Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quatorze heures douze minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
Nous allons nous recueillir un instant. Veuillez vous asseoir.
Visite de M. Mario Bonenfant
Chers collègues, je voudrais attirer l'attention de cette
Assemblée et de tous ses membres sur la présence dans nos
galeries, cet après-midi, d'un jeune Québécois qui a fait
honneur au Québec en se classant 2e lors de l'émission La course
autour du monde, M. Mario Bonenfant.
Aux affaires courantes, nous passons au dépôt de documents.
M. le député de D'Arcy McGee.
Pétition déplorant l'attitude du
gouvernement envers les enseignants
M. Marx: Merci, M. le Président. I have a petition here
that was signed after a meeting in Centennial High School in the riding of
Vachon on March the 2nd, 1983. The petition reads as follows: "In a democratic
society whenever the Government, through the instruments of legislative
prerogatives and decrees, encroaches upon the fundamental and constitutional
rights of individuals or institutions, it becomes incumbent upon its citizens
to take a stand. This meeting therefore seeks your support for the following
statement of its position. 1. We, as residents of Québec, deplore the
action of the present Government for using the full force of its legislative
powers not only in imposing the new working conditions on our teachers, but
also for showing total lack of respect for human rights by setting aside the
application of the Canadian Charter of Rights and Freedom, nullifying the
Québec Charter of Human Rights and Liberties under the provisions of
Bill 111. 2. Recognizing that all employees, parents and elected members of
school boards are doing their outmost to promote a positive atmosphere
essential to the education of children, we demand that the Government withdraw
Law 111 immediately; that the negotiations between the parties concerned be
carried on in good faith and with dispatch; that should the parties fail to
reach an agreement before March 14th, the dispute be referred to a mediator and
that the schools and colleges be allowed to function normally during this
period of mediation. 3. Moreover, since the process of negotiations in the
public sector has always caused a certain amount of turmoil and hardship, we
strongly urge that the Government appoint a commission of inquiry to study ways
and means to avoid confrontation and work stoppages in the public sector in
future."
M. le Président, j'ai laissé des espaces s'il y a des
députés qui aimeraient signer cette pétition. Merci.
Le Président: Pétition déposée.
J'en profite, mes chers collègues, pour vous rappeler que
l'article 180 nous dit que "la pétition doit d'abord contenir une
désignation des pétitionnaires, puis un exposé clair,
succinct, précis et en termes modérés des faits pour
lesquels ils demandent l'intervention de l'Assemblée et être
signée par tous les pétitionnaires".
Il est bon de rappeler ces choses pour que nous puissions tous nous en
inspirer.
Au dépôt des rapports des commissions élues, M. le
député de Vimont.
Des voix: II n'est pas là.
Le Président: M. le député de Champlain.
Auditions relatives à l'évolution et
l'avenir de Quebecair
M. Gagnon: M. le Président, au nom du député
de Vimont, il me fait plaisir de déposer un document officiel,
l'étude de l'évolution et de l'avenir de Quebecair.
Le Président: À l'ordre!
Rapport déposé.
M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: J'aurais simplement une petite question de
règlement à soulever. Il me semble que je n'ai pas entendu
appeler le chapitre des déclarations ministérielles. Serait-il
possible de revenir sur ce point?
Le Président: M. le leader, j'ai pris sur moi, pensant que
c'était une heureuse initiative - je suis sûr que vous
l'entérinerez - étant donné que le président est
averti au préalable du déroulement des travaux des affaires
courantes et qu'il m'apparaissait inutile de faire une
énumération complète des choses qui ne se produiront pas,
pour accélérer nos travaux qui, malheureusement, ont encore
commencé en retard, d'éviter
justement cette répétition en passant directement aux
choses qui sont pertinentes aux affaires courantes.
M. Lalonde: M. le Président, il est tout à
fait...
M. Gagnon: Je m'excuse, M. le leader de l'Opposition, c'est que
je viens de faire une erreur dans le dépôt de documents. Je
n'avais pas le document et je me rends compte que...
Qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission
élue permanente des transports qui a siégé - probablement
que les documents que j'ai déposés allaient avec - les 1, 2 et 14
mars 1983 - cela va, M. le Président, est-ce que je peux
continuer?...
Le Président: Je vous en prie.
M. Gagnon: ...aux fins d'entendre certaines personnes
relativement à l'étude de l'évolution de l'avenir de
Quebecair. J'avais déposé le deuxième document en
premier.
M. Bourbeau: Question de règlement.
Le Président: Pour les bons soins du procès-verbal,
le document que vient de lire le député de Champlain, le rapport
de la commission, est donc le rapport qui est déposé.
M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je viens d'entendre le
député de Champlain nous parler de l'évolution de l'avenir
de Quebecair. Si j'ai bonne souvenance, c'est l'évolution...
Le Président: À l'ordre! M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai permis au
député de Champlain de m'interrompre pour faire sa correction.
J'avais soulevé une question de règlement qui m'apparaît
assez sérieuse. Je comprends qu'on vous avertisse à l'avance si
on a des déclarations ministérielles à faire et, comme les
déclarations ministérielles viennent du côté
ministériel, il est fort normal que vous n'en attendiez aucune de
l'Opposition. Il arrive cependant qu'un député de l'Opposition
ait une remarque à faire à ce moment-là de nos travaux. Il
n'y a pas de déclarations ministérielles? On prend acte à
ce moment-là qu'aucun ministre n'a de déclaration
ministérielle à faire. C'est très important que la liste
des choses qui nous occupent soit faite et dite.
Le Président: Je prends bonne note de votre remarque, M.
le leader de l'Opposition.
Si c'est votre souhait que je lise tous les éléments des
affaires courantes les uns après les autres, je n'y vois pas
d'objection. Je pense que nous allons simplement retarder un peu les choses
mais je veux faire remarquer que, si l'Opposition veut constater qu'il n'y a
pas de déclarations ministérielles, on peut aussi prendre acte du
fait qu'ayant sauté cette étape aux affaires courantes
équivaut au fait qu'il n'y a donc pas de déclarations
ministérielles.
M. Picotte: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Si vous aviez appelé les déclarations
ministérielles, je me serais étonné que le ministre de la
Justice n'ait pas de déclaration à faire concernant les
sinistrés de Louiseville. (14 h 20)
Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À
l'ordre! M. le député de Maskinongé, je vous en prie.
Il n'est pas question de soulever quelque question de règlement
ou de privilège du fait que quelque chose n'a pas été
fait. À ce moment-là, toute la séance sera
consacrée à ce genre de questions. Il est bien évident
qu'on ne peut pas procéder de cette manière-là.
Si on insiste pour que je lise tous les éléments des
affaires courantes, eh bien!
Nous devions donc commencer par les déclarations
ministérielles, suivi du dépôt de documents, ce que le
député de D'Arcy McGee a fait. On peut donc penser que ce que le
député de D'Arcy McGee a fait a été fait au bon
moment.
Quant au dépôt de rapports de commissions élues, la
commission a dûment déposé son rapport au bon moment,
même s'il faut revenir en arrière.
Quant au dépôt de rapports du greffier en loi sur les
projets de loi privés, il n'y en a pas.
Quant à la présentation de projets de loi au nom du
gouvernement, il n'y en a pas; quant à la présentation de projets
de loi au nom des députés, il n'y en a pas...
Une voix: ...
Le Président: En annexe, il n'y en a pas.
M. Blank: Je voudrais le consentement pour déposer...
Des voix: Ah!
Le Président: À l'ordre!
Avant de procéder à l'autre étape qui
est celle des questions orales des députés, puisque nous
entamons une nouvelle session et que vous avez bien voulu élire un
nouveau président, j'aimerais vous rappeler, pour la bonne
compréhension de tous les membres de cette Chambre, les articles 168 et
170 concernant la période des questions: "Une question ne doit contenir
que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements
demandés. Est irrecevable une question: 1. Qui est
précédée d'un préambule inutile; 2. Qui contient
une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une
suggestion ou une imputation de motifs; 3. Dont la réponse serait une
opinion professionnelle ou une appréciation personnelle." De même,
à l'article 170: "La réponse à une question doit se
limiter au point qu'elle touche, être brève et claire et ne
contenir ni argument ni expression d'opinion. Toutefois, une certaine latitude
est accordée aux ministres. Une réponse est tenue pour
finale."
Si je me suis permis, en ce début de session, de relire ces deux
articles, c'est que j'ai l'intention, avec votre collaboration, de les
appliquer. Je pense qu'il y va de la meilleure santé démocratique
de cette Assemblée si la période des questions se déroule
telle que le règlement le prévoit.
Je dis ces choses également parce que, tant de part et d'autre,
on peut, par moments, prendre ombrage d'une décision du
président, mais que c'est protéger les droits de tous les
parlementaires à poser des questions, des questions additionnelles, et
à recevoir des réponses que d'agir ainsi et avoir une
période des questions qui soit conforme à celle de notre
règlement.
Cela dit, nous passons effectivement à la période des
questions orales des députés.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, vous m'invitez à poser
une question, je présume.
M. Payne: Question de privilège, M. le
Président.
M. Lalonde: Nous tenterons de...
Le Président: Une question de privilège est
soulevée par le député de Vachon.
M. Payne: M. le Président, je ne voudrais pas vous
déranger...
Le Président: Vous ne me dérangez pas.
M. Payne: ...mais j'ai essayé de soulever une question de
privilège tout à l'heure lorsque le député de
D'Arcy McGee, lisant sa pétition, voulait faire comprendre à
cette Chambre que les électeurs du comté de Vachon...
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
M. Payne: ...de la Centennial High School, avaient signé
une pétition. Or...
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: II y a une question de règlement, M.
le député de Vachon. M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que vous avez
entendu assez de mots prononcés par le député de Vachon
pour vous rendre compte que rien dans la pétition déposée
par le député de D'Arcy McGee n'affectait le privilège du
député de Vachon, à moins qu'il ne se déclare
antidémocrate ou quelque chose comme cela.
Le Président: Effectivement, M. le député de
Vachon, à moins que vous n'ayez des précisions à apporter
très rapidement sur la nature de votre question de privilège, ce
que vous avez dit jusqu'à maintenant me porte à croire que ce
n'en est pas une, à moins que je ne me trompe; je veux bien vous laisser
quelques secondes encore sur la question de privilège.
M. Payne: Ma question de privilège est très simple,
M. le Président, le Centennial High School, auquel faisait
référence le député de D'Arcy McGee, ne se trouve
pas dans mon comté, il est situé dans le comté
libéral de Laprairie.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: Je vous en prie, je vous en prie! Messieurs!
Cela a beau être le début d'une nouvelle session et le printemps,
l'effervescence est un peu grande.
M. le député de Vachon, ce n'était pas une question
de privilège. S'il y a eu erreur géographique, c'est
malencontreux; s'il n'y a pas eu erreur géographique, ce n'est donc pas
malencontreux. Cela ne constitue en aucune façon une question de
privilège. Au cas où M. le député de Laprairie, que
j'ai vu se lever spontanément, aurait envie de soulever une autre
question de privilège sur le même sujet, je lui dis tout de suite
que ce n'en est pas une non plus.
M. Marx: M. le Président, je soulève une question
de privilège.
Le Président: M. le député de D'Arcy McGee,
je pense avoir indiqué qu'une appréciation géographique ne
donne pas vraiment lieu à une question de privilège. Les
privilèges des membres de cette Assemblée et le vôtre en
particulier n'ont pas été compromis par l'intervention du
député de Vachon.
M. Marx: M. le Président, si je me suis trompé,
à la différence des autres, j'aimerais m'excuser. J'aimerais dire
que je me suis trompé sur le lieu mais, de toute façon,
c'était signé en grande majorité par des résidents
du comté de Vachon.
Le Président: Voilà donc qui rétablit
l'ensemble de la situation, je l'espère. Nous sommes effectivement aux
questions orales. M. le leader parlementaire de l'Opposition, la parole est
à vous.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Les rencontres du premier ministre
et de son personnel sur le règlement
hors cour de l'action consécutive
au saccage de la Baie-James
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question à
poser au premier ministre. Afin que la commission parlementaire qui sera
appelée à examiner le rôle et les interventions directes ou
indirectes du premier ministre et de son entourage politique dans le
règlement hors cour de l'action sur le saccage de la Baie-James puisse
préparer ses travaux, est-ce que le premier ministre peut prendre
l'engagement de rendre public dans les meilleurs délais -je sais qu'il
ne pourra pas me répondre aujourd'hui, c'est pour cela que je ne demande
pas la réponse immédiate - avant le début des
séances de cette commission, la liste de toutes les rencontres entre
lui-même ou un membre de son personnel politique et l'une ou l'autre des
personnes intéressées dans cette poursuite judiciaire
intentée par la SEBJ, de même que les détails des
communications écrites ou téléphoniques entre le premier
ministre ou un membre de son personnel politique et les mêmes personnes,
le contenu des échanges écrits, les documents
préparés ou échangés ou corrigés ou
étudiés au bureau du premier ministre à Montréal ou
à Québec ou dans d'autres lieux, mais en présence du
premier ministre ou d'un membre de son personnel politique?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je voudrais
demander au député de Marguerite-Bourgeoys, à propos de
choses qu'il voudrait qu'on rende publiques dans les meilleurs délais,
la liste des rencontres - je m'excuse, je n'ai pas eu le temps...
M. Lalonde: Je peux la répéter.
M. Lévesque (Taillon): Quelle était la liste des
choses?
M. Lalonde: C'est la liste des rencontres entre lui-même ou
son personnel politique, son chef de cabinet ou son adjoint, et l'une ou
l'autre des parties qui ont fait le règlement; les détails des
communications entre ces parties et les documents qui, pendant cette
période, entre disons le 1er octobre 1978 et le 31 mars 1979, ont
été échangés ou préparés ou, enfin,
ont quelque pertinence avec le problème que la commission est
appelée à étudier. Je ne demande pas les dates et les
détails aujourd'hui au premier ministre - il n'a sûrement pas cela
en mémoire - mais j'aimerais que les membres de la commission aient la
communication de tous ces éléments avant de commencer
l'étude. (14 h 30)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais
arriver très rapidement à la réponse au
député de Marguerite-Bourgeoys. Je voudrais simplement faire un
très rapide préambule pour être sûr qu'on se situe
bien. Au-delà de la réplique que j'avais envoyée, le jour
même de la parution de l'article de la Presse de Montréal,
à cette dernière et aux autres médias d'information,
j'aurais bien voulu qu'on aille tout de suite - c'est un peu ce
qu'évoque le député de Marguerite-Bourgeoys - au fond des
choses, comme je l'ai dit, en long, en large et en profondeur. Mais pour faire
cela - et le député de Marguerite-Bourgeoys vient de le souligner
à sa façon - cela exige pas mal de préparation,
après quatre ans et plus, pour ressasser et retrouver tout cela. Si le
député de Marguerite-Bourgeoys...
Une voix: Le ressasser, en tout cas! Des voix: Ah! Ah!
M. Lévesque (Taillon): ...n'avait pas profité de la
nomination du président pour faire une sorte d'ultimatum, c'est
aujourd'hui plutôt qu'hier - mais enfin! je suis très heureux que
ce soit arrivé, finalement - que j'aurais annoncé ce que,
finalement, j'ai annoncé hier, c'est-à-dire la tenue, dans les
meilleurs délais, d'une commission parlementaire chargée de faire
toute la lumière à partir des souvenirs, des témoignages
et des documents des principaux intéressés. Ce que demande le
député de Marguerite-Bourgeoys est très logique.
J'espère que cela n'ira pas jusqu'à toutes les communications
téléphoniques, parce que, là, cela pourrait être
compliqué, je suppose, mais la liste des rencontres que j'ai pu avoir,
ou des membres de mon personnel politique, autour de cette question, le cas
échéant, le détail des communications principales, on
essaie de retrouver tout cela - le travail est en marche - entre 1978,
entre le moment où cela a pu commencer à se discuter dans
la perspective d'un règlement et 1979, la date fatidique des documents
pertinents. Cela est sûr. C'est comme appliquer là-dessus la loi
d'accès à l'information, quoi! On va essayer de tout retrouver.
Évidemment, cela va impliquer des témoignages, des souvenirs
aussi et probablement une recherche du côté des gens qui vont
être convoqués au premier chef, les membres du conseil
d'administration de la SEBJ qui étaient en fonction lors des
événements, en 1979, dont la plupart d'ailleurs, sauf erreur,
sont encore en fonction. Tout cela sera évoqué tout à
l'heure par le leader, comme il se doit, après la période des
questions. À ce propos, comme il s'agit de gens qui étaient
directement impliqués, je dois dire ceci: J'ai reçu des
communications depuis deux jours et la réponse est qu'on fera tout ce
qu'on peut pour que tout cela soit disponible pour la commission.
J'ajoute quelque chose à propos de choses à rendre
publiques. J'ai reçu, depuis deux jours, spontanément, des
communications de trois personnes qui feront partie de ce groupe de gens qui
vont être convoqués. J'ai l'intention de les rendre publiques, de
toute façon, aujourd'hui, avec leur permission. Je suis sûr que
cela fournirait certains éclairages à la Chambre. Il me
paraîtrait normal - si on m'y autorise - de faire état de ces
communications. Cela demande le consentement, si on me le donne.
Une voix: Ce n'est pas nécessaire, vous pouvez les
déposer.
Le Président: II n'y a pas de déclaration
ministérielle à cette étape-ci.
M. Lévesque (Taillon): ...déclaration
ministérielle.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à ce
que le premier ministre fasse état de...
M. Lalonde: M. le Président, vous nous avez avisés,
tout de suite au début, que les questions devaient être courtes,
cela a été court, et que les réponses devaient être
courtes. Si le temps pris par le premier ministre pour lire trois lettres est
pris après la période de questions, on n'a pas d'objection. Il
pourrait aussi les déposer. On pourrait les lire. On sait lire.
M. Lévesque (Taillon): Je n'entrerai pas dans le
détail, mais je crois que l'essentiel des trois lettres que je pourrais
déposer - si on me le permettait - peut être lu en une minute, une
minute et demie.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement de
l'Opposition? Des voix: Consentement. Le Président:
Consentement.
M. Lévesque (Taillon): La première est celle-ci:
"M. le premier ministre, il se dit et s'écrit toutes sortes de choses
ces jours-ci concernant le règlement hors cour survenu à la suite
du saccage de la Baie-James. Selon les médias, j'aurais
déclaré telle ou telle chose - selon les médias - Je crois
de mon devoir de mettre par écrit ce que vous et moi savons
déjà." Un, deux, trois et quatre. "Premièrement,
j'étais contre le règlement hors cour intervenu en 1979.
Deuxièmement, je serais encore aujourd'hui du même avis.
Troisièmement, je savais que vous étiez favorable à ce
règlement hors cour par M. Laliberté, président de la
SEBJ. Quatrièmement, au retour des trois membres qui sont allés
vous rencontrer, soit MM. Boyd, Saulnier et Laliberté, M. Saulnier,
président du conseil à l'époque, nous a rapporté
qu'il était de votre désir de régler hors cour.
Cinquièmement, vous ne m'avez jamais parlé de cette affaire. Vous
n'avez donc pu exercer sur moi quelque pression que ce soit. Je vous prie
d'agréer, M. le premier ministre, l'expression de mes sentiments
distingués." C'est signé Roland Giroux.
La deuxième lettre, aussi très brève, est celle-ci:
"M. le premier ministre, je suis pour le moins peiné de ce que les
médias d'information véhiculent depuis quelque temps sur les
à-côtés du règlement intervenu dans l'affaire du
saccage de LG-2. Bien que j'aie voté contre, je tiens à vous
assurer que, quant à moi, le conseil d'administration de la SEBJ a pris
la décision qu'il jugeait la plus saine pour l'entreprise et je n'ai pas
souvenance que des pressions aient été exercées sur le
conseil pour qu'il décide d'abandonner les poursuites civiles
entreprises quelques années plus tôt. Si cela était
jugé nécessaire, je me rendrai disponible pour en
témoigner. Veuillez accepter... etc." C'est signé Mme Nicole
Forget, membre du conseil d'administration de la SEBJ.
Troisièmement, une lettre où est écrite la formule
normale "personnelle et confidentielle", mais j'ai l'autorisation du
signataire, M. A. Hervé Hébert qui est, comme on le sait,
président de la Fiducie du Québec, mais aussi membre du conseil
d'administration de la SEBJ. Je ne la lirai pas, elle est plus longue. Je lirai
simplement le paragraphe qui, je crois, concerne directement ce qu'on discute,
mais je crois que ce serait intéressant pour beaucoup de gens, y compris
pour l'opinion publique, d'avoir l'ensemble de la lettre qui va au fond des
choses, parce qu'on ne pourra éviter le fond des choses,
c'est-à-dire ce qui était impliqué dans ce
règlement et quels étaient
les tenants et les aboutissants. Je fais grâce à la Chambre
de la lecture - mais qui est extrêmement intéressante et, je
crois, instructive - de l'essentiel de cette lettre pour lire ceci: "C'est sur
cette base - la base qui précède - et cette base uniquement que
je me suis fait une opinion comme administrateur de la SEBJ. C'était une
décision d'affaires et non une question de punir les coupables. En aucun
moment ai-je subi les pressions de qui que ce soit. Même au conseil, nous
n'avons jamais eu de directives. Qu'il y ait eu rencontres des dirigeants avec
le premier ministre et d'autres n'a jamais été perçu par
moi comme une quête de directives, mais plutôt comme un
échange sur la perception du problème et les options possibles.
Le conseil demeurait libre de ses décisions. "Voilà ma perception
de ce qui s'est passé au meilleur de mes souvenirs et sur quoi je suis
prêt à témoigner si jamais on m'invite à le faire.
Signé: A. Hervé Hébert, membre du conseil
d'administration." Si on me permet, M. le Président, je dépose en
deux copies les trois documents.
Une voix: Très bien.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le
dépôt?
Des voix: oui.
Le Président: Documents déposés. M. le
leader de l'Opposition.
M. Lalonde: J'aimerais soulever ici une question de
règlement, M. le Président. Le premier ministre a consenti
à convoquer une commission parlementaire pour faire toute la
lumière. J'ai pertinemment - vous l'avez vu par la nature de ma question
- posé une question qui porte sur l'organisation des travaux de cette
commission et non pas sur le fond du problème - et j'en ai beaucoup
-pour laisser à cette commission parlementaire le soin de faire son
travail. Le premier ministre a déjà produit trois
témoignages des témoins de la défense, il me semble que ce
n'est pas tout à fait régulier.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
je ne vois pas en quoi vous soulevez une question de règlement. J'ai
pris le soin de demander votre consentement et celui de votre formation
politique pour permettre au premier ministre de donner lecture...
M. Lalonde: On ne connaissait pas le contenu de la lettre
à ce moment.
Le Président: Moi non plus.
M. Lalonde: C'est pourquoi, M. le Président, je ne....
Le Président; À l'ordre!
M. Lalonde: ...vous fais pas reproche. Ce n'est pas vous qui avez
violé le règlement, c'est le premier ministre.
Le Président: Attention; Soyons bien clairs
là-dessus. Il n'y a pas eu de violation du règlement pour autant.
Vous avez posé une question, il y a eu une réponse. On sait
très bien qu'on est libre de répondre dans les termes qu'on veut
utiliser. Le premier ministre a choisi de répondre de la façon
dont il a répondu. C'est son entière liberté, qui est
prévue par le règlement.
M. Lalonde: M. le Président, je maintiens quand
même... Enfin, c'est le choix du premier ministre, il a choisi de se
défendre comme cela, on verra ce que cela donne. Il a peut-être
oublié de déposer une autre lettre. Est-ce que vous en avez
reçu une de M. Boyd? Non, bon.
