécesseur n'a jamais renié sa signature, n'a
jamais déchiré un contrat que son gouvernement avait
signé. Lui, il savait calculer. Son prédécesseur, en 1975,
avait un déficit de 300 000 000 $ et une dette nette de la province de 3
000 000 000 $. Ceci, il faut le préciser, à la suite d'expansions
majeures et d'investissements très rentables dans nos ressources
hydroélectriques. Scandale, criait alors M. Parizeau. C'était un
vrai scandale, d'après M. Parizeau. Le ministre des Finances se
félicite aujourd'hui d'avoir un déficit de 3 000 000 000 $ et
d'avoir accumulé une dette nette de 18 000 000 000 $. Qui,
d'après vous, a été le plus compétent? L'actuel
ministre des Finances ou son prédécesseur? Vous concéderez
avec moi que ce n'est certainement pas l'actuel ministre qui, un jour, est
prophète, un autre jour, magicien, un jour, rêveur, un jour
poète, mais jamais l'homme pratique et réaliste qu'il devrait
être. Plus le temps passe, plus il devient évident qu'il devient
incompétent. Il n'est pas responsable de la crise mondiale: II n'a rien
à faire à cela; il n'a pas tellement d'influence sur la crise
mondiale. Il n'a pas d'influence sur la crise américaine, non plus sur
la crise canadienne. Mais il est le responsable de la crise actuelle dans la
province de Québec.
Son râle, on devrait le rappeler, n'est pas le rôle d'un
grand observateur, c'est un rôle de gérant des finances publiques.
C'est ce qu'il n'est pas capable de faire. 401 000 chômeurs dans la
province de Québec; 344 995 personnes, d'après les statistiques
de décembre 1982, bénéficient de l'aide sociale. Que fait
pour cela le ministre des Finances? Le ministre des Finances et ses
collègues interdisent... Juste en passant, je pense qu'on est la seule
province, le seul pays au monde où on interdit à des gens qui
sont capables, qui le veulent, de travailler; on leur interdit de travailler
parce qu'ils n'ont pas une carte de l'OCQ. (21 h 20)
En avril 1982, ce gouvernement prétendait avoir la volonté
d'en arriver à une entente négociée. C'était
plutôt la main de fer dans un gant de velours. Ce gouvernement faisait
une ouverture et, en même temps, il présentait un ultimatum. Le
ministre de l'Éducation nous disait, jeudi soir, que les syndicats n'ont
pas eu la conscience, qu'ils n'ont pas voulu offrir de solutions pour
négocier.
M. le Président, le ministre de l'Éducation induit cette
Chambre en erreur et je suis heureux qu'il soit ici ce soir. Sa
préoccupation de restructurer le système scolaire à sa
façon l'a peut-être empêché de suivre de près
les solutions apportées par certains syndicats. En réponse
à cet ultimatum du gouvernement, l'Alliance des professeurs de
Montréal a développé un plan pour relancer le secteur de
la construction au Québec et en même temps favoriser
l'accès à la propriété. Ce plan consistait à
créer une caisse de placement pour les travailleurs du Québec,
gérée par des représentants syndiqués et
alimentée par des contributions obligatoires et volontaires. La
première source de financement serait donc les travailleurs
eux-mêmes.
D'après M. Rodrigue Dubé, président de l'alliance,
les contributions oscilleraient entre 1, 5% et 3% du salaire des
syndiqués. Le gouvernement fédéral aurait aussi
été appelé à verser des subventions
équivalentes aux économies réalisées au titre de
l'assurance-chômage et avec la participation du gouvernement du
Québec. C'est vous cela, mes chers amis d'en face. M. Dubé
prétendait pouvoir accumuler un fonds d'environ 1 000 000 000 $ pour
relancer la construction. D'après M. Dubé, cette somme
permettrait des milliers d'emplois directs et indirects dans la construction.
En même temps, cela résoudrait une partie de la crise
économique, une partie de la crise budgétaire puisque le
gouvernement pourrait ainsi récupérer environ 500 000 000 $ en
impôts et taxes diverses.
Ce programme, M. le Président, ne s'est pas
réalisé. Savez-vous pourquoi? Je m'attends qu'on me dise, de
l'autre côté, que c'est la faute du fédéral.
Savez-vous, M. le Président, selon les propres paroles de M.
Dubé, que le dialogue avec le fédéral a été
très intéressant, très ouvert? Les professeurs
étaient prêts et qui a fermé la porte au projet? C'est le
ministre des Finances. C'est ce gouvernement, M. le Président. Cela
n'est pas la faute d'Ottawa. C'est votre faute. Vous ne voulez pas le
comprendre.
Que demandaient les professeurs dans leurs négociations? Ils
demandaient le maintien des conditions de travail actuelles sur l'ensemble
normatif à l'exception des dossiers sur l'enfance en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage et de l'éducation aux adultes où
des corrections s'imposent. J'en reparlerai plus tard, de l'éducation
aux adultes. Ceci veut dire tout simplement que les enseignants étaient
prêts à accepter le statu quo en ce qui regarde leurs tâches
et la sécurité d'emploi.
Au chapitre de l'enfance inadaptée, ce groupe
d'élèves les plus démunis dans le
secteur de l'éducation, qu'est-ce que les professeurs
demandaient, M. le Président? Qu'ils aient leur mot à dire, afin
de pouvoir travailler avec ces enfants et que les mêmes normes soient
respectées dans le programme d'intégration imposé par le
ministre de l'Éducation. On demandait que les mêmes normes soient
retenues lorsque ces enfants sont placés dans une classe
régulière. Dans le jargon scolaire, on appelle cela la formule de
pondération, M. le Président.
En ce qui me concerne, en tant qu'ex-enseignant et directeur
d'école, il me semble que c'est une demande très acceptable.
Évidemment, notre grand psychiatre national, lui, n'était pas
d'accord. C'est normal parce que vous avez des enfants dans une classe
spéciale, vous avez un certain ratio et, tout à coup, lorsqu'on
le met dans une classe régulière, ce ratio ne s'applique plus.
Tout à coup, par un geste, un autre magicien, les enfants qui ont
été identifiés comme ayant des problèmes
d'apprentissage parce que le ministre de l'Éducation a
décidé, lui, que ces enfants n'avaient plus de problèmes,
on va les mettre dans une classe régulière. Cela résout le
problème, M. le Président. Au chapitre des salaires, quant
à ce qui était demandé, les professeurs étaient
prêts à accepter un gel pour une période négociable,
c'est-à-dire six mois, douze mois ou dix-huit mois. Ces professeurs
comprennent très bien, d'après moi, la crise économique
que le Québec traverse. C'est la crise causée par ce
gouvernement, les demi-vérités tenues par nos amis d'en face
qu'ils n'acceptent pas. Je n'étais pas présent à la table
des négociations. Je ne peux pas vous affirmer, de mon siège, que
c'est exactement ce qui s'est passé, mais j'ai plutôt tendance
à croire qu'il y avait plus de bonne foi de la part de ces professeurs
que de la part des négociateurs et spécialement ceux du
ministère de l'Éducation.
Comme preuve à l'appui, M. le Président, je me
réfère à un problème soulevé il y a
plusieurs années. C'est le problème de la formation des adultes.
Les gens du Québec demandaient certains changements. Le ministre a
formé une commission. On l'appelle la commission Jean. La commission
Jean a dépensé 2 500 000 $ pour rédiger un rapport -
duquel je dois dire qu'il est très bien fait - d'environ 900 pages avec
toutes sortes de recommandations très intéressantes. Lorsque le
ministre de l'Éducation a reçu ce rapport, il nous a promis -
c'était au mois de février de l'année dernière;
vous me corrigerez si je me trompe - qu'il allait préparer un
énoncé de politique en ce qui concerne l'éducation des
adultes. On attendait avec impatience cet énoncé de politique et,
tout à coup, on s'aperçoit qu'on reçoit un
énoncé de politique sur la restructuration scolaire que personne
n'avait demandé. La population demande un énoncé de
politique de la part de ce gouvernement dans le domaine de l'éducation
des adultes et le ministre, lui, accouche d'un monstre: la restructuration
scolaire. Personne ne l'a demandée. Cela ne s'imposait pas, M. le
Président. Et encore, lorsqu'on parle de volonté de discussion,
je dois vous avouer franchement que j'ai beaucoup plus confiance en ce qui m'a
été dit par l'Alliance des professeurs de Montréal qu'en
ce que nous dit le ministre de l'Éducation.
Lorsqu'il a déposé son rapport, son projet de
restructuration scolaire ici à l'Assemblée nationale, il nous a
dit qu'il allait entreprendre une consultation provinciale pour s'assurer que
tout le monde soit consulté, que tout le monde ait quelque chose
à dire. Mais, M. le Président, vous savez aussi bien que moi ce
qui s'est passé lors de ces tournées de consultation.
Premièrement, c'était sur invitation seulement. Il allait
prêcher à ceux qui étaient déjà convertis.
C'est cela, la démocratie. On consulte seulement ceux qu'on veut
consulter. Les autres, dehors! Et c'est un fait. À plusieurs endroits,
certaines personnes qui étaient concernées par le problème
de l'éducation, de la restructuration scolaire, se sont rendues de leur
propre chef et les bras forts qui entouraient le ministre de l'Éducation
les ont mis à la porte, M. le Président. C'est cela, la
démocratie.
M. le Président, nous faisons face aujourd'hui à un autre
monstre: les 109 décrets. D'après les discours de nos amis d'en
face on n'a pas pu, jusqu'à maintenant, déterminer le nombre de
pages qu'il contenait. Certains ont dit qu'il y en avait 35 000, d'autres ont
dit qu'il y en avait 50 000, et d'autres ont même dit qu'il y en avait 80
000 pages. Et ces gens qui, cet après-midi et ce soir, nous ont dit
qu'ils voteraient pour ce projet de loi, mais ce sont de supergénies, M.
le Président. Est-ce qu'il y en a parmi vous qui ont lu les 80 000
pages? Que ceux qui les ont lues se lèvent. C'est cela la moquerie de la
démocratie... Oui, il se lève parce qu'il n'est pas à son
siège, M. le Président. Qu'il se rende à son siège
et qu'il se lève. (21 h 30)
Combien d'entre vous les ont lues? Vous allez, demain après-midi,
voter, vous allez signer un chèque en blanc. Et là on se demande
pourquoi cela ne fonctionne pas. Dans deux ou trois mois, ils vont revenir et
vont dire: Ah, mais on s'est trompé.
Vous savez, je n'ai pas eu la chance de lire les 80 000 pages, mais il y
a certains rapports qui nous disent que c'est une opération "scotch
tape". Vous savez ce que cela veut dire "scotch tape"? On prend des petits
morceaux de papier et on les colle. Malheureusement, une fois de temps en
temps, on se trompe de page. Et vous allez voir le chaos que cela va causer
lorsque les
commissions scolaires et les hôpitaux vont être
obligés d'appliquer les 109 décrets.
M. le Président, en terminant, seulement une parole.
Mr. Speaker, last month, I had the opportunity to meet some doctors and
nurses at the Royal Victoria Hospital, specially Dr. Shanks, Dr. Morin and Dr.
Salerno. I know that you are not giving me the time, Mr. President, to mention
all the others. I was amazed of the dedication of these professionals that work
at the Royal Victoria Hospital in the post of intensive care unit and
especially on the eighth floor east, cardiac unit. People that were helping men
and women to recover from open heart surgery. These professionals are going to
be affected by the measures of this Government and I implore them and I am sure
that their dedication to their work and their love of humanity will surpass,
will be stronger in their views and their dedication will not be shaken by the
measures, the impositions of this Government that restrict their salary and
their working conditions. Thank you, Mr. President.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Éducation, sur une...
M. Laurin: M. le Président, en vertu de l'article 96, je
voudrais rectifier certains propos du député qui vient de nous
adresser la parole. Il m'attribue des propos que je n'ai pas tenus en ce qui
concerne l'intégration des élèves en difficulté
d'apprentissage et l'éducation des adultes.
Loin de vouloir préconiser une intégration sauvage, M. le
Président, j'ai dit dans mon discours que, au contraire, le
décret que nous proposons comporte des conditions beaucoup plus
avantageuses que le statu quo actuel, puisque nous considérons, dans le
décret, que chaque élève en difficulté d'adaptation
scolaire est pondéré et vaut à peu près trois
élèves réguliers. Ce qui permet évidemment de
diminuer la taille des groupes d'élèves. En plus, nous disons
que, s'il est nécessaire de mettre un de ces étudiants en dehors
de la classe pour quelques heures, il est important, il est nécessaire -
et nous le ferons également -de consentir des professeurs additionnels
pour les heures de classe qui se passeront en dehors de la classe
régulière.
M. Cusano: Est-ce qu'on va entendre un discours?
M. Laurin: Pour ce qui est de l'éducation des adultes,
c'est une fausseté absolue. C'est le ministre d'État au
Développement culturel qui a reçu le rapport de la commission des
adultes. Il n'y a qu'un mois et même pas un mois, quelques semaines, que
je suis chargé de cette commission...
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, je déteste interrompre
le ministre, ce n'est pas de gaieté de coeur que je le fais. Je le fais
comme vous faites tous vos discours, tristement, mais il me semble que ce ne
sont pas des propos qui relèvent du discours qu'il a tenu ici hier, mais
ce sont d'autres propos qu'il a tenus ailleurs.
M. Cusano: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:
Une question de privilège n'engendre pas de débat. Très
rapidement, M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: On m'attribue des propos mensongers, farfelus, que je
n'ai pas tenus. S'il y a une priorité du gouvernement, c'est bien celle
des enfants en difficulté d'apprentissage et des enfants
classifiés comme ceux qui font partie des classes d'adaptation scolaire.
J'ai dit dans mon discours que ces enfants, ces classes auraient droit à
un budget protégé...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapidement, M. le
ministre.
M. Laurin:... qu'aucun enfant ne serait intégré
dans ces classes sans une consultation préalable.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, le député de
Marguerite-Bourgeoys l'a indiqué, je veux revenir à la charge, il
ne s'agit pas d'une intervention en vertu de l'article 96 du règlement.
Les propos que nous clarifie le ministre de l'Éducation n'ont pas
été tenus ici à l'Assemblée nationale dans son
intervention. Il ne peut se lever en vertu de l'article 96.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
Une voix: II n'était pas là, il ne peut le
savoir.
M. Bertrand: M. le Président, sur une question de
règlement, je crois qu'il est important de bien lire l'article 96 que
vous avez vous-même d'ailleurs à faire appliquer.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît;
M. Bertrand: L'article 96 est formel. Le député qui
prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a
déjà prononcé - ce qui est le cas du ministre de
l'Éducation - ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque
est terminé - la provocation est venue du député qui a
pris la parole tout à l'heure - à moins que celui qui les
prononce ne consente à être interrompu. Les explications doivent
être brèves et ne doivent apporter aucun élément
nouveau dans la discussion et elles ne peuvent engendrer un débat. Or,
le ministre, se prévalant de l'article 96, veut, reprenant le discours
qu'il a tenu, redire quels étaient les propos qu'il avait tenus
relativement à cette catégorie d'élèves qui
fréquentent les écoles et sur lesquels le député a
tenu des propos qui vont carrément à l'encontre de ce que le
ministre de l'Éducation a dit dans son discours.
M. Cusano: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai reconnu la demande
du ministre de l'Éducation comme étant une question de
privilège sur le discours qu'il a déjà prononcé, on
vertu de 96.
Sur une question de privilège, M. le député de
Viau.
M. Cusano: Le ministre n'interprète pas exactement mes
propos, il est dur de "comprenure". J'ai dit que ce sont des enfants qui sont
placés dans des classes régulières. Je n'ai pas
parlé des enfants de l'enfance inadaptée qui sont dans des
classes spéciales, premier point. Deuxième point, il me semble
que la solution aux problèmes dans cette province, c'est de jouer
à la chaise musicale. Il n'est plus responsable de la formation des
adultes, on l'envoie ailleurs...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Mme la ministre déléguée à la Condition
féminine.
M. Laurin: Je n'avais pas terminé ma mise au point en
vertu de l'artilce 96.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Très rapidement, tel que l'a lu le leader du gouvernement, votre
déclaration doit être brève.
M. Laurin: Tout le monde sait que je suis très bref dans
mes explications et que je n'aime surtout pas faire perdre le temps de la
Chambre, mais je tiens à respecter le règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Laurin: En vertu de l'article 96, je continue à
prétendre que l'on m'attribue des propos que je n'ai jamais tenus, des
propos qui, selon le député de Viau, sont absolument mensongers,
qui ne correspondent pas au texte même du discours que j'ai tenu et, en
particulier - je tiens à le souligner - au sujet des enfants en
difficulté d'apprentissage. Ce que contient le décret est plus
généreux que les conventions collectives actuelles,
précisément en raison de la priorité que le gouvernement
s'est donnée en fonction des enfants en difficulté d'adaptation
scolaire dans le plein respect des prérogatives syndicales, puisque,
maintenant, nous obligerons les commissions scolaires à se donner une
politique d'adaptation scolaire, à consulter les syndicats avant de
procéder à quelque geste que ce soit et à consulter chaque
enseignant...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapidemeant, M. le
ministre.
M. Laurin:... avant d'intégrer le moindre inadapté
dans une classe et, en plus, d'accorder des conditions...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Laurin:... supplémentaires beaucoup plus
généreuses lorsqu'il y a de ces étudiants qui sont
intégrés dans une classe. C'est loin de l'intégration
sauvage...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée et ministre...
S'il vous plaît!
M. le député de Mégantic-Compton!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme la ministre déléguée à la Condition
féminine. (21 h 40)
Mme Pauline Marois
Mme Marois: M. le Président, le député de
Viau a sans doute raison à certains égards. Ce qu'on vit n'a pas
grand bon sens. Vous dire que c'est avec enthousiasme que je prends la parole
ce soir serait mentir. Vous dire que c'est l'enthousiasme qui anime notre
équipe, serait aussi mentir. Je pourrais revenir sur tout le cheminement
suivi et, à chaque étape, trouver la faille, ou parler des
hypothèses différentes qui ont été
envisagées quant au processus, des alternatives, de leurs avantages et
de leurs inconvénients. C'est une évaluation que chacun et
chacune d'entre nous fait, a fait et fera.
Comme vous avez pu le constater de la part de tous les intervenants
ministériels, mon collègue délégué à
l'Aménagement le disait tout à l'heure, et je le
répète à mon tour: "Nous nous acheminons vers ce projet de
loi sans aucune gaieté de coeur. " Nos adversaires pourront nous accuser
de tous les péchés du monde et de toute l'inconscience possible.
Si nous avions eu vraiment le choix, pourquoi procéder comme on le fait
maintenant? C'est là la question fondamentale que chacun et chacune
d'entre nous s'est posée. C'est, au contraire, conscients d'une
situation à peu près sans autre issue, que nous nous sommes
engagés tout d'abord dans le projet de loi no 70 et, maintenant, dans le
projet de loi no 105. Ce sont les dernières étapes d'un processus
amorcé en juin dernier que nous devons maintenant traverser.
Certains se sont posé la question à savoir s'il n'y aurait
pas eu d'autres voies, d'autres solutions à apporter à la
situation vécue maintenant. Nous avions tenté
sérieusement, en avril dernier, d'ouvrir une autre avenue qui,
cependant, a été repoussée par nos interlocuteurs. Il faut
replacer tout ce processus dans la conscience que nous avons de l'importance de
la crise que nous traversons, nous, au Québec, et dans tous les pays
occidentaux, crise dont nous avons eu des signes précurseurs, M. le
Président, mais dont nous ne pouvions déceler toute
l'ampleur.
Nous nous devons, en toute responsabilité, de voir la situation
de l'ensemble de la population québécoise et non pas de regarder
la seule situation des effectifs de l'administration publique. Nous avons
diminué et nous devons continuer de diminuer les écarts. Nous
nous devons de ne pas participer à l'établissement de diverses
classes de travailleurs et de travailleuses, ni de creuser une tranchée
entre employés du secteur public et du secteur privé. Par le
projet de loi no 105, nous tentons de combler les écarts autant entre
bas et hauts salariés qu'entre personnes du secteur public et
privé.
Je crois que toute cette démarche doit nous amener à la
remise en question de notre système de négociation. N'est-ce pas
là la question la plus fondamentale à se poser, dont la solution
a toujours été remise à plus tard? L'urgence nous
éclate maintenant en plein visage. Nous devons réviser nos
attitudes et nos règles du jeu. Pourquoi faut-il en être rendu
à ce que les négociations soient un affrontement entre deux
énormes bureaucraties? Vous pourrez très bien me dire que ces
questions ne règlent pas le problème vécu actuellement.
Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier d'en tirer des leçons, une fois
la période de conflit passé, et surtout d'y apporter les
correctifs qui s'imposent. Le projet de loi no 105 est là; c'est
inéluctable. Il nous faudra, par la suite, relever le défi de
l'après-demain et trouver des moyens de traverser la crise et de
gérer la décroissance.
L'ampleur de cette crise, tout comme son impact sur nos
sociétés, sur les hommes et les femmes qui la vivent, est
incalculable. Elle est peut-être calculable au plan financier, mais
sûrement pas au plan humain, ni au plan social. Cette crise risque de
briser des espoirs, mais surtout de briser des hommes et des femmes porteurs de
ces espoirs.
Mais si c'est vrai que la crise est terriblement unisexe, comme l'a dit
le premier ministre, même si elle frappe sans égard au fait qu'on
soit un homme ou une femme, une personne âgée ou un jeune sans
travail, cette crise est cependant parfois plus dure, à certains
égards, pour les femmes à cause de la place qu'elles occupent
dans nos sociétés et du rattrapage qu'elles ont à y faire.
Elles sont dans des milieux de vie et de travail plus vulnérables,
majoritairement dans des emplois sans protection, à temps partiel ou
ailleurs, dans des secteurs économiques touchés très
durement en basse conjoncture: les services, le textile, les commerces.
Si cette crise pouvait parvenir à briser nos comportements et nos
mentalités, j'avoue, M. le Président, que c'est sur la foi de ce
seul espoir que je suis encore ici. À la fin de chaque grande ronde de
négociations, on a entendu tous les partenaires, syndicaux, patronaux et
gouvernementaux, exprimer leur volonté de changer les règles du
jeu, de les revoir pour les rendre plus "civilisées", plus
cohérentes, plus humaines, mieux adaptées, répondant
davantage à la réalité que nous vivons; chaque fois -
faut-il se le dire et faut-il se le redire et le marteler - pour en arriver
à tirer des conclusions, à tirer des leçons auxquelles
nous ne sommes pas encore arrivés jusqu'ici.
Bien sûr, la négociation a été de courte
durée; elle était encadrée de toutes parts par des
contraintes causées par la situation économique
générale, et aussi dans le cadre général de la loi
no 70. Cependant, on peut faire ressortir, en ce qui me touche de près
comme ministre déléguée à la Condition
féminine, quelques éléments qui ont pu être mis sur
la table, car il est vrai aussi que les femmes composent près des deux
tiers des personnes oeuvrant au sein de la fonction publique et parapublique et
qu'elles sont souvent au bas de l'échelle, je n'ai pas l'intention de le
nier.
Lorsque des compressions sont faites, les femmes en assument leur large
part.
C'est un constat, celui de la réalité, de la dure
réalité du vécu des femmes, mais ce constat, qu'est-ce
qu'il nous amène à faire et à poser comme gestes? Il nous
a amenés à poser un certain nombre de gestes et, entre autres,
à proposer des actions correctives. À titre d'exemple,
souvenons-nous de l'adoption de la loi no 12, qui permet maintenant que des
programmes d'accès à l'égalité soient possibles
dans notre fonction publique. À la suite des discussions, même si
elles ont été brèves, qui sont intervenues entre nos
partenaires, on pourra maintenant songer à l'implantation de programmes
d'accès à l'égalité qui vont s'adresser largement
aux femmes.
D'autres ententes sont aussi intervenues, à la fonction publique,
entre autres, pour permettre d'améliorer le sort du personnel de
secrétariat, ce fameux classement-moquette. Pour permettre à ces
femmes de sortir du ghetto, on ouvre une voie nouvelle pour
l'égalité des chances. Cette égalité des chances,
on peut aussi l'invoquer avec l'offre qu'on a mise sur la table: ouvrir 6000
places en garderie pour répondre aux besoins pressants des services de
garde des enfants des travailleurs et travailleuses des secteurs public et
parapublic, mais aussi du public en général, puisque 50% de ces
places pourront être occupées par les enfants du public. (21 h
50)
Nous avons aussi ouvert une porte sur la prise de conscience de l'impact
des changements technologiques en permettant à des travailleuses
enceintes qui travaillent avec des écrans cathodiques de pouvoir occuper
un autre poste sans préjudice et cela en dépit des rapports
contradictoires qui peuvent encore exister sur la question. Les congés
parentaux sont maintenant assortis de la possibilité de les prendre
à temps partiel pour avoir une période de transition pour ceux et
celles qui le désirent. Les congés pour adoption sont possibles
et mieux articulés. Ce n'est pas là, bien sûr, tout ce
qu'on souhaiterait pouvoir y retrouver, mais c'est là la preuve, je
pense, d'une bonne volonté, ce sont des éléments qui ne
devront pas être oubliés et qui viennent manifester que la
très courte période des négociations -et on en convient -
n'aura pas été que négative, elle aura aussi son lot de
positif.
En adoptant la loi no 105, je ne crois pas que nous soyons au bout de la
crise ni au bout de nos peines. Il ne s'agit pas ici, encore une fois, de nous
cacher la vérité ni de nous leurrer, mais, malgré les
difficultés que nous vivons, il nous faut nous tourner radicalement vers
l'avenir, tirer des leçons de l'expérience vécue, accepter
de partager nos pouvoirs, accepter de mettre ensemble nos énergies,
notre imagination, notre force créatrice. Je pense que c'est encore un
choix possible. J'ose encore y croire, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Fabien Bélanger
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Comme tous les
parlementaires, je m'étais préparé un discours, mais
l'arrivée du Conseil des ministres, le premier ministre en tête,
m'a tellement inspiré que je pense que je n'en aurai pas besoin.
Comment peut-on en arriver là? Comment peut-on arriver à
dire à des travailleurs, à des travailleuses qu'un gel des
salaires, ce n'est pas suffisant? Qu'un gel des salaires pour six mois, ce
n'est pas négociable? Qu'un gel des salaires pour un an, ce n'est pas
négociable? Qu'un gel des salaires pour 18 mois, ce n'est pas
négociable? Comment peut-on en arriver là? On a
évoqué la situation économique comme si la situation
économique n'était pas pareille dans tout le Canada, comme si la
situation économique n'était pas la même dans tout le
continent nord-américain. Nommez-moi une province, un gouvernement qui
est obligé de faire ce que vous êtes à faire, messieurs. Il
semblerait, en plus, que vous faites cela en "party".
