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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Friday, December 10, 1982 - Vol. 26 N° 98

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

Période des questions orales des députés. M. le député de Jean-Talon.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le contenu des décrets du projet de loi no 105

M. Rivest: M. le Président, j'aimerais adresser ma question au leader du gouvernement. Accompagnant la loi 105, le gouvernement a déposé une quantité considérable de documents qui constituent les décrets qui détermineront les conditions de travail de quelque 300 000 travailleurs du secteur public. À l'occasion du projet de loi - enfin, le peu de temps qui est accordé à l'Assemblée nationale et aux parlementaires pour étudier le projet de loi - je voudrais demander au leader du gouvernement s'il sera possible d'amender, d'une manière ou d'une autre, le contenu des décrets, c'est-à-dire des documents sessionnels qui ont été déposés lors de la présentation du projet de loi.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, la question du député de Jean-Talon est tout à fait pertinente. Avant de donner une réponse qui soit vraiment très claire et très précise - parce que effectivement les députés sont en droit de savoir quelles sont les possibilités pour eux, lors de l'étude du projet de loi en commission plénière, d'apporter des amendements au projet de loi, bien sûr, cela va de soi, et, à cause des documents sessionnels dont il est fait état dans le projet de loi, à certains de ces décrets ou conventions collectives qui ont été déposées ici à l'Assemblée nationale hier - je voudrais, dans un premier temps, si le député me le permet, m'en enquérir auprès du parrain du projet de loi. Je m'engage à lui fournir la réponse avant la fin de la période des questions.

Le Président: M. le député de Jean-Talon, question additionnelle.

M. Rivest: M. le Président, sous réserve des remarques du ministre, si tel est le cas - je pense bien que ce serait le travail élémentaire des parlementaires - le leader du gouvernement estime-t-il, pour faire ce travail - parce qu'il y a des droits pour les personnes qui vont être en cause dans ces textes - que la période de cinq heures au cours de laquelle nous aurons, je pense, comme devoir minimal comme parlementaires pour prendre connaissance de ces choses, de façon à éviter que se produise, selon l'expression qui est maintenant consacrée, des coquilles législatives qui pourraient non seulement être injustes pour les travailleurs, mais qui pourraient poser au gouvernement, c'est-à-dire à l'administration publique et aux administrateurs publics, des inconvénients majeurs; tout le monde y perdrait finalement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je crois avoir dit, au moment du dépôt de ces décrets, que, dans l'ensemble des 109 décrets dont il est fait mention, il y en a huit qui sont des décrets types et que, même dans ces décrets types, il y a bon nombre de clauses sur lesquelles, d'abord, il y a eu des ententes entre le gouvernement et les représentants des différents syndicats qui ont eu à négocier pendant un certain nombre de mois. Hier, un député, entre autres - je crois que c'est le député de Groulx - faisait allusion à des pourcentages de clauses qui ont été paraphées: entre autres, 90% des clauses dans la convention des fonctionnaires du gouvernement du Québec. Donc, dans cette somme de conventions collectives, il y a des décrets types et, dans l'ensemble de ces décrets types, il y a plusieurs clauses qui ont été paraphées dans des pourcentages très importants qui atteignent, dans certains cas, 90%, 92% et 95%.

Il y a par ailleurs des éléments qui sont plus importants. Je sais qu'hier des députés ont fait allusion à certains de ces éléments plus importants dans certaines de leurs interventions. Je me rappelle l'intervention du député d'Argenteuil, en autres, sur le secteur plus particulier des enseignants. Ces éléments sont évidemment connus de l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale. Les ministres y ont fait référence dans leurs discours jusqu'à maintenant et lors des conférences de presse qui ont été tenues au moment du dépôt des offres patronales, de même qu'au moment du bilan final qui a été fait de la négociation

vers la fin du mois de novembre.

Alors, dans ce contexte, je pense que les députés sont tout de même en mesure, lors de l'étude du projet de loi et des documents sessionnels qui ont été déposés, de concentrer leur attention sur un certain nombre de points majeurs, plus importants, sur lesquels finalement ont achoppé les négociations dans certains cas.

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, le leader du gouvernement dit que, dans un certain nombre de cas, il y aurait un grand nombre de clauses qui auraient fait l'objet d'ententes entre les parties et qui auraient même été paraphées. Si, dans le secteur de l'éducation, par exemple, vous pouviez nous donner une liste de ces clauses, pour la convention maîtresse des enseignants de l'élémentaire et du secondaire, cela aiderait beaucoup et je serais étonné qu'il y en ait un grand nombre. Mon impression, au contraire, M. le ministre...

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Ryan: Elle s'en vient.

Je voudrais vous demander ceci, entre parenthèses. Je vois que le ministre de l'Éducation n'est pas arrivé ce matin, mais il avait fait des ouvertures il y a à peu près une couple de semaines. Est-ce que le ministre est en mesure de nous dire si cela avait été déposé à la table sous forme de propositions ou si on ne se trouverait pas, dans les textes déposés hier, avec la première version connue de ces propositions et, déjà, avec de grandes différences entre ce qui avait été annoncé et ce qu'on trouve dans le décret? On a besoin de ces renseignements pour travailler sérieusement. Je voudrais vous demander si vous êtes au courant et si vous êtes en mesure d'assurer les députés qu'ils auront plus de précisions.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je pense qu'il serait tout à fait approprié que d'ici l'étude du projet de loi en commission plénière, les ministres qui portent la responsabilité de certains secteurs particuliers dans le cadre de ces conventions collectives, que ce soit le ministre des Affaires sociales, Mme la ministre de la Fonction publique, le ministre de l'Éducation ou le parrain du projet de loi, président du Conseil du trésor, puissent identifier certains points et indiquer aux parlementaires ceux sur lesquels, par exemple, il y avait des ententes et ceux sur lesquels il y aurait eu des modifications apportées depuis le dépôt des offres, modifications apportées en cours de route ou modifications - je pense que c'est surtout à celles-là auxquelles le député d'Argenteuil veut faire référence - apportées à la toute fin, c'est-à-dire au moment de la rédaction finale des décrets. Donc, j'indiquerai, ce matin, à chacun de ces ministres que les députés souhaiteraient que ce travail d'épluchage, si vous voulez, puisse être fait et qu'au moment de la commission plénière on puisse donc avoir certains points de référence qui nous aident à mieux mener la discussion.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): II y a quelque chose qui me surprend dans tout cela. Quand le gouvernement actuel a la moindre petite loi à présenter à l'Assemblée nationale, la moindre petite mesure, même la plus insignifiante, à présenter, tout cela est accompagné de conférences de presse, de battage publicitaire, de pochettes de presse toutes glacées avec je ne sais combien de détails, des tableaux de toutes sortes.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): On donne une foule de renseignements. Dans le cas actuel où nous sommes pris avec une montagne de quelque 100 documents ou conventions, c'est le silence. Peut-être qu'on vous donnera quelque chose. On va demander aux ministres responsables....

Le Président: Votre question, s'il vous plaît, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure):... s'il n'y a pas moyen de vous donner quelques petits renseignements. Mais qu'est-ce que se passe, donc? Où est cette transparence? Est-ce qu'on peut expliquer le procédé actuel, ce genre de cachotteries, ce genre de renseignements enfouis dans des montagnes de paperasse?

Une voix: Question!

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le gouvernement peut nous répondre là-dessus?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Bien sûr qu'il le peut, M. le Président. Le chef de l'Opposition dit que quand le gouvernement, en certaines occasions, veut expliquer sa position, il procède par conférences de presse, avec des pochettes glacées et tout un ensemble de

documents qui réfèrent à toute une série de messages. Effectivement, si c'est de cela qu'il veut parler, je peux donc le renvoyer à la conférence de presse qui a été tenue par le ministre des Affaires sociales, par Mme la ministre de la Fonction publique...

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Bertrand:... par le président du

Conseil du trésor et par le ministre de l'Éducation, qui faisait état, d'abord des dernières...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand:... offres salariales du gouvernement. Je pense que, concernant le domaine salarial, tout le monde connaît très bien la situation, tout le monde connaît très bien le montant que le gouvernement a mis sur la table à la toute fin, qui était de 95 000 000 $, auquel il a ajouté, depuis ce temps-là, 20 000 000 $, ce qui fait 115 000 000 $. Ces choses-là sont connues, ainsi que la réduction de l'application de la loi 70 pour environ 161 000 employés du secteur public. Cela est connu.

Pour ce qui est du normatif, chacun des ministres a indiqué très clairement, publiquement et en toute transparence quels étaient les éléments sur lesquels il y avait des accords et ceux sur lesquels il y avait des désaccords et quels étaient les pas supplémentaires que le gouvernement était prêt à faire pour tenter d'accommoder un peu mieux, si vous voulez, les employés du secteur public quant à leurs revendications.

Cela a été fait à la fin du mois de novembre et je pense que chacun des ministres pourra, au moment de la commission plénière, répondre aux questions des députés de l'Opposition relativement à ces sujets.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure):... si je comprends bien ce que vient de répondre le leader parlementaire du gouvernement, ce qui est contenu dans les montagnes de conventions est exactement, sans changement, ce qui a fait l'objet de conférences de presse au mois de novembre. Oui ou non?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Lalonde: Le dauphin...

Mme Lavoie-Roux: Le dauphin n'est pas...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Les conventions collectives qui ont été déposées sont les conventions collectives qui existent, avec un certain nombre de clauses qui ont été conclues entre à la fois la partie syndicale et la partie patronale et aussi des indications sur ce que le gouvernement, au moment de prendre la décision relativement à ces décrets, est disposé à ajouter dans le contexte d'une décision finale qui doit être prise et qui est celle de l'Assemblée nationale pour ce qui est du projet de loi no 105 et des décrets et documents sessionnels qui ont été déposés à l'Assemblée nationale. Je pense très sincèrement que les ministres pourront, lors de l'étude en commission plénière, indiquer quels sont ces aspects sur lesquels, effectivement, il y aurait eu des modifications en cours de route.

Cela étant dit, je voudrais rappeler que nous avons offert à l'Opposition, il y a deux jours, si ma mémoire est bonne, de mettre à sa disposition des gens qui ont participé, au niveau technique, à la préparation de ces documents, qui étaient disposés à répondre à leurs questions relativement au contenu de ces conventions collectives, et que l'Opposition - c'était son droit - a refusé cette offre que nous lui avions faite.

Le Président: Question principale, M. le député de Portneuf.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président. (10 h 20)

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président. Je pense que les droits de cette Assemblée et de tous les députés sont brimés par les gestes du gouvernement actuellement.

Le Président: Je voudrais que vous m'indiquiez en vertu de quel article vous invoquez le règlement.

M. Lalonde: Question de privilège, M. le Président.

Des voix: Ah!

M. Lalonde: L'article qui prévoit qu'un député peut soulever une question de privilège lorsque les droits des parlementaires sont brimés.

Une voix: Quel numéro?

M. Lalonde: L'article 49, je pense, M. le Président. Il n'est pas suspendu, j'espère, par la motion matraque du leader du gouvernement. Est-ce que le leader du gouvernement se rend compte qu'à la façon dont il présente la chose les parlementaires n'auront pas le loisir d'étudier et même de changer les décrets, si j'ai bien compris la première réponse à la question du leader?

Le Président: M. le leader de l'Opposition, je considère le tout comme une question additionnelle. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: J'ai perdu la fin.

M. Lalonde: M. le Président, il parlait au souffleur dauphin du Parti québécois. Est-ce que j'ai bien compris, d'abord, de ce qu'il a dit sur les ondes ce matin à une émission à laquelle on participait tous les deux et de la première réponse qu'il a donnée à la question du député de Jean-Talon qu'il va falloir avoir la permission du ministre parrain pour changer les décrets? Est-ce qu'on va pouvoir changer, lors de l'étude article par article en cinq heures, les quelque 80 000 pages de décrets?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, les décrets, le gouvernement en porte la responsabilité. D'ailleurs, vous nous l'avez dit: Vous allez porter la responsabilité des décrets que vous avez déposés. Je crois qu'effectivement...

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: II y a un projet de loi no 105 qui fait l'objet d'une étude à l'Assemblée nationale en ce moment par l'ensemble des parlementaires. Nous allons discuter de ce projet de loi no 105 en commission plénière. Le député me demande: Est-ce que cela veut dire que nous aurons besoin de demander l'acceptation, par exemple, des ministres des Affaires sociales, de l'Éducation ou de la Fonction publique pour pouvoir faire ceci ou cela? Il est très évident que dans la mesure où l'Opposition, lors de l'étude article par article du projet de loi no 105, voudrait, par exemple, poser des questions au ministre de l'Éducation relativement à certaines des clauses qui sont prévues dans les décrets...

M. Lalonde: Pour changer les décrets. M. Bertrand:... les décrets, c'est la responsabilité du gouvernement. L'article 6 du projet de loi no 105, à ce point de vue, est formel. Dans ce contexte, cela n'empêche pas, au moment de la discussion de l'article 6 du projet de loi 105, à l'Opposition d'indiquer quel est son point de vue relativement à ces décrets et, partant de là, comme c'est la responsabilité de tout Parlement, de toute façon, elle fait ses propositions, elle fait ses suggestions, elle questionne les ministres et le gouvernement, par la suite, comme c'est sa responsabilité, puisque c'est la décision que nous avons prise, va devoir décréter un certain nombre de conventions collectives. Donc, dans la mesure où des suggestions positives, constructives, pertinentes pourraient venir de l'Opposition...

M. Rivest: Allons donc!

M. Bertrand:... rien ne dit que le gouvernement ne pourrait pas en tenir compte.

Le Président: Question principale, M. le député de Portneuf.

Perception des comptes à recevoir par le ministère du Revenu

M. Pagé: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. Des centaines, et je dis bien des centaines de milliers de personnes ont produit des rapports d'impôt au gouvernement du Québec. Ces rapports d'impôt ont été acceptés et reçus par le ministère du Revenu. La réponse du ministère du Revenu a été, dans la très grande majorité de ces cas: Nous acceptons votre déclaration telle que produite et vous n'avez rien à nous payer. Ou: Le montant qui a été versé en impôts est conforme à ce que vous nous devez. Or, dans des milliers de cas, le gouvernement du Québec revient en arrière pour des périodes allant aussi loin que vingt ans.

J'ai posé une question au premier ministre il y a quelques jours, lui demandant si le gouvernement entendait surseoir à cette démarche qui vise à récupérer des centaines de millions de dollars pour les coffres du ministre des Finances et du ministre du Revenu. Ceci a permis, selon ce qu'a confirmé le ministre du Revenu, de récupérer 372 000 000 $ d'argent qui n'était pas toujours nécessairement dû par le contribuable du Québec, nous avons demandé de surseoir, de fournir les informations aux contribuables et aussi d'accélérer la création d'un tribunal administratif qui permettrait un accès plus facile à ces citoyens qui sont poursuivis par le ministère du Revenu pour une défense pleine et entière de ces gens à un coût moindre. J'aimerais que le premier ministre nous indique aujourd'hui quels sont

les éléments de ces propositions, de ces solutions suggérées par l'Opposition qui sont retenus par le gouvernement du Parti québécois.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que le député a eu les réponses les plus précises qu'on puisse imaginer à la plupart de ses questions. Il est évident que, par simple souci d'équité fiscale, des gens qui doivent de l'argent aux coffres de l'État, pendant que, comme le dit le député lui-même ou comme il le laisse entendre, l'immense majorité, sinon la quasi-totalité des gens qui sont contribuables ont payé ce qu'ils devaient, les quelques milliers, c'est vrai, qui, depuis quelques années, doivent de l'argent et, dans certains cas, se sont défilés et, dans d'autres cas, cela peut être bien légitime, ils ne le savaient pas, mais ils le doivent quand même, par simple équité, je crois qu'il est nécessaire de percevoir cet argent. Il n'est pas question de surseoir. Pour ce qui est d'avoir peut-être le genre de tribunal administratif qu'évoque le député, cela reste une chose à étudier.

M. Pagé: M. le Président, question additionnelle.

Le Président: M. le député de Portneuf, question additionnelle.

M. Pagé: Je comprends que le premier ministre est bien occupé avec tous ces décrets et tout cela. Je voudrais porter deux cas à son attention. J'ai ici le cas d'une dame Lessard dont j'ai le numéro d'assurance-sociale, je suis prêt à le donner au ministre. Avant le décès de son mari, celui-ci a produit des rapports d'impôt et le gouvernement lui a répondu: Monsieur, vous ne nous devez rien. On accepte vos déclarations telles que produites. Or, après huit ans - le monsieur est décédé en 1974 -on réclame de cette dame et on soutient que son mari avait omis de payer une somme de 450 $ avec 350 $ d'intérêt à payer. On lui fait parvenir une mise en demeure et on lui intime l'ordre de payer dans un délai de 21 jours. Elle ne sait pas si le montant est dû.

Le Président: Question, s'il vous plaît1.

M. Pagé: Elle ne sait pas pourquoi c'est réclamé. On lui dit: Madame, si vous ne payez pas d'ici 21 jours, les avocats seront chez vous.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Pagé: Vous acceptez cela, M. le premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est cousu de fil blanc et c'est trop facile comme petit numéro de théâtre. Je ne sais pas ce qui est arrivé. Je ne connais pas le dossier. Je ne sais pas ce qui est arrivé, mais je suis sûr d'une chose, c'est que, comme tous les plaideurs - des fois le Parlement ressemble plus à un prétoire qu'à une chambre législative - comme tous les plaideurs, on passe à côté du dossier et on se dit: On va essayer de faire un "millage" avec cela. Je pense que le ministre du Revenu, qui est en charge de ces dossiers, pourrait donner certaines indications un tout petit peu plus équilibrées à la Chambre que ce que comportait la question du député.

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Marcoux: M. le Président, je voudrais bien pouvoir rendre public le résultat de la recherche que j'ai dû faire dans le dossier cité par le député de Portneuf. Pour faire cela il me faudrait le consentement de la personne impliquée. Ce que je peux dire à la Chambre c'est qu'après vérification de l'ensemble du dossier dont vous parlez le ministère du Revenu était dans son plein droit et que la personne impliquée avait signé un document qui reconnaissait cette dette au ministère du Revenu en 1974. Pour aller plus loin, toute la vérification de l'ensemble du dossier va rendre justice à cette personne.

Quant aux questions plus générales soulevées par le député de Portneuf, je peux lui dire qu'avant même qu'il suggère, il y a un mois, la création d'un tribunal administratif mon prédécesseur et moi-même avions déjà demandé aux autorités du ministère du Revenu d'examiner cette possibilité. Il y avait déjà un comité conjoint du ministère de la Justice et du ministère du Revenu dans lequel est représentée l'Association québécoise des fiscalistes qui examine les différentes possibilités pour faciliter les recours pour les citoyens. J'ai déjà indiqué qu'il était normal que nous envisagions des procédures pour faciliter le recours des citoyens qui peuvent contester les avis de cotisation émis par le ministère du Revenu. Il y a des recours qui existent actuellement. Il y a sûrement moyen de les améliorer. Une des possibilités est un tribunal administratif. Il y a aussi la possibilité des tribunaux judiciaires. Il y a différentes possibilités et nous les examinons actuellement. Ce n'est certainement pas en quinze jours ou trois semaines qu'on nous allons improviser de nouvelles méthodes alors que des possibilités de recours existent actuellement et que le citoyen connaît très bien. (10 h 30)

Quant au dossier fondamental - et là encore le député de Portneuf a essayé d'établir une confusion - il n'y a pas eu de nouveaux avis de cotisation émis. Ce que le ministère du Revenu fait actuellement depuis 1978 c'est de recouvrer les comptes à recevoir dont les avis de cotisation avaient déjà été émis depuis plusieurs années mais que les citoyens avaient omis de payer ou n'avaient pas payé. L'opération, qui a commencé en 1978, était pour recouvrer les comptes au-delà de 3000 $. Cela s'est poursuivi en 1979 et en 1980. En 1981, nous avons continué avec les comptes entre 1000 $ et 3000 $ et actuellement nous continuons avec les comptes entre 1000 $ et 3000 $ et les comptes inférieurs à 1000 $.

Je pense que le ministre des Finances, qui était ministre du Revenu à ce moment-là, a pris une décision correcte lorsqu'il a commencé cette opération de recouvrement de nos comptes à recevoir. C'est vrai qu'il y avait des comptes de douze ou quinze ans en retard. Mais quand même quand on commence à mieux administrer, à mieux gérer vous ne pouvez pas nous reprocher de mieux gérer et de faire en sorte qu'il y ait une meilleure équité entre tous les citoyens au niveau du traitement du ministère du Revenu. Je pense que c'est l'équité même entre les différents contribuables. Cette année - c'est ma dernière phrase - c'est 125 000 citoyens que nous contactons pour qu'ils fassent les remises dues. Sur 3 600 000 contribuables qui ont payé leurs impôts et qui les ont payés à temps, je pense que c'est une question d'équité fiscale seulement.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, une question additionnelle au premier ministre parce que je regrette mais le ministre du Revenu ne dit pas toute la vérité. Ce ne sont pas des comptes qui ont été envoyés pour ces années-là. J'ai le cas ici d'un travailleur autonome dans le comté de Portneuf. De 1969 à 1975 il a produit ses rapports d'impôt et le ministère lui a répondu que c'était conforme et régulier. Cette personne est décédée en 1975. On revient aujourd'hui auprès de la veuve, on réclame un montant de 7000 $ et par surcroît, on enregistre une hypothèque légale sur sa maison. Vous acceptez cela? Cela n'a jamais été réclamé. Je suis persuadé que ces gens ne vous le doivent pas.

Le Président: Question, s'il vous plaîtl

M. Pagé: Ils sont placés dans l'impossibilité de se défendre, parce qu'ils n'ont pas les documents...

Le Président: J'aimerais rappeler à tous les députés que l'article 165 précise que les questions doivent être d'intérêt général, ce qui implique que les cas particuliers ne doivent pas être discutés à l'Assemblée nationale du Québec.

M. Pagé: M. le Président, ma question sera générale et je suis prêt à donner les cas particuliers en privé au premier ministre. M. le premier ministre, acceptez-vous, comme chef du gouvernement, que votre gouvernement prenne des hypothèques légales sur la maison de femmes qui sont veuves et qui reçoivent des réclamations pour des montants dus il y a dix ans, montants qui ne sont pas nécessairement dus et pour lesquels il n'y a jamais eu de réclamation de la part de votre gouvernement? Acceptez-vous ces hypothèques légales et ce système de recouvrement inadmissible, par lequel vous allez chercher 370 000 000 $ dans les poches des contribuables en plus de vos nombreux impôts, vos taxes et tout le reste depuis une couple d'années?

Le Président: M. le ministre du Revenu. M. Marcoux: M. le Président... M. Pagé: Question de règlement. M. Marcoux: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le whip, sur une question de règlement.

M. Pagé: M. le Président, le règlement prévoit qu'un député peut poser une question au ministre et si le ministre ne veut pas ou ne peut pas répondre, il n'a qu'à le dire. Ma question s'adresse au premier ministre. C'est vous qui êtes chef du gouvernement.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): De façon extrêmement, je crois, spontanée, le ministre du Revenu s'est levé, peut-être un peu prématurément, parce que cela tombe sous le sens que ce que fait en ce moment le député de Portneuf, cela peut fournir deux ou trois potins de plus à ceux qui aiment cela, mais dans un domaine aussi délicat, qui demande autant de vérifications, ce que fait le député, le moins que je puisse dire, c'est que c'est cousu, encore une fois, de fil blanc. C'est pour voir s'il n'y a pas moyen de faire un peu de "millage" avec des cas qu'on n'a d'aucune façon la chance de vérifier. Il y a des gens qui viennent au bureau dans le comté. On en voit à toutes les semaines ou à toutes les deux semaines, qui arrivent avec leur cas. Curieusement, ces citoyens qui ont les deux pieds par terre, quand ils ont fini d'expliquer leur cas et qu'on leur dit: C'est un cas, nous donnez-

vous le temps de vérifier et on pourra se revoir quand on aura vérifié? ils comprennent tout de suite. Il y a seulement le député de Portneuf et d'autres démagogues du même genre qui font semblant de ne pas comprendre cela.

M. Pagé: Question de privilège! Question de privilège!

Le Président: M. le député de Portneuf, sur une question de privilège.

M. Pagé: Si la défense des intérêts de contribuables qui sont agressés par le gouvernement est de la démagogie, soit!

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Marcoux: M. le Président, je regrette que le député de Portneuf prenne une attitude aussi irresponsable que celle qu'il prend actuellement, puisque je peux dire que j'ai revu tous les cas soulevés en cette Chambre et rendus publics lors de la question avec débat du ministère du Revenu, et je peux dire que ce que le député de Portneuf vient de dire est complètement faux.

Des voix: Ah!

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai déjà dit qu'une différence... S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Pagé: Question de privilège. Une voix: Le porno.

Le Président: M. le député de Portneuf, une question additionnelle.

M. Pagé: Question de privilège, M. le Président. Le ministre du Revenu vient de dire que les faits que j'ai énoncés étaient faux. M. le Président, c'est grave, il veut dire que j'ai menti...

Des voix:... De l'impôt à la porno...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

J'entends tous les jours des députés, des deux côtés de la Chambre, dire que ce que tel député a dit est faux, que ce que tel autre député a dit, c'est faux. J'ai déjà dit, à multiples reprises depuis deux ans, que ces paroles, que ce genre de différence d'interprétation ou d'opinion ne constituent pas des paroles antiparlementaires, ne violent pas l'article 99 du règlement ni l'article 39. 2 du règlement, et que ça ne constituera jamais une question de privilège. Si vous voulez poser une question additionnelle, je vous l'accorde.

M. Lalonde: M. le Président. Je suis d'accord avec vous que si un député en cette Chambre dit que le gouvernement péquiste est le meilleur qu'on ait eu et que l'autre dit que c'est faux, ce n'est pas une question de privilège. Mais, là, nous avons un cas où un député dit qu'il y a un document qui dit...

Des voix:... Que c'est faux...

M. Lalonde: Oui, il a montré le document indiquant que c'est une hypothèque légale prise par le gouvernement sur la maison d'une veuve et le ministre vient de dire que le député avait trompé la Chambre. C'est très différent, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys et leader de l'Opposition, si j'ai bien entendu les paroles du ministre - celui-ci me corrigera s'il y a lieu - je pense qu'il n'a pas dit que le document était faux, il a dit que...

Une voix:... Il a dit qu'il avait...

Le Président: S'il vous plaît! Il n'a pas dit que le document était faux. Si tel est le cas, j'accorderai la question de privilège, mais j'ai compris que le ministre disait que les propos du député de Portneuf étaient faux et non pas le document.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement. Je m'excuse, je me suis sûrement mal exprimé et s'il y en a un autre qui n'a pas compris, naturellement je vais le répéter. Je n'ai pas dit que le ministre a dit que le document était faux, mais il a bien dit que le député avait trompé la Chambre en disant qu'une veuve s'était vu imposer une hypothèque de 7000 $ sur sa maison par le ministère du Revenu. Il s'agit d'une accusation grave, qui touche l'intégrité même du député.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, je n'ai pas entendu les mots "tromper la Chambre", je n'ai pas entendu le mot "veuve" et je n'ai pas entendu les mots "tel document est faux", que vous venez de lui attribuer, dans la réponse du ministre du Revenu.

M. le député de Portneuf, en question additionnelle.

M. Marcoux: M. le Président.

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Marcoux: Lorsque que j'ai dit que les propos du député de Portneuf étaient complètement faux, c'est lorsqu'il indiquait que le ministère du Revenu continuait à percevoir des comptes pour des montants qui

n'étaient pas dus au ministère du Revenu. C'est très clair.

En ce qui concerne les hypothèques légales, je connais suffisamment la Loi sur le ministère du Revenu pour savoir que la loi nous autorise à le faire et que, dans certaines circonstances, nous le faisons.

Le Président: Question additionnelle. M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je pense que c'est un sujet drôlement important. Je veux savoir de la part du ministre - si un bonhomme de Hull écrit à un responsable...

Le Président: Question, s'il vous plaît! (10 h 40)

M. Rocheleau: Ma question est là. J'ai son chèque payé par la banque, j'en ai la preuve. Vous lui réclamez ce montant.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Rocheleau: M. le Président, je pense que c'est important pour les citoyens du Québec. Il y en a 125 000 qui sont pris comme cela. J'ai un chèque payé d'un citoyen. Il a payé ses impôts. Comment cet individu peut-il faire? Il est harcelé encore aujourd'hui, il reçoit des appels téléphoniques de votre ministère. Il a écrit une lettre à votre ministère le 4 novembre, il n'a pas encore reçu de réponse. Comment peut-on l'informer? À qui faut-il qu'il fasse appel?

M. Bertrand: Question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Bertrand: M. le Président, si on se réfère à certains des articles de notre règlement, entre autres l'article 171 et à un autre article dont je ne me rappelle pas le numéro, mais qui se réfère à la possibilité qu'il y a sur des cas particuliers pour un ministre de répondre, je voudrais indiquer ceci: Bien sûr, je sais que le député de Hull n'est pas mal intentionné, bien loin de là, ni celui de Portneuf. La question qu'ils posent se réfère à un cas particulier. Le lundi, il arrive - je crois que c'est comme cela que c'est arrivé pour le député de Hull, comme pour le député de Portneuf, comme cela m'arrive, comme cela arrive au ministre de la Justice...

Le Président: Sur la question de règlement, s'il vous plaît!

M. Bertrand: M. le Président, nous recevons...

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Marcoux: Oui, je veux vous répondre, M. le député de Hull. Je crois que les autorités du ministère sont comme moi prêtes à examiner tous les dossiers qui nous sont présentés par tous les citoyens et, en particulier, par les députés, comme nous l'avons fait dans le passé. Vous connaissez comme moi les recours judiciaires qui existent. En plus, il y a le Protecteur du citoyen, auquel plusieurs citoyens ont recours lorsqu'ils sont insatisfaits des services qu'ils ont pu obtenir du ministère du Revenu ou qu'ils veulent, en somme, faire revoir et réviser leur dossier. Il y a plusieurs recours pour le citoyen, lorsqu'il croit qu'il y a une injustice qui est commise à son égard. J'ai déjà assuré les membres de cette Chambre que les fonctionnaires du ministère devaient procéder le plus humainement possible dans les recouvrements qu'ils devaient faire des impôts dus au ministère du Revenu. Je peux vous assurer que cette volonté est présente dans tout l'ensemble du ministère du Revenu. Quant à tous les dossiers particuliers qui peuvent être remis en question, je peux assurer tous les membres de cette Chambre que nous les regardons avec attention et que nous essayons de trouver les solutions les plus humaines dans le cadre du respect de la Loi sur le ministère du Revenu, qui est une des lois, comme vous le savez, les plus contraignantes votées par l'Assemblée nationale au cours des années.

Le Président: Question principale, Mme la députée de Chomedey.

Problème de pollution à la compagnie Tricil

Mme Bacon: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Environnement. J'espère qu'il ne qualifiera pas cette question de potin et qu'il la prendra sérieusement. Selon une étude faite par le ministère de l'Environnement, Tricil émet treize fois plus de particules dans l'air que les normes. Or, le ministère de l'Environnement a renouvelé le permis de Tricil, même s'il savait que les normes n'étaient pas respectées. Selon l'article 55 de la Loi sur la qualité de l'environnement, le permis vaut pour cinq ans, et Tricil aurait donc un permis jusqu'en 1986. Quelles sont les garanties imposées à Tricil pour avoir décidé le ministère de l'Environnement à émettre un permis de cinq ans, alors que le ministère savait que ses normes n'étaient pas respectées dans le cas des émissions de l'air.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: M. le Président, je n'ai pas coutume de qualifier de potins les questions qui me sont posées. En ce qui

regarde la firme Tricil, un permis a effectivement été émis à cette compagnie. À la suite de la mise en opération, on s'est aperçu que, finalement, les normes de rejet n'étaient pas respectées. Récemment, il a été par ordonnance enjoint à cette compagnie de voir à faire les réparations qui s'imposent pour que cette pollution aérienne cesse. Entre-temps, nous avons également demandé à des promoteurs de nous soumettre un projet de remplacement de façon que cette usine cesse de polluer la région. Nous sommes d'ailleurs en négociation avec Tricil sur le sujet traité dans l'ordonnance. Nous voyons à étudier les propositions qui nous ont été faites comme mesures de remplacement et nous verrons à ce que cette pollution cesse le plus tôt possible.

Le Président: Mme la députée de Chomedey, question additionnelle.

Mme Bacon: M. le Président, le ministre a émis une ordonnance qui touchait les déchets de chlore, de fluor et de BPC, mais non d'émission de l'air. Ma question au ministre est à cet effet. Même s'il a émis cette ordonnance, cela ne touchait pas l'émission de l'air et même si Tricil ne respecte pas l'article 55 de la Loi sur le ministère de l'Environnement qui prévaut pour cinq ans et qui dit que cette loi lui donne un permis de cinq ans, les émissions de l'air ne sont pas respectées. Le ministre le sait et cela n'est pas compris dans son ordonnance.

Est-ce que le ministre doit revoir cette ordonnance et obliger Tricil, lui demander des garanties concernant l'émission de l'air avant de lui donner - il aurait dû le faire -son permis de cinq ans?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: Je ferai remarquer à Mme la députée que l'ordonnance va tellement loin que, si la compagnie Tricil n'est pas en mesure de la respecter, elle devra tout bonnement cesser ses opérations et cesser toute forme de pollution.

Le Président: Mme la députée de Chomedey, question additionnelle.

Mme Bacon: Est-ce que le ministre peut me garantir que, dans l'ordonnance, on parle d'émission de l'air? J'ajouterais, en même temps: II n'y a pas que Tricil comme problème dans le Québec, il y a le cas de Saint-Michel, par exemple, le ministre a certainement dû être saisi - le député de Viau m'en parlait encore hier - des inquiétudes de la population concernant ce cas. Est-ce que le ministre a déjà commencé à travailler, à préparer une politique concernant la pollution de l'air sur le plan industriel?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: Le sujet dont on parle traite de l'élimination de déchets industriels qui, traditionnellement et presque partout en Amérique du Nord, se retrouvaient dans des rivières ou encore dans des lagunes et créaient des problèmes majeurs. La solution qui avait été apportée par Tricil, à l'époque, consistait à brûler ces déchets, mais à l'intérieur de normes très précises.

L'ordonnance que nous avons émise à cette compagnie vise à faire cesser l'usage qu'on fait actuellement de cet incinérateur et, je le répète, les exigences vont tellement loin que, si on ne respecte pas l'ordonnance, cela peut conduire à la fermeture de l'usine, donc, à la cessation de toute pollution aussi bien aérienne que d'autres.

Le Président: Dernière question additionnelle, Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Est-ce que le ministre peut déposer une copie de son ordonnance?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: Je vérifie et, dans la mesure où cela est possible, je le ferai avec plaisir.

M. Dussault: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de

Châteauguay, si je vous accorde cette question additionnelle, je ne suis pas convaincu de pouvoir reconnaître par la suite votre collègue de Verchères. Il reste trois minutes à la période des questions.

M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je pense que mon collègue de Châteauguay est concerné par le dossier.

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je suis tellement concerné par ce dossier et il me tient tellement à coeur que j'ai demandé que la compagnie Tricil sorte de Mercier. On ne me fera pas de leçon ici ce matin, M. le Président.

Ma question additionnelle au ministre est la suivante: II nous a dit tout à l'heure qu'il y avait eu un appel de soumissions à des promoteurs. Je voudrais savoir quand on peut espérer que le processus sera complété

et qu'il y aura désignation de la compagnie qui devrait normalement donner ce service à la population.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: La question du député porte sur une partie de ma réponse de tout à l'heure, à savoir que nous avions demandé à des promoteurs intéressés de nous soumettre des projets de remplacement d'une usine capable d'éliminer de tels déchets. Treize propositions sont entrées au ministère et les hauts fonctionnaires sont actuellement à étudier ces propositions. Nous en accepterons une, bien sûr, celle qui nous paraîtra la plus apte à régler le problème. Bien sûr, le promoteur retenu aura à nous désigner un endroit au Québec où il entend réaliser le projet qu'on lui a demandé.

Le Président: Question principale, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais demander au ministre de l'Industrie, du Commerce...

Une voix:...

Le Président: Non, j'ai très clairement dit qu'il restait trois minutes à la période des questions et que je n'étais pas convaincu qu'en accordant une question additionnelle au député de Châteauguay, je pourrais reconnaître par la suite le député de Verchères, mais, puisque la question et la réponse ont pris à peine une minute...

M. Rocheleau: II a cédé sa place.

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

II n'a pas cédé sa place mais sa priorité au député de Châteauguay.

M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président...

M. Lalonde: Je voudrais soulever une question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Est-ce que cela veut dire qu'on doit interpréter votre décision de la façon suivante: II pourrait y avoir des questions principales posées par des députés de l'Opposition et deux ou trois questions additionnelles à chaque question principale par des députés ministériels? (10 h 50)

Le Président: S'il vous plaît! M. le leader de l'Opposition, j'ai compris que le député de Verchères, sachant que le dossier en question concernait un de ses collègues, a permis que la question additionnelle soit posée, bien qu'il prenait le risque que sa question principale soit refusée en raison d'une question de temps. Comme la période des questions se termine à 10 h 52, j'avertis le député de Verchères qu'il reste environ une minute et trente secondes. Donc, question très brève avec un très court préambule et une réponse brève également.

Comité chargé d'étudier les problèmes de SIDBEC

M. Charbonneau: Faisant suite à la commission parlementaire concernant

SIDBEC, je voudrais demander au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui nous avait indiqué qu'il y avait possibilité qu'on mette sur pied - en fait, c'est une offre qu'il avait faite au syndicat des métallos - un comité tripartite ou bipartite, compagnie, syndicat et peut-être même gouvernement, s'il y a eu des suites à cette proposition. S'il y a eu des suites, où en est-on dans le dossier actuellement?

Le Président: Très rapidement, M. le ministre.

M. Biron: Oui, M. le Président. Nous avons divisé les activités du comité en deux, c'est-à-dire ce qui regarde l'exploitation minière et ce qui regarde l'exploitation manufacturière. Ensuite, il nous a semblé plus urgent de travailler à l'exploitation minière d'abord. Il y a eu plusieurs réunions de ce comité composé des représentants des métallos, des représentants de SIDBEC, de même que des représentants du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Nous avons chiffré les différents scénarios, en particulier celui de la production de 3 000 000 de tonnes. Nous avons analysé, étudié et identifié des économies à faire. Nous avons même entrepris des négociations avec nos partenaires pour voir si, ensemble, on pouvait en venir à changer les contrats et produire 3 000 000 de tonnes avec une économie considérable pour le gouvernement et pour l'entreprise SIDBEC-Normines.

Deuxièmement, aujourd'hui, on tient la première réunion du comité concernant l'exploitation manufacturière. On pense aussi que, dans ce domaine, il y aura lieu de voir ensemble comment on pourrait faire des économies appréciables dans l'exploitation.

Je veux noter, M. le Président, en terminant que c'est une expérience unique lorsque des dirigeants d'entreprises et des dirigeants de syndicats ouvriers peuvent travailler ensemble et étudier à fond les chiffres de l'entreprise. Jusqu'à maintenant, nous avons reçu une collaboration extraordinaire à la fois des métallos et des

dirigeants de SIDBEC. Je tiens à dire qu'ensemble nous allons pouvoir faire des choses pour trouver des solutions aux problèmes de SIDBEC.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. Ciaccia: Une brève question additionnelle.

Le Président: Brève question additionnelle, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je ne ferai pas de préambule. Si les propos que le ministre vient de tenir concernant la formation de ce comité l'ont été à la commission parlementaire, c'était une suggestion très positive. Si ces propos sont venus avant que le ministre et ses acolytes ne s'enfuient au milieu de la nuit pour ne pas discuter d'autres motions à la commission... Est-ce que le ministre pourrait s'engager maintenant à reconvoquer la commission parlementaire avant que les décisions finales soient prises et après que les renégociations que nous avons suggérées auront eu lieu, afin que le gouvernement puisse informer la population, par l'entremise de la commission parlementaire, de tout autre geste qui doit être posé quant à SIDBEC et à SIDBEC-Normines?

Le Président: M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, je voudrais simplement répéter ce que j'ai toujours dit en commission parlementaire et ici en cette Chambre. D'abord, le gouvernement ne pouvait assumer des déficits de 150 000 000 $. Il fallait trouver des moyens de diminuer ces déficits. On pense qu'en analysant en profondeur chacun des chiffres et que si chacune des parties fait certains sacrifices, on pourra réussir à diminuer ces déficits. Les décisions finales ne sont pas prises. Bien sûr, nous voulons voir tout le tableau avant. J'ai dit aussi en commission parlementaire qu'ici, en cette Chambre, une fois que les décisions seront prises, une fois que nous connaîtrons véritablement tout le tableau, avant d'arrêter nos décisions, il faudra revenir devant l'Assemblée nationale pour obtenir les fonds nécessaires à la poursuite des activités.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. French: M. le Président.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. French: Oui, M. le Président, mais c'est une demande de directive que je voudrais vous adresser.

Le Président: M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, au cours de la période des questions, j'ai soulevé une question de privilège parce que j'étais insatisfait du résultat quant à la jurisprudence. Je ne veux pas revenir sur le cas spécifique, mais je voudrais demander une directive. Je souligne au début que je pense qu'une telle situation peut se présenter autant pour un député ministériel que pour un député non ministériel.

Voici le cas. Il me semble que le point soulevé par le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas été reconnu formellement par la présidence et je suggère très respectueusement, connaissant votre souci, votre préoccupation...

Le Président: M. le député de Westmount, pourriez-vous me demander votre directive parce que je ne sais pas de quel point précis vous parlez?

M. French: C'est un peu présenté en question de privilège. Je suggère respectueusement que ça prendra un certain temps pour déblayer le terrain, si vous voulez. Lorsqu'un député fait une affirmation, qui est une question d'opinion, sur la performance de l'Opposition...

Le Président: M. le député de Westmount, s'il vous plaît! J'ai compris que vous vous êtes levé sur une question de directive. J'aimerais donc que vous me demandiez votre directive. Si je suis en mesure de rendre ma décision immédiatement, je le ferai; sinon, je la prendrai en délibéré. Votre demande de directive, s'il vous plaît!

M. French: M. le Président, j'essaie de vous expliquer la question de directive, si vous me le permettez. Ce n'est pas du tout pour mettre en cause l'autorité de la présidence, c'est tout simplement ce qui suit: Lorsqu'un député affirme certains faits et lorsqu'un autre député affirme que ce que le premier député a dit est complètement faux, je prétends qu'il y a, prima facie, un cas de privilège.

Le Président: M. le député de Westmount, je tiens pour acquis que vous rendez une décision vous-même alors que vous me demandiez une directive. Une demande de directive, c'est une demande d'opinion à la présidence sur un sujet déterminé. Je viens de me rendre compte que vous avez présumé de la réponse.

J'accepte votre demande de directive et je répète ce que j'ai déjà dit à plusieurs reprises et ce que j'ai dit aujourd'hui, qu'une différence d'opinion ou d'interprétation n'est pas, n'a jamais été et ne sera jamais une question de privilège. C'est simplement ce que j'ai dit dans le passé et que j'ai redit aujourd'hui. Les articles 49. 1 et 49. 2 demeurent, existent encore, et il peut y avoir de véritables questions de privilège, mais s'il fallait, chaque fois que les députés sont en désaccord sur l'interprétation ou l'opinion de certains faits, que ce soit une question de privilège, on passerait 45 minutes de notre période des questions à faire des questions de privilège qui n'en sont pas, du moins dans l'esprit de ceux qui ont conçu notre règlement.

M. French: M. le Président, lorsque vous dites qu'une différence d'opinion n'est pas en soi une question de privilège, j'en suis, mais je vous expose, tout comme je vous l'ai fait tantôt - c'est vrai, c'est une opinion, mais je vous la propose respectueusement - que lorsqu'un député affirme certains faits très précis et lorsqu'un autre député dit que ces faits sont complètement faux, le privilège du premier député est en cause et c'est un cas prima facie.

Le Président: Je tiens pour acquis que ce n'est pas une demande de directive et nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde en ce qui concerne les questions de privilège.

Fin de la période des questions.

J'ai reçu, à 22 h 14 hier soir, un avis de privilège de la part du député de Sainte-Marie qui se lit comme suit: "M. le Président, conformément à l'article 49 de notre règlement, j'entends soulever, avant les affaires du jour, une question de privilège suite à des révélations troublantes contenues dans les journaux depuis quelques jours et suite à une entrevue que j'avais accordée au Journal de Québec concernant le déroulement des négociations dans les secteurs public et parapublic. Les déclarations de M. Lucien Bouchard, faites aux médias d'information mercredi le 8 décembre et rapportées aujourd'hui, mettent en doute le bien-fondé desdites révélations. En conséquence, je désire protester et rétablir les faits. " C'est signé: Guy Bisaillon.

Je dois vous dire que je n'ai jamais l'habitude de rencontrer les députés qui soulèvent des questions de privilège mais, à la demande même du député de Sainte-Marie, qui est venu me rencontrer ce matin à 9 h 45, je lui ai demandé quel était le contenu de sa question de privilège. Après en avoir discuté avec lui, j'ai décidé qu'il ne s'agissait point, après avoir pris connaissance du contenu de sa question, d'une question de privilège et qu'il aura l'occasion, soit aujourd'hui ou demain, dans un discours de vingt minutes que le règlement de la Chambre lui permet, de soulever tous les faits qu'il voudra bien soulever à cette occasion.

Si le député de Sainte-Marie trouve qu'il y a une différence d'opinion entre ce que j'ai dit et la sienne, il pourra se lever et me corriger.

M. Bisaillon: M. le Président, je me soumets à l'opinion que vous m'avez donnée et que vous venez de livrer à cette Chambre, mais ce que je veux clairement établir, c'est qu'on ne pourra évoquer, au moment du discours de deuxième lecture, au moment où je soulèverai, dans mon discours de deuxième lecture, les faits que je voulais invoquer au moment de la question de privilège, la pertinence du débat pour m'empêcher de le faire. (11 heures)

Le Président: J'avais oublié, mais, effectivement, je pense que puisque vous parlez de négociations et puisque la loi 105 est une loi qui concerne des négociations et des décrets, vous aurez l'occasion, dans ce discours de 20 minutes, de faire valoir ce que vous voulez faire valoir.

Affaires courantes.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Question de privilège

Les votants sur l'urgence d'étudier le projet de loi no 105

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une intervention dans le plus fidèle respect du règlement de l'Assemblée nationale. Je vais d'abord vous demander une directive parce que je crains être dans l'attente d'une réponse qui irait dans le sens que mon intervention aurait dû être précédée d'un avis d'une heure. Ce que je veux invoquer, je viens tout juste d'en prendre connaissance en parcourant les journaux de ce matin. Ceci découle de faits qui sont survenus hier à l'Assemblée nationale au moment de la mise aux voix de la motion d'urgence concernant le projet de loi no 105. Comme député de Saint-Maurice et comme membre du gouvernement...

M. Lalonde: En vertu de quel...

Le Président: M. le ministre de

l'Énergie et des Ressources... S'il vous plaît! J'ai accepté deux cas identiques la semaine dernière. Je vais poser à M. le ministre les mêmes questions que j'ai posées au député de Brome-Missisquoi, la semaine dernière. À quel moment avez-vous pris connaissance pour la première fois des propos qui, d'après vous, devraient constituer une question de privilège? Est-ce que c'est la première occasion raisonnable que vous avez de soulever votre point? Lorsque vous aurez répondu à ces deux questions, je vous entendrai et jugerai par la suite s'il s'agit bien, ou non, d'une question de privilège. Je pense que tous les députés en cette Chambre se rappelleront que, la semaine dernière, le député de Brome-Missisquoi et un autre député ont répondu à ces deux questions et que je leur ai accordé leur question de privilège, puisque je n'ai aucune raison de mettre en doute la parole de quelque député sur le moment où il a appris les faits en question.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement...

Le Président: M. le leader de l'Opposition sur une question de règlement.

M. Lalonde:... simplement pour clarifier une chose. Loin de moi le désir d'enlever l'occasion au ministre d'exprimer son privilège, mais si c'est pour expliquer -ma question s'adresse au président - pourquoi il était absent lors d'un vote ou de l'autre, il y aurait 20 questions de privilège, M. le Président. Je compte sur votre vigilance.

Le Président: M. le ministre, j'aimerais tout d'abord que vous répondiez aux deux questions que je vous ai posées, s'il vous plaît!

M. Duhaime: Noblesse oblige, M. le Président. Je vous répondrai à vous d'abord et si vous le croyez utile, je pourrai répondre aussi au député de Marguerite-Bourgeoys. Dieu a voulu m'accorder une faculté de récupération, qui est peut-être due à ma jeune quarantaine, mais nous avons quitté ces lieux, ce matin, passé 2 heures. Le temps de me rendre chez-moi et de faire les choses que tout homme fait, j'ai pris connaissance des journaux, ce matin...

Le Président: S'il vous plaît: M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je suis bien prêt à admettre avec tout le monde à cette Assemblée que la vie publique a ses contraintes qui ne m'obligeront pas nécessairement à exiger d'autres et encore moins de moi de vous raconter toute ma vie privée. Ce que je voudrais vous dire simplement, c'est que j'ai pris connaissance des journaux 15 à 20 minutes avant d'entrer dans cette enceinte ce matin. C'est en répondant à votre question que je me trouve dans l'obligation et dans l'impossibilité physique de vous donner l'avis de 60 minutes qui, normalement, je crois, aurait été requis. Je crains, M. le Président, que mes droits et privilèges comme député, d'abord, et comme membre du gouvernement, dans un deuxième temps, ce matin, ne soient durement attaqués par plusieurs quotidiens qui, à partir d'événements qui se sont - un instant, je précise - produits lors de la mise aux voix, hier après-midi, de la motion d'urgence, et je prends à témoin les officiers du greffe de cette Assemblée - à l'appel de mon nom, personne n'a répondu. Ce matin, en lisant les journaux, ce fait est interprété comme étant une dissension ou un manque de solidarité envers le gouvernement, ce qui est faux, M. le Président. Je voudrais dire que ma tâche de ministre...

Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Duhaime:... ma tâche ministérielle comme responsable du ministère de l'Énergie et des Ressources m'obligeait, hier, à être à Trois-Rivières à la suite d'un engagement pris, il y a plusieurs semaines où, avec mon collègue...

Des voix:...

M. Duhaime: Cela va vous faire plaisir d'entendre le reste, j'en suis convaincu. Vous devriez attendre. Avec mon collègue, le ministre fédéral de l'Énergie et des Mines, M. Chrétien, nous avons souligné l'arrivée hier en Mauricie du gaz naturel en provenance de l'Alberta. C'est ce qui fait, M. le Président, que je n'accepte pas que les journaux lancent des manchettes le lendemain, à la suite de la mise aux voix d'une motion, qui viendraient dire que je ne suis pas solidaire du gouvernement.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, était-ce une question de privilège? Votre bienveillance est remarquable, mais, quand même, il y aurait 20 députés qui pourraient expliquer où ils étaient hier.

Le Président: Je pense qu'il s'agissait d'une question de privilège à partir du moment où on interprète l'absence d'un

député comme une dissension. Si, par contre, on ne fait que constater l'absence d'un député, ce n'est pas une question de privilège, mais, si on interprète cette absence comme étant une dissension, c'est une question de privilège. Si on constate l'absence de quelqu'un, ce n'est point une question de privilège.

Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît! Je pense avoir bien compris le ministre en disant que le journal ou les journaux avaient interprété ce fait comme étant une dissension.

M. Pagé: M. le Président, question de règlement pour une demande de directive.

Le Président: M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Le député de Saint-Maurice vient de soulever une question de privilège pour indiquer que son absence ne signifiait pas qu'il se désolidarise de l'équipe ministérielle. Est-ce à dire, M. le Président, que les 19 autres qui ne se sont pas levés ne sont pas en accord avec le gouvernement?

Le Président: S'il vous plaît! Je viens de répondre à cette question. S'il vous plaît! J'ai compris, dans la question de privilège du député de Saint-Maurice et ministre de l'Énergie et des Ressources, que, dans son cas précis, son absence avait été interprétée comme étant une dissension et c'est à cause, et uniquement à cause de cette raison, que j'ai permis la question de privilège. Si on n'avait fait que constater son absence sans l'interpréter comme une dissension, je n'aurais point accepté la question de privilège. Et je pense avoir le droit de soulever une autre raison. En plus du fait que, dans notre droit parlementaire britannique, connaissant le principe de la solidarité ministérielle, compte tenu du fait également que le ministre a allégué que son absence avait été interprétée par les journaux - que le président n'a pas lus, mais le président n'a pas le droit de mettre en doute la parole de quelque député que ce soit - je considère donc qu'il s'agissait d'une question de privilège.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Une demande de directive, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une demande de directive.

M. Bertrand: M. le Président, vous avez reconnu ce matin que le député de Saint-Maurice, ministre de l'Énergie et des Ressources, a soulevé, effectivement, ce qui s'appelle, dans le vrai sens du terme, une question de privilège, partant d'une lecture des journaux qui interprétaient son absence comme étant une façon pour lui de se dissocier de la position gouvernementale relativement à la motion d'urgence. Ma demande de directive est la suivante: La lecture de l'article qu'a faite le député de Saint-Maurice est aussi une lecture, M. le Président, qui a probablement été faite - je ne le sais pas pour le moment, puisque seul le député de Saint-Maurice s'est levé - par les autres collègues ministériels qui n'étaient pas présents au moment de l'enregistrement des noms. M. le Président - c'est le sens de ma demande de directive - dans la mesure où, effectivement, un tel article existe et interprète l'absence de ces personnes comme étant une façon pour elles de se dissocier de la position gouvernementale, nous prévalant du règlement, pourrions-nous, par exemple, demain matin, avant la période des questions, vous remettre, à vous, une lettre indiquant que ces personnes ou une personne au nom de ces personnes, puisque le règlement le permet... (11 h 10)

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, voulez-vous rappeler au leader du gouvernement que notre règlement contient un article qui permet à tous les députés de parler pendant 20 minutes sur la deuxième lecture de la loi que sa motion matraque a imposé à cette Chambre d'étudier?

Des voix: Ce n'est pas une question de règlement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas terminé; alors, vous pouvez vous asseoir. Chacun des députés...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde:... qui veut exprimer son désaccord ou son accord, expliquer son absence au vote, par exemple, a 20 minutes pour le faire. Là, toutes les petites parades du leader du gouvernement pour tenter d'excuser qu'il y a seulement 54 députés ministériels qui ont appuyé sa motion matraque, c'est inutile.

Le Président: Affaires courantes. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Question de directive, M.

le Président. Je n'ai pas terminé, M. le Président. Le député de Marguerite-Bourgeoys m'a interrompu sur une question de règlement, c'était son droit, mais ma demande de directive est pour vous demander si effectivement d'autres députés qui sont visés par l'article et dont l'absence est interprétée comme une façon de se dissocier de la position gouvernementale pourront, demain, se prévaloir de l'article qui leur permet de vous envoyer une lettre, une heure avant la période des questions et, par la suite, de rétablir les faits et d'indiquer que leur privilège a été brimé. On ferait ainsi en sorte que toute la liste des ministres et députés qu'on a dans les journaux ce matin ne soit pas interprétée -parce que c'est effectivement cela - comme une dissension avec la position gouvernementale, parce que l'ensemble de ces députés et ministres qui, s'ils avaient pu être ici, auraient voté avec le gouvernement là-dessus, ne pouvaient pas le faire.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Merci, M. le Président. Juste avant que le député de Saint-Maurice se lève pour soulever sa question de privilège, vous veniez, justement, de m'expliquer qu'une question de privilège que j'avais voulu soulever n'était pas en soi une question de privilège, mais surtout que j'avais l'occasion de le faire au moment de la deuxième lecture du projet de loi qui est devant nous, parce que cela avait un rapport avec les négociations. À partir du moment où une question de privilège a rapport avec le projet de loi même, est-ce que la façon du député de Saint-Maurice de démontrer qu'il est en accord avec le projet, ce ne serait pas, plutôt, d'être là au moment du vote? Je suis brimé, moi, là-dedans.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais répondre, tout d'abord, au député de Sainte-Marie.

Une voix: On a toute la journée, pas de problème.

Le Président: On en a peut-être pour une bonne partie, si on continue à demander des directives et à soulever des questions de règlement.

M. le député de Sainte-Marie, je vous répondrai tout simplement que j'ai appliqué au député de Saint-Maurice exactement la même règle et la même procédure que j'ai adoptée pour le député de Brome-Missisquoi, la semaine dernière, et pour un autre député. Je leur ai demandé si c'était la première occasion raisonnable qu'ils avaient de faire valoir leur point. Ils m'ont dit oui. C'est à ce moment que, répondant à cette question, j'ai entendu la question de privilège du député de Saint-Maurice et jugé que c'était une question de privilège, si son absence avait été interprétée, dans les journaux, comme étant une dissension.

En ce qui concerne votre question de privilège, je me souviens bien vous avoir dit - vous me corrigerez si je fais erreur - qu'il ne s'agissait pas d'une question de privilège, mais que vous auriez l'occasion, parce que le sujet était justement les négociations, d'en parler cet après-midi ou demain. Donc, la différence majeure - et je tiens à le dire pour que cela ne soit pas mal interprété -entre les deux cas, c'est que j'ai jugé que, dans votre cas, ce n'était point une question de privilège - et je vous reconnais le mérite de l'avoir reconnu vous-même, après que je vous l'aie déclaré - alors que, dans le cas du député de Saint-Maurice, j'ai décidé et j'ai jugé que c'était une question de privilège.

M. Duhaime: M. le Président, question de privilège.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: À la suite des propos que vient de tenir le député, j'allais dire de "Saint-Marie", je voudrais tout simplement lui dire ceci. Je voudrais faire mon intervention, non pas sur la question de privilège que j'ai soulevée tantôt, mais à la suite des propos que vient de tenir le député de Sainte-Marie. Je voudrais lui dire ceci, M. le Président, et je m'adresse à vous également: Si le député de "Saint-Marie" veut mettre son siège en jeu sur le nombre de voix enregistrées depuis novembre 1976, je suis prêt à mettre le mien en jeu ce matin parce qu'il est toujours absent de la Chambre.

Le Président: S'il vous plaît:

M. Bisaillon: Est-ce que c'était une question de privilège?

Le Président: Non, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Merci, M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît: M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais savoir de votre part si la réponse que vous avez donnée ou que vous n'avez pas donnée, je ne sais pas, au leader du gouvernement... Actuellement, je dois choisir si je dois poser ma question de privilège maintenant - peut-être qu'un certain nombre de mes collègues vont avoir à faire ce choix aussi - ou si on va décider de faire quelque

chose collectivement demain. Mais une chose est certaine, c'est que je dois savoir si je dois soulever maintenant une question de privilège ou si je dois le faire demain avec d'autres de mes collègues.

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce que chaque député tente d'établir ses droits, mais, si cela prend une suspension des travaux, cette farce, actuellement, suspendons et permettons au caucus de ramasser les pots cassés de la loi matraque d'hier.

Une voix: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président: S'il vous plaît! Pour répondre à la demande de directive et du député de Verchères et du leader du gouvernement, je vous dirai que personne n'est censé ignorer la loi, personne n'est censé ignorer le règlement de l'Assemblée nationale. Tout le monde connaît les articles du règlement, je présume. Envoyez vos lettres et nous verrons par la suite.

M. Charbonneau: M. le Président, dans ce cas, vous m'obligez à soulever ma question de privilège maintenant.

Le Président: M. le député de Verchères, je vous ai dit d'envoyer votre lettre et que la présidence jugerait plus tard.

M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Brièvement, M. le Président. Depuis 11 heures, des députés, contre l'esprit du règlement, croyons-nous, se lèvent pour se justifier. Avez-vous l'intention de laisser continuer ce petit jeu bien longtemps? On a autre chose à faire de plus utile, quant à nous, que d'écouter les excuses de ces députés.

Le Président: M. le leader du gouvernement, pour les affaires courantes.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais vous demander d'appeler l'article 7.

Projet de loi no 105

Reprise du débat sur la deuxième lecture

Le Président: J'appelle la reprise du débat sur la motion de M. Bérubé, proposant que le projet de loi no 105, Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public, soit maintenant lu la deuxième fois.

M. le leader de l'Opposition et député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je veux retenir les applaudissements et l'enthousiasme de la foule, parce que, comme je l'ai expliqué, à 1 h 45 cette nuit, j'ai demandé l'ajournement au nom d'un de mes collègues, ce sera le député de Nelligan.

Le Président: M. le député de Nelligan. M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, nous sommes tout à fait prêts à reconnaître avec le premier ministre, avec le ministre des Finances et avec les autres ministres qui l'ont évoquée, qu'il y a aujourd'hui une crise économique mondiale de première importance. C'est tout à fait exact, c'est tout à fait vrai. Nous serions naïfs de ne pas le reconnaître. Il y a une crise économique mondiale qui touche tous les pays du monde maintenant, même les pays qui jadis étaient les plus prospères, dont l'économie était la plus solide, la mieux établie. On peut parler de cette crise qui touche même des pays dont l'économie était à la pointe du progrès, l'Allemagne de l'Ouest, la Suède, les autres pays Scandinaves, le Danemark, la Hollande. Cela touche la France, cela touche même aujourd'hui le Japon qui était le pays le plus prospère du monde jusqu'ici. Cela touche la Suisse. Cela touche les États-Unis. Cela touche certainement le Canada dans une grande mesure. On connaît, justement, le grand déficit du fédéral. Cela touche chacune des provinces du Canada, y inclus le Québec. Il faudrait être très naïf pour ne pas reconnaître cela. (11 h 20)

En même temps, il faudrait aussi être très naïf pour ne pas reconnaître qu'au Québec nous avons une situation spéciale, une situation de crise économique double, une situation de deuxième crise, une autre crise économique en sus de la crise économique mondiale. Si la crise économique mondiale sévit dans certains pays comme l'Allemagne de l'Ouest ou le Japon depuis un an ou deux, elle se fait voir au Québec depuis assez longtemps déjà. En fait, on l'évoque depuis les cinq ou six ans que le parti ministériel est au pouvoir. On pouvait en voir les signes précurseurs depuis le moment même où ce parti a commencé à gérer le Québec. En fait, les causes de cette deuxième crise, de cette double crise, de cette autre crise économique sont dues fondamentalement à un sujet principal. Je demande à tous les membres qui sont ici d'essayer de penser à un seul pays où un gouvernement presque autonome au sein d'un grand pays cherche par tous les moyens qu'il

a en sa possession à déstabiliser l'ensemble du pays lui-même.

On peut penser, depuis la guerre, à quelques exemples d'une partie de pays qui s'est détachée de ce pays. Je peux parler, par exemple, du Bangladesh et du Pakistan, un des exemples très rares. On pourrait parler de la Bretagne qui essaie de se détacher de la France, mais la Bretagne n'a pas un appareil gouvernemental séparé. On aurait pu parler de l'Irlande du Nord qui est un cas tout à fait spécifique; en fait, c'est presque une colonie anglaise jusqu'à présent. Il n'y a pas un seul exemple, à part le Québec, d'une partie d'un ensemble qui se gouverne pratiquement elle-même dans toutes les matières comme son économie, son immigration, qui a des sujets d'autonomie tout à fait particuliers à elle et qui cherche en même temps à désagréger le pays dont elle fait partie. Comment l'économie du Québec peut-elle marcher quand tous les jours il fait la guerre à son principal interlocuteur économique?

Une voix: C'est vrai!

M. Lincoln: Comment peut-on dire qu'on collaborera avec le fédéral, avec tous les agents économiques fédéraux-provinciaux, quand, en même temps, on fait des programmes tel Ottawa-Crash, quand, en même temps, on dit tous les jours: Notre objectif principal et unique est la souveraineté du Québec? Quand on vient dire: Aux prochaines élections, c'est la souveraineté du Québec qu'on essaiera de faire, comment, entre-temps, peut-on réaliser des progrès économiques dans un ensemble où notre principal interlocuteur économique est le gouvernement central du pays auquel nous appartenons encore?

C'est cela, le point capital. Tout découle de cela. Si on part du principe que, dès le début de ce gouvernement en 1976, l'idée principale était de déstabiliser les relations avec notre principal interlocuteur économique, il est évident que notre affaire ne pouvait marcher. Si on ajoute à cela les plus grosses dépenses provinciales de n'importe quelle province du Canada, et de beaucoup, des dépenses presque incontrôlées, il est inévitable que ce gouvernement provincial subira une économie chancelante, et de plus en plus.

C'est facile à voir. Je vais vous montrer quelques petits dessins qui expliqueront cela de façon tout à fait logique. Il fut un temps où le Québec s'appelait la belle province. Je sais que cela ne s'appelle plus la belle province maintenant. Ce n'est plus de mise, c'est tabou; on n'appelle plus cela une province. Mais du temps où c'était une belle province, où l'économie marchait, où l'économie était stable - on peut voir que l'économie est la pierre d'assise de la balançoire - il y avait un équilibre entre les revenus et les dépenses, c'était assez équilibré. Tant que les revenus et les dépenses sont équilibrés, l'économie, qui en est la pierre d'assise, reste solide, bien ancrée et marche bien. Nous avions une province qui était stable, prospère.

Ensuite, comme dans toutes les économies - nous le concevons; cela arrive en Allemagne, au Japon, en France et dans toutes sortes de pays - il est sûr que, de temps en temps, il y a des nuages dans le ciel et on ne peut pas les éviter. Quand les nuages arrivent, le soleil brille un peu moins. Nous sommes d'accord que cela arrive de temps en temps. À ce moment-là, on fait un déficit conjoncturel. Un déficit conjoncturel, c'est lorsque, à cause d'une crise temporaire qui peut durer six mois, un an, il y a des dépenses qui commencent à déséquilibrer la balançoire de l'économie. Ces dépenses sont si lourdes ici qu'il faut faire des déficits conjoncturels. Alors, on emprunte de l'argent et on essaie de stabiliser la balançoire de l'économie. Mais cela est tout à fait acceptable et tout à fait normal. Par exemple, on pourrait commencer des programmes de création d'emplois et d'autres programmes ponctuels pour essayer de stabiliser l'économie. On crée à dessein un déficit conjoncturel.

Du moment que c'est dans la marge de manoeuvre raisonnable de notre économie et de nos revenus, c'est un principe tout à fait acceptable. Mais quand il arrive, comme au Québec, que la crise économique et que les déficits deviennent structurels, endémiques et se répètent d'une année à l'autre dans une proportion croissante du produit national brut, de tous nos revenus, de l'ensemble de nos biens et services, et que cela dépasse la norme, à ce moment-là, nous avons des problèmes fondamentaux. Voilà ce qui arrive.

Les dépenses, c'est le gros éléphant du Parti québécois depuis 1976. Alors, normalement, le gros éléphant, on ne verrait pas sa marque de commerce sur son ventre, mais les dépenses grossissent et on commence à voir son petit symbole qui apparaît, le symbole de la grosse dépense. Les dépenses commencent à devenir tellement grandes que la pierre d'assise de l'économie, de la balançoire, qui tient tout cela en place, commence à s'affaisser. La balançoire s'affaisse tellement d'un côté, parce que les dépenses dépassent tellement les revenus, que cela ne peut plus équilibrer la balançoire. On ne peut plus faire de déficits conjoncturels parce que cela dépasse tout. C'est tellement gros. Alors, la balançoire commence à s'affaisser. C'est cela qui nous est arrivé.

Quelle est la suite de cette situation? À un moment donné, la pierre d'assise qui retient la balançoire, l'économie, cela

s'affaisse, cela s'enfonce, cela se casse, cela se brise. C'est cela qui nous arrive au Québec depuis deux, trois, quatre et cinq ans. De plus en plus, l'éléphant, les dépenses péquistes, cela grossit. La balançoire se casse, l'économie s'enfonce. Le président du Conseil du trésor commence à suer à grosses gouttes. Il ne sait plus ce qu'il faut faire. Le ministre des Finances ne sait pas non plus ce qu'il faut faire parce que les revenus qu'il a en sa possession sont tout à fait dépassés par les événements, à cause des dépenses folles du parti au pouvoir.

Alors, on pourrait nous dire: Non, vous dites des bêtises. Mais il faudrait aller voir les chiffres. Si on compare avec la province voisine qui compte 2 400 000 habitants de plus que notre province - 2 400 000 habitants, c'est toute la population de la Colombie britannique et la nôtre - en 1976, les chiffres sont là pour le prouver, au Québec, nous dépensions, dans nos dépenses globales, 1 750 000 000 $ de moins que l'Ontario. C'était tout à fait normal. On compte une population moindre que celle de l'Ontario d'environ 2 000 000 d'habitants. Mais, petit à petit, avec le gouvernement de l'éléphant et son ministre des Finances qui dépensait à gogo, comme nous l'avons dit plusieurs fois, qui met des petits 50 000 000 $ dans Québecair, qui met des petits 175 000 000 $ dans la Société nationale de l'amiante, qui commande des petites dépenses, qui paie 43 000 000 $ par année pour le Directeur général des élections, etc., graduellement, les dépenses totales du Québec ont commencé à devenir parallèles à celles de l'Ontario jusqu'en 1980-1981 où, dans notre province qui compte 2 400 000 habitants de moins, nous dépensions, pour la première fois de notre histoire, sous le parti du ministre des Finances, le Parti québécois, 313 000 000 $ de plus que l'Ontario, annuellement.

(11 h 30)

En 1981-1982, on en est arrivé à 1 000 000 000 $ de plus que l'Ontario, 1 000 000 000 $ en chiffres exacts. En 1982-1983, c'est 508 000 000 $. Et ce n'est pas fini parce que le ministère des Finances, comme chaque année, a fait des erreurs de sur-estimation des revenus et de sous-estimation des dépenses. Ces déficits sont une erreur moyenne de quelque chose comme 400 000 000 $ par an. Déjà, on commence à entendre dire que les 3 000 000 000 $ de déficit seront dépassés, que ce sera 3 200 000 000 $, 3 500 000 000 $ et peut-être plus. C'est là la cause de toute l'affaire. Si, aujourd'hui, on en est rendu à changer des lois, à faire adopter des lois spéciales avec 35 000, 90 000 ou 100 000 pages de décrets pour cinq ans, quelque chose d'inacceptable pour un gouvernement qui est censé respecter sa signature, comme il l'a dit lui-même plusieurs fois quand il était dans l'Opposition, si on fait cela, c'est qu'on est dépassé par les événements. Si le ministre des Finances ne le faisait pas, s'il n'allait pas chercher 521 000 000 $ dans la poche des travailleurs par un procédé rétroactif de 109 décrets, à ce moment-là, le déficit du Québec, l'éléphant deviendrait encore plus gros et on ne verrait même pas le petit bout d'économie qui nous reste encore sortir de terre.

Hier, le ministre du Revenu nous disait: Vous, les libéraux, tout ce que vous faites, c'est critiquer. Vous n'avez aucune formule, vous êtes des négatifs, vous faites du négativisme, vous n'apportez rien de positif.

Une voix: C'est vrai!

M. Lincoln: II nous disait: Nous avons été chercher 1 000 000 000 $ par des coupures budgétaires. Nous avons été chercher 521 000 000 $ par nos décrets. Nous avons fait ceci et cela. Est-ce positif de faire des décrets et d'aller chercher 521 000 000 $ à rencontre de la signature donnée? Est-ce positif de faire des coupures budgétaires? Ce qui serait positif, ce serait d'avoir un autre genre de gouvernement. Nous allons vous en dire, des choses positives. Si, demain matin, il y avait un changement d'attitude au Québec, tout changerait, comme cela s'est produit après le référendum lorsque la construction a commencé; 800 000 000 $ de construction à Montréal.

Ce qu'il nous faut ici, au lieu d'un gouvernement de confrontation, c'est un gouvernement de coopération; au lieu d'un gouvernement d'arrogance, comme vous, un gouvernement de tolérance; au lieu d'un gouvernement de rigidité, un gouvernement de flexibilité; au lieu d'un gouvernement de réglementation à outrance, un gouvernement de concertation; au lieu d'un gouvernement de petitesse, un gouvernement de souplesse; au lieu d'un gouvernement de paperasserie, de bureaucratie, de tracasserie, un gouvernement de démocratie; au lieu d'un gouvernement de grandes dépenses, un gouvernement de bonne gérance; au lieu d'un gouvernement de la collectivité, un gouvernement de l'individualité; au lieu d'un gouvernement à l'esprit de clocher, un gouvernement d'universalité; au lieu d'un gouvernement de sommets et de pamphlets sans nombre et à outrance, un gouvernement de la réalité; au lieu d'un gouvernement de l'absurdité et des dépenses folles, un gouvernement de la prospérité.

Je vais vous montrer la formule qui ferait qu'on n'aurait pas besoin de décrets, qu'on n'aurait pas besoin de lois spéciales, de vos sept lois spéciales, vous qui vous dites de grands sociaux-démocrates. Voilà ce qu'il va falloir faire. Je vais vous montrer la formule positive que le ministre du Revenu

cherchait hier. Voilà la formule positive. On prend un gouvernement, le gros L pour libéral, on envoie le ministre du Revenu et le ministre des Finances, qui ont fait des erreurs et des déficits de 400 000 000 $ chaque année, d'année en année depuis 1976-1977, aux douches. Aux douches! Là, ils auront une douche froide et ils vont savoir ce que c'est pour les gens de vivre sous le seuil de la pauvreté, eux qui dépensent à gogo et comme des fous. Il faut bien regarder cela. On les prend, eux, et on les envoie aux douches. Le plus tôt sera le mieux pour le Québec.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Lincoln: Voilà ce qu'on va faire. On va recommencer à bâtir. On va prendre l'éléphant du Parti québécois et on va le coffrer. On va essayer de le resserrer pour que son ventre diminue, son ventre plein de dépenses folles, inutiles et absurdes. On va le mettre dans son coffre et on va recommencer à bâtir l'économie. On va prendre la pierre de taille qu'est l'économie, qui avait été brisée par le Parti québécois et enfoncée dans la terre de plus en plus, jusqu'à ce qu'on n'en voie plus rien, avec votre déficit monstre, on va retirer cette pierre de taille de la terre et on va rétablir la situation. On va commencer le système de la balançoire, on va revenir un petit peu en arrière, on va vous dire: Voilà, c'est bien simple à faire. On va faire cela. On va rebâtir. On va remettre le gouvernement positif qui va faire de l'économie la balançoire normale qu'il devait être avec un équilibre des revenus et des dépenses. Vous allez me demander comment? Le jour où on sera au pouvoir, le revenu va remonter en flèche parce que avec nous, les investisseurs qui cherchent la stabilité, qui cherchent la certitude, qui cherchent la souplesse, qui cherchent l'ouverture sur le monde, ils vont revenir, ils vont réinvestir; les revenus vont monter parce que les gens vont avoir confiance une fois de plus. Ils n'iront pas chercher la puce comme vous, ils n'iront pas chercher la petitesse et l'arrogance comme vous. Ils vont revenir. Nos revenus vont monter. Les dépenses, nous allons les coffrer, nous allons cesser la folie de vos dépenses de fous.

On ne va pas investir pour l'idée de mettre notre petite fleur de lys sur un avion de Québecair. Cela va coûter 50 000 000 $. On ne va pas investir dans la Société nationale de l'amiante si on n'a pas d'argent. On va étirer les coûts de la Société nationale avant et de Québecair dans la poche des travailleurs pour 521 000 000 $. On va être des gens de bon sens. On va être axé sur le progrès économique du Québec. On va faire une question positive, et nous, on va vous remonter la belle province comme elle était avant. On ne va pas avoir peur de la belle province. On va regarder notre interlocuteur principal qui est le gouvernement fédéral avec un esprit constructif de concertation. Si on n'est pas d'accord, on le dira. Si on est d'accord, si on peut profiter de cet atout d'un gouvernement central, on le fera avec positivisme.

Nous vous disons, nous, tous vos salauds de décrets, toutes vos 90 000 pages, vous aurez beau les adopter, cela vous donnera un soi-disant cinq ans de sursis. Mais ce ne sera pas un sursis. Je pense que c'est un sursis factice, tout à fait hypocrite, qui va dire aux gens: La signature donnée, cela ne compte plus avec le gouvernement du Québec. Là, on vous redit: On va changer ce gouvernement. On va remplacer les sommets et les pamphlets par la réalité. On va remplacer l'absurdité et les grandes dépenses par la prospérité. On va remplacer le Parti québécois par un gouvernement libéral et toutes ces folies vont cesser.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Transports.

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, après cette intervention du député de Nelligan, je pense que les mots qu'on peut retenir, les arguments qu'on peut retenir sont en résumé les suivants: Le gouvernement est fou, il est absurde, les dépenses sont monstrueuses. Il a utilisé à plusieurs reprises l'excellent argument, etc., comme si cela allait ajouter au poids de ses arguments. Il s'est servi de tableaux qui me rappelaient une époque que je croyais terminée au Québec, où on se servait de caricatures, de tableaux. Cela me rappelait un peu un ancien député qui a siégé ici et qui représentait un comté de l'Abitibi. Franchement, je vous dirai qu'après avoir écouté le député de Nelligan, j'avais l'intention de lui répliquer. À part avoir fait des allusions désobligeantes à l'égard du gouvernement, comme c'est probablement son droit de le faire, je n'ai trouvé finalement rien de vraiment substantiel à quoi répliquer, si ce n'est une chose: C'est qu'il fait essentiellement remonter le début de la crise économique, des difficultés financières que connaît le gouvernement actuel, à l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, laissant entendre que c'est à compter de ce moment que les dépenses ont augmenté de façon énorme, qu'on aurait embauché beaucoup de fonctionnaires, que la bureaucratie se serait alourdie, qu'on aurait contribué à étrangler le secteur privé.

Je voudrais lui souligner simplement un certain nombre de critères auxquels on peut se référer pour juger justement de la

performance des gouvernements. Alors que la croissance des dépenses sous l'ancien gouvernement de 1970 à 1976 atteignait, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, 20% d'augmentation par année, sous notre gouvernement, la moyenne aura été d'environ 10% ou 12% de croissance annuelle. Par ailleurs, en ce qui concerne le nombre de fonctionnaires, alors que de 1970 à 1976 on avait connu un accroissement considérable du nombre d'employés de l'État, en ce qui nous concerne, de 1976 à 1982, il n'y a eu aucun accroissement du nombre de fonctionnaires. Il y en a même 5000 de moins. (11 h 40)

En ce qui concerne l'écart entre les salaires payés aux employés du secteur public et du secteur privé, encore là, par les conventions collectives négociées en 1979 pour les deux premières années de cette convention, l'écart a été considérablement réduit de 16% qu'il était à 11%.

Dans le fond, M. le Président, à l'occasion de l'adoption de cette loi exceptionnelle, la plupart des orateurs libéraux, comme vient de le faire le député de Nelligan, s'attarderont seulement aux causes immédiates de la venue de cette loi. La plupart des gens porteront aussi un jugement sur notre gouvernement, sur le comportement de l'Opposition et sur celui des centrales syndicales, en fonction des événements qui se sont déroulés au cours des dix ou douze derniers mois. Une telle façon d'analyser la présentation de cette loi amènera dans certains cas, malheureusement, des gens à blâmer tantôt les syndicats pour leur appétit soi-disant trop vorace, égoïste, tantôt à blâmer le gouvernement actuel pour la manière dont il s'y prend pour tenter de sortir de la crise économique; d'autres, enfin, condamneront l'Opposition pour avoir simplement tenté de blâmer, comme vient de le faire le député de Nelligan, le gouvernement à tort et à travers sans vraiment prendre position sur le fond de la situation, du problème qui se pose à nous. Une telle approche, M. le Président, à mon avis, a ceci de regrettable qu'elle conduit inévitablement des Québécois et des Québécoises à se blâmer mutuellement, à s'accuser de tous les torts respectivement sans vraiment chercher à trouver les causes plus profondes et plus lointaines de la situation que nous vivons maintenant.

Sans prétention, n'étant pas un spécialiste des conventions collectives, non plus qu'un spécialiste en histoire budgétaire et politique du Québec, j'aimerais m'attacher à une explication plutôt historique de l'évolution du Québec au cours des 20 dernières années, afin de mieux comprendre comment nous en sommes venus à la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant et pour laquelle ni les syndicats ni le gouvernement ni l'Opposition ne sauraient porter seuls le blâme. En effet, la situation dans laquelle nous nous trouvons m'apparaît trop complexe pour être explicable par des raccourcis, comme vient de le faire le député de Nelligan, ou par un blâme à l'endroit d'un groupe donné de notre population. Une situation aussi sérieuse ne peut non plus être le résultat de quelques mois d'égarement de qui que ce soit.

En fait, pour bien comprendre la situation actuelle, il faut, je crois, remonter à la fin des années cinquante pour jeter un coup d'oeil sur l'état de la nation québécoise et de son gouvernement au tournant des années soixante. Les principales caractéristiques de la société québécoise et de son gouvernement au tournant de 1960 étaient à peu près les suivantes: L'économie québécoise était peu développée, tant sur le plan industriel, agricole que sur le plan économique en général. Les richesses naturelles du Québec étaient exploitées presque exclusivement par les autres. L'instruction publique et l'éducation en général étaient très limitées. Nous étions largement en retard par rapport à d'autres sociétés occidentales. Tout le domaine des services hospitaliers, des services de santé et des services sociaux était soit à la charge des communautés religieuses, soit à peu près inexistants puisque la santé était, à cette époque, un bien commercial. Les programmes dits de sécurité sociale s'appelaient encore programmes d'aide aux mères nécessiteuses et aux aveugles. Le gouvernement du Québec administrait un budget très modeste, autour de 500 000 000 $ pour l'année 1960. Il n'y avait pas beaucoup de taxes, pas beaucoup de déficits et très peu d'emprunts pour financer le gouvernement du Québec. Finalement, en ce qui concerne les employés du gouvernement du Québec ou de tout le secteur public et parapublic, comme les commissions scolaires, les hôpitaux, ils étaient mal payés, sous-payés, quand il ne s'agissait pas tout simplement de "vocations", comme on disait, qui se consacraient bénévolement dans des communautés religieuses ou autres à l'avancement de notre société sur le plan de l'éducation ou au soulagement de la misère dans le domaine social et de la santé.

Depuis 22 ans, les différents gouvernements qui se sont succédé à Québec ont changé tout cela. Malgré des erreurs de parcours auxquelles nous avons malheureusement collectivement attaché souvent plus d'importance qu'à nos succès, je crois que nous pouvons dire à ce moment-ci de notre histoire que nous pouvons être fiers des pas de géant que nous avons franchis dans tous les secteurs de l'activité humaine au cours du dernier quart de siècle. En effet, dans tous les secteurs que j'ai mentionnés, malgré les formidables handicaps qu'a imposés au gouvernement du Québec le

régime fédéral, un régime à deux paliers de gouvernement dans lequel nous vivons, notre société est parvenue à marcher, quand ce n'est pas à courir, sur à peu près tous les fronts, en avançant toujours à un rythme maximal par rapport à sa capacité réelle. Par exemple, dans le domaine économique, le Québec de 1982 ne ressemble en rien à celui de 1960. Avec l'appui des institutions publiques québécoises, un secteur public très important s'est développé, axé principalement sur le développement de nos richesses naturelles et la transformation de celles-ci chez nous.

De plus, l'État québécois a consacré une part importante de ses ressources au développement de notre agriculture et de nos entreprises industrielles dans de nombreux secteurs. Mais, pendant ce temps aussi, le gouvernement du Québec a dépensé, en termes d'immobilisations, des milliards de dollars pour s'équiper convenablement en matière d'institutions d'enseignement, d'institutions hospitalières, de services de santé et de services sociaux. En fait, d'une société sous-développée en matière de services de santé, de services hospitaliers, de services sociaux et d'instruction publique, le Québec est passé du dernier rang, ou à peu près, des sociétés occidentales, au peloton de tête dans tous les secteurs reliés à l'enseignement public primaire, secondaire, collégial et universitaire, de même que dans les services de santé et les services sociaux.

Cela ne s'est pas fait tout seul, cela s'est fait avec nos impôts et avec nos taxes. Cela ne s'est pas fait non plus sur le dos des employés de ces secteurs. Au contraire, eux aussi, de quelques milliers qu'ils étaient sous-payés, ils sont devenus aujourd'hui des centaines de milliers. En termes de salaires, de quasi-bénévoles qu'ils étaient, ils sont devenus des travailleurs dont les conditions d'emploi sont considérées comme des plus avantageuses quand on les compare aux conditions des employés du secteur privé au Québec ou à celles des employés occupant des postes comparables ailleurs dans le monde occidental.

Les employés du gouvernement du Québec comme tels, ceux qu'on appelle les fonctionnaires, ont connu aussi la même évolution. Le Québec peut compter aujourd'hui sur une fonction publique importante, compétente, bien rémunérée. Elle évolue dans des conditions qui n'ont pas de commune mesure avec ce qui prévalait il y a 20 ans et même, la plupart du temps, très avantageusement comparables à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Finalement, pendant toutes ces années, les mesures de sécurité sociale n'ont cessé d'être améliorées par tous les gouvernements, de sorte que, comme collectivité, que ce soit en termes d'assurance-maladie, de régime de rentes, d'aide sociale, de supplément au revenu du travail, de HLM, de Commission de la santé et de la sécurité du travail, d'accidents automobile et dans quoi d'autre encore, nous sommes l'une des sociétés les mieux pourvues en instruments de lutte contre la misère et la pauvreté. Cela ne veut pas dire pour autant que nous sommes parfaits et qu'il n'y a plus rien à faire dans chacun de ces secteurs. Cela signifie simplement, cependant, que des ressources financières énormes ont été consacrées, par tous les Québécois, à notre avancement dans chacun de ces domaines.

On dit souvent que nous sommes l'une des sociétés les plus imposées du monde occidental et cela est vrai. Cela s'explique par la détermination farouche de tous les gouvernements qui se sont succédé au Québec, depuis 20 ans, pour faire avancer notre société sur le plan économique, sur le plan culturel, sur le plan de l'éducation, sur le plan de la santé, sur le plan social et sur le plan politique. Nous n'avons pas marché vers le développement, nous avons couru vers lui et, pour ce faire, nous sommes allés constamment à la limite de nos capacités de payer, de notre capacité d'emprunter et de notre capacité de faire face aux changements, de nous moderniser.

J'arrive ici à ce qui me semble être le coeur même de l'explication de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Pendant 20 ans, nous nous sommes développés à un rythme accéléré, de façon encore plus précise, nous avons développé d'une manière très accélérée notre secteur public non seulement en termes de nombre, mais également en termes de conditions offertes à ce secteur public, de sorte qu'aujourd'hui 52% du budget de l'État québécois est consacré à la masse salariale du secteur public.

En procédant comme nous l'avons fait depuis 20 ans, d'une manière aussi fulgurante, il était inévitable que nous soyons vulnérables face à une crise économique. Pour nous assurer de notre développement, nous sommes allés constamment au maximum de ce qu'il était possible d'emprunter pour financer des immobilisations et des infrastructures de toutes sortes. Nous sommes allés à la limite de la taxation pour financer des services d'instruction publique, de santé, de services sociaux, de sécurité sociale et pour bien rémunérer tous ceux qui y travaillaient. Mais, comme tout ce qui grandit, tout ce qui pousse rapidement, cela était fragile et basé surtout sur une progression constante de notre développement économique présumé. (11 h 50)

Tant que le produit intérieur brut, c'est-à-dire notre richesse collective, allait en s'accroissant, il n'y avait pas trop de problèmes. Les dépenses du gouvernement pouvaient s'accroître rapidement en

escomptant d'avance que la richesse collective continuerait dans les années suivantes à s'accroître aussi rapidement. Voilà que depuis août 1981, nous faisons face, comme l'ensemble du monde occidental, à la pire crise économique depuis la dernière guerre. Au lieu de s'enrichir, le monde occidental s'appauvrit. Nous aussi, comme tout le monde, dans ce contexte économique, nous nous appauvrissons. Les revenus de l'État, au lieu d'augmenter, diminuent. Les programmes sociaux, à cause de la crise, coûtent de plus en plus cher. Les intérêts à payer pour les investissements que nous avons consentis depuis 20 ans ont plus que doublé depuis les dernières années. Le gouvernement fédéral, aux prises avec un déficit débridé, refile d'énormes factures au Québec, et en sept ou huit mois, dix ou douze mois, d'une situation vulnérable, le Québec passe à une situation critique qui impose un réalignement d'une ampleur exceptionnelle de ses dépenses pour traverser la crise. Nous avons donc dû, dans un premier temps, nous attaquer avec acharnement à la compression des dépenses du gouvernement. De cette façon, en deux ans, nous sommes parvenus à éliminer plus de 1 500 000 000 $ de dépenses que nous aurions normalement dû consentir sans cet effort pénible de rationalisation des dépenses.