M. Lévesque (Taillon): Non, M. le Président.
Le Président: M. le premier ministre. (14 h 40)
M. Lévesque (Taillon): Je n'en ai pas reçu de M.
Boyd; si j'en recevais une, forcément je la rendrai publique. Seulement,
je ferai remarquer au député de Marguerite-Bourgeoys, pour
enchaîner très rapidement sur cette réponse, que c'est lui
qui, tout à l'heure, me demandait d'un ton extrêmement insistant,
presque impératif, de rendre publiques - je m'en souviens, "dans les
meilleurs délais" pour que la commission puisse les étudier -
toutes les choses pertinentes. Il me semble que cela est sacrement
pertinent.
M. Lalonde: En effet.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Je prends simplement acte que le premier ministre, en
réponse à ma demande de déposer tous les documents, a
choisi de ne déposer que trois documents, qui semblent être en sa
faveur. Nous ferons la preuve en commission parlementaire. Je demande au
premier ministre d'avoir un peu le sens de la justice et de la décence
pour, dans les meilleurs délais, c'est-à-dire demain,
déposer aussi tous les autres documents, en réponse à
toutes les questions que j'ai posées.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président... Le
Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, très
rapidement, je vais répondre ceci au député de
Marguerite-Bourgeoys. Il se prend peut-être pour le procureur de
l'accusation. Il a osé parler tout à l'heure de témoin de
la défense. Cela étant dit, ce n'est plus la Presse, c'est le
député de Marguerite-Bourgeoys. De son siège, veut-il
répéter les accusations, de façon qu'il soit clair qu'il
est un procureur de la poursuite?
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
M. Lévesque (Taillon): Quant au sens de la décence
et de la justice...
Le Président: II y a une question de règlement qui
est soulevée. M. le député de Gatineau.
Il n'y a qu'une personne qui prend la parole à la fois en cette
Assemblée. Je prierais les autres députés de bien vouloir
être respectueux du droit de parole de leurs collègues. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Ma question de règlement est dans le sens
qu'il s'agit présentement d'une période de questions orales des
députés à l'endroit du gouvernement et que ce que vient de
faire le premier ministre n'est qu'une simple diversion.
Le Président: M. le député de Gatineau, en
répondant comme il l'a fait, le premier ministre n'a, à ma
connaissance, en aucune façon violé le règlement puisque
vous souleviez une question de règlement. M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Lalonde: Oui, M. le Président, il a violé le
règlement. Il a agi d'une façon irrégulière. Je
vais vous dire pourquoi. C'est mon devoir de le faire, à titre de
député de cette Assemblée et peut-être de membre de
la commission parlementaire appelé à poser des questions sur le
sujet que le premier ministre lui-même a trouvé assez grave pour
convoquer une commission parlementaire. L'attitude du premier ministre, qui
veut me provoquer à soulever une question de privilège, indique
que déjà il menace les députés de l'Opposition,
dont le devoir est de poser des questions, de les considérer comme des
accusateurs. C'est contre le règlement. Nous allons, comme membres de
cette commission, poser toutes les questions pour faire la lumière. Les
questions que j'ai posées cet après-midi, c'est dans ce sens et
seulement dans ce sens. Je demande au premier ministre d'avoir un petit peu
plus...
Le Président: Avant d'accorder la parole au premier
ministre, j'aimerais rappeler que nous en sommes effectivement à une
période de questions et non pas à une période de discours
et d'interventions de part et d'autre. M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, ce que je
voulais simplement ajouter comme complément à ce que j'ai dit
tout à l'heure et qui justifie, parce qu'il y a une limite aussi
à se faire écoeurer - j'emploie le mot - impunément par
n'importe qui, y compris le député de Marguerite-Bourgeoys,
à moins qu'il ne me dise que cela a été mal cité,
ce que je trouve dans la Presse de vendredi le 18 mars - ce n'est pas loin - et
qui est entre guillemets dit ceci, de la part du député de
Marguerite-Bourgeoys: "Je suis déprimé de savoir que mon premier
ministre m'a menti."
Une voix: Ah!
M. Lévesque (Taillon): "C'est très grave." En
effet, si c'était vrai, ce serait grave. Je dis de mon siège que
je n'ai pas menti. Si le député de Marguerite-Bourgeoys veut
répéter de son siège qu'il endosse la fabrication de la
Presse, qu'il le dise!
M. Bertrand: Très bien! Bravo! Des voix: Bravo!
Le Président: Je vous en prie, messieurs!
Nous sommes encore à la période des questions et il y a
encore... À l'ordre!
D'autres députés ont des questions à poser, dont le
député de Gatineau, à qui je cède la parole, mais,
je vous en prie, un peu plus de calme et un peu plus de discipline.
M. Pagé: ...décorum de la part du premier ministre,
c'est beau.
Le dossier d'une prétendue
contribution du gouvernement
français au PQ
M. Gratton: Question principale au premier ministre, M. le
Président. Dans l'affaire de l'étrange règlement hors
cours du saccage de la Baie-James, plusieurs personnes contredisent le premier
ministre et, littéralement coincé hier, il a décidé
de commencer à faire la lumière.
Dans le cas du financement du Parti québécois par le
gouvernement français, nous sommes en face d'une même
réalité. D'un côté, le premier ministre a une
version des faits et, de l'autre, deux personnes le contredisent.
Premièrement, le Dr Marc Lavallée, ex-membre de l'exécutif
du Parti québécois, qui affirme sous serment avoir
négocié une contribution de 300 000 $ du gouvernement
français, et, deuxièmement, Me Paul Unterberg, ex-candidat
péquiste et envoyé spécial du ministre des Finances en
France, qui dit qu'il y a plus que cela.
Ma question au premier ministre est la suivante: Comment entend-il faire
la lumière dans cette affaire qui entache tout autant que l'autre la
crédibilité et l'intégrité de son parti et de son
gouvernement?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président,
premièrement, hier je n'étais pas coïncé, c'est la
Chambre qui était coïncée par les tactiques de l'Opposition
et cela a tout simplement accéléré d'une journée ce
travail qu'on prépare le mieux possible pour cette commission
parlementaire que j'aurais proposée aujourd'hui. Bon! Cela étant
dit, puisqu'on parle d'un autre énorme ragot, c'est vrai que le Dr
Lavallée n'a pas négocié, parce que cela voudrait dire
qu'il a eu de l'argent. Je pense que ce qu'il prétend c'est qu'il
était chargé de mission pour aller chercher de l'argent.
Une voix: Qu'il a obtenu.
M. Lévesque (Taillon): S'il l'a obtenu, on ne l'a jamais
vu. Vous lui demanderez où il l'a mis.
Et M. Unterberg, je crois, n'a pas prétendu autre chose que ce
que le ministre des Finances a expliqué en Chambre. Cela fait deux
personnes.
Les motifs de M. Lavallée lui appartiennent. Mais il y a eu
également des affirmations très précises de ce
côté-ci de la Chambre, de deux des principaux
intéressés, qui s'adonnent à être votre serviteur,
de même que le ministre des Finances, et, de l'autre côté,
un homme dont la réputation, paraît-il, est sans tache, parce
qu'on vient de le nommer ambassadeur de France, ce qui est un titre permanent
accordé en général après beaucoup d'examens des
personnalités, qui s'appelle M. Daniel Jurgensen, ambassadeur de France,
et qui était le soi-disant seul intermédiaire qu'a
rencontré le dénommé Lavallée. Oui, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Gatineau,
question additionnelle.
M. Gratton: M. le Président, je prends acte que le premier
ministre refuse de faire la lumière. Vous me permettrez de rappeler au
premier ministre que c'est dans un affidavit déposé ici à
l'Assemblée nationale en décembre dernier et auquel le ministre
de la Justice n'a, semble-t-il, donné aucune suite. C'est
également dans une entrevue avec la Presse canadienne que Me Unterberg a
déclaré...
Le Président: Question, M. le député. M.
Gratton: ..."II y a plus que cela dans l'histoire du présumé
don de 300 000 $ de la France au Parti québécois. Je ne peux
vraiment faire de commentaire à ce sujet, mais il y a plus que ce que
j'ai lu dans les journaux." Me Unterberg est celui qui est allé dire:
"Non merci" aux Français.
Le Président: M. le député. J'ai bien dit,
au début - j'ai même pris soin de lire des articles du
règlement - qu'on permet de courts préambules à la
question principale, mais sûrement pas à une question
additionnelle. Déjà, vous avez fait un préambule à
une question additionnelle. Je vous en prie, M. le député, posez
votre question.
M. Gratton: Au préambule, j'ajoute, au début...
Une voix: II n'y en a pas.
M. Gratton: .. est-il au courant de cela? Ma question au premier
ministre est la suivante: Sait-il qu'en refusant de prendre les moyens
nécessaires pour réellement faire toute la lumière
à ce sujet, il nous force à avoir des doutes sur la
véracité des faits et sur les réponses qu'il nous
donne?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je
répète, de mon siège, encore une fois, que,
premièrement, on n'a jamais sollicité d'argent, au contraire, de
la part de quelque pays étranger que ce soit, y compris la France, et,
deuxièmement, qu'on n'a jamais reçu un traître sou de
quelque pays étranger que ce soit, y compris la France. Si l'Opposition
insiste trop - il faudra peut-être attendre un peu de temps, parce qu'on
ne peut pas faire toutes les enquêtes en même temps - on pourrait
peut-être, au besoin, pour l'ensemble de ces années-là,
examiner le financement - parce que c'est peut-être bon pour l'opinion
publique de tenir une commission parlementaire - le financement du Parti
libéral comme du Parti québécois.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gratton: Dernière question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: Dernière question additionnelle.
M. Gratton: Dans le cas du saccage à la Baie-James, on a
pris la parole du premier ministre il y a quatre ans...
Une voix: Et on est en commission parlementaire.
M. Gratton: ...et, quatre ans plus tard,
on est en commission parlementaire spéciale. Est-ce qu'on
attendra encore quatre ans pour faire la lumière là-dessus?
Des voix: Réponse.
Le Président: M. le député de Gatineau.
Des voix: Réponse.
Le Président: Je n'ai pas entendu de question. J'ai
entendu ce qui ressemble étrangement à un préambule
à une troisième question additionnelle.
Des voix: ...
Le Président: Je rappelle, encore une fois, les articles
que j'ai cités tantôt. Du côté ministériel,
qu'on respecte l'article 170 et qu'on respecte, du côté de
l'Opposition, l'article 168. Cela me semble élémentaire.
M. le député de Chambly.
M. Gratton: Je m'excuse. J'ai formulé une question
tantôt. Apparemment, on ne l'a pas entendue, de l'autre
côté. Je la répète: Devrons-nous attendre quatre ans
avant de connaître le fond de cette affaire, la contribution de 300 000
$?
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est une
question qui juge son auteur. Je n'y réponds pas.
Des voix: Oh!
Le Président: Je m'excuse auprès du
député de Chambly. Le député de Mont-Royal
s'était levé, mais je ne l'avais pas dans le même angle de
vision. M. le député de Mont-Royal, question principale.
M. Paul Biron, intermédiaire auprès de
la SDI
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre responsable du dossier Biron & frères associés et
président de la campagne de financement du Parti
québécois.
Mme Lavoie-Roux: Ils vont atteindre leur objectif.
Une voix: Bonjour René!
M. Ciaccia: Radio-Canada a révélé que le
frère du ministre était impliqué comme "lobbyist" dans les
affaires de la SDI dont le ministre a la responsabilité. Hier, dans une
conférence de presse, le ministre a donné sa version, son
interprétation d'une directive aux membres du Conseil exécutif
concernant les conflits d'intérêts. Je cite la réponse du
ministre: "Quant à moi, j'ai compris que ni moi, ni ma femme, ni mes
enfants, ni ma belle-fille ne peuvent faire affaires directement ou
indirectement avec le gouvernement du Québec et c'est ce qu'on fait." On
ne mentionne pas le frère.
Si le frère du ministre n'était pas en conflit
d'intérêts et si le ministre n'était pas en conflit
d'intérêts dans le lobbying et les actes de son frère
concernant la SDI, est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi il a
demandé, au moins à deux reprises, à son frère de
ne pas intervenir dans les dossiers de la SDI? Est-ce que le ministre peut nous
dire quelles directives il a données à la SDI afin de s'assurer
d'être avisé de chaque dossier dans lequel son frère
était impliqué? À qui a-t-il donné ces directives
et de quelle façon?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: D'abord, je remercie le député de
Mont-Royal de poser cette question et ainsi de me donner l'occasion de faire le
point sur cette situation comme je l'ai fait hier, d'ailleurs, en
conférence de presse. Il faut noter que mon frère Paul est
conseiller technique et financier depuis 1970; donc, il travaille pour une
foule de PME québécoises, comme conseiller, depuis 1970. Bien
sûr, il travaille aussi à aider ces entreprises à obtenir
certaines subventions à la fois du gouvernement du Québec et du
gouvernement d'Ottawa.
Lorsque j'ai été nommé ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, durant la semaine qui a suivi, je l'ai
rencontré pour lui dire que je ne voulais entendre parler d'aucun de ses
dossiers. Je lui ai dit: Je ne t'empêche pas de vivre, tu continueras de
faire ce que tu fais, selon les procédures habituelles et normales, mais
ne viens me parler d'aucun de tes dossiers car tu sais davance que la
réponse sera non. Quelques mois plus tard, j'ai entendu dire que mon
frère avait rencontré l'un de mes attachés politiques; je
l'ai fait revenir à mon bureau et je lui ai dit que non seulement moi,
mais personne à l'intérieur de mon cabinet politique n'allait
s'occuper de ses dossiers. J'ai donné les mêmes directives
à mon cabinet politique.
Je ne peux pas empêcher une firme privée de choisir le
conseiller technique et financier qu'elle veut. La seule chose à
laquelle je tienne et sur laquelle j'insiste, c'est que ni moi ni personne de
mon cabinet politique n'interviendra directement dans des dossiers de firmes
privées québécoises qui ont engagé mon frère
comme l'un de leurs représentants ou comme l'un de leurs conseillers
techniques et financiers.
Depuis que circulent ces rumeurs, j'en ai discuté avec mes hauts
fonctionnaires et nous avons décidé ce matin d'émettre
une
directive encore plus précise et plus claire... Des voix:
Ah! Ah!
M. Biron: ...que l'éthique professionnelle que je me suis
donnée moi-même et que j'ai respectée depuis ma nomination
comme ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Cette directive est
maintenant entre les mains des gens de mon contentieux qui la regardent pour
que ce soit vraiment légal d'un bout à l'autre. Cela va dire au
président de la Société de développement industriel
du Québec de continuer à exercer cette éthique exemplaire
comme il l'a toujours fait; deuxièmement, s'il entend dire que mon
frère ou une des firmes dans lesquelles mon frère est
intéressé voulait intervenir dans le secteur de la
Société de développement industriel pour des subventions
directement à une firme privée du Québec, je veux que le
dossier soit traité d'une façon exclusivement administrative et
que je n'en entende jamais parler. J'ai même, sur la directive,
demandé que mon sous-ministre soit autorisé à signer les
documents pertinents si une firme privée a le droit de recevoir de
l'aide du gouvernement du Québec dans un de ces dossiers.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Sans faire de préambule, je tiens à
dire qu'il est bien facile d'émettre des directives comme cela
après les faits, après ce qui est sorti dans les journaux et une
fois les dommages faits.
Je voudrais poser une question additionnelle au premier ministre. Est-ce
que le premier ministre accepte que le frère d'un ministre fasse affaire
avec le ministre, dans son propre ministère, alors que le ministre doit
prendre des décisions qui peuvent affecter les négociations que
son frère doit entreprendre, ce qui pourrait ouvrir la porte à
des pressions indues dans les décisions qui doivent être prises,
ce qui implique des commissions au frère du ministre? Le ministre n'a
même pas eu la prudence élémentaire de se faire aviser que
son frère faisait partie de dossiers particuliers. Le premier ministre
ne croit-il pas que cela constitue un conflit d'intérêts?
Endossez-vous la théorie que le ministre a mise en pratique durant la
dernière année?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je dois dire très simplement
oui à l'ensemble de cette question. On en a parlé. M. le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous a dit hier l'essentiel de ce
qu'il vient de répéter. Enfin, il en a dit plus long, mais cela
en venait à la même conclusion que ce qu'il vient de dire en
Chambre. J'endosse complètement ce qu'il a fait. Il a pris toutes les
précautions qui nous paraissaient normales. (15 heures)
Je vous ferai remarquer que dans les directives sur les conflits
d'intérêts, qu'on a quelque peu resserrées, mais qui sont
essentiellement celles qu'appliquait le gouvernement de M. Bourassa, on dit
ceci, à la page 3 des directives générales: Les deux
paragraphes précédents, concernant toutes ces choses de conflits
d'intérêts, s'appliquent mutatis mutandis à la famille
immédiate du membre du Conseil exécutif. Cela a toujours
été interprété - je pense que je ne peux pas faire
autrement, si on vit dans le monde réel - comme voulant dire la famille
immédiate. Je pense que toute la jurisprudence, si vous voulez, de
l'interprétation le veut comme signifiant la famille immédiate,
c'est-à-dire le conjoint et les enfants, un frère, une soeur qui
gagne sa vie, à condition que des précautions
particulières soient prises par le membre du Conseil exécutif. Je
crois que c'est ce qu'a fait en toute bonne foi, dans la mesure qui lui
paraissait nécessaire - Dieu sait qu'il était allé assez
loin - le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. À
l'intérieur de toute l'interprétation qui avait été
donnée jusqu'ici aux questions de famille immédiate, en ce qui
concerne les conflits d'intérêts, cela rejoint parfaitement.
La seule chose que je me permettrai de dire, c'est que j'ai rarement vu
ce qu'on pourrait appeler une sorte de saloperie aussi complète - oui,
à certains moments, il faut dire certaines choses - et aussi voulue que
ce qu'on m'a rapporté. Malheureusement, je ne l'ai pas vue, mais je vais
me faire un devoir, pas un plaisir, de regarder cette bobine
éventuellement, ce qu'on m'a rapporté sur la façon dont
cela a été traité dans un poste de
télévision, je ne sais pas lequel, hier soir. Cela étant
dit, M. le Président, ma réponse au député de
Mont-Royal, c'est oui.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que je peux demander au premier
ministre de se rafraîchir la mémoire, de consulter certains de ses
autres collègues qui étaient ici dans cette Chambre dans
l'Opposition, les députés péquistes, et de leur demander
comment ils interprétaient les règles de conduite lorsqu'il
s'agissait du premier ministre du temps ou d'un autre ministre? Posez donc
certaines questions à votre entourage. Rappelez-vous donc ce que vous
avez vous-même dit dans ce temps.
Le Président: M. le premier ministre. M.
Lévesque (Taillon): M. le Président,
c'est vrai. Je pense que c'est vrai que le chef de l'Opposition peut
avoir raison. Faisant - c'est peut-être inévitable à six
-parfois flèche de tout bois, il y a peut-être eu des
exagérations à l'époque. Je crois aussi, pour revenir au
cas spécifique qui fait l'objet de la question, que je peux
répéter que toutes les précautions, dans
l'interprétation normale des règlements sur les conflits
d'intérêts, qu'a prises le ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme étaient celles qui étaient les plus normales et aussi
complètes qu'il pouvait l'imaginer au moment où il est
arrivé dans ce poste.
Il nous disait même hier - au besoin, il pourra le
répéter - qu'il est arrivé, par exemple, qu'un
député libéral ait été, dans un des cas
où son frère était également retenu comme
conseiller ou je ne sais quoi, le pilote principal du dossier. Cela devient
difficile parfois de démêler cela.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le premier ministre ne réalise-t-il pas qu'il
essaie maintenant de blanchir son ministre, parce que le ministre n'a
même pas répondu à la question que je lui ai posée?
Quelles directives a-t-il données à la SDI, pas aujourd'hui pour
ce qui va arriver dans l'avenir, mais ce qu'il a fait dans le passé? Il
n'a même pas répondu à la question.
Ma question additionnelle au ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme est la suivante: Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce n'est pas du
patronage politique quand vous renversez une décision de la SDI, une
décision qui portait sur une entreprise dans votre comté, une
entreprise qui n'avait pas besoin d'aide financière, une entreprise qui
avait déclaré un dividende de 200 000 $, et que le
président de cette entreprise, vous l'avez nommé au conseil
d'administration de SIDBEC? Pouvez-vous nous dire que cela n'est pas du
patronage politique?
Une voix: Éhonté!
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, lorsque cette entreprise a fait
sa demande à la Société de développement industriel
du Québec - cette entreprise compte trois usines au Québec, deux
dans Lotbinière et une dans le comté d'Orford - elle comptait 250
travailleurs. À la suite de l'intervention de la Société
de développement industriel, le dirigeant de l'entreprise a fait un
effort sublime pour vendre sur de nouveaux marchés. Il a investi dans ce
domaine et aujourd'hui, au moment où on se parle, il y a 350
travailleurs qui oeuvrent dans ses trois usines.
Des voix: Bravo!
Une voix: C'est cela le scandale!
M. Biron: M. le Président, jusqu'à maintenant, je
n'ai jamais attendu qu'une entreprise soit complètement fermée
avant d'intervenir. J'aime intervenir pour faire en sorte de la rétablir
ou de l'aider à se donner une structure industrielle forte et dynamique.
Souvent, les députés de l'Opposition, comme les
députés de ce côté-ci, interviennent auprès
de moi pour que j'analyse des dossiers de fond pour des entreprises. Je ne
prends jamais une décision sans analyser à fond chacun des
dossiers qui sont présentés à mon ministère. C'est
ma responsabilité comme ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme de faire en sorte de prendre des décisions qui sont quelquefois
sociales et quelquefois régionales, mais qui sont toujours
économiques.
Des voix: Bravo!
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Une question de règlement du
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais attirer votre
attention sur le fait que le ministre n'a pas répondu à la
question que je lui ai posée.
Le Président: Ce n'est pas, M. le député,
une question de règlement. M. le député de Chambly.
L'incidence de la vente d'électricité au
New England Power Pool
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre de l'Énergie et des Ressources. Hier, Mme Francine Osborne,
dans le journal La Presse, faisait état de la signature d'un contrat de
vente d'électricité conclu entre Hydro-Québec et le New
England Power Pool. Le premier ministre, ainsi que le ministre de
l'Énergie et des Ressources étaient présents à la
signature de l'entente. Il y aurait lieu, a priori, de se réjouir de la
signature d'un tel contrat puisque cela devrait apporter des sommes
considérables au Québec, mais d'autres croiront que la vente de
cette électricité aura pour effet de concurrencer indûment
les utilisateurs d'électricité qui pourraient transformer des
matériaux à même cette électricité au
Québec. Étant donné que les ressources
hydroélectriques sont un outil important pour le Québec afin
d'attirer des investissements manufacturiers, pouvez-vous nous dire si la
signature de ce contrat aura une incidence positive ou
négative sur cette politique?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je répondrai
essentiellement deux choses. D'abord, quelques détails sur ce contrat.
C'est une vente d'énergie excédentaire d'une quantité de
33 000 000 000 de kilowattheures sur une ligne à être construite
pour une capacité de 690 mégawatts pour des livraisons
s'étendant de 1986 à 1997 qui devraient rapporter à
Hydro-Québec environ 5 000 000 000 $ sur la période, ce qui veut
dire, bon an mal an, environ 500 000 000 $. Dans un premier temps, je dirai que
le prix pour cette énergie excédentaire vendue correspond
à peu près au double du tarif industriel fait au consommateur
industriel du Québec, ce qui veut dire que l'implantation industrielle
aux États-Unis pourrait difficilement venir concurrencer une pareille
entreprise qui viendrait s'installer ici à cause du double du
coûtant quant à l'énergie.