Je voyais le ministre de l'Agriculture qui s'est transformé en
vendeur de macarons pour défendre, encore une fois, soi-disant les
intérêts des Québécois. Ce n'est pas là, ce
n'est pas ici, ce n'est pas en vendant des macarons à tous vos
"back-benchers" que vous allez défendre les intérêts des
Québécois. Allez donc à Ottawa, là où il
faut que vous défendiez les intérêts des agriculteurs du
Québec. M. le Président, c'est évident que la
crédibilité de ce gouvernement est au point zéro. C'est
évident que la crise économique frappe davantage le
Québec.
Une voix:...
M. Bélanger: Faites-en des questions de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, je voudrais tout simplement
vous dire que je ne suis pas un vendeur de macarons. Simplement, c'est que la
coalition pour la survie de l'agriculture...
M. Bélanger: Ce n'est pas une question de
privilège.
M. Garon:... contre le rapport Gilson, qu'il y a un macaron et
j'ai jugé utile d'en
procurer aux députés du Parti québécois.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais très
respectueusement vous inviter à appliquer l'article 100, qui donne le
droit de parole à celui à qui vous l'avez donné, et
à juger que toutes les blagues qu'un ministre peut faire ne sont pas
nécessairement des questions de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: M. le Président, j'espère que
j'aurai la chance de parler au moins 20 minutes. J'ai des choses à
dire.
Nous revenons donc, M. le Président, à la situation
économique. On est conscient qu'il y a une crise économique, mais
parce qu'il y a une crise économique, doit-on bafouer totalement la
démocratie? Doit-on aller fouiller dans les poches des travailleurs et
des travailleuses dans les pires mois de l'hiver, les mois de janvier,
février et mars? Alors qu'ils auront de la difficulté à
payer leur chauffage, on va aller récupérer les 500 000 000 $. Il
y a des raisons à cela, M. le Président. Il y a des raisons pour
lesquelles le Québec en est rendu là.
Nous, de l'Opposition, nous allons faire notre devoir. Nous allons
représenter les 46% de la population qui nous ont élus et nous
allons empêcher qu'on fasse ce qu'a démontré si bien mon
collègue de Jean-Talon, soit retourner à l'envers le film de la
révolution tranquille des années soixante. Vous ne pouvez pas
faire cela aux Québécois! Vous ne pouvez pas mettre le
Québec à reculons, tout simplement à cause de votre esprit
nationaliste. Nous avons été élus par 46% des gens qui
n'ont pas voulu de chèque en blanc et vous nous demandez à nous,
des parlementaires responsables, de voter pour une loi de 80 000 pages
après cinq heures d'étude? On va voter pour cela? Non, M. le
Président.
Pourquoi le gouvernement est-il dans une telle situation? On vous l'a
dit, on vous l'a répété je ne sais combien de centaines de
fois, c'est à cause de la fermeture d'entreprises, des pertes d'emplois.
Que disait-on? Le premier ministre en tête, celui qui vient essayer de
brailler aujourd'hui en disant: C'est triste au Québec... Si c'est
triste, c'est sa faute, M. le Président! Il disait quoi? Des entreprises
qui partent, c'est bien. Je cite le premier ministre: C'est une bonne chose. Il
faut casser des oeufs pour faire une omelette. Il l'a, son omelette, et il n'a
pas finir d'avoir son omelette. Il va l'avoir au mois de février, son
omelette. Il va l'avoir au mois de mars, alors que le Québec sera
paralysé par votre faute, messieurs.
Que disait le ministre du marasme économique, le ministre pour
lequel on vient de créer un nouveau ministère de relations
extérieures? Il disait: On ne regrette jamais le départ de nos
maîtres. Le transfert de BP de Montréal à Toronto, c'est
une très bonne chose. C'est une bonne chose! Et là, vous venez
nous brailler en pleine face ici, vous programmez vos machines à voter
pour essayer d'attirer la pitié: il faut penser à nos malades, il
faut penser à nos chômeurs, il faut penser à nos
bénéficiaires de l'aide sociale. Pourquoi n'y avez-vous pas
pensé quand ces entreprises sont parties? Pourquoi y pensez-vous
aujourd'hui? Pourquoi? On vous l'a dit je ne sais pas combien de fois. C'est
évident que, lorsque les entreprises s'en vont, lorsque les travailleurs
s'en vont, vous avez moins de gens pour payer de l'impôt.
Et là, M. le Président, on va arriver dans les folles
dépenses. Vous allez voir que cela se tient. Quand on a moins d'argent,
on dépense moins. On va regarder ce qu'on a fait au Québec. On va
vous expliquer ce que cette "gang" de braillards faisait. 86 000 000 $ pour
faire des élections, on a dépensé cela au cours de 24
mois, 86 000 000 $ pour faire des élections au Québec. Vous allez
me dire: Oui, mais il y a eu le référendum. Oui, il y a eu le
référendum, et après? Ce n'est pas nous qui avons
demandé le référendum, c'est vous autres, supportez-en les
conséquences.
La publicité, parlons-en de la publicité. En 1980, 3 000
000 $ pour ne pas se faire avoir! Ce n'est pas de toute beauté,
ça, M. le Président? Encore 2 000 000 $ pour un combat de boxe au
Stade olympique, on a dépensé 2 000 000 $ de l'argent des
Québécois pour organiser un combat de boxe au Stade olympique. M.
le Président, j'aurais une petite idée, je suis
persuadé...
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je
m'excuse, M. le député, ce ne sera pas compté sur votre
temps.
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je
vais utiliser, de part et d'autre, l'article 45. Le député de
Mégantic-Compton a son droit de parole et je le lui redonne. (22
heures)
M. Bélanger: Merci, M. le Président, je disais donc
2 000 000 $ pour organiser un combat de boxe d'un soir au Stade olympique
à Montréal. Je vais soumettre une petite idée au
gouvernement; si quelques ministres péquistes voulaient y aller, il y
aurait certainement des amateurs qui aimeraient aller boxer avec eux et cela ne
coûterait pas 2 000 000 $. Il y aurait sûrement des
travailleurs du Québec qui aimeraient cela les essayer. Cela ne
coûterait pas 2 000 000 $.
Une voix: Kid Garon.
M. Bélanger: Les sondages pour constater constamment,
mensuellement, la popularité du parti - pas du gouvernement, du Parti
québécois - ont coûté 5 000 000 $. À
l'Asbestos Corporation, on s'apprête à investir 120 000 000 $ sans
créer un seul emploi.
Je vois le ministre de l'Energie et des Ressources soulever des
questions de privilège parce qu'il n'était pas là pour
voter. C'est vous qui avez parrainé ce projet: 120 000 000 $ sans
créer un emploi. Le ministre des Travaux publics, lui, a
décidé de rénover l'Assemblée nationale: 2 700 000
$ pour des gicleurs et des toilettes. Cela c'est vous autres qui avez fait cela
et là, vous venez dire aux travailleurs: Déchirez votre contrat,
ce n'est plus bon, on n'a plus d'argent pour vous payer. Cela, c'est vous
autres. Et vous voulez qu'on embarque dans cela? Jamais, M. le
Président!
On dira quelques mots du personnel politique, le bureau du premier
ministre en tête, celui-là même qui a fait un appel à
la nation, cet après-midi, en disant que c'était bien malheureux,
que c'était une crise et que ce n'était pas notre faute. Ce n'est
peut-être pas sa faute, mais il y a 62 personnes dans son bureau qui
coûtent 1 500 000 $ par année; cela, c'est sa faute.
Là, je vais vous dire un secret; il y a une personne, de ce
nombre, qui est l'ex-président de la Société d'habitation
du Québec et qui a été responsable du pire scandale qu'a
jamais vécu cette société. Le premier ministre,
conjointement avec son éminence grise, le chef de cabinet du premier
ministre, M. Jean-Roch Boivin, lui a donné un beau petit contrat de 471
000 $ pour être conseiller spécial. Je me demande sur quoi il peut
conseiller. Il semblerait qu'il soit conseiller concernant l'industrie du
sucre, de la betterave à sucre à Montréal; je peux vous
dire que cela en est une sucrée.
Les chefs de cabinet, les attachés d'attachés
représentant 700 personnes dans les ministères coûtent 17
500 000 $. Les primes de départ - on se souviendra de cela on donnait
cela aux amis du parti: 140 000 $, 50 000 $; on en a même donné au
chef de l'Union Nationale. Il n'y pas de problème, on en a de l'argent.
Et là, vous venez brailler, déchirer les contrats et vous pensez
que nous embarquerons dans cela? Jamais! Jamais! Jamais!
On nous dira encore une fois: II faut faire cela; il faut penser aux
plus démunis. M. le Président, si nous avions la certitude que
ces 500 000 000 $ iront à créer des emplois, je suis
persuadé qu'on agirait différemment, mais comment prendre ce
gouvernement au sérieux? L'Alliance des professeurs de Montréal a
écrit, a communiqué avec le premier ministre. On lui a dit: On
est prêt à investir 1 000 000 000 $ pour relancer
l'économie. Même pas un accusé de réception. Et on
vient brailler ici, aujourd'hui, disant qu'il faut aider nos plus
démunis. Ah! mon Dieu! Qu'ils ont donc un grand coeur!
Par contre, à Ottawa, dans le Devoir d'aujourd'hui le 10
décembre - ce n'est pas il y a 25 ans, c'est ce matin - on dit que si le
gouvernement du Québec ne veut pas créer de nouveaux emplois
Ottawa devra faire cavalier seul. Bien, c'est cela que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation vient de faire en
vendant ses macarons, il ne fait pas son travail, il ne va pas à Ottawa
et le ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu fait exactement la même chose, sous les ordres du premier
ministre. C'est aussi simple que cela.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. M. leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je pense que c'est mon
devoir comme leader parlementaire du gouvernement, étant donné
que le député de Mégantic-Compton vient de dire des choses
relativement au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, de dire que si celui-ci n'était pas ici hier pour voter, c'est
qu'il rencontrait justement M. Axworthy concernant le programme de
création d'emplois au Québec. Alors, vous avez
littéralement menti devant l'Assemblée nationale.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mégantic-Compton.
Une voix: Une chance qu'il l'a dit parce que j'allais le
faire.
M. Bélanger: Soulevez-en des questions de
privilège, allez-y, allez-y!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sur une question de
privilège.
M. Garon: Oui, M. le Président. Le député de
Mégantic-Compton a dit que je n'allais pas à Ottawa; j'y suis
allé la semaine dernière rencontrer M. Roméo LeBlanc,
ministre... Un instant!
Une voix: Oui, on en a parlé. Laissez-le parler.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous pourriez,
s'il vous plaît, pour que cette soirée, qui sera longue, dans un
régime d'exception, puisse se passer quand même dans l'ordre,
appliquer le règlement? Il y a des questions de privilège qui en
sont, mais il y en a beaucoup qui n'en sont pas. Si le ministre a des choses
à rectifier, qu'il attende donc la fin du discours.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M.
le leader de l'Opposition, vous savez très bien, à ma
connaissance, d'après les renseignements que je possède, que le
ministre de l'Agriculture n'est pas encore intervenu sur sa motion en
discussion. N'étant pas intervenu sur la motion en discussion, il peut
en tout temps, en vertu de l'article 100, interrompre la personne qui parle,
s'il juge qu'il a une question de privilège à soulever. Il n'a
pas à attendre, en vertu de l'article 96, la fin du discours puisqu'il
n'a jamais lui-même parlé. Donc, c'est au moment où il juge
qu'il a une question de privilège, qu'il a le droit d'intervenir. Quant
à moi, pour savoir si c'est une question de privilège, il faut
que je lui donne au moins la chance de la soulever et, après, je verrai
si c'est une question de privilège ou pas.
M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: M. le Président, le député de
Mégantic-Compton a affirmé que je n'allais jamais à
Ottawa. Je dis que, cette semaine, je suis allé à la
conférence fédérale-provinciale sur les pêches et,
la semaine dernière, je suis allé rencontrer le ministre des
Travaux publics...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
ministre. Question de règlement de la part du leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gratton: Premièrement, le député de
Mégantic-Compton n'a jamais dit que le ministre de l'Agriculture
n'allait pas à Ottawa. Il l'a plutôt invité à y
aller plus souvent. De toute façon...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Gratton:... il ne s'agit manifestement pas d'une question de
privilège. Vous l'avez indiqué vous-même, après
l'avoir entendu, jusqu'au point où je l'ai interrompu, qu'il n'y a pas
de question de privilège. Il pourra dire ce qu'il a à dire au
moment où il prendra la parole dans le débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint, vous
venez d'indiquer que j'ai moi-même dit que ce n'était pas une
question de privilège. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il
fallait que je l'entende d'abord, et qu'ensuite je voie.
Rapidement, M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: M. le Président, le député de
Mégantic-Compton a affirmé que je n'allais pas à Ottawa.
Je veux dire que c'est une affirmation fausse, je suis allé à
Ottawa cette semaine négocier dans le secteur des pêches à
la conférence fédérale-provinciale et je suis allé
la semaine dernière rencontrer le ministre des Travaux publics, M.
Roméo LeBlanc, pour défendre les expropriés de Mirabel.
J'ai essayé, à la même occasion, de rencontrer le ministre
de l'Agriculture, qui n'était pas disponible. J'ai eu l'occasion de voir
de nombreuses autres personnes...
M. Marois: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre, sur une question de privilège.
M. Marois: Sur une question de privilège, j'ai entendu le
député de Mégantic-Compton induire cette Chambre en
erreur. En vertu des articles 48, 49 et 50 de notre règlement, je
voudrais faire la mise au point suivante: Le député a
laissé entendre, en se basant sur un article de ce matin paru dans le
journal Le Devoir, que des propos qui auraient été tenus par mon
homologue fédéral indiqueraient que le gouvernement
fédéral s'apprêterait à agir seul dans le domaine
d'un petit bout de la création d'emplois parce que, a-t-il
ajouté, le ministre québécois de la Main-d'Oeuvre ne
s'occupait pas de son travail et ne rencontrait pas son homologue
fédéral. Il a non seulement induit la Chambre en erreur, mais il
a en plus menti, puisque la raison qui explique mon absence hier au vote, c'est
précisément le fait que j'ai rencontré des fonctionnaires
du gouvernement du Québec pour préparer une rencontre que nous
avons eue aujourd'hui sur la base d'une proposition que j'ai moi-même
formulée au gouvernement fédéral pour qu'on mette au point
un programme qui ne soit pas unilatéral de la part du
fédéral, mais conjoint Québec-Canada, pour qu'on harmonise
nos programmes et qu'on maximise les retombées économiques...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition, sur une question de règlement.
M. Lalonde: M. le Président... (22 h 10)
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je
m'excuse, M. le leader. S'il vous
plaît: M. le ministre: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, il se peut qu'un certain
nombre de mots ou de phrases dans les propos de ceux qui invoquent des
questions de privilège en soi... Mais il y a un abus de tout
évidence et qu'un ministre ou un député se serve d'une
question de privilège pour raconter sa vie et ses occupations... M. le
Président, je vous prie de faire respecter le droit de parole du
député de Mégantic-Compton et, aussi, peut-être de
rappeler au ministre qui vient de parler qu'il y a des mots qui ne sont pas
parlementaires, comme le mot "mentir".
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaîti Je
pense que... S'il vous plaît: M. le ministre, s'il vous plaît! Je
ne voudrais pas que... M. le député: M. le député!
Des interventions, dans certains cas, peuvent apparaître aux yeux de
quelques-uns comme étant des questions de privilège; si jamais
c'en étaient, il faudrait que ce soit bref comme explication et non pas
l'occasion de faire un discours. Mais je pense qu'on pourrait arrêter et
permettre au député de continuer son discours, en vertu de
l'article 100, en tenant compte... S'il vous plaît! M. le
député, si vous voulez que je vous donne le droit de parole, il
faudrait me laisser parler. Simplement, je vous rappelle que je tiens compte de
cela dans votre temps de parole, M. le député. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: M. le Président-Une voix:
Asseyez-vous. M. Marois: M. le Président... M.
Bélanger: Vous ne voulez pas?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement de la part du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Marois: Je m'excuse auprès du député de
Mégantic-Compton, mais le leader de l'Opposition vient d'indiquer que
j'aurais utilisé un mot qui ne soit pas parlementaire,
c'est-à-dire le mot "mentir". Il existe une telle chose en
français qui est de ne pas dire la vérité. Cela s'appelle
un mensonge en français et celui qui l'utilise est un menteur et le
faire, c'est mentir; c'est bien précis et bien clair; c'est ce qui s'est
produit et j'ai rétabli purement et simplement les faits.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mégantic-Compton. M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Je vous demande une directive, M. le
Président; est-ce que d'utiliser le mot "mentir" en cette Chambre est
parlementaire?
Une voix: Le député de Nelligan l'a employé
l'autre jour. Vous n'avez pas protesté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît: Je dois vous dire que l'ancien règlement
mentionnait nommément des mots; ce que dit le règlement actuel,
c'est qu'on doit tenir compte du député qui parle et ne pas
mettre en doute les dires qu'il avance. Les moyens que nous avons de pouvoir
rectifier ce qu'il a dit sont de trois ordres: le premier, c'est, la question
de privilège si on est attaqué personnellement; le
deuxième, c'est en vertu de l'article 96, de rectifier ce qu'il a dit en
vertu du discours déjà prononcé par la personne qui se
lève et qui l'interrompt et la troisième façon, c'est de
prononcer un discours après celui du député. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Il semblerait
qu'hier il y avait énormément de gens à Ottawa et je vais
vous les nommer -je présume que ce n'est pas antiparlementaire - et, si
vous avez des questions de privilège, je vous suggérerais de les
réserver pour la fin. Il y avait le député de Bertrand qui
n'était pas ici hier pour voter sur une motion d'urgence, une motion
d'une extrême importance; il y avait le député de Mercier
qui n'était pas ici; il y avait le député de Rosemont,
ministre délégué à la Science et à la
Technologie; il y avait le député de Joliette qui était
sûrement à Ottawa; il y avait le député de
Saint-Maurice...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Question de privilège de la part du ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président, si le député
lisait simplement les journaux et écoutait la radio et la
télé...
M. Lalonde: Question de règlement. Une voix: On
veut Ryan, on veut Ryan.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Seulement un instant: Si
vous le permettez, je pourrais prendre d'autorité une décision
qui interromprait momentanément les débats si on ne veut pas
revenir à autre chose que ce qu'on fait actuellement. On peut diverger
d'opinion, mais on doit quand même laisser l'individu parler.
M. Chevrette: Question de règlement,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition, sur la question de règlement, avez-vous
terminé?
M. Lalonde: M. le Président, j'attire votre attention sur
le fait que le député de Mégantic-Compton a simplement
donné les noms de députés qui n'étaient pas ici
à un moment donné, au moment du vote. Il n'a pas imputé de
motifs et je ne pense pas que cela doive soulever aucune question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, sur une question de règlement.
M. Chevrette: M. le Président, ma question de
privilège est la suivante: Hier, en cette Chambre, on a accusé
les députés absents de se défiler et de s'associer
à des positions qui étaient contraires. Je vais vous dire que,
carrément, M. le Président, j'étais en mission officielle
dans des audiences publiques. Je ne me suis jamais défilé devant
mes responsabilités. Ce monsieur a beau dire n'importe quoi personne ne
l'écoute.
M. Gratton: M. le Président, j'aurais une demande de
directive.
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de la
décision rendue par le président ce matin, oui. M. le leader
adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, j'aimerais vous demander une
directive. Compte tenu de ce qu'avait dit le député de
Mégantic-Compton, qui était simplement d'indiquer que le ministre
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche était absent au moment du
vote hier, considérez-vous que sa dernière intervention
constituait réellement une question de privilège en vertu de
notre règlement? Si oui, est-ce que la même latitude sera
accordée à tous les membres de cette Assemblée?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vais rappeler ce que le
président disait ce matin à une question du député
de Verchères. Il disait d'utiliser l'article qui le permet une heure
avant l'ouverture des débats, à 10 heures, demain matin, de le
faire, s'il le désire, mais d'éviter que l'on passe la
soirée à le faire. M. le député de
Mégantic-Compton. M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: J'ai eu l'occasion de le faire cet
après-midi, à plusieurs reprises aujourd'hui, dès le
moment où des distinctions d'opinion ou des différences d'opinion
sont intervenues entre deux membres...
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, dois-je
interpréter, par la latitude qui existe dans cette Chambre depuis
quelques minutes, qu'aussitôt que deux députés ont une
opinion différente ou qu'un député a une opinion
différente par rapport à un intervenant, que cela doit
automatiquement donner place et donner droit à une question de
privilège? Si c'est cela, M. le Président, il ne faut pas se
surprendre que, depuis vingt minutes, l'Assemblée nationale ait perdu
complètement son temps par des interventions tout à fait inutiles
et non justifiées en vertu de notre règlement.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, j'ai dit ce
matin, et dans le passé, à plusieurs reprises et je
répète, qu'une différence d'opinion ou
d'interprétation ou un désaccord entre membres de cette
Assemblée ne constitue pas et n'a jamais constitué et ne
constituera jamais une question de privilège. M. le député
de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je n'ai pas lu
les journaux, comme le dit si bien le député de Joliette, mais je
me suis occupé de cette motion d'urgence que nous avions à
débattre, de ce projet de loi matraque que nous avons devant nous et je
dis tout simplement que le député de Bertrand n'était pas
présent lors du vote, que le député de Mercier
n'était pas présent, que le député de Rosemont
n'était pas présent, que le député de Joliette
n'était pas présent, que le député de Saint-Maurice
n'était pas présent, que le député de
Marie-Victorin n'était pas présent, que le député
de Lévis, ministre de l'Agriculture, n'était pas présent,
que le député de Labelle n'était pas présent, que
le député de Fabre n'était pas présent, que le
député de Deux-Montagnes n'était pas présent, que
le député de...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Bélanger:... Champlain n'était pas
présent, que le député de Trois-Rivières
n'était pas présent.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Mégantic-Compton. (22 h 20)
M. Bélanger: M. le Président, si on m'arrête
trop souvent, je vais être obligé de recommencer ma liste au
complet. Je disais donc, M. le Président, que le député de
Trois-Rivières n'était pas présent - pourtant, les
élections municipales sont terminées -que le député
de Bourassa n'était pas présent, que le député
d'Arthabaska n'était pas présent, que le député de
Verchères n'était pas présent, que le député
de Duplessis, celui qui se sauve en pleine nuit,
n'était pas présent, que le député de
Rouyn-Noranda n'était pas présent et que le député
de Chambly n'était pas présent. Je crois qu'il serait
intéressant de savoir qui était présent lors de ce
débat d'urgence, cette urgence nationale que nous déclare
lui-même le premier ministre. Je pense que ces gens auraient dû...
Je ne dis pas qu'aucun d'eux n'avait pas une bonne raison de ne pas être
présent, je ne sais pas où ils étaient; je dis tout
simplement à cette Chambre et je dis aux électeurs de chacun de
ces comtés que leurs députés n'étaient pas ici;
c'est aussi simple que cela. Et si on veut faire la même chose de l'autre
côté et nommer ceux de ma formation politique qui n'étaient
pas ici. Allez-y! Vous n'aurez aucune question de privilège.
Une voix: Non, non, pas de niaisage.
M. Bélanger: M. le Président, il y a effectivement
urgence au Québec, c'est vrai; tout le monde en convient, seul le
gouvernement n'en convient pas. Mais l'urgence n'est pas de faire un
débat comme on le fait; l'urgence, c'est tout simplement de
décréter des élections générales au
Québec. Ce gouvernement a failli, ce gouvernement vieillit, ce
gouvernement n'a plus d'idées; ce gouvernement, formé
d'enseignants et de syndicalistes, ne sait plus de quelle façon
administrer le Québec. L'urgence au Québec, c'est ce que nous
soutenons: c'est tout simplement, puisque vous avez failli, vous avez
essayé, vous avez eu deux termes, il n'y a plus rien qui marche au
Québec, faites donc des élections. Merci.
Le Président: Est-ce que la motion de deuxième
lecture du projet de loi... M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous étudions
donc, en seconde lecture, le projet de loi no 105, Loi concernant les
conditions de travail dans le secteur public. Inutile de vous dire combien ce
projet de loi peut être répugnant et odieux. Il fait suite et il
est de la même foulée que la loi no 70 adoptée en juin
1982. Ce projet de loi no 105 comporte 109 décrets, estimés pas
le président du Conseil du trésor à 90 000 pages, et il
fixe d'une manière unilatérale les conditions de travail des 350
000 employés de l'État
Dois-je vous rappeler que c'est la huitième loi spéciale
en trois ans en matière de relation du travail par ce gouvernement qui a
été élu à cause de son préjugé
favorable aux travailleurs. Comment en sommes-nous venus là? Comment?
Avant d'aborder le fond du problème, je me dois de déplorer le
virage imposé par le gouvernement à cette Assemblée
nationale; le gouvernement se sert de cette Assemblée comme d'un simple
instrument dans son opération marketing pour atteindre ses fins
inavouables.
Situons le débat dans son contexte. Mon opposition à la
loi no 105 ne constitue pas une approbation à toutes les demandes
syndicales. Nous devons reconnaître, et nous sommes assez responsables
pour le faire, que l'État ne peut continuer certaines largesses dans le
contexte économique actuel, contexte dont le gouvernement du
Québec est responsable en très grande partie.
Tous, députés, employés publics et privés
devons assumer notre part de la crise et devons faire des sacrifices, c'est
bien sûr. Mais le débat ici devient une question de principe, soit
le principe de la négociation collective, principe battu en
brèche par cette loi abjecte, la loi no 105, qui nous est
présentée à la vapeur, à la fin de la session, de
nuit, et c'est ce qui est grave, une atteinte à ce principe. Ce
gouvernement fait faire à la société un virage, on devrait
parler de mirage; on a parlé du virage technologique, alors que c'est
plutôt le mirage technologique. Mais le virage qu'on nous impose, c'est
plutôt un virage psychologique, un virage idéologique, un virage
qui nous mène tout droit à l'affrontement, vers l'arnarchie et
vers l'arbitraire. Où nous menez-vous, messieurs du gouvernement, M. le
premier ministre, MM. les ministres? Quelle sorte de contrat social
êtes-vous en train de nous préparer? Pourtant, il faut à
tout prix éviter le chaos social.