Dans un deuxième temps, pour pallier le manque de revenu de la péréquation fédérale et tenter de faire face à des dépenses accrues au chapitre de la sécurité sociale, le gouvernement a augmenté de façon très importante un certain nombre de taxes directes ou indirectes, notamment en doublant la taxe sur les carburants.

Voilà que la crise économique autour de janvier 1982, loin de se résorber, s'accélère et voilà que le Canada entre dans la récession: nouvelle augmentation du coût de l'aide sociale, nouvelle prévision à la baisse des revenus. Nous sommes allés à la limite de notre capacité de diminuer les dépenses sans abolir des programmes complets.

Il devient, à ce moment, évident que la masse salariale de l'État, qui représente à elle seule 52% du budget du gouvernement du Québec, ne peut être indexée de 14% tel que prévu au 1er juillet 1982 et à la fin du mois de décembre qui se termine. Tous les indicateurs économiques sur la base desquels avaient été signées les conventions collectives de 1979 tournent à la catastrophe. C'est ainsi que, devant cette réalité inéluctable, le gouvernement a décidé en avril dernier de proposer aux centrales syndicales du secteur public de rouvrir les conventions collectives au 1er juillet dernier. Le choc a probablement été trop grand, tant sur les syndiqués que sur les syndicats. Une réalité aussi dure, aussi pénible, aussi grave ne s'accepte pas facilement. On voudrait y échapper. Nous aurions voulu y échapper, mais elle demeure. Voilà ce qui explique probablement le fait que, malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à convaincre les syndicats de l'absolue nécessité imposée par la crise de réviser les augmentations de salaire prévues pour juillet dernier.

C'est pourquoi, afin d'assumer pleinement ses responsabilités devant une réalité aussi cruelle, le gouvernement a dû faire adopter la loi 70 afin de s'assurer qu'il pourrait boucler son budget au 31 mars 1982 sans augmenter, soit les impôts dans un ordre de grandeur semblable à celui de la taxe sur les carburants, ou encore augmenter un déficit qui a déjà atteint la limite du raisonnable.

On dit souvent que gouverner c'est prévoir. Si le gouvernement pouvait prévoir que la crise se terminera le 31 mars prochain, il n'aurait pas à proposer la loi que nous avons devant nous. Comme les prévisions ne permettent à personne de rêver que l'économie battra des records de développement pour les deux ou trois prochaines années, il serait irresponsable pour le gouvernement de berner ses employés ou la population en laissant croire que nous pouvons passer à côté de la dure réalité qui nous confronte. Il nous faut à tout prix augmenter notre productivité dans le secteur public. Il nous faut ralentir la croissance de la masse salariale de l'État à un niveau tolérable pour les contribuables. Il faut éviter, par une nouvelle augmentation des impôts, d'étrangler le secteur privé de notre économie car ce serait à proprement parler tarir la source à laquelle le gouvernement s'alimente.

En d'autres mots, il nous faut faire les constatations suivantes. Le Québec est une société qui s'est développée à pas de géant depuis 20 ans. Ce développement phénoménal, surtout dans le domaine public, a maintenu les finances de l'État et, finalement, l'État tout entier, dans une situation de vulnérabilité quasi constante. Une crise économique majeure est venue rendre critique cette situation vulnérable, mais il est possible de s'en sortir. Pour repartir du bon pied, cependant, il faut absolument rationaliser nos dépenses de toutes sortes, y compris nos dépenses en matière de masse salariale et de productivité qui représentent, encore une fois, à elles seules 52% du budget total de l'État.

Je pense que c'est par là, M. le Président, que passe la relance de l'économie du Québec et la relance de l'ensemble de l'activité du Québec. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Richmond.

M. Yvon Vallières

M. Vallières: M. le Président, j'ai écouté très attentivement le ministre des Transports qui nous a fait état d'une certaine histoire, d'une certaine époque, nous ramenant de 1982 à 1950.

Je vous entretiendrai personnellement d'une histoire un peu plus rapprochée, celle de 1976 à 1982. Nous voici en cette Chambre afin d'étudier un projet de loi qui représente, à mon humble avis, peut-être un des gestes les plus mal posés par ce gouvernement. C'est, je crois, un triste jour pour le Québec, un jour sombre pour les travailleurs québécois. Je me demande si, au fond de leur coeur, mes collègues du Parti québécois sont fiers d'eux, si, aujourd'hui et un peu plus tard quand nous voterons cette loi, mes collègues seront heureux de leur performance.

Je suis de ceux qui, en 1975-1976, assistaient aux négociations. J'étais membre de l'Assemblée nationale. Je me souviens qu'à l'époque j'avais risqué l'expulsion de mon syndicat à la suite des positions que j'avais prises à l'endroit d'un dirigeant syndical. Je continue de croire aujourd'hui, comme, probablement, l'immense majorité des Québécois, que nos travailleurs du secteur public bénéficient d'excellentes conditions de travail. Devons-nous pour autant conclure qu'il faille maintenant renverser la vapeur? Devons-nous, comme nous dit le gouvernement péquiste, reculer?

Le ministre des Transports nous disait tantôt: II nous faut ralentir. Si la loi 105 constituait vraiment un ralentissement, nous ne serions probablement pas obligés de siéger en pleine nuit afin de permettre l'adoption de ce projet de loi.

Ce que nous propose ce gouvernement ce n'est pas de ralentir, c'est de reculer. Cela me fait penser à un chauffeur d'autobus qui, parce qu'il prend de l'avance sur l'horaire dans son trajet, au lieu de ralentir sur son parcours ou de faire des arrêts prolongés, décide de reculer son autobus pour rattraper son horaire. C'est assez rare que cela se fasse; pourtant, c'est ce que nous propose le gouvernement du Parti québécois.

Tout le monde le reconnaît, il y a un certain écart qui sépare le secteur privé du secteur public, mais ne devrions-nous pas envisager une démarche civilisée afin d'effectuer le rattrapage requis? D'ailleurs, de quel écart s'agit-il, de quel ordre est cet écart? Pour le même travail effectué dans les secteurs public et privé, cet écart est-il de 5%, de 10%, de 15%, de 20%? Il n'y a pas d'entente là-dessus, mais il m'apparaît logique de vous dire qu'à mon humble avis il n'appartient certainement pas seulement à l'employeur de déterminer l'ordre de grandeur de cet écart. M. le Président. C'est pourtant ce que le gouvernement actuel a décidé de faire. Il fixe lui-même cet écart qui sépare le secteur privé du secteur public. Il s'agit là, à mon avis, d'une démarche sauvage qui contraste avec celle que je vous proposais, soit une démarche qui devrait être davantage civilisée. (12 heures)

Dans ce secteur comme dans bien d'autres, le gouvernement a décidé qu'il avait la vérité et que lui seul l'avait. Il est le seul juge en la matière. Ces mêmes gens qui, en 1975, disaient que le gouvernement libéral maltraitait ses employés, qu'il volait les travailleurs, s'il ne leur accordait pas des augmentations salariales de 30%, ces mêmes gens qui décident maintenant de couper les salaires qu'ils ont déjà eux-mêmes consentis aux travailleurs, dans la convention de 1980, juste avant le référendum, comment qualifieraient-ils cette opération à laquelle ils se livrent?

Une voix: C'est épouvantable!

M. Vallières: À du vol au carré, M. le Président. Les gens d'en face disaient, en 1980, qu'ils avaient signé la meilleure convention collective, la plus belle convention collective qui ait jamais été signée dans le secteur public. Aujourd'hui, ces mêmes gens parlent un autre langage.

Nous avons eu devant nous la loi no 70 et nous avons maintenant le projet de loi no 105. Ce sont deux lois qui démasquent hors de tout doute l'hypocrisie de ce gouvernement. Ceux qui, en 1973, 1974, 1975 et 1976, qualifiaient les péquistes de gens purs, nous les rencontrons aujourd'hui sur la rue et ils nous disent que la pureté péquiste est maintenant devenue de la pure hypocrisie péquiste. Il y a eu un changement de comportement de la part des péquistes et il y en a aussi de la part de la population. La loi no 70, adoptée malgré l'Opposition du Parti libéral, est une loi irresponsable. Elle nie le principe même de la négociation. Cette loi permet au gouvernement de renier la signature qu'il a lui-même apposée au bas des conventions collectives.

Une voix: C'est incroyable!

M. Vallières: De plus, elle est injuste parce qu'elle fait payer à une seule catégorie de travailleurs au Québec tous les dégâts financiers que nous a amenés ce gouvernement. De plus, cette loi contourne le Code du travail et modifie, de façon unilatérale, les conditions de travail des employés du gouvernement.

Je vous disais tout à l'heure, M. le Président, qu'il semblerait que ce gouvernement a le monopole de la vérité. Par sa loi no 70, ce gouvernement a prolongé la durée de la convention collective jusqu'au 1er avril 1983 et fixe les conditions

de travail jusqu'à cette date. Comment être d'accord aujourd'hui avec le projet de loi que nous avons devant nous? Ce gouvernement a renié sa signature, mais non seulement il ne se limite pas à cela, il n'a pas respecté la convention qu'il a lui-même signée, il passe outre à sa propre loi no 70 et il vient avec une autre loi, la loi no 105, fixer les conditions de travail avant l'expiration de cette convention qu'il a lui-même décrétée par la loi no 70. C'est tout simplement honteux et inacceptable. On ne peut le qualifier autrement.

Seul un gouvernement qui a complètement perdu les pédales est capable de pareilles bassesses. Seul un gouvernement en totale déroute est capable d'un geste aussi antitravailleur. M. Charbonneau, le président de la CEQ, disait récemment - je pense que cela résume assez bien l'état d'esprit des travailleurs québécois - que la meilleure façon de décrire ce gouvernement, c'est d'indiquer qu'il est le plus grand rapetisseur de Québécois qu'ait connu le Québec.

J'ai eu l'occasion, au cours des dernières semaines en particulier, de faire quelques sondages dans mon comté, de vérifier avec les travailleurs, entre autres ceux du secteur privé, ce qu'ils en pensaient et comment ils réagiraient si, unilatéralement, leur employeur décidait de fixer leurs conditions de travail et de fixer leurs salaires à la baisse. Je ne vous répéterai pas toutes les réactions. Plusieurs ne sont pas citables en cette Chambre. Mais, une fois la réaction de fureur passée, un travailleur m'a dit que, dans le but d'aider sa compagnie à traverser la crise, il serait prêt, par exemple, à un gel de son salaire. Il m'a dit: Un gel de six mois. Je lui ai répondu: Si ton employeur te dit: Non, je ne veux pas un gel de six mois. Le travailleur m'a dit: Peut-être un an. Je lui a dit: Si ton employeur te dit: Non, pas pour un an non plus. Le travailleur m'a dit: Pour un an et demi, j'accepterais que mon salaire soit gelé. Là, je lui ai dit: Ce n'est pas suffisant encore. Ton employeur refuse, il te dit qu'il te coupera 20% de ton salaire. À ce moment-là, le travailleur m'a dit: II s'agit d'un vol, d'une provocation.

Des voix: C'est cela.

M. Vallières: Et c'est ce que nous propose le gouvernement que nous avons devant nous. Je veux que la population sache que les travailleurs du Québec ont offert à ce gouvernement, comme base de négociation, le gel de leur salaire sur une période de temps à discuter, à négocier, chose à laquelle a refusé de se plier le gouvernement actuel, mais il y a plus que cela, plus que ces questions de principe, il y a aussi le fait que la situation dans laquelle se retrouve ce gouvernement est celle qu'il a lui-même créée par son incompétence.

Comment se surprendre que ce gouvernement soit allé vendre notre droit de veto à rabais lors des négociations? Il a commis là une maladresse historique et il se prépare à en faire une autre. Le gouvernement que nous avons devant nous n'est pas un négociateur, c'est un provocateur. Le gouvernement que nous avons devant nous n'est pas un négociateur, c'est un voleur.

Une voix: Bravo! Bravo!

M. Vallières: Ce gouvernement, incompétent au plan constitutionnel, incompétent au plan des relations du travail, est aussi le gouvernement le plus incompétent qu'ait jamais eu le Québec au plan économique. L'incompétence de ce gouvernement à résoudre les problèmes économiques du Québec est à la base du refus de négocier avec ses employés. Où nous conduit ce gouvernement depuis 1976? Les dépenses budgétaires sont deux fois plus élevées. Le déficit budgétaire est trois fois plus élevé en 1982 qu'en 1976. La dette nette du gouvernement a plus que triplé. Le service de la dette a quadruplé et les dépenses courantes financées par emprunt ont sextuplé. Six fois plus de dépenses courantes sont financées par nos emprunts.

Si, depuis six ans, tous ceux qui nous écoutent avaient financé leur épicerie par des emprunts, on sait qu'il y a longtemps qu'ils seraient bénéficiaires de l'aide sociale; cela ne fonctionne pas. Quand on parle de cela à nos électeurs, ils nous disent: Avec tant d'argent, avec tant d'emprunts, qu'est-ce que le gouvernement a fait? Qu'a-t-il fait avec ces sommes? Nous sommes dans l'obligation de leur indiquer, si le gouvernement du Parti québécois quittait son poste actuellement, quel serait l'héritage qu'il laisserait. Nous devons leur dire que cet héritage, au moment où on se parle, est de 400 000 chômeurs, 350 000 assistés sociaux, 11 000 faillites entre janvier et octobre 1982. Dans la région de l'Estrie, M. le Président, votre région et ma région, 14 000 assistés sociaux, 17% de chômage. Contrairement à la députation péquiste de l'Estrie, comment voulez-vous que je sois fier de ce tableau? Comment ne pas dénoncer l'attitude de ce gouvernement et son incompétence?

Je pourrais également, si le temps me le permettait, vous citer toute une série de folles dépenses dans lesquelles le gouvernement s'est engagé. Je vais laisser à d'autres de mes collègues le soin de le faire, mais je tiens à vous rappeler qu'un investissement touche particulièrement notre région, celui de l'achat d'Asbestos Corporation: acheter une mine d'amiante et

ne créer aucun emploi!

Une voix: Très intelligent!

M. Vallières: On pourrait vous parler des dépenses pour Québecair, tout près de 50 000 000 $. On pourrait vous parler de l'achat de la mine Joe Mann, que le gouvernement a fait dans le bout de Chibougamau, et qu'il a été obligé de noyer par la suite. Je laisserai mes collègues faire des précisions là-dessus. Je vais cependant vous parler de l'attitude de nos collègues du Parti québécois en cette Chambre. Ils nous parlent de corvée nationale; certains nous en parlent, d'autres nous disent qu'il faut songer aux plus démunis de notre société, mais la plupart se taisent et se contentent de voter servilement avec ce gouvernement. (12 h 10)

Je suis d'accord avec certains qui nous disent qu'il faut protéger les plus démunis, mais je trouve surprenant d'entendre aujourd'hui nos collègues péquistes tenir ce langage. C'est une vraie surprise. C'est une révélation. Depuis bientôt deux ans, en cette Chambre, M. le Président, je ne les ai jamais vus se lever pour défendre les gagne-petit, les travailleurs, les assistés sociaux, les chômeurs, les personnes âgées. À vrai dire, ils ont raté toutes les chances, toutes les occasions de le faire en cette Chambre. C'est ce qui me fait douter de leur parole, aujourd'hui, ces paroles qui visent très probablement plutôt à respecter une stratégie péquiste qui consiste à monter un groupe contre un autre groupe, les bons Québécois contre les mauvais Québécois, les bons travailleurs contre les mauvais travailleurs. C'est le style de ce gouvernement.

Les occasions ont été nombreuses pour les députés d'en face de se lever et de défendre les intérêts des gagne-petit. Qu'on songe à la taxe sur l'essence, cela vise tout le monde. Qu'on songe à l'augmentation des tarifs d'électricité, à l'augmentation de la taxe de vente, à l'augmentation des tarifs d'immatriculation, à l'augmentation des prix dans les chambres d'hôpitaux, à l'augmentation du péage sur les autoroutes. Ce n'étaient pas là de bonnes occasions d'intervenir pour les gagne-petit et d'éviter qu'on les égorge davantage? De plus en plus, ces gens du Parti québécois se lèvent et nous disent vouloir défendre les gagne-petit. C'est purement par stratégie, parce qu'à chaque fois qu'il y a quelque chose de concret en cette Chambre qui leur permet d'éviter qu'on vienne égorger leurs contribuables, M. le Président, ils se contentent de voter servilement des lois qui nous sont amenées par le ministre du Revenu qui devient l'homme de main du ministre des Finances, comme nous le savons.

Ce gouvernement qui nous a affaiblis au plan constitutionnel, qui a réussi à détruire une bonne partie de l'entreprise privée au Québec, qui est en train d'affaiblir le secteur public, qui égorge les contribuables et qui condamne les autres, soit au chômage ou à l'assistance sociale. Quelle sera sa prochaine victime? C'est la question qu'il faut se poser. Une autre question qu'il faudrait se poser, c'est: Ce projet que nous avons devant nous, une fois adopté, où va-t-il nous conduire? Avec quel genre de troubles sociaux, par exemple, pourrions-nous être aux prises au cours du mois de janvier, au cours du mois de février, M. le Président? Il ne faudrait pas être surpris qu'en janvier ou février, cette Chambre doive être convoquée d'urgence afin de régler les problèmes sociaux importants qu'aura provoqués ce gouvernement avec sa loi 105.

M. le Président, je veux ici vous lire une lettre que j'ai reçue du Syndicat des enseignants de l'Estrie et qui, j'espère, va faire en sorte que les députés péquistes en Estrie prennent la parole sur le sujet, afin qu'on connaisse leur point de vue. Elle dit ceci - c'est signé par M. Michel Hall, président: "Monsieur, les propos du premier ministre ont eu des effets très provocateurs dans les rangs du Syndicat des enseignants de l'Estrie. Nos membres sont très fortement agressifs envers un gouvernement qui s'apprête à renier sa signature et à imposer par décret les conditions de travail et les salaires de ses employés. Nous avons déjà avisé les députés péquistes de la région que nous prendrons tous les moyens nécessaires pour que les prochaines élections sonnent le glas de leur carrière politique, s'ils s'avisent de voter favorablement un tel décret. " M. le Président, j'entends les gens d'en face me dire qu'il s'agit de chantage.

M. le Président, s'il s'agit de chantage, je défie les députés péquistes en Estrie: Au cours de la semaine qui vient, nous pourrions obtenir un débat public avec les députés péquistes de l'Estrie afin qu'ils viennent expliquer aux syndiqués du secteur public qu'ils font du chantage. Ce n'est pas du chantage qu'ils font. Ils revendiquent leurs droits. Ces gens d'en face, qui continuellement nous disent être les défenseurs des travailleurs au Québec, qu'attendent-ils pour se lever pour une fois et défendre véritablement les intérêts de ces travailleurs? On entend...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, à l'ordre! M. le député de Richmond, votre droit de parole. Vous devrez terminer dans deux minutes.

M. Vallières: Oui, M. le Président, et je veux conclure. Je vous disais tantôt que je pensais que probablement plusieurs des députés péquistes en face ne devaient pas être fiers au fond de leur coeur. Quand je

les entends rire comme ils le font, parce qu'on défend les travailleurs du Québec, je n'ai plus aucun doute et je ne me pose même plus la question. Je les entendais, à tour de rôle, nous dire qu'il y avait urgence d'agir, qu'il y avait urgence dans ce secteur. Je peux vous dire qu'après avoir parlé avec beaucoup de mes électeurs, - on parle d'élections possibles en 1985, vers la fin de votre mandat - les gens nous disent: Cela va être trop long. Et ils me disent que l'urgence première au Québec, c'est que votre gouvernement aille devant le peuple rendre des comptes et qu'il demande à la population ce qu'elle pense véritablement de l'incompétence à laquelle vous nous avez conviés depuis votre élection en 1976.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Limoilou.

M. Raymond Gravel M. Gravel: M. le Président... Une voix:... gros canon.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Gravel:... je ne dérange pas souvent les intervenants dans cette Chambre. Je pense que vous devriez me laisser parler. En toute honnêteté, vous devriez. Fermez-vous. Nous sommes saisis ici aujourd'hui d'un projet de loi qui a pour but de déterminer les conditions de travail applicables à nos employés pendant les trois prochaines années. Comme travailleur syndiqué, j'aimerais intervenir quelques minutes pour apporter mon point de vue dans ce débat. Pourquoi le gouvernement est-il obligé de légiférer aujourd'hui pour fixer les conditions de travail de ses employés? Vous allez comprendre que ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on accepte comme législateurs de considérer une telle mesure, mais gouverner, c'est faire des choix qui ne sont pas toujours faciles à faire. Il y a des membres de ma propre famille qui sont touchés durement par cette crise. Ils sont touchés aussi par les coupures budgétaires. Permettez-moi de n'en nommer que quelques-uns. Ma propre épouse, quatre de mes enfants, des frères et des soeurs, des belles-soeurs, des neveux et des nièces, huit sur onze personnes de mon exécutif de comté, une foule de membres de mon parti et mes ex-compagnons de travail. Pensez-vous que si on avait eu le choix, on n'aurait pas fait autrement? Mais par contre, on a tenté d'exempter une grosse partie de la majorité des employés d'hôpitaux. Je pense que ce sont eux qui ont à peu près les plus petits salaires dans le front commun. Je donne des exemples. Il y a 56 285 salariés qui ne seront pas touchés du tout. Il y a 27 724 qui vont être touchés de 0 à 5%, ce qui fait un total de 83 000. Il y a, ensuite, à 5%, 3431, ce qui fait un total de 87 240 employés, des petits employés, qui vont être touchés ou à peu près pas.

Ce serait facile pour moi aujourd'hui de profiter de cette occasion pour me faire du capital politique. Ce serait très facile. Je n'aurais qu'à me lever ici en cette Chambre et dire: M. le Président, je suis contre la loi 105 et vous pouvez être assuré que demain, je ferais les manchettes des journaux. J'aurais des tapes dans le dos de la part des syndicats... (12 h 20)

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Si vous voulez parler, veuillez retourner à votre fauteuil.

Des voix: II ne sera pas longtemps.

M. Gravel:... qui me diraient: Gravel, tu as du courage. Mais moi, je pense que ce ne serait pas du courage, ce serait un manque de loyauté envers mes concitoyens qui m'ont donné un mandat pour défendre les plus démunis de notre société. C'est pour cela que je n'hésite pas à dire que ce ne serait pas du courage, ce serait plutôt de la lâcheté si je faisais cela.

Pour moi, le courage c'est de faire ce que je fais aujourd'hui, défendre les plus démunis de cette société. Et qui sont les plus démunis de cette société? Les 200 000 personnes qui ont perdu leur emploi depuis un an, parce que la conjoncture économique a cassé depuis un an. Ce sont ces 200 000 personnes qui viennent dans nos bureaux pour nous demander du travail. Ce sont 10 000 à 12 000 personnes qui, à tous les mois, viennent nous voir pour avoir du travail et qui deviennent bénéficiaires de l'aide sociale.

Un gouvernement, ce n'est pas une entreprise comme une autre, c'est simplement avec les impôts et les taxes qu'on redistribue équitablement à la population. En fin de compte, lorsque 200 000 personnes perdent leur emploi, au lieu de rapporter des revenus au gouvernement, elles sont plutôt des charges pour le gouvernement. Par contre, nous tentons de prendre nos responsabilités et nous allons continuer à les prendre, quoiqu'en dise l'autre côté de la Chambre.

Je vais vous rapporter des notes du discours que j'ai prononcé en juin et vous verrez jusqu'à quel point elles sont d'actualité aujourd'hui. Je disais ceci: Certains se sont demandé ce qu'il advient du préjugé favorable que le gouvernement entretient envers les syndicats. Moi, je pense que c'est envers les travailleurs que le

gouvernement doit entretenir un préjugé favorable et non pas envers les centrales syndicales ou uniquement envers les travailleurs syndiqués. Pendant que les ressources financières du gouvernement sont affectées au traitement de ces employés syndicaux, combien de chômeurs attendent qu'on leur donne la chance de travailler? Combien de travailleurs du secteur privé vivent actuellement dans l'angoisse d'une mise à pied temporaire ou définitive? Moi, comme travailleur, je ne peux pas rester insensible à cela. J'ai appris, dans le passé, à être solidaire des décisions démocratiques de mon syndicat. Aujourd'hui, comme député, je suis obligé d'être solidaire de l'ensemble des travailleurs de ma circonscription, syndiqués et non syndiqués.

Dans mon comté comme ailleurs, il y a des bénéficiaires d'aide sociale, il y a des chômeurs qui donneraient n'importe quoi pour travailler. Ils ne luttent pas, eux, pour la sécurité d'emploi, ils ne luttent pas, eux, pour l'enrichissement, ils ne luttent pas non plus pour l'avancement d'échelon. Ce qu'ils veulent d'abord et avant tout, c'est ce qu'il y a de plus légitime sur cette terre, pouvoir gagner leur vie honorablement. Bien sûr, les syndiqués des secteurs public et parapublic ne sont pas responsables de la situation économique que nous vivons actuellement. Il ne s'agit pas d'en faire les boucs émissaires de cette crise et de leur faire supporter seuls le fardeau de cette crise. Mais on ne peut pas faire payer la crise aux plus démunis de notre société non plus.

Je demande donc aux syndiqués et aux syndicats de considérer que la solidarité, en période difficile, doit s'étendre à tous les travailleurs et non pas seulement à ceux qui sont les mieux protégés.

M. le Président, hier, j'ai été estomaqué d'entendre le député de Marguerite-Bourgeoys qui disait à peu près ceci, qu'il était temps de changer de gouvernement pour mettre de l'ordre dans les finances publiques. C'est à peu près ce qu'il disait. Vous avez la mémoire très courte. Je vais vous la rafraîchir. Le député de Marguerite-Bourgeoys, je vais lui rappeler qu'en 1976, avec 102 députés sur 110, le Parti libéral déclenchait des élections précipitées. Pourquoi? Parce qu'il avait réussi, en pleine expansion économique, à mettre le Québec en faillite. Je pense que nous n'avons pas de leçon à recevoir de ces personnes, surtout pas du député de Marguerite-Bourgeoys.

En voyant agir l'Opposition dans ce débat, je peux lui dire ceci: Que jamais la population vous permettra de venir vous asseoir ici à notre place tant que vous prendrez cette position. Tous et chacun d'entre nous vivons naturellement dans cette société québécoise. Nous avons aussi des devoirs à remplir. Lorsque notre société a des problèmes, comme ceux que nous vivons présentement, comme travailleurs, nécessairement comme toute société dans le monde occidental, l'Opposition peut faire croire à la population que c'est uniquement au Québec qu'on vit des problèmes économiques comme ceux d'aujourd'hui. Je lui rappellerai que le gouvernement canadien, avec ses 24 000 000 000 $ de déficit, a aussi des problèmes économiques. Allez-vous appeler cela une société canadienne en santé? Je ne pense pas.

En terminant, j'aimerais souligner que les solutions les meilleures sont souvent celles qui demandent le plus de courage. Gouverner, c'est gérer des ressources limitées pour répondre à des demandes qui sont illimitées. C'est donc l'art de faire des choix. Nous avons fait le choix de la majorité. On a choisi de protéger l'ensemble des Québécois. Ce n'est peut-être pas le choix le plus facile aujourd'hui, mais demain, on admettra qu'on a eu le courage de faire ce qu'il fallait faire pour assurer le mieux-être des Québécois. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: Un discours de deuxième lecture sur la loi 105 porte sur les principes de la loi. Or, il me semble qu'il serait plus facile de regarder contre quels principes la loi 105 joue, principe de la libre négociation, principe du respect ou du non respect des engagements gouvernementaux, principe du non respect de la législation du Parlement comme tel, puisque le gouvernement, par la façon même dont le projet de loi est réglé, demande au Parlement de se prononcer les yeux fermés sans être au courant de l'impact et des données contenues dans le projet de loi. Principe aussi qui va à l'encontre du Code du travail, bien sûr, et d'un certain nombre de lois qu'on modifie dans le même sens, dans le même coup, dans la même foulée sans qu'il y ait nécessairement urgence de modifier en même temps d'autres lois que celles qui nous touchent actuellement. Qu'est-ce qui a pu amener un gouvernement aussi prometteur et aussi rempli d'espoir pour les Québécois à agir de cette façon? Bien sûr, du côté de quelques stratèges gouvernementaux, c'est aujourd'hui la conclusion d'une vaste opération de marketing, mais pour d'autres et pour une très grande majorité dont je ne veux aucunement mettre en doute la bonne foi, ni la sincérité, c'est la conclusion d'une grande période d'illusions et de naïveté. (12 h 30)

Avant de faire appel aux 74 députés

québécois qui sont à Ottawa, les Québécois seraient peut-être en droit de faire appel aux 72 députés du Parti québécois qu'ils avaient élus en 1976 pour répondre à des objectifs précis. Qu'est-ce qui nous avait... J'aurai l'occasion de parler au député de Mille-Îles tantôt, M. le Président.

M. Champagne: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mille-Îles.

M. Bisaillon: Ce n'est pas le député de Mille-Îles, je m'excuse.

M. Champagne: Je m'excuse, M. le Président. On m'a cité ici dans cette Assemblée et j'étais muet. Je voudrais qu'on fasse une rectification.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je m'excuse auprès du député de Mille-Îles. Effectivement, j'ai fait une erreur que j'admets beaucoup plus rapidement, d'ailleurs, que celles qu'on commet de l'autre côté. Je me suis trompé, je m'adressais à un autre député dont je ne me souviens absolument plus du comté, probablement parce qu'on n'en parle jamais.

Qu'est-ce qui a amené cette opération de marketing gouvernementale, cette attitude naïve, quant à moi, et illusoire de la part des autres députés ministériels? D'abord, un choix net, clair d'affrontement choisi par le gouvernement. Aujourd'hui, on fait appel à la bonne volonté et à la solidarité, alors qu'hier on a choisi des modes d'action qui nous amenaient clairement et inéluctablement à l'affrontement. On a toujours placé les syndiqués des secteurs public et parapublic devant des barrières au moment où on donnait, pourtant, l'impression, à l'extérieur, qu'on était tout ouvert et tout prêt à les rencontrer et à discuter.

Dans un premier temps, on a tenu un discours d'affrontement en disant: II y a beaucoup d'assistés sociaux, il y a beaucoup de chômeurs, et, de l'autre côté, il y a des gens trop bien payés, avec des conditions de travail supérieures à celles qui existent au Canada. Ce parallèle qu'on faisait à l'époque a entretenu dans la population l'impression que les deuxièmes étaient responsables des malheurs des premiers. Qu'on se contente aujourd'hui de dire: Bien sûr, ils ne sont pas responsables, quant à moi, je dis que c'est un discours qui arrive trop tard.

Deuxième aspect de la théorie de l'approche d'affrontement du gouvernement: dans un premier temps, on annonce, par une conférence de presse faite par une autre personne qu'un ministre, une orientation gouvernementale qui visera la récupération de salaires avant la fin d'une convention collective. Par la suite, recul, en disant: On respectera nos conventions collectives, mais on passera la loi 70. La loi 70 disait: Si vous n'êtes pas prêts à accepter ce qu'on vous demandait d'accepter en avril, la loi 70 s'appliquera. Autre étape: déclaration ministérielle du premier ministre qui dit: On s'engagera dans une période intensive de négociations, mais, si cela ne fonctionne pas, on vous dit tout de suite que dans trois semaines on décrétera.

Cela a été l'histoire de ces négociations. Le revolver sur la tempe constamment, sans jamais faire appel à la concertation et à la participation. Et, pourtant, est-ce qu'on pourrait, au moins, être d'accord sur une chose? Sur le fait que pour la première fois, peut-être, des syndicats et des syndiqués amorçaient une négociation avec, en tête, l'acceptation du fait que leur salaire pouvait être gelé dans les années à venir ou dans les mois à venir. Je n'ai jamais, jamais, jamais vu cela dans les secteurs public et parapublic, dans toute l'histoire des négociations de ces secteurs-là et, pourtant, c'est ce qui se passait cette fois-ci. Est-ce que ce n'était pas, justement, une attitude d'esprit qui nous aurait permis d'arriver à de la vraie solidarité, à de la vraie concertation? Ce n'est, pourtant, pas le choix du gouvernement.

M. le Président, même si le discours gouvernemental correspondait à une analyse réelle des finances publiques, je prétends aujourd'hui que les chiffres ne nous ont pas tous été donnés. Je prétends aujourd'hui que la situation financière du gouvernement, nous ne la connaissons pas véritablement, ce qui fait qu'on est bien malvenu de tenir pour acquis que les sommes d'argent qu'on va récupérer dans la négociation en cours vont automatiquement être appliquées à l'amélioration des conditions de vie des assistés sociaux et à de la création d'emplois. On serait bien imprudent du côté ministériel, au moment du vote sur le projet de loi no 105, de prendre de tels engagements. Or, parce que le discours était vrai et qu'on l'a amplifié, il a eu des effets négatifs, des impacts négatifs sur l'économie. Notre discours gouvernemental, depuis un an et quelques mois, a justement été tout autant créateur de chômage que les aspects de la crise économique mondiale ou internationale.

De plus, M. le Président, beaucoup de questions restent en suspens, beaucoup de questions nous laissent douter du sérieux avec lequel les négociations ont été menées. Des révélations importantes sur la conduite des négociations ont reçu, récemment, un large écho dans les médias d'information. L'essentiel de ces révélations - je dois l'admettre - provenait d'une entrevue que j'avais accordée au Journal de Québec.

Depuis que ces nouvelles ont été publiées dans les journaux, le négociateur patronal, M. Lucien Bouchard, dans une déclaration remise aux médias d'information, a nié ce que j'avais avancé.

Les trois coordonnateurs syndicaux ont envoyé, quant à eux, un telbec pour démentir. Je vais vous lire ce telbec. Dans un premier temps, ils disent: "Nous affirmons ne jamais avoir entendu les citations imputées à l'une ou l'autre des parties dans l'article de M. Normand Girard paru dans le Journal de Montréal du 8 décembre. " Les citations dans cet article, à ma connaissance, M. le Président, il y en avait deux, trois au maximum, dont l'une était de moi. Forcément, ils ne pouvaient pas les avoir entendues à la table des négociations. Mais ce sont les citations qui étaient visées par la déclaration des coordonnateurs. Dans un deuxième paragraphe, ils disaient: "D'autre part, le processus de négociations implique nécessairement que beaucoup de choses se disent entre les parties et c'est un aspect essentiel sans lequel ce processus ne peut fonctionner. Nous n'avons aucunement l'intention de révéler quoi que ce soit de ces échanges. " C'est la deuxième intervention publique qui visait à contredire des choses que j'avais pu affirmer.

Troisième élément. Le chef de cabinet du premier ministre, avec son sens protocolaire habituel, avec sa délicatesse de langage proverbiale, a tout simplement déclaré que c'était "fou comme de la marde". Je citais, M. le Président. Je citais des propos, d'ailleurs, qu'on a pu lire dans les journaux.

Aujourd'hui, M. le Président, de mon siège, avec tout ce que cela comporte, je maintiens et je déclare les événements suivants. Un coordonnateur syndical m'a indiqué...

Une voix: Lequel?

M. Bisaillon: M. le Président, je vous prie de me croire que, s'il ne s'était agi que de conversations entre des négociateurs, dans des corridors, dans l'après-négociation, je n'en aurais pas fait mention. Ce qui était grave pour moi, c'est que des événements soient véhiculés à la table même de négociations. Je maintiens qu'on m'a affirmé... M. le Président, je fais ces déclarations de mon siège et les ministériels ont une procédure à suivre s'ils veulent aller au fond des choses. Cette procédure est inscrite dans nos règlements. Je fais cette déclaration de mon siège. Quand ils voudront aller jusqu'au bout, on ira jusqu'au bout. (12 h 40)

Premièrement, à cette table centrale, le négociateur patronal a fait des déclarations sur les ministres responsables de la négociation, les a ridiculisés et a amoindri leur rôle quant à la négociation. Il s'agissait du ministre des Finances, plus légèrement, mais surtout du président du Conseil du trésor et de la ministre de la Fonction publique. À la table centrale, toujours, le négociateur patronal a admis qu'il n'avait aucun mandat après la déclaration ministérielle du premier ministre en cette Chambre. À la table centrale, toujours, le coordonnateur a présenté le responsable politique de la négociation pour le gouvernement comme étant le chef de cabinet du premier ministre, alors qu'on sait fort bien qu'il existait un comité ministériel, avec un ministre identifié dans cette Chambre, avec la responsabilité ministérielle de coordonner les négociations.

À la table centrale, toujours, le négociateur patronal a déclaré qu'un règlement, au niveau des affaires sociales, cela passait 1° par l'abandon de la clause de plancher d'emploi et, 2°, par une victoire pour le ministre des Affaires sociales sur deux points: le "bumping" et les fusions de postes. Il a exprimé sa vision des choses en expliquant aux porte-parole syndicaux que M. Johnson serait le prochain premier ministre et que les porte-parole syndicaux devaient avoir cela en tête s'ils voulaient avoir de bonnes négociations à l'avenir.

Des voix: Oh!

M. Bisaillon: Ce dernier aspect m'a été confirmé implicitement lors d'une rencontre que j'ai eue avec le négociateur patronal lui-même. À une table sectorielle, le négociateur patronal, a exprimé à deux négociateurs, l'idée que, si les porte-parole de cette table voulaient faire avancer les choses le plus rapidement possible, il fallait d'abord qu'ils règlent le côté salarial, parce que cela leur permettrait ensuite, au niveau de l'éducation, de faire que M. le ministre de l'Éducation ne soit plus le seul à décider sur le normatif et que le reste puisse être pris en main, pris en charge par le premier ministre ou ses représentants.

À des représentants locaux, le porte-parole patronal a démontré qu'il avait des réserves qu'il venait de trouver dans des surplus de budgets de commissions scolaires et que ces sommes seraient versées en addition, en ajout au niveau des tables de la FAS s'il y avait un règlement normatif. Sur cet aspect, le négociateur patronal m'a confirmé le fait que cette réserve existait, mais il a, cependant, nié le fait que cela devait être appliqué à la Fédération des affaires sociales.

Voilà donc six éléments qui ont servi de trame de fond à cette négociation si sérieuse qui nous avait été annoncée par le premier ministre. Il me semble qu'il y a suffisamment de faits troublants dans cela pour que les parlementaires puissent vouloir

aller au bout de cette question. En conséquence, je me déclare disponible à participer à une commission parlementaire qui pourrait être demandée par le gouvernement aux fins d'interroger les négociateurs syndicaux et patronaux quant au déroulement des négociations. Je dis tout de suite que j'ai reçu, ce matin, un télégramme de la CEQ qui, par la main de son directeur général, indique: "Si l'Assemblée nationale agrée à votre demande de tenir une commission parlementaire spéciale sur le déroulement de la négociation, nous confirmons la disponibilité de notre coordonnateur à la table centrale, Gilles Lavoie, pour répondre aux questions des représentants de l'Assemblée nationale à cette commission parlementaire. "

M. le Président, je pense que cela ajoute aussi un peu à la démarche qui est entreprise aujourd'hui et nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de ces éléments, lorsqu'on porte un jugement sur l'urgence de ce projet loi no 105. Il me semble qu'il y a suffisamment de faits troublants, quant à moi, quand on parle du déroulement d'une négociation, pour qu'on puisse s'en inquiéter sérieusement.

Je terminerai en vous indiquant que, hier, à la suite de mon intervention sur l'urgence de ce projet de loi qui est devant nous, j'ai reçu une note d'un député ministériel qui me demandait comment - et je lis sans identifier le député, je ne pense pas que ce soit nécessaire - on se sent quand on se fait applaudir ainsi par cette Opposition qui ne demande pas mieux que d'utiliser tout ce qui bouge pour mettre en miettes le seul instrument qui peut encore faire la "job" pour laquelle on a été élus en 1976. Je voudrais dire à ce député, de même qu'à tous les autres députés ministériels que la "job" pour laquelle j'ai été élu en 1976, j'y crois encore. J'étais un indépendantiste, je le suis encore. Pour moi, l'indépendance, cela n'était pas une fin en soi. Pour moi, l'indépendance était aussi un moyen auquel je croyais pour améliorer le sort de chacun de nos concitoyens, de chacune de nos concitoyennes. Pour moi, l'indépendance, cela ne devait pas être à n'importe quel prix. Cela ne devait surtout pas se faire en foulant aux pieds ceux pour qui on voulait la faire. Je suis toujours un indépendantiste, mais je me demande si les circonstances nous amènent à penser que la "job" pour laquelle on avait été élus en 1976 est toujours possible, surtout si je me réfère à une partie du discours du président du Conseil du trésor, qui a pourtant été chaudement applaudi par les ministériels hier, qui disait: "Notre erreur a été de croire que nous pouvions vivre en français dans un univers anglophone sans devoir en payer les conséquences. Nous avons affirmé notre droit à la différence sans avoir les moyens d'assumer cette différence. "

Cela va, selon moi, à l'encontre de toute cette démarche que le Parti québécois avait entreprise en 1969, qui visait, justement, à faire comprendre aux Québécois que ce n'était pas vrai qu'on était nés pour un petit pain, qu'on était capable de faire de grandes choses. Cet aspect du discours du président du Conseil du trésor, selon moi, est une confirmation que cela ne va plus dans ce sens, de l'autre côté.

En terminant, je voudrais aussi m'adresser de façon plus particulière aux citoyens du comté de Sainte-Marie qui peuvent nous écouter en ce moment, eux qui vivent des problèmes difficiles de recherche d'emploi, eux qui vivent des conditions encore plus difficiles en regard des sommes qu'ils peuvent recevoir de prestations d'aide sociale, parce que j'ai toujours prétendu que c'était plus difficile d'être un prestataire de l'aide sociale sur la rue Dufresne et sur la rue Poupart à Montréal que cela pouvait l'être dans des comtés éloignés du Québec, où on pouvait au moins assurer des éléments à côté, au-dessus des prestations d'aide sociale qu'on peut recevoir. À tous ces gens du comté de Sainte-Marie, je veux dire que je les représenterais fort mal si je leur laissais l'illusion que toute la démarche qu'on vit aujourd'hui va nous amener, nécessairement, à de meilleures conditions de vie pour eux et nécessairement à des programmes d'emploi. Jamais le gouvernement ne nous a donné cette assurance.

Si j'avais cette certitude, si j'avais la certitude chiffrée que c'était susceptible, demain matin, sitôt qu'on aura voté la loi, d'améliorer les conditions de vie des bénéficiaires de l'aide sociale et les conditions de vie des chômeurs qui se cherchent un emploi, en particulier les jeunes, je ferais d'autres genres de démarches que celle que je fais actuellement. Mais, quant à moi, ce serait mal représenter ceux qui m'ont élu que de leur laisser entrevoir cette possibilité, malgré tous les discours qu'ils peuvent entendre actuellement et toute l'utilisation qu'on fait d'eux dans le débat actuel à l'Assemblée nationale.

M. le Président, j'ai dit hier des choses qui ne sont jamais agréables à dire, même pour quelqu'un qui est devenu indépendant. J'ai dit ces choses, cependant, parce que j'en étais convaincu, parce que c'était ma conviction. Je les ai dites à tort ou à raison. J'espère encore avoir tort. Je vous indique que j'aimerais mieux avoir tort, mais il me semble que l'analyse qu'on peut faire de tout ce qu'il y a devant nous va à rencontre de cela. (12 h 50)

Je terminerai, M. le Président, pour la troisième fois, en vous disant que toute

cette opération que nous sommes amenés à exercer devant le Parlement est, pour moi, un mépris total du parlementarisme. C'est pour moi un mépris total de nos fonctions de député. Le gouvernement nous demande de voter, les yeux fermés, 80 000 pages de texte qui vont faire partie de la loi. Déjà, aujourd'hui, on sait que des groupes y ont décelé des erreurs. Rien dans le projet de loi ne prévoit des correctifs au moment où l'ensemble de ces erreurs sera connu. M. le Président, c'est un mépris total du Parlement. Il me semble que nous devrions tous prendre les moyens pour faire respecter la plus grande institution du Québec, le Parlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, le député de Sainte-Marie me permettrait-il une question?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député de Sainte-Marie accepte-t-il une question en vertu de l'article 100? Vous acceptez?

M. Bisaillon: Certainement, M. le Président.

M. Dussault: M. le Président, je voudrais savoir si l'affirmation que le député de Sainte-Marie a faite, sur laquelle il met son siège en jeu, laisse la possibilité de croire que le coordonnateur syndical dont il est question a inventé des histoires ou a fait une interprétation de faits.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'ai dit de mon siège et je maintiens que les six éléments dont j'ai parlé m'ont été exprimés par un coordonnateur syndical. Dans un deuxième temps, j'ai dit que, lors d'une rencontre que j'avais eue avec le coordonnateur patronal, je m'étais fait confirmer implicitement un des aspects et explicitement un deuxième aspect.

Troisièmement, je dis que la CEQ, par exemple, m'a déjà fait parvenir son accord pour participer à une commission parlementaire. Quant à moi, en fonction de ce que j'avais su, parce que cela se passait à une table de négociation et parce que des aspects m'avaient été confirmés par le négociateur patronal, je trouvais cette source suffisamment crédible pour dire que cela justifiait une commission parlementaire. J'ai aussi signalé que je n'avais pas tenu compte de propos qui n'avaient pas été tenus à la table centrale, comme je n'ai pas tenu compte, d'ailleurs, de bien des choses que m'a confiées le négociateur patronal lors de la rencontre, mais qui n'avaient rien à voir avec le déroulement des négociations. Je n'en ai pas parlé parce que je trouvais que cela n'avait rien à voir avec le déroulement des négociations. Encadrons, M. le Président, ce dont il s'agit; il s'agit du déroulement de la négociation et uniquement de ce déroulement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip du gouvernement.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, j'entreprends cet automne ma septième année comme député du Parti québécois, membre de cette Assemblée nationale. Avant, comme vous le savez sans doute, je faisais partie du monde de l'enseignement. En effet, avant d'être élu député en 1976, j'ai enseigné pendant quinze ans. Il est évident que j'aimais beaucoup ce métier d'enseignant; j'ai conservé, d'ailleurs, d'excellentes relations d'amitié avec plusieurs de mes anciens compagnons de travail. Je voudrais leur dire, dès le départ, de même qu'à tous ceux, d'ailleurs, qui font partie des secteurs public et parapublic, que le sentiment qui m'anime à leur endroit à l'occasion de ce débat, n'est pas un sentiment d'hostilité, de vengance ou d'animosité.

L'autre jour, un groupe de députés, de façon informelle - à son invitation, d'ailleurs - a rencontré le président de la Centrale de l'enseignement du Québec, M. Charbonneau. Il nous disait, entre autres, dans son discours: "Mais quel péché mortel avons-nous commis pour que vous nous traitiez comme cela, de cette façon?" Je réponds: Aucun. Les employés, les travailleurs, les travailleuses des secteurs public et parapublic, y compris mes anciens camarades de travail de l'enseignement, n'ont commis aucun péché mortel, aucune faute. Je le répète et on l'a répété maintes et maintes fois: Ils ne sont pas du tout responsables de la crise qui sévit présentement.

Il a été de bon ton, au cours des derniers mois, et même de bonne guerre, dans les assemblées syndicales, de la part des leaders syndicaux, de prétendre ou de dire que le gouvernement accusait les employés des secteurs public et parapublic d'être les responsables, les boucs émissaires de la crise. C'était de bon ton et de bonne guerre, mais il faut, je pense, aujourd'hui, rétablir les faits de façon très claire. Jamais le gouvernement, jamais aucun membre du parti ministériel, du Parti québécois n'a accusé les employés des secteurs public et parapublic d'être les responsables de cette crise. C'est une déformation caricaturale de la position gouvernementale, c'est complètement faux.

Cela étant dit, tout en affirmant qu'aucun sentiment d'hostilité ne m'anime à l'égard des travailleurs du secteur public, je me dois de leur dire que ma vision des choses est différente de la leur. C'est normal. Quand j'étais enseignant - je l'ai été pendant quinze ans - il était tout à fait normal, légitime d'être préoccupé par mes intérêts d'enseignant, y compris mes intérêts matériels, pécuniaires comme enseignant. C'était tout à fait normal et légitime. Comme député, depuis 1976, je dois, de par mes fonctions d'élu, de représentant de la population, me soucier, me préoccuper et défendre d'abord et avant tout les intérêts de l'ensemble de la population, en particulier des citoyens et des citoyennes de mon comté. Cela aussi est plus que normal. C'est tout à fait légitime.

Par conséquent, ma vision des choses a forcément changé. Elle a été modifiée de par la fonction même que j'ai été appelé à occuper depuis 1976. Il faudrait que mes anciens camarades de travail de l'éducation le comprennent, puisque c'est tout à fait normal. Je n'hésite pas à dire que la vision des choses que j'ai présentement est celle du gouvernement du Québec et je le dis sans aucun remords, sans la moindre honte, sans enthousiasme, oui, c'est vrai, parce qu'il faut bien convenir que ce n'est guère réjouissant d'exercer le pouvoir en période de crise. Sans enthousiasme, mais sans remords, sans honte et sans crise de conscience de ma part, je tiens à le souligner.

Nous vivons dans une société - on l'a répété maintes et maintes fois au cours de ce débat - dont la richesse collective a diminué, en l'espace d'un an, de 6%. On était habitué, pendant des décennies, à connaître la croissance de l'économie, la croissance de la production, la croissance de la richesse collective. On était habitué à cela pendant des décennies et, aujourd'hui, c'est l'inverse qui se produit. En un an, la richesse collective du Québec a diminué de 6%. C'est une réalité brutale qu'on ne peut ignorer. (13 heures)

Nous ne sommes pas la seule société qui connaît des taux de décroissance semblables, mais cela m'apparaît tout à fait anormal et déplorable de voir qu'un député comme celui de Sainte-Marie semble ignorer complètement cette réalité brutale, que nous connaissons présentement une diminution de la richesse collective. Il faut vivre avec cette réalité. Il faut s'y ajuster, à cette réalité. Elle est là, elle crève les yeux. Vous savez que cela se traduit par des statistiques, des pertes d'emplois. En un an, du mois d'août 1981 au mois d'août 1982, le Québec a perdu 219 000 emplois. En juillet dernier, le chômage atteignait 15% au Québec. En juillet dernier toujours, il y avait 575 000 Québécois qui vivaient de l'aide sociale. C'est une réalité incontestable. Heureusement que, dans les dernières minutes de son intervention, le député de Sainte-Marie y a pensé, aux assistés sociaux et aux petits salariés du secteur privé de son comté. Quelques minutes de plus et il ne pouvait pas en parler. C'est, pourtant, une réalité dont il faut tenir compte.

Or, les offres du gouvernement aux employés des secteurs public et parapublic, nous avons été obligés de les ajuster à cette réalité. Elles ont du reposer sur cette réalité. C'est pourquoi ces offres ne sont pas aussi généreuses qu'elles l'ont été dans le passé. C'est normal. Lorsque la société québécoise connaissait un taux de croissance de 5% ou 6% de sa richesse, on pouvait présenter aux employés des secteurs public et parapublic des offres en concordance, en fonction de cet accroissement de la richesse. Quand c'est une décroissance de 6% qu'on connaît en un an, il faut bien, si on est un gouvernement responsable, qu'on ajuste nos offres à cette réalité-là également.

Alors, nous devons constater que ces offres, même si elles sont raisonnables dans les circonstances, s'écartent des demandes salariales d'une façon absolument astronomique. À partir de décembre, du dernier dépôt des offres du gouvernement, l'écart entre ces dernières et les demandes du front commun se situe à 3 000 000 000 $. L'écart entre les offres et les demandes s'établit ainsi: 1 000 000 000 $ pour 1983. Pour la première année de la convention collective, écart entre les offres et les demandes, 1 000 000 000 $. Il faut bien se poser la question: Si on décidait de leur accorder ce milliard, est-ce qu'on supprime des services publics essentiels pour un montant équivalent? Est-ce qu'on impose des taxes pour un montant équivalent? Est-ce qu'on accroît le déficit pour un montant équivalent? Les questions sont pertinentes. Si on leur accorde le milliard, il faut le trouver quelque part, ce milliard, pour 1983, soit en coupures de services, soit en impôts, soit en accroissement du déficit.

Le gouvernement a décidé que ce n'était ni l'une ni l'autre de ces possibilités, qu'on ne couperait pas des services, qu'on n'imposerait pas de nouvelles taxes et impôts et qu'on n'accroîtrait pas le déficit pour la rémunération des secteurs public et parapublic. C'est la position du gouvernement. Au moins, on a le mérite d'en avoir une, position, M. le Président. Quelle est celle des gens d'en face à ce sujet-là? Quelles sont les réponses à ces questions? Est-ce qu'ils sont d'accord pour accorder le milliard qui manque en 1983 pour satisfaire les demandes syndicales?

Pour 1984, l'écart est de 627 000 000 $. Les mêmes questions se posent. Si on leur accorde ces

627 000 000 $, il faut soit couper des services publics, soit imposer des impôts, des taxes, soit accroître le déficit.

Pour 1985, l'écart entre les demandes et les offres est de 1 400 000 000 $. Les mêmes questions se posent pour 1985. Si on décide de leur accorder 1 400 000 000 $ pour réduire l'écart, il faut aller les chercher soit en coupures de services, soit en impôts, soit en accroissement du déficit. C'est une question pertinente. On s'est posé ces questions-là. On y a répondu: Pas de coupure de services, pas d'impôts, pas d'accroissement du déficit pour la rémunération du secteur public.

Donc, on se retrouve avec un écart de 3 000 000 000 $, au moment où l'on se parle, entre les demandes et les offres. Il nous faut bien constater que les négociations ont abouti à l'impasse et à l'échec. Le président du Conseil du trésor l'a clairement affirmé hier. C'est l'échec des négociations. Il faut peut-être le regretter, le déplorer, mais c'est l'échec des négociations. Les négociations intensives qui ont eu lieu au cours du mois de décembre n'ont pas permis d'aboutir à une entente négociée. L'écart est de 3 000 000 000 $.

Du côté du gouvernement, on a mis tout ce qu'il était possible de mettre sur la table. Tout a été mis sur la table. D'abord, bien sûr, une centaine de millions pour protéger, en vertu de la loi no 70, les plus bas salariés des secteurs public et parapublic. C'est tout ce que l'on peut faire comme gouvernement. On ne peut pas mettre plus sur la table parce qu'on n'a pas la capacité de mettre plus.

Du côté syndical, du front commun, il faut reconnaître qu'honnêtement ils ont fait un certain nombre de concessions substantielles. Admettons-le. C'est vrai. Les gens ont fait un certain nombre de concessions substantielles. Lui aussi, le front commun, est allé jusqu'au bout de ses concessions. C'est ce qu'il affirme. Il a tout mis sur la table. Il ne peut pas en mettre plus. Il ne peut pas concéder davantage de son côté. Le gouvernement ne peut pas en mettre plus sur la table, n'est pas capable d'en mettre plus sur la table. C'est simple. C'est clair. Il n'est pas capable d'en mettre plus sur la table. Le front commun affirme qu'il est incapable, quant à lui, de faire davantage de concessions. Bon. Partant de là, partant de ces positions, la réalité, c'est un écart de 3 000 000 000 $. Il faut bien admettre que ce n'est pas possible de poursuivre les négociations.

Le député de Sainte-Marie et certains membres de l'Opposition disent: II faut poursuivre les pourparlers, les discussions, les négociations pour tenter d'en arriver à une entente négociée. M. le Président, ce serait de l'hypocrisie, de la duplicité actuellement, de prétendre qu'on puisse reprendre les négociations avec le plus petit espoir d'aboutir à une entente négociée. Ce serait de l'hypocrisie. Ce serait faire du théâtre, de la mise en scène, faire semblant. Ce serait surtout - cela m'apparaît très grave dans les circonstances - susciter des illusions aussi bien chez les syndiqués que dans l'ensemble de la population qui pourrait s'imaginer qu'il y a peut-être espoir, qu'il y a peut-être une possibilité qu'en continuant de se parler, en continuant de négocier, on puisse en arriver à une entente. Il faut mettre fin, mettre un terme à toutes ces illusions. Tout à l'heure le député de Sainte-Marie disait qu'on assiste à la fin des illusions, actuellement, avec le projet de loi no 105. Quand il affirme ou quand il prétend que les négociations doivent se poursuivre, il suscite les illusions. Il encourage les gens à se faire des illusions relativement à une possibilité d'entente négociée.

Les libéraux n'ont pas l'habitude de faire des propositions. La plupart du temps, ils se cantonnent dans un négativisme absolu. Pourtant, le député de Jean-Talon a fait quelques suggestions enfin intéressantes. Il a dit... (13 h 10)

M. Bérubé: Attendez qu'on les analyse.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Brassard:... On devrait offrir des augmentations salariales de 6% et 5% aux employés, soit la norme du gouvernement fédéral. Je cite le Soleil du 10 décembre...

M. Rivest: M. le Président, sur une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. Je veux protéger le droit de parole et il reste quatre minutes au député de Lac-Saint-Jean. Mais c'est pour interpréter votre discours et c'est exactement admissible en vertu de l'article 96. M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Question de privilège sur la base que l'affirmation que vient de faire le député induit la Chambre en erreur. Je crois que c'est une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît: M. le député, vous aurez l'occasion de le rectifier à la fin, s'il vous plaît. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je lis le Soleil du 10 décembre: Le critique officiel de l'Opposition, le député de Jean-Talon, a demandé hier au gouvernement d'aller offrir des augmentations salariales de 6% et 5% à ses employés directs et indirects...

M. Rivest: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Lac-Saint-Jean, il y a une question de privilège de la part du député de Jean-Talon.

M. Rivest: C'est sur la même base que la question de privilège du député de Saint-Maurice ce matin. À la suite des dernières paroles du député, je prends connaissance d'un article du Soleil qui me ferait dire que le gouvernement devait donner 5% ou 6% d'augmentation aux employés du secteur public. Ce que j'ai dit, à la suite d'une interruption de mon discours où le président du Conseil du trésor, invoquait les 5% et 6%, c'est simplement que, s'il allait offrir une augmentation de 5% ou 6%, peut-être que les travailleurs du secteur public pourraient l'accepter et éviter la crise sociale. Mais j'avais la conviction que le gouvernement du Québec, à cause de sa mauvaise administration, ne pouvait pas offrir une telle somme.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon, le début était correct, mais pas la fin. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: On le cite ici: "Allez offrir cela - parlant du 6% et du 5% - et mesurez ce que vous allez épargner comme crise et comme tension sociale au Québec. " Voilà ce que dit le député de Jean-Talon. Au moins, il y a une proposition qui émane de l'autre côté: essayez d'offrir les 6% et 5%, ajouté à une autre proposition du député de Jean-Talon qui est la suspension pure et simple de la loi no 70. Or, faisons un cacul rapide: d'abord, si vous suspendez la loi no 70, donc, plus de récupération, les augmentations salariales de l'automne sont maintenues; si vous offrez 6% en 1983, 5% en 1984, la différence serait de 1 600 000 000 $ pour 1983 seulement. Comment l'Opposition irait-elle chercher ces 1 600 000 000 $? Il faudrait qu'il nous le dise aussi pour compléter sa position, pour qu'elle soit plus globale, n'est-ce pas? 1 600 000 000 $ de différence: il faudrait savoir où et comment on va aller les chercher.

Plusieurs députés de l'Opposition ont émis l'hypothèse qu'il fallait, dans les circonstances, déclencher des élections. S'il fallait déclencher des élections actuellement, ils devraient se présenter devant la population avec une position claire et nette sur ce sujet: peut-être celle dont je parle et dont parlait le député de Jean-Talon, laquelle aboutit à un écart de 1 600 000 000 $ en 1983, peut-être celle-là. Mais il faudrait, en même temps, qu'ils disent à la population comment ils iront chercher ces 1 600 000 000 $. En impôts? En coupures de services? S'il fallait couper des services pour 1 600 000 00 $ - un autre élément de la position, c'est le maintien du normatif dans les conventions actuelles - en 1983, savez-vous qu'on aurait des milliers et des milliers d'employés des secteurs public et parapublic qui seraient payés sans travailler, parce qu'avec 1 600 000 000 $ de coupures on devra fermer des écoles, des hôpitaux et des centres d'accueil? C'est cela, la position du Parti libéral. Quand il en a une, elle est tellement farfelue qu'elle n'est pas présentable à la population.

Une voix: Bravo!

M. Brassard: Ce serait très amusant d'aller devant le peuple en élection avec des positions aussi incohérentes et aussi irresponsables de la part de l'Opposition libérale. Je me demande si, à l'occasion d'un scrutin comme celui-là, le député de Sainte-Marie se présenterait sous l'étiquette du Parti libéral.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon, en vertu de l'article 96.

M. Rivest: M. le Président, j'ai trouvé bien intéressant l'exercice...

Des voix: Bravo!

M. Rivest:... de finance-fiction auquel s'est livré le député de Lac-Saint-Jean, compte tenu que j'avais très bien expliqué que la base de ces calculs était simple.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Jean-Talon, je dois vous rappeler que vous m'avez bien demandé la parole en vertu de l'article 96. Je dois le préciser. Sinon, je vais vous arrêter. M. le leader adjoint du gouvernement, sur une question de règlement?

M. Guay: Exactement là-dessus. M. le Président, l'article 96 c'est pour corriger ce qu'on a dit de ce qu'il a dit; ce n'est pour faire une nouvelle argumentation.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Me rendant à l'invitation que vous me faites, ainsi qu'à celle, très aimable, du leader adjoint, j'affirme que c'est en réponse à une question du président du Conseil du trésor qui référait au fait que le gouvernement canadien a les moyens, semble-t-il, d'offrir 5% ou 6%. C'était la seule référence que j'ai faite.

L'interprétation qu'a donnée à mes propos le député de Lac-Saint-Jean et le calcul-fiction auquel il s'est adonné montrent - je pense que je peux conclure là-dessus - simplement que c'est parfois très triste pour le député de Lac-Saint-Jean de renier les engagements passés en faisant des facéties mathématiques de ce genre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre. À l'ordre. À l'ordre. M. le député, vous savez très bien que l'article 96 n'engendre pas de débats. D'un autre côté, je dois vous dire qu'on utilise toujours l'article 96 en le commençant mal ou en le finissant mal, ce qui implique, de part et d'autre, des fois, des débats pour rien. Le député de Lac-Saint-Jean m'a demandé une question de règlement ou laisse-il tomber?

M. Brassard: Non, M. le Président. En vertu de l'article 100, il me posait quasiment une question. Ce n'était pas tout à fait une question de règlement.

M. Rivest: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Non. Je ne laisse pas faire. D'une façon ou d'une autre, je donne la parole au député de Jeanne-Mance.

M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: M. le Président, hier, nous recevions en cette Chambre deux projets de loi, dont le projet de loi no 105 accompagné de décrets contenant 80 000 pages. Je me rappelle très bien qu'au printemps dernier, dans un projet de loi omnibus, une coquille s'était glissée. On avait légiféré pour permettre à tous les citoyens du Québec d'apporter leur vin dans les restaurants licenciés et on avait été obligé de corriger, par la suite, cette erreur. Déjà, on nous informe qu'il y a des erreurs à l'intérieur de ces 80 000 pages. Comment pensez-vous que des députés qui sont conscients de faire leur travail puissent prendre connaissance de cette demi-tonne de documents? En même temps, nous avons reçu le projet de loi no 90. (13 h 20)

Dans le projet de loi no 105, non-respect des engagements de ce gouvernement, non-respect de la signature des conventions collectives, pertes de salaires. Dans le projet de loi no 90, conditions de travail des députés. Mes chers concitoyens, vous avez lu ce matin dans les journaux que, par le projet de loi 90, le gouvernement propose une augmentation de 6% - on parlait de 6% tantôt - pour les députés à compter du 1er avril 1983. Quelle logique y a-t-il derrière ce gouvernement?

Un projet de loi qui diminue le salaire des employés, un autre projet de loi qui augmente le salaire des députés la même journée!

Des voix: C'est honteux!

M. Bissonnet: Citoyens du Québec, qu'est-ce que vous pensez d'une logique comme cela la journée même où on vous présente un projet de loi matraque sur les 300 000 employés "civils" du Québec et un autre projet qui augmente le salaire des députés à compter du 1er avril? Quelle logique a ce gouvernement?

Une voix: II n'en a pas.

M. Bissonnet: Depuis 1976, on a eu beaucoup de pertes d'emplois au Québec, beaucoup d'industries qui ont fermé, beaucoup d'investissements qui ne viennent pas. C'est dû à qui, c'est dû à quoi? Nous vivons actuellement, c'est un fait, une crise économique. Nous avons un chômage record, sans précédent, au Québec. Nous savons tous que la récession économique sévit actuellement au Québec, au Canada et dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Ce que l'on sait moins, c'est que le Québec vit une deuxième crise économique due au gouvernement au pouvoir.

On parle, du côté de l'Opposition, d'élections. Est-ce que, mes chers concitoyens, vous êtes satisfaits de ce gouvernement? Est-ce que les députés péquistes font du bureau de comté? Moi, je fais du bureau de comté toutes les semaines, j'en ferai même ce dimanche-ci, parce qu'on est pris à l'Assemblée nationale du lundi au vendredi durant le mois de décembre. Est-ce que les citoyens sont satisfaits? Citoyens du Québec, dites-le donc à vos députés, ceux qui sont dans les comtés péquistes, que vous n'êtes pas satisfaits du travail qu'ils font depuis six ans.

On parle des employés du secteur public. Quels seront les suivants qui seront touchés par des lois matraques? Les autres syndiqués. On parle des prestations des gens qui sont les moins favorisés, les plus démunis. Je suis inquiet. Nous assistons à une confrontation du secteur public et du secteur privé. Nous avons, au cours des années, connu des difficultés énormes à l'intérieur des entreprises privées. Est-ce que nous imaginons ce que feront toutes les municipalités du Québec, demain matin, à la suite de cet exemple que le gouvernement donne aux citoyens du Québec, pour arrêter toutes les conventions collectives qui ont été signées dans toutes les municipalités du

Québec? Geste illogique, incompétence, incurie de ce gouvernement!

Je voudrais citer des exemples. La compagnie Bellechasse Transport, saviez-vous, mes chers concitoyens du Québec, qu'elle est propriété du gouvernement du Québec? Saviez-vous qu'avant que le gouvernement du Québec soit propriétaire de cette compagnie, la compagnie Bellechasse Transport faisait des profits? Il y a deux ans, la compagnie Bellechasse Transport a fait un déficit de 500 000 $. Cette année, elle fera un déficit de 2 000 000 $. Mauvais investissement. À Québecair, nous sommes rendus entre 35 000 000 $ et possiblement 67 000 000 $. À l'Asbestos Corporation, 100 000 000 $ et plus. Au ministère de l'Éducation, un trou de 500 000 000 $. Et les dépenses du Conseil exécutif - cela, c'est le bureau du premier ministre - quatre ans, 134 000 000 $ d'augmentation, 184%. Est-ce que ce sont des citoyens démunis, les gens du bureau du Conseil exécutif? Et les élections! On permet à chaque candidat, lors des élections provinciales, de dépenser un montant de 0, 50 $ par électeur. Cela coûte au bureau du président des élections 6 $ par électeur et la proportion du vote n'augmente pas.

On a permis cette année aux détenus dans les prisons de voter. 204 $ par détenu. Mauvaise administration. À Paris, on est rendu avec deux délégations. On n'en avait pas assez d'une; il a fallu en ajouter une autre. Au Québec, le touriste ne vient pas. Pourquoi? Vous remarquerez que l'État de New York fait de la publicité pour inviter les Québécois. Combien d'annonces publicitaires voit-on à la télévision pour inciter nos concitoyens à aller dans l'État de New York? Combien d'argent le gouvernement du Québec a mis dans la publicité pour inviter les Américains et nos concitoyens des autres provinces du Canada à venir nous voir? Le tourisme devrait rapporter beaucoup plus et c'est une lacune importante de ce gouvernement. On est porté davantage à installer des délégations, des maisons du Québec un peu partout. Cela ne nous amène pas de monde. Et, en plus, à cause de l'instabilité politique de ce gouvernement, les investissements ne viennent pas.

Un Parti libéral au pouvoir apportera une injection importante et rapide, une stabilité politique. Je suis convaincu que le climat économique changera immédiatement, le lendemain de l'élection, et vous le savez très bien.

Depuis cinq ans, depuis 1976, on connaît les budgets déficitaires de ce gouvernement; on emprunte pour payer des factures d'épicerie. En 1977-1978, 880 000 000 $, une augmentation de 38% par rapport à 1976. En 1978-1979, 1 500 000 000 $, une augmentation de 42, 5%. En 1979-1980, 1 800 000 000 $, une augmentation de 25%. En 1980-1981, 3 000 000 000 $ de déficit, une augmentation de 29%. En 1981-1982, 3 500 000 000 $, probablement 4 000 000 000 $, une augmentation de 17, 8%. Ce gouvernement, de quelle façon, chers concitoyens du Québec, administre-t-il vos biens? De quelle façon? Les dépenses folles de ce gouvernement. On n'a qu'à penser à des dépenses jugées inutiles. Dans ce parlement, on est toujours en construction. On est à faire des bureaux, on les change de place. On fait des toilettes, on les rechange de place. Des dépenses qui sont jugées inutiles. On a dépensé près de 400 000 $ pour des toilettes en marbre pendant les années difficiles que l'on vit, pendant une crise économique. On a même remplacé les sacs verts par des sacs bleus. On aime tellement le bleu dans ce Parti québécois qu'on a remplacé les sacs à ordures verts par des sacs bleus. Cela coûte deux fois plus cher, citoyens du Québec. Ce sont de grands administrateurs qu'on a là!

Pour la publicité, la marotte de ce gouvernement, en 1977: 5 000 000 $ "Faut pas se faire avoir", "La personne avant toute chose". Les employés du gouvernement, les syndiqués ont des coupures de salaires et, pour les cadres, on gèle les salaires. On traite les employés de deux façons. Il y a deux classes d'employés. En 1978, 11 000 000 $ en publicité, le septième rang au Canada. En 1979, 14 000 000 $, le quatrième rang au Canada. En 1980, 17 000 000 $, le septième rang. "Faut pas se faire avoir", "Faut rester forts". Opération lavage de cerveau. Vous avez vu dans le passé des affirmations du célèbre comédien Doris Lussier, comment il fallait patenter les affaires pour faire l'indépendance et tout ça. (13 h 30)

II y en a peut-être un qui a commencé à vous voir, à l'intérieur de votre propre parti, sous votre vrai jour: le député de Sainte-Marie. Il se tient debout, le député de Sainte-Marie. On lui a même envoyé un message. Il ne nous a pas, évidemment, nommé le député, mais il reste que le député de Sainte-Marie est un homme qui a du courage et qui se tient debout. Tenez-vous donc debout, messieurs les députés! On a hâte qu'il y ait des élections, parce que l'on n'est pas inquiet. La population du Québec saura juger. On est prêt à faire face à ce jugement. Les solutions que nous proposerons... Ne soyez pas inquiets, la population du Québec sera pour nous sans difficulté.

Embauche du Dr Lussier, ex-vice-président du Parti québécois. Il n'y a pas assez d'employés, il n'y a pas assez de personnel au gouvernement du Québec; on engage le Dr Lussier à 29 000 $ pour 80 jours. Si on prend tout le système des employés des ministres, des attachés

politiques, on touche les 19 000 000 $, les 20 000 000 $. Chaque fois qu'il y a des commissions parlementaires, le ministre y va avec dix chefs de cabinet et attachés politiques et vous n'êtes même pas capables de nous proposer des solutions viables pour les Québécois. Nous, les responsables de l'Opposition, nous sommes face à vous, seuls, quelquefois accompagnés d'un recherchiste; inégalité, M. le Président.

Tantôt le député, le whip du parti, disait qu'il était professeur. Je n'ai rien contre les professeurs; au contraire, je les admire. Mais, quand un gouvernement qui a 78 députés, a à l'intérieur de son caucus 42 enseignants, peut-être qu'il y a eu trop de théorie à l'intérieur de ce gouvernement. Et la pratique? Dans ce gouvernement, qui a pris le risque d'un investissement? Combien de personnes?

On a évidemment la ristourne sur le lait. On parle de 100 000 000 $. Qu'a fait le ministre? Qu'est-ce que les deux ministres ont fait? Ils ont attendu que les questions pressantes de l'Opposition viennent. Prenez vos responsabilités!

En 1979, le ministre des Finances disait: meilleure convention que le gouvernement n'a jamais signée. C'est bien certain: on pensait au référendum, on pensait aux élections générales.

On nous a promis, par l'ex-ministre M. de Belleval, à toute la Communauté urbaine de Montréal, un métro, deux métros, ligne 5, ligne 6; on nous a promis des investissements de près du milliard et aujourd'hui, on nous parle d'un déficit de 1 600 000 000 $. On nous a promis cela. Que s'est-il passé? On est en 1981 au mois de février; on a promis également à tous les citoyens de la rive nord et de la ville de Laval, des diminutions de péage sur l'autoroute. On promet tout dans ce gouvernement. Qu'est-ce qu'on fait? Voyez aujourd'hui le sort des 300 000 employés: on leur coupe leur salaire et beaucoup d'entre eux auraient accepté un gel. Je pense que ce gouvernement qui nous arrive avec un projet de loi matraque, avec 80 000 pages et qui dans la même journée nous dit: "Employés civils, on vous coupe, on ne gèle pas les salaires des cadres cependant, et les députés, eh bien! on va vous proposer, peut-être la semaine prochaine, d'augmenter vos salaires de 6%... Quelle est la logique de ce gouvernement? Citoyens du Québec, pensez-y! Nous, du Parti libéral, nous sommes prêts et on a hâte, parce que cela va bouger au Québec. La gestion, l'incompétence de ce gouvernement... Nous devrons nous relever les manches, parce qu'on a de l'ouvrage en "titi". On est en retard sur un vrai temps. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: Je remercie mes collègues de m'applaudir, mais, en me levant pour prendre la parole, je me demande si mon discours, à la fin, suscitera encore des applaudissements. L'avenir le dira.

Je crois que nous nous rendons tous compte que nous avons devant nous un projet de loi pénible, parce que c'est un projet de loi par lequel le gouvernement, suivant la ligne dure qu'il a adoptée il y a déjà quelque temps, se met à gouverner par décrets et à imposer, au moyen de 80 000 pages, les conditions d'emploi qui prévaudront désormais pendant trois ans dans les secteurs public et parapublic.

Il est déplorable que nous en soyons rendus là. Pourtant, après mûre réflection, j'ai décidé de ne pas me désolidariser du gouvernement et je vais chercher à expliquer pourquoi. Cela se résume en une phrase: c'est que je conserve ma confiance dans ce gouvernement et dans sa possibilité d'effectuer les redressements qui s'imposent.

Je ne me désolidarise pas du gouvernement d'autre part, parce que cette loi pénible est devenue inévitable. Cette loi, c'est la conclusion logique, implacable, inéluctable de la ligne dure que le gouvernement a choisie et a menée. On ne peut pas se désolidariser du gouvernement à ce point, à ce moment. Quant à moi en tout cas - d'autres le feront peut-être, c'est leur choix - puisque j'ai voté pour la loi no 70, dans la logique de ce vote, je ne peux pas me désolidariser aujourd'hui du gouvernement. Au moment où j'aie voté pour la loi no 70, il se peut que j'ai été piégé, que nous ayons tous été piégés.

Je sais que ce que je suis en train de dire contredit peut-être légèrement certains propos tenus aujourd'hui après la période des questions par le leader du gouvernement, le député de Vanier, qui semblait vouloir donner à entendre à cette Chambre que, dans les rangs ministériels, il n'y avait pas de divergences de vues. Nous ne sommes pas des automates; nous ne sommes pas des robots; nous ne sommes pas des zombies; nous ne sommes pas des morts-vivants. Il est bien évident que sur une question aussi grave, il y a des divergences de vues au sein de la députation ministérielle. Prétendre le contraire, c'est se moquer du monde; il y a des divergences de vues au sein de la députation ministérielle. D'ailleurs, comment se fait-il qu'aujourd'hui, après la période des questions, la possibilité de ces divergences de vues fasse scandale, alors que la nuit dernière - peut-être que la nuit porte très bien conseil quoiqu'en pense le leader de l'Opposition qui voulait que tout se passe seulement au grand jour; durant la nuit, il y a peut-être des minutes de vérité plus profondes que le jour - le député de

Verchères, qui a peut-être fait la meilleure intervention de sa carrière, a étalé devant la Chambre des divergences de vues dans les rangs ministériels. Il a rappelé ce moment clé, le printemps dernier, alors que le gouvernement avait à choisir, avait à décider s'il allait, oui ou non, rouvrir unilatéralement les conventions collectives qu'il avait lui-même signées. Bien sûr qu'à ce moment-là, le printemps dernier, il y a eu des divergences de vues et celles d'aujourd'hui sont en filiation directe avec les divergences de vues qu'il y a eu à ce moment-là. (13 h 40)

Le député de Verchères nous a dit en toute franchise, dans ce très éloquent discours, qu'à l'époque il était tenant de la ligne dure et qu'encore aujourd'hui il ne sait pas s'il avait raison à ce moment-là. Mais les tenants de la ligne dure nous disaient: II faut rouvrir les conventions unilatéralement. Un autre courant d'opinion dans le groupe ministériel soutenait au contraire que, pour soutenir et défendre la légitimité de l'État québécois, il fallait que le gouvernement honore et respecte sa signature. Alors, j'ai parlé d'un piège, qui consistait en ceci qu'on nous a dit avec des arguments très convaincants à l'appui qu'il n'y avait que deux solutions. C'était soit la réouverture unilatérale des conventions, soit la loi no 70.

M. le Président, avec la même franchise que le député de Verchères, je vais vous dire que j'étais contre la ligne dure; que j'étais très sensible aux arguments relatifs à la légitimité de l'État, mais j'ai été piégé parce que cela m'a amené à voter pour la loi no 70 qui, à mon avis, n'est pas une très bonne loi. D'ailleurs, les porte-parole du gouvernement nous ont expliqué au cours de ce débat, comme ils l'avaient fait antérieurement, qu'il fallait en quelque sorte protéger la population contre la loi no 70. Cela nous coûte 115 000 000 $ pour protéger la population contre les effets de la loi no 70. C'est donc que cette loi était loin d'être parfaite. Elle avait peut-être des défauts plus profonds.

M. le Président, j'ai une question en tête à laquelle je n'aurai peut-être jamais la réponse. C'est qu'alors que nous étions piégés y avait-il une autre voie? Aurait-il été possible de régler par la voie de la négociation? Je donne aux négociateurs du gouvernement et à leurs maîtres et aux négociateurs syndicaux et à leurs maîtres, le bénéfice de tous les doutes. Je veux bien admettre qu'ils y ont mis énormément de bonne foi. Cela n'a pas empêché l'échec que nous connaissons et cela laisse entendre que, peut-être, l'autre voie à laquelle j'aspire n'existait pas. Peut-être, qu'effectivement le dilemme réouverture unilatérale des conventions ou la loi no 70, c'était un dilemme qui n'offrait pas d'autre issue. Mais j'ai encore la question en tête parce qu'on observe des choses. Par exemple, j'observe qu'à un moment donné les porte-parole syndicaux ont mis sur la table des négociations des concessions, un certain type de gel des traitements et des salaires qui valait 1 000 000 000 $. Il me semble que, lorsqu'on négocie et que, de l'autre côté de la table, on dit: Nous mettons 1 000 000 000 $ sur cette table, le négociateur de l'autre côté doit prendre la chose, pour employer un anglicisme et un cliché, en sérieuse considération. Qu'a dit le négociateur en chef face à cette concession chiffrée à 1 000 000 000 $? Il a dit: Y a rien là. Jamais M. Lucien Bouchard, que je sache, n'aurait retiré cette observation, y a rien là. Jamais, un porte-parole du gouvernement, le président du Conseil du trésor ou quelque autre ministre chargé des négociations n'a repris pour M. Bouchard ce propos méprisant. Jamais. C'est donc cela l'attitude que ce gouvernement a eue en négociation. L'autre partie met sur la table 1 000 000 000 $ en concession et le gouvernement dit: Y a rien là. C'est pourquoi j'ai un doute. C'est pour cela que malgré tout, malgré les évidences que M. le ministre des Finances nous a longuement étalées sur la très difficile situation budgétaire et financière du gouvernement, c'est pour cela que j'ai toujours ce doute, à savoir s'il n'y aurait pas eu une autre voie, s'il n'y aurait pas eu une autre ligne que la ligne dure parce que cette ligne dure, je la réprouve profondément et je pense que vous savez comme moi que je ne suis pas seul à la réprouver.

Peu de députés ministériels depuis quelques mois citent les journaux en cette Chambre. Je vais le faire aujourd'hui. Je suis journaliste de métier et je ne suis pas seul dans ce gouvernement. Ce gouvernement est celui qui a le plus de journalistes dans ses rangs, de l'histoire du Québec. Cela m'étonne de voir des confrères journalistes cesser de citer les journaux. Auraient-ils oublié le rôle fondamental et essentiel de la presse, se seraient-ils enfermés dans ce cercle extrêmement inquiétant des gens, des cliques qui se disent: II n'y a que nous qui avons raison. Les journalistes du Québec aujourd'hui, à mon avis, font un travail aussi honnête et compétent qu'à aucune autre période de l'histoire du Québec. Ces journalistes qui ont contribué à la chute du gouvernement Bourassa sont aujourd'hui aussi honnêtes et compétents et il faut savoir les lire. Il faut savoir se dire que la presse a ce rôle de chien de garde dans notre société démocratique et que ce qui s'écrit dans la presse doit compter pour les gens qui gouvernent, sous peine de s'enfermer dans cette conviction qu'on est les seuls à avoir raison. Surtout quand un de ces journalistes s'appelle Pierre Vadeboncoeur, vieux compagnon de route des indépendantistes,

vieux compagnon de route syndical. Nous en avons beaucoup de vieux compagnons de route syndicaux. Je ne pense pas qu'il faille en avoir honte.

Je n'en ai pas honte et je lis ce texte assez bref, très sobre, de Pierre Vadeboncoeur, paru dans la Presse du 26 novembre, sous la rubrique "Libre opinion", intitulé, le titre dépend du journal je suppose: "Une loi explosive". Cette loi explosive, c'est la loi 70. Je ne retiendrai, je ne citerai de cet article de Pierre Vadeboncoeur, ami du gouvernement, loyal et fidèle compagnon du gouvernement du Parti québécois, trois mots: "coup de force". Trois mots qu'il applique à la loi 70. Cela nous dit quelque chose à nous les péquistes, coup de force. Combien de fois avons-nous dénoncé un gouvernement dans un autre Parlement qui pratiquait un coup de force? Il faudrait réfléchir à la nature d'un coup de force. Comment des gens en viennent-ils à faire un coup de force? Des gens en viennent à faire un coup de force précisément quand ils pensent qu'ils sont les seuls à avoir raison, précisément quand ils envoient les éditorialistes paître, précisément quand ils disent que les journalistes sont des cons qui ne comprennent rien et qui ne savent faire que des potins. C'est à ce moment que les gens font des coups de force, ceux qui sont seuls à avoir raison.

Michel Roy, mon vieil ami Michel Roy, dans la Presse d'aujourd'hui publie un premier Montréal qui est intitulé "Dernier acte d'un spectacle désolant". C'est un bon titre parce que cela appuie ce que j'ai commencé par dire, que je ne me désolidarisais pas du gouvernement pour ce projet de loi parce que c'est le dernier acte. C'est l'ensemble du spectacle que je mets en doute, c'est l'ensemble de la ligne dure. Il ne sert à rien de s'en prendre au bout de la queue de la comète de cette ligne dure. Ce qu'il faudra faire, c'est prendre des mesures pour remplacer cette ligne dure qui nous a menés à l'échec par autre chose. J'y reviendrai à cette autre chose. (13 h 50)

Michel Roy écrit dans la Presse de ce matin: "Le Parti québécois se comporte ici de façon diamétralement opposée à l'esprit sinon à la lettre de son programme. " Bon, les exégètes faciles vont dire que le conseil national du parti à Hull a approuvé la loi no 70. D'accord. II n'est pas question des petites approbations en cours de route. Il n'est pas question de la lettre du programme, il est question de l'esprit. Et cette loi, elle me répugne pour une autre raison. Elle me répugne parce qu'il me semble que c'est une loi qui conviendrait à merveille à nos amis d'en face...

Une voix: Vous allez avoir besoin...

M. de Bellefeuille:... aux libéraux. C'est une loi parfaite pour les libéraux.

Une voix: Ah bien, non, par exemplel

M. de Bellefeuille: J'ai fait allusion un peu méchamment à M. Bouchard, mais M. Bouchard est quand même un homme d'une expérience impressionnante dans son domaine, celui des négociations. Je vais citer M. Bouchard dans une entrevue publiée dans la revue Actualité; et la date est significative, c'est Actualité de février 1981 et on dit bien dans le texte de présentation que l'entrevue a été faite le 11 décembre 1980, donc, il y aura deux ans demain. Ce n'est pas un texte qui sort de presse, cela fait deux ans. Que disait M. Bouchard, il y a deux ans? Actualité lui posait cette question-ci: "Si les syndicats sont plus puissants que le gouvernement, comme vous le dites, le gouvernement a dû donner plus qu'il n'aurait dû le faire?" Cela, c'est après les négociations de 1979, n'est-ce pas? Puisque c'est la fin de 1980. Réponse de M. Lucien Bouchard: "Pas forcément aux dernières négociations. Les gros morceaux ont été donnés au début, au début du processus" -sous les libéraux - "Dans les hôpitaux, par exemple, on a accordé des clauses de promotion extrêmement libérales... " - là le mot libéral a un autre sens - "... et aussi, ce qui est très grave, la notion de poste, ce qui fait, qu'à la limite, on ne peut pas demander à un infirmier qui travaille dans un département où temporairement il n'y a pas beaucoup de malades, d'aller dépanner un autre département qui est débordé. " - Je n'ai que deux minutes, M. le Président? - "On ne peut pas faire cela. " Cela remonte aux libéraux. Ce système de postes qui fait qu'on est barré et qu'il n'y a pas la souplesse voulue dans le personnel hospitalier, c'est l'héritage des libéraux. M. Bouchard décrit dans une autre réponse de cette entrevue, une situation dans laquelle, à partir des libéraux, les négociations sont devenues un affrontement entre deux bureaucraties. La bureaucratie gouvernementale et la bureaucratie syndicale. Cela me fait dire que cette loi en est une qui conviendrait fort bien aux libéraux.

On pourrait voir le journal des Débats de 1976, vers la fin du régime libéral, pour lire les discours des péquistes de l'époque dénonçant l'action libérale. Ce n'est pas une loi qui convient au Parti québécois. C'est ce qu'écrit Michel Roy et j'en suis profondément convaincu parce que le Parti québécois est un parti de confiance dans l'être humain par opposition à un parti, comme le Parti libéral, qui est un parti sans idées, sans programme, un parti des appareils, un parti des groupes d'intérêt, un parti ballotté par les groupes de pression. C'est cela le Parti libéral, M. le Président.

Nous en sommes là. Mme Voisard, dans le Soleil de ce matin...

Le Vice-Président (M. Jolivet):... en terminant.

M. de Bellefeuille: Oui, je termine, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaîtî S'il vous plaît!

M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que je peux avoir le consentement de la Chambre pour cinq minutes?

Une voix: Non!

M. de Bellefeuille: Bon!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je dois vous demander de conclure.

M. de Bellefeuille: Je conclus, M. le Président, en attirant l'attention de tous au dernier paragraphe de l'éditorial de Mme Voisard et en disant que je demande une chose à ce gouvernement pour remplacer la ligne dure. Il est beaucoup question de virage technologique, je demande au gouvernement de faire le virage de la confiance pour remplacer la ligne dure, la confiance de ceux qui ne croient pas être seuls à avoir raison, la confiance dans le parti.

