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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Thursday, March 24, 1983 - Vol. 27 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures douze minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: Nous allons nous recueillir un instant. Veuillez vous asseoir.

Visite de M. Mario Bonenfant

Chers collègues, je voudrais attirer l'attention de cette Assemblée et de tous ses membres sur la présence dans nos galeries, cet après-midi, d'un jeune Québécois qui a fait honneur au Québec en se classant 2e lors de l'émission La course autour du monde, M. Mario Bonenfant.

Aux affaires courantes, nous passons au dépôt de documents. M. le député de D'Arcy McGee.

Pétition déplorant l'attitude du gouvernement envers les enseignants

M. Marx: Merci, M. le Président. I have a petition here that was signed after a meeting in Centennial High School in the riding of Vachon on March the 2nd, 1983. The petition reads as follows: "In a democratic society whenever the Government, through the instruments of legislative prerogatives and decrees, encroaches upon the fundamental and constitutional rights of individuals or institutions, it becomes incumbent upon its citizens to take a stand. This meeting therefore seeks your support for the following statement of its position. 1. We, as residents of Québec, deplore the action of the present Government for using the full force of its legislative powers not only in imposing the new working conditions on our teachers, but also for showing total lack of respect for human rights by setting aside the application of the Canadian Charter of Rights and Freedom, nullifying the Québec Charter of Human Rights and Liberties under the provisions of Bill 111. 2. Recognizing that all employees, parents and elected members of school boards are doing their outmost to promote a positive atmosphere essential to the education of children, we demand that the Government withdraw Law 111 immediately; that the negotiations between the parties concerned be carried on in good faith and with dispatch; that should the parties fail to reach an agreement before March 14th, the dispute be referred to a mediator and that the schools and colleges be allowed to function normally during this period of mediation. 3. Moreover, since the process of negotiations in the public sector has always caused a certain amount of turmoil and hardship, we strongly urge that the Government appoint a commission of inquiry to study ways and means to avoid confrontation and work stoppages in the public sector in future."

M. le Président, j'ai laissé des espaces s'il y a des députés qui aimeraient signer cette pétition. Merci.

Le Président: Pétition déposée.

J'en profite, mes chers collègues, pour vous rappeler que l'article 180 nous dit que "la pétition doit d'abord contenir une désignation des pétitionnaires, puis un exposé clair, succinct, précis et en termes modérés des faits pour lesquels ils demandent l'intervention de l'Assemblée et être signée par tous les pétitionnaires".

Il est bon de rappeler ces choses pour que nous puissions tous nous en inspirer.

Au dépôt des rapports des commissions élues, M. le député de Vimont.

Des voix: II n'est pas là.

Le Président: M. le député de Champlain.

Auditions relatives à l'évolution et l'avenir de Quebecair

M. Gagnon: M. le Président, au nom du député de Vimont, il me fait plaisir de déposer un document officiel, l'étude de l'évolution et de l'avenir de Quebecair.

Le Président: À l'ordre!

Rapport déposé.

M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: J'aurais simplement une petite question de règlement à soulever. Il me semble que je n'ai pas entendu appeler le chapitre des déclarations ministérielles. Serait-il possible de revenir sur ce point?

Le Président: M. le leader, j'ai pris sur moi, pensant que c'était une heureuse initiative - je suis sûr que vous l'entérinerez - étant donné que le président est averti au préalable du déroulement des travaux des affaires courantes et qu'il m'apparaissait inutile de faire une énumération complète des choses qui ne se produiront pas, pour accélérer nos travaux qui, malheureusement, ont encore commencé en retard, d'éviter

justement cette répétition en passant directement aux choses qui sont pertinentes aux affaires courantes.

M. Lalonde: M. le Président, il est tout à fait...

M. Gagnon: Je m'excuse, M. le leader de l'Opposition, c'est que je viens de faire une erreur dans le dépôt de documents. Je n'avais pas le document et je me rends compte que...

Qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des transports qui a siégé - probablement que les documents que j'ai déposés allaient avec - les 1, 2 et 14 mars 1983 - cela va, M. le Président, est-ce que je peux continuer?...

Le Président: Je vous en prie.

M. Gagnon: ...aux fins d'entendre certaines personnes relativement à l'étude de l'évolution de l'avenir de Quebecair. J'avais déposé le deuxième document en premier.

M. Bourbeau: Question de règlement.

Le Président: Pour les bons soins du procès-verbal, le document que vient de lire le député de Champlain, le rapport de la commission, est donc le rapport qui est déposé.

M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je viens d'entendre le député de Champlain nous parler de l'évolution de l'avenir de Quebecair. Si j'ai bonne souvenance, c'est l'évolution...

Le Président: À l'ordre! M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai permis au député de Champlain de m'interrompre pour faire sa correction. J'avais soulevé une question de règlement qui m'apparaît assez sérieuse. Je comprends qu'on vous avertisse à l'avance si on a des déclarations ministérielles à faire et, comme les déclarations ministérielles viennent du côté ministériel, il est fort normal que vous n'en attendiez aucune de l'Opposition. Il arrive cependant qu'un député de l'Opposition ait une remarque à faire à ce moment-là de nos travaux. Il n'y a pas de déclarations ministérielles? On prend acte à ce moment-là qu'aucun ministre n'a de déclaration ministérielle à faire. C'est très important que la liste des choses qui nous occupent soit faite et dite.

Le Président: Je prends bonne note de votre remarque, M. le leader de l'Opposition.

Si c'est votre souhait que je lise tous les éléments des affaires courantes les uns après les autres, je n'y vois pas d'objection. Je pense que nous allons simplement retarder un peu les choses mais je veux faire remarquer que, si l'Opposition veut constater qu'il n'y a pas de déclarations ministérielles, on peut aussi prendre acte du fait qu'ayant sauté cette étape aux affaires courantes équivaut au fait qu'il n'y a donc pas de déclarations ministérielles.

M. Picotte: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Si vous aviez appelé les déclarations ministérielles, je me serais étonné que le ministre de la Justice n'ait pas de déclaration à faire concernant les sinistrés de Louiseville. (14 h 20)

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! M. le député de Maskinongé, je vous en prie.

Il n'est pas question de soulever quelque question de règlement ou de privilège du fait que quelque chose n'a pas été fait. À ce moment-là, toute la séance sera consacrée à ce genre de questions. Il est bien évident qu'on ne peut pas procéder de cette manière-là.

Si on insiste pour que je lise tous les éléments des affaires courantes, eh bien!

Nous devions donc commencer par les déclarations ministérielles, suivi du dépôt de documents, ce que le député de D'Arcy McGee a fait. On peut donc penser que ce que le député de D'Arcy McGee a fait a été fait au bon moment.

Quant au dépôt de rapports de commissions élues, la commission a dûment déposé son rapport au bon moment, même s'il faut revenir en arrière.

Quant au dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés, il n'y en a pas.

Quant à la présentation de projets de loi au nom du gouvernement, il n'y en a pas; quant à la présentation de projets de loi au nom des députés, il n'y en a pas...

Une voix: ...

Le Président: En annexe, il n'y en a pas.

M. Blank: Je voudrais le consentement pour déposer...

Des voix: Ah!

Le Président: À l'ordre!

Avant de procéder à l'autre étape qui

est celle des questions orales des députés, puisque nous entamons une nouvelle session et que vous avez bien voulu élire un nouveau président, j'aimerais vous rappeler, pour la bonne compréhension de tous les membres de cette Chambre, les articles 168 et 170 concernant la période des questions: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Est irrecevable une question: 1. Qui est précédée d'un préambule inutile; 2. Qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs; 3. Dont la réponse serait une opinion professionnelle ou une appréciation personnelle." De même, à l'article 170: "La réponse à une question doit se limiter au point qu'elle touche, être brève et claire et ne contenir ni argument ni expression d'opinion. Toutefois, une certaine latitude est accordée aux ministres. Une réponse est tenue pour finale."

Si je me suis permis, en ce début de session, de relire ces deux articles, c'est que j'ai l'intention, avec votre collaboration, de les appliquer. Je pense qu'il y va de la meilleure santé démocratique de cette Assemblée si la période des questions se déroule telle que le règlement le prévoit.

Je dis ces choses également parce que, tant de part et d'autre, on peut, par moments, prendre ombrage d'une décision du président, mais que c'est protéger les droits de tous les parlementaires à poser des questions, des questions additionnelles, et à recevoir des réponses que d'agir ainsi et avoir une période des questions qui soit conforme à celle de notre règlement.

Cela dit, nous passons effectivement à la période des questions orales des députés.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, vous m'invitez à poser une question, je présume.

M. Payne: Question de privilège, M. le Président.

M. Lalonde: Nous tenterons de...

Le Président: Une question de privilège est soulevée par le député de Vachon.

M. Payne: M. le Président, je ne voudrais pas vous déranger...

Le Président: Vous ne me dérangez pas.

M. Payne: ...mais j'ai essayé de soulever une question de privilège tout à l'heure lorsque le député de D'Arcy McGee, lisant sa pétition, voulait faire comprendre à cette Chambre que les électeurs du comté de Vachon...

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

M. Payne: ...de la Centennial High School, avaient signé une pétition. Or...

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: II y a une question de règlement, M. le député de Vachon. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que vous avez entendu assez de mots prononcés par le député de Vachon pour vous rendre compte que rien dans la pétition déposée par le député de D'Arcy McGee n'affectait le privilège du député de Vachon, à moins qu'il ne se déclare antidémocrate ou quelque chose comme cela.

Le Président: Effectivement, M. le député de Vachon, à moins que vous n'ayez des précisions à apporter très rapidement sur la nature de votre question de privilège, ce que vous avez dit jusqu'à maintenant me porte à croire que ce n'en est pas une, à moins que je ne me trompe; je veux bien vous laisser quelques secondes encore sur la question de privilège.

M. Payne: Ma question de privilège est très simple, M. le Président, le Centennial High School, auquel faisait référence le député de D'Arcy McGee, ne se trouve pas dans mon comté, il est situé dans le comté libéral de Laprairie.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: Je vous en prie, je vous en prie! Messieurs! Cela a beau être le début d'une nouvelle session et le printemps, l'effervescence est un peu grande.

M. le député de Vachon, ce n'était pas une question de privilège. S'il y a eu erreur géographique, c'est malencontreux; s'il n'y a pas eu erreur géographique, ce n'est donc pas malencontreux. Cela ne constitue en aucune façon une question de privilège. Au cas où M. le député de Laprairie, que j'ai vu se lever spontanément, aurait envie de soulever une autre question de privilège sur le même sujet, je lui dis tout de suite que ce n'en est pas une non plus.

M. Marx: M. le Président, je soulève une question de privilège.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee, je pense avoir indiqué qu'une appréciation géographique ne donne pas vraiment lieu à une question de privilège. Les privilèges des membres de cette Assemblée et le vôtre en particulier n'ont pas été compromis par l'intervention du

député de Vachon.

M. Marx: M. le Président, si je me suis trompé, à la différence des autres, j'aimerais m'excuser. J'aimerais dire que je me suis trompé sur le lieu mais, de toute façon, c'était signé en grande majorité par des résidents du comté de Vachon.

Le Président: Voilà donc qui rétablit l'ensemble de la situation, je l'espère. Nous sommes effectivement aux questions orales. M. le leader parlementaire de l'Opposition, la parole est à vous.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Les rencontres du premier ministre

et de son personnel sur le règlement

hors cour de l'action consécutive

au saccage de la Baie-James

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question à poser au premier ministre. Afin que la commission parlementaire qui sera appelée à examiner le rôle et les interventions directes ou indirectes du premier ministre et de son entourage politique dans le règlement hors cour de l'action sur le saccage de la Baie-James puisse préparer ses travaux, est-ce que le premier ministre peut prendre l'engagement de rendre public dans les meilleurs délais -je sais qu'il ne pourra pas me répondre aujourd'hui, c'est pour cela que je ne demande pas la réponse immédiate - avant le début des séances de cette commission, la liste de toutes les rencontres entre lui-même ou un membre de son personnel politique et l'une ou l'autre des personnes intéressées dans cette poursuite judiciaire intentée par la SEBJ, de même que les détails des communications écrites ou téléphoniques entre le premier ministre ou un membre de son personnel politique et les mêmes personnes, le contenu des échanges écrits, les documents préparés ou échangés ou corrigés ou étudiés au bureau du premier ministre à Montréal ou à Québec ou dans d'autres lieux, mais en présence du premier ministre ou d'un membre de son personnel politique?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je voudrais demander au député de Marguerite-Bourgeoys, à propos de choses qu'il voudrait qu'on rende publiques dans les meilleurs délais, la liste des rencontres - je m'excuse, je n'ai pas eu le temps...

M. Lalonde: Je peux la répéter.

M. Lévesque (Taillon): Quelle était la liste des choses?

M. Lalonde: C'est la liste des rencontres entre lui-même ou son personnel politique, son chef de cabinet ou son adjoint, et l'une ou l'autre des parties qui ont fait le règlement; les détails des communications entre ces parties et les documents qui, pendant cette période, entre disons le 1er octobre 1978 et le 31 mars 1979, ont été échangés ou préparés ou, enfin, ont quelque pertinence avec le problème que la commission est appelée à étudier. Je ne demande pas les dates et les détails aujourd'hui au premier ministre - il n'a sûrement pas cela en mémoire - mais j'aimerais que les membres de la commission aient la communication de tous ces éléments avant de commencer l'étude. (14 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais arriver très rapidement à la réponse au député de Marguerite-Bourgeoys. Je voudrais simplement faire un très rapide préambule pour être sûr qu'on se situe bien. Au-delà de la réplique que j'avais envoyée, le jour même de la parution de l'article de la Presse de Montréal, à cette dernière et aux autres médias d'information, j'aurais bien voulu qu'on aille tout de suite - c'est un peu ce qu'évoque le député de Marguerite-Bourgeoys - au fond des choses, comme je l'ai dit, en long, en large et en profondeur. Mais pour faire cela - et le député de Marguerite-Bourgeoys vient de le souligner à sa façon - cela exige pas mal de préparation, après quatre ans et plus, pour ressasser et retrouver tout cela. Si le député de Marguerite-Bourgeoys...

Une voix: Le ressasser, en tout cas! Des voix: Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): ...n'avait pas profité de la nomination du président pour faire une sorte d'ultimatum, c'est aujourd'hui plutôt qu'hier - mais enfin! je suis très heureux que ce soit arrivé, finalement - que j'aurais annoncé ce que, finalement, j'ai annoncé hier, c'est-à-dire la tenue, dans les meilleurs délais, d'une commission parlementaire chargée de faire toute la lumière à partir des souvenirs, des témoignages et des documents des principaux intéressés. Ce que demande le député de Marguerite-Bourgeoys est très logique. J'espère que cela n'ira pas jusqu'à toutes les communications téléphoniques, parce que, là, cela pourrait être compliqué, je suppose, mais la liste des rencontres que j'ai pu avoir, ou des membres de mon personnel politique, autour de cette question, le cas échéant, le détail des communications principales, on essaie de retrouver tout cela - le travail est en marche - entre 1978,

entre le moment où cela a pu commencer à se discuter dans la perspective d'un règlement et 1979, la date fatidique des documents pertinents. Cela est sûr. C'est comme appliquer là-dessus la loi d'accès à l'information, quoi! On va essayer de tout retrouver. Évidemment, cela va impliquer des témoignages, des souvenirs aussi et probablement une recherche du côté des gens qui vont être convoqués au premier chef, les membres du conseil d'administration de la SEBJ qui étaient en fonction lors des événements, en 1979, dont la plupart d'ailleurs, sauf erreur, sont encore en fonction. Tout cela sera évoqué tout à l'heure par le leader, comme il se doit, après la période des questions. À ce propos, comme il s'agit de gens qui étaient directement impliqués, je dois dire ceci: J'ai reçu des communications depuis deux jours et la réponse est qu'on fera tout ce qu'on peut pour que tout cela soit disponible pour la commission.

J'ajoute quelque chose à propos de choses à rendre publiques. J'ai reçu, depuis deux jours, spontanément, des communications de trois personnes qui feront partie de ce groupe de gens qui vont être convoqués. J'ai l'intention de les rendre publiques, de toute façon, aujourd'hui, avec leur permission. Je suis sûr que cela fournirait certains éclairages à la Chambre. Il me paraîtrait normal - si on m'y autorise - de faire état de ces communications. Cela demande le consentement, si on me le donne.

Une voix: Ce n'est pas nécessaire, vous pouvez les déposer.

Le Président: II n'y a pas de déclaration ministérielle à cette étape-ci.

M. Lévesque (Taillon): ...déclaration ministérielle.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à ce que le premier ministre fasse état de...

M. Lalonde: M. le Président, vous nous avez avisés, tout de suite au début, que les questions devaient être courtes, cela a été court, et que les réponses devaient être courtes. Si le temps pris par le premier ministre pour lire trois lettres est pris après la période de questions, on n'a pas d'objection. Il pourrait aussi les déposer. On pourrait les lire. On sait lire.

M. Lévesque (Taillon): Je n'entrerai pas dans le détail, mais je crois que l'essentiel des trois lettres que je pourrais déposer - si on me le permettait - peut être lu en une minute, une minute et demie.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement de l'Opposition? Des voix: Consentement. Le Président: Consentement.

M. Lévesque (Taillon): La première est celle-ci: "M. le premier ministre, il se dit et s'écrit toutes sortes de choses ces jours-ci concernant le règlement hors cour survenu à la suite du saccage de la Baie-James. Selon les médias, j'aurais déclaré telle ou telle chose - selon les médias - Je crois de mon devoir de mettre par écrit ce que vous et moi savons déjà." Un, deux, trois et quatre. "Premièrement, j'étais contre le règlement hors cour intervenu en 1979. Deuxièmement, je serais encore aujourd'hui du même avis. Troisièmement, je savais que vous étiez favorable à ce règlement hors cour par M. Laliberté, président de la SEBJ. Quatrièmement, au retour des trois membres qui sont allés vous rencontrer, soit MM. Boyd, Saulnier et Laliberté, M. Saulnier, président du conseil à l'époque, nous a rapporté qu'il était de votre désir de régler hors cour. Cinquièmement, vous ne m'avez jamais parlé de cette affaire. Vous n'avez donc pu exercer sur moi quelque pression que ce soit. Je vous prie d'agréer, M. le premier ministre, l'expression de mes sentiments distingués." C'est signé Roland Giroux.

La deuxième lettre, aussi très brève, est celle-ci: "M. le premier ministre, je suis pour le moins peiné de ce que les médias d'information véhiculent depuis quelque temps sur les à-côtés du règlement intervenu dans l'affaire du saccage de LG-2. Bien que j'aie voté contre, je tiens à vous assurer que, quant à moi, le conseil d'administration de la SEBJ a pris la décision qu'il jugeait la plus saine pour l'entreprise et je n'ai pas souvenance que des pressions aient été exercées sur le conseil pour qu'il décide d'abandonner les poursuites civiles entreprises quelques années plus tôt. Si cela était jugé nécessaire, je me rendrai disponible pour en témoigner. Veuillez accepter... etc." C'est signé Mme Nicole Forget, membre du conseil d'administration de la SEBJ.

Troisièmement, une lettre où est écrite la formule normale "personnelle et confidentielle", mais j'ai l'autorisation du signataire, M. A. Hervé Hébert qui est, comme on le sait, président de la Fiducie du Québec, mais aussi membre du conseil d'administration de la SEBJ. Je ne la lirai pas, elle est plus longue. Je lirai simplement le paragraphe qui, je crois, concerne directement ce qu'on discute, mais je crois que ce serait intéressant pour beaucoup de gens, y compris pour l'opinion publique, d'avoir l'ensemble de la lettre qui va au fond des choses, parce qu'on ne pourra éviter le fond des choses, c'est-à-dire ce qui était impliqué dans ce règlement et quels étaient

les tenants et les aboutissants. Je fais grâce à la Chambre de la lecture - mais qui est extrêmement intéressante et, je crois, instructive - de l'essentiel de cette lettre pour lire ceci: "C'est sur cette base - la base qui précède - et cette base uniquement que je me suis fait une opinion comme administrateur de la SEBJ. C'était une décision d'affaires et non une question de punir les coupables. En aucun moment ai-je subi les pressions de qui que ce soit. Même au conseil, nous n'avons jamais eu de directives. Qu'il y ait eu rencontres des dirigeants avec le premier ministre et d'autres n'a jamais été perçu par moi comme une quête de directives, mais plutôt comme un échange sur la perception du problème et les options possibles. Le conseil demeurait libre de ses décisions. "Voilà ma perception de ce qui s'est passé au meilleur de mes souvenirs et sur quoi je suis prêt à témoigner si jamais on m'invite à le faire. Signé: A. Hervé Hébert, membre du conseil d'administration." Si on me permet, M. le Président, je dépose en deux copies les trois documents.

Une voix: Très bien.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt?

Des voix: oui.

Le Président: Documents déposés. M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: J'aimerais soulever ici une question de règlement, M. le Président. Le premier ministre a consenti à convoquer une commission parlementaire pour faire toute la lumière. J'ai pertinemment - vous l'avez vu par la nature de ma question - posé une question qui porte sur l'organisation des travaux de cette commission et non pas sur le fond du problème - et j'en ai beaucoup -pour laisser à cette commission parlementaire le soin de faire son travail. Le premier ministre a déjà produit trois témoignages des témoins de la défense, il me semble que ce n'est pas tout à fait régulier.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, je ne vois pas en quoi vous soulevez une question de règlement. J'ai pris le soin de demander votre consentement et celui de votre formation politique pour permettre au premier ministre de donner lecture...

M. Lalonde: On ne connaissait pas le contenu de la lettre à ce moment.

Le Président: Moi non plus.

M. Lalonde: C'est pourquoi, M. le Président, je ne....

Le Président; À l'ordre!

M. Lalonde: ...vous fais pas reproche. Ce n'est pas vous qui avez violé le règlement, c'est le premier ministre.

Le Président: Attention; Soyons bien clairs là-dessus. Il n'y a pas eu de violation du règlement pour autant. Vous avez posé une question, il y a eu une réponse. On sait très bien qu'on est libre de répondre dans les termes qu'on veut utiliser. Le premier ministre a choisi de répondre de la façon dont il a répondu. C'est son entière liberté, qui est prévue par le règlement.

M. Lalonde: M. le Président, je maintiens quand même... Enfin, c'est le choix du premier ministre, il a choisi de se défendre comme cela, on verra ce que cela donne. Il a peut-être oublié de déposer une autre lettre. Est-ce que vous en avez reçu une de M. Boyd? Non, bon.

M. Lévesque (Taillon): Non, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre. (14 h 40)

M. Lévesque (Taillon): Je n'en ai pas reçu de M. Boyd; si j'en recevais une, forcément je la rendrai publique. Seulement, je ferai remarquer au député de Marguerite-Bourgeoys, pour enchaîner très rapidement sur cette réponse, que c'est lui qui, tout à l'heure, me demandait d'un ton extrêmement insistant, presque impératif, de rendre publiques - je m'en souviens, "dans les meilleurs délais" pour que la commission puisse les étudier - toutes les choses pertinentes. Il me semble que cela est sacrement pertinent.

M. Lalonde: En effet.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Je prends simplement acte que le premier ministre, en réponse à ma demande de déposer tous les documents, a choisi de ne déposer que trois documents, qui semblent être en sa faveur. Nous ferons la preuve en commission parlementaire. Je demande au premier ministre d'avoir un peu le sens de la justice et de la décence pour, dans les meilleurs délais, c'est-à-dire demain, déposer aussi tous les autres documents, en réponse à toutes les questions que j'ai posées.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président... Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, très rapidement, je vais répondre ceci au député de Marguerite-Bourgeoys. Il se prend peut-être pour le procureur de l'accusation. Il a osé parler tout à l'heure de témoin de la défense. Cela étant dit, ce n'est plus la Presse, c'est le député de Marguerite-Bourgeoys. De son siège, veut-il répéter les accusations, de façon qu'il soit clair qu'il est un procureur de la poursuite?

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

M. Lévesque (Taillon): Quant au sens de la décence et de la justice...

Le Président: II y a une question de règlement qui est soulevée. M. le député de Gatineau.

Il n'y a qu'une personne qui prend la parole à la fois en cette Assemblée. Je prierais les autres députés de bien vouloir être respectueux du droit de parole de leurs collègues. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Ma question de règlement est dans le sens qu'il s'agit présentement d'une période de questions orales des députés à l'endroit du gouvernement et que ce que vient de faire le premier ministre n'est qu'une simple diversion.

Le Président: M. le député de Gatineau, en répondant comme il l'a fait, le premier ministre n'a, à ma connaissance, en aucune façon violé le règlement puisque vous souleviez une question de règlement. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: Oui, M. le Président, il a violé le règlement. Il a agi d'une façon irrégulière. Je vais vous dire pourquoi. C'est mon devoir de le faire, à titre de député de cette Assemblée et peut-être de membre de la commission parlementaire appelé à poser des questions sur le sujet que le premier ministre lui-même a trouvé assez grave pour convoquer une commission parlementaire. L'attitude du premier ministre, qui veut me provoquer à soulever une question de privilège, indique que déjà il menace les députés de l'Opposition, dont le devoir est de poser des questions, de les considérer comme des accusateurs. C'est contre le règlement. Nous allons, comme membres de cette commission, poser toutes les questions pour faire la lumière. Les questions que j'ai posées cet après-midi, c'est dans ce sens et seulement dans ce sens. Je demande au premier ministre d'avoir un petit peu plus...

Le Président: Avant d'accorder la parole au premier ministre, j'aimerais rappeler que nous en sommes effectivement à une période de questions et non pas à une période de discours et d'interventions de part et d'autre. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, ce que je voulais simplement ajouter comme complément à ce que j'ai dit tout à l'heure et qui justifie, parce qu'il y a une limite aussi à se faire écoeurer - j'emploie le mot - impunément par n'importe qui, y compris le député de Marguerite-Bourgeoys, à moins qu'il ne me dise que cela a été mal cité, ce que je trouve dans la Presse de vendredi le 18 mars - ce n'est pas loin - et qui est entre guillemets dit ceci, de la part du député de Marguerite-Bourgeoys: "Je suis déprimé de savoir que mon premier ministre m'a menti."

Une voix: Ah!

M. Lévesque (Taillon): "C'est très grave." En effet, si c'était vrai, ce serait grave. Je dis de mon siège que je n'ai pas menti. Si le député de Marguerite-Bourgeoys veut répéter de son siège qu'il endosse la fabrication de la Presse, qu'il le dise!

M. Bertrand: Très bien! Bravo! Des voix: Bravo!

Le Président: Je vous en prie, messieurs!

Nous sommes encore à la période des questions et il y a encore... À l'ordre!

D'autres députés ont des questions à poser, dont le député de Gatineau, à qui je cède la parole, mais, je vous en prie, un peu plus de calme et un peu plus de discipline.

M. Pagé: ...décorum de la part du premier ministre, c'est beau.

Le dossier d'une prétendue

contribution du gouvernement

français au PQ

M. Gratton: Question principale au premier ministre, M. le Président. Dans l'affaire de l'étrange règlement hors cours du saccage de la Baie-James, plusieurs personnes contredisent le premier ministre et, littéralement coincé hier, il a décidé de commencer à faire la lumière.

Dans le cas du financement du Parti québécois par le gouvernement français, nous sommes en face d'une même réalité. D'un côté, le premier ministre a une version des faits et, de l'autre, deux personnes le contredisent. Premièrement, le Dr Marc Lavallée, ex-membre de l'exécutif du Parti québécois, qui affirme sous serment avoir négocié une contribution de 300 000 $ du gouvernement français, et, deuxièmement, Me Paul Unterberg, ex-candidat péquiste et envoyé spécial du ministre des Finances en

France, qui dit qu'il y a plus que cela.

Ma question au premier ministre est la suivante: Comment entend-il faire la lumière dans cette affaire qui entache tout autant que l'autre la crédibilité et l'intégrité de son parti et de son gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, premièrement, hier je n'étais pas coïncé, c'est la Chambre qui était coïncée par les tactiques de l'Opposition et cela a tout simplement accéléré d'une journée ce travail qu'on prépare le mieux possible pour cette commission parlementaire que j'aurais proposée aujourd'hui. Bon! Cela étant dit, puisqu'on parle d'un autre énorme ragot, c'est vrai que le Dr Lavallée n'a pas négocié, parce que cela voudrait dire qu'il a eu de l'argent. Je pense que ce qu'il prétend c'est qu'il était chargé de mission pour aller chercher de l'argent.

Une voix: Qu'il a obtenu.

M. Lévesque (Taillon): S'il l'a obtenu, on ne l'a jamais vu. Vous lui demanderez où il l'a mis.

Et M. Unterberg, je crois, n'a pas prétendu autre chose que ce que le ministre des Finances a expliqué en Chambre. Cela fait deux personnes.

Les motifs de M. Lavallée lui appartiennent. Mais il y a eu également des affirmations très précises de ce côté-ci de la Chambre, de deux des principaux intéressés, qui s'adonnent à être votre serviteur, de même que le ministre des Finances, et, de l'autre côté, un homme dont la réputation, paraît-il, est sans tache, parce qu'on vient de le nommer ambassadeur de France, ce qui est un titre permanent accordé en général après beaucoup d'examens des personnalités, qui s'appelle M. Daniel Jurgensen, ambassadeur de France, et qui était le soi-disant seul intermédiaire qu'a rencontré le dénommé Lavallée. Oui, M. le Président.

Le Président: M. le député de Gatineau, question additionnelle.

M. Gratton: M. le Président, je prends acte que le premier ministre refuse de faire la lumière. Vous me permettrez de rappeler au premier ministre que c'est dans un affidavit déposé ici à l'Assemblée nationale en décembre dernier et auquel le ministre de la Justice n'a, semble-t-il, donné aucune suite. C'est également dans une entrevue avec la Presse canadienne que Me Unterberg a déclaré...

Le Président: Question, M. le député. M. Gratton: ..."II y a plus que cela dans l'histoire du présumé don de 300 000 $ de la France au Parti québécois. Je ne peux vraiment faire de commentaire à ce sujet, mais il y a plus que ce que j'ai lu dans les journaux." Me Unterberg est celui qui est allé dire: "Non merci" aux Français.

Le Président: M. le député. J'ai bien dit, au début - j'ai même pris soin de lire des articles du règlement - qu'on permet de courts préambules à la question principale, mais sûrement pas à une question additionnelle. Déjà, vous avez fait un préambule à une question additionnelle. Je vous en prie, M. le député, posez votre question.

M. Gratton: Au préambule, j'ajoute, au début... Une voix: II n'y en a pas.

M. Gratton: .. est-il au courant de cela? Ma question au premier ministre est la suivante: Sait-il qu'en refusant de prendre les moyens nécessaires pour réellement faire toute la lumière à ce sujet, il nous force à avoir des doutes sur la véracité des faits et sur les réponses qu'il nous donne?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je répète, de mon siège, encore une fois, que, premièrement, on n'a jamais sollicité d'argent, au contraire, de la part de quelque pays étranger que ce soit, y compris la France, et, deuxièmement, qu'on n'a jamais reçu un traître sou de quelque pays étranger que ce soit, y compris la France. Si l'Opposition insiste trop - il faudra peut-être attendre un peu de temps, parce qu'on ne peut pas faire toutes les enquêtes en même temps - on pourrait peut-être, au besoin, pour l'ensemble de ces années-là, examiner le financement - parce que c'est peut-être bon pour l'opinion publique de tenir une commission parlementaire - le financement du Parti libéral comme du Parti québécois.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Gratton: Dernière question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Dernière question additionnelle.

M. Gratton: Dans le cas du saccage à la Baie-James, on a pris la parole du premier ministre il y a quatre ans...

Une voix: Et on est en commission parlementaire.

M. Gratton: ...et, quatre ans plus tard,

on est en commission parlementaire spéciale. Est-ce qu'on attendra encore quatre ans pour faire la lumière là-dessus?

Des voix: Réponse.

Le Président: M. le député de Gatineau.

Des voix: Réponse.

Le Président: Je n'ai pas entendu de question. J'ai entendu ce qui ressemble étrangement à un préambule à une troisième question additionnelle.

Des voix: ...

Le Président: Je rappelle, encore une fois, les articles que j'ai cités tantôt. Du côté ministériel, qu'on respecte l'article 170 et qu'on respecte, du côté de l'Opposition, l'article 168. Cela me semble élémentaire.

M. le député de Chambly.

M. Gratton: Je m'excuse. J'ai formulé une question tantôt. Apparemment, on ne l'a pas entendue, de l'autre côté. Je la répète: Devrons-nous attendre quatre ans avant de connaître le fond de cette affaire, la contribution de 300 000 $?

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est une question qui juge son auteur. Je n'y réponds pas.

Des voix: Oh!

Le Président: Je m'excuse auprès du député de Chambly. Le député de Mont-Royal s'était levé, mais je ne l'avais pas dans le même angle de vision. M. le député de Mont-Royal, question principale.

M. Paul Biron, intermédiaire auprès de la SDI

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre responsable du dossier Biron & frères associés et président de la campagne de financement du Parti québécois.

Mme Lavoie-Roux: Ils vont atteindre leur objectif.

Une voix: Bonjour René!

M. Ciaccia: Radio-Canada a révélé que le frère du ministre était impliqué comme "lobbyist" dans les affaires de la SDI dont le ministre a la responsabilité. Hier, dans une conférence de presse, le ministre a donné sa version, son interprétation d'une directive aux membres du Conseil exécutif concernant les conflits d'intérêts. Je cite la réponse du ministre: "Quant à moi, j'ai compris que ni moi, ni ma femme, ni mes enfants, ni ma belle-fille ne peuvent faire affaires directement ou indirectement avec le gouvernement du Québec et c'est ce qu'on fait." On ne mentionne pas le frère.