Ce gouvernement ne légifère pas en fonction du bien commun
de la population. Il gouverne en fonction de ses visées
indépendantistes et son outil principal, ce sont les sondages. Il
conditionne l'opinion publique à coups de campagne et de propagande
savamment orchestrées, on doit le reconnaître. Il surchauffe le
chaudron, fait des sondages et impose ses décrets et sa dictature. La
loi no 105 est une loi-matraque, une manoeuvre sournoise, méprisante du
gouvernement, tant envers ses employés qu'envers l'Assemblée
nationale. Cette loi nous impose, en cinq heures, l'étude de 109
décrets, comportant, comme je l'ai dit tout à l'heure, 90 000
pages. Le leader du gouvernement a confirmé aujourd'hui que, même
si nous voulions faire des améliorations ou des suggestions pour
bonifier cette loi, pour bonifier les décrets, il ne nous serait pas
permis de le faire; c'est un déni de droits de l'Assemblée
nationale. L'arrogance du gouvernement nie
aux députés le droit de faire leur travail convenablement.
C'est une illustration parfaite de la vision autoritaire de ce
gouvernement.
Comment en sommes-nous rendus là? Alors qu'en 1979-1980, par pur
hasard, me direz-vous, en année préréférendaire, on
signait des conventions collectives d'une largesse inégalée et on
nous disait que le gouvernement avait été un protecteur valable
des fonds publics. Voilà qu'au bout d'à peine quelques mois, en
juin dernier, on adoptait la loi no 70 pour venir enlever d'une main et d'une
manière unilatérale, sans voie de négociation, ce qu'on
avait accordé par voie de négociation.
La question fondamentale qui se pose est la suivante: Le gouvernement
a-t-il épuisé la voie normale de la négociation avant
d'imposer la loi no 105? On nous parlait d'urgence, pour qu'on en parle, il
faut qu'il y ait urgence. Y a-t-il grève aujourd'hui quelque part?
Est-ce que les conventions collectives sont terminées? Non, M. le
Président, il n'y a pas de grève; les conventions collectives ne
sont pas terminées. Doit-on constater avec regret qu'il n'y a même
pas eu de négociation de bonne foi. Que faisons-nous ici? Doit-on nous
prêter comme de vils instruments de la campagne du gouvernement? Ce que
nous faisons me fait penser à un criminel qui appellerait les pompiers
avant de mettre le feu. Le gouvernement entretient le débat sur un
terrain démagogique. Il veut mettre en relief les fonctionnaires, comme
étant responsables de la misère actuelle des chômeurs et
des assistés sociaux, alors que cette misère est due à son
incompétence, à son imprévoyance et surtout à sa
phobie séparatiste. (22 h 30)
Oui, il faut revenir au bons sens et vivre selon nos moyens, nous le
reconnaissons tous, mais est-ce en mettant fin au régime de
négociations collectives que nous allons y arriver? Est-ce en imposant
des décrets que nous allons remédier à la situation? Je
dis non, M. le Président, parce qu'il faut songer à demain. Il y
aura des lendemains à ce que nous faisons aujourd'hui. Toute solution ne
faisant pas appel à une véritable négociation de bonne foi
avec les employés du secteur public est vouée à
l'échec. C'est s'empêtrer davantage et nous en recueillerons les
fruits dans les prochains mois qui seront probablement l'anarchie.
M. le Président, cet épisode dramatique que nous vivons
dans le moment nous fait réaliser l'échec de ce gouvernement qui
avait tellement promis. C'est un échec à plusieurs niveaux.
D'abord, un échec sur le plan constitutionnel. Après avoir
été élu le 13 avril 1981 sous le thème "II faut
rester forts", trois jours plus tard, le premier ministre signait pour
abandonner le droit de veto. C'est un échec constitutionnel, un
échec de l'administration gouvernementale. Il n'y a pas à se le
cacher, l'on constate que le Québec est complètement à la
dérive. Le gouvernement a complètement perdu le contrôle de
l'administration.
C'est un échec également dans la gestion des finances
publiques et, un tel échec, cela se prépare. Cela n'est pas une
génération spontanée; cela arrive à la suite de
déficits accumulés par-dessus d'autres déficits,
malgré les sages conseils de l'Opposition d'alors qui mettait en garde
le gouvernement contre cette accumulation de déficits. À ce
moment, on nous ridiculisait.
C'est un échec dans l'administration des finances publiques,
alors que l'on aurait pu récupérer les sommes qui nous restent
pour respecter la signature du gouvernement, tout en économisant dans
les dépenses folles. Je n'entends pas faire la nomenclature de tout ce
qu'ont pourrait appeler les dépenses folles du gouvernement. D'autres
députés de l'Opposition l'on fait avant moi, je vous mentionnerai
seulement les 86 000 000 $ qui furent nécessités pour les
activités électorales de 1980-1981.
C'est surtout un échec de notre société de
consensus. Nous avions une tradition démocratique ici, au Québec,
et ce gouvernement est en train de nous faire passer d'une
société démocratique, d'une société de
consensus à une société de décrets. Tout ce dont
nous entendons parler, tout ce que nous lisons dans les journaux, c'est ceci:
Le gouvernement impose, le gouvernement décrète. Il n'y a plus de
place à la voie démocratique. Cela se fait ici sur le plan
national, mais cela se répercute également dans l'administration
locale et régionale.
Qu'il me suffise de vous dire que dans mon propre comté, alors
qu'il y avait un hôpital à Saint-Georges-de-Beauce qui
fonctionnait à plein rendement, dont la population était
satisfaite, on est venu imposer une fusion, imposer un chambardement
injustifié. Alors qu'on nous parle d'une société de
démocratie et de consensus, on n'a pas du tout respecté la
volonté de la population qui avait été appelée
plusieurs fois à manifester; qui avait fait des suggestions très
positives et très concrètes afin d'en arriver à une
utilisation plus rationnelle de ses équipements. Mais non, le
gouvernement est arrivé avec sa matraque traditionnelle, la même
que nous connaissons aujourd'hui, pour imposer sa dictature. L'on nous disait:
II faut fusionner les hôpitaux en Beauce pour économiser les fonds
publics, alors que le budget de l'hôpital fusionné est de 5 000
000 $ supérieur au budget des deux hôpitaux mis ensemble pour
l'année précédant la fusion. L'on se moque de la
population et c'est ainsi que l'on dilapide les fonds publics. Échec de
notre
société de consensus dans l'établissement des MRC,
les municipalités régionales de comté. Dans ma
région, il y a eu comme partout ailleurs des comités de
consultation pour former les MRC. On a consulté, à même les
fonds publics, abondamment. On a fait des réunions. On a
dérangé beaucoup de monde, mais tout était
décidé à l'avance par les hommes de main du gouvernement,
un petit comité de consultation bidon qui était formé
d'hommes de bras, d'hommes de main du gouvernement. Les municipalités de
Saint-Prosper, de Saint-Zacharie avaient demandé d'une manière
unanime d'être rattachées à la MRC Beauce-Sartigan. On les
a bien écoutées, mais le décret, le couperet traditionnel
du PQ est tombé. On les envoyées à une autre MRC. Je vous
dis ceci: Que le gouvernement n'aille pas croire que cela va se passer comme
cela. Cela ne se passera pas comme cela. Si le gouvernement ne connaît
pas la ténacité des Beaucerons, il va apprendre à la
connaître.
M. le Président, nous savons que rien n'est plus fort qu'une
société de consensus, rien n'est plus solide qu'une
société démocratique, mais rien n'est plus fragile qu'une
société de décrets. Cet échec du gouvernement, nous
le retrouvons dans les relations du travail. Ce que nous faisons aujourd'hui en
est la preuve la plus éloquente. Le gouvernement nous démontre
une attitude arrogante et n'a aucun respect envers ses employés.
Lors de l'adoption de la loi 70 en juin dernier, le gouvernement disait
ceci à ses employés: Faites comme je veux, sinon je vais vous
l'imposer. Où est la place à la négociation dans ce temps?
Cet échec, nous le retrouvons et il se répercute dans la vision
étroite du nationalisme du Parti québécois. Ce
gouvernement s'est maintenu en poste en exploitant la corde nationaliste. Il
s'agissait toutefois d'un nationalisme étroit, stérile. Je vais
vous donner la définition de "nationalisme", d'après le
dictionnaire Robert. Nationalisme: Exaltation du sentiment national;
attachement à la nation à laquelle on appartient,
accompagné parfois de xénophobie. C'est bien ce que nous vivons
dans le moment, ce nationalisme étroit que nous impose le Parti
québécois qui est tout à fait différent d'un
véritable patriotisme, patriotisme qui est, d'après le
dictionnaire, amour de la patrie.
M. le Président, la pire manifestation que je connaisse du
nationalisme étroit du Parti québécois, c'est la division
qui en est résultée entre bons Québécois, entre
mauvais Québécois et Québécois francophones et
Québécois qui ne sont pas francophones. Le gouvernement actuel,
le Parti québécois - je l'accuse gravement en cela - s'est servi
de ce qu'on a de plus noble, s'est servi de notre drapeau pas pour unir le
peuple, mais pour le diviser, pour arriver à ses fins
indépendantistes.
M. le Président, un drapeau, c'est un symbole qui unit des gens.
Qu'en a fait le Parti québécois? Il en a fait un facteur de
division. Je dirais qu'il a volé ce symbole au peuple du Québec.
Vous savez, en droit criminel, pour qu'il y ait vol, deux exigences sont
requises: Cela prend d'abord l'intention de voler et il faut poser l'acte.
Inutile de vous dire que, dans un vol, dans un crime, l'intention est plus
importante que l'acte. Quelqu'un peut faire un vol d'une valeur mineure sans
avoir eu l'intention, mais, pour que le vol soit complet, il faut l'intention
et l'acte. Qu'a fait le Parti québécois? C'est cela qui est
grave. Il a volé au peuple du Québec son emblème pour en
faire un emblème de division. Voulez-vous la preuve de ce que j'avance?
Un article de journal dit: "Participons à la marche du Québec
samedi le 17 avril. Apportons nos drapeaux du Québec. Affichons notre
drapeau partout. " Est-ce que cela appartient au Parti québécois
ou au peuple du Québec? (22 h 40)
Je déplore grandement que le Parti québécois ait
enlevé, ait volé, ait souillé le drapeau du Québec.
Oui, je le répète, M. le Président, il y a des
Québécois aussi bons que vous autres qui se disent: Je ne suis
pas pour hisser le drapeau devant ma maison, je vais passer pour un
péquiste, pour un séparatiste.
Vous en avez entendu parler? Un député péquiste me
disait un jour: Dans telle municipalité de mon comté, il y a 47
drapeaux comme si c'était 47 identifications à la caisse
péquiste. Il faudra remettre au peuple ce qui lui appartient.
Dans sa société de décrets, le PQ s'occupe de tout,
s'occupe de nous, il est omniprésent dans notre vie. Je lis un article
du Soleil du 17 novembre 1982: "Le nombre de règlements au Québec
est passé de 950 à 1882 en neuf ans. " Il n'y a plus de place
pour l'initiative privée. Il n'y a plus de place pour une
véritable consultation. Il n'y a plus de place pour le droit de parole
des citoyens.
Avec le PQ, nous avons vécu un échec, un recul, une perte
d'emplois - je conclus parce que vous me faites signe, M. le Président -
nous qui étions habitués à un dynamisme réel et
à une création d'emplois. Le PQ a mis le Québec en tutelle
et on n'en veut pas de votre tutelle.
En concluant, je vous citerai un bon Beauceron qui, à l'adresse
du PQ, me disait ceci: Dis-leur donc qu'ils se contentent d'être inutiles
sans se rendre nuisibles. Merci.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Le point de vue que je
vais exprimer en cette Chambre ce soir peut paraître naïf à
ceux qui s'isolent derrière la crise budgétaire de l'État,
mais comme ce point de vue existe, autant dans mon parti que dans de larges
secteurs de la population, syndiqués ou non, il m'a semblé
important de le faire entendre ici.
Dé toute évidence, il y a une crise économique
réelle et profonde qui secoue et qui secouera pour longtemps notre
économie et celle des autres pays industrialisés. Face à
cette crise, l'important, pour le Québec et les Québécois,
c'est d'abord et avant tout de s'entendre sur des remèdes efficaces pas
seulement pour faire durer le patient, mais pour le guérir.
Cela s'appelle un nouveau contrat social, partagé, voulu,
recherché par les secteurs les plus larges possible de la population.
C'est un tel contrat social qui a permis à la société
québécoise de réussir son décollage il y a 20 ans,
de secouer la léthargie qui l'asphyxiait. C'est d'un tel contrat social
dont on a besoin maintenant, avec des sacrifices dedans, pour tout le monde,
certainement, mais avec l'assurance d'aller de l'avant et non pas de faire
marche arrière.
Permettez-moi une brève remarque pour vous dire combien je suis
et je reste en désaccord avec le député de Sainte-Marie
qui appelait il y a quelques jours, lors de son discours sur la motion,
à un changement de gouvernement. Comment peut-il raisonnablement croire
lui-même et laisser croire qu'un gouvernement libéral, avec son
laisser-faire politique à l'égard d'Ottawa, avec son
laisser-faire économique dans le développement, pourrait ne pas
faire pire que le Parti québécois et encore moins faire mieux?
Quant à moi, je suis députée dans un gouvernement du Parti
québécois et j'entends le rester tant et aussi longtemps que je
serai en accord avec le programme de ce parti, au sein duquel je milite depuis
bientôt treize ans.
Cela dit, c'est certainement à la question comment aller de
l'avant qu'il faut répondre, si on veut emporter l'adhésion de
ceux et de celles à qui on demande de véritables sacrifices. De
cela, malheureusement, il n'en a pas été question, ni durant
cette négociation, ni pendant ce débat sur l'urgence de ce projet
de loi, à cause de la crise nous dit-on.
Je connais bien les efforts considérables que le gouvernement du
Parti québécois a faits à l'égard des
assistés sociaux en introduisant, notamment, à tous les trois
mois une pleine et complète indexation au coût de la vie. Je sais
tous les fonds de tiroir raclés pour lancer des programmes de
création d'emplois, temporaires peut-être, mais dans les
circonstances, certainement essentiels.
Je connais la malchance dans laquelle se débattent des milliers
de citoyens. Je représente un comté ouvrier où, depuis mon
élection, j'ai pu rencontrer au-delà de 1600 personnes qui sont
venues au bureau pour demander que des démarches soient faites pour
elles. Mais, leur sort va-t-il être amélioré parce que nous
allons décréter d'autorité des dizaines de milliers de
pages de conventions collectives?
Dans quel projet de relance, d'investissements, dans quel maintien de
services, le gouvernement entend-il engager les sommes dont le sacrifice est
demandé? Le consentement ne serait-il pas plus large si les enjeux
apparaissaient plus évidents? Notre objectif de gouvernement ne peut
quand même pas se réduire à distribuer plus
équitablement la pauvreté, à défaut de la richesse
que l'on n'arrive pas à produire comme société.
Pourquoi l'idée d'un fonds de relance économique, à
partir, oui, des sacrifices consentis durant les trois prochaines années
par les employés de l'État, a-t-elle été si
rapidement écartée? L'État n'emprunte pas de ses
employés, a-t-on entendu ici même dans cette Assemblée. La
reine ne négocie pas avec ses sujets, a-t-on répondu aussi vingt
ans plus tôt. Et pourquoi pas? Est-ce que la gravité de la crise
économique ne commandait pas des solutions inédites, capables de
renforcer la solidarité sociale à laquelle on fait appel,
capables de démontrer aux chômeurs et aux assistés sociaux
que les employés de l'État ne sont pas leurs ennemis, capables de
démontrer que la bataille à gagner est celle du chômage et
non de la réduction des salaires. Puisque gouverner c'est choisir, nous
a-t-on rappelé cet après-midi, pourquoi n'a t-on pas choisi des
projets qui donnaient une chance à la négociation?
M. le Président, ce que je refuserai de cautionner, lors du vote
enregistré sur le projet de loi, c'est l'idée que seules les
méthodes brutales pouvaient, dans les circonstances de la crise, faire
entendre raison aux employés de l'État et à leur syndicat,
l'idée exprimée et répandue dans les milieux
gouvernementaux, dès le début de cette ronde de
négociations, que jamais un dirigeant syndical qui se respecte ne
pouvait négocier la récession et partager l'effort collectif.
C'est prémuni de cette façon, avec la conviction d'un
échec appréhendé, inévitable et peut-être
parfois souhaité, qu'a été adoptée la loi 70.
D'ailleurs, cette loi mettait fin, avant même qu'elles ne
commencent, aux négociations. Je m'autorise d'une telle affirmation, non
seulement parce que je la pense ou que je l'ai abondamment lue chez
les éditorialistes durant l'automne, mais parce qu'on retrouve
une affirmation générale de cette nature dans le rapport d'Yves
Martin et de Lucien Bouchard, l'actuel négociateur du gouvernement,
à une commission d'étude sur la révision du régime
des négociations dans les secteurs public et parapublic, en 1978. Les
auteurs de l'étude Martin-Bouchard disait ceci, après une longue
analyse de toute cette question: "II apparaît en effet illusoire de
concevoir une négociation authentique dans le cadre d'une masse
monétaire prédéterminée. Comment pourrait-on
prétendre garder son sens véritable de la négociation si,
dès le départ, on y soustrait tout le champ des matières
ayant une incidence sur le budget de l'État?"
Cela dit, loin de moi l'idée que le gouvernement doit abdiquer
devant les demandes syndicales. Négocier ne veut pas dire abdiquer, mais
cela aurait au moins permis de vérifier si un terrain d'entente
était possible, avant de tout figer dans une loi que l'on doit
maintenant amender. Cette loi no 70 était injuste à
l'égard des bas salariés. La preuve en est que nous faisons
nous-mêmes amende honorable en la modifiant. (22 h 50)
Mais le projet de loi no 105, en comparaison, reste tout aussi injuste
à l'égard de dizaines et de dizaines de milliers
d'employés à temps partiel, surtout des femmes qui ont un revenu
annuel moyen de 10 000 $, 11 000 $ ou 12 000 $. Je pense, par exemple, aux 700
infirmières sur un total de 1200 qui travaillent sur une base
régulière à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont sans les
avantages d'un emploi à temps complet de plus en plus rare dans le
secteur hospitalier. Elles, comme des dizaines et des dizaines de milliers
d'autres, subiront une baisse sur leur salaire à l'échelle
irréelle, puisqu'il ne s'agit pas de leur modeste salaire hebdomaire
réel. Allez leur parler de la protection des bas salariés pour
comprendre l'injustice qu'elles ressentent présentement.
M. le Président, le problème le plus grave n'est sans
doute pas que nos objectifs n'aient pas été largement
partagés, mais surtout qu'ils n'aient pas été clairement
exprimés. Réduire les salaires, puisque c'est de cela qu'il
s'agit, dans le secteur public, avec l'effet d'entraînement
prévisible, inévitable dans le secteur privé où,
soit dit en passant, plus de travailleurs et de travailleuses sont actuellement
en lock-out plutôt qu'en grève - une majorité d'entre eux
subissent un lock-out présentement, réduire les salaires, je le
redis, ce n'est pas un objectif, c'est un moyen. Ce n'est pas suffisant de
répéter, scandalisé parfois, que 52% du budget de
l'État sont consacrés aux salaires. Encore faudrait-il savoir de
quelle sorte d'État il s'agit.
Rapatrions tous les impôts et ajoutons à la masse salariale
de l'État tous les fonctionnaires fédéraux au
Québec et vous allez vite vous rendre compte que l'écart se
réduit considérablement. Nous avons comme État provincial,
parce que nous sommes un demi-Etat, des juridictions dans les domaines les plus
coûteux et les moins payants, celles qui comptent le plus important
coefficient de main-d'oeuvre, dans l'Éducation, dans les Affaires
sociales, la santé.
Il a été abondamment question dernièrement de
réduire les écarts de traitement des enseignants du Québec
comparativement à ceux de l'Ontario? Cela a fait partie de la panoplie
qui a été présentée durant les négociations.
Alors, pourquoi ne pas faire tout autant et prendre les moyens de
réduire les écarts considérables de diplômés
secondaires, de diplômés postsecondaires, collégiaux et
universitaires, cet écart considérable d'effectifs entre le
Québec et l'Ontario. L'instruction est un facteur essentiel
d'épanouissement personnel, mais surtout et aussi de
développement économique et social. Alors, pourquoi ne pas avoir
offert ou plutôt pourquoi ne pas offrir, par exemple, à la
Centrale de l'enseignement du Québec, de livrer avec le gouvernement un
combat contre le retard de plus en plus accentué du Québec en
matière d'éducation, un combat en faveur de l'éducation
des adultes et de la fréquentation scolaire, quand on sait, par exemple,
que, de toutes les provinces, à l'exception de Terre-Neuve, le
Québec a le taux de fréquentation le plus faible chez les 12-17
ans? Malheureusement, M. le Président, ces objectifs et bien d'autres
ont été enfouis peut-être sous une mentalité de
comptable, profession très honorable certainement, mais qui n'est pas
très réputée pour sa capacité de mobiliser les
forces d'une nation ou de proposer des projets de société.
Ceci dit, M. le Président, le gouvernement employeur peut-il
honnêtement dire qu'il a tout essayé pour donner une chance
raisonnable à la paix? Vous vous rappelez peut-être cette vieille
chanson des Beatles qui a marqué notre adolescence, "Let's peace a
chance". Vous savez, en négociation, c'est toujours possible de beurrer
l'autre, comme on dit dans le jargon de ce milieu, c'est-à-dire de tout
mettre sur le dos de l'adversaire, quand les positions sont à ce point
rigides qu'elles en deviennent cadavériques - on sait, semble-t-il,
qu'il n'y a pas plus rigide qu'un cadavre - et que le législateur a
prévu l'intervention d'un tiers, habituellement, un conciliateur ou un
médiateur, qui est là pour rapprocher les parties et leur
soumettre un règlement respectable. Puisque la situation est
exceptionnelle, que la crise est exceptionnelle - on en a parlé
suffisamment dans cette Chambre pour que cela fasse au moins consensus - que la
négociation a été
exceptionnelle, que le projet de loi est dit exceptionnel, pourquoi ne
pas avoir recours à un conseil de médiation exceptionnel, tout au
moins sur les clauses normatives des contrats de travail?
De toute façon, les conditions de travail sur le plan normatif
sont reconduites et, donc, en vigueur jusqu'au 1er avril. Alors, qu'est-ce qui
presse tant à s'embourber définitivement dans de nouveaux textes
dont à peu près personne ne connaît
l'interprétation, encore moins ceux et celles qui auront à les
vivre dans des milliers d'établissements? Avez-vous idée du
facteur de désordre que cela peut représenter? Je ne parle pas du
grand désordre appréhendé contre lequel le gouvernement
semble prémuni; non, mais de ce désordre qui peut être
provoqué au jour le jour par des textes pouvant être
différemment interprétés, par l'absence d'un minimum de
consensus sur les lieux de travail, par une mécanique alourdie et
peut-être déréglée.
La vérité est que le syndicalisme et la négociation
sont un facteur d'ordre dans notre société, non pas seulement
dans le secteur privé, mais également dans le secteur public. La
réalité du projet de loi no 105 est de nier, avant même de
l'avoir épuisé, le droit à la libre négociation de
leurs conditions de travail pour les employés de l'État.
Pour terminer, je voudrais citer un texte qui m'avait été
envoyé par mon collègue le député de Prévost
et qui porte sur le modèle autrichien. On se réfère
très souvent à des modèles de concertation. Sur ce
modèle autrichien, on dit ceci: "Le modèle autrichien de
concertation entre partenaires sociaux repose sur un traitement loyal des
intérêts en présence tel qu'il exclut toute victoire trop
éclatante comme toute défaite trop cuisante de l'une ou l'autre
des parties. C'est la raison pour laquelle il importe au développement
harmonieux de l'Autriche que cette collaboration contribue à lutter
contre le pessimisme économique qui se répand peu à peu. "
Le moins qu'on puisse dire est que le projet de loi no 105 nous écarte
dangereusement de ce modèle qu'on voudrait nous présenter comme
étant celui dans lequel le Québec doit se situer. Je vous
remercie.
Mme Juneau: M. le Président, en vertu de l'article 100,
s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Est-ce que je pourrais poser une question à
Mme la députée de Maisonneuve?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je m'excuse, Mme la
députée de Johnson, mais on m'a demandé de prendre en
délibéré l'article 100 il y a quelques jours, qu'on a
utilisé pour questionner un autre député du même
parti. Comme cette question est en délibéré, actuellement,
je devrai vous refuser cette question...
Une voix: Elles ne sont pas du même parti!
Le Vice-Président (M. Rancourt):... simplement parce qu'il
n'y a pas eu de décision de prise à ce niveau.
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le
Président, sans vouloir être désagréable à
l'endroit de la députée de Johnson, j'apprécie que vous
signaliez que la question est toujours en délibéré. En
effet, c'est moi qui avais soulevé la chose, hier ou avant-hier; il me
semble que c'est une interprétation beaucoup trop large de l'article 100
qui permettrait ce genre de question après qu'un député a
adressé la parole. Je vous prierais, en effet, de continuer à
délibérer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.
En attendant, qu'on ne crée pas de précédent.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je pourrais ajouter qu'en
plus de votre demande, comme leader adjoint de l'Opposition, j'ai eu la
même demande du leader adjoint du gouvernement, ce qui ne me permet pas,
actuellement, Mme la députée de Johnson, de vous accorder une
question en vertu de l'article 100.
Mme Juneau: Question de directive, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de directive,
Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: II y a quelque chose que je n'ai pas compris au
début du discours de Mme la députée de Maisonneuve et je
voudrais qu'elle explique à cette Assemblée ce qu'elle a voulu
dire. (23 heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de directive:
c'est une façon indirecte de poser une question. Je m'excuse, Mme la
députée de Johnson. Pour l'instant, je ne peux pas vous permettre
cela, tant que je n'ai pas rendu une décision en vertu de l'article 100,
tel qu'on me l'a demandé de chaque côté de cette
Assemblée, il y a une
couple de jours. Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: M. le Président, nous sommes en face d'une
triste farce, l'étape finale et catastrophique d'un plan tout à
fait fabriqué et bien orchestré par le gouvernement du
Québec. La loi 105 et les 110 décrets représentent la
preuve ultime que le gouvernement est totalement incapable de gérer ses
affaires, la preuve finale de son incompétence. Quand j'ai entendu,
hier, les arguments hypocrites du leader du gouvernement sur l'urgence de la
situation, je me suis rendu compte que le gouvernement du Québec n'est
pas seulement en faillite sur le plan financier, qu'il est aussi en faillite
sur le plan intellectuel et moral. Dans son plaidoyer pour justifier l'urgence
de la loi 105, le leader a parlé de la crise économique. Il a
parlé du niveau désastreux du chômage, il a parlé du
sort des jeunes, de la fermeture des usines et de la nécessité de
maintenir la qualité des services dans nos hôpitaux et nos
écoles, comme si la loi 105 allait régler la situation.