Dans les coulisses du pouvoir, on parle du parti comme d'une chose à manoeuvrer. Il est temps que cela cesse. Il faut rétablir la confiance dans le parti. Il faut rétablir la confiance dans la députation ministérielle. Le président du Conseil du trésor sème la panique dans la fonction publique depuis quelque temps en disant qu'il va couper douze pans de gouvernement. Je ne le sais pas, moi, quels fonctionnaires sont en panique et lesquels ne le sont pas, mais ils sont tous menacés et le président du Conseil du trésor joue à cache-cache avec l'opinion publique. Il joue à cache-cache avec nous, les députés ministériels, il refuse de nous consulter, il refuse de nous confier ses projets. Puisque le gouvernement parle de...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, il n'y a pas de consentement. Quant à moi. M. le député, je voudrais vous demander de terminer, vous avez dépassé les trois minutes. Non, M. le député...

Question de règlement de la part du député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je pense qu'il est établi, en vertu de notre règlement, que la présidence doit constater, lorsque demande est faite par un député s'il y a consentement à ce qu'un député prolonge son intervention, s'il y a consentement de la Chambre. Quant à nous, nous accordons le plein consentement parce qu'on sait...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, c'est déjà trop. J'ai constaté, comme vous me l'avez demandé, et en vertu de la coutume je n'ai pas à dire... Je dois vous dire qu'il n'y a pas consentement.

À l'ordre! À l'ordre! Il n'y a pas de question de privilège. À l'ordre! J'étais debout, il n'y a rien d'enregistré et, en conséquence, il n'y a pas de question de privilège.

M. le député de Berthier, vous avez le droit de parole.

M. Rivest: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant! Un instant! M. le député de Deux-Montagnes, une demande de directive.

M. de Bellefeuille: Qu'est-ce qu'un député doit faire, M. le Président, quand il a le consentement de ses collègues pour continuer son intervention et que le président lui refuse de le faire?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes, vous accusez la présidence de ne pas avoir entendu un non dans cette salle. Je l'ai entendu et si vous voulez remettre en cause ce que je suis comme président d'Assemblée, je dois vous dire que j'ai entendu "non" et je n'ai pas le droit de vous laisser continuer puisqu'il n'y a pas de consentement. C'est pour cela que je demande au député de Berthier de faire l'intervention qu'il me demande. M. le député de Berthier.

M. Rivest: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, Mme la députée de Chomedey à qui on...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon, je me lève dès maintenant. J'ai dit qu'il n'y avait eu aucun enregistrement. J'étais debout, il n'y a eu aucun enregistrement; en conséquence, je ne veux pas qu'on mette dans les minutes de cette Assemblée des choses qui n'ont pas été dites et inscrites au journal des Débats.

M. le député de Jean-Talon. (14 heures)

M. Rivest: Question de règlement. Mme la députée de Chomedey s'est levée et elle a soulevé une question de privilège dont j'ignore absolument la nature. Vous me

parlez d'un nom ou de ce que vous avez entendu. Je trouve très légitime la remarque que vous avez faite, mais je pense que le règlement permet à Mme la députée de Chomedey, avant que vous ne disposiez de sa question de privilège, qu'elle puisse la formuler.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je dois vous dire, M. le député, que pour que je puisse permettre une question de privilège à Mme la députée de Chomedey, il faut qu'il y ait quelque chose d'inscrit dans le journal des Débats. Comme j'étais debout et qu'au moment où je suis debout, il n'y a rien d'inscrit dans le journal des Débats, il n'y a donc, à ma connaissance, rien eu d'inscrit dans le journal des Débats. Quand les gens se parlent de part et d'autre de cette salle, si ce n'est pas inscrit dans le journal des Débats, cela ne provoque pas de droit à une question de privilège.

M. le député de Berthier.

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaîtl M. le député de

Brome-Missisquoi, sur une question de règlement.

M. Paradis: Je ne sais pas si le député de Deux-Montagnes m'autoriserait une question à la suite des propos qu'il a prononcés dans son discours. Est-ce que j'ai son consentement en vertu de l'article 100?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de demander au député de Deux-Montagnes d'accorder son consentement, je dois vous dire, premièrement, que le règlement ne permet pas de faire de façon détournée ce que le règlement ne permet pas de faire de façon directe. En conséquence, en vertu de l'article 100, si vous le lisez très bien, il y est inscrit que tant et aussi longtemps qu'un député a la parole... Or, le député de Deux-Montagnes n'avait plus la parole puisque je l'avais donnée au député de Berthier. Deuxièmement, il ne peut même pas répondre à votre question puisqu'il n'avait plus le droit de parole. Je dois appliquer le règlement, comme je l'ai dit et comme je l'ai répété à plusieurs occasions, à moins - si vous me laissiez terminer, peut-être que vous comprendriez... Je le répète, l'article 100 dit: "tant qu'il a la parole". Or, il arrive souvent que des députés n'ayant plus le droit de parole - puisque, pour avoir la parole, il faut avoir le droit de parole - l'article 100, et je l'ai interprété à plusieurs occasions, dit que, si une personne accepte de répondre à une question, il faut qu'il y ait une sorte de consentement qui soit tacite ou entendu de part et d'autre de cette Assemblée. Souvent, quand une personne demande, en vertu de l'article 100, à une autre personne si elle veut lui accorder une question et que celle-ci répond oui, mais qu'en même temps personne d'autre n'intervient, je considère qu'il y a consentement tacite. S'il y a des gens qui refusaient que ce soit accordé, il n'y aurait pas de consentement.

M. le député de Jean-Talon, sur une question de règlement.

M. Rivest: M. le Président, sur une question de règlement. J'ai compris le sens des remarques que vous venez de faire. Je vous signalerais deux éléments. C'est qu'avant même, je pense - quitte à ce qu'on vérifie au journal des Débats, sauf erreur -que vous reconnaissiez le député de Berthier, je pense avoir moi-même soulevé une question de règlement; c'est le premier élément. Deuxièmement, puisqu'il s'agit de déterminer si effectivement le député de Berthier avait la parole, je vous signale que le député de Berthier n'a pas prononcé les mots sacramentaux de "M. le Président"; donc, il n'avait pas la parole. Deuxièmement, en vertu de l'article 92, il est inscrit que pour parler - je suppose que ce sont les gens qui ont la parole qui parlent - un député doit se lever - je ne pense pas que le député de Berthier ait été debout - et demander la parole au président - un instant! - en le désignant par son titre. Ce qui ferait que, techniquement parlant, le député de Berthier, même si vous l'aviez reconnu, n'avait pas la parole et que, comme la nature a horreur du vide la parole était encore au député de Deux-Montagnes.

Une voix: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un peu de calme. Effectivement, le député de Berthier, en vertu de ce que vous dites, M. le député de Jean-Talon, n'a pas prononcé les paroles: "M. le Président". Cependant, il était debout - il le confirmera lui-même -et, en vertu de ce qu'on appelle l'alternance entre les deux partis politiques, le député de Berthier m'avait signifié qu'il voulait parler aussitôt que le droit de parole du député de Deux-Montagnes serait terminé. Je pense que la coutume vaut aussi ce que le règlement donne. Le règlement dit qu'il doit prononcer, "M. le Président", mais il était debout.

M. le député, seulement un instant. Je voudrais savoir de la part du leader de l'Opposition... M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, pour dénouer cet imbroglio, nous offrons notre consentement de continuer à entendre le député de Deux-Montagnes.

M. Houde: C'est cela. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes, intervenez-vous sur cette question?

M. de Bellefeuille: Oui, je veux intervenir sur cette question, M. le Président, pour vous dire que je n'avais pas vraiment terminé. C'est ma faute, j'aurais dû condenser un peu plus. Mais l'insistance que nos amis libéraux mettent à me faire continuer m'en enlève le goût.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader. Les messages de part et d'autre étant passés, je demande au député de Berthier... M. le député de Jean-Talon, j'ai rendu une décision en vertu de l'article 100. M. le député de Berthier, vous avez le droit de parole. M. le député de Berthier.

M. Houde: M. le Président...

M. Lalonde: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde:... le député de Jean-Talon a demandé la parole sur une question de règlement et c'est suivant le règlement et l'usage que je vous demande de le reconnaître.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition. M. le whip du gouvernement.

M. Brassard: Est-ce parce que le député de Berthier se prépare à parler pour le projet de loi qu'on veut l'empêcher de parler, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition, tout ce que je vous ai dit, c'est qu'en vertu de l'article 100, il fallait qu'il y ait consentement. Je dois vous dire qu'il n'y a pas consentement à prolonger le temps du député de Deux-Montagnes. Son temps est écoulé et, en conséquence, je demande au député de Berthier d'intervenir. M. le député de Berthier.

M. Rivest: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Très brièvement, M. le Président. Parce que vous avez redonné la parole au député de Deux-Montagnes, ce qui impliquerait que le député de Berthier ne l'a pas encore, je voudrais me prévaloir entre les deux...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon, je m'excuse. Je n'ai en aucune façon accordé le droit de parole au député de Deux-Montagnes. Il m'a demandé d'intervenir sur la question de règlement, justement, ce que je lui ai permis. Cela n'est pas sur son droit de parole. M. le député de Berthier, vous avez maintenant le droit de parole.

M. Albert Houde

M. Houde: M. le Président, je vois que cela n'est pas facile d'avoir la parole ici, pourtant, on est dans un pays démocratique. Lorsqu'on entendait tantôt le député de Deux-Montagnes parler pour et tantôt contre le projet de loi, pour finir par dire qu'il va voter pour le projet de loi, il disait aussi qu'il n'était pas une machine à voter et encore moins un robot. On voit ce qu'il a fait hier, il n'a même pas voté, quand le temps est venu. Par contre, j'aimerais que le député de Deux-Montagnes veuille bien déposer en cette Chambre ce qu'il a dit en ce qui concerne le président du Conseil du trésor, pour que cela puisse entrer à l'intérieur des débats, pour qu'on puisse le voir et le lire. J'aime cela quand il parle contre son gouvernement, surtout contre un ministre qui est censé être important.

M. le Président, encore une fois, une loi matraque dont on est appelé à parler encore aujourd'hui, le projet de loi no 105. L'objet des discussions d'aujourd'hui nous oblige presque à remonter au moment où le Parti québécois est arrivé au pouvoir de manière à saisir les tenants et les aboutissants de cette confrontation entre l'État, les travailleurs et les travailleuses des secteurs public et parapublic. C'est ainsi que la première préoccupation du gouvernement était d'unir les efforts des Québécois pour bâtir un pays, disait-on. (14 h 10)

On a mobilisé toutes les ressources disponibles de l'administration publique: tournées ministérielles, sondages, référendum, programmes à portée limitée, livre vert, livre blanc, pour faire croire que le Québec se porterait bien mieux s'il pouvait accéder à l'indépendance, ou encore, à la séparation. En 1982, on constate plutôt un résultat déprimant, en ce sens que les Québécois ont vécu des événements politiques qui les ont divisés plus que jamais auparavant. C'est aussi un résultat de l'incompétence démontrée par nos dirigeants plus préoccupés à mousser l'idée de l'indépendance qu'à défendre nos intérêts. En engageant le dialogue tant promis avec les travailleurs et les travailleuses du secteur public, on a oublié de tenir compte du secteur privé. On a oublié que ce dernier était en 1982

toujours responsable de 80% des emplois créés. On a aussi oublié que le secteur public ne peut à lui seul assurer un avenir viable pour le Québec. En fait, on a oublié, de l'autre côté de cette Chambre, beaucoup trop d'éléments essentiels à une bonne gestion des fonds publics alors qu'on a dit que le peuple du Québec possédait un sens de créativité susceptible de traverser n'importe quelle époque difficile. Le rôle de l'État a grandi au point où le secteur privé s'est senti démotivé, découragé devant toute nouvelle initiative à un moment, pourtant, où le Québec doit s'ajuster à de nouvelles réalités.

Ce gouvernement demande une fois de plus aux Québécois d'unir leurs efforts et les convainc que l'État n'a plus les moyens de payer ses employés. Il l'a fait subtilement au début de cette course folle d'une vaste opération visant à récupérer des sommes et des droits acquis sous le régime péquiste. Mais cette course folle vers les économies budgétaires ne fait que commencer, selon les responsables des dossiers économiques du présent gouvernement. En d'autres termes, non seulement le secteur public va-t-il écoper des restrictions imposées à la suite de ces décrets, mais les 6 000 000 de Québécois y goûteront parce que le gouvernement n'a pu prévoir l'ampleur de la crise. Quand on dit que gouverner, c'est prévoir, voilà tout l'invraisemblable de cette histoire ridicule de la gestion des fonds publics sous le régime du gouvernement péquiste.

En fait, nous sommes loin d'être parvenus aux objectifs sociaux-démocrates prônés par celui qui formait le parti de l'Opposition avant 1976. Nous en sommes si loin que ce gouvernement est aujourd'hui méconnaissable par rapport aux valeurs qu'il véhiculait à l'époque. Équité, justice, préjugés à l'endroit des bas salariés constituaient des paramètres de l'action d'un gouvernement péquiste. En 1982, la catastrophe survient en dépit du fait que les revenus du gouvernement québécois sont constitués en partie des taxes qu'il perçoit auprès des citoyens et entreprises, des placements qu'il effectue et enfin, des paiements de transfert du gouvernement canadien. Et on s'obstine à convaincre les Québécois que la sécurité économique sera atteinte lorsqu'on se retirera du régime fédéral. Belle logique, à la lumière des résultats de la gestion du gouvernement péquiste.

Alors que d'autres pays ont vu venir la crise sans avoir le temps de s'ajuster complètement, le Parti québécois nous répète, lui, que la spontanéité de cette crise économique a eu pour effet de faire mentir toutes les prévisions optimistes. On en est rendu à remettre en question les services offerts aux Québécois et Québécoises dans le domaine de la santé. C'est la crise qui a fait qu'entre 1980 et 1982, les ministres des Affaires sociales et de l'Éducation ont subi des coupures de l'ordre de 7. 2%. C'est la crise qui obligeait les autorités médicales de cinq hôpitaux du nord de Montréal à dresser des listes d'attente pour l'admission de 5000 personnes. Selon un relevé effectué le 5 octobre dernier, pour fins de soins de courte durée, c'est encore la crise qui contraint les autorités de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont d'accueillir jusqu'à 50 patients au service des soins de courte durée qui a une capacité d'accueil de 13 lits seulement.

Notre parti n'a jamais nié la présence de cette crise, aussi bien au Québec qu'ailleurs au pays et dans le reste du monde. C'est pourquoi il s'est efforcé d'avertir le présent gouvernement, à l'instar des autres observateurs de la vie économique au Québec, qu'un grave danger le guettait s'il ne mettait pas un terme à des dépenses aussi élevées dans des secteurs moins prioritaires. De cette façon, le gouvernement aurait pu prévoir les difficultés dans lesquelles il s'enlisait de jour en jour. Il aurait pu prévoir qu'il était possible de faire plus avec moins, sans pour autant remettre en cause les droits acquis aussi bien par les travailleurs du secteur public que du secteur privé. Il aurait enfin pu mettre à la disposition du secteur privé les ressources nécessaires de manière que ce dernier puisse prendre la relève pendant cette période difficile.

Nul ne se surprend aujourd'hui que l'État ne puisse jouer son rôle de régulateur en intervenant là où les actions urgentes sont nécessaires. À ce rythme, M. le Président, il sera obligé d'abdiquer, comme il l'a fait au chapitre des responsabilités à assumer. Oui, le gouvernement a dangereusement déstabilisé l'économie du Québec en investissant là où il ne le fallait pas, là où le secteur privé était actif - on pourrait vous citer beaucoup d'exemples, on en a de grandes pages - lequel était en mesure d'assurer la rentabilité de certains secteurs. Quel héritage! En 1982, le manque à gagner du ministre des Finances dépasse les seules limites du projet de loi no 105. En fait, la situation précaire dans laquelle nous a plongés le Parti québécois augure mal pour l'avenir.

M. le Président, les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 1982, par exemple, la part du déficit budgétaire financée par des emprunts atteint 80, 8%. La dette nette du gouvernement, donc, de tous les Québécois, atteint 15 000 000 000 $ en 1982. Le taux de chômage dans certaines régions du Québec oscille en 16% et 20%.

Certains vous diront, M. le Président, que l'Opposition lance de gros chiffres auxquels nous sommes tous habitués. Dans une certaine mesure, ils n'ont pas tout à fait

tort puisque l'imprévoyance du présent gouvernement a pris une telle ampleur depuis si longtemps que l'on tient pour acquis que jamais personne ne se verra un jour dans l'obligation de payer cette dette. Ce seront nos enfants qui la paieront. Voilà bien une illusion qui a tendance à se transformer en une dure réalité.

J'avoue que je suis davantage inquiet pour les générations qui nous suivront que pour la nôtre, M. le Président. Aujourd'hui, les agents prêteurs ont sévèrement averti le gouvernement que les possibilités de prêt allaient diminuant, en ce sens que le coût du loyer de l'argent serait proportionnel à son incapacité d'asssurer une bonne gestion des fonds publics. D'un autre côté, le ministre des Finances sait très bien qu'il ne peut se permettre de hausser les impôts dans son dernier budget de peur d'éveiller la colère des Québécois. Mais nous lui disons en plus que les appels à la solidarité ne suffiront pas à apaiser la colère.

Quant aux jeunes, parlons de leur situation. Les chances d'avenir de nos jeunes semblent être le cadet des soucis du gouvernement. Dernièrement, le Conseil supérieur de l'éducation estimait que 237 000 jeunes Québécois de 15 à 24 ans étaient en chômage ou totalement inactifs en 1982. De plus, les jeunes ont compris que la place qu'ils occupent dans la société ne leur est jamais donnée sans effort. Encore faudrait-il que l'État favorise une action concertée et surtout cohérente de manière qu'ils accèdent à une situation avantageuse à laquelle ils ont droit. En d'autres termes, les jeunes attendent beaucoup de leurs dirigeants. C'est normal, puisqu'on les a habitués à une aisance, à exprimer leurs besoins tout en leur faisant savoir l'immensité du réservoir des ressources disponibles. Non seulement les ressources financières ne sont plus disponibles pour répondre au besoin des jeunes, mais jamais aura-t-on vu une pénurie d'idées si grande. La raison est bien simple, le gouvernement n'a plus de projet original à offrir, maintenant que la population québécoise lui a dit non à l'indépendance ou encore mieux à la séparation, comme vous le voulez. Les finances publiques ne lui permettent plus de proposer de mesures d'urgence dans le secteur de la création d'emplois. On ne parle plus que d'écart entre déficits prévus et déficits réalisés: en 1977-1978, 38%; en 1978-1979, 42, 5%; en 1979-1980, 25%; en 1980-1981, 29%, et en 1981-1982, 17, 8%. Ce n'est pas joli à montrer, encore moins à dire. (14 h 20)

D'autre part, le gouvernement ne peut plus encourager les jeunes vers le secteur privé pour une autre raison: la main-d'oeuvre disponible est déjà trop nombreuse pour permettre l'entrée massive de jeunes désireux de relever un défi là où leurs talents seront reconnus. Là encore les chiffres parlent d'eux-mêmes. Au Québec la part des investissements du secteur privé passait de 7 700 000 000 $ en 1980 à 8 500 000 000 $ en 1981 pour ensuite chuter à 8 200 000 000 $ en 1982. Quant aux investissements étrangers. M. le Président, au train où vont les affaires économiques, si jamais nous ne réussissons pas à intéresser les investisseurs à nous aider à relever le défi au Québec, demain il sera trop tard. La saveur nationaliste dont a fait preuve le Parti québécois a dépassé le réalisme économique et culturel de notre véritable situation.

Nombre de mesures ont fini par décourager les investisseurs les plus téméraires. Dernièrement, mes collègues du comté de Notre-Dame-de-Grâce et d'Outremont rendaient publique une compilation faisant état du départ des sièges sociaux au Québec. Loin d'être émus, les stratèges économiques du Parti québécois, se contentent de dénoncer l'establishment canadien en se disant satisfaits d'une telle situation, d'autant plus que ces départs laisseront la place aux francophones. Or, tel n'est pas le cas puisque nombre de cadres francophones avaient réussi à se tailler une place confortable au sein des sièges sociaux.

C'est la réputation tout entière du Québec que l'on atteint lorsqu'un gouvernement refuse de reconnaître le bien-fondé de certains adoucissements de ses politiques en matière fiscale, économique, parfois même culturelle. Une société qui se dit tolérante et accueillante doit savoir faire preuve de pragmatisme plus d'une fois au cours de son histoire. Parfois il vaut peut-être mieux oublier les intentions fondées sur le repli de soi-même et faire preuve de moins d'orgueil, de manière à faire bénéficier l'ensemble des Québécois des retombées éventuelles d'investisseurs désireux de s'implanter chez nous. Dernièrement, l'animateur bien connu Pierre Nadeau recueillait des opinions selon lesquelles plusieurs investisseurs se disaient motivés à s'installer dans des provinces canadiennes mais qu'une certaine réticence s'emparait d'eux lorsque s'offrait le choix de venir au Québec. Il est normal que des investisseurs éprouvent une certaine crainte, ne sachant trop bien le sort que leur réservera un gouvernement aussi incohérent en matière de planification économique.

Pour ce qui est de la collaboration syndicale, en somme, avant de connaître si oui ou non les syndicats poursuivront leur lutte au point de paralyser l'ensemble des secteurs public et parapublic, il nous faut souligner au gouvernement qu'il a manqué la meilleure chance de sa vie en matière de relations du travail au Québec. En effet, au cours des dernières années, le syndicalisme fondé sur une stratégie essentielle et

idéologique s'est peu à peu transformé en un syndicalisme davantage axé sur une dimension d'affaires. C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner du fait que le front commun ait récemment proposé plusieurs voies de sortie, tel l'étalement du gel des salaires, de manière à poursuivre le dialogue avec le gouvernement. Cela aurait été beaucoup plus démocratique.

Malheureusement, les syndiqués se sont butés à l'entêtement du gouvernement péquiste de revenir sur des droits acquis, après qu'il eût lui-même consenti à des avantages substantiels aussi bien salariaux que normatifs, lors des dernières rondes de négociations. En d'autres termes, le gouvernement a échappé cette chance de pouvoir offrir une alternative quant à la nature même du déroulement des négociations en refusant d'explorer les solutions de rechange. À lui maintenant d'en subir les conséquences, tout en souhaitant que les bénéficiaires des services publics soient épargnés dans le cas où se brise le contrat social de notre province.

J'aimerais - deux minutes seulement -avant de terminer parler du départ des entreprises. Voici les déclarations du député et ministre, M. Landry: On ne regrette pas les départs de nos maîtres. Voilà ce que déclarait le ministre d'État au Développement économique, M. Bernard Landry, en mai 1979. Je vous en citerai encore une autre, en juin 1980: "Transfert de Montréal à Toronto: BP a pris une décision logique et rationnelle". Quand on a des déclarations comme celles-là, je vous assure qu'on ne va pas loin dans une province comme la nôtre.

Parlons des décrets quelques secondes: On voit dans la Presse de ce matin: "Québec impose des décrets, Parizeau invoque l'urgence, gouffre financier en vue". J'ai fait un petit graphique ce matin, tout en m'amusant, avant d'entrer en Chambre, de ce qu'on voyait en 1970-1976, selon le graphique suivant, on parle des grèves et cela prend 1/2 pouce d'espace; il s'agissait de quelques grèves seulement. Maintenant, ce qu'on voit de 1976 à 1981, le graphique est passablement plus haut, le double. Lorsqu'on regarde les décrets, on ne les voit plus parce que cela dépasse la feuille; les graphiques pour les décrets dépassent la page...

Est-ce que je peux dépasser un peu, M. le Président? Tantôt, ils ont obtenu trois minutes de plus. Cela ne sera pas long.

Le Président: En concluant, s'il vous plaît, parce qu'il est 14 h 29 et votre temps de parole expirait à 14 h 29.

M. Houde: Très bien, M. le Président, je vous remercie beaucoup. Encore une fois, j'ai constaté hier, comme nouveau député, en faisant le tour du parlement ou encore la maison du peuple, comme il y en a qui le disent, encore les portes fermées. C'est à se poser des questions sur ce qui se passe avec le gouvernement qu'on a actuellement.

Le Président: M. le député de Berthier, s'il vous plaît; Je dois vous remettre à l'ordre sur ce point. J'ai eu l'occasion d'expliquer hier, à la suite d'une question de votre leader pour savoir qui avait pris cette décision, sans dire les raisons pour lesquelles cela a été fait, mais la présidence n'a pris que ses responsabilités.

Une voix: C'est une maison close.

Une voix: Pour ne pas qu'on s'échappe.

M. Houde: Je ne vous demanderai pas les raisons, M. le Président. Aujourd'hui, le gouvernement péquiste veut faire payer aux 300 000 travailleurs et travailleuses la mauvaise administration de ce gouvernement. Qui sera la ou les prochaines cibles? Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est très important et c'est très grave en même temps ce qui se passe en ce moment; c'est d'une importance et d'une gravité sans précédent. Sur les enjeux que cela comporte, il est évident que l'Opposition ne sera pas d'accord; c'était couru d'avance. Sauf quand l'évidence saute aux yeux, et encore, c'est devenu une règle du parlementarisme, tel que nous le connaissons, le rôle de l'Opposition, c'est d'être contre.

Dans certains cas qui sont particulièrement déchirants, et on en vit un en ce moment, c'est une chose qui arrive aussi ça et là du côté ministériel également et je dirais que c'est dans l'ordre des choses. C'est ainsi - j'avais l'occasion de le dire ce matin, que le Parlement devient une sorte de prétoire et chacun, s'il y prend goût, s'il n'y prend pas garde, devient aussi un plaideur, avec la déformation professionnelle de tous les plaideurs, dont le principal élément, c'est d'avoir systématiquement des oeillères. Également, forcément, c'est rempli pour l'Opposition - ce doit l'être; c'est la règle du jeu - de calculs tactiques. On en voit un bel exemple, en ce moment, chez nos amis d'en face. (14 h 30)

D'une part, ce que fait le gouvernement, c'est évidemment terrible. Cela les répugne profondément. Immense, incalculable même est leur stupéfaction d'apprendre ainsi, en décembre 1982, ce que, pour l'essentiel, ils savaient fort bien depuis

juin 1982. Leur désir de savoir, même si tardivement, est si insatiable qu'hier, à peu près tout le temps qu'a duré le débat sur la motion d'urgence, ils se sont servis de leurs exemplaires des décrets non pas pour s'y informer, mais pour les exhiber et en faire un spectacle. Cela est venu après le refus qu'ils avaient opposé, comme c'est leur droit, il y a deux jours, à l'offre qui leur a été faite de fournir quelques personnes ressources absolument non partisanes et en même temps parfaitement au courant des faits principaux sur les contenus, de façon que l'Opposition puisse avoir, elle aussi, le dessin aussi précis, aussi détaillé que possible de ce dont il s'agit. Maintenant, c'est beaucoup moins fatigant et c'est beaucoup plus conforme aux us et coutumes de déchirer ses vêtements et d'en mettre et d'en remettre jusqu'à l'absurde, comme le député libéral, hier soir, qui allait chercher jusqu'en Pologne des exemples d'autocratie comparable à celle dont nous offririons le spectacle, en ce moment, au Québec. Pour autant que je sache, nos Lech Walesa ne sont pas au cachot même si c'est déjà arrivé peut-être pour les chefs syndicaux, mais c'était avant notre temps.

Une voix: Hem! Hem! Des voix: Ah!

M. Lévesque (Taillon): Donc, on a droit, ces jours-ci...

Une voix: C'est fort.

M. Lévesque (Taillon):... sinon à du grand spectacle, en tout cas à du très gros spectacle.

Mais, d'autre part - il faut faire attention - en même temps il y a la tactique qui exige le respect de certaines règles de prudence élémentaires. Il ne faut pas aller trop loin dans l'Opposition, pas jusqu'au point où cela voudrait dire qu'à notre place, nos amis d'en face laisseraient porter tout simplement et qu'ils ne feraient rien. Dans les contextes où nous sommes, ce serait le comble de l'absurdité. Alors, bien sûr que non. Mais qu'est-ce qu'ils feraient exactement? Bien malin qui saurait le dire.

On n'a pas beaucoup le temps d'évaluer toutes les panacées qu'on glisse ça et là dans les interventions depuis deux jours. On glisse cela négligemment comme quelqu'un qui n'a pas lu un livre, mais qui a lu certains extraits de critiques, et cela fait bien dans les salons de montrer qu'on est au courant. Mais il faut manier cela avec des pincettes, avec beaucoup de précautions. Il ne faut pas non plus donner l'impression à la population que si elle était ici, à notre place, avec les responsabilités que nous avons à assumer, les interlocuteurs et les partenaires syndicaux n'auraient plus qu'à partir avec la caisse. Il ne faut surtout pas, ce serait malsain électoralement. Il n'y a pas le moindre soupçon de blâme dans ce que je dis, c'est un pur et simple constat. Je crois que le Parti québécois, quand il était dans l'Opposition, a fait la même chose dans des circonstances, non pas équivalentes, car il n'y a pas de précédent à ce qui se passe en ce moment dans la société, mais dans des circonstances, disons, d'une certaine analogie quand cela s'est présenté.

En fait, je serais plutôt porté à ressentir une certaine admiration, parfois. C'était le cas hier soir, par exemple, devant la candeur de renard bon apôtre avec laquelle le député de Jean-Talon nous servait, avec toute son onction, des bribes de vérité dont chacune, quand même, était soigneusement enveloppée de cinq fois ou dix fois son poids ou son volume de caricature de la réalité. J'ai même failli pleurer sur moi-même en entendant cet être vraiment trop sensible qu'est le député de Laporte qui reprenait au sujet de votre serviteur, d'un ton parfois compatissant, parfois comminatoire, tous ces "memérages" que d'aucuns multiplient couramment pour le bon motif. Si le temps me le permet, d'ailleurs, j'aimerais y revenir, mais seulement si le temps me le permet parce que c'est plutôt loin du fond du sujet.

Le fond du sujet, il ne se trouve surtout pas dans ce numéro de l'Opposition éminemment classique que nous servent, comme c'est normal, je pense bien, nos amis d'en face et aussi certains de leurs haut-parleurs à l'extérieur. Le fond du sujet, je voudrais le situer le mieux possible autour de deux expressions consacrées qui servent à décrire, en le simplifiant à outrance, ce qui serait censé être le devoir d'Etat de n'importe quel gouvernement. La première de ces expressions - c'est une vérité de La Palice jusqu'à un certain point - est "gouverner, c'est prévoir". En face, on s'en est servi, depuis une couple de jours, pour prétendre que nous ne l'avions absolument pas fait.

Je dois faire un aveu tout de suite: on n'a pas tout prévu, c'est sûr, et loin de là. Vous savez, quand je regarde ce qui se passe un peu partout dans le monde, et non seulement au Québec, je me dis que le marché des boules de cristal est vraiment à la baisse par les temps qui courent. Il n'y a pas beaucoup de prophètes qui circulent où que ce soit dans le monde en ce qui concerne les situations auxquelles doivent faire face les sociétés, quelles qu'elles soient, dans le monde occidental comme partout ailleurs sur la planète. Seulement, pour ce qui est de prévoir un peu, si on me le permet brièvement, je voudrais - c'est toujours un peu présomptueux, mais c'est peut-être indiqué - me citer moi-même dans

une intervention que j'avais l'occasion de faire ici, en Chambre, à la fin de 1977. À ce moment, il s'agissait de proposer ce qui a été accepté, ce qui a passé pour une sorte d'angélisme, parce qu'on voulait en faire une sorte de coup de semonce collectif jusqu'à un certain point. Cela n'a pas été très imité. Il s'agissait de geler, ce qui a été fait d'ailleurs, tous les traitements parlementaires pendant l'année 1978, après quoi, comme chacun le sait chez les députés - on aura l'occasion d'en reparler ces jours-ci quand on en arrivera à la Loi de l'Assemblée nationale - depuis 1978, la reprise des augmentations parlementaires s'est faite sur la base de 6% maximum chaque année. Pendant que, tout de même, admettons-le, pendant ces cinq mêmes années, les conventions collectives, celle d'avant notre gouvernement, celle d'après aussi, celles que nous avons signées prévoyaient des augmentations qui étaient de l'ordre devenu un peu traditionnel de 12% avec les échelons, etc.

Ce que nous avions à dire à la fin de 1977, il y a cinq ans, presque jour pour jour - c'était en décembre 1977 - s'était dit longtemps avant qu'une foule de gouvernements d'aujourd'hui où que ce soit dans le monde occidental, certainement longtemps avant qu'Ottawa qui s'est réveillé au mois de juin 1982, ou avant qu'aucune autre province, pour autant que je sache, ne s'éveille à certains problèmes et à certaines des contraintes qui se dessinaient déjà. Je me souviens que je disais ceci: "On ne doit pas se compter d'histoires - 21 décembre 1977 - parce qu'on est rendu très loin sur ce chemin - c'est-à-dire le chemin de tous les désirs qui se transforment en besoins et qui éventuellement deviennent soi-disant des droits acquis - au Québec et au Canada. Il va tout de même falloir cesser une bonne fois pour toutes de se fermer les yeux sur une certaine tendance empoisonnée à la compensation maximale pour le moindre effort, qui se répand et se généralise sous nos yeux, en nous comme autour de nous, et qui, si on la laisse s'implanter trop longtemps, risque de finir comme une tradition qu'on se transmet de père en fils. "

Par exemple, je me contente de ce passage: "Au lieu de se réduire quelque peu, de se contracter ou, en tout cas, à tout le moins de se maintenir, presque sans exception - ce qui arrive - les écarts tendent à s'accroître entre les plus modestes et les mieux nantis, entre les faibles et les puissants, entre les hommes et les femmes au travail. Comme les besoins, les désirs et les appétits ont, en revanche, leur propre tendance extraordinairement uniforme et qu'on pourrait dire géométrique à grandir pour tout le monde, il y a quelque chose là qui est décidément malsain et, aussi, quelque chose d'explosif à terme, si on ne réagit pas un peu. "Ainsi, par exemple, - aussi bien le dire franchement, parce que tout le monde sait que c'est vrai - les secteurs public et parapublic, où la sécurité d'emploi est de règle, et où les avantages qu'on dit marginaux sont généralement meilleurs que partout ailleurs, doivent comprendre qu'ils sont devenus indiscutablement la locomotive et le wagon de tête à la fois de toute la société et qu'on ne peut pas continuer indéfiniment à devancer ainsi, sans cesse davantage, le reste du convoi où se trouvent quand même tous les autres qui font les frais de l'addition. " (14 h 40)

C'était en décembre 1977. Il me semble que cela correspond assez bien. En tout cas, cela prend une certaine actualité par les temps qui courent. De ce côté-là, ce que nous avons pratiqué par la suite, ce que nous prêchions pendant les cinq ans et quelques mois qu'a duré le premier mandat du gouvernement, en particulier ce qu'on a pratiqué au moment des négociations de 1979, pas autant que nous l'aurions dû sans doute - aujourd'hui, on peut dire cela - ni bien sûr, - et cela, c'est sûr - pas autant que nous l'aurions fait si nous avions pu prévoir la crise que personne ne voyait clairement venir avec l'intensité meurtrière qu'elle a prise depuis l'été de l'an dernier, l'été 1981...

Tout de même, en douze mois, en 1979-1980, c'est-à-dire à peu près la moitié ou parfois même le tiers du temps que cela prenait auparavant, on a abouti à un règlement, cette fois-là, qui, tout compte fait, réduisait au moins d'à peu près 15% à 10% l'écart, tel qu'il apparaît dans les appareils de mesure dont on dispose, tel qu'on peut l'évaluer avec ce qu'on a comme critères de comparaison, donc, cela réduisait, en 1979, au début de 1980, de 15% qu'il était à environ 10% l'écart, le fameux écart entre la rémunération du secteur privé et celle du secteur public. Et soit dit en passant, parce que cela a été évoqué, vu que c'était à la fin de 1979, au début de 1980, je dois dire que ce n'était pas un règlement préréférendaire. On savait que le référendum s'en viendrait quelques mois plus tard. En tout cas, ce n'était sûrement pas un règlement préréférendaire comparable au règlement préélectoral que nos prédécesseurs avaient fait en 1976. Je me souviens des fois très nombreuses où j'ai été obligé de dire à des gens qu'on rencontrait et qui étaient nos amis, mais qui étaient également impliqués dans les négociations du front commun à quel point, souvent, on a été obligé de dire: Ce n'est pas possible - parce qu'il y avait parfois certains chantages de ce genre-là -d'aller prétendre acheter votre vote référendaire, quel qu'il soit, à même les fonds publics. Et c'est, je pense, ce qu'on a évité de faire.

Parallèlement, pendant ce temps, les dépenses de l'État, qui avaient grimpé presque de façon géométrique pendant les quelques années qui nous avait précédés, c'est-à-dire que cela avait dépassé, non seulement atteint, mais dépassé, des augmentations de 20% par année à certain moments. Ces dépenses de l'État, on a réussi quand même à les ramener - cela n'a pas été facile - à des niveaux qui, en moyenne, ne dépassaient pas vraiment ou ne dépassaient pas du tout, la plupart du temps, le niveau de l'inflation. Un des facteurs de ces compressions - aujourd'hui on sait que c'était insuffisant, mais on les a faites quand même - ce fut de contrôler les effectifs, les effectifs de la fonction publique et, autant que possible, des réseaux.

Je dois souligner que, jusqu'en 1976 -c'était établi depuis assez longtemps cette tradition - le nombre des employés de l'État grimpait gaiement d'environ 3% à 4% par année, année après année. En cinq ans, on a quand même réussi à ramener cela à la croissance zéro - pour employer une expression à la mode - et même un peu moins que la croissance zéro, parce que, globalement, il y a moins d'employés du secteur public aujourd'hui qu'il n'y en avait en 1976. Pourtant il y a quand même eu des réformes très importantes qui ont impliqué des organismes nouveaux, qui ont impliqué de l'administration nouvelle, que ce soit la protection du territoire agricole, l'assurance automobile, etc., des choses très importantes qui créaient des besoins massifs au point de vue administratif. Mais en tenant tout cela ensemble le mieux possible, on a quand même réussi, globalement, à ramener à zéro, et même à un peu moins que zéro, la croissance d'ensemble des effectifs qui étaient portés à monter sans arrêt depuis des années.

On pourra nous dire - je pense qu'on ne se gêne pas pour le dire - qu'il y a trop de cadres encore par rapport à ces effectifs. C'est vrai que le taux d'encadrement dans le secteur public est excessif. Il y a trop de chefs, encore aujourd'hui, pour le nombre d'Indiens qui sont là au travail. On en est bien conscient et on sait aussi que ce n'est pas facile de faire cette compression, qui est en marche et qui va continuer, avec autant de détermination que, quand même, une façon civilisée de procéder; les deux sont nécessaires.

Je vous donnerai un exemple. Aux Affaires sociales, juste pour l'année 1981-1982 - je dois dire tout de suite que c'est là que l'effort a été le plus consistant, le plus persistant - les postes - je ne parle pas des employés, surtout pas de ceux qui ont leur permanence, mais des postes, les chaises -syndiqués ou syndicables qui n'étaient pas remplis et qui ont été abolis représentaient 3, 4% du total. La même année 1981-1982, les postes de cadres, aux Affaires sociales, eux aussi non remplis et abolis par rapport aux effectifs totaux, c'était 4, 2%, autrement dit tout près de 1% de plus de postes de cadres abolis que de postes d'effectifs syndiqués ou syndicables. Ce n'est pas extravagant comme résultat, mais, enfin, il y a là une détermination qui va persister à essayer de réduire ce taux d'encadrement qui était devenu excessif, c'est vrai. Je crois qu'on arrivera à corriger complètement cette disproportion numérique entre les deux secteurs de l'administration.

Donc, pour tout résumer, on n'a pas tout prévu, c'est évident. Sans doute, on aurait dû resserrer davantage - je veux bien l'admettre - mais c'était difficile avec les lumières dont on disposait et surtout avec ce climat où les esprits, nous autres, comme tout le monde au Québec et comme tout le monde dans la plupart des sociétés de l'Occident, ne voyaient vraiment pas venir le genre d'urgence que la crise nous a infligée depuis ce temps. Dans ce climat, on a tâché de notre mieux au moins de renverser une vapeur qui était devenue une tendance enracinée dans une sorte d'illusion tenace et qui est toujours longue à dissiper, l'illusion tenace du caractère illimité de la croissance et des ressources. Depuis quasiment le lendemain de la seconde guerre mondiale, tout le monde avait pris cette habitude de croire qu'il n'y avait pas de limite à la croissance, qu'il y avait toujours des ressources pour faire face non seulement aux besoins mais aux désirs, même de choses pas essentielles. C'était dans les mentalités, cela l'est encore jusqu'à un certain point.

C'est un peu à cela qu'on fait face dans le moment. C'est ainsi, par exemple, qu'à la veille des élections l'an dernier, au mois de mars 1981, avec les risques politiques, parce qu'il y en avait quand même, que cela pouvait comporter, nous avons tenu à présenter avant de lancer la campagne électorale - c'était sans précédent aussi - au mois de mars, c'est-à-dire à peu près un mois avant la date normale du dépôt des budgets, le budget 1981-1982 qui prévoyait 1 000 000 000 $ de compressions et, finalement, on en a réussi 800 000 000 $, c'est-à-dire un genre d'effort d'austérité qui était absolument sans précédent, autant que je sache, dans l'histoire politique du Québec.

Voilà comment nous avons essayé sur le plan de la gestion de prévoir, au moins le mieux possible, tout en gouvernant tant bien que mal, pendant que les choses devenaient difficiles, et elles l'étaient depuis quelques années.

Pour finir ce récit très sommaire, il y a une autre expression qui, elle, est moins connue et qui prétend elle aussi dire ce que cela doit être que d'exercer la responsabilité gouvernementale. C'est une expression qui

s'applique elle aussi et très singulièrement, dramatiquement, à ce qui s'est passé depuis l'an dernier jusqu'à ce moment. Cette expression, c'est: gouverner, c'est choisir. Elle vient d'un homme à qui cela permet de rendre hommage juste en passant, mais qui le mérite. C'est Pierre Mendès France, l'ancien premier ministre français dont on sait à quel point il a eu des choix déchirants à faire dans le contexte de l'époque et de son pays au moment de la guerre de l'Indochine, etc, qui s'en était fait un slogan et qui l'a pratiqué de son mieux pendant le peu de temps qu'on a enduré ce genre de caractère décidé. C'était que gouverner, c'est choisir.

Cela est vrai tout le temps aussi. C'est aussi vrai, sinon plus, que gouverner, c'est prévoir. Il y a toujours des choix. Tous ceux qui ont passé par un Conseil des ministres ou par n'importe quel groupe de décisions administratives, politiques ou économiques, peu importe, savent à quel point tout finit par se résoudre par des choix. Il y a toujours deux plateaux, quand il n'y en a pas quatre ou cinq, dans chaque balance, quand on arrive devant tel ou tel problème ou tel ou tel projet, même, et c'est là que la tradition s'est établie. Enfin, à l'occasion, on finit par avoir un peu le vertige et on se fait dire: Voici: hypothèse un, hypothèse deux, hypothèse trois, cela peut aller jusqu'à quatre ou cinq, et dans chaque cas: Voici les avantages, les inconvénients, tout cela scrupuleusement préparé par l'administration et ensuite, on est là et on dit: II faut choisir.

Mais ce genre de choix devient plus malaisé, plus douloureux que jamais, évidemment, quand on est en période de crise et que les urgences s'entassent les unes par derrière les autres. C'est à cela qu'on ne cesse pas d'être confronté à peu près sur tous les sujets possibles et imaginables depuis la cassure catastrophique de l'activité économique qui s'est produite au mois d'août et au mois de septembre 1981 et qui s'est poursuivie depuis. D'ailleurs, cette cassure a été clairement décrite - je ne reviendrai pas là-dessus - avec toutes ses conséquences de plus en plus lourdes par le ministre des Finances, hier, quand il faisait son intervention sur la motion d'urgence. (14 h 50)

C'est comme cela qu'on est arrivé à des choix qui font partie de la responsabilité du gouvernement, des choix extraordinairement exigeants et, à beaucoup de points de vue, déchirants. Le premier, on l'avait quand on s'approchait, quand on arrivait face à face avec l'échéance du 1er juillet l'an dernier, c'est-à-dire face à ces augmentations qui avaient été négociées de bonne foi pour les six derniers mois de 1982, mais négociées en 1979 et qui, désormais, dépassaient nettement et tragiquement si on avait laissé aller les choses, la capacité de payer de l'État, c'est-à-dire, en fin de compte, la capacité de payer de nos concitoyens, de la collectivité.

C'est comme cela que dès le mois d'avril, bien avant l'échéance du mois de juillet - au début d'avril 1982 - à la conférence économique ou, comme on dit, au sommet de Québec, on a mis sur la table, comme l'a rapporté, je pense, hier, le président du Conseil du trésor, tout ce qui pouvait décrire la situation, ses implications sur l'équilibre des finances publiques. Aussitôt que tout cela a été clairement expliqué, mâché, répercuté autant qu'on le pouvait dans les médias d'information, au-delà des manchettes et des rumeurs, comme des blocs concrets de la situation collective au point de vue économique, au point de vue financier, au point de vue budgétaire du Québec, sitôt après, avec un certain minimum de confiance, nous avons enchaîné, dès la mi-avril, avec des propositions à nos interlocuteurs syndicaux du front commun. Ces propositions étaient de demander la réouverture des conventions collectives pour ces six derniers mois et de demander si on ne pouvait pas négocier ensemble ce qu'on a appelé le gel modulé, c'est-à-dire un gel progressif qui protégerait les bas salariés, comme on le sait, les plus bas salariés du secteur public, et qui exigerait de plus en plus de participation, de plus en plus de sacrifices, si on veut - il n'y a pas d'autre mot - de la part des salariés mieux nantis. Cela a été refusé d'une façon qui a flotté dans le paysage avec des "peut-être ben que si" et des "peut-être ben que non", mais, finalement, cela a été très clairement refusé au bout de quelques semaines.

Alors, on avait un choix. Ou bien c'était de casser des conventions tout de suite et d'imposer une décision gouvernementale, unilatéralement, sans autre forme de procès, exactement comme l'ont fait, chacun à sa façon, quelque temps après - cela n'a pas été long - le gouvernement fédéral, à Ottawa, avec ses 6% et 5% et aussi le gouvernement de l'Ontario; on avait ce choix. Ou bien on avait cet autre choix qui était de nous donner, c'est-à-dire de donner au trésor public, en fait, et de donner aux contribuables québécois cette police d'assurance qui s'appelle la loi no 70, qui prévoit la récupération qui va commencer le 1er janvier, mais en éliminant au moins, dès le départ, 56 000 des fonctionnaires les plus modestes ou les employés les plus modestes du gouvernement et des réseaux des Affaires sociales et de l'Éducation, et environ 120 000 autres qui auront moins à contribuer pendant ces trois mois du début de 1983; donc, une police d'assurance parce qu'on y a inscrit quand même, dans cette loi no 70, notre volonté, comme gouvernement, de négocier si possible, et notre espoir si

possible aussi, d'en arriver à un règlement.

Cette décision, ce choix, il est venu après je ne sais pas combien de discussions, de consultations entre nous, de ce côté-ci, aussi bien au Conseil des ministres qu'au Conseil des députés, et, finalement, si j'ai bonne mémoire, c'est à l'unanimité, après avoir pris le temps de réfléchir, de consulter au besoin à l'extérieur, qu'on a fait ce choix qui nous paraissait être dans la ligne normale d'une négociation en période de crise. Évidemment, cela a été dit - je pense bien que c'est vrai; on le sait maintenant - on a cru que, finalement, c'était du bluff, que le gouvernement bluffait. Cette impression ou cette illusion de bluff, évidemment, s'appuyait sur une tradition déjà vieille de 18 ans, une tradition qui veut que, dans ces négociations triennales qui reviennent comme un cauchemar de trois en trois ans, le front commun ne peut pas faire autrement que de gagner pour l'essentiel et que le gouvernement ne peut pas faire autre chose que de reculer pour l'essentiel, parce que le contraire n'était jamais arrivé. Comme le contraire n'était jamais arrivé, on se disait que cela n'arrivera pas non plus cette fois-ci, sauf que tout cela était un peu jouer à l'autruche. On refusait de voir - pourtant, tout autour de nous, elle était là de façon de plus en plus claire et de plus en plus tragique pour tellement de gens - que la crise, forcément, nous amenait à changer -on ne pouvait pas faire autrement - ce qui avait été jusque là les règles du jeu. C'est ainsi, après la loi 70 en juin, que s'est poursuivi jusqu'à l'automne ce dialogue de sourds; il y a eu un simulacre de négociations avec l'automne, selon le scénario classique où tout le monde joue à la cachette aussi longtemps que possible. Cela nous a menés au 18 novembre, le mois dernier, où, encore une fois, il y avait un choix à faire. C'était ou bien de laisser traîner les choses, les laisser aller comme cela, indéfiniment, pendant des mois, dans le maquis, ou alors de fixer une échéance. C'est cette dernière attitude que nous avons choisie parce qu'il y avait un choix qui s'imposait. C'est ce que j'ai eu à dire au nom du gouvernement dans la déclaration ministérielle que j'ai faite le 18 novembre, c'est-à-dire qu'il fallait absolument que ce soit réglé avant la fin de la session. Réglé, fixé.

Il s'agissait - c'est clair, on le répète depuis deux jours et on aura à le redire, pourquoi il fallait régler avant les fêtes -premièrement, de protéger les salariés modestes contre la récupération de janvier, février et mars et cela exigeait qu'on change les dispositions contenues ou prévues dans la loi 70 avant le 1er janvier; il s'agissait aussi d'avoir le minimum vital de sécurité dans l'évaluation des dépenses auxquelles on aura à faire face à compter de 1982-1983. Le budget 1982-1983 commence le 31 mars, pour ce qui est des dépenses; c'est dire qu'au plus tard le 31 mars, il faut que ce soit fixé. Le ministre des Finances l'a longuement expliqué hier, je n'ai pas à revenir là-dessus.

La perspective des dépenses, combien cela va coûter - on sait que c'est 52% ou à peu près de tout le budget d'environ 20 000 000 000 $ du Québec qui sont impliqués - pendant l'année qui vient, il faut que ce soit connu aussi clairement que possible dès le début de l'année. Pour imprimer les dépenses prévisibles et les imprimer correctement pour que ce soit déposé ici, en Chambre, avant le 31 mars, il faut tout de même que quelque part en janvier, et pas tard en février, ce soit connu, ce soit fixé le mieux possible. Il fallait faire ce choix non seulement sur l'enveloppe salariale, mais aussi sur certains aspects essentiels des conditions de travail dans lesquelles, pour cette année et aussi pour l'an prochain, et autant que possible pour l'avenir, encore une fois, des centaines de millions sont en jeu dans ces conditions de travail, il fallait quand même commencer à prévoir une récupération là aussi. C'est peut-être un péché commun - cela m'a été dit ces jours derniers - c'est sûrement un péché commun qu'on a commis, les gouvernements successifs et nos interlocuteurs syndicaux, celui de la facilité, d'une extraordinaire tendance à dire: On n'est pas obligé de travailler aussi fort ici qu'à côté de chez nous et un peu partout ailleurs, sur le continent nord-américain dont, pourtant, nous faisons partie et avec lequel il faut quand même être compétitif à tous les points de vue.

À partir de là, il y a eu cette dernière échéance, ce dernier choix qui a été fixé et qui nous a amenés ici, depuis hier. Entretemps, à partir du 18 novembre et jusqu'à la semaine dernière, ainsi que nous l'espérions, il y a eu aussi une ronde intensive de négociations, une ronde vraiment structurée et vraiment consistante de négociations. Bien sûr, cela s'est déroulé à huis clos; c'était l'entente normale que font les parties quand arrive cette espèce d'entonnoir final qui doit leur permettre de se concentrer exclusivement sur ce qu'elles ont à faire entre elles. Cela s'est donc déroulé à huis clos comme il se doit et cela a duré le plus clair de deux semaines. C'est vrai aussi, comme il est normal que ça le soit, qu'avec des ministres, formant autour du président du Conseil du trésor le comité ministériel des négociations, qui est chargé d'évaluer, de fixer les mandats et d'en suivre le déroulement, c'est vrai qu'il y avait aussi, évidemment, le négociateur en chef du gouvernement et les autres négociateurs. Il y avait aussi mon chef de cabinet, ce qui me permettait, comme c'est normal quand arrive le point culminant - et je pense qu'on ne

peut pas l'éviter - de pouvoir suivre, moi aussi, de jour en jour et, à certains moments, d'heure en heure, ce qui se passait. (15 heures)

Là-dessus, je dois dire exactement comme je le pense, que non seulement je sais à quel point sont faux et injustes les ragots que le député de Sainte-Marie est allé ramasser à je ne sais pas quelle source, polluée par l'idéologie ou par la déception ou par les deux à la fois, mais je sais aussi à quel point cela ne correspond d'aucune façon au dévouement ni à la loyauté éprouvée des hommes qu'on calomnie ainsi d'une façon proprement inqualifiable. Quoi qu'il en soit, au bout de ces deux semaines, même si le gouvernement avait vraiment tout mis sur la table dans cette ronde ultime, cela n'a rien donné sauf de pouvoir s'entendre entre les parties sur le fait qu'il restait un écart absolument infranchissable, c'est-à-dire un écart proprement milliardaire.

Il y avait le dernier choix. Là aussi, il y a eu des pressions, il y en aura toujours dans ces circonstances, et dernier choix, c'était ou bien d'étirer encore, cela nous a été suggéré par certains des interlocuteurs d'en face, de s'en aller dans le maquis à travers un bout de temps en 1983, avec les risques que cela comporte et que j'ai décrits il y a quelques instants, mais de faire cela aussi sans bonne foi au fond parce qu'en conscience on savait qu'on avait atteint l'absolue limite de ce qu'on pouvait accepter de laisser-aller, c'est-à-dire l'absolue limite des compromis ou des concessions possibles. C'était ou bien cela, qui n'aurait pas été de très bonne foi, de traîner comme cela indéfiniment, ou alors d'agir sans plus tarder comme on l'avait annoncé à la mi-novembre. C'est ce choix que nous avons fait. Est-ce que j'ai besoin d'ajouter que ce n'est pas de gaieté de coeur et d'ajouter aussi que nous sommes bien conscients du fait que c'est un geste sans précédent parce qu'il est évident aussi que la situation est sans précédent?

C'est-à-dire que depuis que le syndicalisme existe dans le secteur public et le secteur parapublic, il n'y a jamais eu de crise comparable à celle qu'on vit et qui s'est aggravée sans arrêt depuis le milieu de 1981. Cela n'a pas existé. Je veux bien qu'on fasse semblant de se voiler la face et de se dire on flotte en dehors de la réalité, mais il suffit d'ouvrir les yeux et de regarder ce qui se passe autour de nous, il n'y a rien eu d'aussi grave, ce n'est pas la même chose, c'est sûr. Heureusement, il y a des filets en dessous des gens aujourd'hui, des filets à certains points de vue lamentables. Il n'y avait pas d'aide sociale dans les années trente, il n'y avait pas non plus certaines garanties que représente, par exemple, l'assurance-chômage pendant un certain temps. D'une certaine façon peut-être, c'était moins dur à d'autres points de vue, on tombait de moins haut. Chose certaine, il n'y a jamais eu rien d'une gravité comparable à ce qui se passe en ce moment depuis au moins 50 ans. Quand une situation est sans précédent il peut arriver que cela ait des effets et qu'eux aussi soient sans précédent.

Il est évident que dans le passé récent, c'est-à-dire depuis le milieu des années soixante, à la faveur d'un contexte de prospérité et de certaines illusions qu'on véhiculait tous ensemble, les syndiqués du secteur public ont pu réaliser d'abord et cela s'imposait, un rattrapage absolument nécessaire par rapport au secteur privé parce qu'il y avait une exploitation absolument inqualifiable dans le secteur public jusqu'aux années soixante. Ensuite, en continuant sur la lancée, on est parvenu à obtenir une rémunération meilleure, de négociations en négociations, des conditions de travail de plus en plus avantageuses, bref, d'accumuler une énorme masse d'acquis. Cette énorme masse, je me souviens, on l'a exhibée hier, c'est ce qui est représenté par ces milliers de pages de conventions collectives presque de modèle industriel dans bien des cas et qui, de virgule en virgule, de quart de minute en quart de minute et de quart d'heure en quart d'heure finissent par baliser d'une façon qui, à cause de toutes les complications qu'on y a introduites finit par être la négation même d'un minimum vital de productivité et de performance. Ce n'est pas un blâme pour les employés un par un. On a une fonction publique qui est aussi compétente que n'importe où ailleurs, aussi capable de performer que n'importe où ailleurs. Elle s'est améliorée au point de vue de ses compétences, au point de vue de ses qualifications, d'année en année, depuis une vingtaine d'années.

Seulement, elle est littéralement encarcanée dans... Je suis bien sûr qu'individuellement, il y a d'innombrables syndiqués dans les secteurs public et parapublic qui en sont non seulement conscients, mais qui ont hâte d'être débarrassés d'une partie de ce carcan, mais ils sont devenus encarcanés dans ce genre de monstre qui était là hier, exhibé en Chambre, et qui est le contenu des décrets. Jusqu'ici, dans les circonstances qu'on appelait normales, le rapport de forces patron-employés, malgré certains accrochages - il y en a eu - a pu jouer librement sans que soit mise en péril la situation financière de l'État ni non plus la situation d'ensemble des citoyens qui paient la note. Les conditions faisaient donc que la recherche d'un accord négocié, cela prenait une importance - on l'a vécu, je pense, à chaque étape - quasi absolue et jusqu'à la dernière nuit, la dernière heure de la dernière nuit, il y avait des concessions, des concessions et,

finalement, sans aucune exception Jusqu'à présent, le front commun avait, grosso modo, emporté le morceau. Mais ce n'est plus possible. Et cela nous a amenés à faire, évidemment, ce qu'aucun employé du secteur privé n'est obligé de faire. Quand une entreprise privée - c'est parce que c'est plus difficile à cerner, on le sait, c'est plus difficile à caricaturer aussi ou à déformer -dépasse la limite de ses capacités, qu'elle ne peut plus payer, pour tout le monde, la sanction est bien connue, c'est la fermeture, à l'extrême limite, ou alors des mises à pied qui s'enfilent en cascade, surtout si la situation continue à s'aggraver.

C'est comme cela qu'on a vu, partout aux États-Unis et au Canada, des dizaines et des centaines de milliers de travailleurs qui, pour sauver leur emploi - parce que combien de centaines de milliers l'ont perdu aussi, mais ceux qui ont réussi, de peine et de misère, à sauver leur emploi - ont accepté, ont été obligés, forcés littéralement le pistolet sur la gorge, d'accepter des gels pendant des mois et des mois, des baisses de salaire, dans bien des cas des reculs normatifs pour garder l'entreprise en vie, pour protéger leur job et pour maintenir aussi un certain minimum d'activités dans certaines localités ou certaines régions. Souvenons-nous ici au Québec du cas de Canadian Celanese, par exemple, dans la région de Sorel qui, après sa fermeture et son rachat, a été amenée littéralement à proposer un recul massif au point de vue des salaires et des conditions de travail dans l'ensemble à ses employés pour pouvoir continuer à fonctionner.

Le même genre de sacrifices obligatoires s'est produit à Forano, par exemple, il n'y a pas si longtemps. Aux États-Unis, les cas impérieux, gigantesques de GM et de Chrysler, sont encore dans tous les esprits. Chez Chrysler, on en avait un rappel pendant les derniers jours, et cela nous rappelait, avant même de donner un coup de main à Chrysler, au moment où elle était sur le bord de l'abîme, que c'est le gouvernement américain, sauf erreur, qui avait exigé qu'il y ait une baisse des salaires pendant X temps avant même de consentir à aider à renflouer la grande corporation automobile. Et l'on sait que des mises à pied, cela, veut dire, en partant, 40% du salaire qui vient de disparaître - dans bien des cas, c'est plus encore - que cela peut durer deux, six ou douze mois et même davantage, quand ce n'est pas définitif et, à ce moment-là, le recyclage, tu peux l'attendre longtemps, surtout quand tu as dix, quinze ou vingt ans d'ancienneté, comme cela se produit de plus en plus dans un métier très précis et, tout à coup, le métier te part d'en dessous des pieds.

Si on veut garder un certain sens de la perspective, il faut tout de même rappeler qu'au maximum, ce que prévoit la loi no 70, c'est une récupération de 5% sur une base annuelle, c'est-à-dire un peu plus de 19% et quelque chose pendant trois mois - c'est très exactement un peu moins de 5% sur une base annuelle, c'est le maximum - après six mois, en 1982, où les augmentations qui filent jusqu'à la fin de cette année ont représenté entre 6% et 8%, en tout cas, sûrement entre 6% et 7% d'augmentation sur une base annuelle, c'est-à-dire 12% à 14%, grosso modo, en six mois. Je ne dis pas que c'est gai. Tout le monde sait que ce n'est pas gai, mais, d'un autre côté, si on veut comparer ce qui se passe, et c'est quand même important, parce que c'est l'ensemble de la société qui se trouve hors du secteur public et qui le regarde aller, il nous semble que, tout en étant cruel, sans précédent, douloureux, c'est quand même conforme un peu à ce que doit faire un secteur public, ce que doit consentir un secteur public au moment où le reste de la société est dans l'état que nous savons.

Il est évident qu'il faut agir de cette façon ou ne pas agir du tout. Il ne sert à rien de se raconter des histoires, parce qu'on ne peut pas faire de mises à pied en cascade et on ne peut sûrement pas faire des fermetures. On ne ferme pas des hôpitaux. On ne ferme pas des centres d'accueil pour les personnes âgées. On ne ferme pas les écoles, autant que possible. On ne ferme pas non plus - il y a des gens qui rêvent à cela, parfois, on en ferme quelques-uns - on ne peut pas non plus, dans l'ensemble, fermer les ministères ni fermer le secteur public. Seulement, la capacité de payer de l'État et de la société n'est quand même pas illimitée, elle non plus, pas plus que dans le secteur privé. C'est lui qui, finalement, alimente tout cela en grande partie. (15 h 10)

C'est comme cela qu'on est arrivé à demander, au printemps, ce qui nous paraissait civilisé, logique et rationnel, de renoncer partiellement, pas totalement, à cette augmentation d'entre 12% et 14% qui était devenue totalement, absolument démesurée par rapport à l'état de l'économie. Il nous a semblé que c'était au nom du bien commun, au nom de l'intérêt de l'ensemble de la collectivité. Alors, comme le consentement n'a pas été obtenu et que les événements ont ensuite continué à s'enchaîner, on est arrivé à la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui, avec les choix que le gouvernement a été appelé à faire et qu'il ne pouvait pas éviter.

C'est sûr que personne ne va accepter de gaieté de coeur de se voir retirer une partie - même si elle est minime dans beaucoup de cas - de ce qu'il ou de ce qu'elle considère comme son dû. C'est vrai pour tous ceux à qui cela arrive en ce moment de façon souvent beaucoup plus

brutale. C'est vrai qu'il est difficile de renoncer à des avantages acquis, de sacrifier des avantages collectifs qui ont été gagnés de haute lutte, c'est vrai, et de façon qui était évidemment très légitime.

Vous savez, dans un contexte comme celui-là, il n'y a pas beaucoup de recettes qui peuvent paraître facilement acceptables - moi, je n'en connais pas - pour ceux qui sont affectés par le genre de mesures que nous avons dû prendre. Mais en l'absence d'un accord négocié, il n'y a pas de façon de procéder - je n'en trouve pas en tout cas -qui soit douce, gentille et facilement acceptable chaque fois que l'on remet en question des acquis.

L'offre que nous avons faite en avril dernier a été faite sérieusement, de bonne foi, avec la pleine conscience cependant -c'était notre premier choix et il fallait le faire - qu'en cas de refus il faudrait procéder autrement pour atteindre les objectifs fixés. Et il est grandement dommage, il est tristement dommage - mais on n'y peut rien - que certains aient considéré que la loi 70 était une sorte de bluff et qu'on n'avait pas à la prendre au sérieux. On avait tout mis sur la table, on avait mis tous les chiffres et même les prévisions les plus sûres qu'on pouvait avoir et qui étaient moins noires que celles qu'on peut faire aujourd'hui en voyant la fin de 1982 et les perspectives de 1983.

Il est évident que tout cela, même si on l'a fait en conscience, comme on croyait devoir le faire, ce n'est pas ce qui va nous faire remporter, comme gouvernement, des concours de popularité, sûrement pas à court terme. Mais nous n'avons pas l'intention, parce que nous n'en avons pas le droit, de dévier de la décision, du choix qui a été fait.

Maintenant, où allons-nous avec tout cela? On s'est beaucoup référé, et on va continuer sans doute à s'y référer, au passé au cours de ce débat comme au cours des négociations. Mais, si on laisse de côté le passé - il le faut bien à un moment donné -et même qu'on oublie juste un peu le présent - même si on est plongé dedans jusqu'au cou - pour jeter un coup d'oeil sur ce qui s'en vient, la première chose à laquelle on s'arrête normalement, par les temps qui courent, c'est au mois de janvier où il y a des gens qui nous prédisent quasiment les trois cavaliers de l'Apocalypse, le chaos social, la grève illimitée, etc.

J'espère et même de plus en plus je crois pouvoir avoir confiance - d'après les indications que nous en avons - que cela ne prendra pas cette ampleur que certains voudraient imaginer catastrophique. Il y a une tendance naturelle, dans les médias d'information - parce qu'une mauvaise nouvelle, c'est ce qui fait la nouvelle - de glonfer cela un peu, et c'est normal.

J'espère qu'on nous prendra au sérieux cette fois-ci comme gouvernement si j'affirme très simplement que, si jamais quelque chose comme cela devait arriver, toutes les mesures nécessaires - avec toute la vigueur nécessaire - seront prises pour que les citoyens ne soient pas privés indûment de services qui sont toujours essentiels à longueur d'année et qui peuvent l'être particulièrement pendant la saison froide, pendant l'hiver que nous connaissons dans notre climat. Nous ne pourrons pas accepter ce genre de réactions que certains nous promettent, mais je crois profondément que pendant la période de réflexion que représente le temps des fêtes, une très grande partie, sinon la majorité des syndiqués des secteurs public et parapublic, admettront - au fond d'eux-mêmes beaucoup d'entre eux l'admettent et nous le disent, quand ils ont une chance d'en parler de façon privée - que même si c'est dur, même si c'est sans précédent, même si cela a certains aspects qui sont durs à avaler, c'était quand même une chose qui s'imposait, ce genre de décision qu'il a bien fallu décréter puisqu'on ne pouvait pas s'entendre dessus. Ce qui pose évidemment une question clé: Comment va-ton arriver, et au besoin, à changer autant qu'il le faut, ce régime qui dure depuis 18 ans, on pourrait dire, qui sévit depuis 18 ans dans les secteurs public et parapublic? Pour aujourd'hui, je me contenterai simplement de dire que j'ai confiance qu'à tête reposée, une fois passées les effervescences normales et toutes les réactions que les circonstances comme celles que nous traversons amènent inévitablement, on pourra aborder et on l'abordera avec nos partenaires syndicaux la façon de sortir de ce climat. Il y a moyen de trouver cette façon. Il y a moyen de sortir de ce climat qui, de trois ans en trois ans, sans arrêt depuis bientôt vingt ans, nous fait vivre pendant trop longtemps à chaque fois une espèce de climat qui a quelque chose de franchement psychiatrique à certains moments et qui est malsain à tout point de vue et qui finalement, n'est pas rentable, ne donne pas de résultats dignes de la société que nous sommes devenus ici au Québec.

Je crois qu'une bonne fois pour toutes, il va être possible bientôt de s'entendre aussi sur ce problème. Cela permet toujours à certains de douter de tout et de dire: On peut jouer avec les chiffres, sur ce perpétuel problème des données, des chiffres, des comparaisons, de toutes les informations essentielles qui permettent de juger de la situation d'une société et de sa capacité de payer à tel ou tel moment de son histoire.

Il y a eu une offre qui a été faite à nos interlocuteurs syndicaux pendant les dernières semaines récemment, de mettre sur pied un groupe ou un organisme qui serait conjoint et qui aurait à sa portée, sous sa

direction, toutes les compétences et tous les équipements nécessaires pour pouvoir faire de façon permanente ce genre de calcul, ce genre d'évaluation et de comparaison, de façon qu'on puisse avoir, bien avant l'expiration des décrets qui sont devant nous en ce moment, bien avant cette échéance qu'on puisse avoir toutes les données de part et d'autre qu'il y a un accord là-dessus. C'est une des choses qui tend à empoisonner ou en tout cas qui donne la tentation d'empoisonner à chaque fois le climat de n'importe quelle négociation.

Si on regarde un peu plus loin, on voit que ce sera d'autant plus important d'avoir cette idée de façon permanente, claire et nette de la capacité de payer de la société -c'est un mot à la mode, on parle beaucoup de virage - qu'on est dans un sacré virage. Ce virage, on l'appelle virage technologique. Oui, c'est vrai. Quand on dit virage technologique, avec l'ampleur que cela a pris, c'est évident que cela veut dire un virage économique. Cela veut dire aussi, quand c'est vaste comme cela, qu'on sent que cela s'en vient tout autour de nous et qu'on est déjà dedans, cela veut dire un sacré virage social et un virage psychologique aussi pour tout le monde.

Au début du siècle, il y a eu un virage comme cela. C'était une vraie mutation. C'est un mot qui est à la mode aussi. Vers le début du siècle, il est arrivé tout à coup, dans des sociétés qui étaient toutes agricoles, où on avait encore 20% ou 25% au minimum de gens qui travaillaient le sol simplement pour produire la nourriture pour tout le monde. En avalanche, en quelques années, l'automobile, suivie du tracteur, du camion, enfin de tout le reste de cette nouvelle révolution industrielle, et l'avion éventuellement et tout ce qui a été le contexte dans lequel depuis 50 ou 60 ans, le monde a progressé comme jamais, mais cela n'a pas été facile, ce virage au début du siècle. Je ne remonte pas jusque là tout à fait, mais il demeure quand même que je me souviens, pendant les années vingt où on était petit gars, etc. à quel point il y avait encore tout un tiraillement interne dans notre société comme dans les autres à propos de toutes ces substitutions qui s'étaient faites de travail et à quel point cela pouvait être douloureux pour ceux qui n'étaient pas recyclables, ceux qui étaient poignés, si vous voulez, dans la société qui nous partait d'en dessous des pieds et qui n'étaient pas capables de s'ajuster à la société nouvelle qui était en train de se dessiner. La même chose se produit en ce moment. Il ne faut pas se conter d'histoires. Cela s'accumule devant nous sans arrêt comme tableau et, comme les autres fois, c'est douloureux et ce ne sera pas un cadeau de réussir à s'ajuster à ce monde-là. (15 h 20)

La société, tu as l'impression que c'est comme un homard qui est en mue. Il vient de perdre la carapace, l'articulation qui le tenait ensemble depuis 50 ou 60 ans. Il est en train de la perdre, mais il y a autre chose qui est en train de grandir, mais c'est "toffe". Ce n'est pas facile de passer à travers ce genre de transition parce que d'une récession à l'autre, et la crise actuelle c'est toute une récession, on remarque depuis une quinzaine d'années, et c'est un phénomène qui s'accentue, que chaque fois qu'il y a une reprise, il reste quand même plus de chômeurs qu'auparavant, que la proportion de chômeurs ne se résorbe pas parce que pendant ce temps-là les emplois traditionnels, les emplois sur lesquels on pensait pouvoir compter sont disparus et cette tendance est en train de s'accentuer.

L'autre jour, j'ai vu un exemple très simple. Cela touche l'acier, qui a été au coeur de tout le développement industriel, l'équipement lourd, l'automobile, etc., depuis 50 ans. Il y avait des manifestants en France qui s'étaient donné rendez-vous - c'était une drôle de coïncidence - sous la tour Eiffel ou à côté de la tour Eiffel, je viens de lire ça. Cela a permis à des commentateurs de rappeler qu'en 1887 il avait fallu 7000 tonnes de fer pour grimper la tour Eiffel au-dessus de Paris et que le jour où on aura à la remplacer, si on la remplaçait aujourd'hui, ça prendrait à peine 2000 tonnes d'acier tel qu'on le connaît aujourd'hui. C'est-à-dire que c'est comme une peau de chagrin, les marchés diminuent.

Aux États-Unis, l'acier fonctionne actuellement à 37% ou 38% de sa capacité et ça dure depuis un bon bout de temps, ça ne s'améliore pas. Qu'est-ce qui arrive pendant ce temps-là? C'est le poids des automobiles, c'est toute une série d'autres choses qui se produisent et il y a un avenir important pour le Québec là-dedans, on le sait, c'est en train de se dessiner. Au magnat de l'acier, coeur du développement industriel, certains autres matériaux sont en train de succéder, en particulier l'aluminium. Regardez le tableau qu'on peut faire de l'automobile depuis à peine cinq ou dix ans et, livre par livre, c'est l'aluminium qui augmente parce qu'il est léger, qu'il a sa durabilité, pendant que l'acier s'en va tranquillement.

Dans les canettes que tout le monde emploie - je voyais que le dernier chiffre aux États-Unis, et ça s'en vient chez nous aussi et ailleurs - c'est que ces canettes de bière, de "soft drinks", de soda pop, etc., tout ce qu'il y a de canettes vient de dépasser 50% aluminium et l'acier fiche le camp.

Comment va-t-on s'ajuster à ça et tout le reste, la micro-électronique, les ordinateurs dans les écoles, etc. ? Une chose est certaine, c'est que ce ne sera rien que

pas facile et c'est de ce côté-là qu'il faut bien regarder et cesser de s'accrocher, souvent même si c'est douloureux, à ce qui s'en va et plutôt accueillir et essayer de maîtriser ce qui arrive, ce qui s'en vient.

Il y a des jeunes qui le comprennent mieux que nous heureusement. Au-delà de tous les commentaires savants ou savantissimes et toutes sortes de choses qui nous compliquent constamment la vie parce qu'on ratiocine sans arrêt sur des évidences, il y a un jeune étudiant de première année à l'université qui a publié quelque chose l'autre jour, qui s'appelle: Un avenir à négocier. Je ne lirai pas tout ça, mais c'est à conseiller. C'était le 28 octobre 1982 et il disait ceci à propos de ce contexte de difficultés sociales, de négociations avortées, de compressions qu'il faut bien s'imposer: "Ma génération -en parlant de lui et de ceux qui l'entourent ne sera pas membre de la fonction publique avant longtemps puisque la croissance faible de l'emploi public semble s'installer pour un bon bout de temps. - On ne pense pas à ça parfois. - On ne retrouvera pas les étudiants actuels professeurs non plus puisque ceux des cégeps sont bien jeunes encore, malgré ce qu'en dit M. Laurin -c'est lui qui a écrit ça - et plusieurs de ceux du secondaire sont en disponibilité. Les jeunes de ma génération, on ne les retrouvera pas davantage dans le reste de la fonction publique puisque là aussi on parle davantage de gel de l'emploi que d'engagements massifs pour les prochaines années. Ce qui fait que, nous, les chômeurs diplômés ou non, pourrons être tentés de dire aux centrales syndicales qu'on est bien mal venus de vouloir une plus large part du gâteau quand le seul fait de détenir un emploi est devenu une chance insigne. "

C'est vrai, ça aussi, et c'est l'avenir qui nous attend, c'est-à-dire que c'est à ça qu'il faut travailler, qu'il faut consacrer toutes nos énergies parce que l'avenir, c'est d'abord notre volonté, notre capacité de nous attaquer aux effets de la crise, notamment aux problèmes du chômage, et l'avenir, c'est toute cette jeunesse qui nous regarde aller et qui nous juge, nous, les aînés, comme on dit, et qui attend au moins qu'on lui fournisse le plus de chance possible de produire et de développer, au Québec, ce qui est en train, comme tout le reste, de se métamorphoser autour de nous. L'avenir, à cause de tout cela, c'est une société où le dialogue essaie de s'établir comme un système et où on peut parler sérieusement de concertation. J'ai bon espoir, parce que les approches ont été faites - évidemment, le dialogue n'est pas facile pendant les jours qui passent - que, quand on arrivera aux premières parties de l'année 1983, vers janvier ou, plus tard, en février, après les approches ou les préconcertations qui ont été faites, enfin, au moins les échanges qui ont eu lieu avec nos principaux interlocuteurs, il y aura moyen de se remettre à table sur des choses concrètes qui correspondent justement à un besoin absolu de la collectivité.

L'avenir, c'est évidemment la capacité de se débarrasser de certains vieux schémas pour pouvoir avancer sans crainte et pouvoir sans crainte découvrir et innover et être aussi compétitif et aussi compétent que n'importe qui dans le monde; on a les ressources pour cela, humaines et matérielles, mais il faut se concentrer là-dessus. L'avenir, bien sûr, c'est la capacité de nos entreprises, leur capacité d'être compétentes, d'exporter. Les jeunes étudiants que je citais tout à l'heure, c'est de ce côté-là, forcément, que va se trouver dans tous ces secteurs du monde qui se développent, mais d'une autre façon que celle qu'on a connue et cela correspond admirablement aux capacités de la jeunesse de s'adapter, c'est par là que se trouve l'avenir. Ce qui fait que pour y arriver -cela a l'air peut-être un peu baroque de dire cela en ce moment, mais quand même c'est vrai et cela va rester vrai - c'est qu'il faut pouvoir compter ensemble sur un minimum vital de solidarité, sur le dynamisme qu'on accentue le mieux possible de tous les agents qui sont les moteurs de l'économie parce que c'est elle qui nourrit tout le reste. Notamment, on sait qu'on peut compter et qu'on va continuer à compter sur une fonction publique aussi compétente qu'efficace et responsable aussi. Autrement dit, il faut qu'on préserve les moyens si modestes qu'ils soient, les moyens que l'État québécois a de contribuer, de façon significative, à édifier cet avenir - c'est une image qui a été employée récemment - cet avenir qui s'en va vers une société qu'on connaît à peine et qui va être différente. Une image que j'ai vue, il y a quelque chose qui est comme un bébé qui achève de venir au monde, mais il n'est pas encore sorti, on ne le voit pas, mais il donne des sacrés coups de pied, par exemple. C'est une nouvelle forme de société qui se développe autour de nous et il faut que, là-dedans, l'État ait les moyens, si modestes qu'ils soient encore une fois, d'aider, de façon significative, à trouver notre avenir dans cela. Quand on sera sortis - pour parler, mais sans dramatiser comme Shakespeare -c'est-à-dire que, quand on sera sortis du bruit et de la fureur réelle ou simulée, selon les cas, que nous connaissons ces jours-ci, j'espère qu'on verra que c'est dans ce sens-là, en vue d'y arriver le moins mal possible, que nous avons dû décider de poser les gestes que nous sommes en train de discuter.

En terminant, puisque j'ai encore une minute, contrairement aux potins qui circulent en ce qui concerne votre humble serviteur, M. le Président, face à l'esprit de décision, à la cohérence et à la solidarité

dont le Conseil des ministres et le Conseil des députés ministériels dans leur ensemble ont fait preuve - ce n'était pas un cadeau et ce n'est pas un pique-nique d'aucune façon -durant la période extrêmement difficile et souvent déchirante que nous traversons depuis des mois et des mois, j'ajouterai simplement en ce qui me concerne que je suis aussi fier que jamais, sinon plus, de diriger une telle équipe. Même si, à l'occasion - on ne peut pas cacher le fait que ce n'est pas un pique-nique, que ce n'est pas une partie de plaisir je considérerais comme tout à fait irresponsable de songer même à quitter le bateau au beau milieu de notre mandat et au beau milieu des intempéries que nous avons à traverser. (15 h 30)

Le Président: M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Nous venons d'entendre le chef d'orchestre...

Des voix: Oui, oui!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): cautionner par ses propos ce que les autres musiciens nous racontent depuis des heures et continueront sans doute de faire pendant des heures. Il y en a quelques-uns qui jouent un peu faux à son goût l'autre côté. On a entendu le député de Deux-Montagnes tout à l'heure, et on a assisté à des expressions d'opinions qui divergeaient quelque peu de ce que le chef d'orchestre vient de nous proposer.

L'orateur qui m'a précédé a tenté, à toutes fins utiles, de cautionner les propos de tous ceux qui, du côté ministériel, interviennent dans ce débat, de cautionner une trame de messages assez simple, qu'on peut facilement identifier du côté ministériel, soit que le gouvernement n'avait pas le choix, à ce moment-ci, selon lui, de faire quelque chose de dramatique, de poser des gestes sans précédent. On a eu droit à une succession ininterrompue d'intervenants qui réitéraient cet élément que le gouvernement n'a pas le choix, sauf de faire des choses extrêmement dramatiques.

Deuxièmement, deuxième message: la solution retenue, celle qui est décrite, est la seule qui s'impose à l'esprit des péquistes et, donc, doit appeler une justification. Le premier message: on n'a pas le choix; le deuxième message: il n'y a qu'une solution et voici pourquoi. Le troisième message, qui découle un peu du deuxième: il n'y avait rien d'autre à faire; personne d'autre n'a de solution, personne d'autre n'a d'idée meilleure que le projet de loi no 175, la loi 70 de l'été dernier et la loi 105 qui est devant nous.

Pourquoi et comment le gouvernement peut-il dire aujourd'hui qu'il n'a pas le choix? Les musiciens qui jouaient du piccolo, des petits instruments, un peu plus à bonne heure, avaient plutôt tendance à donner suite à l'exposé du ministre des Finances: "Voici comment les finances publiques ont évolué depuis quelques années, voici où nous en sommes aujourd'hui, voici où nous devrons aller bientôt, à l'avenir". C'est, en gros, l'exposé qu'ont repris les autres musiciens qui ont permis, par ailleurs, de constater l'ignorance invraisemblable dans laquelle baignent les propos qu'on a entendus ici depuis une journée et demie. On a vu un député de l'autre côté ne même pas comprendre une question simple du leader du gouvernement et abrier son ignorance par des petites allusions amusantes, démagogiques. La question très claire du leader, que nous reprenons souvent à l'adresse autant du président du Conseil du trésor que des intervenants, est de savoir si ces gens connaissent au moins la différence entre l'inflation, le produit intérieur brut, les taux d'intérêt, la croissance des dépenses, la croissance des revenus, la croissance des déficits, la croissance de la dette et la croissance du service de la dette. Ce sont des éléments tellement fondamentaux quand on parle de finances publiques qu'il faut au moins pouvoir se démêler là-dedans.

Je vais prendre un exemple simple: Même le président du Conseil du trésor, dont on dit qu'il est très intelligent - il faut admettre cela...

Une voix: C'est eux qui le disent.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):... se promène pour se vanter que le gouvernement du Québec réussit un coup de maître en maîtrisant la croissance de ses dépenses à un taux qui est à peu près autour du taux d'inflation, sans même se demander si cela a de l'allure de dépenser plus vite que la capacité de payer des Québécois. Je demande aux députés des deux côtés de l'Assemblée -je sais que les réponses vont diverger pas mal selon le côté qui répond - ce qu'ils en pensent. Disons qu'un individu reçoive une rémunération de 16 000 $, 17 000 $ et qu'il soit promu ou alors qu'il se fasse élire ici; il bénéficie donc quand même d'un traitement différent. Quelqu'un peut connaître, pour toutes sortes de raisons, une augmentation de 25% de ses revenus; il me semble que c'est sa capacité de payer qui vient d'augmenter de 25%. Si l'inflation est de 7% ou 8% autour de lui, est-ce qu'il devrait se trouver intelligent de nécessairement limiter la croissance de ses dépenses à 7% ou 8% ou 9% ou 10%?

L'inverse est aussi vrai. Si les revenus, la capacité de payer de quelqu'un monte de 10%, de 10 000 $ à 11 000 $ par année,

pendant que l'inflation ne monte que de 5%, est-ce qu'il est intelligent d'augmenter ses dépenses de 17%, 20%, 25%, 30% même si l'inflation, au lieu d'être de 5%, est de 30% elle aussi? Si la capacité de payer monte de 10%, si on a 10% de plus et que l'inflation autour de soi est de 30%, est-ce que c'est intelligent de dépenser 30% de plus plutôt que simplement 10% de plus?

C'est de cela qu'on parle. La façon de gérer les dépenses publiques de telle sorte qu'elles se rapprochent beaucoup plus de la capacité de payer des Québécois, que du taux d'inflation qui est observé, qui nous entoure. C'est le joint que, dans chaque discours, les intervenants ont manqué de l'autre côté. La justification à laquelle on a eu droit a toujours fait fausse route parce qu'elle était incomplète. On disait: Voyez, les dépenses du gouvernement du Québec n'ont pas crû plus vite que l'inflation. Or, les dépenses du gouvernement du Québec ont crû plus vite que la capacité de payer des Québécois. C'est cela, le problème. Ce n'est pas de se limiter à l'inflation. Le véritable défi que le gouvernement n'a pas relevé aurait été de limiter la croissance de ses dépenses à l'accroissement de la richesse des Québécois.

Étant donné qu'il y a urgence dans l'esprit du gouvernement, étant donné qu'aujourd'hui il faut bien vivre avec des résultats, le gouvernement doit faire quelque chose selon lui. Il faut manifestement faire quelque chose, C'est bien évident. Tout le monde est d'accord. Mais il y a la question de savoir si la solution qui est retenue peut tenir à la lumière des justifications qu'on utilise, peut tenir surtout comme étant la seule qu'un gouvernement soit obligé de retenir dans les circonstances.

Deuxième élément, deuxième message qu'on entend de l'autre côté de la Chambre depuis le début: les lois 70 et 105 sont devenues l'incarnation, l'illustration, d'après le PQ, de la seule et unique façon dont on doit régler le problème des finances publiques. Si on s'arrête là, il faut trouver une raison pour faire cela. On pourrait se demander quelle sorte de justification le gouvernement pourrait employer pour démontrer que les mesures qu'il adopte sont les seules qui s'imposent à l'esprit. On aurait pu avoir un gouvernement qui dise: Toute mon action consiste à restaurer - cela peut être un objectif de finances publiques - la marge de manoeuvre du gouvernement sur les marchés financiers. Cela peut être un objectif en soi et, à ce moment-là, toutes les décisions dans tous les cabinets doivent procéder de cette volonté politique exprimée de restaurer la santé des finances publiques. (15 h 40)

Un gouvernement peut dire, au contraire: Cela va être la création d'emplois qui va alimenter toutes et chacune de mes décisions chaque fois que - gouverner, c'est choisir, effectivement - chaque fois qu'on devra choisir, on choisira les mesures qui créent des emplois. Point à la ligne. Concentrer toute la volonté politique d'un gouvernement derrière cet objectif permet d'arriver à quelque chose. Pour un autre ensemble de raisons, pour des raisons qui s'expliquent par une vue de notre société, par une vue de la façon dont on peut la faire prospérer, un gouvernement pourrait dire: Nous allons, dans chaque décision que nous allons prendre, dans chaque geste que nous allons poser, trouver une façon d'améliorer le climat de telle sorte que nos entrepreneurs québécois et les gens de l'extérieur du Québec trouveront attrayant de faire des choses ici, de faire affaires ici et, donc, de créer des emplois ici. C'est la façon plus indirecte de créer des emplois, mais qui m'assure, comme citoyen, qu'il y a quelque chose de plus permanent qui vient s'installer au Québec, des investissements comme tels qui, créateurs d'emplois par la bande, si on veut, viennent augmenter l'inventaire de toutes nos richesses.