Si le frère du ministre n'était pas en conflit d'intérêts et si le ministre n'était pas en conflit d'intérêts dans le lobbying et les actes de son frère concernant la SDI, est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi il a demandé, au moins à deux reprises, à son frère de ne pas intervenir dans les dossiers de la SDI? Est-ce que le ministre peut nous dire quelles directives il a données à la SDI afin de s'assurer d'être avisé de chaque dossier dans lequel son frère était impliqué? À qui a-t-il donné ces directives et de quelle façon?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: D'abord, je remercie le député de Mont-Royal de poser cette question et ainsi de me donner l'occasion de faire le point sur cette situation comme je l'ai fait hier, d'ailleurs, en conférence de presse. Il faut noter que mon frère Paul est conseiller technique et financier depuis 1970; donc, il travaille pour une foule de PME québécoises, comme conseiller, depuis 1970. Bien sûr, il travaille aussi à aider ces entreprises à obtenir certaines subventions à la fois du gouvernement du Québec et du gouvernement d'Ottawa.

Lorsque j'ai été nommé ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, durant la semaine qui a suivi, je l'ai rencontré pour lui dire que je ne voulais entendre parler d'aucun de ses dossiers. Je lui ai dit: Je ne t'empêche pas de vivre, tu continueras de faire ce que tu fais, selon les procédures habituelles et normales, mais ne viens me parler d'aucun de tes dossiers car tu sais davance que la réponse sera non. Quelques mois plus tard, j'ai entendu dire que mon frère avait rencontré l'un de mes attachés politiques; je l'ai fait revenir à mon bureau et je lui ai dit que non seulement moi, mais personne à l'intérieur de mon cabinet politique n'allait s'occuper de ses dossiers. J'ai donné les mêmes directives à mon cabinet politique.

Je ne peux pas empêcher une firme privée de choisir le conseiller technique et financier qu'elle veut. La seule chose à laquelle je tienne et sur laquelle j'insiste, c'est que ni moi ni personne de mon cabinet politique n'interviendra directement dans des dossiers de firmes privées québécoises qui ont engagé mon frère comme l'un de leurs représentants ou comme l'un de leurs conseillers techniques et financiers.

Depuis que circulent ces rumeurs, j'en ai discuté avec mes hauts fonctionnaires et nous avons décidé ce matin d'émettre une

directive encore plus précise et plus claire... Des voix: Ah! Ah!

M. Biron: ...que l'éthique professionnelle que je me suis donnée moi-même et que j'ai respectée depuis ma nomination comme ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Cette directive est maintenant entre les mains des gens de mon contentieux qui la regardent pour que ce soit vraiment légal d'un bout à l'autre. Cela va dire au président de la Société de développement industriel du Québec de continuer à exercer cette éthique exemplaire comme il l'a toujours fait; deuxièmement, s'il entend dire que mon frère ou une des firmes dans lesquelles mon frère est intéressé voulait intervenir dans le secteur de la Société de développement industriel pour des subventions directement à une firme privée du Québec, je veux que le dossier soit traité d'une façon exclusivement administrative et que je n'en entende jamais parler. J'ai même, sur la directive, demandé que mon sous-ministre soit autorisé à signer les documents pertinents si une firme privée a le droit de recevoir de l'aide du gouvernement du Québec dans un de ces dossiers.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Sans faire de préambule, je tiens à dire qu'il est bien facile d'émettre des directives comme cela après les faits, après ce qui est sorti dans les journaux et une fois les dommages faits.

Je voudrais poser une question additionnelle au premier ministre. Est-ce que le premier ministre accepte que le frère d'un ministre fasse affaire avec le ministre, dans son propre ministère, alors que le ministre doit prendre des décisions qui peuvent affecter les négociations que son frère doit entreprendre, ce qui pourrait ouvrir la porte à des pressions indues dans les décisions qui doivent être prises, ce qui implique des commissions au frère du ministre? Le ministre n'a même pas eu la prudence élémentaire de se faire aviser que son frère faisait partie de dossiers particuliers. Le premier ministre ne croit-il pas que cela constitue un conflit d'intérêts? Endossez-vous la théorie que le ministre a mise en pratique durant la dernière année?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je dois dire très simplement oui à l'ensemble de cette question. On en a parlé. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous a dit hier l'essentiel de ce qu'il vient de répéter. Enfin, il en a dit plus long, mais cela en venait à la même conclusion que ce qu'il vient de dire en Chambre. J'endosse complètement ce qu'il a fait. Il a pris toutes les précautions qui nous paraissaient normales. (15 heures)

Je vous ferai remarquer que dans les directives sur les conflits d'intérêts, qu'on a quelque peu resserrées, mais qui sont essentiellement celles qu'appliquait le gouvernement de M. Bourassa, on dit ceci, à la page 3 des directives générales: Les deux paragraphes précédents, concernant toutes ces choses de conflits d'intérêts, s'appliquent mutatis mutandis à la famille immédiate du membre du Conseil exécutif. Cela a toujours été interprété - je pense que je ne peux pas faire autrement, si on vit dans le monde réel - comme voulant dire la famille immédiate. Je pense que toute la jurisprudence, si vous voulez, de l'interprétation le veut comme signifiant la famille immédiate, c'est-à-dire le conjoint et les enfants, un frère, une soeur qui gagne sa vie, à condition que des précautions particulières soient prises par le membre du Conseil exécutif. Je crois que c'est ce qu'a fait en toute bonne foi, dans la mesure qui lui paraissait nécessaire - Dieu sait qu'il était allé assez loin - le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. À l'intérieur de toute l'interprétation qui avait été donnée jusqu'ici aux questions de famille immédiate, en ce qui concerne les conflits d'intérêts, cela rejoint parfaitement.

La seule chose que je me permettrai de dire, c'est que j'ai rarement vu ce qu'on pourrait appeler une sorte de saloperie aussi complète - oui, à certains moments, il faut dire certaines choses - et aussi voulue que ce qu'on m'a rapporté. Malheureusement, je ne l'ai pas vue, mais je vais me faire un devoir, pas un plaisir, de regarder cette bobine éventuellement, ce qu'on m'a rapporté sur la façon dont cela a été traité dans un poste de télévision, je ne sais pas lequel, hier soir. Cela étant dit, M. le Président, ma réponse au député de Mont-Royal, c'est oui.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que je peux demander au premier ministre de se rafraîchir la mémoire, de consulter certains de ses autres collègues qui étaient ici dans cette Chambre dans l'Opposition, les députés péquistes, et de leur demander comment ils interprétaient les règles de conduite lorsqu'il s'agissait du premier ministre du temps ou d'un autre ministre? Posez donc certaines questions à votre entourage. Rappelez-vous donc ce que vous avez vous-même dit dans ce temps.

Le Président: M. le premier ministre. M. Lévesque (Taillon): M. le Président,

c'est vrai. Je pense que c'est vrai que le chef de l'Opposition peut avoir raison. Faisant - c'est peut-être inévitable à six -parfois flèche de tout bois, il y a peut-être eu des exagérations à l'époque. Je crois aussi, pour revenir au cas spécifique qui fait l'objet de la question, que je peux répéter que toutes les précautions, dans l'interprétation normale des règlements sur les conflits d'intérêts, qu'a prises le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme étaient celles qui étaient les plus normales et aussi complètes qu'il pouvait l'imaginer au moment où il est arrivé dans ce poste.

Il nous disait même hier - au besoin, il pourra le répéter - qu'il est arrivé, par exemple, qu'un député libéral ait été, dans un des cas où son frère était également retenu comme conseiller ou je ne sais quoi, le pilote principal du dossier. Cela devient difficile parfois de démêler cela.

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Le premier ministre ne réalise-t-il pas qu'il essaie maintenant de blanchir son ministre, parce que le ministre n'a même pas répondu à la question que je lui ai posée? Quelles directives a-t-il données à la SDI, pas aujourd'hui pour ce qui va arriver dans l'avenir, mais ce qu'il a fait dans le passé? Il n'a même pas répondu à la question.

Ma question additionnelle au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est la suivante: Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce n'est pas du patronage politique quand vous renversez une décision de la SDI, une décision qui portait sur une entreprise dans votre comté, une entreprise qui n'avait pas besoin d'aide financière, une entreprise qui avait déclaré un dividende de 200 000 $, et que le président de cette entreprise, vous l'avez nommé au conseil d'administration de SIDBEC? Pouvez-vous nous dire que cela n'est pas du patronage politique?

Une voix: Éhonté!

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, lorsque cette entreprise a fait sa demande à la Société de développement industriel du Québec - cette entreprise compte trois usines au Québec, deux dans Lotbinière et une dans le comté d'Orford - elle comptait 250 travailleurs. À la suite de l'intervention de la Société de développement industriel, le dirigeant de l'entreprise a fait un effort sublime pour vendre sur de nouveaux marchés. Il a investi dans ce domaine et aujourd'hui, au moment où on se parle, il y a 350 travailleurs qui oeuvrent dans ses trois usines.

Des voix: Bravo!

Une voix: C'est cela le scandale!

M. Biron: M. le Président, jusqu'à maintenant, je n'ai jamais attendu qu'une entreprise soit complètement fermée avant d'intervenir. J'aime intervenir pour faire en sorte de la rétablir ou de l'aider à se donner une structure industrielle forte et dynamique. Souvent, les députés de l'Opposition, comme les députés de ce côté-ci, interviennent auprès de moi pour que j'analyse des dossiers de fond pour des entreprises. Je ne prends jamais une décision sans analyser à fond chacun des dossiers qui sont présentés à mon ministère. C'est ma responsabilité comme ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de faire en sorte de prendre des décisions qui sont quelquefois sociales et quelquefois régionales, mais qui sont toujours économiques.

Des voix: Bravo!

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Une question de règlement du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le ministre n'a pas répondu à la question que je lui ai posée.

Le Président: Ce n'est pas, M. le député, une question de règlement. M. le député de Chambly.

L'incidence de la vente d'électricité au New England Power Pool

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Hier, Mme Francine Osborne, dans le journal La Presse, faisait état de la signature d'un contrat de vente d'électricité conclu entre Hydro-Québec et le New England Power Pool. Le premier ministre, ainsi que le ministre de l'Énergie et des Ressources étaient présents à la signature de l'entente. Il y aurait lieu, a priori, de se réjouir de la signature d'un tel contrat puisque cela devrait apporter des sommes considérables au Québec, mais d'autres croiront que la vente de cette électricité aura pour effet de concurrencer indûment les utilisateurs d'électricité qui pourraient transformer des matériaux à même cette électricité au Québec. Étant donné que les ressources hydroélectriques sont un outil important pour le Québec afin d'attirer des investissements manufacturiers, pouvez-vous nous dire si la signature de ce contrat aura une incidence positive ou

négative sur cette politique?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, je répondrai essentiellement deux choses. D'abord, quelques détails sur ce contrat. C'est une vente d'énergie excédentaire d'une quantité de 33 000 000 000 de kilowattheures sur une ligne à être construite pour une capacité de 690 mégawatts pour des livraisons s'étendant de 1986 à 1997 qui devraient rapporter à Hydro-Québec environ 5 000 000 000 $ sur la période, ce qui veut dire, bon an mal an, environ 500 000 000 $. Dans un premier temps, je dirai que le prix pour cette énergie excédentaire vendue correspond à peu près au double du tarif industriel fait au consommateur industriel du Québec, ce qui veut dire que l'implantation industrielle aux États-Unis pourrait difficilement venir concurrencer une pareille entreprise qui viendrait s'installer ici à cause du double du coûtant quant à l'énergie.

Quant au deuxième élément, j'ai bien dit que nous vendions de l'énergie excédentaire sur ce contrat. Cela veut dire que nous vendons des surplus, s'il y en a, jusqu'à concurrence de 33 000 000 000 de kilowattheures sur une période de onze ans. J'arriverais mal à imaginer qu'une aluminerie pourrait s'implanter et fonctionner avec de l'énergie excédentaire, c'est-à-dire une journée, il y en a et le lendemain, il n'y en a pas. Cela veut donc dire - je réponds à l'élément central de la question - qu'il n'y a aucun risque que ces ventes d'énergie excédentaire mettent en cause notre politique d'attraction, en quelque sorte, des investissements, mais, au contraire, ces ventes permettent à Hydro-Québec et au Québec de retirer des revenus substantiels d'une énergie qui, si elle n'était pas vendue en excédent, serait purement et simplement perdue, parce que nous devrions la déverser. (15 h 10)

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président.

M. Tremblay: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Maskinongé, il y a une question additionnelle très courte du député de Chambly, et très courte, la réponse.

M. Tremblay: M. le Président, dans le même article, Mme Osborne fait état de la possibilité de signer une entente avec le New England Power Pool d'ici un an, un contrat d'électricité ferme qui rapporterait à HydroQuébec environ 2 000 000 000 $ par an de revenus.

Le Président: M. le député, j'ai bien indiqué tantôt qu'il n'y avait pas de préambule aux questions additionnelles. Je l'ai signalé de nouveau lors d'une question additionnelle d'un député, plus tôt lors de cette période de question. Je vous en prie, je vous ai accordé une question additionnelle, sans préambule, posez-la rapidement; elle sera suivie d'une réponse rapide du ministre afin de permettre au député de Maskinongé de poser également sa question.

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Ma question additionnelle: Croyez-vous qu'il est préférable de demander à Hydro-Québec de commencer les nouveaux travaux immédiatement, compte tenu qu'il y a un potentiel de 2 000 000 000 $ de ventes par année? D'autre part, l'ancien ministre, M. Robert Bourassa, a suggéré récemment que le Québec devrait entreprendre immédiatement la construction de nouveaux barrages, que l'on a qualifiés de deuxième Baie-James, afin de permettre d'offrir cette électricité à des clients extérieurs potentiels.

Le Président: M. le ministre, rapidement, s'il vous plaît. À l'ordre!

M. Duhaime: M. le Président, je répondrai à la question de la façon suivante: L'idée de l'ancien et futur chef du Parti libéral d'équiper la Baie-James de 10 000 mégawatts et ensuite de les vendre aux États-Unis me paraîtrait un peu curieuse comme façon de procéder. Je pense qu'il est d'abord préférable de faire les analyses sur les possibilités de vente des blocs d'énergie. Jusqu'à maintenant, nous avons la conviction, tant à Hydro-Québec qu'au ministère, que le créneau est de l'ordre de 2000 à 2500 mégawatts, aussi loin qu'on puisse voir en avant. Cela peut vouloir dire essentiellement - et c'est le sens de la proposition que je faisais lundi à Boston - que nous devrions profiter du momentum de la signature de ce contrat, augmenter la capacité de l'interconnexion qui sera conduite à 2000 mégawatts pour, ensuite, vendre sur cette interconnexion de l'énergie ferme. Il est entendu qu'à ce moment cela pourrait, selon l'évolution de notre propre croissance de la demande interne, amener Hydro-Québec à devancer quelques-uns des projets qui sont programmés pour être mis en construction autour de 1988. Cela va essentiellement dans ce sens. Bref, j'ai l'impression qu'il est plus logique de vendre d'abord un bloc d'énergie plutôt que de se placer nous-mêmes dans une situation de surplus pour ensuite être à la merci des prix qu'on voudra bien nous offrir aux États-Unis.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

L'aide aux victimes de l'inondation survenue à Louiseville

M. Picotte: Merci, M. le Président. Dimanche dernier, j'avais l'occasion d'expédier un télégramme au premier ministre concernant les inondations qui ont eu lieu à Louiseville, à Yamachiche et dans les environs, qui ont affecté 500 familles et ont causé au moins quelques millions de dollars de dégâts. Ma question s'adresse au ministre de la Justice: Depuis ce temps, il y a eu un Conseil des ministres - hier, je crois - est-ce que le gouvernement a décidé de déclarer Louiseville et ses environs zone sinistrée? Quelle sorte d'aide le gouvernement apportera-t-il à la suite du télégramme que j'ai expédié au premier ministre demandant au ministre de la Justice et au gouvernement de déclarer ce territoire zone sinistrée et d'apporter une aide financière aux sinistrés?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, dans les quelques heures qui ont suivi les événements dont parle le député de Maskinongé, le député de Champlain a communiqué avec moi pour m'informer de la situation, de même que le député de Nicolet. Au nom des membres du caucus de la Mauricie, du point de vue gouvernemental, je me suis empressé, dès la réunion du Conseil des ministres hier, de présenter une demande qui a été entérinée, acceptée, voulant que l'on accepte le principe de l'indemnisation des victimes de l'inondation survenue la semaine dernière, touchant près de 900 maisons ou commerces dans la région de Montréal, Québec, et surtout dans la Mauricie. Une évaluation des des dégâts sera faite pendant les quelques semaines à venir et nous élaborerons, à ce moment-là, les modalités qui doivent être mises en place pour les remboursements ou pour l'aide nécessaire. Le principe de l'indemnisation a effectivement été accepté par le Conseil des ministres, M. le Président.

Le Président: La période de questions est terminée.

Aux motions non annoncées, le député de Champlain.

Félicitations à M. Mario Bonenfant M. Marcel Gagnon

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Cela sera peut-être la première fois au cours de la présente session qui s'ouvre aujourd'hui qu'on réussira à faire l'unanimité à l'Assemblée nationale. Je suis persuadé que j'obtiendrai l'accord de l'Opposition... Pardon?... C'est vrai, la deuxième fois. J'en profite pour vous féliciter, M. le Président, de votre nomination.

Vous avez d'ailleurs vous-même souligné la présence dans nos galeries d'un jeune Québécois qui nous a fait honneur dans La course autour du monde. Il s'agit de Mario Bonenfant. Je voudrais, avec votre permission et la permission de l'Opposition, des membres de l'Assemblée nationale, demander qu'on fasse une motion de félicitations à l'endroit de Mario Bonenfant. Mario Bonenfant s'est fait remarquer de façon incroyable...

Le Président: Je voudrais seulement m'assurer qu'il y a consentement.

M. Lalonde: Oui.

Le Président: II y a consentement.

M. Gagnon: Je m'en étais presque assuré, M. le Président. Mario Bonenfant a fait un travail incroyable au cours des sept derniers mois. Comme Québécois, il a semé l'enthousiasme, je pense, chez l'ensemble des Québécois. Il s'est fait remarquer par son courage, sa persévérance, sa ténacité. Il s'est fait remarquer à tous points de vue et je pense qu'il a été un exemple et un ambassadeur extraordinaire pour le Québec. Je voudrais que cette Assemblée nationale, au nom de tous les Québécois, adresse à Mario Bonenfant un message ou une motion de félicitations. Je voudrais aussi en profiter pour féliciter tous ceux qui, dans son entourage, l'ont encouragé et l'ont appuyé. Dans un journal de la Mauricie, lorsqu'on mentionnait les succès de Mario Bonenfant, on disait: Demain t'appartient. Je pense qu'avec l'exemple qu'il nous donne, on peut dire ensemble, les Québécois qui ont cette jeunesse, cette ténacité et cette volonté de réussir: Demain nous appartient. Merci, Mario.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Évidemment, j'aimerais associer tous mes collègues de l'Opposition officielle à cette motion du député de Champlain. J'aimerais féliciter Mario pour son exploit d'être arrivé deuxième dans cette course autour du monde. Il a été un de nos ambassadeurs en représentant le Canada comme pays francophone et le Québec, évidemment. Il s'agit, M. le Président, de la meilleure performance dans ce genre de compétition que n'a jamais obtenue un Québécois. Radio-

Canada nous indique qu'il y a eu un auditoire de 600 000 personnes, seulement à Radio-Canada, pour visionner tout cela. Il s'agissait, évidemment, d'une course de 22 semaines dans 22 pays francophones. Mario a fait 36 aéroports.

M. le Président, je voudrais, au nom de tous mes collègues, plus particulièrement de deux de mes collègues de la Mauricie, soit Portneuf et Maskinongé, féliciter Mario pour son magnifique exploit. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Affaires culturelles.

M. Clément Richard

M. Richard: M. le Président, je voudrais m'associer aux propos du député de Champlain et du député de Marquette pour féliciter à mon tour Mario Bonenfant pour l'extraordinaire course à travers le monde qu'il a réussie. Je pense qu'il a fait la démonstration d'un remarquable talent et, surtout, il a été le premier Québécois -oserais-je dire - à séduire les jurys européens. Il m'apparaît qu'on se trouve en présence d'une heureuse coïncidence, puisque hier, justement, dans le discours inaugural, le premier ministre annonçait que des fonds plus importants seraient injectés pour promouvoir l'industrie du cinéma. Heureuse coïncidence, aussi, au moment même où l'Assemblée nationale sera appelée, dans quelques jours, à étudier le projet de loi no 109 sur le cinéma québécois. Félicitations à Mario Bonenfant qui arrive à point nommé. (15 h 20)

M. Charbonneau: M. le Président...

Le Président: M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. le Président...

M. Vaugeois: M. le Président, je m'excuse mais, si c'est sur autre chose, j'aurais seulement un mot à dire sur le même sujet.

Le Président: J'ai compris que c'était sur la même motion.

M. Hains: Oui, c'est sur la même motion.

Le Président: M. le député de Saint-Henri.

M. Roma Hains

M. Hains: Cela me fait réellement plaisir de me joindre à mes confrères et à mes collègues, autant de l'Opposition que du gouvernement, pour louer et féliciter M.

Mario Bonenfant, un jeune de chez nous, de la belle région de la Mauricie, qui vient de promener à travers le monde le flambeau de la culture canadienne-française. Jeune Québécois de chez nous, Mario a eu à lutter contre de sérieux concurrents venus de la France, de la Suisse et de la Belgique. Parti dernier, lors des premières sessions de projection de films, Mario a monté graduellement les échelons de la compétition pour terminer bon deuxième au palmarès. N'eût été la fin de ce concours, Mario aurait peut-être décroché la première place.

Malgré son jeune âge, Mario s'est révélé un fin observateur et un photographe remarquable. Parmi les paysages merveilleux qu'il a filmés, il a su voir vivre les gens, humbles et superbes, dans leur décor incomparable. Sa "Montagne sacrée" qu'il a filmée en Chine, au risque de sa vie, deviendra certes le chef-d'oeuvre de sa collection.

Au milieu de sa famille aujourd'hui, à côté de sa mère qui l'a encouragé et qu'il a lui-même soutenue par son intrépidité, nous offrons au jeune Mario Bonenfant l'hommage de notre admiration et nos plus sincères félicitations. Au jeune ambassadeur de chez nous, nos meilleurs voeux pour de nouveaux exploits dans le domaine de la culture et dans l'art cinématographique. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. À titre de responsable du nouveau Secrétariat à la jeunesse, je m'en voudrais de ne pas m'associer à mes collègues, en cette période où des milliers de jeunes du Québec doutent de leur potentiel et de la possibilité d'avenir qui se présente à eux, car il est important que cette Assemblée nationale souligne les efforts et les succès d'un jeune qui a su finalement aboutir et obtenir la renommée internationale.

La performance exceptionnelle de Mario Bonenfant doit être une source d'inspiration pour le plus grand nombre de jeunes possible au Québec, qui ont grandement besoin actuellement d'inspiration et de goût d'espoir. J'espère aussi que Mario sera un de ces jeunes qui, l'été prochain, témoigneront de l'importance de l'effort et du potentiel de la jeunesse québécoise lors du sommet québécois de la jeunesse qui va se tenir ici même, à Québec, au mois d'août. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Trois-Rivières.

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois: M. le Président, je ne voudrais pas allonger le débat, mais je veux tout simplement joindre mes voeux également à ceux du député de Saint-Maurice et du député de Laviolette qui sont très fiers, le ministre de l'Immigration également. Je pense qu'à peu près tout le monde va appuyer cette motion. Tout le monde veut être nommé, Gérald Godin, le député de Mercier, Trifluvien, Mme Bacon - je m'excuse, en passant, de ce qui est arrivé dans le passé. Nous sommes tous très fiers de Mario Bonenfant et de sa famille. Il habite Trois-Rivières. Je soulignerai peut-être une petite chose que d'autres n'ont pas soulignée. Non seulement nous sommes fiers de ce qu'il a fait, mais il appartient également à une tradition trifluvienne dans le domaine du cinéma, qui a permis que les jeunes d'aujourd'hui puissent avoir ce genre de performances. Encore une fois, nous le félicitons très sincèrement.

Le Président: La motion du député de Champlain est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Laurier.

Voeux à la communauté grecque du Québec

M. Christos Sirros

M. Sirros: M. le Président, j'aurais une courte motion non annoncée. Je demanderais le consentement de la Chambre pour la motion suivante: Que cette Chambre salue la communauté grecque du Québec en lui souhaitant ses meilleurs voeux pour la journée de demain, fête nationale de la Grèce, et en émettant le voeu que la communauté grecque continue à prospérer et à s'épanouir au Québec.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour cette motion?

Des voix: Consentement.

Le Président: Consentement.

M. Sirros: J'aurais simplement quelques petits mots à dire. Je suis heureux de pouvoir encore une fois dire quelques mots au sujet de la journée de demain, comme je l'ai fait l'année passée. Demain marquera le 162e anniversaire de la libération de la Grèce de l'empire ottoman et je ne peux m'empêcher de faire un petit recul historique avant de vous dire quelques mots sur la communauté grecque du Québec.

Pendant les 100 premières années, depuis 1821, date à laquelle la Grèce a déclaré son indépendance et entrepris sa guerre de l'indépendance, l'objectif premier était de récupérer le reste des terres où habitaient, en majorité, des Grecs. À travers des guerres et des luttes, d'autres parties de ce qui est aujourd'hui la Grèce sont venues se joindre à ce qui a pu être libéré en 1821. Aussi récemment qu'en 1948, une autre partie importante de la Grèce moderne, que plusieurs de nos collègues québécois connaissent peut-être, les îles Dodécanèse, est venue se joindre à la Grèce, après 600 ans d'occupation étrangère, par les Turcs d'abord et les Italiens ensuite. Les îles Dodécanèse incluent l'île de Rhodes, pour ceux qui les ont visitées, et elles sont aujourd'hui une partie intégrante et importante de la Grèce. Aujourd'hui, il y a 9 000 000 de Grecs en Grèce et un peu plus de 4 000 000 dans le monde.

Il ne reste qu'une place qui n'est pas encore libre. C'est l'île de Chypre, lieu de naissance de la déesse Aphrodite, selon la mythologie, qui, aujourd'hui, voit 40% de son territoire sous le joug de l'armée turque avec une population de 200 000 personnes, dont 80% sont des Grecs et 20% des Turcs. 40 000 soldats turcs ont envahi l'île en 1974 et maintiennent encore leur occupation.

Dans la Grèce d'aujourd'hui, M. le Président, même les Chypriotes n'aspirent pas à ce que Chypre fasse partie de la Grèce, mais ce qui est réclamé, c'est que Chypre puisse s'épanouir en liberté et que ces deux peuples puissent vivre ensemble dans le respect mutuel, sans ingérence étrangère. Pour les Grecs, les Chypriotes sont comme des frères qui ont leur propre maison. Et on ne peut qu'espérer qu'ils trouveront, dans un avenir rapproché, la liberté qui leur permettra de s'épanouir.

Ici, au Québec, il y a entre 70 000 et 90 000 personnes d'origine grecque. C'est une communauté relativement récente qui travaille d'arrache-pied afin de se tailler une place au soleil, à côté des autres Québécois. Après la guerre, les immigrants qui sont arrivés ont investi toutes leurs énergies afin de préparer un meilleur avenir pour leurs enfants. La communauté grecque d'aujourd'hui, 20 ou 30 ans plus tard, se diversifie et ses membres se trouvent en nombre croissant dans à peu près toutes les sphères d'activités de la vie québécoise.

Dans quelques jours, le premier ministre de la Grèce, M. Papandréou, nous rendra visite, au Canada, et également au Québec, et ce quelques mois après la visite du président de la Grèce. Ces deux faits marquent, je crois, d'une façon explicite, les liens d'amitié qui existent entre la Grèce et le Québec. La communauté grecque est ici, elle vit ici et elle va rester ici. Ce n'est pas facile d'être immigrant et si on demande

une chose - si je peux parler ainsi - c'est de la compréhension. Ce n'est pas facile d'être immigrant et ce n'est surtout pas facile de l'être dans le contexte d'une crise économique et de tempêtes constitutionnelles. Je suis pourtant confiant que nous traverserons ensemble toute cette crise et que nous saurons maintenir, malgré toutes les difficultés, le respect mutuel qui a toujours caractérisé la communauté grecque et le peuple du Québec. Merci beaucoup.

Le Président: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Gérald Godin

M. Godin: Comme on dit en grec, Kirié proé dré, M. le Président, et surtout je m'adresse aux citoyens grecs du Québec et de Montréal, regroupés en majorité dans le comté de mon collègue qui vient de s'exprimer, agapithi phili ellines.

C'est un plaisir pour moi, depuis déjà deux ans, de souligner, avec mon collègue de Laurier, cet événement. Il a rappelé que, dans quelques jours, le premier ministre de la Grèce, Andréas Papandréou, sera parmi nous, suivant de quelques mois seulement une visite du président de la Grèce, Constantin Caramanlis, qui fut reçu au Québec également et qui, à l'occasion de son séjour, nous a rappelé que la Grèce moderne avait vécu une nouvelle libération. Donc, voilà un pays qui lutte pour la démocratie et les droits de l'homme, de la femme et de la personne depuis toujours; en fait, il a inventé la démocratie. (15 h 30)

Je tiens à souligner aussi qu'une grande partie du renouveau économique de Montréal est due au dynamisme de la communauté grecque de Montréal. Si nous avons vu surgir dans plusieurs quartiers de Montréal des investissements qui ont amené une nouvelle activité économique, c'est en grande partie grâce à la communauté grecque.

Récemment, j'ai été fait membre honoraire de la Communauté grecque de Montréal, "epitimou mélos" ce qui fait de moi un frère du député de Laurier. Je me réjouis d'autant plus, en tant que nouveau Grec, de célébrer enfin une indépendance.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Godin: Je suis donc indépendant à deux titres: en tant que Grec et en tant que Canadien. Et bientôt, je l'espère, je pourrai accomplir la trinité des indépendances en ce qui nous concerne, de ce côté-ci de la Chambre. Nous nous lèverons ensemble, à ce moment-là; le député de Laurier, me rendant certainement la pareille, célébrera avec moi, comme la communauté grecque d'ailleurs, cet événement que les Grecs estiment assez important pour le célébrer en grande pompe chaque année depuis 162 ans.

Je terminerai en disant: "Iné mégali timi mou", il me fait grand plaisir de m'associer à cette célébration. Merci.

Le Président: La motion du député de Laurier est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Il n'y a pas d'enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Bertrand: Je voudrais donner quelques avis relativement aux travaux des commissions parlementaires. D'abord, mardi prochain, le 29 mars, au salon rouge, de 10 heures à 12 h 30, de 15 heures à 18 heures environ, c'est-à-dire après la période des questions, et de 20 heures à 22 heures, la commission parlementaire permanente de l'énergie et des ressources se réunira pour continuer l'étude du dossier qu'elle a entreprise ce matin, à savoir les effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec.

Je voudrais aussi donner avis que mercredi prochain, 30 mars, au salon rouge, de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, ou après la période des questions, ainsi que jeudi, comme je l'ai évoqué, mais à des heures différentes, c'est-à-dire de 10 heures à 12 h 30 et de 15 heures à 18 heures, après la période des questions qui aura lieu à 14 heures, ainsi que de 20 heures à 22 heures, le jeudi 31 mars, la commission parlementaire permanente de l'énergie et des ressources se réunira afin d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier LG-2 survenu en 1974 et plus spécifiquement le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Une voix: Adopté.

Le Président: Ce n'est pas adopté, ce sont des avis.

M. Lalonde: II s'agit d'avis et non pas de motions, d'après ce que j'ai cru comprendre.

Le Président: En effet.

M. Lalonde: Donc, il n'y a pas de débat, mais je soulève une question de

règlement, à ce stade-ci, concernant le dernier avis qui a été donné. Je pourrais aussi le faire en vertu des dispositions de l'article 34, cela revient à peu près au même.

Le Président: Nous y arrivons. M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Si c'était possible, et si le leader de l'Opposition me le permet, on pourrait immédiatement régler quelque chose. Le député de Trois-Rivières a besoin du consentement de la Chambre pour procéder à un changement de nom, à la commission d'étude sur la législation déléguée. C'est tout simplement pour vous remplacer, M. le Président - si vous êtes remplaçable - à la commission d'étude, par le député de Châteauguay, M. Dussault.

M. Lalonde: C'est une motion? Je comprends que c'est une motion débattable. Que vous soyez remplacé, M. le Président, fatalement, en votant pour votre accession à la présidence, on savait qu'il faudrait vous remplacer quelque part, mais est-ce qu'on a le choix du remplaçant? Non? On va vous laisser le fardeau. On décline toute responsabilité. On vote pour.

Le Président: La motion concernant la commission parlementaire de la législation déléguée est donc adoptée. Nous en sommes aux questions en vertu de l'article 34. M. le leader de l'Opposition.

Recours à l'article 34

M. Lalonde: En vertu de l'article 34, il s'agit de la commission parlementaire annoncée par le leader du gouvernement tout à l'heure, mais annoncée aussi par le premier ministre hier. Le leader du gouvernement m'a consulté ce matin sur le mandat. Nous avions bien, hier, insisté sur le fait que le mandat soit assez large, mais assez précis quand même, comme le disait le chef de l'Opposition. Or, à mon grand étonnement, ce n'est pas la commission de la présidence du Conseil ou la commission de l'Assemblée nationale qui va être appelée à examiner le rôle que le premier ministre a joué là-dedans, mais la commission de l'énergie et des ressources qui est appelée à examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite civile et en fait le rôle du premier ministre.