Il a même exploité les plus démunis en citant
quelques cas spécifiques de personnes qui souffrent de la crise
actuelle. Pour des gains politiques, il a eu la mesquinerie d'exploiter les
souffrances de ces personnes afin de jouer sur les sentiments du public. J'ai
honte de mon gouvernement. Ce n'est pas le gouvernement des
députés péquistes. C'est mon gouvernement. C'est notre
gouvernement. C'est le gouvernement de tous les citoyens du Québec. J'ai
honte du gouvernement parce que ces gens sont tellement dégradés
qu'ils sont prêts à toutes les bassesses pour justifier ce qui
n'est pas justifiable, parce que c'est bien évident que la loi 105 ne
résoudra d'aucune façon la crise économique. Au contraire,
la loi risque de la rendre encore pire. On peut se poser des questions sur
l'impact d'un tel coup de force sur la qualité des services dans nos
écoles et nos hôpitaux, à l'avenir. J'ai honte de mon
gouvernement, de notre gouvernement, parce qu'il est tellement malhonnête
qu'il a adopté la loi 70 en juin dernier, pas pour régler la
crise, mais afin de l'utiliser comme chantage pour forcer nos travailleurs
à se mettre à genoux.
J'ai honte de mon gouvernement parce que c'est évident qu'il
n'avait nullement l'intention de négocier de bonne foi. Le gouvernement
a joué un jeu dangereux, un jeu qu'il ne pourrait jamais gagner parce
que nos travailleurs ont trop de respect en soi pour être attrapés
dans un tel jeu. C'est un jeu que le gouvernement ne peut pas gagner parce
qu'au bout de la ligne, c'est la crédibilité du gouvernement qui
est en jeu. Le public n'est pas dupe et, avec ce dernier coup de force, la loi
105, le gouvernement s'attaque à l'intelligence, non pas uniquement des
travailleurs, mais à l'intelligence du public. Après aujourd'hui,
le gouvernement du Québec n'aura plus de crédibilité
auprès du public.
Today, this week-end, is a dark day for all Quebeckers. The mountain of
decrees that we saw yesterday - ten feet, 85 000 pages of paper - that we are
being asked to approve in just a few hours for 310 000 workers in the public
sector is a monument to the failure of the Quebec Government, its failure to
respect its own signature, its failure to respect its own employees, its
failure to understand that real solutions never result from unilateral,
authoritarian decisions, from confrontation, from bullying tactics, from
blackmail tactics. Real decisions result when there is discussion with mutual
respect and good faith on both sides.
The 85 000 pages of decrees are a monument to the arrogance of the PQ
Government which has always believed that the answer to every problem was
another Government intervention, another rule, another law, another regulation,
another structure and another directive, always resulting in more
centralization of power in the hands of the Government. It is a Government
which has now amassed so much power that it is powerless to cope with the
monster it has created.
Bill 105 is an admission of its powerlessness, a declaration of
impotence by a Government who thought it could control everything and has found
out that it cannot manage anything. Bill 105 is a pitiful end to a long series
of choices deliberately taken by the PQ Government, a series of choices which
have been leading this province to ruin for six years.
The other day, the Finance Minister said, and he was right: To govern is
to make choices. But let us look at the choices that the Government has been
making. Le gouvernement a choisi d'acheter des votes
référendaires en signant des accords avec le secteur public,
lesquels il ne pouvait, de toute évidence, se permettre. The Government
has chosen to create an overblown public sector which it cannot afford and, at
the same time, it has weakened the private sector which is, after all, the
motor that generates the money for the public sector. It has weakened the
private sector by driving out investments by excessive taxation and excessive
meddling in the affairs of the private sector.
Le gouvernement a choisi de continuer ses politiques de
règlements abusifs et d'interventions dans tous les domaines de notre
vie. The Government has chosen to attack almost every group, every professional
group and every elected group in our society. The Government has attacked the
doctors,
the engineers, the accountants. The Government has chosen to dilute the
autonomy of the municipalities. The Government has chosen to attack the school
boards by a series of specious arguments saying: Well, we took all the powers
away, so now we might as well abolish them. The Government is even attacking
the parents because, in the plan to restructure the schools, the Government is
pretending to give parents powers, but if you read the plan carefully, you find
out that it is all an illusion. What the Government is really doing is taking
over all the powers so that the parents will have very little to decide. (23 h
10)
If you want a couple of examples of how the Government really feels
about parents and the kind of lack of respect that the Government has for
parents, you just have to look at the Châteauguay School Board situation.
The parents have decided that they want their children to learn English
starting in grade one, they have been learning it for a few years, and now the
Government wants to take it away because learning English for French children,
starting in grade one, is not within the Government regulations. The Government
knows best. That is the kind of respect that the Government has for parents'
wishes.
We have a case in the Baldwin-Cartier School Board, where the parents
and the professionals have developed their own sex education program. But the
Government would not approve it. Do you know why? Because it does not conform
with the national objectives of the Government for sex education in
Québec. Now we have national sex as well as anything else.
Le gouvernement a choisi d'exaspérer les minorités et
d'attaquer les libertés de l'individu par ses politiques rigoureuses en
matière d'affichage, de tests linguistiques, d'accès aux
écoles anglaises et d'activités abusives de la Commission de
surveillance de la langue française. Le gouvernement a choisi de
gaspiller des millions de dollars en acquérant l'industrie
déclinante d'Asbestos. Le gouvernement a choisi de ne rien faire pour
stimuler SIDBEC, même après avoir été prévenu
du désastre imminent.
Le gouvernement s'est engagé dans sa campagne Ottawa-Crash,
visant à intensifier les confrontations Québec-Ottawa dans tous
les secteurs possibles. Le gouvernement a choisi de gaspiller des sommes
énormes pour aménager des bureaux spacieux à
l'étranger et aussi pour créer des agences gouvernementales
bureaucratiques inutiles dans toute la province. Le gouvernement a choisi de
conserver une attitude de nationalisme aveugle qui projette l'image d'une
société fermée et peu accueillante et, en juin, le
gouvernement a choisi les employés du secteur public comme principaux
boucs émissaires. Le gouvernement a intentionnellement choisi
d'empoisonner les négociations en faisant du chantage auprès des
travailleurs, avec les menaces d'une coupe salariale de 20% pour une
période de trois mois.
Now, even though the existing collective agreements are in force until
April 1st, the Government is pretending that there is an urgency to settle. My
friends, there is an urgency all right, but it is not to settle the
negotiations in the public sector, the urgency is to get rid of the PQ Party in
this province, a government which has continued, and will continue, as long as
it is in power, to destabilize the social and economic climate of
Québec, because it has one obsession, the separation of Québec
from Canada. All its political choices have been and will continue to be a
manipulation of the situation to justify the need to separate Québec
from Canada. The PQ Government is prepared to make Quebeckers pay any social
and economic prices to succeed in its option. Bills 70 and 105 are only the
beginning of the price that Quebeckers are going to be asked to pay.
The PQ Government, my friends, they are the problem. The PQ mentality
will never be able to bring back social stability and economic recovery because
the very mentality runs counter to the conditions that are required. What is
required is a government with a different set of options, a government which
understands that in order to revitalize the economy, we must revitalize the
private sector and one of the best ways to revitalize the private sector is for
the Government to get out of the way and let the private sector do what it
knows how to do. The Government has to back off and reduce its intervention,
its regulation, its bureaucratic meddling in the private sector.
This afternoon, the Prime Minister gave us a lesson about industrial
revolution and the "virage technologique" upon which Québec should
embark, so it will not miss the boat for the revolution that is sweeping the
world. For two years now, the Government has been preaching the urgency of
increasing research and development activity, so that Québec does not
find itself helplessly behind in this technological revolution. The problem is
that the PQ Government cannot even get started because its very mentality makes
it incapable of understanding what to do. Instead of preparing a plan of
action, it is hopelessly bogged down in talking about the creation of new
structures.
What is needed is not structures, but action. Action to reduce
structures; action to reduce government intervention; action to reduce taxes in
order to free up investment moneys; action to equip our work force with
technical skills, so that they will have jobs
in the technical revolution; action to depolarize the language debate;
action to create a stable and welcoming society; action to improve
work-oriented programs at all levels of our educational system; action to
modernize our outdated manufacturing sector; action to support risk, creativity
and individual initiative; action so that Quebeckers will be able to compete in
the global village.
Pierre Lortie said at a recent meeting of the Order of engineers: "The
conditions necessary for innovation are foreign to the culture of bureaucracy".
Think about it. Will the PQ Government ever be able to do what is required to
take off in the technical revolution? When I looked to the mountain of
documents yesterday, I had a very strange feeling. I think I felt a little bit
the way the people in Jonestown must have felt...
Une voix: Franchement!
Mme Dougherty:... on those last weird days when the bubble, their
illusion was about to burst and all irreality was going to go up in smoke so we
could get back to reality.
Pierre Marois said in la Presse, the 28th of September: "Le moment est
venu pour les élus du Parti québécois de mettre leur
siège en jeu pour l'option indépendantiste". Why do you not go
ahead? We are ready because I think it is the time for a return to reason. A
return to common sense, to the values of respect for individual dignity and
individual initiative, respect for private initiative - respect for creativity
and risk and the values that have built this province and this country. (23 h
20)
Mr. Speaker, il est grand temps qu'on se débarrasse de ce
gouvernement péquiste pour le remplacer par un gouvernement qui
n'oubliera jamais que ce sont les citoyens qui sont souverains et pas le
gouvernement. Il est grand temps qu'on retourne à la raison. Merci, M.
le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vachon, sur...
M. Payne:... juste une question de règlement, en vertu de
l'article 100. Est-ce que je peux poser brièvement une question à
la députée de Jacques-Cartier?
M. Bertrand: II demande s'il peut poser une question.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député, je dois vous rappeler que c'est la
députée... Non, je m'excuse, M. le leader adjoint. Mme la
députée de
Jacques-Cartier accepte-t-elle qu'une question lui soit posée par
le député de Vachon?
Une voix: Non.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement de la part du leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Gratton:... votre prédécesseur au fauteuil a dit
tantôt, lorsque la députée de Johnson a voulu, dans des
circonstances analogues, poser une question à la députée
de Maisonneuve qui venait de terminer son intervention...
Une voix: On ne l'accepte pas de toute façon.
M. Gratton:... votre prédécesseur, dis-je, a
expliqué qu'il avait pris cette question en
délibéré quant à l'interprétation qu'on doit
faire de l'article 100 qui n'a rien à voir avec la possibilité
pour un député de poser une question après qu'un discours
est terminé, mais qui a tout à voir avec la possibilité
qu'un député a de s'exprimer sans être interrompu par
quiconque. Avant qu'on ne donne l'occasion au député de Vachon de
poser sa question, il me semble que la présidence devrait statuer sur
l'interprétation qu'on doit faire de l'article 100.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, j'étais là au
moment où se sont déroulés les événements
qui ont amené la présidence à prendre en
délibéré une demande de directive. Or, si ma
mémoire est bonne -j'espère qu'elle l'est encore, M. le
Président, même s'il est 23 h 20 - je crois me rappeler que
c'était dans les cas où un député d'une formation
politique adressait, en vertu de l'article 100, une question à un
député de sa propre formation politique.
Une voix: C'est cela.
M. Bertrand: Mais l'article 100 de notre règlement
prévoit bien qu'un député d'une formation politique peut,
à la fin du discours d'un député d'une autre formation
politique, demander à ce député d'une autre formation
politique, s'il accepte qu'on lui pose une question. So, for Mrs Dougherty, we
have a
member of our political party who wants to ask you a question, so are
you ready to answer...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader. Je dois
simplement dire deux choses. La première: la question prise en
délibéré par mon prédécesseur, à ce
siège, a pour discussion actuellement le fait qu'un député
d'une formation politique adresse une question à un député
de sa même formation politique. J'ai déjà dit cependant -
c'est la deuxième partie - que l'article 100 est le suivant, c'est que,
en vertu de cet article, tant que la personne a la parole, on peut soit
l'interrompre ou attendre à la fin de son discours, mais quand elle a la
parole, c'est-à-dire quand son droit de parole existe, or il existe tant
et aussi longtemps qu'elle n'a pas épuisé, en vertu du
règlement, ses 20 minutes usuelles.
Deuxièmement, si le député lui pose une question et
que la députée accepte, mais que son droit de parole est
terminé, comme je l'ai dit cet après-midi, c'est un consentement
tacite si personne ne s'y oppose. Or j'ai entendu qu'un membre de la formation
politique de Mme la députée de Jacques-Cartier s'oppose et,
n'ayant pas de consentement, je ne peux accorder le droit de parole ou la
question. En conséquence, le droit de parole est au député
de Maskinongé.
Une voix: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): J'en ai deux. Je vais
commencer par le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, tout d'abord, je voudrais que
ce soit bien clair. Quand on a demandé de prendre en
délibéré l'interprétation qu'on doit faire de
l'article 100, il ne s'agissait pas de poser la question en vertu d'une
question posée par un député d'une formation politique
à un autre membre de cette même formation politique. Il s'agissait
de savoir comment on doit interpréter l'article 100
indépendamment de qui pose la question à qui. C'est ce que...
Le Président: Vous allez l'avoir immédiatement, M.
le leader adjoint de l'Opposition. Même si, littéralement,
l'article 100 mentionne qu'un député peut poser, avec le
consentement de l'autre personne, une question à un autre
député, je pense que, dans la conception et dans l'idée de
ceux qui ont rédigé le règlement qui nous régit
actuellement, l'esprit du législateur ou du concepteur du
règlement était dans le sens que la question ne pouvait pas
être posée par un député d'un même parti
à un de ses collègues, et ce, des deux côtés de la
Chambre. Si tel était le cas, on arriverait à des situations
absolument ridicules, absurdes, de telle sorte que, par entente entre
collègues, on pourrait assister à une période des
questions entre députés à la fin des droits de parole.
Donc, la question n'est plus en délibéré maintenant. Tout
en respectant la décision rendue par mon collègue sur un autre
point de l'article 100, et que je confirme, je dis, d'autre part, qu'un
député ministériel pourra, avec le consentement, poser une
question à un député de l'Opposition, si celui-ci consent
et vice versa, mais jamais entre membres d'un même parti politique.
M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, simplement pour qu'on
s'entende bien de part et d'autre, il n'est pas question de contester votre
décision. Au contraire, je partage votre point de vue là-dessus.
L'article 100 n'existe-t-il pas pour signifier qu'un député qui a
la parole ne peut être interrompu que pour les raisons qui y sont
mentionnées, c'est-à-dire pour qu'on puisse lui demander la
permission de poser une question ou de donner des explications pour soulever
une question de règlement ou une question de privilège ou pour
signaler un défaut de quorum? En d'autres mots, l'article 100 n'existe
pas pour établir les conditions selon lesquelles un député
peut poser une question à un autre, mais simplement pour établir
la protection qu'un député a, au moment où il a la parole,
de ne pas être interrompu par un autre collègue. Cela, à
mon avis, ne doit pas - je vous demande de le confirmer si c'est votre opinion,
M. le Président - signifier, d'aucune façon, qu'il est possible
à quelque député que ce soit de poser une question
à quelque autre député que ce soit qui aurait
terminé. En d'autres mots, un député peut demander la
permission de poser une question à un député qui a la
parole, mais une fois que ce député a terminé son
intervention, il ne devrait pas, selon moi, être question, pour un autre
député de pouvoir lui poser une question, parce que, à ce
moment, on aurait ce que vous avez signalé qui pourrait survenir,
c'est-à-dire des périodes de questions à la fin de chaque
intervention.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, pour une bonne part de
l'argumentation du leader adjoint de l'Opposition, je dois dire que je suis
totalement d'accord avec ce qu'il dit. Je crois savoir aussi qu'il y a une
jurisprudence qui s'est établie en cette Chambre, à savoir que
les députés - cela arrive à l'occasion -peuvent
interrompre effectivement une personne et, se prévalant de l'article
100, demander à cette personne si elle accepte de répondre
à une question. La jurisprudence, la
tradition dans la majorité des cas, c'est que les gens laissent
la personne terminer son discours et, se prévalant de l'article 100 en
disant qu'elle n'a pas voulu l'interrompre pendant son discours, demandent
à la personne si elle accepterait de répondre à une
question. À ce moment-ci, le député de Vachon, tout ce
qu'il veut, dans le fond, c'est demander à Mme la députée
si elle accepterait de répondre à une question. C'est tout. Elle
dit oui ou elle dit non.
Le Président: Je pense qu'on a établi un premier
point, à savoir qui pouvait poser des questions à qui. Le
deuxième point: Effectivement, durant l'intervention d'un
député, à moins d'obtenir la permission de ce
député, le député doit continuer son intervention.
Tant que ce député a la parole, ce qui veut dire tant que son
droit de parole prévu par le règlement à l'article 160
n'est pas expiré, c'est-à-dire si, par exemple, un
député parle pendant seize minutes, alors que l'article 160
permet que cette personne puisse parler vingt minutes, si elle n'en utilise que
seize, il lui est quand même loisible, parce que cette personne a encore
quatre minutes à son droit de parole, si elle le veut bien, de
répondre à une question d'un député d'un autre
parti politique. Le consentement, bien sûr, appartient à la
personne à qui on fait la demande. C'est la façon dont
j'interprète l'article 100, mais il est bien entendu que, si les vingt
minutes en question sont expirées, il n'est même pas question de
consentement, puisque, le droit de parole étant expiré, elle ne
peut donner une permission pour répondre à une question, parce
que ainsi cette personne enlèverait un droit ou du temps à
d'autres députés qui pourraient intervenir ou qui voudraient
intervenir dans cette Chambre. C'est là mon interprétation de
l'article 100. (22 h 30)
M. Picotte: Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Vachon.
M. Payne: As-je bien compris qu'il ne m'est pas permis de me
prévaloir de l'article 100 pour savoir si, oui ou non, je peux lui poser
une question? Ne puis-je pas me prévaloir de l'article 100?
Le Président: Si le droit de parole de vingt minutes,
prévu pour chaque député en cette Chambre sur une motion
de deuxième lecture, si le droit de parole de Mme la
députée de Jacques-Cartier est expiré, elle n'a pas
à donner son consentement, parce que, même si elle donnait son
consentement, elle se trouverait ainsi à donner son consentement en
utilisant du temps appartenant à d'autres parlementaires de
l'Assemblée nationale.
Si, par contre, son droit de parole prévu à l'article 160,
qui est de vingt minutes, n'est pas expiré et si cette personne accepte
de répondre à la question, elle le peut, si elle le veut.
Une voix: S'il est expiré?
Le Président: Si, dans le cas de Mme la
députée de Jacques-Cartier, son droit de parole de vingt minutes,
prévu à l'article 160, est expiré, elle ne peut... M. le
député de Vachon.
M. Payne: Le sens de ma question est très simple, M. le
Président. Je voudrais savoir si son temps est expiré. Je pense
que ma question est légitime.
Des voix: Oui.
M. Payne: S'il n'est pas expiré...
Le Président: On m'informe que le droit de parole de vingt
minutes de Mme la députée de Jacques-Cartier est
expiré.
M. Gratton: M. le Président, sur une question de
règlement.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, il ne s'agit pas de contester
encore une fois, mais je me demande si on ne pourrait pas vous demander de
réfléchir à la portée des mots qu'on retrouve
dès le début de l'article 100: "Tant qu'un député a
la parole". Est-ce qu'on doit interpréter cela comme voulant dire: Tant
qu'un député est en train de parler à l'Assemblée
nationale ou doit-on, dans le cas d'un droit de parole de vingt minutes,
l'interpréter comme étant pendant les vingt minutes que doit
durer le droit de parole d'un député? Selon moi - je vous donne
mon avis - tant qu'un député a la parole, cela veut dire tant et
aussi longtemps qu'un député est en train de s'exprimer et, une
fois que le député est assis, qu'il a terminé d'exercer
son droit de parole, l'article 100 ne s'applique plus à lui, mais au
prochain député qui interviendra.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition,
littéralement, vous avez raison, tel que l'article est écrit. Il
n'en demeure pas moins que les us et coutumes en cette Chambre depuis plusieurs
années ont démontré que nous avons appliqué
l'article 100 et permis que des questions avec consentement soient
posées s'il restait des minutes sur le temps de parole des
députés, avec consentement évidemment. Je suis d'accord
avec vous que, littéralement parlant, on dit: Tant qu'un
député a la parole, mais, pratiquement, depuis plusieurs
années, si le droit de parole de vingt minutes n'est pas
expiré et qu'un député veut poser une question à
l'intervenant, cette question peut être posée mais avec le
consentement de la personne en question, et, dès que les vingt minutes
sont expirées, aucune question n'est possible.
M. Gratton: M. le Président, au sujet du mot
"consentement" que vous utilisez, est-ce qu'on ne devrait pas parler du
consentement unanime plutôt que du consentement du député
qui a terminé? En supposant qu'un député termine son
intervention, il est loisible à tout autre député de se
faire reconnaître et d'avoir le droit de s'exprimer. Or, il faudrait au
moins que cette personne consente également qu'une question soit
posée plutôt que...
Le Président: Si les vingt minutes ne sont pas
expirés, évidemment qu'il revient à la personne qui avait
la parole de dire oui ou non. C'est à elle de dire si elle veut
répondre ou non à la question.
Par contre, si les vingt minutes sont expirés, il faut absolument
non seulement un consentement unanime de tous les membres de
l'Assemblée, mais en plus un consentement de la personne que l'on veut
interroger.
M. le député de Maskinongé.
Des voix: Bravo!
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. Depuis le début
de ce débat spécifique concernant le projet de loi no 105, j'ai
l'impression de me retrouver à une autre époque où,
lorsque arrivait un malheur dans une famille ou dans une collectivité,
celui qui était en charge de la famille ou de la collectivité
engageait des braillards et des pleureuses pour tâcher de bien souligner
l'événement et de démontrer jusqu'à quel point
c'était dommage.
J'ai l'impression qu'avec le projet de loi no 105, le premier ministre
du Québec s'est engagé une trentaine ou une quarantaine de
braillards et pleureuses pour tâcher de dire - je parle de tous les
députés péquistes qui sont passés avant nous autres
-à la population: C'est épouvantable. Ce n'est pas de
gaieté de coeur que je prends la parole sur ce projet de loi no 105.
C'est dommage, c'est triste, mais la conjoncture économique nous permet,
nous oblige, nous, du gouvernement, à présenter une telle loi
matraque, injuste et insipide contre les travailleurs du Québec. C'est
pour ça que je dis qu'on a entendu, depuis le début de ce
débat, une vingtaine ou une trentaine de braillards et de pleureuses en
face de nous qui viennent tout simplement dire au peuple: Cela nous fait
extrêmement mal de faire ce que nous faisons, mais, même si
ça nous fait mal, on va vous tuer quand même et on va vous
assommer de la meilleure façon. Quelle hypocrisie, quelle prostitution
politique de la part des péquistes et de ce gouvernement
péquistel
J'ai un triste événement à vous rappeler, M. le
Président. Bientôt, soit dans 20 minutes, on
célébrera de regrettée mémoire le trentième
anniversaire de la loi de l'émeute imposée par le gouvernement
Duplessis aux travailleurs de l'Associated Textile à Louiseville, qui
étaient en grève depuis quelque douze mois. Duplessis avait une
façon bien spéciale de régler les grèves, il
faisait matraquer les travailleurs par la Sûreté du Québec.
René Lévesque, son image toute recopiée, a une
façon bien spéciale de régler les problèmes, il
fait des lois spéciales matraquant les travailleurs. Il arrive au
même résultat et il remplit le parlement de policiers provinciaux
pour protéger sa petite personne et les membres de cette
Assemblée. Il utilise la même chose, il utilise la force et il
bafoue tout simplement les libertés des travailleurs du Québec.
C'est ce triste anniversaire, ça tombe curieusement, c'est curieux comme
l'histoire se répète. C'est le trentième anniversaire de
ce jour où on a bafoué des travailleurs à Louiseville,
à coups de matraques, avec la Sûreté du Québec. Et
on bafoue les travailleurs, à l'Assemblée nationale, avec un
gouvernement semblable à celui de Duplessis. On bafoue les travailleurs
avec des lois et en les menaçant avec des épées de
Damoclès au-dessus de leur tête. C'est triste! Non seulement c'est
triste, mais c'est écoeurant de la part d'un gouvernement dont les
singes sont en avant de nous, un gouvernement qui disait avoir un
préjugé favorable aux travailleurs.
Quand je regarde ce préjugé favorable aux travailleurs
dont ces gens-là parlaient en 1976, je me demande jusqu'à quel
point il était profond. Je me demande jusqu'à quel point ces
gens-là étaient sincères. Je me demande jusqu'à
quel point ces gens-là étaient sérieux puisque, six ans
plus tard, voilà ce qu'on fait des travailleurs du Québec. Et
ça ne fait que commencer. Ce sont les travailleurs des secteurs public
et parapublic. On pourrait penser à ce que ce gouvernement a fait aux
milliers de travailleurs de la construction, qui ne sont pas des travailleurs
des secteurs public et parapublic, à qui on a tout simplement fait
revoler la carte de compétence et à qui on impose des amendes,
même qu'on en envoie quelques-uns en prison parce qu'ils ont osé
travailler sans carte dans un Québec où on parle de
liberté, dans un Québec qui se dit un pays libre. On bafoue les
travailleurs de la construction, on bafoue les travailleurs des secteurs public
et parapublic. Ce gouvernement hypocrite, ce gouvernement -M. le
Président, je vais retenir les termes que je voulais employer parce que
c'est vrai
qu'ils seraient antiparlementaires - bafoue les travailleurs, je viens
de vous en donner des exemples. Je vais vous dire une chose. Ce gouvernement
est en train de payer la facture qu'il s'est lui-même montée. (23
h 40)
Je me rappelle trop bien qu'en 1974 et 1975, alors que j'étais
député en cette Chambre, il n'y avait pas une manifestation sans
que ces hypocrites de premier ordre traversent la Chambre et descendent devant
le parlement en disant aux travailleurs qui venaient manifester avec des
pancartes, manifestations infestées de péquistes: Lâchez
pas! Le gouvernement doit vous respecter. Un gouvernement qui ne donne pas 30%
à 35% d'augmentation à ses travailleurs, c'est un gouvernement
qui ne respecte pas ses citoyens. Cela a été dit en 1974 et en
1975 par cette bande d'hypocrites, qui étaient au nombre de six, assis
en face de nous, et par un paquet d'autres qui ont été
élus depuis, qui étaient des chefs syndicaux, des
représentants syndicaux à ce moment-là, qui venaient
manifester devant le parlement. Cela a été dit par eux.