Quant au deuxième élément, j'ai bien dit que nous
vendions de l'énergie excédentaire sur ce contrat. Cela veut dire
que nous vendons des surplus, s'il y en a, jusqu'à concurrence de 33 000
000 000 de kilowattheures sur une période de onze ans. J'arriverais mal
à imaginer qu'une aluminerie pourrait s'implanter et fonctionner avec de
l'énergie excédentaire, c'est-à-dire une journée,
il y en a et le lendemain, il n'y en a pas. Cela veut donc dire - je
réponds à l'élément central de la question - qu'il
n'y a aucun risque que ces ventes d'énergie excédentaire mettent
en cause notre politique d'attraction, en quelque sorte, des investissements,
mais, au contraire, ces ventes permettent à Hydro-Québec et au
Québec de retirer des revenus substantiels d'une énergie qui, si
elle n'était pas vendue en excédent, serait purement et
simplement perdue, parce que nous devrions la déverser. (15 h 10)
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président.
M. Tremblay: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Maskinongé, il y a une question additionnelle très courte du
député de Chambly, et très courte, la réponse.
M. Tremblay: M. le Président, dans le même article,
Mme Osborne fait état de la possibilité de signer une entente
avec le New England Power Pool d'ici un an, un contrat
d'électricité ferme qui rapporterait à HydroQuébec
environ 2 000 000 000 $ par an de revenus.
Le Président: M. le député, j'ai bien
indiqué tantôt qu'il n'y avait pas de préambule aux
questions additionnelles. Je l'ai signalé de nouveau lors d'une question
additionnelle d'un député, plus tôt lors de cette
période de question. Je vous en prie, je vous ai accordé une
question additionnelle, sans préambule, posez-la rapidement; elle sera
suivie d'une réponse rapide du ministre afin de permettre au
député de Maskinongé de poser également sa
question.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Ma question
additionnelle: Croyez-vous qu'il est préférable de demander
à Hydro-Québec de commencer les nouveaux travaux
immédiatement, compte tenu qu'il y a un potentiel de 2 000 000 000 $ de
ventes par année? D'autre part, l'ancien ministre, M. Robert Bourassa, a
suggéré récemment que le Québec devrait
entreprendre immédiatement la construction de nouveaux barrages, que
l'on a qualifiés de deuxième Baie-James, afin de permettre
d'offrir cette électricité à des clients extérieurs
potentiels.
Le Président: M. le ministre, rapidement, s'il vous
plaît. À l'ordre!
M. Duhaime: M. le Président, je répondrai à
la question de la façon suivante: L'idée de l'ancien et futur
chef du Parti libéral d'équiper la Baie-James de 10 000
mégawatts et ensuite de les vendre aux États-Unis me
paraîtrait un peu curieuse comme façon de procéder. Je
pense qu'il est d'abord préférable de faire les analyses sur les
possibilités de vente des blocs d'énergie. Jusqu'à
maintenant, nous avons la conviction, tant à Hydro-Québec qu'au
ministère, que le créneau est de l'ordre de 2000 à 2500
mégawatts, aussi loin qu'on puisse voir en avant. Cela peut vouloir dire
essentiellement - et c'est le sens de la proposition que je faisais lundi
à Boston - que nous devrions profiter du momentum de la signature de ce
contrat, augmenter la capacité de l'interconnexion qui sera conduite
à 2000 mégawatts pour, ensuite, vendre sur cette interconnexion
de l'énergie ferme. Il est entendu qu'à ce moment cela pourrait,
selon l'évolution de notre propre croissance de la demande interne,
amener Hydro-Québec à devancer quelques-uns des projets qui sont
programmés pour être mis en construction autour de 1988. Cela va
essentiellement dans ce sens. Bref, j'ai l'impression qu'il est plus logique de
vendre d'abord un bloc d'énergie plutôt que de se placer
nous-mêmes dans une situation de surplus pour ensuite être à
la merci des prix qu'on voudra bien nous offrir aux États-Unis.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
L'aide aux victimes de l'inondation survenue à
Louiseville
M. Picotte: Merci, M. le Président. Dimanche dernier,
j'avais l'occasion d'expédier un télégramme au premier
ministre concernant les inondations qui ont eu lieu à Louiseville,
à Yamachiche et dans les environs, qui ont affecté 500 familles
et ont causé au moins quelques millions de dollars de
dégâts. Ma question s'adresse au ministre de la Justice: Depuis ce
temps, il y a eu un Conseil des ministres - hier, je crois - est-ce que le
gouvernement a décidé de déclarer Louiseville et ses
environs zone sinistrée? Quelle sorte d'aide le gouvernement
apportera-t-il à la suite du télégramme que j'ai
expédié au premier ministre demandant au ministre de la Justice
et au gouvernement de déclarer ce territoire zone sinistrée et
d'apporter une aide financière aux sinistrés?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, dans les quelques
heures qui ont suivi les événements dont parle le
député de Maskinongé, le député de Champlain
a communiqué avec moi pour m'informer de la situation, de même que
le député de Nicolet. Au nom des membres du caucus de la
Mauricie, du point de vue gouvernemental, je me suis empressé,
dès la réunion du Conseil des ministres hier, de présenter
une demande qui a été entérinée, acceptée,
voulant que l'on accepte le principe de l'indemnisation des victimes de
l'inondation survenue la semaine dernière, touchant près de 900
maisons ou commerces dans la région de Montréal, Québec,
et surtout dans la Mauricie. Une évaluation des des dégâts
sera faite pendant les quelques semaines à venir et nous
élaborerons, à ce moment-là, les modalités qui
doivent être mises en place pour les remboursements ou pour l'aide
nécessaire. Le principe de l'indemnisation a effectivement
été accepté par le Conseil des ministres, M. le
Président.
Le Président: La période de questions est
terminée.
Aux motions non annoncées, le député de
Champlain.
Félicitations à M. Mario Bonenfant M.
Marcel Gagnon
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Cela sera
peut-être la première fois au cours de la présente session
qui s'ouvre aujourd'hui qu'on réussira à faire l'unanimité
à l'Assemblée nationale. Je suis persuadé que j'obtiendrai
l'accord de l'Opposition... Pardon?... C'est vrai, la deuxième fois.
J'en profite pour vous féliciter, M. le Président, de votre
nomination.
Vous avez d'ailleurs vous-même souligné la présence
dans nos galeries d'un jeune Québécois qui nous a fait honneur
dans La course autour du monde. Il s'agit de Mario Bonenfant. Je voudrais, avec
votre permission et la permission de l'Opposition, des membres de
l'Assemblée nationale, demander qu'on fasse une motion de
félicitations à l'endroit de Mario Bonenfant. Mario Bonenfant
s'est fait remarquer de façon incroyable...
Le Président: Je voudrais seulement m'assurer qu'il y a
consentement.
M. Lalonde: Oui.
Le Président: II y a consentement.
M. Gagnon: Je m'en étais presque assuré, M. le
Président. Mario Bonenfant a fait un travail incroyable au cours des
sept derniers mois. Comme Québécois, il a semé
l'enthousiasme, je pense, chez l'ensemble des Québécois. Il s'est
fait remarquer par son courage, sa persévérance, sa
ténacité. Il s'est fait remarquer à tous points de vue et
je pense qu'il a été un exemple et un ambassadeur extraordinaire
pour le Québec. Je voudrais que cette Assemblée nationale, au nom
de tous les Québécois, adresse à Mario Bonenfant un
message ou une motion de félicitations. Je voudrais aussi en profiter
pour féliciter tous ceux qui, dans son entourage, l'ont encouragé
et l'ont appuyé. Dans un journal de la Mauricie, lorsqu'on mentionnait
les succès de Mario Bonenfant, on disait: Demain t'appartient. Je pense
qu'avec l'exemple qu'il nous donne, on peut dire ensemble, les
Québécois qui ont cette jeunesse, cette ténacité et
cette volonté de réussir: Demain nous appartient. Merci,
Mario.
Le Président: M. le député de Marquette.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Évidemment,
j'aimerais associer tous mes collègues de l'Opposition officielle
à cette motion du député de Champlain. J'aimerais
féliciter Mario pour son exploit d'être arrivé
deuxième dans cette course autour du monde. Il a été un de
nos ambassadeurs en représentant le Canada comme pays francophone et le
Québec, évidemment. Il s'agit, M. le Président, de la
meilleure performance dans ce genre de compétition que n'a jamais
obtenue un Québécois. Radio-
Canada nous indique qu'il y a eu un auditoire de 600 000 personnes,
seulement à Radio-Canada, pour visionner tout cela. Il s'agissait,
évidemment, d'une course de 22 semaines dans 22 pays francophones. Mario
a fait 36 aéroports.
M. le Président, je voudrais, au nom de tous mes
collègues, plus particulièrement de deux de mes collègues
de la Mauricie, soit Portneuf et Maskinongé, féliciter Mario pour
son magnifique exploit. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le ministre des Affaires culturelles.
M. Clément Richard
M. Richard: M. le Président, je voudrais m'associer aux
propos du député de Champlain et du député de
Marquette pour féliciter à mon tour Mario Bonenfant pour
l'extraordinaire course à travers le monde qu'il a réussie. Je
pense qu'il a fait la démonstration d'un remarquable talent et, surtout,
il a été le premier Québécois -oserais-je dire -
à séduire les jurys européens. Il m'apparaît qu'on
se trouve en présence d'une heureuse coïncidence, puisque hier,
justement, dans le discours inaugural, le premier ministre annonçait que
des fonds plus importants seraient injectés pour promouvoir l'industrie
du cinéma. Heureuse coïncidence, aussi, au moment même
où l'Assemblée nationale sera appelée, dans quelques
jours, à étudier le projet de loi no 109 sur le cinéma
québécois. Félicitations à Mario Bonenfant qui
arrive à point nommé. (15 h 20)
M. Charbonneau: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: M. le Président...
M. Vaugeois: M. le Président, je m'excuse mais, si c'est
sur autre chose, j'aurais seulement un mot à dire sur le même
sujet.
Le Président: J'ai compris que c'était sur la
même motion.
M. Hains: Oui, c'est sur la même motion.
Le Président: M. le député de
Saint-Henri.
M. Roma Hains
M. Hains: Cela me fait réellement plaisir de me joindre
à mes confrères et à mes collègues, autant de
l'Opposition que du gouvernement, pour louer et féliciter M.
Mario Bonenfant, un jeune de chez nous, de la belle région de la
Mauricie, qui vient de promener à travers le monde le flambeau de la
culture canadienne-française. Jeune Québécois de chez
nous, Mario a eu à lutter contre de sérieux concurrents venus de
la France, de la Suisse et de la Belgique. Parti dernier, lors des
premières sessions de projection de films, Mario a monté
graduellement les échelons de la compétition pour terminer bon
deuxième au palmarès. N'eût été la fin de ce
concours, Mario aurait peut-être décroché la
première place.
Malgré son jeune âge, Mario s'est
révélé un fin observateur et un photographe remarquable.
Parmi les paysages merveilleux qu'il a filmés, il a su voir vivre les
gens, humbles et superbes, dans leur décor incomparable. Sa "Montagne
sacrée" qu'il a filmée en Chine, au risque de sa vie, deviendra
certes le chef-d'oeuvre de sa collection.
Au milieu de sa famille aujourd'hui, à côté de sa
mère qui l'a encouragé et qu'il a lui-même soutenue par son
intrépidité, nous offrons au jeune Mario Bonenfant l'hommage de
notre admiration et nos plus sincères félicitations. Au jeune
ambassadeur de chez nous, nos meilleurs voeux pour de nouveaux exploits dans le
domaine de la culture et dans l'art cinématographique. Merci
beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. À titre de
responsable du nouveau Secrétariat à la jeunesse, je m'en
voudrais de ne pas m'associer à mes collègues, en cette
période où des milliers de jeunes du Québec doutent de
leur potentiel et de la possibilité d'avenir qui se présente
à eux, car il est important que cette Assemblée nationale
souligne les efforts et les succès d'un jeune qui a su finalement
aboutir et obtenir la renommée internationale.
La performance exceptionnelle de Mario Bonenfant doit être une
source d'inspiration pour le plus grand nombre de jeunes possible au
Québec, qui ont grandement besoin actuellement d'inspiration et de
goût d'espoir. J'espère aussi que Mario sera un de ces jeunes qui,
l'été prochain, témoigneront de l'importance de l'effort
et du potentiel de la jeunesse québécoise lors du sommet
québécois de la jeunesse qui va se tenir ici même, à
Québec, au mois d'août. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: M. le Président, je ne voudrais pas allonger
le débat, mais je veux tout simplement joindre mes voeux
également à ceux du député de Saint-Maurice et du
député de Laviolette qui sont très fiers, le ministre de
l'Immigration également. Je pense qu'à peu près tout le
monde va appuyer cette motion. Tout le monde veut être nommé,
Gérald Godin, le député de Mercier, Trifluvien, Mme Bacon
- je m'excuse, en passant, de ce qui est arrivé dans le passé.
Nous sommes tous très fiers de Mario Bonenfant et de sa famille. Il
habite Trois-Rivières. Je soulignerai peut-être une petite chose
que d'autres n'ont pas soulignée. Non seulement nous sommes fiers de ce
qu'il a fait, mais il appartient également à une tradition
trifluvienne dans le domaine du cinéma, qui a permis que les jeunes
d'aujourd'hui puissent avoir ce genre de performances. Encore une fois, nous le
félicitons très sincèrement.
Le Président: La motion du député de
Champlain est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Laurier.
Voeux à la communauté grecque du
Québec
M. Christos Sirros
M. Sirros: M. le Président, j'aurais une courte motion non
annoncée. Je demanderais le consentement de la Chambre pour la motion
suivante: Que cette Chambre salue la communauté grecque du Québec
en lui souhaitant ses meilleurs voeux pour la journée de demain,
fête nationale de la Grèce, et en émettant le voeu que la
communauté grecque continue à prospérer et à
s'épanouir au Québec.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour cette
motion?
Des voix: Consentement.
Le Président: Consentement.
M. Sirros: J'aurais simplement quelques petits mots à
dire. Je suis heureux de pouvoir encore une fois dire quelques mots au sujet de
la journée de demain, comme je l'ai fait l'année passée.
Demain marquera le 162e anniversaire de la libération de la Grèce
de l'empire ottoman et je ne peux m'empêcher de faire un petit recul
historique avant de vous dire quelques mots sur la communauté grecque du
Québec.
Pendant les 100 premières années, depuis 1821, date
à laquelle la Grèce a déclaré son
indépendance et entrepris sa guerre de l'indépendance, l'objectif
premier était de récupérer le reste des terres où
habitaient, en majorité, des Grecs. À travers des guerres et des
luttes, d'autres parties de ce qui est aujourd'hui la Grèce sont venues
se joindre à ce qui a pu être libéré en 1821. Aussi
récemment qu'en 1948, une autre partie importante de la Grèce
moderne, que plusieurs de nos collègues québécois
connaissent peut-être, les îles Dodécanèse, est venue
se joindre à la Grèce, après 600 ans d'occupation
étrangère, par les Turcs d'abord et les Italiens ensuite. Les
îles Dodécanèse incluent l'île de Rhodes, pour ceux
qui les ont visitées, et elles sont aujourd'hui une partie
intégrante et importante de la Grèce. Aujourd'hui, il y a 9 000
000 de Grecs en Grèce et un peu plus de 4 000 000 dans le monde.
Il ne reste qu'une place qui n'est pas encore libre. C'est l'île
de Chypre, lieu de naissance de la déesse Aphrodite, selon la
mythologie, qui, aujourd'hui, voit 40% de son territoire sous le joug de
l'armée turque avec une population de 200 000 personnes, dont 80% sont
des Grecs et 20% des Turcs. 40 000 soldats turcs ont envahi l'île en 1974
et maintiennent encore leur occupation.
Dans la Grèce d'aujourd'hui, M. le Président, même
les Chypriotes n'aspirent pas à ce que Chypre fasse partie de la
Grèce, mais ce qui est réclamé, c'est que Chypre puisse
s'épanouir en liberté et que ces deux peuples puissent vivre
ensemble dans le respect mutuel, sans ingérence étrangère.
Pour les Grecs, les Chypriotes sont comme des frères qui ont leur propre
maison. Et on ne peut qu'espérer qu'ils trouveront, dans un avenir
rapproché, la liberté qui leur permettra de
s'épanouir.
Ici, au Québec, il y a entre 70 000 et 90 000 personnes d'origine
grecque. C'est une communauté relativement récente qui travaille
d'arrache-pied afin de se tailler une place au soleil, à
côté des autres Québécois. Après la guerre,
les immigrants qui sont arrivés ont investi toutes leurs énergies
afin de préparer un meilleur avenir pour leurs enfants. La
communauté grecque d'aujourd'hui, 20 ou 30 ans plus tard, se diversifie
et ses membres se trouvent en nombre croissant dans à peu près
toutes les sphères d'activités de la vie
québécoise.
Dans quelques jours, le premier ministre de la Grèce, M.
Papandréou, nous rendra visite, au Canada, et également au
Québec, et ce quelques mois après la visite du président
de la Grèce. Ces deux faits marquent, je crois, d'une façon
explicite, les liens d'amitié qui existent entre la Grèce et le
Québec. La communauté grecque est ici, elle vit ici et elle va
rester ici. Ce n'est pas facile d'être immigrant et si on demande
une chose - si je peux parler ainsi - c'est de la compréhension.
Ce n'est pas facile d'être immigrant et ce n'est surtout pas facile de
l'être dans le contexte d'une crise économique et de
tempêtes constitutionnelles. Je suis pourtant confiant que nous
traverserons ensemble toute cette crise et que nous saurons maintenir,
malgré toutes les difficultés, le respect mutuel qui a toujours
caractérisé la communauté grecque et le peuple du
Québec. Merci beaucoup.
Le Président: M. le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
M. Gérald Godin
M. Godin: Comme on dit en grec, Kirié proé
dré, M. le Président, et surtout je m'adresse aux citoyens grecs
du Québec et de Montréal, regroupés en majorité
dans le comté de mon collègue qui vient de s'exprimer, agapithi
phili ellines.
C'est un plaisir pour moi, depuis déjà deux ans, de
souligner, avec mon collègue de Laurier, cet événement. Il
a rappelé que, dans quelques jours, le premier ministre de la
Grèce, Andréas Papandréou, sera parmi nous, suivant de
quelques mois seulement une visite du président de la Grèce,
Constantin Caramanlis, qui fut reçu au Québec également et
qui, à l'occasion de son séjour, nous a rappelé que la
Grèce moderne avait vécu une nouvelle libération. Donc,
voilà un pays qui lutte pour la démocratie et les droits de
l'homme, de la femme et de la personne depuis toujours; en fait, il a
inventé la démocratie. (15 h 30)
Je tiens à souligner aussi qu'une grande partie du renouveau
économique de Montréal est due au dynamisme de la
communauté grecque de Montréal. Si nous avons vu surgir dans
plusieurs quartiers de Montréal des investissements qui ont amené
une nouvelle activité économique, c'est en grande partie
grâce à la communauté grecque.
Récemment, j'ai été fait membre honoraire de la
Communauté grecque de Montréal, "epitimou mélos" ce qui
fait de moi un frère du député de Laurier. Je me
réjouis d'autant plus, en tant que nouveau Grec, de
célébrer enfin une indépendance.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Godin: Je suis donc indépendant à deux titres:
en tant que Grec et en tant que Canadien. Et bientôt, je l'espère,
je pourrai accomplir la trinité des indépendances en ce qui nous
concerne, de ce côté-ci de la Chambre. Nous nous lèverons
ensemble, à ce moment-là; le député de Laurier, me
rendant certainement la pareille, célébrera avec moi, comme la
communauté grecque d'ailleurs, cet événement que les Grecs
estiment assez important pour le célébrer en grande pompe chaque
année depuis 162 ans.
Je terminerai en disant: "Iné mégali timi mou", il me fait
grand plaisir de m'associer à cette célébration.
Merci.
Le Président: La motion du député de Laurier
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Il n'y a pas d'enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Avis à la Chambre.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: Je voudrais donner quelques avis relativement aux
travaux des commissions parlementaires. D'abord, mardi prochain, le 29 mars, au
salon rouge, de 10 heures à 12 h 30, de 15 heures à 18 heures
environ, c'est-à-dire après la période des questions, et
de 20 heures à 22 heures, la commission parlementaire permanente de
l'énergie et des ressources se réunira pour continuer
l'étude du dossier qu'elle a entreprise ce matin, à savoir les
effets de la politique énergétique sur le développement
économique du Québec.
Je voudrais aussi donner avis que mercredi prochain, 30 mars, au salon
rouge, de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, ou
après la période des questions, ainsi que jeudi, comme je l'ai
évoqué, mais à des heures différentes,
c'est-à-dire de 10 heures à 12 h 30 et de 15 heures à 18
heures, après la période des questions qui aura lieu à 14
heures, ainsi que de 20 heures à 22 heures, le jeudi 31 mars, la
commission parlementaire permanente de l'énergie et des ressources se
réunira afin d'examiner les circonstances entourant la décision
du conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie-James de régler hors cour la poursuite civile intentée
à la suite du saccage du chantier LG-2 survenu en 1974 et plus
spécifiquement le rôle du premier ministre et de son bureau
à cet égard.
Une voix: Adopté.
Le Président: Ce n'est pas adopté, ce sont des
avis.
M. Lalonde: II s'agit d'avis et non pas de motions,
d'après ce que j'ai cru comprendre.
Le Président: En effet.
M. Lalonde: Donc, il n'y a pas de débat, mais je
soulève une question de
règlement, à ce stade-ci, concernant le dernier avis qui a
été donné. Je pourrais aussi le faire en vertu des
dispositions de l'article 34, cela revient à peu près au
même.
Le Président: Nous y arrivons. M. le leader parlementaire
du gouvernement.
M. Bertrand: Si c'était possible, et si le leader de
l'Opposition me le permet, on pourrait immédiatement régler
quelque chose. Le député de Trois-Rivières a besoin du
consentement de la Chambre pour procéder à un changement de nom,
à la commission d'étude sur la législation
déléguée. C'est tout simplement pour vous remplacer, M. le
Président - si vous êtes remplaçable - à la
commission d'étude, par le député de Châteauguay, M.
Dussault.
M. Lalonde: C'est une motion? Je comprends que c'est une motion
débattable. Que vous soyez remplacé, M. le Président,
fatalement, en votant pour votre accession à la présidence, on
savait qu'il faudrait vous remplacer quelque part, mais est-ce qu'on a le choix
du remplaçant? Non? On va vous laisser le fardeau. On décline
toute responsabilité. On vote pour.
Le Président: La motion concernant la commission
parlementaire de la législation déléguée est donc
adoptée. Nous en sommes aux questions en vertu de l'article 34. M. le
leader de l'Opposition.
Recours à l'article 34
M. Lalonde: En vertu de l'article 34, il s'agit de la commission
parlementaire annoncée par le leader du gouvernement tout à
l'heure, mais annoncée aussi par le premier ministre hier. Le leader du
gouvernement m'a consulté ce matin sur le mandat. Nous avions bien,
hier, insisté sur le fait que le mandat soit assez large, mais assez
précis quand même, comme le disait le chef de l'Opposition. Or,
à mon grand étonnement, ce n'est pas la commission de la
présidence du Conseil ou la commission de l'Assemblée nationale
qui va être appelée à examiner le rôle que le premier
ministre a joué là-dedans, mais la commission de l'énergie
et des ressources qui est appelée à examiner les circonstances
entourant la décision du conseil d'administration de la SEBJ de
régler hors cour la poursuite civile et en fait le rôle du premier
ministre.