M. le Président, je proteste et je demande, en vertu de l'article 34, au leader de réviser le mandat - il a le temps; c'est seulement mercredi prochain qu'on siège - et de donner réellement la vraie dimension, parce que cela commence à avoir l'air d'une parade, soit examiner le rôle et les interventions directes ou indirectes du premier ministre, etc. C'est pour cela qu'on a posé les questions hier. C'est pour cela que la commission parlementaire a été accordée hier, non pas pour savoir si la SEBJ a fait un bon règlement ou non. Ce n'est pas cela. Est-ce que le premier ministre a trompé la Chambre ou non? c'est cela l'accusation de la presse.

Deuxièmement, encore en vertu de l'article 34, je demande au leader s'il a considéré la demande que j'ai faite hier que les travaux de cette commission soient télévisés. Si on siège mercredi prochain pendant que la Chambre siège, on ne pourra pas la téléviser. Je lui offre de siéger lundi, s'il le faut, ou vendredi, au moment où la Chambre ne siège pas, pour qu'on puisse téléviser les travaux de cette commission extrêmement importante sur laquelle le premier ministre compte pour blanchir sa réputation, pour répondre aux accusations qui ont été portées contre lui. Il me semble que le leader devrait faire preuve de clarté, de transparence. Le ministre des Communications devrait faire preuve de générosité dans cela pour communiquer. La télévision, et si vous ne voulez pas, si vous ne pouvez pas arranger cela pour que cela se passe la semaine prochaine on est prêt à attendre, quoiqu'on voudrait que ce soit le plus tôt possible. Il reste la semaine de Pâques, où la Chambre ne siège pas du tout, qui est entièrement libre pour téléviser une commission parlementaire qui peut prendre trois ou quatre jours.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je ne voudrais pas être trop long pour répondre aux différentes demandes qui m'ont été adressées par le leader de l'Opposition officielle. Je ferai simplement remarquer, en commençant par les derniers mots qu'il a eus à la fin de son intervention, que sur le délai, à moins que je ne me trompe, et là j'essaie de relire assez rapidement le journal des Débats d'hier, je crois que c'est le député de Bonaventure, chef de l'Opposition - oui je l'ai exactement ici - qui disait: Très rapidement, est-ce que le premier ministre peut assurer cette Chambre que cette commission parlementaire aura lieu avant le congé pascal? Aura lieu, autrement dit, dès la semaine prochaine. Donc, si j'ai bien compris, l'intention qu'exprimait à ce moment le député de Bonaventure, c'était de faire en sorte qu'on puisse effectivement, dans les meilleurs délais, discuter de cette question en commission parlementaire. Nous nous rendons... Non seulement, nous nous rendons, mais nous avions décidé que cela allait se discuter dès la semaine prochaine,

dans les meilleurs délais. Maintenant, il y a effectivement cette question du choix des jours. (15 h 40)

Lundi - j'ajouterai même mardi, à la limite - il m'apparaît que non seulement à partir des questions qui ont été posées tout à l'heure par le député de Marguerite-Bourgeoys, leader de l'Opposition, qui le lui demandait, le premier ministre doit préparer pour le lui fournir tout document pertinent qui pourrait aider les membres de la commission à se préparer et, deuxièmement, la liste des rencontres qui auraient eu lieu et autres types de communications écrites ou verbales, enfin, une série d'éléments d'information tout à fait corrects que le premier ministre a d'ailleurs convenu qu'il fallait recueillir et colliger pour être en mesure de bien informer la commission parlementaire. Tout cela demande un certain temps non seulement, bien sûr, pour le premier ministre et le personnel de son bureau, mais aussi pour d'autres personnes qui vont venir devant la commission. Je pense, en particulier, bien sûr, au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James ou à toute autre personne, par exemple, les avocats de l'une ou l'autre des parties impliquées dans cette question de règlement hors cour et, éventuellement, d'autres personnes qui pourraient être appelées soit par le parti ministériel, soit par l'Opposition. Donc, il faut quand même donner un certain temps à tout le monde afin de bien se préparer, première chose.

Deuxième chose - d'accord, M. le Président, je vais tenter d'accélérer - il nous apparaît que le mandat, tel qu'il est défini ici, permet à la commission parlementaire de faire vraiment toute la lumière justement sur ces accusations qui ont été portées, sur les articles parus dans les journaux, sur les déclarations faites par le député de Marguerite-Bourgeoys, sur toute une série d'éléments, en d'autres mots. Je ne vois pas en quoi le fait, par exemple, de dire que la commission va examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier LG-2, survenu en 1974, et plus spécifiquement - c'est en toutes lettres - le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard...

Je dis qu'il s'agit vraiment de faire preuve de bonne foi et de se rendre compte qu'un mandat comme celui-là permet à la commission parlementaire de bien faire son travail, de poser toutes les questions et de demander tous les renseignements. Le premier ministre sera à la commission parlementaire pour répondre, effectivement, aux questions de l'Opposition et des députés ministériels quant à cette question du règlement hors cour de la poursuite civile intentée à la suite du saccage. Voilà!

Quant à la télédiffusion, je crois que la meilleure façon de procéder serait de suivre le processus normal. Je comprends que le leader de l'Opposition ne le connaisse pas, parce que...

M. Lalonde: ...

M. Bertrand: Oui, le leader de l'Opposition ou moi-même, selon, évidemment, ce qu'on désire faire, achemine une demande au président de l'Assemblée nationale qui, à ce moment-là, doit convoquer le comité consultatif sur la télédiffusion des débats. La décision sera prise à l'occasion de cette rencontre que vous aurez, M. le Président, si jamais la demande est faite, avec les whips en chef des deux partis reconnus à l'Assemblée nationale.

M. Lalonde: En vertu de l'article 34, M. le Président, sous le maquillage de la dernière partie de l'intervention, le leader du gouvernement va-t-il franchement appuyer une demande que je ferais au président pour que les débats de cette commission soient télévisés?

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire.

M. Bertrand: ...vous aurez remarqué une chose, hier, c'est que - je pense même que cela l'a beaucoup désarçonné - le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas eu besoin de faire de l'esclandre pour avoir une réponse très rapide du premier ministre, à savoir qu'effectivement il fallait faire la lumière là-dessus. Le premier ministre lui-même, de son propre chef, a dit: On ira en commission parlementaire. A ce moment-là...

M. Lalonde: Question de privilège!

M. Bertrand: C'est exactement ce qui s'est passé.

M. Lalonde: Question de privilège.

Le Président: Avant d'entendre votre question de privilège, M. le leader parlementaire de l'Opposition, j'aimerais faire remarquer que j'ai permis une certaine latitude dans le cadre de l'article 34 compte tenu du sujet, mais que...

Une voix: ...

Le Président: Oui, ce sont les travaux de la Chambre, mais là, cela commence à avoir l'air d'un débat entre les deux leaders, ce qui pourrait se faire à l'extérieur de la

Chambre de manière à permettre, notamment, au chef de l'Opposition de prononcer son discours dans le cadre du débat sur le discours inaugural. Quoi qu'il en soit, M. le leader de l'Opposition, vous avez une question de privilège à soulever.

M. Lalonde: M. le Président, on peut rire un peu des gens, mais pas beaucoup, pas trop. Quand le leader du gouvernement vient de dire que le premier ministre, de son propre chef et très rapidement, a donné une commission parlementaire, qu'il se souvienne... M. le Président, vous vous en souvenez, vous, c'était juste avant qu'on vote pour votre élection. Il a fallu faire des menaces qu'on ne fait presque jamais. Oui, menacer, parce que nous n'acceptions pas le silence du premier ministre. C'est seulement acculé au mur que le premier ministre l'a donnée. Rétablissons les faits.

Le Président: J'ai laissé le leader parlementaire de l'Opposition terminer, il ne s'agit pas là d'une question de privilège, mais beaucoup plus d'une appréciation des événements. Non, M. le leader parlementaire de l'Opposition, d'une appréciation des événements qui peut varier selon qu'on est d'un côté ou de l'autre de la Chambre.

M. le leader parlementaire du gouvernement, vous vouliez intervenir sur...

M. Bertrand: C'est terminé.

Le Président: Est-ce que c'est terminé sur le...

M. Lalonde: J'ai posé une question, je voudrais une réponse, M. le Président, alors ce n'est pas terminé.

Le Président: D'accord, sur la question posée par le leader de l'Opposition, M. le leader parlementaire du gouvernement. Votre question avait...

M. Lalonde: J'ai fini avec ma question de privilège. Est-ce que vous allez me répondre à savoir si vous allez appuyer une demande de téléviser les travaux de cette Chambre?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, il n'a pas fini sa question de privilège, puisque cela n'en était pas une, premièrement. Deuxièmement, en vertu de l'article 99, vous devez prendre la parole du député qui donne une réponse et vous devez prendre la parole du premier ministre qui, hier et encore aujourd'hui, a réitéré que, n'eût été de l'intervention qui s'est faite hier, puisque cela n'était pas dans le cadre des travaux, il allait de toute façon aujourd'hui demander qu'il y ait une commission parlementaire.

Quant à la télédiffusion des débats, M. le Président, à la séance du comité consultatif, quant à nous, nous n'aurons pas d'objection. Cependant, il devra s'effectuer un choix, puisque, effectivement, les équipements qui sont à notre disposition ne permettent pas de télédiffuser en même temps les travaux au salon bleu et au salon rouge. C'est dans ce sens que je disais que le comité consultatif devrait régler cette question avec le président, qui a le devoir de le réunir.

Le Président: En vertu de l'article 34, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'interviens à l'égard de la décision que vient d'annoncer le leader concernant la commission parlementaire de l'énergie et des ressources. Mon leader a fait état de son étonnement, puisque nous étions programmés pour siéger la semaine prochaine pour entendre des mémoires.

Le leader du gouvernement veut toujours bien planifier lorsqu'on l'incite à le faire. Plusieurs des associations qui devaient se faire entendre ont été prévenues que nous siégions mardi et mercredi. Déjà nous sommes rendus au mois d'avril et il faut entendre 68 mémoires qui ont été soumis à la commission parlementaire; on pourrait, si cela est retardé, continuer jusqu'au mois de mai. Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire dès maintenant de quelle façon il entend programmer les travaux normaux de la commission parlementaire de l'énergie et des ressources pour entendre les mémoires?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, j'en ai discuté ce midi avec le ministre de l'Énergie et des Ressources et nous avons convenu que, bien sûr, il nous fallait trouver le temps nécessaire pour que les deux journées qui seraient employées la semaine prochaine à un autre mandat puissent être récupérées plus tard, probablement dans le prolongement des séances qui sont prévues au mois d'avril, mais je ne peux pas, à ce moment-ci, indiquer au député d'Outremont quelles seront les dates retenues. Mais nous ferons en sorte que nous puissions reprendre ces deux journées.

Le Président: M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, c'est une question au leader, à la suite des propos du ministre des Finances le 8 mars. Il me semble qu'il disait être

contraint, être menotte un peu par la Loi concernant la taxe sur les carburants. Le ministre ne voulait pas enfreindre la loi. Il disait devoir augmenter la taxe sur l'essence ces jours-ci. Est-ce que le leader peut nous dire s'il y aura le dépôt d'un projet de loi ou s'il y aura une déclaration ministérielle qui retarderait ou annulerait l'augmentation de la taxe sur l'essence qui s'en vient ces jours-ci? On pourrait donner notre consentement tout de suite, immédiatement. Cela pourrait être présenté aujourd'hui.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Non, M. le Président. (15 h 50)

Le Président: M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Le 7 décembre, je demandais au leader du gouvernement que soit déposée la liste des organismes qui ont reçu des subventions par le biais du Fonds de développement régional. Le 10 mars, je réitérais ma question. Le leader du gouvernement a alors fait allusion au fait qu'il déposerait aujourd'hui même les documents en question. Est-ce que le leader pourrait me dire si les documents ont effectivement été déposés? Est-ce que je peux les avoir?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, la mémoire du député de Hull est meilleure que la mienne, en tout cas pour ce dossier. Maintenant qu'il me rafraîchit la mémoire, je demanderai à mon collègue si effectivement il est en mesure de produire les documents en question.

Le Président: M. le député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, dans le but de rafraîchir la mémoire du leader du gouvernement...

Une voix: II en a grandement besoin.

M. Rocheleau: ...le 10 mars dernier, il faisait allusion, entre autres ici... Le ministre responsable de la gestion de ce Fonds de développement régional m'indique que la réponse est prête, qu'elle a été envoyée et qu'elle doit être quelque part sur un bureau.

Une voix: Dans son bureau.

M. Rocheleau: Est-ce que je pourrais savoir sur quel bureau la réponse a été déposée, M. le Président?

Une voix: On ira la chercher, nous autres.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Peut-être sur le bureau du député de Frontenac, M. le Président.

Le Président: Nous passons donc aux affaires du jour et à la reprise du débat sur le message inaugural. La parole est au chef de l'Opposition.

Débat sur le message inaugural M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, hier, le 23 mars 1983, une nouvelle session s'ouvrait et nous avions droit à un message inaugural de la part du premier ministre du Québec, un texte, que j'ai devant moi, d'une quarantaine de pages. Je vous assure que depuis hier je lis, je relis, et pourtant j'ai assisté au discours, j'ai tâché de rester éveillé. Je dois dire que j'ai essayé de trouver quelque chose d'inédit, quelque chose d'encourageant, quelque chose qui s'éloigne de la morosité devenue permanente de la part de ce gouvernement. J'ai essayé de me placer un peu comme se trouvent aujourd'hui les citoyens du Québec, un peu à l'écoute et avec un désir non équivoque de solution que l'on attend de la part de ce gouvernement. Je me suis placé dans la peau d'un chômeur. Je me suis demandé ce qu'il voit lorsqu'il regarde la télé, ce qu'il entend. Je me suis placé, ou j'ai essayé de me mettre à la place d'un homme d'affaires. J'ai essayé d'entrer dans la peau d'un assisté social ou encore d'un jeune, quand on connaît la tragédie du chômage chez les jeunes, même ceux qui dépassent les degrés secondaire ou collégial ou même qui terminent des études universitaires. Je me plaçais comme si j'étais une mère de famille, comme si j'étais un ouvrier, un travailleur, mais il n'y avait aucune réponse dans ce discours aux préoccupations des citoyens du Québec. Je le regrette, mais c'était du réchauffé, c'était une impression très nette de déjà vu. D'ailleurs, plusieurs des choses qui avaient été annoncées ou brassées ou discutées dans des conférences de presse antérieures, on retrouve encore tout cela dans ce discours ou message inaugural qui doit en quelque sorte marquer définitivement ce que sera le menu législatif de cette Assemblée.

Le message inaugural a justement comme raison d'être de dire aux membres de cette Assemblée nationale quel est le menu qui sera le nôtre pour les mois à venir. C'est un message qui est dirigé vers la population du Québec pour lui dire: Voici,

vous pouvez avoir espoir, vous pouvez avoir confiance parce que dans quelques jours, dans quelques semaines ou au plus tard dans quelques mois, il y aura là des mesures qui seront de nature à répondre aux aspirations des uns et des autres. Les agriculteurs, vous trouverez telle et telle solution à vos problèmes. Les mères de famille, vous aurez d'autres réponses. Les bénéficiaires de l'aide sociale, les jeunes, les travailleurs, vous aurez des réponses. Les gens dans les régions, on s'occupera de vous. Voici quelque chose d'intéressant pour vous. Mais non, cela a été un couplet - toujours le même - sur la décentralisation et la régionalisation. Cela a été un autre couplet sur la concertation. Un cortège d'amendements, de réformes et de mesures que le gouvernement a annoncés à maintes reprises. On n'a qu'à se rappeler le dernier message inaugural de ce gouvernement à l'automne 1981.

Il n'y a pas longtemps dans cette Chambre, il y a à peine deux semaines, je faisais simplement la revue de ce qui avait été annoncé par ce même gouvernement, par ce même premier ministre à l'automne 1981, de ce qu'on allait faire durant la session qui vient de se terminer il y a deux semaines. Combien de choses ont été laissées là, comme cela avait été laissé là au cours des sessions précédentesl On ne peut pas croire ce gouvernement quand il y a un message inaugural. Il ne faut pas penser que parce que c'est écrit dans ces 40 pages, lorsque la session sera terminée, on va retrouver ce qui a été dit. La preuve, c'est que la dernière fois, sur ce qui a été dit à l'automne 1981, on a toute une liste de choses qui ont été laissées en plan. Pas seulement laissées en plan, mais on a même le front de revenir encore cette fois-ci et de nous répéter les mêmes promesses. Par exemple, on revient avec les amendements au Code du travail. Il y a des changements, parce que, avant cela, on nous promettait une refonte du Code du travail. Maintenant, on a droit, en 1983, à des amendements pour les choses "les plus pressantes". Pour le reste, ceci sera mis de côté parce qu'il va falloir faire des études sur une base de réalisme le plus dense. Le Code du travail et sa refonte, c'étaient des promesses des années 1977, 1978, 1979, 1980. Maintenant, le réalisme et la prudence font qu'on va passer au plus pressé. Oublions la refonte. Plus tard.

Réforme du mode de scrutin. Vous savez comment on va réformer cela? On va aller en commission parlementaire. Il y a des années de cela on est allé en commission parlementaire pour le mode de scrutin. Si ma mémoire est fidèle, c'était le père du leader parlementaire du gouvernement qui était là lorsqu'on est allé en commission parlementaire étudier le mode de scrutin. Nouvelle. Cette année, en 1983, le discours inaugural du premier ministre, son message, c'est que pour le mode de scrutin, on va aller en commission parlementaire; cette fois-ci, avec le fils.

M. le Président, on a eu droit également à l'annonce d'une loi sur les fonctions et pouvoirs du Vérificateur général. Cela fait je ne sais combien de temps qu'on parle de cela. Le Vérificateur général lui-même, dans chacun de ses rapports, parle du fait qu'il a été oublié d'année en année. Cette année, on nous promet qu'on va y voir, qu'on va avoir quelque chose là-dessus. (16 heures)

M. le Président, la politique de la famille, qu'est-ce qu'on va faire? On va avoir un livre vert. Cela fait longtemps qu'on avait oublié la bibliothèque.

Une voix: C'est de l'espoir, le livre vert.

M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre me fait signe qu'il sera blanc. Mon Dieu, merci! Je remercie le premier ministre de cette sollicitude envers la loi de la famille, envers la politique de la famille. Ce ne sera pas un livre vert. Ce sera un livre blanc. Seigneurl On peut avoir confiance dans l'avenir de la famille du Québec avec le genre de livre qu'on va nous préparer.

La réforme de l'aide sociale et, bien sûr, la politique d'achat chez nous.

Une voix: Pas croyable!

M. Levesque (Bonaventure): Quand je suis arrivé en cette Chambre, M. le Président, je me rappelle très bien que, de l'autre côté, il y avait un premier ministre qui disait: "L'achat chez nous, M. le Président." En 1983, 27 ans après, le premier ministre arrive avec quelque chose d'inédit: L'achat chez nous.

Une voix: II a relu les discours de Duplessis.

M. Levesque (Bonaventure): Seul l'art manifeste que possède le gouvernement d'apprêter ses restes vient masquer la monotonie du menu que nous proposait, hier, le premier ministre. On nous a, en effet, réservé les mêmes plats, agrémentés d'une sauce futuriste. Vous vous rappelez les mots, M. le Président, parce qu'à un moment donné le premier ministre a été obligé... Je ne sais pas s'il porte des lunettes, mais, enfin, il me semble qu'il les a portées à un moment donné, parce que celui qui avait écrit cela... Il y en avait toute une série. Il y avait l'informatique, la bureautique, la thématique.

Une voix: La robotique.

M. Levesque (Bonaventure): Je ne sais pas s'il y avait la robotique, mais je pense

qu'il y avait... Non, pas la robotique. Une voix: II l'a oubliée.

M. Levesque (Bonaventure): Enfin, il avait trouvé le vocabulaire futuriste qu'il faut. À un moment donné, on se demandait si on était dans une période de science-fiction ou autre. Le premier ministre lui-même semblait très heureux de pouvoir dire ces mots-là, mais, après, il a été pris de ce qu'il a lui-même qualifié de vertige. Il a dit: "Je pense qu'on en a le vertige." Ce sont ses propres mots. Réellement, quand on a employé tous ces mots-là... Enfin, on les comprend comme on peut. Je vous assure qu'on a le vertige, après avoir entendu prononcer ces phrases préparées par la haute technocratie qui entoure l'honorable premier ministre.

Une voix: Par le député de Rosemont.

M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre rêve-t-il d'un Québec à la japonaise ou à la yougoslave ou à...

Une voix: À la québécoise. Une voix:À la polonaise.

M. Levesque (Bonaventure): ...l'australienne? Il nous faut immédiatement lui rappeler que plus d'un million de ses concitoyens québécois, chômeurs et assistés sociaux, attendent de lui, surtout de son gouvernement, qu'il s'attaque sans délai à relancer l'économie du Québec, à créer des emplois, à susciter des investissements et à faire en sorte que ses politiques collent à cet objectif-là. Or, le premier ministre a tenu, hier, un discours vide de toute politique économique et de toute politique d'emploi.

Faut-il lui rappeler que, pendant qu'il se livrait, hier, à ce genre de discours, le secteur de la petite et de la moyenne entreprise, d'après un article paru dans le Journal de Montréal, édition du 23 mars, c'est-à-dire au moment même où il parlait, avait accusé, au Québec, une réduction de 51% de ses employés au cours des deux dernières années.

Dans ce discours, M. le Président, néant, nil, rien. Pas un mot sur un plan d'ensemble, sur la politique de relance économique que les chômeurs, les familles, les jeunes, les femmes du Québec attendaient du gouvernement. Rien de plus qu'un train de mesures ponctuelles que le premier ministre nous annonce de façon à nous donner, dit-il, une position concurrentielle dans le monde de l'après-crise. Mais ce n'est pas pour l'après-crise qu'on a besoin d'un gouvernement. C'est dans la crise actuelle. C'est là qu'on aimerait avoir un gouvernement, et un vrai gouvernement.

Le seul Changement - avec un grand C - que l'on est en mesure d'observer dans le discours économique du chef du gouvernement, c'est un recyclage du vocabulaire. Là, évidemment, je dois rendre à César ce qui appartient à César, au gouvernement péquiste ce qui appartient au gouvernement péquiste et au premier ministre péquiste ce qui appartient au premier ministre péquiste: le vocabulaire. On n'arrivera jamais avec eux autres, M. le Président, jamais.

On arrange nos affaires, on y travestit deux ministères, l'un en société d'État, l'autre en organisme-conseil. Le parapublic devient les instances décentralisées; les usagers de services publics et les instances locales, des communautés de base. C'est bien dit, n'est-ce pas? Les conférences administratives régionales deviennent des tables de concertation. Les sommets sont des assises sur la décentralisation. Les tournées des ministres et de leurs fonctionnaires, de même que les conseils consultatifs deviennent des conférences régionales et des tables de travail sectorielles. Comme c'est bien ditl Si ce n'est pas tout à fait ce que le premier ministre a voulu dire, il aura l'occasion de glisser un mot à l'un de ses collègues pour nous traduire le nouveau vocabulaire qu'il emploie grâce, évidemment, à l'entourage technocratique qui se fait de plus en plus omniprésent dans ce gouvernement.

M. Rivest: C'est le style à Jean-Roch! Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Cela me surprendrait que ce soit le style à Jean-Roch, comme le dit le député de Jean-Talon.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Rivest: II est plus catholique que cela, le style!

M. Levesque (Bonaventure): Sans parler de la trouvaille des rencontres de travail à huis clos, des incitations à la population à investir, des initiatives qu'il faut étudier très sérieusement, des équipes légères qui seront mises sur pied, des groupes d'enquête.

Lorsqu'on regarde encore ce discours, on trouve, par exemple, au chapitre des solutions nouvelles: "Le gouvernement propose aux Québécois le partage de l'emploi." Imaginez-vous! Présentement, les gens n'ont pas de job et là, ils vont se partager cela!

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Pour résoudre le problème des sans-emplois de 25 à 30 ans, le gouvernement jongle avec la

possibilité d'une hausse des prestations d'aide sociale. On dit, évidemment, que cela n'augmentera pas les dépenses; cela veut dire qu'ils vont aller chercher cela quelque part, peut-être chez les plus jeunes. Il y a une fuite qui a laissé entrevoir qu'on pourrait peut-être aider les gens de 25 à 30 ans en allant chercher de l'aide chez les gens de 20 à 25 ans ou chez ceux de 18 à 21 ans.

Quelle nouvelle politique extraordinaire! Quelle préoccupation d'ordre sociall Comme la jeunesse du Québec sera impressionnée par les tours de magie de ce gouvernement! II dit aussi: Ne vous inquiétez pas, les jeunes, attendez le virage scolaire et le virage technologique.

M. Lalonde: Ils vont avoir 40 ans, à ce moment-là!

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Dans cette veine de contradictions, le chef du gouvernement propose encore ce qui suit. Ecoutez bien, c'est important. On a trouvé autre chose dans le message inaugural pour répondre aux préoccupations des citoyens. On propose la retraite anticipée à partir de 60 ans alors qu'on vient de finir une session durant laquelle le gouvernement nous a convaincus d'abolir l'âge de la retraite!

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): On pourra, lorsqu'on débattra de cette nouvelle formule magique, prendre les discours d'un côté pour les transférer d'un autre côté. Ce sera parfait, il va falloir les prendre à l'envers maintenant, prouver qu'il faut que les gens cessent de travailler à 60 ans alors qu'il y a un an ils nous ont prouvé qu'il était bon qu'ils travaillent après 65 ans.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Cela, évidemment, c'est la logique que nous avons devant nous. Le discours du premier ministre affirme encore de l'État qu'il lui faut réévaluer ses rôles, ses modes de fonctionnement, centrer ses actions sur l'essentiel, un État moins lourd. Donc, le premier ministre, dans la première partie de son discours, dit qu'il faut enlever le poids de l'État. Tout le monde a compris cela comme un peu moins d'interventions du gouvernement, un peu moins de ces sociétés d'État, de tout cet appareil, de tous ces organismes gouvernementaux, de toute cette bureaucratie. Ensuite, dans le même discours, il propose de s'en remettre à Hydro-Québec, à la SGF, à SOQUIA pour occuper les nouvelles avenues de développement économique. D'une part, on veut alléger l'État et, d'autre part, on est à la recherche de plus de responsabilités pour les organismes de l'État. (16 h 10)

Enfin, le chef du gouvernement affirme, du même souffle, que les grandes questions de l'heure se posent avec l'insistance la plus obsédante sur le plan économique, et plus loin, que la voie de la lucidité et du réalisme passe par l'indépendance, que c'est elle le moteur et le garant du progrès individuel et collectif. Pouvez-vous concilier des phrases comme celles-là dans l'intérêt des citoyens du Québec?

Dans le reste, vous savez, à lire ce discours inaugural, ces 40 pages, on en trouve de toutes sortes. Je n'aurais jamais pensé que le gouvernement dont je viens de parler, ayant un excellent vocabulaire en ait tellement besoin qu'il vienne prendre le titre même de notre manifeste électoral, notre manifeste politique du Parti libéral: Prendre les devants. Est-ce une coïncidence, mais on retrouve au tout début du discours du premier ministre cet objectif ou ce moyen d'action: Prendre les devants. J'en suis fier, même si on nous le vole pour quelques instants. J'espère que cela va faire du bien de l'autre côté.

Maintenant, on nous a parlé d'abolir le ministère de la Fonction publique. M. le Président, avant 1969, on n'avait pas de ministère de la Fonction publique, et le père du leader parlementaire du gouvernement a décidé qu'il fallait un ministère de la Fonction publique. Maintenant, le fils aura à défendre le gouvernement qui abolit le même ministère et expliquer pourquoi on revient au statu quo d'avant 1969. Évidemment, on a affaire à un gouvernement d'avant-garde qui est maintenant dirigé vers un retour d'avant 1969.

Le Conseil de planification et de développement du Québec disparaît. Est-ce parce que j'avais lu quelque chose à ce sujet, ici en cette Chambre, il n'y a pas longtemps, il y a une couple de semaines, où on s'apercevait que le Conseil de planification et de développement du Québec reprochait sérieusement au gouvernement son manque d'intérêt dans les questions de création d'emploi? Cela, je l'ai lu ici en Chambre, c'est public. Le premier ministre pourra retourner au journal des Débats et il trouvera ces lettres ou ces extraits que nous avons ici même apportés à l'attention de la Chambre et du premier ministre. Deux semaines après, on annonce l'abolition du Conseil de planification et de développement du Québec.

Dans ce discours, on parle de mesures protectionnistes qu'il y a ailleurs. Il faut évidemment lutter contre ces écueils protectionnistes. Dans le même paragraphe ou à peu près, on énumère les mesures protectionnistes qu'il faut prendre ici. Savez-

vous quelle logique?

On voudrait changer la société. Cela a été le thème du discours inaugural. Le changement. Et en particulier, quoi changer, comment, dans quel sens? La seule précision: II faudra apprendre à faire des choix. Merveilleux, M. le Président. On a trouvé la solution de changement: apprendre à faire des choix. Évidemment, je pense que c'est important parce que justement nous avons reproché régulièrement à ce gouvernement son mauvais choix de priorités.

Qu'est-ce que l'on trouve encore? La promesse, évidemment, de revoir le cadre des négociations dans les secteurs public et parapublic, mais on n'en dit pas grand-chose, je vous assure.

On parle de la protection de la jeunesse. Que fait-on là-dedans? On était pressé. On a eu droit à un "select committee" pour étudier toute la question. On a même demandé à cette commission de hâter et de faire rapport, tellement c'était pressé. Et tout ce que l'on sait maintenant, c'est que la chicane est encore prise quelque part et que le premier ministre a entré cela là-dedans en disant: Mon Dieu! on va tâcher de mettre un peu de pain là-dedans et essayer de trouver la solution dans la chicane traditionnelle qu'il y a entre les ministères concernés.

En réforme scolaire, annonce-t-on quelque chose? Non, M. le Président. On dit: On va y toucher; on va amender des choses; ce ne sera pas tout à fait comme le ministre de l'Éducation le voulait. On a hâte de savoir réellement ce qui va arriver là-dedans et si les voeux de la population, exprimés partout dans le Québec, seront comblés ou si ce sera l'approche technocratique et centralisatrice du ministère ou du ministre qui va prendre le dessus. Et on pourrait continuer, mais c'est lorsqu'on arrive, évidemment, au bouquet sur l'indépendance... J'y reviendrai tout à l'heure. Je garde cela pour la fin de mes remarques, parce qu'il me semble que le premier ministre a eu beaucoup de succès de son côté lorsqu'il a parlé d'indépendance. C'est à peu près la seule fois que les gens ont applaudi avec coeur. Je pense que je vais faire la même chose de mon câté. Je vais garder cela pour la fin.

En conclusion, quant à ce discours du premier ministre - parce que je n'ai pas l'intention de demeurer plus longtemps là-dessus, je pense que j'ai fait suffisamment honneur à si peu de contenu en passant près de trois quarts d'heure à en parler - les propositions contenues dans ce message inaugural sont disparates et "déconnectées" -pour employer un mot de son auteur - de la réalité économique actuelle du Québec. Il s'agit, pour la plupart, de mesures de rapiéçage ou de mesures à très courte vue, rien sur la relance économique du secteur privé, rien sur les relations fédérales-provinciales comme instrument clé pour relancer l'économie québécoise, aucune préoccupation de productivité ou de rentabilité dans la gestion des secteurs public et parapublic ou dans la gestion des sociétés d'État. Ce qui frappe dans l'ensemble du message, c'est l'absence de projets et de mesures innovatrices capables de contribuer à sortir le Québec de la crise.

Nous avons eu un Québec qui est de plus en plus affaibli par ce gouvernement, affaibli dans le domaine constitutionnel, affaibli dans le domaine économique, affaibli dans le domaine financier et budgétaire, affaibli encore tout récemment dans le domaine social, particulièrement dans les relations du travail, affaibli dans le domaine culturel à la suite de la façon dont ce gouvernement a traité tout le domaine et tout le réseau de l'enseignement. C'est donc dire que nous avons devant nous un message inaugural qui n'est certainement pas un stimulant pour les députés en cette Assemblée quant au menu législatif et sûrement un désappointement, sinon un découragement pour la population, qui a à endurer ce gouvernement pour je ne sais encore combien de semaines et combien de mois. J'espère que ce ne sera pas trop longtemps.

Lors du débat sur la motion de blâme du 10 mars dernier, nous avons eu l'occasion d'examiner la performance économique du Québec depuis le début de la dernière session, celle aussi longue que désappointante qui avait commencé le 9 novembre 1981. Nous avons examiné l'évolution des grands indicateurs économiques depuis seize mois et nous avons brossé un bilan exhaustif de l'ensemble de cette session. Il n'est pas utile de revenir très longuement sur l'un ou l'autre de ces sujets. Aussi, mes propos d'introduction porteront principalement sur deux ordres de considérations économiques différents: d'abord les tendances lourdes ou à plus long terme de l'économie québécoise et la situation économique présente des différentes régions du Québec. (16 h 20)

Rappelons tout de même les principales conclusions dégagées lors de ces débats. La dernière session devait être, comme toutes celles qui l'ont précédée depuis 1976, celle de la priorité à l'économie. Le discours économique du gouvernement est demeuré jusqu'à la fin ce qu'il était dès le 9 novembre 1981: un effort de rhétorique qui n'a eu aucune suite positive digne de mention. L'incohérence dans l'action, le divorce entre le discours et les actes sont demeurés la première caractéristique de l'attitude gouvernementale. Ce sont les hausses de taxes et les manoeuvres stratégiques du gouvernement dans ses négociations avec les syndicats des secteurs

public et parapublic qui ont dominé le menu législatif. Non seulement le gouvernement n'est-il pas parvenu à endiguer la débâcle économique et la contraction spectaculaire de l'emploi et des revenus, mais il a lui-même contribué puissamment en imposant, soit au titre de la récupération salariale, en reniant sa signature, soit au titre des hausses de taxes, une ponction fiscale aussi spectaculaire qu'inopportune au plan conjoncturel, c'est-à-dire plus de 1 500 000 000 $ en 1982-1983.