On pourrait dire: Nous allons constamment avoir un seul souci, nous rendre, nous, les Québécois et notre environnement, plus concurrentiels, donc tendre à faire baisser toutes les charges qui pèsent sur les individus et les entreprises au Québec. Simplement comme objectif de volonté politique, nous allons tendre à cela au lieu de continuer, comme le ministre des Finances le fait - il le dit, c'est son droit, c'est sa philosophie et son idéologie; "vous ne pouvez toujours pas reprocher cela à un gouvernement social-démocrate - de faire de la fiscalité de gauche. " Effectivement, on ne peut pas reprocher à un gouvernement social-démocrate de faire de la fiscalité de gauche, mais, s'il y a un coût associé à cela, je pense qu'il faut que les Québécois sachent que cela coûte quelque chose d'avoir un gouvernement social-démocrate qui fait de la fiscalité de gauche, alors qu'en Amérique du Nord, à peu près partout ailleurs, ce n'est pas ce qui se passe. S'il y a un coût d'associé à cela, il faut que les Québécois le sachent et l'acceptent; et, s'ils acceptent, les gouvernements qui décideront de pratiquer ces politiques continuellement seront toujours réélus si véritablement c'est là-dessus que les citoyens se prononcent.

Il y a une cinquième ou une sixième justification, M. le Président, qui tenait - le gouvernement l'a découvert - à l'écart qui aurait existé entre la rémunération dans le secteur public et la rémunération dans le secteur privé. Cela peut être exprimé comme une volonté politique, aussi. En matière de finances publiques, on peut ériger en principe directeur principal qu'il faut effectivement que la rémunération des gens du secteur public se rapproche, soit comparable à celle

des travailleurs et des travailleuses du secteur privé. Et c'est là que le gouvernement a découvert quelle devait être sa volonté politique. Cela n'a pas été de retenir les autres éléments que j'ai mentionnés d'abord. Cela a été de découvrir - parce que la population avait été préparée depuis huit mois - que les sondages récents, encore hier, indiquaient que la vaste majorité de la population croyait qu'il était souhaitable, qu'il était urgent dans certains cas, que les écarts entre le secteur public et le secteur privé soient ramenés à zéro, donc, que les rémunérations soient comparables dans ces deux secteurs d'activités. Ah bien là! Ils ont trouvé leur volonté politique dans les sondages. Un gouvernement qui trouve sa volonté politique, non pas dans un programme, non pas dans la formation et l'expérience des gens qui le composent, non pas dans la recherche des objectifs les plus grands possible pour la société québécoise, mais dans les sondages; quand ce n'est pas en lisant les journaux, c'est en faisant faire des sondages à même les fonds publics. La volonté politique préfabriquée à même les fonds publics, c'est le fondement même de la loi 70 et du projet de loi no 105. C'est aussi simple que cela.

Cela s'imposait d'autant plus qu'on tente de faire accréditer deux autres thèses, troisième message: que rien d'autre n'est possible. Donc, on n'a pas le choix; les finances publiques, c'est effrayant. Deuxièmement, on va fesser sur les employés du secteur public. Troisièmement, on ne peut pas faire autre chose et il n'y a pas d'autre suggestion possible, car quels sont les choix?

Du côté du gouvernement, depuis des années, les deux arguments qu'on entend sont: c'est la faute des autres ou alors c'est parce qu'on n'est pas indépendant. Ce sont les deux arguments qu'on entend régulièrement. C'est le choix politique du gouvernement et il a décidé qu'il pouvait justifier ses échecs à cause du fait que le Québec n'est pas un pays indépendant. C'est un choix de société, c'est un choix politique, c'est une vision de l'avenir pour les Québécois que partagent tous les péquistes. Cela devient donc un argument important, sauf que dire qu'on n'est pas indépendant, cela ne règle pas le problème des finances publiques aujourd'hui. Par ailleurs, dire que c'est la faute des autres, chose certaine, en termes pratiques, cela ne règle pas grand-chose, non plus.

Il faudrait se demander si les péquistes sont même capables de concevoir des alternatives à ce qu'ils sont en train de faire. Cela me rappelle un souvenir de lecture d'un homme politique français - moi aussi, je vais en citer des hommes politiques français - qui a écrit un volume intitulé Le Mal français et qui disait: "Notre culture nous empêche de critiquer notre propre culture. La façon dont on évolue, la façon dont on est formé, les genres de discours qu'on persiste à tenir nous empêchent de nous critiquer nous-mêmes. " Effectivement, les péquistes sont incapables, à la lumière de ce que j'ai décrit, de lever les hypothèques qu'ils ont eux-mêmes imposées aux Québécois, lorsqu'on voit que la volonté politique du gouvernement actuel n'est pas manifestement d'attirer les investissements, que les comportements et les discours auxquels on a droit sont constamment productifs d'un effet cumulatif à l'endroit des gens d'ici et des gens de l'extérieur du Québec quant à l'attrait qu'il y aurait pour eux d'investir et de créer des emplois ici, lorsqu'on voit qu'il y a tellement de gestes possibles à poser - nous les décrivons sans cesse - en parlant de nous atteler en arrière des exemples de volonté politique que j'ai exprimés tout à l'heure, qui ne viennent pas de sondages et qui sont extrêmement difficiles à comprendre.

Quand on lit les sondages, il est manifestement plus facile pour le Parti libéral, à ce moment-ci, de contribuer, avec le gouvernement, à frapper sur le secteur public, à frapper sur la dignité des travailleurs du secteur public, à bafouer les droits que ces gens ont acquis de bonne foi il y a trois ans et demi. C'est facile électoralement de faire cela. Y'a rien là, comme le disait le négociateur patronal à des syndiqués du secteur public qui disaient: On met 1 000 000 000 $ sur la table. " Y'a rien là, disait le gouvernement. C'est facile électoralement de faire cela, mais beaucoup plus difficile de parler et de voter contre la loi 70, malgré ce que la population, d'après les sondages, peut en penser. C'est beaucoup plus difficile de se lever électoralement et de voter contre le projet de loi no 105, parce que les sondages sont là pour indiquer que la plupart des gens dans la population, qui ne sont pas dans le secteur public, trouvent que c'est merveilleux de mater les syndicats, d'enlever de l'argent aux syndiqués. (15 h 50)

C'est exactement le choix qui se pose aux Québécois avec un gouvernement qui, à coups de sondages, prépare l'opinion publique et l'exploite ensuite pour trouver des solutions à des problèmes qu'il a lui-même créés et dont l'idéologie l'empêche de concevoir quelque autre alternative que ce soit pour régler les problèmes auxquels nous devons faire face, d'une part. D'autre part, il y a les membres de ce côté-ci de l'Assemblée qui partagent avec tous les autres le souci de créer des emplois pour les Québécois, qui ne sont pas plus que d'autres députés dans cette Chambre les victimes ou les représentants de groupes d'intérêts ou de groupes de pression. On écrira tout ce qu'on voudra, on dira tout ce qu'on voudra, mais

tous les députés ici à l'Assemblée nationale ont le même souci: la prospérité des Québécois, mais pas au détriment de la dignité de ceux qui, de bonne foi, ont acquis des droits à un traitement, à une rémunération que le gouvernement leur a accordée de bonne foi, il faut le souhaiter, à l'époque. Manifestement, la bonne foi ne se retrouve plus que d'un seul côté dans les supposées négociations que nous avons traversées. Quant à moi, elle ne se retrouve que d'un côté à l'Assemblée nationale, c'est du côté de l'Opposition.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Robert Dean

M. Dean: M. le Président, dans ce que vient de dire le député de Vaudreuil-Soulanges, j'ai remarqué quelque chose de très intéressant. D'abord, il est très vite sur la gâchette avec le mot "ignorance" à l'égard de ses collègues de l'Assemblée nationale et de bien d'autres gens. Je lui demanderais de se souvenir des paroles célèbres d'un de ses prédécesseurs, chef de son parti, dans les années soixante, qui a traité, pendant qu'il était premier ministre, la population du Québec de "non instruite". Il s'est fait sacrer dehors par la population lors de l'élection suivante. Dans son cas, il a traité le monde d'"ignorant" avant d'être élu. Donc, la population qui sait compter, qui sait choisir et qui sait juger va faire de la prévention positive cette fois et empêcher que ses collègues et lui ne reprennent jamais le pouvoir.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition, sur une question de privilège.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le Président. Simplement par respect pour la mémoire de M. Lesage, je ne peux pas laisser passer cela. Je voudrais simplement rappeler que le député aurait dû placer cela dans le contexte de discussions très techniques qui avaient lieu à ce moment dans le domaine des relations fédérales-provinciales. On parlait, justement, de la formule Fulton-Favreau. Je termine sur ceci, M. le Président, je ne veux pas abuser de votre patience. Il s'agissait d'une formule très technique. C'est à cela que ces paroles - que je ne défends pas, mais je veux qu'elles soient rapportées dans leur contexte - se sont appliquées, simplement sur une question très technique d'étude d'une formule très complexe.

M. Guay: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Guay: Par déférence pour le leader de l'Opposition, je ne suis pas intervenu pendant qu'il parlait. Je pense que vous avez compris - je ne voudrais pas que cela créé un précédent - qu'une telle question ne constitue pas une question de privilège. C'est vrai, il se peut qu'il y ait eu un contexte, mais ceux que M. Lesage traitait de non instruits, les Québécois, ont fort bien compris les désavantages de la formule Fulton-Favreau et l'ont rejetée massivement. Ils n'étaient pas si non instruits que cela. En ce sens, on ne peut pas soulever une question de privilège sur une question comme celle-là.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

M. Dean: Une nouvelle question de privilège!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Sur les derniers propos tenus par le leader adjoint du gouvernement, qu'il me soit permis de rappeler que cette formule n'a pas été rejetée par la population, mais par le gouvernement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Guay: Le chef de l'Opposition a techniquement raison. Le gouvernement l'a retirée, mais l'Opposition a rejeté le gouvernement de l'époque, notamment là-dessus.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

La parole est au député de Prévost.

M. Dean: M. le Président, je note que ceux qui aiment piquer n'aiment pas se faire piquer.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Dean: Dans cette leçon de comptabilité que vient de nous donner l'ancien vice-président de Power Corporation dans son dicours, il a dit que le gouvernement ne pose pas de gestes qui favorisent l'investissement au Québec. On continue toujours cette baliverne que depuis l'avènement au pouvoir du Parti québécois,

depuis 1976, il n'y a pas d'investissement au Québec, en dépit du fait, souvent répété ici en Chambre et dans la population, que la création d'emplois et l'investissement dans le secteur privé, des PME comme des grandes entreprises, ont progressé au Québec pendant les premières années du mandat du Parti québécois et n'ont commencé à fléchir qu'avec cette terrible crise qui s'abat sur nous depuis le milieu de 1981.

Je n'ai pas besoin de faire de recherches, M. le Président. Pendant le premier mandat du Parti québécois, la société Alcan a investi pour plusieurs centaines de millions de dollars au Québec. General Motors a presque doublé son personnel à Sainte-Thérèse, en plus de créer et d'implanter une usine d'autobus à Saint-Eustache. Pratt and Whitney, à la fine pointe de la technologie internationale, a presque doublé son personnel avant d'être frappée par la crise. Le gouvernement actuel a posé un geste positif en utilisant nos ressources hydroélectriques pour inciter des entreprises privées à augmenter leurs investissements, ce qui a déjà porté fruit dans le cas de Reynolds, dans l'industrie des pâtes et papiers, et qui portera fruit au cours des mois et des années qui viennent également.

Au Québec, on a des ressources, on a du monde compétent, et, malgré les rumeurs de catastrophe que nos amis d'en face promènent dans les bureaux des entreprises de Toronto, de Détroit et de Washington, en braillant et en semant n'importe quelle histoire de Bonhomme Sept Heures au sujet des Québécois, les entreprises, continueront d'investir au Québec.

Fiscalité de gauche? Je souligne au professeur de comptabilité qu'en Autriche, qui est censé être un des pays les plus à gauche des pays sociaux-démocrates d'Europe, malgré les politiques de fiscalité de ce gouvernement et ses politiques sociales, General Motors est en train de compléter et de mettre en service une usine de moteurs et de transmissions de 3000 employés pour s'intégrer dans le réseau européen d'usines de General Motors. Donc, ce n'est pas la fiscalité de gauche non plus; c'est plutôt le manque d'équité, le manque de confiance à l'égard de la population et du peuple québécois que manifeste le Parti libéral qui font en sorte que les entreprises se posent des questions par bouts.

Une voix: Très bien!

M. Dean: Finalement, rapidement, en passant, quand je vois le député de Vaudreuil-Soulanges et ses collègues se porter à la défense des travailleurs, je me pose des questions. J'ai fait un petit sondage maison avec mes moyens limités de recherche. Parmi les députés d'en face, II y a 13 avocats et notaires; administrateurs de toute sorte, propriétaires, directeurs, mais pas beaucoup de directeurs de grandes entreprises, plus de 30; producteur agricole, 1; professeurs, 5. Être travailleur syndiqué, je me méfierais un peu de la qualité de défenseurs des travailleurs des amis d'en face, surtout quand, de l'autre côté de la bouche, ils charrient toutes les craintes des entreprises à l'égard de certaines mesures sociales réelles ou appréhendées qu'on pourrait apporter pour rendre la vie plus équitable et plus juste aux travailleurs québécois.

Nous en sommes au débat en deuxième lecture de la loi 105. Nous sommes rendus au moment de vérité. Que voulez-vous? Quoi qu'on dise des stratégies, des tactiques de part et d'autre, qu'un parti ou l'autre ait bien fait ou mal fait, ait pris la bonne ou la mauvaise décision à un moment donné, nous sommes là en pleine tempête, en pleine houle, le bateau est brassé, il faut ramer et, en temps et lieu, après la tempête on remettra les choses en place et on repartira à neuf.

Pourquoi est-on rendu là, M. le Président? J'essaie de passer rapidement parce que, quand même, d'autres l'ont dit mieux et plus longuement que je ne peux me le permettre avec le temps qui me reste. (16 heures)

Le gouvernement, que ce soit avant ou après les élections, parle franchement à la population de problèmes financiers. On a parlé de cette crise qui s'aggravait. Moins de travailleurs, parce qu'il y a plus de chômeurs, moins d'impôt. Moins de profits, donc moins d'impôt des entreprises. Moins de ventes, donc moins de taxes. Coupures fédérales: moins de revenus qui viennent du fédéral, donc, baisse de revenus. De l'autre côté, augmentation des dépenses, taux d'intérêt élevés qu'il fallait payer, aide sociale qui augmente durant cette crise de façon démesurée, sauvetage d'entreprises, nécessité d'aider à sauver des entreprises valables, rentables, progressistes, qui étaient mal prises dans cette situation de crise, nécessité de dégager des fonds pour la création d'emplois et augmentations salariales du secteur public en vertu des conventions collectives.

Le gouvernement a pris les mesures et il y a bien des gens dans notre société qui ont payé leur part de cette crise. Compressions de services à toute la population de 1 600 000 000 $. On a doublé, pour les employeurs, la prime d'assurance-maladie du Québec, 700 000 000 $. Donc, on a fait payer les employeurs. La taxe sur l'essence et la taxe de vente: on a fait payer tous les consommateurs, et les consommateurs d'essence en particulier. On en est venu au point de constater le fait malheureux ou heureux que 52% du budget du gouvernement étaient consacrés aux

salaires et avantages sociaux du secteur public.

Le gouvernement a donc tenu un sommet économique où il a mis cartes sur table, dans un geste sans précédent, sur la situation des finances du Québec: nécessité de reprendre 500 000 000 $ dans l'année financière 1982-1983 et nécessité que cela se fasse cette année. Lors de ce sommet, les parties patronale et syndicale - personne n'a contesté les chiffres - tout le monde était d'accord qu'on ne devait pas taxer les citoyens davantage. Tout le monde était d'accord qu'il ne fallait pas faire d'autres compressions de services, si cela était humainement possible. Donc, à la suite de tout cela, le gouvernement a proposé aux employés du secteur public - c'est vrai, en plein milieu d'une convention collective - un gel modulé des salaires qui réduisait l'augmentation prévue pour les mieux payés, mais qui la maintenait, en tout ou en partie, pour les moins bien payés.

Comme d'autres l'ont fait, M. le Président, on aurait pu songer à procéder par décret. Je suis l'un de ceux qui ont parlé contre cette idée. J'ai dit qu'il fallait aller au bout de la convention collective avant de reprendre l'argent qu'on ne pouvait pas se permettre comme gouvernement, comme collectivité de dépenser durant l'année financière courante. C'était parce que le gouvernement avait confiance dans la possibilité de négociations qu'on a adopté la proposition d'ouvrir les conventions collectives.

Dans mon cas, M. le Président, quand est arrivé le projet de loi no 70, j'ai voté pour et j'ai dit que j'espérais qu'il ne serait jamais mis en application parce que j'avais confiance, à ce moment-là, que les syndicats et les syndiqués du Québec du secteur public trouveraient, face à la crise qui accable leurs collègues, leurs camarades de travail du secteur privé, la lucidité et le courage, devant les cartes sur table du gouvernement, de jouer eux et elles aussi une carte, la carte d'une nouvelle solidarité, la carte d'une solidarité sociale et nationale, la carte qui exprimerait leur accord avec le principe qu'il fallait arrêter et éviter de prolonger un déséquilibre des finances publiques et dégager une marge de manoeuvre pour la création d'emplois dans le sens que s'il fallait qu'on emprunte à un moment donné davantage, que ce soient des emprunts pour soutenir et financer des investissements créateurs d'emplois et créateurs d'emplois permanents.

À ce moment-là - je tiens à le dire -j'ai fait un choix et mon choix a été un choix de syndicaliste et de social-démocrate. Devant cette évaluation de la situation, l'opinion que j'exprime aujourd'hui, je continue à dire que, face à une crise sans précédent, mon choix est aussi un choix de syndicaliste et de social-démocrate.

Les espoirs que j'avais selon lesquels on peut réussir par la négociation à faire face à ce problème n'ont pas été comblés. Nous sommes rendus au moment de vérité. Il ne faut blâmer personne, surtout pas les employés syndiqués des secteurs public et parapublic; on ne les blâme pas, on ne leur reproche rien, on constate des faits. Devant les faits, il faut poser des gestes. On est devant le fait de la société québécoise depuis les années soixante où, qu'on soit libéral, unioniste ou péquiste, on a bâti une société québécoise, on a mis l'accent sur le secteur public. Comme beaucoup d'autres pays colonisés d'ailleurs, il fallait reconnaître l'importance du public pour faire nos preuves comme administrateurs, pour essayer de diriger davantage notre économie et peut-être pour faire preuve aussi de nos largesses sociales. On a favorisé la syndicalisation presque à 100% des employés du secteur public et on a fait preuve, face au droit de négocier et au droit de grève, de cette force parfois démesurée, dans le cas de personnes malades, âgées ou autres où, parfois, la force syndicale peut paraître - et l'être évidemment - démesurée dans ces situations.

Le résultat de tout cela - tous les partis au pouvoir au Québec, depuis les années soixante, sont conjointement coupables en partie des erreurs et des excès - est qu'ils sont responsables aussi du sens positif, du fait que cela ait permis aux Québécois d'entrer dans l'ère moderne. Le moment de traquage et de chavirage est arrivé; on a érigé un mât de 100 pieds en "BC fir" sur une chaloupe. Il ne faut donc pas être surpris qu'en pleine tempête le bateau risque de chavirer. Il faut trouver les moyens de s'en sortir. Il faut bouger et vite.

Pendant cette année de tentatives de négociation, le gouvernement a mis en vigueur un tas de mesures avec ses moyens limités pour créer et soutenir des emplois. On a bonifié les programmes existants, on a créé le bon d'emploi, on a créé des milliers d'emplois temporaires, on a mis sur pied le programme Urgence-PME qui a sauvé maintes entreprises, dont plusieurs dans mon comté. De bonnes entreprises rentables, progressistes ont été sauvées de la faillite. Ce programme a aussi protégé les emplois des travailleurs en cours de route.

Corvée-habitation. Là, je souligne que ce sont les travailleurs syndiqués qui ont contribué à cette idée; les employeurs les ont suivis et cela a contribué à la relance de l'industrie de la construction. Il y a aussi le programme d'accès à la propriété, mais ce n'est pas assez. Aujourd'hui, et dès le mois de janvier, il faudra déployer des efforts encore plus massifs, avec le peu de fonds, le peu de disponibilités que nous avons comme gouvernement provincial pour voir à l'expansion industrielle, faire de la

modernisation, de l'implantation industrielle et créer des emplois. Il nous faut même nous diriger vers une politique intégrée et cohérente d'emploi où l'État et ses partenaires sociaux se donnent comme priorité globale et absolue de l'État, sur toutes les autres priorités, la création et le soutien des emplois.

Ceci exige la concertation. Cela exige que les employeurs, les syndicats et le gouvernement s'assoient à une même table pour préparer la relance ensemble. Il s'agit de s'asseoir autour d'une même table. Là, je fais référence à une question du député de Jean-Talon hier soir. À certains moments, il a posé de bonnes questions. "Le gouvernement a-t-il l'énergie, la volonté de passer à travers la crise?" Réponse: Bien sûr que oui. Il faut prendre des mesures énergiques, rapides et courageuses. Face à une situation de fait, c'est ce que le gouvernement fait. (16 h 10)

Que faire pour sortir le Québec de cette ronde périodique qui blesse le Québec: les négociations, etc. ? Les structures de nos négociations n'ont plus de bon sens. Il est vrai aussi, M. le Président, qu'il faut sortir globalement de cette question, pas seulement parler du régime de négociations dans le secteur public: II ne faut pas encore une fois bâtir un mât de 100 pieds sur la chaloupe, il faut faire en sorte qu'on bâtisse un bateau plus solide qui soit capable de prendre le mât de 100 pieds, en "BC fin", M. le Président. Pour ce faire, il faut, comme je l'ai dit, que le gouvernement, les employeurs et les syndicats s'asseoient à la même table. Pour ceux qui nient que ce soit possible, dans les autres pays aussi où la concertation est devenue la marque de commerce d'une relance et d'une santé économique et sociale depuis des années, c'était toujours ou presque sans exception en état d'extrême crise qu'est né cet esprit de concertation et de relance.

Il faudrait, M. le Président, dès le mois de janvier, que les employeurs, les employés des secteurs privé et public et le gouvernement s'asseoient ensemble pour préparer la relance et sortir de la crise ensemble sur la base de bâtir ou rebâtir une économie québécoise basée sur la création de richesses par l'extraction, la transformation de nos ressources et après cela, la distribution de nos richesses à la population et le partage de nos richesses via les services publics essentiels pour la population. Il faut apprendre en ce faisant, M. le Président, il faut qu'employeurs et employés arrêtent de se déchirer. Il faut se reconnaître mutuellement. Il faut modifier radicalement nos façons de voir et d'agir. Il faut parler d'emplois permanents, de sécurité d'emploi en même temps que de rentabilité et de concurrence internationale. Il faut que les mots obscènes d'une partie et de l'autre soient bannis et deviennent un peu la base du dialogue des uns avec les autres. Il faut pouvoir parler d'accès à la syndicalisation en même temps que de productivité.

Il faut parler de licenciement collectif, mais dans un contexte de recyclage et de relance d'entreprises. Il faut parler de régimes de rentes pour permettre aux travailleurs de prendre leur retraite dans la dignité en même temps qu'on parle de formation professionnelle pour les jeunes travailleurs pour qu'ils entrent dans la force ouvrière. Il faut que tout cela se fasse et c'est possible de le faire au Québec dans le contexte actuel.

La loi no 105, on en est rendu là, M. le Président. Le gouvernement ne peut pas faire plus financièrement, il ne peut pas faire plus qu'il n'a déjà fait à la table des négociations. Quand on ne peut pas, on ne peut pas. GM l'a connu, Chrysler l'a connu, les petites entreprises le connaissent. J'ai rencontré des travailleurs la semaine dernière; l'employeur a mis cartes sur table: on ne peut pas donner d'augmentation cette année. Les travailleurs ont fait vérifier les informations par des analystes. Ils sont d'accord, ils ne s'énervent pas en fait comme des milliers et des milliers et des centaines de milliers de Québécois qui eux sont du secteur privé. Quand ils ont une annonce de mise à pied, ils ont une baisse de revenus de 40% au moins, quand ils tombent sur l'assurance-chômage. Ils connaissent le début de cette période de chômage: ce n'est pas pour trois mois, c'est pour une durée, comme on dit, indéterminée.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Dean: En terminant, M. le Président, on ne peut pas laisser traîner cette situation plus longtemps. Il faut préparer dès le mois de janvier la relance. Il faut prévoir cette concertation. On a dit à satiété que gouverner, c'est choisir. En face des faits où il faut malheureusement pour des raisons budgétaires, pour des raisons financières, choisir entre un gel ou une récupération temporaire pour 15% des travailleurs québécois et équilibrer cela dans l'intérêt de 85% des travailleurs québécois qui sont en chômage ou sous l'aide sociale, qui avec un courage inouï se donnent dans les programmes de Chantier-Québec, qui se partagent le travail entre eux en acceptant des baisses de salaire volontaires pour permettre aux collègues de partager le travail, même si cela entraîne une baisse de revenu. Dans cette relance, M. le Président, où il faut mettre toutes les forces vives de la société québécoise, il y a un rôle pour les hommes et les femmes syndiqués du secteur public. Ce rôle, même en admettant que c'est très difficile pour eux de vivre les

prochaines semaines et le moment actuel, c'est qu'ils continuent à fournir des services à la population, aux plus démunis, aux chômeurs, aux bénéficiaires de l'aide sociale, aux blessés dans les accidents du travail. S'ils ne veulent pas le faire par amour pour leur patron-État, qu'ils le fassent par amour et par solidarité envers leurs collègues de travail en chômage, bénéficiaires de l'aide sociale.

M. le Président, on dit: Gouverner ou participer au gouvernement, c'est choisir. J'ai choisi et j'ai fait un choix de syndicaliste et de social-démocrate. Même si cela fait mal à tous mes collègues députés du côté ministériel d'être obligés de le faire en face de la situation et même si cela fait mal aux travailleurs du secteur public, il faut le faire dans cet état de crise sans précédent. Il faut poser des gestes sans précédent comme cela s'est produit à maintes reprises dans le secteur privé dans les grandes, moyennes et petites entreprises en Amérique du Nord. Choisir, M. le Président? J'ai choisi et je dis encore que c'est un choix de syndicaliste et de social-démocrate que j'ai fait. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon, une question de règlement.

M. Rivest: M. le Président, le député de Prévost me permettrait-il une courte question?

Le Vice-Président (M. Jolivet): En vous rappelant seulement qu'en vertu de l'article 100, si le député de Prévost accepte la question, c'est un consentement tacite. S'il n'accepte pas, je passe à l'autre intervenant. Acceptez-vous, M. le député de Prévost?

M. Dean: Oui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui? M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, le député a parlé dans son intervention d'un choix. Est-il au courant qu'aujourd'hui une donnée importante, je pense, a été publiée qui est celle de l'opinion de la population du Québec où seulement 27% des Québécois, en vertu d'un sondage - un sondage, cela vous dit quelque chose CROP? favorisaient la méthode d'une loi et la méthode des décrets?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost.

M. Dean: M. le Président, quoi qu'on en dise et quelle que soit la façon dont on interprète les sondages, le gouvernement a un choix à faire. Il évalue la situation et il fait un choix. C'est sur ce choix qu'on est solidaire et c'est sur ce choix qu'on sera effectivement jugé dans les mois et les années à venir par cette même population, pas par des sondages de compagnies de sondage, mais par des sondages électoraux. Je suis convaincu, M. le Président, que le gouvernement actuel a en main ce qu'il faut pour mobiliser les forces vives de la société québécoise en vue d'une relance de l'économie québécoise et de la société québécoise qui va faire en sorte que lors de la prochaine échéance électorale, encore une fois, la population du Québec, qui sait compter, qui a du coeur au ventre et une tête sur les épaules, va choisir l'équipe du Parti québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, si je comprends bien les arguments du gouvernement dans ce projet de loi 105, ils sont à peu près ceci. Le premier message, c'est que jusqu'en 1981, le Québec était relativement prospère et les conventions collectives qui ont été signées en 1979 étaient, de façon générale, équitables et justifiables. Le deuxième message, c'est qu'en 1981, il nous est arrivé de l'extérieur, de Washington, d'Ottawa, de l'enfer même, une espèce de crise économique qui a changé tout cela. Le troisième message que le gouvernement nous transmet, c'est que maintenant, tout le monde au Québec se trouve dans l'obligation de partager. C'est ce que le ministre de l'Éducation a appelé, hier soir, "notre appauvrissement collectif". (16 h 20)

Le quatrième message, c'est que les syndicats étaient poliment invités à négocier les conditions de leur contribution à cet appauvrissement collectif et ils ont refusé. Donc, il faut maintenant l'imposer. Le cinquième message que j'ai entendu, c'est qu'il ne faut pas se décourager, il va y avoir, dans l'avenir, une reprise économique, on va sortir de la crise et elle sera remplacée par une reprise économique.

Finalement, le sixième message c'est que, en attendant, tout le monde est invité à manifester de sa solidarité collective.

C'est une analyse qui, pour moi, est fausse, pleine de trous et injustifiée. Je n'ai pas le temps d'analyser les six éléments, je vais me limiter à un seul. C'est le cinquième qui veut qu'on ne doive pas se décourager on va sortir de la crise, il va y avoir une reprise économique. À la fin de cette crise, tous les gens du secteur privé et ceux du secteur public vont retrouver de l'emploi, les augmentations de salaire et peut-être même

un rattrapage.

C'est important cette idée de reprise économique parce que, si on accepte l'argument de M. Parizeau, ministre des Finances, la crise est la seule et unique cause du projet de loi no 105, que les ententes de 1979 auraient été justifiées en temps normal; donc, il est clair que le retour à cette prospérité normale est une condition essentielle pour un retour à la prospérité normale des travailleurs et des travailleuses dans les secteurs public et parapublic.

Je dois vous dire, M. le Président, que je suis de plus en plus convaincu qu'il n'y aura pas de reprise économique, que cette prospérité "normale" ne reviendra ni l'année prochaine ni en 1984 ou 1985. Vous allez me dire que c'est impensable, et qu'il faut que cela finisse un jour; c'est le cycle économique normal; cela monte, cela descend, personne ne se pose de question sur le retour éventuel de la prospérité il y a seulement débat sur l'échéancier.

Mais, aujourd'hui, malheureusement, j'ai l'intention de parler avec vous de la possibilité que la prospérité économique du Québec ne revienne pas; il n'est pas question de "quand", mais question de "si" cela va revenir.

Il faut commencer en limitant le débat un peu. Si j'accepte l'argument de M. Parizeau que tous nos malheurs économiques viennent de l'extérieur, je suis donc obligé d'accepter que toute reprise va venir également de l'extérieur, d'une reprise économique canadienne ou américaine. Selon la thèse de M. Parizeau, on est sans espoir, ici, au Québec, sans outil, sauf peut-être pour quelques petits outils qu'on peut utiliser pour limiter les dégâts.

Je n'accepte pas cet argument. Oui, il y a des influences de l'extérieur qui font partie de nos malheurs, mais il y a également des influences de l'intérieur. Nous avons démontré, à plusieurs reprises, que la croissance économique au Québec, sous le gouvernement péquiste, depuis 1976, est moins forte que dans le reste du Canada et il y a un grand nombre de personnes de l'extérieur qui ont appuyé cette thèse. Je pense que c'est presque tenu pour acquis par tout le monde qu'il y avait un affaiblissement d'environ 20% de notre part de l'économie du Canada, depuis les dix dernières années. Affaiblissement dans le domaine de l'emploi, de l'investissement et de la construction.

Autrement dit, je vous dis, observateurs indépendants à l'appui, que le projet de loi no 105 est la conséquence de deux crises économiques, une qui est américaine ou canadienne et une deuxième dont seuls les Québécois sont victimes.

Verra-t-on la fin de la première crise, la crise américaine ou canadienne? Je ne sais pas, il est possible, mais j'ai l'impression que ce sera long, plus long qu'on ne l'imagine aujourd'hui et plus pénible. J'ai des opinons quant à la nature de cette crise, mais je n'ai pas assez de temps pour en discuter aujourd'hui. Je dois cependant ajouter que je ne suis pas du tout impressionné par les performances du gouvernement fédéral libéral depuis dix ans dans le domaine économique. Je regrette de ne pas avoir le temps d'aller plus loin dans ce sens, peut-être plus tard. Le point central aujourd'hui, pour moi, c'est le problème québécois parce que c'est ici que nous sommes, et les préoccupations du Québec, les Québécois, leur vie, leur avenir, leur prospérité, c'est notre préoccupation principale.

La question que je me pose est la suivante: Y aura-t-il une reprise économique au Québec? Va-t-on sortir de la deuxième crise économique? Mon opinion, c'est non, pas dans le sens qu'on imagine. J'ai l'impression que, dans un avenir rapproché et même jusqu'en 1985, notre part dans l'économie canadienne va continuer de se détériorer. Notre économie va continuer de s'affaiblir. C'est important de le dire, parce que, si j'ai raison, les gens des secteurs public et privé ne doivent pas attendre une amélioration de leur sort, même après 1985. Si j'ai raison, notre appauvrissement collectif est ici pour rester.

Pour m'expliquer, j'ai le temps de soulever seulement deux éléments de notre problème économique ici au Québec, problème qui est beaucoup plus grave que ne l'imaginent la plupart des députés d'arrière-ban péquistes qui parlent continuellement de la reprise économique prochaine. Les deux éléments qui me préoccupent aujourd'hui sont la dette du Québec et la décroissance industrielle.

Hier, le député de Verchères nous a donné une espèce de leçon de vertu. Il a raconté une conversation qu'il avait tenue avec une personne de son comté, en chômage, en train de se séparer de sa femme. Il nous a dit qu'il avait déclaré à cette personne, il a affirmé qu'il l'avait fait avec beaucoup de courage, que d'après lui ce serait immoral d'augmenter le déficit du Québec. C'est fascinant cette idée de la moralité ou de l'immoralité d'un déficit gouvernemental.

Pour le député de Verchères, si je le comprends bien, le déficit prévu par le ministre des Finances, de 3 400 000 000 $, est moral. Un déficit de 3 500 000 000 $ serait un déficit amoral. Pour le dire d'une autre façon, peut-être que n'importe quel déficit avec l'imprimatur du ministre des Finances est un déficit moral et tout ce qui n'est pas approuvé par le ministre des Finances est immoral. Je n'en sais rien. Je laisse les questions de moralité au député de Verchères et à son confesseur.

Je vous propose une autre conception du problème du déficit. C'est la conception de la responsabilité. Je vous propose que, pour tout gouvernement provincial, n'importe quel déficit dans les comptes courants est irresponsable, sauf à très court terme, parce que avec de tels déficits vous obligez les autres à payer les coûts de vos propres bonheurs. Tôt ou tard, vos enfants, les générations futures seront obligés de réduire leur bien-être parce qu'ils sont pris avec vos dettes, ou bien ils déménageront à un endroit où ils ne seront pas hypothéqués par les dettes des autres.

Le message dans tout cela pour M. Harguindeguy, M. Dubé, M. Charbonneau et M. Laberge et les syndiqués qu'ils représentent, c'est qu'à moins que le déficit du Québec soit réduit, ne soit pas maintenu à ce niveau moral de 3 400 000 000 $, mais réduit d'une façon très substantielle d'ici 1985 le gouvernement de cette époque ne sera pas plus capable que celui d'aujourd'hui de vous accorder les augmentations qui correspondent à l'augmentation du coût de la vie, parce que, finalement, ce ne sont pas les contribuables qui déterminent nos capacités d'emprunter, c'est "New York". New York nous a déjà envoyé un avertissement.

J'accepte que ce soit plus compliqué que cela. Les limitations prévues dans les lois 70 et 105 vont elles-mêmes avoir un effet sur le déficit mais c'est très loin d'être suffisant parce que le fond du problème du déficit du Québec n'est pas un problème de dépenses, mais c'est un problème de revenus. (16 h 30)

Je suis maintenant rendu au deuxième élément que je veux aborder cet après-midi, le problème de notre décroissance économique ou, pour prendre l'expression de M. Pierre Lortie, la "dé-industrialisation" du Québec. Aujourd'hui notre économie est en train de devenir de plus en plus dépassée. Je n'ai pas le temps d'expliquer cela par une grande théorie, je vais vous donner deux exemples seulement.

Lundi dernier, mon collègue, le député d'Outremont et moi-même, avons rendu public un rapport sur le départ des compagnies du Québec depuis 1976. Je n'ai pas l'intention de vous présenter tous les chiffres aujourd'hui parce que c'est un aspect secondaire. Je veux vous décrire la nature, la qualité des compagnies qui nous ont quittés pour s'installer non dans l'Ouest, mais à peine à quelques centaines de milles d'ici, en Ontario, à Toronto ou à Ottawa, depuis six ans.

Quels sont les secteurs, quel est le genre de compagnies qui nous ont quittés? Le secteur le plus important est celui des finances. Deux grandes banques et deux grandes compagnies d'assurances ont, à toutes fins utiles, quitté le Québec pour l'Ontario avec une perte d'au-dessus de 3000 emplois très importants. Le deuxième secteur est celui des télécommunications où six compagnies, RCA, CP, Marconi, Bell Canada et surtout Northern Telecom sont parties. Le troisième secteur est celui du génie et de la machinerie lourde. Nous avons perdu neuf compagnies en tout ou en partie, par exemple Pratt and Whitney dont le député qui m'a précédé a parlé. Le quatrième secteur que nous avons perdu en grande partie, c'est la pharmaceutique et le sixième concerne la chimie avec Dupont, CIL, Monsanto, Chemcell et trois ou quatre autres. Le septième secteur est celui de l'alimentation et des produits à la consommation.

Quelle qualité ont en commun ces sept secteurs? C'est qu'ils sont tous à la fine pointe de la technologie, ce sont les industries les plus modernes et elles sont toutes en train de nous quitter.

Laissez-moi vous donner juste une deuxième petite histoire. Mercredi, j'ai rencontré le président de la Société générale de financement qui nous a parlé d'une nouvelle initiative que cette société d'État prendra, un investissement dans le domaine de la biotechnologie. Vous vous rappellerez que la biotechnologie est un des secteurs indiqués par le gouvernement comme étant prioritaires pour l'avenir du Québec.

Le président de la SGF était fier de nous déclarer que l'investissement prévu dans ce nouveau secteur ne dépassera pas 3 000 000 $ et ceci pour une période de trois ans. Seulement 3 000 000 $ dans un secteur qui, d'après le gouvernement même, est prioritaire pour notre avenir et, en même temps, nous investissons 300 000 000 $ dans une sidérurgie non rentable, 50 000 000 $ dans une ligne aérienne et 100 000 000 $ dans une mine d'amiante.

Demandez à n'importe quel économiste: La sidérurgie, les lignes aériennes, les mines d'amiante sont-ils les secteurs industriels de l'avenir? La réponse est: Non, ils sont les secteurs traditionnels ou même dépassés. Ils sont les symboles économiques des pays qui vivent farouchement dans le passé. Ils sont les symboles des pays sous-développés.

Ce n'est pas sur l'acier, les mines d'amiante et les lignes aériennes qu'on construit une économie moderne, même si ces secteurs sont rentables, mais ici, ils ne le sont pas. On parle ici de la technologie, mais quand arrive la vraie décision importante, les sous, on voit quelles sont nos vraies priorités et dans ces trois exemples, on les voit d'une façon tragique: 450 000 000 $ dans les industries dépassées, 3 000 000 $ dans la nouvelle technologie.

M. le Président, s'il n'y a pas de développement économique moderne ici, il n'y aura pas d'accroissement de la population parce qu'il n'y aura pas d'accroissement de

l'emploi intéressant. En conséquence, et je retourne aux syndiqués du secteur public touchés par ce projet de loi, notre base fiscale, notre source de revenus gouvernementale deviendra inévitablement de plus en plus faible. Encore une fois, les revenus de l'État vont être affaiblis en conséquence.

Donc, le message aux gens du secteur public, c'est, pour moi au moins, assez clair. À moins d'un véritable assainissement des finances publiques, à moins d'un effort beaucoup plus audacieux de moderniser notre économie, il n'y aura pas de reprise économique au Québec. Je ne vois aucune indication que le gouvernement actuel s'apprête à prendre ses responsabilités dans cette direction.

Quoi faire? Dans une phrase, M. le Président, je propose, comme solution, qu'on accepte le défi de la concurrence. C'est facile à dire. Je le répète, accepter le défi de la concurrence. Mais, pour le réaliser, il faut toute une série de changements dans les priorités et les attitudes de notre gouvernement. Cela ne se fera pas par la consultation et à des sommets. Cela va se faire par des gestes. Il n'est pas question, comme le gouvernement le demande à la population, de changer ses attitudes. C'est un changement dans l'attitude du gouvernement qui est nécessaire.

Comment devenir concurrentiel et avec qui? Je propose d'abord, sur le plan très pratique, qu'on devienne concurrentiel avec l'Ontario, parce que l'Ontario est l'alternative réelle pour la plupart des agents économiques qui s'intéressent au Québec et c'est également, malheureusement, l'alternative pour une partie de notre population. L'Ontario n'est pas la fin du monde; loin de là. Il faut, le plus vite possible, dépasser l'Ontario, parce que nous ferons partie de plus en plus d'un marché commun avec les États-Unis et le monde entier. Mais il faut pour le Québec devenir au moins concurrentiel, nom de Dieu! avec l'Ontario et accepter que cette concurrence soit manifestée non pas dans les discours des ministres, ni dans les déclarations du premier ministre, mais dans les chiffres. Notre PIB per capita, notre productivité, aujourd'hui, est plus de 20% inférieur à l'Ontario.

Comment faire? Il n'y a pas une seule réponse. Aux journalistes qui nous demandent quelle est notre solution de rechange, on est obligé de dire que, dans le monde de la concurrence, les plans et les programmes sont souvent lettre morte avant même qu'ils soient rédigés et imprimés. Ce n'est pas dans les catalogues de "Bâtir le Québec" volumes 1 et 2 qu'on trouve l'esprit de la concurrence. C'est dans l'audace, dans l'imagination, dans la capacité d'ajustements quotidiens, dans la flexibilité, dans le travail, dans l'élargissement de nos horizons, dans la vitesse de notre réaction, dans l'adaptabilité, toutes choses qu'on trouve chez les gens les plus intéressants sur cette terre et jamais dans les programmes politiques.

Cela fait trop longtemps que le Parti québécois essaie de persuader les gens du Québec qu'ils sont faibles, insécures, menacés de l'extinction par tous les establishments du monde. Ce n'est pas vrai. Nous sommes forts, sécures, compétents, instruits et capables nous-mêmes de menacer les autres establishments ailleurs. Les arguments des péquistes, au contraire, sont essentiels pour la protection de leur propre establishment, l'élite du pouvoir, qui s'est développé depuis six ans. Plus nous avons, nous autres, les Québécois, confiance en nous-mêmes, moins nous avons besoin de ces gens de l'État. Votre confiance est une qualité très dangereuse pour l'avenir des leaders politiques. Les leaders politiques d'aujourd'hui ont terriblement besoin de nous garder dans un état d'insécurité pour leurs projets à eux.

En terminant, M. le Président, je veux faire une proposition concrète. C'est que, demain, on commence à enlever des plaques d'immatriculation de nos automobiles le slogan "Je me souviens". Ce n'est pas dans les souvenirs collectifs qu'on va relever le défi de notre prospérité économique dans le monde moderne. C'est bel et bien le temps de mettre sur nos plaques d'immatriculation le message "Conduisez prudemment" et le slogan "Devenir concurrentiel dans l'esprit de nos citoyens". Si on ne le fait pas, les gens du secteur public comme les gens du secteur privé vont attendre jusqu'aux calendes grecques la reprise essentielle qui est rendue impossible par le gouvernement d'en face. Si on le fait, nous sommes capables de tout. (16 h 40)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Je ne sais pas comment mes collègues, qui étaient ici avant moi, se sentaient dans les débats d'importance aussi grande que celui qui se déroule ici, à l'Assemblée nationale, mais je peux vous dire, pour ma part, que le virage important, dont le premier ministre a parlé tout à l'heure et que nous sommes en train d'exécuter, ce sera un nouveau souffle de vie. Dans quelque temps, nous atteindrons une vitesse de croisière, j'en suis sûre. Savez-vous pourquoi j'en suis sûre, M. le Président? Parce que j'ai confiance dans l'intelligence des Québécois, parce que j'ai confiance aussi dans leur compréhension et leur courage. Je suis certaine qu'on va passer au travers avec un minimum de dégâts.

Les heures que nous vivons en ce moment sont aussi graves et aussi

importantes pour l'avenir du Québec que le sont tous ceux qui y vivent. Que vous soyez syndiqués ou pas, que vous soyez dans la fonction publique ou dans le secteur privé, que vous soyez chômeurs, assistés sociaux, les heures qui passent sont un tournant décisif pour l'avenir du Québec. Depuis vingt ans, les Québécois et Québécoises se sont dotés de services publics accessibles et de qualité. Nous avons, aussi longtemps que cela a été possible, accordé à nos secteurs public et parapublic d'excellentes conditions de travail, bien souvent meilleures que celles qu'ils pouvaient obtenir dans le secteur privé.

Aujourd'hui, au moment où la société québécoise est durement frappée par la crise, au moment où les Québécois et les Québécoises sont en droit d'exiger qu'en cette période difficile on ne cherche pas à les priver de services de santé qui doivent être disponibles en tout temps, au moment où nos enfants sont en droit d'attendre qu'on ne les privera pas de leur enseignement, les Québécois sont en droit d'exiger que leur gouvernement songe autant à l'ensemble de la population que forment les 470 000 chômeurs et les 576 000 assistés sociaux qu'à ses 335 000 employés. Combien croyez-vous qu'il y a de mères de famille comme moi qui ont de grands fils ou de grandes filles de 18 et 20 ans qui sont au chômage, au Québec? Est-ce qu'on peut les sacrifier? Ce serait bien difficile pour moi de choisir cette façon de vivre.

À des rencontres antérieures que nous avons eues avec différents intervenants du milieu syndical, il m'a semblé de façon claire que l'heure était venue de faire un choix. On nous a dit, dans ces rencontres, qu'on devait faire un choix politique, mais un choix politique, est-ce que ce serait emprunter davantage? Est-ce bien le temps d'endetter le Québec? Est-ce bien le temps d'augmenter les impôts des particuliers? Est-ce bien le temps de hausser les impôts de nos entreprises, de nos PME? Le gouvernement du Québec ne veut pas contribuer à faire mourir ses PME. Les taux d'intérêt, pour les huit premiers mois de l'année 1982, en ont fait mourir 2900. Les PME sont génératrices d'emplois. De quoi avons-nous besoin en ces temps particulièrement difficiles si ce ne sont des emplois? Est-ce qu'on a le droit de les taxer davantage?

On nous fait souvent le reproche suivant dans les rencontres qu'on a avec les syndicats: Pourquoi avoir attendu si longtemps et arriver aujourd'hui avec un décret? En avril 1982, nous avons mis cartes sur table. Nous avons choisi de négocier au lieu d'imposer. Nous avons cru, à tort peut-être, j'en conviens, que c'était la meilleure façon d'agir étant donné les circonstances. Nous avons voulu que la démocratie conserve toute sa force. Allons-nous nous blâmer d'avoir cru possible une entente négociée? Allons-nous nous blâmer d'avoir cru possible une entente prise en toute connaissance de cause? Allons-nous nous blâmer, M. le Président, d'avoir eu une prise de conscience collective? Je ne crois pas qu'on puisse faire une chose semblable. Je ne le crois vraiment pas.

Quand la cloche a sonné, le 9 décembre, c'est-à-dire hier, pour annoncer le décret, nous, membres de la députation québécoise, n'étions pas plus fiers qu'il faut. Nous ne nous sommes pas réjouis non plus des déchirements que ce décret infligera à nos employés des secteurs public et parapublic. M. le Président, pendant 20 ans nous avons connu la prospérité. Vingt ans pendant lesquels nous avons implanté un réseau moderne et complet d'écoles et d'hôpitaux. Vingt ans pendant lesquels nous avons doté le Québec des meilleurs services d'une société moderne.

Notre seule préoccupation: croissance, croissance, croissance, ce fut possible durant ces 20 années. Nous avions les moyens de nous le payer. L'erreur que nous avons faite, je crois, fut d'oublier un tant soit peu l'efficacité ou l'économie. Actuellement, notre richesse décroît et nous sommes obligés d'exiger le maximum d'efficacité. Est-ce normal qu'un étudiant du Québec, de niveau primaire ou secondaire, coûte au seul chapitre du salaire des enseignants 335 $ de plus par année? Est-ce normal que chaque journée d'hospitalisation coûte 10% de plus au Québec? Est-ce normal que, pour réaliser les mêmes activités, il y ait 7% de plus de fonctionnaires au Québec qu'en Ontario, M. le Président? Je dirais donc que les services coûtent forcément plus cher ici au Québec qu'ailleurs. Vous comprenez pourquoi, tout à l'heure, je vous ai parlé d'efficacité et d'économie. Nous devons ensemble adopter une attitude franche. C'est ce que j'ai toujours essayé de faire, M. le Président, avec mes collègues. Nous devons aussi cerner la réalité et être solidaires devant l'effort. Nous devons donner le coup de collier pour résister à cette tempête.

Nous avons eu, je crois, un objectif équitable: protéger les bas salariés. Voilà notre premier souci dans ce contexte difficile. Il faut être réaliste même si cela est conforme aux conventions collectives, une augmentation de 14% n'est pas réaliste. Si le contexte était normal, oui; mais dans un contexte économiquement difficile, non. L'idée de lever de nouvelles taxes évaluées à 641 000 000 $ est hors de question. La capacité de payer est devenue déjà trop élevée. La loi 70, qui entrera en vigueur en janvier 1983, permettra au gouvernement de ne pas verser en salaires plus que ce qu'il a dans son budget. La crise économique frappe tout le monde, M. le Président, mais nous savons tous très bien que ce sont les plus

petits qu'elle a frappés le plus fort. C'était, à mon point de vue, un cas de conscience pour un gouvernement responsable de penser à ceux qui sont le plus touchés. (16 h 50)

Que pense-t-on aussi de la justice dans le secteur privé et le secteur public? C'est important de diminuer l'écart de rémunération entre le secteur privé et le secteur public. Lorsque la situation sera rétablie, lorsque l'écart sera amoindri entre les deux secteurs, à ce moment-là - mais à ce moment-là seulement - nous devrons protéger globalement le pouvoir d'achat de chacun. Le gouvernement du Québec n'est pas un employeur ordinaire. Il doit tenir compte de l'ensemble de la communauté et pas seulement d'une partie de celle-ci. Le gouvernement du Québec doit s'attaquer aux problèmes reliés à la crise économique et s'évertuer à provoquer la reprise. Comment, M. le Président? En créant des emplois. La seule façon pour un peuple de surmonter une crise, c'est d'accepter de remettre en cause certains acquis. C'est de se serrer les coudes et faire face aux événements avec lucidité et solidarité. J'ai lu quelque part que demain appartenait à ceux qui y croyaient et moi, j'y crois très fort, avec l'ensemble de mes collègues ici.

Pour terminer, M. le Président, dans une des dernières rencontres que nous avons eues, mes collègues de l'Estrie et moi, avec les dirigeants syndicaux, on m'a remis une lettre avec un ultimatum au bas de la lettre, une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. On m'a dit: Si tu prends position et si tu votes pour la loi, lors de la prochaine élection, on s'engage publiquement à te faire battre. Remarquez bien, M. le Président, que j'essaie de me situer au-dessus de cela. Je voudrais seulement dire que toute ma vie, j'ai essayé de travailler honnêtement et pour l'ensemble des gens que je représente. Quand je voterai pour la loi 105, je le ferai en toute connaissance de cause, ayant pesé le pour et le contre. Je le ferai aussi au nom de l'équité sociale. Savez-vous ce qui me viendra à l'idée au moment où je vais voter pour cette loi? Je vais me rappeler le 13 avril dernier, quand les gens du comté de Johnson ont mis leur confiance en moi, quand ils m'ont dit: Tu vas aller nous représenter tous. Pas seulement un groupe de mon comté, M. le Président, mais l'ensemble de mon comté. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Orford.

M. Georges Vaillancourt

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, le projet de loi no 105 est accompagné de 109 décrets qui fixent unilatéralement les conditions salariales et de travail des quelque 350 000 employés de l'État. En cette triste journée qu'il est convenu d'appeler un triste chapitre de l'histoire du syndicalisme au Québec, mon intention n'est pas de faire le procès du gouvernement. Cependant, on me permettra de chercher à comprendre les véritables raisons pour lesquelles la société québécoise doit subir, aujourd'hui, les foudres incohérentes du gouvernement.

M. le Président, j'aimerais, en premier lieu, vous rappeler qu'au cours des années précédant la venue au pouvoir du Parti québécois les attentes des milieux syndicaux, en matière de relations du travail, étaient apparemment si grandes qu'ils furent enclins d'appuyer tout parti d'Opposition susceptible de changer l'état et le contenu des négociations collectives dans la fonction publique.

En 1982, peu après la publication des recommandations du rapport Bisaillon, peu après également une conférence dont les discussions portaient sur les thèmes de solidarité et d'administration des fonds publics entre le gouvernement, d'une part, et les principaux agents socio-économiques, d'autre part, on en arrive aujourd'hui à un point de confrontation majeur dont les effets sont incalculables en termes de contrat social. C'est ainsi que le climat de concertation, auquel le premier ministre faisait allusion en février dernier, dégénère en climat d'affrontement marqué par des reculs importants, aussi bien sur le plan social que sur le plan normatif.

Jamais n'y aura-t-il eu autant de batailles et victoires syndicales menées, depuis le milieu des années soixante, par les employés des secteurs public et parapublic réduites en cendres. Jamais n'aura-t-on vu un gouvernement si irrespectueux à l'égard de sa propre signature apposée sur des documents officiels lors des dernières rondes de négociations.

M. le Président, cette façon cavalière de traiter avec ses employés nous laisse songeurs quant aux effets sur ce qu'il est convenu d'appeler le contrat social. Le gouvernement, par le dépôt de ce projet de loi no 105, mettra un terme définitif au préjugé soi-disant favorable aux travailleurs.

En passant, M. le Président, permettez-moi de souligner que le présent projet de loi no 105, accompagné de 109 décrets, fixe unilatéralement les conditions salariales et de travail de 350 000 employés de l'État, y compris les employés de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, plus dix sociétés d'État qui sont: la Société des alcools du Québec, la Commission des droits de la personne, la Commission de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, la Commission des services juridiques, la Corporation d'aide juridique, la Société des traversiers du Québec, la Régie

des installations olympiques, l'Office de la construction du Québec, l'Office franco-québécois pour la jeunesse et la Société des loteries et courses.

M. le Président, parmi les effets pouvant être comptabilisés, il faut mentionner que si le gouvernement se sent si coincé aujourd'hui qu'il impose d'aussi grandes injustices à ses propres travailleurs, c'est que l'État employeur a manqué de vigilance dans sa façon d'administrer les fonds publics. Il nous faut donc lui rappeler les piètres performances en matière économique dont sont victimes aussi bien les travailleurs du secteur public que ceux du secteur privé.

Il est déplorable qu'un gouvernement puisse commettre l'affront de demander au peuple québécois le mandat de réaliser l'indépendance, alors que la crise des finances publiques, qui est intimement reliée à la crise économique, entraîne un effondrement des finances et de l'économie du Québec. (17 heures)

En ce qui a trait à la situation budgétaire, nous convenons, de ce côté-ci de la Chambre, que le déficit ne date pas de 1976. Nous savons, comme n'importe qui, que les nombreux programmes sociaux mis de l'avant par les gouvernements antérieurs et prolongés par le présent gouvernement, nécessitent des disponibilités financières énormes depuis le début des années soixante-dix. Par contre, vous vous souviendrez des commentaires formulés par le Parti québécois au temps où il formait l'Opposition officielle. Il dénonçait l'incompétence du gouvernement d'alors à équilibrer ses budgets. On se promenait bras dessus, bras dessous avec les dirigeants syndicaux et l'on affirmait sans trop savoir pourquoi qu'une augmentation de salaire inférieure à 30% - oui, M. le Président, vous avez bien entendu: 30% -constituait une injustice envers les employés de l'État.

Quant au déficit budgétaire, de 121 000 000 $ qu'il était en 1971, il est passé à plus de 3 000 000 000 $ lors du dernier discours sur le budget 1982-1983. Est également venu s'ajouter un manque à gagner, lors de la publication trimestrielle des activités financières, qui va être plus près de 4 000 000 000 $.

Sur le plan des investissements, la situation n'est guère plus brillante. En quatre ans, soit de 1977 à 1981, seulement 16% de nouveaux emplois étaient créés au Québec. L'année 1982 est caractérisée par des pertes d'emploi importantes. En effet, la saignée des pertes d'emploi ne s'inscrit plus seulement aujourd'hui au secteur primaire et au secteur secondaire de notre économie, mais aussi à de nombreux secteurs d'activité relevant du secteur tertiaire.

En dépit des propos ronflants du ministre de l'Habitation sur le programme

Corvée-habitation, les indicateurs économiques nous disent que les mises en chantier connaissent des moments difficiles. Elles n'atteignent plus en 1982, entre les mois de janvier et octobre, que 16% des mises en chantier totales au Canada. Enfin, en 1983, la croissance économique du produit intérieur réel du Québec devait être de 1, 7% selon les dernières prévisions du Conference Board du Canada.

En dernier lieu, l'épineux problème de l'emploi au Québec revêt, bien sûr, une dimension économique mais davantage humaine, à un moment de notre histoire où personne ne semble avoir le goût de relever des défis pourtant essentiels pour l'avenir du Québec. En plus d'être catastrophique, l'écart entre la situation d'emploi qui sépare le Québec et le Canada demeure vraiment inquiétant.

En novembre 1980, le taux de chômage au Québec se situait à 10, 2% comparativement à 7, 2% au Canada. En 1981, 11, 4% au Québec comparativement à 8, 9% au Canada. En 1982, toujours au mois de novembre, 14, 4% au Québec et 12, 7% dans le reste du pays. Le taux de chômage chez les jeunes est tout aussi préoccupant, 17, 1% en novembre 1980, 18, 9% en 1981 et 22, 6% au même mois de 1982.

M. le Président, appliquée aux régions, cette performance au chapitre de l'emploi se traduit par un taux de chômage de 16, 9% en novembre dans la région de l'Estrie, soit juste derrière les régions du Nord-Ouest et de la Gaspésie. Un mois plus tôt, soit en octobre, le taux de chômage avait atteint 16, 3% après un résultat de 15, 5% en septembre.

La situation économique de la région de l'Estrie est d'autant plus préoccupante que les dernières statistiques indiquaient récemment une baisse de la population âgée de 15 ans et plus, soit 183 000 à 181 000. Pendant ce temps, la population inactive augmentait de 1000 personnes, passant de 68 000 à 69 000 en septembre et en octobre. De plus, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale totalisait 334 955 personnes au 1er décembre 1982 comparativement à 226 000 au 1er décembre 1977, soit une hausse de 52%.

Dans la région de l'Estrie, la hausse intervenue entre le 1er décembre 1977 et 1982 est de l'ordre de 54%, soit de 9000 personnes à 13 914 personnes en décembre 1982.

Ce n'est une surprise pour personne que la crise que traverse le Québec se reflète encore plus durement dans chacune de nos régions. J'irai plus loin en vous disant que l'issue des négociations des secteurs public et parapublic est instructive pour les gens de chez nous. En effet, si le gouvernement du Québec se permet de revenir sur ses propres engagements avec ses employés, comment les

gens de l'Estrie peuvent-ils avoir confiance en leurs dirigeants pour ce qui est des engagements pris dans le domaine du développement régional?

Pour seul exemple, M. le Président, je vous envoie à la question posée hier concernant les travaux devant être réalisés dans la rivière et le lac Magog au cours de 1982 et reliés au problème de la pollution. Sans que le ministre puisse me répondre sur ce dossier, l'ancien titulaire de l'Environnement avait pourtant promis la fin des travaux en 1982 et, dernièrement, je recevais une lettre de cinq associations vouées à la protection de l'environnement enjoignant le gouvernement d'agir dans ce dossier. En passant, je tiens à dire au ministre que je n'ai pas encore reçu d'accusé de réception à ma lettre du 29 septembre dernier. Pourtant, ce projet devrait fournir de l'emploi à plus de 500 personnes.

Oui, avec le projet de loi no 105, nous en sommes là et, avec ce parti péquiste qui avait toutes les solutions avant 1976, aujourd'hui, avec ce projet de loi, nous fermons la boucle. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que ce gouvernement est un gouvernement irresponsable, incompétent et imprévoyant. Coup sur coup, depuis 1976, nous avons connu une série de crises sans précédent au Québec. D'abord la crise constitutionnelle provoquée essentiellement par ce gouvernement, le PQ, qui est encore obsédé par son option séparatiste, qui a réussi à affaiblir le Québec dans tous les domaines, mais surtout dans les domaines économique et social.

Je terminerai en vous disant que le présent gouvernement agit de façon irrespectueuse envers les membres de l'Assemblée nationale tout en bafouant la tradition parlementaire, en n'hésitant pas à se servir des travaux de notre Assemblée à ses propres fins. Les observateurs de l'histoire syndicale jugeront sévèrement ce triste chapitre des relations du travail au Québec.

En somme, je crois que tout le Québec attend de pied ferme nos dirigeants actuels lorsqu'ils parleront de solidarité. Merci.

Des voix: Vote! Vote! Vote! (17 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

Des voix: Ah!

M. Harry Blank

M. Blank: M. le Président.

Une voix: Vous manquez de volontaires.

M. Blank: Je ne suis pas surpris qu'il n'y ait pas d'autres députés de l'autre côté qui prennent la parole. C'est possible qu'ils soient maintenant gênés d'appuyer ce projet de loi, le moins qu'on puisse dire, odieux. Après avoir entendu les députés de ce côté-ci de la Chambre qui ont décrit, qui ont montré exactement ce que le gouvernement fait ici aujourd'hui et pourquoi il le fait, je ne suis pas surpris qu'il n'y ait aucun orateur de l'autre côté de la Chambre. Cela prend l'Opposition pour essayer d'expliquer la façon de procéder de ce gouvernement.

La question qu'on se pose est la suivante: Qu'est-ce qu'on fait ici avec ce projet de loi no 105? Pourquoi a-t-on le projet de loi no 105 aujourd'hui, à la fin de la session? Pourquoi? Pour ma part, je considère que ce projet de loi est prématuré et inutile. Comme le député d'Orford l'a dit, c'est un affront au système parlementaire. Comme le député de Sainte-Marie l'a dit, c'est un mépris du Parlement, c'est un mépris des députés, c'est un mépris du système démocratique qu'on veut prêcher au Québec. Qu'est-ce qu'on a ici? On arrive avec ce qu'on appelle un projet de loi matraque, c'est-à-dire imposer quelque chose de force à un secteur de la population.

Je ne parlerai pas du contenu pour le moment, je parlerai des questions de procédures. Qu'est-ce qu'on fait? On vient présenter ce projet de loi matraque en utilisant les règlements de la Chambre, en utilisant le Parlement et en utilisant les députés, en disant que c'est urgent. C'est une affaire très urgente et on doit l'adopter maintenant, point. Mais est-ce que c'est vraiment urgent? Depuis le printemps dernier, on a monté ce scénario, ce procédé de marketing, soit essayer de laver les cerveaux des Québécois en disant que les syndicats des employés de la fonction publique et parapublique sont mauvais et qu'ils sont là pour vous égorger. On va les arrêter et on a monté cette affaire de marketing jusqu'à aujourd'hui. Je ne sais pas pourquoi on a arrêté maintenant. C'est peut-être parce que c'est juste avant Noël, que les gens sont plus occupés et qu'ils ne voient pas ce qui se passe ici, mais je suis certain que les Québécois qui nous regardent à la télévision aujourd'hui et qui vont lire les nouvelles dans les journaux demain vont comprendre ce qui se passe ici.

On vient ici pour essayer de régler un problème qui n'est pas encore là. C'est comme si vous aviez un billet qui est payable au mois d'avril prochain et que la banque vous dise: Aujourd'hui, vous devez nous payer. Si vous ne nous payez pas, on va adopter une loi qui va vous forcer à payer. C'est exactement ce qu'on fait. Il y a un contrat qui se termine seulement au mois d'avril. Il n'y a aucune grève, il n'y a aucune pression à ce moment-ci, mais le gouvernement a employé le mot "urgent".

C'est dommage que nos règlements soient ce qu'ils sont. C'est dommage que vous, M. le Président, ne soyez pas la personne qui doive trancher la question d'urgence parce que je suis certain que vous voyez que ce n'est pas une affaire urgente, mais on a utilisé la majorité parlementaire. C'est très facile, quand on a la majorité parlementaire, dans notre système démocratique, de forcer quelque chose qui n'est pas nécessaire du tout à ce moment-ci.

Nonobstant cela, disons que la loi est nécessaire. Vous, les députés, devez étudier ce projet de loi, devez mettre votre expérience, vos connaissances, votre éducation pour améliorer ce projet de loi et faire les changements nécessaires. Mais qu'est-ce qu'il y a dans ce projet de loi? C'est un projet de loi qui compte neuf pages et qui ne dit rien, mais les 109 décrets de 35 000 à 80 000 pages, selon qui a raison -mais au moins 35 000 pages - c'est là qu'est le coeur de l'affaire.

On nous a présenté cela hier. Pas d'exemplaires pour tous les députés, parce qu'il semble que, selon le Parti québécois, les députés ne sont pas tous égaux. Cela veut dire qu'on a une copie pour les 43 membres de l'Opposition; je ne sais pas si le député de Sainte-Marie en a eu une copie. Ce qui est intéressant, c'est qu'on a dit qu'il est possible - je ne sais trop de quelle façon - d'étudier ces 80 000 pages, d'en faire l'analyse et d'arriver avec des suggestions pour faire tel et tel changement comme c'est le devoir des députés.

Le leader du gouvernement a dit aujourd'hui: Non, monsieur, nous prenons nos responsabilités; aucun changement dans les décrets ne sera fait par vous. C'est nous qui ferons des changements s'ils sont nécessaires. Pas aujourd'hui, peut-être lors d'un autre Conseil des ministres, la semaine prochaine, dans un mois, dans deux mois, dans trois mois. Qu'est-ce qu'on fait ici, nous? Qu'est-ce qu'on va faire durant les cinq heures pendant lesquelles nous avons le droit de discuter de ces décrets? Pourquoi sommes-nous ici si on ne peut rien changer? Le but d'une commission parlementaire qui étudie une loi article par article, annexe par annexe, c'est de faire un peu de "input", comme on dit, de faire les changements qui sont nécessaires. Toute la vérité n'est pas de l'autre côté, nous avons un peu d'expérience, ici. Il y a des gens qui ont de l'expérience dans beaucoup de domaines et ils peuvent faire des changements constructifs, des suggestions constructives. Le ministre a dit: Non, aucun changement. Voilà la démocratie, voilà le système parlementaire!

Je constate qu'un député - je ne peux pas le nommer - fait signe que oui: Oui, vous avez raison. C'est le système que vous avez institué ici. Des gens vous reprochent cela, le juge Deschênes a dit: Vous avez des idées totalitaires un peu. Honte! Le système de justice est ceci ou cela. Vous n'aimez pas l'impartialité, vous n'êtes pas un gouvernement qui aime cela. Dans les journaux d'aujourd'hui - ce n'est pas payé par les politiciens, c'est payé par les syndicats - on lit: Les décrets, c'est l'outil de la dictature. C'est vrai. Quand vous venez ici, en Chambre, déposer des décrets et que vous dites à l'Opposition qu'elle n'a pas le droit de changer quoi que soit ou de faire des suggestions, c'est de la dictature. C'est cela. Est-ce démocratique? Je suis ici, élu par la population, et je n'ai pas le droit de parler, je n'ai pas le droit de faire des changements dans la loi.

Si c'est cela, pourquoi ne pas présenter une loi, puisque vous avez la majorité, pour créer un système unilatéral, un parti seulement, comme on a en Afrique? Est-ce ce que vous voulez? Voulez-vous agir comme un pays du tiers monde avec un seul parti politique? C'est ça que vous voulez? Si c'est cela l'opinion du député de Terrebonne...

M. Blais: Non, non, non. M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je respecte l'opinion de mon ami d'en face, le député de Saint-Louis; cependant, loin de moi d'approuver l'énoncé que le gouvernement dont je fais partie est un gouvernement qui se doit d'être dictateur.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît: II est évident, M. le député de Terrebonne, que ce n'était pas une question de privilège. S'il vous plaît! C'est une divergence d'opinions que vous auriez pu émettre lors d'une prochaine intervention.

M. le député de Saint-Louis.

M. Rocheleau: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, si le gouvernement veut voter tout de suite, on est prêt. Je vous demanderais d'appliquer l'article 28, s'il vous plaît!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons voir. S'il vous plaît: Je constate qu'il y a quorum. M. le député de Saint-Louis. S'il vous plaît:

M. Blank: II semble que le député de Terrebonne pense que ce que j'ai dit, ce n'est pas vrai. Mais je ne suis pas aveugle, pourquoi a-t-il fait un signe affirmatif quand

je dis que c'est un système antidémocratique...

(17 h 20)

M. Blais: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: M. le Président, j'aimerais beaucoup, selon le règlement, que vous entendiez le bout que j'ai à dire pour voir s'il y a vraiment question de privilège. M. le député de Saint-Louis disait que de son côté, devant cette loi, il n'avait rien à dire et j'ai opiné de la tête parce que depuis le début, c'est vrai qu'ils n'ont rien à dire. Cela se voit dans leurs discours. Cependant, je n'approuve pas qu'il dise que je fais partie d'un gouvernement...

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement.

M. Blais:... qui est dictatorial.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, dois-je comprendre, après les deux questions de privilège que vous venez d'accepter de l'honorable député, que dès le moment où un député diffère d'opinion avec le collègue qui intervient il a le droit de poser une question de privilège? Si c'est cela, M. le Président, je dois vous exprimer ma surprise devant l'interprétation qui est donnée à l'application de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Tout à l'heure, premièrement, j'ai écouté la question de privilège, au départ, et j'ai dit que le député pourrait utiliser son droit de parole tantôt pour faire connaître son opinion. Maintenant, M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je ne sais pas si le député -oui, encore - de Terrebonne comprend le français. Ce que j'ai dit, c'est qu'avec le leader de la Chambre on n'a le droit de rien ajouter de changement au décret. C'est cela que j'ai dit. S'il ne comprend pas le français, I will say it in English. Maybe you will understand it a little better.

What the Minister said was that when it comes to the "comittee of the whole", notwithstanding any contribution that the Opposition wants to make to these decrees, these collective agreements that are being imposed by the Government, the answer is no, you cannot make any changes. We, the Government, take full responsibility; these 80 000 pages that have been filed here are

Gospel, and they cannot be changed by the democratic process. That is what the Minister said.

I asked the question: What are we doing here? Why are we here, if we cannot contribute to the making of laws and to the executing of laws? The Minister comes, deposits documents and we are supposed to have five hours to study them; 80 000 pages, in five hours. We are going to have to go through them, check the spelling, see that they make sense and the purpose of the Opposition is constructive criticism, to aid the Government in making changes. Because we are not all stupid on this side, believe it or not. We can add and contribute a lot to some of the laws that are passed here. When you see how many laws come back each year for correction, you need a lot of help. We are prepared to help you. But this Bill is an affront to the parliamentary system in two ways.

I do not want to repeat myself in what I said in French a few minutes ago but this is supposed to be a special procedure, which is a very unusual procedure in our parliamentary regulations. There are two things that are the toughest in the parliamentary procedure, one is closure and the other is an urgent debate. Well, this is an urgent debate. The Government says: The situation is so grave, so terrible at this particular moment that everything in this House must stop, that the administration of this National Assembly must cease; we must stop everything and study this very urgent matter.

What is the urgent matter? We are going to fix 109 collective agreements and say: This is the law between the employer and the employees. Now you would think that the streets are massed with people rioting, demonstrating, manifesting; that all the Government offices are closed; that the hospitals are not functioning; that the schools are not functioning. Therefore, everything must stop. We must have this legislation. But nothing of the sort is hapenning. There are no strikes, there are no manifestations, there are no demonstrations, there is not even the threat of a strike and the collective agreements that you are changing here do not terminate until next April, four months from now. What is the hurry? That is the first affront to the parliamentary system.

The second is that you do not allow the Opposition to participate. As a matter of fact, you do not even allow your own Members to participate. The Cabinet has decided and from what I am told, if you listen to the Member for Sainte-Marie, it is not even a Cabinet; it is the éminence grise in the Prime Minister's office who has decided, and this is it. We have these decrees whether you like it or not. That is

it. And the rest of you, the back-benchers of the Parti québécois, you are voting machines. You come in and you ratify what the Government says is good for you.

You have not looked at this. I am sure that no more than two or three of the backbenchers of the Government here have seen or read these 80 000 pages of collective agreements and yet, here you are. You are going to rubber-stamp it. And you call that democracy? Then the Member for Terrebonne criticizes me when I say that the Government is antidemocratic. It is not I who called them dictators. I am very sorry. It is the Syndicat des fonctionnaires provinciaux who, in today's papers, have said that the decree is the tool of dictators. I did not say it. If the shoe fits or the hat fits, wear it, but do not blame it on somebody else.

M. le Président, la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, c'est le projet de loi no 105. Il y a toutes sortes de raisons, mais si on peut traduire cela en chiffres la vraie raison, c'est les 521 000 000 $. C'est ce dont le gouvernement a besoin, 521 000 000 $. C'est la cause de toute cette affaire pour laquelle on est ici aujourd'hui. La grande urgence et les grands débats, c'est 521 000 000 $. Pour un gouvernement qui gaspille l'argent comme il l'a gaspillé, comme on dit en bons Canadiens, ce sont des "peanuts", quand on voit le fameux trou dans l'éducation, 500 000 000 $. C'est le même montant. Comme le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a dit il n'y a pas longtemps: Qu'on mette notre argent dans des entreprises un peu moins farfelues; 300 000 000 $ pour SIDBEC, 50 000 000 $ pour Québecair, 100 000 000 $ pour Asbestos. Pourquoi? Il y a d'autres façons d'aider ces entreprises. Arrangez-vous un peu avec l'entreprise privée. Mais c'est un peu contre votre idéologie.

Voilà, entre ces deux choses que j'ai mentionnées, vous avez 1 000 000 000 $, à part des autres gaspillages, des chiffres plus ou moins petits pour le gouvernement, 400 000 $ pour les toilettes en marbre juste ici en arrière ou d'autres gaspillages semblables. Mais on a 1 000 000 000 $ dans les choses que je viens de mentionner, le double du montant que cela prend pour régler cette crise, cette crise que le gouvernement a provoquée. Comme le député de Vaudreuil-Soulanges l'a dit: Le gouvernement l'a provoquée parce que le sondage a dit: C'est le temps de la provoquer. Le gouvernement fonctionne au moyen de sondages. Ce sont les sondages qui dirigent le gouvernement. Ce ne sont pas des éditoriaux qui ont dirigé les autres gouvernements, mais ici, ce sont les sondages. Et ils pensent que c'est dans leur intérêt politique d'agir comme ils agissent, mais ils ont fait une grave erreur, parce que le public va maintenant connaître la vraie raison de ces décrets et de ces agissements gouvernementaux.

Le gouvernement - cela fait partie de sa pensée - essaie de tout contrôler. Ici, ils ont peur du système des fonctionnaires, du système syndical. Oui, leurs grands amis, les syndicats, ils ont maintenant peur d'eux et ils essaient de les contrôler. Ils pensent qu'ils ont l'opinion publique de leur côté à ce moment-ci, mais ce n'est pas vrai. L'opinion publique, c'est le fameux marketing qui est là, le "icing on the cake", mais si on entre dans le gâteau les gens vont comprendre ce qu'on fait ici. (17 h 30)

On fait grand état du fait qu'on doit équilibrer les salaires entre l'entreprise privée et la fonction publique. C'est vrai, mais quelle est la vrai raison de cet écart entre les deux? Ce n'est pas que les salaires de la fonction publique sont trop élevés, c'est parce que ceux de l'entreprise privée sont un peu trop bas. Pourquoi sont-ils bas? À cause de la crise économique, ici, dans cette province. C'est vrai qu'il y a une crise économique partout dans le monde, mais ici, c'est un peu pire que partout ailleurs. Et ici, à cause de cela, les salaires accordés dans l'entreprise privée n'ont pas augmenté comme ils ont monté ailleurs et l'écart est un peu plus grand.

Essayez de faire augmenter les salaires de l'entreprise privée et arrêtez de parler de séparatisme, arrêtez de parler de tous vos changements un peu à gauche, qui font peur aux investisseurs, qui les rendent nerveux. Pourquoi des gens qui doivent investir ici seraient-ils nerveux? Ils peuvent investir ailleurs, à côté, en Ontario, au Nouveau-Brunswick. C'est la vraie cause de cette crise et la crise est la cause du projet de loi no 105.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vachon, je vous ai reconnu en premier lieu.

M. David Payne

M. Payne: M. le Président, j'ai entendu, il y a quelques minutes, les propos du député de Saint-Louis. Il parlait de "peanuts". Comme anglophone, je peux bien comprendre la connotation. Mais il parlait strictement et particulièrement de nos programmes de création d'emplois.

J'aimerais lui parler quelques minutes d'une usine de mon comté qui s'appelle Fleet's Industries et dont le propriétaire est un anglophone. Cette entreprise a passé au feu il y a un an. On a perdu du jour au lendemain 75 emplois. C'est à la suite de l'intervention directe et immédiate du gouvernement du Québec qu'on a réussi à

reconstruire cette usine en trois semaines. On n'a pas seulement sauvé 75 emplois, mais on a aussi réussi à agrandir l'entreprise avec les programmes PME-industrie, PME-expansion et PECEC.

Qu'est-il arrivé par la suite, M. le Président? Il s'agit d'une PME, d'une petite entreprise de Saint-Hubert et elle a réussi à obtenir un contrat de General Bakeries pour construire combien de boîtes de camions? Un contrat de 100 boîtes de camion, pour 1 000 000 $.

J'ai entendu le député de Notre-Dame-de-Grâce, un peu plus tôt cet après-midi, parler de ce qu'il appelle la fuite des sièges sociaux, un phénomène présent partout dans les provinces maritimes, à New York à Boston et jusqu'à Chicago. Il devrait penser plutôt aux petits emplois, aux petits travailleurs plutôt qu'aux sièges sociaux, parce que c'est cela l'épine dorsale du Québec, M. le Président. Ce qui est important, c'est la construction de centaines de boîtes de camion à Saint-Hubert. S'il pense que ce sont des "peanuts" la contribution du gouvernement du Québec aux programmes de création d'emplois, qu'il consulte avec moi pendant quelques minutes les données de l'ensemble des programmes d'aide à l'emploi du gouvernement dans les derniers douze mois.

Par exemple, le budget initial pour l'ensemble des programmes, et cela pendant une période très limitée, pendant neuf mois, c'était 115 000 000 $. J'ai été chanceux dans Saint-Hubert, on en a eu pour notre part, on a lutté pour avoir notre quote part de ces subventions.

Je peux vous donner les chiffres du programme Chantier-Québec, un programme qui peut aider ceux qui bénéficient actuellement de l'aide sociale à réintégrer le marché du travail ou au moins à avoir la dignité de récupérer quelques dollars par semaine de plus pour nourrir leur famille, tout en étant bénéficiaires de l'assurance-chômage, 22 000 000 $. Le programme de retour au travail, le programme PRET, destiné aux personnes ayant de la difficulté à réintégrer le marché du travail, consiste à accorder des subventions. Combien? 12 000 000 $. Je pourrais continuer sur une quinzaine de programmes. Si ce sont des "peanuts", donnez-les moi encore dans le comté de Vachon.

Des voix: Bravo!

M. Payne: J'ai été tenté, au début de mon discours, de me lancer tout de suite en langue anglaise pour répondre aux critiques vides de substance du député de Saint-Louis. Permettez-moi cependant de me joindre à mes collègues de ce côté de la Chambre, cette semaine, pour qu'on puisse voir pendant quelques minutes ce que sont le rôle et la responsabilité d'un député. Comme nouveau député, je peux vous dire quelque chose -peut-être que je m'abuse, peut-être que je me trompe - j'ai appris qu'un député est là pour représenter tout le monde. J'écoute soigneusement les critiques des membres de l'Opposition qui ne sont pas impressionnés par l'idée, la philosophie, le pragmatisme qu'un député devrait être à l'écoute de la population. Si on peut être critiqué sur beaucoup de choses depuis 1976, il y a très peu de gens qui peuvent dire que notre gouvernement et notre équipe n'étaient pas très présents.

Ce que nous avons fait pendant cinq ans, pendant six ans, cela a été d'essayer de représenter l'ensemble des travailleurs. Pendant les années expansionnistes, pendant les années soixante-dix, on a été habitués à parler des travailleurs, on a été habitués à parler de tous les citoyens comme si, à toutes fins utiles, tout le monde travaillait. Comme députés, nous sommes obligés maintenant de faire face à une réalité qui est brutale et qui ne mérite pas les moqueries des membres de l'Opposition comme on en a vu depuis quelques jours. On ne les entend pas parler des chômeurs. On ne les entend pas parler des bénéficiaires de l'aide sociale. C'est la raison pour laquelle je les invite, quelques-uns d'entre eux, particulièrement les plus cyniques, à venir avec moi dans mon comté un lundi, un vendredi ou un samedi, pour qu'on puisse justement être un peu plus sensibles à ceux qui réclament nos exigences. Est-ce que je peux demander un peu de votre collaboration, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vachon, s'il vous plaît!

M. Payne: Je pense que nous devons témoigner, particulièrement ces deux dernières années, d'une situation extraordinairement difficile pour tous les Québécois. Nous demandons, aujourd'hui et cette semaine aux syndiqués; et, on devrait être capables, cette semaine, de faire appel à leur propre solidarité, parce qu'il y en a. Ils sont venus me voir à mon bureau, comme ailleurs, chez d'autres députés, pour dire: Nous sommes mal à l'aise avec les 20% de chômage dans notre comté, on aimerait bien, si on en avait la possibilité, élever la voix pour dire: Peut-être qu'on aurait dû accepter la proposition du gouvernement du mois de juin, du mois d'avril, celle où il s'est engagé à donner 12% à ceux qui gagnaient en bas de 13 000 $, ou 5% à ceux qui gagnaient 22 000 $ et moins, et finalement 2% à ceux qui gagnaient 37 000 $. Ils sont trop peu nombreux dans mon comté. (17 h 40)

Quand j'entends quelqu'un à mon bureau, comme le propriétaire anglophone,

tout à l'heure, qui a dit: Donnez-moi 150 000 $ et je peux vous créer 125 jobs dans la construction de boîtes de camion, je suis fier. Savez-vous ce qui arrive à l'heure actuelle, M. le Président? Le gouvernement d'Ottawa a fait des appels d'offres pour fabriquer des camions pour les postes canadiennes. Savez-vous d'où ils ont importé ces camions pendant les derniers quinze ans? Des États-Unis. Ils étaient faits par Grumman Aircraft aux États-Unis. Ici, nous avons un produit de qualité avec les travailleurs du comté de Vachon qui sont capables justement de construire ces boîtes de camion. Nous sommes d'ailleurs le seul soumissionnaire pour ce projet au Canada. On verra si on l'obtiendra.

Je peux vous dire que, comme représentant de mon comté, cette Chambre en entendra parler si le Canada octroie encore une fois ce contrat aux États-Unis.

Je pense qu'il a été assez intéressant de voir depuis quelques jours comment l'Opposition, qui était un peu habituée dans le passé à adopter des décrets, semble vouloir induire la population en erreur vis-à-vis des propositions faites par le gouvernement. Je vais être très spécifique. Le député de Saint-Louis nous reprochait de ne pas avoir montré d'intérêt et ne pas être entré dans les détails. Dans le chapitre de l'enseignement il y avait une proposition qui touchait la sécurité d'emploi. Durant les négociations, le gouvernement avait maintenu cette proposition de sécurité d'emploi qui n'existe nulle part ailleurs dans le secteur privé. Je peux citer quelques exemples, à savoir comment cela fonctionne. Bref, si quelqu'un est mis en disponibilité, il garderait 80% de son salaire pendant les premiers douze mois et 50% pour les années subséquentes. Dans le secteur privé, dans nos PME, nulle part au monde on ne peut avoir une telle sécurité d'emploi.

Je trouve cela extraordinaire et important mais mettons cela, comme députés responsables pour l'ensemble de la population, dans son contexte global. Nous avons proposé des mesures de préretraite selon lesquelles une commission scolaire accorde une préretraite d'un an avec plein salaire à un enseignant lorsque cette mesure permet de relocaliser un autre enseignant en surplus.

Deuxièmement il y a une prime de séparation. Si un enseignant démissionne et que cette démission permet l'intégration d'un enseignant en surplus, l'enseignant démissionnaire obtient une prime qui peut aller jusqu'à six mois de salaire en fonction de ses années de services.

Un autre modèle. Là où, par exemple, il y a deux gagne-pain dans une famille, un des deux partenaires peut faire en sorte qu'il récupère 80% de son salaire pendant quatre ans et, la cinquième année, il prend une année sabbatique tout en récupérant 80% de son salaire pour cette cinquième année. Évidemment, ses impôts diminuent. Il contribue moins. Finalement, il fait en sorte qu'au point de vue de l'économie de la famille, il réussit à mieux s'en sortir. Nous avons fait la proposition d'un congé sabbatique. Nous avons présenté un régime d'emploi à temps partiel. Nous avons fait une proposition, un sixième chapitre sur l'allocation de replacement. Finalement, on a fait en sorte que la mobilité intersectorielle puisse se faire plus facilement pour donner plus de flexibilité dans les déplacements d'un professeur d'un endroit à un autre en changeant d'emploi.

Parlons, si vous voulez, M. le député de Saint-Louis, du secteur hospitalier. N'est-il pas vrai qu'on pourrait être un peu plus flexible dans les déplacements, dans les changements d'emploi? Par exemple, là où les besoins en pédiatrie et en obstétrique diminuent, la gériatrie et la gérontologie augmentent. Mais avec la politique appellée le plancher dans l'emploi qui, en bref, veut dire que quelqu'un demeure dans son unité de service sans que l'employé ait la moindre possibilité de se relocaliser ailleurs, selon cette proposition, on dit: Peut-être pourrait-on sauver des jobs, plutôt que d'en donner un à quelqu'un de l'extérieur, pourrait-on déplacer quelqu'un de cette unité de service pour qu'il puisse, dans l'ensemble de l'unité, mieux gérer l'unité, mieux gérer les besoins de l'hôpital en question. C'est une possibilité qui est incluse dans les décrets. C'est quelque chose qui a fait l'objet de plusieurs discussions. Je peux vous dire qu'il y avait beaucoup de syndiqués qui étaient d'accord avec le principe de la flexibilité.

Bien sûr, M. le Président, lorsque nous parlons d'une situation de crise, il faut que chaque député regarde l'ensemble de son comté, l'ensemble du Québec, que la personne soit riche ou pauvre, qu'elle soit un chômeur ou un travailleur, qu'elle soit un enseignant ou un journalier, qu'elle soit jeune ou vieille. Le choix le plus difficile à faire, c'est de faire abstraction de la situation, c'est de ne pas regarder exclusivement les représentants du front commun, mais de regarder aussi les jeunes diplômés qui sortent de nos écoles et qui n'ont pas de job. Faisons le bilan depuis les deux dernières années. Voyons comment la crise évolue et analysons des possibilités de les aider davantage. Si quelqu'un avait pu prévoir la crise avec toute la clarté possible, selon les discussions des deux derniers jours, c'était le Parti libéral du Québec. Ce n'étaient pas des économistes de Londres qui, il y a à peine trois semaines, ont déploré le fait que personne, nulle part dans le monde, ne pouvait prévoir la crise de 1981-1982. Ce n'est pas le Washington Post qui, juste après Noël, l'an passé, déplorait le fait qu'il n'y ait pas un économiste qui pouvait vraiment

prévoir la crise; ce sont les grands visionnaires du Parti libéral du Québec qui ont tout prévu et tout vu à l'avance. Ils ont des yeux qui regardent toujours en avant, ils oublient trop souvent leurs propres arrières, ils oublient leur passé. Si on en est arrivé au point de discuter de décrets, nous n'avons pas de leçon à prendre de vous autres. Lorsque arrive une question de responsabilité sociale, d'équité, de chômeurs, des considérations de bien-être social, on est prêts à assumer nos responsabilités. Nous sommes aussi prêts à faire face à nos syndiqués pour discuter avec eux de l'ensemble des éléments de la crise. On n'a jamais refusé de rencontrer qui que ce soit.