M. le Président, je proteste et je demande, en vertu de l'article
34, au leader de réviser le mandat - il a le temps; c'est seulement
mercredi prochain qu'on siège - et de donner réellement la vraie
dimension, parce que cela commence à avoir l'air d'une parade, soit
examiner le rôle et les interventions directes ou indirectes du premier
ministre, etc. C'est pour cela qu'on a posé les questions hier. C'est
pour cela que la commission parlementaire a été accordée
hier, non pas pour savoir si la SEBJ a fait un bon règlement ou non. Ce
n'est pas cela. Est-ce que le premier ministre a trompé la Chambre ou
non? c'est cela l'accusation de la presse.
Deuxièmement, encore en vertu de l'article 34, je demande au
leader s'il a considéré la demande que j'ai faite hier que les
travaux de cette commission soient télévisés. Si on
siège mercredi prochain pendant que la Chambre siège, on ne
pourra pas la téléviser. Je lui offre de siéger lundi,
s'il le faut, ou vendredi, au moment où la Chambre ne siège pas,
pour qu'on puisse téléviser les travaux de cette commission
extrêmement importante sur laquelle le premier ministre compte pour
blanchir sa réputation, pour répondre aux accusations qui ont
été portées contre lui. Il me semble que le leader devrait
faire preuve de clarté, de transparence. Le ministre des Communications
devrait faire preuve de générosité dans cela pour
communiquer. La télévision, et si vous ne voulez pas, si vous ne
pouvez pas arranger cela pour que cela se passe la semaine prochaine on est
prêt à attendre, quoiqu'on voudrait que ce soit le plus tôt
possible. Il reste la semaine de Pâques, où la Chambre ne
siège pas du tout, qui est entièrement libre pour
téléviser une commission parlementaire qui peut prendre trois ou
quatre jours.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je ne voudrais pas
être trop long pour répondre aux différentes demandes qui
m'ont été adressées par le leader de l'Opposition
officielle. Je ferai simplement remarquer, en commençant par les
derniers mots qu'il a eus à la fin de son intervention, que sur le
délai, à moins que je ne me trompe, et là j'essaie de
relire assez rapidement le journal des Débats d'hier, je crois que c'est
le député de Bonaventure, chef de l'Opposition - oui je l'ai
exactement ici - qui disait: Très rapidement, est-ce que le premier
ministre peut assurer cette Chambre que cette commission parlementaire aura
lieu avant le congé pascal? Aura lieu, autrement dit, dès la
semaine prochaine. Donc, si j'ai bien compris, l'intention qu'exprimait
à ce moment le député de Bonaventure, c'était de
faire en sorte qu'on puisse effectivement, dans les meilleurs délais,
discuter de cette question en commission parlementaire. Nous nous rendons...
Non seulement, nous nous rendons, mais nous avions décidé que
cela allait se discuter dès la semaine prochaine,
dans les meilleurs délais. Maintenant, il y a effectivement cette
question du choix des jours. (15 h 40)
Lundi - j'ajouterai même mardi, à la limite - il
m'apparaît que non seulement à partir des questions qui ont
été posées tout à l'heure par le
député de Marguerite-Bourgeoys, leader de l'Opposition, qui le
lui demandait, le premier ministre doit préparer pour le lui fournir
tout document pertinent qui pourrait aider les membres de la commission
à se préparer et, deuxièmement, la liste des rencontres
qui auraient eu lieu et autres types de communications écrites ou
verbales, enfin, une série d'éléments d'information tout
à fait corrects que le premier ministre a d'ailleurs convenu qu'il
fallait recueillir et colliger pour être en mesure de bien informer la
commission parlementaire. Tout cela demande un certain temps non seulement,
bien sûr, pour le premier ministre et le personnel de son bureau, mais
aussi pour d'autres personnes qui vont venir devant la commission. Je pense, en
particulier, bien sûr, au conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie-James ou à toute autre
personne, par exemple, les avocats de l'une ou l'autre des parties
impliquées dans cette question de règlement hors cour et,
éventuellement, d'autres personnes qui pourraient être
appelées soit par le parti ministériel, soit par l'Opposition.
Donc, il faut quand même donner un certain temps à tout le monde
afin de bien se préparer, première chose.
Deuxième chose - d'accord, M. le Président, je vais tenter
d'accélérer - il nous apparaît que le mandat, tel qu'il est
défini ici, permet à la commission parlementaire de faire
vraiment toute la lumière justement sur ces accusations qui ont
été portées, sur les articles parus dans les journaux, sur
les déclarations faites par le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur toute une série d'éléments, en
d'autres mots. Je ne vois pas en quoi le fait, par exemple, de dire que la
commission va examiner les circonstances entourant la décision du
conseil d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier LG-2, survenu
en 1974, et plus spécifiquement - c'est en toutes lettres - le
rôle du premier ministre et de son bureau à cet
égard...
Je dis qu'il s'agit vraiment de faire preuve de bonne foi et de se
rendre compte qu'un mandat comme celui-là permet à la commission
parlementaire de bien faire son travail, de poser toutes les questions et de
demander tous les renseignements. Le premier ministre sera à la
commission parlementaire pour répondre, effectivement, aux questions de
l'Opposition et des députés ministériels quant à
cette question du règlement hors cour de la poursuite civile
intentée à la suite du saccage. Voilà!
Quant à la télédiffusion, je crois que la meilleure
façon de procéder serait de suivre le processus normal. Je
comprends que le leader de l'Opposition ne le connaisse pas, parce que...
M. Lalonde: ...
M. Bertrand: Oui, le leader de l'Opposition ou moi-même,
selon, évidemment, ce qu'on désire faire, achemine une demande au
président de l'Assemblée nationale qui, à ce
moment-là, doit convoquer le comité consultatif sur la
télédiffusion des débats. La décision sera prise
à l'occasion de cette rencontre que vous aurez, M. le Président,
si jamais la demande est faite, avec les whips en chef des deux partis reconnus
à l'Assemblée nationale.
M. Lalonde: En vertu de l'article 34, M. le Président,
sous le maquillage de la dernière partie de l'intervention, le leader du
gouvernement va-t-il franchement appuyer une demande que je ferais au
président pour que les débats de cette commission soient
télévisés?
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire.
M. Bertrand: ...vous aurez remarqué une chose, hier, c'est
que - je pense même que cela l'a beaucoup désarçonné
- le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas eu besoin de faire de
l'esclandre pour avoir une réponse très rapide du premier
ministre, à savoir qu'effectivement il fallait faire la lumière
là-dessus. Le premier ministre lui-même, de son propre chef, a
dit: On ira en commission parlementaire. A ce moment-là...
M. Lalonde: Question de privilège!
M. Bertrand: C'est exactement ce qui s'est passé.
M. Lalonde: Question de privilège.
Le Président: Avant d'entendre votre question de
privilège, M. le leader parlementaire de l'Opposition, j'aimerais faire
remarquer que j'ai permis une certaine latitude dans le cadre de l'article 34
compte tenu du sujet, mais que...
Une voix: ...
Le Président: Oui, ce sont les travaux de la Chambre, mais
là, cela commence à avoir l'air d'un débat entre les deux
leaders, ce qui pourrait se faire à l'extérieur de la
Chambre de manière à permettre, notamment, au chef de
l'Opposition de prononcer son discours dans le cadre du débat sur le
discours inaugural. Quoi qu'il en soit, M. le leader de l'Opposition, vous avez
une question de privilège à soulever.
M. Lalonde: M. le Président, on peut rire un peu des gens,
mais pas beaucoup, pas trop. Quand le leader du gouvernement vient de dire que
le premier ministre, de son propre chef et très rapidement, a
donné une commission parlementaire, qu'il se souvienne... M. le
Président, vous vous en souvenez, vous, c'était juste avant qu'on
vote pour votre élection. Il a fallu faire des menaces qu'on ne fait
presque jamais. Oui, menacer, parce que nous n'acceptions pas le silence du
premier ministre. C'est seulement acculé au mur que le premier ministre
l'a donnée. Rétablissons les faits.
Le Président: J'ai laissé le leader parlementaire
de l'Opposition terminer, il ne s'agit pas là d'une question de
privilège, mais beaucoup plus d'une appréciation des
événements. Non, M. le leader parlementaire de l'Opposition,
d'une appréciation des événements qui peut varier selon
qu'on est d'un côté ou de l'autre de la Chambre.
M. le leader parlementaire du gouvernement, vous vouliez intervenir
sur...
M. Bertrand: C'est terminé.
Le Président: Est-ce que c'est terminé sur
le...
M. Lalonde: J'ai posé une question, je voudrais une
réponse, M. le Président, alors ce n'est pas terminé.
Le Président: D'accord, sur la question posée par
le leader de l'Opposition, M. le leader parlementaire du gouvernement. Votre
question avait...
M. Lalonde: J'ai fini avec ma question de privilège.
Est-ce que vous allez me répondre à savoir si vous allez appuyer
une demande de téléviser les travaux de cette Chambre?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il n'a pas fini sa question
de privilège, puisque cela n'en était pas une,
premièrement. Deuxièmement, en vertu de l'article 99, vous devez
prendre la parole du député qui donne une réponse et vous
devez prendre la parole du premier ministre qui, hier et encore aujourd'hui, a
réitéré que, n'eût été de
l'intervention qui s'est faite hier, puisque cela n'était pas dans le
cadre des travaux, il allait de toute façon aujourd'hui demander qu'il y
ait une commission parlementaire.
Quant à la télédiffusion des débats, M. le
Président, à la séance du comité consultatif, quant
à nous, nous n'aurons pas d'objection. Cependant, il devra s'effectuer
un choix, puisque, effectivement, les équipements qui sont à
notre disposition ne permettent pas de télédiffuser en même
temps les travaux au salon bleu et au salon rouge. C'est dans ce sens que je
disais que le comité consultatif devrait régler cette question
avec le président, qui a le devoir de le réunir.
Le Président: En vertu de l'article 34, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'interviens à
l'égard de la décision que vient d'annoncer le leader concernant
la commission parlementaire de l'énergie et des ressources. Mon leader a
fait état de son étonnement, puisque nous étions
programmés pour siéger la semaine prochaine pour entendre des
mémoires.
Le leader du gouvernement veut toujours bien planifier lorsqu'on
l'incite à le faire. Plusieurs des associations qui devaient se faire
entendre ont été prévenues que nous siégions mardi
et mercredi. Déjà nous sommes rendus au mois d'avril et il faut
entendre 68 mémoires qui ont été soumis à la
commission parlementaire; on pourrait, si cela est retardé, continuer
jusqu'au mois de mai. Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire
dès maintenant de quelle façon il entend programmer les travaux
normaux de la commission parlementaire de l'énergie et des ressources
pour entendre les mémoires?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, j'en ai discuté ce
midi avec le ministre de l'Énergie et des Ressources et nous avons
convenu que, bien sûr, il nous fallait trouver le temps nécessaire
pour que les deux journées qui seraient employées la semaine
prochaine à un autre mandat puissent être
récupérées plus tard, probablement dans le prolongement
des séances qui sont prévues au mois d'avril, mais je ne peux
pas, à ce moment-ci, indiquer au député d'Outremont
quelles seront les dates retenues. Mais nous ferons en sorte que nous puissions
reprendre ces deux journées.
Le Président: M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, c'est
une question au leader, à la suite des propos du ministre des Finances
le 8 mars. Il me semble qu'il disait être
contraint, être menotte un peu par la Loi concernant la taxe sur
les carburants. Le ministre ne voulait pas enfreindre la loi. Il disait devoir
augmenter la taxe sur l'essence ces jours-ci. Est-ce que le leader peut nous
dire s'il y aura le dépôt d'un projet de loi ou s'il y aura une
déclaration ministérielle qui retarderait ou annulerait
l'augmentation de la taxe sur l'essence qui s'en vient ces jours-ci? On
pourrait donner notre consentement tout de suite, immédiatement. Cela
pourrait être présenté aujourd'hui.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: Non, M. le Président. (15 h 50)
Le Président: M. le député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Le 7
décembre, je demandais au leader du gouvernement que soit
déposée la liste des organismes qui ont reçu des
subventions par le biais du Fonds de développement régional. Le
10 mars, je réitérais ma question. Le leader du gouvernement a
alors fait allusion au fait qu'il déposerait aujourd'hui même les
documents en question. Est-ce que le leader pourrait me dire si les documents
ont effectivement été déposés? Est-ce que je peux
les avoir?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, la mémoire du
député de Hull est meilleure que la mienne, en tout cas pour ce
dossier. Maintenant qu'il me rafraîchit la mémoire, je demanderai
à mon collègue si effectivement il est en mesure de produire les
documents en question.
Le Président: M. le député de Hull.
M. Rocheleau: M. le Président, dans le but de
rafraîchir la mémoire du leader du gouvernement...
Une voix: II en a grandement besoin.
M. Rocheleau: ...le 10 mars dernier, il faisait allusion, entre
autres ici... Le ministre responsable de la gestion de ce Fonds de
développement régional m'indique que la réponse est
prête, qu'elle a été envoyée et qu'elle doit
être quelque part sur un bureau.
Une voix: Dans son bureau.
M. Rocheleau: Est-ce que je pourrais savoir sur quel bureau la
réponse a été déposée, M. le
Président?
Une voix: On ira la chercher, nous autres.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: Peut-être sur le bureau du
député de Frontenac, M. le Président.
Le Président: Nous passons donc aux affaires du jour et
à la reprise du débat sur le message inaugural. La parole est au
chef de l'Opposition.
Débat sur le message inaugural M. Gérard
D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, hier, le 23
mars 1983, une nouvelle session s'ouvrait et nous avions droit à un
message inaugural de la part du premier ministre du Québec, un texte,
que j'ai devant moi, d'une quarantaine de pages. Je vous assure que depuis hier
je lis, je relis, et pourtant j'ai assisté au discours, j'ai
tâché de rester éveillé. Je dois dire que j'ai
essayé de trouver quelque chose d'inédit, quelque chose
d'encourageant, quelque chose qui s'éloigne de la morosité
devenue permanente de la part de ce gouvernement. J'ai essayé de me
placer un peu comme se trouvent aujourd'hui les citoyens du Québec, un
peu à l'écoute et avec un désir non équivoque de
solution que l'on attend de la part de ce gouvernement. Je me suis placé
dans la peau d'un chômeur. Je me suis demandé ce qu'il voit
lorsqu'il regarde la télé, ce qu'il entend. Je me suis
placé, ou j'ai essayé de me mettre à la place d'un homme
d'affaires. J'ai essayé d'entrer dans la peau d'un assisté social
ou encore d'un jeune, quand on connaît la tragédie du
chômage chez les jeunes, même ceux qui dépassent les
degrés secondaire ou collégial ou même qui terminent des
études universitaires. Je me plaçais comme si j'étais une
mère de famille, comme si j'étais un ouvrier, un travailleur,
mais il n'y avait aucune réponse dans ce discours aux
préoccupations des citoyens du Québec. Je le regrette, mais
c'était du réchauffé, c'était une impression
très nette de déjà vu. D'ailleurs, plusieurs des choses
qui avaient été annoncées ou brassées ou
discutées dans des conférences de presse antérieures, on
retrouve encore tout cela dans ce discours ou message inaugural qui doit en
quelque sorte marquer définitivement ce que sera le menu
législatif de cette Assemblée.
Le message inaugural a justement comme raison d'être de dire aux
membres de cette Assemblée nationale quel est le menu qui sera le
nôtre pour les mois à venir. C'est un message qui est
dirigé vers la population du Québec pour lui dire: Voici,
vous pouvez avoir espoir, vous pouvez avoir confiance parce que dans
quelques jours, dans quelques semaines ou au plus tard dans quelques mois, il y
aura là des mesures qui seront de nature à répondre aux
aspirations des uns et des autres. Les agriculteurs, vous trouverez telle et
telle solution à vos problèmes. Les mères de famille, vous
aurez d'autres réponses. Les bénéficiaires de l'aide
sociale, les jeunes, les travailleurs, vous aurez des réponses. Les gens
dans les régions, on s'occupera de vous. Voici quelque chose
d'intéressant pour vous. Mais non, cela a été un couplet -
toujours le même - sur la décentralisation et la
régionalisation. Cela a été un autre couplet sur la
concertation. Un cortège d'amendements, de réformes et de mesures
que le gouvernement a annoncés à maintes reprises. On n'a
qu'à se rappeler le dernier message inaugural de ce gouvernement
à l'automne 1981.
Il n'y a pas longtemps dans cette Chambre, il y a à peine deux
semaines, je faisais simplement la revue de ce qui avait été
annoncé par ce même gouvernement, par ce même premier
ministre à l'automne 1981, de ce qu'on allait faire durant la session
qui vient de se terminer il y a deux semaines. Combien de choses ont
été laissées là, comme cela avait été
laissé là au cours des sessions précédentesl On ne
peut pas croire ce gouvernement quand il y a un message inaugural. Il ne faut
pas penser que parce que c'est écrit dans ces 40 pages, lorsque la
session sera terminée, on va retrouver ce qui a été dit.
La preuve, c'est que la dernière fois, sur ce qui a été
dit à l'automne 1981, on a toute une liste de choses qui ont
été laissées en plan. Pas seulement laissées en
plan, mais on a même le front de revenir encore cette fois-ci et de nous
répéter les mêmes promesses. Par exemple, on revient avec
les amendements au Code du travail. Il y a des changements, parce que, avant
cela, on nous promettait une refonte du Code du travail. Maintenant, on a
droit, en 1983, à des amendements pour les choses "les plus pressantes".
Pour le reste, ceci sera mis de côté parce qu'il va falloir faire
des études sur une base de réalisme le plus dense. Le Code du
travail et sa refonte, c'étaient des promesses des années 1977,
1978, 1979, 1980. Maintenant, le réalisme et la prudence font qu'on va
passer au plus pressé. Oublions la refonte. Plus tard.
Réforme du mode de scrutin. Vous savez comment on va
réformer cela? On va aller en commission parlementaire. Il y a des
années de cela on est allé en commission parlementaire pour le
mode de scrutin. Si ma mémoire est fidèle, c'était le
père du leader parlementaire du gouvernement qui était là
lorsqu'on est allé en commission parlementaire étudier le mode de
scrutin. Nouvelle. Cette année, en 1983, le discours inaugural du
premier ministre, son message, c'est que pour le mode de scrutin, on va aller
en commission parlementaire; cette fois-ci, avec le fils.
M. le Président, on a eu droit également à
l'annonce d'une loi sur les fonctions et pouvoirs du Vérificateur
général. Cela fait je ne sais combien de temps qu'on parle de
cela. Le Vérificateur général lui-même, dans chacun
de ses rapports, parle du fait qu'il a été oublié
d'année en année. Cette année, on nous promet qu'on va y
voir, qu'on va avoir quelque chose là-dessus. (16 heures)
M. le Président, la politique de la famille, qu'est-ce qu'on va
faire? On va avoir un livre vert. Cela fait longtemps qu'on avait oublié
la bibliothèque.
Une voix: C'est de l'espoir, le livre vert.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre me fait signe
qu'il sera blanc. Mon Dieu, merci! Je remercie le premier ministre de cette
sollicitude envers la loi de la famille, envers la politique de la famille. Ce
ne sera pas un livre vert. Ce sera un livre blanc. Seigneurl On peut avoir
confiance dans l'avenir de la famille du Québec avec le genre de livre
qu'on va nous préparer.
La réforme de l'aide sociale et, bien sûr, la politique
d'achat chez nous.
Une voix: Pas croyable!
M. Levesque (Bonaventure): Quand je suis arrivé en cette
Chambre, M. le Président, je me rappelle très bien que, de
l'autre côté, il y avait un premier ministre qui disait: "L'achat
chez nous, M. le Président." En 1983, 27 ans après, le premier
ministre arrive avec quelque chose d'inédit: L'achat chez nous.
Une voix: II a relu les discours de Duplessis.
M. Levesque (Bonaventure): Seul l'art manifeste que
possède le gouvernement d'apprêter ses restes vient masquer la
monotonie du menu que nous proposait, hier, le premier ministre. On nous a, en
effet, réservé les mêmes plats, agrémentés
d'une sauce futuriste. Vous vous rappelez les mots, M. le Président,
parce qu'à un moment donné le premier ministre a
été obligé... Je ne sais pas s'il porte des lunettes,
mais, enfin, il me semble qu'il les a portées à un moment
donné, parce que celui qui avait écrit cela... Il y en avait
toute une série. Il y avait l'informatique, la bureautique, la
thématique.
Une voix: La robotique.
M. Levesque (Bonaventure): Je ne sais pas s'il y avait la
robotique, mais je pense
qu'il y avait... Non, pas la robotique. Une voix: II l'a
oubliée.
M. Levesque (Bonaventure): Enfin, il avait trouvé le
vocabulaire futuriste qu'il faut. À un moment donné, on se
demandait si on était dans une période de science-fiction ou
autre. Le premier ministre lui-même semblait très heureux de
pouvoir dire ces mots-là, mais, après, il a été
pris de ce qu'il a lui-même qualifié de vertige. Il a dit: "Je
pense qu'on en a le vertige." Ce sont ses propres mots. Réellement,
quand on a employé tous ces mots-là... Enfin, on les comprend
comme on peut. Je vous assure qu'on a le vertige, après avoir entendu
prononcer ces phrases préparées par la haute technocratie qui
entoure l'honorable premier ministre.
Une voix: Par le député de Rosemont.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre rêve-t-il
d'un Québec à la japonaise ou à la yougoslave ou
à...
Une voix: À la québécoise. Une
voix:À la polonaise.
M. Levesque (Bonaventure): ...l'australienne? Il nous faut
immédiatement lui rappeler que plus d'un million de ses concitoyens
québécois, chômeurs et assistés sociaux, attendent
de lui, surtout de son gouvernement, qu'il s'attaque sans délai à
relancer l'économie du Québec, à créer des emplois,
à susciter des investissements et à faire en sorte que ses
politiques collent à cet objectif-là. Or, le premier ministre a
tenu, hier, un discours vide de toute politique économique et de toute
politique d'emploi.
Faut-il lui rappeler que, pendant qu'il se livrait, hier, à ce
genre de discours, le secteur de la petite et de la moyenne entreprise,
d'après un article paru dans le Journal de Montréal,
édition du 23 mars, c'est-à-dire au moment même où
il parlait, avait accusé, au Québec, une réduction de 51%
de ses employés au cours des deux dernières années.
Dans ce discours, M. le Président, néant, nil, rien. Pas
un mot sur un plan d'ensemble, sur la politique de relance économique
que les chômeurs, les familles, les jeunes, les femmes du Québec
attendaient du gouvernement. Rien de plus qu'un train de mesures ponctuelles
que le premier ministre nous annonce de façon à nous donner,
dit-il, une position concurrentielle dans le monde de l'après-crise.
Mais ce n'est pas pour l'après-crise qu'on a besoin d'un gouvernement.
C'est dans la crise actuelle. C'est là qu'on aimerait avoir un
gouvernement, et un vrai gouvernement.
Le seul Changement - avec un grand C - que l'on est en mesure d'observer
dans le discours économique du chef du gouvernement, c'est un recyclage
du vocabulaire. Là, évidemment, je dois rendre à
César ce qui appartient à César, au gouvernement
péquiste ce qui appartient au gouvernement péquiste et au premier
ministre péquiste ce qui appartient au premier ministre péquiste:
le vocabulaire. On n'arrivera jamais avec eux autres, M. le Président,
jamais.
On arrange nos affaires, on y travestit deux ministères, l'un en
société d'État, l'autre en organisme-conseil. Le
parapublic devient les instances décentralisées; les usagers de
services publics et les instances locales, des communautés de base.