Qu'est-ce qu'on fait six ans plus tard? Qu'est-ce qu'on respecte six ans
plus tard? Un gouvernement qui ne donne pas 35% d'augmentation à ses
employés, c'est un gouvernement qui ne respecte pas ses employés
et ses citoyens? Comment appelle-t-on un gouvernement qui va soutirer 20% du
salaire aux employés qui l'ont gagné, l'année
dernière, avec une convention collective qu'il a lui-même
signée? C'est un gouvernement voleur. C'est un gouvernement qui fait des
hold-up. C'est un gouvernement écoeurant, M. le Président, tout
simplement. Il n'y a pas d'autres mots pour le qualifier. Je ne serai pas
tendre avec vous et je vous dis, messieurs, que vous récoltez ce que
vous avez semé. Vous avez semé la tempête et vous
récoltez cela présentement. Cela va aller bien plus loin. Vous
allez avoir d'autres ennuis que ceux-là, malheureusement pour le
Québec, malheureusement pour le climat social. Mais vous avez couru
après et vous l'avez voulu.
Messieurs, je regrette, mais je ne peux pas cautionner ce genre de
gouvernement voleur. Je ne cautionnerai pas les vols; ce n'est pas vrai. Je ne
cautionnerai pas des gens qui vont fouiller dans les poches des citoyens
après avoir donné délibérément, après
s'être assis à une table de négociation et après
avoir discuté avec ses employés et signé une convention
collective, de bonne foi de la part des syndicats, de bonne foi de la part des
travailleurs et, soi-disant, à ce moment-là, de bonne foi de la
part du gouvernement. On réalise aujourd'hui que le gouvernement
n'était pas de bonne foi.
Le gouvernement voulait acheter le référendum, M. le
Président. Le gouvernement voulait tout simplement...
J'entendais Parizeau nous dire, je m'excuse, le ministre des Finances -
c'est son nom; il ne doit pas avoir honte de son nom, c'est comme rien - nous
dire, à l'Assemblée nationale, les deux mains dans ses petites
poches de gilet, en ridiculisant tout le monde du Québec, comme un gars
qui cachait la vérité: Nous avons économisé des
millions dans cette négociation; on a réussi à s'entendre
en économisant des millions. Il ne connaît pas cela,
économiser des millions. Il ne sait pas ce qu'est une piastre. C'est un
faiseur de trous, le ministre des Finances. Ce n'est pas un faiseur de piastres
et ce n'est pas un faiseur d'administration. C'est ce qu'est ce gouvernement
hypocrite, assis en face de nous.
Pourquoi utilise-t-on présentement le projet de loi no 105? Parce
que le gouvernement a besoin d'aller chercher 560 000 000 $ dans les poches des
citoyens. Où aurait-on pu prendre, depuis trois ans, ces 560 000 000 $,
M. le Président? Est-ce qu'on aurait pu, alors qu'on dépense 20
000 000 $ dans les cabinets de ministre et qu'il s'en dépensait deux
fois moins en 1976, épargner 10 000 000 $ dans les cabinets de ministre?
C'est sûr que cela veut dire quelques péquistes ou quelques petits
amis du régime de moins, mais on aurait épargné 10 000 000
$. Cela aurait déjà été 10 000 000 $ de
trouvés et on aurait pu adoucir la convention collective.
Mon collègue a parlé du fameux combat de boxe qui a
été organisé au Stade olympique par ces champions. Ils ne
sont champions de rien, ils sont champions d'un trou, ils sont champions de la
faillite, les gens de ce gouvernement. On a dépensé quelques
millions pour organiser un combat de boxe et on découvre maintenant un
paquet de scandales. C'est à l'image de ce gouvernement scandaleux,
rempli de scandales individuels et collectifs. Marc Lavallée vous en
parlera d'ailleurs.
Est-ce qu'on n'aurait pas pu épargner quelques millions lors de
la fête nationale des Québécois au lieu de glisser cela
dans les poches des péquistes? Des scandaleux de votre trempe! Là
encore, on aurait pu épargner quelques millions au lieu de jeter le
blâme et de cracher le venin sur les travailleurs du Québec.
N'aurait-on pas pu faire cela, avec votre préjugé favorable?
N'aurait-on pas pu épargner 100 000 000 $ dans Asbestos
Corporation? Asbestos Corporation, 100 000 000 $ d'engloutis là-dedans,
des déficits, un paquet de choses, mais pas un seul job de
créé. N'aurait-on pas pu épargner ces 100 000 000 $
plutôt que de cracher le venin sur les travailleurs du Québec,
gang d'hypocrites péquistes que vous êtes! Est-ce qu'on n'aurait
pas pu épargner ça?
Est-ce qu'on n'aurait pas pu épargner quelques millions dans le
secteur de la
publicité, au lieu de dire aux gens: "II ne faut pas se faire
avoir" et essayer de redorer son petit blason péquiste? N'aurait-on pas
pu essayer d'épargner quelques millions et arrêter de dire que les
travailleurs du Québec ne font pas l'affaire de l'État? Est-ce
qu'on n'aurait pas pu épargner quelques millions là-dedans, gang
d'hypocrites péquistes?
Ne pourrait-on pas épargner quelques millions en enlevant les
inspecteurs de l'Office de la langue française qui vont écoeurer
tout le monde au Québec en disant: Vous n'avez pas le droit d'inscrire
"Merry Christmas" à ce temps-ci de l'année dans vos vitrines?
Vous ne devez plus inscrire "hamburger" sur vos menus, ce sont des
hambourgeois. Comme ce sont des gens qui n'ont pas peur de manger n'importe
quoi, on leur laisse manger des chiens-chauds, à ces gars d'en face.
Est-ce qu'on ne pourrait pas épargner encore quelques millions du
côté des inspecteurs? C'est ça, ce gouvernement:
Est-ce qu'on n'aurait pas pu épargner quelques millions lors de
la réforme électorale, au lieu de cracher le venin sur les
travailleurs du Québec? On a fait la démonstration, la preuve que
cela a coûté trois fois plus cher encore pour favoriser quelques
petits péquistes. Quelle est la logique de ce gouvernement? Si on gelait
seulement le salaire des travailleurs, je serais prêt à embarquer
avec vous autres, les travailleurs aussi. Mais au même moment où
on va chercher 10% et 20% dans la poche des travailleurs du Québec du
secteur scolaire, du côté des hôpitaux, chez les
travailleurs des secteurs public et parapublic, selon la logique de ces
cerveaux brûlés d'en face, on dépose un projet de loi pour
qu'au mois d'avril on augmente de 6% nos salaires! Si vous étiez
logiques, vous devriez avoir honte de demander une augmentation de 6%. Vous
devriez au moins geler nos salaires à nous aussi, les
députés, jusqu'à temps que ces décrets soient
expirés. Au moins, gelez nos salaires! Mais non, vous présentez
un projet d'augmentation pour le mois d'avril. Quelle hypocrisie! Bande
d'hypocrites! Il n'y a pas d'autres mots pour dire cela. M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Picotte: Oui, je m'excuse.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Guay: M. le Président, j'invoque une question de
privilège. Je vous dis tout de suite qu'elle a pour but de rectifier un
fait et non pas de diverger d'opinion, pour autant que le député
d'en face ait des opinions. Le député vient d'affirmer que le
gouvernement a déposé un projet de loi qui a pour but d'augmenter
les députés, dont lui-même, à compter du 1er avril
prochain. Le gouvernement a présenté un projet de loi qui a pour
but de différer l'augmentation déjà prévue dans la
loi actuelle jusqu'au 1er avril prochain, ce qui est très
différent, M. le Président. (23 h 50)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, vous savez comme moi qu'il ne
s'agit pas là d'une question de privilège. Le
député diffère d'opinion avec mon collègue de
Maskinongé, il pourra le dire en exerçant son droit de
parole.
Le débat sur le projet de loi no 90 viendra lundi et non pas ce
soir.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Guay: Je ne diffère pas d'opinion; c'est qu'un fait qui
est faux a été énoncé par le député
de Maskinongé et je le corrige parce qu'il porte atteinte aux
privilèges des députés de cette Chambre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président.
Je vais répéter pour la bonne compréhension de
tous: À partir du 1er avril, le salaire de chacun d'entre nous qui
siégeons ici en cette Chambre sera augmenté de 6%. Il a beau
être différé de quelques mois, c'est de la pure hypocrisie
de votre gouvernement. C'est cela que j'étais en train de vous dire.
Vous êtes des hypocrites. Gelez-les au moins jusqu'à la fin des
décrets que vous présentez pour deux ans. C'est cela que je vous
dis. Si vous êtes logiques, gelez-les. C'est cela que vous allez vous
donner quand vous allez arracher 10% et 20% dans la poche des travailleurs.
Vous bafouez les travailleurs et vous vous donnerez une augmentation de salaire
à partir du 1er avril. Imaginez-vous donc! Ces pauvres
députés péquistes, ces pauvres ministres!
Je vois le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation qui est plein comme un boudin et je vois le ministre qui va dire
tout simplement ceci...
M. Garon: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: En vertu du règlement, j'estime que le
député de Maskinongé peut parler avec toute la violence
verbale qu'il
voudra, mais il pourrait parler avec un peu de savoir-vivre, parce qu'on
dirait qu'il n'a pas été élevé.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Maskinongé, avant de vous redonner la parole, je
voudrais, puisqu'on a invoqué le règlement de part et d'autre,
vous faire part aussi de l'article 99. 2 qui dit: "De se référer
à une affaire inscrite au feuilleton, à moins que cette affaire
et celle qui est en discussion ne soient fondées exactement sur le
même principe; " et aussi au paragraphe 8 de ce même article 99:
"De se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce
soit ou irrespectueux pour l'Assemblée; ".
M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Félicitations pour votre programme, M. le
Président!
Je voulais simplement dire ceci et je vais le répéter:
Quand j'aurai des leçons de savoir-vivre, ce n'est sûrement pas le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui va me
les donner. On n'a qu'à regarder tout ce qu'il a fait et je n'ai pas
l'idée d'en perdre, je veux rester au niveau où je suis.
J'aimerais dire ceci...
Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai une question
de...
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Guay: M. le Président, il m'a semblé entendre le
député de Maskinongé faire une remarque
irrévérencieuse - c'est le moins qu'on puisse dire - à
l'endroit de la présidence en vous disant, je crois, pour la
décision que vous avez prise: Félicitations pour votre beau
programme, M. le Président! Ce langage est une insulte à la
présidence et je pense que le député de Maskinongé
devrait, à tout le moins, en gentilhomme qu'il sait être -
peut-être pas ce soir, mais à d'autres moments - s'excuser
auprès de la présidence.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition. S'il vous plaît!
M. Gratton: M. le Président, je soulève une
nouvelle question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Gratton: Est-ce qu'on ne pourrait pas, du côté
ministériel, laisser mon collègue de Maskinongé parler
librement, sans l'interrompre, de façon qu'il puisse jouir des
mêmes libertés que celles qu'on laisse aux députés
ministériels, c'est-à-dire avoir ses opinions et ne pas
être l'objet de questions de règlement qui n'en sont pas, que ce
soit de la part du leader adjoint du gouvernement ou de quelque autre
député que ce soit?
M. Guay: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de
règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Guay: Je suis tout à fait d'accord et tout à
fait disposé à laisser le député de
Maskinongé faire son discours. Mais, lorsque le député de
Maskinongé - et il me semble que le leader adjoint de l'Opposition doit
être aussi sensible à cette dimension - fait une remarque
irrévérencieuse à l'endroit de la présidence, je
pense qu'il est de mise de le souligner et de lui demander de retirer sa
remarque irrévérencieuse à l'endroit du
président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Avant de vous redonner la parole, M. le député de
Maskinongé, je pense que je vous ai signalé l'article 99 ainsi
que certains paragraphes de ce même article. Je considère que vous
savez fort bien l'utiliser. Terminez votre discours dans le temps qui vous est
prescrit, je crois qu'il vous reste environ cinq minutes. S'il vous
plaît! M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, si cela peut faire l'affaire
des gens d'en face, je ne vous félicite plus pour votre programme.
J'aimerais vous dire ceci, j'ai parlé de logique de ce
gouvernement avec les augmentations de salaire qui vont être
adoptées. Quand je disais que le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation... C'est sûr que trois mois sans
augmentation de salaire, ce n'est pas un gros problème avec le compte de
dépenses qu'il a et avec le salaire faramineux qu'il touche. C'est pour
cela que ce n'est pas grave. Cela va être pas mal plus grave pour les
travailleurs des secteurs public et parapublic d'aller leur chercher 10% et 20%
dans leurs poches, comme le gouvernement va faire. Cela est pas mal plus grave.
Je comprends que les gens d'en face veuillent s'enorgueillir de retarder un peu
leur augmentation de trois mois. Ne prenez pas le monde pour des
imbéciles. Le peuple du Québec n'est pas à votre image.
Heureusement, d'ailleurs, qu'ils ne sont pas à votre image, ne prenez
pas les gens pour des imbéciles. Vous n'avez pas besoin d'augmentation
de salaire; si vous en enlevez aux citoyens du Québec, faites donc la
même chose avec les nôtres. Cela va être malheureux pour tout
le monde; malheureux ici et malheureux en dehors; au moins tout le monde sera
malheureux. Cela viendra
confirmer une chose, c'est que, même si au Québec, cela ne
fait que cinq ans qu'on parle d'indépendance, on est tous dans la
dèche, on est tous malheureux au bout de cinq ans seulement à en
avoir parlé.
Cela va permettre aux gens de se rendre compte que, heureusement, on
n'est pas encore indépendant et vous voyez ce que cela serait. On
n'aurait plus un sou en poche et on n'aurait plus rien. Ils viendraient tout
chercher. Ils viennent nous voler même si on est encore dans un pays
démocratique, dans une grande confédération. Voyez-vous ce
que ce serait s'ils dirigeaient seuls. Comme cela serait beau à
voir!
Je vais vous dire tout simplement ceci, en guise de conclusion: Quand le
gouvernement nous demande à nous, députés,
d'étudier, en l'espace de 30 heures, la deuxième lecture, et en
quelques heures, la troisième lecture, et cinq heures en commission
parlementaire, entre 60 000 et 80 000 pages de décrets pour les
employés, quand le gouvernement nous demande cela, cela prend un
gouvernement qui n'a pas de tête et qui ne sait pas où il s'en
va.
Même les gens d'en face ne connaissent pas ces décrets. On
a adopté des lois durant la nuit à la dernière session.
Rappelez-vous, par exemple, lorsqu'ils ont adopté la loi concernant la
consommation de vin dans les restaurants, les coquilles qu'ils ont
laissées passer. Des petits projets de loi de deux ou trois pages, ils
nous passaient des coquilles. Imaginez-vous les coquilles et ce qu'on va passer
comme couleuvres aux travailleurs dans 60 000 à 80 000 pages de
décrets. Je ne voterai pas pour cela, c'est sûr et certain, parce
que le gouvernement en face de nous est un gouvernement qui agit de
façon contraire au bon sens, parce que le gouvernement en face de nous
en est un qui fait un hold-up qualifié, et le gouvernement en face de
nous ne respecte même pas ses travailleurs tel qu'il l'avait promis. Il a
tout simplement failli à la tâche et, s'il reste un
problème à régler au Québec, c'est le
problème de ce gouvernement. S'il pouvait déclencher des
élections pour se faire "sacrer" dehors le plus vite possible, cela
satisferait tout le monde. Les premiers heureux de se faire "sacrer" dehors, ce
sont toutes ces mines en déconfiture que j'ai en face de moi. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Les gens qui nous...
Le Président: M. le député de
Maskinongé, j'ai été informé que vous avez
prononcé, tout à l'heure, des paroles à l'endroit de la
présidence. J'aimerais, s'il vous plaît, que vous les
retiriez.
M. Picotte: Est-ce que vous pourriez me dire quelles paroles
injurieuses j'ai pu prononcer?
Le Président: "Votre beau programme. "
M. Picotte: Oui et après, j'ai dit que je ne le
félicitais pas...
Le Président: Je vous demande de retirer ces paroles que
vous avez adressées à la présidence.
M. Picotte: Je retire ces paroles. Je ferai remarquer ceci,
j'apprécierais que, quand je prends la parole...
Le Président: Je prends acte que vos paroles sont
retirées.
M. Picotte: Oui, et j'apprécierais, quand je prends la
parole, que le président qui est assis à votre place fasse
respecter le règlement, ce qui n'était pas tout à fait le
cas tantôt. Merci, M. le Président. (Minuit)
Des voix: Oh!
Le Président: Mme la députée de Dorion.
Mme Huguette Lachapelle
Mme Lachapelle: M. le Président, les gens qui nous
écoutent et vous-même, M. le Président, avez eu l'occasion
rêvée d'entendre et de voir le niveau de qualité et de
finesse du discours du député de Maskinongé.
M. Guay: Effrayant! Effrayant! Grossier!
Mme Lachapelle: M. le Président, nous traversons une des
plus longues récessions de notre histoire, la pire, m'a-t-on dit, depuis
la grande dépression des années trente. Bien sûr, je
n'étais pas là, mais mes parents et plusieurs des
électeurs de mon comté de Dorion m'ont raconté les temps
et les périodes difficiles qu'ils ont eu à vivre. Aujourd'hui, la
crise est là et je la vois passer chaque jour dans mon bureau de
comté et de mon siège de députée à
l'Assemblée nationale. Je la vois chaque jour aussi dans les yeux des
gens qui sont inquiets, car cette crise frappe sûrement et durement les
Québécoises et les Québécois, spécialement
les plus petits et les plus démunis. Cette crise qui n'arrête pas
appauvrit la population de jour en jour.
Ce n'est pas seulement au Québec que cette crise sévit, M.
le Président, mais en Europe, aux États-Unis et au Canada. Cette
crise touche et frappe tout le monde. Elle frappe les jeunes dont 100 000 sont
en quête d'un emploi, ces jeunes qui, durant leurs
études, étaient confiants et pleins de bonne
volonté. Quant aux adultes, 470 000 personnes sont en chômage, des
femmes, des hommes, des pères de famille qui ont de lourdes
responsabilités sur les épaules. Ces gens sont inquiets, M. le
Président, à l'approche du temps des fêtes, au moment
où les mieux nantis s'apprêtent à se réjouir. Cette
période de réjouissance, de réflexion, de paix et de
recueillement devrait amener chacun de nous à réfléchir.
Oui, réfléchir, penser aux autres un peu plutôt qu'à
nous-mêmes, se mettre un peu dans la peau de ces gens-là, des 576
000 bénéficiaires de l'aide sociale, des personnes
âgées qui, elles, doivent se débattre avec leur maigre
pension de vieillesse afin de suivre le coût de la vie qui n'arrête
pas de progresser, avec une augmentation de 11% en moins d'un an.
Notre société, formée d'hommes et de femmes, est
composée de deux groupes importants. Le secteur privé, dont 80%
de la population fait partie, est composé de travailleuses et de
travailleurs, de gens qui travaillent dans des usines, de gens qui travaillent
dans des bureaux et certains dans des buanderies. Je pense aussi aux chauffeurs
de taxi, aux gens qui travaillent au salaire minimum sont obligés
souvent de travailler plusieurs heures par jour pour joindre les deux bouts.
L'autre groupe, le secteur public, dont 20% sont des employés du
gouvernement, est composé, lui, de fonctionnaires, d'infirmières,
d'infirmiers et d'enseignants. Ces derniers sont syndiqués, donc,
liés à des conventions collectives avec le gouvernement.
M. le Président, j'aimerais, avec vous et avec les gens qui nous
écoutent, que nous comparions ces deux secteurs. Regardons ensemble et
comparons. Depuis quelques jours, je me suis occupée à faire de
petits tableaux sur le secteur privé et le secteur public. Regardons
ensemble, si vous voulez. On va réfléchir chacun de son
côté. Parlons des salaires. Dans le secteur privé, les
salaires sont moins élevés, c'est souvent le salaire minimum.
Dans le secteur public, les salaires sont au moins égaux et souvent
meilleurs. On retient ceci: dans le secteur privé, les salaires sont
moins élevés, c'est souvent le salaire minimum, dans le secteur
public, les salaires sont au moins égaux et souvent meilleurs.
Maintenant, regardons ensemble les avantages sociaux. Dans le secteur
privé, les avantages sociaux sont souvent limités: les vacances,
de deux à trois semaines et, souvent, après quinze ans de
service; les congés sociaux, au minimum. Alors, souvent limitées,
les vacances, deux à trois semaines, et les congés sociaux - je
parle des fêtes - au minimum. Regardons maintenant les avantages sociaux
du secteur public. Les avantages sont très étendus: des vacances,
de bonnes vancances, quatre semaines après un an ou deux de service; des
congés sociaux excellents. D'ailleurs, il y a même des primes du
soir, des primes de nuit, des primes de déménagement, des primes
d'éloignement et que dire du régime de retraite de notre secteur
public, régime de retraite qui, d'après moi, est presque unique
au monde: 70% après 35 ans de service. Ce même régime de
retraite est indexé au coût de la vie, si je ne me trompe pas. Les
congés parentaux, les congés pour les affaires judiciaires, les
congés de décès, les congés d'adoption, etc. Enfin,
vous avez vu que du côté privé les congés sociaux
sont limités, tandis qu'au public je pense que les avantages sont
très étendus.
Regardons maintenant la sécurité. Souvent dans le secteur
privé, aucune sécurité. Le patron vend l'entreprise, on
ferme les portes, et voilà, les employés sont mis à pied
sans aucune protection, et souvent cela dépend du niveau des affaires.
Alors, si on tombe dans une période creuse, les employés sont
renvoyés sans aucune cérémonie. C'est selon la
réalité économique et la réalité des
affaires. Regardons le secteur public pour la sécurité.
Sécurité excellente; permanence rapidement, souvent après
six mois ou deux ans. En plus, cette sécurité est assurée,
elle ne dépend de rien. Donc, sécurité excellente, pleine.
Que cela aille mal ou bien, cela ne change rien, les gens du secteur public
n'arrêtent pas de travailler, c'est-à-dire qu'ils continuent
d'être là, que cela aille bien, que cela aille mal. Alors, la
sécurité pour le secteur privé: aucune; la
sécurité pour les employés du secteur public:
excellente.
M. le Président, passons maintenant à une petite
conclusion de mon analyse, de mes tableaux. Quand il n'y a plus de profits dans
le secteur privé, qu'est-ce qui arrive? Quand il y a plus de
déficit, quand les banques baissent les marges de crédit, quand
il y a moins de contrats dans les périodes creuses, quand le taux
d'intérêt est trop élevé, que se passe-t-il? Perte
d'emplois, mises à pied, assurance-chômage, aide sociale.
Qu'est-ce qui arrive alors? De nombreuses répercussions sur la vie
personnelle et familiale.
Maintenant, passons au secteur public. Au secteur public, quand on parle
de la sécurité - parce que c'est la sécurité - il
n'est pas question de profit. Quand il y a un déficit - et le
nôtre est de 3 000 000 000 $ et plus - quand le crédit est
difficile, quand les taxes sont élevées, quand
l'intérêt est élevé, que se passe-t-il, M. le
Président? Perte d'emplois? Non. Assurance-chômage? Non. Aide
sociale? Non. Un effort collectif, un partage avec les moins chanceux, je pense
qu'il faut penser à cela aussi.
M. le Président, inutile de vous dire que, sans que personne ne
soit responsable de cette crise ni complètement à l'abri de ses
effets, une grande collaboration, une grande
solidarité, un effort général est demandé
à tous. L'idéal aurait été qu'il n'y eût pas
de crise. L'idéal aurait été que Dorion, mon comté,
et que tout le Québec reste prospère, comme il l'a
été jusqu'à il y a quelques années. Alors, nous
n'aurions pas eu besoin de ces lois, la loi 70, la loi 105, ni des 109
décrets déposés hier à l'Assemblée
nationale. J'en profite ici pour apporter une correction aux paroles du
député de Mégantic-Compton qui disait tout à
l'heure qu'il y avait 90 000 pages de décrets. Les députés
de l'autre côté de la Chambre s'amusent à déformer
les chiffres en disant 60 000, 80 000, 90 000. Je voudrais corriger cela avant
qu'ils disent demain qu'il y a eu 200 000. C'est 35 000 pages en
réalité, 109 décrets, et c'est déjà
suffisant. (0 h 10)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Mme Lachapelle: Je voudrais vous signaler aussi qu'il y a huit
décrets types plus importants, donc à peu 1500 pages et, dans ces
1500 pages, il y a tout au plus 50 pages de clauses majeures qui sont les clefs
de toutes les questions qu'on se pose. N'importe quelle personne de bonne foi,
naturellement à la condition de savoir lire et de s'en donner la peine,
peut passer quelques heures à lire non pas les 80 000 ni les 90 000
pages, mais bien les 35 000 pages de ces décrets.
M. le Président, pas plus ici qu'ailleurs, pour en revenir
à ces lois, comme je le disais tout à l'heure, la loi 70, la loi
105, les 35 000 pages de décrets, les gens n'étaient contents
d'adopter des lois comme cela, mais si cela n'avait pas été de
certains gestes, de certains reculs, nous n'aurions pas eu besoin de
déposer ces projets de loi. Au forçail, nous avons eu besoin de
poser des gestes pour établir l'équité et
l'équilibre pour tous les travailleurs et les travailleuses du
Québec.