Il y en a ici, comme vous l'avez bien constaté verbalement dans les deux derniers jours, qui ont beaucoup de sympathie de ce côté-ci pour les principes du syndicalisme, beaucoup, et cela va continuer, d'où vient la difficulté, beaucoup plus pénible pour nous, de vraiment juger, d'essayer de légiférer pour le bien-être de l'ensemble des travailleurs et de ceux qui ne travaillent pas. Cela dépend d'eux autres. Au moins, dans mon comté, je ne suis pas prêt à abandonner aussi facilement que cela, je ne suis pas sûr qu'ils vont venir demain matin me voir pour me dire: On a trouvé un sauveur dans le Parti libéral. Ce n'est pas un Parti libéral sans chef, ce n'est pas un Parti libéral sans programme qui ira à la rescousse de nos assistés sociaux, lui qui, pendant cette crise, pendant ces discussions pénibles des derniers deux jours, est devenu tellement moqueur, tellement cynique. Ceux qu'on appelle nos amis d'en face sont sans programme, sans chef, sans avenir, avec un passé de plus en plus pénible. (17 h 50)

Si nous voyons la crise et si nous l'analysons, on est au moins prêts à en discuter entre nous, en caucus, on est prêts à se lever en Chambre pour expliquer pourquoi on va légiférer pour le bien-être de tout le monde. Si nous avons trouvé ici dans ce débat une solidarité extraordinaire, ce n'est pas parce que nous sommes triomphalistes, c'est parce que nous sommes convaincus que nos travailleurs, ceux qui conservent en ce moment leur job avec un minimum de sécurité d'emploi dans l'enseignement, dans les hôpitaux, seront, en fin de compte, vraiment solidaires de tous les autres Québécois pour qu'on puisse vraiment passer à travers cette crise ensemble, cette crise si difficile, si pénible. On a une confiance que vous n'avez jamais accordée aux Québécois.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. Pour moi, ce projet de loi est la preuve concluante de la faillite totale, morale de ce gouvernement. On a fait avec vous, depuis 1976, le cercle complet. Vous vous rappelez, M. le Président, l'été 1976, à peine quatre ou cinq mois avant que le gouvernement ait été élu pour la toute première fois, les idées des péquistes, même ici en Chambre, les députés qui disaient: II ne faut pas respecter une loi qui est non respectable? C'est grave, mais ils l'ont dit. En même temps, ils ont dit: Avec nous, pour la population, cela va devenir le bonheur total. On aura, quand vous choisirez les péquistes pour gouverner le Québec, un gouvernement où on trouvera les représentants syndicaux, les enseignants, la classe ouvrière, cela sera le "fun" avec nous.

Je relate quelques paroles d'un discours tenu dans le temps, ici à l'Assemblée, au mois de juillet 1976, par M. Charron, député de Saint-Jacques. Voici ce qu'il disait: Les Québécois ont déjà dans leur coeur un autre gouvernement qui se prépare à établir, à la place du gouvernement actuel, non pas dans un esprit de vengeance à l'égard des travailleurs, mais qui a plutôt déjà inscrit dans son programme des mesures visant à offrir à ces travailleurs des conditions de travail qui ne nous obligeront pas, nous, à convoquer en plein milieu du mois de juillet - parce que c'était en juillet qu'il parlait -une session spéciale de l'Assemblée nationale parce que nous aurons été incapables de nous entendre avec nos employés.

Est-ce possible? Il a dit exactement cela: Vous, la population, allez choisir les péquistes, on n'aura absolument plus besoin de ces mesures spéciales, de ces lois spéciales, de ces lois matraques contre les employés; on n'aura plus besoin de cela parce qu'avec nous, cela va être totalement différent. C'était en juillet 1976. Il ont été élus en novembre 1976. Depuis ce temps, M. le Président, on a vu ici, de ce même gouvernement - cela était le début du cercle, cela commençait le cercle - huit lois spéciales. Je ne vais pas toutes les citer avec les numéros parce que je n'ai pas beaucoup de temps, parce que j'ai beaucoup à dire sur d'autres sujets concernant ce projet de loi no 105. On a eu des lois spéciales péquistes dans le domaine de l'éducation, Hydro-Québec, Communauté urbaine de Montréal, les enseignants, Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal; c'était en janvier 1982, alors que j'étais ici. Encore une autre, au mois de juin 1982, j'étais ici, pour les médecins. Encore une autre en novembre, alors que j'étais ici, la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. Cela fait huit. Et, hier, on nous a donné le coup de grâce, le projet de loi no

105 qui, cette fois, vise au-delà de 300 000 Québécois et Québécoises qui travaillent. Dans ce projet de loi, on fixe les conditions de salaire et de travail. M. le Président, avec ce que j'ai énuméré tout à l'heure, on a fait le cercle au complet. On en est arrivé là. Depuis 1976, cela a pris jusqu'au mois de décembre 1982 pour en arriver là, pour arriver à ce que j'appelle la faillite totale morale du gouvernement.

M. le Président, M. Marcel Adam, journaliste, a écrit dans la Presse, et je cite: "II ne faut pas toujours prendre pour du courage ce qui est, en vérité, un abus de pouvoir de la part d'un Exécutif qui se moque du processus législatif. " Et on en a eu la preuve, parce que hier on nous a présenté ce projet de loi comprenant 18 articles. Le projet de loi ne veut rien dire en soi, parce que le projet de loi se réfère à d'autres documents. On parle de 80 000 pages. J'ai entendu parler de 50 000. Personne ne sait exactement combien. Je peux vous assurer que c'est un paquet de documents haut comme cela. Hier, on en a eu une copie ici à l'Assemblée nationale. C'était une pile de documents de 50 000 ou 80 000 pages qu'on était censé étudier pour donner nos commentaires là-dessus. C'est un mépris des députés.

Et l'arrogance du gouvernement va plus loin que cela. On en a parlé ce matin, pendant la période des questions. On a demandé - j'étais ici et je pense que c'est notre chef qui a posé la question - s'il n'y aurait pas un sommaire de ces 80 000 pages qu'on puisse au moins étudier, un document d'une quarantaine ou d'une cinquantaine de pages, pour savoir un peu en détail ce dont il s'agit. On nous a répondu: Ce n'est pas nécessaire, parce que ce qui se trouve dans ce document de 80 000 pages, ce sont vraiment les offres patronales avec quelques changements. Mais je me rappelle que, lors d'une séance de la commission des engagements financiers, j'ai posé une question au président du Conseil du trésor. À un moment donné, on parlait des négociations: Où en est-on rendu? Il a répondu: Ce ne sont pas vos affaires. Le gouvernement ne négocie pas sur la place publique. Je n'étais pas au courant des offres patronales, parce que je n'étais pas censé les savoir. Ce matin - le sommet de l'arrogance de la part du leader du gouvernement -savez-vous ce qu'il a répondu? Il a dit: Vous auriez pu aller aux conférences de presse de différents ministres et là, vous auriez eu la réponse. Imaginez-vous, M. le Président, qu'on est maintenant non seulement gouverné par décrets, mais on est aussi gouverné par les conférences de presse des ministres. Moi, comme député, j'ai autant de droits que le leader du gouvernement qui représente un comté. Je n'ai pas besoin d'aller écouter une conférence de presse pour savoir ce qui se passe. Je veux avoir la documentation, j'insiste pour avoir le sommaire pour être capable d'étudier mon projet de loi, de parler intelligemment là-dessus et ne pas me faire traiter comme un petit con. C'est ce que vous avez fait et la population va le savoir, parce qu'on en parle.

M. le Président, on appelle cela de l'arrogance. J'étais ici, hier soir, jusqu'à deux heures du matin, et le soir d'avant. J'écoutais les péquistes qui ont parlé. Savez-vous que j'ai noté qu'il y en a quelques-uns qui ont surtout, en tout cas j'interprète cela... Le ministre de l'Éducation a été ici pendant un bout de temps et il avait ce petit sourire de dédain, ce petit sourire de mépris en nous regardant, comme s'il voulait dire: Voici, vous autres, vous ne comprenez rien. Nous, on possède la vérité; vous autres, vous ne comprenez rien. Allez donc à une conférence de presse pour entendre nos déclarations et ce qu'on a à dire. C'est comme si on n'existait pas. Cela m'enrage. Heureusement, il n'y en a pas trop comme cela.

D'autres ont fait des discours avec des larmes de crocrodile, la grande profession de foi: MM. les syndicalistes, je suis de votre appartenance, je n'ai pas fait cela par choix, il est malheureux que je doive agir comme le gouvernement agit, mais, s'il vous plaît, comprenez-moi, je suis encore avec vous. Il y en a qui étaient un peu plus sentimentaux que d'autres, mais c'était le message.

Savez-vous, M. le Président, je n'aime pas serrer la main à un crocrodile, surtout quand le crocrodile a des larmes de crocodile. Cela ne me dit rien parce que je sais qu'il me mangera, me détruira et me tuera. (18 heures)

Savez-vous que le gouvernement commence maintenant à récolter ce qu'il a semé en 1976? Vous avez le résultat, la récolte est là devant nous, ici, avec ce projet de loi et avec des documents de 80 000 pages. Voilà la récolte que vous avez semée.

Le Parti québécois et le gouvernement ont perdu la confiance totale de tous les secteurs de la population. Vous avez perdu la confiance totale des chômeurs parce que vous ne pouvez pas créer d'emplois et, si vous en créez, savez-vous ce que vous créez? Heureusement, à la commission des engagements financiers, on obtient des renseignements de temps en temps. Il y a un programme dont on a parlé la semaine dernière, le programme Chantier-Québec, des milliers de dollars créant 20 emplois ici, 20 emplois là. Quelles sortes d'emplois? Pour une période de 20 semaines. J'ai demandé au ministre et président du Conseil du trésor: Pourquoi 20 semaines? Il m'a répondu carrément - il ne cache plus rien - parce qu'après 20 semaines on les envoie au

fédéral, à l'assurance-chômage. C'est cela, votre programme de création d'emplois. C'est honteux! C'est humiliant pour un jeune de lui donner une petite "job" de 20 semaines pour le calmer et l'envoyer ensuite au fédéral bénéficier de l'assurance-chômage. Je trouve que c'est un scandale. Ce n'est pas une création d'emplois.

Je lui ai suggéré d'aller prendre le train ou l'avion pour Ottawa, d'aller parler avec M. Axworthy et lui dire: Voici, le Québec est prêt, comme l'Ontario, à faire un programme conjoint de créations d'emplois dans lequel les deux gouvernements, le fédéral et le provincial, mettront de l'argent. Mais, évidemment, à Québec, c'est impossible. On ne peut pas faire cela parce qu'il y a toujours ces maudites chicanes de juridiction, mais le petit jeune qui cherche un emploi s'en fout de la juridiction; il veut travailler. Pas seulement pendant 20 semaines, il veut avoir un vrai emploi. Il veut être employé sur une base permanente, il veut avoir une fierté comme citoyen. Vous ne lui donnez pas de fierté du tout, vous lui donnez un travail de 20 semaines, c'est tout.

Vous avez perdu la confiance des assistés sociaux parce que vous savez très bien que la majorité d'entre eux - et je peux en parler en connaissance de cause, il y en a dans mon comté - vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Les faits sont là, les chiffres sont là.

Vous avez perdu la confiance des travailleurs, qui ne bénéficient pas de l'aide sociale ni du chômage, mais qui sont les plus taxés de tous les travailleurs et travailleuses du Canada. Ici, on paie plus en taxes directes, indirectes, de quelque manière que ce soit, que n'importe où. C'est la pénalité pour avoir le bon droit de demeurer et de travailler dans la belle province de Québec que vous êtes en train de détruire.

Vous avez perdu la confiance des hommes d'affaires. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont aucune confiance en vous, absolument pas. Je connais le cas de ceux qui voulaient investir, soit au Québec ou en Ontario, et qui, malheureusement, ont été forcés de choisir l'Ontario parce que les conditions étaient meilleures. Là-bas, ils ont été reçus et, ici, on leur a donné le message clair et net: Vous n'êtes pas les bienvenus, et, si vous voulez des exemples, je vous en donnerai.

Par ce projet de loi qui est devant nous, on récupérera 400 000 000 $. C'est donc une question de sous, une question d'argent, et il faut aller le chercher dans la poche des employés. Mais qu'est-ce que le gouvernement lui-même a fait avec ses sous, avec nos sous, avec l'argent de la bourse publique à laquelle tout le monde contribue? Il faut regarder cela et je vous donnerai des exemples.

La semaine dernière, j'étais à mon bureau de comté; j'ai entendu le député de Vachon, juste avant moi, parler des assistés sociaux. Il nous invitait à venir les voir. Bien, moi, je l'invite à venir dans mon comté. Une cinquantaine d'assistés sociaux sont venus à mon bureau et savez-vous ce qui est arrivé? Il y a un monsieur d'un certain âge qui est affligé de surdité; il porte un appareil auditif et dans cet appareil auditif il y a une batterie. Le gouvernement, le ministère des Affaires sociales, a décidé de réduire l'allocation des batteries de 5 $ par mois à 3 $ par mois. Mais le pauvre monsieur, avec 3 $ par mois, vu que la batterie dure un certain temps, doit couper les heures d'audition de son appareil, autrement cela ne marche pas. Qu'est-ce qu'on lui a répondu au ministère des Affaires sociales? Vous cherchez à épargner quelque chose comme 2 $. On lui a répondu: Fermez donc votre maudite batterie le soir, allez donc vous coucher à 8 heures du soir, fermez votre batterie, votre moteur et le lendemain vous serez correct. C'est ce que nous a donné le gouvernement péquiste, transparent et social-démocrate.

Cela me fait penser; hier soir, je partais d'ici à 20 heures et savez-vous ce que je voyais? Je les ai comptées, sept grosses automobiles de ministres "shinées", Chevrolet, et tous les moteurs marchaient. Les moteurs marchaient parce que les automobiles doivent être chaudes en dedans pour recevoir le ministre. Quand je suis retourné plus tard, vers 23 heures, les mêmes automobiles étaient encore là, les mêmes moteurs marchaient. Il n'y avait personne à l'intérieur sauf les chauffeurs. J'ai eu l'intention de leur dire: Fermez donc vos maudits moteurs et mon gars pourra avoir une batterie pour ses oreilles. C'est une question de priorité, une question d'approche.

Je vais vous donner quelques exemples. La semaine dernière, on en a discuté, le Québec loue une résidence pour le délégué général du Québec au Mexique pour 170 000 $. On a posé la question au président du Conseil du trésor: Où demeure-t-il, ce monsieur? Cela coûte cher pour un logement. Savez-vous ce qu'il a répondu? Ce monsieur a le droit d'être traité de la même manière que l'ambassadeur du Canada au Mexique, parce que nous ne sommes pas au deuxième rang. On a dit: Écoutez, le Québec, c'est tout de même un province; le Canada, c'est dix fois plus grand que notre province. Peut-être que notre délégué général n'a pas besoin de demeurer dans une petite rue en arrière au Mexique, mais tout de même on pourrait avoir un peu de modestie. Vous n'avez pas de modestie, c'est toujours la chicane. Parce qu'on veut être sur un pied d'égalité, on le paie.

On a vu une subvention de 250 000 $ à la Corporation du comité organisateur des

rencontres francophones de Québec. J'ai demandé au ministre: Est-ce que ce sera une rencontre de francophones hors du Québec? Il m'a répondu: Non, non, c'est bien marqué "francophones de Québec". Qu'est-ce que cela veut dire? Les francophones de Québec se rencontrent, on donne une subvention de 250 000 $. Mais les francophones de Québec, c'est la population. Il dit: Je ne sais pas ce que cela veut dire, je vais m'informer et vous aurez la réponse. Mais moi, je sais une chose, cela coûte 250 000 $.

On a donné une subvention à la Régie des installations olympiques, au mois d'avril, de 1 675 000 $. Pour que cela ne frappe pas en même temps, on donne toujours -c'est la bonne langue des péquistes - la première tranche de la subvention. C'est 1 675 000 $. J'ai demandé: Est-ce qu'il y a d'autres tranches? On a dit: Ah oui! parce qu'au mois de juillet, on voit les autres tranches, subvention additionnelle et voici maintenant le total, 6 700 000 $, pour la RIO. D'accord. La population paie pour cela.

Dans le même cahier, on a eu, au mois de juillet une subvention à une firme de comptables pour remplir son mandat de liquidatrice de ce dossier de la fête nationale 1981. Combien? 1 500 000 $. J'ai demandé si les 1 500 000 $ couvraient le montant qu'on doit aux fournisseurs ou si cela inclut aussi les honoraires du comptable. On ne le savait pas. J'attends la réponse. Mais je sais que c'est 1 500 000 $ qu'on a payé pour la fête nationale.

Au mois de mai, une subvention à l'Office de la construction du Québec, 5 882 000 $. Ils commencent à augmenter ces chiffres, il faut faire le total. Ce ne sont pas des petits montants de 5000 $ ici et 10 000 $ là, ce sont des gros montants à l'Office de la construction du Québec. Même là, vous, les péquistes, vous avez perdu la confiance de la population, parce qu'il y a maintenant un gros groupement qui s'appelle - avec des milliers de membres - le Groupe des interdits de la construction. Savez-vous qu'un jeune ne peut jamais entrer dans la construction, mais on lui dit d'aller prendre des cours de technologie. Vous allez devenir un gars qui connaît votre métier et, par la suite, on vous donnera de l'emploi. Il cherche un emploi et ils lui disent: Bien non, tu ne te qualifies pas parce qu'il faut avoir travaillé tant d'heures, etc. Cela est un autre problème que vous avez créé et que vous n'avez pas résolu. (18 h 10)

Notre fameux projet de loi d'aujourd'hui... Dans les engagements financiers, on accorde des contrats pour les services de certaines gens et je cite le document que j'ai devant moi: "Agir à titre d'agent négociateur dans le cadre du renouvellement des conventions collectives. " Donc, je trouve là qu'on paie un monsieur 70 000 $ pour 48 semaines à partir du mois d'août, cela veut dire jusqu'à l'été prochain, et il n'y a rien à faire parce qu'on a un décret. Tout est fini. Est-ce que ce monsieur va rembourser le gouvernement pour les trois quarts de son "stipendium"? Savez-vous comment s'appelle ce monsieur? Me François Aquin, homme bien connu des péquistes. Je peux en nommer d'autres. À la même page, je trouve un autre montant de 78 000 $: convention collective; un autre: 67 000 $: syndicat des fonctionnaires; un autre pour 33 000 $: professeur de l'État du Québec, et un autre montant de 37 000 $. Dans une page, on retrouve 200 000 $ que nous payons pour négocier et il n'y a plus rien à négocier, c'est fini. Allez-vous leur demander de rembourser au gouvernement 75% de cette somme? Je ne le sais pas.

M. le Président, je pense que mon temps tire à sa fin et c'est malheureux. Je voudrais vous donner un dernier exemple. Avec l'argent que nous avons pris dans la bourse publique, la nôtre, la vôtre, celle de tout le monde, nous avons payé une somme totale de 167 000 $ pour avoir un échange avec les enseignants des îles Seychelles. Les îles Seychelles se trouvent - je les ai trouvées finalement - quelque part dans l'océan. C'est beau. Il y a une plage, la plus belle plage du monde se trouve aux îles Seychelles. C'est bien connu. Qu'est-ce qu'on a payé? $80 000 $ pour le billet d'avion-aller retour Québec aux îles Seychelles. Je ne sais pas combien d'enseignants y sont allés; 31 000 $ pour une ressortissante seychelloise qui va venir ici pour enseigner à nos enfants ou pour apprendre qu'elle peut enseigner aux enfants là-bas. Cela coûte encore 31 000 $ pour un autre ressortissant seychellois - il faut que je parle vite, mon temps prend fin - et une subvention au centre d'étude et de coopération de 25 000 $, tout cela pour cette petite affaire des îles Seychelles. C'est bien beau. Je n'ai rien contre la coopération internationale, mais à condition d'avoir les capacités de le faire, d'avoir l'argent pour le faire, et on ne l'a pas. C'est pour cela que j'ai voulu faire...

M. le Président, c'est malheureux. Je peux vous donner une cinquantaine d'autres exemples où vous avez dépensé des millions de dollars et où vous avez choisi les mauvaises priorités, où vous faites la preuve d'une faillite morale totale.

Je veux finir avec un exemple du même M. Charron que j'ai cité au début. Voici ce qu'il a dit au mois de juillet, je reprends ses paroles: Au moins puissions-nous avoir le souffle d'espoir que c'est une des dernières lois que présente ce gouvernement. Je suis d'accord avec cela. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le

député de Charlevoix.

M. Raymond Mailloux

M. Mailloux: M. le Président, le gouvernement du Parti québécois, par ses ténors, depuis quelques jours, se plaît à traiter de démagogues tous les propos qui ne sont pas d'accord avec le hold-up dont se rend coupable aujourd'hui ce gouvernement du Parti québécois. Soi-disant issu de la faveur des milieux syndicaux, c'est aujourd'hui la huitième fois que ce gouvernement du Parti québécois, qui a tellement décrié de telles lois avant 1976, se permet d'imposer 109 décrets d'une façon tellement cavalière que j'éviterai de qualifier une telle mesure que seule pourrait se permettre, à mon sens, une dictature.

Le gouvernement évoque aujourd'hui avec un renfort de publicité la situation financière tragique dans laquelle se débat le Québec. Je dis: C'est vrai qu'elle est tragique notre situation financière. Personne ne nie qu'il y a une crise mondiale dans tous les pays industrialisés. Le Canada est un de ces pays, mais quoi que dise le Parti québécois de la responsabilité du gouvernement canadien dans la crise plus grande que connaît le Québec, ce qui d'ailleurs est partiellement vrai, lui, le gouvernement du Québec a également sa grande part de responsabilité. Il est grand temps qu'il arrête de faire le mea culpa sur la poitrine des autres et commence à frapper durement sa propre poitrine.

On a dit dans cette Chambre que les syndiqués des secteurs public et parapublic sont les enfants chéris de la société québécoise. Je ne sache pas qu'aucun de mes collègues du Parti libéral du Québec ne soit pas bien conscient qu'à travers des conventions de plus en plus alléchantes et parfois aberrantes, ces syndiqués soient aujourd'hui bien en avance sur le secteur privé, sur les non-syndiqués, les chômeurs et les bénéficiaires de l'aide sociale. Pourquoi une telle avance? Le premier ministre et d'autres intervenants ministériels ont avancé que c'est principalement en raison des avantages consentis durant les années de vaches grasses qu'aujourd'hui nous devons reculer. Il est vrai que beaucoup de gens ont cru que la prospérité serait toujours à notre portée, c'est pourquoi on s'est payé le meilleur système de sécurité sociale du monde entier et, aujourd'hui, on doute qu'on puisse continuer de se le payer indéfiniment.

C'est ignorer la réalité de 1972 et de 1976, sous la gouverne libérale, que d'affirmer que nous aurions une si grande responsabilité. En 1972, le service de la dette était à 300 000 000 $ et la dette québécoise était de 3 000 000 000 $. La prospérité est ce qu'on connaissait en 1972. Où était alors le député de Montmorency, aujourd'hui ministre des Affaires culturelles, et autres syndiqués qui, aujourd'hui, sont devenus députés et ministres qui insistaient pour que, malgré des conditions déjà intolérables, incacceptables, on en consente encore de meilleures.

Relisez les discours des six députés du Parti québécois qui ont, de la façon la plus démagogique possible, poussé les syndiqués à l'intolérance la plus complète. Le public ne nous appuyait pas dans ce temps quand nous voulions arrêter la montée des coûts de la syndicalisation parce que nous étions en période de prospérité et les gens étaient écoeurés de voir les hôpitaux et les collèges fermés. En 1976, nous avons un service de la dette d'environ 500 000 000 $, une dette de 5 000 000 000 $. Les six députés sont sur les barricades ici, devant le parlement, embrassant les syndiqués et les invitant de nouveau à renverser le gouvernement Bourassa.

J'ai vu le ministre des Finances du temps, M. Garneau, alors que j'étais moi-même ministre et membre de l'Exécutif, s'arracher les cheveux devant les demandes syndicales; il connaissait déjà les conséquences sur les conventions futures: quelques centaines de millions, et on savait ce que cela donnerait dans les conventions ultérieures. Pourtant, c'est l'actuel ministre des Finances, M. Parizeau, qui, en dehors du Parlement, disait de cette convention qui nous coûtait quelques centaines de millions de trop que c'était voler les syndiqués et qu'on aurait pu donner presque 30% de plus que ce qui était alloué à ce moment.

En 1979, alors que la crise faisait déjà des ravages importants, avec la mauvaise administration du Parti québécois, le service de la dette se situait à 1 300 000 000 $ et la dette du Québec atteignait déjà au-delà de 10 000 000 000 $. À qui faire accroire qu'on ne connaissait pas, en 1979, les conditions de la crise qui était déjà presque à son plus fort?

Le PQ sait, à ce moment, quelle est sa situation financière, mais, pour le référendum, on offre aux syndicats le ciel sur la terre et même des congés de parternité. Ce n'est pas le Parti libéral qui vous a poussés à une telle convention. Nous n'étions pas sur les barricades comme les vôtres en 1972 et 1976; nous n'avons poussé personne à renverser le gouvernement et nous avons demandé qu'on observe les lois. La masse salariale serait, d'après ce que le premier ministre a dit, aujourd'hui, rendue à 52% du budget. C'est trop élevé, à qui le dites-vous? On nous dit que, quand la masse salariale atteint 45%, la lumière rouge est allumée et Dieu sait qu'elle est allumée de la même façon au gouvernement fédéral depuis un bon bout de temps. On a beaucoup parlé de l'erreur du Parti libéral du Québec, qui aurait trop gonflé la fonction publique et

parapublique durant les années de vaches grasses. C'est en partie vrai parce que c'était en période de prospérité.

M. le Président, quand le gouvernement du Parti québécois tente de nous faire avaler que, depuis 1976, il a réduit la croissance de la fonction publique et parapublique à zéro ou presque, je lui dis, après 20 ans que je suis dans cette Chambre: Ne me prenez pas pour une valise, cela ne prendra pas aujourd'hui.

C'est vrai qu'on n'engage plus de journaliers; c'est vrai qu'on n'engage plus de gens dans le champ, pour l'agriculture, pour la chasse et la pêche et ailleurs ou pour des postes semblables; tout cela est vrai. À chaque concours de la fonction publiqe depuis quatre ou cinq ans, ce ne sont jamais des indiens qu'on demande, ce sont toujours des chefs de tribu, non pas à 12 000 $ et 15 000 $, mais à 40 000 $, 50 000 $, 60 000 $ et 70 000 $. Regardez les derniers concours, vous en aurez un exemple pertinent. L'on sait comment ces fonctions commandent de dépenses inhérentes au poste. (18 h 20)

M. le Président, je voudrais simplement, en deux mots, faire allusion à un article, qui n'est pas écrit par un libéral, et qui a paru dans le Devoir en quatre parties. Le train de vie du gouvernement du Parti québécois, les dépenses du Conseil exécutif, où il y avait 47 personnes en 1976 et où on en retrouve 134 aujourd'hui. Le train de vie du gouvernement pour ses déplacements comme, par exemple, l'Office de la planification, où l'on dépensait 12 000 $ en 1976 et 121 000 $ en 1981, quatre ans après. Les lois compliquées des élections qui, actuellement, font que le Québec est obligé d'engager plus de gens que les neuf autres provinces et le gouvernement canadien réunis; qu'est-ce que cela coûte aux contribuables du Québec? Quand on regarde encore ces articles, on y apprend qu'on prétend avoir économisé alors que, de 1976 à 1981, de 74 sous-ministres adjoints on en est rendu à 110. J'ai été titulaire de ministère et je me rappelle qu'il y avait moins de cinq attachés politiques et secrétaires; c'est de cinq à dix actuellement par cabinet, et j'en passe.

En écoutant le premier ministre aujourd'hui, j'en ai déduit que, sachant que, depuis plusieurs mois, il devenait impossible de signer une convention, et il a fait référence aux conventions précédentes qui n'ont pu être signées, le gouvernement préparait depuis très longtemps ces décrets -on a dit qu'il y avait 80 000 pages à ce document - sachant qu'il n'y aurait pas de conventions signées. Le député de Deux-Montagnes a dit que les députés ministériels avaient été trompés de même qu'en raison de la loi no 70. Si le gouvernement a préparé ce décret à l'endroit des fonctionnaires des secteurs public et parapublic, leur retirant au-delà de 500 000 000 $, peut-être qu'ayant oublié de traiter tout le monde sur le même pied, il a été obligé de le faire sur le dos de ceux-là seulement.

Si j'acceptais une telle perspective, je voudrais faire des comparaisons, ayant vécu deux crises économiques, et celle de 1940 n'a pas été un cadeau. Comme personne de vous ne l'a vécue, je voudrais poser quelques questions au gouvernement. En 1940, les syndicats n'existaient pas, il n'existait aucune aide sociale, il n'existait aucune assurance-chômage. Par contre, j'ai vu, à ce moment-là, au plus fort de la crise, des médecins aller à cinq, dix ou quinze milles faire des accouchements à 5 $ pour aider les Québécois à sortir de la crise. Ils étaient tout aussi médecins et aussi consciencieux que ceux d'aujourd'hui. Je vous donnerai l'exemple d'un médecin de famille qui, à un moment donné, après douze accouchements dans la même maison, à des milles de distance, avait osé demander 120 $, alors que le tarif était d'environ 10 $ ou 5 $. Le gars surpris lui a dit: Comment se fait-il que vous me demandiez 5 $ et que là c'est 120 $? C'est parce que tu ne m'as jamais payé. Je te demande 120 $ et tu ne me paieras pas plus. C'est vous dire qu'à cette époque les professionnels comme les autres aidaient à ce que la crise se résorbe. Si de tels exemples ont pu permettre au Québec des années quarante de sortir du marasme, c'est que chacun y a contribué et que chacun a épaulé l'autre, ce qui ne se fait pas actuellement.

Pourquoi, en 1982, vous, le gouvernement, connaissant l'état lamentable des finances publiques, connaissant le nombre d'assistés sociaux, le nombre de chômeurs pour lesquels vous avez besoin d'une marge de manoeuvre - ce que je ne conteste d'aucune façon - n'avez-vous pas demandé aux médecins, aux médecins spécialistes, aux omnipraticiens, au lieu de les augmenter, de réduire leurs demandes? Pourquoi ne l'avez-vous pas demandé? Est-ce que c'est parce qu'ils détiennent les leviers qui commandent les soins de santé dont on a besoin qu'on doit craindre de demander plus à des gens qui sont quand même assez gavés dans la société? Pourquoi n'a t-on pas demandé à la Sûreté du Québec de réduire ses demandes? Est-ce parce que ses hommes ont un revolver et qu'on en a besoin, au moment où il y a des désordres au Québec? Pourquoi n'a-t-on pas demandé aux fonctionnaires d'Hydro-Québec, qui sont parmi les mieux payés des syndiqués, de réduire certaines de leurs exigences? À ce moment-là, peut-être qu'on aurait moins demandé aux syndiqués des secteurs public et parapublic qui seront coupés de 5%, 10% et 20%. Les cadres de la fonction publique qui sont payés entre

40 000 $ et 70 000 $ ont accepté, j'en conviens, en juillet, un gel des salaires. Pourquoi n'a-t-on pas demandé à ces cadres, qui deviennent de plus en plus nombreux au gouvernement, dans les sociétés d'État, partout dans l'appareil gouvernemental, un sacrifice plus grand pour éviter d'en demander davantage aux plus petits? Concernant tous les professionnels à contrat qui gagnent des millions du gouvernement, tous les professionnels engagés à contrat par tous les ministères, pourquoi n'a-t-on pas pensé de réduire les honoraires pour l'ensemble des services professionnels que sollicite le gouvernement avant de demander à des syndiqués gagnant 17 000 $ et 18 000 $ de rembourser 5% ou 10% de leur salaire? Est-ce que cela ferait moins mal aux petits? Si on avait évité que la note soit tellement élevée dans les services professionnels, si tous ceux qui, dans la société, se sont gavés, si toute la société avait été appelée au même sacrifice, alors on pourrait demander aux syndiqués d'accepter des coupures pour aider les sans-emploi.

Si vous demandez à certains de faire un sacrifice, demandez-le à tous les mieux nantis et, à ce moment-là, chacun pourra être solidaire, mais à cette condition seulement.

M. le Président, je vous dis en terminant que si, demain, pour des raisons personnelles, je ne suis pas en Chambre, ce n'est pas parce que je voudrai voter pour le gouvernement. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas observé certaines normes permettant à tout le monde de participer au sacrifice qu'on demande, je voterai toujours contre des lois aussi iniques que celle qui est devant la Chambre.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Gilles Baril

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamin-

gue): M. le Président, plusieurs ont évoqué depuis quelques heures le caractère extrêmement difficile et déchirant du geste que le Parlement s'apprête à poser. Nous sentons tous que nous sommes à une croisée de chemins et que les choix paraissent très douloureux, mais que choisissons-nous au juste?

Certains commentateurs ont souligné que c'est le principe même de nos relations du travail qui était bouleversé, que ce qui avait prévalu dans le passé dans la préparation des conventions entre les organisations de travailleurs et l'État, c'est tout cela en fin de compte qui était en train d'être profondément modifié. Au-delà des cris passionnés, de la fureur des uns et des émois des autres, les choix que nous devrons faire pour les prochaines décennies seront très exigeants, parfois douloureux, complexes, mais non moins impérieux et fondamentaux. Quels sont ces choix? Je les exprimerai à partir d'une expérience très personnelle.

Je dirai d'abord: Poursuivre, voire accélérer la modernisaton du Québec. Il faut poursuivre notre volonté collective d'une société équitable où l'égalité des chances est plus qu'un voeu pieux. Il faut poursuivre le développement d'une société où la qualité de l'éducation, des services sociaux et du rôle de l'État comme facteur d'équilibre social demeure une priorité pour l'ensemble du Québec. Les conditions de travail qui seront décrétées dans quelques heures sont au coeur même de cette qualité de vie que nous nous sommes donnée depuis 20 ans et que nous voulons poursuivre. (18 h 30)

On pourrait souligner que je suis jeune et même très jeune pour parler ainsi de l'évolution de nos institutions depuis 20 ans. Par ailleurs, je me sens d'autant plus à l'aise pour en parler qu'étant moi-même né au début de la révolution tranquille, j'ai grandi, été élevé, éduqué et soigné par ces mêmes institutions. Les jeunes, mes concitoyens, ceux et celles qui ont 18 ans, 20 ans, 22 ans, savent mieux que quiconque ce que nous devons à l'État. Nous sommes peut-être la première génération qui a pu profiter d'une accessibilité largement généralisée à l'éducation. Nous sommes aussi profondément conscients qu'un nombre très élevé de jeunes parmi nous ont décroché, ont abandonné leurs études parce que non motivés, désabusés parfois par des gens qui avaient perdu le sens de leur responsabilité première. Je ne voudrais pas faire ici le procès de mes anciens professeurs, loin de là. Sait-on dans cette Assemblée nationale le nombre de grèves, le nombre de jours scolaires perdus, le harcèlement que des jeunes comme moi et d'autres ont vécu tant au primaire qu'au secondaire, dans les cégeps ou bien même dans les universités?

Le rapport de forces manichéen entre les bons travailleurs et le mauvais "boss" nous fait de plus en plus rigoler, surtout lorsque la qualité de notre formation devient un enjeu dans le cadre d'une négociation. Pour la jeunesse, l'affrontement à tout prix est une mentalité à changer. Nous ne voulons pas d'une société où le droit syndical est synonyme de la liberté de faire du harcèlement sur les usagers des services publics. Ne parlons pas du droit de grève dans le secteur hospitalier, des malades pris en otage, parce que ce serait trop facile. Je prendrai un autre exemple, M. le Président, celui des fonctionnaires qui ont déjà retardé l'émission des chèques des prêts et bourses aux étudiants de l'ensemble du Québec,

lorsqu'on sait ce que représente un prêt-bourse, environ 3000 $ par an, pour un étudiant et une étudiante. Il y a de quoi se scandaliser. On ne parle pas d'une question de vie, mais de survie. Il nous faudra, au cours des prochains mois et des prochaines années, changer nos relations du travail, mais c'est d'abord nos mentalités, pourrait-on dire, que nous devons changer.

C'est là un choix à faire et un choix nécessaire selon nous pour préparer l'avenir et bâtir le Québec de demain car, il faut se le rappeler, M. le Président, il est important de le rappeler, le droit au syndicalisme, c'est d'abord le droit au travail, le droit d'avoir un emploi et ce, pour tous. Encore une fois, la jeunesse est parfaitement consciente de l'importance de ce droit, droit d'organisation, droit à la représentation, droit à la négociation. Elle est consciente aussi des avantages sociaux dont profitent les travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic. Je disais tout à l'heure que nos institutions sont jeunes. Elles le sont parce que les gens qui y oeuvrent, nos aînés, sont encore relativement jeunes. Nous ne sommes pas sans savoir, nous qui avons moins de 25 ans, que la sécurité d'emploi dont vous bénéficiez tous et continuerez de bénéficier, parce que c'est là un choix de société essentiel, cette société, c'est-à-dire, qui vous a donné un emploi, limitera dans une très large mesure l'accès au secteur public et aux emplois qui s'y rattachent.

Dans le contexte d'aujourd'hui, pourrait-on dire, à 18 années de l'an 2000, d'autres choix s'imposent à nous pour préparer le Québec moderne que nous souhaitons tous, celui de relancer notre économie par exemple, de la moderniser et de la garder à la fine pointe de la technologie. Il nous faudra pour cela valoriser la formation des jeunes, la formation professionnelle notamment. Il nous faut poursuivre l'accessibilité à l'université, le développement des études des deuxième et troisième cycles de la recherche, faute de quoi nous serons bientôt de ceux et celles de 20 ans et de 25 ans qui ne sont ni syndiqués, ni travailleurs, des sans-emploi, gelés bien raide. Lorsque j'évoque le choix de la solidarité nécessaire pour relancer notre économie, je ne le fais pas uniquement pour ceux de ma génération qui compte un chômeur sur quatre, mais je le fais aussi pour la majorité des 80 000 assistés sociaux. Je le fais aussi pour les gens de mon coin de pays, de l'Abitibi-Témiscamingue, pour ces gens que je côtoie et pour lesquels j'ai le plus grand respect: des travailleurs forestiers, des travailleurs miniers, des personnes âgées, des commerçants, des femmes collaboratrices d'entreprises agricoles qui connaissent leurs lots de difficultés et, souvent, le chômage, oeuvrant dans des secteurs particulièrement affectés par la conjoncture. Pour eux aussi, nous devons créer de l'emploi, et cela demandera de la solidarité, un sens aigu des responsabilités et la volonté d'être individuellement et collectivement responsables et productifs. Le gouvernement, dans ses demandes et au cours des négociations que nous avons connues, a fait appel à cet effort de productivité: une tâche accrue de quelques heures par semaine pour les enseignants; au primaire, par exemple, deux heures de plus; au secondaire, trois périodes de plus; au collégial, environ 13% d'augmentation de la tâche. La solidarité n'est pas un vain mot, elle engage profondément ceux et celles qui y croient.

En fin de compte, ou nous nous déchirons mutuellement, ou on décide de travailler tous ensemble. Lorsque je dis qu'il faut changer nos mentalités par rapport aux relations du travail, au développement, à l'avenir, cela veut dire des choix de société, ceux d'une société plus productive, plus généreuse, plus équitable, une société de plein emploi et, cela, nous le pouvons ensemble, si nous le voulons, comme des conspirateurs, qui vient du mot latin conspirare, c'est-à-dire souffler ensemble vers l'avenir.

Au Québec, nous parlons de virage technologique. Les jeunes sont prêts à prendre ce tournant, il faut leur en donner la chance. Notre vieille structure industrielle doit changer et changera. Cela voudra dire une qualification accrue, une transformation de notre économie, une amélioration de notre formation même, mais pour cela il faut changer la culture même de notre société, il faut changer nos mentalités, transformer nos esprits pour transformer ensuite la matière.

Cela voudra dire une éducation de qualité, des programmes nombreux dans des technologies nouvelles, davantage de centres de recherche. Pourrons-nous y arriver si notre réseau scolaire est plus coûteux que celui des États avoisinants, si la tâche des enseignants y est moindre et si les salaires continuent de progresser à un rythme qui dépasse largement celui du produit intérieur brut, dans un contexte où les conditions de travail et la sécurité d'emploi garantissent la tâche individuelle maximale et demeurent pour l'essentiel les mêmes que celles que nous avons connues? Pouvons-nous penser que les enseignants et les enseignantes s'engageront vers l'avenir pour améliorer la formation des jeunes?

La jeunesse est pleine d'espoir et, malgré les difficultés qu'elle connaît, elle ne veut pas désespérer. Elle envisage l'avenir d'un oeil positif, elle est prête à des changements, elle souhaite bâtir, créer des emplois, imaginer, participer de plein droit et solidairement à la société qu'il nous reste encore à faire. C'est un Québec indépendant et un pays que nous voulons édifier, un Québec équitable, moderne, ouvert sur le

monde, qui ne sacrifiera aucun groupe au profit d'autres, tous orientés, si on peut dire, vers l'avenir.

La vision que je voulais donner, c'est celle d'un député, le plus jeune de cette Chambre, et ce n'est pas non plus un cri d'alarme pour la jeunesse que je lance; c'est un cri d'espoir, c'est un appel, car, constatons-le, la société hyperstructurée, hyperbureaucratisée que l'on nous a bâtie ne nous laisse guère de choix et guère de place à nous. Dans ce contexte, si nous ne changeons pas nos mentalités et certaines règles du jeu, et la société elle-même, nous aboutirons à un cul-de-sac. Je pense que c'est l'ensemble de la collectivité québécoise qui peut y perdre.

Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que la loi no 70 est justement l'amorce d'un véritable changement d'esprit, de mentalité et d'approche dans la société québécoise et qui, j'en suis sûr, même si elle est difficile à vivre maintenant, ne fera qu'apporter des éléments positifs pour l'édification du Québec de demain. Je vous remercie, M. le Président. (18 h 40)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyorc Merci, M. le Président. Nous sommes conviés à de biens tristes funérailles. Quel rendez-vous macabre avec le gouvernement péquiste comme officiant! Nous mettons aujourd'hui en terre un certain nombre de valeurs fondamentales de notre société auxquelles cependant nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous continuons de croire. Nous mettons en terre, sous la menace de la majorité ministérielle, notre régime de relations du travail, notre système d'équité et de justice dans les relations du travail, notre désir comme société de régler par voie de négociation nos différends et aussi, par la façon dont le gouvernement présente ses solutions, notre volonté d'agir solidairement. Quelle tristesse, quel désastre! Il s'agit vraiment d'une cérémonie propre à une fin de régime. Les abus législatifs dans lesquels se délecte le gouvernement péquiste s'inscrivent parfaitement dans l'histoire déjà trop longue du pouvoir péquiste à Québec.

Il est remarquable que toutes les fins de régime se caractérisent par les signaux qu'il lance en commettant des abus aux antipodes mêmes des espoirs que leur arrivée au pouvoir avait suscités. Il n'en est pas autrement du PQ, qui a fort habilement, pendant des années, cultivé une image de grand rénovateur et de grand innovateur. La déception ne peut être plus totale. La boucle est bouclée, le masque tombe enfin. Les supposés réformateurs n'étaient finalement que des illusionnistes dont les artifices ont flanché. Les supposés innovateurs cachaient des réactionnaires avides de pouvoir.

La population saura tirer les conclusions qui s'imposent. L'aventure péquiste aura coûté à la société québécoise des frais énormes dans le domaine économique, dans le domaine social et dans le domaine constitutionnel. Jamais le Québec ne se sera trouvé dans une telle situation d'affaiblissement général, causé en très large partie par des actions irréfléchies, des solutions improvisées, des propositions irréalistes.

Le projet de loi no 105, qui émane du gouvernement péquiste, est en même temps à son image, à son image parce qu'il constitue la négation du processus de négociation collective comme processus accepté par la société québécoise pour le règlement des relations du travail, à son image parce que le projet de loi no 105 est le rejet d'une conception de la société dont le climat social est basé sur une acceptation mutuelle des données qui guident les rapports entre les participants.

On entend les ténors péquistes dire à qui mieux mieux que le gouvernement agit, légifère, impose, parce qu'il considère qu'il y va du bien-être de la population. Le gouvernement péquiste, selon le discours qu'il nous sert, comprend mieux la situation que quiconque. Il la comprend mieux que les travailleurs et les travailleuses, que les divers intervenants de la société, et c'est pourquoi il décide à leur place que ces solutions sont les meilleures et qu'elles doivent s'appliquer quel qu'en soit le prix.

Il est indéniable que les sirènes péquistes ont un certain attrait. Il peut être sécurisant de voir que les difficultés que rencontre le Québec peuvent être réglées d'en haut, mais il arrive des échéances où les vendeurs de promesses doivent livrer la marchandise et où les propos incantatoires ne produisent plus leurs effets. Cette heure que craignent tous ceux qui ont agi de cette façon a sonné aujourd'hui en cette Chambre.

Le projet de loi no 105 établit clairement que le gouvernement péquiste doit avouer son échec, le reconnaître dans sa totalité et maladroitement, malhonnêtement tenter d'en faire payer le coût par ceux qui n'en sont pas les véritables responsables. Il est faux de prétendre que les employés des secteurs public et parapublic doivent payer pour les erreurs qu'a commises, au cours des années, le gouvernement Lévesque. Ce sont des erreurs découlant de l'irresponsabilité, de l'incompétence, de l'imprévoyance. On ne peut inpunément accumuler déficit sur déficit, erreur budgétaire sur erreur budgétaire, gifle sur gifle à l'entreprise privée et prétendre se surprendre que l'accumulation des bêtises n'exige pas, en fin de compte, un prix extrêmement lourd à payer. Nous en sommes là, M. le Président;

il faut maintenant que la gestion financière cesse de se détériorer et fasse l'objet d'une tentative de correction.

À la suite de ces calculs, de ces additions de coûts, de ces soustractions d'avantages, de ces multiplications de taxes et de ces divisions de notre société québécoise, il faut inévitablement que le gouvernement péquiste en vienne à la conclusion de son échec, de son incapacité complète, je dirais même de son incapacité congénitale à administrer correctement notre société québécoise. Quand je dis "incapacité congénitale", je me réfère particulièrement au fait que, congénitalement, le Parti québécois étant essentiellement idéologique, un parti dont la raison d'être est basée sur une idée fixe, un credo, un acte de foi, c'est-à-dire la thèse indépendantiste, la thèse souverainiste, un tel parti ne peut prétendre être apte à assurer une administration convenable des affaires publiques. Pourquoi? Parce qu'un tel parti ne peut faire abstraction en aucun moment de sa raison d'être, c'est-à-dire la séparation du Québec du reste du Canada, quand il pose des gestes administratifs ou des gestes politiques.

Comment peut-on gouverner quand on connaît les difficultés dont il faut tenir compte, de tous les paramètres, si on ajoute une considération supplémentaire et dominante qui est celle que tout acte gouvernemental, tout acte administratif doit s'inscrire dans la poursuite d'un objectif qui est celui de l'indépendance du Québec? En agissant de la sorte, on complique d'une façon inouïe tous les actes gouvernementaux et on fausse totalement la problématique des décisions et des solutions. La preuve en est tout simplement l'exercice dans lequel nous sommes actuellement plongés par l'étude du projet de loi no 105. Comment se fait-il que nulle part ailleurs, nulle part au Canada, nulle part aux États-Unis, nulle part dans l'hémisphère occidental nous n'avons eu besoin d'avoir recours à de tels moyens? Il est clair que notre situation à nous, au Québec, est plus difficile parce que ici nous avons un gouvernement qui est différent des autres du fait que c'est un gouvernement séparatiste péquiste. Elle plus difficile au niveau du chômage; elle est plus difficile au niveau des taxes; elle est plus difficile au niveau des fermetures d'usines et d'entreprises.

Tout le monde sait que nous partageons avec le reste du Canada un certain nombre de facteurs qui, somme toute, sont équivalents. Où se trouve la différence? Elle ne se trouve nulle part ailleurs que dans le fait que chez nous, au Québec, nous avons un gouvernement péquiste, un gouvernement pour qui l'administration des finances publiques doit se faire en fonction et pour la souveraineté, l'indépendance du Québec; pour qui l'établissement des relations du travail doit se faire aussi en fonction d'une accession éventuelle du Québec à l'indépendance; pour qui la mise en place de structures économiques doit se faire en fonction du même facteur, la souveraineté.

Je pourrais continuer l'énumération, mais je pense que la chose n'est pas nécessaire. Nous avons donc, au Québec, un gouvernement qui est différent des autres au Canada non seulement parce qu'il porte un autre nom, mais parce qu'il est guidé par une option, par une idée qui prime toutes les autres considérations qu'il relègue au deuxième plan et qui, finalement, doit être la mesure de tous les gestes posés. (18 h 50)

II faut réaliser le coût d'une telle façon de gouverner. Nous avons au Québec deux crises qui s'additionnent, deux crises qui se doublent l'une l'autre. Une première crise qui est celle que connaît le monde occidental en général, une deuxième crise qui, elle, est due spécifiquement au fait que le gouvernement péquiste est là au pouvoir depuis maintenant six ans. Le prix à payer de cette deuxième crise est énorme et, actuellement, nous sommes en train d'en écrire la note; elle porte un numéro, elle porte le numéro du projet de loi, 105.

Aujourd'hui, le gouvernement péquiste frappe durement ses propres employés, il le fait sous le couvert de l'obligation financière. Réalise-t-on que cette obligation financière que le gouvernement évoque aujourd'hui est une obligation qu'il s'est lui-même créée, une situation dont il est lui-même l'auteur? Son inefficacité administrative, son mauvais choix de priorités, son obsession de séparatisme sont des facteurs dont il est personnellement responsable. Aujourd'hui, il invoque l'argument de la nécessité pour agir brutalement comme il l'a fait avec le projet de loi no 105. Personne n'est dupe, personne ne l'absoudra des fautes graves dont il s'est rendu coupable et qui l'amènent aux extrêmes auxquelles nous en sommes actuellement. Le gouvernement invoque volontiers, pour faire avaler la pilule à ses employés, le besoin qu'il y a d'axer la rémunération de ses employés sur le secteur privé.

Nous, de ce côté de la Chambre, n'avons aucune difficulté à accepter un tel principe. Là où on se doit cependant de souligner ce qui ressemble à de la fourberie, c'est quand on réalise quel sort le gouvernement péquiste a réservé, ces dernières années, à l'entreprise privée, par sa taxation abusive, par le fardeau fiscal exagéré, par la réglementation trop lourde et trop nombreuse et aussi, malheureusement et surtout, par ses discours trop souvent insultants, par ses discours trop souvent humiliants envers les entrepreneurs et envers les détenteurs de capitaux. Il a mis

l'entreprise privée dans une situation qui, dans bien des cas, s'apparente au désastre. Maintenant que le secteur privé a subi des dommages semblables de la part de ce gouvernement péquiste, maintenant que dans bien des cas le secteur privé survit à peine, que viennent nous dire les dirigeants péquistes? Ils viennent nous dire qu'il faut aligner le secteur public sur le secteur privé.

Y a-t-il plus bel exemple de cynisme? Qu'on considère que la santé du secteur privé est sérieusement affectée. Qu'on considère aussi que le gouvernement péquiste en est très largement responsable. Sans cligner des yeux, dans les circonstances, alors que ce même secteur privé se voit obligé de traiter ses employés d'une façon qui, malheureusement, n'est pas toujours assez généreuse, les péquistes, le gouvernement Lévesque vient nous dire que le secteur public devrait être traité sur la même base exactement que le secteur privé. On n'a pas eu assez de détruire le secteur privé, on veut aligner le secteur public sur ce qui reste encore dans la société québécoise, après ce que le gouvernement péquiste a détruit.

Le principe de l'équilibre est certainement acceptable, mais compte tenu des actes qui ont été posés envers ce même secteur privé, peut-on voir autre chose dans la proposition péquiste que malhonnêteté pure et simple? Il en serait autrement si le gouvernement péquiste avec agi correctement, avec "fairplay" et avait encouragé le secteur privé de façon à lui donner une certaine prospérité qui aurait pu se refléter dans le traitement que le secteur privé aurait accordé à ses employés. Alors, le gouvernement péquiste aurait pu nous dire que le secteur public devait s'aligner sur le secteur privé.

Il est dommage que nous en soyons rendus là, que nous soyons au point où la seule voie que nous propose le gouvernement soit celle de la diminution, celle de la décroissance, celle du retour en arrière, celle du recul pur et simple. Les Québécois et les Québécoises méritent mieux que cela. Ils ont eu mieux que cela et ils auront mieux que cela. Le gouvernement péquiste a trahi la population, il a failli à sa tâche. Son tour de piste est terminé. Qu'il n'attende pas d'applaudissements, il n'amuse plus personne, le peuple le hue déjà. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: M. le Président, avant d'entrer dans le vif du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, un sujet d'une extrême importance, j'aimerais faire une brève remarque qui pourrait se baser sur un proverbe qui serait le suivant: quand le chat n'y est pas, les souris dansent. C'est la première rencontre d'importance que nous avons à cette Chambre depuis le départ de M. Ryan comme chef du Parti libéral et on voit que, lorsque le chat n'y est pas, les souris dansent. Nous avons eu droit à une kyrielle de ce que l'on peut appeler discours, en étant polis, teintés de mesquinerie, de mollesse, d'infantilisme et d'un manque flagrant des responsabilités dont doivent faire face les membres d'une Opposition officielle de taille. J'en suis déçu, parce que, dans une période cruciale comme celle que nous traversons, il n'y a pas que le gouvernement qui doit se tenir debout, l'Opposition doit faire de même. Je ne m'attarderai pas davantage sur ce sujet, je crois que les gens qui ont suivi les débats en ont eu des preuves, à tous les deux discours qui se déroulent ici.

Je me souviens qu'avec une sorte de trémolo dans la voix je parlais, de ce même siège, de la loi no 70. Si vous vous souvenez, M. le Président, je vous disais que ce discours je le faisais poussé par la raison et non pas poussé par mon coeur et par mes sentiments. Il en est de même aujourd'hui, parce que, fatalement, si les discussions avortaient, nous devrions nous relever en Chambre aujourd'hui pour subir les conséquences de la loi no 70.

Le projet de loi no 105 d'aujourd'hui, conçu dans l'adversité économique et sociale, porte quand même en son sein un message d'espoir, de liberté et de maturité nationale. Oui, un message d'espoir et de liberté par la responsabilité collective et commune qu'il sous-tend parce que provoqué par une crise économique mondiale: une responsabilité des gouvernants et une responsabilité des syndicats, "deux personnes" qui doivent se parler.

Le gouvernement, dans sa façon ouverte et franche dans la discussion, a tout mis sur la table, a discuté de façon honnête. Toutes les possibilités de négocier ont été tentées par le gouvernement. Je me souviens, avant l'ajournement des débats de cette Assemblée nationale en juin, que nous avions reçu ici un télégramme des syndicats. Nous disions de notre côté: L'ouverture à la négociation n'est pas très forte. Cependant, les chefs syndicaux nous répondaient: C'est une ouverture pour la discussion. Nous aurions pu, comme responsables, comme État patron, fort de ce télégramme dans lequel on nous disait: Nous sommes prêts à négocier... Si on était prêt à négocier, c'était donc dire que l'augmentation du 1er juillet, on ne voulait pas la recevoir comme telle, on voulait en discuter. On aurait pu ne pas la verser, forts de ce télégramme. Cependant, nous ne l'avons pas fait. Nous aurions pu attendre le résultat des négociations avant de

commencer à verser, forts de ce télégramme, mais par souci de démocratie, pour pousser jusqu'au bout la négociation, pour donner la chance aux deux interlocuteurs de se parler, nous n'avons pas profité stratégiquement de ce télégramme. (19 heures)

Nous avons poussé la négociation jusqu'au bout et, malheureusement, le bout, c'était hier. Nous avons laissé la chance à notre interlocuteur, le syndicat, de discuter avec nous. Nous n'avons pas fait, comme disent certaines personnes de l'autre côté, un geste unilatéral; nous avons discuté avec nos employés. À Ottawa, ils ont dit tout simplement 6% et 5%; en Ontario, un décret, c'est 6%, c'est 5%. Ici, nous avons discuté de bonne foi, les livres sur la table. Nous devions le faire par souci démocratique, M. le Président.

Cependant, au sortir de cette discussion avortée entre le gouvernement et le syndicat, il n'y a aucun vainqueur. Il y aura un seul gagnant, ce sera le peuple du Québec qui doit être fier de voir qu'un gouvernement, dans des occasions comme celle-là, sait se tenir debout. La population entière sera gagnante parce que nos chefs syndicaux sauront prendre leurs responsabilités devant cette loi. Le peuple du Québec, devant ces discussions avortées, sera le seul vainqueur et doit être le seul vainqueur.

Nous sommes, au Québec, vous le savez autant que moi, à l'enfance de toutes les libertés. On ne nous reconnaît pas encore comme peuple, de l'autre côté, ou comme nation. Encore moins à Ottawa, nous sommes pour eux une tribu. Nous sommes à l'enfance des libertés au Québec, à l'enfance des libertés politiques, à l'enfance des libertés religieuses et à l'enfance des libertés syndicales. Il y a à peu près une vingtaine d'années que le vrai syndicalisme existe au Québec. Il est normal que durant certaines périodes, surtout comme celle où nous vivons... Il n'y a pas beaucoup de syndicats dans le monde qui ont vécu une période comme celle que nous vivons; c'est arrivé de 1929 à 1939. Au Québec, de 1929 à 1939, il n'y avait pas beaucoup de syndicalisation. Le syndicat, malgré la bonne volonté de ses dirigeants, bien sûr, n'a pas un passé très long et est encore pubère; c'est l'enfance de la liberté syndicale, c'est sûr.

Cette loi frappe fort, elle frappe dru, comme la crise frappe fort, elle frappe dru; elle frappe! On ne sait pas où elle s'arrêtera de frapper, on ne sait pas qui elle frappera et on ne sait pas quand elle s'arrêtera de frapper. La seule clarté de cette loi, c'est que le gouvernement prend une chance, il frappe fort par cette loi et il frappe dru. Mais il dit qui il frappe, quand on s'arrêtera de frapper et comment il frappe. Cette crise peut nous frapper tellement fort, dans le monde occidental, que beaucoup de personnes de l'entreprise privée se retrouveront en chômage ou bénéficiaire du bien-être social. Bien malin celui qui pourra prédire quand finira cette crise.

Nous, au moins, si nous demandons à nos hauts salariés de faire un sacrifice devant cette crise, nous disons où nous frappons, à regret, et nous protégeons, par cette loi, les moins nantis de la société. Nos chefs syndicaux peuvent certes prendre leurs responsabilités devant ce projet de loi, même si, à l'intérieur, ils sont déchirés par la tradition de la négociation et par les responsabilités qu'ils doivent prendre durant cette crise. Je suis persuadé qu'ils sauront prendre leurs responsabilités, mais cette crise, la base, l'ensemble des syndiqués la comprend et je suis sûr que souvent, tacitement, ils appuient le geste du gouvernement.

Il existe toujours, cependant, des groupes ou des groupuscules un peu plus fébriles que d'autres, c'est sûr, M. le Président. Pour aider nos chefs syndicaux à y aller fort et à prendre leurs responsabilités devant leurs syndiqués dans cette période qui s'en vient, la période des fêtes, qui est censée être une période de réjouissances, où les grand ténors des différents milieux feront connaître leurs voeux, où sont les grands ténors, les défenseurs du consensus social? Où sont-ils dans cette crise? Où sont les Bourassa dans cette crise? Où sont les Pierre Bourgault dans cette crise? Où sont-ils pour encourager nos chefs syndicaux qui veulent être encouragés par des gens qui sont conscients qu'on se doit d'avoir un consensus social actuellement? Où sont-ils? On ne les voit pas dans le décor, actuellement.

Il y a bien M. Garneau qui a dit quelques mots, mais quand même! je parlais de gens influents! Où sont les grands revendicateurs? Où sont les associations de chômeurs? Où sont ceux qui demandent toujours pour les associations, pour les bénéficiaires de l'aide sociale? On se doit de faire cette coupure pour protéger, à cause de la crise, ceux qui sont moins nantis, les handicapés, les gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale qu'on se doit d'indexer, les gens de l'âge d'or, Logirente. C'est pour ces gens que nous le faisons. Si nous n'effectuons pas ces coupures, nous devrons couper certains plans d'aide aux moins nantis de la société.

Où sont les défenseurs de la veuve et de l'orphelin? Où sont-ils? Où est l'ancien député de Saint-Laurent? Où se cache-t-il actuellement, lui qui a démissionné de ce caucus, caucus du Parti libéral, parce qu'il a dit que jamais ce caucus ne présentait quelque chose de positif devant une situation difficile. Il a dit textuellement: "Je m'en vais pour une raison surtout; il faudrait que nous coupions 1 000 000 000 $ dans la

masse salariale des employés publics. " 1 000 000 000 $, et on l'a laissé aller.

Une voix:...

M. Blais: On l'a laissé aller. On ne comprenait pas. Ceux qui comprennent dans ce parti s'en vont très vite ou on les dégomme.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Blais: Dans des situations difficiles, on dirait que ces gens se transforment tous par intérim en diseurs de bonne aventure. Parlez, parlez, laissez faire le fond, ce sont les sons qui comptent.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:

M. Blais: Je suis peiné et c'est malheureux même pour les membres de l'Opposition; nous ne sommes pas éternels de ce câté-ci.

Des voix: Non.

M. Blais: C'est sûr, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:

M. Blais: C'est sûr, M. le Président, nous ne sommes pas éternels.

Une voix: II s'en vient de l'autre côté. (19 h 10)

M. Blais: Même par partisanerie, s'il y avait un brin de rationalité de l'autre côté, même par partisanerie, au cas où ils prendraient le pouvoir à la prochaine élection.

Des voix: Bravo!

M. Blais: Cette loi ne peut qu'aider le gouvernement qui viendra à la prochaine élection parce que c'est mettre de la rationalisation dans les dépenses publiques, où les déficits budgétaires sont rendus à leur summum à cause de la crise, bien sûr, M. le Président.

Cette loi sauvage, dans son essence, a été conçue de façon civilisée.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Blais:... et elle s'adresse à des gens civilisés.

Une voix: Va chercher tes plumes!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Cette interruption prouve que cela s'adresse aux gens civilisés.

Cette loi sauvage, dans son essence, a été conçue de façon civilisée. Elle est sauvage à cause de la crise sauvage.

M. le Président, s'il vous plaît, voulez-vous demander aux gens de l'autre côté, s'ils ne veulent pas m'entendre, je ne veux pas les entendre moi non plus. Ils pourraient sortir.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Terrebonne, vous avez la parole. Continuez!

M. Blais: Cette loi, malgré son essence sauvage, a été conçue par des gens civilisés et s'adresse à des gens civilisés. Elle porte en elle-même tout ce qu'il faut pour montrer qu'au Québec nous avons des chefs syndicaux qui sont capables de prendre leurs responsabilités, un gouvernement qui est capable de prendre ses responsabilités parce que la crise que nous vivons le commande. De ceci, que vivent les syndicats et que vive la solidarité de toute la population du Québec! Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, je crois que pour la première fois de ma vie je suis d'accord avec le député de Terrebonne: cette loi est vraiment sauvage.

Ayant été élu pour la première fois en 1976, à un moment où le Québec allait bien, à un moment où le taux de chômage était relativement bas, à un moment où on pouvait espérer pour nos concitoyens des jours encore meilleurs, je pensais et je croyais sincèrement que ce vent de prospérité allait souffler sur le Québec pour encore très longtemps.

En 1976, lors de ma première présence en cette Assemblée nationale à titre de député de Huntingdon, heureux et honoré du mandat que je venais de recevoir de mes électeurs, je n'aurais jamais cru à ce moment-là qu'un jour j'aurais à prendre la parole sur une mesure législative aussi invraisemblable. Jamais je n'aurais cru qu'un gouvernement québécois pourrait un jour vouloir poser un acte aussi provocateur, aussi cynique, aussi dangereux et aussi indécent.

M. le Président, le but de mon intervention sera surtout d'essayer de faire ressortir les raisons qui auraient pu pousser le gouvernement Lévesque à renier sa signature, à revenir sur sa parole donnée et

à déchirer un contrat dûment signé. Le but que je poursuis n'est pas de vouloir protéger ou appuyer un travailleur particulier par rapport à un autre, mais je voudrais plus particulièrement faire porter mes propos sur l'impact social que peut provoquer un geste provenant d'un tel gouvernement.

Je sais que l'administration pourrie que l'on connaît depuis six ans a conduit le Québec à une situation des plus dramatiques. Je sais également que ses administrateurs nous ont conduits à un nombre record de sans-emploi et à un nombre record d'assistés sociaux. Je sais aussi, M. le Président, que ces éléments représentent pour tous les membres de cette Assemblée une situation des plus préoccupantes et des plus troublantes, mais le sujet qui doit être débattu et traité est d'un tout autre ordre.

M. le Président, tout le Québec est aujourd'hui convié à considérer, à analyser et à décortiquer un geste sans précédent, le geste le plus indécent et le plus inquiétant qu'un gouvernement soi-disant démocratique n'ait jamais osé poser. Il s'agit bien d'une rupture de contrat, de la non-reconnaissance d'une signature, de la non-reconnaissance d'une convention dûment signée entre parties et du bris unilatéral d'un engagement gouvernemental.

À la suite de cette pseudo-négociation qui, en raison de l'attitude patronale, a tourné en queue de poisson, le gouvernement, depuis l'adoption de la loi no 70, avait choisi d'y aller d'un coup de force sans précédent. Le projet de loi no 105 dont nous étudions la portée aujourd'hui aura sans doute, lui aussi, des conséquences sans précédent.

Nous en sommes là. Si un gouvernement peut renier sa signature après s'être lui-même servi et avoir profité de cette même signature pour des fins électoralistes et partisanes, lors du référendum et de l'élection du 13 avril 1981, comment pourra-t-on, à l'avenir, avoir foi dans tout acte signé par ce gouvernement? Comment, à la suite de ce geste, pourra-t-il demeurer crédible aux yeux de la population qu'il a pour mandat de gouverner? Qui pourra prendre au sérieux les futurs engagements de ce gouvernement péquiste? Les générations futures se souviendront longtemps du PQ comme le plus grand "Indian giver" de tous les temps.

Je suis très inquiet de la gravité et du danger de cet acte. Je suis inquiet des répercussions que pourraient provoquer ces méthodes draconiennes dont se sert le gouvernement actuel pour tenter de régler un problème qu'il a lui-même créé de toutes pièces. Je me souviens trop bien, M. le Président, que le 13 avril 1981 le Québec était encore très riche. Il n'y avait rien de trop beau. Mais 24 heures plus tard, soit le 14 avril 1981, on était soudainement devenu un peuple pauvre raide. C'est ce qui est arrivé le lendemain de l'élection 1981.

C'est peut-être imager un peu la situation cruellement véridique, mais je n'exagère aucunement la situation qui prévalait à ce moment-là. L'élection de 1981 fut un hold-up politico-électoral machiné par nos intellectuels d'en face. Le coût de cette absurdité - je pense que tous en conviendront - nous amène aujourd'hui à se poser de sérieuses questions. Je pense que tous reconnaissent qu'un climat sain et durable, c'est extrêmement long à bâtir, mais c'est aussi extrêmement fragile. Il s'agirait d'un geste comme celui que le gouvernement s'apprête à poser pour mettre en péril des années d'efforts et de sacrifices que se sont imposés des millions de mes concitoyens.

Je supplie les gens d'en face d'évaluer de nouveau toutes les répercussions possibles que ce projet de loi pourrait entraîner. J'aimerais que les gens d'en face analysent sérieusement et consciencieusement, si conscience il reste, ce que représenteront et ce que voudront dire, à l'avenir, pour les 6 000 000 de Québécois, la signature d'un gouvernement, l'engagement d'un gouvernement, un contrat signé par un gouvernement, une convention signée par un gouvernement. Pour moi, ce sont tous les engagements futurs des gouvernements, ceux qui se succéderont, qui vont en prendre un dur coup. La crédibilité et l'honnêteté qui doivent caractériser un gouvernement demeureront sérieusement handicapées. Si un gouvernement peut, par simple décret ou loi, déchirer un contrat et revenir sur des ententes signées, je dis aux péquistes que l'institution démocratique que représente l'Assemblée nationale aura été entachée, elle aura perdue de ses valeurs fondamentales si jalousement conservées depuis des siècles. (19 h 20)

Maintenant, tout ce que je peux oser espérer, c'est qu'au moins la population du Québec ne se comporte jamais comme son gouvernement péquiste dont l'image est immensément ternie. Après avoir observé les six années de l'administration péquiste, il devenait de plus en plus évident que le ballon séparatiste éclaterait tôt ou tard. Après six ans d'appauvrissement du Québec, l'inévitable devait se produire. Tout cela après avoir écrasé le secteur privé, après avoir fermé des milliers d'industries et commerces et après avoir chassé du Québec des centaines d'industries importantes et des centaines de sièges sociaux.

Après avoir craché, depuis six ans, sur tout ce qui n'était pas authentiquement francophone et québécois, après avoir participé à la création de 400 000 chômeurs au Québec, après avoir augmenté à 345 000 le nombre de nos assistés sociaux et, en plus, après avoir exercé, depuis six ans, un lavage de cerveau systématique et après s'être amusé pendant six ans à jouer sur les

cordes sensibles des Québécois, maintenant, nous voici devant le triste bilan que nous laisse la clique d'intellectuels indépendantistes qui ont procédé, ces six dernières années, à la destinée du Québec.

Il était clair, il était évident, cela crevait les yeux, que la dernière convention collective signée par le gouvernement Lévesque était totalement irréaliste et dépassait toute logique et tout raisonnement. Il y avait deux buts que poursuivait le Parti québécois: le pouvoir et l'indépendance du Québec. Le référendum de mai 1980 et l'élection d'avril 1981 représentaient deux étapes primordiales à l'aboutissement de la seule et unique raison d'être du Parti québécois. Il fallait, pour atteindre ce but, ne rien épargner, allant même jusqu'au point d'appauvrir et d'affaiblir le Québec à tout jamais.

Dans ce sens, l'histoire des peuples nous démontre très bien qu'une population collectivement pauvre et démunie se manipule beaucoup plus facilement. Mais ce gouvernement péquiste avait sous-évalué le courage, l'énergie, la volonté et la résistance des Québécois. Jamais, et de tous les temps, un gouvernement ne se sera attaqué aussi durement, aussi impitoyablement et aussi férocement aux racines, au raisonnement et à l'intelligence d'une population. Le coût en fut énorme, il se chiffre par milliards de dépenses folles et exagérées. Ces coûts exorbitants nous ont conduits à la situation que l'on vit actuellement.

Aujourd'hui, c'est un aveu et un constat d'échec que le projet de loi no 105 représente au vu de tous les observateurs. C'est également la déchéance et la fin du régime péquiste, régime orchestré depuis six ans par des rêveurs et des provocateurs. Si les engagements, la parole et la signature des péquistes ne valent plus rien pour les employés des secteurs public et parapublic, ils ne valent rien non plus pour nos malades, pour nos étudiants, pour nos personnes âgées, nos chômeurs, nos bénéficiaires de l'aide sociale ni tous les autres travailleurs du Québec. M. le Président, maintenant que le gouvernement Lévesque a fait son lit et que le rouleau compresseur a fait son oeuvre, j'espère fortement et sincèrement que tous ceux qui sont touchés par ce projet de loi 105 démontreront plus de responsabilités et de civisme que ne le fait le gouvernement.

M. le Président, nous, de ce côté-ci, savons que des jours meilleurs sont à l'horizon et peut-être fallait-il, pour mieux apprécier les bonnes conditions de vie et mieux se souvenir de l'extraordinaire développement économique et social qui fut nôtre depuis les années soixante jusqu'à 1977, connaître des jours sombres et des situations difficiles. Peut-être fallait-il subir cette période extrêmement creuse et extrêmement accablante. Peut-être fallait-il, malheureusement, qu'un groupe de destructeurs séparatistes prennent le pouvoir en 1976. Enfin! M. le Président, nous, du Parti libéral du Québec, demandons aux travailleurs d'être calmes et responsables. Nous suggérons de ne pas mettre dans une situation encore plus pénible les plus démunis et les plus dépendants de notre société. Nous n'avons pas dans nos rangs, nous, de l'Opposition, des Charron, des Bédard, des Lessard, des Laurin, des Joron, des Burns, des Léger ou des Morin. Non, M. le Président. Nous n'avons pas dans nos rangs ce genre de personnages promoteurs de désordres et de manifestations. Nous sommes très conscients de nos responsabilités sociales et morales. M. le Président, nous vous assurons que c'est dans le respect intégral de l'autorité et de nos lois que nous accomplirons notre tâche.

En terminant, j'indique que, tout comme ce fut le cas de 1970 à 1976 et également depuis ce temps à aujourd'hui, les instigateurs de la contestation et les provocateurs de désordres sociaux, les incitateurs de trouble et les gens qui déchirent les contrats signés se trouvent et se retrouvent, comme toujours, du côté péquiste. Enfin, M. le Président, peut-être est-il superflu d'indiquer que je vais voter contre ce projet de loi, mais si, par hasard, mes propos ne vous avaient pas encore convaincu, je tenais à le réaffirmer. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Westmount.

M. Richard French

M. French: Merci, M. le Président. Le projet de loi 105 est une mesure répugnante, présentée à l'Assemblée nationale d'une façon odieuse, mais nous n'avons pas besoin de décrire de façon plus détaillée tous les problèmes qu'il va amener pour les travailleurs dans le secteur public québécois et pour tous les citoyens et les citoyennes. Si nous avons parlé de la signification économique et sociale de l'impasse des finances publiques québécoises, il me semble que nous n'avons quand même pas pu, vu l'intensité de la crise, prendre un certain recul et regarder de façon très froide la signification historique de la situation que nous vivons aujourd'hui. Il me semble que nous vivons maintenant un point tournant dans l'histoire politique, dans l'histoire sociale du Québec qui dépasse largement dans son importance le débat sur la politique financière du gouvernement actuel ou les aléas des négociations avec le front commun. (19 h 30)

La crise actuelle est avant tout la crise d'une classe dominante, la crise d'une coalition d'intérêts, la crise d'une coalition de pouvoirs dont nos amis d'en face sont

l'expression politique la plus récente. La classe dominante dans la politique québécoise, depuis une quinzaine d'années, a dicté le vocabulaire de la politique, a défini la problématique de l'agenda public, a exprimé ce qu'elle jugeait être les questions les plus importantes à débattre, les problèmes les plus importants auxquels devait s'attaquer le pouvoir public.

C'est ce soir, à l'Assemblée nationale, qu'on étudie en deuxième lecture la mesure qui incarne la fin de cette classe dominante. La mort de Duplessis a marqué la naissance de cette classe dominante, de cette coalition d'intérêts. C'est la croissance économique des années soixante, du début des années soixante-dix qui lui a permis d'émerger comme force dominante. Dans l'histoire du Québec, depuis 1960 à peu près, ce sont effectivement les employés du secteur public, les cadres, les professionnels de la fonction publique, les administrateurs de CLSC et de cégeps, les professeurs d'université qui, avec l'aristocratie syndicale et l'industrie de la parole, se sont constitués en fiduciaires du testament de la révolution tranquille, un testament important pour tous les Québécois, un testament qui visait la modernisation, un testament nationaliste. Cette classe se donnait, pendant les années soixante, au début des années soixante-dix, la fonction de demander, de créer et de gérer les biens publics, les services publics. C'est donc à cette classe que nous devons - toute la société québécoise - depuis 1960, les services dans le secteur de l'éducation, du bien-être, de la santé, de la protection du consommateur et tous les autres biens publics.

En quelque sorte, pour cette classe dominante, la souveraineté du Québec est devenue la fin logique. C'est sûr que, dès la naissance de cette classe, plusieurs establishments d'alors, l'establishment religieux, par exemple, l'establishment bénévole, l'establishment du monde des affaires subissaient les conséquences de l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle classe.

La classe dominante avait certaines marques de commerce. Son modèle d'innovation, son modèle du progrès, son modèle de prise de décisions était centralisateur et c'est à une centralisation du pouvoir et de l'innovation qu'on a assisté depuis 20 ans. Pour cette classe, les employés publics, l'industrie de la parole, les syndicalistes, l'aristocratie syndicale, c'est le gouvernement, c'est l'autorité publique qui doit donner l'exemple, c'est l'autorité publique qui doit, par exemple, diriger l'économie et le mot "diriger" est important.

Cette classe dominante vivait et vit encore largement du trésor public et des cotisations syndicales. La classe dominante a réussi à faire la preuve, en contexte québécois, de l'analyse de l'économiste

Albert Breton, à savoir que le nationalisme est un instrument pour le transfert des ressources, surtout les ressources financières, pour une certaine classe moyenne, cette nouvelle bourgeoisie, cette classe dominante dont je parle.

Cette classe dominante, dans la poursuite de ses intérêts, se félicitait de comprendre les éléments les plus dynamiques de la société québécoise et, parmi les absents de cette classe, se trouvaient, notamment, le monde des affaires et les minorités ethniques. Puisque cette classe dominante dépendait d'un surplus économique issu de la croissance et approprié par les moyens de l'État au profit des services publics - en gros, des individus qui géraient ces services publics en particulier - la classe dominante se trouve, aujourd'hui, face à la crise financière de l'État, face à la crise économique nord-américaine elle-même en pleine crise, puisque l'arrêt de la croissance économique veut dire, forcément, l'arrêt du surplus économique qui était, dans les années soixante et soixante-dix, approprié de façon systématique pour les services publics. Ce qu'on constate, ce soir, dans les discours de nos amis d'en face et dans les discours tenus un peu partout au Québec, d'ailleurs, c'est un manque de diagnostic adéquat pour expliquer la situation et surtout pour voir l'avenir. Je ne prétends par le fournir ce soir, M. le Président, mais j'essaie d'esquisser un cadre analytique à cette fin, d'essayer de voir un peu où on s'en va. À force de le faire, on voit un peu où on en est venu.

Le diagnostic de nos amis d'en face, le diagnostic de cette classe dominante s'avère totalement inadéquat compte tenu de la situation actuelle. Il y a deux portes de sortie pour cette classe ou pour les idéologues de cette classe. D'une part, il y a la possibilité d'une radicalisation idéologique, un virage à gauche, mais c'est une démarche intellectuelle qui a toujours été rejetée par les éléments dominants de cette classe. C'est le virage qu'a entrepris, je crois, notre ami le député de Sainte-Marie, mais c'est un virage qu'en gros le Parti québécois est incapable d'entreprendre à ce moment-ci. Cela voudrait dire effectivement leur marginalisation et ils sont trop conscients de l'importance du pouvoir pour le faire.

L'autre choix est la remise en question de quelques-uns de leurs principes les plus fondamentaux. Voilà l'option qu'ils ont choisie sans trop connaître toutes les conséquences de cette décision. C'est évident que comme toute classe dominante dont les jours tirent à leur fin, celle-ci reste un peu médusée, inévitalement, par rapport à ses attentes, par rapport à ce qu'elle a appris, à ce qu'elle a anticipé depuis quinze ans: de plus en plus de services publics, de plus en plus de ressources publiques à la disposition

du secteur public, des employés publics. La situation aujourd'hui, à leurs yeux, est inévitablement le monde à l'envers. (19 h 40)

En écoutant les discours de nos amis d'en face, je me souviens de cet aphorisme, de ce dictum: les généraux des forces armées se préparent toujours pour la dernière guerre plutôt que pour la prochaine guerre. Nos amis d'en face aiment à se battre dans des genres de combats auxquels ils sont habitués, par exemple le combat constitutionnel, la guerre constitutionnelle. Ils ont largement perdu ce combat, mais ils continuent d'essayer de remettre cette question à l'ordre du jour, même si le public n'est plus intéressé par cette question. Ils aiment à se battre, ils aiment faire des combats linguistiques. Voilà un combat qu'ils ont largement gagné, qui n'est plus tellement pertinent, qui n'est plus tellement important par rapport à la situation actuelle. Mais ils continuent à s'impliquer là-dedans, à s'intéresser là-dedans. Ils sont incapables de faire face au défi de l'avenir.

La porte de gauche ne mène nulle part, la porte de gauche mène à une marginalisation. La porte de droite amène fatalement certaines prises de position qu'ils sont incapables d'embrasser. Entre-temps, pendant que la scission inévitable s'enracine dans la classe dominante, la prochaine classe dominante se prépare. Je suis convaincu, M. le Président, que vous allez me demander: C'est quoi cette prochaine classe? Je m'explique. Pour identifier cette prochaine classe, il est à noter que l'arrêt de la croissance ou plutôt l'exacerbation au Québec de la crise économique nord-américaine et mondiale, cette deuxième crise économique qui est uniquement québécoise, n'est pas étrangère à l'absence des gens d'affaires, à l'absence des administrateurs de la classe dominante actuelle.

La nouvelle classe dominante va également utiliser des moyens collectifs, tout comme la classe dominante pendant les 20 dernières années, mais les moyens collectifs utilisés par cette nouvelle classe vont être des moyens privés et non pas des moyens publics. D'ailleurs, on le voit déjà, M. le Président; sans trop le savoir, le ministre des Affaires sociales est en train de faire de la publicité gouvernementale pour encourager le bénévolat. Si on n'avait pas détruit le bénévolat par un excès d'interventions publiques dans les années soixante, on n'aurait pas, dans les années quatre-vingt, à rebâtir le bénévolat par de la publicité gouvernementale. Un autre aspect des moyens qui seraient adoptés par cette nouvelle classe dominante, serait que ces moyens seront non seulement privés, mais décentralisés, et pour la nouvelle classe dominante, les termes du débat seront d'abord et avant tout, et inévitablement, pour les quinze à vingt ans à venir, économiques. Finie l'histoire de l'obsession politico-linguistique, finie l'histoire des obsessions constitutionnelles. C'est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre. L'adolescence de la nouvelle classe dominante, l'adolescence qu'elle vit aujourd'hui n'est pas marquée par l'insécurité constitutionnelle. Elle n'est pas marquée non plus par l'insécurité linguistique: II n'y a pas de jobs. Elle est marquée par l'insécurité économique.

Voilà donc, M. le Président, le défi de l'avenir, le défi auquel la classe dominante qui se prépare va s'attaquer, parce que sa jeunesse, son adolescence aura été marquée par l'insécurité économique. Cette nouvelle classe se dessine déjà parmi les étudiants des écoles de gestion. On sait qu'on en a plus ici au Québec par rapport à la population qu'on en a dans les autres provinces. Cette nouvelle classe se dessine dans les écoles de génie, dans les facultés de physique et de chimie, et dans les facultés des sciences de l'information. Ce sont ces étudiants les adultes de demain. Ce seront des "managers", ce seront des administrateurs, ce seront de nouveaux professionnels, des comptables, des avocats, des MBA, des informaticiens embauchés par les entreprises du Québec qui vont être le coeur et l'âme de la classe dominante de la fin du siècle au Québec.

Le défi de la nouvelle classe dominante est clair: c'est de rebâtir la compétitivité et d'éviter la régionalisation de l'économie québécoise. Sous les effets conjugués de l'évolution économique du continent et de la pression de la classe dominante actuelle dont, comme je l'ai dit, l'expression la plus récente est le Parti québécois, l'économie de la province de Québec évolue, de façon systématique, d'une envergure nationale qu'elle avait hier à une taille modestement québécoise qui se dessine aujourd'hui.

C'est évident, M. le Président, que si notre économie se rétricit suffisamment, si elle sert presque uniquement le Québec, il n'y aura plus de problèmes de francisation; tous les emplois et toutes les entreprises vont être francophones, il y aura une francisation impeccable. Malheureusement, dans un tel cas, les attentes historiquement établies par les Québécois quant aux normes d'emploi, quant à la qualité d'emploi ne seront jamais satisfaites sous un scénario pareil: À moins qu'on ne parvienne à exporter autre chose que des ressources naturelles, à moins qu'on n'arrive à bâtir autre chose que des industries de vêtements, de textiles - il n'y a rien de mal à cela, mais il faut faire autre chose - la suite logique des politiques qu'on poursuit actuellement sera de toute beauté, ce sera le syndrome de "l'auto-insuffisance".

Je n'ai pas terminé, si j'ai le consentement de la Chambre, j'ai deux

autres paragraphes, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement?

Des voix: Consentement.

M. French: Voilà pourquoi, M. le Président, le défi de la nouvelle classe sera de taille continentale et mondiale, plutôt que régionale. Il est sûr que, dans un tel cas, une nouvelle classe va amener un cosmopolitisme, une sensibilité d'entrepreneurship qui incommoderont grandement les vestiges de l'ancienne classe dominante. Mais la solution est simple, c'est la solution du marasme économique accompagné de conflits sociaux comme ceux que nous vivons aujourd'hui, accompagné de conflits sociaux chroniques sur la répartition d'une richesse diminuant d'année en année. En effet, l'expérience britannique, depuis dix à quinze ans, est tout simplement impensable pour nous tous, quelle que soit notre option constitutionnelle.

Si, par le passé, c'était le fonctionnaire, le mandarin, le conseiller du ministre, l'éditorialiste et le sociologue qui ont incarné nos mythes sociaux les plus puissants, qui ont symbolisé nos espoirs comme société, ce seront demain les cadres d'entreprises québécoises qui feront concurrence sur les marchés mondiaux, les chercheurs en informatique ou biotechnologie, les experts-conseils en génie, en finance, en marketing, en gestion de projets qui en feront autant d'ici la fin du siècle.

M. le Président, nous n'avons pas de choix. Parce que les emplois des travailleurs partout au Québec en dépendent, il faut prendre ce virage. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. Compte tenu que c'est la première occasion que j'ai de soulever des faits qui se sont passés tout dernièrement, je voudrais soulever deux questions de privilège se rapportant auxdits faits. La première question de privilège se rapporte à des articles de certains journaux ce matin qui laissaient entendre que, puisque je n'étais pas présent hier lors du vote sur la motion du gouvernement, j'étais dissident quant à la loi que nous avons devant nous.

M. le Président, pour votre information et pour l'information de cette Chambre, hier après-midi, de 15 heures à exactement 16 h 15, j'assistais à un comité spécial pour la création d'emplois pour notre jeunesse du Québec.

La deuxième question de privilège que je voudrais soulever fait suite à une déclaration qui fut faite mardi dernier, et dont j'ai appris la teneur aujourd'hui, par le député de Mont-Royal qui était présent à Sept-Îles, donc dans ma circonscription. Il a dit textuellement que, lors de la motion déposée par le Parti libéral concernant SIDBEC et SIDBEC-Normines, je n'avais pas voulu discuter de la motion sur la renégociation pour maintenir SIDBEC-Normines ouverte et, concernant la commission parlementaire, que j'avais même voté contre la motion. C'est exactement la déclaration qui fut faite mardi dernier. Je l'ai ici sur cassette.

Ma question de privilège est dans le sens suivant: II est exact que, sur un amendement qui a été apporté par le député de Brome-Missisquoi et se rapportant à la tenue d'une commission parlementaire, j'ai voté contre cet amendement qui était pour faire partie de la motion. C'est inscrit ici dans les procès-verbaux de notre Assemblée nationale. J'ai voté contre cet amendement, mais j'ai voté cependant pour l'amendement de M. Biron. J'ai voté aussi pour la motion telle qu'amendée qui a été présentée par le député de Mont-Royal. Donc, il est faux de dire que je n'ai pas voté pour le maintien des activités de SIDBEC-Normines et de SIDBEC. Il est faux de dire que j'ai voté contre une motion qui demandait de renégocier les contrats avec les partenaires. Si vous permettez, M. le Président, je voudrais maintenant passer directement au projet de loi que nous avons devant nous, puisque j'ai eu l'occasion d'expliquer mes deux questions de privilège.