C'est bien dit, n'est-ce pas? Les conférences administratives
régionales deviennent des tables de concertation. Les sommets sont des
assises sur la décentralisation. Les tournées des ministres et de
leurs fonctionnaires, de même que les conseils consultatifs deviennent
des conférences régionales et des tables de travail sectorielles.
Comme c'est bien ditl Si ce n'est pas tout à fait ce que le premier
ministre a voulu dire, il aura l'occasion de glisser un mot à l'un de
ses collègues pour nous traduire le nouveau vocabulaire qu'il emploie
grâce, évidemment, à l'entourage technocratique qui se fait
de plus en plus omniprésent dans ce gouvernement.
M. Rivest: C'est le style à Jean-Roch! Des voix:
Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Cela me surprendrait que ce soit le
style à Jean-Roch, comme le dit le député de
Jean-Talon.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Rivest: II est plus catholique que cela, le style!
M. Levesque (Bonaventure): Sans parler de la trouvaille des
rencontres de travail à huis clos, des incitations à la
population à investir, des initiatives qu'il faut étudier
très sérieusement, des équipes légères qui
seront mises sur pied, des groupes d'enquête.
Lorsqu'on regarde encore ce discours, on trouve, par exemple, au
chapitre des solutions nouvelles: "Le gouvernement propose aux
Québécois le partage de l'emploi." Imaginez-vous!
Présentement, les gens n'ont pas de job et là, ils vont se
partager cela!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Pour résoudre le
problème des sans-emplois de 25 à 30 ans, le gouvernement jongle
avec la
possibilité d'une hausse des prestations d'aide sociale. On dit,
évidemment, que cela n'augmentera pas les dépenses; cela veut
dire qu'ils vont aller chercher cela quelque part, peut-être chez les
plus jeunes. Il y a une fuite qui a laissé entrevoir qu'on pourrait
peut-être aider les gens de 25 à 30 ans en allant chercher de
l'aide chez les gens de 20 à 25 ans ou chez ceux de 18 à 21
ans.
Quelle nouvelle politique extraordinaire! Quelle préoccupation
d'ordre sociall Comme la jeunesse du Québec sera impressionnée
par les tours de magie de ce gouvernement! II dit aussi: Ne vous
inquiétez pas, les jeunes, attendez le virage scolaire et le virage
technologique.
M. Lalonde: Ils vont avoir 40 ans, à ce
moment-là!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Dans cette veine de contradictions, le
chef du gouvernement propose encore ce qui suit. Ecoutez bien, c'est important.
On a trouvé autre chose dans le message inaugural pour répondre
aux préoccupations des citoyens. On propose la retraite anticipée
à partir de 60 ans alors qu'on vient de finir une session durant
laquelle le gouvernement nous a convaincus d'abolir l'âge de la
retraite!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): On pourra, lorsqu'on débattra
de cette nouvelle formule magique, prendre les discours d'un côté
pour les transférer d'un autre côté. Ce sera parfait, il va
falloir les prendre à l'envers maintenant, prouver qu'il faut que les
gens cessent de travailler à 60 ans alors qu'il y a un an ils nous ont
prouvé qu'il était bon qu'ils travaillent après 65
ans.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Cela, évidemment, c'est la
logique que nous avons devant nous. Le discours du premier ministre affirme
encore de l'État qu'il lui faut réévaluer ses rôles,
ses modes de fonctionnement, centrer ses actions sur l'essentiel, un
État moins lourd. Donc, le premier ministre, dans la première
partie de son discours, dit qu'il faut enlever le poids de l'État. Tout
le monde a compris cela comme un peu moins d'interventions du gouvernement, un
peu moins de ces sociétés d'État, de tout cet appareil, de
tous ces organismes gouvernementaux, de toute cette bureaucratie. Ensuite, dans
le même discours, il propose de s'en remettre à
Hydro-Québec, à la SGF, à SOQUIA pour occuper les
nouvelles avenues de développement économique. D'une part, on
veut alléger l'État et, d'autre part, on est à la
recherche de plus de responsabilités pour les organismes de
l'État. (16 h 10)
Enfin, le chef du gouvernement affirme, du même souffle, que les
grandes questions de l'heure se posent avec l'insistance la plus
obsédante sur le plan économique, et plus loin, que la voie de la
lucidité et du réalisme passe par l'indépendance, que
c'est elle le moteur et le garant du progrès individuel et collectif.
Pouvez-vous concilier des phrases comme celles-là dans
l'intérêt des citoyens du Québec?
Dans le reste, vous savez, à lire ce discours inaugural, ces 40
pages, on en trouve de toutes sortes. Je n'aurais jamais pensé que le
gouvernement dont je viens de parler, ayant un excellent vocabulaire en ait
tellement besoin qu'il vienne prendre le titre même de notre manifeste
électoral, notre manifeste politique du Parti libéral: Prendre
les devants. Est-ce une coïncidence, mais on retrouve au tout début
du discours du premier ministre cet objectif ou ce moyen d'action: Prendre les
devants. J'en suis fier, même si on nous le vole pour quelques instants.
J'espère que cela va faire du bien de l'autre côté.
Maintenant, on nous a parlé d'abolir le ministère de la
Fonction publique. M. le Président, avant 1969, on n'avait pas de
ministère de la Fonction publique, et le père du leader
parlementaire du gouvernement a décidé qu'il fallait un
ministère de la Fonction publique. Maintenant, le fils aura à
défendre le gouvernement qui abolit le même ministère et
expliquer pourquoi on revient au statu quo d'avant 1969. Évidemment, on
a affaire à un gouvernement d'avant-garde qui est maintenant
dirigé vers un retour d'avant 1969.
Le Conseil de planification et de développement du Québec
disparaît. Est-ce parce que j'avais lu quelque chose à ce sujet,
ici en cette Chambre, il n'y a pas longtemps, il y a une couple de semaines,
où on s'apercevait que le Conseil de planification et de
développement du Québec reprochait sérieusement au
gouvernement son manque d'intérêt dans les questions de
création d'emploi? Cela, je l'ai lu ici en Chambre, c'est public. Le
premier ministre pourra retourner au journal des Débats et il trouvera
ces lettres ou ces extraits que nous avons ici même apportés
à l'attention de la Chambre et du premier ministre. Deux semaines
après, on annonce l'abolition du Conseil de planification et de
développement du Québec.
Dans ce discours, on parle de mesures protectionnistes qu'il y a
ailleurs. Il faut évidemment lutter contre ces écueils
protectionnistes. Dans le même paragraphe ou à peu près, on
énumère les mesures protectionnistes qu'il faut prendre ici.
Savez-
vous quelle logique?
On voudrait changer la société. Cela a été
le thème du discours inaugural. Le changement. Et en particulier, quoi
changer, comment, dans quel sens? La seule précision: II faudra
apprendre à faire des choix. Merveilleux, M. le Président. On a
trouvé la solution de changement: apprendre à faire des choix.
Évidemment, je pense que c'est important parce que justement nous avons
reproché régulièrement à ce gouvernement son
mauvais choix de priorités.
Qu'est-ce que l'on trouve encore? La promesse, évidemment, de
revoir le cadre des négociations dans les secteurs public et parapublic,
mais on n'en dit pas grand-chose, je vous assure.
On parle de la protection de la jeunesse. Que fait-on là-dedans?
On était pressé. On a eu droit à un "select committee"
pour étudier toute la question. On a même demandé à
cette commission de hâter et de faire rapport, tellement c'était
pressé. Et tout ce que l'on sait maintenant, c'est que la chicane est
encore prise quelque part et que le premier ministre a entré cela
là-dedans en disant: Mon Dieu! on va tâcher de mettre un peu de
pain là-dedans et essayer de trouver la solution dans la chicane
traditionnelle qu'il y a entre les ministères concernés.
En réforme scolaire, annonce-t-on quelque chose? Non, M. le
Président. On dit: On va y toucher; on va amender des choses; ce ne sera
pas tout à fait comme le ministre de l'Éducation le voulait. On a
hâte de savoir réellement ce qui va arriver là-dedans et si
les voeux de la population, exprimés partout dans le Québec,
seront comblés ou si ce sera l'approche technocratique et
centralisatrice du ministère ou du ministre qui va prendre le dessus. Et
on pourrait continuer, mais c'est lorsqu'on arrive, évidemment, au
bouquet sur l'indépendance... J'y reviendrai tout à l'heure. Je
garde cela pour la fin de mes remarques, parce qu'il me semble que le premier
ministre a eu beaucoup de succès de son côté lorsqu'il a
parlé d'indépendance. C'est à peu près la seule
fois que les gens ont applaudi avec coeur. Je pense que je vais faire la
même chose de mon câté. Je vais garder cela pour la fin.
En conclusion, quant à ce discours du premier ministre - parce
que je n'ai pas l'intention de demeurer plus longtemps là-dessus, je
pense que j'ai fait suffisamment honneur à si peu de contenu en passant
près de trois quarts d'heure à en parler - les propositions
contenues dans ce message inaugural sont disparates et
"déconnectées" -pour employer un mot de son auteur - de la
réalité économique actuelle du Québec. Il s'agit,
pour la plupart, de mesures de rapiéçage ou de mesures à
très courte vue, rien sur la relance économique du secteur
privé, rien sur les relations fédérales-provinciales comme
instrument clé pour relancer l'économie québécoise,
aucune préoccupation de productivité ou de rentabilité
dans la gestion des secteurs public et parapublic ou dans la gestion des
sociétés d'État. Ce qui frappe dans l'ensemble du message,
c'est l'absence de projets et de mesures innovatrices capables de contribuer
à sortir le Québec de la crise.
Nous avons eu un Québec qui est de plus en plus affaibli par ce
gouvernement, affaibli dans le domaine constitutionnel, affaibli dans le
domaine économique, affaibli dans le domaine financier et
budgétaire, affaibli encore tout récemment dans le domaine
social, particulièrement dans les relations du travail, affaibli dans le
domaine culturel à la suite de la façon dont ce gouvernement a
traité tout le domaine et tout le réseau de l'enseignement. C'est
donc dire que nous avons devant nous un message inaugural qui n'est
certainement pas un stimulant pour les députés en cette
Assemblée quant au menu législatif et sûrement un
désappointement, sinon un découragement pour la population, qui a
à endurer ce gouvernement pour je ne sais encore combien de semaines et
combien de mois. J'espère que ce ne sera pas trop longtemps.
Lors du débat sur la motion de blâme du 10 mars dernier,
nous avons eu l'occasion d'examiner la performance économique du
Québec depuis le début de la dernière session, celle aussi
longue que désappointante qui avait commencé le 9 novembre 1981.
Nous avons examiné l'évolution des grands indicateurs
économiques depuis seize mois et nous avons brossé un bilan
exhaustif de l'ensemble de cette session. Il n'est pas utile de revenir
très longuement sur l'un ou l'autre de ces sujets. Aussi, mes propos
d'introduction porteront principalement sur deux ordres de
considérations économiques différents: d'abord les
tendances lourdes ou à plus long terme de l'économie
québécoise et la situation économique présente des
différentes régions du Québec. (16 h 20)
Rappelons tout de même les principales conclusions
dégagées lors de ces débats. La dernière session
devait être, comme toutes celles qui l'ont précédée
depuis 1976, celle de la priorité à l'économie. Le
discours économique du gouvernement est demeuré jusqu'à la
fin ce qu'il était dès le 9 novembre 1981: un effort de
rhétorique qui n'a eu aucune suite positive digne de mention.
L'incohérence dans l'action, le divorce entre le discours et les actes
sont demeurés la première caractéristique de l'attitude
gouvernementale. Ce sont les hausses de taxes et les manoeuvres
stratégiques du gouvernement dans ses négociations avec les
syndicats des secteurs
public et parapublic qui ont dominé le menu législatif.
Non seulement le gouvernement n'est-il pas parvenu à endiguer la
débâcle économique et la contraction spectaculaire de
l'emploi et des revenus, mais il a lui-même contribué puissamment
en imposant, soit au titre de la récupération salariale, en
reniant sa signature, soit au titre des hausses de taxes, une ponction fiscale
aussi spectaculaire qu'inopportune au plan conjoncturel, c'est-à-dire
plus de 1 500 000 000 $ en 1982-1983.
Au terme de la dernière session, il restait suffisamment de
promesses non réalisées pour que le gouvernement puisse
écrire, simplement en les réintroduisant, un discours inaugural
à peu près convenable: réforme du Code du travail,
réforme des régimes de retraite, projet Archipel, fonds minier,
réforme de l'aide sociale, sommets régionaux, participation des
travailleurs à l'entreprise, transport en commun dans la région
de Montréal, etc., toutes ces choses, promesses non
réalisées dans le dernier discours inaugural. Mais cette session,
qui avait commencé par l'affaiblissement pitoyable du Québec au
plan constitutionnel, nous a valu des affaiblissements tout aussi dramatiques,
comme je le mentionnais, au plan économique: chômage, pertes
d'emplois, chute sans précédent de la production et des revenus.
Au plan financier et budgétaire: diminution de la cote financière
du Québec et d'Hydro, hausse importante du fardeau fiscal et persistance
du déficit. Au plan social, le Québec a frôlé une
fois de plus la catastrophe lors des négociations du secteur public avec
le gouvernement et ce n'est pas fini. Nous n'avons même pas, au moment
où on se parle, le résultat de la conciliation. J'espère
que le premier ministre ou le ministre de l'Éducation pourront informer
cette Chambre avant que nous ne quittions cette semaine, si c'est possible,
afin de savoir où nous en sommes présentement dans cette
conciliation.
Les tendances lourdes de notre économie, je voudrais en dire un
mot. Comment en sommes-nous arrivés à se constat d'échec
que nous devons faire à la lumière de ce qui
précède? Considérons brièvement les tendances
lourdes, dis-je. Nous le ferons à l'aide de quelques statistiques peu
nombreuses, mais particulièrement significatives, car ce débat a
déjà été fait à plusieurs reprises.
Malgré tout, il me semble nécessaire d'y revenir, puisqu'il
subsiste toujours, du côté gouvernemental surtout, une certaine
confusion à cet égard.
Nous reconnaissons facilement que le Québec a été
associé, au plan économique, à un mouvement
généralisé de ralentissement survenu vers le milieu des
années soixante-dix. En se limitant aux mesures les plus globales de
performance économique, on constate que le produit intérieur
brut, en termes réels - c'est-à-dire l'inflation enlevée -
a augmenté trois fois plus rapidement entre 1970 et 1976, soit de 28%,
qu'entre 1976 et 1982, environ 10%. Ce sont là deux périodes
identiques de six ans dont la première s'est déroulée sous
un gouvernement libéral, la seconde sous un gouvernement
péquiste. Le repli de la croissance a été encore plus
marqué en termes de revenus personnels, une fois l'inflation
enlevée. Cet indicateur qui avait progressé de façon
spectaculaire entre 1970 et 1976, 55%, n'a augmenté que d'environ 9%
dans les six années suivantes. Cela explique bien des choses, notamment
le rendement moins élevé des taxes et des impôts et, par
conséquent, la "nécessité" - entre guillemets - pour le
gouvernement péquiste de recourir massivement à l'endettement et
aux augmentations de taxes pour contenir le déficit budgétaire
dans les limites prescrites par les bailleurs de fonds. Autrement dit,
lorsqu'on n'a pas de priorité à l'économie, lorsqu'on
laisse l'économie faiblir, lorsqu'on laisse le secteur privé
presque s'affaisser, alors on ne peut pas s'attendre que le revenu des taxes
soit là, on ne peut pas s'attendre à pouvoir aider le même
secteur public.
En termes conjoncturels, nous sommes aujourd'hui en mesure de constater
que seules les années 1978 et 1979 ont été relativement
satisfaisantes soit en termes de produit intérieur brut, soit en termes
de création d'emplois, depuis l'élection du Parti
québécois en 1976. On se souvient que, durant cette
période, la protection spéciale du gouvernement canadien à
l'endroit du textile, de la chaussure et du vêtement avait permis un
raffermissement temporaire de ces secteurs au Québec, en même
temps que la chute du dollar canadien permettait une percée
significative de nos exportations. Enfin, la poursuite des travaux de la
Baie-James maintenait la construction et les investissements à un niveau
acceptable.
Par contre, il était très évident, dès cette
époque, que notre économie subissait une tendance favorisant le
déplacement de l'activité économique vers l'Ouest du pays
et, dans une moindre mesure, vers la côte Est. Cela signifiait qu'en
pratique, pour un avenir prévisible, l'économie des
régions comprises entre le Nouveau-Brunswick et le Manitoba est devenue
et restera plus vulnérable à la conjoncture que le reste du
Canada.
Au lieu de prendre bonne note de ces tendances lourdes et d'envisager
des correctifs appropriés, le gouvernement a
préféré tirer partie de l'affaiblissement sensible de
l'Ontario, c'est-à-dire le secteur de l'automobile en particulier, pour
se péter les bretelles dans des comparaisons Québec-Ontario. Cela
se comprend. Sa priorité était le référendum et il
voulait se faire
couronner comme bon gouvernement. C'est alors que naquit le mythe du
deux fois mieux que l'Ontario. Justement, lors du débat du 10 mars 1983
sur la motion de censure, je relevais une fois de plus l'argument
démontrant, sources à l'appui, que le produit intérieur
brut réel du Québec et celui de l'Ontario avaient connu des
augmentations à peu près identiques de 10,4% et de 10,5% entre
1976 et 1981. Mais comme le mythe est durable du côté
gouvernemental, le ministre des Finances "corrigeait" de la façon
suivante - c'est tiré du journal des Débats, page 7877 - "Je
voyais le chef de l'Opposition indiquer que c'était abominable de parler
d'un rythme de croissance au Québec deux fois supérieur à
celui de l'Ontario. Je lui rappellerai très brièvement qu'en
1979, c'est ce qui s'est produit. Le produit intérieur réel en
Ontario est monté de 2,5% et, au Québec, de 4,5%. Je m'excuse
pour la correction."
J'ai fait relever les chiffres de la croissance du produit
intérieur brut en termes réels pour le Québec et
l'Ontario, année après année, et voici ce que cela a
donné. En 1977, au Québec: 0,8%; en Ontario: 1,9%. En 1978, au
Québec: 4,1%; en Ontario: 2,7%. En 1979 - c'est là l'année
mentionnée par le ministre des Finances - au Québec: 1,3%; en
Ontario: 2,1%. En 1980: au Québec: moins 0,8%; en Ontario: moins 1,4%.
En 1981, au Québec: 0,8%; en Ontario: 2,3%. En 1982, au Québec:
moins 6,2%; en Ontario: moins 4,2%. Donc, je m'excuse également
auprès du ministre des Finances pour la correction.
Mais j'ose espérer que, cette fois, le mythe de deux fois
meilleur que l'Ontario est bel et bien mort. On peut toujours se chicaner sur
les virgules, car ces données sont souvent révisées et la
correction du taux d'inflation peut se faire de bien des façons, mais,
en 1979, le taux de croissance de l'Ontario a été plutôt
modeste, mais tout de même supérieur à celui du
Québec. C'est en 1978 que l'argument a un certain fondement et encore,
ce n'est pas du simple au double dont on parle. Quant aux années 1977,
1979, 1981, 1982, l'Ontario l'emporte parfois du double et du triple. (16 h
30)
Passons maintenant à la création d'emplois. De 1970
à 1976, il se créait au Québec 281 000 emplois, soit en
moyenne 56 000 par année. Il y a même eu une année, 1973,
où le Québec a bénéficié de 125 000 nouveaux
emplois. C'était déjà insuffisant pour absorber la
croissance de la population active. De 1977 à 1981, la moyenne annuelle
de création d'emplois n'était plus que de 46 000, de 56 000 que
c'était, soit - c'est assez important de le souligner - 15,7% de la
moyenne canadienne. Alors que nous avons 26% de la population, la
création d'emplois sous le régime que nous avons devant nous n'a
été que de 15,7% de la moyenne canadienne.
Il n'y eut en effet qu'une seule bonne année de création
d'emplois, soit 82 000 en 1979. Pendant ce temps, l'Ontario, qui était
elle-même affectée d'un ralentissement sensible de son
économie, connaissait des gains moyens de 108 000 emplois annuellement.
Ce qui est encore plus étonnant, les emplois relativement peu abondants
qui se sont créés au Québec étaient
concentrés dans la catégorie des emplois à temps partiel.
Si on considère uniquement les emplois à temps plein, la moyenne
québécoise tombe à 22 000, soit 10,8% du total
correspondant pour l'ensemble canadien. Donc, si on prend les emplois à
temps partiel et à temps plein, notre part de la création
d'emplois au Canada est de 15,7%. Quand on prend les emplois à temps
plein, notre part est maintenant de 10,8% de l'ensemble canadien.
Comprenons-nous bien, nous ne sommes pas contre les emplois à
temps partiel. Nous voulons simplement que le Québec
bénéficie d'un volume acceptable d'emplois à temps plein,
les seuls susceptibles d'assurer un revenu décent pour les chefs de
famille, hommes ou femmes, et pour ceux ou celles qui veulent s'établir,
fonder un foyer, se bâtir un avenir solide.
À ceux qui ont des yeux pour voir, il n'y a rien de
mystérieux au fait que la croissance de notre économie s'est plus
ou moins arrêtée après 1979, tant en termes de produit
intérieur brut que de création d'emplois. Ce n'est pas un
mystère non plus si les gains substantiels de productivité que
nous avions connus entre 1973 et 1979 ont été brusquement
interrompus par la suite. Jusque là, le Québec progressait,
même en régime péquiste, sur l'ère d'aller des
travaux de la Baie-James, de la chute du dollar canadien, du momentum,
peut-être insuffisant mais très réel, qu'avait
créé le climat propice aux investissements qui existait sous le
régime précédent, le régime libéral.
Une voix: C'est cela.
M. Levesque (Bonaventure): Quand ce momentum a été
dissipé, quand les investissements d'Hydro ont commencé à
plafonner, comme le reconnaît le ministre des Finances d'ailleurs, quand
le dollar canadien s'est stabilisé, nous, au Québec, avons
plongé, tête baissée, dans quoi? Vous pensez
peut-être que c'est dans la création d'emplois, dans la
priorité à l'économie. Non, M. le Président,
tête baissée dans le débat national, dans le débat
référendaire, la polarisation référendaire, la
seule vraie priorité d'ailleurs du gouvernement actuel.
La cause de l'arrêt de notre croissance économique, ce fut
une faiblesse dramatique de nos investissements. Alors que les
investissements publics plafonnaient à la fois en raison de la
révision des immobilisations d'Hydro-Québec et du
déséquilibre dans nos finances publiques, les investissements
privés plafonnaient également et la construction
résidentielle était en chute libre. Nos investissements totaux
sont passés de 10 700 000 000 $ en 1977 à moins de 13 000 000 000
$ en 1982, soit une augmentation annuelle de 4% seulement. À titre
d'illustration, les taux correspondants étaient de 8,1% en Ontario -
ici, c'est l'Ontario qui fait deux fois le Québec - et de 10,1% pour
l'ensemble du Canada. Notons que nous ne parlons pas d'une année, mais
d'une tendance lourde de cinq ans. C'est beaucoup plus sérieux. C'est
non seulement la plus faible performance parmi les cinq régions
canadiennes, mais ce n'est même pas la moitié du taux d'inflation.
Quand on parle de 4%, M. le Président, ce n'est sûrement pas la
moitié du taux d'inflation. En d'autres termes, nous n'avons pas
augmenté notre stock réel de capital, nous avons "mangé"
du capital depuis cinq ans. En 1977, nos investissements représentaient
23% du total canadien; en 1982, ils ne font plus que 17% du total canadien.
C'est là que réside le noeud de notre problème
économique, la preuve la plus convaincante de notre affaiblissement
économique.