Au terme de la dernière session, il restait suffisamment de promesses non réalisées pour que le gouvernement puisse écrire, simplement en les réintroduisant, un discours inaugural à peu près convenable: réforme du Code du travail, réforme des régimes de retraite, projet Archipel, fonds minier, réforme de l'aide sociale, sommets régionaux, participation des travailleurs à l'entreprise, transport en commun dans la région de Montréal, etc., toutes ces choses, promesses non réalisées dans le dernier discours inaugural. Mais cette session, qui avait commencé par l'affaiblissement pitoyable du Québec au plan constitutionnel, nous a valu des affaiblissements tout aussi dramatiques, comme je le mentionnais, au plan économique: chômage, pertes d'emplois, chute sans précédent de la production et des revenus. Au plan financier et budgétaire: diminution de la cote financière du Québec et d'Hydro, hausse importante du fardeau fiscal et persistance du déficit. Au plan social, le Québec a frôlé une fois de plus la catastrophe lors des négociations du secteur public avec le gouvernement et ce n'est pas fini. Nous n'avons même pas, au moment où on se parle, le résultat de la conciliation. J'espère que le premier ministre ou le ministre de l'Éducation pourront informer cette Chambre avant que nous ne quittions cette semaine, si c'est possible, afin de savoir où nous en sommes présentement dans cette conciliation.

Les tendances lourdes de notre économie, je voudrais en dire un mot. Comment en sommes-nous arrivés à se constat d'échec que nous devons faire à la lumière de ce qui précède? Considérons brièvement les tendances lourdes, dis-je. Nous le ferons à l'aide de quelques statistiques peu nombreuses, mais particulièrement significatives, car ce débat a déjà été fait à plusieurs reprises. Malgré tout, il me semble nécessaire d'y revenir, puisqu'il subsiste toujours, du côté gouvernemental surtout, une certaine confusion à cet égard.

Nous reconnaissons facilement que le Québec a été associé, au plan économique, à un mouvement généralisé de ralentissement survenu vers le milieu des années soixante-dix. En se limitant aux mesures les plus globales de performance économique, on constate que le produit intérieur brut, en termes réels - c'est-à-dire l'inflation enlevée - a augmenté trois fois plus rapidement entre 1970 et 1976, soit de 28%, qu'entre 1976 et 1982, environ 10%. Ce sont là deux périodes identiques de six ans dont la première s'est déroulée sous un gouvernement libéral, la seconde sous un gouvernement péquiste. Le repli de la croissance a été encore plus marqué en termes de revenus personnels, une fois l'inflation enlevée. Cet indicateur qui avait progressé de façon spectaculaire entre 1970 et 1976, 55%, n'a augmenté que d'environ 9% dans les six années suivantes. Cela explique bien des choses, notamment le rendement moins élevé des taxes et des impôts et, par conséquent, la "nécessité" - entre guillemets - pour le gouvernement péquiste de recourir massivement à l'endettement et aux augmentations de taxes pour contenir le déficit budgétaire dans les limites prescrites par les bailleurs de fonds. Autrement dit, lorsqu'on n'a pas de priorité à l'économie, lorsqu'on laisse l'économie faiblir, lorsqu'on laisse le secteur privé presque s'affaisser, alors on ne peut pas s'attendre que le revenu des taxes soit là, on ne peut pas s'attendre à pouvoir aider le même secteur public.

En termes conjoncturels, nous sommes aujourd'hui en mesure de constater que seules les années 1978 et 1979 ont été relativement satisfaisantes soit en termes de produit intérieur brut, soit en termes de création d'emplois, depuis l'élection du Parti québécois en 1976. On se souvient que, durant cette période, la protection spéciale du gouvernement canadien à l'endroit du textile, de la chaussure et du vêtement avait permis un raffermissement temporaire de ces secteurs au Québec, en même temps que la chute du dollar canadien permettait une percée significative de nos exportations. Enfin, la poursuite des travaux de la Baie-James maintenait la construction et les investissements à un niveau acceptable.

Par contre, il était très évident, dès cette époque, que notre économie subissait une tendance favorisant le déplacement de l'activité économique vers l'Ouest du pays et, dans une moindre mesure, vers la côte Est. Cela signifiait qu'en pratique, pour un avenir prévisible, l'économie des régions comprises entre le Nouveau-Brunswick et le Manitoba est devenue et restera plus vulnérable à la conjoncture que le reste du Canada.

Au lieu de prendre bonne note de ces tendances lourdes et d'envisager des correctifs appropriés, le gouvernement a préféré tirer partie de l'affaiblissement sensible de l'Ontario, c'est-à-dire le secteur de l'automobile en particulier, pour se péter les bretelles dans des comparaisons Québec-Ontario. Cela se comprend. Sa priorité était le référendum et il voulait se faire

couronner comme bon gouvernement. C'est alors que naquit le mythe du deux fois mieux que l'Ontario. Justement, lors du débat du 10 mars 1983 sur la motion de censure, je relevais une fois de plus l'argument démontrant, sources à l'appui, que le produit intérieur brut réel du Québec et celui de l'Ontario avaient connu des augmentations à peu près identiques de 10,4% et de 10,5% entre 1976 et 1981. Mais comme le mythe est durable du côté gouvernemental, le ministre des Finances "corrigeait" de la façon suivante - c'est tiré du journal des Débats, page 7877 - "Je voyais le chef de l'Opposition indiquer que c'était abominable de parler d'un rythme de croissance au Québec deux fois supérieur à celui de l'Ontario. Je lui rappellerai très brièvement qu'en 1979, c'est ce qui s'est produit. Le produit intérieur réel en Ontario est monté de 2,5% et, au Québec, de 4,5%. Je m'excuse pour la correction."

J'ai fait relever les chiffres de la croissance du produit intérieur brut en termes réels pour le Québec et l'Ontario, année après année, et voici ce que cela a donné. En 1977, au Québec: 0,8%; en Ontario: 1,9%. En 1978, au Québec: 4,1%; en Ontario: 2,7%. En 1979 - c'est là l'année mentionnée par le ministre des Finances - au Québec: 1,3%; en Ontario: 2,1%. En 1980: au Québec: moins 0,8%; en Ontario: moins 1,4%. En 1981, au Québec: 0,8%; en Ontario: 2,3%. En 1982, au Québec: moins 6,2%; en Ontario: moins 4,2%. Donc, je m'excuse également auprès du ministre des Finances pour la correction.

Mais j'ose espérer que, cette fois, le mythe de deux fois meilleur que l'Ontario est bel et bien mort. On peut toujours se chicaner sur les virgules, car ces données sont souvent révisées et la correction du taux d'inflation peut se faire de bien des façons, mais, en 1979, le taux de croissance de l'Ontario a été plutôt modeste, mais tout de même supérieur à celui du Québec. C'est en 1978 que l'argument a un certain fondement et encore, ce n'est pas du simple au double dont on parle. Quant aux années 1977, 1979, 1981, 1982, l'Ontario l'emporte parfois du double et du triple. (16 h 30)

Passons maintenant à la création d'emplois. De 1970 à 1976, il se créait au Québec 281 000 emplois, soit en moyenne 56 000 par année. Il y a même eu une année, 1973, où le Québec a bénéficié de 125 000 nouveaux emplois. C'était déjà insuffisant pour absorber la croissance de la population active. De 1977 à 1981, la moyenne annuelle de création d'emplois n'était plus que de 46 000, de 56 000 que c'était, soit - c'est assez important de le souligner - 15,7% de la moyenne canadienne. Alors que nous avons 26% de la population, la création d'emplois sous le régime que nous avons devant nous n'a été que de 15,7% de la moyenne canadienne.

Il n'y eut en effet qu'une seule bonne année de création d'emplois, soit 82 000 en 1979. Pendant ce temps, l'Ontario, qui était elle-même affectée d'un ralentissement sensible de son économie, connaissait des gains moyens de 108 000 emplois annuellement. Ce qui est encore plus étonnant, les emplois relativement peu abondants qui se sont créés au Québec étaient concentrés dans la catégorie des emplois à temps partiel. Si on considère uniquement les emplois à temps plein, la moyenne québécoise tombe à 22 000, soit 10,8% du total correspondant pour l'ensemble canadien. Donc, si on prend les emplois à temps partiel et à temps plein, notre part de la création d'emplois au Canada est de 15,7%. Quand on prend les emplois à temps plein, notre part est maintenant de 10,8% de l'ensemble canadien.

Comprenons-nous bien, nous ne sommes pas contre les emplois à temps partiel. Nous voulons simplement que le Québec bénéficie d'un volume acceptable d'emplois à temps plein, les seuls susceptibles d'assurer un revenu décent pour les chefs de famille, hommes ou femmes, et pour ceux ou celles qui veulent s'établir, fonder un foyer, se bâtir un avenir solide.

À ceux qui ont des yeux pour voir, il n'y a rien de mystérieux au fait que la croissance de notre économie s'est plus ou moins arrêtée après 1979, tant en termes de produit intérieur brut que de création d'emplois. Ce n'est pas un mystère non plus si les gains substantiels de productivité que nous avions connus entre 1973 et 1979 ont été brusquement interrompus par la suite. Jusque là, le Québec progressait, même en régime péquiste, sur l'ère d'aller des travaux de la Baie-James, de la chute du dollar canadien, du momentum, peut-être insuffisant mais très réel, qu'avait créé le climat propice aux investissements qui existait sous le régime précédent, le régime libéral.

Une voix: C'est cela.

M. Levesque (Bonaventure): Quand ce momentum a été dissipé, quand les investissements d'Hydro ont commencé à plafonner, comme le reconnaît le ministre des Finances d'ailleurs, quand le dollar canadien s'est stabilisé, nous, au Québec, avons plongé, tête baissée, dans quoi? Vous pensez peut-être que c'est dans la création d'emplois, dans la priorité à l'économie. Non, M. le Président, tête baissée dans le débat national, dans le débat référendaire, la polarisation référendaire, la seule vraie priorité d'ailleurs du gouvernement actuel.

La cause de l'arrêt de notre croissance économique, ce fut une faiblesse dramatique de nos investissements. Alors que les

investissements publics plafonnaient à la fois en raison de la révision des immobilisations d'Hydro-Québec et du déséquilibre dans nos finances publiques, les investissements privés plafonnaient également et la construction résidentielle était en chute libre. Nos investissements totaux sont passés de 10 700 000 000 $ en 1977 à moins de 13 000 000 000 $ en 1982, soit une augmentation annuelle de 4% seulement. À titre d'illustration, les taux correspondants étaient de 8,1% en Ontario - ici, c'est l'Ontario qui fait deux fois le Québec - et de 10,1% pour l'ensemble du Canada. Notons que nous ne parlons pas d'une année, mais d'une tendance lourde de cinq ans. C'est beaucoup plus sérieux. C'est non seulement la plus faible performance parmi les cinq régions canadiennes, mais ce n'est même pas la moitié du taux d'inflation. Quand on parle de 4%, M. le Président, ce n'est sûrement pas la moitié du taux d'inflation. En d'autres termes, nous n'avons pas augmenté notre stock réel de capital, nous avons "mangé" du capital depuis cinq ans. En 1977, nos investissements représentaient 23% du total canadien; en 1982, ils ne font plus que 17% du total canadien. C'est là que réside le noeud de notre problème économique, la preuve la plus convaincante de notre affaiblissement économique.

Voilà donc, à grands traits, la toile de fond de l'évolution économique qui nous a laissés affaiblis et vulnérables, là où nous étions à la veille de la catastrophe de 1982. On a beaucoup discouru, ces derniers temps, sur l'âpreté de la crise qui a frappé la plupart des pays industrialisés, dont les États-Unis et le Canada, au cours des derniers mois. Pour le gouvernement, la chose semble assez facile et assez simple à expliquer: c'est la faute d'Ottawa, des taux d'intérêt et du reste du monde. Le gouvernement péquiste n'y est pour rien. Examinons cette prétention.

On sait maintenant que le PIB du Québec a chuté de 6,2% en 1982. Non seulement le Québec n'a-t-il connu aucune croissance en 1982, mais les Québécois ont vu disparaître sous leurs yeux les résultats normaux de deux bonnes années de croissance. C'est, cependant, en termes de pertes d'emplois qu'il convient de mesurer tout le désastre économique de 1982. Maintenant que les statistiques pour l'ensemble de l'année sont connues, on constate que le Québec a perdu 142 000 emplois en 1982, retombant ainsi pratiquement au niveau de l'emploi atteint en 1978. C'est également un résultat sans précédent puisque jamais le Québec n'avait connu de diminution absolue dans l'emploi sur une base annuelle depuis que de telles statistiques sont compilées, c'est-à-dire depuis une trentaine d'années.

En ce qui concerne la performance relative du Québec dans l'ensemble canadien, deux constatations s'imposent. Premièrement, le Québec a été plus affecté que le reste du Canada, ses pertes d'emplois représentant une diminution de 5,3% en comparaison de 2,4% seulement pour les autres provinces. Sur la même base de calcul, l'Ontario n'a perdu que 100 000 emplois en 1982, pour une diminution de 2,4%. Au fait - cela est tragique, M. le Président - 42% des pertes d'emplois canadiennes ont été au Québec, ce qui est considéralement plus élevé que sa part de la population.

Deuxièmement, le profil de l'affaissement économique n'a pas été le même au Québec que dans le reste du Canada, en Ontario, notamment. En effet, l'affaiblissement est survenu au Québec à partir de septembre-octobre 1981, soit plusieurs mois avant que des difficultés semblables ne surviennent en Ontario et dans plusieurs autres provinces. Ce début prématuré de la crise au Québec reflète en bonne partie la ponction fiscale du ministre des Finances de plus de 1 000 000 000 $, imposée par le gouvernement du Québec à la fin de 1981, après les élections.

Comme c'était à prévoir, cette différence dans le profil temporel de l'affaiblissement de l'emploi entre le Québec et l'Ontario a donné lieu à certaines interprétations politiques de la part du gouvernement. C'est ainsi qu'on a assisté à la naissance d'un autre mythe, concernant le taux de chômage cette fois, celui que le Québec a brisé; il aurait brisé la règle de l'Ontario plus 50%. Il est vrai que le taux de chômage du Québec gravite habituellement à un niveau autour de 50% plus élevé que celui de l'Ontario, bien que, dans certaines années, cela ne s'est pas réalisé de cette façon, particulièrement, je pense, en 1975 alors qu'on était au pouvoir.

C'est vrai également que, tout récemment, cette règle d'approximation ne s'est pas vérifiée. En février 1983, par exemple, la différence avec l'Ontario était de 3% et non de 5,8%, selon la règle énoncée par le ministre des Finances. Mais il n'y a pas là de quoi pavoiser. D'ailleurs, c'est la même raison pour laquelle on peut mettre en doute les chiffres donnés par le premier ministre lorsqu'il parlait de 29% de chômeurs au Québec par rapport au nombre total des chômeurs canadiens. On va voir pourquoi ces chiffres-là ne traduisent pas la réalité. Premièrement, parce qu'il s'agit, en fait, d'une détérioration relative du chômage en Ontario beaucoup plus que d'une amélioration au Québec. Deuxièmement, ces chiffres masquent un autre problème pour le Québec, celui du retrait de la population active en raison du découragement. (16 h 40)

En effet, alors qu'en Ontario la population active croissait tout de même de

38 000 en 1982, au Québec, elle diminuait de 49 000, ce qui indique que, même en négligeant l'accroissement naturel normal de ce segment de notre population, nous nous retrouvons avec, au bas mot, 50 000 chômeurs déguisés supplémentaires à nos 434 000 chômeurs officiels. Si on corrige les données québécoises pour ce facteur, il n'est pas difficile de faire apparaître un taux de chômage réel non plus de 14%, mais de 16% et même de 17% pour le Québec. D'ailleurs, il est facile de retrouver où se cachent ces 50 000 chômeurs déguisés; avec 20 000 autres Québécois et Québécoises, ils forment le contingent additionnel des 70 000 assistés sociaux supplémentaires que la crise nous a légués. Il n'y a pas de mystère. Les chiffres, il faut les prendre comme ils sont et ce n'est pas le pourcentage donné par le premier ministre ou par le ministre des Finances qui compte, mais la réalité. Ce qui ne paraît pas dans les chiffres sur le chômage, ce sont les gens qui ne sont plus chômeurs, mais qui sont devenus des assistés sociaux et qui ne s'inscrivent même plus, par découragement, comme candidats au travail.

Il existe, dans le discours gouvernemental, bien d'autres mythes comme celui selon lequel le gouvernement serait parvenu, en 1982, à tisser un filet de sécurité pour éviter le pire. Drôle de filet de sécurité que cette longue liste de hausses de taxes, de décrets dans les relations du travail, de chicanes fédérales-provinciales, de coupures aveugles dans les services publics. Au fait, le filet avait des mailles tellement larges qu'il a laissé passer 430 000 chômeurs, plus de 200 000 emplois, dont les deux tiers chez les jeunes, 600 000 assistés sociaux, 4400 faillites, etc. À l'heure actuelle, c'est pratiquement le quart de toute la population du Québec qui, malheureusement, dépend du secours direct de l'État soit au titre de l'assurance-chômage, soit à celui de l'aide sociale.

J'en arrive maintenant, par-delà les mythes gouvernementaux, à une autre réalité difficilement acceptable, celle des régions du Québec. En cette matière, il est manifeste que les problèmes régionaux sont, depuis plusieurs années, le cadet des soucis du présent gouvernement. Pourtant, il y a matière à réflexion parce que, à toutes fins utiles, la politique économique d'un gouvernement n'a de sens que si elle produit des fruits partout en région. Je vous propose donc, en quelques minutes, un survol évidemment bien trop sommaire, un survol économique du Québec.

En effet, depuis 1976, le présent gouvernement aura eu tout le temps voulu pour rendre opérationnels les paramètres de sa politique régionale. D'ores et déjà, le gouvernement du Parti québécois n'a pas tenu compte de la prémisse suivante pour ce qui est des réalités régionales. Les faiblesses de l'économie du Québec tiennent à la fois à la nature de ses industries, à l'insuffisance chronique des investissements et au fait qu'il y a eu déplacement du centre de gravité de l'économie canadienne. Pour pallier ce déplacement, il eût fallu tout mettre en oeuvre en vue d'augmenter notre position concurrentielle par rapport aussi bien aux autres provinces qu'à d'autres pays où les coûts de production sont plus bas. Au souci d'un nationalisme indu démontré par ce gouvernement, s'est ajouté le manque de mesures visant à encourager les investissements productifs et créateurs d'emploi.

Si on va sur le terrain, on s'apercevra que la région 01 du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie est la plus rurale. Elle possède, entre autres, des ressources naturelles en quantité et génératrices d'emploi. Pourtant, les dépenses totales des entreprises publiques provinciales ont chuté de 11% en 1982. On veut aider une région aux prises avec le chômage et on diminue les investissements en 1982 de 11%. Et cela, ce sont les investissements du gouvernement du Québec, au moment où une population est aux prises avec un taux de chômage de près de 25%. Ce sont les chiffres officiels, il y a encore tous ceux qui ne sont pas inscrits par découragement.

Le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale atteignait 25 172, le 1er mars. Il importe d'augmenter les mesures visant à augmenter les investissements dans le secteur primaire et la construction qui ont chuté d'environ 26 000 000 $ entre 1981 et 1982. C'est ce même gouvernement qui refuse une entente à caractère régional, refuse un plan de développement de l'Est du Québec présentement avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral, par la voix du premier ministre, par la voix du ministre de l'Expansion économique régionale, est venu -les autorités fédérales - dans la région offrir une entente fédérale-provinciale-régionale. Le gouvernement actuel a refusé. Il se rabat sur les ententes d'ordre sectoriel, mais il ne veut pas donner à la région de l'Est du Québec une entente régionale où les deniers seraient dépensés dans la région et non pas au caprice de certains ministres influents du cabinet.

M. le Président, dans la Région-02, Saguenay-Lac-Saint-Jean, on voit que les secteurs forestier et manufacturier sont particulièrement touchés par la crise économique et pas moins de 3000 à 4000 emplois furent perdus entre 1981 et 1982. Le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale atteindrait maintenant 21 000 en mars. Le taux de chômage se situerait à plus de 20%. La baisse des investissements s'est particulièrement fait sentir dans le secteur primaire. Quant au secteur manufacturier, les dépenses ont accusé un recul d'environ

128 000 000 $ au cours de la même période. Que font tous ces députés et ces ministres péquistes dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean? Qu'est-ce qu'ils font, M. le Président? Est-ce qu'ils sont encore capables de se promener dans la région?

Région 03, Québec, on est déjà en mesure d'apprécier l'impact des politiques mises de l'avant par le gouvernement touchant quelque 40 000 travailleurs de l'administration provinciale. Déjà on sait qu'entre 1980 et 1981 la région de Québec connaissait une baisse des ventes au détail dans les cinq secteurs les plus névralgiques affectant la vie commerciale. En février, le taux de chômage se situait à 13,4% et pas moins de 56 000 personnes avaient recours à l'aide sociale. Le nombre de faillites commerciales de la grande région de Québec totalisait 680 en 1982. Où sont les députés et les ministres, là, qui se promènent à l'hôtel de ville? Qu'est-ce qu'ils font, actuellement, pour régler les problèmes des gens de la région?

Prenons la région de Trois-Rivières, la région de la Mauricie, le coeur du Québec. Cette région doit faire l'objet d'une attention particulière du gouvernement du fait du vieillissement de son appareil de production manufacturière dans les industries traditionnelles comme le cuir, le vêtement, le bois, l'imprimerie. Les PME ont besoin d'encouragement concret de leur gouvernement si cette reprise que l'on dit imminente démarre de façon durable et cohérente. En attendant, entre le 1er mars 1977 et le 1er mars 1983, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale est passé de 17 781 à 31 340, et le taux de chômage se situait, en février, à plus de 20%.

En somme, il faut axer les efforts pour empêcher que se continue le déclin de l'industrie manufacturière par rapport à l'ensemble du Québec.

Dans l'Estrie, oui, où sont-ils les députés de l'Estrie? Regardez bien, écoutez bien cela. Justement, cela va intéresser Mme la députée. Une dame de la région de l'Estrie écrivait, dans le quotidien La Tribune, au ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional, une lettre ouverte dans laquelle elle mentionnait que le gouvernement avait présenté plusieurs versions d'une politique de développement des régions. Ce que le ministre nia catégoriquement dans ce même quotidien, le 17 février dernier, pour dire à cette dame: "Ce dossier - en parlant de politique du développement régional - est cependant en préparation et nul doute que vous serez parmi les premières à en prendre connaissance". Voilà, cela doit être encourageant, M. le Président. Après qu'un gouvernement en soit dans sa septième année au pouvoir, là voilà la réponse. M. le Président, excusez-moi, je pense que vous êtes au courant vous aussi de cela. Étant donné votre situation dans cette Chambre, je ne veux pas du tout vous empêcher de continuer dans la plus grande impartialité. (16 h 50)

Cela étant dit, M. le Président, c'est donc dire qu'en deux mandats, le gouvernement n'a pu accoucher d'une politique en matière de développement régional. Voici pour l'Estrie les conséquences de cette négligence: diminution en 1982 des emplois manufacturiers; fermetures d'usines. Et là, j'ai toute une liste de mises à pied massives ou même de fermetures, dans une région où il est clair que le secteur tertiaire ne suffit plus. En février 1983, le taux de chômage atteignait près de 20%, soit précisément 18,7%.

Dans la région 06 Montréal. Nous avons vu précédemment que la véritable hécatombe dans l'emploi qui est survenue au Québec entre le mois d'août 1981 et le mois d'août 1982 nous a valu une perte sèche de 200 000 emplois. Or, fait surprenant et inquiétant à la fois, 75% de ces pertes sont survenues dans la région de Montréal, alors que celle-ci ne compte que pour 60% du volume total de l'emploi au Québec. Comme Montréal constitue le centre de gravité de notre économie tout entière, le seul pôle de croissance de dimension internationale que nous ayons, c'est tout le Québec qui risque d'en subir, à plus ou moins long terme, les contrecoups. À l'heure actuelle, la région de Montréal compte 14,3% de chômeurs dans sa population active et 186 000 bénéficiaires de l'aide sociale, soit 50% du total pour le Québec.

C'est à Montréal que la carence d'investissements - et particulièrement d'investissements privés - a les plus graves conséquences sur l'emploi. D'autre part, le député de Notre-Dame-de-Grâce a longuement commenté la situation périlleuse de Montréal dans son troisième rapport sur le départ des entreprises du Québec, publié en décembre dernier. Enfin, d'autres agents économiques ont souligné que l'environnement fiscal et réglementaire suscite de vives réactions chez les investisseurs potentiels.

Arrivons maintenant à l'Outaouais. Le 15 octobre 1981, le ministre au Développement économique et actuel ministre délégué au Commerce extérieur envisageait un avenir prometteur pour l'Outaouais. Il allait même jusqu'à dire que cette région était au tournant de son histoire. À maintes reprises, on a déploré son absence dans la région, cependant. Des communiqués émis par le Parti libéral en font foi et nulle réaction n'a émané du gouvernement, à commencer par l'intéressé lui-même. N'en déplaise au gouvernement du Québec, la présence du gouvernement canadien assure une relative stabilité à cette région. Dans l'arrière-pays, cependant, on entrevoit une situation plus

difficile, en partie due aux perspectives négatives de l'industrie forestière où les chantiers sont souvent déserts et les moulins trop souvent arrêtés. Il y a, semble-t-il, une bonne reprise dans la construction, mais la région compte tout de même plus de 18 000 bénéficiaires de l'aide sociale et son taux de chômage se situe présentement à 15,3%.

Quant à la région 08, l'Abitibi-Témiscamingue, j'ai vu sourciller des ministres lorsqu'il y a quelques jours, j'affirmais que dans certains coins du Québec, le taux de chômage atteignait plus de 50%. Le Regroupement des chômeurs et chômeuses de l'Abitibi-Témiscamingue faisait savoir, dans un communiqué récent, que le taux de chômage là-bas était de 57,8%. On précisait dans ce communiqué que Statistique Canada ne compile pas les personnes qui, découragées, ont cessé de se chercher un emploi. On parle aussi dans cette région de 9836 personnes bénéficiant de l'aide sociale.

Finalement, un coup d'oeil sur la CÔte-Nord et le Nouveau-Québec, les régions 09 et 10. La région de la Côte-Nord, comme on le sait, vit des heures difficiles. Il n'est pas utile ici de reprendre l'essentiel de ce qui a été dit en commission parlementaire. Vous savez les préoccupations de notre formation politique pour cette région et nous savons tous les efforts faits par nos députés, nos responsables des dossiers vis-à-vis cette région et comment nous avons insisté, non seulement pour être présents, mais également pour que nous puissions avoir sur les lieux des instances gouvernementales et opposition-nistes pour être réellement à l'écoute de cette population et tâcher de trouver des solutions aux problèmes très graves qu'elle vit présentement. Une bonne nouvelle, cependant; je pense que lorsqu'on a une bonne nouvelle, il faut le dire. C'est important parce que, dans la morosité que ce gouvernement véhicule, il est important d'avoir de temps en temps une bonne nouvelle. Non seulement je le dis, mais je le souligne avec plaisir: il y a l'agrandissement de la compagnie Reynolds qui nécessitera des investissements de 500 000 000 $ devant procurer environ 1200 emplois par année sur les chantiers de construction. Il reste que le taux de chômage oscille cependant dans la région depuis deux ans à des niveaux critiques, entre 14% et 16%.

À notre avis, l'action gouvernementale devrait également porter sur des secteurs où on entretient des espoirs, comme la pêche, le tourisme. Il faut également fournir une assistance accrue au secteur privé désireux de relancer l'économie de la région afin d'empêcher que celle-ci ne décline encore davantage.

Comme on le voit, M. le Président, c'est un peu partout la même triste réalité dans chaque région du Québec: le chômage, les pertes d'emplois, les licenciements, les faillites, les fermetures d'usines. Ce qui diminue, c'est la prospérité; ce qui augmente, c'est la misère, le pessimisme face à l'avenir, le nombre des assistés sociaux.

Dans un processus de désindustrialisa-tion qui semble irréversible, nos avantages comparatifs s'effritent, nos marchés rétrécissent, nos équipements de production vieillissent. À moyen terme, c'est toute notre compétitivité qui est en péril. Le problème fondamental, c'est la carence d'investissements productifs et, singulièrement, l'insuffisance des investissements privés.

Parler dans ce contexte de virage technologique, c'est comme discourir dans l'abstrait du sexe des anges. Pour qu'un véhicule, quel qu'il soit, prenne un virage, encore faut-il qu'il avance. Or, nous n'allons nulle part au Québec au plan économique, notre croissance est nulle, sinon négative. Nous sommes en panne sèche. Comment voulez-vous qu'on prenne un virage à droite ou à gauche si nous n'avançons pas? Assurons-nous d'abord que nous sommes en mesure de progresser, c'est-à-dire d'assurer une croissance soutenue à notre économie. Après, nous prendrons tous les virages qui s'imposent, y compris celui de la haute technologie.

M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci, aborder deux sujets qui me tiennent à coeur. Je vois que déjà une heure est passée, mais je tâcherai, même si j'ai droit à deux heures, de ne pas utiliser pleinement mon temps.

Demandons-nous maintenant pourquoi nos investissements sont insuffisants. Puisque c'est le signe le plus probant de notre affaiblissement, peut-être découvrirons-nous ainsi les causes profondes de nos problèmes et les moyens de nous en sortir. Serait-ce parce que nous n'avons pas assez d'argent pour financer les investissements? Sûrement pas, puisque malgré la crise, l'épargne n'a jamais été aussi abondante au Québec qu'elle l'est maintenant. Au reste, Hydro-Québec et le gouvernement lui-même démontrent quotidiennement qu'ils peuvent, dans certaines conditions, trouver preneurs à l'étranger pour un volume considérable d'obligations négociables. Ce n'est pas d'une rareté absolue de fonds prêteurs dont souffre l'économie du Québec, mais d'une rareté relative de capitaux privés, notamment du capital de risque ou de départ, des fonds pour la recherche et le développement, l'exploration de nouveaux marchés, etc.

De façon générale, nos entreprises demeurent sous-capitalisées, leur passif à court terme est excessif, ce qui les rend particulièrement vulnérables dans une conjoncture dominée par des taux d'intérêt souvent volatiles. Or, justement, si le secteur privé de notre économie n'est pas

suffisamment développé, ni suffisamment fort pour assurer notre croissance économique, c'est vraisemblablement parce qu'il n'a pas trouvé chez nous le climat propice à son épanouissement. L'entrepreneurship, pourtant bien présent au Québec, n'arrive pas à s'exprimer convenablement. Les entreprises existantes boudent le Québec dans leurs plans d'expansion. Certaines prennent même la décision de plier bagages, convaincues d'être perçues aux yeux du gouvernement actuel comme des indésirables. Je cite: "Je crois que le départ des entreprises est une tendance positive. Il faut briser quelques oeufs avant qu'apparaisse l'omelette", disait le premier ministre du Québec en février 1978. Quelle omelette! M. le Président. Que disait le ministre d'État au Développement économique en mai 1979? "On ne regrette pas le départ de nos maîtres". Voilà, M. le Président, cette priorité à l'économie telle que conçue par le premier ministre et l'ancien ministre d'État au Développement économique. (17 heures)

Examinons donc nos attitudes collectives. Voyons si ces citations représentent autre chose que des accidents de parcours. Demandons-nous si nos gouvernants ont développé une conscience aiguë des impératifs de la croissance, une véritable obsession du développement économique et de la création d'emplois. Au Québec, depuis 1960, on a voulu faire beaucoup de choses: des réformes dans l'éducation, dans les Affaires sociales; la nationalisation de l'électricité; la création de sociétés d'État, la caisse de dépôt, la SGF, SOQUEM, SOQUIP, REXFOR, Société nationale de l'amiante; plus récemment, la mise en place de programmes d'assurance automobile, zonage agricole, création des MRC. Il convient également de noter que toute la scène politique québécoise a été dominée, de 1976 à la fin de 1981, par le débat sur la question nationale, le référendum, le rapatriement de la constitution.

Dans presque tous les cas, l'objectif de croissance économique était soit absent, soit secondaire. Au fait, la seule mesure gouvernementale de grande envergure, ultimement dominée par des considérations de croissance économique et de création d'emplois, fut le projet de la Baie-James. Ce fut d'ailleurs le moteur principal de l'activité économique des dernières années.

Mais il y a plus que de l'indifférence à l'endroit de la croissance. Plusieurs gestes, plusieurs attitudes, plusieurs politiques ont été néfastes en termes de développement. Notons, sans égard au gouvernement qui était au pouvoir au Québec, la politique du salaire minimum, l'alourdissement graduel du fardeau des impôts, l'élargissement de l'écart de rémunération entre les employés des secteurs public et privé, l'incertitude face à l'avenir du Québec dans le Canada.