Vous savez, M. le Président, ce n'est pas avec gaieté de coeur que je prends la parole aujourd'hui, tout comme la majorité de mes collègues de cette Assemblée nationale, mais cependant, si je le fais, je le fais par nécessité, à cause de la situation économique que nous vivons au Québec, à cause des besoins financiers qu'a le gouvernement actuel face à cette récession économique. Je le fais aussi en particulier pour les bas salariés des secteurs public, parapublic et même privé. Je le fais aussi par souci des responsabilités qui m'ont été confiées à deux reprises: en 1976, lorsque je fus élu pour la première fois dans le comté de Duplessis, et en 1981, lorsque je fus réélu.

A-t-on le droit, comme responsables de ce gouvernement, comme responsables des affaires du Québec, de permettre la disparition de la marge de manoeuvre dont nous avons besoin pour divers programmes nouveaux et aussi pour des programmes de création d'emplois afin d'accélérer l'emploi au Québec? À-t-on le droit de remettre en question certains programmes qui existent dans mon comté, qui existent aux Îles-de-la-Madeleine et qui existent aussi en Gaspésie

dans le domaine des pêcheries? À-t-on le droit de remettre en question la grande majorité des programmes généraux de différents ministères du gouvernement du Québec qui s'adressent spécialement et très souvent à des populations dans le besoin? Lorsque je parle de populations dans le besoin, je parle, bien entendu, de cette majorité silencieuse qui nous écoute aujourd'hui et qui nous a écoutés hier.

A-t-on le droit, et là je parle directement de mon comté de la Côte-Nord, de remettre en question des programmes qui pourraient s'adresser à des travailleurs et des travailleuses de SIDBEC-Normines à Gagnon et Fermont? À-t-on le droit de remettre en question des programmes du gouvernement du Québec qui pourraient s'adresser à la ville de Schefferville pour qu'elle survive à ses problèmes actuels? Est-ce qu'on a le droit de remettre en question, en donnant aux secteurs public et parapublic, donc en se rendant à toutes les demandes que les secteurs font, en ajoutant une masse salariale incluant non seulement les salaires, mais aussi les bénéfices marginaux, en ajoutant une masse monétaire qui irait chercher un montant additionnel de plus de 3 000 000 000 $ dans les trois prochaines années?

On ne peut pas remettre en question les programmes du gouvernement que nous avons créés nous-mêmes et qui existaient même dans le temps des libéraux, lorsque ceux-ci étaient au pouvoir. Moi, je dis: Non, M. le Président, nous n'avons pas le droit puisque nous devons prendre nos responsabilités. Nous devons prendre nos responsabilités même si cela nous fait mal, même si cela fait mal aux gens qui sont touchés par ce projet de loi no 105.

Il y a plusieurs façons de régler des problèmes financiers pour un pays ou pour un État comme celui du Québec. Il y en a qui s'en vont, comme le fédéral, dans des déficits exorbitants de l'ordre de plus de 24 000 000 000 $ pour une année financière, ce que nous ne voulons pas faire comme gouvernement puisque ce serait irresponsable.

Il y en a qui font en sorte d'augmenter les impôts. Il y en a qui font en sorte d'éliminer certains programmes, certains services du gouvernement. Il y en a aussi qui font en sorte d'augmenter les taxes des résidents et des résidentes d'un pays ou d'un État. Mais je pense qu'on n'a pas le droit de faire ça non plus. On n'a pas le droit de faire ça pour permettre à des travailleurs et des travailleuses, spécialement les plus hauts salariés des secteurs public et parapublic, on n'a pas le droit de permettre qu'une masse salariale énorme se dirige vers un seul secteur de notre société pendant que nous en avons tant d'autres qui sont touchés par la récession. (20 heures)

On peut ajouter les assistés sociaux. D'ailleurs, je pense que c'est bon d'en faire la remarque. En 1976, lorsque nous avons été élus, soit le 15 novembre, les prestations d'aide sociale n'avaient pas été indexées depuis 1974. Quel est le gouvernement qui, en 1977 et depuis ce temps, a indexé les prestations d'aide sociale? C'est le gouvernement du Parti québécois, M. le Président. Ce n'est pas le gouvernement du Parti libéral.

Regardons ce qui s'est passé depuis quatre ans. Vous savez, M. le Président, j'ai été élu en 1976 et lorsque j'ai été élu pour la première fois, j'ai été élu par des membres du Parti québécois, par des sympathisants au Parti québécois, j'ai été élu par des syndiqués des secteurs privé et public et j'ai été élu par toutes les autres personnes qui font partie de la majorité silencieuse.

En 1981, lors des élections du 13 avril, j'ai été élu de la même façon, avec un pourcentage accru, d'ailleurs, dans le comté de Duplessis. C'était la même chose. J'ai été élu par des membres du Parti québécois, par des sympathisants, j'ai été élu par des syndiqués membres des secteurs privé et public, j'ai été élu par toutes les autres personnes qui font partie de la société et qui ne sont pas incluses dans de ce que j'ai mentionné plus haut.

Si on respecte vraiment le mandat qui nous a été donné comme députés, à cette Assemblée nationale du Québec, il faut respecter non seulement une catégorie de personnes, mais l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec. On ne peut pas faire exception à cela. Quand, par exemple, 82% des travailleurs et des travailleuses du Québec paient la note pour les travailleurs et les travailleuses des secteurs public et parapublic, je pense qu'il y a lieu de remettre en question certaines attitudes que nous avons eues dans le passé.

Les libéraux ont fait un choix. J'entendais certaines déclarations des députés du Parti libéral. D'ailleurs, ils ont mentionné, à plusieurs reprises, ce qui pourrait arriver si jamais cela ne fonctionnait pas, etc., comme si, par le biais de cette Assemblée et par le biais de leurs déclarations, on avait souhaité que le climat social, à la suite de l'adoption de ce projet de loi, se détériore. J'espère que ce n'est pas ce qu'ils ont voulu dire, M. le Président.

D'ailleurs, j'ai entendu, à partir de l'enregistrement que j'ai ici et je m'inscris en faux contre cette déclaration, le député de Mont-Royal dire que M. Morin, l'actuel ministre des Affaires intergouvernementales ainsi que tous les députés qui ont siégé en cette Chambre entre 1973 et 1976 avaient fait en sorte d'appuyer les syndicats dans les débrayages illégaux. Je m'inscris en faux contre cette déclaration qui a été faite et

c'est sur cassette, M. le Président. Si vous êtes intéressé et si des membres de cette Chambre sont intéressés, je pourrais vous la faire écouter.

M. le Président, lorsqu'on parle du Parti libéral, on peut se poser des questions sur la cohérence de certains membres de ce parti. Dans plusieurs déclarations, on dit qu'il ne faut pas augmenter les impôts. Dans d'autres déclarations, on dit qu'il ne faut pas taxer. Dans d'autres déclarations, on dit qu'il ne faut pas augmenter le déficit. Je pense qu'ils n'ont rien compris. Nous ne voulons pas augmenter le déficit. Au contraire, nous voulons faire en sorte que ce déficit demeure celui qui a été prévu dans la déclaration du ministre des Finances, en mai dernier. C'est une des raisons fondamentales pour aller récupérer certaines sommes prévues pour la période du 1er janvier 1983 au 31 mars 1983 et se garder une marge de manoeuvre toujours pour créer le maximum d'emplois surtout pour les jeunes et pour ceux et celles qui en ont besoin.

À un certain moment, M. Forget -d'ailleurs, le député de Terrebonne en a fait mention tout à l'heure - a dit qu'il fallait réduire la masse salariale du gouvernement du Québec de 1 000 000 000 $. Ils n'ont pas compris puisqu'ils disent actuellement le contraire. Il faudrait s'embarquer, aller de l'avant avec les fonds publics, se promener dans le paysage et faire à peu près n'importe quoi avec.

Je fais maintenant allusion à une déclaration faite, je crois, par l'ancien député d'Outremont, M. Raynauld, qui avait dit qu'il ne fallait pas avoir une augmentation de déficit - c'était en 1980 -mais qu'il fallait taxer les citoyens et les citoyennes du Québec. Dans un autre discours, prononcé par un autre député, à peu près quinze minutes plus tard, ce dernier a déclaré qu'il ne fallait pas augmenter le déficit, qu'il ne fallait pas taxer. Comme vous pouvez le constater, la cohérence n'est pas présente dans le Parti libéral. Il faudra peut-être qu'un jour ou l'autre ils se branchent. Moi, j'ai fait mon choix.

Je suis un ancien syndiqué d'Hydro-Québec et, au moment où je vous parle, j'ai toujours ma sécurité d'emploi puisque je suis en congé sans solde. Oui, je suis en congé sans solde. Je fais partie du secteur péripublic.

Une voix: Vous allez en avoir besoin probablement bientôt.

M. Perron: Lorsqu'on parle des responsabilités d'un élu à cette Assemblée nationale, je tiens à souligner que si, demain matin, je retournais à Hydro-Québec comme syndiqué, mon salaire serait de l'ordre de 46 000 $ par année, plus la pension de député. Je travaille aujourd'hui plusieurs heures par jour pour un salaire, incluant tous les bénéfices, de l'ordre de 42 496 $, si ma mémoire est bonne. Je prends mes responsabilités. Comme le disait le premier ministre cet après-midi, qui, lui, n'a pas l'intention de lâcher au cours d'un mandat, moi non plus, je n'ai pas l'intention de lâcher au cours d'un mandat parce que cela pourrait m'être profitable.

C'est drôle, puisqu'on parle de salaires de députés, que dans une récession économique aussi prononcée que celle que nous vivons, nos amis d'en face n'ont jamais mentionné les augmentations salariales totalisant 21 400 $ que se sont données les députés de la maison-mère d'Ottawa en l'espace de 18 mois. Un député fédéral, qui gagnait 44 000 $, il y a 18 mois, gagne actuellement 64 900 $ ou à peu près, plus les 6% ou les 5% qu'ils viennent de se voter pendant qu'ils demandent à tout le monde de se serrer la ceinture. Je pense que nous nous sommes serré la ceinture, vous l'avez vu à l'intérieur du projet de loi 90 qui a été déposé pour discussion la semaine prochaine. Vous allez voir de gros changements dans une loi qui avait été déposée en 1974 et même défendue par la députée de Chomedey, loi qui autorisait un régime de retraite faramineux et des augmentations salariales, mais que nous avons amendée en décembre 1977. Aujourd'hui, si on avait la même loi que les libéraux se sont votée en 1974, notre salaire dépasserait celui des députés d'Ottawa. Cela, on l'a empêché.

En avril dernier, j'ai fait un choix lorsque j'ai entériné, au niveau du conseil des députés du Parti québécois, la proposition gouvernementale qui a été déposée devant les syndicats et les syndicalistes. En juin dernier, puisque cela n'avait pas marché, j'ai aussi fait un choix, j'ai opté pour la loi 70 puisque, pour moi, c'était à peu près la seule solution de rechange équitable pour permettre des négociations futures.

Aujourd'hui, je fais aussi un choix devant cette Assemblée, je fais un choix devant les électeurs et les électrices de mon comté, je fais un choix devant les électeurs et les électrices de tout le Québec. Ce choix, je le fais en favorisant la loi 105, celle que nous avons devant nous, et je le fais pour des raisons bien évidentes, que j'ai expliquées antérieurement. Mon plus grand souhait est que, dans un proche avenir, on puisse s'asseoir avec la partie syndicale et la partie patronale, incluant le gouvernement, pour regarder les mécanismes de négociation que nous avons eus dans les secteurs public et parapublic depuis 18 ans. (20 h 10)

Je pense qu'il est temps qu'on apporte des changements. Je pense qu'il est temps aussi que ces négociations se fassent avec toutes les personnes intéressées. M. le Président, je ne pense pas qu'aujourd'hui je

manque de courage en venant ici, comme ancien syndiqué, toujours d'ailleurs prosyndical, qu'on en dise ce qu'on veut, M. le Président, mais je ne pense pas que je manque de courage aujourd'hui en venant prendre position pour la loi 105, au contraire. Je pense que je le fais par souci d'économie. Je le fais aussi, et d'autres collègues députés l'ont mentionné, par solidarité avec le gouvernement et je le fais aussi par solidarité avec mes collègues dans cette Assemblée nationale, spécialement ceux du côté ministériel. Je termine là-dessus, M. le Président, en espérant que tous les travailleurs et toutes les travailleuses des secteurs public et parapublic respecteront et la loi 105 et tous les décrets qui en découleront. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Chomedey.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: M. le Président, je n'avais pas l'intention de faire des remarques sur les discours qui ont précédé le mien. Je pense que l'occasion est trop belle. On m'ouvre la porte trop grande. On nous a habitués à des termes difficiles, déchirants, douloureux, la larme au coin de l'oeil. M. le Président, on a même ajouté l'humilité que ces gens avaient à s'exprimer sur la loi 105. Le dernier orateur nous a parlé de ses salaires qui ont précédé son entrée en politique ou ce qu'il gagnerait s'il retournait dans la vie privée. Il a même rappelé des souvenirs d'un ancien gouvernement auquel j'appartenais, évidemment avec beaucoup de fierté. Il a oublié que quelques-uns de ses collègues présents à ce moment, au moment où on adoptait, où on présentait le rapport d'un comité tout à fait en dehors d'un comité parlementaire et, donc, qui le faisait avec beaucoup de justesse et de justice aussi, il a oublié, dis-je, que certains de ses anciens collègues qui ont quitté maintenant le Parti québécois et qui ne se sont pas privés en le quittant de faire la leçon à ce même Parti québécois sur des grandes politiques du parti, ces mêmes gens ont dit regretter des attitudes qu'ils avaient eues à ce moment et regretter les gestes qu'ils avaient posés au moment où le gouvernement libéral présentait cette réforme de la Législature.

M. le Président, il y avait aussi à ce moment des gens qui appartenaient au parti du dernier orateur, qui faisaient des discours en Chambre, interminables, contre ce projet que nous présentions et qui allaient en même temps chez le directeur de l'administration demander une avance sur le salaire qu'ils ne voulaient pas voter en cette Chambre, M. le Président. Je ne les nommerai pas, parce qu'il ne faut quand même pas accabler des gens qui ont déjà été accablés par leur propre premier ministre. Je pense qu'il ne faudrait quand même pas faire ici en cette Chambre, ce genre de démagogie. Je veux bien que les gens d'en face se trouvent malheureux d'avoir à voter un tel projet de loi. Je les comprends d'être aussi malheureux, M. le Président. Je ne veux pas non plus qu'on jette un venin sur l'Opposition qui fait aussi son travail, l'Opposition qui représente ici - et je le dirai encore aujourd'hui - la population qui ne peut s'exprimer. Donc, nous le faisons à sa place. La crise sociale que nous vivons aujourd'hui est l'aboutissement d'une série de crises qui ont frappé le Québec.

Tout d'abord, la crise constitutionnelle due principalement à l'obsession séparatiste et indépendantiste. Ensuite, la grave crise économique qui affecte le Québec entier et toute l'Amérique du Nord, mais qui touche encore plus le Québec. En fait, les Québécois, contrairement aux autres Canadiens sont victimes d'une double crise économique, la deuxième étant certainement imputable à notre propre gouvernement provincial et à ses politiques économiques inefficaces. De plus, le gouvernement péquiste se montre de plus en plus impuissant à faire face à ces deux crises économiques et surtout à développer des solutions qui pourraient, d'une part, minimiser les effets et, d'autre part, relancer l'économie.

Il y a aussi la crise des finances publiques qui est intimement reliée à la crise économique et qui entraîne, à cause de la mauvaise gestion, un effrondrement des finances et de l'économie du Québec. Plus le temps passe, M. le Président, plus la crise frappe durement les Québécois. On a entendu encore les gens d'en face nous parler des gens qui sont en chômage. Oui, M. le Président, 401 000 personnes en novembre 1982 étaient en chômage au Québec; 344 995, le 1er décembre, vivaient de l'aide sociale; le taux de chômage chez les jeunes de 15 à 24 ans est de 22, 6% et ce, en novembre 1982. En quatre ans, de 1977 à 1981, seulement 16% des nouveaux emplois canadiens étaient créés au Québec. L'année 1982, quant à elle, s'est caractérisée par des pertes d'emploi. La part des nouveaux investissements par rapport au Canada a aussi chuté; de 22% pour la période de 1970 à 1976, elle est passée à 19% pour les année 1977 à 1982. Je pense qu'il n'y a pas de quoi se réjouir, M. le Président.

La mise en chantier connaît aussi ses moments difficiles. Elle n'atteint plus en 1982, soit de janvier à octobre, que 16% de la mise en chantier totale au Canada. Pour 1983, la croissance économique du produit intérieur réel du Québec devait être de 1, 7% selon les dernières prévisions du Conference Board du Canada, ce qui est le deuxième plus mauvais taux derrière l'Île-du-Prince-

Édouard, où la croissance privée est de 1, 3%. Quand on est rendu à comparer ainsi l'économie québécoise avec l'économie des deux provinces les plus démunies du Canada, il y a de quoi s'inquiéter, M. le Président. Nous n'avons aucunement le droit d'ignorer tous ces faits qui touchent tous les Québécois. Ce désastre et cet affaiblissement économique découlent principalement de l'irresponsabilité du gouvernement actuel en matière économique, son impuissance à gérer les finances publiques et à trouver des solutions efficaces à court et à moyen terme pour nous sortir de la crise actuelle. Avec ce parti, celui du Parti québécois qui avait toutes les solutions en 1976 et surtout à cause de lui, nous bouclons aujourd'hui la boucle, celle de l'irresponsabilité, de l'incompétence et de l'imprévoyance.

Coup sur coup, depuis 1976, nous avons connu une série de crises sans précédent au Québec. D'abord, la crise constitutionnelle, comme je le mentionnais tantôt, provoquée essentiellement par un parti, celui du Parti québécois, qui, obsédé par son option séparatiste et coincé dans un résultat référendaire net et clair - oui, cela a été non au référendum - n'a réussi qu'à affaiblir le Québec, qu'à lui faire perdre sa place historique au sein du Canada.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Madame, vous avez la parole.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je pense que cela les dérange un peu quand on parle de la crise économique. Ensuite, il y eut une crise économique de caractère mondial que ce gouvernement dépassé et sans imagination s'est contenté et se contente toujours de regarder passer béatement, cette crise, autant nord-américaine que canadienne qui frappe plus fort encore au Québec que partout ailleurs et cette crise, celle des finances publiques, le plus beau gâchis administratif et financier qu'aucun autre régime au Québec n'eût pu produire, un déficit annuel de l'ordre de 3 000 000 000 $, produit par ceux-là mêmes qui, en 1975, dénonçaient un déficit trois fois moindre, M. le Président; un écart de taxation aux dépens du contribuable québécois de l'ordre de 20% par rapport à l'Ontario, y compris une ponction fiscale de 1 600 000 000 $ pour le seul exercice de 1982-1983; une croissance inconsidérée des dépenses à un rythme annuel supérieur, en moyenne, de quatre points à l'inflation. Et finalement cette crise, la pire entre toutes, celle qui fait perdre à toute société son sens véritable, soit la crise sociale que l'on nous demande de sanctionner aujourd'hui. Car le projet qui est à l'étude présentement équivaut carrément à un abandon pur et simple de responsabilités. Il signifie en clair l'aveu d'impuissance, d'inconséquence et d'irresponsabilité le plus clair jamais donné par un gouvernement du Québec. Il traduit la fin de toute possibilité pour ce gouvernement d'établir le consensus social nécessaire au développement du Québec. (20 h 20)

En ce moment, que devons-nous retenir de cette période qui, lorsque terminée, passera comme ayant été l'une des plus noires de notre histoire? La loi no 70, c'est la recherche de l'affrontement. En juin dernier, l'Opposition libérale a dénoncé les projets de loi no 70 et no 68 et a voté contre leur adoption. La loi no 70 demeure, malgré les allégements apportés, une mesure irresponsable, qui nie le principe même de la négociation. La loi no 70 demeure, malgré les allégements apportés, une mesure injuste pour une catégorie de citoyens, des employés de l'État, à qui l'on demande de payer seuls les dégâts de la politique financière du gouvernement. La loi no 70 demeure, malgré les allégements apportés, une mesure arbitraire en ce qu'elle constitue le reniement pur et simple de la signature du gouvernement et la modification unilatérale des conditions de travail de ses employés.

L'obstination du gouvernement à s'accrocher à sa loi 70 ou à la maintenir dans sa forme originale, récupération et coupures de salaires, devait mener tout droit à un affrontement, ce qui est maintenant fait, et à une crise sociale d'envergure dont le Québec ne peut certainement pas se payer le luxe, M. le Président.

La réduction de l'écart entre la rémunération des employés des secteurs public et privé est un principe souhaitable, mal engagé par le gouvernement, mal engagé au nom d'un élémentaire principe de justice et d'équité. L'Opposition libérale endosse pleinement l'idée d'une parité raisonnable entre la rémunération des travailleurs des secteurs public et privé. Un tel critère objectif de comparabilité exigeait, pour être applicable, que cela se fasse d'une manière responsable et civilisée, sur la base d'un accord commun entre les parties, d'une méthode rigoureuse et dans le cadre d'une démarche raisonnable dans la réduction des écarts.

Or, nous avons assisté à un débat stérile, qui portait non pas sur l'essentiel, c'est-à-dire la réduction des écarts, mais sur la crédibilité même de l'opération, de la mise en vigueur de la loi, le manque de rigueur de la méthode et la brutalité de la démarche. Une illustration de plus de l'irresponsabilité du gouvernement qui, dans un état de panique qui le caractérise, ne s'est absolument pas soucié de prendre les précautions préalables qui s'imposaient et qui a dû, finalement, retraiter sur cette question.

Nous sommes aussi aujourd'hui en face

de l'effritement du processus de négociation dans les secteurs publics et l'attitude du Parti québécois y contribue. Cette ronde de négociations mal engagée et mal menée par un gouvernement irresponsable n'est pas sans avoir des conséquences sur la signification même du processus de négociation dans les secteurs publics. Le droit pour les employés de l'État de négocier librement leurs conditions de travail est toujours reconnu dans nos lois.

Le gel des effectifs, les coupures passées, les nouvelles coupures qui s'annoncent, tout cela modifie en fait les conditions de travail des employés de l'État, et ces modifications sont unilatérales, sans participation aucune des travailleurs.

Le discours politique partisan du gouvernement, au sujet des conditions de travail des secteurs public et privé est exagéré. Pris à la lettre, ce discours et la propagande qui l'accompagne nient la part indéniable du syndicalisme à l'amélioration des conditions de travail, pour les bas salariés surtout. Étonnant discours, M. le Président, pour un gouvernement péquiste social-démocrate. Pour la première fois, l'idée même d'une masse salariale globale non négociable est imposée sans que l'on sache s'il s'agit d'une volonté politique véritable ou le simple fruit de la pression des événements. Les lois 68 et 70 viennent établir le précédent d'une modification unilatérale des termes d'une convention collective en vigueur. Nulle part ailleurs en société démocratique pareille chose ne s'est produite.

La complexité des structures de négociation et le maintien de leur centralisation à outrance ont encore une fois accru les tensions déjà vivement ressenties, et une nouvelle fois, les machines gouvernementales et syndicales se sont heurtées brutalement. Ce sont là des choses sur lesquelles il importe de réfléchir et qu'il faut garder à l'esprit dans les attitudes que l'on prend de part et d'autre en ce moment. Car cet ensemble de choses va nécessairement mener à une réévaluation en profondeur des relations du travail dans les secteurs public et parapublic. Existe-t-il une solution différente? Y avait-il une manière de procéder dans cette négociation sans qu'on se trouve ici aujourd'hui obligé d'adopter cette loi d'exception? Certes oui, parce que s'il n'y avait pas 521 000 000 $ que la signature du gouvernement garantissait aux employés de l'État, n'eut été l'exigence des banquiers new-yorkais inquiets de l'ampleur des déficits accumulés et du volume des emprunts, il n'y aurait pas eu la proposition de désespoir d'avril 1982, non plus que la loi 70. Il y aurait vraisemblablement eu le respect des conventions signées et, dans les conditions économiques présentes, des offres salariales à un taux de croissance faible ou un gel modulé, la possibilité d'adopter une réduction graduelle des écarts de rémunération entre les secteurs public et privé et la disponibilité du temps nécessaire à la mise en place d'outils suffisants à la détermination des écarts publics et privés. Les négociations se seraient engagées sur de bien meilleures bases et se seraient très certainement terminées autrement.

Nous avons en effet la conviction que les employés de l'État sont prêts à faire leur part pour permettre au Québec de passer honorablement à travers la crise. Nous sommes convaincus du sens des responsabilités des travailleurs des secteurs public et parapublic. Ils l'ont d'ailleurs prouvé en acceptant et en étant toujours prêts à s'imposer un gel salarial. Mais rien de tout cela n'a pu se produire, simplement à cause de l'invraisemblable irresponsabilité de la gestion financière du gouvernement depuis avant le référendum, depuis avant l'élection générale et depuis ce temps.

M. le Président, on est tenté de rapporter bien des choses qui nous ont été dites par les membres de l'équipe ministérielle lorsqu'ils étaient en dehors du pouvoir ou avant la prise du pouvoir. J'ai passé outre ces citations, pour terminer en vous disant que le gouvernement a encore exigé de sa députation une opération "renflouage du portefeuille du ministre des Finances". Le gouvernement a fait comme il a fait dans bien d'autres situations. Il a pressé le bouton panique. On emprunte aujourd'hui aux enfants la terre qu'ils habiteront demain. J'espère que demain, ces enfants sur cette terre qu'ils habiteront après nous, auront au moins droit à une paix sociale que l'on met maintenant en péril. Ils auront surtout droit à ce moment à demander des comptes à ceux qui aujourd'hui posent des gestes irresponsables qui peuvent avoir des conséquences irrémédiables. La mise en péril du climat social du Québec pour 521 000 000 $, je regrette, comme membre de cette Chambre, je ne puis l'accepter.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre délégué à l'Aménagement.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, collègues parlementaires, citoyens et citoyennes qui nous écoutez, je tiens à dire au préalable que ce n'est sûrement pas de gaieté de coeur qu'il faut aborder un projet de loi comme celui-là. Plusieurs d'entre les nôtres l'ont abordé. On est à l'heure de choix difficiles, de choix fondamentaux. Ce qui m'importe le plus et ce qui est le plus important, je

pense, c'est d'expliquer pourquoi il en est ainsi. Depuis plusieurs heures, on a assisté à toutes sortes de considérations, à toutes sortes de lectures sur les événements qui nous ont amenés à discuter de cette loi. Il n'est pas facile, dans un processus de négociation publique et parapublique, de pouvoir en arriver à une entente suivant les règles que tout le monde connaît, suivant les habitudes traditionnelles. (20 h 30).

Je pense qu'il est tout à fait important que chacun d'entre nous soit convaincu que lorsqu'un gouvernement, quel qu'il soit - pour l'instant, c'est le gouvernement du Parti québécois - est obligé d'arriver à une telle loi, c'est qu'il y a des difficultés quelque part et il est important d'essayer au moins d'expliquer aux citoyens et citoyennes du Québec pourquoi il en est ainsi.

Contrairement à ce qu'on pourrait laisser voir, je pense, M. le Président, que la loi 105 est une loi difficile, j'en conviens, c'est une loi qui exige du gouvernement du Québec de prendre ses responsabilités, mais il y a plusieurs analystes qui conviennent d'une certaine façon que, compte tenu des objectifs qu'un gouvernement peut avoir dans une période difficile comme celle que nous vivons et compte tenu des objectifs traditionnels que les syndiqués peuvent avoir, il se pouvait qu'effectivement nous soyons obligés de poser le geste que nous sommes en train de discuter.

À cet effet, je voudrais juste illustrer que ce n'est pas aussi surprenant que cela puisque, dans une publication, ici, et le titre me faisait rire, parce qu'on disait: Version modifiée d'un document de la CSN, mais publié par la CEQ, mais même si le titre me faisait rire, il n'en demeure pas moins que le contenu est très intéressant par rapport aux propos que nous devons tenir ce soir. On y disait ceci: "Le dépôt des offres salariales -c'est la Centrale de l'enseignement du Québec qui parle - est dans la lignée de la stratégie gouvernementale depuis maintenant plus d'un an. Rappelons-nous les événements suivants - je voudrais juste attirer l'attention des parlementaires sur les événements qu'on relate dans une publication de la CEQ - la demande de René Lévesque de renoncer à l'enrichissement prévu pour le 1er juillet 1982... " C'était en décembre 1981, c'est important qu'on fasse attention à ce que je viens de relater puisque je prétends que diriger, c'est prévoir, et on a laissé voir que c'est en catastrophe, d'une façon un petit peu hypocrite, sans avoir respecté aucune règle, qu'après quinze jours de véritable négociation, nous arrivons avec une loi comme la loi 105, alors qu'eux-mêmes, dans leur publication, disaient que le premier ministre du Québec avait indiqué - en décembre 1981, compte tenu des événements - et j'y reviendrai tantôt - que c'était peut- être important de commencer à penser que le renouvellement des contrats collectifs ne pourrait sûrement pas se faire avec les mêmes exigences, avec les mêmes contenus de bonification que si on était en dehors d'un contexte de crise difficile.

Le deuxième élément qu'il est important de relater, assez succintement quand même, c'est que, toujours dans la même publication, on disait ceci: "La proposition du 15 avril 1982, visant à réduire de plus de la moitié les augmentations de salaire prévues pour le 1er juillet 1982 et le 31 décembre de la même année... "

C'est là le scénario d'une publication de la CEQ.

Si on y regarde pendant quelques minutes, cela signifie que ces gens-là étaient conscients qu'il y avait eu une proposition le 15 avril 1982 et une proposition qui était faite d'une façon beaucoup plus souple et beaucoup plus naturelle, dans un contexte où, effectivement, il est important d'avoir des relations franches et ouvertes avec nos porte-parole. Qu'est-ce qu'on disait exactement dans cette proposition comme gouvernement, pour un gouvernement, selon certains de nos amis d'en face, irresponsable, matraqueur, qui ne voulait avoir aucune considération pour ses employés et qui, selon certains... c'est le perroquet criard de Brome-Missisquoi qui a même eu le culot de dire ce qui suit.

Une voix: C'est un menteur, c'est un "bluffeur":

M. Gendron: II disait que nous parlions de nos employés en disant: "Ces enfants gâtés du système. " Oui, cela a été dit, je le déplore et je vais préciser ce que je déplore.

Quand on a parlé de "ces enfants gâtés du système", c'était en comparaison avec le système privé. Mais on nous a fait dire et ajouter que ces gens-là, on les trouvait particulièrement dans la fonction publique et que c'étaient des gens qui étaient grassement payés à ne rien faire. On a prétendu qu'on avait discrédité ces gens et qu'on voulait faire porter la responsabilité de la situation difficile du Québec, tant pour ses finances que pour la crise économique, aux travailleurs des secteurs public, péripublic et parapublic. Jamais, M. le Président. Le député de Brome-Missisquoi est allé jusqu'à dire qu'on disait que c'étaient des "pourris". Je le cite: "Ce sont des pourris; il faut les mettre au pas et c'est cela que le PQ va faire. C'est le premier argument; c'est la première thèse péquiste. " Il faut être vraiment rendu passablement bas, pour agir d'une façon aussi démagogique; mais, quand on connaît le député de Brome-Missisquoi, la démagogie, cela le connaît. Ce qu'il y avait de curieux, c'est qu'au moment où il disait cela, un de ses collègues, sans être inscrit

au feuilleton, disait: Attendez un peu; vous n'avez rien vu; je n'ai pas parlé. C'est un collègue du Parti libéral qui parlait ainsi.

Une voix: II n'a pas encore parlé, lui.

M. Gendron: II n'a pas encore parlé. Vous allez l'entendre tantôt.

Une voix: Cela va être beau!

M. Gendron: Tout cela pour vous dire, M. le Président, que, le 15 avril 1982, on a fait une proposition d'un gel modulé, parce que cela fait bien moins mal - tout le monde est capable de comprendre cela -dans un contexte de crise difficile, de dire au personnel syndiqué: Accepteriez-vous de ne pas toucher à ce qui s'en vient, dans un contexte de partage de la richesse, dans un contexte de meilleur équilibre. Nous parlions d'un contexte où, tous les jours, de toute façon, nous avions sous les yeux des exemples d'ouverture de conventions collectives, de contrats de travail dans le secteur privé où des entreprises discutaient avec les travailleurs en leur disant: Cela fait un an, un an et demi; vous n'êtes pas des extra-terrestres; vous vivez des situations difficiles en termes d'emploi, en termes de chômage. Chacun d'entre nous - on l'a dit combien de fois - était conscient qu'un ou l'autre des membres de nos familles, un cousin, un parent, un frère, une soeur, était en difficulté. Les gens du monde syndical avaient également des parents ou des amis dans cette même situation. Quand on a fait l'offre du gel modulé, on a dit aux dirigeants syndicaux: Ce serait important d'accepter de ne pas prendre ce que vous devriez toucher le 1er juillet prochain. C'est cela qu'on a dit à l'offre du gel modulé du mois d'avril.

C'est facile, aujourd'hui, de nous dire que c'est une loi inique - je parle de la loi no 70 pour l'instant - que c'est une loi sans précédent, comme on n'en avait jamais vu que d'aller récupérer des sommes que des citoyens avaient gagnées. On s'est fait dire: Comment se fait-il que vous n'avez pas fait d'ouvertures? Ils se sont dits d'accord pour le gel des salaires en 1983. C'est trop facile, M. le Président, après avoir pris 14% et 15% dans un contexte où la richesse collective était inférieure de 6%. Il y a eu une perte de la richesse collective de 6% après en avoir pris 14%. Est-ce que vous pourriez accepter le gel pour 1983, alors que, durant cette même période, tout le monde devra faire des efforts et des sacrifices?

C'est de cette façon qu'on a relaté les événements dans la publication gouvernementale. On continuait ainsi: Le refus du gouvernement de négocier tel que le proposent les centrales syndicales le 10 mai 1982... M. le Président, le 10 mai 1982, quand on a eu une réponse de la centrale syndicale avec ses considérations relativement à l'offre du gel modulé que nous avions déposée, tout le monde se le rappelle, on n'a pas pris cela au sérieux. On a dit: Vous ne ferez pas cela; voir si un gouvernement comme le nôtre poserait un tel geste. Même si on avait beau expliquer qu'on n'était plus dans un contexte où on pouvait se permettre des fanfaronnades et ne pas avoir ce qu'on appelle des considérations sérieuses, ce n'était pas cela le contexte. Qu'est-ce qu'on nous a prêché? Le discours syndical. Au nom du discours syndical, je viens de l'entendre dire par Mme la députée de Chomedey, une signature, on respecte cela; il est impensable d'ouvrir une convention collective, quel que soit le contexte.

Une voix: On ne l'ouvre pas. (20 h 40)

M. Gendron: J'ai également fait du syndicalisme. Je suis de ce milieu. Je ne regrette pas du tout ce que j'ai fait. J'ai dit moi-même qu'une convention, on respecte cela. Mais, au moment où je le disais, je ne vivais pas, nous ne vivions pas et les citoyens et les citoyennes du Québec ne vivaient pas - ce que je n'ai jamais vécu car, personnellement, je n'ai que 38 ans - la pire crise qu'on ait jamais vue dans la société québécoise. Au même moment où je disais qu'une convention collective, ça ne s'ouvre pas, je n'avais pas sous les yeux des exemples comme Chrysler, Ford, Forano, qui ont ouvert leur convention collective. On pourrait en citer de multiples dans le secteur privé qui l'ont fait justement au nom de la crise, au nom de ce qui se passait. Ce n'est pas théorique, c'est pratique.

J'ai eu l'occasion de rencontrer des syndiqués, des collègues de l'enseignement, particulièrement, de l'Abitibi-Témiscamingue et ceux de ma région dans une réunion où, il y a trois semaines, on a fait venir le négociateur de la table sectorielle des enseignants, M. Bisaillon. J'ai expliqué que je trouvais que la récupération que nous nous devions de faire, oui, était difficile, oui, était dure, oui, nous étions en demande partout. Il faut être honnête et il faut expliquer a ceux qui sont touchés, aux travailleurs des secteurs public et parapublic, de même qu'à toute la population, pourquoi c'est comme cela. Est-ce comme cela uniquement parce qu'on a été un gouvernement imprévoyant? Est-ce comme cela uniquement parce qu'on a été un gouvernement irresponsable comme tentait de le laisser croire le député de Jean-Talon?

Le député de Jean-Talon disait ceci et je le cite au texte: "C'est depuis 1978 que les finances publiques sont dans un état lamentable. " Je le cite au texte, c'est le député de Jean-Talon qui disait cela. Il dit: "Non seulement les finances publiques sont

lamentables depuis 1978, mais, quand vous arrivez avec votre comparaison du secteur privé et du secteur public, vous avez tellement massacré le secteur privé, vous ne vous êtes tellement pas préoccupés du secteur privé que c'est une comparaison qui est viciée. " C'était repris par le perroquet, le criard de Brome-Missisquoi, qui disait exactement la même chose.

Revenons à quelques faits concrets. On parlait de l'état lamentable des finances publiques depuis 1978. Je me rappelle, entre autres, un commentaire du ministre ontarien M. D'Arcy McKeough. J'aime autant croire M. D'Arcy McKeough, le ministre des Finances ontarien d'alors, que n'importe quel perroquet d'en face. Il disait que les finances du gouvernement du Québec ont été contrôlées sainement. On parlait d'un taux de croissance, pour ces années, supérieur à celui de l'Ontario. Le 13 avril 1981, toute une population du Québec, que nos amis d'en face considèrent sûrement comme très irresponsable, a reconduit au pouvoir un gouvernement qui, jusqu'alors, avait ses torts, parce qu'on n'est pas parfait et, dans certains secteurs, on n'a pas réalisé les choses qu'on voulait réaliser, mais ce n'est pas le moment, sur une discussion aussi importante, de faire le procès de six années d'administration d'un gouvernement.

Le public a eu l'occasion, à l'élection de 1981, de porter un jugement sur la gestion du gouvernement du Parti québécois et, dans l'ensemble, qu'est-ce qui est arrivé en avril 1981? On a reporté cette équipe au pouvoir parce qu'on avait eu une performance normale et même très encourageante dans plusieurs secteurs. Partant de là, il se passe quoi, après? On n'est pas aussitôt reporté au pouvoir qu'il arrive ce que vous savez. Ce que vous savez, c'est la crise sans précédent. Bien sûr, on peut avoir notre part de responsabilité, on peut avoir une petite part de responsabilité. J'entendais le député de Jean-Talon dire que les Québécois sont capables de plus que cela, qu'ils n'ont pas besoin d'une loi dure, d'une loi matraque comme cela, les syndiqués non plus, qu'il ne s'agit que d'avoir une volonté politique pour améliorer la situation de l'économie du Québec. C'est ce que j'entendais, comme si la question des taux d'intérêt de fous qu'on a connus à l'automne 1981, de 24% ou de 25%, c'était une question de volonté politique. Comme si les problèmes sur le marché de l'acier, c'était une question de volonté politique de notre gouvernement. Comme si le problème du marché du bois, c'était une question de volonté politique de notre gouvernement. Les prix des mines et métaux, etc. Voyons donc! La population n'est pas dupe. Les citoyens et les citoyennes du Québec sont conscients qu'on est dans une période difficile et, quand tu es dans une période difficile, tu es obligé de faire des choix que tu ne fais presque jamais. La loi 70, c'était pour cela, pour éviter de faire un choix draconien de récupération parce que c'est toujours très difficile de faire de la récupération.

Je comprends, par contre, les enseignants particulièrement parce que j'ai oeuvré dans ce milieu et ce n'est pas facile d'accepter de se faire "clencher" - il n'y a pas d'autre expression - on les "clenche" au niveau salarial, on les "clenche" sur le plan de la sécurité d'emploi un peu et également sur la tâche. J'ai mentionné tantôt que ce qui importe, c'est d'expliquer et d'essayer de faire partager, les raisons qui ont fait que le gouvernement du Québec est obligé aujourd'hui de prendre les décisions qui s'imposent. J'aimerais cela qu'on puisse regarder cela dans quelques minutes. Si on regarde, par exemple, au niveau de la tâche, la toile de fond sur laquelle les offres patronales actuelles ont été faites est d'abord et avant tout constituée par le cadre financier, le contexte économique et également les comparaisons avec d'autres marchés.

Il y a un deuxième élément que personne n'a cité parce qu'on n'a pas parlé beaucoup de contenu dans le débat. L'autre élément, c'est qu'il y a eu des travaux par plusieurs comités sur ce qu'on appelle la tâche à l'élémentaire et au secondaire particulièrement dans le Québec et ces travaux ont conclu à certaines considérations qui disaient que la tâche des enseignants à l'élémentaire et au secondaire, au Québec, est, d'une part, plus faible qu'ailleurs, beaucoup plus faible. En plus, c'est une charge de travail très normalisée, très balisée. On a même parlé, à un moment donné, qu'on avait une espèce de modèle industriel minuté, fragmenté très difficilement conciliable par rapport à un certain besoin de souplesse, une certaine adaptation par rapport au milieu. À ce niveau, j'aimerais juste procéder à quelques comparaisons parce que c'est important, à un moment donné, d'expliquer lorsqu'on dit que la charge de travail en est une plus faible que partout ailleurs, ici, j'ai un document, M. le Président, où on a fait un relevé de plusieurs bonnes conventions collectives dans les États américains, entre autres, et dans le reste du Canada où on dit ceci: Quel que soit le point de comparaison, que ce soit les heures de cours, le nombre d'heures de présence à l'école, la disponibilité, le nombre moyen d'élèves par groupe, l'indice comparatif global, peu importe, l'écart a toujours joué entre 13% et 40%, partout ailleurs dans le reste du Canada et aux États-Unis, supérieur à ce qui se passe ici au Québec.

Dans ce sens, je pense que cela peut se comprendre, compte tenu des difficultés que nous avons, qu'on soit en mesure de dire aux

syndiqués, particulièrement de l'enseignement à l'élémentaire et au secondaire, il va falloir faire un effort supplémentaire. Pas parce qu'on ne les aime pas. Pas parce qu'on prétend qu'ils sont des ci et des ça et qu'ils ne font pas leur part, mais parce qu'il est tout à fait important que nous puissions, dans un contexte très serré, apporter des correctifs dans des bases de conventions collectives qui, de toute façon comme cela a été dit par plusieurs, ont toujours des références budgétaires. Parce qu'ils ont toujours des références budgétaires, dans un contexte où il faut partager différemment et que lorsque le gâteau ne grossit pas, immanquablement, cela veut dire récupérer et, dans ce sens, il s'agit bel et bien de récupération. Moi, je pense qu'il faut être honnête et dire les choses telles qu'elles sont.

Je pense que, dans l'ensemble, le gouvernement du Québec est conscient qu'il a pris un risque avec une loi comme celle que nous discutons, mais un risque qui, si on a l'occasion d'expliquer aux citoyens et aux citoyennes du Québec, que quand on va faire plus pour des gens qui, depuis presque une armée, vivent des situations de chômage, des situations de fermeture, des situations très démobilisantes en termes de perspectives d'avenir, il n'y a pas 56 solutions et c'est dans ce sens, M. le Président, que non seulement les travailleurs des secteurs public et parapublic vont comprendre les objectifs du gouvernement du Québec, mais je suis certain que la population du Québec et l'ensemble des gens plus particulièrement touchés dans la crise vont tout mettre en oeuvre pour qu'effectivement on puisse franchir cette étape et comme gouvernement, essayer d'assumer plus et mieux les engagements qui sont nécessaires pour aller de l'avant. Merci. (20 h 50)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Chapleau.

M. John Kehoe

M. Kehoe: Mr. Speaker, before entering into the discussion of the main theme of this bill 105, I would like to make just a few general observations of the debate up until this time. We have just heard the Minister, le ministre de l'Aménagement, speaking on this bill. Both him and last night the Minister of Revenue almost tore their clothes in public, decrying their obligation to have to proceed with such a dramatic, drastic and brutal measure as bill 105. The other Members of Parliament, the other deputies of the Parti québécois who, in the most part, are ex-union members, are ex-professors, have done the same thing. It is absolutely amazing, it baffles the mind, to hear the arguments that they bring forth in order to justify this measure that the Government has taken at this time. There is no question, there is no question at all they are passsing through brutal and difficult times; the international, the national and the provincial economic situation is dramatic. But the fact remains that if somebody gives me a punch in the face, it is going to hurt and this is exactly what we are getting with this bill 105. One of my colleagues, yesterday, said the procedure taken by the Government in this bill 105 reminded him of the story of the orphan boy who was brought up in front of the juvenile delinquant court. He had been charged with having murdered his father and mother and he asked the judge for mercy because he was an orphan. It is about the same way that they are proceeding with in their argument in this case. We heard Mr. Lévesque this afternoon. Mr. Lévesque, as we know, is one of the best communicators, one of the best public speakers we have in Canada and it is a great credit to this Parliament that we have a person of such ability, but as Lincoln once said, you can fool some of the people some of the time, but not all of the people all of the time. Mr. Lévesque, you cannot fool the people of the province of Québec any more. They are listening not only to what you are saying, but how you are saying it and what you are doing in particular. We are fed up with this demagogy, the way you are talking, your beautiful language and your beautiful promises, and yet you come up with this type of a law. Mr. Lévesque, your time is over. The cards are down. You are at the cross-road of your career. There is no going back and I am sure that this bill 105 is going to be your Waterloo.

Le Vice-Président (M. Jolivet): J'ai de la part du député de Vachon une question de... ? Je m'excuse. M. le député, est-ce une question de règlement ou...

M. Payne: Je voudrais invoquer le règlement pour que le député en face se réfère au premier ministre par son titre plutôt que par son nom.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ce ne sera pas long, je vais vous donner la parole, M. le député. Je voudrais simplement rappeler qu'à plusieurs occasions, quelques députés oublient que le règlement exige qu'on nomme la personne par son titre, soit de ministre ou de député. Je voudrais simplement vous le rappeler. M. le député de Chapleau, vous avez la parole.

M. Kehoe: Premier Lévesque, the Prime Minister, has weaken the province of Québec by a number of procedures that he has taken. Principalement, mais pas seulement

par l'achat de la compagnie Asbestos, durant la période de crise que nous traversons actuellement; on sait qu'on n'a pas d'argent. Il y a des coupures dans les affaires sociales. Il y a des lits d'hôpitaux. Il y a des gens qui attendent dans les corridors pour avoir un lit d'hôpital. Il y a des gens dans le réseau des affaires sociales qui n'ont pas les soins requis. Pendant ce temps, on dépense un montant de 100 000 000 $ pour acheter la compagnie Asbestos, 100 000 000 $ l'année dernière. Ce n'est pas encore dépensé complètement, mais c'est à la limite. Lorsque le plein montant sera dépensé... l'engagement est fait, c'est un montant de 100 000 000 $ qui est engagé pour l'achat de cette compagnie. Jusqu'à maintenant, je tiens à souligner que le déficit pour les neuf premiers mois d'exploitation, de janvier au mois de septembre, est de 6 500 000 $. L'an passé, pour la même période, la compagnie qui était propriété privée a fait un profit de 2 500 000 $. Je comprends que les temps sont difficiles, mais lorsqu'on a acheté la compagnie Asbestos, on savait qu'il y avait des dangers quant à l'utilisation des produits, on savait que plusieurs pays avaient refusé d'employer ce matériau dans la construction des édifices et des maisons. Malgré tous les conseils qu'on a reçus, on a procédé à l'achat. J'ai posé la question au premier ministre: Est-il encore satisfait de l'achat de cette compagnie? Nécessairement, la réponse a été: oui. C'est une promesse électorale qui a été faite par des ministres et par des députés. Il n'y aura pas de mises à pied, il n'y aura pas de fermeture d'usine, à la suite de l'achat de la compagnie Asbestos. C'est justement le contraire qui est arrivé depuis ce temps.

M. le Président, SIDBEC est une autre gaffe monumentale, certainement pas uniquement du Parti québécois, parce que ce fut commencé par les libéraux, poursuivi par l'Union Nationale, et maintenant par le Parti québécois. Mais où on blâme sévèrement le Parti québécois - justement un de nos collègues l'a dit dans son discours - c'est de ne pas avoir négocié, en 1978-1979, lorsque c'était vraiment le temps de faire une entente de bon sens avec ses autres partenaires pour, soit se débarrasser de SIDBEC-Normines, soit s'entendre pour faire en sorte que les pertes ne soient pas aussi élevées que celles qu'on a aujourd'hui. Mais non, les membres du parti étaient intéressés dans autre chose, intéressés à vanter leur option d'indépendance, ils avaient un but objectif seulement. À ce moment-là, ils ont complètement oublié l'administration de la province de Québec, ils ont plus spécifiquement oublié l'administration de SIDBEC avec les conséquences que, aujourd'hui, lors de la commission parlementaire qui s'est tenue la semaine dernière, nous avons découvert que le déficit de cette année, pour SIDBEC, va dépasser les 150 000 000 $.

Parlons un peu de Québecair. On a posé des questions au premier ministre et au ministre des Transports. Cela les provoque, cela les choque, ils ne veulent pas nous répondre. Mais il reste tout de même que le journal La Presse a divulgué le montant approximatif investi jusqu'à maintenant dans la compagnie. Cela varie, selon les chiffres, entre 50 000 000 $ et 60 000 000 $ échelonnés sur une courte période de temps. Qu'est-ce que cela a donné aux Québécois? Est-ce que cela va continuer à desservir des endroits éloignés? Est-ce que cela va sauver les emplois des employés de Québecair? On sait actuellement - le ministre des Transports l'a confirmé, ici, en Chambre -que Québecair va fermer ses portes, va faire faillite s'il n'obtient pas une aide du fédéral. Voilà un autre exemple de l'administration de ce parti.

M. le Président, depuis 1976, le Parti québécois a négocié à plusieurs reprises avec ses employés. Cela m'amène justement au but du projet de loi no 105 dont on parle ce soir. En 1976, juste après l'élection, alors que les libéraux ont été défaits, les beaux péquistes arrivent au pouvoir. Un tas de procédures légales avaient déjà été intentées contre les grévistes qui s'étaient rendus coupables d'illégalités. Qu'est-ce que le gouvernement a fait, il a tout pardonné et a dit: Venez avec nous, nous avons un préjudice favorable pour vous, venez avec nous, tous ensemble on va construire un Québec fort. Cela a commencé ainsi en 1976. En 1979-1980, il y a eu des négociations dans les secteurs public et parapublic pour les fonctionnaires. Le ministre des Finances a déclaré que les négociations étaient très faciles. C'est vrai, il a tout donné. Comme les fonctionnaires étaient heureux à ce moment! Ils ont dit: Voilà un bon gouvernement, on demande n'importe quoi et il nous l'accorde tout de suite. (21 heures)

C'était évident, par contre, que le référendum s'en venait. Les péquistes étaient intéressés à tout donner pour acheter, pour gagner le référendum. Encore une fois, le bon sens du peuple de la province de Québec était là. Il a dit non à votre référendum, à votre question de souveraineté-association. Il a dit non à 60%. Si cela avait été une question strictement comme celle-ci: Voulez-vous l'indépendance, oui ou non, le résultat aurait été de beaucoup plus que 60%.

En 1981, encore une fois, une élection s'en venait, il y a eu des négociations. En 1980-1981, les négociations n'ont pas été difficiles. Il n'y a pas eu de projet de loi no 70, il n'y a pas eu de projet de loi no 105, il n'y a pas eu de projet de loi no 68. Encore une fois, on avait besoin de gagner

l'élection du 13 avril 1981. Les négociations ont été faciles. On a tout donné encore une fois. Dans la réseau de l'éducation, on a donné la garantie d'emploi. Les salaires étaient quinze fois plus élevés dans l'ensemble du secteur public que dans le secteur privé.

Arrive le budget de mars 1981, il n'y a eu aucune hausse de taxes, nécessairement. Un mois après, il y avait des élections. Le ministre des Finances a préparé un budget en catastrophe, le premier ministre l'a dit par la suite. Il n'y a pas eu de hausse des taxes, tout le monde est resté à peu près à la même chose, on se préparait pour l'élection. Immédiatement après l'élection, on est revenu à la réalité. On a su à ce moment-là l'envergure du déficit. C'est la première fois dans l'histoire politique de la province de Québec qu'un ministre des Finances a été obligé de présenter un deuxième budget la même année, soit au mois de novembre 1981. Ce qui nous a donné le vrai coup de masse, c'est la hausse de 100% de la taxe sur l'essence, un bien essentiel, un bien dont tous les Québécois ont besoin pour gagner leur vie, et une hausse des tarifs à HydroQuébec.

Sans le budget en mai 1982, un déficit accru encore une fois, le déficit était rendu à un montant que les financiers de Wall Street ne permettaient pas. Il fallait absolument faire quelque chose. On ne pouvait pas laisser le déficit dépasser 3 300 000 000 $, 1 000 000 000 $, je m'excuse. Encore une fois, hausse de taxe, augmentation du péage sur les autoroutes, qui est passé de 0, 25 $ à 0, 50 $, soit une hausse de 100%. Quand on pense aux travailleurs de Laval qui sont obligés de travailler à Montréal et de passer au moins à quatre postes de péage pour se rendre et à quatre pour s'en retourner tous les jours, on sait combien cela leur coûte. Durant l'été, il y a eu des négociations entre le gouvernement et le secteur public. Cela n'a mené à absolument rien. Pour quelle raison? C'est bien évident. C'est la loi no 70, le bill matraque qu'on amène. M. Louis Laberge qui, comme vous le savez tous, a des tendances péquistes, c'est un ami du premier ministre, a dit - je me souviens, c'était en commission parlementaire - clairement: Le revolver est sur la table. Si vous ne donnez pas les 521 000 000 $, on va aller les chercher. Est-ce une manière de négocier sérieusement avec vos employés? Vous dites: Si vous ne nous les donnez pas, on va aller vous les chercher. Oublions le contrat qu'on a signé, la convention collective.

Comme vous le savez, la loi dit que quand une convention collective est signée et qu'il n'y a pas une entente pour la fin de cette convention collective, elle est reconduite jusqu'à ce que les parties s'entendent. Ce n'est pas cela que le premier ministre a fait. Ce n'est pas cela que le Parti québécois a fait. Il a dit sommairement et brutalement: À partir du 1er janvier, il y a un "rollback" des salaires des employés de la fonction publique et du secteur parapublic pour un montant de 521 000 000 $. C'est un "rollback" de 20%, dans quelques cas, et qui descendra jusqu'à 5% dans d'autres.

Je soumets respectueusement que ce n'est pas une manière de négocier avec nos employés. Les projets de loi no 70 et 105 sont bien similaires. L'un est la suite naturelle et normale de l'autre. Le gouvernement savait très bien, en adoptant le projet de loi no 70, qu'à toutes fins utiles il mettait fin à toute négociation sérieuse possible avec ses employés. Ils ont gâché un défi. Ils ont dit: C'est ça ou rien, c'est ça ou on procède par décret. À ce moment-là, il n'y avait pas de négociations possibles.

À partir de juin, lorsque le projet de loi no 70 a été déposé, jusqu'au décret déposé maintenant les négociations étaient des exercices de futilité. Les syndicats connaissaient d'avance la position du gouvernement. Le gouvernement conaissait la position des syndicats. Les négociations étaient, comme on dit en anglais, du "shadow boxing. Going through the motions. " On tentait de montrer au public que quelque chose se faisait, alors qu'il n'y avait absolument rien. Le gouvernement ne cédait absolument rien pour tenter d'en arriver à une entente.

No, ladies and gentlemen, this Bill is not accepted either by the public, by the Liberals or by 18 Members of the Government. 18 Members of the Government were absent yesterday when the vote was taken. We have a list of them all here. Most of them are involved in union work, in teacher's work or other work.

Une voix: Ce n'est pas vrai.

M. Kehoe: Ce n'est pas vrai? Mrs Harel, was she here yesterday? Les autres membres qui étaient absents hier... Un des ministres a soulevé une question de privilège pour expliquer. J'ai hâte de voir, lorsque le vote se fera demain, combien de députés, combien de ministres se lèveront pour voter pour? J'ai mes doutes. S'il y en a qui se réveillent demain et prennent conscience intérieurement...

Hier, le ministre du Revenu m'a presque fait pleurer avec son témoignage, à savoir comment il trouvait ça dur, comment c'était difficile, comment... Franchement, s'il avait parlé deux minutes de plus, tout le monde en Chambre aurait pleuré.

Je me demande si ces pleurs, ces larmes le garderont assis, demain, quand nous voterons. Nous verrons s'ils sont sincères. On verra s'ils sont des machines à voter. On verra s'ils se boucheront le nez pour voter

cette loi odieuse. Cette loi, j'en suis sûr, si ce n'était pas de l'espoir qu'un des "backbenchers" soit nommé ministre, ils voteraient contre.

Combien y en a-t-il parmi vous autres qui, durant les années d'activité à l'intérieur des syndicats, avez dit exactement ce qu'on dit aujourd'hui? Ils ont pris exactement la même position que M. Louis Laberge a prise, ils ont fait exactement les mêmes revendications que les syndicats. Demain, parce que votre chef vous demande, vous ordonne de voter d'une certaine manière, vous mettrez de côté toutes vos tendances, votre passé, vous oublierez tout ça, vous fermerez les yeux, vous vous boucherez les oreilles et vous voterez pour cette loi? Je ne comprends plus rien, M. le Président.

En terminant, permettez-moi de dire que les autres membres de ma formation politique et moi-même ne considérons pas que c'est une urgence pour la société de la province de Québec, comme l'a dit M. Parizeau. Où est l'urgence? Il n'y a pas de grève pour le moment. La possibilité de négocier est encore là. J'ai entendu M. Louis Laberge à la télévision, ce soir, dire que les syndicats sont ouverts à la négociation. Soumettons des propositions, retirons le projet de loi matraque no 70 qui est l'empêchement le plus important à des négociations sérieuses. Enlevez cette loi-là. Ils sont prêts à retourner, demain matin, à la table des négociations. Ils sont prêts à faire certaines concessions. Mais il faut absolument que le gouvernement, de son côté, soit prêt à faire la même chose. (21 h 10)

On insiste pour que le déficit ne dépasse pas 3 300 000 000 $. Ce n'est pas coulé dans le ciment. Il y a d'autres façons de procéder que de nous passer sur le corps, comme on a fait à d'autres occasions, que de nous présenter une loi de censure. Au cours de la présente session, c'est la troisième loi semblable que le gouvernement a été obligé d'adopter. Depuis les six dernières années qu'ils sont au pouvoir, ils ont été obligés d'adopter huit lois semblables pour forcer certains travailleurs de différentes parties de notre société à se soumettre à leur volonté. Mais nous, les libéraux, on va se tenir debout et on ne votera pas pour le projet de loi no 105, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: M. le Président, ce gouvernement du Parti québécois apparaît, depuis quelque temps, particulièrement aujourd'hui, dangereusement loin de la réalité, loin des responsabilités. Il est complètement déboussolé. II est pris au piège de son propre entêtement maladif. Il poursuit, inconscient des conséquences, une politique aux couleurs de l'imposition empreinte d'une volonté de plus en plus manifeste d'écraser, de décréter plutôt que de négocier.

Les travailleurs du Québec ne sont pas seuls à réclamer de ce gouvernement du Parti québécois qu'il accepte la véritable négociation. Toute personne, tout individu qui respecte la démocratie l'exige. L'ensemble des Québécois demande à ce gouvernement qu'il abandonne enfin son exercice solitaire de possession tranquille d'une vérité absolue, qu'il se retrouve à peu près seul à proclamer. Après avoir fermé toutes les portes, il ne lui reste plus aujourd'hui que la voie de la dictature, la voie de politiques et d'actions d'une république de banane. C'est sa façon d'agir, M. le Président.

C'est seulement dans des républiques de banane qu'on aurait eu le culot de présenter aux parlementaires deux lois comme les suivantes dans la même semaine: d'abord, le projet de loi no 105 et, ensuite, le projet de loi no 90. Le projet de loi no 90, entre autres, prévoit une augmentation de salaire des députés. On entend les ténors de l'autre côté dire qu'on est dans une situation de crise, qu'il faut se serrer la ceinture. Pourtant, M. le Président, on nous présente le projet de loi no 90 qui offre une augmentation considérable des salaires des députés. On en parlera la semaine prochaine, M. le Président. Le projet de loi no 105, celui que nous débattons présentement, ce n'est pas une augmentation qu'il prévoit. C'est une modification à la loi no 70 qui impose non seulement des coupures, mais des conditions de travail pour les prochaines années.

Depuis quelque temps, M. le Président, le ministre des Finances et le premier ministre semblent avoir perdu la mémoire, particulièrement lorsqu'on parle des 300 000 $ français qui sont peut-être - on ne le sait pas encore définitivement - allés dans les coffres du Parti québécois. Lorsqu'on parle de ces 300 000 $, leur mémoire est très courte. Je me suis aperçu également, en faisant certaines recherches, que le ministre des Finances commence, ces jours-ci, à avoir de la difficulté avec sa mémoire. Avant que M. Parizeau devienne ministre des Finances, il était quasiment un prophète. Il parlait de l'ancien gouvernement en disant: "Le gouvernement est aux abois. Mais alors, c'est sa gestion des affaires publiques qu'il devra défendre. S'il a tellement mal administré qu'il doit maintenant tripoter et voler une partie de sa main-d'oeuvre pour équilibrer ses comptes, il n'a pas raison d'être fier de sa performance. "

Je suis convaincu que M. Parizeau

parlait de lui-même. M. Parizeau, aujourd'hui ministre des Finances, était vraiment un prophète. Les paroles qu'il a prononcées en 1975 s'appliquent à la lettre aujourd'hui. C'est ce gouvernement qui est en train de voler, de tripoter les salaires des travailleurs et des travailleuses du secteur public. C'est aussi évident qu'ils le font car les finances ne sont pas tout à fait saines. On doit recourir à une récupération brutale d'au-delà de 500 000 000 $ chez les travailleurs et les travailleuses du secteur public.

Son prédécesseur n'a jamais renié sa signature, n'a jamais déchiré un contrat que son gouvernement avait signé. Lui, il savait calculer. Son prédécesseur, en 1975, avait un déficit de 300 000 000 $ et une dette nette de la province de 3 000 000 000 $. Ceci, il faut le préciser, à la suite d'expansions majeures et d'investissements très rentables dans nos ressources hydroélectriques. Scandale, criait alors M. Parizeau. C'était un vrai scandale, d'après M. Parizeau. Le ministre des Finances se félicite aujourd'hui d'avoir un déficit de 3 000 000 000 $ et d'avoir accumulé une dette nette de 18 000 000 000 $. Qui, d'après vous, a été le plus compétent? L'actuel ministre des Finances ou son prédécesseur? Vous concéderez avec moi que ce n'est certainement pas l'actuel ministre qui, un jour, est prophète, un autre jour, magicien, un jour, rêveur, un jour poète, mais jamais l'homme pratique et réaliste qu'il devrait être. Plus le temps passe, plus il devient évident qu'il devient incompétent. Il n'est pas responsable de la crise mondiale: II n'a rien à faire à cela; il n'a pas tellement d'influence sur la crise mondiale. Il n'a pas d'influence sur la crise américaine, non plus sur la crise canadienne. Mais il est le responsable de la crise actuelle dans la province de Québec.

Son râle, on devrait le rappeler, n'est pas le rôle d'un grand observateur, c'est un rôle de gérant des finances publiques. C'est ce qu'il n'est pas capable de faire. 401 000 chômeurs dans la province de Québec; 344 995 personnes, d'après les statistiques de décembre 1982, bénéficient de l'aide sociale. Que fait pour cela le ministre des Finances? Le ministre des Finances et ses collègues interdisent... Juste en passant, je pense qu'on est la seule province, le seul pays au monde où on interdit à des gens qui sont capables, qui le veulent, de travailler; on leur interdit de travailler parce qu'ils n'ont pas une carte de l'OCQ. (21 h 20)

En avril 1982, ce gouvernement prétendait avoir la volonté d'en arriver à une entente négociée. C'était plutôt la main de fer dans un gant de velours. Ce gouvernement faisait une ouverture et, en même temps, il présentait un ultimatum. Le ministre de l'Éducation nous disait, jeudi soir, que les syndicats n'ont pas eu la conscience, qu'ils n'ont pas voulu offrir de solutions pour négocier.

M. le Président, le ministre de l'Éducation induit cette Chambre en erreur et je suis heureux qu'il soit ici ce soir. Sa préoccupation de restructurer le système scolaire à sa façon l'a peut-être empêché de suivre de près les solutions apportées par certains syndicats. En réponse à cet ultimatum du gouvernement, l'Alliance des professeurs de Montréal a développé un plan pour relancer le secteur de la construction au Québec et en même temps favoriser l'accès à la propriété. Ce plan consistait à créer une caisse de placement pour les travailleurs du Québec, gérée par des représentants syndiqués et alimentée par des contributions obligatoires et volontaires. La première source de financement serait donc les travailleurs eux-mêmes.

D'après M. Rodrigue Dubé, président de l'alliance, les contributions oscilleraient entre 1, 5% et 3% du salaire des syndiqués. Le gouvernement fédéral aurait aussi été appelé à verser des subventions équivalentes aux économies réalisées au titre de l'assurance-chômage et avec la participation du gouvernement du Québec. C'est vous cela, mes chers amis d'en face. M. Dubé prétendait pouvoir accumuler un fonds d'environ 1 000 000 000 $ pour relancer la construction. D'après M. Dubé, cette somme permettrait des milliers d'emplois directs et indirects dans la construction. En même temps, cela résoudrait une partie de la crise économique, une partie de la crise budgétaire puisque le gouvernement pourrait ainsi récupérer environ 500 000 000 $ en impôts et taxes diverses.

Ce programme, M. le Président, ne s'est pas réalisé. Savez-vous pourquoi? Je m'attends qu'on me dise, de l'autre côté, que c'est la faute du fédéral. Savez-vous, M. le Président, selon les propres paroles de M. Dubé, que le dialogue avec le fédéral a été très intéressant, très ouvert? Les professeurs étaient prêts et qui a fermé la porte au projet? C'est le ministre des Finances. C'est ce gouvernement, M. le Président. Cela n'est pas la faute d'Ottawa. C'est votre faute. Vous ne voulez pas le comprendre.

Que demandaient les professeurs dans leurs négociations? Ils demandaient le maintien des conditions de travail actuelles sur l'ensemble normatif à l'exception des dossiers sur l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage et de l'éducation aux adultes où des corrections s'imposent. J'en reparlerai plus tard, de l'éducation aux adultes. Ceci veut dire tout simplement que les enseignants étaient prêts à accepter le statu quo en ce qui regarde leurs tâches et la sécurité d'emploi.

Au chapitre de l'enfance inadaptée, ce groupe d'élèves les plus démunis dans le

secteur de l'éducation, qu'est-ce que les professeurs demandaient, M. le Président? Qu'ils aient leur mot à dire, afin de pouvoir travailler avec ces enfants et que les mêmes normes soient respectées dans le programme d'intégration imposé par le ministre de l'Éducation. On demandait que les mêmes normes soient retenues lorsque ces enfants sont placés dans une classe régulière. Dans le jargon scolaire, on appelle cela la formule de pondération, M. le Président.

En ce qui me concerne, en tant qu'ex-enseignant et directeur d'école, il me semble que c'est une demande très acceptable. Évidemment, notre grand psychiatre national, lui, n'était pas d'accord. C'est normal parce que vous avez des enfants dans une classe spéciale, vous avez un certain ratio et, tout à coup, lorsqu'on le met dans une classe régulière, ce ratio ne s'applique plus. Tout à coup, par un geste, un autre magicien, les enfants qui ont été identifiés comme ayant des problèmes d'apprentissage parce que le ministre de l'Éducation a décidé, lui, que ces enfants n'avaient plus de problèmes, on va les mettre dans une classe régulière. Cela résout le problème, M. le Président. Au chapitre des salaires, quant à ce qui était demandé, les professeurs étaient prêts à accepter un gel pour une période négociable, c'est-à-dire six mois, douze mois ou dix-huit mois. Ces professeurs comprennent très bien, d'après moi, la crise économique que le Québec traverse. C'est la crise causée par ce gouvernement, les demi-vérités tenues par nos amis d'en face qu'ils n'acceptent pas. Je n'étais pas présent à la table des négociations. Je ne peux pas vous affirmer, de mon siège, que c'est exactement ce qui s'est passé, mais j'ai plutôt tendance à croire qu'il y avait plus de bonne foi de la part de ces professeurs que de la part des négociateurs et spécialement ceux du ministère de l'Éducation.

Comme preuve à l'appui, M. le Président, je me réfère à un problème soulevé il y a plusieurs années. C'est le problème de la formation des adultes. Les gens du Québec demandaient certains changements. Le ministre a formé une commission. On l'appelle la commission Jean. La commission Jean a dépensé 2 500 000 $ pour rédiger un rapport - duquel je dois dire qu'il est très bien fait - d'environ 900 pages avec toutes sortes de recommandations très intéressantes. Lorsque le ministre de l'Éducation a reçu ce rapport, il nous a promis - c'était au mois de février de l'année dernière; vous me corrigerez si je me trompe - qu'il allait préparer un énoncé de politique en ce qui concerne l'éducation des adultes. On attendait avec impatience cet énoncé de politique et, tout à coup, on s'aperçoit qu'on reçoit un énoncé de politique sur la restructuration scolaire que personne n'avait demandé. La population demande un énoncé de politique de la part de ce gouvernement dans le domaine de l'éducation des adultes et le ministre, lui, accouche d'un monstre: la restructuration scolaire. Personne ne l'a demandée. Cela ne s'imposait pas, M. le Président. Et encore, lorsqu'on parle de volonté de discussion, je dois vous avouer franchement que j'ai beaucoup plus confiance en ce qui m'a été dit par l'Alliance des professeurs de Montréal qu'en ce que nous dit le ministre de l'Éducation.

Lorsqu'il a déposé son rapport, son projet de restructuration scolaire ici à l'Assemblée nationale, il nous a dit qu'il allait entreprendre une consultation provinciale pour s'assurer que tout le monde soit consulté, que tout le monde ait quelque chose à dire. Mais, M. le Président, vous savez aussi bien que moi ce qui s'est passé lors de ces tournées de consultation. Premièrement, c'était sur invitation seulement. Il allait prêcher à ceux qui étaient déjà convertis. C'est cela, la démocratie. On consulte seulement ceux qu'on veut consulter. Les autres, dehors! Et c'est un fait. À plusieurs endroits, certaines personnes qui étaient concernées par le problème de l'éducation, de la restructuration scolaire, se sont rendues de leur propre chef et les bras forts qui entouraient le ministre de l'Éducation les ont mis à la porte, M. le Président. C'est cela, la démocratie.

M. le Président, nous faisons face aujourd'hui à un autre monstre: les 109 décrets. D'après les discours de nos amis d'en face on n'a pas pu, jusqu'à maintenant, déterminer le nombre de pages qu'il contenait. Certains ont dit qu'il y en avait 35 000, d'autres ont dit qu'il y en avait 50 000, et d'autres ont même dit qu'il y en avait 80 000 pages. Et ces gens qui, cet après-midi et ce soir, nous ont dit qu'ils voteraient pour ce projet de loi, mais ce sont de supergénies, M. le Président. Est-ce qu'il y en a parmi vous qui ont lu les 80 000 pages? Que ceux qui les ont lues se lèvent. C'est cela la moquerie de la démocratie... Oui, il se lève parce qu'il n'est pas à son siège, M. le Président. Qu'il se rende à son siège et qu'il se lève. (21 h 30)

Combien d'entre vous les ont lues? Vous allez, demain après-midi, voter, vous allez signer un chèque en blanc. Et là on se demande pourquoi cela ne fonctionne pas. Dans deux ou trois mois, ils vont revenir et vont dire: Ah, mais on s'est trompé.

Vous savez, je n'ai pas eu la chance de lire les 80 000 pages, mais il y a certains rapports qui nous disent que c'est une opération "scotch tape". Vous savez ce que cela veut dire "scotch tape"? On prend des petits morceaux de papier et on les colle. Malheureusement, une fois de temps en temps, on se trompe de page. Et vous allez voir le chaos que cela va causer lorsque les

commissions scolaires et les hôpitaux vont être obligés d'appliquer les 109 décrets.

M. le Président, en terminant, seulement une parole.

Mr. Speaker, last month, I had the opportunity to meet some doctors and nurses at the Royal Victoria Hospital, specially Dr. Shanks, Dr. Morin and Dr. Salerno. I know that you are not giving me the time, Mr. President, to mention all the others. I was amazed of the dedication of these professionals that work at the Royal Victoria Hospital in the post of intensive care unit and especially on the eighth floor east, cardiac unit. People that were helping men and women to recover from open heart surgery. These professionals are going to be affected by the measures of this Government and I implore them and I am sure that their dedication to their work and their love of humanity will surpass, will be stronger in their views and their dedication will not be shaken by the measures, the impositions of this Government that restrict their salary and their working conditions. Thank you, Mr. President.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Éducation, sur une...

M. Laurin: M. le Président, en vertu de l'article 96, je voudrais rectifier certains propos du député qui vient de nous adresser la parole. Il m'attribue des propos que je n'ai pas tenus en ce qui concerne l'intégration des élèves en difficulté d'apprentissage et l'éducation des adultes.

Loin de vouloir préconiser une intégration sauvage, M. le Président, j'ai dit dans mon discours que, au contraire, le décret que nous proposons comporte des conditions beaucoup plus avantageuses que le statu quo actuel, puisque nous considérons, dans le décret, que chaque élève en difficulté d'adaptation scolaire est pondéré et vaut à peu près trois élèves réguliers. Ce qui permet évidemment de diminuer la taille des groupes d'élèves. En plus, nous disons que, s'il est nécessaire de mettre un de ces étudiants en dehors de la classe pour quelques heures, il est important, il est nécessaire - et nous le ferons également -de consentir des professeurs additionnels pour les heures de classe qui se passeront en dehors de la classe régulière.

M. Cusano: Est-ce qu'on va entendre un discours?

M. Laurin: Pour ce qui est de l'éducation des adultes, c'est une fausseté absolue. C'est le ministre d'État au Développement culturel qui a reçu le rapport de la commission des adultes. Il n'y a qu'un mois et même pas un mois, quelques semaines, que je suis chargé de cette commission...

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, je déteste interrompre le ministre, ce n'est pas de gaieté de coeur que je le fais. Je le fais comme vous faites tous vos discours, tristement, mais il me semble que ce ne sont pas des propos qui relèvent du discours qu'il a tenu ici hier, mais ce sont d'autres propos qu'il a tenus ailleurs.

M. Cusano: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît: Une question de privilège n'engendre pas de débat. Très rapidement, M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: On m'attribue des propos mensongers, farfelus, que je n'ai pas tenus. S'il y a une priorité du gouvernement, c'est bien celle des enfants en difficulté d'apprentissage et des enfants classifiés comme ceux qui font partie des classes d'adaptation scolaire. J'ai dit dans mon discours que ces enfants, ces classes auraient droit à un budget protégé...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapidement, M. le ministre.

M. Laurin:... qu'aucun enfant ne serait intégré dans ces classes sans une consultation préalable.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys l'a indiqué, je veux revenir à la charge, il ne s'agit pas d'une intervention en vertu de l'article 96 du règlement. Les propos que nous clarifie le ministre de l'Éducation n'ont pas été tenus ici à l'Assemblée nationale dans son intervention. Il ne peut se lever en vertu de l'article 96.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

Une voix: II n'était pas là, il ne peut le savoir.

M. Bertrand: M. le Président, sur une question de règlement, je crois qu'il est important de bien lire l'article 96 que vous avez vous-même d'ailleurs à faire appliquer.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;

M. Bertrand: L'article 96 est formel. Le député qui prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a déjà prononcé - ce qui est le cas du ministre de l'Éducation - ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque est terminé - la provocation est venue du député qui a pris la parole tout à l'heure - à moins que celui qui les prononce ne consente à être interrompu. Les explications doivent être brèves et ne doivent apporter aucun élément nouveau dans la discussion et elles ne peuvent engendrer un débat. Or, le ministre, se prévalant de l'article 96, veut, reprenant le discours qu'il a tenu, redire quels étaient les propos qu'il avait tenus relativement à cette catégorie d'élèves qui fréquentent les écoles et sur lesquels le député a tenu des propos qui vont carrément à l'encontre de ce que le ministre de l'Éducation a dit dans son discours.

M. Cusano: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai reconnu la demande du ministre de l'Éducation comme étant une question de privilège sur le discours qu'il a déjà prononcé, on vertu de 96.

Sur une question de privilège, M. le député de Viau.

M. Cusano: Le ministre n'interprète pas exactement mes propos, il est dur de "comprenure". J'ai dit que ce sont des enfants qui sont placés dans des classes régulières. Je n'ai pas parlé des enfants de l'enfance inadaptée qui sont dans des classes spéciales, premier point. Deuxième point, il me semble que la solution aux problèmes dans cette province, c'est de jouer à la chaise musicale. Il n'est plus responsable de la formation des adultes, on l'envoie ailleurs...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

M. Laurin: Je n'avais pas terminé ma mise au point en vertu de l'artilce 96.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Très rapidement, tel que l'a lu le leader du gouvernement, votre déclaration doit être brève.

M. Laurin: Tout le monde sait que je suis très bref dans mes explications et que je n'aime surtout pas faire perdre le temps de la Chambre, mais je tiens à respecter le règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Laurin: En vertu de l'article 96, je continue à prétendre que l'on m'attribue des propos que je n'ai jamais tenus, des propos qui, selon le député de Viau, sont absolument mensongers, qui ne correspondent pas au texte même du discours que j'ai tenu et, en particulier - je tiens à le souligner - au sujet des enfants en difficulté d'apprentissage. Ce que contient le décret est plus généreux que les conventions collectives actuelles, précisément en raison de la priorité que le gouvernement s'est donnée en fonction des enfants en difficulté d'adaptation scolaire dans le plein respect des prérogatives syndicales, puisque, maintenant, nous obligerons les commissions scolaires à se donner une politique d'adaptation scolaire, à consulter les syndicats avant de procéder à quelque geste que ce soit et à consulter chaque enseignant...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapidemeant, M. le ministre.

M. Laurin:... avant d'intégrer le moindre inadapté dans une classe et, en plus, d'accorder des conditions...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Laurin:... supplémentaires beaucoup plus généreuses lorsqu'il y a de ces étudiants qui sont intégrés dans une classe. C'est loin de l'intégration sauvage...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée et ministre...

S'il vous plaît!

M. le député de Mégantic-Compton!

À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme la ministre déléguée à la Condition féminine. (21 h 40)

Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, le député de Viau a sans doute raison à certains égards. Ce qu'on vit n'a pas grand bon sens. Vous dire que c'est avec enthousiasme que je prends la parole ce soir serait mentir. Vous dire que c'est l'enthousiasme qui anime notre équipe, serait aussi mentir. Je pourrais revenir sur tout le cheminement suivi et, à chaque étape, trouver la faille, ou parler des

hypothèses différentes qui ont été envisagées quant au processus, des alternatives, de leurs avantages et de leurs inconvénients. C'est une évaluation que chacun et chacune d'entre nous fait, a fait et fera.

Comme vous avez pu le constater de la part de tous les intervenants ministériels, mon collègue délégué à l'Aménagement le disait tout à l'heure, et je le répète à mon tour: "Nous nous acheminons vers ce projet de loi sans aucune gaieté de coeur. " Nos adversaires pourront nous accuser de tous les péchés du monde et de toute l'inconscience possible. Si nous avions eu vraiment le choix, pourquoi procéder comme on le fait maintenant? C'est là la question fondamentale que chacun et chacune d'entre nous s'est posée. C'est, au contraire, conscients d'une situation à peu près sans autre issue, que nous nous sommes engagés tout d'abord dans le projet de loi no 70 et, maintenant, dans le projet de loi no 105. Ce sont les dernières étapes d'un processus amorcé en juin dernier que nous devons maintenant traverser.

Certains se sont posé la question à savoir s'il n'y aurait pas eu d'autres voies, d'autres solutions à apporter à la situation vécue maintenant. Nous avions tenté sérieusement, en avril dernier, d'ouvrir une autre avenue qui, cependant, a été repoussée par nos interlocuteurs. Il faut replacer tout ce processus dans la conscience que nous avons de l'importance de la crise que nous traversons, nous, au Québec, et dans tous les pays occidentaux, crise dont nous avons eu des signes précurseurs, M. le Président, mais dont nous ne pouvions déceler toute l'ampleur.

Nous nous devons, en toute responsabilité, de voir la situation de l'ensemble de la population québécoise et non pas de regarder la seule situation des effectifs de l'administration publique. Nous avons diminué et nous devons continuer de diminuer les écarts. Nous nous devons de ne pas participer à l'établissement de diverses classes de travailleurs et de travailleuses, ni de creuser une tranchée entre employés du secteur public et du secteur privé. Par le projet de loi no 105, nous tentons de combler les écarts autant entre bas et hauts salariés qu'entre personnes du secteur public et privé.

Je crois que toute cette démarche doit nous amener à la remise en question de notre système de négociation. N'est-ce pas là la question la plus fondamentale à se poser, dont la solution a toujours été remise à plus tard? L'urgence nous éclate maintenant en plein visage. Nous devons réviser nos attitudes et nos règles du jeu. Pourquoi faut-il en être rendu à ce que les négociations soient un affrontement entre deux énormes bureaucraties? Vous pourrez très bien me dire que ces questions ne règlent pas le problème vécu actuellement. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier d'en tirer des leçons, une fois la période de conflit passé, et surtout d'y apporter les correctifs qui s'imposent. Le projet de loi no 105 est là; c'est inéluctable. Il nous faudra, par la suite, relever le défi de l'après-demain et trouver des moyens de traverser la crise et de gérer la décroissance.

L'ampleur de cette crise, tout comme son impact sur nos sociétés, sur les hommes et les femmes qui la vivent, est incalculable. Elle est peut-être calculable au plan financier, mais sûrement pas au plan humain, ni au plan social. Cette crise risque de briser des espoirs, mais surtout de briser des hommes et des femmes porteurs de ces espoirs.

Mais si c'est vrai que la crise est terriblement unisexe, comme l'a dit le premier ministre, même si elle frappe sans égard au fait qu'on soit un homme ou une femme, une personne âgée ou un jeune sans travail, cette crise est cependant parfois plus dure, à certains égards, pour les femmes à cause de la place qu'elles occupent dans nos sociétés et du rattrapage qu'elles ont à y faire. Elles sont dans des milieux de vie et de travail plus vulnérables, majoritairement dans des emplois sans protection, à temps partiel ou ailleurs, dans des secteurs économiques touchés très durement en basse conjoncture: les services, le textile, les commerces.

Si cette crise pouvait parvenir à briser nos comportements et nos mentalités, j'avoue, M. le Président, que c'est sur la foi de ce seul espoir que je suis encore ici. À la fin de chaque grande ronde de négociations, on a entendu tous les partenaires, syndicaux, patronaux et gouvernementaux, exprimer leur volonté de changer les règles du jeu, de les revoir pour les rendre plus "civilisées", plus cohérentes, plus humaines, mieux adaptées, répondant davantage à la réalité que nous vivons; chaque fois - faut-il se le dire et faut-il se le redire et le marteler - pour en arriver à tirer des conclusions, à tirer des leçons auxquelles nous ne sommes pas encore arrivés jusqu'ici.

Bien sûr, la négociation a été de courte durée; elle était encadrée de toutes parts par des contraintes causées par la situation économique générale, et aussi dans le cadre général de la loi no 70. Cependant, on peut faire ressortir, en ce qui me touche de près comme ministre déléguée à la Condition féminine, quelques éléments qui ont pu être mis sur la table, car il est vrai aussi que les femmes composent près des deux tiers des personnes oeuvrant au sein de la fonction publique et parapublique et qu'elles sont souvent au bas de l'échelle, je n'ai pas l'intention de le nier.

Lorsque des compressions sont faites, les femmes en assument leur large part.

C'est un constat, celui de la réalité, de la dure réalité du vécu des femmes, mais ce constat, qu'est-ce qu'il nous amène à faire et à poser comme gestes? Il nous a amenés à poser un certain nombre de gestes et, entre autres, à proposer des actions correctives. À titre d'exemple, souvenons-nous de l'adoption de la loi no 12, qui permet maintenant que des programmes d'accès à l'égalité soient possibles dans notre fonction publique. À la suite des discussions, même si elles ont été brèves, qui sont intervenues entre nos partenaires, on pourra maintenant songer à l'implantation de programmes d'accès à l'égalité qui vont s'adresser largement aux femmes.

D'autres ententes sont aussi intervenues, à la fonction publique, entre autres, pour permettre d'améliorer le sort du personnel de secrétariat, ce fameux classement-moquette. Pour permettre à ces femmes de sortir du ghetto, on ouvre une voie nouvelle pour l'égalité des chances. Cette égalité des chances, on peut aussi l'invoquer avec l'offre qu'on a mise sur la table: ouvrir 6000 places en garderie pour répondre aux besoins pressants des services de garde des enfants des travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic, mais aussi du public en général, puisque 50% de ces places pourront être occupées par les enfants du public. (21 h 50)

Nous avons aussi ouvert une porte sur la prise de conscience de l'impact des changements technologiques en permettant à des travailleuses enceintes qui travaillent avec des écrans cathodiques de pouvoir occuper un autre poste sans préjudice et cela en dépit des rapports contradictoires qui peuvent encore exister sur la question. Les congés parentaux sont maintenant assortis de la possibilité de les prendre à temps partiel pour avoir une période de transition pour ceux et celles qui le désirent. Les congés pour adoption sont possibles et mieux articulés. Ce n'est pas là, bien sûr, tout ce qu'on souhaiterait pouvoir y retrouver, mais c'est là la preuve, je pense, d'une bonne volonté, ce sont des éléments qui ne devront pas être oubliés et qui viennent manifester que la très courte période des négociations -et on en convient - n'aura pas été que négative, elle aura aussi son lot de positif.

En adoptant la loi no 105, je ne crois pas que nous soyons au bout de la crise ni au bout de nos peines. Il ne s'agit pas ici, encore une fois, de nous cacher la vérité ni de nous leurrer, mais, malgré les difficultés que nous vivons, il nous faut nous tourner radicalement vers l'avenir, tirer des leçons de l'expérience vécue, accepter de partager nos pouvoirs, accepter de mettre ensemble nos énergies, notre imagination, notre force créatrice. Je pense que c'est encore un choix possible. J'ose encore y croire, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fabien Bélanger

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Comme tous les parlementaires, je m'étais préparé un discours, mais l'arrivée du Conseil des ministres, le premier ministre en tête, m'a tellement inspiré que je pense que je n'en aurai pas besoin.

Comment peut-on en arriver là? Comment peut-on arriver à dire à des travailleurs, à des travailleuses qu'un gel des salaires, ce n'est pas suffisant? Qu'un gel des salaires pour six mois, ce n'est pas négociable? Qu'un gel des salaires pour un an, ce n'est pas négociable? Qu'un gel des salaires pour 18 mois, ce n'est pas négociable? Comment peut-on en arriver là? On a évoqué la situation économique comme si la situation économique n'était pas pareille dans tout le Canada, comme si la situation économique n'était pas la même dans tout le continent nord-américain. Nommez-moi une province, un gouvernement qui est obligé de faire ce que vous êtes à faire, messieurs. Il semblerait, en plus, que vous faites cela en "party".

Je voyais le ministre de l'Agriculture qui s'est transformé en vendeur de macarons pour défendre, encore une fois, soi-disant les intérêts des Québécois. Ce n'est pas là, ce n'est pas ici, ce n'est pas en vendant des macarons à tous vos "back-benchers" que vous allez défendre les intérêts des Québécois. Allez donc à Ottawa, là où il faut que vous défendiez les intérêts des agriculteurs du Québec. M. le Président, c'est évident que la crédibilité de ce gouvernement est au point zéro. C'est évident que la crise économique frappe davantage le Québec.

Une voix:...

M. Bélanger: Faites-en des questions de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je voudrais tout simplement vous dire que je ne suis pas un vendeur de macarons. Simplement, c'est que la coalition pour la survie de l'agriculture...

M. Bélanger: Ce n'est pas une question de privilège.

M. Garon:... contre le rapport Gilson, qu'il y a un macaron et j'ai jugé utile d'en

procurer aux députés du Parti québécois.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais très respectueusement vous inviter à appliquer l'article 100, qui donne le droit de parole à celui à qui vous l'avez donné, et à juger que toutes les blagues qu'un ministre peut faire ne sont pas nécessairement des questions de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: M. le Président, j'espère que j'aurai la chance de parler au moins 20 minutes. J'ai des choses à dire.