Les besoins des citoyens du Québec sont grands. Les besoins du
gouvernement sont justement les besoins des citoyens. Je voudrais dire à
tout le monde que le gouvernement n'a plus les moyens, les moyens qu'il avait,
et je voudrais dire aux membres de cette Chambre que je suis fière
d'appartenir à un gouvernement qui prend ses responsabilités.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. En guise d'introduction,
j'aimerais vous dire que j'ai reçu hier un appel d'un ami qui fait
partie du Syndicat des employés de magasins et de bureau de la
Société des alcools du
Québec. Il m'a téléphoné en
après-midi hier. Il m'a demandé si son syndicat était
couvert par le projet de loi. J'ai dit: Oui, votre syndicat est couvert par le
projet de loi. Je lui ai envoyé une copie du décret qui
s'applique à ce syndicat. Aujourd'hui, j'ai reçu un
télégramme du président de ce syndicat et j'aimerais vous
le lire, M. le Président. Il en a envoyé une copie au premier
ministre, une copie à moi et peut-être à d'autres
personnes. Il se lit ainsi: "Le Syndicat des employés de magasin et de
bureau de la SAQ a appris avec stupéfaction que les conditions de
travail devant régir les employés de magasin et de bureau qu'ils
représentent seront décrétées
unilatéralement par l'État. Pourtant, les négociations en
vue du renouvellement de la convention collective qui était
expirée depuis le 30 juin 1982 se déroulaient normalement et les
parties avaient exprimé une ferme volonté de négocier en
toute bonne foi de manière que le renouvellement de la convention ne
soit pas l'objet d'un conflit. En effet, techniquement le syndicat avait acquis
le droit de grève depuis le 5 novembre 1982 et aucune démarche
n'a été effectuée par le syndicat, permettant de laisser
croire qu'un arrêt de travail puisse survenir. De toute façon, la
question n'a jamais été soumise aux membres, chose qu'il n'y
avait pas lieu de faire puisque les négociations progressaient de
façon normale. "En ce qui concerne les salariés de la
Société des alcools du Québec, le gouvernement n'a aucune
raison de décréter leurs conditions de travail. Non seulement il
ne s'agit pas d'un service public essentiel, mais une solution
négociée de bonne foi s'avérait possible et s'imposait
depuis de nombreuses années dans le but d'améliorer le climat des
relations du travail. Cet espoir disparaît maintenant au grand regret du
SEMB. Cependant, dans l'intérêt même des objectifs que
l'État s'imagine pouvoir réaliser en procédant par
décret, le syndicat est plutôt d'opinion qu'au moins l'aspect
normatif devrait être examiné par les parties à la table
des négociations, quitte à être sujet à la politique
déjà exprimée par l'État aux autres employés
du secteur public. Il est impensable de croire que les dispositions contenues
dans un décret rédigé à la vapeur, en une seule
nuit, puissent régir de façon satisfaisante les relations de
travail à la Société des alcools du Québec. "En
conséquence, devant l'absence absolue de justification d'agir de cette
manière de la part de l'État, nous vous demandons de retirer le
décret qui nous vise pour permettre la reprise des discussions là
où elles doivent se faire. " C'est signé: M. Donald Asselin,
président du Syndicat des employés de magasins et de bureau de la
Société des alcools du Québec. Je lui ai
téléphoné et il m'a expliqué que dans le
décret le gouvernement péquiste a retiré les droits
que ces syndiqués ont gagné depuis des années. Il va sans
dire que je vais voter contre ce projet de loi.
Dans ce débat, qui a commencé au printemps, je cherche une
réponse à deux questions. La première question est la
suivante: Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas prévu
l'arrivée de cette crise? Quand le gouvernement a été
élu, je me souviens d'avoir lu un article dans le magazine Maclean
où il était écrit: C'est peut-êre le plus fort
Conseil des ministres au Canada qu'on a au Québec. On a parlé de
gens capables. Le gouvernement lui-même a parlé d'une bonne
gestion de l'administration publique, d'un bon gouvernement et ainsi de suite.
Comment se fait-il qu'un gouvernement qu'on croyait si bon il y a quelques
années est maintenant un gouvernement si mauvais?
En 1975-1976, M. Parizeau, maintenant ministre des Finances, a fait tout
un plat à cause d'un déficit de 900 000 000 $ du gouvernement
précédent. Aujourd'hui, nous avons des déficits de plus de
3 000 000 000 $ et le ministre des Finances nous dit que c'est tout à
fait normal. Même 3 500 000 000 $, ce serait normal. 4 000 000 000 $, ce
serait normal. Tous nos critiques en matière fiscale - je parle de M.
Garneau, de M. Raynauld, de M. Forget, de M. Johnson, nos chefs comme M. Ryan
et M. Levesque - ont fait des mises en garde à ce gouvernement, mais le
gouvernement n'a rien fait. Pourquoi, en Ontario, ont-ils commencé
à se serrer la ceinture dès 1967? J'aimerais vous donner deux
exemples des mises en garde que nous avons données à ce
gouvernement. Les deux exemples viennent de discours de M. Raynauld. Le premier
se trouve dans le Soleil du 23 novembre 1979 que je cite: "Le critique
financier du Parti libéral, parlant au cours d'un débat sur
l'adoption du budget supplémentaire présenté par le
ministre des Finances, M. Jacques Parizeau, s'est demandé où s'en
allait le Québec au train de vie que mène le gouvernement. Le
produit intérieur brut annuel du Québec s'élève
à environ 60 000 000 000 $ comparativement à 100 000 000 000 $ en
Ontario, a dit M. Raynauld, qui a ensuite comparé les dépenses
des deux provinces. De 1967 à 1980, les dépenses du Québec
ont augmenté au rythme d'environ 23% alors qu'elles n'ont
augmenté que de 9% en Ontario. Les dépenses du Québec
s'élèveront, cette année, à 15 000 000 000 $ et
celles de l'Ontario, à 15 100 000 000 ", a déclaré M.
Raynauld, qui a souligné que ces chiffres montraient que le
Québec dépensait presque deux fois plus que l'Ontario, du
côté des revenus. "
(0 h 20)
Voici un deuxième exemple que j'ai trouvé dans le Devoir
du 27 mars 1980, et je le cite: "M. Raynauld s'en est pris au déficit de
2 300 000 000 $ que laisse apparaître ce budget. Selon lui, ce
déficit, qui représente une augmentation de 700 000 000 $ par
rapport à celui enregistré lors du dernier exercice financier,
est complètement inacceptable et frise même
l'irresponsabilité. "Le gouvernement péquiste est en voie
d'acculer la province à la faillite. Ce n'était pas le temps
d'accumuler un tel déficit et de prévoir pareil emprunt à
un moment où les taux d'intérêt sont si
élevés et que le dollar canadien est à ce point faible sur
le marché international", a dit M. Raynauld. Je pourrais vous donner
d'autres exemples, mais j'en passe.
Il y a une crise au Canada - tout le monde est d'accord - et comme le
député de Notre-Dame-de-Grâce l'a dit lors du débat
d'hier après-midi, il y a deux crises au Québec. Qu'est-ce que ce
gouvernement a fait pour se préparer à faire face à la
crise? Qu'est-ce que ce gouvernement a fait en 1977? Est-ce qu'ils ont eu un
programme pour se serrer la ceinture? En 1978, le gouvernement n'a rien fait.
En 1979 et en 1980, qu'est-ce que le gouvernement a fait, avant et après
le référendum, pour vraiment se serrer la ceinture? L'Ontario,
comme je viens de le dire, a commencé à couper dans les
dépenses en 1967. Qu'est-ce que ce gouvernement a fait en 1981, avant et
après les élections? Avant les élections, c'était
parfait. Le ministre des Finances se levait et disait: Ah! Les finances au
Québec sont saines, très saines, et quelques mois plus tard, on
avait un krach. Ce gouvernement procède par slogan. Bâtir le
Québec, qu'est-ce que cela veut dire? Bâtir le Québec,
c'est une brochure qui a coûté beaucoup d'argent. Il y a eu
Bâtir le Québec I et, maintenant, il y a Bâtir le
Québec II. Il y a eu un autre slogan dernièrement: Le virage
technologique; cela ne veut rien dire parce qu'il n'y a pas de fondement; ce ne
sont que des slogans.
Je me souviens, quand je suis arrivé à l'Assemblée
nationale en 1979, le ministre des Finances comparait toujours le Québec
avec l'Ontario ou avec l'État de New York. Mais aujourd'hui, il compare
le Québec avec le Nouveau-Brunswick, avec Terre-Neuve et avec
l'État du Mississipi. Je pense qu'il y a là un message; je pense
qu'il est clair puisqu'il y avait une chute de notre cote sur les
marchés financiers. Quand ces députés ministériels
étaient dans l'Opposition, ils ont fait des demandes exorbitantes et ils
ont agi d'une façon irresponsable. J'aimerais vous lire ce que le
ministre des Finances et le premier ministre, c'est-à-dire M. Parizeau
et M. Lévesque, ont dit en décembre 1975 lors des
négociations avec le secteur public et je cite le résumé
qui se trouve dans un journal: Toute augmentation des salaires des membres des
fronts communs des secteurs public et parapublic inférieure à 32,
5% est un vol qualifié par lequel le gouvernement provincial
cherche à s'assurer une marge de manoeuvre que les marchés
financiers lui refusent au titre des emprunts. "
Comment expliquer le virage - et je dis bien le virage - de M. Parizeau
et de M. Lévesque entre 1975 et 1982? Comment expliquer les lois no 70
et 105? Des lois qui réduisent les salaires, qui diminuent les droits
des travailleurs? Je me pose une autre question: Qui pousse le gouvernement
à le faire?
Cela m'amène à ma deuxième question. Comment se
fait-il que le gouvernement prend des mesures inacceptables et injustes afin de
faire face à la crise économique et financière? Il y a
bien sûr les lois no 70 et no 105; ce sont des lois pour mettre à
genoux les travailleurs. Mais il y a aussi d'autres mesures que ce gouvernement
est en train de prendre. Le gouvernement est en train de prendre des mesures
pour faire des économies au frais des gagne-petit. Il est en train
d'adopter des mesures pour presser comme un citron les gagne-petit. Je vais
vous donner un exemple parce que j'ai été impliqué dans ce
projet de loi, la Loi sur l'aide juridique.
Le gouvernement est en train d'adopter un règlement
prévoyant un ticket modérateur pour les personnes qui veulent
bénéficier de l'aide juridique. Cela va affecter des femmes
seules avec des enfants à leur charge, des vieillards et ainsi de suite.
J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que le Conseil national du Parti
québécois a adopté une résolution pour demander au
gouvernement de ne pas adopter un tel ticket modérateur, parce que les
membres du Conseil national du Parti québécois ont trouvé
un tel ticket modérateur injuste et non nécessaire. Qui aurait
pensé, il y a cinq ans, trois ans et même une année, qu'un
gouverment péquiste prendrait de telles mesures? Qui aurait pensé
cela? Les députés ministériels élus en 1981, des
anciens chefs syndicaux, des anciens professeurs, ont-ils pensé, quand
ils se sont présentés lors des élections de 1981, que le
gouvernement péquiste prendrait de telles mesures?
Dans l'histoire du Québec, y avait-il un autre gouvernement qui a
pris des mesures aussi injustes que les lois nos 70 et 105? Je me demande s'il
y a d'autres gouvernements qui ont agi de cette façon. J'ai lu l'autre
jour un article assez intéressant dans le Devoir, qui était
écrit par Marcel Pépin, syndicaliste bien connu qui n'est pas
membre du Parti libéral du Québec, je vous assure, M. le
Président. Le titre de cet article est: "Le PQ, six années de
"néo-Duplessisme"". J'imagine que beaucoup de députés
ministériels ont lu cet article qui a paru dans le Devoir. M.
Pépin écrit et je cite: "Le Parti québécois
laissera à ses héritiers une économie en ruine et aux
travailleurs le souvenir d'un gouvernement qui, à l'enseigne de la
social-démocratie, aurait fait revivre Duplessis. La déception
est profonde; elle est à la mesure des espoirs qu'il a engendrés.
Le gouvernement péquiste a enterré l'indépendance; il a
enterré la souveraineté-association; il a enterré
l'espoir, mais il a déterré une chose, la statue de Duplessis. Au
chapitre de la politique culturelle, c'est sans doute sa réalisation la
plus spectaculaire, seul monument érigé en six années de
pouvoir. Il a déterré la statue d'abord, puis les idées,
enfin les actes. Il n'aura rien inventé, mais rédigé un
nouveau chapitre de notre histoire, un chapitre intitulé les
néo-Duplessisme". Fin de la citation.
M. le Président, cet article m'a fait penser comment M. Duplessis
a réglé des problèmes de relations du travail. Je n'ai le
temps que de vous donner un exemple. J'ai pensé à l'affaire de
l'Alliance des professeurs catholiques de Montréal contre la Commission
des relations ouvrières qu'on peut trouver dans les rapports de la Cour
suprême de 1953, en page 140. (0 h 30)
Dans les années quarante, la Commission des relations
ouvrières révoquait le certificat de reconnaissance du syndicat
qui était l'Alliance des professeurs catholiques de Montréal et a
donné comme raison que les syndiqués avaient fait une
grève illégale. La commission n'a même pas entendu les
parties avant de révoquer ce certificat et le juge Rinfret, de la Cour
suprême, a écrit à l'époque que c'était une
justice expéditive parce que, même avant d'entendre les parties,
la Commission des relations ouvrières révoquait le certificat de
reconnaissance de ce syndicat. Bien sûr, la Cour suprême du Canada
a décidé que cette révocation était invalide.
Qu'est-ce que vous pensez que M. Duplessis a fait tout de suite
après cette décision? Il a fait adopter une loi en cette Chambre,
le 28 janvier 1954, et cette loi a rétroactivement révoqué
le certificat de reconnaissance de ce syndicat. Ensuite, le syndicat a fait des
requêtes pour être reconnu, mais elles étaient toujours
refusées; le syndicat n'a reçu son certificat de
représentation qu'après le décès de M. Duplessis,
le 2 décembre 1959.
Aujourd'hui, M. le Président, nous faisons face aux lois
péquistes qui ressemblent étrangement, d'une certaine
façon, aux lois qu'on a adoptées en cette Chambre il y a trente
ou quarante ans.
En terminant, j'ai écouté hier soir à la
télévision - c'était jeudi - le président du
Conseil du trésor et il a dit qu'il n'était pas inquiet.
Savez-vous pourquoi? Il a dit: II n'y a pas de manifestants devant
l'Assemblée nationale. Il n'y a pas de manifestants devant
l'Assemblée nationale, il n'y a pas de manifestations, mais,
malheureusement, nous sommes au début de la crise et non à la
fin.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole
au député de Papineau, je n'ai pas voulu être
déplaisant envers vous, M. le député, parce que je ne
voulais pas vous interrompre, je voulais vous permettre de
bénéficier de l'article 100 qui vous permet de parler, mais je
veux faire une remarque générale pour d'autres
députés qui oublient souventefois l'article 99, paragraphe 6, qui
dit qu'il est interdit à un député qui a la parole de
désigner le président ou un député par son nom.
C'est simplement pour le rappeler, ce n'est pas pour vous être
déplaisant, parce que je pense que plusieurs députés
l'oublient.
M. le député.
M. Marx: M. le Président, je n'ai pas cité les
députés par leur nom, j'ai cité des écrits des
journaux où ils ont mentionné des personnes par leur nom.
À cette époque, M. Parizeau n'était pas
député. Je m'excuse, à l'avenir, j'essaierai de
rééditer les écrits des journaux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, vous avez raison. Quand vous utilisez l'écrit d'un
autre, un article paru dans un journal ou dans un volume, vous pouvez le nommer
par son nom. Ce que je veux dire c'est que dans d'autres circonstances, alors
que c'est vous qui parlez, vous devez le nommer par le nom de son comté
ou de son ministère.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je pense qu'il faut quand
même reconnaître que, dans ce cas-ci, M. Marx a été
gentil de s'excuser.
M. Marx: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Pas de débat, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Non, ce n'est pas un débat, mais si la demande
vient de M. Bertrand je m'excuserai.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Papineau.
M. Mark Assad
M. Assad: M. le Président, vous avez certainement entendu
la phrase: L'histoire se répète. Si vous me permettez, je
voudrais vous lire une phrase: "Que le gouvernement soit financièrement
aux abois et ait besoin d'enlever aux uns pour en donner à d'autres,
cela est bien possible. Mais si c'est sa gestion des affaires publiques qu'il
devrait défendre, s'il a si mal administré qu'il doit maintenant
tripoter des salaires et voler une partie de sa main-d'oeuvre pour
équilibrer ses comptes, il n'a pas de raison d'être fier de sa
performance. " Ce qui est intéressant, c'est que ce texte est
signé par Jacques Parizeau, en date du 19 décembre 1975.
Une voix: Eh bien!
M. Assad: On est rendu au mois de décembre 1982 et cette
même personne se retrouve ministre des Finances. C'est curieux, mais
cette même phrase pourrait s'appliquer quasiment mot pour mot,
aujourd'hui.
Hier, en cette Chambre, le président du Conseil du trésor
a déclaré qu'évidemment, le gouvernement avait fait des
erreurs et que c'était normal. Écoutez bien la phrase: "... et
que, par des erreurs, on peut se mesurer à la réalité. "
C'est une belle phrase. C'est plutôt de la gymnastique mentale. Mais
c'est une belle phrase: "... que, par des erreurs, on peut se mesurer à
la réalité. " Mais les faits ont plutôt
démontré que le gouvernement est nettement dépassé
par la réalité et que ses erreurs sont grandement
démesurées. C'est plutôt cela qu'on peut conclure.
Ce sont des erreurs démesurées, M. le Président,
parce que le gouvernement a appliqué en même temps toutes les
recettes. Il a tenté d'appliquer plusieurs recettes: une
surréglementation, une législation ouvrière
débalancée; l'obligation de détenir des cartes de
compétence, forçant ainsi des milliers de travailleurs à
travailler en cachette constitue un exemple classique. Aucun
député en cette Chambre ne connaît pas d'ouvriers qui sont
obligés de travailler en cachette parce que ce n'est pas possible
d'avoir une carte de compétence. Si cela n'est pas un exemple de
surréglementation, parce que cela n'existe nulle part au monde
d'être obligé de présenter une carte pour avoir le droit de
travailler. On a toujours cru que le droit de travailler, ne pouvait être
nié à quiconque, mais on a réussi ici avec une foule de
réglementations, de surréglementations impossibles.
On a eu des services publics à demande incontrôlée.
Au Québec, c'est le premier ministre lui-même qui a
déclaré qu'il y avait au-delà de 17 000 employés de
l'État en trop. Pourtant, nous avons des chiffres, indépendamment
de ceux de nos recherchistes, qui démontrent que c'est plutôt
au-delà de 25 000 employés de l'État en trop. Si on
considère la population des autres provinces, l'ensemble du Canada, en
Ontario en particulier, on retrouve que, per capita, nous avons au-delà
de 25 000 employés de l'État en trop. Pas besoin de vous dire, M.
le Président, que cela représente quasiment 1 000 000 000 $ par
année.
Les fonds publics que le gouvernement
a versés dans la compagnie Asbestos Corporation, ce sont des
centaines de millions de dollars, et l'avenir de cette industrie est
complètement incertain. Quand on voit les fonds publics
exagérés qui ont été investis dans la loi
électorale, c'est dix fois plus coûteux que toutes les autres
provinces. En cette Chambre, il y a quelques jours, quand on défendait
les montants d'argent qui ont été versés pour cette
nouvelle loi électorale, cela m'a fait penser à la
dernière campagne électorale, en particulier dans le comté
de Papineau. C'est pour vous démontrer que même si on verse des 40
000 000 $, 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ en dépenses
exagérées comme il a déjà été
démontré dans cette Chambre... (0 h 40)
Durant la campagne électorale de 1981 dans Papineau, un
événement s'est produit qui était fort amusant, pour vous
démontrer que toute loi a ses faiblesses et que même avec des
exagérations de dépenses, on ne peut régler tous les
problèmes. Le candidat de l'Union Nationale, lors de cette campagne
électorale, avait besoin, comme vous le savez, de 50 signatures pour
respecter la loi. Quand on a appris qu'il avait déposé son
bulletin de présentation, c'est curieux, on a vu des noms de gens dont
on savait très bien qu'ils ne partageaient pas la philosophie - au moins
à cette époque, en 1981 - de l'Union Nationale. On a
réussi à avoir des affidavits de plusieurs parmi cette
cinquantaine de personnes qui avaient supposément signé le
document de présentation. Les affidavits déposés devant le
président des élections, le président les a pris et il a
communiqué avec la Direction générale des élections
à Québec pour demander un avis. Il n'y avait absolument rien dans
la loi pour empêcher le candidat de l'Union Nationale de se
présenter, même si les signatures étaient faussées.
Imaginez-vous, une loi électorale pour laquelle on avait
dépensé des millions de dollars. On avait un exemple classique de
fraude et, malgré cela, on ne pouvait rien faire. Cela vous donne un
exemple des fonds publics qui ont été gaspillés pour des
choses semblables.
Il ne sera pas nécessaire, et je n'aurai pas le temps non plus,
d'énumérer ce soir toutes les dépenses
démesurées qui ont été faites par ce gouvernement.
Le résultat? Un fardeau fiscal, autant de taxes directes, comme
l'impôt sur le revenu, que de taxes indirectes. Un exemple classique
qu'on a tous vécu au Québec: la taxe sur l'essence. C'est la taxe
la plus néfaste pour les régions de chez nous, celles de
l'Outaouais, et Papineau, en particulier. Ce même gouvernement nous parle
du régionalisme. C'était pour nous aider mais, comme vous l'avez
vu, l'écart entre les paroles et les faits est très grand.
Il y a autre chose qui a certainement touché la plupart d'entre
nous ici, du moins ceux qui ont un peu de coeur, c'est de voir la
quantité de gens appauvris depuis les quelques dernières
années. Ils ne peuvent même plus cacher leur désespoir. Il
y en a de plus en plus et c'est un indice frappant de notre affaiblissement
économique, de l'impasse économique dans laquelle nous vivons
actuellement au Québec. Depuis les derniers six ans, nous avons
été témoins de querelles incessantes avec le gouvernement
central, de chicanes de constitution et d'une hémorragie de slogans
vides de conséquences, vides de solutions. Comme résultat, on est
de plus en plus divisé, plus que jamais au Québec.
Nous vivons une confrontation économique, dans le moment, une
confrontation constitutionnelle et, finalement, nous sommes au centre d'une
confrontation sociale. Pourtant, l'ancien président Abraham Lincoln a
dit à plusieurs reprises qu'une maison divisée ne peut pas
survivre: À house divided cannot stand. Pourtant, c'est le cas
aujourd'hui quand on regarde la situation économique, quand on regarde
le côté social, quand on regarde les débats sur la
constitution. Nous sommes une maison divisée. On en est même au
point de travailler et de tout faire seulement pour survivre.
Si on regarde les lois 70 et 105, et leurs milliers et milliers de pages
de décrets, de détails sans fin, les négociations
manquées, cela aura des implications fort inquiétantes. Fait
curieux, ce même gouvernement nous a vanté sa compétence
quant à sa planification. Quand, dans son discours, le ministre des
Finances, en 1979, a présenté la convention collective
signée, quant à moi, c'était un chef-d'oeuvre incroyable.
Quand on pense que cela fait trois ans! Il s'est vanté que le
gouvernement avait eu une planification tellement rationnelle que
c'était une convention collective supérieure à toutes
celles signées par un gouvernement. Il avait démontré que
la convention collective de 1979 était incroyablement plus
améliorée que celle qui avait été signée par
le gouvernement précédent.
Il a fait cela avec tellement de conviction que je ne doute pas que la
population l'ait cru à ce moment, qu'elle ait cru que c'était un
véritable miracle qui avait eu lieu ici en cette Chambre. Moins de trois
ans plus tard, qu'est-ce que nous voyons? Il retourne chercher ce qu'il avait
donné. Évidemment, c'est un précédent. Deux
précédents pour le même ministre des Finances.
Chose encore plus importante, vu qu'on est dans un contexte
économique difficile, si on regarde la cote de performance de
l'entreprise privée... Dieu sait que l'entreprise privée, c'est
l'épine dorsale de notre économie. C'est sûr qu'elle
crée la
prospérité dans notre société. C'est elle
qui donne aux gouvernements les moyens de fonctionner. Qu'est-ce que nous
avons? Nous avons une sombre image de méfiance, de cri d'alarme,
d'affaiblissement semaine après semaine. Vous ne pouvez plus ignorer
l'entreprise privée, comme ce gouvernement l'a fait au cours des
quelques dernières années.
Le résultat, c'est une crise sans précédent. Nous,
les Québécois, il faut le dire, nous sommes
surréglementés et sous-gouvernés. Je voudrais mettre
l'accent sur cela: Nous sommes surréglementés et
sous-gouvernés. Le meilleur de tout cela... Vous êtes d'accord, M.
le député? D'accord.
Une voix: II comprend le bon sens. M. Assad: Merci, j'ai
apprécié.
Une voix: C'est le député de Trois-Rivières.
(0 h 50)
M. Assad: Oui, il faut le noter, le député de
Trois-Rivières voit clair, c'est évident. Le meilleur de tout
cela, et je n'aurais pas voulu manquer l'occasion de le mentionner ici ce soir,
c'est la déclaration faite par le premier ministre lui-même en
1977. Cela vaut la peine de porter attention à ce qu'il a
déclaré au début de 1977 quand il a dit: La saine
administration publique est la voie de l'indépendance. C'était
très beau. Je suis sûr qu'il y en a beaucoup qui l'ont cru. Il y
en a certainement beaucoup qui avaient espoir que ce serait vrai, mais
l'année 1982 va se terminer et nous avons eu une autre phrase
célèbre de notre premier ministre - cela vaut la peine d'y
prêter attention - qui a paraphrasé en disant:
L'indépendance est la voie de la saine administration publique. C'est
difficile de qualifier cette volte-face. Il a certainement du mérite
pour cette gymnastique mentale.
En terminant, M. le Président, ce serait impossible de
détailler toutes les conséquences que nous aurons à vivre
dans les mois à venir, mais une chose est certaine: l'histoire aura
finalement le dernier mot sur ce gouvernement. Mais espérons que nous,
comme Québécois, malgré les erreurs de ce gouvernement,
nous allons survivre à cette crise et que nous allons accueillir dans un
avenir rapproché - c'est avec un véritable espoir que nous allons
l'accueillir - un gouvernement libéral qui va mettre le Québec
sur la voie de la prospérité, comme on l'a connue au début
des années soixante, dont tous les Québécois se rappellent
avec, j'en suis sûr, une certaine nostalgie.
Des voix: Très bien! Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: M. le Président, comme dans le cas de la
plupart de mes collègues, c'est évidemment avec beaucoup de
regret et de déchirement que je vais voter pour la loi 105. C'est
évident que ce n'est jamais facile, jamais plaisant d'adopter des lois
contraignantes, des lois difficiles. J'en sais quelque chose, parce que des
gens de mon comté et aussi des centrales m'ont demandé si j'avais
renié mes antécédents. Je dois vous dire, M. le
Président, que même si je vais voter pour la loi 105, je n'ai pas
l'intention, je dirais même que je n'ai pas l'impression non plus de
renier mes antécédents. Je n'en ai pas l'intention parce que je
considère que le mouvement syndical est un intervenant majeur dans notre
système, dans notre société, dans la société
québécoise.
Il faudrait peut-être se rappeler que si on a beaucoup de mesures
sociales aujourd'hui, que ce soit le salaire minimum, que ce soit
l'assurance-maladie, que ce soit l'assurance automobile, c'est dû
à des pressions qui sont venues des mouvements syndicaux. Le mouvement
syndical, aujourd'hui, est moderne. Il est ajusté à un
Québec moderne dans le sens qu'on a vu, depuis un an, que ce sont des
groupes qui participent à ce système. À preuve, ils ont
participé à nos tables de concertation, ce qui nous a permis de
mettre sur pied Corvée-habitation. Donc, je n'ai pas renié et je
n'ai pas l'intention de renier non plus mes antécédents; je
continue de reconnaître le mouvement syndical comme un intervenant majeur
dans notre société. Par contre, comme élu, élu par
toute une population, je dois, à un moment donné, faire des
choix, des choix qui sont difficiles. Le pouvoir, M. le Président,
commande souvent des gestes difficiles.