En ce qui concerne le gouvernement actuel, les initiatives qu'il a prises dans certains domaines ont-elles toujours tenu compte des impératifs de la croissance économique et de la création d'emplois? Par exemple, dans les relations du travail, la loi sur la CSST; la Loi sur les normes minimales de travail; l'éponge passée sur les poursuites, un sujet qui a été abordé encore tout récemment et qui est à l'ordre du jour; le maintien de l'impôt sur les droits de succession, le seul impôt du genre au Canada; l'alourdissement très considérable de l'impôt sur les revenus élevés; la transformation du régime fiscal des entreprises en taxes sur les listes de paie, véritables taxes à l'emploi, et en taxes sur le capital souscrit; les dispositions tatillonnes de la loi 101 sur l'affichage; l'accès à l'école anglaise; la francisation des entreprises et l'accès à la pratique des professions; le doublement de 20% à 40% de la taxe ascenseur sur l'essence, une mesure hautement inflationniste et régressive au plan du développement régional, et la politique fiscale à contresens, c'est-à-dire procyclique, de 1982.

Évidemment, il y a plus. Examinons brièvement ce qui nous pend au bout du nez si le gouvernement actuel s'avise de réaliser quelques mesures contenues dans le programme officiel du Parti québécois de 1982. L'article no 1 du programme: l'indépendance. Relations du travail: nouveau Code du travail permettant l'accréditation multipatronale et sectorielle. Encore dans ce programme du Parti québécois: favoriser, pour les travailleurs, une juridiction partielle ou complète sur la marche de leurs entreprises, créer un organisme appelé à juger du bien-fondé des licenciements avec compensation financière déterminée par l'organisme, rapatrier les principaux centres de décision dans les relations de l'État avec les entreprises en s'appuyant prioritairement pour le faire sur les entreprises publiques et coopératives, etc. L'intervention prioritaire de l'État s'impose dans les secteurs dont l'impact est majeur sur l'économie. Encore l'intervention du gouvernement dans les richesses naturelles, dans l'énergie; accorder aux sociétés d'État les moyens de jouer un rôle plus important dans notre économie -c'est là encore dans le programme 1982 du Parti québécois - exclure toute participation étrangère dans des secteurs considérés comme vitaux; permettre une participation étrangère minoritaire variable, selon les secteurs, dans les services publics, le secteur financier, etc. Permettre une participation étrangère majoritaire dans les secteurs qui n'ont aucun effet réel sur l'orientation de l'économie.

On continue ainsi, dans ce même

programme: autoriser la Société de réorganisation industrielle ou tout organisme créé à cet effet à prendre à son compte toute entreprise rentable qui ferme ses portes ou déménage hors du Québec, réglementer les entrées et les sorties d'épargne et de profit, faire de SOQUIP un important agent de raffinage et de distribution avec des stations-service, etc., permettre à SOQUEM d'exproprier les gisements découverts par le secteur privé et non exploités. Dans l'amiante, créer un office de mise en marché, etc. Créer une société des communications par le regroupement sous contrôle majoritairement public des divers réseaux de télécommunications, aux fins d'acheminer à travers tout le territoire et vers l'étranger le téléphone, le télégraphe, l'image et les données électroniques, etc., toujours dans le même programme 1982 du Parti québécois.

On parle évidemment du capital-actions qui ne peut pas être détenu par des non-résidents. On parle d'abolir les compagnies privées de petits prêts; de s'assurer écoutez cela, M. le Président - au besoin par des mesures législatives, que les épargnes des Québécois et des Québécoises, canalisées dans les institutions financières, soient majoritairement réinvesties au Québec. On veut canaliser l'épargne des Québécois et des Québécoises et faire en sorte qu'elle soit canalisée là où ce gouvernement va vouloir que ce soit canalisé; obliger les compagnies d'assurance-vie, etc.

Voilà en vrac ce qu'on peut lire aujourd'hui dans l'édition de 1982 du programme officiel du Parti québécois. Toutes ces mesures conçues à une autre époque reflètent une sorte de méfiance maladive à l'endroit des milieux d'affaires et une confiance aveugle à l'endroit du secteur public, des sociétés d'État, des instruments fiscaux, législatifs et réglementaires du gouvernement. Elles indiquent également jusqu'à quel point l'équipe gouvernementale actuelle aurait besoin d'un grand recyclage intellectuel pour acquérir cette véritable obsession de la croissance économique et de la création d'emplois qui nous font aujourd'hui cruellement défaut, car autant il était normal, dans les années soixante et au début des années soixante-dix, de multiplier les instruments d'intervention d'un État atrophié par vingt ans de conservatisme, autant il faut repousser, dans les années quatre-vingt, la tentation de recourir à une dose supplémentaire d'activisme gouvernemental et d'État providence, car la croissance économique ne peut venir que de l'expansion du secteur privé. C'est clair comme de l'eau de roche que le secteur public présentement est saturé, que les finances de l'État sont à sec. Quand cette croissance ne peut venir que du secteur privé, c'est avec infiniment de prudence et de circonspection que l'État doit planifier ses interventions dans des domaines aussi sensibles que ceux des relations du travail, des sociétés d'État, de la fiscalité, de la réglementation touchant les milieux d'affaires, du climat social en général.

Un nombre grandissant de Québécois et de Québécoises constatent aujourd'hui que le gouvernement actuel est à court d'idées et à bout de souffle. L'histoire politique récente du Québec nous enseigne qu'il s'agit là en un sens du processus familier de l'usure du pouvoir. Toutefois, dans les circonstances présentes, le problème est beaucoup plus profond. Depuis le rejet de son option séparatiste lors du référendum, ce gouvernement est dans l'impasse au plan constitutionnel. Nous en avons subi les conséquences dans le débat de 1981 sur le rapatriement de la constitution. Il est aussi dans l'impasse au plan de son idéologie et de son programme politique. Ou bien il se conforme à l'esprit, sinon à la lettre de son programme politique, accentuant ainsi le déséquilibre entre le secteur public et le secteur privé et compromettant davantage le climat d'investissements au Québec, ou bien il renie l'essentiel de son programme, confirmant dans une sorte d'imposture politique le divorce entre sa base électorale et son attitude réelle comme gouvernement. Si sa véritable priorité était celle de l'économie et de la création d'emplois, le premier geste qu'il devrait poser serait de biffer l'article no 1 de son programme, c'est-à-dire l'accession du Québec à l'indépendance. Il devrait ensuite se livrer à un véritable recyclage d'attitude et de mentalité. Il devrait enfin entreprendre une révision systématique de toutes ces lois, ces règlements, ces taxes, ces impôts, ces politiques qui sont contraires aux impératifs de la croissance économique par l'entreprise privée. (17 h 10)

Nous aurions besoin, au Québec, d'une sorte de conscience collective active et permanente, une sorte d'ombudsman de l'économie qui nous rappellerait avec insistance les conséquences des initiatives gouvernementales sur la croissance économique et la création d'emplois. Puisque le gouvernement actuel semble incapable de se plier à cette discipline, il faudrait trouver le moyen institutionnel de lui rappeler quelles sont nos priorités collectives. Cela pourrait prendre la forme d'un organisme indépendant, d'une personne mandatée par l'Assemblée nationale, d'une commission parlementaire spéciale ou même d'une procédure nouvelle de ventilation, dans le public, des conséquences de l'action gouvernementale en termes de croissance et de création d'emplois.

C'est une véritable obsession collective de la croissance que nous devons créer chez

nous dans les plus brefs délais. Autrement, les objectifs fort louables que le gouvernement peut vouloir poursuivre dans le virage technologique demeureront ce qu'ils sont présentement: des voeux pieux, un projet académique.

M. le Président, nous venons de voir à quelle sorte de changement d'attitude, de mentalité, à quelle forme de recyclage intellectuel nous devrions soumettre nos gouvernements actuels afin de redresser nos priorités en fonction des impératifs de la croissance et de la création d'emplois. Passons maintenant au deuxième élément de ce redressement collectif, la réforme de notre secteur public.

Le signe le plus visible qu'il y a là un problème d'envergure, c'est le déséquilibre dans les finances publiques. Plus spécifiquement, les taxes et les impôts, les tarifs et les prélèvements divers du gouvernement québécois compromettent la compétitivité de notre économie par rapport à celle de nos principaux partenaires commerciaux, en dépit de la persistance sur plusieurs années d'un déficit budgétaire de plus de 3 000 000 000 $.

Dans une étude récente, le Conseil du patronat établissait qu'à partir d'un indice d'effort fiscal égal à 100 pour l'ensemble des provinces canadiennes, le Québec avait un indice de 122, alors que celui de l'Ontario se situait à 101 et celui de l'Alberta à 63. Les taxes sur la masse salariale, c'est-à-dire les "taxes à l'emploi" dont nous avons parlé il y a quelques minutes, étaient en moyenne de 11,6% au Québec et de 6,9% seulement dans la province voisine. En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers, pratiquement tous les contribuables dont le revenu est supérieur à 22 000 $ par année sont surtaxés dans des proportions allant jusqu'à 20% par rapport aux contribuables dans le reste du Canada. Le Conseil du patronat concluait: "La fiscalité demeure l'un des problèmes majeurs qui nuisent au développement économique du Québec et il est nécessaire d'améliorer la situation comparée de l'entreprise québécoise."

Or, justement, il est impossible, à court terme, de réduire notre effort fiscal sans compromettre davantage une situation fiscale déjà précaire. Ramener nos taxes et nos impôts au niveau des autres provinces ferait littéralement exploser notre déficit budgétaire. Il passerait de 3 300 000 000 $ à 6 000 000 000 $, ce qui dépasse largement nos capacités d'emprunt. Les taxes et le déficit ne sont que les symptômes d'un déséquilibre plus profond.

C'est un de nos anciens collègues, M. André Raynauld, qui, dans une étude récente sur la situation financière du gouvernement du Québec, établissait qu'en termes de dépenses budgétaires, de rémunération et de volume d'emplois, le secteur public québécois est pratiquement de la même taille que le secteur public ontarien. Or, notre population est de 30% inférieure et notre économie est 40% plus petite. Une telle équation est insoutenable. L'équilibre s'est rompu quelque part entre le secteur privé et le secteur public. Il est évident que ce dernier s'est hypertrophié par rapport à la taille de notre économie, nous laissant un choix douloureux entre la voie de l'endettement et celle de l'effort fiscal excessif.

Ce déséquilibre représente beaucoup plus qu'une question de dollars et de part relative du produit intérieur brut. Il touche nos choix collectifs entre une société hyper-centralisée, bureaucratisée, gouvernée à distance dans les ministères concentrés à Québec et une société où les institutions électives locales demeurent actives, où les citoyens ont le goût et les moyens de se prendre en main. Un peu partout dans nos réseaux de services publics, les hôpitaux, les centres d'accueil, les CRSSS, mais singulièrement dans le domaine de l'éducation, le biais centralisateur qui existe dans le secteur public québécois achève de déshumaniser les services à la population et de vider de toute substance les instances administratives et décisionnelles locales. C'est dans l'éducation, à l'occasion de la commission parlementaire du 2 au 7 mars 1983, que nous en avons eu l'illustration la plus récente. Ici, le biais centralisateur vient à la fois d'en haut, via les directives pédagogiques, les règles administratives et l'encadrement budgétaire du ministère et, d'en bas, via les conventions collectives négociées pour l'ensemble de la province.

Dans la mesure où tous les établissements d'enseignement primaire, secondaire et collégial du Québec doivent être codés, fichés, standardisés, normalisés, administrés et contrôlés par le ministère de l'Éducation, les 300 pages de convention collective écrites "serrées" ainsi que les pages en nombre encore plus considérable de directives diverses ne suffisent plus. La réalité est trop complexe, trop diversifiée pour passer sous un tel rouleau compresseur.

Or, c'est par une sorte de "fuite en avant" que le gouvernement a voulu régler le problème. Il a superposé 300 pages de décrets par-dessus les 300 pages de convention collective pour chaque unité de négociation. De plus, le ministre de l'Éducation a conçu le projet d'enlever aux commissions scolaires des parcelles additionnelles de leurs pouvoirs déjà très diminués. C'est ainsi que prend forme sous nos yeux une sorte de jungle administrative de plus en plus inextricable dans laquelle le partage des responsabilités est suffisamment confus pour empêcher le fonctionnement normal des . institutions démocratiques. Ici, également, on a perdu le sens du juste équilibre entre les pouvoirs à exercer

localement et ceux qui doivent relever directement du gouvernement. C'est l'équilibre entre la centralisation et la décentralisation qu'il importe de rétablir.

Passons enfin à l'administration publique définie au sens le plus étroit du terme. Si le Québec est aujourd'hui dans une impasse financière, c'est dû pour une bonne part au fait que le gouvernement n'est pas en mesure de fournir à sa population des services à peu près comparables à des coûts comparables à ceux des autres provinces. Comme les porte-parole gouvernementaux l'ont noté avec insistance au cours des derniers mois, le problème de la productivité et des coûts dans le secteur public relève en partie des conventions collectives et des décrets qui leur sont désormais substitués. Mais il touche également les pratiques administratives des ministères, des réseaux et des institutions, le système d'évaluation et de promotion des cadres et des administrateurs, l'évaluation des programmes, le mandat du Vérificateur général, la réforme parlementaire, l'imputabilité des hauts fonctionnaires, etc.

Au Québec, les mécanismes de contrôle budgétaire, la planification à moyen terme du cadre financier, l'évaluation des programmes, les techniques de gestion des fonds publics n'ont jamais dépassé le niveau de sophistication qui caractérisait les ensembles administratifs comparables à la fin des années soixante. On ne s'est jamais préoccupé de "budgétisation à base zéro", d'évaluation de l'efficience et de l'efficacité des programmes, de "sunset legislation", d'enveloppes budgétaires à moyen terme, etc. C'est comme si le Québec avait décroché, il y a plusieurs années, de tout un train de réformes administratives qui ont pourtant été poursuivies avec vigueur ailleurs au Canada, aux États-Unis et un peu partout dans le monde. Faut-il croire que les députés et ministres péquistes sont insensibles aux carences administratives d'un secteur public dont ils sont eux-mêmes issus pour la plupart? Ou, encore, a-t-on sacrifié les préoccupations administratives à la quête obstinée de l'indépendance? Quelle que soit la réponse à ces questions, il est clair que le Québec a accumulé beaucoup de retard au plan strictement administratif et que la population en fait aujourd'hui les frais.

Toutes ces considérations relatives au secteur public québécois nous conduisent à une même conclusion: un examen approfondi de tout l'appareil de l'État doit être entrepris dans les plus brefs délais. Cet examen devra servir de base à une réforme étendue du secteur public et de l'administration gouvernementale. Autrement, il sera impossible de redresser les finances publiques et d'abaisser de façon durable le niveau des impôts. Nous ne serons jamais en mesure de rétablir l'équilibre entre les secteurs public et privé, de retrouver un juste milieu entre la centralisation et la décentralisation, d'humaniser nos services publics et rendre efficace l'encadrement administratif gouvernemental. (17 h 20)

Comme un tel effort de réflexion et de recherche peut difficilement être l'apanage du gouvernement ou de ses instances bureaucratiques, particulièrement le gouvernement que nous avons en face de nous, comme l'ensemble des faits pertinents à ce débat ne sont pas encore connus, comme il nous reste beaucoup à apprendre sur les instruments propices à rétablir et à maintenir la plus grande rigueur administrative, seule une commission d'enquête de grande envergure est susceptible de nous conduire à une telle réforme du secteur public.

Nous avons connu, au Québec, deux commissions d'enquête de grande envergure qui ont eu leur impact décisif sur l'évolution du secteur public: les commissions Parent, en éducation, et Castonguay-Nepveu, en politique sociale. Il me semble évident que le temps est venu d'entreprendre un effort de réflexion et de réforme d'une importance comparable sur l'économie générale du secteur public au Québec.

M. le Président, maintenant vous me permettrez de passer simplement à un autre sujet extrêmement important et qui nous frappe particulièrement à ce moment-ci, c'est l'importance de la crédibilité du gouvernement actuel. Nous savons que ce gouvernement a été une faillite dans le domaine constitutionnel, encore une fois, dans le domaine économique, dans le domaine financier et budgétaire, dans le domaine social, dans le domaine des relations du travail, partout. Si on pouvait s'attendre que ce gouvernement puisse au moins nous donner l'heure juste, puisse au moins nous dire la vérité. Si on pouvait se fier à ce gouvernement. Par exemple, dans un discours inaugural, on peut dire: II n'y a pas grand-chose dedans, mais on peut se fier à ce qui est écrit là. Si on pouvait avoir confiance dans la parole d'un premier ministre ou d'un ministre qui se lève et donne une réponse, si on avait cette confiance, au moins on dirait: La réponse n'est pas satisfaisante dans son contenu, mais on sait qu'elle correspond à la réalité.

Je veux profiter de ce discours inaugural pour rappeler au gouvernement l'importance de maintenir une crédibilité que de plus en plus il perd chaque jour. Je n'ai pas l'intention de revenir sur les événements récents. Nous aurons d'autres occasions d'y toucher. Permettez-moi simplement de rappeler certains exemples, cela seulement à titre d'exemple parce que nous pourrions passer le reste de la journée ici à en parler. On sait que ce gouvernement est spécialisé,

comme je l'ai dit, dans le vocabulaire; il est également spécialisé dans la propagande. Pas dans la publicité, dans la propagande. Il utilise tous les moyens à sa disposition, particulièrement les fonds publics, pour faire cette propagande.

Mais si au moins cette propagande, cette publicité, cette information était réelle, était vraie, on dirait: Ce qu'ils disent est la vérité. De plus en plus, ce gouvernement utilise les fonds publics, utilise sa propagande pour tromper la population et il est grave de constater tout ce qui s'est dit. Je vais simplement vous donner des faits qui sont clairs comme de l'eau de roche. Je me demande si on est revenu aux anciens politiciens d'autrefois, lorsqu'on parlait des promesses qui étaient faites par ces gouvernements, par ces députés. Personne n'y croyait parce que c'était, apparemment, dans le temps, des choses normales. Depuis ce temps, on a évolué. Là aujourd'hui, des hommes politiques, on s'attend que, lorsqu'ils parlent, ils disent la vérité, qu'ils ont, autrement dit, suffisamment de faits, lorsqu'ils arrivent à une conférence de presse pour annoncer tel ou tel projet, pour qu'on puisse y croire, que la population puisse y croire.

Ce gouvernement a répété je ne sais combien de fois des conférences de presse en régions, partout, de sorte que les gens des autres régions qui ne sont pas à cet endroit s'imaginent que tout ce qui a été annoncé là-bas, c'est vrai, cela s'est fait. Finalement, on essaie de créer une sorte de psychose de réussites et de réalisations. Mais lorsque l'on va dans la région même, lorsque l'on va aux endroits en question, les gens nous disent: Bien non, cela ne s'est jamais fait. Il faudrait mettre fin à ce genre de parades, de voyages, de sorties, de conférences de presse qui se terminent par ce genre de non-réalisation et qui font que les hommes politiques seront peut-être jugés plus tard comme ceux d'autrefois sont jugés aujourd'hui. Il est bien important - je reviens là-dessus, M. le Président - de maintenir la crédibilité nécessaire à l'action parlementaire et politique. On va aller dans ma région. Cela ne vous fait rien qu'on commence un peu par chez nous? Avant les élections, le 1er avril 1981, que lisait-on dans les journaux? Je prends simplement un journal, mais tous les journaux, la radio, la télévision et les conférences de presse, dans chaque cas, cela a marché. On parle de la papeterie de Matane: "Le ministre Bérubé a déclaré que toutes les pièces maîtresses étaient en place et que plus rien ne faisait obstacle à la réalisation de la papeterie et à la reprise des activités de l'usine de Marsoui qui sont intimement liées". C'était le 1er avril 1981.

Une voix: La faute du fédéral.

M. Levesque (Bonaventure): Aujourd'hui, en 1983, il n'y a pas de papeterie à Matane. Il y en a si peu que présentement les gens sont dans la rue. Et le ministre député, qu'a-t-il à dire? Il dit que c'est la faute du fédéral. Les gens lui demandent: Mais as-tu un entrepreneur? As-tu le promoteur, parce que cela fait longtemps que c'est promis, que c'est décidé, et tous les éléments - pour répéter encore une fois - toutes les pièces maîtresses étaient en place. C'était l'annonce qu'on avait faite. En 1983, on ne sait pas qui est le promoteur. Le ministre lui-même ne peut plus dire qui est intéressé à investir dans une usine à Matane. Personne! II n'y a pas de promoteur. Il dit: Ce sera peut-être l'un, ce sera peut-être l'autre, peut-être que d'autres seraient intéressés. Si le fédéral annonce qu'il va donner une subvention, on aura peut-être des gens qui vont s'y intéresser davantage. Mais est-ce ce qu'on a dit en 1981 à la veille des élections, après avoir fait la chicane dans la vallée de la Matapédia, comme on l'a fait après avoir... Parlez-en au député de Matapédia, il a fait une maladie de cette sorte de chose qui s'est passée. Il n'y a pas seulement cela; on annonçait en même temps l'établissement d'une usine à Causapscal, une grande usine, la plus grande scierie, je crois, qu'on n'aurait jamais vue. Allez-y, à Causapscal. Cherchez-la, l'usine. Il n'y en a pas. Il y en avait avant les élections. Il n'y en a pas après les élections.

Dans mon propre comté, le 28 février 1981, avant les élections, un communiqué venant du cabinet du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation annonçait ce qui suit: "Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, M. Jean Garon, a annoncé aujourd'hui à Bonaventure la réouverture prochaine du chantier maritime de Paspébiac. M. Garon a précisé que le ministère avait conclu récemment un bail de location, etc." Il n'y a rien qui s'est fait, absolument rien! Allez-y, au chantier maritime. Il est fermé. Il n'a jamais ouvert une heure. Pourquoi prendre le jet ou je ne sais quoi du gouvernement, descendre en Gaspésie, venir là et commencer à annoncer, à amener des fonctionnaires et à faire des communiqués? Rien, absolument rienl

Une voix: C'est bien Garon!

M. Levesque (Bonaventure): Prenons, par exemple, le cas de Gaspé. En 1978, le premier ministre et je ne sais pas combien de ministres - il y en avait tout un chapelet, si on peut employer le mot pour ces gens, il y en avait beaucoup - s'étaient rendus...

Des voix: Ils ne sont pas des enfants de choeur.

M. Levesque (Bonaventure): ...à Gaspé et là, ils ont été reçus par toutes les autorités et la population, parce qu'ils annonçaient quoi? Ils étaient venus, le premier ministre et toute cette série de ministres - pendant plusieurs jours, colloques, sommets, mettez-en - pour annoncer que Gaspé devenait la capitale des pêches au Québec. Un plan quinquennal de 200 000 000 $ avait été annoncé. On n'a rien vu. Ce qu'on a vu, par exemple, c'est qu'aujourd'hui la Gaspésie conserve un goût amer de 1982. Le ministre des Pêcheries n'est plus montrable dans la région. Quand on regarde une étude du CRD, on y lit ceci: "Dans la région, cinq ans plus tard - en 1983 par rapport à 1978, les grandes annonces -l'échec du grand projet issu du sommet de 1978 semble être consommé. La chute est d'autant plus douloureuse que l'on était monté plus haut en termes d'espoir. Le gouvernement et plus souvent le premier ministre en sont tenus responsables. Ce dernier, en particulier, n'aurait pas fait preuve de suffisamment d'autorité pour imposer la mise en oeuvre du programme qu'il avait lui-même proposé, programme perçu dans le milieu comme le fruit de la concertation et du consensus populaire. (17 h 30) "Par voie de conséquence, dit l'étude en question, la capacité du gouvernement à gouverner est remise en cause. La concertation est bafouée. Le consensus populaire a perdu son sens et le pays paraît, en fait, être dirigé par les commis de l'État dont les orientations technocratiques se révèlent incapables de tenir compte des facteurs humains." Cela, ce ne sont pas des libéraux, ce n'est pas la commission politique du Parti libéral, c'est une étude du Conseil régional de développement et les gens qui y ont travaillé l'ont fait avec grande objectivité et sont arrivés à ces conclusions.

Prenons la région de la Mauricie et de Bécancour; qu'annonce-t-on au Coeur du Québec? Ceci, c'est en 1981. "Le dossier d'implantation d'une aluminerie du groupe français Pechiney dans le parc industriel de Bécancour, un investissement potentiel évalué à 750 000 000 $, pourrait bien connaître son dénouement dès le début de 1982." Cela a été annoncé par M. Bernard Landry, ministre d'État au Développement économique lors de son passage à Victoriaville. Que voit-on en 1983? On entend le ministre Jacques Parizeau: Le projet d'aluminerie de Pechiney se réalisera tôt ou tard. Tôt ou tard!

M. le Président, prenons une autre région, celle de l'Outaouais. Usine de 120 000 000 $ près de Maniwaki, 500 emplois pour la région. "Un complexe intégré de transformation et d'utilisation de la forêt sera construit à Maniwaki, en 1981, au coût de 120 000 000 $, a annoncé hier le député de Hull et ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement, Mme Jocelyne Ouellette." Je vois qu'on est en 1983, je tourne la page et je lis: "Le dossier du centre intégré de transformation et d'utilisation forestière qui devait créer 500 emplois n'a pas bougé au cours de l'année 1982 et on ne doit pas s'attendre à d'autres développements dans ce dossier au cours des prochains mois."

M. le Président, pourquoi déranger tout le monde et annoncer des choses comme celles-là quand on n'a pas les faits, quand on n'a pas les assurances? Attendez donc que les choses soient sûres avant d'annoncer cela. Ne profitez pas des veilles d'élections pour annoncer toutes sortes de choses. Vous ne pouvez pas, après, livrer la marchandise. Cela attaque directement la crédibilité du gouvernement. Les gens ne vous croient plus. Vous aurez beau vous promener, aller dans les hôtels de ville, parce que cela attirera peut-être l'attention un peu plus, aller à différents endroits, à la tribune de la presse, faire des visites en région avec des promesses comme celles-là, tâchez de vous dire une chose: Les gens ne vous croient pas, ne vous croiront que si cela se produit.

M. le Président, prenons par exemple un autre domaine: l'assainissement des eaux. Est-ce qu'on a entendu parler de l'assainissement des eaux? Ah! M. le Président... Non, attendez! Le 26 octobre 1979, le ministre responsable alors de l'assainissement des eaux, devant plus de 300 personnes, maires, députés, industriels, comités de citoyens - c'était un communiqué de presse no 2 venant du cabinet du ministre délégué à l'Environnement - annonçait un programme de 2 000 000 000 $ à l'intérieur d'un programme de 6 000 000 000 $. Le milliard n'était pas important. Allez-y! Ce n'est pas important. Pourquoi avoir fait cela en 1979, alors qu'on voit aujourd'hui que cela n'a pas marché? Il ne s'est presque pas dépensé plus d'argent. Cela a été 125 000 000 $ ou 150 000 000 $. À ce rythme-là, savez-vous combien cela prendra d'années pour faire le programme? Le proposeur et tous nous autres, témoins, serons morts au rythme où cela va.

Que voit-on, maintenant, le 1er février 1983, dans la presse, soit quatre ans après: Les milliards se font attendre. Je n'ai pas inventé cela. Où sont les milliards d'investissements promis par le gouvernement péquiste pour l'assainissement des eaux? En voulez-vous des exemples? Il y en a partout. Prenons la région du Bas-Saint-Laurent, la région des Alléganys plus précisément. C'était à la veille des élections. Je me rappelle que c'était notre collègue qui se présentait, M. Julien Giasson, un bon homme, un bon libéral à part cela. Qu'est-ce qu'il avait dans la face pendant qu'il se présentait? Il avait: "Saint-Juste décroche

l'usine de méthanol." C'était la veille des élections. Saint-Juste a décroché l'usine de méthanol. Je lis: "L'usine de méthanol, dont le projet a déjà été énoncé dans ses grandes lignes ces dernières semaines par certains ministres du gouvernement québécois, sera située à Saint-Juste-de-Bretenières." Voilà, c'est réglé. Merci, tout le monde est content. Voilà! Maintenant, en 1983, la population reste sur son appétit.

En voulez-vous d'autres, M. le Président? J'en ai des séries comme cela. Celle-ci est bonne. J'y passe tout de suite: "Bernard Landry veut réduire le taux de chômage à 3%."

Des voix: Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Je la passe tout de suite celle-là.

Une voix: Cré Bernard! Ils l'ont envoyé en Afrique.

M. Levesque (Bonaventure): Si on allait un instant dans le comté de Portneuf, de notre ami, M. Michel Pagé, l'excellent député et whip. Qu'est-ce que l'on disait le mardi 7 avril 1981? C'est curieux que ce soient des dates qui nous touchent pas mal. On sait que la dernière élection a eu lieu le 13 avril 1981. Or, qu'est-ce qui se passait le 7 avril, soit six jours avant l'élection? "Bérubé va de l'avant avec le projet Delaney". Qu'est-ce que l'on dit? "Le prochain gouvernement du Parti québécois ira de l'avant avec le projet Delaney cette année." Voilà ce que vous disiez, messieurs. Voilà ce qui se disait durant la campagne électorale au mois d'avril 1981. Tournons la page. En 1983, le 28 février: "Duhaime confirme le retard." Si on pouvait avoir les journaux deux ou trois ans d'avance avec ce gouvernement!

Allons quelques instants dans la région de l'Amiante. Je me rappelle que j'étais allé moi-même dans cette région au cours de la campagne électorale de 1981. Des organisateurs du Parti libéral m'ont rencontré et m'ont dit: Si vous avez d'autre chose de plus pressé à faire, allez donc le faire ailleurs parce qu'ici cela ne sert à rien. Les gens sont convaincus de ce que leur a dit le gouvernement. J'ai demandé ce que le gouvernement leur avait dit. Il leur a dit: On exproprie la mine Asbestos Corporation et tous les gens ont la sécurité d'emploi. Il n'y a rien de plus beau. On voit d'ailleurs le député du temps, c'était... Encore une date assez curieuse, le 26 mars 1981, soit à peu près deux semaines avant l'élection: "La popualtion du comté de Frontenac - disait-il - ne devra pas hésiter à voter pour le Parti québécois, car c'est la seule formation qui propose un deuxième souffle à la région de Thetford Mines." Je ne sais pas si c'est cela qu'il disait quand il était assis sur sa petite chaise dans le milieu de la rue récemment, avec son pupitre.

Tout ce qu'on voit par la suite, en janvier 1983: "Les graves problèmes devraient persister. Le cauchemar que vivent depuis deux ans les sociétés engagées dans l'exploitation des gisements d'amiante des Cantons de l'Est ne prendra probablement pas fin avant de longs mois. Il se pourrait que l'année qui vient de débuter soit marquée par des mises à pied aussi fréquentes et aussi prolongées que l'année qui vient de prendre fin." Ici, sur l'amiante: "Fortier somme le PQ de livrer la marchandise promise en matière d'emplois". On a été obligé d'aller dans la région, on a été obligé d'encourager un peu les gens, leur dire que le gouvernement actuel connaîtra bientôt sa fin, que le député terminera ou ne terminera pas son mandat, on ne le sait pas encore, mais chose certaine, quand on voit cela, qu'est-ce qu'on a? Comment voulez-vous que les gens vous croient? (17 h 40)

Je vois que le temps passe. J'ai encore quelques exemples ici: la taxe ascenseur, c'est la taxe - au cas où quelqu'un oublierait, mais les gens n'oublient pas facilement - que le gouvernement actuel, que le ministre des Finances a imposée à la fin de 1981. On se rappelle que l'élection a eu lieu le 13 avril 1981. Il y a eu avant cela -le gouvernement s'est vanté - un budget. Il a fait un budget. Il a dit: On n'a pas peur de venir devant le peuple, nous autres, on fait un budget avant de venir devant le peuple. C'est la première fois dans l'histoire du Québec que, durant la même année, on doit avoir un deuxième budget, non pas seulement un budget supplémentaire, mais après l'élection, on revient. On en a un bon avant, et après cela, on dit que celui qui était bon a été fait en catastrophe. Il y a même eu un comité des onze pour s'occuper de cela, pour dénoncer le gouvernement. Cela faisait donc drôle! Cela faisait démocratique. Cela fait sérieux. Il y a peut-être eu des petites récompenses là-dedans.

Ensuite, qu'est-il arrivé? Deuxième budget. On arrive avec la fameuse taxe ascenseur après les élections. Cela fait qu'aujourd'hui, on regarde ce qui se passe dans le pays. Combien payons-nous au point de vue des taxes? On dit que cela se ressemble. Voyons si cela se ressemble! Prenons la Colombie britannique, elle paie 0,06 $ de taxe le litre d'essence, je vais laisser faire les dixièmes; le Manitoba, 0,06 $; l'Ontario, 0,07 $; le Nouveau-Brunswick, 0,06 $; l'Île-du-Prince-Édouard, 0,09 $; la Nouvelle-Écosse, 0,08 $; Terre-Neuve, 0,09 $; le Yukon, 0,04 $; les Territoires du Nord-Ouest, 0,06 $; le Québec, de 0,15 $ à 0,16 $.

Pour revenir à mes choses, parce

qu'une fois qu'on a rétabli cela, on va voir ce qu'ils ont dit quand ils ont fait cela, on a ici une déclaration du président du Conseil du trésor: "Le gouvernement pourrait abolir la récente taxe sur l'essence plus vite que vous ne le pensez, M. le Président", a laissé échapper jeudi soir le président du Conseil du trésor, M. Yves Bérubé. Le 9 mars 1983, qu'est-ce qu'on lit? La taxe ascenseur sur l'essence sera ajustée à la hausse pour tenir compte des augmentations de prix, même si le niveau de cette taxe doit être révisée d'ici le 31 mars. C'est ce qu'a déclaré hier en Chambre le ministre des Finances, M. Jacques Parizeau. Comment voulez-vous croire ces gens? Cela n'a aucun sens. Non seulement ils nous surtaxent, mais ils nous mentent les uns après les autres. Pour employer un mot parlementaire, je dirai qu'ils ne nous disent pas la vérité.