Nous revenons donc, M. le Président, à la situation économique. On est conscient qu'il y a une crise économique, mais parce qu'il y a une crise économique, doit-on bafouer totalement la démocratie? Doit-on aller fouiller dans les poches des travailleurs et des travailleuses dans les pires mois de l'hiver, les mois de janvier, février et mars? Alors qu'ils auront de la difficulté à payer leur chauffage, on va aller récupérer les 500 000 000 $. Il y a des raisons à cela, M. le Président. Il y a des raisons pour lesquelles le Québec en est rendu là.

Nous, de l'Opposition, nous allons faire notre devoir. Nous allons représenter les 46% de la population qui nous ont élus et nous allons empêcher qu'on fasse ce qu'a démontré si bien mon collègue de Jean-Talon, soit retourner à l'envers le film de la révolution tranquille des années soixante. Vous ne pouvez pas faire cela aux Québécois! Vous ne pouvez pas mettre le Québec à reculons, tout simplement à cause de votre esprit nationaliste. Nous avons été élus par 46% des gens qui n'ont pas voulu de chèque en blanc et vous nous demandez à nous, des parlementaires responsables, de voter pour une loi de 80 000 pages après cinq heures d'étude? On va voter pour cela? Non, M. le Président.

Pourquoi le gouvernement est-il dans une telle situation? On vous l'a dit, on vous l'a répété je ne sais combien de centaines de fois, c'est à cause de la fermeture d'entreprises, des pertes d'emplois. Que disait-on? Le premier ministre en tête, celui qui vient essayer de brailler aujourd'hui en disant: C'est triste au Québec... Si c'est triste, c'est sa faute, M. le Président! Il disait quoi? Des entreprises qui partent, c'est bien. Je cite le premier ministre: C'est une bonne chose. Il faut casser des oeufs pour faire une omelette. Il l'a, son omelette, et il n'a pas finir d'avoir son omelette. Il va l'avoir au mois de février, son omelette. Il va l'avoir au mois de mars, alors que le Québec sera paralysé par votre faute, messieurs.

Que disait le ministre du marasme économique, le ministre pour lequel on vient de créer un nouveau ministère de relations extérieures? Il disait: On ne regrette jamais le départ de nos maîtres. Le transfert de BP de Montréal à Toronto, c'est une très bonne chose. C'est une bonne chose! Et là, vous venez nous brailler en pleine face ici, vous programmez vos machines à voter pour essayer d'attirer la pitié: il faut penser à nos malades, il faut penser à nos chômeurs, il faut penser à nos bénéficiaires de l'aide sociale. Pourquoi n'y avez-vous pas pensé quand ces entreprises sont parties? Pourquoi y pensez-vous aujourd'hui? Pourquoi? On vous l'a dit je ne sais pas combien de fois. C'est évident que, lorsque les entreprises s'en vont, lorsque les travailleurs s'en vont, vous avez moins de gens pour payer de l'impôt.

Et là, M. le Président, on va arriver dans les folles dépenses. Vous allez voir que cela se tient. Quand on a moins d'argent, on dépense moins. On va regarder ce qu'on a fait au Québec. On va vous expliquer ce que cette "gang" de braillards faisait. 86 000 000 $ pour faire des élections, on a dépensé cela au cours de 24 mois, 86 000 000 $ pour faire des élections au Québec. Vous allez me dire: Oui, mais il y a eu le référendum. Oui, il y a eu le référendum, et après? Ce n'est pas nous qui avons demandé le référendum, c'est vous autres, supportez-en les conséquences.

La publicité, parlons-en de la publicité. En 1980, 3 000 000 $ pour ne pas se faire avoir! Ce n'est pas de toute beauté, ça, M. le Président? Encore 2 000 000 $ pour un combat de boxe au Stade olympique, on a dépensé 2 000 000 $ de l'argent des Québécois pour organiser un combat de boxe au Stade olympique. M. le Président, j'aurais une petite idée, je suis persuadé...

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je m'excuse, M. le député, ce ne sera pas compté sur votre temps.

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je vais utiliser, de part et d'autre, l'article 45. Le député de Mégantic-Compton a son droit de parole et je le lui redonne. (22 heures)

M. Bélanger: Merci, M. le Président, je disais donc 2 000 000 $ pour organiser un combat de boxe d'un soir au Stade olympique à Montréal. Je vais soumettre une petite idée au gouvernement; si quelques ministres péquistes voulaient y aller, il y aurait certainement des amateurs qui aimeraient aller boxer avec eux et cela ne coûterait pas 2 000 000 $. Il y aurait sûrement des

travailleurs du Québec qui aimeraient cela les essayer. Cela ne coûterait pas 2 000 000 $.

Une voix: Kid Garon.

M. Bélanger: Les sondages pour constater constamment, mensuellement, la popularité du parti - pas du gouvernement, du Parti québécois - ont coûté 5 000 000 $. À l'Asbestos Corporation, on s'apprête à investir 120 000 000 $ sans créer un seul emploi.

Je vois le ministre de l'Energie et des Ressources soulever des questions de privilège parce qu'il n'était pas là pour voter. C'est vous qui avez parrainé ce projet: 120 000 000 $ sans créer un emploi. Le ministre des Travaux publics, lui, a décidé de rénover l'Assemblée nationale: 2 700 000 $ pour des gicleurs et des toilettes. Cela c'est vous autres qui avez fait cela et là, vous venez dire aux travailleurs: Déchirez votre contrat, ce n'est plus bon, on n'a plus d'argent pour vous payer. Cela, c'est vous autres. Et vous voulez qu'on embarque dans cela? Jamais, M. le Président!

On dira quelques mots du personnel politique, le bureau du premier ministre en tête, celui-là même qui a fait un appel à la nation, cet après-midi, en disant que c'était bien malheureux, que c'était une crise et que ce n'était pas notre faute. Ce n'est peut-être pas sa faute, mais il y a 62 personnes dans son bureau qui coûtent 1 500 000 $ par année; cela, c'est sa faute.

Là, je vais vous dire un secret; il y a une personne, de ce nombre, qui est l'ex-président de la Société d'habitation du Québec et qui a été responsable du pire scandale qu'a jamais vécu cette société. Le premier ministre, conjointement avec son éminence grise, le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin, lui a donné un beau petit contrat de 471 000 $ pour être conseiller spécial. Je me demande sur quoi il peut conseiller. Il semblerait qu'il soit conseiller concernant l'industrie du sucre, de la betterave à sucre à Montréal; je peux vous dire que cela en est une sucrée.

Les chefs de cabinet, les attachés d'attachés représentant 700 personnes dans les ministères coûtent 17 500 000 $. Les primes de départ - on se souviendra de cela on donnait cela aux amis du parti: 140 000 $, 50 000 $; on en a même donné au chef de l'Union Nationale. Il n'y pas de problème, on en a de l'argent. Et là, vous venez brailler, déchirer les contrats et vous pensez que nous embarquerons dans cela? Jamais! Jamais! Jamais!

On nous dira encore une fois: II faut faire cela; il faut penser aux plus démunis. M. le Président, si nous avions la certitude que ces 500 000 000 $ iront à créer des emplois, je suis persuadé qu'on agirait différemment, mais comment prendre ce gouvernement au sérieux? L'Alliance des professeurs de Montréal a écrit, a communiqué avec le premier ministre. On lui a dit: On est prêt à investir 1 000 000 000 $ pour relancer l'économie. Même pas un accusé de réception. Et on vient brailler ici, aujourd'hui, disant qu'il faut aider nos plus démunis. Ah! mon Dieu! Qu'ils ont donc un grand coeur!

Par contre, à Ottawa, dans le Devoir d'aujourd'hui le 10 décembre - ce n'est pas il y a 25 ans, c'est ce matin - on dit que si le gouvernement du Québec ne veut pas créer de nouveaux emplois Ottawa devra faire cavalier seul. Bien, c'est cela que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation vient de faire en vendant ses macarons, il ne fait pas son travail, il ne va pas à Ottawa et le ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu fait exactement la même chose, sous les ordres du premier ministre. C'est aussi simple que cela.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. M. leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je pense que c'est mon devoir comme leader parlementaire du gouvernement, étant donné que le député de Mégantic-Compton vient de dire des choses relativement au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, de dire que si celui-ci n'était pas ici hier pour voter, c'est qu'il rencontrait justement M. Axworthy concernant le programme de création d'emplois au Québec. Alors, vous avez littéralement menti devant l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

Une voix: Une chance qu'il l'a dit parce que j'allais le faire.

M. Bélanger: Soulevez-en des questions de privilège, allez-y, allez-y!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sur une question de privilège.

M. Garon: Oui, M. le Président. Le député de Mégantic-Compton a dit que je n'allais pas à Ottawa; j'y suis allé la semaine dernière rencontrer M. Roméo LeBlanc, ministre... Un instant!

Une voix: Oui, on en a parlé. Laissez-le parler.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, pour que cette soirée, qui sera longue, dans un régime d'exception, puisse se passer quand même dans l'ordre, appliquer le règlement? Il y a des questions de privilège qui en sont, mais il y en a beaucoup qui n'en sont pas. Si le ministre a des choses à rectifier, qu'il attende donc la fin du discours.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le leader de l'Opposition, vous savez très bien, à ma connaissance, d'après les renseignements que je possède, que le ministre de l'Agriculture n'est pas encore intervenu sur sa motion en discussion. N'étant pas intervenu sur la motion en discussion, il peut en tout temps, en vertu de l'article 100, interrompre la personne qui parle, s'il juge qu'il a une question de privilège à soulever. Il n'a pas à attendre, en vertu de l'article 96, la fin du discours puisqu'il n'a jamais lui-même parlé. Donc, c'est au moment où il juge qu'il a une question de privilège, qu'il a le droit d'intervenir. Quant à moi, pour savoir si c'est une question de privilège, il faut que je lui donne au moins la chance de la soulever et, après, je verrai si c'est une question de privilège ou pas.

M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, le député de Mégantic-Compton a affirmé que je n'allais jamais à Ottawa. Je dis que, cette semaine, je suis allé à la conférence fédérale-provinciale sur les pêches et, la semaine dernière, je suis allé rencontrer le ministre des Travaux publics...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre. Question de règlement de la part du leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: Premièrement, le député de Mégantic-Compton n'a jamais dit que le ministre de l'Agriculture n'allait pas à Ottawa. Il l'a plutôt invité à y aller plus souvent. De toute façon...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Gratton:... il ne s'agit manifestement pas d'une question de privilège. Vous l'avez indiqué vous-même, après l'avoir entendu, jusqu'au point où je l'ai interrompu, qu'il n'y a pas de question de privilège. Il pourra dire ce qu'il a à dire au moment où il prendra la parole dans le débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint, vous venez d'indiquer que j'ai moi-même dit que ce n'était pas une question de privilège. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il fallait que je l'entende d'abord, et qu'ensuite je voie.

Rapidement, M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, le député de Mégantic-Compton a affirmé que je n'allais pas à Ottawa. Je veux dire que c'est une affirmation fausse, je suis allé à Ottawa cette semaine négocier dans le secteur des pêches à la conférence fédérale-provinciale et je suis allé la semaine dernière rencontrer le ministre des Travaux publics, M. Roméo LeBlanc, pour défendre les expropriés de Mirabel. J'ai essayé, à la même occasion, de rencontrer le ministre de l'Agriculture, qui n'était pas disponible. J'ai eu l'occasion de voir de nombreuses autres personnes...

M. Marois: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, sur une question de privilège.

M. Marois: Sur une question de privilège, j'ai entendu le député de Mégantic-Compton induire cette Chambre en erreur. En vertu des articles 48, 49 et 50 de notre règlement, je voudrais faire la mise au point suivante: Le député a laissé entendre, en se basant sur un article de ce matin paru dans le journal Le Devoir, que des propos qui auraient été tenus par mon homologue fédéral indiqueraient que le gouvernement fédéral s'apprêterait à agir seul dans le domaine d'un petit bout de la création d'emplois parce que, a-t-il ajouté, le ministre québécois de la Main-d'Oeuvre ne s'occupait pas de son travail et ne rencontrait pas son homologue fédéral. Il a non seulement induit la Chambre en erreur, mais il a en plus menti, puisque la raison qui explique mon absence hier au vote, c'est précisément le fait que j'ai rencontré des fonctionnaires du gouvernement du Québec pour préparer une rencontre que nous avons eue aujourd'hui sur la base d'une proposition que j'ai moi-même formulée au gouvernement fédéral pour qu'on mette au point un programme qui ne soit pas unilatéral de la part du fédéral, mais conjoint Québec-Canada, pour qu'on harmonise nos programmes et qu'on maximise les retombées économiques...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président... (22 h 10)

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je m'excuse, M. le leader. S'il vous

plaît: M. le ministre: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, il se peut qu'un certain nombre de mots ou de phrases dans les propos de ceux qui invoquent des questions de privilège en soi... Mais il y a un abus de tout évidence et qu'un ministre ou un député se serve d'une question de privilège pour raconter sa vie et ses occupations... M. le Président, je vous prie de faire respecter le droit de parole du député de Mégantic-Compton et, aussi, peut-être de rappeler au ministre qui vient de parler qu'il y a des mots qui ne sont pas parlementaires, comme le mot "mentir".

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaîti Je pense que... S'il vous plaît: M. le ministre, s'il vous plaît! Je ne voudrais pas que... M. le député: M. le député! Des interventions, dans certains cas, peuvent apparaître aux yeux de quelques-uns comme étant des questions de privilège; si jamais c'en étaient, il faudrait que ce soit bref comme explication et non pas l'occasion de faire un discours. Mais je pense qu'on pourrait arrêter et permettre au député de continuer son discours, en vertu de l'article 100, en tenant compte... S'il vous plaît! M. le député, si vous voulez que je vous donne le droit de parole, il faudrait me laisser parler. Simplement, je vous rappelle que je tiens compte de cela dans votre temps de parole, M. le député. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: M. le Président-Une voix: Asseyez-vous. M. Marois: M. le Président... M. Bélanger: Vous ne voulez pas?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: Je m'excuse auprès du député de Mégantic-Compton, mais le leader de l'Opposition vient d'indiquer que j'aurais utilisé un mot qui ne soit pas parlementaire, c'est-à-dire le mot "mentir". Il existe une telle chose en français qui est de ne pas dire la vérité. Cela s'appelle un mensonge en français et celui qui l'utilise est un menteur et le faire, c'est mentir; c'est bien précis et bien clair; c'est ce qui s'est produit et j'ai rétabli purement et simplement les faits.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton. M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Je vous demande une directive, M. le Président; est-ce que d'utiliser le mot "mentir" en cette Chambre est parlementaire?

Une voix: Le député de Nelligan l'a employé l'autre jour. Vous n'avez pas protesté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît: Je dois vous dire que l'ancien règlement mentionnait nommément des mots; ce que dit le règlement actuel, c'est qu'on doit tenir compte du député qui parle et ne pas mettre en doute les dires qu'il avance. Les moyens que nous avons de pouvoir rectifier ce qu'il a dit sont de trois ordres: le premier, c'est, la question de privilège si on est attaqué personnellement; le deuxième, c'est en vertu de l'article 96, de rectifier ce qu'il a dit en vertu du discours déjà prononcé par la personne qui se lève et qui l'interrompt et la troisième façon, c'est de prononcer un discours après celui du député. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Il semblerait qu'hier il y avait énormément de gens à Ottawa et je vais vous les nommer -je présume que ce n'est pas antiparlementaire - et, si vous avez des questions de privilège, je vous suggérerais de les réserver pour la fin. Il y avait le député de Bertrand qui n'était pas ici hier pour voter sur une motion d'urgence, une motion d'une extrême importance; il y avait le député de Mercier qui n'était pas ici; il y avait le député de Rosemont, ministre délégué à la Science et à la Technologie; il y avait le député de Joliette qui était sûrement à Ottawa; il y avait le député de Saint-Maurice...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Question de privilège de la part du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, si le député lisait simplement les journaux et écoutait la radio et la télé...

M. Lalonde: Question de règlement. Une voix: On veut Ryan, on veut Ryan.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Seulement un instant: Si vous le permettez, je pourrais prendre d'autorité une décision qui interromprait momentanément les débats si on ne veut pas revenir à autre chose que ce qu'on fait actuellement. On peut diverger d'opinion, mais on doit quand même laisser l'individu parler.

M. Chevrette: Question de règlement,

M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition, sur la question de règlement, avez-vous terminé?

M. Lalonde: M. le Président, j'attire votre attention sur le fait que le député de Mégantic-Compton a simplement donné les noms de députés qui n'étaient pas ici à un moment donné, au moment du vote. Il n'a pas imputé de motifs et je ne pense pas que cela doive soulever aucune question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, sur une question de règlement.

M. Chevrette: M. le Président, ma question de privilège est la suivante: Hier, en cette Chambre, on a accusé les députés absents de se défiler et de s'associer à des positions qui étaient contraires. Je vais vous dire que, carrément, M. le Président, j'étais en mission officielle dans des audiences publiques. Je ne me suis jamais défilé devant mes responsabilités. Ce monsieur a beau dire n'importe quoi personne ne l'écoute.

M. Gratton: M. le Président, j'aurais une demande de directive.

Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de la décision rendue par le président ce matin, oui. M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais vous demander une directive. Compte tenu de ce qu'avait dit le député de Mégantic-Compton, qui était simplement d'indiquer que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche était absent au moment du vote hier, considérez-vous que sa dernière intervention constituait réellement une question de privilège en vertu de notre règlement? Si oui, est-ce que la même latitude sera accordée à tous les membres de cette Assemblée?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vais rappeler ce que le président disait ce matin à une question du député de Verchères. Il disait d'utiliser l'article qui le permet une heure avant l'ouverture des débats, à 10 heures, demain matin, de le faire, s'il le désire, mais d'éviter que l'on passe la soirée à le faire. M. le député de Mégantic-Compton. M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: J'ai eu l'occasion de le faire cet après-midi, à plusieurs reprises aujourd'hui, dès le moment où des distinctions d'opinion ou des différences d'opinion sont intervenues entre deux membres...

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, dois-je interpréter, par la latitude qui existe dans cette Chambre depuis quelques minutes, qu'aussitôt que deux députés ont une opinion différente ou qu'un député a une opinion différente par rapport à un intervenant, que cela doit automatiquement donner place et donner droit à une question de privilège? Si c'est cela, M. le Président, il ne faut pas se surprendre que, depuis vingt minutes, l'Assemblée nationale ait perdu complètement son temps par des interventions tout à fait inutiles et non justifiées en vertu de notre règlement.

Le Président: M. le whip de l'Opposition, j'ai dit ce matin, et dans le passé, à plusieurs reprises et je répète, qu'une différence d'opinion ou d'interprétation ou un désaccord entre membres de cette Assemblée ne constitue pas et n'a jamais constitué et ne constituera jamais une question de privilège. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je n'ai pas lu les journaux, comme le dit si bien le député de Joliette, mais je me suis occupé de cette motion d'urgence que nous avions à débattre, de ce projet de loi matraque que nous avons devant nous et je dis tout simplement que le député de Bertrand n'était pas présent lors du vote, que le député de Mercier n'était pas présent, que le député de Rosemont n'était pas présent, que le député de Joliette n'était pas présent, que le député de Saint-Maurice n'était pas présent, que le député de Marie-Victorin n'était pas présent, que le député de Lévis, ministre de l'Agriculture, n'était pas présent, que le député de Labelle n'était pas présent, que le député de Fabre n'était pas présent, que le député de Deux-Montagnes n'était pas présent, que le député de...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Bélanger:... Champlain n'était pas présent, que le député de Trois-Rivières n'était pas présent.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mégantic-Compton. (22 h 20)

M. Bélanger: M. le Président, si on m'arrête trop souvent, je vais être obligé de recommencer ma liste au complet. Je disais donc, M. le Président, que le député de Trois-Rivières n'était pas présent - pourtant, les élections municipales sont terminées -que le député de Bourassa n'était pas présent, que le député d'Arthabaska n'était pas présent, que le député de Verchères n'était pas présent, que le député de Duplessis, celui qui se sauve en pleine nuit,

n'était pas présent, que le député de Rouyn-Noranda n'était pas présent et que le député de Chambly n'était pas présent. Je crois qu'il serait intéressant de savoir qui était présent lors de ce débat d'urgence, cette urgence nationale que nous déclare lui-même le premier ministre. Je pense que ces gens auraient dû... Je ne dis pas qu'aucun d'eux n'avait pas une bonne raison de ne pas être présent, je ne sais pas où ils étaient; je dis tout simplement à cette Chambre et je dis aux électeurs de chacun de ces comtés que leurs députés n'étaient pas ici; c'est aussi simple que cela. Et si on veut faire la même chose de l'autre côté et nommer ceux de ma formation politique qui n'étaient pas ici. Allez-y! Vous n'aurez aucune question de privilège.

Une voix: Non, non, pas de niaisage.

M. Bélanger: M. le Président, il y a effectivement urgence au Québec, c'est vrai; tout le monde en convient, seul le gouvernement n'en convient pas. Mais l'urgence n'est pas de faire un débat comme on le fait; l'urgence, c'est tout simplement de décréter des élections générales au Québec. Ce gouvernement a failli, ce gouvernement vieillit, ce gouvernement n'a plus d'idées; ce gouvernement, formé d'enseignants et de syndicalistes, ne sait plus de quelle façon administrer le Québec. L'urgence au Québec, c'est ce que nous soutenons: c'est tout simplement, puisque vous avez failli, vous avez essayé, vous avez eu deux termes, il n'y a plus rien qui marche au Québec, faites donc des élections. Merci.

Le Président: Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi... M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous étudions donc, en seconde lecture, le projet de loi no 105, Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public. Inutile de vous dire combien ce projet de loi peut être répugnant et odieux. Il fait suite et il est de la même foulée que la loi no 70 adoptée en juin 1982. Ce projet de loi no 105 comporte 109 décrets, estimés pas le président du Conseil du trésor à 90 000 pages, et il fixe d'une manière unilatérale les conditions de travail des 350 000 employés de l'État

Dois-je vous rappeler que c'est la huitième loi spéciale en trois ans en matière de relation du travail par ce gouvernement qui a été élu à cause de son préjugé favorable aux travailleurs. Comment en sommes-nous venus là? Comment? Avant d'aborder le fond du problème, je me dois de déplorer le virage imposé par le gouvernement à cette Assemblée nationale; le gouvernement se sert de cette Assemblée comme d'un simple instrument dans son opération marketing pour atteindre ses fins inavouables.

Situons le débat dans son contexte. Mon opposition à la loi no 105 ne constitue pas une approbation à toutes les demandes syndicales. Nous devons reconnaître, et nous sommes assez responsables pour le faire, que l'État ne peut continuer certaines largesses dans le contexte économique actuel, contexte dont le gouvernement du Québec est responsable en très grande partie.

Tous, députés, employés publics et privés devons assumer notre part de la crise et devons faire des sacrifices, c'est bien sûr. Mais le débat ici devient une question de principe, soit le principe de la négociation collective, principe battu en brèche par cette loi abjecte, la loi no 105, qui nous est présentée à la vapeur, à la fin de la session, de nuit, et c'est ce qui est grave, une atteinte à ce principe. Ce gouvernement fait faire à la société un virage, on devrait parler de mirage; on a parlé du virage technologique, alors que c'est plutôt le mirage technologique. Mais le virage qu'on nous impose, c'est plutôt un virage psychologique, un virage idéologique, un virage qui nous mène tout droit à l'affrontement, vers l'arnarchie et vers l'arbitraire. Où nous menez-vous, messieurs du gouvernement, M. le premier ministre, MM. les ministres? Quelle sorte de contrat social êtes-vous en train de nous préparer? Pourtant, il faut à tout prix éviter le chaos social.

Ce gouvernement ne légifère pas en fonction du bien commun de la population. Il gouverne en fonction de ses visées indépendantistes et son outil principal, ce sont les sondages. Il conditionne l'opinion publique à coups de campagne et de propagande savamment orchestrées, on doit le reconnaître. Il surchauffe le chaudron, fait des sondages et impose ses décrets et sa dictature. La loi no 105 est une loi-matraque, une manoeuvre sournoise, méprisante du gouvernement, tant envers ses employés qu'envers l'Assemblée nationale. Cette loi nous impose, en cinq heures, l'étude de 109 décrets, comportant, comme je l'ai dit tout à l'heure, 90 000 pages. Le leader du gouvernement a confirmé aujourd'hui que, même si nous voulions faire des améliorations ou des suggestions pour bonifier cette loi, pour bonifier les décrets, il ne nous serait pas permis de le faire; c'est un déni de droits de l'Assemblée nationale. L'arrogance du gouvernement nie

aux députés le droit de faire leur travail convenablement. C'est une illustration parfaite de la vision autoritaire de ce gouvernement.

Comment en sommes-nous rendus là? Alors qu'en 1979-1980, par pur hasard, me direz-vous, en année préréférendaire, on signait des conventions collectives d'une largesse inégalée et on nous disait que le gouvernement avait été un protecteur valable des fonds publics. Voilà qu'au bout d'à peine quelques mois, en juin dernier, on adoptait la loi no 70 pour venir enlever d'une main et d'une manière unilatérale, sans voie de négociation, ce qu'on avait accordé par voie de négociation.

La question fondamentale qui se pose est la suivante: Le gouvernement a-t-il épuisé la voie normale de la négociation avant d'imposer la loi no 105? On nous parlait d'urgence, pour qu'on en parle, il faut qu'il y ait urgence. Y a-t-il grève aujourd'hui quelque part? Est-ce que les conventions collectives sont terminées? Non, M. le Président, il n'y a pas de grève; les conventions collectives ne sont pas terminées. Doit-on constater avec regret qu'il n'y a même pas eu de négociation de bonne foi. Que faisons-nous ici? Doit-on nous prêter comme de vils instruments de la campagne du gouvernement? Ce que nous faisons me fait penser à un criminel qui appellerait les pompiers avant de mettre le feu. Le gouvernement entretient le débat sur un terrain démagogique. Il veut mettre en relief les fonctionnaires, comme étant responsables de la misère actuelle des chômeurs et des assistés sociaux, alors que cette misère est due à son incompétence, à son imprévoyance et surtout à sa phobie séparatiste. (22 h 30)

Oui, il faut revenir au bons sens et vivre selon nos moyens, nous le reconnaissons tous, mais est-ce en mettant fin au régime de négociations collectives que nous allons y arriver? Est-ce en imposant des décrets que nous allons remédier à la situation? Je dis non, M. le Président, parce qu'il faut songer à demain. Il y aura des lendemains à ce que nous faisons aujourd'hui. Toute solution ne faisant pas appel à une véritable négociation de bonne foi avec les employés du secteur public est vouée à l'échec. C'est s'empêtrer davantage et nous en recueillerons les fruits dans les prochains mois qui seront probablement l'anarchie.

M. le Président, cet épisode dramatique que nous vivons dans le moment nous fait réaliser l'échec de ce gouvernement qui avait tellement promis. C'est un échec à plusieurs niveaux. D'abord, un échec sur le plan constitutionnel. Après avoir été élu le 13 avril 1981 sous le thème "II faut rester forts", trois jours plus tard, le premier ministre signait pour abandonner le droit de veto. C'est un échec constitutionnel, un échec de l'administration gouvernementale. Il n'y a pas à se le cacher, l'on constate que le Québec est complètement à la dérive. Le gouvernement a complètement perdu le contrôle de l'administration.

C'est un échec également dans la gestion des finances publiques et, un tel échec, cela se prépare. Cela n'est pas une génération spontanée; cela arrive à la suite de déficits accumulés par-dessus d'autres déficits, malgré les sages conseils de l'Opposition d'alors qui mettait en garde le gouvernement contre cette accumulation de déficits. À ce moment, on nous ridiculisait.

C'est un échec dans l'administration des finances publiques, alors que l'on aurait pu récupérer les sommes qui nous restent pour respecter la signature du gouvernement, tout en économisant dans les dépenses folles. Je n'entends pas faire la nomenclature de tout ce qu'ont pourrait appeler les dépenses folles du gouvernement. D'autres députés de l'Opposition l'on fait avant moi, je vous mentionnerai seulement les 86 000 000 $ qui furent nécessités pour les activités électorales de 1980-1981.

C'est surtout un échec de notre société de consensus. Nous avions une tradition démocratique ici, au Québec, et ce gouvernement est en train de nous faire passer d'une société démocratique, d'une société de consensus à une société de décrets. Tout ce dont nous entendons parler, tout ce que nous lisons dans les journaux, c'est ceci: Le gouvernement impose, le gouvernement décrète. Il n'y a plus de place à la voie démocratique. Cela se fait ici sur le plan national, mais cela se répercute également dans l'administration locale et régionale.

Qu'il me suffise de vous dire que dans mon propre comté, alors qu'il y avait un hôpital à Saint-Georges-de-Beauce qui fonctionnait à plein rendement, dont la population était satisfaite, on est venu imposer une fusion, imposer un chambardement injustifié. Alors qu'on nous parle d'une société de démocratie et de consensus, on n'a pas du tout respecté la volonté de la population qui avait été appelée plusieurs fois à manifester; qui avait fait des suggestions très positives et très concrètes afin d'en arriver à une utilisation plus rationnelle de ses équipements. Mais non, le gouvernement est arrivé avec sa matraque traditionnelle, la même que nous connaissons aujourd'hui, pour imposer sa dictature. L'on nous disait: II faut fusionner les hôpitaux en Beauce pour économiser les fonds publics, alors que le budget de l'hôpital fusionné est de 5 000 000 $ supérieur au budget des deux hôpitaux mis ensemble pour l'année précédant la fusion. L'on se moque de la population et c'est ainsi que l'on dilapide les fonds publics. Échec de notre

société de consensus dans l'établissement des MRC, les municipalités régionales de comté. Dans ma région, il y a eu comme partout ailleurs des comités de consultation pour former les MRC. On a consulté, à même les fonds publics, abondamment. On a fait des réunions. On a dérangé beaucoup de monde, mais tout était décidé à l'avance par les hommes de main du gouvernement, un petit comité de consultation bidon qui était formé d'hommes de bras, d'hommes de main du gouvernement. Les municipalités de Saint-Prosper, de Saint-Zacharie avaient demandé d'une manière unanime d'être rattachées à la MRC Beauce-Sartigan. On les a bien écoutées, mais le décret, le couperet traditionnel du PQ est tombé. On les envoyées à une autre MRC. Je vous dis ceci: Que le gouvernement n'aille pas croire que cela va se passer comme cela. Cela ne se passera pas comme cela. Si le gouvernement ne connaît pas la ténacité des Beaucerons, il va apprendre à la connaître.

M. le Président, nous savons que rien n'est plus fort qu'une société de consensus, rien n'est plus solide qu'une société démocratique, mais rien n'est plus fragile qu'une société de décrets. Cet échec du gouvernement, nous le retrouvons dans les relations du travail. Ce que nous faisons aujourd'hui en est la preuve la plus éloquente. Le gouvernement nous démontre une attitude arrogante et n'a aucun respect envers ses employés.

Lors de l'adoption de la loi 70 en juin dernier, le gouvernement disait ceci à ses employés: Faites comme je veux, sinon je vais vous l'imposer. Où est la place à la négociation dans ce temps? Cet échec, nous le retrouvons et il se répercute dans la vision étroite du nationalisme du Parti québécois. Ce gouvernement s'est maintenu en poste en exploitant la corde nationaliste. Il s'agissait toutefois d'un nationalisme étroit, stérile. Je vais vous donner la définition de "nationalisme", d'après le dictionnaire Robert. Nationalisme: Exaltation du sentiment national; attachement à la nation à laquelle on appartient, accompagné parfois de xénophobie. C'est bien ce que nous vivons dans le moment, ce nationalisme étroit que nous impose le Parti québécois qui est tout à fait différent d'un véritable patriotisme, patriotisme qui est, d'après le dictionnaire, amour de la patrie.

M. le Président, la pire manifestation que je connaisse du nationalisme étroit du Parti québécois, c'est la division qui en est résultée entre bons Québécois, entre mauvais Québécois et Québécois francophones et Québécois qui ne sont pas francophones. Le gouvernement actuel, le Parti québécois - je l'accuse gravement en cela - s'est servi de ce qu'on a de plus noble, s'est servi de notre drapeau pas pour unir le peuple, mais pour le diviser, pour arriver à ses fins indépendantistes.

M. le Président, un drapeau, c'est un symbole qui unit des gens. Qu'en a fait le Parti québécois? Il en a fait un facteur de division. Je dirais qu'il a volé ce symbole au peuple du Québec. Vous savez, en droit criminel, pour qu'il y ait vol, deux exigences sont requises: Cela prend d'abord l'intention de voler et il faut poser l'acte. Inutile de vous dire que, dans un vol, dans un crime, l'intention est plus importante que l'acte. Quelqu'un peut faire un vol d'une valeur mineure sans avoir eu l'intention, mais, pour que le vol soit complet, il faut l'intention et l'acte. Qu'a fait le Parti québécois? C'est cela qui est grave. Il a volé au peuple du Québec son emblème pour en faire un emblème de division. Voulez-vous la preuve de ce que j'avance? Un article de journal dit: "Participons à la marche du Québec samedi le 17 avril. Apportons nos drapeaux du Québec. Affichons notre drapeau partout. " Est-ce que cela appartient au Parti québécois ou au peuple du Québec? (22 h 40)

Je déplore grandement que le Parti québécois ait enlevé, ait volé, ait souillé le drapeau du Québec. Oui, je le répète, M. le Président, il y a des Québécois aussi bons que vous autres qui se disent: Je ne suis pas pour hisser le drapeau devant ma maison, je vais passer pour un péquiste, pour un séparatiste.

Vous en avez entendu parler? Un député péquiste me disait un jour: Dans telle municipalité de mon comté, il y a 47 drapeaux comme si c'était 47 identifications à la caisse péquiste. Il faudra remettre au peuple ce qui lui appartient.

Dans sa société de décrets, le PQ s'occupe de tout, s'occupe de nous, il est omniprésent dans notre vie. Je lis un article du Soleil du 17 novembre 1982: "Le nombre de règlements au Québec est passé de 950 à 1882 en neuf ans. " Il n'y a plus de place pour l'initiative privée. Il n'y a plus de place pour une véritable consultation. Il n'y a plus de place pour le droit de parole des citoyens.

Avec le PQ, nous avons vécu un échec, un recul, une perte d'emplois - je conclus parce que vous me faites signe, M. le Président - nous qui étions habitués à un dynamisme réel et à une création d'emplois. Le PQ a mis le Québec en tutelle et on n'en veut pas de votre tutelle.

En concluant, je vous citerai un bon Beauceron qui, à l'adresse du PQ, me disait ceci: Dis-leur donc qu'ils se contentent d'être inutiles sans se rendre nuisibles. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Le point de vue que je vais exprimer en cette Chambre ce soir peut paraître naïf à ceux qui s'isolent derrière la crise budgétaire de l'État, mais comme ce point de vue existe, autant dans mon parti que dans de larges secteurs de la population, syndiqués ou non, il m'a semblé important de le faire entendre ici.

Dé toute évidence, il y a une crise économique réelle et profonde qui secoue et qui secouera pour longtemps notre économie et celle des autres pays industrialisés. Face à cette crise, l'important, pour le Québec et les Québécois, c'est d'abord et avant tout de s'entendre sur des remèdes efficaces pas seulement pour faire durer le patient, mais pour le guérir.

Cela s'appelle un nouveau contrat social, partagé, voulu, recherché par les secteurs les plus larges possible de la population. C'est un tel contrat social qui a permis à la société québécoise de réussir son décollage il y a 20 ans, de secouer la léthargie qui l'asphyxiait. C'est d'un tel contrat social dont on a besoin maintenant, avec des sacrifices dedans, pour tout le monde, certainement, mais avec l'assurance d'aller de l'avant et non pas de faire marche arrière.

Permettez-moi une brève remarque pour vous dire combien je suis et je reste en désaccord avec le député de Sainte-Marie qui appelait il y a quelques jours, lors de son discours sur la motion, à un changement de gouvernement. Comment peut-il raisonnablement croire lui-même et laisser croire qu'un gouvernement libéral, avec son laisser-faire politique à l'égard d'Ottawa, avec son laisser-faire économique dans le développement, pourrait ne pas faire pire que le Parti québécois et encore moins faire mieux? Quant à moi, je suis députée dans un gouvernement du Parti québécois et j'entends le rester tant et aussi longtemps que je serai en accord avec le programme de ce parti, au sein duquel je milite depuis bientôt treize ans.

Cela dit, c'est certainement à la question comment aller de l'avant qu'il faut répondre, si on veut emporter l'adhésion de ceux et de celles à qui on demande de véritables sacrifices. De cela, malheureusement, il n'en a pas été question, ni durant cette négociation, ni pendant ce débat sur l'urgence de ce projet de loi, à cause de la crise nous dit-on.

Je connais bien les efforts considérables que le gouvernement du Parti québécois a faits à l'égard des assistés sociaux en introduisant, notamment, à tous les trois mois une pleine et complète indexation au coût de la vie. Je sais tous les fonds de tiroir raclés pour lancer des programmes de création d'emplois, temporaires peut-être, mais dans les circonstances, certainement essentiels.

Je connais la malchance dans laquelle se débattent des milliers de citoyens. Je représente un comté ouvrier où, depuis mon élection, j'ai pu rencontrer au-delà de 1600 personnes qui sont venues au bureau pour demander que des démarches soient faites pour elles. Mais, leur sort va-t-il être amélioré parce que nous allons décréter d'autorité des dizaines de milliers de pages de conventions collectives?

Dans quel projet de relance, d'investissements, dans quel maintien de services, le gouvernement entend-il engager les sommes dont le sacrifice est demandé? Le consentement ne serait-il pas plus large si les enjeux apparaissaient plus évidents? Notre objectif de gouvernement ne peut quand même pas se réduire à distribuer plus équitablement la pauvreté, à défaut de la richesse que l'on n'arrive pas à produire comme société.

Pourquoi l'idée d'un fonds de relance économique, à partir, oui, des sacrifices consentis durant les trois prochaines années par les employés de l'État, a-t-elle été si rapidement écartée? L'État n'emprunte pas de ses employés, a-t-on entendu ici même dans cette Assemblée. La reine ne négocie pas avec ses sujets, a-t-on répondu aussi vingt ans plus tôt. Et pourquoi pas? Est-ce que la gravité de la crise économique ne commandait pas des solutions inédites, capables de renforcer la solidarité sociale à laquelle on fait appel, capables de démontrer aux chômeurs et aux assistés sociaux que les employés de l'État ne sont pas leurs ennemis, capables de démontrer que la bataille à gagner est celle du chômage et non de la réduction des salaires. Puisque gouverner c'est choisir, nous a-t-on rappelé cet après-midi, pourquoi n'a t-on pas choisi des projets qui donnaient une chance à la négociation?

M. le Président, ce que je refuserai de cautionner, lors du vote enregistré sur le projet de loi, c'est l'idée que seules les méthodes brutales pouvaient, dans les circonstances de la crise, faire entendre raison aux employés de l'État et à leur syndicat, l'idée exprimée et répandue dans les milieux gouvernementaux, dès le début de cette ronde de négociations, que jamais un dirigeant syndical qui se respecte ne pouvait négocier la récession et partager l'effort collectif. C'est prémuni de cette façon, avec la conviction d'un échec appréhendé, inévitable et peut-être parfois souhaité, qu'a été adoptée la loi 70.

D'ailleurs, cette loi mettait fin, avant même qu'elles ne commencent, aux négociations. Je m'autorise d'une telle affirmation, non seulement parce que je la pense ou que je l'ai abondamment lue chez

les éditorialistes durant l'automne, mais parce qu'on retrouve une affirmation générale de cette nature dans le rapport d'Yves Martin et de Lucien Bouchard, l'actuel négociateur du gouvernement, à une commission d'étude sur la révision du régime des négociations dans les secteurs public et parapublic, en 1978. Les auteurs de l'étude Martin-Bouchard disait ceci, après une longue analyse de toute cette question: "II apparaît en effet illusoire de concevoir une négociation authentique dans le cadre d'une masse monétaire prédéterminée. Comment pourrait-on prétendre garder son sens véritable de la négociation si, dès le départ, on y soustrait tout le champ des matières ayant une incidence sur le budget de l'État?"

Cela dit, loin de moi l'idée que le gouvernement doit abdiquer devant les demandes syndicales. Négocier ne veut pas dire abdiquer, mais cela aurait au moins permis de vérifier si un terrain d'entente était possible, avant de tout figer dans une loi que l'on doit maintenant amender. Cette loi no 70 était injuste à l'égard des bas salariés. La preuve en est que nous faisons nous-mêmes amende honorable en la modifiant. (22 h 50)

Mais le projet de loi no 105, en comparaison, reste tout aussi injuste à l'égard de dizaines et de dizaines de milliers d'employés à temps partiel, surtout des femmes qui ont un revenu annuel moyen de 10 000 $, 11 000 $ ou 12 000 $. Je pense, par exemple, aux 700 infirmières sur un total de 1200 qui travaillent sur une base régulière à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont sans les avantages d'un emploi à temps complet de plus en plus rare dans le secteur hospitalier. Elles, comme des dizaines et des dizaines de milliers d'autres, subiront une baisse sur leur salaire à l'échelle irréelle, puisqu'il ne s'agit pas de leur modeste salaire hebdomaire réel. Allez leur parler de la protection des bas salariés pour comprendre l'injustice qu'elles ressentent présentement.

M. le Président, le problème le plus grave n'est sans doute pas que nos objectifs n'aient pas été largement partagés, mais surtout qu'ils n'aient pas été clairement exprimés. Réduire les salaires, puisque c'est de cela qu'il s'agit, dans le secteur public, avec l'effet d'entraînement prévisible, inévitable dans le secteur privé où, soit dit en passant, plus de travailleurs et de travailleuses sont actuellement en lock-out plutôt qu'en grève - une majorité d'entre eux subissent un lock-out présentement, réduire les salaires, je le redis, ce n'est pas un objectif, c'est un moyen. Ce n'est pas suffisant de répéter, scandalisé parfois, que 52% du budget de l'État sont consacrés aux salaires. Encore faudrait-il savoir de quelle sorte d'État il s'agit.

Rapatrions tous les impôts et ajoutons à la masse salariale de l'État tous les fonctionnaires fédéraux au Québec et vous allez vite vous rendre compte que l'écart se réduit considérablement. Nous avons comme État provincial, parce que nous sommes un demi-Etat, des juridictions dans les domaines les plus coûteux et les moins payants, celles qui comptent le plus important coefficient de main-d'oeuvre, dans l'Éducation, dans les Affaires sociales, la santé.

Il a été abondamment question dernièrement de réduire les écarts de traitement des enseignants du Québec comparativement à ceux de l'Ontario? Cela a fait partie de la panoplie qui a été présentée durant les négociations. Alors, pourquoi ne pas faire tout autant et prendre les moyens de réduire les écarts considérables de diplômés secondaires, de diplômés postsecondaires, collégiaux et universitaires, cet écart considérable d'effectifs entre le Québec et l'Ontario. L'instruction est un facteur essentiel d'épanouissement personnel, mais surtout et aussi de développement économique et social. Alors, pourquoi ne pas avoir offert ou plutôt pourquoi ne pas offrir, par exemple, à la Centrale de l'enseignement du Québec, de livrer avec le gouvernement un combat contre le retard de plus en plus accentué du Québec en matière d'éducation, un combat en faveur de l'éducation des adultes et de la fréquentation scolaire, quand on sait, par exemple, que, de toutes les provinces, à l'exception de Terre-Neuve, le Québec a le taux de fréquentation le plus faible chez les 12-17 ans? Malheureusement, M. le Président, ces objectifs et bien d'autres ont été enfouis peut-être sous une mentalité de comptable, profession très honorable certainement, mais qui n'est pas très réputée pour sa capacité de mobiliser les forces d'une nation ou de proposer des projets de société.

Ceci dit, M. le Président, le gouvernement employeur peut-il honnêtement dire qu'il a tout essayé pour donner une chance raisonnable à la paix? Vous vous rappelez peut-être cette vieille chanson des Beatles qui a marqué notre adolescence, "Let's peace a chance". Vous savez, en négociation, c'est toujours possible de beurrer l'autre, comme on dit dans le jargon de ce milieu, c'est-à-dire de tout mettre sur le dos de l'adversaire, quand les positions sont à ce point rigides qu'elles en deviennent cadavériques - on sait, semble-t-il, qu'il n'y a pas plus rigide qu'un cadavre - et que le législateur a prévu l'intervention d'un tiers, habituellement, un conciliateur ou un médiateur, qui est là pour rapprocher les parties et leur soumettre un règlement respectable. Puisque la situation est exceptionnelle, que la crise est exceptionnelle - on en a parlé suffisamment dans cette Chambre pour que cela fasse au moins consensus - que la négociation a été

exceptionnelle, que le projet de loi est dit exceptionnel, pourquoi ne pas avoir recours à un conseil de médiation exceptionnel, tout au moins sur les clauses normatives des contrats de travail?

De toute façon, les conditions de travail sur le plan normatif sont reconduites et, donc, en vigueur jusqu'au 1er avril. Alors, qu'est-ce qui presse tant à s'embourber définitivement dans de nouveaux textes dont à peu près personne ne connaît l'interprétation, encore moins ceux et celles qui auront à les vivre dans des milliers d'établissements? Avez-vous idée du facteur de désordre que cela peut représenter? Je ne parle pas du grand désordre appréhendé contre lequel le gouvernement semble prémuni; non, mais de ce désordre qui peut être provoqué au jour le jour par des textes pouvant être différemment interprétés, par l'absence d'un minimum de consensus sur les lieux de travail, par une mécanique alourdie et peut-être déréglée.

La vérité est que le syndicalisme et la négociation sont un facteur d'ordre dans notre société, non pas seulement dans le secteur privé, mais également dans le secteur public. La réalité du projet de loi no 105 est de nier, avant même de l'avoir épuisé, le droit à la libre négociation de leurs conditions de travail pour les employés de l'État.

Pour terminer, je voudrais citer un texte qui m'avait été envoyé par mon collègue le député de Prévost et qui porte sur le modèle autrichien. On se réfère très souvent à des modèles de concertation. Sur ce modèle autrichien, on dit ceci: "Le modèle autrichien de concertation entre partenaires sociaux repose sur un traitement loyal des intérêts en présence tel qu'il exclut toute victoire trop éclatante comme toute défaite trop cuisante de l'une ou l'autre des parties. C'est la raison pour laquelle il importe au développement harmonieux de l'Autriche que cette collaboration contribue à lutter contre le pessimisme économique qui se répand peu à peu. " Le moins qu'on puisse dire est que le projet de loi no 105 nous écarte dangereusement de ce modèle qu'on voudrait nous présenter comme étant celui dans lequel le Québec doit se situer. Je vous remercie.

Mme Juneau: M. le Président, en vertu de l'article 100, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Est-ce que je pourrais poser une question à Mme la députée de Maisonneuve?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je m'excuse, Mme la députée de Johnson, mais on m'a demandé de prendre en délibéré l'article 100 il y a quelques jours, qu'on a utilisé pour questionner un autre député du même parti. Comme cette question est en délibéré, actuellement, je devrai vous refuser cette question...

Une voix: Elles ne sont pas du même parti!

Le Vice-Président (M. Rancourt):... simplement parce qu'il n'y a pas eu de décision de prise à ce niveau.

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le Président, sans vouloir être désagréable à l'endroit de la députée de Johnson, j'apprécie que vous signaliez que la question est toujours en délibéré. En effet, c'est moi qui avais soulevé la chose, hier ou avant-hier; il me semble que c'est une interprétation beaucoup trop large de l'article 100 qui permettrait ce genre de question après qu'un député a adressé la parole. Je vous prierais, en effet, de continuer à délibérer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue. En attendant, qu'on ne crée pas de précédent.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je pourrais ajouter qu'en plus de votre demande, comme leader adjoint de l'Opposition, j'ai eu la même demande du leader adjoint du gouvernement, ce qui ne me permet pas, actuellement, Mme la députée de Johnson, de vous accorder une question en vertu de l'article 100.

Mme Juneau: Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de directive, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: II y a quelque chose que je n'ai pas compris au début du discours de Mme la députée de Maisonneuve et je voudrais qu'elle explique à cette Assemblée ce qu'elle a voulu dire. (23 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de directive: c'est une façon indirecte de poser une question. Je m'excuse, Mme la députée de Johnson. Pour l'instant, je ne peux pas vous permettre cela, tant que je n'ai pas rendu une décision en vertu de l'article 100, tel qu'on me l'a demandé de chaque côté de cette Assemblée, il y a une

couple de jours. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: M. le Président, nous sommes en face d'une triste farce, l'étape finale et catastrophique d'un plan tout à fait fabriqué et bien orchestré par le gouvernement du Québec. La loi 105 et les 110 décrets représentent la preuve ultime que le gouvernement est totalement incapable de gérer ses affaires, la preuve finale de son incompétence. Quand j'ai entendu, hier, les arguments hypocrites du leader du gouvernement sur l'urgence de la situation, je me suis rendu compte que le gouvernement du Québec n'est pas seulement en faillite sur le plan financier, qu'il est aussi en faillite sur le plan intellectuel et moral. Dans son plaidoyer pour justifier l'urgence de la loi 105, le leader a parlé de la crise économique. Il a parlé du niveau désastreux du chômage, il a parlé du sort des jeunes, de la fermeture des usines et de la nécessité de maintenir la qualité des services dans nos hôpitaux et nos écoles, comme si la loi 105 allait régler la situation.

Il a même exploité les plus démunis en citant quelques cas spécifiques de personnes qui souffrent de la crise actuelle. Pour des gains politiques, il a eu la mesquinerie d'exploiter les souffrances de ces personnes afin de jouer sur les sentiments du public. J'ai honte de mon gouvernement. Ce n'est pas le gouvernement des députés péquistes. C'est mon gouvernement. C'est notre gouvernement. C'est le gouvernement de tous les citoyens du Québec. J'ai honte du gouvernement parce que ces gens sont tellement dégradés qu'ils sont prêts à toutes les bassesses pour justifier ce qui n'est pas justifiable, parce que c'est bien évident que la loi 105 ne résoudra d'aucune façon la crise économique. Au contraire, la loi risque de la rendre encore pire. On peut se poser des questions sur l'impact d'un tel coup de force sur la qualité des services dans nos écoles et nos hôpitaux, à l'avenir. J'ai honte de mon gouvernement, de notre gouvernement, parce qu'il est tellement malhonnête qu'il a adopté la loi 70 en juin dernier, pas pour régler la crise, mais afin de l'utiliser comme chantage pour forcer nos travailleurs à se mettre à genoux.

J'ai honte de mon gouvernement parce que c'est évident qu'il n'avait nullement l'intention de négocier de bonne foi. Le gouvernement a joué un jeu dangereux, un jeu qu'il ne pourrait jamais gagner parce que nos travailleurs ont trop de respect en soi pour être attrapés dans un tel jeu. C'est un jeu que le gouvernement ne peut pas gagner parce qu'au bout de la ligne, c'est la crédibilité du gouvernement qui est en jeu. Le public n'est pas dupe et, avec ce dernier coup de force, la loi 105, le gouvernement s'attaque à l'intelligence, non pas uniquement des travailleurs, mais à l'intelligence du public. Après aujourd'hui, le gouvernement du Québec n'aura plus de crédibilité auprès du public.

Today, this week-end, is a dark day for all Quebeckers. The mountain of decrees that we saw yesterday - ten feet, 85 000 pages of paper - that we are being asked to approve in just a few hours for 310 000 workers in the public sector is a monument to the failure of the Quebec Government, its failure to respect its own signature, its failure to respect its own employees, its failure to understand that real solutions never result from unilateral, authoritarian decisions, from confrontation, from bullying tactics, from blackmail tactics. Real decisions result when there is discussion with mutual respect and good faith on both sides.

The 85 000 pages of decrees are a monument to the arrogance of the PQ Government which has always believed that the answer to every problem was another Government intervention, another rule, another law, another regulation, another structure and another directive, always resulting in more centralization of power in the hands of the Government. It is a Government which has now amassed so much power that it is powerless to cope with the monster it has created.

Bill 105 is an admission of its powerlessness, a declaration of impotence by a Government who thought it could control everything and has found out that it cannot manage anything. Bill 105 is a pitiful end to a long series of choices deliberately taken by the PQ Government, a series of choices which have been leading this province to ruin for six years.

The other day, the Finance Minister said, and he was right: To govern is to make choices. But let us look at the choices that the Government has been making. Le gouvernement a choisi d'acheter des votes référendaires en signant des accords avec le secteur public, lesquels il ne pouvait, de toute évidence, se permettre. The Government has chosen to create an overblown public sector which it cannot afford and, at the same time, it has weakened the private sector which is, after all, the motor that generates the money for the public sector. It has weakened the private sector by driving out investments by excessive taxation and excessive meddling in the affairs of the private sector.

Le gouvernement a choisi de continuer ses politiques de règlements abusifs et d'interventions dans tous les domaines de notre vie. The Government has chosen to attack almost every group, every professional group and every elected group in our society. The Government has attacked the doctors,

the engineers, the accountants. The Government has chosen to dilute the autonomy of the municipalities. The Government has chosen to attack the school boards by a series of specious arguments saying: Well, we took all the powers away, so now we might as well abolish them. The Government is even attacking the parents because, in the plan to restructure the schools, the Government is pretending to give parents powers, but if you read the plan carefully, you find out that it is all an illusion. What the Government is really doing is taking over all the powers so that the parents will have very little to decide. (23 h 10)

If you want a couple of examples of how the Government really feels about parents and the kind of lack of respect that the Government has for parents, you just have to look at the Châteauguay School Board situation. The parents have decided that they want their children to learn English starting in grade one, they have been learning it for a few years, and now the Government wants to take it away because learning English for French children, starting in grade one, is not within the Government regulations. The Government knows best. That is the kind of respect that the Government has for parents' wishes.

We have a case in the Baldwin-Cartier School Board, where the parents and the professionals have developed their own sex education program. But the Government would not approve it. Do you know why? Because it does not conform with the national objectives of the Government for sex education in Québec. Now we have national sex as well as anything else.

Le gouvernement a choisi d'exaspérer les minorités et d'attaquer les libertés de l'individu par ses politiques rigoureuses en matière d'affichage, de tests linguistiques, d'accès aux écoles anglaises et d'activités abusives de la Commission de surveillance de la langue française. Le gouvernement a choisi de gaspiller des millions de dollars en acquérant l'industrie déclinante d'Asbestos. Le gouvernement a choisi de ne rien faire pour stimuler SIDBEC, même après avoir été prévenu du désastre imminent.

Le gouvernement s'est engagé dans sa campagne Ottawa-Crash, visant à intensifier les confrontations Québec-Ottawa dans tous les secteurs possibles. Le gouvernement a choisi de gaspiller des sommes énormes pour aménager des bureaux spacieux à l'étranger et aussi pour créer des agences gouvernementales bureaucratiques inutiles dans toute la province. Le gouvernement a choisi de conserver une attitude de nationalisme aveugle qui projette l'image d'une société fermée et peu accueillante et, en juin, le gouvernement a choisi les employés du secteur public comme principaux boucs émissaires. Le gouvernement a intentionnellement choisi d'empoisonner les négociations en faisant du chantage auprès des travailleurs, avec les menaces d'une coupe salariale de 20% pour une période de trois mois.

Now, even though the existing collective agreements are in force until April 1st, the Government is pretending that there is an urgency to settle. My friends, there is an urgency all right, but it is not to settle the negotiations in the public sector, the urgency is to get rid of the PQ Party in this province, a government which has continued, and will continue, as long as it is in power, to destabilize the social and economic climate of Québec, because it has one obsession, the separation of Québec from Canada. All its political choices have been and will continue to be a manipulation of the situation to justify the need to separate Québec from Canada. The PQ Government is prepared to make Quebeckers pay any social and economic prices to succeed in its option. Bills 70 and 105 are only the beginning of the price that Quebeckers are going to be asked to pay.

The PQ Government, my friends, they are the problem. The PQ mentality will never be able to bring back social stability and economic recovery because the very mentality runs counter to the conditions that are required. What is required is a government with a different set of options, a government which understands that in order to revitalize the economy, we must revitalize the private sector and one of the best ways to revitalize the private sector is for the Government to get out of the way and let the private sector do what it knows how to do. The Government has to back off and reduce its intervention, its regulation, its bureaucratic meddling in the private sector.

This afternoon, the Prime Minister gave us a lesson about industrial revolution and the "virage technologique" upon which Québec should embark, so it will not miss the boat for the revolution that is sweeping the world. For two years now, the Government has been preaching the urgency of increasing research and development activity, so that Québec does not find itself helplessly behind in this technological revolution. The problem is that the PQ Government cannot even get started because its very mentality makes it incapable of understanding what to do. Instead of preparing a plan of action, it is hopelessly bogged down in talking about the creation of new structures.

What is needed is not structures, but action. Action to reduce structures; action to reduce government intervention; action to reduce taxes in order to free up investment moneys; action to equip our work force with technical skills, so that they will have jobs

in the technical revolution; action to depolarize the language debate; action to create a stable and welcoming society; action to improve work-oriented programs at all levels of our educational system; action to modernize our outdated manufacturing sector; action to support risk, creativity and individual initiative; action so that Quebeckers will be able to compete in the global village.

Pierre Lortie said at a recent meeting of the Order of engineers: "The conditions necessary for innovation are foreign to the culture of bureaucracy". Think about it. Will the PQ Government ever be able to do what is required to take off in the technical revolution? When I looked to the mountain of documents yesterday, I had a very strange feeling. I think I felt a little bit the way the people in Jonestown must have felt...

Une voix: Franchement!

Mme Dougherty:... on those last weird days when the bubble, their illusion was about to burst and all irreality was going to go up in smoke so we could get back to reality.

Pierre Marois said in la Presse, the 28th of September: "Le moment est venu pour les élus du Parti québécois de mettre leur siège en jeu pour l'option indépendantiste". Why do you not go ahead? We are ready because I think it is the time for a return to reason. A return to common sense, to the values of respect for individual dignity and individual initiative, respect for private initiative - respect for creativity and risk and the values that have built this province and this country. (23 h 20)

Mr. Speaker, il est grand temps qu'on se débarrasse de ce gouvernement péquiste pour le remplacer par un gouvernement qui n'oubliera jamais que ce sont les citoyens qui sont souverains et pas le gouvernement. Il est grand temps qu'on retourne à la raison. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Vachon, sur...

M. Payne:... juste une question de règlement, en vertu de l'article 100. Est-ce que je peux poser brièvement une question à la députée de Jacques-Cartier?

M. Bertrand: II demande s'il peut poser une question.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député, je dois vous rappeler que c'est la députée... Non, je m'excuse, M. le leader adjoint. Mme la députée de

Jacques-Cartier accepte-t-elle qu'une question lui soit posée par le député de Vachon?

Une voix: Non.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Gratton:... votre prédécesseur au fauteuil a dit tantôt, lorsque la députée de Johnson a voulu, dans des circonstances analogues, poser une question à la députée de Maisonneuve qui venait de terminer son intervention...

Une voix: On ne l'accepte pas de toute façon.

M. Gratton:... votre prédécesseur, dis-je, a expliqué qu'il avait pris cette question en délibéré quant à l'interprétation qu'on doit faire de l'article 100 qui n'a rien à voir avec la possibilité pour un député de poser une question après qu'un discours est terminé, mais qui a tout à voir avec la possibilité qu'un député a de s'exprimer sans être interrompu par quiconque. Avant qu'on ne donne l'occasion au député de Vachon de poser sa question, il me semble que la présidence devrait statuer sur l'interprétation qu'on doit faire de l'article 100.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, j'étais là au moment où se sont déroulés les événements qui ont amené la présidence à prendre en délibéré une demande de directive. Or, si ma mémoire est bonne -j'espère qu'elle l'est encore, M. le Président, même s'il est 23 h 20 - je crois me rappeler que c'était dans les cas où un député d'une formation politique adressait, en vertu de l'article 100, une question à un député de sa propre formation politique.

Une voix: C'est cela.

M. Bertrand: Mais l'article 100 de notre règlement prévoit bien qu'un député d'une formation politique peut, à la fin du discours d'un député d'une autre formation politique, demander à ce député d'une autre formation politique, s'il accepte qu'on lui pose une question. So, for Mrs Dougherty, we have a

member of our political party who wants to ask you a question, so are you ready to answer...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader. Je dois simplement dire deux choses. La première: la question prise en délibéré par mon prédécesseur, à ce siège, a pour discussion actuellement le fait qu'un député d'une formation politique adresse une question à un député de sa même formation politique. J'ai déjà dit cependant - c'est la deuxième partie - que l'article 100 est le suivant, c'est que, en vertu de cet article, tant que la personne a la parole, on peut soit l'interrompre ou attendre à la fin de son discours, mais quand elle a la parole, c'est-à-dire quand son droit de parole existe, or il existe tant et aussi longtemps qu'elle n'a pas épuisé, en vertu du règlement, ses 20 minutes usuelles.

Deuxièmement, si le député lui pose une question et que la députée accepte, mais que son droit de parole est terminé, comme je l'ai dit cet après-midi, c'est un consentement tacite si personne ne s'y oppose. Or j'ai entendu qu'un membre de la formation politique de Mme la députée de Jacques-Cartier s'oppose et, n'ayant pas de consentement, je ne peux accorder le droit de parole ou la question. En conséquence, le droit de parole est au député de Maskinongé.

Une voix: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): J'en ai deux. Je vais commencer par le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, tout d'abord, je voudrais que ce soit bien clair. Quand on a demandé de prendre en délibéré l'interprétation qu'on doit faire de l'article 100, il ne s'agissait pas de poser la question en vertu d'une question posée par un député d'une formation politique à un autre membre de cette même formation politique. Il s'agissait de savoir comment on doit interpréter l'article 100 indépendamment de qui pose la question à qui. C'est ce que...

Le Président: Vous allez l'avoir immédiatement, M. le leader adjoint de l'Opposition. Même si, littéralement, l'article 100 mentionne qu'un député peut poser, avec le consentement de l'autre personne, une question à un autre député, je pense que, dans la conception et dans l'idée de ceux qui ont rédigé le règlement qui nous régit actuellement, l'esprit du législateur ou du concepteur du règlement était dans le sens que la question ne pouvait pas être posée par un député d'un même parti à un de ses collègues, et ce, des deux côtés de la Chambre. Si tel était le cas, on arriverait à des situations absolument ridicules, absurdes, de telle sorte que, par entente entre collègues, on pourrait assister à une période des questions entre députés à la fin des droits de parole. Donc, la question n'est plus en délibéré maintenant. Tout en respectant la décision rendue par mon collègue sur un autre point de l'article 100, et que je confirme, je dis, d'autre part, qu'un député ministériel pourra, avec le consentement, poser une question à un député de l'Opposition, si celui-ci consent et vice versa, mais jamais entre membres d'un même parti politique.

M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, simplement pour qu'on s'entende bien de part et d'autre, il n'est pas question de contester votre décision. Au contraire, je partage votre point de vue là-dessus. L'article 100 n'existe-t-il pas pour signifier qu'un député qui a la parole ne peut être interrompu que pour les raisons qui y sont mentionnées, c'est-à-dire pour qu'on puisse lui demander la permission de poser une question ou de donner des explications pour soulever une question de règlement ou une question de privilège ou pour signaler un défaut de quorum? En d'autres mots, l'article 100 n'existe pas pour établir les conditions selon lesquelles un député peut poser une question à un autre, mais simplement pour établir la protection qu'un député a, au moment où il a la parole, de ne pas être interrompu par un autre collègue. Cela, à mon avis, ne doit pas - je vous demande de le confirmer si c'est votre opinion, M. le Président - signifier, d'aucune façon, qu'il est possible à quelque député que ce soit de poser une question à quelque autre député que ce soit qui aurait terminé. En d'autres mots, un député peut demander la permission de poser une question à un député qui a la parole, mais une fois que ce député a terminé son intervention, il ne devrait pas, selon moi, être question, pour un autre député de pouvoir lui poser une question, parce que, à ce moment, on aurait ce que vous avez signalé qui pourrait survenir, c'est-à-dire des périodes de questions à la fin de chaque intervention.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, pour une bonne part de l'argumentation du leader adjoint de l'Opposition, je dois dire que je suis totalement d'accord avec ce qu'il dit. Je crois savoir aussi qu'il y a une jurisprudence qui s'est établie en cette Chambre, à savoir que les députés - cela arrive à l'occasion -peuvent interrompre effectivement une personne et, se prévalant de l'article 100, demander à cette personne si elle accepte de répondre à une question. La jurisprudence, la

tradition dans la majorité des cas, c'est que les gens laissent la personne terminer son discours et, se prévalant de l'article 100 en disant qu'elle n'a pas voulu l'interrompre pendant son discours, demandent à la personne si elle accepterait de répondre à une question. À ce moment-ci, le député de Vachon, tout ce qu'il veut, dans le fond, c'est demander à Mme la députée si elle accepterait de répondre à une question. C'est tout. Elle dit oui ou elle dit non.

Le Président: Je pense qu'on a établi un premier point, à savoir qui pouvait poser des questions à qui. Le deuxième point: Effectivement, durant l'intervention d'un député, à moins d'obtenir la permission de ce député, le député doit continuer son intervention. Tant que ce député a la parole, ce qui veut dire tant que son droit de parole prévu par le règlement à l'article 160 n'est pas expiré, c'est-à-dire si, par exemple, un député parle pendant seize minutes, alors que l'article 160 permet que cette personne puisse parler vingt minutes, si elle n'en utilise que seize, il lui est quand même loisible, parce que cette personne a encore quatre minutes à son droit de parole, si elle le veut bien, de répondre à une question d'un député d'un autre parti politique. Le consentement, bien sûr, appartient à la personne à qui on fait la demande. C'est la façon dont j'interprète l'article 100, mais il est bien entendu que, si les vingt minutes en question sont expirées, il n'est même pas question de consentement, puisque, le droit de parole étant expiré, elle ne peut donner une permission pour répondre à une question, parce que ainsi cette personne enlèverait un droit ou du temps à d'autres députés qui pourraient intervenir ou qui voudraient intervenir dans cette Chambre. C'est là mon interprétation de l'article 100. (22 h 30)

M. Picotte: Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Vachon.

M. Payne: As-je bien compris qu'il ne m'est pas permis de me prévaloir de l'article 100 pour savoir si, oui ou non, je peux lui poser une question? Ne puis-je pas me prévaloir de l'article 100?

Le Président: Si le droit de parole de vingt minutes, prévu pour chaque député en cette Chambre sur une motion de deuxième lecture, si le droit de parole de Mme la députée de Jacques-Cartier est expiré, elle n'a pas à donner son consentement, parce que, même si elle donnait son consentement, elle se trouverait ainsi à donner son consentement en utilisant du temps appartenant à d'autres parlementaires de l'Assemblée nationale.

Si, par contre, son droit de parole prévu à l'article 160, qui est de vingt minutes, n'est pas expiré et si cette personne accepte de répondre à la question, elle le peut, si elle le veut.

Une voix: S'il est expiré?

Le Président: Si, dans le cas de Mme la députée de Jacques-Cartier, son droit de parole de vingt minutes, prévu à l'article 160, est expiré, elle ne peut... M. le député de Vachon.

M. Payne: Le sens de ma question est très simple, M. le Président. Je voudrais savoir si son temps est expiré. Je pense que ma question est légitime.

Des voix: Oui.

M. Payne: S'il n'est pas expiré...

Le Président: On m'informe que le droit de parole de vingt minutes de Mme la députée de Jacques-Cartier est expiré.

M. Gratton: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, il ne s'agit pas de contester encore une fois, mais je me demande si on ne pourrait pas vous demander de réfléchir à la portée des mots qu'on retrouve dès le début de l'article 100: "Tant qu'un député a la parole". Est-ce qu'on doit interpréter cela comme voulant dire: Tant qu'un député est en train de parler à l'Assemblée nationale ou doit-on, dans le cas d'un droit de parole de vingt minutes, l'interpréter comme étant pendant les vingt minutes que doit durer le droit de parole d'un député? Selon moi - je vous donne mon avis - tant qu'un député a la parole, cela veut dire tant et aussi longtemps qu'un député est en train de s'exprimer et, une fois que le député est assis, qu'il a terminé d'exercer son droit de parole, l'article 100 ne s'applique plus à lui, mais au prochain député qui interviendra.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, littéralement, vous avez raison, tel que l'article est écrit. Il n'en demeure pas moins que les us et coutumes en cette Chambre depuis plusieurs années ont démontré que nous avons appliqué l'article 100 et permis que des questions avec consentement soient posées s'il restait des minutes sur le temps de parole des députés, avec consentement évidemment. Je suis d'accord avec vous que, littéralement parlant, on dit: Tant qu'un député a la parole, mais, pratiquement, depuis plusieurs

années, si le droit de parole de vingt minutes n'est pas expiré et qu'un député veut poser une question à l'intervenant, cette question peut être posée mais avec le consentement de la personne en question, et, dès que les vingt minutes sont expirées, aucune question n'est possible.

M. Gratton: M. le Président, au sujet du mot "consentement" que vous utilisez, est-ce qu'on ne devrait pas parler du consentement unanime plutôt que du consentement du député qui a terminé? En supposant qu'un député termine son intervention, il est loisible à tout autre député de se faire reconnaître et d'avoir le droit de s'exprimer. Or, il faudrait au moins que cette personne consente également qu'une question soit posée plutôt que...

Le Président: Si les vingt minutes ne sont pas expirés, évidemment qu'il revient à la personne qui avait la parole de dire oui ou non. C'est à elle de dire si elle veut répondre ou non à la question.

Par contre, si les vingt minutes sont expirés, il faut absolument non seulement un consentement unanime de tous les membres de l'Assemblée, mais en plus un consentement de la personne que l'on veut interroger.

M. le député de Maskinongé.

Des voix: Bravo!

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, M. le Président. Depuis le début de ce débat spécifique concernant le projet de loi no 105, j'ai l'impression de me retrouver à une autre époque où, lorsque arrivait un malheur dans une famille ou dans une collectivité, celui qui était en charge de la famille ou de la collectivité engageait des braillards et des pleureuses pour tâcher de bien souligner l'événement et de démontrer jusqu'à quel point c'était dommage.

J'ai l'impression qu'avec le projet de loi no 105, le premier ministre du Québec s'est engagé une trentaine ou une quarantaine de braillards et pleureuses pour tâcher de dire - je parle de tous les députés péquistes qui sont passés avant nous autres -à la population: C'est épouvantable. Ce n'est pas de gaieté de coeur que je prends la parole sur ce projet de loi no 105. C'est dommage, c'est triste, mais la conjoncture économique nous permet, nous oblige, nous, du gouvernement, à présenter une telle loi matraque, injuste et insipide contre les travailleurs du Québec. C'est pour ça que je dis qu'on a entendu, depuis le début de ce débat, une vingtaine ou une trentaine de braillards et de pleureuses en face de nous qui viennent tout simplement dire au peuple: Cela nous fait extrêmement mal de faire ce que nous faisons, mais, même si ça nous fait mal, on va vous tuer quand même et on va vous assommer de la meilleure façon. Quelle hypocrisie, quelle prostitution politique de la part des péquistes et de ce gouvernement péquistel

J'ai un triste événement à vous rappeler, M. le Président. Bientôt, soit dans 20 minutes, on célébrera de regrettée mémoire le trentième anniversaire de la loi de l'émeute imposée par le gouvernement Duplessis aux travailleurs de l'Associated Textile à Louiseville, qui étaient en grève depuis quelque douze mois. Duplessis avait une façon bien spéciale de régler les grèves, il faisait matraquer les travailleurs par la Sûreté du Québec. René Lévesque, son image toute recopiée, a une façon bien spéciale de régler les problèmes, il fait des lois spéciales matraquant les travailleurs. Il arrive au même résultat et il remplit le parlement de policiers provinciaux pour protéger sa petite personne et les membres de cette Assemblée. Il utilise la même chose, il utilise la force et il bafoue tout simplement les libertés des travailleurs du Québec. C'est ce triste anniversaire, ça tombe curieusement, c'est curieux comme l'histoire se répète. C'est le trentième anniversaire de ce jour où on a bafoué des travailleurs à Louiseville, à coups de matraques, avec la Sûreté du Québec. Et on bafoue les travailleurs, à l'Assemblée nationale, avec un gouvernement semblable à celui de Duplessis. On bafoue les travailleurs avec des lois et en les menaçant avec des épées de Damoclès au-dessus de leur tête. C'est triste! Non seulement c'est triste, mais c'est écoeurant de la part d'un gouvernement dont les singes sont en avant de nous, un gouvernement qui disait avoir un préjugé favorable aux travailleurs.

Quand je regarde ce préjugé favorable aux travailleurs dont ces gens-là parlaient en 1976, je me demande jusqu'à quel point il était profond. Je me demande jusqu'à quel point ces gens-là étaient sincères. Je me demande jusqu'à quel point ces gens-là étaient sérieux puisque, six ans plus tard, voilà ce qu'on fait des travailleurs du Québec. Et ça ne fait que commencer. Ce sont les travailleurs des secteurs public et parapublic. On pourrait penser à ce que ce gouvernement a fait aux milliers de travailleurs de la construction, qui ne sont pas des travailleurs des secteurs public et parapublic, à qui on a tout simplement fait revoler la carte de compétence et à qui on impose des amendes, même qu'on en envoie quelques-uns en prison parce qu'ils ont osé travailler sans carte dans un Québec où on parle de liberté, dans un Québec qui se dit un pays libre. On bafoue les travailleurs de la construction, on bafoue les travailleurs des secteurs public et parapublic. Ce gouvernement hypocrite, ce gouvernement -M. le Président, je vais retenir les termes que je voulais employer parce que c'est vrai

qu'ils seraient antiparlementaires - bafoue les travailleurs, je viens de vous en donner des exemples. Je vais vous dire une chose. Ce gouvernement est en train de payer la facture qu'il s'est lui-même montée. (23 h 40)

Je me rappelle trop bien qu'en 1974 et 1975, alors que j'étais député en cette Chambre, il n'y avait pas une manifestation sans que ces hypocrites de premier ordre traversent la Chambre et descendent devant le parlement en disant aux travailleurs qui venaient manifester avec des pancartes, manifestations infestées de péquistes: Lâchez pas! Le gouvernement doit vous respecter. Un gouvernement qui ne donne pas 30% à 35% d'augmentation à ses travailleurs, c'est un gouvernement qui ne respecte pas ses citoyens. Cela a été dit en 1974 et en 1975 par cette bande d'hypocrites, qui étaient au nombre de six, assis en face de nous, et par un paquet d'autres qui ont été élus depuis, qui étaient des chefs syndicaux, des représentants syndicaux à ce moment-là, qui venaient manifester devant le parlement. Cela a été dit par eux.

Qu'est-ce qu'on fait six ans plus tard? Qu'est-ce qu'on respecte six ans plus tard? Un gouvernement qui ne donne pas 35% d'augmentation à ses employés, c'est un gouvernement qui ne respecte pas ses employés et ses citoyens? Comment appelle-t-on un gouvernement qui va soutirer 20% du salaire aux employés qui l'ont gagné, l'année dernière, avec une convention collective qu'il a lui-même signée? C'est un gouvernement voleur. C'est un gouvernement qui fait des hold-up. C'est un gouvernement écoeurant, M. le Président, tout simplement. Il n'y a pas d'autres mots pour le qualifier. Je ne serai pas tendre avec vous et je vous dis, messieurs, que vous récoltez ce que vous avez semé. Vous avez semé la tempête et vous récoltez cela présentement. Cela va aller bien plus loin. Vous allez avoir d'autres ennuis que ceux-là, malheureusement pour le Québec, malheureusement pour le climat social. Mais vous avez couru après et vous l'avez voulu.

Messieurs, je regrette, mais je ne peux pas cautionner ce genre de gouvernement voleur. Je ne cautionnerai pas les vols; ce n'est pas vrai. Je ne cautionnerai pas des gens qui vont fouiller dans les poches des citoyens après avoir donné délibérément, après s'être assis à une table de négociation et après avoir discuté avec ses employés et signé une convention collective, de bonne foi de la part des syndicats, de bonne foi de la part des travailleurs et, soi-disant, à ce moment-là, de bonne foi de la part du gouvernement. On réalise aujourd'hui que le gouvernement n'était pas de bonne foi.

Le gouvernement voulait acheter le référendum, M. le Président. Le gouvernement voulait tout simplement...

J'entendais Parizeau nous dire, je m'excuse, le ministre des Finances - c'est son nom; il ne doit pas avoir honte de son nom, c'est comme rien - nous dire, à l'Assemblée nationale, les deux mains dans ses petites poches de gilet, en ridiculisant tout le monde du Québec, comme un gars qui cachait la vérité: Nous avons économisé des millions dans cette négociation; on a réussi à s'entendre en économisant des millions. Il ne connaît pas cela, économiser des millions. Il ne sait pas ce qu'est une piastre. C'est un faiseur de trous, le ministre des Finances. Ce n'est pas un faiseur de piastres et ce n'est pas un faiseur d'administration. C'est ce qu'est ce gouvernement hypocrite, assis en face de nous.

Pourquoi utilise-t-on présentement le projet de loi no 105? Parce que le gouvernement a besoin d'aller chercher 560 000 000 $ dans les poches des citoyens. Où aurait-on pu prendre, depuis trois ans, ces 560 000 000 $, M. le Président? Est-ce qu'on aurait pu, alors qu'on dépense 20 000 000 $ dans les cabinets de ministre et qu'il s'en dépensait deux fois moins en 1976, épargner 10 000 000 $ dans les cabinets de ministre? C'est sûr que cela veut dire quelques péquistes ou quelques petits amis du régime de moins, mais on aurait épargné 10 000 000 $. Cela aurait déjà été 10 000 000 $ de trouvés et on aurait pu adoucir la convention collective.

Mon collègue a parlé du fameux combat de boxe qui a été organisé au Stade olympique par ces champions. Ils ne sont champions de rien, ils sont champions d'un trou, ils sont champions de la faillite, les gens de ce gouvernement. On a dépensé quelques millions pour organiser un combat de boxe et on découvre maintenant un paquet de scandales. C'est à l'image de ce gouvernement scandaleux, rempli de scandales individuels et collectifs. Marc Lavallée vous en parlera d'ailleurs.

Est-ce qu'on n'aurait pas pu épargner quelques millions lors de la fête nationale des Québécois au lieu de glisser cela dans les poches des péquistes? Des scandaleux de votre trempe! Là encore, on aurait pu épargner quelques millions au lieu de jeter le blâme et de cracher le venin sur les travailleurs du Québec. N'aurait-on pas pu faire cela, avec votre préjugé favorable?

N'aurait-on pas pu épargner 100 000 000 $ dans Asbestos Corporation? Asbestos Corporation, 100 000 000 $ d'engloutis là-dedans, des déficits, un paquet de choses, mais pas un seul job de créé. N'aurait-on pas pu épargner ces 100 000 000 $ plutôt que de cracher le venin sur les travailleurs du Québec, gang d'hypocrites péquistes que vous êtes! Est-ce qu'on n'aurait pas pu épargner ça?

Est-ce qu'on n'aurait pas pu épargner quelques millions dans le secteur de la

publicité, au lieu de dire aux gens: "II ne faut pas se faire avoir" et essayer de redorer son petit blason péquiste? N'aurait-on pas pu essayer d'épargner quelques millions et arrêter de dire que les travailleurs du Québec ne font pas l'affaire de l'État? Est-ce qu'on n'aurait pas pu épargner quelques millions là-dedans, gang d'hypocrites péquistes?

Ne pourrait-on pas épargner quelques millions en enlevant les inspecteurs de l'Office de la langue française qui vont écoeurer tout le monde au Québec en disant: Vous n'avez pas le droit d'inscrire "Merry Christmas" à ce temps-ci de l'année dans vos vitrines? Vous ne devez plus inscrire "hamburger" sur vos menus, ce sont des hambourgeois. Comme ce sont des gens qui n'ont pas peur de manger n'importe quoi, on leur laisse manger des chiens-chauds, à ces gars d'en face. Est-ce qu'on ne pourrait pas épargner encore quelques millions du côté des inspecteurs? C'est ça, ce gouvernement:

Est-ce qu'on n'aurait pas pu épargner quelques millions lors de la réforme électorale, au lieu de cracher le venin sur les travailleurs du Québec? On a fait la démonstration, la preuve que cela a coûté trois fois plus cher encore pour favoriser quelques petits péquistes. Quelle est la logique de ce gouvernement? Si on gelait seulement le salaire des travailleurs, je serais prêt à embarquer avec vous autres, les travailleurs aussi. Mais au même moment où on va chercher 10% et 20% dans la poche des travailleurs du Québec du secteur scolaire, du côté des hôpitaux, chez les travailleurs des secteurs public et parapublic, selon la logique de ces cerveaux brûlés d'en face, on dépose un projet de loi pour qu'au mois d'avril on augmente de 6% nos salaires! Si vous étiez logiques, vous devriez avoir honte de demander une augmentation de 6%. Vous devriez au moins geler nos salaires à nous aussi, les députés, jusqu'à temps que ces décrets soient expirés. Au moins, gelez nos salaires! Mais non, vous présentez un projet d'augmentation pour le mois d'avril. Quelle hypocrisie! Bande d'hypocrites! Il n'y a pas d'autres mots pour dire cela. M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Picotte: Oui, je m'excuse.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Guay: M. le Président, j'invoque une question de privilège. Je vous dis tout de suite qu'elle a pour but de rectifier un fait et non pas de diverger d'opinion, pour autant que le député d'en face ait des opinions. Le député vient d'affirmer que le gouvernement a déposé un projet de loi qui a pour but d'augmenter les députés, dont lui-même, à compter du 1er avril prochain. Le gouvernement a présenté un projet de loi qui a pour but de différer l'augmentation déjà prévue dans la loi actuelle jusqu'au 1er avril prochain, ce qui est très différent, M. le Président. (23 h 50)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, vous savez comme moi qu'il ne s'agit pas là d'une question de privilège. Le député diffère d'opinion avec mon collègue de Maskinongé, il pourra le dire en exerçant son droit de parole.

Le débat sur le projet de loi no 90 viendra lundi et non pas ce soir.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Guay: Je ne diffère pas d'opinion; c'est qu'un fait qui est faux a été énoncé par le député de Maskinongé et je le corrige parce qu'il porte atteinte aux privilèges des députés de cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président.

Je vais répéter pour la bonne compréhension de tous: À partir du 1er avril, le salaire de chacun d'entre nous qui siégeons ici en cette Chambre sera augmenté de 6%. Il a beau être différé de quelques mois, c'est de la pure hypocrisie de votre gouvernement. C'est cela que j'étais en train de vous dire. Vous êtes des hypocrites. Gelez-les au moins jusqu'à la fin des décrets que vous présentez pour deux ans. C'est cela que je vous dis. Si vous êtes logiques, gelez-les. C'est cela que vous allez vous donner quand vous allez arracher 10% et 20% dans la poche des travailleurs. Vous bafouez les travailleurs et vous vous donnerez une augmentation de salaire à partir du 1er avril. Imaginez-vous donc! Ces pauvres députés péquistes, ces pauvres ministres!

Je vois le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui est plein comme un boudin et je vois le ministre qui va dire tout simplement ceci...

M. Garon: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: En vertu du règlement, j'estime que le député de Maskinongé peut parler avec toute la violence verbale qu'il

voudra, mais il pourrait parler avec un peu de savoir-vivre, parce qu'on dirait qu'il n'a pas été élevé.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Maskinongé, avant de vous redonner la parole, je voudrais, puisqu'on a invoqué le règlement de part et d'autre, vous faire part aussi de l'article 99. 2 qui dit: "De se référer à une affaire inscrite au feuilleton, à moins que cette affaire et celle qui est en discussion ne soient fondées exactement sur le même principe; " et aussi au paragraphe 8 de ce même article 99: "De se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée; ".

M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Félicitations pour votre programme, M. le Président!

Je voulais simplement dire ceci et je vais le répéter: Quand j'aurai des leçons de savoir-vivre, ce n'est sûrement pas le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui va me les donner. On n'a qu'à regarder tout ce qu'il a fait et je n'ai pas l'idée d'en perdre, je veux rester au niveau où je suis.

J'aimerais dire ceci...

Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai une question de...

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Guay: M. le Président, il m'a semblé entendre le député de Maskinongé faire une remarque irrévérencieuse - c'est le moins qu'on puisse dire - à l'endroit de la présidence en vous disant, je crois, pour la décision que vous avez prise: Félicitations pour votre beau programme, M. le Président! Ce langage est une insulte à la présidence et je pense que le député de Maskinongé devrait, à tout le moins, en gentilhomme qu'il sait être - peut-être pas ce soir, mais à d'autres moments - s'excuser auprès de la présidence.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition. S'il vous plaît!

M. Gratton: M. le Président, je soulève une nouvelle question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Gratton: Est-ce qu'on ne pourrait pas, du côté ministériel, laisser mon collègue de Maskinongé parler librement, sans l'interrompre, de façon qu'il puisse jouir des mêmes libertés que celles qu'on laisse aux députés ministériels, c'est-à-dire avoir ses opinions et ne pas être l'objet de questions de règlement qui n'en sont pas, que ce soit de la part du leader adjoint du gouvernement ou de quelque autre député que ce soit?

M. Guay: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Guay: Je suis tout à fait d'accord et tout à fait disposé à laisser le député de Maskinongé faire son discours. Mais, lorsque le député de Maskinongé - et il me semble que le leader adjoint de l'Opposition doit être aussi sensible à cette dimension - fait une remarque irrévérencieuse à l'endroit de la présidence, je pense qu'il est de mise de le souligner et de lui demander de retirer sa remarque irrévérencieuse à l'endroit du président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Avant de vous redonner la parole, M. le député de Maskinongé, je pense que je vous ai signalé l'article 99 ainsi que certains paragraphes de ce même article. Je considère que vous savez fort bien l'utiliser. Terminez votre discours dans le temps qui vous est prescrit, je crois qu'il vous reste environ cinq minutes. S'il vous plaît! M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, si cela peut faire l'affaire des gens d'en face, je ne vous félicite plus pour votre programme.

J'aimerais vous dire ceci, j'ai parlé de logique de ce gouvernement avec les augmentations de salaire qui vont être adoptées. Quand je disais que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation... C'est sûr que trois mois sans augmentation de salaire, ce n'est pas un gros problème avec le compte de dépenses qu'il a et avec le salaire faramineux qu'il touche. C'est pour cela que ce n'est pas grave. Cela va être pas mal plus grave pour les travailleurs des secteurs public et parapublic d'aller leur chercher 10% et 20% dans leurs poches, comme le gouvernement va faire. Cela est pas mal plus grave. Je comprends que les gens d'en face veuillent s'enorgueillir de retarder un peu leur augmentation de trois mois. Ne prenez pas le monde pour des imbéciles. Le peuple du Québec n'est pas à votre image. Heureusement, d'ailleurs, qu'ils ne sont pas à votre image, ne prenez pas les gens pour des imbéciles. Vous n'avez pas besoin d'augmentation de salaire; si vous en enlevez aux citoyens du Québec, faites donc la même chose avec les nôtres. Cela va être malheureux pour tout le monde; malheureux ici et malheureux en dehors; au moins tout le monde sera malheureux. Cela viendra

confirmer une chose, c'est que, même si au Québec, cela ne fait que cinq ans qu'on parle d'indépendance, on est tous dans la dèche, on est tous malheureux au bout de cinq ans seulement à en avoir parlé.

Cela va permettre aux gens de se rendre compte que, heureusement, on n'est pas encore indépendant et vous voyez ce que cela serait. On n'aurait plus un sou en poche et on n'aurait plus rien. Ils viendraient tout chercher. Ils viennent nous voler même si on est encore dans un pays démocratique, dans une grande confédération. Voyez-vous ce que ce serait s'ils dirigeaient seuls. Comme cela serait beau à voir!

Je vais vous dire tout simplement ceci, en guise de conclusion: Quand le gouvernement nous demande à nous, députés, d'étudier, en l'espace de 30 heures, la deuxième lecture, et en quelques heures, la troisième lecture, et cinq heures en commission parlementaire, entre 60 000 et 80 000 pages de décrets pour les employés, quand le gouvernement nous demande cela, cela prend un gouvernement qui n'a pas de tête et qui ne sait pas où il s'en va.