Voilà donc, à grands traits, la toile de fond de
l'évolution économique qui nous a laissés affaiblis et
vulnérables, là où nous étions à la veille
de la catastrophe de 1982. On a beaucoup discouru, ces derniers temps, sur
l'âpreté de la crise qui a frappé la plupart des pays
industrialisés, dont les États-Unis et le Canada, au cours des
derniers mois. Pour le gouvernement, la chose semble assez facile et assez
simple à expliquer: c'est la faute d'Ottawa, des taux
d'intérêt et du reste du monde. Le gouvernement péquiste
n'y est pour rien. Examinons cette prétention.
On sait maintenant que le PIB du Québec a chuté de 6,2% en
1982. Non seulement le Québec n'a-t-il connu aucune croissance en 1982,
mais les Québécois ont vu disparaître sous leurs yeux les
résultats normaux de deux bonnes années de croissance. C'est,
cependant, en termes de pertes d'emplois qu'il convient de mesurer tout le
désastre économique de 1982. Maintenant que les statistiques pour
l'ensemble de l'année sont connues, on constate que le Québec a
perdu 142 000 emplois en 1982, retombant ainsi pratiquement au niveau de
l'emploi atteint en 1978. C'est également un résultat sans
précédent puisque jamais le Québec n'avait connu de
diminution absolue dans l'emploi sur une base annuelle depuis que de telles
statistiques sont compilées, c'est-à-dire depuis une trentaine
d'années.
En ce qui concerne la performance relative du Québec dans
l'ensemble canadien, deux constatations s'imposent. Premièrement, le
Québec a été plus affecté que le reste du Canada,
ses pertes d'emplois représentant une diminution de 5,3% en comparaison
de 2,4% seulement pour les autres provinces. Sur la même base de calcul,
l'Ontario n'a perdu que 100 000 emplois en 1982, pour une diminution de 2,4%.
Au fait - cela est tragique, M. le Président - 42% des pertes d'emplois
canadiennes ont été au Québec, ce qui est
considéralement plus élevé que sa part de la
population.
Deuxièmement, le profil de l'affaissement économique n'a
pas été le même au Québec que dans le reste du
Canada, en Ontario, notamment. En effet, l'affaiblissement est survenu au
Québec à partir de septembre-octobre 1981, soit plusieurs mois
avant que des difficultés semblables ne surviennent en Ontario et dans
plusieurs autres provinces. Ce début prématuré de la crise
au Québec reflète en bonne partie la ponction fiscale du ministre
des Finances de plus de 1 000 000 000 $, imposée par le gouvernement du
Québec à la fin de 1981, après les élections.
Comme c'était à prévoir, cette différence
dans le profil temporel de l'affaiblissement de l'emploi entre le Québec
et l'Ontario a donné lieu à certaines interprétations
politiques de la part du gouvernement. C'est ainsi qu'on a assisté
à la naissance d'un autre mythe, concernant le taux de chômage
cette fois, celui que le Québec a brisé; il aurait brisé
la règle de l'Ontario plus 50%. Il est vrai que le taux de chômage
du Québec gravite habituellement à un niveau autour de 50% plus
élevé que celui de l'Ontario, bien que, dans certaines
années, cela ne s'est pas réalisé de cette façon,
particulièrement, je pense, en 1975 alors qu'on était au
pouvoir.
C'est vrai également que, tout récemment, cette
règle d'approximation ne s'est pas vérifiée. En
février 1983, par exemple, la différence avec l'Ontario
était de 3% et non de 5,8%, selon la règle énoncée
par le ministre des Finances. Mais il n'y a pas là de quoi pavoiser.
D'ailleurs, c'est la même raison pour laquelle on peut mettre en doute
les chiffres donnés par le premier ministre lorsqu'il parlait de 29% de
chômeurs au Québec par rapport au nombre total des chômeurs
canadiens. On va voir pourquoi ces chiffres-là ne traduisent pas la
réalité. Premièrement, parce qu'il s'agit, en fait, d'une
détérioration relative du chômage en Ontario beaucoup plus
que d'une amélioration au Québec. Deuxièmement, ces
chiffres masquent un autre problème pour le Québec, celui du
retrait de la population active en raison du découragement. (16 h
40)
En effet, alors qu'en Ontario la population active croissait tout de
même de
38 000 en 1982, au Québec, elle diminuait de 49 000, ce qui
indique que, même en négligeant l'accroissement naturel normal de
ce segment de notre population, nous nous retrouvons avec, au bas mot, 50 000
chômeurs déguisés supplémentaires à nos 434
000 chômeurs officiels. Si on corrige les données
québécoises pour ce facteur, il n'est pas difficile de faire
apparaître un taux de chômage réel non plus de 14%, mais de
16% et même de 17% pour le Québec. D'ailleurs, il est facile de
retrouver où se cachent ces 50 000 chômeurs
déguisés; avec 20 000 autres Québécois et
Québécoises, ils forment le contingent additionnel des 70 000
assistés sociaux supplémentaires que la crise nous a
légués. Il n'y a pas de mystère. Les chiffres, il faut les
prendre comme ils sont et ce n'est pas le pourcentage donné par le
premier ministre ou par le ministre des Finances qui compte, mais la
réalité. Ce qui ne paraît pas dans les chiffres sur le
chômage, ce sont les gens qui ne sont plus chômeurs, mais qui sont
devenus des assistés sociaux et qui ne s'inscrivent même plus, par
découragement, comme candidats au travail.
Il existe, dans le discours gouvernemental, bien d'autres mythes comme
celui selon lequel le gouvernement serait parvenu, en 1982, à tisser un
filet de sécurité pour éviter le pire. Drôle de
filet de sécurité que cette longue liste de hausses de taxes, de
décrets dans les relations du travail, de chicanes
fédérales-provinciales, de coupures aveugles dans les services
publics. Au fait, le filet avait des mailles tellement larges qu'il a
laissé passer 430 000 chômeurs, plus de 200 000 emplois, dont les
deux tiers chez les jeunes, 600 000 assistés sociaux, 4400 faillites,
etc. À l'heure actuelle, c'est pratiquement le quart de toute la
population du Québec qui, malheureusement, dépend du secours
direct de l'État soit au titre de l'assurance-chômage, soit
à celui de l'aide sociale.
J'en arrive maintenant, par-delà les mythes gouvernementaux,
à une autre réalité difficilement acceptable, celle des
régions du Québec. En cette matière, il est manifeste que
les problèmes régionaux sont, depuis plusieurs années, le
cadet des soucis du présent gouvernement. Pourtant, il y a
matière à réflexion parce que, à toutes fins
utiles, la politique économique d'un gouvernement n'a de sens que si
elle produit des fruits partout en région. Je vous propose donc, en
quelques minutes, un survol évidemment bien trop sommaire, un survol
économique du Québec.
En effet, depuis 1976, le présent gouvernement aura eu tout le
temps voulu pour rendre opérationnels les paramètres de sa
politique régionale. D'ores et déjà, le gouvernement du
Parti québécois n'a pas tenu compte de la prémisse
suivante pour ce qui est des réalités régionales. Les
faiblesses de l'économie du Québec tiennent à la fois
à la nature de ses industries, à l'insuffisance chronique des
investissements et au fait qu'il y a eu déplacement du centre de
gravité de l'économie canadienne. Pour pallier ce
déplacement, il eût fallu tout mettre en oeuvre en vue d'augmenter
notre position concurrentielle par rapport aussi bien aux autres provinces
qu'à d'autres pays où les coûts de production sont plus
bas. Au souci d'un nationalisme indu démontré par ce
gouvernement, s'est ajouté le manque de mesures visant à
encourager les investissements productifs et créateurs d'emploi.
Si on va sur le terrain, on s'apercevra que la région 01 du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie est la plus rurale. Elle possède,
entre autres, des ressources naturelles en quantité et
génératrices d'emploi. Pourtant, les dépenses totales des
entreprises publiques provinciales ont chuté de 11% en 1982. On veut
aider une région aux prises avec le chômage et on diminue les
investissements en 1982 de 11%. Et cela, ce sont les investissements du
gouvernement du Québec, au moment où une population est aux
prises avec un taux de chômage de près de 25%. Ce sont les
chiffres officiels, il y a encore tous ceux qui ne sont pas inscrits par
découragement.
Le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale atteignait 25
172, le 1er mars. Il importe d'augmenter les mesures visant à augmenter
les investissements dans le secteur primaire et la construction qui ont
chuté d'environ 26 000 000 $ entre 1981 et 1982. C'est ce même
gouvernement qui refuse une entente à caractère régional,
refuse un plan de développement de l'Est du Québec
présentement avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement
fédéral, par la voix du premier ministre, par la voix du ministre
de l'Expansion économique régionale, est venu -les
autorités fédérales - dans la région offrir une
entente fédérale-provinciale-régionale. Le gouvernement
actuel a refusé. Il se rabat sur les ententes d'ordre sectoriel, mais il
ne veut pas donner à la région de l'Est du Québec une
entente régionale où les deniers seraient dépensés
dans la région et non pas au caprice de certains ministres influents du
cabinet.
M. le Président, dans la Région-02,
Saguenay-Lac-Saint-Jean, on voit que les secteurs forestier et manufacturier
sont particulièrement touchés par la crise économique et
pas moins de 3000 à 4000 emplois furent perdus entre 1981 et 1982. Le
nombre de bénéficiaires de l'aide sociale atteindrait maintenant
21 000 en mars. Le taux de chômage se situerait à plus de 20%. La
baisse des investissements s'est particulièrement fait sentir dans le
secteur primaire. Quant au secteur manufacturier, les dépenses ont
accusé un recul d'environ
128 000 000 $ au cours de la même période. Que font tous
ces députés et ces ministres péquistes dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean? Qu'est-ce qu'ils font, M. le
Président? Est-ce qu'ils sont encore capables de se promener dans la
région?
Région 03, Québec, on est déjà en mesure
d'apprécier l'impact des politiques mises de l'avant par le gouvernement
touchant quelque 40 000 travailleurs de l'administration provinciale.
Déjà on sait qu'entre 1980 et 1981 la région de
Québec connaissait une baisse des ventes au détail dans les cinq
secteurs les plus névralgiques affectant la vie commerciale. En
février, le taux de chômage se situait à 13,4% et pas moins
de 56 000 personnes avaient recours à l'aide sociale. Le nombre de
faillites commerciales de la grande région de Québec totalisait
680 en 1982. Où sont les députés et les ministres,
là, qui se promènent à l'hôtel de ville? Qu'est-ce
qu'ils font, actuellement, pour régler les problèmes des gens de
la région?
Prenons la région de Trois-Rivières, la région de
la Mauricie, le coeur du Québec. Cette région doit faire l'objet
d'une attention particulière du gouvernement du fait du vieillissement
de son appareil de production manufacturière dans les industries
traditionnelles comme le cuir, le vêtement, le bois, l'imprimerie. Les
PME ont besoin d'encouragement concret de leur gouvernement si cette reprise
que l'on dit imminente démarre de façon durable et
cohérente. En attendant, entre le 1er mars 1977 et le 1er mars 1983, le
nombre de bénéficiaires de l'aide sociale est passé de 17
781 à 31 340, et le taux de chômage se situait, en février,
à plus de 20%.
En somme, il faut axer les efforts pour empêcher que se continue
le déclin de l'industrie manufacturière par rapport à
l'ensemble du Québec.
Dans l'Estrie, oui, où sont-ils les députés de
l'Estrie? Regardez bien, écoutez bien cela. Justement, cela va
intéresser Mme la députée. Une dame de la région de
l'Estrie écrivait, dans le quotidien La Tribune, au ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional, une lettre ouverte dans laquelle elle
mentionnait que le gouvernement avait présenté plusieurs versions
d'une politique de développement des régions. Ce que le ministre
nia catégoriquement dans ce même quotidien, le 17 février
dernier, pour dire à cette dame: "Ce dossier - en parlant de politique
du développement régional - est cependant en préparation
et nul doute que vous serez parmi les premières à en prendre
connaissance". Voilà, cela doit être encourageant, M. le
Président. Après qu'un gouvernement en soit dans sa
septième année au pouvoir, là voilà la
réponse. M. le Président, excusez-moi, je pense que vous
êtes au courant vous aussi de cela. Étant donné votre
situation dans cette Chambre, je ne veux pas du tout vous empêcher de
continuer dans la plus grande impartialité. (16 h 50)
Cela étant dit, M. le Président, c'est donc dire qu'en
deux mandats, le gouvernement n'a pu accoucher d'une politique en
matière de développement régional. Voici pour l'Estrie les
conséquences de cette négligence: diminution en 1982 des emplois
manufacturiers; fermetures d'usines. Et là, j'ai toute une liste de
mises à pied massives ou même de fermetures, dans une
région où il est clair que le secteur tertiaire ne suffit plus.
En février 1983, le taux de chômage atteignait près de 20%,
soit précisément 18,7%.
Dans la région 06 Montréal. Nous avons vu
précédemment que la véritable hécatombe dans
l'emploi qui est survenue au Québec entre le mois d'août 1981 et
le mois d'août 1982 nous a valu une perte sèche de 200 000
emplois. Or, fait surprenant et inquiétant à la fois, 75% de ces
pertes sont survenues dans la région de Montréal, alors que
celle-ci ne compte que pour 60% du volume total de l'emploi au Québec.
Comme Montréal constitue le centre de gravité de notre
économie tout entière, le seul pôle de croissance de
dimension internationale que nous ayons, c'est tout le Québec qui risque
d'en subir, à plus ou moins long terme, les contrecoups. À
l'heure actuelle, la région de Montréal compte 14,3% de
chômeurs dans sa population active et 186 000 bénéficiaires
de l'aide sociale, soit 50% du total pour le Québec.
C'est à Montréal que la carence d'investissements - et
particulièrement d'investissements privés - a les plus graves
conséquences sur l'emploi. D'autre part, le député de
Notre-Dame-de-Grâce a longuement commenté la situation
périlleuse de Montréal dans son troisième rapport sur le
départ des entreprises du Québec, publié en
décembre dernier. Enfin, d'autres agents économiques ont
souligné que l'environnement fiscal et réglementaire suscite de
vives réactions chez les investisseurs potentiels.
Arrivons maintenant à l'Outaouais. Le 15 octobre 1981, le
ministre au Développement économique et actuel ministre
délégué au Commerce extérieur envisageait un avenir
prometteur pour l'Outaouais. Il allait même jusqu'à dire que cette
région était au tournant de son histoire. À maintes
reprises, on a déploré son absence dans la région,
cependant. Des communiqués émis par le Parti libéral en
font foi et nulle réaction n'a émané du gouvernement,
à commencer par l'intéressé lui-même. N'en
déplaise au gouvernement du Québec, la présence du
gouvernement canadien assure une relative stabilité à cette
région. Dans l'arrière-pays, cependant, on entrevoit une
situation plus
difficile, en partie due aux perspectives négatives de
l'industrie forestière où les chantiers sont souvent
déserts et les moulins trop souvent arrêtés. Il y a,
semble-t-il, une bonne reprise dans la construction, mais la région
compte tout de même plus de 18 000 bénéficiaires de l'aide
sociale et son taux de chômage se situe présentement à
15,3%.
Quant à la région 08, l'Abitibi-Témiscamingue, j'ai
vu sourciller des ministres lorsqu'il y a quelques jours, j'affirmais que dans
certains coins du Québec, le taux de chômage atteignait plus de
50%. Le Regroupement des chômeurs et chômeuses de
l'Abitibi-Témiscamingue faisait savoir, dans un communiqué
récent, que le taux de chômage là-bas était de
57,8%. On précisait dans ce communiqué que Statistique Canada ne
compile pas les personnes qui, découragées, ont cessé de
se chercher un emploi. On parle aussi dans cette région de 9836
personnes bénéficiant de l'aide sociale.
Finalement, un coup d'oeil sur la CÔte-Nord et le
Nouveau-Québec, les régions 09 et 10. La région de la
Côte-Nord, comme on le sait, vit des heures difficiles. Il n'est pas
utile ici de reprendre l'essentiel de ce qui a été dit en
commission parlementaire. Vous savez les préoccupations de notre
formation politique pour cette région et nous savons tous les efforts
faits par nos députés, nos responsables des dossiers
vis-à-vis cette région et comment nous avons insisté, non
seulement pour être présents, mais également pour que nous
puissions avoir sur les lieux des instances gouvernementales et
opposition-nistes pour être réellement à l'écoute de
cette population et tâcher de trouver des solutions aux problèmes
très graves qu'elle vit présentement. Une bonne nouvelle,
cependant; je pense que lorsqu'on a une bonne nouvelle, il faut le dire. C'est
important parce que, dans la morosité que ce gouvernement
véhicule, il est important d'avoir de temps en temps une bonne nouvelle.
Non seulement je le dis, mais je le souligne avec plaisir: il y a
l'agrandissement de la compagnie Reynolds qui nécessitera des
investissements de 500 000 000 $ devant procurer environ 1200 emplois par
année sur les chantiers de construction. Il reste que le taux de
chômage oscille cependant dans la région depuis deux ans à
des niveaux critiques, entre 14% et 16%.
À notre avis, l'action gouvernementale devrait également
porter sur des secteurs où on entretient des espoirs, comme la
pêche, le tourisme. Il faut également fournir une assistance
accrue au secteur privé désireux de relancer l'économie de
la région afin d'empêcher que celle-ci ne décline encore
davantage.
Comme on le voit, M. le Président, c'est un peu partout la
même triste réalité dans chaque région du
Québec: le chômage, les pertes d'emplois, les licenciements, les
faillites, les fermetures d'usines. Ce qui diminue, c'est la
prospérité; ce qui augmente, c'est la misère, le
pessimisme face à l'avenir, le nombre des assistés sociaux.
Dans un processus de désindustrialisa-tion qui semble
irréversible, nos avantages comparatifs s'effritent, nos marchés
rétrécissent, nos équipements de production vieillissent.
À moyen terme, c'est toute notre compétitivité qui est en
péril. Le problème fondamental, c'est la carence
d'investissements productifs et, singulièrement, l'insuffisance des
investissements privés.
Parler dans ce contexte de virage technologique, c'est comme discourir
dans l'abstrait du sexe des anges. Pour qu'un véhicule, quel qu'il soit,
prenne un virage, encore faut-il qu'il avance. Or, nous n'allons nulle part au
Québec au plan économique, notre croissance est nulle, sinon
négative. Nous sommes en panne sèche. Comment voulez-vous qu'on
prenne un virage à droite ou à gauche si nous n'avançons
pas? Assurons-nous d'abord que nous sommes en mesure de progresser,
c'est-à-dire d'assurer une croissance soutenue à notre
économie. Après, nous prendrons tous les virages qui s'imposent,
y compris celui de la haute technologie.
M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci, aborder deux
sujets qui me tiennent à coeur. Je vois que déjà une heure
est passée, mais je tâcherai, même si j'ai droit à
deux heures, de ne pas utiliser pleinement mon temps.
Demandons-nous maintenant pourquoi nos investissements sont
insuffisants. Puisque c'est le signe le plus probant de notre affaiblissement,
peut-être découvrirons-nous ainsi les causes profondes de nos
problèmes et les moyens de nous en sortir. Serait-ce parce que nous
n'avons pas assez d'argent pour financer les investissements? Sûrement
pas, puisque malgré la crise, l'épargne n'a jamais
été aussi abondante au Québec qu'elle l'est maintenant. Au
reste, Hydro-Québec et le gouvernement lui-même démontrent
quotidiennement qu'ils peuvent, dans certaines conditions, trouver preneurs
à l'étranger pour un volume considérable d'obligations
négociables. Ce n'est pas d'une rareté absolue de fonds
prêteurs dont souffre l'économie du Québec, mais d'une
rareté relative de capitaux privés, notamment du capital de
risque ou de départ, des fonds pour la recherche et le
développement, l'exploration de nouveaux marchés, etc.
De façon générale, nos entreprises demeurent
sous-capitalisées, leur passif à court terme est excessif, ce qui
les rend particulièrement vulnérables dans une conjoncture
dominée par des taux d'intérêt souvent volatiles. Or,
justement, si le secteur privé de notre économie n'est pas
suffisamment développé, ni suffisamment fort pour assurer
notre croissance économique, c'est vraisemblablement parce qu'il n'a pas
trouvé chez nous le climat propice à son épanouissement.
L'entrepreneurship, pourtant bien présent au Québec, n'arrive pas
à s'exprimer convenablement. Les entreprises existantes boudent le
Québec dans leurs plans d'expansion. Certaines prennent même la
décision de plier bagages, convaincues d'être perçues aux
yeux du gouvernement actuel comme des indésirables. Je cite: "Je crois
que le départ des entreprises est une tendance positive. Il faut briser
quelques oeufs avant qu'apparaisse l'omelette", disait le premier ministre du
Québec en février 1978. Quelle omelette! M. le Président.
Que disait le ministre d'État au Développement économique
en mai 1979? "On ne regrette pas le départ de nos maîtres".
Voilà, M. le Président, cette priorité à
l'économie telle que conçue par le premier ministre et l'ancien
ministre d'État au Développement économique. (17
heures)
Examinons donc nos attitudes collectives. Voyons si ces citations
représentent autre chose que des accidents de parcours. Demandons-nous
si nos gouvernants ont développé une conscience aiguë des
impératifs de la croissance, une véritable obsession du
développement économique et de la création d'emplois. Au
Québec, depuis 1960, on a voulu faire beaucoup de choses: des
réformes dans l'éducation, dans les Affaires sociales; la
nationalisation de l'électricité; la création de
sociétés d'État, la caisse de dépôt, la SGF,
SOQUEM, SOQUIP, REXFOR, Société nationale de l'amiante; plus
récemment, la mise en place de programmes d'assurance automobile, zonage
agricole, création des MRC. Il convient également de noter que
toute la scène politique québécoise a été
dominée, de 1976 à la fin de 1981, par le débat sur la
question nationale, le référendum, le rapatriement de la
constitution.
Dans presque tous les cas, l'objectif de croissance économique
était soit absent, soit secondaire. Au fait, la seule mesure
gouvernementale de grande envergure, ultimement dominée par des
considérations de croissance économique et de création
d'emplois, fut le projet de la Baie-James. Ce fut d'ailleurs le moteur
principal de l'activité économique des dernières
années.
Mais il y a plus que de l'indifférence à l'endroit de la
croissance. Plusieurs gestes, plusieurs attitudes, plusieurs politiques ont
été néfastes en termes de développement. Notons,
sans égard au gouvernement qui était au pouvoir au Québec,
la politique du salaire minimum, l'alourdissement graduel du fardeau des
impôts, l'élargissement de l'écart de
rémunération entre les employés des secteurs public et
privé, l'incertitude face à l'avenir du Québec dans le
Canada.
En ce qui concerne le gouvernement actuel, les initiatives qu'il a
prises dans certains domaines ont-elles toujours tenu compte des
impératifs de la croissance économique et de la création
d'emplois? Par exemple, dans les relations du travail, la loi sur la CSST; la
Loi sur les normes minimales de travail; l'éponge passée sur les
poursuites, un sujet qui a été abordé encore tout
récemment et qui est à l'ordre du jour; le maintien de
l'impôt sur les droits de succession, le seul impôt du genre au
Canada; l'alourdissement très considérable de l'impôt sur
les revenus élevés; la transformation du régime fiscal des
entreprises en taxes sur les listes de paie, véritables taxes à
l'emploi, et en taxes sur le capital souscrit; les dispositions tatillonnes de
la loi 101 sur l'affichage; l'accès à l'école anglaise; la
francisation des entreprises et l'accès à la pratique des
professions; le doublement de 20% à 40% de la taxe ascenseur sur
l'essence, une mesure hautement inflationniste et régressive au plan du
développement régional, et la politique fiscale à
contresens, c'est-à-dire procyclique, de 1982.