J'avoue qu'il peut être tentant de céder, mais l'exercice
du pouvoir commande le contraire. Je n'ai pas été élu pour
me faire plaisir. Je n'ai pas été élu non plus pour fuir
les tâches ingrates et pour jouer au pur, mais, au contraire, pour
travailler dans le meilleur intérêt de tous les citoyens. Quand on
travaille dans l'intérêt de la collectivité, quand on
travaille dans l'intérêt de l'ensemble de la population, qu'on le
veuille ou qu'on ne le veuille pas, à un moment donné, ce sont
tous les individus qui vont en bénéficier. À plus forte
raison, dans la situation d'un gouvernement issu du Parti
québécois, dans un gouvernement social-démocrate, on se
doit de penser à l'ensemble. On se doit de penser, M. le
Président, à partager, spécialement en période de
crise économique comme celle que le Québec traverse, ainsi que
tous les autres pays de l'Occident présentement.
Pourquoi nous fallait-il voter une loi pareille? Comme je viens de le
dire, c'est à
cause d'une situation économique qui empire, on le voit chaque
jour, on le voit depuis l'été 1981; mais aussi parce que, depuis
justement l'année 1981, le gouvernement a déjà pris ses
responsabilités et le gouvernement a déjà effectué,
dans les autres secteurs de l'administration publique, des coupures. De cela,
on en entend tout le temps parler. Depuis plus d'un an on en parle et on les
effectue dans tous les domaines, partout où on a pu couper dans le gras,
dans les gaspillages. On a vraiment fait le maximum. Sauf qu'on ne peut pas
ignorer que 52% de notre budget vont en salaires aux employés de
l'État. Malgré cela, on va devoir effectuer d'autres coupures
pour 60Q 000 000 $ à 700 000 000 $ dans des services, pour être
capable de diriger le Québec sur la bonne voie, c'est-à-dire se
garder un déficit qui ne soit pas trop élevé et pouvoir se
garder une marge de manoeuvre pour investir afin de créer des
emplois.
Il y a aussi l'état d'urgence, parce qu'il faut prendre toutes
les énergies et tous les fonds disponibles. Quand je parle des
énergies, je parle des énergies du gouvernement - j'ignore
l'Opposition évidemment - des intervenants, c'est-à-dire de
l'entreprise et des syndicats, comme je le disais tantôt, qu'on
considère comme des intervenants majeurs, pour s'attaquer à la
crise économique et non pas faire comme on a fait tant de mois, mettre
nos énergies sur les négociations. Il faut équilibrer
notre budget qui va se terminer le 31 mars, mais il faut aussi préparer
le prochain budget qui commence le 1er avril 1983. Si on veut être
capable de le déposer, si on veut connaître la marge de manoeuvre
qu'on va avoir, il faut commencer par régler ces 52% du budget du
Québec, c'est-à-dire la négociation.
Je voudrais rappeler le cheminement. Contrairement à ce qu'on
tente de laisser croire de l'autre côté, cela ne nous est pas
tombé sur la tête hier. Déjà, à la fin de
1981, on savait qu'on était en crise et on avait dit à tout le
monde qu'il faudrait tous faire notre part. Au printemps de 1982, au mois
d'avril plus précisément, on a demandé aux centrales
syndicales de s'asseoir et d'effectuer des augmentations modulées sur
l'indexation qui était à venir jusqu'à maintenant. On l'a
demandé, on l'a offert. Regardez les autres gouvernements qui ont agi:
vous allez vous rendre compte qu'on est le seul qui ait proposé la
négociation. Quand l'Opposition nous dit qu'on est le seul gouvernement
à avoir agi de la sorte, c'est vrai. De quelle façon les autres
ont-ils fonctionné? C'est de façon unilatérale. Qu'on
regarde l'Ontario, qu'on regarde Ottawa. Par une loi, par un décret,
mais toujours de façon unilatérale, alors qu'on gèle les
négociations, on gèle même une convention collective
signée, les salaires qui étaient reconnus et c'est comme cela
qu'on fonctionne. Nous, parce qu'on pense autrement, on a plutôt offert
une négociation et on l'a dit longtemps d'avance avant la fin; on l'a
dit même avant que les indexations soient en vigueur le 1er juillet. On a
dit à nos intervenants, on a dit aux syndicats qu'on devrait s'entendre
parce que la situation budgétaire nous forçait, nous obligeait
à couper sur ce qui était prévu dans les conventions
collectives. Donc, dès le printemps, on a invité les centrales
à venir négocier des augmentations modulées. On
était prêt à offrir plus que 6% et 5%. Les petits
salariés en auraient eu plus que cela et cela aurait été
modulé pour que les gens les mieux payés en aient moins. Cela n'a
pas fonctionné, donc il y a eu la loi 70.
Pour que les choses soient claires et nettes, on n'avait pas de
cachettes, les négociations étaient vraiment dans un climat
transparent où on a mis les gens au courant de la situation telle
qu'elle était. On a aussi offert des négociations et il y en a eu
au cours de l'automne. Les gens qui diront qu'il n'y en a pas eu, moi je dis
qu'il y en a eu et il y en a même eu de bonne foi et, si on regarde les
résultats, on s'aperçoit que, dans le personnel de soutien,
où se retrouvent des milliers d'employés, tout le normatif a
été paraphé. À la CEQ, le quart a été
paraphé. Donc, il y en a eu des négociations et des ententes. En
plus, il faudrait calculer les articles où il y a en le statu quo,
articles qui ont été reportés. Donc, de tout ce qui a
été déposé dans le décret, il y a bien des
choses qui sont déjà acceptées, il y a bien des choses qui
sont connues, puisque c'est le statu quo de la dernière convention
collective. (1 heure)
Donc, après tout cela, finalement, on en était rendu
à la négociation du salarial. Le gouvernement ne peut pas faire
plus parce que la situation nous empêche d'aller plus loin. C'est
maintenant le projet de loi no 105, celui qui est déposé et qu'on
doit adopter. J'invite les syndicats et les syndiqués à
s'informer des conditions qui sont contenues dans ces décrets. Ils
s'apercevront qu'il y a eu beaucoup d'ententes qui ont été
faites, comme je viens de le dire. Ils s'apercevront aussi que le gouvernement
récupérera 115 000 000 $ de moins que prévus par la loi no
70, pour permettre aux employés de l'État les moins bien
payés de ne pas être pénalisés dans une crise comme
celle que nous connaissons. Je pense que c'est cela être un gouvernement
social-démocrate qui protège les moins bien payés dans une
société où, malheureusement, on doit se serrer la
ceinture. Il faut aussi rappeler que, dans un secteur qui est
énormément touché, le secteur de l'éducation,
là où il y avait une inquiétude
sur le nombre d'élèves, c'est aussi le statu quo.
Là où on parle de productivité à l'école qui
semble menacer la sécurité d'emploi, vous remarquerez que le
principe de la sécurité d'emploi est maintenu dans les offres,
dans les décrets qui sont déposés. Évidemment, il y
aura quand même du personnel, des enseignants en
disponibilité.
On savait cela, M. le Président, et pour cela aussi on n'a pas
attendu à la dernière minute. Dès le mois de mai 1982, un
comité ad hoc a été formé pour trouver des
solutions, pour s'assurer qu'on réussirait à remettre au travail
les gens qui étaient payés et qui étaient en
disponibilité de façon que ces compétences soient
utilisées et de façon que l'État puisse investir pour ne
pas mettre l'argent là où les énergies ne sont pas
utilisées.
Là-dessus, on recommande neuf programmes, neuf projets, qui se
retrouvent à l'intérieur du décret, neuf programmes de
relocalisation de notre personnel mis en disponibilité. Je vais les
énumérer rapidement et vous verrez qu'on a essayé de
trouver, avec le maximum de bonne foi, des façons de replacer nos gens
mis en disponibilité. Parmi ces mesures, il y a la préretraite,
il y a la prime de séparation, il y a la mise à la retraite
anticipée. Cette mesure permet aux enseignants d'obtenir les avantages
d'un régime de retraite anticipée, au maximum cinq ans avant
l'admissibilité à la retraite. Il n'y a pas de perte d'avantages
pour ces enseignants. Il y a aussi une mesure qu'on offre à nos
enseignants mis en disponibilité, soit les congés sabbatiques. On
offre aussi, pour s'assurer qu'il n'y aura pas trop de personnes qui seront
payées à ne pas travailler, le régime d'emploi à
temps partiel. Je suis certain qu'il y a des gens qui désirent
travailler à temps partiel, eh bien, on leur en offre la chance. On le
permet à ceux qui le désirent sans perdre les avantages de la
permanence aux fins de la sécurité d'emploi. Il y a aussi
l'allocation de remplacement.
En septième lieu, les prêts de services qui permettront
aussi à nos gens de faire des échanges. Il y a déjà
une possibilité, à la suite de rencontres qui ont eu lieu, que
200 enseignants fassent des échanges avec le Maroc.
Un autre point important: la mobilité intersectorielle et la
mobilité sectorielle. Dans le projet de convention collective qui a
été déposé, nous préconisons une utilisation
de l'enseignant en disponibilité chez d'autres employeurs, avec son
accord bien entendu. Ainsi, un enseignant pourra être prêté
pour un poste à temps plein, temporairement, dans un ministère et
être rémunéré à 100% pour cette
période. Donc, les gens pourront dorénavant être
transférés, ce qui leur permettra de garder leur
ancienneté totale, leurs années d'expérience chez le
nouvel employeur.
L'autre point est le recyclage des enseignants. C'est tout à fait
utile et indispensable si on veut moderniser notre enseignement, celui qui est
donné aux gens du Québec. C'est indispensable pour les citoyens
de demain. Parlant de virage technologique, on a vu les questions qui ont
été posées tant du côté de l'Opposition que
du côté ministériel, lors des périodes de questions
dernièrement, pour savoir si le ministère se préparait
à faire entrer la technologie dans nos écoles, l'enseignement par
ordinateur.
M. le Président, il faut aussi préparer nos professeurs.
Il y a en a qui sont prêts déjà, mais cela en prend plus
que cela, parce qu'il faut étendre cet enseignement à l'ensemble
des écoles. Donc, une des façons de relocaliser notre personnel
en disponibilité, c'est justement le recyclage des enseignants.
M. le Président, on voit que ce qui se trouve dans les
décrets, c'est quelque chose qui est préparé. C'est
quelque chose, en très grande partie, qui est déjà
accepté par les centrales syndicales. Mais maintenant, face à la
situation qu'on vit, on doit de toute urgence régler la
négociation, on doit s'entendre là-dessus pour consacrer, comme
je le disais tantôt, toutes nos énergies, toutes les sommes
disponibles, toutes nos préoccupations à la création
d'emplois, à la lutte à la crise économique et à la
reprise qui va venir un jour.
J'aimerais, parce que j'entends les gens de l'Opposition placoter,
rappeler un peu à quel point ces gens sont contradictoires. On a entendu
de l'un et de l'autre, et souvent, à l'intérieur du même
discours, demander qu'on baisse les taxes, qu'on baisse les impôts et en
même temps, qu'on baisse le déficit, qu'on donne plus de services
à tout le monde, comme si on était encore en période
d'abondance. Ils nous demandent en même temps d'augmenter les salaires
quand la politique du Parti libéral - j'ai eu une discussion ce matin
avec un représentant du Parti libéral de mon comté qui a
reconnu cela publiquement - en matière de salaire, c'est de ramener le
salaire du secteur public au niveau du secteur privé. Il s'oppose
à ce qu'on est en train de faire. Il faudrait quand même
être logique. Quand c'est ce qu'il propose, ce qu'il demande, le Parti
libéral... Et quand nous autres, on propose une loi, il s'en vient nous
dire: Ce qu'on demande, c'est de faire la politique des 5% et 6% du
fédéral.
M. le Président, il faudrait aussi être logique, il
faudrait aussi être constant et ne pas essayer de se moquer de la
population. Le député de Papineau n'est plus là, mais il
est même allé jusqu'à dire tantôt qu'un des graves
problèmes du Québec, c'est d'avoir 25 000 employés de
trop. Si on veut suivre
l'idée du Parti libéral, faudrait-il ouvrir la
négociation ou bien, dans le décret, faire en sorte qu'on mette
en disponibilité ou qu'on renvoie 25 000 employés? Ce n'est
absolument pas ce qu'on fait, nous, dans le décret, parce que la
sécurité d'emploi est maintenue pour notre personnel.
Pour ceux qui doutent aussi que l'argent disponible va être
utilisé à la relance, à la reprise, à la
création d'emplois, je voudrais juste qu'on regarde ce qui s'est
passé depuis quelques mois, depuis le mois d'avril 1982, avec le peu de
marge de manoeuvre qu'on a, tout ce qu'on a réussi à faire, tout
ce qu'on a injecté dans l'économie.
En n'essayant même pas d'augmenter notre déficit, c'est 170
000 000 $ qu'on a injectés pour l'aide à l'entreprise et pour la
création d'emplois, souvent temporaires malheureusement; mais, au moins,
cela permet aux gens de gagner un peu plus et de travailler. Notre objectif,
c'est de créer 80 000 emplois d'ici l'été prochain. C'est
en voie de se faire. On a annoncé au début de la semaine, lundi,
par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, huit programmes
pour venir en aide à nos entreprises, que ce soit pour la recherche, le
développement, l'exportation, tout ce qui est créateur d'emplois,
pour nous permettre non seulement de prendre le virage technologique, mais de
créer des emplois. Tout l'argent qu'on récupère ou tout
l'argent qu'on économise, on l'utilise pour essayer de combattre le
chômage, ce fléau inacceptable pour la population. Avant-hier, on
annonçait un programme de 8 000 000 $ qui viennent s'ajouter pour
permettre de créer des emplois dans le milieu municipal. On fait cela
dès qu'on réussit à aller chercher un peu d'argent.
Regardez, on annonce des programmes d'aide à la création
d'emplois presque à toutes les semaines. (1 h 10)
M. le Président, je vais conclure en disant que j'ai confiance
qu'on va réussir à s'entendre, qu'on va passer à travers
cette loi et que les syndicats, connaissant la responsabilité des
syndicats et des syndiqués qui sont quand même des mouvements qui
travaillent pour le bien de leurs membres et le bien de la
société. Je suis confiant. Je comprends la réaction qu'ils
ont présentement parce que j'en ai fait, moi aussi, du syndicalisme.
C'est normal. C'est une loi qui n'est pas plaisante à présenter;
elle est difficile à défendre et difficile à accepter,
sauf que, connaissant la conscience sociale du mouvement syndical, je suis
sûr d'une chose: on ne se ramassera pas, comme semblent le souhaiter les
gens d'en face, dans un chiard ou dans quelque trouble que ce soit. J'ai
confiance aux gens. Je les invite à prendre connaissance, à
tête reposée, de ce qui a été déposé.
Je suis sûr,
M. le Président, que ces gens, étant conscients de la
crise économique qu'on traverse, étant conscients que si on veut
en sortir pas trop maganés, c'est solidairement qu'on va le faire. Le
mot "solidarité" pour les syndicats, c'est quelque chose d'important. En
tant que Québécois, je compte sur la solidarité des
centrales syndicales. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): À la suite du renseignement
donné par la députée de Dorion, je me sens drôlement
rassuré. Apparemment, je vais pouvoir étudier les décrets,
à raison de 7000 feuilles à l'heure au lieu de 16 000 ou 17 000
parce que c'est 35 000 pages et non pas 90 000.
Si on regarde un peu ce qui se passe au Québec, la
première question qu'on se pose actuellement est: Où s'en
va-t-on? La triste réalité est qu'on ne sait pas où on
s'en va. Mais je dirais qu'il y a une chose que l'on sait, c'est qu'avec ce
gouvernement péquiste, on y va vite. Oui, on va vite vers le
désastre; et pas un petit désastre, mais un grand désastre
péquiste, un désastre maison fait de mains de maîtres, de
mains de péquistes; un désastre à la grandeur du
Québec, construit par l'imprévoyance politique et administrative
de ce gouvernement péquiste; un désastre construit par une
législation fiscale, nettement abusive; construit par une
réglementation coûteuse et tracassière, par une acceptation
béate de baisse de productivité, par le recours trop facile aux
subventions gouvernementales en faveur d'entreprises qui n'ont jamais appris
à vivre par elles-mêmes et qui ont vécu et continuent de
vivre au crochet des contribuables québécois. Un désastre
construit par un gouvernement qui a privilégié son option et son
obsession séparatiste au détriment de la force économique
du Québec. Un désastre, enfin, à la mesure de ce
gouvernement construit par la loi no 70 et par la loi no 105 qui fait l'objet
de notre étude actuellement. Mais comment un gouvernement, qui se disait
responsable et qui s'est fait élire prétendant qu'il était
un bon gouvernement, a-t-il pu être obligé d'en arriver à
adopter la loi no 70 par laquelle il reniait ses signatures et qui, bien
sûr, a entraîné la loi no 105?
L'explication est simple. Il fallait pour ce gouvernement
séparatiste, gagner le référendum de 1980. Lors des
négociations en 1979, dans l'euphorie de l'obsession
référendaire, M. Parizeau a concédé aux
employés de l'État des contrats de travail nettement trop
généreux. Il fallait pour ce gouvernement manifester son
préjugé
favorable aux syndicats; il fallait, autrement dit, pour le gouvernement
livrer la marchandise. Comportement d'ailleurs absolument logique pour
messieurs Lévesque et Parizeau qui déclaraient en 1975, et je
cite: "Toute augmentation de salaire des membres du front commun des secteurs
public et parapublic inférieure à 32% est un vol camouflé
par lequel le gouvernement cherche à s'assurer une marge de manoeuvre
que les marchés financiers leur refusent au titre de l'emprunt".
C'était, bien sûr, l'époque délirante des
préjugés favorables envers les syndicats. On aurait
peut-être voulu, nous, Québécois, que le gouvernement ait
un préjugé favorable envers tous les citoyens du Québec,
qui, eux, n'ont pour les protéger que le gouvernement et les
députés qu'ils ont élus.
En vertu de la convention collective négociée en 1979 et
signée quelques mois avant le référendum du printemps
1980, les employés de l'État bénéficiaient d'une
rémunération moyenne de 17, 2% supérieure à celle
du secteur privé. Cette convention de 1979, signée dans
l'improvisation et d'une façon absolument irresponsable de la part de ce
gouvernement, a représenté, en permettant l'indexation des
salaires au coût de la vie, des coûts absolument prohibitifs pour
le Québec. En 1982-1983, les hausses salariales ont été de
13, 42%. Comme plusieurs employés de l'État progressent dans
l'échelle des salaires, la croissance de la masse salariale a
été de 14, 75%. En y ajoutant le coût des avantages
sociaux, et surtout des régimes de retraite, qui sont, grâce
à l'indexation des pensions au coût de la vie, les plus
généreux en Amérique du Nord, la hausse totale des
dépenses de l'État au chapitre de la rémunération a
été de 15, 8%.
Malheureusement, ce qui devait arriver arriva. À peine deux ans
après la signature de cette fameuse convention collective, notre
gouvernement au préjugé favorable s'aperçoit qu'il n'a
plus de marge de manoeuvre, qu'il risque de perdre sa cote sur les
marchés financiers et qu'il doit récupérer
immédiatement 500 000 000 $. Il lui faut, bien sûr, un bouc
émissaire, il lui faut une victime. Le référendum de 1980
est passé. L'élection de 1981 a eu lieu. Le gouvernement
péquiste décide donc que c'est fini le préjugé
favorable. Il n'en est plus question. Les employés des secteurs public
et parapublic vont écoper. Ce gouvernement décide que les
discours qu'il tenait en 1979 ne valent plus. Et dans un geste, je dirais, de
lâcheté, qu'on dit unique, qu'aucun autre gouvernement
démocratique n'a jamais osé poser, on décide de renier sa
signature et de récupérer les 521 000 000 $ auprès des
employés des secteurs public et parapublic.
En vertu de la loi 70, ce gouvernement entend récupérer
pendant les trois premiers mois de l'année 1983, trois mois seulement,
un montant de 521 000 000 $. Maintenant, on parle de 406 000 000 $ parce que,
apparemment, on a injecté la différence qui sera versée
aux employés syndiqués comme augmentation de salaire durant les
six derniers mois. Cela signifie, tel que l'indiquait le gouvernement, une
diminution de salaire de 19, 45%, donc tout près de 20%,
appliquée à tous les employés de l'État.
Ce gouvernement veut faire croire à la population du
Québec, avec ses lois historiques 70 et 105, que le coût des
conventions collectives des secteurs public et parapublic est la seule cause
des problèmes financiers du Québec. Bien sûr, nous, nous
reconnaissons qu'il existe un écart entre les
rémunérations des secteurs privé et public et nous disons
qu'il est normal que les travailleurs québécois qui oeuvrent dans
les secteurs public et parapublic soient rémunérés sur une
base comparable à ceux du secteur privé qui, bien sûr,
contribuent dans une large part à payer la rémunération
des travailleurs du secteur public. Mais nous disons également qu'il est
injuste que l'on demande aux employés de l'État, surtout à
ceux qui sont les moins bien rémunérés, de payer seuls les
dégâts de la politique financière de ce gouvernement.
Je pose la question au gouvernement: Comment se fait-il que les membres
de la 5Ûreté du Québec, que les agents de la paix, que les
employés d'Hydro-Québec et de la Société des
alcools - comme le mentionnait mon collègue, M. Marx - aient
été exclus de l'application de la loi 70? Est-ce qu'on veut
frapper plus durement les petits salariés? Faire croire aux
Québécois que le coût des conventions collectives des
secteurs public et parapublic est la seule cause des graves problèmes
financiers du Québec et qu'en conséquence la loi 105 s'impose?
C'est encore une fois de l'imposture de la part de ce gouvernement. La
vérité, il faut le dire, elle est tout autre. (1 h 20)
Le problème financier du Québec est dû d'abord
à l'endettement accéléré en période de taux
d'intérêt très élevés. Imaginez, la dette est
passée, de 5 000 000 000 $ qu'elle était en 1976, à plus
de 18 000 000 000 $, en 1982, soit une augmentation de 13 000 000 000 $ sur une
période de six ans. Bien sûr, on doit affecter au service de cette
dette, parce qu'il faut payer les intérêts, un montant annuel de 2
000 000 000 $. Le problème financier du Québec est
également dû aux recours massifs à l'emprunt pour financer
les dépenses courantes. C'est dû également à l'exode
de plus de 150 000 Québécois dont plusieurs jeunes en qui nous
avions investi énormément et qui, à la suite de leur
départ, ne paient aucune taxe, aucun impôt, ne se vêtent
pas, ne se nourrissent pas, ne se logent pas au
Québec. Le problème financier du Québec est
dû à l'étouffement de l'économie
québécoise sous le fardeau fiscal des taxes. Les
Québécois ont à payer 14% - c'est bien connu - plus de
taxes que les Ontariens et 20% plus de taxes que l'ensemble du Canada. Le
problème financier est dû, enfin et surtout, à la grande
faiblesse des investissements au Québec causée par l'option
séparatiste de ce gouvernement qui fait fuir les investissements et
empêche la venue de nouveaux investissements.
On a pu établir récemment que, depuis l'arrivée au
pouvoir de ce gouvernement et à cause de l'exode de 128 entreprises du
Québec, nous avons subi une perte de 14 000 emplois directs. Je dis bien
"directs". Cette perte est d'autant plus significative qu'il s'agit, dans la
plupart des cas, d'emplois de haut niveau, fort bien
rémunérés et faisant appel à beaucoup
d'expérience et d'expertises, autant de débouchés que nous
perdons pour nos étudiants qui sortent des universités.
Dans mon comté, M. le Président, dans la ville de
Saint-Laurent qui est la deuxième ville industrielle au Québec,
nous avons constaté, de 1968 à 1977, soit avant l'arrivée
au pouvoir du gouvernement péquiste, qu'il y a eu l'implantation de 44
nouvelles entreprises provenant de 13 pays étrangers qui ont investi des
centaines de millions et qui ont créé des milliers d'emplois.
Or, retenez ceci, qu'avons-nous eu comme investissements de
l'étranger dans la ville de Saint-Laurent de 1977 à 1982? Je vous
pose la question. Un seul investissement, M. le Président, un seuil Le
message est clair: Messieurs du gouvernement, vous faites peur aux
investisseurs. Tant que vous allez maintenir votre option séparatiste,
tant que vous n'indiquerez pas clairement que vous entendez demeurer à
l'intérieur de ce grand pays qu'est le Canada, tant que vous ne
permettrez pas l'accès à l'école anglaise aux citoyens
provenant du reste du Canada, tant que vous allez maintenir un niveau de taxes
et d'impôt nettement supérieur à celui de l'ensemble du
Canada, tant que vous allez maintenir l'incertitude sur l'avenir
économique du Québec, je vous dis que vous allez continuer
d'accumuler les déficits et d'adopter des lois 70 et 105.
Si nous devons constater la faillite de ce gouvernement aux plans
financier et économique, nous devons également constater la
faillite du gouvernement au plan social. On a eu droit à des coupures
cruelles en matière de santé dans les secteurs de la santé
et de l'éducation. Maintenant, c'est le projet de loi 105. Nous, du
Parti libéral, nous avons dénoncé les projets de loi 70 et
68 et nous avons voté contre. Nous avons répété et
nous répétons que nous devons viser la parité de
rémunération entre les travailleurs des secteurs public et
privé, mais nous disons que cet objectif doit se faire d'une
manière civilisée et responsable.
Une voix: Comment?
M. Leduc (Saint-Laurent): Sur la base de conventions collectives
signées par les parties ou sur la base d'un consensus qui pourrait
rallier les parties. Les gouvernements de l'Ontario et du Canada ont du faire
face également à des problèmes budgétaires, mais
ils ont réglé le problème sans avoir recours à des
lois aussi iniques que la loi 70 et le projet de loi no 105, et sans risquer de
perturber le climat social.
Nous croyons que la paix sociale au Québec est aussi importante
que la situation financière du Québec. Nous avons la conviction
que les employés de l'État sont maintenant prêts à
faire leur part pour aider ce gouvernement à sortir de l'impasse dans
laquelle il s'est lui-même placé. Ces employés de
l'État comme nous tous réalisent que la crise au Québec
causée par ce gouvernement est grave. Ils savent comme nous tous qu'il y
a actuellement au Québec 400 000 chômeurs, que le taux de
chômage est de 14, 5%, que chez les jeunes de 15 à 24 ans, ce taux
de chômage atteint 23%, que l'on compte 345 000
bénéficiaires de l'aide sociale, que nous avons eu au
Québec, de janvier 1982 à octobre, 11 000 faillites.