Même les gens d'en face ne connaissent pas ces décrets. On a adopté des lois durant la nuit à la dernière session. Rappelez-vous, par exemple, lorsqu'ils ont adopté la loi concernant la consommation de vin dans les restaurants, les coquilles qu'ils ont laissées passer. Des petits projets de loi de deux ou trois pages, ils nous passaient des coquilles. Imaginez-vous les coquilles et ce qu'on va passer comme couleuvres aux travailleurs dans 60 000 à 80 000 pages de décrets. Je ne voterai pas pour cela, c'est sûr et certain, parce que le gouvernement en face de nous est un gouvernement qui agit de façon contraire au bon sens, parce que le gouvernement en face de nous en est un qui fait un hold-up qualifié, et le gouvernement en face de nous ne respecte même pas ses travailleurs tel qu'il l'avait promis. Il a tout simplement failli à la tâche et, s'il reste un problème à régler au Québec, c'est le problème de ce gouvernement. S'il pouvait déclencher des élections pour se faire "sacrer" dehors le plus vite possible, cela satisferait tout le monde. Les premiers heureux de se faire "sacrer" dehors, ce sont toutes ces mines en déconfiture que j'ai en face de moi. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Les gens qui nous...

Le Président: M. le député de Maskinongé, j'ai été informé que vous avez prononcé, tout à l'heure, des paroles à l'endroit de la présidence. J'aimerais, s'il vous plaît, que vous les retiriez.

M. Picotte: Est-ce que vous pourriez me dire quelles paroles injurieuses j'ai pu prononcer?

Le Président: "Votre beau programme. "

M. Picotte: Oui et après, j'ai dit que je ne le félicitais pas...

Le Président: Je vous demande de retirer ces paroles que vous avez adressées à la présidence.

M. Picotte: Je retire ces paroles. Je ferai remarquer ceci, j'apprécierais que, quand je prends la parole...

Le Président: Je prends acte que vos paroles sont retirées.

M. Picotte: Oui, et j'apprécierais, quand je prends la parole, que le président qui est assis à votre place fasse respecter le règlement, ce qui n'était pas tout à fait le cas tantôt. Merci, M. le Président. (Minuit)

Des voix: Oh!

Le Président: Mme la députée de Dorion.

Mme Huguette Lachapelle

Mme Lachapelle: M. le Président, les gens qui nous écoutent et vous-même, M. le Président, avez eu l'occasion rêvée d'entendre et de voir le niveau de qualité et de finesse du discours du député de Maskinongé.

M. Guay: Effrayant! Effrayant! Grossier!

Mme Lachapelle: M. le Président, nous traversons une des plus longues récessions de notre histoire, la pire, m'a-t-on dit, depuis la grande dépression des années trente. Bien sûr, je n'étais pas là, mais mes parents et plusieurs des électeurs de mon comté de Dorion m'ont raconté les temps et les périodes difficiles qu'ils ont eu à vivre. Aujourd'hui, la crise est là et je la vois passer chaque jour dans mon bureau de comté et de mon siège de députée à l'Assemblée nationale. Je la vois chaque jour aussi dans les yeux des gens qui sont inquiets, car cette crise frappe sûrement et durement les Québécoises et les Québécois, spécialement les plus petits et les plus démunis. Cette crise qui n'arrête pas appauvrit la population de jour en jour.

Ce n'est pas seulement au Québec que cette crise sévit, M. le Président, mais en Europe, aux États-Unis et au Canada. Cette crise touche et frappe tout le monde. Elle frappe les jeunes dont 100 000 sont en quête d'un emploi, ces jeunes qui, durant leurs

études, étaient confiants et pleins de bonne volonté. Quant aux adultes, 470 000 personnes sont en chômage, des femmes, des hommes, des pères de famille qui ont de lourdes responsabilités sur les épaules. Ces gens sont inquiets, M. le Président, à l'approche du temps des fêtes, au moment où les mieux nantis s'apprêtent à se réjouir. Cette période de réjouissance, de réflexion, de paix et de recueillement devrait amener chacun de nous à réfléchir. Oui, réfléchir, penser aux autres un peu plutôt qu'à nous-mêmes, se mettre un peu dans la peau de ces gens-là, des 576 000 bénéficiaires de l'aide sociale, des personnes âgées qui, elles, doivent se débattre avec leur maigre pension de vieillesse afin de suivre le coût de la vie qui n'arrête pas de progresser, avec une augmentation de 11% en moins d'un an.

Notre société, formée d'hommes et de femmes, est composée de deux groupes importants. Le secteur privé, dont 80% de la population fait partie, est composé de travailleuses et de travailleurs, de gens qui travaillent dans des usines, de gens qui travaillent dans des bureaux et certains dans des buanderies. Je pense aussi aux chauffeurs de taxi, aux gens qui travaillent au salaire minimum sont obligés souvent de travailler plusieurs heures par jour pour joindre les deux bouts. L'autre groupe, le secteur public, dont 20% sont des employés du gouvernement, est composé, lui, de fonctionnaires, d'infirmières, d'infirmiers et d'enseignants. Ces derniers sont syndiqués, donc, liés à des conventions collectives avec le gouvernement.

M. le Président, j'aimerais, avec vous et avec les gens qui nous écoutent, que nous comparions ces deux secteurs. Regardons ensemble et comparons. Depuis quelques jours, je me suis occupée à faire de petits tableaux sur le secteur privé et le secteur public. Regardons ensemble, si vous voulez. On va réfléchir chacun de son côté. Parlons des salaires. Dans le secteur privé, les salaires sont moins élevés, c'est souvent le salaire minimum. Dans le secteur public, les salaires sont au moins égaux et souvent meilleurs. On retient ceci: dans le secteur privé, les salaires sont moins élevés, c'est souvent le salaire minimum, dans le secteur public, les salaires sont au moins égaux et souvent meilleurs. Maintenant, regardons ensemble les avantages sociaux. Dans le secteur privé, les avantages sociaux sont souvent limités: les vacances, de deux à trois semaines et, souvent, après quinze ans de service; les congés sociaux, au minimum. Alors, souvent limitées, les vacances, deux à trois semaines, et les congés sociaux - je parle des fêtes - au minimum. Regardons maintenant les avantages sociaux du secteur public. Les avantages sont très étendus: des vacances, de bonnes vancances, quatre semaines après un an ou deux de service; des congés sociaux excellents. D'ailleurs, il y a même des primes du soir, des primes de nuit, des primes de déménagement, des primes d'éloignement et que dire du régime de retraite de notre secteur public, régime de retraite qui, d'après moi, est presque unique au monde: 70% après 35 ans de service. Ce même régime de retraite est indexé au coût de la vie, si je ne me trompe pas. Les congés parentaux, les congés pour les affaires judiciaires, les congés de décès, les congés d'adoption, etc. Enfin, vous avez vu que du côté privé les congés sociaux sont limités, tandis qu'au public je pense que les avantages sont très étendus.

Regardons maintenant la sécurité. Souvent dans le secteur privé, aucune sécurité. Le patron vend l'entreprise, on ferme les portes, et voilà, les employés sont mis à pied sans aucune protection, et souvent cela dépend du niveau des affaires. Alors, si on tombe dans une période creuse, les employés sont renvoyés sans aucune cérémonie. C'est selon la réalité économique et la réalité des affaires. Regardons le secteur public pour la sécurité. Sécurité excellente; permanence rapidement, souvent après six mois ou deux ans. En plus, cette sécurité est assurée, elle ne dépend de rien. Donc, sécurité excellente, pleine. Que cela aille mal ou bien, cela ne change rien, les gens du secteur public n'arrêtent pas de travailler, c'est-à-dire qu'ils continuent d'être là, que cela aille bien, que cela aille mal. Alors, la sécurité pour le secteur privé: aucune; la sécurité pour les employés du secteur public: excellente.

M. le Président, passons maintenant à une petite conclusion de mon analyse, de mes tableaux. Quand il n'y a plus de profits dans le secteur privé, qu'est-ce qui arrive? Quand il y a plus de déficit, quand les banques baissent les marges de crédit, quand il y a moins de contrats dans les périodes creuses, quand le taux d'intérêt est trop élevé, que se passe-t-il? Perte d'emplois, mises à pied, assurance-chômage, aide sociale. Qu'est-ce qui arrive alors? De nombreuses répercussions sur la vie personnelle et familiale.

Maintenant, passons au secteur public. Au secteur public, quand on parle de la sécurité - parce que c'est la sécurité - il n'est pas question de profit. Quand il y a un déficit - et le nôtre est de 3 000 000 000 $ et plus - quand le crédit est difficile, quand les taxes sont élevées, quand l'intérêt est élevé, que se passe-t-il, M. le Président? Perte d'emplois? Non. Assurance-chômage? Non. Aide sociale? Non. Un effort collectif, un partage avec les moins chanceux, je pense qu'il faut penser à cela aussi.

M. le Président, inutile de vous dire que, sans que personne ne soit responsable de cette crise ni complètement à l'abri de ses effets, une grande collaboration, une grande

solidarité, un effort général est demandé à tous. L'idéal aurait été qu'il n'y eût pas de crise. L'idéal aurait été que Dorion, mon comté, et que tout le Québec reste prospère, comme il l'a été jusqu'à il y a quelques années. Alors, nous n'aurions pas eu besoin de ces lois, la loi 70, la loi 105, ni des 109 décrets déposés hier à l'Assemblée nationale. J'en profite ici pour apporter une correction aux paroles du député de Mégantic-Compton qui disait tout à l'heure qu'il y avait 90 000 pages de décrets. Les députés de l'autre côté de la Chambre s'amusent à déformer les chiffres en disant 60 000, 80 000, 90 000. Je voudrais corriger cela avant qu'ils disent demain qu'il y a eu 200 000. C'est 35 000 pages en réalité, 109 décrets, et c'est déjà suffisant. (0 h 10)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lachapelle: Je voudrais vous signaler aussi qu'il y a huit décrets types plus importants, donc à peu 1500 pages et, dans ces 1500 pages, il y a tout au plus 50 pages de clauses majeures qui sont les clefs de toutes les questions qu'on se pose. N'importe quelle personne de bonne foi, naturellement à la condition de savoir lire et de s'en donner la peine, peut passer quelques heures à lire non pas les 80 000 ni les 90 000 pages, mais bien les 35 000 pages de ces décrets.

M. le Président, pas plus ici qu'ailleurs, pour en revenir à ces lois, comme je le disais tout à l'heure, la loi 70, la loi 105, les 35 000 pages de décrets, les gens n'étaient contents d'adopter des lois comme cela, mais si cela n'avait pas été de certains gestes, de certains reculs, nous n'aurions pas eu besoin de déposer ces projets de loi. Au forçail, nous avons eu besoin de poser des gestes pour établir l'équité et l'équilibre pour tous les travailleurs et les travailleuses du Québec.

Les besoins des citoyens du Québec sont grands. Les besoins du gouvernement sont justement les besoins des citoyens. Je voudrais dire à tout le monde que le gouvernement n'a plus les moyens, les moyens qu'il avait, et je voudrais dire aux membres de cette Chambre que je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui prend ses responsabilités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. En guise d'introduction, j'aimerais vous dire que j'ai reçu hier un appel d'un ami qui fait partie du Syndicat des employés de magasins et de bureau de la Société des alcools du

Québec. Il m'a téléphoné en après-midi hier. Il m'a demandé si son syndicat était couvert par le projet de loi. J'ai dit: Oui, votre syndicat est couvert par le projet de loi. Je lui ai envoyé une copie du décret qui s'applique à ce syndicat. Aujourd'hui, j'ai reçu un télégramme du président de ce syndicat et j'aimerais vous le lire, M. le Président. Il en a envoyé une copie au premier ministre, une copie à moi et peut-être à d'autres personnes. Il se lit ainsi: "Le Syndicat des employés de magasin et de bureau de la SAQ a appris avec stupéfaction que les conditions de travail devant régir les employés de magasin et de bureau qu'ils représentent seront décrétées unilatéralement par l'État. Pourtant, les négociations en vue du renouvellement de la convention collective qui était expirée depuis le 30 juin 1982 se déroulaient normalement et les parties avaient exprimé une ferme volonté de négocier en toute bonne foi de manière que le renouvellement de la convention ne soit pas l'objet d'un conflit. En effet, techniquement le syndicat avait acquis le droit de grève depuis le 5 novembre 1982 et aucune démarche n'a été effectuée par le syndicat, permettant de laisser croire qu'un arrêt de travail puisse survenir. De toute façon, la question n'a jamais été soumise aux membres, chose qu'il n'y avait pas lieu de faire puisque les négociations progressaient de façon normale. "En ce qui concerne les salariés de la Société des alcools du Québec, le gouvernement n'a aucune raison de décréter leurs conditions de travail. Non seulement il ne s'agit pas d'un service public essentiel, mais une solution négociée de bonne foi s'avérait possible et s'imposait depuis de nombreuses années dans le but d'améliorer le climat des relations du travail. Cet espoir disparaît maintenant au grand regret du SEMB. Cependant, dans l'intérêt même des objectifs que l'État s'imagine pouvoir réaliser en procédant par décret, le syndicat est plutôt d'opinion qu'au moins l'aspect normatif devrait être examiné par les parties à la table des négociations, quitte à être sujet à la politique déjà exprimée par l'État aux autres employés du secteur public. Il est impensable de croire que les dispositions contenues dans un décret rédigé à la vapeur, en une seule nuit, puissent régir de façon satisfaisante les relations de travail à la Société des alcools du Québec. "En conséquence, devant l'absence absolue de justification d'agir de cette manière de la part de l'État, nous vous demandons de retirer le décret qui nous vise pour permettre la reprise des discussions là où elles doivent se faire. " C'est signé: M. Donald Asselin, président du Syndicat des employés de magasins et de bureau de la Société des alcools du Québec. Je lui ai téléphoné et il m'a expliqué que dans le

décret le gouvernement péquiste a retiré les droits que ces syndiqués ont gagné depuis des années. Il va sans dire que je vais voter contre ce projet de loi.

Dans ce débat, qui a commencé au printemps, je cherche une réponse à deux questions. La première question est la suivante: Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas prévu l'arrivée de cette crise? Quand le gouvernement a été élu, je me souviens d'avoir lu un article dans le magazine Maclean où il était écrit: C'est peut-êre le plus fort Conseil des ministres au Canada qu'on a au Québec. On a parlé de gens capables. Le gouvernement lui-même a parlé d'une bonne gestion de l'administration publique, d'un bon gouvernement et ainsi de suite. Comment se fait-il qu'un gouvernement qu'on croyait si bon il y a quelques années est maintenant un gouvernement si mauvais?

En 1975-1976, M. Parizeau, maintenant ministre des Finances, a fait tout un plat à cause d'un déficit de 900 000 000 $ du gouvernement précédent. Aujourd'hui, nous avons des déficits de plus de 3 000 000 000 $ et le ministre des Finances nous dit que c'est tout à fait normal. Même 3 500 000 000 $, ce serait normal. 4 000 000 000 $, ce serait normal. Tous nos critiques en matière fiscale - je parle de M. Garneau, de M. Raynauld, de M. Forget, de M. Johnson, nos chefs comme M. Ryan et M. Levesque - ont fait des mises en garde à ce gouvernement, mais le gouvernement n'a rien fait. Pourquoi, en Ontario, ont-ils commencé à se serrer la ceinture dès 1967? J'aimerais vous donner deux exemples des mises en garde que nous avons données à ce gouvernement. Les deux exemples viennent de discours de M. Raynauld. Le premier se trouve dans le Soleil du 23 novembre 1979 que je cite: "Le critique financier du Parti libéral, parlant au cours d'un débat sur l'adoption du budget supplémentaire présenté par le ministre des Finances, M. Jacques Parizeau, s'est demandé où s'en allait le Québec au train de vie que mène le gouvernement. Le produit intérieur brut annuel du Québec s'élève à environ 60 000 000 000 $ comparativement à 100 000 000 000 $ en Ontario, a dit M. Raynauld, qui a ensuite comparé les dépenses des deux provinces. De 1967 à 1980, les dépenses du Québec ont augmenté au rythme d'environ 23% alors qu'elles n'ont augmenté que de 9% en Ontario. Les dépenses du Québec s'élèveront, cette année, à 15 000 000 000 $ et celles de l'Ontario, à 15 100 000 000 ", a déclaré M. Raynauld, qui a souligné que ces chiffres montraient que le Québec dépensait presque deux fois plus que l'Ontario, du côté des revenus. "

(0 h 20)

Voici un deuxième exemple que j'ai trouvé dans le Devoir du 27 mars 1980, et je le cite: "M. Raynauld s'en est pris au déficit de 2 300 000 000 $ que laisse apparaître ce budget. Selon lui, ce déficit, qui représente une augmentation de 700 000 000 $ par rapport à celui enregistré lors du dernier exercice financier, est complètement inacceptable et frise même l'irresponsabilité. "Le gouvernement péquiste est en voie d'acculer la province à la faillite. Ce n'était pas le temps d'accumuler un tel déficit et de prévoir pareil emprunt à un moment où les taux d'intérêt sont si élevés et que le dollar canadien est à ce point faible sur le marché international", a dit M. Raynauld. Je pourrais vous donner d'autres exemples, mais j'en passe.

Il y a une crise au Canada - tout le monde est d'accord - et comme le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a dit lors du débat d'hier après-midi, il y a deux crises au Québec. Qu'est-ce que ce gouvernement a fait pour se préparer à faire face à la crise? Qu'est-ce que ce gouvernement a fait en 1977? Est-ce qu'ils ont eu un programme pour se serrer la ceinture? En 1978, le gouvernement n'a rien fait. En 1979 et en 1980, qu'est-ce que le gouvernement a fait, avant et après le référendum, pour vraiment se serrer la ceinture? L'Ontario, comme je viens de le dire, a commencé à couper dans les dépenses en 1967. Qu'est-ce que ce gouvernement a fait en 1981, avant et après les élections? Avant les élections, c'était parfait. Le ministre des Finances se levait et disait: Ah! Les finances au Québec sont saines, très saines, et quelques mois plus tard, on avait un krach. Ce gouvernement procède par slogan. Bâtir le Québec, qu'est-ce que cela veut dire? Bâtir le Québec, c'est une brochure qui a coûté beaucoup d'argent. Il y a eu Bâtir le Québec I et, maintenant, il y a Bâtir le Québec II. Il y a eu un autre slogan dernièrement: Le virage technologique; cela ne veut rien dire parce qu'il n'y a pas de fondement; ce ne sont que des slogans.

Je me souviens, quand je suis arrivé à l'Assemblée nationale en 1979, le ministre des Finances comparait toujours le Québec avec l'Ontario ou avec l'État de New York. Mais aujourd'hui, il compare le Québec avec le Nouveau-Brunswick, avec Terre-Neuve et avec l'État du Mississipi. Je pense qu'il y a là un message; je pense qu'il est clair puisqu'il y avait une chute de notre cote sur les marchés financiers. Quand ces députés ministériels étaient dans l'Opposition, ils ont fait des demandes exorbitantes et ils ont agi d'une façon irresponsable. J'aimerais vous lire ce que le ministre des Finances et le premier ministre, c'est-à-dire M. Parizeau et M. Lévesque, ont dit en décembre 1975 lors des négociations avec le secteur public et je cite le résumé qui se trouve dans un journal: Toute augmentation des salaires des membres des fronts communs des secteurs public et parapublic inférieure à 32, 5% est un vol qualifié par lequel le gouvernement provincial

cherche à s'assurer une marge de manoeuvre que les marchés financiers lui refusent au titre des emprunts. "

Comment expliquer le virage - et je dis bien le virage - de M. Parizeau et de M. Lévesque entre 1975 et 1982? Comment expliquer les lois no 70 et 105? Des lois qui réduisent les salaires, qui diminuent les droits des travailleurs? Je me pose une autre question: Qui pousse le gouvernement à le faire?

Cela m'amène à ma deuxième question. Comment se fait-il que le gouvernement prend des mesures inacceptables et injustes afin de faire face à la crise économique et financière? Il y a bien sûr les lois no 70 et no 105; ce sont des lois pour mettre à genoux les travailleurs. Mais il y a aussi d'autres mesures que ce gouvernement est en train de prendre. Le gouvernement est en train de prendre des mesures pour faire des économies au frais des gagne-petit. Il est en train d'adopter des mesures pour presser comme un citron les gagne-petit. Je vais vous donner un exemple parce que j'ai été impliqué dans ce projet de loi, la Loi sur l'aide juridique.

Le gouvernement est en train d'adopter un règlement prévoyant un ticket modérateur pour les personnes qui veulent bénéficier de l'aide juridique. Cela va affecter des femmes seules avec des enfants à leur charge, des vieillards et ainsi de suite. J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que le Conseil national du Parti québécois a adopté une résolution pour demander au gouvernement de ne pas adopter un tel ticket modérateur, parce que les membres du Conseil national du Parti québécois ont trouvé un tel ticket modérateur injuste et non nécessaire. Qui aurait pensé, il y a cinq ans, trois ans et même une année, qu'un gouverment péquiste prendrait de telles mesures? Qui aurait pensé cela? Les députés ministériels élus en 1981, des anciens chefs syndicaux, des anciens professeurs, ont-ils pensé, quand ils se sont présentés lors des élections de 1981, que le gouvernement péquiste prendrait de telles mesures?

Dans l'histoire du Québec, y avait-il un autre gouvernement qui a pris des mesures aussi injustes que les lois nos 70 et 105? Je me demande s'il y a d'autres gouvernements qui ont agi de cette façon. J'ai lu l'autre jour un article assez intéressant dans le Devoir, qui était écrit par Marcel Pépin, syndicaliste bien connu qui n'est pas membre du Parti libéral du Québec, je vous assure, M. le Président. Le titre de cet article est: "Le PQ, six années de "néo-Duplessisme"". J'imagine que beaucoup de députés ministériels ont lu cet article qui a paru dans le Devoir. M. Pépin écrit et je cite: "Le Parti québécois laissera à ses héritiers une économie en ruine et aux travailleurs le souvenir d'un gouvernement qui, à l'enseigne de la social-démocratie, aurait fait revivre Duplessis. La déception est profonde; elle est à la mesure des espoirs qu'il a engendrés. Le gouvernement péquiste a enterré l'indépendance; il a enterré la souveraineté-association; il a enterré l'espoir, mais il a déterré une chose, la statue de Duplessis. Au chapitre de la politique culturelle, c'est sans doute sa réalisation la plus spectaculaire, seul monument érigé en six années de pouvoir. Il a déterré la statue d'abord, puis les idées, enfin les actes. Il n'aura rien inventé, mais rédigé un nouveau chapitre de notre histoire, un chapitre intitulé les néo-Duplessisme". Fin de la citation.

M. le Président, cet article m'a fait penser comment M. Duplessis a réglé des problèmes de relations du travail. Je n'ai le temps que de vous donner un exemple. J'ai pensé à l'affaire de l'Alliance des professeurs catholiques de Montréal contre la Commission des relations ouvrières qu'on peut trouver dans les rapports de la Cour suprême de 1953, en page 140. (0 h 30)

Dans les années quarante, la Commission des relations ouvrières révoquait le certificat de reconnaissance du syndicat qui était l'Alliance des professeurs catholiques de Montréal et a donné comme raison que les syndiqués avaient fait une grève illégale. La commission n'a même pas entendu les parties avant de révoquer ce certificat et le juge Rinfret, de la Cour suprême, a écrit à l'époque que c'était une justice expéditive parce que, même avant d'entendre les parties, la Commission des relations ouvrières révoquait le certificat de reconnaissance de ce syndicat. Bien sûr, la Cour suprême du Canada a décidé que cette révocation était invalide.

Qu'est-ce que vous pensez que M. Duplessis a fait tout de suite après cette décision? Il a fait adopter une loi en cette Chambre, le 28 janvier 1954, et cette loi a rétroactivement révoqué le certificat de reconnaissance de ce syndicat. Ensuite, le syndicat a fait des requêtes pour être reconnu, mais elles étaient toujours refusées; le syndicat n'a reçu son certificat de représentation qu'après le décès de M. Duplessis, le 2 décembre 1959.

Aujourd'hui, M. le Président, nous faisons face aux lois péquistes qui ressemblent étrangement, d'une certaine façon, aux lois qu'on a adoptées en cette Chambre il y a trente ou quarante ans.

En terminant, j'ai écouté hier soir à la télévision - c'était jeudi - le président du Conseil du trésor et il a dit qu'il n'était pas inquiet. Savez-vous pourquoi? Il a dit: II n'y a pas de manifestants devant l'Assemblée nationale. Il n'y a pas de manifestants devant l'Assemblée nationale, il n'y a pas de manifestations, mais, malheureusement, nous sommes au début de la crise et non à la fin.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au député de Papineau, je n'ai pas voulu être déplaisant envers vous, M. le député, parce que je ne voulais pas vous interrompre, je voulais vous permettre de bénéficier de l'article 100 qui vous permet de parler, mais je veux faire une remarque générale pour d'autres députés qui oublient souventefois l'article 99, paragraphe 6, qui dit qu'il est interdit à un député qui a la parole de désigner le président ou un député par son nom. C'est simplement pour le rappeler, ce n'est pas pour vous être déplaisant, parce que je pense que plusieurs députés l'oublient.

M. le député.

M. Marx: M. le Président, je n'ai pas cité les députés par leur nom, j'ai cité des écrits des journaux où ils ont mentionné des personnes par leur nom. À cette époque, M. Parizeau n'était pas député. Je m'excuse, à l'avenir, j'essaierai de rééditer les écrits des journaux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, vous avez raison. Quand vous utilisez l'écrit d'un autre, un article paru dans un journal ou dans un volume, vous pouvez le nommer par son nom. Ce que je veux dire c'est que dans d'autres circonstances, alors que c'est vous qui parlez, vous devez le nommer par le nom de son comté ou de son ministère.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je pense qu'il faut quand même reconnaître que, dans ce cas-ci, M. Marx a été gentil de s'excuser.

M. Marx: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Pas de débat, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Non, ce n'est pas un débat, mais si la demande vient de M. Bertrand je m'excuserai.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Mark Assad

M. Assad: M. le Président, vous avez certainement entendu la phrase: L'histoire se répète. Si vous me permettez, je voudrais vous lire une phrase: "Que le gouvernement soit financièrement aux abois et ait besoin d'enlever aux uns pour en donner à d'autres, cela est bien possible. Mais si c'est sa gestion des affaires publiques qu'il devrait défendre, s'il a si mal administré qu'il doit maintenant tripoter des salaires et voler une partie de sa main-d'oeuvre pour équilibrer ses comptes, il n'a pas de raison d'être fier de sa performance. " Ce qui est intéressant, c'est que ce texte est signé par Jacques Parizeau, en date du 19 décembre 1975.

Une voix: Eh bien!

M. Assad: On est rendu au mois de décembre 1982 et cette même personne se retrouve ministre des Finances. C'est curieux, mais cette même phrase pourrait s'appliquer quasiment mot pour mot, aujourd'hui.

Hier, en cette Chambre, le président du Conseil du trésor a déclaré qu'évidemment, le gouvernement avait fait des erreurs et que c'était normal. Écoutez bien la phrase: "... et que, par des erreurs, on peut se mesurer à la réalité. " C'est une belle phrase. C'est plutôt de la gymnastique mentale. Mais c'est une belle phrase: "... que, par des erreurs, on peut se mesurer à la réalité. " Mais les faits ont plutôt démontré que le gouvernement est nettement dépassé par la réalité et que ses erreurs sont grandement démesurées. C'est plutôt cela qu'on peut conclure.

Ce sont des erreurs démesurées, M. le Président, parce que le gouvernement a appliqué en même temps toutes les recettes. Il a tenté d'appliquer plusieurs recettes: une surréglementation, une législation ouvrière débalancée; l'obligation de détenir des cartes de compétence, forçant ainsi des milliers de travailleurs à travailler en cachette constitue un exemple classique. Aucun député en cette Chambre ne connaît pas d'ouvriers qui sont obligés de travailler en cachette parce que ce n'est pas possible d'avoir une carte de compétence. Si cela n'est pas un exemple de surréglementation, parce que cela n'existe nulle part au monde d'être obligé de présenter une carte pour avoir le droit de travailler. On a toujours cru que le droit de travailler, ne pouvait être nié à quiconque, mais on a réussi ici avec une foule de réglementations, de surréglementations impossibles.

On a eu des services publics à demande incontrôlée. Au Québec, c'est le premier ministre lui-même qui a déclaré qu'il y avait au-delà de 17 000 employés de l'État en trop. Pourtant, nous avons des chiffres, indépendamment de ceux de nos recherchistes, qui démontrent que c'est plutôt au-delà de 25 000 employés de l'État en trop. Si on considère la population des autres provinces, l'ensemble du Canada, en Ontario en particulier, on retrouve que, per capita, nous avons au-delà de 25 000 employés de l'État en trop. Pas besoin de vous dire, M. le Président, que cela représente quasiment 1 000 000 000 $ par année.

Les fonds publics que le gouvernement

a versés dans la compagnie Asbestos Corporation, ce sont des centaines de millions de dollars, et l'avenir de cette industrie est complètement incertain. Quand on voit les fonds publics exagérés qui ont été investis dans la loi électorale, c'est dix fois plus coûteux que toutes les autres provinces. En cette Chambre, il y a quelques jours, quand on défendait les montants d'argent qui ont été versés pour cette nouvelle loi électorale, cela m'a fait penser à la dernière campagne électorale, en particulier dans le comté de Papineau. C'est pour vous démontrer que même si on verse des 40 000 000 $, 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ en dépenses exagérées comme il a déjà été démontré dans cette Chambre... (0 h 40)

Durant la campagne électorale de 1981 dans Papineau, un événement s'est produit qui était fort amusant, pour vous démontrer que toute loi a ses faiblesses et que même avec des exagérations de dépenses, on ne peut régler tous les problèmes. Le candidat de l'Union Nationale, lors de cette campagne électorale, avait besoin, comme vous le savez, de 50 signatures pour respecter la loi. Quand on a appris qu'il avait déposé son bulletin de présentation, c'est curieux, on a vu des noms de gens dont on savait très bien qu'ils ne partageaient pas la philosophie - au moins à cette époque, en 1981 - de l'Union Nationale. On a réussi à avoir des affidavits de plusieurs parmi cette cinquantaine de personnes qui avaient supposément signé le document de présentation. Les affidavits déposés devant le président des élections, le président les a pris et il a communiqué avec la Direction générale des élections à Québec pour demander un avis. Il n'y avait absolument rien dans la loi pour empêcher le candidat de l'Union Nationale de se présenter, même si les signatures étaient faussées. Imaginez-vous, une loi électorale pour laquelle on avait dépensé des millions de dollars. On avait un exemple classique de fraude et, malgré cela, on ne pouvait rien faire. Cela vous donne un exemple des fonds publics qui ont été gaspillés pour des choses semblables.

Il ne sera pas nécessaire, et je n'aurai pas le temps non plus, d'énumérer ce soir toutes les dépenses démesurées qui ont été faites par ce gouvernement. Le résultat? Un fardeau fiscal, autant de taxes directes, comme l'impôt sur le revenu, que de taxes indirectes. Un exemple classique qu'on a tous vécu au Québec: la taxe sur l'essence. C'est la taxe la plus néfaste pour les régions de chez nous, celles de l'Outaouais, et Papineau, en particulier. Ce même gouvernement nous parle du régionalisme. C'était pour nous aider mais, comme vous l'avez vu, l'écart entre les paroles et les faits est très grand.

Il y a autre chose qui a certainement touché la plupart d'entre nous ici, du moins ceux qui ont un peu de coeur, c'est de voir la quantité de gens appauvris depuis les quelques dernières années. Ils ne peuvent même plus cacher leur désespoir. Il y en a de plus en plus et c'est un indice frappant de notre affaiblissement économique, de l'impasse économique dans laquelle nous vivons actuellement au Québec. Depuis les derniers six ans, nous avons été témoins de querelles incessantes avec le gouvernement central, de chicanes de constitution et d'une hémorragie de slogans vides de conséquences, vides de solutions. Comme résultat, on est de plus en plus divisé, plus que jamais au Québec.

Nous vivons une confrontation économique, dans le moment, une confrontation constitutionnelle et, finalement, nous sommes au centre d'une confrontation sociale. Pourtant, l'ancien président Abraham Lincoln a dit à plusieurs reprises qu'une maison divisée ne peut pas survivre: À house divided cannot stand. Pourtant, c'est le cas aujourd'hui quand on regarde la situation économique, quand on regarde le côté social, quand on regarde les débats sur la constitution. Nous sommes une maison divisée. On en est même au point de travailler et de tout faire seulement pour survivre.

Si on regarde les lois 70 et 105, et leurs milliers et milliers de pages de décrets, de détails sans fin, les négociations manquées, cela aura des implications fort inquiétantes. Fait curieux, ce même gouvernement nous a vanté sa compétence quant à sa planification. Quand, dans son discours, le ministre des Finances, en 1979, a présenté la convention collective signée, quant à moi, c'était un chef-d'oeuvre incroyable. Quand on pense que cela fait trois ans! Il s'est vanté que le gouvernement avait eu une planification tellement rationnelle que c'était une convention collective supérieure à toutes celles signées par un gouvernement. Il avait démontré que la convention collective de 1979 était incroyablement plus améliorée que celle qui avait été signée par le gouvernement précédent.

Il a fait cela avec tellement de conviction que je ne doute pas que la population l'ait cru à ce moment, qu'elle ait cru que c'était un véritable miracle qui avait eu lieu ici en cette Chambre. Moins de trois ans plus tard, qu'est-ce que nous voyons? Il retourne chercher ce qu'il avait donné. Évidemment, c'est un précédent. Deux précédents pour le même ministre des Finances.

Chose encore plus importante, vu qu'on est dans un contexte économique difficile, si on regarde la cote de performance de l'entreprise privée... Dieu sait que l'entreprise privée, c'est l'épine dorsale de notre économie. C'est sûr qu'elle crée la

prospérité dans notre société. C'est elle qui donne aux gouvernements les moyens de fonctionner. Qu'est-ce que nous avons? Nous avons une sombre image de méfiance, de cri d'alarme, d'affaiblissement semaine après semaine. Vous ne pouvez plus ignorer l'entreprise privée, comme ce gouvernement l'a fait au cours des quelques dernières années.

Le résultat, c'est une crise sans précédent. Nous, les Québécois, il faut le dire, nous sommes surréglementés et sous-gouvernés. Je voudrais mettre l'accent sur cela: Nous sommes surréglementés et sous-gouvernés. Le meilleur de tout cela... Vous êtes d'accord, M. le député? D'accord.

Une voix: II comprend le bon sens. M. Assad: Merci, j'ai apprécié.

Une voix: C'est le député de Trois-Rivières. (0 h 50)

M. Assad: Oui, il faut le noter, le député de Trois-Rivières voit clair, c'est évident. Le meilleur de tout cela, et je n'aurais pas voulu manquer l'occasion de le mentionner ici ce soir, c'est la déclaration faite par le premier ministre lui-même en 1977. Cela vaut la peine de porter attention à ce qu'il a déclaré au début de 1977 quand il a dit: La saine administration publique est la voie de l'indépendance. C'était très beau. Je suis sûr qu'il y en a beaucoup qui l'ont cru. Il y en a certainement beaucoup qui avaient espoir que ce serait vrai, mais l'année 1982 va se terminer et nous avons eu une autre phrase célèbre de notre premier ministre - cela vaut la peine d'y prêter attention - qui a paraphrasé en disant: L'indépendance est la voie de la saine administration publique. C'est difficile de qualifier cette volte-face. Il a certainement du mérite pour cette gymnastique mentale.

En terminant, M. le Président, ce serait impossible de détailler toutes les conséquences que nous aurons à vivre dans les mois à venir, mais une chose est certaine: l'histoire aura finalement le dernier mot sur ce gouvernement. Mais espérons que nous, comme Québécois, malgré les erreurs de ce gouvernement, nous allons survivre à cette crise et que nous allons accueillir dans un avenir rapproché - c'est avec un véritable espoir que nous allons l'accueillir - un gouvernement libéral qui va mettre le Québec sur la voie de la prospérité, comme on l'a connue au début des années soixante, dont tous les Québécois se rappellent avec, j'en suis sûr, une certaine nostalgie.

Des voix: Très bien! Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: M. le Président, comme dans le cas de la plupart de mes collègues, c'est évidemment avec beaucoup de regret et de déchirement que je vais voter pour la loi 105. C'est évident que ce n'est jamais facile, jamais plaisant d'adopter des lois contraignantes, des lois difficiles. J'en sais quelque chose, parce que des gens de mon comté et aussi des centrales m'ont demandé si j'avais renié mes antécédents. Je dois vous dire, M. le Président, que même si je vais voter pour la loi 105, je n'ai pas l'intention, je dirais même que je n'ai pas l'impression non plus de renier mes antécédents. Je n'en ai pas l'intention parce que je considère que le mouvement syndical est un intervenant majeur dans notre système, dans notre société, dans la société québécoise.

Il faudrait peut-être se rappeler que si on a beaucoup de mesures sociales aujourd'hui, que ce soit le salaire minimum, que ce soit l'assurance-maladie, que ce soit l'assurance automobile, c'est dû à des pressions qui sont venues des mouvements syndicaux. Le mouvement syndical, aujourd'hui, est moderne. Il est ajusté à un Québec moderne dans le sens qu'on a vu, depuis un an, que ce sont des groupes qui participent à ce système. À preuve, ils ont participé à nos tables de concertation, ce qui nous a permis de mettre sur pied Corvée-habitation. Donc, je n'ai pas renié et je n'ai pas l'intention de renier non plus mes antécédents; je continue de reconnaître le mouvement syndical comme un intervenant majeur dans notre société. Par contre, comme élu, élu par toute une population, je dois, à un moment donné, faire des choix, des choix qui sont difficiles. Le pouvoir, M. le Président, commande souvent des gestes difficiles.

J'avoue qu'il peut être tentant de céder, mais l'exercice du pouvoir commande le contraire. Je n'ai pas été élu pour me faire plaisir. Je n'ai pas été élu non plus pour fuir les tâches ingrates et pour jouer au pur, mais, au contraire, pour travailler dans le meilleur intérêt de tous les citoyens. Quand on travaille dans l'intérêt de la collectivité, quand on travaille dans l'intérêt de l'ensemble de la population, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, à un moment donné, ce sont tous les individus qui vont en bénéficier. À plus forte raison, dans la situation d'un gouvernement issu du Parti québécois, dans un gouvernement social-démocrate, on se doit de penser à l'ensemble. On se doit de penser, M. le Président, à partager, spécialement en période de crise économique comme celle que le Québec traverse, ainsi que tous les autres pays de l'Occident présentement.

Pourquoi nous fallait-il voter une loi pareille? Comme je viens de le dire, c'est à

cause d'une situation économique qui empire, on le voit chaque jour, on le voit depuis l'été 1981; mais aussi parce que, depuis justement l'année 1981, le gouvernement a déjà pris ses responsabilités et le gouvernement a déjà effectué, dans les autres secteurs de l'administration publique, des coupures. De cela, on en entend tout le temps parler. Depuis plus d'un an on en parle et on les effectue dans tous les domaines, partout où on a pu couper dans le gras, dans les gaspillages. On a vraiment fait le maximum. Sauf qu'on ne peut pas ignorer que 52% de notre budget vont en salaires aux employés de l'État. Malgré cela, on va devoir effectuer d'autres coupures pour 60Q 000 000 $ à 700 000 000 $ dans des services, pour être capable de diriger le Québec sur la bonne voie, c'est-à-dire se garder un déficit qui ne soit pas trop élevé et pouvoir se garder une marge de manoeuvre pour investir afin de créer des emplois.

Il y a aussi l'état d'urgence, parce qu'il faut prendre toutes les énergies et tous les fonds disponibles. Quand je parle des énergies, je parle des énergies du gouvernement - j'ignore l'Opposition évidemment - des intervenants, c'est-à-dire de l'entreprise et des syndicats, comme je le disais tantôt, qu'on considère comme des intervenants majeurs, pour s'attaquer à la crise économique et non pas faire comme on a fait tant de mois, mettre nos énergies sur les négociations. Il faut équilibrer notre budget qui va se terminer le 31 mars, mais il faut aussi préparer le prochain budget qui commence le 1er avril 1983. Si on veut être capable de le déposer, si on veut connaître la marge de manoeuvre qu'on va avoir, il faut commencer par régler ces 52% du budget du Québec, c'est-à-dire la négociation.

Je voudrais rappeler le cheminement. Contrairement à ce qu'on tente de laisser croire de l'autre côté, cela ne nous est pas tombé sur la tête hier. Déjà, à la fin de 1981, on savait qu'on était en crise et on avait dit à tout le monde qu'il faudrait tous faire notre part. Au printemps de 1982, au mois d'avril plus précisément, on a demandé aux centrales syndicales de s'asseoir et d'effectuer des augmentations modulées sur l'indexation qui était à venir jusqu'à maintenant. On l'a demandé, on l'a offert. Regardez les autres gouvernements qui ont agi: vous allez vous rendre compte qu'on est le seul qui ait proposé la négociation. Quand l'Opposition nous dit qu'on est le seul gouvernement à avoir agi de la sorte, c'est vrai. De quelle façon les autres ont-ils fonctionné? C'est de façon unilatérale. Qu'on regarde l'Ontario, qu'on regarde Ottawa. Par une loi, par un décret, mais toujours de façon unilatérale, alors qu'on gèle les négociations, on gèle même une convention collective signée, les salaires qui étaient reconnus et c'est comme cela qu'on fonctionne. Nous, parce qu'on pense autrement, on a plutôt offert une négociation et on l'a dit longtemps d'avance avant la fin; on l'a dit même avant que les indexations soient en vigueur le 1er juillet. On a dit à nos intervenants, on a dit aux syndicats qu'on devrait s'entendre parce que la situation budgétaire nous forçait, nous obligeait à couper sur ce qui était prévu dans les conventions collectives. Donc, dès le printemps, on a invité les centrales à venir négocier des augmentations modulées. On était prêt à offrir plus que 6% et 5%. Les petits salariés en auraient eu plus que cela et cela aurait été modulé pour que les gens les mieux payés en aient moins. Cela n'a pas fonctionné, donc il y a eu la loi 70.

Pour que les choses soient claires et nettes, on n'avait pas de cachettes, les négociations étaient vraiment dans un climat transparent où on a mis les gens au courant de la situation telle qu'elle était. On a aussi offert des négociations et il y en a eu au cours de l'automne. Les gens qui diront qu'il n'y en a pas eu, moi je dis qu'il y en a eu et il y en a même eu de bonne foi et, si on regarde les résultats, on s'aperçoit que, dans le personnel de soutien, où se retrouvent des milliers d'employés, tout le normatif a été paraphé. À la CEQ, le quart a été paraphé. Donc, il y en a eu des négociations et des ententes. En plus, il faudrait calculer les articles où il y a en le statu quo, articles qui ont été reportés. Donc, de tout ce qui a été déposé dans le décret, il y a bien des choses qui sont déjà acceptées, il y a bien des choses qui sont connues, puisque c'est le statu quo de la dernière convention collective. (1 heure)

Donc, après tout cela, finalement, on en était rendu à la négociation du salarial. Le gouvernement ne peut pas faire plus parce que la situation nous empêche d'aller plus loin. C'est maintenant le projet de loi no 105, celui qui est déposé et qu'on doit adopter. J'invite les syndicats et les syndiqués à s'informer des conditions qui sont contenues dans ces décrets. Ils s'apercevront qu'il y a eu beaucoup d'ententes qui ont été faites, comme je viens de le dire. Ils s'apercevront aussi que le gouvernement récupérera 115 000 000 $ de moins que prévus par la loi no 70, pour permettre aux employés de l'État les moins bien payés de ne pas être pénalisés dans une crise comme celle que nous connaissons. Je pense que c'est cela être un gouvernement social-démocrate qui protège les moins bien payés dans une société où, malheureusement, on doit se serrer la ceinture. Il faut aussi rappeler que, dans un secteur qui est énormément touché, le secteur de l'éducation, là où il y avait une inquiétude

sur le nombre d'élèves, c'est aussi le statu quo. Là où on parle de productivité à l'école qui semble menacer la sécurité d'emploi, vous remarquerez que le principe de la sécurité d'emploi est maintenu dans les offres, dans les décrets qui sont déposés. Évidemment, il y aura quand même du personnel, des enseignants en disponibilité.

On savait cela, M. le Président, et pour cela aussi on n'a pas attendu à la dernière minute. Dès le mois de mai 1982, un comité ad hoc a été formé pour trouver des solutions, pour s'assurer qu'on réussirait à remettre au travail les gens qui étaient payés et qui étaient en disponibilité de façon que ces compétences soient utilisées et de façon que l'État puisse investir pour ne pas mettre l'argent là où les énergies ne sont pas utilisées.

Là-dessus, on recommande neuf programmes, neuf projets, qui se retrouvent à l'intérieur du décret, neuf programmes de relocalisation de notre personnel mis en disponibilité. Je vais les énumérer rapidement et vous verrez qu'on a essayé de trouver, avec le maximum de bonne foi, des façons de replacer nos gens mis en disponibilité. Parmi ces mesures, il y a la préretraite, il y a la prime de séparation, il y a la mise à la retraite anticipée. Cette mesure permet aux enseignants d'obtenir les avantages d'un régime de retraite anticipée, au maximum cinq ans avant l'admissibilité à la retraite. Il n'y a pas de perte d'avantages pour ces enseignants. Il y a aussi une mesure qu'on offre à nos enseignants mis en disponibilité, soit les congés sabbatiques. On offre aussi, pour s'assurer qu'il n'y aura pas trop de personnes qui seront payées à ne pas travailler, le régime d'emploi à temps partiel. Je suis certain qu'il y a des gens qui désirent travailler à temps partiel, eh bien, on leur en offre la chance. On le permet à ceux qui le désirent sans perdre les avantages de la permanence aux fins de la sécurité d'emploi. Il y a aussi l'allocation de remplacement.

En septième lieu, les prêts de services qui permettront aussi à nos gens de faire des échanges. Il y a déjà une possibilité, à la suite de rencontres qui ont eu lieu, que 200 enseignants fassent des échanges avec le Maroc.

Un autre point important: la mobilité intersectorielle et la mobilité sectorielle. Dans le projet de convention collective qui a été déposé, nous préconisons une utilisation de l'enseignant en disponibilité chez d'autres employeurs, avec son accord bien entendu. Ainsi, un enseignant pourra être prêté pour un poste à temps plein, temporairement, dans un ministère et être rémunéré à 100% pour cette période. Donc, les gens pourront dorénavant être transférés, ce qui leur permettra de garder leur ancienneté totale, leurs années d'expérience chez le nouvel employeur.

L'autre point est le recyclage des enseignants. C'est tout à fait utile et indispensable si on veut moderniser notre enseignement, celui qui est donné aux gens du Québec. C'est indispensable pour les citoyens de demain. Parlant de virage technologique, on a vu les questions qui ont été posées tant du côté de l'Opposition que du côté ministériel, lors des périodes de questions dernièrement, pour savoir si le ministère se préparait à faire entrer la technologie dans nos écoles, l'enseignement par ordinateur.

M. le Président, il faut aussi préparer nos professeurs. Il y a en a qui sont prêts déjà, mais cela en prend plus que cela, parce qu'il faut étendre cet enseignement à l'ensemble des écoles. Donc, une des façons de relocaliser notre personnel en disponibilité, c'est justement le recyclage des enseignants.

M. le Président, on voit que ce qui se trouve dans les décrets, c'est quelque chose qui est préparé. C'est quelque chose, en très grande partie, qui est déjà accepté par les centrales syndicales. Mais maintenant, face à la situation qu'on vit, on doit de toute urgence régler la négociation, on doit s'entendre là-dessus pour consacrer, comme je le disais tantôt, toutes nos énergies, toutes les sommes disponibles, toutes nos préoccupations à la création d'emplois, à la lutte à la crise économique et à la reprise qui va venir un jour.

J'aimerais, parce que j'entends les gens de l'Opposition placoter, rappeler un peu à quel point ces gens sont contradictoires. On a entendu de l'un et de l'autre, et souvent, à l'intérieur du même discours, demander qu'on baisse les taxes, qu'on baisse les impôts et en même temps, qu'on baisse le déficit, qu'on donne plus de services à tout le monde, comme si on était encore en période d'abondance. Ils nous demandent en même temps d'augmenter les salaires quand la politique du Parti libéral - j'ai eu une discussion ce matin avec un représentant du Parti libéral de mon comté qui a reconnu cela publiquement - en matière de salaire, c'est de ramener le salaire du secteur public au niveau du secteur privé. Il s'oppose à ce qu'on est en train de faire. Il faudrait quand même être logique. Quand c'est ce qu'il propose, ce qu'il demande, le Parti libéral... Et quand nous autres, on propose une loi, il s'en vient nous dire: Ce qu'on demande, c'est de faire la politique des 5% et 6% du fédéral.

M. le Président, il faudrait aussi être logique, il faudrait aussi être constant et ne pas essayer de se moquer de la population. Le député de Papineau n'est plus là, mais il est même allé jusqu'à dire tantôt qu'un des graves problèmes du Québec, c'est d'avoir 25 000 employés de trop. Si on veut suivre

l'idée du Parti libéral, faudrait-il ouvrir la négociation ou bien, dans le décret, faire en sorte qu'on mette en disponibilité ou qu'on renvoie 25 000 employés? Ce n'est absolument pas ce qu'on fait, nous, dans le décret, parce que la sécurité d'emploi est maintenue pour notre personnel.

Pour ceux qui doutent aussi que l'argent disponible va être utilisé à la relance, à la reprise, à la création d'emplois, je voudrais juste qu'on regarde ce qui s'est passé depuis quelques mois, depuis le mois d'avril 1982, avec le peu de marge de manoeuvre qu'on a, tout ce qu'on a réussi à faire, tout ce qu'on a injecté dans l'économie.

En n'essayant même pas d'augmenter notre déficit, c'est 170 000 000 $ qu'on a injectés pour l'aide à l'entreprise et pour la création d'emplois, souvent temporaires malheureusement; mais, au moins, cela permet aux gens de gagner un peu plus et de travailler. Notre objectif, c'est de créer 80 000 emplois d'ici l'été prochain. C'est en voie de se faire. On a annoncé au début de la semaine, lundi, par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, huit programmes pour venir en aide à nos entreprises, que ce soit pour la recherche, le développement, l'exportation, tout ce qui est créateur d'emplois, pour nous permettre non seulement de prendre le virage technologique, mais de créer des emplois. Tout l'argent qu'on récupère ou tout l'argent qu'on économise, on l'utilise pour essayer de combattre le chômage, ce fléau inacceptable pour la population. Avant-hier, on annonçait un programme de 8 000 000 $ qui viennent s'ajouter pour permettre de créer des emplois dans le milieu municipal. On fait cela dès qu'on réussit à aller chercher un peu d'argent. Regardez, on annonce des programmes d'aide à la création d'emplois presque à toutes les semaines. (1 h 10)

M. le Président, je vais conclure en disant que j'ai confiance qu'on va réussir à s'entendre, qu'on va passer à travers cette loi et que les syndicats, connaissant la responsabilité des syndicats et des syndiqués qui sont quand même des mouvements qui travaillent pour le bien de leurs membres et le bien de la société. Je suis confiant. Je comprends la réaction qu'ils ont présentement parce que j'en ai fait, moi aussi, du syndicalisme. C'est normal. C'est une loi qui n'est pas plaisante à présenter; elle est difficile à défendre et difficile à accepter, sauf que, connaissant la conscience sociale du mouvement syndical, je suis sûr d'une chose: on ne se ramassera pas, comme semblent le souhaiter les gens d'en face, dans un chiard ou dans quelque trouble que ce soit. J'ai confiance aux gens. Je les invite à prendre connaissance, à tête reposée, de ce qui a été déposé. Je suis sûr,

M. le Président, que ces gens, étant conscients de la crise économique qu'on traverse, étant conscients que si on veut en sortir pas trop maganés, c'est solidairement qu'on va le faire. Le mot "solidarité" pour les syndicats, c'est quelque chose d'important. En tant que Québécois, je compte sur la solidarité des centrales syndicales. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Germain Leduc

M. Leduc (Saint-Laurent): À la suite du renseignement donné par la députée de Dorion, je me sens drôlement rassuré. Apparemment, je vais pouvoir étudier les décrets, à raison de 7000 feuilles à l'heure au lieu de 16 000 ou 17 000 parce que c'est 35 000 pages et non pas 90 000.

Si on regarde un peu ce qui se passe au Québec, la première question qu'on se pose actuellement est: Où s'en va-t-on? La triste réalité est qu'on ne sait pas où on s'en va. Mais je dirais qu'il y a une chose que l'on sait, c'est qu'avec ce gouvernement péquiste, on y va vite. Oui, on va vite vers le désastre; et pas un petit désastre, mais un grand désastre péquiste, un désastre maison fait de mains de maîtres, de mains de péquistes; un désastre à la grandeur du Québec, construit par l'imprévoyance politique et administrative de ce gouvernement péquiste; un désastre construit par une législation fiscale, nettement abusive; construit par une réglementation coûteuse et tracassière, par une acceptation béate de baisse de productivité, par le recours trop facile aux subventions gouvernementales en faveur d'entreprises qui n'ont jamais appris à vivre par elles-mêmes et qui ont vécu et continuent de vivre au crochet des contribuables québécois. Un désastre construit par un gouvernement qui a privilégié son option et son obsession séparatiste au détriment de la force économique du Québec. Un désastre, enfin, à la mesure de ce gouvernement construit par la loi no 70 et par la loi no 105 qui fait l'objet de notre étude actuellement. Mais comment un gouvernement, qui se disait responsable et qui s'est fait élire prétendant qu'il était un bon gouvernement, a-t-il pu être obligé d'en arriver à adopter la loi no 70 par laquelle il reniait ses signatures et qui, bien sûr, a entraîné la loi no 105?

L'explication est simple. Il fallait pour ce gouvernement séparatiste, gagner le référendum de 1980. Lors des négociations en 1979, dans l'euphorie de l'obsession référendaire, M. Parizeau a concédé aux employés de l'État des contrats de travail nettement trop généreux. Il fallait pour ce gouvernement manifester son préjugé

favorable aux syndicats; il fallait, autrement dit, pour le gouvernement livrer la marchandise. Comportement d'ailleurs absolument logique pour messieurs Lévesque et Parizeau qui déclaraient en 1975, et je cite: "Toute augmentation de salaire des membres du front commun des secteurs public et parapublic inférieure à 32% est un vol camouflé par lequel le gouvernement cherche à s'assurer une marge de manoeuvre que les marchés financiers leur refusent au titre de l'emprunt". C'était, bien sûr, l'époque délirante des préjugés favorables envers les syndicats. On aurait peut-être voulu, nous, Québécois, que le gouvernement ait un préjugé favorable envers tous les citoyens du Québec, qui, eux, n'ont pour les protéger que le gouvernement et les députés qu'ils ont élus.

En vertu de la convention collective négociée en 1979 et signée quelques mois avant le référendum du printemps 1980, les employés de l'État bénéficiaient d'une rémunération moyenne de 17, 2% supérieure à celle du secteur privé. Cette convention de 1979, signée dans l'improvisation et d'une façon absolument irresponsable de la part de ce gouvernement, a représenté, en permettant l'indexation des salaires au coût de la vie, des coûts absolument prohibitifs pour le Québec. En 1982-1983, les hausses salariales ont été de 13, 42%. Comme plusieurs employés de l'État progressent dans l'échelle des salaires, la croissance de la masse salariale a été de 14, 75%. En y ajoutant le coût des avantages sociaux, et surtout des régimes de retraite, qui sont, grâce à l'indexation des pensions au coût de la vie, les plus généreux en Amérique du Nord, la hausse totale des dépenses de l'État au chapitre de la rémunération a été de 15, 8%.

Malheureusement, ce qui devait arriver arriva. À peine deux ans après la signature de cette fameuse convention collective, notre gouvernement au préjugé favorable s'aperçoit qu'il n'a plus de marge de manoeuvre, qu'il risque de perdre sa cote sur les marchés financiers et qu'il doit récupérer immédiatement 500 000 000 $. Il lui faut, bien sûr, un bouc émissaire, il lui faut une victime. Le référendum de 1980 est passé. L'élection de 1981 a eu lieu. Le gouvernement péquiste décide donc que c'est fini le préjugé favorable. Il n'en est plus question. Les employés des secteurs public et parapublic vont écoper. Ce gouvernement décide que les discours qu'il tenait en 1979 ne valent plus. Et dans un geste, je dirais, de lâcheté, qu'on dit unique, qu'aucun autre gouvernement démocratique n'a jamais osé poser, on décide de renier sa signature et de récupérer les 521 000 000 $ auprès des employés des secteurs public et parapublic.

En vertu de la loi 70, ce gouvernement entend récupérer pendant les trois premiers mois de l'année 1983, trois mois seulement, un montant de 521 000 000 $. Maintenant, on parle de 406 000 000 $ parce que, apparemment, on a injecté la différence qui sera versée aux employés syndiqués comme augmentation de salaire durant les six derniers mois. Cela signifie, tel que l'indiquait le gouvernement, une diminution de salaire de 19, 45%, donc tout près de 20%, appliquée à tous les employés de l'État.

Ce gouvernement veut faire croire à la population du Québec, avec ses lois historiques 70 et 105, que le coût des conventions collectives des secteurs public et parapublic est la seule cause des problèmes financiers du Québec. Bien sûr, nous, nous reconnaissons qu'il existe un écart entre les rémunérations des secteurs privé et public et nous disons qu'il est normal que les travailleurs québécois qui oeuvrent dans les secteurs public et parapublic soient rémunérés sur une base comparable à ceux du secteur privé qui, bien sûr, contribuent dans une large part à payer la rémunération des travailleurs du secteur public. Mais nous disons également qu'il est injuste que l'on demande aux employés de l'État, surtout à ceux qui sont les moins bien rémunérés, de payer seuls les dégâts de la politique financière de ce gouvernement.

Je pose la question au gouvernement: Comment se fait-il que les membres de la 5Ûreté du Québec, que les agents de la paix, que les employés d'Hydro-Québec et de la Société des alcools - comme le mentionnait mon collègue, M. Marx - aient été exclus de l'application de la loi 70? Est-ce qu'on veut frapper plus durement les petits salariés? Faire croire aux Québécois que le coût des conventions collectives des secteurs public et parapublic est la seule cause des graves problèmes financiers du Québec et qu'en conséquence la loi 105 s'impose? C'est encore une fois de l'imposture de la part de ce gouvernement. La vérité, il faut le dire, elle est tout autre. (1 h 20)

Le problème financier du Québec est dû d'abord à l'endettement accéléré en période de taux d'intérêt très élevés. Imaginez, la dette est passée, de 5 000 000 000 $ qu'elle était en 1976, à plus de 18 000 000 000 $, en 1982, soit une augmentation de 13 000 000 000 $ sur une période de six ans. Bien sûr, on doit affecter au service de cette dette, parce qu'il faut payer les intérêts, un montant annuel de 2 000 000 000 $. Le problème financier du Québec est également dû aux recours massifs à l'emprunt pour financer les dépenses courantes. C'est dû également à l'exode de plus de 150 000 Québécois dont plusieurs jeunes en qui nous avions investi énormément et qui, à la suite de leur départ, ne paient aucune taxe, aucun impôt, ne se vêtent pas, ne se nourrissent pas, ne se logent pas au

Québec. Le problème financier du Québec est dû à l'étouffement de l'économie québécoise sous le fardeau fiscal des taxes. Les Québécois ont à payer 14% - c'est bien connu - plus de taxes que les Ontariens et 20% plus de taxes que l'ensemble du Canada. Le problème financier est dû, enfin et surtout, à la grande faiblesse des investissements au Québec causée par l'option séparatiste de ce gouvernement qui fait fuir les investissements et empêche la venue de nouveaux investissements.

On a pu établir récemment que, depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement et à cause de l'exode de 128 entreprises du Québec, nous avons subi une perte de 14 000 emplois directs. Je dis bien "directs". Cette perte est d'autant plus significative qu'il s'agit, dans la plupart des cas, d'emplois de haut niveau, fort bien rémunérés et faisant appel à beaucoup d'expérience et d'expertises, autant de débouchés que nous perdons pour nos étudiants qui sortent des universités.

Dans mon comté, M. le Président, dans la ville de Saint-Laurent qui est la deuxième ville industrielle au Québec, nous avons constaté, de 1968 à 1977, soit avant l'arrivée au pouvoir du gouvernement péquiste, qu'il y a eu l'implantation de 44 nouvelles entreprises provenant de 13 pays étrangers qui ont investi des centaines de millions et qui ont créé des milliers d'emplois.

Or, retenez ceci, qu'avons-nous eu comme investissements de l'étranger dans la ville de Saint-Laurent de 1977 à 1982? Je vous pose la question. Un seul investissement, M. le Président, un seuil Le message est clair: Messieurs du gouvernement, vous faites peur aux investisseurs. Tant que vous allez maintenir votre option séparatiste, tant que vous n'indiquerez pas clairement que vous entendez demeurer à l'intérieur de ce grand pays qu'est le Canada, tant que vous ne permettrez pas l'accès à l'école anglaise aux citoyens provenant du reste du Canada, tant que vous allez maintenir un niveau de taxes et d'impôt nettement supérieur à celui de l'ensemble du Canada, tant que vous allez maintenir l'incertitude sur l'avenir économique du Québec, je vous dis que vous allez continuer d'accumuler les déficits et d'adopter des lois 70 et 105.

Si nous devons constater la faillite de ce gouvernement aux plans financier et économique, nous devons également constater la faillite du gouvernement au plan social. On a eu droit à des coupures cruelles en matière de santé dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Maintenant, c'est le projet de loi 105. Nous, du Parti libéral, nous avons dénoncé les projets de loi 70 et 68 et nous avons voté contre. Nous avons répété et nous répétons que nous devons viser la parité de rémunération entre les travailleurs des secteurs public et privé, mais nous disons que cet objectif doit se faire d'une manière civilisée et responsable.

Une voix: Comment?

M. Leduc (Saint-Laurent): Sur la base de conventions collectives signées par les parties ou sur la base d'un consensus qui pourrait rallier les parties. Les gouvernements de l'Ontario et du Canada ont du faire face également à des problèmes budgétaires, mais ils ont réglé le problème sans avoir recours à des lois aussi iniques que la loi 70 et le projet de loi no 105, et sans risquer de perturber le climat social.

Nous croyons que la paix sociale au Québec est aussi importante que la situation financière du Québec. Nous avons la conviction que les employés de l'État sont maintenant prêts à faire leur part pour aider ce gouvernement à sortir de l'impasse dans laquelle il s'est lui-même placé. Ces employés de l'État comme nous tous réalisent que la crise au Québec causée par ce gouvernement est grave. Ils savent comme nous tous qu'il y a actuellement au Québec 400 000 chômeurs, que le taux de chômage est de 14, 5%, que chez les jeunes de 15 à 24 ans, ce taux de chômage atteint 23%, que l'on compte 345 000 bénéficiaires de l'aide sociale, que nous avons eu au Québec, de janvier 1982 à octobre, 11 000 faillites.

Nous sommes convaincus du sens des responsabilités des travailleurs des secteurs public et parapublic. Ils l'ont d'ailleurs prouvé en acceptant et en étant toujours prêts à accepter un gel des salaires. Moi, je suis convaincu que ces travailleurs sont plus responsables que les gens d'en face et qu'ils ne tomberont pas dans le piège de dire qu'une loi qui n'est pas respectable, ne doit pas être respectée.

Nous avons eu l'impression que la perche était tendue par ces travailleurs. Malheureusement, ce gouvernement a préféré l'affrontement avec son projet de loi no 105. Il devra en assumer la responsabilité. Ce gouvernement aura donc en six ans acculé financièrement le Québec à la faillite, aura affaibli constitutionnellement le Québec, tout le monde le sait, au point également de faire du Québec une province comme les autres. Il aura, par la loi 70 et le projet de loi no 105, créé le chaos social. Le bilan est trop lourd. Le Québec est hypothéqué à la limite. Nous en sommes rendus à la dernière coche. Le Québec ne peut plus se payer ce gouvernement. Nous demandons la démission immédiate de ce gouvernement pour sa faillite en matière financière, économique, constitutionnelle et sociale.

Nous, les gens du droit, nous disons: Quand quelqu'un ne rencontre plus ses obligations, ne peut plus respecter ses contrats, c'est une personne physique ou

morale en faillite. On constate actuellement que ce gouvernement, ne respectant plus ses engagements, c'est un gouvernement en faillite.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. M. John O'Gallagher

Le premier ministre, la semaine dernière, a confirmé, devant toute la population qui nous regarde, que la prochaine élection se ferait sur la séparation.

Des voix: Non, non, il n'a pas dit cela.

M. O'Gallagher: Indépendance ou séparation, c'est la même chose.

Des voix: C'est cela.

M. O'Gallagher: Pour votre parti, cela a toujours été votre cible. Pour la séparation il y a un prix; il y a une prime de séparation. On demande aux fonctionnaires de la payer en partie aujourd'hui. C'est l'acompte sur la séparation, 521 000 000 $. C'est un beau cadeau de Noël. C'est cela le prix de la séparation, mes chers auditeurs. C'est le commencement. Saviez-vous qu'aujourd'hui la dette consolidée du Québec est de 18 000 000 000 $. Quand les libéraux ont laissé le pouvoir en 1976, elle était à 5 000 000 000 $.

Dites-moi donc ce que vous avez fait avec ces 13 000 000 000 $. Y a-t-il une autoroute? Non, il n'y a pas d'autoroute. Y a-t-il des ponts? Il n'y a pas de pont. (1 h 30)

Une voix: Des cours d'eau?

M. O'Gallagher: Comment, des cours d'eau? Ils sont là. Vous êtes comme Duplessis, vous voulez construire des rivières en dessous des ponts. Des cours d'eau!

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. O'Gallagher: Qu'est-ce qu'on a eu pour ces 13 000 000 000 $? Rien du tout. Les cégeps ont tous été construits, les écoles ont été construites, on ferme les écoles. Les hôpitaux? Il n'y en a qu'un seul, je pense, qui a été construit ces deux dernières années. 13 000 000 000 $ de folies! Cela, c'est la dette consolidée, c'est l'héritage que vous laissez à vos enfants: 13 000 000 000 $. Et un déficit annuel, messieurs! Depuis deux ans maintenant, on paie un déficit de quelque 2 000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $. L'an dernier, c'étaient 3 000 000 000 $; cette année, on approche les 4 000 000 000 $. On emprunte de l'argent pour payer l'épicerie. Si c'est de cette façon que vous continuez à administrer vos affaires, on ne vivra pas longtemps. Les revenus sont à la baisse et on se demande pourquoi. Comment se fait-il qu'il y ait moins de monde qui paient des taxes?

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. O'Gallagher: Une des raisons, mes chers amis, c'est que personne ne veut rester au Québec. Il n'y a pas d'entrepreneurs qui veulent rester au Québec. Qu'importe leur langue et d'où ils viennent, les entrepreneurs sont étouffés au Québec par le PQ et ils s'en vont. On peut citer le premier ministre, si vous voulez: Je crois que le départ des entreprises est une tendance positive; il faut briser quelques oeufs avant qu'apparaisse l'omelette. C'était le premier ministre du Québec qui parlait ainsi en février 1978. J'ai l'impression qu'il y a quelques oeufs pourris là-dedans.

Une autre petite citation d'un de vos copains: On ne regrette pas le départ de nos maîtres. C'était le ministre d'État au Développement économique, Bernard Landry, en mai 1979. Il est maintenant ministre du Commerce extérieur. Transfert de Montréal à Toronto: BP... Je cite le ministre du Commerce extérieur: BP a pris une décision logique et rationnelle. Lui, il doit vraiment jouir aujourd'hui parce que Texaco a fermé sa raffinerie à Montréal, il doit vraiment être content. Cela aide en maudit!

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. O'Gallagher: Toutes les grosses compagnies de finance...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. O'Gallagher: Vous trouvez cela drôle? La population vous regarde. Vous aimez que les compagnies fuient.

Une voix: Sun Life?

M. O'Gallagher: Oui, Sun Life et...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. O'Gallagher:... la Banque Royale.

Une voix: La Banque de Montréal.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le ministre! S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration pour permettre à chacun de s'exprimer. M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Toutes les grosses compagnies financières ont quitté Montréal en partie; le secteur de l'informatique de la Banque Royale a fui Montréal, a quitté Montréal, les grosses compagnies de communication ont quitté Montréal, les compagnies pharmaceutiques... C'est bien drôle. Vous, dans vos comtés, cela ne vous affecte pas, mais il y a des comtés, comme le comté de mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, où une compagnie a fermé ses portes dernièrement mettant à pied 250 employés. C'est bien drôle, hein? C'est drôle en maudit, ça?

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député d'Arthabaska!

M. O'Gallagher:... cela ne vous fait rien qu'on soit en chômage à Montréal aujourd'hui. C'est vraiment drôle et c'est beau, n'est-ce pas? Vous aimez cela. Je vous dis que notre nouveau ministre délégué à la Science et à la Technologie fera son virage à Toronto, parce qu'il ne reste plus de technologie à Montréal. N'est-ce pas que c'est drôle? "Mautadit" que c'est drôle!

Notre ministre des Finances disait, il y a quelques années: On gérera la décroissance; imaginez-vous donc! On gérera la décroissance. Aujourd'hui, il est en train de gérer la faillite du Québec. Au lieu du grand argentier, c'est maintenant le grand syndic.

Une voix: Le grand syndic du Québec. Le syndic en chef.

M. O'Gallagher: Oui, oui, c'est exactement cela. Notre carte de crédit, messieurs, a été baissée de AA à A et je me demande ce que nos créanciers diront bientôt de votre administration. C'est le grand roi des 500 000 chômeurs, le grand roi des 500 000 personnes bénéficiaires du bien-être social; je vous dis que c'est beau, "mautadit" que vous serez fiers d'être Québécois. C'est le grand roi des taxes, nous sommes les plus taxés de tous les Canadiens. C'est cela, le résultat de ces lois. On va chercher cela n'importe où. Nous sommes les plus taxés sur les coûts d'opération à tous les niveaux: niveau social, niveau éducationnel, et même pour conduire une voiture, c'est ici qu'il en coûte le plus dans tout le Canada, dans toute l'Amérique du Nord, pour l'essence, pour les immatriculations et pour les assurances. Il n'y a pas moyen de s'en sortir.

Et qui est-ce qui investira au Québec? Demandez-vous donc cela. Premièrement, on a la menace de la séparation. Qui viendra ici quand ce n'est pas stable, politiquement parlant? On a les coûts d'opération les plus élevés que n'importe où, les taxes les plus élevées, les impôts sur le revenu les plus élevés; on taxe même le gens après qu'ils sont morts. C'est la seule province dans tout le Canada qui fait cela.

On a la fameuse loi no 101; vous n'êtes pas affectés dans vos comtés, mais chez nous, nous sommes affectés. Saviez-vous qu'en tant que Québécois pure laine depuis bien des générations, je n'ai pas le droit de m'afficher comme bilingue? Saviez-vous qu'il y a ce qu'on appelle chez nous des "tongue troopers", la police de la langue française qui se promène chez nous et qui, pour une petite PME - ce n'est même pas une PME, c'est un gars qui vend des arbustes, un paysagiste - est venue prendre des photos de sa vitrine parce que c'est marqué: Arbustes -Shrubs? C'est un péché de marquer cela, Christophe! dans la vitrine. Je vais vous montrer des photos de cela, prises par la police de la langue française. Non, pour vous qui êtes de Lévis, ce n'est pas un problème, mais venez donc chez nous. Je vous y invite, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: J'y vais souvent.

M. O'Gallagher: Eh bien! venez donc chez nous, je vous invite; je vous paierai un lunch...

Une voix: À la maison?

M. O'Gallagher: Je ne sais pas si j'aurai l'argent, par exemple. Il faudrait que je demande un prêt.

Une voix: C'est un gars qui mange beaucoup.

M. O'Gallagher: On est aveuglé par cela. Dans votre comté, la loi no 101 n'est pas un problème, mais, chez nous, c'est un problème.

Une voix: II n'y a pas de problème là. (1 h 40)

M. O'Gallagher: Vous êtes aveuglés par votre nationalisme. There is a saying. I do not know if you remember a few weeks ago, in Montreal, recently, I think there was the president of the Royal Bank of Canada, there was the president of the Bank of Montreal and there was Ted Tilden. They were invited to speak to the Chambre de Commerce de Montréal, the leaders of the industries. They had something to say. Yes

certainly, they were anglophones like I am. And to get up in public, it is not that easy to make an address in French that will conform to the regulations of Le Devoir and of the Office de la langue française. But it seems that we are in a free country, I think people should be allowed to express themselves freely, but there again the message was destroyed. Marshall McLuhan said the medium is the message. Because a message was transmitted in English, it was detroyed by your press. That is nationalism at its worst and that is what we are facing everyday, the distortion.

How was the company going to come to Québec? Comment voulez-vous qu'une compagnie vienne investir au Québec quand elle voit agir votre parti politique, le PQ? Lors de votre conseil général l'an dernier, vous avez démontré vos tendances antidémocratiques. Il fallait que René Lévesque "passe un Renérendum" pour essayer de garder le couvert sur ces tendances tellement dangereuses. Comment voulez-vous que quelqu'un ait confiance au Québec avec une telle affaire? C'est cela votre PQ. On a vendu la qualité de notre vie; on a vendu la qualité de nos services, soit dans les hôpitaux ou soit dans les centres d'accueil. On est obligé d'avoir des centres d'accueil clandestins pour nos vieux... Ils ont de l'argent pour des folies, des folies nationalistes: Asbestos Corportion, 100 000 000 $. On a payé 100 000 000 $ pour un trou. On n'a pas créé un seul emploi et elle a déjà perdu 8 000 000 $, cette année. C'était il y a quelques mois. À quoi est-elle rendue aujourd'hui? Québecairî 50 000 000 $ de flambés, "flyés". Pourquoi? Ne soyons pas surpris que notre grande compagnie d'investissements, la Caisse de dépôt, qui investit les fonds de retraite de tous les Québécois, qu'elle ait investi dans cela. C'est bien bon pour nos investissements. SIDBEC a coûté au autre montant de 150 000 000 $. Il y a eu un plan de redressement pour essayer de remonter cette industrie de la Côte-Nord; or vous l'avez ignoré complètement. On sera obligé d'y ajouter encore 150 000 $ ou de fermer complètement.

Une voix: Millions.

M. O'Gallagher: 150 000 000 $, oui, excusez-moi. Il y a un trou de 500 000 000 $. On va chercher aujourd'hui 521 000 000 $ dans les poches des fonctionnaires sur une période de quelques mois, mais le ministre de l'Éducation les a perdus dans un an dans un seul ministère, 500 000 000 $. Je voudrais savoir si tous les adjoints politiques de tous les ministères, tous ceux qui font des sondages au ministère des Communications, tous ceux qui font partie du Conseil exécutif qui ont augmenté...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Question de privilège, M. le Président. Il n'y a absolument aucun sondage qui ne se pratique au ministère des Communications.

Des voix: Ce n'est pas une question.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Je me demande si tout ce beau monde, ces 700 employés politiques, les attachés politiques de vos ministères vont subir des coupures dans les quelques mois à venir. On a gaspillé. On a enlevé des gens, il manque des machines, il manque de l'équipement dans les hôpitaux, mais on dépense plus de 4 500 000 $ pour le combat de boxe Duran et Leonard. On a une direction des élections qui a dépensé 86 000 000 $ pendant que des gens sont dans les corridors d'hôpitaux. Il y a des salles clandestines pour les vieillards et on dépense de l'argent à gogo, comme mon ami de Nelligan l'a dit. On a deux maisons du Québec à Paris, 71 employés. Combien coûte cette affaire? L'Ontario en a à peu près cinq et vend deux fois plus de biens manufacturés que le Québec. C'est à gogo. Et les primes de séparation que mon oncle a payées, puis que le premier ministre a payées et un autre montant de 500 000 $ flambé pendant que l'équipement manque...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;

M. O'Gallagher: Mes chers amis... c'est le "down payment" sur la séparation, cette loi. Tout le monde y goûte et cela vous va coûter beaucoup plus cher que cela, je vous préviens, messieurs. La seule manière d'arrêter l'hémorragie, c'est de se débarrasser de ce PQ. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravoï Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Henri.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, nous voici parvenus à un autre moment de confrontation. Après avoir longtemps hésité à franchir la ligne de l'affrontement, le parti ministériel vient de la traverser en proclamant la loi no 105. Comme je le disais déjà en parlant de la fusion de Hauterive et de Baie-Comeau, le sort en est jeté. Ici,

cela n'est pas le sort de deux villes qui est en jeu, mais c'est la paix sociale de tout le Québec; la paix entre les autorités gouvernementales et leurs 316 000 employés. Veut, veut pas, M. le Président, c'est vraiment un début d'hostilité dont les engagements futurs sèment l'appréhension et la crainte chez le peuple québécois. Déterminer qui est l'agresseur et l'agressé n'est pas facile, mais cela ne peut échapper à quelqu'un qui fait un examen le moindrement objectif, car déjà le gouvernement proclame les conditions de travail applicables aux salariés du secteur public jusqu'au 31 décembre 1985. Il annonce la pitance salariale de ses salariés du secteur public pour la période du 1er janvier au 31 mars 1983. C'est, comme on dit en latin, le vae victis, le malheur aux vaincus, la punition de ceux qui n'ont pas voulu passer sous les fourches de la loi no 70 et c'est les diktats des ministres Lévesque, Parizeau et Bérubé.

Une voix: Merci, merci.

M. Hains: Mais comment en est-on venu à cette triste guerre, à ce douloureux affrontement que l'on qualifie aujourd'hui de situation urgente? C'est une longue histoire qui a commencé il y a déjà six ans; une histoire d'amour qui s'est vite changée en guerre rangée. Pour renverser le gouvernement libéral en autorité à ce moment, le PQ avait pactisé avec les syndicats en 1976 et avait pris les rennes du pouvoir. C'était vraiment l'ivresse et le triomphe inattendu. Ce fut la fête au Québec. Les troubadours chantaient déjà la délivrance et l'avènement d'un pays. C'était la fin, disait-on, de l'oppression; c'était la société juste, la vie digne et fière et le régime égalitaire. Mais ce fut aussi le début d'un règne où la magnificence, les dépenses folles et les complaisances faciles eurent tôt fait de dilapider le trésor public. Là, les déficits ont commencé à s'accumuler au rythme de 3 000 000 000 $ par année; les ennemis se sont pressés aux frontières et les défaites ont grugé lentement, mais sûrement, la popularité et l'efficacité de ce gouvernement au pouvoir.

Une première défaite référendaire est venue jeter le désarroi dans les rangs péquistes. Pourtant, on y avait mis tellement d'argent, tellement de complaisance envers des alliés, tellement de charme et de trémolo nationaliste que ce fut un coup mortel dont jamais le PQ ne s'est encore relevé. Puis vient la défaite constitutionnelle qui, de nouveau, a terrassé les troupes péquistes, en jetant l'amertume, la haine et l'esprit de vengeance parmi les partisans et les dirigeants péquistes. (1 h 50)

Sur un autre front, le front économique et financier, ce fut la débandade complète et la perte de nombreux effectifs. Quelle triste performance et quelles conséquences funestes! Ce fut la crise qui ébranla et qui ébranle encore les bases mêmes de notre société. Nous tombons maintenant dans cette guerre sociale, dans ce périlleux marasme, dans cette confrontation dangereuse que le projet de loi no 105 vient de provoquer.

Voilà, en résumé, la triste histoire de six ans de règne: une succession de crises sur tous les fronts, constitutionnel, économique, social qui nous ont conduits aujourd'hui à la loi 70 et au projet de loi no 105, lesquels sont des aveux d'impuissance et une terrible déconfiture.

Mais que sont cette loi 70 et ce projet de loi no 105? Cette loi 70 est une loi des plus tristes qu'un gouvernement ait pu rédiger. Elle a soulevé la colère chez les syndiqués, la réprobation des éditorialistes et la consternation dans le peuple. C'est le jeu repoussant de "je te donne, je te dédonne". Les salariés ont reçu leur chèque de paie identifié à leur nom pour un travail normal et selon une constitution bien connue et, par cette loi méprisable, ce gouvernement va chercher des sommes payées dans les poches et dans les comptes de banque de ses employés, pour renflouer ses caisses défoncées par son incompétence et son imprévoyance.

Une voix: C'est écoeurant!

M. Hains: Pas mal. On est d'accord.

Durant trois mois, janvier, février et mars, la majorité de ces 300 000 travailleurs subira une coupure de 20% sur les chèques de salaire. Comme le dirait Marcel Adam dans la Presse, c'est une loi qui insulte la conscience collective et qui illustre la corruption du processus législatif au Québec. Par cette loi, le gouvernement va chercher chez ses employés des dollars durant trois mois et durant une période pendant laquelle la grève sera maintenant défendue. Les naïfs et les partisans prendront ce geste pour un acte courageux. Mais depuis quand le bris d'un contrat, le reniement d'une signature et la violation unilatérale des engagements peuvent-ils soulever l'admiration?

Le gouvernement ne se tient pas debout. Il est acculé au mur, étourdi et complètement hébété devant la tournure des événements. C'est un boxeur complètement "knock-outé" qui se tient debout, oui, mais accroché aux câbles de l'arène politique. Pour apprécier cette loi, comme dirait encore Marcel Adam, c'est une manifestation de la corruption qu'engendre tôt ou tard l'exercice du pouvoir.

Rarement aura-t-on vu un gouvernement apporter tant de déception, de désenchantement et de désillusion chez les contribuables. Rarement aura-t-on vu un

ministre des Finances conduire le bateau ministériel vers un tel naufrage, avec la bénédiction épiscopale de son chef. Les collègues d'en face n'ont vraiment pas lieu d'être fiers devant le spectacle qu'offre la province. Peuvent-ils vraiment s'imaginer qu'ils peuvent saboter des conditions de travail si péniblement acquises par des générations de travailleurs et de travailleuses? Comment peuvent-ils gruger des droits aussi fondamentaux que ceux de la santé, de l'éducation et du travail? Comment peuvent-ils aujourd'hui, dans leurs discours, justifier le marasme actuel?

Comment peuvent-ils enfin espérer un renouveau avec les décrets qu'ils imposent à plus de 300 000 travailleurs? C'est vraiment une loi massue. Oui, mais la masse est une tonne de papier de 35 000 à 50 000 pages que l'on assomme, à 103 coups de décret sur la tête, des travailleurs et des travailleuses du Québec. L'amoncellement de ces piles de papier devant les écrans de télévision n'était qu'une faible image du mépris du gouvernement envers ses employés. D'ailleurs, les députés péquistes n'ont pas tous voulu participer à ce spectacle désolant. Plus d'une vingtaine se sont cachés dans les coulisses ou ailleurs...

Une voix: Menteur!

M. Hains: Plus d'une vingtaine étaient absents et se sont cachés dans les coulisses ou ailleurs. Ceux qui ont joué le jeu de la tragédie et qui ont débité leur rôle n'ont pas tous eu l'accent de la conviction et de la sincérité dans leur discours. Pourtant, toute cette mise en scène et cette entrée précipitée sur le théâtre des négociations, c'est l'urgence, nous a dit le ministre Parizeau; une crise exceptionnelle, nous a dit le leader parlementaire. Mais où est donc l'ennemi? Pourquoi le PQ se retire-t-il ainsi derrière des tranchées de papier? Pourquoi ces 100 décrets, ces 100 canons braqués sur des cibles illusoires? À ce qu'on sache, aucun mouvement de troupes à l'horizon. Les plaines d'Abraham dorment vraiment sous la neige. Les professeurs enseignent chacun et chacune dans leur classe. Les infirmières sont auprès des malades. Les fonctionnaires fonctionnent, même si quelques-uns ou quelques-unes étaient habillés aujourd'hui en PQ, c'est-à-dire en pauvres quêteux. Alors, où est l'urgence? C'est vraiment, pour le moment, une raison fabriquée de toutes pièces. L'ennemi n'est pas en dehors du parlement, il est ici à l'intérieur. C'est le feu aux poudres chez les péquistes; c'est le coffre du trésor qui menace de sauter et, avec lui, le gouvernement. C'est ce qui explique la panique qui s'est emparée des troupes gouvernementales. Pour faire digression, on tire à boulet rouge sur l'ennemi imaginaire qui, à maintes reprises, a brandi le drapeau blanc, qui a voulu négocier et qui a même offert dans son traité de paix d'inclure un gel d'un an et même plus, si nécessaire, pour rétablir l'équilibre des forces et des privilèges. Mais de là à vouloir jouer à Robin des bois, à vouloir dévaliser les mieux nantis pour favoriser les plus démunis, c'est poser un acte que même un juge des mieux intentionnés ne saurait pardonner et approuver.

Si nos travailleurs et travailleuses du secteur public avaient obtenu des sommes non méritées pour leur travail ou s'ils avaient trompé le trésor public, nous serions les premiers à réclamer justice. Mais non! C'est là que nos concitoyens et concitoyennes doivent comprendre tout l'odieux de cette manoeuvre gouvernementale. On va chercher dans les poches des employés une partie du salaire qu'ils ont vraiment légitimement gagné durant des mois et des années. Le parlementarisme me défend de qualifier ce geste odieux. Si l'on avait décidé, à la suite de négociations, de geler les salaires ou de prendre des moyens légitimes de brider les augmentations, nous aurions approuvé ces méthodes normales dans les heures cruciales que nous traversons. Mais nulle personne ne peut à la fois être juge, partie et huissier. Nous condamnons de toutes nos forces ces tactiques déloyales du Parti québécois.

Les ministériels veulent clouer les syndicats au pilori pour les exposer au mépris de la foule avec une étiquette infamante, alors que les vrais responsables échappent au gibet quand ils devraient essuyer la désapprobation et la condamnation de leur père. (2 heures)

On dirait que ce parti veut vraiment se saborder en entreprenant cette démarche suicidaire. Cette politique du pire, cette politique d'affrontement appréhendé, constitue vraiment un mystère, une intrigue qui fatigue tout le monde. Car, malgré le trémolo de nos intervenants d'en face, ces sommes perçues dans les poches des employés ne serviront pas directement aux chômeurs, aux assistés sociaux, au bien-être de la société, mais simplement à remplir des coffrets vides du trésor. C'est faire preuve de démagogie dangereuse et outrancière que de parler de riches et de pauvres, de soulever des luttes de classes sociales et de laisser entendre que le butin recueilli chez les professionnels servira de cadeau de Noël aux plus démunis. Cette exploitation de la crédulité populaire est vile et irresponsable, et ce serait moi-même insulter mes électeurs de Saint-Henri que de leur laisser croire qu'ils vont profiter de cette manne cueillie à même les assiettes de leurs voisins.

L'objectif de la récupération monétaire peut être bon, mais la stratégie demeure irrationnelle et dangereuse. Elle conduit au

désastre social. L'appel de bon sens au gouvernement par l'Opposition est demeuré sans réponse. Espérons que notre peuple, lui, saura traverser cette tourmente avec modération et courage, car le Québec ne saurait traverser sans danger une crise d'affrontements et de subversions sociales. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je crois que vous connaissez l'existence de l'article 94...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, oui, oui.

M. Bertrand:... du règlement qui se lit de la façon suivante: Sauf dispositions contraires, un député peut parler sur une motion de fond pendant vingt minutes; mais peuvent parler pendant une heure...

Une voix: Qui va parler pendant une heure?

M. Bertrand:... le premier ministre, le leader parlementaire du gouvernement.

Une voix: C'est lui, cela.

M. Bertrand: Alors, M. le Président,...

Une voix: On n'est pas pressé. Une heure.

M. Bertrand: Une heure. Me prévalant donc de cet article, je voudrais commencer mon discours en invoquant l'article 77, et en faisant motion pour ajourner le débat au nom de...

Une voix: Ah non!

M. Bertrand:... madame la ministre de la Fonction publique qui prendra la parole demain après la période des questions.

Des voix: Ah non, non! Voyons-donc!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est adoptée et nous ajournons nos travaux jusqu'à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 2 h 03)

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