Évidemment, il y a plus. Examinons brièvement ce qui nous
pend au bout du nez si le gouvernement actuel s'avise de réaliser
quelques mesures contenues dans le programme officiel du Parti
québécois de 1982. L'article no 1 du programme:
l'indépendance. Relations du travail: nouveau Code du travail permettant
l'accréditation multipatronale et sectorielle. Encore dans ce programme
du Parti québécois: favoriser, pour les travailleurs, une
juridiction partielle ou complète sur la marche de leurs entreprises,
créer un organisme appelé à juger du bien-fondé des
licenciements avec compensation financière déterminée par
l'organisme, rapatrier les principaux centres de décision dans les
relations de l'État avec les entreprises en s'appuyant prioritairement
pour le faire sur les entreprises publiques et coopératives, etc.
L'intervention prioritaire de l'État s'impose dans les secteurs dont
l'impact est majeur sur l'économie. Encore l'intervention du
gouvernement dans les richesses naturelles, dans l'énergie; accorder aux
sociétés d'État les moyens de jouer un rôle plus
important dans notre économie -c'est là encore dans le programme
1982 du Parti québécois - exclure toute participation
étrangère dans des secteurs considérés comme
vitaux; permettre une participation étrangère minoritaire
variable, selon les secteurs, dans les services publics, le secteur financier,
etc. Permettre une participation étrangère majoritaire dans les
secteurs qui n'ont aucun effet réel sur l'orientation de
l'économie.
On continue ainsi, dans ce même
programme: autoriser la Société de réorganisation
industrielle ou tout organisme créé à cet effet à
prendre à son compte toute entreprise rentable qui ferme ses portes ou
déménage hors du Québec, réglementer les
entrées et les sorties d'épargne et de profit, faire de SOQUIP un
important agent de raffinage et de distribution avec des stations-service,
etc., permettre à SOQUEM d'exproprier les gisements découverts
par le secteur privé et non exploités. Dans l'amiante,
créer un office de mise en marché, etc. Créer une
société des communications par le regroupement sous
contrôle majoritairement public des divers réseaux de
télécommunications, aux fins d'acheminer à travers tout le
territoire et vers l'étranger le téléphone, le
télégraphe, l'image et les données électroniques,
etc., toujours dans le même programme 1982 du Parti
québécois.
On parle évidemment du capital-actions qui ne peut pas être
détenu par des non-résidents. On parle d'abolir les compagnies
privées de petits prêts; de s'assurer écoutez cela, M. le
Président - au besoin par des mesures législatives, que les
épargnes des Québécois et des Québécoises,
canalisées dans les institutions financières, soient
majoritairement réinvesties au Québec. On veut canaliser
l'épargne des Québécois et des Québécoises
et faire en sorte qu'elle soit canalisée là où ce
gouvernement va vouloir que ce soit canalisé; obliger les compagnies
d'assurance-vie, etc.
Voilà en vrac ce qu'on peut lire aujourd'hui dans
l'édition de 1982 du programme officiel du Parti
québécois. Toutes ces mesures conçues à une autre
époque reflètent une sorte de méfiance maladive à
l'endroit des milieux d'affaires et une confiance aveugle à l'endroit du
secteur public, des sociétés d'État, des instruments
fiscaux, législatifs et réglementaires du gouvernement. Elles
indiquent également jusqu'à quel point l'équipe
gouvernementale actuelle aurait besoin d'un grand recyclage intellectuel pour
acquérir cette véritable obsession de la croissance
économique et de la création d'emplois qui nous font aujourd'hui
cruellement défaut, car autant il était normal, dans les
années soixante et au début des années soixante-dix, de
multiplier les instruments d'intervention d'un État atrophié par
vingt ans de conservatisme, autant il faut repousser, dans les années
quatre-vingt, la tentation de recourir à une dose supplémentaire
d'activisme gouvernemental et d'État providence, car la croissance
économique ne peut venir que de l'expansion du secteur privé.
C'est clair comme de l'eau de roche que le secteur public présentement
est saturé, que les finances de l'État sont à sec. Quand
cette croissance ne peut venir que du secteur privé, c'est avec
infiniment de prudence et de circonspection que l'État doit planifier
ses interventions dans des domaines aussi sensibles que ceux des relations du
travail, des sociétés d'État, de la fiscalité, de
la réglementation touchant les milieux d'affaires, du climat social en
général.
Un nombre grandissant de Québécois et de
Québécoises constatent aujourd'hui que le gouvernement actuel est
à court d'idées et à bout de souffle. L'histoire politique
récente du Québec nous enseigne qu'il s'agit là en un sens
du processus familier de l'usure du pouvoir. Toutefois, dans les circonstances
présentes, le problème est beaucoup plus profond. Depuis le rejet
de son option séparatiste lors du référendum, ce
gouvernement est dans l'impasse au plan constitutionnel. Nous en avons subi les
conséquences dans le débat de 1981 sur le rapatriement de la
constitution. Il est aussi dans l'impasse au plan de son idéologie et de
son programme politique. Ou bien il se conforme à l'esprit, sinon
à la lettre de son programme politique, accentuant ainsi le
déséquilibre entre le secteur public et le secteur privé
et compromettant davantage le climat d'investissements au Québec, ou
bien il renie l'essentiel de son programme, confirmant dans une sorte
d'imposture politique le divorce entre sa base électorale et son
attitude réelle comme gouvernement. Si sa véritable
priorité était celle de l'économie et de la
création d'emplois, le premier geste qu'il devrait poser serait de
biffer l'article no 1 de son programme, c'est-à-dire l'accession du
Québec à l'indépendance. Il devrait ensuite se livrer
à un véritable recyclage d'attitude et de mentalité. Il
devrait enfin entreprendre une révision systématique de toutes
ces lois, ces règlements, ces taxes, ces impôts, ces politiques
qui sont contraires aux impératifs de la croissance économique
par l'entreprise privée. (17 h 10)
Nous aurions besoin, au Québec, d'une sorte de conscience
collective active et permanente, une sorte d'ombudsman de l'économie qui
nous rappellerait avec insistance les conséquences des initiatives
gouvernementales sur la croissance économique et la création
d'emplois. Puisque le gouvernement actuel semble incapable de se plier à
cette discipline, il faudrait trouver le moyen institutionnel de lui rappeler
quelles sont nos priorités collectives. Cela pourrait prendre la forme
d'un organisme indépendant, d'une personne mandatée par
l'Assemblée nationale, d'une commission parlementaire spéciale ou
même d'une procédure nouvelle de ventilation, dans le public, des
conséquences de l'action gouvernementale en termes de croissance et de
création d'emplois.
C'est une véritable obsession collective de la croissance que
nous devons créer chez
nous dans les plus brefs délais. Autrement, les objectifs fort
louables que le gouvernement peut vouloir poursuivre dans le virage
technologique demeureront ce qu'ils sont présentement: des voeux pieux,
un projet académique.
M. le Président, nous venons de voir à quelle sorte de
changement d'attitude, de mentalité, à quelle forme de recyclage
intellectuel nous devrions soumettre nos gouvernements actuels afin de
redresser nos priorités en fonction des impératifs de la
croissance et de la création d'emplois. Passons maintenant au
deuxième élément de ce redressement collectif, la
réforme de notre secteur public.
Le signe le plus visible qu'il y a là un problème
d'envergure, c'est le déséquilibre dans les finances publiques.
Plus spécifiquement, les taxes et les impôts, les tarifs et les
prélèvements divers du gouvernement québécois
compromettent la compétitivité de notre économie par
rapport à celle de nos principaux partenaires commerciaux, en
dépit de la persistance sur plusieurs années d'un déficit
budgétaire de plus de 3 000 000 000 $.
Dans une étude récente, le Conseil du patronat
établissait qu'à partir d'un indice d'effort fiscal égal
à 100 pour l'ensemble des provinces canadiennes, le Québec avait
un indice de 122, alors que celui de l'Ontario se situait à 101 et celui
de l'Alberta à 63. Les taxes sur la masse salariale, c'est-à-dire
les "taxes à l'emploi" dont nous avons parlé il y a quelques
minutes, étaient en moyenne de 11,6% au Québec et de 6,9%
seulement dans la province voisine. En ce qui concerne l'impôt sur le
revenu des particuliers, pratiquement tous les contribuables dont le revenu est
supérieur à 22 000 $ par année sont surtaxés dans
des proportions allant jusqu'à 20% par rapport aux contribuables dans le
reste du Canada. Le Conseil du patronat concluait: "La fiscalité demeure
l'un des problèmes majeurs qui nuisent au développement
économique du Québec et il est nécessaire
d'améliorer la situation comparée de l'entreprise
québécoise."
Or, justement, il est impossible, à court terme, de
réduire notre effort fiscal sans compromettre davantage une situation
fiscale déjà précaire. Ramener nos taxes et nos
impôts au niveau des autres provinces ferait littéralement
exploser notre déficit budgétaire. Il passerait de 3 300 000 000
$ à 6 000 000 000 $, ce qui dépasse largement nos
capacités d'emprunt. Les taxes et le déficit ne sont que les
symptômes d'un déséquilibre plus profond.
C'est un de nos anciens collègues, M. André Raynauld, qui,
dans une étude récente sur la situation financière du
gouvernement du Québec, établissait qu'en termes de
dépenses budgétaires, de rémunération et de volume
d'emplois, le secteur public québécois est pratiquement de la
même taille que le secteur public ontarien. Or, notre population est de
30% inférieure et notre économie est 40% plus petite. Une telle
équation est insoutenable. L'équilibre s'est rompu quelque part
entre le secteur privé et le secteur public. Il est évident que
ce dernier s'est hypertrophié par rapport à la taille de notre
économie, nous laissant un choix douloureux entre la voie de
l'endettement et celle de l'effort fiscal excessif.
Ce déséquilibre représente beaucoup plus qu'une
question de dollars et de part relative du produit intérieur brut. Il
touche nos choix collectifs entre une société
hyper-centralisée, bureaucratisée, gouvernée à
distance dans les ministères concentrés à Québec et
une société où les institutions électives locales
demeurent actives, où les citoyens ont le goût et les moyens de se
prendre en main. Un peu partout dans nos réseaux de services publics,
les hôpitaux, les centres d'accueil, les CRSSS, mais
singulièrement dans le domaine de l'éducation, le biais
centralisateur qui existe dans le secteur public québécois
achève de déshumaniser les services à la population et de
vider de toute substance les instances administratives et décisionnelles
locales. C'est dans l'éducation, à l'occasion de la commission
parlementaire du 2 au 7 mars 1983, que nous en avons eu l'illustration la plus
récente. Ici, le biais centralisateur vient à la fois d'en haut,
via les directives pédagogiques, les règles administratives et
l'encadrement budgétaire du ministère et, d'en bas, via les
conventions collectives négociées pour l'ensemble de la
province.
Dans la mesure où tous les établissements d'enseignement
primaire, secondaire et collégial du Québec doivent être
codés, fichés, standardisés, normalisés,
administrés et contrôlés par le ministère de
l'Éducation, les 300 pages de convention collective écrites
"serrées" ainsi que les pages en nombre encore plus considérable
de directives diverses ne suffisent plus. La réalité est trop
complexe, trop diversifiée pour passer sous un tel rouleau
compresseur.
Or, c'est par une sorte de "fuite en avant" que le gouvernement a voulu
régler le problème. Il a superposé 300 pages de
décrets par-dessus les 300 pages de convention collective pour chaque
unité de négociation. De plus, le ministre de l'Éducation
a conçu le projet d'enlever aux commissions scolaires des parcelles
additionnelles de leurs pouvoirs déjà très
diminués. C'est ainsi que prend forme sous nos yeux une sorte de jungle
administrative de plus en plus inextricable dans laquelle le partage des
responsabilités est suffisamment confus pour empêcher le
fonctionnement normal des . institutions démocratiques. Ici,
également, on a perdu le sens du juste équilibre entre les
pouvoirs à exercer
localement et ceux qui doivent relever directement du gouvernement.
C'est l'équilibre entre la centralisation et la décentralisation
qu'il importe de rétablir.
Passons enfin à l'administration publique définie au sens
le plus étroit du terme. Si le Québec est aujourd'hui dans une
impasse financière, c'est dû pour une bonne part au fait que le
gouvernement n'est pas en mesure de fournir à sa population des services
à peu près comparables à des coûts comparables
à ceux des autres provinces. Comme les porte-parole gouvernementaux
l'ont noté avec insistance au cours des derniers mois, le
problème de la productivité et des coûts dans le secteur
public relève en partie des conventions collectives et des
décrets qui leur sont désormais substitués. Mais il touche
également les pratiques administratives des ministères, des
réseaux et des institutions, le système d'évaluation et de
promotion des cadres et des administrateurs, l'évaluation des
programmes, le mandat du Vérificateur général, la
réforme parlementaire, l'imputabilité des hauts fonctionnaires,
etc.
Au Québec, les mécanismes de contrôle
budgétaire, la planification à moyen terme du cadre financier,
l'évaluation des programmes, les techniques de gestion des fonds publics
n'ont jamais dépassé le niveau de sophistication qui
caractérisait les ensembles administratifs comparables à la fin
des années soixante. On ne s'est jamais préoccupé de
"budgétisation à base zéro", d'évaluation de
l'efficience et de l'efficacité des programmes, de "sunset legislation",
d'enveloppes budgétaires à moyen terme, etc. C'est comme si le
Québec avait décroché, il y a plusieurs années, de
tout un train de réformes administratives qui ont pourtant
été poursuivies avec vigueur ailleurs au Canada, aux
États-Unis et un peu partout dans le monde. Faut-il croire que les
députés et ministres péquistes sont insensibles aux
carences administratives d'un secteur public dont ils sont eux-mêmes
issus pour la plupart? Ou, encore, a-t-on sacrifié les
préoccupations administratives à la quête obstinée
de l'indépendance? Quelle que soit la réponse à ces
questions, il est clair que le Québec a accumulé beaucoup de
retard au plan strictement administratif et que la population en fait
aujourd'hui les frais.
Toutes ces considérations relatives au secteur public
québécois nous conduisent à une même conclusion: un
examen approfondi de tout l'appareil de l'État doit être entrepris
dans les plus brefs délais. Cet examen devra servir de base à une
réforme étendue du secteur public et de l'administration
gouvernementale. Autrement, il sera impossible de redresser les finances
publiques et d'abaisser de façon durable le niveau des impôts.
Nous ne serons jamais en mesure de rétablir l'équilibre entre les
secteurs public et privé, de retrouver un juste milieu entre la
centralisation et la décentralisation, d'humaniser nos services publics
et rendre efficace l'encadrement administratif gouvernemental. (17 h 20)
Comme un tel effort de réflexion et de recherche peut
difficilement être l'apanage du gouvernement ou de ses instances
bureaucratiques, particulièrement le gouvernement que nous avons en face
de nous, comme l'ensemble des faits pertinents à ce débat ne sont
pas encore connus, comme il nous reste beaucoup à apprendre sur les
instruments propices à rétablir et à maintenir la plus
grande rigueur administrative, seule une commission d'enquête de grande
envergure est susceptible de nous conduire à une telle réforme du
secteur public.
Nous avons connu, au Québec, deux commissions d'enquête de
grande envergure qui ont eu leur impact décisif sur l'évolution
du secteur public: les commissions Parent, en éducation, et
Castonguay-Nepveu, en politique sociale. Il me semble évident que le
temps est venu d'entreprendre un effort de réflexion et de
réforme d'une importance comparable sur l'économie
générale du secteur public au Québec.
M. le Président, maintenant vous me permettrez de passer
simplement à un autre sujet extrêmement important et qui nous
frappe particulièrement à ce moment-ci, c'est l'importance de la
crédibilité du gouvernement actuel. Nous savons que ce
gouvernement a été une faillite dans le domaine constitutionnel,
encore une fois, dans le domaine économique, dans le domaine financier
et budgétaire, dans le domaine social, dans le domaine des relations du
travail, partout. Si on pouvait s'attendre que ce gouvernement puisse au moins
nous donner l'heure juste, puisse au moins nous dire la vérité.
Si on pouvait se fier à ce gouvernement. Par exemple, dans un discours
inaugural, on peut dire: II n'y a pas grand-chose dedans, mais on peut se fier
à ce qui est écrit là. Si on pouvait avoir confiance dans
la parole d'un premier ministre ou d'un ministre qui se lève et donne
une réponse, si on avait cette confiance, au moins on dirait: La
réponse n'est pas satisfaisante dans son contenu, mais on sait qu'elle
correspond à la réalité.
Je veux profiter de ce discours inaugural pour rappeler au gouvernement
l'importance de maintenir une crédibilité que de plus en plus il
perd chaque jour. Je n'ai pas l'intention de revenir sur les
événements récents. Nous aurons d'autres occasions d'y
toucher. Permettez-moi simplement de rappeler certains exemples, cela seulement
à titre d'exemple parce que nous pourrions passer le reste de la
journée ici à en parler. On sait que ce gouvernement est
spécialisé,
comme je l'ai dit, dans le vocabulaire; il est également
spécialisé dans la propagande. Pas dans la publicité, dans
la propagande. Il utilise tous les moyens à sa disposition,
particulièrement les fonds publics, pour faire cette propagande.
Mais si au moins cette propagande, cette publicité, cette
information était réelle, était vraie, on dirait: Ce
qu'ils disent est la vérité. De plus en plus, ce gouvernement
utilise les fonds publics, utilise sa propagande pour tromper la population et
il est grave de constater tout ce qui s'est dit. Je vais simplement vous donner
des faits qui sont clairs comme de l'eau de roche. Je me demande si on est
revenu aux anciens politiciens d'autrefois, lorsqu'on parlait des promesses qui
étaient faites par ces gouvernements, par ces députés.
Personne n'y croyait parce que c'était, apparemment, dans le temps, des
choses normales. Depuis ce temps, on a évolué. Là
aujourd'hui, des hommes politiques, on s'attend que, lorsqu'ils parlent, ils
disent la vérité, qu'ils ont, autrement dit, suffisamment de
faits, lorsqu'ils arrivent à une conférence de presse pour
annoncer tel ou tel projet, pour qu'on puisse y croire, que la population
puisse y croire.
Ce gouvernement a répété je ne sais combien de fois
des conférences de presse en régions, partout, de sorte que les
gens des autres régions qui ne sont pas à cet endroit s'imaginent
que tout ce qui a été annoncé là-bas, c'est vrai,
cela s'est fait. Finalement, on essaie de créer une sorte de psychose de
réussites et de réalisations. Mais lorsque l'on va dans la
région même, lorsque l'on va aux endroits en question, les gens
nous disent: Bien non, cela ne s'est jamais fait. Il faudrait mettre fin
à ce genre de parades, de voyages, de sorties, de conférences de
presse qui se terminent par ce genre de non-réalisation et qui font que
les hommes politiques seront peut-être jugés plus tard comme ceux
d'autrefois sont jugés aujourd'hui. Il est bien important - je reviens
là-dessus, M. le Président - de maintenir la
crédibilité nécessaire à l'action parlementaire et
politique. On va aller dans ma région. Cela ne vous fait rien qu'on
commence un peu par chez nous? Avant les élections, le 1er avril 1981,
que lisait-on dans les journaux? Je prends simplement un journal, mais tous les
journaux, la radio, la télévision et les conférences de
presse, dans chaque cas, cela a marché. On parle de la papeterie de
Matane: "Le ministre Bérubé a déclaré que toutes
les pièces maîtresses étaient en place et que plus rien ne
faisait obstacle à la réalisation de la papeterie et à la
reprise des activités de l'usine de Marsoui qui sont intimement
liées". C'était le 1er avril 1981.
Une voix: La faute du fédéral.
M. Levesque (Bonaventure): Aujourd'hui, en 1983, il n'y a pas de
papeterie à Matane. Il y en a si peu que présentement les gens
sont dans la rue. Et le ministre député, qu'a-t-il à dire?
Il dit que c'est la faute du fédéral. Les gens lui demandent:
Mais as-tu un entrepreneur? As-tu le promoteur, parce que cela fait longtemps
que c'est promis, que c'est décidé, et tous les
éléments - pour répéter encore une fois - toutes
les pièces maîtresses étaient en place. C'était
l'annonce qu'on avait faite. En 1983, on ne sait pas qui est le promoteur. Le
ministre lui-même ne peut plus dire qui est intéressé
à investir dans une usine à Matane. Personne! II n'y a pas de
promoteur. Il dit: Ce sera peut-être l'un, ce sera peut-être
l'autre, peut-être que d'autres seraient intéressés. Si le
fédéral annonce qu'il va donner une subvention, on aura
peut-être des gens qui vont s'y intéresser davantage. Mais est-ce
ce qu'on a dit en 1981 à la veille des élections, après
avoir fait la chicane dans la vallée de la Matapédia, comme on
l'a fait après avoir... Parlez-en au député de
Matapédia, il a fait une maladie de cette sorte de chose qui s'est
passée. Il n'y a pas seulement cela; on annonçait en même
temps l'établissement d'une usine à Causapscal, une grande usine,
la plus grande scierie, je crois, qu'on n'aurait jamais vue. Allez-y, à
Causapscal. Cherchez-la, l'usine. Il n'y en a pas. Il y en avait avant les
élections. Il n'y en a pas après les élections.
Dans mon propre comté, le 28 février 1981, avant les
élections, un communiqué venant du cabinet du ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation annonçait ce qui
suit: "Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
du Québec, M. Jean Garon, a annoncé aujourd'hui à
Bonaventure la réouverture prochaine du chantier maritime de
Paspébiac. M. Garon a précisé que le ministère
avait conclu récemment un bail de location, etc." Il n'y a rien qui
s'est fait, absolument rien! Allez-y, au chantier maritime. Il est
fermé. Il n'a jamais ouvert une heure. Pourquoi prendre le jet ou je ne
sais quoi du gouvernement, descendre en Gaspésie, venir là et
commencer à annoncer, à amener des fonctionnaires et à
faire des communiqués? Rien, absolument rienl
Une voix: C'est bien Garon!
M. Levesque (Bonaventure): Prenons, par exemple, le cas de
Gaspé. En 1978, le premier ministre et je ne sais pas combien de
ministres - il y en avait tout un chapelet, si on peut employer le mot pour ces
gens, il y en avait beaucoup - s'étaient rendus...
Des voix: Ils ne sont pas des enfants de choeur.
M. Levesque (Bonaventure): ...à Gaspé et là,
ils ont été reçus par toutes les autorités et la
population, parce qu'ils annonçaient quoi? Ils étaient venus, le
premier ministre et toute cette série de ministres - pendant plusieurs
jours, colloques, sommets, mettez-en - pour annoncer que Gaspé devenait
la capitale des pêches au Québec. Un plan quinquennal de 200 000
000 $ avait été annoncé. On n'a rien vu. Ce qu'on a vu,
par exemple, c'est qu'aujourd'hui la Gaspésie conserve un goût
amer de 1982. Le ministre des Pêcheries n'est plus montrable dans la
région. Quand on regarde une étude du CRD, on y lit ceci: "Dans
la région, cinq ans plus tard - en 1983 par rapport à 1978, les
grandes annonces -l'échec du grand projet issu du sommet de 1978 semble
être consommé. La chute est d'autant plus douloureuse que l'on
était monté plus haut en termes d'espoir. Le gouvernement et plus
souvent le premier ministre en sont tenus responsables. Ce dernier, en
particulier, n'aurait pas fait preuve de suffisamment d'autorité pour
imposer la mise en oeuvre du programme qu'il avait lui-même
proposé, programme perçu dans le milieu comme le fruit de la
concertation et du consensus populaire. (17 h 30) "Par voie de
conséquence, dit l'étude en question, la capacité du
gouvernement à gouverner est remise en cause. La concertation est
bafouée. Le consensus populaire a perdu son sens et le pays
paraît, en fait, être dirigé par les commis de l'État
dont les orientations technocratiques se révèlent incapables de
tenir compte des facteurs humains." Cela, ce ne sont pas des libéraux,
ce n'est pas la commission politique du Parti libéral, c'est une
étude du Conseil régional de développement et les gens qui
y ont travaillé l'ont fait avec grande objectivité et sont
arrivés à ces conclusions.