Nous sommes convaincus du sens des responsabilités des
travailleurs des secteurs public et parapublic. Ils l'ont d'ailleurs
prouvé en acceptant et en étant toujours prêts à
accepter un gel des salaires. Moi, je suis convaincu que ces travailleurs sont
plus responsables que les gens d'en face et qu'ils ne tomberont pas dans le
piège de dire qu'une loi qui n'est pas respectable, ne doit pas
être respectée.
Nous avons eu l'impression que la perche était tendue par ces
travailleurs. Malheureusement, ce gouvernement a préféré
l'affrontement avec son projet de loi no 105. Il devra en assumer la
responsabilité. Ce gouvernement aura donc en six ans acculé
financièrement le Québec à la faillite, aura affaibli
constitutionnellement le Québec, tout le monde le sait, au point
également de faire du Québec une province comme les autres. Il
aura, par la loi 70 et le projet de loi no 105, créé le chaos
social. Le bilan est trop lourd. Le Québec est hypothéqué
à la limite. Nous en sommes rendus à la dernière coche. Le
Québec ne peut plus se payer ce gouvernement. Nous demandons la
démission immédiate de ce gouvernement pour sa faillite en
matière financière, économique, constitutionnelle et
sociale.
Nous, les gens du droit, nous disons: Quand quelqu'un ne rencontre plus
ses obligations, ne peut plus respecter ses contrats, c'est une personne
physique ou
morale en faillite. On constate actuellement que ce gouvernement, ne
respectant plus ses engagements, c'est un gouvernement en faillite.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. M. John
O'Gallagher
Le premier ministre, la semaine dernière, a confirmé,
devant toute la population qui nous regarde, que la prochaine élection
se ferait sur la séparation.
Des voix: Non, non, il n'a pas dit cela.
M. O'Gallagher: Indépendance ou séparation, c'est
la même chose.
Des voix: C'est cela.
M. O'Gallagher: Pour votre parti, cela a toujours
été votre cible. Pour la séparation il y a un prix; il y a
une prime de séparation. On demande aux fonctionnaires de la payer en
partie aujourd'hui. C'est l'acompte sur la séparation, 521 000 000 $.
C'est un beau cadeau de Noël. C'est cela le prix de la séparation,
mes chers auditeurs. C'est le commencement. Saviez-vous qu'aujourd'hui la dette
consolidée du Québec est de 18 000 000 000 $. Quand les
libéraux ont laissé le pouvoir en 1976, elle était
à 5 000 000 000 $.
Dites-moi donc ce que vous avez fait avec ces 13 000 000 000 $. Y a-t-il
une autoroute? Non, il n'y a pas d'autoroute. Y a-t-il des ponts? Il n'y a pas
de pont. (1 h 30)
Une voix: Des cours d'eau?
M. O'Gallagher: Comment, des cours d'eau? Ils sont là.
Vous êtes comme Duplessis, vous voulez construire des rivières en
dessous des ponts. Des cours d'eau!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. O'Gallagher: Qu'est-ce qu'on a eu pour ces 13 000 000 000 $?
Rien du tout. Les cégeps ont tous été construits, les
écoles ont été construites, on ferme les écoles.
Les hôpitaux? Il n'y en a qu'un seul, je pense, qui a été
construit ces deux dernières années. 13 000 000 000 $ de folies!
Cela, c'est la dette consolidée, c'est l'héritage que vous
laissez à vos enfants: 13 000 000 000 $. Et un déficit annuel,
messieurs! Depuis deux ans maintenant, on paie un déficit de quelque 2
000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $. L'an dernier, c'étaient 3 000 000 000
$; cette année, on approche les 4 000 000 000 $. On emprunte de l'argent
pour payer l'épicerie. Si c'est de cette façon que vous continuez
à administrer vos affaires, on ne vivra pas longtemps. Les revenus sont
à la baisse et on se demande pourquoi. Comment se fait-il qu'il y ait
moins de monde qui paient des taxes?
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. O'Gallagher: Une des raisons, mes chers amis, c'est que
personne ne veut rester au Québec. Il n'y a pas d'entrepreneurs qui
veulent rester au Québec. Qu'importe leur langue et d'où ils
viennent, les entrepreneurs sont étouffés au Québec par le
PQ et ils s'en vont. On peut citer le premier ministre, si vous voulez: Je
crois que le départ des entreprises est une tendance positive; il faut
briser quelques oeufs avant qu'apparaisse l'omelette. C'était le premier
ministre du Québec qui parlait ainsi en février 1978. J'ai
l'impression qu'il y a quelques oeufs pourris là-dedans.
Une autre petite citation d'un de vos copains: On ne regrette pas le
départ de nos maîtres. C'était le ministre d'État au
Développement économique, Bernard Landry, en mai 1979. Il est
maintenant ministre du Commerce extérieur. Transfert de Montréal
à Toronto: BP... Je cite le ministre du Commerce extérieur: BP a
pris une décision logique et rationnelle. Lui, il doit vraiment jouir
aujourd'hui parce que Texaco a fermé sa raffinerie à
Montréal, il doit vraiment être content. Cela aide en maudit!
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. O'Gallagher: Toutes les grosses compagnies de finance...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. O'Gallagher: Vous trouvez cela drôle? La population vous
regarde. Vous aimez que les compagnies fuient.
Une voix: Sun Life?
M. O'Gallagher: Oui, Sun Life et...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. O'Gallagher:... la Banque Royale.
Une voix: La Banque de Montréal.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît, M. le ministre! S'il vous plaît! Je vous demande
votre collaboration pour permettre à chacun de s'exprimer. M. le
député de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Toutes les grosses
compagnies financières ont quitté Montréal en partie; le
secteur de l'informatique de la Banque Royale a fui Montréal, a
quitté Montréal, les grosses compagnies de communication ont
quitté Montréal, les compagnies pharmaceutiques... C'est bien
drôle. Vous, dans vos comtés, cela ne vous affecte pas, mais il y
a des comtés, comme le comté de mon collègue, le
député de Vaudreuil-Soulanges, où une compagnie a
fermé ses portes dernièrement mettant à pied 250
employés. C'est bien drôle, hein? C'est drôle en maudit,
ça?
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député d'Arthabaska!
M. O'Gallagher:... cela ne vous fait rien qu'on soit en
chômage à Montréal aujourd'hui. C'est vraiment drôle
et c'est beau, n'est-ce pas? Vous aimez cela. Je vous dis que notre nouveau
ministre délégué à la Science et à la
Technologie fera son virage à Toronto, parce qu'il ne reste plus de
technologie à Montréal. N'est-ce pas que c'est drôle?
"Mautadit" que c'est drôle!
Notre ministre des Finances disait, il y a quelques années: On
gérera la décroissance; imaginez-vous donc! On gérera la
décroissance. Aujourd'hui, il est en train de gérer la faillite
du Québec. Au lieu du grand argentier, c'est maintenant le grand
syndic.
Une voix: Le grand syndic du Québec. Le syndic en
chef.
M. O'Gallagher: Oui, oui, c'est exactement cela. Notre carte de
crédit, messieurs, a été baissée de AA à A
et je me demande ce que nos créanciers diront bientôt de votre
administration. C'est le grand roi des 500 000 chômeurs, le grand roi des
500 000 personnes bénéficiaires du bien-être social; je
vous dis que c'est beau, "mautadit" que vous serez fiers d'être
Québécois. C'est le grand roi des taxes, nous sommes les plus
taxés de tous les Canadiens. C'est cela, le résultat de ces lois.
On va chercher cela n'importe où. Nous sommes les plus taxés sur
les coûts d'opération à tous les niveaux: niveau social,
niveau éducationnel, et même pour conduire une voiture, c'est ici
qu'il en coûte le plus dans tout le Canada, dans toute l'Amérique
du Nord, pour l'essence, pour les immatriculations et pour les assurances. Il
n'y a pas moyen de s'en sortir.
Et qui est-ce qui investira au Québec? Demandez-vous donc cela.
Premièrement, on a la menace de la séparation. Qui viendra ici
quand ce n'est pas stable, politiquement parlant? On a les coûts
d'opération les plus élevés que n'importe où, les
taxes les plus élevées, les impôts sur le revenu les plus
élevés; on taxe même le gens après qu'ils sont
morts. C'est la seule province dans tout le Canada qui fait cela.
On a la fameuse loi no 101; vous n'êtes pas affectés dans
vos comtés, mais chez nous, nous sommes affectés. Saviez-vous
qu'en tant que Québécois pure laine depuis bien des
générations, je n'ai pas le droit de m'afficher comme bilingue?
Saviez-vous qu'il y a ce qu'on appelle chez nous des "tongue troopers", la
police de la langue française qui se promène chez nous et qui,
pour une petite PME - ce n'est même pas une PME, c'est un gars qui vend
des arbustes, un paysagiste - est venue prendre des photos de sa vitrine parce
que c'est marqué: Arbustes -Shrubs? C'est un péché de
marquer cela, Christophe! dans la vitrine. Je vais vous montrer des photos de
cela, prises par la police de la langue française. Non, pour vous qui
êtes de Lévis, ce n'est pas un problème, mais venez donc
chez nous. Je vous y invite, M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: J'y vais souvent.
M. O'Gallagher: Eh bien! venez donc chez nous, je vous invite; je
vous paierai un lunch...
Une voix: À la maison?
M. O'Gallagher: Je ne sais pas si j'aurai l'argent, par exemple.
Il faudrait que je demande un prêt.
Une voix: C'est un gars qui mange beaucoup.
M. O'Gallagher: On est aveuglé par cela. Dans votre
comté, la loi no 101 n'est pas un problème, mais, chez nous,
c'est un problème.
Une voix: II n'y a pas de problème là. (1 h 40)
M. O'Gallagher: Vous êtes aveuglés par votre
nationalisme. There is a saying. I do not know if you remember a few weeks ago,
in Montreal, recently, I think there was the president of the Royal Bank of
Canada, there was the president of the Bank of Montreal and there was Ted
Tilden. They were invited to speak to the Chambre de Commerce de
Montréal, the leaders of the industries. They had something to say.
Yes
certainly, they were anglophones like I am. And to get up in public, it
is not that easy to make an address in French that will conform to the
regulations of Le Devoir and of the Office de la langue française. But
it seems that we are in a free country, I think people should be allowed to
express themselves freely, but there again the message was destroyed. Marshall
McLuhan said the medium is the message. Because a message was transmitted in
English, it was detroyed by your press. That is nationalism at its worst and
that is what we are facing everyday, the distortion.
How was the company going to come to Québec? Comment voulez-vous
qu'une compagnie vienne investir au Québec quand elle voit agir votre
parti politique, le PQ? Lors de votre conseil général l'an
dernier, vous avez démontré vos tendances
antidémocratiques. Il fallait que René Lévesque "passe un
Renérendum" pour essayer de garder le couvert sur ces tendances
tellement dangereuses. Comment voulez-vous que quelqu'un ait confiance au
Québec avec une telle affaire? C'est cela votre PQ. On a vendu la
qualité de notre vie; on a vendu la qualité de nos services, soit
dans les hôpitaux ou soit dans les centres d'accueil. On est
obligé d'avoir des centres d'accueil clandestins pour nos vieux... Ils
ont de l'argent pour des folies, des folies nationalistes: Asbestos Corportion,
100 000 000 $. On a payé 100 000 000 $ pour un trou. On n'a pas
créé un seul emploi et elle a déjà perdu 8 000 000
$, cette année. C'était il y a quelques mois. À quoi
est-elle rendue aujourd'hui? Québecairî 50 000 000 $ de
flambés, "flyés". Pourquoi? Ne soyons pas surpris que notre
grande compagnie d'investissements, la Caisse de dépôt, qui
investit les fonds de retraite de tous les Québécois, qu'elle ait
investi dans cela. C'est bien bon pour nos investissements. SIDBEC a
coûté au autre montant de 150 000 000 $. Il y a eu un plan de
redressement pour essayer de remonter cette industrie de la Côte-Nord; or
vous l'avez ignoré complètement. On sera obligé d'y
ajouter encore 150 000 $ ou de fermer complètement.
Une voix: Millions.
M. O'Gallagher: 150 000 000 $, oui, excusez-moi. Il y a un trou
de 500 000 000 $. On va chercher aujourd'hui 521 000 000 $ dans les poches des
fonctionnaires sur une période de quelques mois, mais le ministre de
l'Éducation les a perdus dans un an dans un seul ministère, 500
000 000 $. Je voudrais savoir si tous les adjoints politiques de tous les
ministères, tous ceux qui font des sondages au ministère des
Communications, tous ceux qui font partie du Conseil exécutif qui ont
augmenté...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Question de privilège, M. le
Président. Il n'y a absolument aucun sondage qui ne se pratique au
ministère des Communications.
Des voix: Ce n'est pas une question.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Je me demande si tout ce beau monde, ces 700
employés politiques, les attachés politiques de vos
ministères vont subir des coupures dans les quelques mois à
venir. On a gaspillé. On a enlevé des gens, il manque des
machines, il manque de l'équipement dans les hôpitaux, mais on
dépense plus de 4 500 000 $ pour le combat de boxe Duran et Leonard. On
a une direction des élections qui a dépensé 86 000 000 $
pendant que des gens sont dans les corridors d'hôpitaux. Il y a des
salles clandestines pour les vieillards et on dépense de l'argent
à gogo, comme mon ami de Nelligan l'a dit. On a deux maisons du
Québec à Paris, 71 employés. Combien coûte cette
affaire? L'Ontario en a à peu près cinq et vend deux fois plus de
biens manufacturés que le Québec. C'est à gogo. Et les
primes de séparation que mon oncle a payées, puis que le premier
ministre a payées et un autre montant de 500 000 $ flambé pendant
que l'équipement manque...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît;
M. O'Gallagher: Mes chers amis... c'est le "down payment" sur la
séparation, cette loi. Tout le monde y goûte et cela vous va
coûter beaucoup plus cher que cela, je vous préviens, messieurs.
La seule manière d'arrêter l'hémorragie, c'est de se
débarrasser de ce PQ. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravoï Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Henri.
M. Roma Hains
M. Hains: M. le Président, nous voici parvenus à un
autre moment de confrontation. Après avoir longtemps
hésité à franchir la ligne de l'affrontement, le parti
ministériel vient de la traverser en proclamant la loi no 105. Comme je
le disais déjà en parlant de la fusion de Hauterive et de
Baie-Comeau, le sort en est jeté. Ici,
cela n'est pas le sort de deux villes qui est en jeu, mais c'est la paix
sociale de tout le Québec; la paix entre les autorités
gouvernementales et leurs 316 000 employés. Veut, veut pas, M. le
Président, c'est vraiment un début d'hostilité dont les
engagements futurs sèment l'appréhension et la crainte chez le
peuple québécois. Déterminer qui est l'agresseur et
l'agressé n'est pas facile, mais cela ne peut échapper à
quelqu'un qui fait un examen le moindrement objectif, car déjà le
gouvernement proclame les conditions de travail applicables aux salariés
du secteur public jusqu'au 31 décembre 1985. Il annonce la pitance
salariale de ses salariés du secteur public pour la période du
1er janvier au 31 mars 1983. C'est, comme on dit en latin, le vae victis, le
malheur aux vaincus, la punition de ceux qui n'ont pas voulu passer sous les
fourches de la loi no 70 et c'est les diktats des ministres Lévesque,
Parizeau et Bérubé.
Une voix: Merci, merci.
M. Hains: Mais comment en est-on venu à cette triste
guerre, à ce douloureux affrontement que l'on qualifie aujourd'hui de
situation urgente? C'est une longue histoire qui a commencé il y a
déjà six ans; une histoire d'amour qui s'est vite changée
en guerre rangée. Pour renverser le gouvernement libéral en
autorité à ce moment, le PQ avait pactisé avec les
syndicats en 1976 et avait pris les rennes du pouvoir. C'était vraiment
l'ivresse et le triomphe inattendu. Ce fut la fête au Québec. Les
troubadours chantaient déjà la délivrance et
l'avènement d'un pays. C'était la fin, disait-on, de
l'oppression; c'était la société juste, la vie digne et
fière et le régime égalitaire. Mais ce fut aussi le
début d'un règne où la magnificence, les dépenses
folles et les complaisances faciles eurent tôt fait de dilapider le
trésor public. Là, les déficits ont commencé
à s'accumuler au rythme de 3 000 000 000 $ par année; les ennemis
se sont pressés aux frontières et les défaites ont
grugé lentement, mais sûrement, la popularité et
l'efficacité de ce gouvernement au pouvoir.
Une première défaite référendaire est venue
jeter le désarroi dans les rangs péquistes. Pourtant, on y avait
mis tellement d'argent, tellement de complaisance envers des alliés,
tellement de charme et de trémolo nationaliste que ce fut un coup mortel
dont jamais le PQ ne s'est encore relevé. Puis vient la défaite
constitutionnelle qui, de nouveau, a terrassé les troupes
péquistes, en jetant l'amertume, la haine et l'esprit de vengeance parmi
les partisans et les dirigeants péquistes. (1 h 50)
Sur un autre front, le front économique et financier, ce fut la
débandade complète et la perte de nombreux effectifs. Quelle
triste performance et quelles conséquences funestes! Ce fut la crise qui
ébranla et qui ébranle encore les bases mêmes de notre
société. Nous tombons maintenant dans cette guerre sociale, dans
ce périlleux marasme, dans cette confrontation dangereuse que le projet
de loi no 105 vient de provoquer.
Voilà, en résumé, la triste histoire de six ans de
règne: une succession de crises sur tous les fronts, constitutionnel,
économique, social qui nous ont conduits aujourd'hui à la loi 70
et au projet de loi no 105, lesquels sont des aveux d'impuissance et une
terrible déconfiture.
Mais que sont cette loi 70 et ce projet de loi no 105? Cette loi 70 est
une loi des plus tristes qu'un gouvernement ait pu rédiger. Elle a
soulevé la colère chez les syndiqués, la
réprobation des éditorialistes et la consternation dans le
peuple. C'est le jeu repoussant de "je te donne, je te dédonne". Les
salariés ont reçu leur chèque de paie identifié
à leur nom pour un travail normal et selon une constitution bien connue
et, par cette loi méprisable, ce gouvernement va chercher des sommes
payées dans les poches et dans les comptes de banque de ses
employés, pour renflouer ses caisses défoncées par son
incompétence et son imprévoyance.
Une voix: C'est écoeurant!
M. Hains: Pas mal. On est d'accord.
Durant trois mois, janvier, février et mars, la majorité
de ces 300 000 travailleurs subira une coupure de 20% sur les chèques de
salaire. Comme le dirait Marcel Adam dans la Presse, c'est une loi qui insulte
la conscience collective et qui illustre la corruption du processus
législatif au Québec. Par cette loi, le gouvernement va chercher
chez ses employés des dollars durant trois mois et durant une
période pendant laquelle la grève sera maintenant
défendue. Les naïfs et les partisans prendront ce geste pour un
acte courageux. Mais depuis quand le bris d'un contrat, le reniement d'une
signature et la violation unilatérale des engagements peuvent-ils
soulever l'admiration?
Le gouvernement ne se tient pas debout. Il est acculé au mur,
étourdi et complètement hébété devant la
tournure des événements. C'est un boxeur complètement
"knock-outé" qui se tient debout, oui, mais accroché aux
câbles de l'arène politique. Pour apprécier cette loi,
comme dirait encore Marcel Adam, c'est une manifestation de la corruption
qu'engendre tôt ou tard l'exercice du pouvoir.
Rarement aura-t-on vu un gouvernement apporter tant de déception,
de désenchantement et de désillusion chez les contribuables.
Rarement aura-t-on vu un
ministre des Finances conduire le bateau ministériel vers un tel
naufrage, avec la bénédiction épiscopale de son chef. Les
collègues d'en face n'ont vraiment pas lieu d'être fiers devant le
spectacle qu'offre la province. Peuvent-ils vraiment s'imaginer qu'ils peuvent
saboter des conditions de travail si péniblement acquises par des
générations de travailleurs et de travailleuses? Comment
peuvent-ils gruger des droits aussi fondamentaux que ceux de la santé,
de l'éducation et du travail? Comment peuvent-ils aujourd'hui, dans
leurs discours, justifier le marasme actuel?
Comment peuvent-ils enfin espérer un renouveau avec les
décrets qu'ils imposent à plus de 300 000 travailleurs? C'est
vraiment une loi massue. Oui, mais la masse est une tonne de papier de 35 000
à 50 000 pages que l'on assomme, à 103 coups de décret sur
la tête, des travailleurs et des travailleuses du Québec.
L'amoncellement de ces piles de papier devant les écrans de
télévision n'était qu'une faible image du mépris du
gouvernement envers ses employés. D'ailleurs, les députés
péquistes n'ont pas tous voulu participer à ce spectacle
désolant. Plus d'une vingtaine se sont cachés dans les coulisses
ou ailleurs...
Une voix: Menteur!
M. Hains: Plus d'une vingtaine étaient absents et se sont
cachés dans les coulisses ou ailleurs. Ceux qui ont joué le jeu
de la tragédie et qui ont débité leur rôle n'ont pas
tous eu l'accent de la conviction et de la sincérité dans leur
discours. Pourtant, toute cette mise en scène et cette entrée
précipitée sur le théâtre des négociations,
c'est l'urgence, nous a dit le ministre Parizeau; une crise exceptionnelle,
nous a dit le leader parlementaire. Mais où est donc l'ennemi? Pourquoi
le PQ se retire-t-il ainsi derrière des tranchées de papier?
Pourquoi ces 100 décrets, ces 100 canons braqués sur des cibles
illusoires? À ce qu'on sache, aucun mouvement de troupes à
l'horizon. Les plaines d'Abraham dorment vraiment sous la neige. Les
professeurs enseignent chacun et chacune dans leur classe. Les
infirmières sont auprès des malades. Les fonctionnaires
fonctionnent, même si quelques-uns ou quelques-unes étaient
habillés aujourd'hui en PQ, c'est-à-dire en pauvres
quêteux. Alors, où est l'urgence? C'est vraiment, pour le moment,
une raison fabriquée de toutes pièces. L'ennemi n'est pas en
dehors du parlement, il est ici à l'intérieur. C'est le feu aux
poudres chez les péquistes; c'est le coffre du trésor qui menace
de sauter et, avec lui, le gouvernement. C'est ce qui explique la panique qui
s'est emparée des troupes gouvernementales. Pour faire digression, on
tire à boulet rouge sur l'ennemi imaginaire qui, à maintes
reprises, a brandi le drapeau blanc, qui a voulu négocier et qui a
même offert dans son traité de paix d'inclure un gel d'un an et
même plus, si nécessaire, pour rétablir l'équilibre
des forces et des privilèges. Mais de là à vouloir jouer
à Robin des bois, à vouloir dévaliser les mieux nantis
pour favoriser les plus démunis, c'est poser un acte que même un
juge des mieux intentionnés ne saurait pardonner et approuver.
Si nos travailleurs et travailleuses du secteur public avaient obtenu
des sommes non méritées pour leur travail ou s'ils avaient
trompé le trésor public, nous serions les premiers à
réclamer justice. Mais non! C'est là que nos concitoyens et
concitoyennes doivent comprendre tout l'odieux de cette manoeuvre
gouvernementale. On va chercher dans les poches des employés une partie
du salaire qu'ils ont vraiment légitimement gagné durant des mois
et des années. Le parlementarisme me défend de qualifier ce geste
odieux. Si l'on avait décidé, à la suite de
négociations, de geler les salaires ou de prendre des moyens
légitimes de brider les augmentations, nous aurions approuvé ces
méthodes normales dans les heures cruciales que nous traversons. Mais
nulle personne ne peut à la fois être juge, partie et huissier.
Nous condamnons de toutes nos forces ces tactiques déloyales du Parti
québécois.
Les ministériels veulent clouer les syndicats au pilori pour les
exposer au mépris de la foule avec une étiquette infamante, alors
que les vrais responsables échappent au gibet quand ils devraient
essuyer la désapprobation et la condamnation de leur père. (2
heures)
On dirait que ce parti veut vraiment se saborder en entreprenant cette
démarche suicidaire. Cette politique du pire, cette politique
d'affrontement appréhendé, constitue vraiment un mystère,
une intrigue qui fatigue tout le monde. Car, malgré le trémolo de
nos intervenants d'en face, ces sommes perçues dans les poches des
employés ne serviront pas directement aux chômeurs, aux
assistés sociaux, au bien-être de la société, mais
simplement à remplir des coffrets vides du trésor. C'est faire
preuve de démagogie dangereuse et outrancière que de parler de
riches et de pauvres, de soulever des luttes de classes sociales et de laisser
entendre que le butin recueilli chez les professionnels servira de cadeau de
Noël aux plus démunis. Cette exploitation de la
crédulité populaire est vile et irresponsable, et ce serait
moi-même insulter mes électeurs de Saint-Henri que de leur laisser
croire qu'ils vont profiter de cette manne cueillie à même les
assiettes de leurs voisins.
L'objectif de la récupération monétaire peut
être bon, mais la stratégie demeure irrationnelle et dangereuse.
Elle conduit au
désastre social. L'appel de bon sens au gouvernement par
l'Opposition est demeuré sans réponse. Espérons que notre
peuple, lui, saura traverser cette tourmente avec modération et courage,
car le Québec ne saurait traverser sans danger une crise d'affrontements
et de subversions sociales. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je crois que vous connaissez
l'existence de l'article 94...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, oui, oui.
M. Bertrand:... du règlement qui se lit de la façon
suivante: Sauf dispositions contraires, un député peut parler sur
une motion de fond pendant vingt minutes; mais peuvent parler pendant une
heure...
Une voix: Qui va parler pendant une heure?
M. Bertrand:... le premier ministre, le leader parlementaire du
gouvernement.
Une voix: C'est lui, cela.
M. Bertrand: Alors, M. le Président,...
Une voix: On n'est pas pressé. Une heure.
M. Bertrand: Une heure. Me prévalant donc de cet article,
je voudrais commencer mon discours en invoquant l'article 77, et en faisant
motion pour ajourner le débat au nom de...
Une voix: Ah non!
M. Bertrand:... madame la ministre de la Fonction publique qui
prendra la parole demain après la période des questions.
Des voix: Ah non, non! Voyons-donc!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est
adoptée et nous ajournons nos travaux jusqu'à ce matin, 10
heures.
(Fin de la séance à 2 h 03)