On pourrait continuer dans le domaine de la culture. On voit un musée d'art et de civilisation qui a été annoncé en 1980. Il y avait tout un concours architectural. Non, je ne peux pas parler de cela, M. le Président. C'est arrivé pendant que vous étiez député et je n'ai pas envie de vous impliquer là-dedans. Je vais passer par-dessus.

Une voix: Ils ont été sauvés. Une voix:Ils sont chanceux.

M. Levesque (Bonaventure): On pourrait parler des sommets économiques. On pourrait parler du projet Archipel. Enfin, il y en a toute une autre série ici. Mais je vois que le temps passe et je voudrais simplement terminer en disant au gouvernement, à ce sujet, que sa crédibilité est fortement entachée. Avant de perdre tout ce qui reste de crédibilité, qu'on fasse donc attention avant de parler au public. Si on n'a pas le respect des députés, qu'on ait au moins le respect du public, de la population, des régions et qu'on n'aille pas faire croire des choses qui ne se réalisent pas, qui font en sorte que ce qui a été dit ne constitue qu'une sorte d'espoir qu'on laisse là, mais qui, en fait, est une tromperie.

M. le Président, pour terminer, après avoir fait un examen de ce qu'a été le discours inaugural du premier ministre, ce message complètement vide qui ne répond pas aux aspirations de la population, après avoir fait un examen de la situation économique, après avoir examiné les indicateurs économiques, après avoir fait une étude comparative du Québec, de l'Ontario et des autres provinces, après avoir proposé certaines mesures au moins positives qui sont permises à l'Opposition - nous n'avons pas le droit, évidemment, de gouverner; nous ne pouvons pas faire ce que nous aimerions faire - avec les modestes moyens que nous avons, nous croyons important d'attirer l'attention du gouvernement pour que les mesures qu'il préconise et qu'il peut faire passer soient réellement imbues de cette obsession de la croissance économique. Autrement dit, qu'on ne pose pas de gestes qui sont de nature à nuire à la création d'emplois et à la croissance économique. Nous avons même proposé d'avoir une sorte d'ombudsman de la croissance économique pour justement rappeler à ce gouvernement qui en a tellement besoin qu'en posant tel geste, il fait perdre tant d'emplois, qu'en taxant l'essence, comme il l'a fait, il fait perdre des emplois, il cause des dépenses additionnelles à l'industrie, il défavorise les régions périphériques. On voudrait que ce gouvernement soit conscient des conséquences des gestes qu'il pose et des gestes qu'il ne pose pas, du fait que sa fiscalité n'est plus tolérable présentement pour la croissance économique.

Également, nous avons parlé de l'importance de revoir toute la question de l'administration publique, du secteur public, de revoir l'ensemble des conditions qui l'entourent dans le but d'en arriver à pouvoir justement toucher cette fiscalité, parce qu'il faut que l'État revienne à la mesure des besoins de la population et qu'on ait réellement un secteur public qui puisse être appuyé par le secteur privé et par l'ensemble des citoyens.

Mais, aussi, il faudrait que nous puissions arriver à un consensus social. C'est également une préoccupation et j'aurais aimé en parler plus aujourd'hui, parce qu'il est important d'essayer de créer ce consensus social. On ne le créera pas en éliminant les gens qui ne pensent pas comme nous, en les mettant toujours de côté, parce que, à un moment donné, on va être isolés, comme le gouvernement que nous avons devant nous. Il a isolé, il a mis de côté, il s'est éloigné de je ne sais combien de milieux productifs du Québec. Il n'a pas voulu écouter. Il s'est retranché à un point qu'il est présentement isolé du secteur public et du secteur privé. Jamais ce gouvernement ne pourra créer le consensus social dont nous avons tellement besoin.

Ce qui importe aujourd'hui, c'est de tourner la page sur cette époque déprimante de la vie de notre peuple, avec le PQ au pouvoir, et de rétablir un consensus qui a été miné par la désaffection, quand ce n'est l'abandon, de la confiance dans ces institutions, à commencer par cette Assemblée nationale dont les privilèges ont été battus en brèche ces dernières années. Ce consensus doit d'abord et avant tout se rétablir par la base, idéalement en ravivant cette flamme qui, jadis, habitait l'âme de chacun des Québécois et des Québécoises. Le rétablissement de ce consensus passe d'abord et avant tout par la prospérité économique, la croissance économique, par l'instauration

d'un climat propice au travail.

Qu'on abandonne cet éternel paravent constitutionnel d'indépendance pour masquer l'inaction et la morosité. Ouvrons grandes nos portes et cessons de conduire presque manu militari hors de nos frontières les Québécois et les Québécoises qui ne pensent pas comme nous ou qui sont d'origine ethnique ou de langue différente. Retrouvons notre comportement industrieux qui, encore il y a quelques années à peine, faisait du Québec une des plus fières et prospères provinces du Canada. Ouvrons grandes nos portes à l'industrie autochtone canadienne et même étrangère, car c'est là que se trouve la qualité de vie et non dans des édits gouvernementaux. Suscitons l'intérêt de nos jeunes diplômés dans de nouvelles technologies au lieu de fixer des paramètres inextricables dans des publications gouvernementales aux titres pompeux, mais vides de substance. Soyons d'abord et avant tout à l'écoute de notre population et de son sens de la mesure. (17 h 50)

Au-delà de 25 années de vie parlementaire m'ont enseigné une grande humilité, vis-à-vis du pouvoir, d'un consensus de société authentique et vécu. Il est évident que le gouvernement actuel a perdu toute mesure avec cette sagesse qui émane de la population. Son seul contact avec cette population réside dans sa théorie des sondages pour mieux essayer de la manipuler.

À cette population inquiète et désillusionnée, qui contemple ce gâchis où le gouvernement actuel l'a entraînée, je dis: Ne perdez pas espoir car l'alternative libérale s'articule autour de ce consensus humaniste et progressiste. Bientôt, nous avons la conviction que la réalité fera en sorte que nous pourrons amorcer le virage humaniste du Québec en replaçant le gouvernement et ses institutions au service véritable de chacun des membres de notre collectivité.

Depuis bientôt sept ans, nous avons vécu au service de l'idéologie et des desseins de ce gouvernement doctrinaire dont l'acharnement n'a d'égal que son mépris du caractère pluraliste et riche de notre société. Le temps approche où ce viol de notre fierté québécoise au profit d'une idéologie étroite devra faire place à un gouvernement où le citoyen se verra redonner son droit de cité véritable. Je vois le gouvernement actuel se cantonner de nouveau dans son idéologie d'indépendance, de souveraineté et de séparation; encore hier, c'était la pièce maîtresse de ce message inaugural. La population s'est prononcée le 20 mai 1980 d'une façon majoritaire, claire et non équivoque. Cette population a dit non à ce gouvernement, à l'indépendance du Québec. Cette population a fait confiance au Québec, à l'intérieur du Canada. Elle a dit - le message était clair:

Retournez faire vos devoirs. Faites en sorte que le Québec devienne véritablement le partenaire majeur qu'il a toujours été et qu'il devra être de plus en plus dans la fédération canadienne. Et vous, malgré ce verdict de la population, malgré cette réponse claire de vos concitoyens, de vos concitoyennes, vous revenez avec l'indépendance comme pièce majeure d'un message inaugural en 1983 alors que la population s'attend que vous allez essayer de répondre à ses préoccupations d'aujourd'hui, à ses préoccupations du fait qu'on n'a plus de travail ou qu'on est à la veille de perdre son emploi, si cela continue un gouvernement comme cela. Et qu'avez-vous à dire? C'est: On va vous faire l'indépendance. Cela va guérir vos problèmes. Regardez-les applaudir. Entendez-les, si vous ne les voyez pas applaudir, ces gens qui prônent l'indépendance, la séparation du Québec du reste du Canada.

Vous n'avez eu qu'à régler le petit problème de Quebecair, si vous aviez l'indépendance vous ne pourriez pas le régler. Vous n'êtes même pas capables de négocier une petite affaire comme cela. Pensez-vous que vos concitoyens et vos concitoyennes vont vous confier l'indépendance du Québec avec tout ce qu'on peut imaginer de négociations dans le domaine des transports, des chemins de fer, de l'aviation, dans tous les problèmes de ports nationaux, tous les problèmes qui existent au point de vue d'équipement fédéral, au point de vue de la monnaie? Mon Dieu, vous n'êtes pas capables de régler les problèmes les plus modestes, les plus petits sans vous enfarger. Vous n'avez jamais trouvé une solution qui a marché. Vous êtes des "Tricofiliens", c'est cela que vous êtes, des "Tricofilistes", excusez-moi. On va vous confier l'indépendance du Québec? On va vous confier la porte, vous allez prendre la porte parce que vous ne répondez plus aux besoins de la population du Québec.

En 1983, dans une période de crise comme celle que l'on connaît, à près de 1 000 000 de Québécois et de Québécoises qui vivent malheureusement et contre leur gré sur l'aide sociale ou l'assurance-chômage, des gens qui sont à la veille encore de perdre leur assurance-chômage, vous dites: On va vous faire l'indépendance. Pensez-vous répondre aux préoccupations et aux aspirations de la population quand vous dites de pareilles sottises?

Venez donc en élections demain et on va vous le dire si c'est vrai. Venez avec l'indépendance, venez avec votre programme. Jamais vous n'avez été si faibles vis-à-vis de la population et les sondages, aujourd'hui, vous n'en faites plus de fuites de sondages parce que vous savez les résultats. Vous êtes au bas complètement, dans la cave. Les gens ne vous veulent plus et vous êtes arrivés ici

en 1983 avec un message inaugural où vous n'avez comme réponse à donner aux problèmes de pain et de beurre de la population, que l'indépendance. Mais moi je vous dis: La population vous rejettera à la prochaine occasion, à la première occasion. Et je dis à la population du Québec: Ayez confiance. Cela achève, le temps de ce gouvernement. C'est vous qui êtes les maîtres, citoyens du Québec, et vous allez avoir bientôt, je l'espère, l'occasion de vous prononcer et, ensemble, nous pourrons bâtir un véritable Québec à l'intérieur d'un Canada où le Québec sera une force majeure dans ce grand pays qui est le nôtre. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je pense qu'il manquait une conclusion ultime à votre discours, M. le chef de l'Opposition.

Motion de censure

M. Levesque (Bonaventure): Je vous remercie, M. le Président, de me permettre de faire cette motion qui sera, évidemment, votée à la fin du débat: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement pour la tragique insuffisance des mesures annoncées par le gouvernement en vue de faire face à la grave détérioration de la situation économique au Québec."

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Merci, M. le Président. Compte tenu de l'heure - il est presque 18 heures - je demande la suspension du débat jusqu'à 20 heures.

Le Président: S'il y a consentement, effectivement, je vais suspendre les travaux de la Chambre jusqu'à ce soir, 20 heures.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président: Je m'excuse, M. le whip en chef du gouvernement.

M. Brassard: ...avant que nous suspendions, au nom du leader, si vous le voulez bien, je voudrais donner avis que la commission de l'Assemblée nationale se réunira mardi, après la période des questions, à la salle 81-A.

Le Président: J'en prends bonne note, comme tous nos collègues, et sur ce, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 20 h 06)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous pouvez vous asseoir.

C'est la reprise du débat sur le message inaugural. La parole est au député de Rousseau.

M. René Blouin

M. Blouin: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai écouté comme vous tout à l'heure le long discours du chef de l'Opposition et j'ai observé comme vous les députés libéraux tout autour de lui qui s'amusaient de certaines situations qui n'iraient pas bien au Québec sur le plan économique. Le chef de l'Opposition a tenté d'en identifier quelques-unes pour montrer que ces projets ne marchaient pas, que c'était de la frime. Cela m'a un peu étonné. Pendant le souper, j'étais à côté de mon confrère, le député de Montmagny-L'Islet. Je lui ai demandé si, comme l'avait dit le chef de l'Opposition... Je n'avais qu'un exemple à vérifier, je n'ai pas eu le temps de vérifier les autres... Le chef de l'Opposition a évoqué l'usine de méthanol de Saint-Juste-de-Bretenières comme étant quelque chose qui ne marche pas, qui ne marchera pas, qui serait, selon lui, rempli de problèmes et qui serait de la frime. Je n'ai vérifié que ce seul projet, mais je dois dire au chef de l'Opposition que ce projet que j'ai vérifié, il marche. Il marche si bien que, le 19 janvier dernier, le Conseil des ministres a autorisé -c'est ce que m'a dit le député de Montmagny-L'Islet - 2 900 000 $ supplémentaires pour accélérer le départ de ce projet. C'est un projet extrêmement important pour les gens du comté de Montmagny-L'Islet et qui, effectivement, démarrera dans les semaines qui viennent. Je n'ai pas eu le temps de vérifier les autres allégations du chef de l'Oppostion qui provoquaient un grand brouhaha parmi ses troupes; je n'en ai vérifié qu'une et je peux dire avec certitude à cette Assemblée que le chef de l'Opposition - je n'insisterai pas là-dessus - a menti à cette Assemblée. Je laisserai à d'autres le soin de poursuivre le débat s'ils le veulent, mais je ne fais qu'observer qu'effectivement... Enfin, pour être plus parlementaire, comme il l'a dit cet après-midi, je devrais plutôt dire qu'il n'a pas dit la vérité à cette Assemblée.

Depuis maintenant presque deux ans que je suis député à l'Assemblée nationale, comme je m'y étais engagé au moment de l'élection, j'ai insisté pour faire, à tous les mois, une tournée de comté qui me mène dans un secteur ou dans l'autre. Au cours de ces tournées mensuelles, je rencontre les citoyens individuellement et je rencontre les conseils municipaux. Nous discutons ensemble des dossiers qu'ils ont soumis au

gouvernement du Québec pour en assurer un meilleur suivi. À la fin de ces journées de tournée, je tiens une réunion publique, où les citoyens sont invités. Au cours de ces rencontres, j'ai l'occasion de discuter avec ces citoyens de leurs problèmes locaux et aussi des politiques que le gouvernement du Québec imprime à l'ensemble de la collectivité québécoise.

Au cours de ces rencontres, évidemment, il y a une période d'échanges assez prolongée entre les citoyens qui sont dans la salle et celui qui vous parle. Cela me permet donc à tous les mois d'avoir une sonde réelle qui est celle des citoyens qui viennent assister à ces rencontres et qui, eux, me font part de leurs préoccupations qui, je présume, doivent être les préoccupations aussi de la plupart des citoyens et des citoyennes du Québec.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que parmi ces préoccupations il y a celle de l'emploi et, par conséquent, celle du chômage aussi, mais il y a eu depuis quelques mois une préoccupation marquée à l'égard des négociations entre le gouvernement et les secteurs public et parapublic. Ces événements qui se sont succédé particulièrement au cours des deux derniers mois ont été marquants, éprouvants, souvent difficiles, non seulement pour ceux qui les vivaient - ce qui est normal - que ce soit les gens du gouvernement ou les gens des syndicats et les syndiqués touchés, c'était dur pour eux, mais c'était dur aussi pour la population qui assistait à ces débats et qui tantôt était rassurée, tantôt était craintive et tantôt manifestait de l'encouragement ou du désespoir à l'égard de ce qui allait se passer dans cette société.

Je me suis attardé à ce problème parce que le premier ministre l'a évoqué hier clairement dans son discours inaugural. Il a l'intention ferme - il l'a annoncé, cela s'amorcera dans les mois et dans les semaines qui viennent - de modifier le cadre de négociation, c'est-à-dire la façon dont on s'y prend pour arriver à des règlements avec le gouvernement et les secteurs public et parapublic, c'est-à-dire l'ensemble des syndicats qui composent le front commun.

Je me suis demandé si ce cadre de règlement qui nous conduit aux négociations actuelles, qui nous conduit à tous les trois ans à des affrontements déchirants pour la société québécoise, si ce cadre de négociation, si ces affrontements, si ces thèmes d'agressivité étaient propres aux négociations entre le gouvernement et les syndicats du front commun qui ont à négocier ensemble. J'ai fait une petite étude sur la façon dont se déroulent les négociations entre le front commun et le gouvernement en parallèle avec la façon dont se déroulent les négociations dans les centrales syndicales, parce que vous savez qu'il y a dans les centrales syndicales des négociations aussi. Les gens qui travaillent pour les centrales syndicales, ce sont des gens qui sont syndiqués. Leurs patrons sont les chefs syndicaux. Régulièrement, ils ont eux aussi, à peu près dans le même cadre de négociation, à conclure des ententes et à vivre des rondes de négociations avec leur patron syndical.

J'ai principalement analysé quelle était l'attitude, avec ce même cadre de négociation, qui se développait chez les syndiqués de la base à l'égard de leur patron syndical. Est-ce que cette attitude, comme on la connaît dans les secteurs public et parapublic, qui fait qu'après quelques mois de négociation, au moment où la tension monte, où la chicane prend vraiment, cette attitude de vouloir vraiment démontrer que l'État patron est méprisant et autoritaire, est-ce qu'elle est propre aux négociations dans les secteurs public et parapublic? Bien non, elle n'est pas propre aux négociations dans les secteurs public et parapublic.

Je vous donne un exemple. En 1980, les permanents de la CSN, qui sont syndiqués, blâmaient la direction de la centrale syndicale CSN de rechercher une plus grande autorité sur les salariés et affirmaient que l'autoritarisme n'est pas une solution. Et là, on parlait de l'autoritarisme des dirigeants de la centrale syndicale à l'égard de leurs travailleurs.

Les permanents affirmaient que, comme toute grève, la leur n'aurait jamais eu lieu s'ils n'avaient profondément ressenti un certain degré de mépris à leur endroit, mépris qu'on leur adressait selon eux. Mais ils étaient en conflit dans ce cadre qui mène presque systématiquement aux affrontements et aux déchirements même entre gens qui ont une même façon de voir les choses ou qui devraient avoir une même façon de voir les choses sur le plan syndical.

Notre grève, disaient encore les permanents de la CSN, est inévitable parce que les demandes - on ne parlait pas d'offres patronales, on parlait là aussi en 1980, à l'égard des patrons de la CSN, de demandes patronales - traduisent un mépris et une négation de ce que nous sommes le plus profondément, des militants et des partenaires à part entière.

Nous avons vu également, lors du dernier conflit du front commun, que dans sa publicité le front commun disait que les syndiqués des secteurs public et parapublic avaient des droits et qu'ils voulaient que ces droits soient respectés.

En 1980, Norbert Rodrigue disait ceci. Justifiant cette manière de procéder, M. Norbert Rodrigue, qui était président de la centrale, avait expliqué qu'elle permettrait aux délégués de juger de la justesse du qualificatif de "pire boss qu'ITT". C'est M. Norbert Rodrigue, entre autres, président de

la CSN, qui s'était fait traiter au moment de ce conflit de travail avec ses propres employés de pire boss qu'ITT. Les dirigeants de la CSN avaient été affublés de ce qualificatif depuis le début du conflit. Ce mode de négociation, il avait mené à cela aussi, à ce genre d'affrontement que nous venons de vivre entre le gouvernement et les syndicats; il avait mené au même genre d'affrontement entre la CSN et ses propres employés.

En 1977 les employés de bureau de la CEQ font une grève. Ce n'est pas la première fois, disent les employés, que la CEQ ou ses affiliés sont aux prises avec leurs employés. Ceux-ci prétendant que M. Charbonneau et son état-major, lorsqu'ils ont la direction du personnel, se comportent de la même façon, sinon pire, que le patronat qu'ils dénoncent à longueur d'année. Ce sont les syndiqués de la CEQ qui disent cela de leur patron syndical, M. Charbonneau.

En 1976, autre grève à la CSN. On peut lire cet article dans le Soleil du 2 décembre 1976: "Pendant que le syndicat des employés-conseils dénoncent l'attitude dure et mesquine de l'employeur, la CEQ employeur affiche un mutisme des plus complets en dépit d'une invitation pressante que lui a faite son conseil général de régler le litige" a lancé le président du syndicat, M. Jules Johnson. Cela revient un peu à ces thèmes qu'on a entendus tout au long de cette négociation à l'effet que le gouvernement, comme, semble-t-il, la CEQ, d'après le syndicat à cette époque, ne voulait pas négocier.

Autre chose, autres thèmes qui reviennent régulièrement, ceux des droits acquis. Au cours de la présente ronde de négociations, le président de la CEQ, le 23 janvier 1983, lors du congrès spécial, déclarait ceci: "Toutes ces luttes sont reliées car c'est partout que nos droits acquis sont menacés et nos conditions de travail sont attaquées." Or, que disaient les permanents de la CSN en 1980 à l'égard de leur patron syndical? Ils disaient ceci: "Notre grève est inévitable parce que les nombreuses demandes de la partie patronale confédérale remettent en cause les acquis les plus importants de notre convention collective et vont à l'encontre des principes fondamentaux qui animent notre centrale depuis des décennies et que nous défendons tous les jours."

En 1977, les employés de bureau de la CEQ disaient ceci: "À Montréal, une secrétaire gréviste a bien voulu faire savoir que les employés du bureau étaient en grève depuis mercredi dernier parce qu'on tente de nous enlever nos droits acquis" disait-elle. Donc, le même thème revient, même cadre de négociation, même thème, même chicane, que ce soit entre l'État employeur et les syndicats ou entre les syndicats et leurs propres employés.

Autre thème intéressant, le cadre financier. Vous savez qu'au cours de cette négociation le gouvernement n'a pas voulu dépasser le cadre financier qu'il s'était fixé, compte tenu des moyens dont il dispose. C'est le Dr Camille Laurin qui disait, le 10 février dernier: "Cette proposition ultime ne peut modifier substantiellement les décrets adoptés par l'Assemblée nationale parce que ceux-ci tiennent compte des ressources de la collectivité et de la capacité de payer du gouvernement."

Les permanents de la CSN sont en grève en 1980. Que note-t-on dans les journaux? "La CSN et ses fédérations ont déposé hier une proposition salariale globale." Comme les mots se ressemblent! "Cet ultime effort possible de la CSN tient compte, selon la partie confédérale patronale, de la capacité de payer de ses membres conformément au cadre de règlement établi lors du dernier congrès de la centrale." "Le trésorier de la CSN, M. Léopold Beaulieu, en présentant hier ses prévisions budgétaires pour l'exercice financier 1980-1982, a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'imposer un décret, mais que la centrale estimait le coût de la convention collective à signer à environ 1 500 000 $ pour les deux prochaines années et qu'elle ne pouvait excéder ce mandat."

Les permanents de la CSN, en 1980 toujours, dans une prise de position sur le conflit en cours entre les salariés de la CSN et les élus de la centrale: "L'exécutif du conseil central de Sherbrooke a appuyé l'attitude du conseil confédéral dans son ensemble mais estime que les propositions déjà offertes aux salariés vont trop loin sur les questions monétaires, soit au-delà de la capacité réelle de payer du mouvement syndical."

Finalement, les centrales syndicales sont prises, elles aussi, avec des cadres financiers qu'elles ne peuvent pas défoncer. En 1976, le syndicat patron, lors de la grève des employés-conseils, des permanents de la CEQ, disait ce qui suit. Je vous lis l'article du journal qui est très bref: "Pendant que le syndicat des employés-conseils dénonce l'attitude dure et mesquine de l'employeur, la centrale réplique que les syndiqués présentent des demandes incompatibles avec le budget autorisé par les membres. (20 h 20) "Le conseil général nous a évidemment pressés de régler le conflit, répond M. Simon Cliche, pour la partie patronale, mais il nous a sommés de bien vouloir respecter le budget établi, notamment en ce qui a trait aux prévisions pour les dépenses imprévues et pour le remboursement de la dette. Tout ce que nous avons à faire maintenant, ajoute-t-il, c'est de reconsidérer les demandes et de voir comment elles peuvent se situer dans le

cadre de notre budget. Nous avons, conclut-il, une responsabilité envers nos membres." La CEQ non plus ne voulait pas que son syndicat de permanents parte avec la caisse.

Finalement, un autre sujet dont on a entendu parler au cours de ces négociations, le "bumping". Le Dr Camille Laurin déclarait ceci: "Dans la convention collective ou le décret qui en tient lieu, c'est d'abord le critère de la capacité qui sera appliqué, c'est-à-dire que pour remplir un poste on va d'abord considérer la formation que l'enseignant a reçue et le diplôme qu'il possède. C'est donc la capacité de l'enseignant et ses années d'expérience qui compteront d'abord pour combler le poste. Ce n'est qu'après coup, à capacité égale, que le critère de l'ancienneté viendra jouer. Même cadre de négociation, même thème.

En 1980, la grève des permanents de la CSN: La CSN veut aussi mettre fin au régime de "bumping" actuel qui fait que tout permanent syndical peut occuper n'importe quelle fonction. La partie confédérale exige donc qu'un conseiller syndical qui n'a jamais rempli les tâches du poste affiché ou suivi de cours à la CSN à cet effet ne doive pas obtenir ce poste automatiquement. Là aussi on croyait que le "bumping" n'était pas acceptable et qu'il fallait tenir compte des capacités des travailleurs de remplir les postes qui leur étaient affectés.

C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que j'ai entendu le premier ministre nous annoncer que, dorénavant, il y aura des efforts extraordinaires de faits, de déployés pour que dans les semaines, dans les mois qui viennent on s'entende sur un nouveau cadre de négociation qui fera en sorte que tous ces affrontements, que nous connaissons depuis maintenant quinze ans et qui se répètent comme une triste mélopée à chaque trois ans, cessent enfin et fassent place, dans un cadre renouvelé, à des attitudes différentes de celles que nous avons connues jusqu'à maintenant et qui ont mené à autant de culs-de-sac d'une fois à l'autre.

Le gouvernement du Québec, lui, comment s'est-il comporté dans ses négociations? A-t-il été un gouvernement qui a négocié avec des principes auxquels il tenait ou s'il a négocié un peu à la sauvette? Voyons voir. Dans toutes les offres que le gouvernement a faites au front commun, il a toujours tenu compte d'un principe sacré qui était celui de protéger les bas salariés, de protéger les plus faibles salariés de l'État, ceux qui gagnent 13 000 $, 14 000 $ - parce qu'il y en a -et 15 000 $ par année. Ceux-là n'ont pas été affectés parce qu'on a demandé, d'autre part, à ceux qui sont dans des échelles de salaires plus élevées, qui ne sont pas millionnaires, c'est sûr, mais qui, quand même, se tirent de la situation beaucoup mieux que ceux qui sont au bas de l'échelle et qui gagnent 13 000 $, 14 000 $, 15 000 $ par année... Le gouvernement ne les a pas touchés, ceux-là, par ses restrictions. Il a même fait en sorte que leurs augmentations de salaires soient conservées et qu'il n'y ait pas de récupération salariale dans leur cas.

Le gouvernement a tenu compte de ce principe de ne pas affecter, ou d'affecter le moins possible ceux qui étaient en bas de l'échelle salariale et, compte tenu de la conjoncture et de ce qu'elle impose au gouvernement, de faire un effort supplémentaire dans leur cas, ce qui est difficile, soit, mais nécessaire.

Il y a aussi un autre principe qui était à la base de cette ronde de négociations. Le gouvernement et le Conseil des députés avaient décidé, d'un accord unanime, que, s'il fallait augmenter les impôts, s'il fallait augmenter le déficit et s'il fallait augmenter les taxes, ce ne serait certainement pas, dans la situation que nous vivons, pour aider ceux qui sont les mieux protégés dans notre société. Si nous avons des marges de manoeuvre à libérer, elles iront - et j'y reviendrai tout à l'heure - à ceux qui, actuellement, en ont le plus besoin, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas de revenus ou presque pas, ceux qui ne travaillent pas, ceux qui ont terminé leur assurance-chômage et qui, comme le disait le chef de l'Opposition cet après-midi, sont contraints de s'adresser aux bureaux d'aide sociale pour survivre au moment où nous nous parlons. C'est à eux qu'iront ces marges de manoeuvre. Cette position fondamentale est très simplement inscrite à toutes les pages du programme politique du Parti québécois car la philosophie même du programme du Parti québécois est une philosophie sociale-démocrate. Or, qu'est la social-démocratie, sinon que d'utiliser l'outil de l'État pour aider ceux qui en ont le plus besoin et demander aux autres de répartir la richesse avec ceux-là? C'est, je crois, ce que nous avons fait.

J'écoutais le chef de l'Opposition - qui a sûrement manqué des parties du discours du premier ministre hier - passer très rapidement sur les moyens qu'a identifiés le premier ministre hier, les moyens que le gouvernement utilisera pour aider l'économie à se relever. Je les évoque très rapidement. Ces moyens sont: l'accélération des investissements, un programme spécial d'accélération comprenant les éléments suivants: 100 000 000 $ dans le secteur des transports, le transport en commun à Montréal, la piste expérimentale de métro sur rail et la construction navale. Le chef de l'Opposition n'a pas entendu cela hier. Il n'a pas entendu non plus qu'il y aurait 140 000 000 $ de plus dans l'épuration des eaux, surtout en dehors de l'île de Montréal. Il n'a pas entendu qu'il y aurait

200 000 000 $ de plus d'investissements par Hydro-Québec, surtout dans l'amélioration du réseau de distribution. Il n'entend pas cela, le chef de l'Opposition. Cela ne l'intéresse pas.

Le premier ministre a aussi parlé abondamment, hier, du soutien que le gouvernement allait donner aux exportations, car pour une société comme la nôtre, sur le plan économique, il faut absolument que notre économie débouche sur l'extérieur. Nous sommes une nation de 6 000 000 d'habitants qui a donc, par essence, une vocation exportatrice. C'est dans cette perspective que le nouveau ministère du Commerce extérieur a été créé et que le gouvernement consentira des efforts considérables pour augmenter les exportations et, évidemment, la production des biens au Québec dans les entreprises, ce qui aura pour conséquence de multiplier le nombre d'emplois.

Le premier ministre a dit aussi qu'il y aura un programme triennal mis en place. J'entendais le chef de l'Opposition cet après-midi dire: Qu'est-ce qu'il y aura pour les agriculteurs? Il n'y aura rien pour les agriculteurs. S'il avait écouté, il aurait su que le premier ministre a parlé hier d'un programme triennal qui sera instauré pour développer la production céréalière et améliorer la qualité des fourrages. L'effort additionnel fait par le gouvernement devrait amener des investissements annuels de près de 60 000 000 $, ce qui aura pour effet de créer plus de 2000 emplois. Le chef de l'Opposition n'a pas parlé de cela. Il n'a pas parlé - je n'y reviendrai pas, on en a parlé abondamment depuis des semaines - non plus de l'important virage technologique que le gouvernement a inscrit dans le message inaugural et qui se manifestera par des crédits supplémentaires dans ce secteur aussi fondamental des technologies nouvelles.

Le gouvernement a annoncé aussi hier dans le message inaugural qu'il y aurait une poursuite de l'aide à la construction domicilaire dont vivent tant et tant d'employés de la construction et d'entrepreneurs au Québec. Le chef de l'Opposition n'a pas parlé de cela; il n'a pas parlé de partage d'emplois et de retraite anticipée. Il n'a pas parlé non plus de programme de soutien de l'emploi. En effet, le gouvernement a décidé de poursuivre pour un an encore le programme d'urgence à la PME et de fournir 25 000 000 $ pour assurer la survie de Pétromont et entreprendre d'ici peu la réorganisation des activités de SIDBEC. Le chef de l'Opposition n'a pas parlé de cela. Il n'a pas parlé non plus des programmes de création d'emplois. L'enveloppe de ce programme sera portée à 235 000 000 $ dont quelque 150 000 000 $ s'adresseront directement aux jeunes. Le chef de l'Opposition a oublié cela aussi.

Il a oublié de parler de ce que le premier ministre a évoqué hier, d'un secteur qui était mourant, qui était en train de s'effondrer au Québec, celui du cinéma, qui est un outil important de l'identité nationale et qui crée et soutient des centaines d'emplois. Il y a des travailleurs spécialisés au Québec qui peuvent faire dans ce domaine du travail qui rivalise, en termes de qualité, avec n'importe quelle société de production cinématographique au monde. Le gouvernement s'impliquera dans ce dossier et il fera renaître cette industrie pour lui permettre de maintenir les emplois qui y sont et aussi d'imprimer notre identité nationale afin qu'elle puisse se promener un peu partout. (20 h 30)

II y a une chose aussi dont le chef de l'Opposition n'a pas parlé. Bien sûr, il n'en parle jamais, cela se comprend; je ne reviendrai pas là-dessus. Il n'a pas parlé que le gouvernement est obligé de manoeuvrer dans un système qu'il aime tant, dans un système qu'il adore, qu'il adule. Ce système a fait en sorte que le déficit fédéral que nous devons payer nous aussi, nous qui sommes pris dans cette entité canadienne, que le déficit fédéral atteindra un sommet de 30 000 000 000 $ cette année; le tiers de son budget en déficit. Cela c'est une faillite dont aurait dû parler le chef de l'Opposition. Cela nous affecte tous, que nous le voulions ou non et que cela nous plaise ou non. Il aurait dû parler aussi du jugement qu'ont porté les experts du Fonds monétaire international l'automne dernier, sur ces dirigeants de ce beau grand pays qu'est le Canada et qui ont fait en sorte que notre pays, selon le jugement des experts du Fonds monétaire international, était le pays le plus mal administré de l'univers. Ce n'est pas peu dire, le plus mal administré. Il ne s'en trouve de plus mal administré nulle part. Le gouvernement du Québec doit manoeuvrer dans ces politiques qui sont les pires qu'on puisse imaginer. Cela n'existe pas ailleurs au monde. Le gouvernement du Québec doit subir les contrecoups de ces politiques complètement absurdes qui nous sont imposées.

Le chef de l'Opposition n'a pas parlé non plus - il n'en parle pas - du rapport du commissaire aux langues officielles, M. Max Yalden, qui a été rendu public hier et qui indique ceci: Malgré l'enchâssement des droits linguistiques dans la constitution, la situation des minorités francophones demeure très fragile et leur anglicisation pourrait bientôt atteindre un point de non-retour. Non-retour, cela veut dire que c'est fini. La première raison de cette assimilation croissante, entre autres, est le manque d'écoles françaises. Le chef de l'Opposition n'a pas parlé de cela. On dirait que celui-ci ne réalise pas que nous sommes pris dans un

système qui nous a conduits à la faillite financière et à la faillite économique et que nous essayons tant bien que mal, avec les moyens dont nous disposons, de relever le défi.

Cela ne réussit pas si mal puisque quand même, au moment où le Canada est frappé par le chômage, le Québec a 29% des chômeurs de l'ensemble du Canada, alors qu'habituellement cette proportion se situe aux alentours de 34% ou de 35%. Le chef de l'Opposition n'a pas dit cela. Il n'a pas rappelé non plus que la proportion des francophones à l'intérieur du Canada diminue sans cesse. Il a oublié de dire qu'en 1759, le Canada était français à 100%. Il a oublié de dire qu'en 1840, le Canada était francophone à 50%. Nous avions perdu des plumes, mais nous étions encore là. Lors de la Confédération, en 1867, les francophones dans l'ensemble canadien représentaient 32% de la population. Au moment où nous nous parlons, nous représentons un peu plus de 25% de la population. C'est Statistique Canada qui prévoit qu'en l'an 2000, nous serons aux environs de 20% de l'ensemble de la population canadienne.

Que fait le gouvernement du "French power" pendant ce temps pour enrayer ce problème que vivent les francophones au Canada, qui sont de plus en plus noyés dans la communauté anglophone? Que fait-il? Il décide qu'à partir de la prochaine élection fédérale il y aura 17 députés de plus en Ontario et 4 de plus au Québec. C'est ce que décide le "French power" pendant ce temps. Le chef de l'Opposition n'en parle pas. Le chef de l'Opposition ne réalise pas que nous sommes pris dans ce système qui a pour objectif de nous minoriser de plus en plus. Il ne réalise pas non plus l'importance de la conclusion du discours inaugural du premier ministre hier. Il ne réalise pas à quel point nous sommes aussi capables que les autres et certainement plus que ceux qui administrent leur pays de la façon la plus négative par rapport à tous les pays du monde. Il ne réalise pas que nous sommes capables, mais tôt ou tard, et plus tôt que plus tard, il devra le réaliser, parce que, lors de la prochaine élection, nous allons demander aux citoyens et citoyennes du Québec s'ils se croient capables d'être aussi bons que les autres et de vivre en harmonie avec les autres. Qu'ils fassent attention à la réponse que leur serviront les citoyens et citoyennes du Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci M. le Président. En cette nouvelle session, mes premières paroles seront d'abord pour féliciter notre nouveau président. Je veux le rejoindre par votre personne, vous qui occupez le siège dans le moment. Je voudrais l'assurer de mon respect et de ma collaboration la plus entière pour que règne toujours l'ordre dans cette enceinte. Je voudrais dire également un mot d'appréciation à votre prédécesseur, M. le député de Jonquière, pour son travail pendant le temps où il fut au fauteuil.

M. le Président, cette intervention se situe dans le cadre du débat sur le message inaugural de la quatrième session de la 32e Législature. Cette session, qui s'est ouverte hier, fut sous le signe du véritable sceau de ce gouvernement, à l'image de ce gouvernement parfaitement à la dérive, ballotté par la crise économique et par la crise qu'il a engendrée par son option, chose qu'il réitère encore présentement, sous le signe de la nervosité, de la morosité, de l'improvisation dramatique, de l'autoritarisme et de l'arbitraire.

M. le Président, après sept ans, le maquillage se défraîchit et l'astiquage tombe. Les rides se précisent. J'écoutais hier ce discours inaugural d'environ 40 pages, rengaine usée à la corde surtout lorsqu'on parle, comme le premier ministre l'a fait chaque fois dans ses discours inauguraux, d'augmentation de l'emploi, d'augmentation des investissements. À cause des politiques néfastes du Parti québécois et à cause de son option indépendantiste, de son obsession devrais-je dire, il a atteint exactement le but contraire.

Vous me direz sans doute ou d'autres me diront: Oui, mais nous sommes victimes d'une crise mondiale, d'une crise économique mondiale. Oui, une crise économique mondiale, mais seconde crise ici au Québec qui fait que nous avons 41% des pertes d'emplois du Canada, alors que nous représentons 26% de la population.

Discours comportant également - je parlais d'improvisation - la contradiction. J'entendais le premier ministre, hier, nous dire qu'il voulait passer une loi pour obtenir la retraite anticipée à 60 ans. C'est beau, on vient de passer une loi, il y a quelques mois à peine, je crois que c'est en juin, pour abolir la retraite obligatoire à 65 ans. On a fait part à ce moment au gouvernement des inconvénients que cela comportait et également du fait que des emplois ne se libéraient pas pour des jeunes très compétents, très qualifiés qui attendaient pour prendre la place, pour faire valoir leur idéal, leur ambition. Donc, contradiction.

Je pense que la principale marque de commerce de ce gouvernement, c'est sans doute son autoritarisme qui devient de plus en plus grand. Il y a une différence entre autorité et autoritarisme. L'autorité, c'est le droit de commander, cela découle d'une puissance légitime. Dans cette optique, le pouvoir, c'est un moyen vers

l'épanouissement de la société. Cela s'exerce dans le respect des personnes et cela commande l'estime.

Quant à l'autoritarisme, dans ce cas, le pouvoir représente un but, une fin en soi et non un moyen pour servir la société. Quel est le caractère d'un autoritariste? Il s'entête à la moindre occasion parce que toute opposition le pousse devant sa propre faiblesse. Conséquence: cela donne lieu à des abus, parce que l'autoritariste n'admet pas la contradiction. Donc, il ressent le besoin de se faire obéir. De là, contrôles, décrets, ordonnances, normes, soumission. (20 h 40)

Depuis quelques années, M. le Président, notre province, notre Québec glisse vers l'autoritarisme de plus en plus. Nous le sentons tous les jours. Nous sommes en train de passer d'une société démocratique, d'une société de consensus à une société de décrets, une société d'autoritarisme. Rien n'est plus solide qu'une société de consensus, mais rien n'est plus fragile qu'une société de décrets.

En ce qui concerne l'agriculture, chose qui me préoccupe particulièrement, j'ai été un peu estomaqué de voir le faible menu qu'il y a dans ce discours inaugural. C'est tellement court que je veux me permettre de citer tout ce qui touche l'agriculture dans le discours inaugural de 40 pages; il y a 5 lignes à la page 14. "D'autre part, dans le secteur vital de l'agro-alimentaire, un nouveau programme triennal continuera à nous rapprocher de l'objectif d'autosuffisance agricole. Il s'agira d'investissements de 60 000 000 $, amenant la création de plus de 2000 emplois, qui démarreront cette année en vue d'intensifier le développement de la production céréaiière et l'amélioration des fourrages." C'est tout ce que l'on retrouve alors que l'agriculture est en pleine crise.

Certes le secteur de la production céréaiière traverse une crise très forte, mais les secteurs de l'élevage et de l'érable traversent également des crises considérables.

M. le Président, je crois que les agriculteurs du Québec méritent mieux que cela. Tout cela est fait, je le répète, sous le sceau de l'improvisation, du rapiéçage et du rachitisme chronique.

Nous avons déjà connu des gouvernements qui ont fait de grandes lois-cadres, qui ont donné à l'agriculture une grande charte, des moyens de s'en sortir. Qu'il me suffise de vous rappeler le gouvernement libéral, de 1970 à 1976. En 1974-1975, la part de l'agriculture dans le budget total du Québec était de 2,5% alors que présentement elle n'est que de 1,9%.

Nous avions à ce moment-là, à la tête de la province, des hommes qui croyaient à l'agriculture, qui ne faisaient pas que parler et donner des conférences de presse mais qui investissaient. Et je voudrais rendre hommage à ces hommes-là: M. Toupin, M. Garneau, M. Bourassa, des gens qui ont jeté les bases. Nous avons vu ensuite les résultats que cela a donné.

Je vous le disais, M. le Président, l'agriculture a besoin d'une véritable charte, d'une législation renouvelée, mise à jour, dotée d'un financement adéquat. Je me permettrai de redéfinir certains concepts qui, pour nous, sont à la base de tout. Ce sont les grands principes.

Premier principe pour une agriculture bien développée, respect des libertés individuelles, ce qui est tout à fait le contraire de la notion du collectivisme que nous connaissons dans le moment.

Deuxième principe, encouragement de l'entreprise privée, incluant le secteur coopératif.

Troisième principe, notre agriculture doit être un partenaire majeur et intégré à l'ensemble économique canadien.

Quels objectifs doit poursuivre l'État face à l'agriculture? Le premier, je dirais que c'est de rentabiliser l'agriculture, pas seulement s'occuper de structures, de grosses patentes, d'augmenter la production, les céréales, le boeuf, le sirop d'érable. Et, quand les producteurs livrent la marchandise croyant que la planification avait organisé les marchés, le déluge se produit et tout cela part à l'eau. C'est ce qui est arrivé en 1977, 1978 et 1979 alors que, inconsidérément, on a ouvert des crédits à la production du porc, du boeuf, des céréales sans jeter les grandes bases sur lesquelles elle devait reposer. Et ce qui devait arriver arriva. J'ai ici un petit article du Journal de Québec du 26 janvier 1983: "Faillites agricoles, augmentation de 265% au Québec". Ce sont de beaux records, n'est-ce pas?

Première chose à faire, s'occuper de la rentabilité. Oui, le ministre actuel s'est occupé de structures, de grosses patentes, je le répète, mais il aurait dû commencer par s'occuper de la rentabilité. Deuxièmement, l'objectif de l'État doit être de fournir à la société un niveau satisfaisant d'autosuffisance alimentaire. Je dis bien de l'autosuffisance là où c'est physiquement réalisable. On joue avec le concept de l'autosuffisance. C'est beau de dire aux gens qu'on va investir pour atteindre l'autosuffisance, mais encore faut-il que ce soit rentable. Je vous donne un exemple. Si nous nous disons que nous sommes capables de produire nos propres bananes, nous allons faire des serres chaudes et nous allons les produire, mais à quel coût? C'est ce qu'il faut évaluer avant de se lancer dans une production. Il faut commencer par planifier pour ne pas arriver avec une surproduction comme c'est arrivé dans les secteurs du porc et du sirop d'érable, à l'occasion de la campagne de 1979 dans Beauce-Sud, lors d'une élection

partielle. Il y avait en jeu, bien sûr, ce qui est arrivé à Montmagny, l'usine de méthanol. Cette manufacture était sur des roulettes, elle suivait les comtés où il y avait des élections partielles. Finalement, elle a abouti à Montmagny et je souhaite de tout coeur que le projet se réalise.

Nous avions un territoire chez nous, le canton de Dorset. On disait: On va planter 600 000 érables. J'ai moi-même reçu par la poste une feuille d'inscription et on n'avait qu'à indiquer le nombre d'érables qu'on voulait. Les subventions pour organiser la tubulure et tout cela se faisait automatiquement. On leur disait: Ne croyez-vous pas que vous pouvez trop augmenter la production? Il n'y a rien là, nous répondait-on. Il y a l'Allemagne, le Japon et tout est placé davance. Il n'y avait tellement rien là que les cultivateurs ont deux récoltes qui ne sont pas payées, celle de 1981 et celle de 1982. C'est une augmentation inconsidérée. Premièrement, rentabilisons l'agriculture et, deuxièmement, fournissons à la société un niveau satisfaisant d'autosuffisance.

Un troisième objectif que doit poursuivre l'État est de protéger la ferme familiale. Je me permettrai de citer quelques lignes d'un article paru dans La terre de chez nous du 17 mars 1983, la dernière publication. "Au rythme où vont les choses, on ne comptera plus au Québec, à la fin du siècle, que 7000 à 8000 fermes dans l'ensemble des productions." Il y en avait 150 000 vers 1950, il y en a près de 50 000 dans le moment et dans 17 ans, on nous prédit qu'il en restera de 7000 à 8000. Les autres, que vont-elles devenir? Je suis très préoccupé devant la disparition éventuelle de nos fermes familiales. Dans cela, l'État a un rôle à jouer. L'État doit d'abord fournir une législation appropriée, et non pas du rapiéçage, pour avoir une véritable planification. Cette législation devrait nous permettre de gérer l'offre et nous assurer des débouchés avant de commander une augmentation de production.

Il faudra également ajuster la fiscalité. Notre fiscalité est déficiente en agriculture, à tel point que les transactions père-fils sont pratiquement devenues impossibles. Il faut passer par voie de transfert graduel, par société ou corporation, à cause des implications fiscales. Le fils qui possède 20% de participation dans l'entreprise a droit à 20% de la prime d'établissement, c'est-à-dire que sur 50 000 $ sans intérêt pendant cinq ans, il a droit à 20%, ce qui fait 10 000 $. C'est tout à fait ridicule et inadéquat, sans compter la taxe sur le capital qui a été imposée par ce gouvernement. On me dit qu'en Ontario, la taxe sur le capital est de 50 $ pour une ferme; ici, cela va jusqu'à 1500 $, 2000 $ ou 2500 $. Ce qui est traître, c'est que même si la ferme ou l'entreprise ne fait pas de profit, elle ne paie pas d'impôt sur le revenu, mais elle va payer quand même de l'impôt sur le capital. (20 h 50)

II va falloir s'occuper de la fiscalité. Il va falloir également donner un cadre mieux planifié à la femme collaboratrice, offrir un financement adéquat. Je m'engage à talonner le ministre parce qu'il a bien déclaré devant le dernier congrès de l'UPA qu'il allait faire un sommet socio-économique sur le crédit agricole et apporter tout un changement, une révolution dans ce domaine. Ce n'est pas annoncé dans nos cinq lignes rachitiques du discours inaugural. Il va falloir également s'occuper de la relève.

En ce qui concerne l'environnement, vous savez que l'environnement coûte cher à l'agriculture. J'ai le ministre devant moi, c'est le temps, dans les courtes minutes que j'ai, de lui passer un message. Je crois qu'il est encore plus informé que moi sans doute. Pourquoi faire couler inconsidérément du béton alors que dans d'autres pays, dans d'autres provinces, il y a d'autres formules moins dispendieuses qui peuvent être trouvées?

C'est bien sûr que les agriculteurs sont les premiers à désirer protéger l'environnement. Nous sommes d'accord avec ce concept. Cela peut se faire avec d'autres solutions que le béton, et si le béton est la norme essentielle, que le gouvernement remplisse la promesse qu'il avait faite aux dernières élections et qu'il donne les subventions appropriées, lui qui finance, dans le cas des municipalités, de 75% à 90% et, dans le cas des entreprises, également, les entreprises papetières. Pourquoi laisser les agriculteurs sur le carreau? Vous savez que si on oblige une ferme à se munir de fosses à purin, tout ce que vous voulez, c'est une affaire dans le bas mot de 75 000 $, peut-être 100 000 $. Si cette ferme est obligée d'emprunter, à un moment donné, dans les emprunts, vous atteignez la ligne de flottaison et si vous dépassez la ligne de flottaison, votre bateau n'ira pas bien. On s'aperçoit ici au Québec de ce que cela fait.

Ensuite, je voudrais dire un mot de la forêt privée. Juste dans la région que je représente, il y a 850 000 cordes de bois en perdition si ce bois n'est pas absorbé bientôt. Le seul moyen c'est que le gouvernement songe à restreindre, pas seulement songe, mais restreigne les permis de coupe aux grandes compagnies papetières sur le domaine public. Nous avons le domaine public qui fait concurrence au domaine privé. Il va falloir que le gouvernement s'occupe de ce problème. Il y a également le problème du dessèchement de l'érable. En ce qui concerne les problèmes du dessèchement de l'érable, j'attends que le comité que le gouvernement a mis sur pied donne ses rapports. J'espère que les rapports vont arriver avant que tous les érables soient morts. Il y a également le

domaine du support des inventaires de sirop d'érable. Là le ministre va nous dire: Dans le domaine du sirop d'érable, vous avez un plan conjoint qui sera voté. Les agriculteurs n'ont qu'à l'adopter. Oui, c'est un outil, mais cela ne réglera pas le problème du support des inventaires de sirop d'érable.

L'année passée, avant que la saison ne commence, il y avait plus de sirop d'érable en inventaire que n'en procure une saison normale. C'est une chose pour laquelle il va falloir que le gouvernement fasse sa part. Quelle sera sa part? Qu'il fasse ce que fait le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral fournit 0,40 $ la livre de sirop pendant un an sans intérêt pour aider à supporter les inventaires. Je réclame du gouvernement du Québec la même chose. Dans un document de l'UPA, Rapport des activités 1981-1982, je lis à la page 41: La crise nous fait donc réaliser plus que jamais qu'il n'y a aucun substitut valable à des politiques de mise en marché et de stabilisation des revenus visant à assurer à l'agriculteur, dans l'immédiat, des prix qui couvrent les coûts de production. M. le Président, si je me fie au discours inaugural, je pense que nos agriculteurs vont être passablement déçus.

Également, à côté de notre agriculture industrielle, il faudrait commencer à voir ce qu'on pourrait faire avec la multitude de lots en friche, vérifier s'il n'y aurait pas lieu de revenir à une agriculture qui pourrait être dite de subsistance.

Vous savez qu'il y a beaucoup de gens de nos villages qui désireraient retourner vivre sur une de ces terres. Dans le moment, ils en sont empêchés à cause du zonage agricole. Je crois que, devant ces immensités de terres qui redeviennent en friche, on aurait sans doute un moyen de les remettre en valeur. Bien des gens sont refoulés dans le village, alors qu'ils seraient désireux de vivre sur une ferme.

M. le Président, le PQ ne doit pas s'asseoir sur ses lauriers dans le domaine de l'agriculture parce que, contrairement à ce qu'il prétend, il n'a pas fait mer et monde. Je le disais tantôt, le gouvernement précédent avait planté le pommier et, quand le PQ est arrivé, le pommier donnait des pommes. Donc, si le pommier n'avait pas été planté, le PQ n'aurait pas distribué les pommes à gauche et à droite comme il le fait.

Vous me permettrez de prendre quelques minutes pour traiter de problèmes locaux. Je vous ai dit tout à l'heure que nous avions un gouvernement qui souffrait d'autoritarisme. Nous en avons vu un exemple dans la région puisque nous avions deux hôpitaux et le gouvernement a émis un décret pour fusionner ces deux hôpitaux. Depuis ce temps, on est en train de déchirer la Beauce, de déchirer la population. J'avais déposé une motion, lors de la dernière session, demandant un moratoire immédiat quant au partage des services - on ne peut pas demander un moratoire quant à la fusion puisqu'elle est déjà réalisée - afin de s'assurer que les fonds publics soient employés à bon escient, que la qualité des services soit maintenue, que les emplois soient protégés, que les conditions favorables à l'établissement d'un consensus nécessaire au succès de l'opération soient réunies et que la volonté de la population soit respectée. Ce que je réclame, c'est une solution beauceronne. Les Beaucerons sont capables, eux qui ont construit ces institutions, de régler eux-mêmes le problème, entre eux, le problème de la surpopulation dans un centre et de la sous-utilisation dans un autre. Autoritarisme!

En ce qui concerne les MRC, vous me permettrez de dire un mot. Vous savez, malgré les belles paroles du gouvernement, qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Je vous cite un discours prononcé par l'honorable Jacques Léonard à Saint-Joseph-de-Beauce le 28 août 1980. Quelques lignes seulement. J'aimerais bien tout citer, mais vous comprenez qu'il y a des contingences de temps. Je cite: "J'ai aussi un large sentiment de confiance, disait le ministre, parce que tout ce processus auquel vous êtes en train de vous familiariser, nous l'avons voulu très intimement démocratique." Que c'est beaul Un peu plus loin: "Je l'ai toujours dit, on ne change pas la société par décret et notre philosophie dans l'approche d'une grande concertation entre tous ces agents, c'est ce que j'oserais appeler le jeu démocratique dans la continuité."

Plus loin, je cite: "Ces choix de collaboration que vous allez faire durant les mois qui viennent sont hautement démocratiques et, donc, exigeants et contraignants en regard des gouvernements et des entreprises." Plus loin: "Pas plus l'information que la consultation ne sera la chasse gardée des fonctionnaires depuis Québec. S'ils peuvent vous être d'une quelconque utilité, tant mieux, et c'est notre volonté, mais les objectifs et les méthodes de sensibilisation que vous utiliserez, ce seront vos choix à vous."

Qu'a-t-on fait après ces belles paroles? On a pris la municipalité de Saint-Prosper qui avait demandé unanimement de se joindre à la MRC Beauce-Sartigan, Saint-Georges-de-Beauce, paroisse voisine, et on l'a intégrée à la municipalité régionale de comté Les Etchemins, dans une toute autre région. Les gens contestent avec la dernière énergie; même chose pour Saint-Zacharie village et paroisse, dans une autre MRC de mon comté, Saint-Robert-Bellarmin et trois municipalités de Saint-Ludger. Je vous dis que si le ministre croit qu'il va faire courber l'échine des Beaucerons, il ne réussira pas. Voici

maintenant que les procédures judiciaires commencent à entrer. La nouvelle MRC Les Etchemins envoie une action à la municipalité de Saint-Prosper, 3614,22 et pour sa quote-part. À Saint-Prosper, on ne doit rien. On ne participera jamais, jamaisl Alors, des actions. (21 heures)

Pour Saint-Zacharie, c'est encore pire, un jugement est rendu et, le 14 mars dernier, le camion de protection contre l'incendie fut saisi par huisser et il sera vendu par huissier le 19 avril à 14 heures. Avez-vous déjà vu une chose semblable? Est-ce qu'on peut parler de respect de la population? Ces populations ont droit au respect; elles ont le droit d'être traitées comme des gens libres, comme des gens responsables. Je revendique pour eux la justice qu'on aurait dû toujours leur donner.

Je vois que le temps fuit, M. le Président. Je dirai au gouvernement, au ministre de ne pas penser être quitte avec ces municipalités. Il vient à Saint-Prosper et dit: Cela va bien dans toute la province, il n'y a qu'à Saint-Prosper que cela va mal. On va à Acton Vale, c'est la même chose; à Laprairie, c'est la même chose; dans l'Outaouais, c'est la même chose; dans le Bas-du-Fleuve, c'est la même chose, partout.

Je parlais d'autoritarisme. "Les MRC, le bélier mécanique a passé à plusieurs endroits." Une autre: "Saint-Prosper devra se soumettre. Léonard." C'est une belle société démocratique, n'est-ce pas? Or, je réclame justice pour ces populations.

Je ne peux pas m'empêcher de dire un mot sur l'OCQ, que quelqu'un qualifiait d'office du crime du Québec. J'ai toujours pensé que le droit au travail était un droit fondamental, un droit inaliénable, un droit qui devait être protégé. Le travail est un élément de liberté, un élément de dignité pour l'homme. Nos jeunes que l'on presse en dessous de la cloche de verre, est-ce qu'on pense pouvoir contenir ces énergies bien longtemps? C'est un véritable scandale! Que fait le gouvernement actuel? D'abord, il a instauré en 1978 cette fameuse carte de classification de l'OCQ. Il y a eu un jugement de rendu à La Malbaie par l'honorable juge Pierre Côté. L'individu était M. Gérard Larochelle, de Saint-Georges. Le juge dit que les travailleurs de la construction qui détenaient leur certificat de qualification avant octobre 1977, on doit les garder au travail et ne pas les soumettre au décret. Qu'est-ce que le gouvernement a fait? Appel du jugement immédiatement. Je voudrais vous citer un paragraphe de ce que disait le juge Côté, pour vous montrer encore une fois cet esprit d'autoritarisme du gouvernement: "M. Gérard Larochelle est un type de Saint-Georges-de-Beauce qui vient travailler à plusieurs dizaines de milles de sa résidence, à La Malbaie. Si c'était un type de la Russie ou d'un pays étranger, je comprendrais que vous soyez surpris et que vous puissiez poser certaines exigences, mais il s'agit d'un travailleur québécois, dont la compétence n'est aucunement mise en question, ce dernier détenant le certificat de qualification depuis 1971. Il faudra que vous me fournissiez des arguments d'une solidité à toute épreuve pour que je vous donne raison." Il parlait au procureur de la poursuite.

Quand est-ce que le gouvernement se réveillera et abolira cet odieux règlement? C'est la chose que nous réclamons.

Je voudrais vous dire un mot de l'état indécent du réseau routier. Vous me faites signe que mon temps achève. Je voudrais vous dire tout simplement que notre réseau routier est dans un état inacceptable. Il ne cesse de se détériorer depuis quelques années. On ne fournit même pas à l'entretenir. Que dire de l'autoroute, M. le Président, ou des voies d'accès à l'autoroute qui, semble-t-il, se feront attendre? Je voudrais réclamer d'abord pour Saint-Georges qu'on accélère les travaux et que le gouvernement aide pour réaliser le détour de la 127e rue. Il y a également les sorties nord, sud, ouest; la route 108 à Saint-Victor; à Saint-Martin, la côte Maheux; Saint-Prosper; Saint-Gédéon; Sainte-Clothilde; Saint-Simon et Notre-Dame-des-Pins; Saint-Benjamin; Saint-Honoré; le rang Saint-Jean-Baptiste à Sainte-Aurélie; Courcelles, Saint-Ludger; Saint-Zacharie. Il faudra que le gouvernement nous débloque 100 000 $ par année par municipalité juste pour reprendre le temps perdu.

M. le Président, j'aurais aimé parler de notre jeunesse que l'État semble mal aimer, mais je n'en ai pas le temps, j'y reviendrai. Je voudrais terminer par cette phobie, cette obsession maladive du gouvernement, l'indépendance. M. le Président, je termine sur ces mots, je trouve que c'est un mépris envers la population. Le gouvernement devrait respecter le choix, la décision du peuple le 20 mai 1980 et cesser de parler de l'indépendance.

Je termine par un mot de Louis Veuillot: "Un peuple est libre quand ses intérêts sont servis, mais surtout quand son âme est respectée." C'est loin de l'autoritarisme du PQ. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mercier, ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, je voudrais profiter de cette occasion qui m'est offerte pour offrir mes meilleurs voeux au nouveau président et également rendre hommage à son prédécesseur, le député de Jonquière, qui

a toujours été au service des députés et surtout de cette institution qui nous est si chère, le Parlement du Québec, que nous avons à notre disposition depuis 1792 et dont on célébrera bientôt le bicententaire.

Nous sommes - le discours inaugural le dit - déjà dans une mutation. Je me souviens, il y a vingt ans, des livres paraissaient qui s'intitulaient Horizon 1980. C'étaient des livres qui nous semblaient décrire des univers que nous ne connaîtrions peut-être jamais. Un de ces livres était écrit par M. François Mitterrand, qui est maintenant président de la France, et qui réfléchissait sur ce que serait l'avenir. Nous parlons aujourd'hui de l'horizon 1990. Le discours inaugural parle au fond de l'horizon 2000.

Cet avenir, cette société globale vers laquelle nous nous dirigeons nous oblige nous, francophones en Amérique du Nord, qui ne comptons que pour 4% de l'ensemble des citoyens de ce vaste continent, le plus puissant de la terre, au fond, le plus riche, éventuellement le plus peuplé, cette situation nous oblige, nous, minorité française dans ce continent le plus moderne au monde, à nous poser quelques questions. En tant que ministre responsable de la Charte de la langue française, il m'appartient à moi, ici ce soir, d'essayer de comprendre et d'expliquer pourquoi nos attitudes ne sont pas tout à fait les mêmes que celles des citoyens du Québec ou du Canada ou du continent qui sont anglophones.

Comparons deux enfants nés le même jour dans le comté de Mercier, l'un dans l'est de Mercier, que je représente ici, rue Mentana, et l'autre, avenue du Parc; l'un est francophone, l'autre est anglophone. Celui dont les parents parlent anglais n'aura pas à se poser une seule fois de sa vie un certain nombre de questions. Il ne se demandera jamais: Les satellites qui circulent dans le ciel parlent-ils ou parleront-ils anglais? Ils parlent anglais, ils parleront anglais. Les banques de données que les grands organismes internationaux et les gouvernements les plus puissants de l'histoire de l'humanité sont en train de constituer parleront-elles anglais? Oui, elles parleront anglais. Les vidéocassettes sur lesquelles seront imprimés les oeuvres, les cours, l'information la plus récente dans tous les domaines, même ceux que nous ne connaissons pas encore, ces cassettes parleront-elles anglais? Oui, elles parleront anglais. Le village global décrit par Marshall McLuhan, décrit par M. François Mitterrand à l'époque, le village global qui est à nos portes et qui donnera l'accès instantané, à partir des cuisines ou des salons, à l'information sous toutes ses formes, à l'éducation permanente et à tout ce qui constitue l'héritage humain parlera-t-il anglais, ce village global? Il parlera anglais.

(21 h 10)

Par ailleurs et d'autre part, à toutes ces questions le jeune francophone du Québec né rue Mentana, dans le comté de Mercier, à toutes ces questions cet enfant ne peut que répondre: Peut-être parlera-t-il français. Et seulement peut-être, car il n'en est pas sûr. C'est la raison pour laquelle cet enfant de la rue Mentana, contrairement à cet enfant de Park Avenue, doit compter sur quelqu'un quelque part pour prendre sa part, pour lui assurer à lui aussi un libre accès à cette banque de l'esprit humain. Car dans le cas des petites collectivités, comme le Québec en est une, c'est l'État qui doit jouer ce rôle et intervenir.

Si nous des petites communautés, nous des petits pays laissions aux individus seuls, isolés, le soin de voir eux-mêmes, sur la foi du respect par les autres des droits individuels, le soin, dis-je, de se connecter dans leur langue, le français, sur ce village planétaire, ils seraient perdus, ils risqueraient de faire naufrage, eux et leur collectivité, eux et leur culture, eux et leurs racines, eux et leur passé, eux et tout ce qu'ils sont.

En fait, les droits individuels d'un citoyen anglophone du Québec sont préservés par la protection collective qui vient des États-Unis, de ce qu'on appelle l'empire américain. Cette protection collective découle de l'importance des États-Unis et de l'Amérique anglaise dans le monde. Cette responsabilité collective donc est assumée par d'autres qui sont tout-puissants. Aussi a-t-il largement le temps, le jeune Québécois anglophone, de consacrer toutes ses énergies à défendre ses droits individuels.

Le jeune Québécois francophone, qui n'a pas de "big brother" pour s'occuper de lui, est traité avec une certaine ironie parce qu'il se préoccupe moins des droits individuels. Sa priorité c'est de se trouver un "mini-brother" quelque part qui ouvrira au-dessus de sa tête un parapluie de protection culturelle et linguistique pour ses frères, ses soeurs, ses parents et un jour ses propres enfants.

C'est là ce qui distingue fondamentalement le niveau de l'action de deux jeunes Québécois, de deux jeunes Nord-Américains, leur réflexion face à l'avenir, l'un dans son français maternel l'autre dans son anglais maternel.

Je me souviens ici qu'à plusieurs reprises un de nos collègues, qui fut président comme vous et qui était député de Laval à l'époque, M. Jean-Noël Lavoie, que je peux nommer parce qu'il n'est plus ici, me disait en confidence: Les Canadiens français, presque par définition, se préoccupent plus des droits collectifs, comme si c'était un défaut, comme si c'était un aveu d'une sorte d'ethnocentrisme, d'une sorte d'obsession de la race, comme on le disait à l'époque, alors qu'en fait il ne

s'agissait tout simplement que de la mise en commun des droits individuels de chacun que personne autour de nous ne pouvait protéger sinon nous-mêmes.

Mais pourquoi tenir tant à sa langue maternelle? Parce que tout simplement on n'en parlera jamais une autre aussi bien, tout simplement parce qu'on l'a apprise sur les genoux de son père ou de sa mère. Puis ensuite dans la rue, dans les livres, à l'école, chez les poètes, évidemment, chez les philosophes. Dans la vie elle-même, et au Québec cette vie, tout le monde le sait, apparaît dans une infinie diversité.

Il faut se battre pour sa langue sur ce continent parce que les Anglais disent souvent "time is money". Nous disons au Québec "language is money", "language means jobs". La langue cela signifie des emplois, cela signifie des salaires, cela signifie des promotions, cela signifie la capacité pour un citoyen de gravir tous les échelons de la carrière qu'il s'est choisie et il doit pouvoir le faire dans sa langue, dans son propre pays qui, pour l'instant, est une simple province.

Le Québec, donc, a décidé d'agir pour garantir les droits de la collectivité française parce qu'il n'y a pas, à 100 milles d'ici, à Rock-Island, par exemple, qui n'est pas de votre comté, M. le Président, un éléphant anglophone qui s'occuperait de protéger les droits collectifs de cette population francophone. Faute de l'avoir, cet éléphant, c'est à nous qu'il appartient de le faire et c'est ce que nous faisons. Nous en sommes réduits à espérer que nos compatriotes anglophones de toutes les régions du monde aussi qui sont venus ici, qui ont choisi le Québec, comprennent cette préoccupation.

J'entendais il y a quelques minutes mon collègue, le député de Beauce-Sud, que, par ailleurs, je respecte parce qu'il parle toujours de ce qui se passe près de chez lui, dans son comté, de ce qu'il observe, de ce qu'il voit, et ses propos ont toujours une qualité d'observation de l'humanité. Je l'entendais parler brièvement de l'indépendance et dire: Les Québécois ont voté, en mai 1980. La question est réglée, n'en parlons plus jamais.

En tant que ministre des Communautés culturelles, des groupes ethniques, en fait, je célèbre chaque semaine, sinon chaque quinzaine, une fête de l'indépendance. Nous avons parlé aujourd'hui de l'indépendance de la Grèce. Il m'arrive donc, chaque fin de semaine ou presque, de célébrer avec des Slovaques, des Croates, des Grecs, des Barbadiens, des Philippins, des Algériens, des Indiens, des Hollandais, et j'en passe, la fête de leur accession, de l'accession de leur pays à l'indépendance. Et ils célèbrent ces cérémonies avec un enthousiasme, avec une joie qui les fait même pleurer tellement ils sont heureux.

M. Doyon: ...

M. Godin: Nous célébrons effectivement, M. le député de Louis-Hébert, l'indépendance du Canada, ce qui prouve que les Canadiens ne sont pas si bêtes. Je me demande pourquoi ce qui est bon pour eux serait mauvais pour nous, M. le Président.

Ce qui me frappe, par ailleurs, M. le Président - et je vous inciterais à dire au député de Louis-Hébert qu'il aura tout le temps de parler quand son tour viendra...

Une voix: ...

M. Godin: Ce n'est pas mon problème, c'est celui du président.

Ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est que ces communautés sont restées attachées non seulement à leur pays d'origine, mais également à des dates, à des personnes qui marquent cette démarche qui n'est pas facile et qui s'est faite, dans certaines circonstances, sur de très longues périodes. C'est ainsi que la communauté grecque, par exemple, a été sous la domination turque pendant quatre siècles. Ils ont réussi, après quatre siècles, à secouer la chape de plomb qui s'était abattue sur eux et à récupérer leur souveraineté, ce qui leur a permis de reprendre dans le monde une place qui leur était due et dont on avait perdu toute trace parce que les Turcs les empêchaient de s'exprimer, M. le Président, de se manifester tels qu'ils sont et tels qu'ils voulaient être, librement, à la face du monde. (21 h 20)

Chaque fois que je participe à ces cérémonies, je dis à toutes ces communautés culturelles: Je me joins à vous et quel bel exemple à suivre! Les seuls qui n'applaudissent pas quand je dis ces mots, ce sont les représentants du fédéral. Ils ont réussi à faire croire à certains Québécois, ces représentants du fédéral, qu'un journaliste qualifiait récemment de "gouvernement cancéreux à Ottawa"... J'ai eu pour eux dernièrement des mots ambigus et, à la réflexion, je me demande si tout cela ne s'apparentait pas un peu à une sorte d'extrême-onction, à une sorte de distribution de fleurs aux agonisants. Mais ma générosité, comme l'a dit le premier ministre, a amené mon coeur à dire des choses qui révèlent peut-être que tôt ou tard - et, espérons-le, le plus tôt possible - ils sont condamnés à disparaître de la carte de ceux qui manipulent les Québécois, de ceux qui les comblent de cadeaux, de patronage de toutes manières pour les empêcher de se libérer, par conséquent, qui les achètent, qui font le grand "bargain" du non, qui les achètent un par un, municipalité par municipalité, maison des jeunes par maison des jeunes. Ils tentent de les acheter pour les faire rester à l'intérieur d'un système dont tout le monde sait qu'il est nuisible sur le fond au Québec.

II peut être acceptable à certains égards, dans certains milieux, dans certaines circonstances, mais sur le fond, nous nous en rendons compte maintenant, à la veille de ce XXIe siècle, si nous ne sommes pas maîtres de notre destinée, nous sommes condamnés tôt ou tard à en subir les conséquences, celles-ci pouvant aller jusqu'à notre "louisianisation": notre survivance en tant que personnes ou notre disparition en tant que groupe qui aurait une culture, une langue par laquelle il s'exprime.

Que nous réserve donc l'avenir? Où en sera le français demain? Il faut être conscient dès aujourd'hui qu'au grand banquet de l'électronique, de la robotique, de la télématique et de la bureautique qui s'amorce il n'y aura peut-être pas de place pour tout le monde. En tant que minorité ici, en Amérique du Nord, nous courons des risques, mais ces risques s'accompagnent de la chance d'être dans une auberge familiale tout près du grand hôtel américain. Il faut donc être présent dès maintenant avec notre langue, notre culture, notre imagination dans cet univers à venir qui sera câblé et interconnecté auprès des grandes banques de données de l'univers.

Il doit donc y avoir une place pour le français sur la banquette du XXIe siècle. Qu'est-ce que les Québécoises et les Québécois feront de cette place? Ce qui est en cause, c'est d'abord et avant tout que nous ayons notre mot à dire, que notre spécificité trouve à s'y manifester, à y apparaître. Cette spécificité peut se permettre à l'occasion de ressembler beaucoup aux autres, à tel point qu'on n'y verrait point sa propre différence. Mais la tâche consistera, pour l'instant, à préserver comme la chose la plus précieuse du monde cette porte ouverte à toute éventualité, qu'elle prenne la forme qu'elle voudra. Donc, la question n'est pas de savoir ce qu'on fera de cette liberté, mais bien plutôt qu'on puisse y avoir recours.

Enfin, et plus important encore, si les petites nations comme la nôtre sont absentes de ce banquet futur, auquel le progrès nous convie, c'est tout simplement l'humanité qui en sera appauvrie. Si l'humanité est passée, il y a des siècles, par le processus de la remise des pouvoirs aux citoyens par les rois et toujours difficilement, l'histoire se répète aujourd'hui et il faut, dès ce jour, prévoir un monde où l'égalité des nations sera aussi importante que le principe de l'égalité des citoyens le fut dans le passé. À l'échelle de la planète, les citoyens, ce sont les nations et elles doivent être égales. Ou nous aurons, par conséquent, une répartition élitiste des pouvoirs, c'est-à-dire une répartition entre les grandes puissances uniquement, auquel cas nous subirions le despotisme du petit nombre des puissants sur les pouvoirs informatiques, ou nous aurons une répartition démocratique de ces pouvoirs dans le respect des souverainetés nationales, les petites comme les grandes, avec une place pour chacune. Et c'est à cette tâche à laquelle il faut convier aujourd'hui toutes les Québécoises et tous les Québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. J'étais ici quand le ministre a parlé, et j'espère que le ministre va rester ici pendant que je parle, parce qu'on peut de temps en temps apprendre l'un de l'autre. On est ici en réplique au message inaugural du premier ministre. Je me rappelle, il y a deux ans, quand on a été élu pour la première fois à Québec. Tout nouveau, on a parlé de message inaugural et on disait: L'Opposition a le droit de répondre. On peut parler de tous les sujets possibles. On m'a dit: Qu'est-ce que tu vas dire en réponse au message inaugural? Cela veut dire que c'est le PM qui parle. Cela veut dire quoi? PM, c'est le premier ministre, c'est M. René Lévesque. J'avais encore un peu peur, savez-vous, de M. René Lévesque. C'était après l'élection de 1981. Donc, j'ai parlé de mon comté.

Maintenant, on est à Québec depuis deux ans. Je pense qu'on devient vétéran assez rapidement ici. Hier, après presque deux ans, j'écoutais le PM, j'écoutais son discours et je me disais: Je pense que je suis bien capable de répondre à cela parce que dans ce discours il n'y a rien, ce n'est pas sérieux, ce n'est pas, disons, un espoir pour l'avenir de la population du Québec.

Je veux analyser maintenant ce message inaugural. M. le Président, le premier ministre, hier, a dit: C'est le temps de parler de Changement avec un grand C. Je suis d'accord avec cela. C'est le temps d'un changement à la non-tolérance de la part du Parti québécois, un changement à l'esprit non ouvert vis-à-vis des autres. C'est le temps d'un changement à cela. Je suis d'accord avec le premier ministre quand il parle de changement. Il faut un changement à la guerre continuelle avec le fédéral. Vous lisez les journaux comme moi, cette semaine, il y a une autre guerre concernant la contribution du fédéral pour aider les programmes des municipalités du Québec. Évidemment, une autre guerre constitutionnelle. Ici on ne veut rien savoir de cela. Dans toutes les autres provinces du Canada, cela marche à 100%. Cela crée de l'emploi. Ici au Québec, à cause d'un conflit de juridictions, on n'accepte pas. C'est le temps de changer cela.

C'est le temps d'un changement de gouvernement. Quand le premier ministre dit: un Changement avec un grand C, je suis

d'accord pour changer le gouvernement du Parti québécois une fois pour toutes, pour se débarrasser de cela.

Le premier ministre a dit, hier: C'est le temps de prendre les devants. Là, j'ai ri parce que prendre les devants, c'est justement le titre de notre manifeste libéral depuis un an. On a un manifeste qui répond aux besoins des Québécois et des Québécoises, bien étudié, bien étoffé, bien travaillé. Mais là, il dit: C'est le temps de prendre les devants. Quand j'ai regardé hier le premier ministre et que j'ai vu ses troupes autour de lui, tous ses députés et tous ses ministres, j'ai vu un groupe de gens fatigués, des gens épuisés, des gens brûlés, des gens déconnectés de la réalité, déconnectés des priorités. Eux, ils ont perdu la confiance de la population. Il n'y a pas de doute. On voit cela. Il n'y a plus rien, il n'y a plus d'élan, il n'y a plus d'optimisme. Ils sont là pour continuer, mais n'ont vraiment pas le goût et on en a la preuve à la manière dont ils parlent.

Hier après-midi, le premier ministre a parlé d'une cure d'amaigrissement. Depuis qu'ils sont au pouvoir, ils parlent de cet amaigrissement. On n'a pas vu encore beaucoup d'exemples. Je vais donner quelques exemples du gaspillage des fonds publics. Ils sont au pouvoir depuis plus de six ans maintenant et on est encore dans un temps de gaspillage des fonds. Savez-vous que le gouvernement du Parti québécois a déboursé les sommes suivantes? Juste quelques exemples d'il y a quelques mois: Dans la publicité, au ministère du Revenu, pour préparer les nouvelles formules d'impôt, 800 000 $ à une compagnie de New York, aux États-Unis, parce que, apparemment, on n'est pas capable de le faire ici. On a retenu les services d'une compagnie de New York pour 800 000 $ pour préparer une nouvelle formule d'impôt avec un petit message disant: S'il vous plaît, remplissez votre formule. Vous allez être contents de payer vos taxes. (21 h 30)

On a déboursé cette année, M. le Président, dans le projet Archipel - Archipel est le projet qu'on étudie pour savoir si, à Lachine, on va encore créer de l'énergie hydroélectrique - 600 000 $ et, jusqu'à maintenant, 4 000 000 $. Savez-vous qu'il existe un avis technique d'Hydro-Québec qui dit: Arrêtez cela, parce qu'il n'y a rien là-dedans, pas d'avenir, mais le gouvernement continue à débourser. Quand j'ai posé la question suivante au président du Conseil du trésor, M. Bérubé: Voulez-vous nous donner le total des sommes d'argent déboursées? Il a dit: Je ne peux pas vous le donner, il faut le demander en Chambre au ministre qui est en charge du projet. On l'a demandé. C'est le député de Hull qui a posé la question. On lui a répondu: Non, non, non, on ne peut pas donner cela ici. Il faut l'obtenir aux engagements financiers. L'un refuse de répondre et l'autre se cache en arrière du premier. La réponse, on l'a finalement trouvée. Il s'agit de 4 000 000 $ à 5 000 000 $ investis jusqu'à maintenant. Résultat: zéro.

La librairie Dussault. Il s'agit de quelques librairies qui se trouvent dans de belles villes de la province de Québec. Cela ne marchait pas, alors le gouvernement a pris une part dans la librairie Dussault. Comme dans Asbestos et dans Quebecair où ils ont pris le contrôle, ils sont allés dans la librairie Dussault. En juillet 1982, ils ont prêté une somme de 950 000 $, disons 1 000 000 $. Au mois de novembre 1982, cela ne marchait pas bien et on a décidé de vendre les librairies Dussault, parce que c'est presque une faillite. On a donné une subvention de 3 100 000 $. Total: 4 000 000 $ dans les librairies Dussault. J'ai posé la question suivante: Qu'a-t-on obtenu pour cela? Vous avez vendu. Combien avez-vous obtenu? J'attends la réponse depuis trois ou quatre mois.

Il y a une subvention à la corporation du comité organisateur des rencontres francophones du Québec pour une somme de 275 000 $. J'ai demandé au ministre ce que cela voulait dire, "rencontres francophones du Québec". Nous sommes tous des francophones. Où se rencontre-t-on? - Ah! je ne le sais pas. On va vérifier. Je pensais qu'il s'agissait des francophones hors du Québec. Cela se comprend qu'en dehors du Québec, au Manitoba, on leur donne un coup de main pour mener leur bataille. Mais non! Ce sont les rencontres francophones du Québec. Je n'ai pas encore eu de réponse, mais je sais que le montant qui a été accordé est de 275 000 $.

On a donné au comité de négociation, en novembre 1982, une somme de 3 100 000 $. On sait qu'il n'y a pas eu de négociation, parce qu'on a eu des décrets. Je ne parle pas du secteur de l'enseignement. Ce sont d'autres secteurs public et parapublic; 3 100 000 $ et pas de négociation, rien, rien, parce qu'il y a eu des décrets. Vous vous en souvenez, M. le Président? On a eu des décrets haut comme cela, et le député de Laurier, on voyait seulement sa main en haut, parce qu'elle était cachée par 60 000 pages de décrets: 3 100 000 $.

Le gouvernement a donné - écoutez bien cela, cela va vous choquer - une subvention aux commissions scolaires pour couvrir les frais d'intérêt en raison des délais dans le versement des subventions. Donc, le gouvernement n'a pas payé à temps ses subventions aux commissions scolaires. Les pauvres commissions scolaires ont été obligées d'aller à la banque et de demander des emprunts pour couvrir cela

temporairement. Qu'est-ce que cela a coûté? 903 000 $, presque 1 000 000 $.

Une voix: C'est effrayant;

M- Polak: Je parle ici de 4 000 000 $, 5 000 000 $, 10 000 000 $, seulement une petite carte. Excusez-moi, je tourne la carte. A Quebecair, on a accordé, en novembre 1982, un prêt pour combler les besoins de liquidité à court terme, parce que cela coûte cher, la fierté dans l'air, les drapeaux du Québec sur les avions: 5 000 000 $ au mois de novembre. Il y en a un autre au mois de décembre de 4 000 000 $. La petite carte que j'ai ici indique 11 000 000 $, un petit exemple. Le premier ministre parle d'une cure d'amaigrissement. Je n'ai jamais mentionné cela. Ce n'est pas une cure d'amaigrissement. C'est une cure pour tuer, pour en finir avec ce qu'on appelle le gaspillage des fonds publics. Le premier ministre a dit hier que le gouvernement va donner un recours aux contribuables contre le ministre du Revenu, parce qu'il y a des excès. Mais je me rappelle très bien que le député de Hull était à la commission sur les pourboires quand des serveuses sont venues témoigner devant nous. Elles ont dit que le gouvernement est allé chercher chez elles l'argent, voulant démontrer quels étaient leurs pourboires pour une période remontant à il y a dix ans. Ils ont dit: Madame, vous avez travaillé dans tel et tel restaurant il y a dix ans, vous y étiez comme employée, vous avez reçu des pourboires; montrez-nous ce que vous avez reçu. La pauvre dame répond: Je ne me le rappelle plus; j'ai travaillé là, qu'est-ce que je dois faire? Ahi le ministre a dit: Je calculerai cela vite pour vous. Le restaurant a fait des recettes totales de tant, vous étiez une des quatre serveuses, donc, vous payez 25% du total. Voici, je vous cotise tant. Vous avez le fardeau de la preuve pour démontrer que vous avez gagné moins que cela.

Nous étions là, le député de Hull a fait la preuve de tous ces exemples - c'est un scandale - pour aller chercher, sur une période rétroactive de dix ans, l'argent de la poche des pauvres dames qui n'ont même pas gagné cet argent. C'est pour cela, pour atténuer un peu la mauvaise impression parmi la population, qu'on dit maintenant: On vous donne un recours spécial. Merci beaucoup, M. le premier ministre, pour le recours spécial.

Le premier ministre a dit que c'était le temps de se concerter; une belle expression du Parti québécois, se concerter. Il a expliqué ce que cela voulait dire: travailler ensemble, vivre ensemble dans l'harmonie, se comprendre l'un et l'autre. Dans tout ce discours inaugural d'hier, pas un mot sur la loi 101. J'étais ici quand le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a parlé juste avant moi. Je sais que c'est un homme de bon coeur; sur le plan personnel, il est correct, sauf que dans la collectivité du Parti québécois il voit rouge. Quand ils sont dans la collectivité, ils ne peuvent plus agir seuls; ils ont ces rêves et ils ne sont plus raisonnables, tous ceux du parti deviennent - je ne veux pas dire "fous", c'est une accusation grave - disons déraisonnables.

Il devrait savoir, parce qu'il représente tout de même un comté de Montréal où il y a une minorité substantielle, la population grecque de Montréal... Je me le rappelle, je connais très bien son comté. Il doit savoir que les jeunes partent. Dans tout le discours inaugural, comment se fait-il que le ministre qui est ici - au moins il est poli, je l'ai écouté ce soir et il m'écoute, il est ici, j'apprécie bien cela, c'est le seul ministre qui m'écoute, je l'apprécie - n'ait pas influencé son premier ministre pour dire: Voici, il y aura quelques adoucissements à la loi 101; voici les choses à rectifier qui ne sont pas correctes pour que tout le monde l'accepte.

Nous, du Parti libéral, sommes en faveur du principe de la loi 101. Nous n'avons rien contre cela, sauf quand cela doit nuire ou faire payer les frais à une communauté qui n'était pas là dans le temps. Je suis un nouveau Canadien, je n'étais pas ici quand les injustices au Manitoba ont été commises; pourquoi dois-je payer pour cela? Ce n'est pas correct. Je pense que le ministre comprend cela, mais il n'a pas influencé son premier ministre pour dire un mot dans le discours inaugural, pas un mot là-dessus.

I want to say something in English, Mr. Speaker. I think the Minister should listen to this. We all know and he knows how many anglophone young people and non-francophone young people of all races and backgrounds are leaving the Province of Québec, because they no longer feel at home. They are no longer happy here. We have deputies, MNAs here in Québec whose children do not want to stay in the province because they have no confidence, and I think it is a shame. I think it is too bad that a minister who may be of good faith, because he is known as a smooth man, he comes to a group of immigrants and he talks and they say: Well, he is not bad, I think we can live with him. I say: Do not trust him, because if he is that good, how come he cannot influence his boss to make some changes? He always promises but nothing comes forth.

M. le Président, hier, le premier ministre a parlé de la croissance de l'emploi. Il a dit que c'était important. Il faut avoir une croissance de l'emploi et il faut avoir une croissance de l'investissement. Une croissance de l'emploi; savez-vous de quelle manière? On a un programme ici qui s'appelle Chantier-Québec. Soyons très

honnêtes. Ce n'est pas un programme de création d'emplois. C'est un programme pour se débarrasser des jeunes. On crée un programme, on donne du travail pendant 20 semaines et, ensuite, on les envoie vite au fédéral pour 50 semaines. On dit: Merci, vous êtes partis de chez nous, vous êtes maintenant à Ottawa. On a la preuve de cela. (21 h 40)

Chaque mois, à la commission des engagements financiers où on étudie toutes les subventions et les montants excédant 20 000 $ payés par le gouvernement. On trouve tous ces ministères. On trouve évidemment le programme Chantier-Québec. Je pense que la population a le droit de savoir ce que cela veut dire. Juste un exemple des programmes. Il y en a des dizaines comme cela. Je vous donne un programme dans le comté de Rouyn-Noranda, un comté péquiste. Que font-ils? Ils donnent 30 000 $ à 5 jeunes pendant 20 semaines pour faire quoi? Aménagement d'un ancien bateau de drave pour exposition. On a trouvé un ancien bateau, on va travailler là-dessus pour exposition. Aménagement du terrain, parce qu'il faut nettoyer le terrain autour, il ne faut pas que ce soit trop croche, nettoyer les hangars, avec le "broom", faire des tables et des bancs, recherche et cueillette de photos, objets et meubles.

M. le Président, soyons honnêtes. On paie avec la bourse publique, avec l'argent de tous les contribuables, de tous les Québécois et les Québécoises qui travaillent, qui paient leurs impôts. On donne une somme de 30 000 $ pour un projet. Entre nous, c'est enfantin, c'est puéril - je pense que c'est le mot - cela vaut zéro au point de vue de création d'emplois. Il n'y a rien là. Cela ne donne pas la fierté aux jeunes qui n'ont pas d'emploi, du tout, parce que ramasser un peu de sable autour de cela, préparer une petite exposition de bateaux... Mais ce qui est important, c'est qu'on donne 30 000 $ pendant 20 semaines au projet, et ensuite, après 20 semaines, on dit: Vous, MM. les jeunes, on se débarrasse de vous autres parce que vous allez à Ottawa. Pendant 50 semaines, le fédéral va vous payer l'assurance-chômage.

M. le Président, pensez-vous que c'est un projet sérieux, ce qu'on appelle Chantier-Québec, où on crée des emplois, où on fait quelque chose pour donner la fierté aux jeunes de reprendre le goût du travail? C'est ce qu'on appelle en anglais "stopgap measure", c'était juste pour remplir le trou temporairement, puis on l'envoie à Ottawa et, là, nous ne sommes plus responsables. C'est un mépris de la jeunesse d'avoir un programme comme cela.

M. le Président, le premier ministre a parlé hier de la croissance des investissements. Comment voulez-vous qu'il y ait une croissance des investissements quand on a un climat de non-tolérance? M. le Président, il y a deux ans, j'étais président d'une petite chambre de commerce qui s'appelait Chambre de commerce Pays-Bas-Canada (région de Québec), parce que nous sommes bien Québécois. On a eu des demandes de la part des Pays-Bas pour établir des compagnies, des manufactures. En fait, je me rappelle très bien une compagnie qui voulait fabriquer des tapis. Elle a fait la comparaison entre le Québec et l'Ontario. Je fais tout mon possible parce que je suis un nouveau Québécois. Je lui ai écrit et j'ai dit: Établissez-vous dans la province de Québec. On a besoin de vous, il y a des subventions du gouvernement, s'il vous plaît, établissez-vous ici, chez nous, pour créer des emplois pour les Québécois. Elle a étudié cela et elle a décidé d'aller en Ontario, parce qu'elle avait peur du climat politique, elle avait peur de ne pas être bienvenue à cause du facteur de non-tolérance, de la violence d'esprit. Vous n'êtes pas comme nous, donc, vraiment, on ne vous accepte pas. C'est bizarre. Ce sont des gens des Pays-Bas qui sont bien raisonnables, avec des oreilles ouvertes. Mais en rencontrant des divergences, en s'informant, ils n'ont pas voulu s'établir ici.

Deuxième point. Ils ont vérifié vite et ils ont vu que ceux qui travaillent dans la gérance paieraient beaucoup plus en impôt provincial qu'en Ontario parce que l'écart au point de vue taxe était assez large pour les décider de ne pas s'établir ici. Il y a un tas d'exemples comme cela.

M. le Président, je voudrais passer rapidement sur la fragilité de notre économie dont le premier ministre a parlé, les critères dans les plans de subvention aux PME. Vous vous rappelez, cet après-midi, il y a eu l'affaire qu'on appelle "le frère Biron". C'est bizarre. Il faut que je rappelle cela, tout de même, parce que je n'accuse pas le ministre d'avoir quelque chose de pas correct avec son frère mais je trouve bizarre qu'il ait dit publiquement hier, dans sa conférence de presse, qu'un des cas où lui avait décidé, contre l'opinion de la SDI, de donner une subvention c'était - savez-vous pourquoi? -parce que c'était la 26e entreprise de fabricants de meubles qui avait demandé la subvention. Les 25 autres l'avaient obtenue et il pensait que la 26e avait besoin de cela, que ce n'était pas correct de ne pas la donner. Il a dit: J'ai décidé de donner la même subvention à l'entreprise no 26 parce que les 25 autres entreprises l'avaient obtenue. Cela, c'est grave. Cela veut dire que, dans le Québec, on ne peut plus marcher sans subvention. Toutes les compagnies doivent être subventionnées, autrement cela ne marche pas. Cela ne tient pas debout.

Si une compagnie est capable de vivre

indépendamment sur le plan financier, faire son argent, elle n'aura pas besoin d'une subvention de la part du gouvernement, cela veut dire de la part de nous, les contribuables, c'est tous les Québécois et Québécoises qui payent pour cela. Cela c'est grave.

M. le Président, le premier ministre a parlé hier de la représentation officielle du Québec à l'étranger. Il dit: On a besoin de cela. On a besoin de gens qui vendent nos produits. Dans mon comté, la semaine dernière, j'ai reçu cela. Regardez ce beau dépliant: Le Québec dans le monde. Regardez cela, M. le Président, en cinq couleurs. Plus que jamais une nécessité. Ce n'est pas possible. Combien cela coûte? Je demandais à un imprimeur de Montréal, est-ce que c'est cher, ce dépliant? Il a dit: Cela, c'est en cinq couleurs imprimées. C'est bien beau. Qu'est-ce que cela fait? Cela, c'est pour promouvoir, cela vient du ministère des Affaires intergouvernementales. Cela ne vient pas du ministère du Commerce extérieur parce qu'ils sont des concurrents. Pour la simple population qui veut savoir de qui cela vient, cela vient de M. Morin, le ministre. Il explique la fierté québécoise dans le monde. Voici le Québec dans le monde. On a le flash partout. C'est comme une ligne aérienne, on va partout, nous autres: Los Angeles, Hong-Kong, Japon, Buenos Aires, etc. Cela vient de son ministère. Il ne parle pas du commerce extérieur, cela c'est un autre ministre. Il ne parle pas non plus d'un autre ministre, qui s'appelle le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il y a trois ministres qui se bataillent entre eux. Donc le ministre des Affaires intergouvernementales a décidé de lancer ce feuillet pour nous dire ce qui est disponible.

On a demandé, à la commission des engagements financiers, combien coûte notre représentant du Québec au Mexique, par exemple? Le ministre Bérubé, président du Conseil du trésor, a répondu: Savez-vous, nos représentants de Québec auront le droit de vivre de la même manière que les ambassadeurs du Canada. On a dit: Cela coûte un peu moins cher, cela devrait coûter moins cher parce que nous sommes tout de même une petite province dans tout le Canada. Non, non, non, non, il faut respecter le Québec. C'est leur manière d'agir, tandis que nous, nous n'avons rien contre les représentations de l'extérieur, on demande une rentabilité. On aimerait bien savoir, au lieu d'avoir la grande bataille de la fierté, qui est le "boss" et qu'est-ce que ça rapporte à la province de Québec.

Il ne me reste pas beaucoup de temps, M. le Président. Je me rappelle qu'hier, pendant le discours du premier ministre, pas un applaudissement des péquistes. Ils étaient tous ici. Mais quand il a parlé du régime -les deux dernières pages de son discours - là, il y avait des applaudissements. J'ai compté, cinq fois ils ont éclaté, debout avec les larmes aux yeux parce qu'il a parlé du régime. Qu'est-ce qu'il a dit? Je vais vous dire ce qu'il a dit: II faut se permettre d'entrer, nous les Québécois, "dans la grande foule des nations libres et modernes." Tout le monde debout avec les larmes aux yeux. Ah! Savez-vous? "Les nations libres et modernes..." (21 h 50)

J'écoutais ça et je me disais: Ce n'est pas possible. "Nations libres et modernes!" Demandez à tous les Ukrainiens, les gens des pays de l'Est de l'Europe qui sont ici. Le Canada, le Québec, ce n'est pas une nation libre? Vous devriez être choqués par ce que vous avez dit. Pour moi, M. le Président, c'est une insulte à la population de parler comme ça, de dire que nous ne sommes pas une nation libre et moderne. Demandez ça aux Noirs qui viennent de tous les coins du monde, pour qui c'est possible d'entrer au Canada. Ils feront tout leur possible pour entrer ici, légalement ou illégalement. Quand ils arrivent à Mirabel ou à Dorval, ils sortent de l'avion, ils tombent à terre et ils embrassent la terre du Québec parce qu'ils sont bienvenus au Québec, qui fait partie du Canada. Vous avez la scandaleuse attitude de dire: On veut avoir notre nation libre et moderne. S'il vous plaît!

Hier, le premier ministre a dit: On veut parler de la question nationale. Encore toute la gang debout avec les larmes aux yeux. Deuxième fois! La question nationale!

Quand on les rencontre un par un, M. le Président, ils sont corrects, ils sont gentils, ils sont normaux, ils sont humains, mais en masse, en groupe, comme Parti québécois, quand quelque chose arrive ils sont transformés je ne sais pas en quoi. C'est incroyable de voir ça, je l'ai vu hier, je l'ai vécu et ça me fait peur.

La question nationale! Qu'est-ce qu'il a dit? Encore une troisième fois, debout tout le monde. On veut réaffirmer son intention de placer la question nationale... et il faut passer par l'indépendance. Il a parlé d'indépendance. Une quatrième fois, applaudissements, tout le monde debout. Indépendance!

M. le Président, vous savez très bien que l'indépendance est arrivée dans les pays de l'Ouest de l'Europe. Cette semaine il y a un problème, ils sont indépendants mais ils sont aussi interdépendants. Ils ont eu cette semaine une grande crise monétaire, ils se sont mis ensemble, ils ont réglé ça parce qu'ils ont réalisé très vite - je viens d'un de ces pays de l'Europe de l'Ouest - qu'il faut se mettre ensemble et non pas se diviser. Ils ont réglé le problème parce qu'ils réalisent leur interdépendance. Pas ici, on ne veut rien savoir de ça. Ici, de l'autre côté de la Chambre, le Parti québécois retourne au

XV111 siècle. Pour eux c'est l'indépendance, la liberté. Finalement, il faut vivre libre. Je me suis dit: Ce n'est pas possible'. Mais je l'ai vu, je l'ai vécu et je suis choqué de l'avoir vu.

Le premier ministre a dit: II faut que notre jeunesse - c'est grave, il l'a dit -fasse "sauter le verrou pour que le Québec, sa jeunesse surtout, puisse prendre enfin son avenir à pleine main." Mais dire: "faire sauter le verrou", savez-vous que c'est presque inciter quelqu'un à poser un geste de quasi-violence. "Faire sauter le verrou!"

Qu'est-ce qu'on veut faire? On construit le programme de 20 semaines au provincial et envoyez vite à Ottawa pour 50 semaines. Que voulez-vous faire? Vous allez faire le programme et on les gardera ici pendant 70 semaines parce qu'on ne peut plus les envoyer à Ottawa, on les gardera ici pour 20 semaines et ensuite un autre programme et on paie pour dans le Québec indépendant.

Quand j'ai entendu le premier ministre hier, j'ai pensé: Lui, c'est un médecin qui a une drogue miraculeuse pour tous les maux du Québec. Une drogue miraculeuse! Comment s'appelle cette drogue? Cela s'appelle l'indépendance. S'il vous plaît, mesdames et messieurs de la population du Québec, prenez cette drogue, l'indépendance, et on va guérir tous les maux du Québec.

M. le Président, je voudrais terminer sur cela. Quand j'ai entendu le Dr Lévesque, René Lévesque essayer de vendre cette drogue, déjà ses commissaires, autour de lui, sursautaient avec les larmes aux yeux, l'applaudissaient quatre ou cinq fois parce qu'ils sont prêts, eux, à prendre cette drogue. Je me suis dit: Ce n'est pas un docteur, c'est ce qu'on appelle en anglais un "witch doctor", c'est un sorcier-guérisseur.

Une voix: Un charlatan!

M. Polak: C'est ce qu'il est parce qu'il essaie de vendre une drogue alors que tout le monde sait très bien que ça ne marchera jamais. Il essaie de vendre à la population, comme un vrai sorcier-guérisseur, une drogue qui s'appelle l'indépendance du Québec. Il ne sera pas capable de la vendre. Il n'a pas réussi à le faire lors du référendum et il essaie de revenir là-dessus. Les gens ont évolué, ils sont matures et nous, la population, ne sommes pas prêts à acheter cette formule.

C'est malheureux que ce soit la seule fois où les péquistes, de l'autre côté de la Chambre, l'ont applaudi. Cinq fois de suite, je les ai comptées. Ils ne l'ont pas applaudi une fois quand il a parlé du programme sur l'économie. Pas un seul applaudissement, personne! Mais quand il a parlé de la drogue miraculeuse qui s'appelle l'indépendance, ils l'ont applaudi cinq fois de suite. Je trouve cela triste. Vraiment, je m'attendais à mieux que cela.

En terminant, je vais citer la page 2 du discours inaugural du premier ministre. Je cite M. René Lévesque, PM du Québec: "Bien sûr, le changement est déjà là, partout, irrésistible. On n'a qu'à ouvrir les yeux pour le constater." Avec cela, je suis d'accord, mais je dois ajouter une chose: La population en a assez du gouvernement du Parti québécois. Merci.

Des voix: Bravo! Excellent!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Je demande l'ajournement du débat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à mardi, 14 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont ajournés à mardi, 14 heures.

(Fin de la séance à 21 h 56)

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