Prenons la région de la Mauricie et de Bécancour;
qu'annonce-t-on au Coeur du Québec? Ceci, c'est en 1981. "Le dossier
d'implantation d'une aluminerie du groupe français Pechiney dans le parc
industriel de Bécancour, un investissement potentiel
évalué à 750 000 000 $, pourrait bien connaître son
dénouement dès le début de 1982." Cela a été
annoncé par M. Bernard Landry, ministre d'État au
Développement économique lors de son passage à
Victoriaville. Que voit-on en 1983? On entend le ministre Jacques Parizeau: Le
projet d'aluminerie de Pechiney se réalisera tôt ou tard.
Tôt ou tard!
M. le Président, prenons une autre région, celle de
l'Outaouais. Usine de 120 000 000 $ près de Maniwaki, 500 emplois pour
la région. "Un complexe intégré de transformation et
d'utilisation de la forêt sera construit à Maniwaki, en 1981, au
coût de 120 000 000 $, a annoncé hier le député de
Hull et ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement, Mme Jocelyne
Ouellette." Je vois qu'on est en 1983, je tourne la page et je lis: "Le dossier
du centre intégré de transformation et d'utilisation
forestière qui devait créer 500 emplois n'a pas bougé au
cours de l'année 1982 et on ne doit pas s'attendre à d'autres
développements dans ce dossier au cours des prochains mois."
M. le Président, pourquoi déranger tout le monde et
annoncer des choses comme celles-là quand on n'a pas les faits, quand on
n'a pas les assurances? Attendez donc que les choses soient sûres avant
d'annoncer cela. Ne profitez pas des veilles d'élections pour annoncer
toutes sortes de choses. Vous ne pouvez pas, après, livrer la
marchandise. Cela attaque directement la crédibilité du
gouvernement. Les gens ne vous croient plus. Vous aurez beau vous promener,
aller dans les hôtels de ville, parce que cela attirera peut-être
l'attention un peu plus, aller à différents endroits, à la
tribune de la presse, faire des visites en région avec des promesses
comme celles-là, tâchez de vous dire une chose: Les gens ne vous
croient pas, ne vous croiront que si cela se produit.
M. le Président, prenons par exemple un autre domaine:
l'assainissement des eaux. Est-ce qu'on a entendu parler de l'assainissement
des eaux? Ah! M. le Président... Non, attendez! Le 26 octobre 1979, le
ministre responsable alors de l'assainissement des eaux, devant plus de 300
personnes, maires, députés, industriels, comités de
citoyens - c'était un communiqué de presse no 2 venant du cabinet
du ministre délégué à l'Environnement -
annonçait un programme de 2 000 000 000 $ à l'intérieur
d'un programme de 6 000 000 000 $. Le milliard n'était pas important.
Allez-y! Ce n'est pas important. Pourquoi avoir fait cela en 1979, alors qu'on
voit aujourd'hui que cela n'a pas marché? Il ne s'est presque pas
dépensé plus d'argent. Cela a été 125 000 000 $ ou
150 000 000 $. À ce rythme-là, savez-vous combien cela prendra
d'années pour faire le programme? Le proposeur et tous nous autres,
témoins, serons morts au rythme où cela va.
Que voit-on, maintenant, le 1er février 1983, dans la presse,
soit quatre ans après: Les milliards se font attendre. Je n'ai pas
inventé cela. Où sont les milliards d'investissements promis par
le gouvernement péquiste pour l'assainissement des eaux? En voulez-vous
des exemples? Il y en a partout. Prenons la région du Bas-Saint-Laurent,
la région des Alléganys plus précisément.
C'était à la veille des élections. Je me rappelle que
c'était notre collègue qui se présentait, M. Julien
Giasson, un bon homme, un bon libéral à part cela. Qu'est-ce
qu'il avait dans la face pendant qu'il se présentait? Il avait:
"Saint-Juste décroche
l'usine de méthanol." C'était la veille des
élections. Saint-Juste a décroché l'usine de
méthanol. Je lis: "L'usine de méthanol, dont le projet a
déjà été énoncé dans ses grandes
lignes ces dernières semaines par certains ministres du gouvernement
québécois, sera située à
Saint-Juste-de-Bretenières." Voilà, c'est réglé.
Merci, tout le monde est content. Voilà! Maintenant, en 1983, la
population reste sur son appétit.
En voulez-vous d'autres, M. le Président? J'en ai des
séries comme cela. Celle-ci est bonne. J'y passe tout de suite: "Bernard
Landry veut réduire le taux de chômage à 3%."
Des voix: Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Je la passe tout de suite
celle-là.
Une voix: Cré Bernard! Ils l'ont envoyé en
Afrique.
M. Levesque (Bonaventure): Si on allait un instant dans le
comté de Portneuf, de notre ami, M. Michel Pagé, l'excellent
député et whip. Qu'est-ce que l'on disait le mardi 7 avril 1981?
C'est curieux que ce soient des dates qui nous touchent pas mal. On sait que la
dernière élection a eu lieu le 13 avril 1981. Or, qu'est-ce qui
se passait le 7 avril, soit six jours avant l'élection?
"Bérubé va de l'avant avec le projet Delaney". Qu'est-ce que l'on
dit? "Le prochain gouvernement du Parti québécois ira de l'avant
avec le projet Delaney cette année." Voilà ce que vous disiez,
messieurs. Voilà ce qui se disait durant la campagne électorale
au mois d'avril 1981. Tournons la page. En 1983, le 28 février: "Duhaime
confirme le retard." Si on pouvait avoir les journaux deux ou trois ans
d'avance avec ce gouvernement!
Allons quelques instants dans la région de l'Amiante. Je me
rappelle que j'étais allé moi-même dans cette région
au cours de la campagne électorale de 1981. Des organisateurs du Parti
libéral m'ont rencontré et m'ont dit: Si vous avez d'autre chose
de plus pressé à faire, allez donc le faire ailleurs parce qu'ici
cela ne sert à rien. Les gens sont convaincus de ce que leur a dit le
gouvernement. J'ai demandé ce que le gouvernement leur avait dit. Il
leur a dit: On exproprie la mine Asbestos Corporation et tous les gens ont la
sécurité d'emploi. Il n'y a rien de plus beau. On voit d'ailleurs
le député du temps, c'était... Encore une date assez
curieuse, le 26 mars 1981, soit à peu près deux semaines avant
l'élection: "La popualtion du comté de Frontenac - disait-il - ne
devra pas hésiter à voter pour le Parti québécois,
car c'est la seule formation qui propose un deuxième souffle à la
région de Thetford Mines." Je ne sais pas si c'est cela qu'il disait
quand il était assis sur sa petite chaise dans le milieu de la rue
récemment, avec son pupitre.
Tout ce qu'on voit par la suite, en janvier 1983: "Les graves
problèmes devraient persister. Le cauchemar que vivent depuis deux ans
les sociétés engagées dans l'exploitation des gisements
d'amiante des Cantons de l'Est ne prendra probablement pas fin avant de longs
mois. Il se pourrait que l'année qui vient de débuter soit
marquée par des mises à pied aussi fréquentes et aussi
prolongées que l'année qui vient de prendre fin." Ici, sur
l'amiante: "Fortier somme le PQ de livrer la marchandise promise en
matière d'emplois". On a été obligé d'aller dans la
région, on a été obligé d'encourager un peu les
gens, leur dire que le gouvernement actuel connaîtra bientôt sa
fin, que le député terminera ou ne terminera pas son mandat, on
ne le sait pas encore, mais chose certaine, quand on voit cela, qu'est-ce qu'on
a? Comment voulez-vous que les gens vous croient? (17 h 40)
Je vois que le temps passe. J'ai encore quelques exemples ici: la taxe
ascenseur, c'est la taxe - au cas où quelqu'un oublierait, mais les gens
n'oublient pas facilement - que le gouvernement actuel, que le ministre des
Finances a imposée à la fin de 1981. On se rappelle que
l'élection a eu lieu le 13 avril 1981. Il y a eu avant cela -le
gouvernement s'est vanté - un budget. Il a fait un budget. Il a dit: On
n'a pas peur de venir devant le peuple, nous autres, on fait un budget avant de
venir devant le peuple. C'est la première fois dans l'histoire du
Québec que, durant la même année, on doit avoir un
deuxième budget, non pas seulement un budget supplémentaire, mais
après l'élection, on revient. On en a un bon avant, et
après cela, on dit que celui qui était bon a été
fait en catastrophe. Il y a même eu un comité des onze pour
s'occuper de cela, pour dénoncer le gouvernement. Cela faisait donc
drôle! Cela faisait démocratique. Cela fait sérieux. Il y a
peut-être eu des petites récompenses là-dedans.
Ensuite, qu'est-il arrivé? Deuxième budget. On arrive avec
la fameuse taxe ascenseur après les élections. Cela fait
qu'aujourd'hui, on regarde ce qui se passe dans le pays. Combien payons-nous au
point de vue des taxes? On dit que cela se ressemble. Voyons si cela se
ressemble! Prenons la Colombie britannique, elle paie 0,06 $ de taxe le litre
d'essence, je vais laisser faire les dixièmes; le Manitoba, 0,06 $;
l'Ontario, 0,07 $; le Nouveau-Brunswick, 0,06 $;
l'Île-du-Prince-Édouard, 0,09 $; la Nouvelle-Écosse, 0,08
$; Terre-Neuve, 0,09 $; le Yukon, 0,04 $; les Territoires du Nord-Ouest, 0,06
$; le Québec, de 0,15 $ à 0,16 $.
Pour revenir à mes choses, parce
qu'une fois qu'on a rétabli cela, on va voir ce qu'ils ont dit
quand ils ont fait cela, on a ici une déclaration du président du
Conseil du trésor: "Le gouvernement pourrait abolir la récente
taxe sur l'essence plus vite que vous ne le pensez, M. le Président", a
laissé échapper jeudi soir le président du Conseil du
trésor, M. Yves Bérubé. Le 9 mars 1983, qu'est-ce qu'on
lit? La taxe ascenseur sur l'essence sera ajustée à la hausse
pour tenir compte des augmentations de prix, même si le niveau de cette
taxe doit être révisée d'ici le 31 mars. C'est ce qu'a
déclaré hier en Chambre le ministre des Finances, M. Jacques
Parizeau. Comment voulez-vous croire ces gens? Cela n'a aucun sens. Non
seulement ils nous surtaxent, mais ils nous mentent les uns après les
autres. Pour employer un mot parlementaire, je dirai qu'ils ne nous disent pas
la vérité.
On pourrait continuer dans le domaine de la culture. On voit un
musée d'art et de civilisation qui a été annoncé en
1980. Il y avait tout un concours architectural. Non, je ne peux pas parler de
cela, M. le Président. C'est arrivé pendant que vous étiez
député et je n'ai pas envie de vous impliquer là-dedans.
Je vais passer par-dessus.
Une voix: Ils ont été sauvés. Une
voix:Ils sont chanceux.
M. Levesque (Bonaventure): On pourrait parler des sommets
économiques. On pourrait parler du projet Archipel. Enfin, il y en a
toute une autre série ici. Mais je vois que le temps passe et je
voudrais simplement terminer en disant au gouvernement, à ce sujet, que
sa crédibilité est fortement entachée. Avant de perdre
tout ce qui reste de crédibilité, qu'on fasse donc attention
avant de parler au public. Si on n'a pas le respect des députés,
qu'on ait au moins le respect du public, de la population, des régions
et qu'on n'aille pas faire croire des choses qui ne se réalisent pas,
qui font en sorte que ce qui a été dit ne constitue qu'une sorte
d'espoir qu'on laisse là, mais qui, en fait, est une tromperie.
M. le Président, pour terminer, après avoir fait un examen
de ce qu'a été le discours inaugural du premier ministre, ce
message complètement vide qui ne répond pas aux aspirations de la
population, après avoir fait un examen de la situation
économique, après avoir examiné les indicateurs
économiques, après avoir fait une étude comparative du
Québec, de l'Ontario et des autres provinces, après avoir
proposé certaines mesures au moins positives qui sont permises à
l'Opposition - nous n'avons pas le droit, évidemment, de gouverner; nous
ne pouvons pas faire ce que nous aimerions faire - avec les modestes moyens que
nous avons, nous croyons important d'attirer l'attention du gouvernement pour
que les mesures qu'il préconise et qu'il peut faire passer soient
réellement imbues de cette obsession de la croissance économique.
Autrement dit, qu'on ne pose pas de gestes qui sont de nature à nuire
à la création d'emplois et à la croissance
économique. Nous avons même proposé d'avoir une sorte
d'ombudsman de la croissance économique pour justement rappeler à
ce gouvernement qui en a tellement besoin qu'en posant tel geste, il fait
perdre tant d'emplois, qu'en taxant l'essence, comme il l'a fait, il fait
perdre des emplois, il cause des dépenses additionnelles à
l'industrie, il défavorise les régions
périphériques. On voudrait que ce gouvernement soit conscient des
conséquences des gestes qu'il pose et des gestes qu'il ne pose pas, du
fait que sa fiscalité n'est plus tolérable présentement
pour la croissance économique.
Également, nous avons parlé de l'importance de revoir
toute la question de l'administration publique, du secteur public, de revoir
l'ensemble des conditions qui l'entourent dans le but d'en arriver à
pouvoir justement toucher cette fiscalité, parce qu'il faut que
l'État revienne à la mesure des besoins de la population et qu'on
ait réellement un secteur public qui puisse être appuyé par
le secteur privé et par l'ensemble des citoyens.
Mais, aussi, il faudrait que nous puissions arriver à un
consensus social. C'est également une préoccupation et j'aurais
aimé en parler plus aujourd'hui, parce qu'il est important d'essayer de
créer ce consensus social. On ne le créera pas en
éliminant les gens qui ne pensent pas comme nous, en les mettant
toujours de côté, parce que, à un moment donné, on
va être isolés, comme le gouvernement que nous avons devant nous.
Il a isolé, il a mis de côté, il s'est
éloigné de je ne sais combien de milieux productifs du
Québec. Il n'a pas voulu écouter. Il s'est retranché
à un point qu'il est présentement isolé du secteur public
et du secteur privé. Jamais ce gouvernement ne pourra créer le
consensus social dont nous avons tellement besoin.
Ce qui importe aujourd'hui, c'est de tourner la page sur cette
époque déprimante de la vie de notre peuple, avec le PQ au
pouvoir, et de rétablir un consensus qui a été miné
par la désaffection, quand ce n'est l'abandon, de la confiance dans ces
institutions, à commencer par cette Assemblée nationale dont les
privilèges ont été battus en brèche ces
dernières années. Ce consensus doit d'abord et avant tout se
rétablir par la base, idéalement en ravivant cette flamme qui,
jadis, habitait l'âme de chacun des Québécois et des
Québécoises. Le rétablissement de ce consensus passe
d'abord et avant tout par la prospérité économique, la
croissance économique, par l'instauration
d'un climat propice au travail.
Qu'on abandonne cet éternel paravent constitutionnel
d'indépendance pour masquer l'inaction et la morosité. Ouvrons
grandes nos portes et cessons de conduire presque manu militari hors de nos
frontières les Québécois et les Québécoises
qui ne pensent pas comme nous ou qui sont d'origine ethnique ou de langue
différente. Retrouvons notre comportement industrieux qui, encore il y a
quelques années à peine, faisait du Québec une des plus
fières et prospères provinces du Canada. Ouvrons grandes nos
portes à l'industrie autochtone canadienne et même
étrangère, car c'est là que se trouve la qualité de
vie et non dans des édits gouvernementaux. Suscitons
l'intérêt de nos jeunes diplômés dans de nouvelles
technologies au lieu de fixer des paramètres inextricables dans des
publications gouvernementales aux titres pompeux, mais vides de substance.
Soyons d'abord et avant tout à l'écoute de notre population et de
son sens de la mesure. (17 h 50)
Au-delà de 25 années de vie parlementaire m'ont
enseigné une grande humilité, vis-à-vis du pouvoir, d'un
consensus de société authentique et vécu. Il est
évident que le gouvernement actuel a perdu toute mesure avec cette
sagesse qui émane de la population. Son seul contact avec cette
population réside dans sa théorie des sondages pour mieux essayer
de la manipuler.
À cette population inquiète et
désillusionnée, qui contemple ce gâchis où le
gouvernement actuel l'a entraînée, je dis: Ne perdez pas espoir
car l'alternative libérale s'articule autour de ce consensus humaniste
et progressiste. Bientôt, nous avons la conviction que la
réalité fera en sorte que nous pourrons amorcer le virage
humaniste du Québec en replaçant le gouvernement et ses
institutions au service véritable de chacun des membres de notre
collectivité.
Depuis bientôt sept ans, nous avons vécu au service de
l'idéologie et des desseins de ce gouvernement doctrinaire dont
l'acharnement n'a d'égal que son mépris du caractère
pluraliste et riche de notre société. Le temps approche où
ce viol de notre fierté québécoise au profit d'une
idéologie étroite devra faire place à un gouvernement
où le citoyen se verra redonner son droit de cité
véritable. Je vois le gouvernement actuel se cantonner de nouveau dans
son idéologie d'indépendance, de souveraineté et de
séparation; encore hier, c'était la pièce maîtresse
de ce message inaugural. La population s'est prononcée le 20 mai 1980
d'une façon majoritaire, claire et non équivoque. Cette
population a dit non à ce gouvernement, à l'indépendance
du Québec. Cette population a fait confiance au Québec, à
l'intérieur du Canada. Elle a dit - le message était clair:
Retournez faire vos devoirs. Faites en sorte que le Québec
devienne véritablement le partenaire majeur qu'il a toujours
été et qu'il devra être de plus en plus dans la
fédération canadienne. Et vous, malgré ce verdict de la
population, malgré cette réponse claire de vos concitoyens, de
vos concitoyennes, vous revenez avec l'indépendance comme pièce
majeure d'un message inaugural en 1983 alors que la population s'attend que
vous allez essayer de répondre à ses préoccupations
d'aujourd'hui, à ses préoccupations du fait qu'on n'a plus de
travail ou qu'on est à la veille de perdre son emploi, si cela continue
un gouvernement comme cela. Et qu'avez-vous à dire? C'est: On va vous
faire l'indépendance. Cela va guérir vos problèmes.
Regardez-les applaudir. Entendez-les, si vous ne les voyez pas applaudir, ces
gens qui prônent l'indépendance, la séparation du
Québec du reste du Canada.
Vous n'avez eu qu'à régler le petit problème de
Quebecair, si vous aviez l'indépendance vous ne pourriez pas le
régler. Vous n'êtes même pas capables de négocier une
petite affaire comme cela. Pensez-vous que vos concitoyens et vos concitoyennes
vont vous confier l'indépendance du Québec avec tout ce qu'on
peut imaginer de négociations dans le domaine des transports, des
chemins de fer, de l'aviation, dans tous les problèmes de ports
nationaux, tous les problèmes qui existent au point de vue
d'équipement fédéral, au point de vue de la monnaie? Mon
Dieu, vous n'êtes pas capables de régler les problèmes les
plus modestes, les plus petits sans vous enfarger. Vous n'avez jamais
trouvé une solution qui a marché. Vous êtes des
"Tricofiliens", c'est cela que vous êtes, des "Tricofilistes",
excusez-moi. On va vous confier l'indépendance du Québec? On va
vous confier la porte, vous allez prendre la porte parce que vous ne
répondez plus aux besoins de la population du Québec.
En 1983, dans une période de crise comme celle que l'on
connaît, à près de 1 000 000 de Québécois et
de Québécoises qui vivent malheureusement et contre leur
gré sur l'aide sociale ou l'assurance-chômage, des gens qui sont
à la veille encore de perdre leur assurance-chômage, vous dites:
On va vous faire l'indépendance. Pensez-vous répondre aux
préoccupations et aux aspirations de la population quand vous dites de
pareilles sottises?
Venez donc en élections demain et on va vous le dire si c'est
vrai. Venez avec l'indépendance, venez avec votre programme. Jamais vous
n'avez été si faibles vis-à-vis de la population et les
sondages, aujourd'hui, vous n'en faites plus de fuites de sondages parce que
vous savez les résultats. Vous êtes au bas complètement,
dans la cave. Les gens ne vous veulent plus et vous êtes arrivés
ici
en 1983 avec un message inaugural où vous n'avez comme
réponse à donner aux problèmes de pain et de beurre de la
population, que l'indépendance. Mais moi je vous dis: La population vous
rejettera à la prochaine occasion, à la première occasion.
Et je dis à la population du Québec: Ayez confiance. Cela
achève, le temps de ce gouvernement. C'est vous qui êtes les
maîtres, citoyens du Québec, et vous allez avoir bientôt, je
l'espère, l'occasion de vous prononcer et, ensemble, nous pourrons
bâtir un véritable Québec à l'intérieur d'un
Canada où le Québec sera une force majeure dans ce grand pays qui
est le nôtre. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Je pense qu'il manquait une conclusion
ultime à votre discours, M. le chef de l'Opposition.
Motion de censure
M. Levesque (Bonaventure): Je vous remercie, M. le
Président, de me permettre de faire cette motion qui sera,
évidemment, votée à la fin du débat: "Que cette
Assemblée blâme le gouvernement pour la tragique insuffisance des
mesures annoncées par le gouvernement en vue de faire face à la
grave détérioration de la situation économique au
Québec."
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Rousseau.
M. Blouin: Merci, M. le Président. Compte tenu de l'heure
- il est presque 18 heures - je demande la suspension du débat
jusqu'à 20 heures.
Le Président: S'il y a consentement, effectivement, je
vais suspendre les travaux de la Chambre jusqu'à ce soir, 20 heures.
M. Brassard: M. le Président...
Le Président: Je m'excuse, M. le whip en chef du
gouvernement.
M. Brassard: ...avant que nous suspendions, au nom du leader, si
vous le voulez bien, je voudrais donner avis que la commission de
l'Assemblée nationale se réunira mardi, après la
période des questions, à la salle 81-A.
Le Président: J'en prends bonne note, comme tous nos
collègues, et sur ce, je suspends les travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 06)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous
pouvez vous asseoir.
C'est la reprise du débat sur le message inaugural. La parole est
au député de Rousseau.
M. René Blouin
M. Blouin: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai
écouté comme vous tout à l'heure le long discours du chef
de l'Opposition et j'ai observé comme vous les députés
libéraux tout autour de lui qui s'amusaient de certaines situations qui
n'iraient pas bien au Québec sur le plan économique. Le chef de
l'Opposition a tenté d'en identifier quelques-unes pour montrer que ces
projets ne marchaient pas, que c'était de la frime. Cela m'a un peu
étonné. Pendant le souper, j'étais à
côté de mon confrère, le député de
Montmagny-L'Islet. Je lui ai demandé si, comme l'avait dit le chef de
l'Opposition... Je n'avais qu'un exemple à vérifier, je n'ai pas
eu le temps de vérifier les autres... Le chef de l'Opposition a
évoqué l'usine de méthanol de
Saint-Juste-de-Bretenières comme étant quelque chose qui ne
marche pas, qui ne marchera pas, qui serait, selon lui, rempli de
problèmes et qui serait de la frime. Je n'ai vérifié que
ce seul projet, mais je dois dire au chef de l'Opposition que ce projet que
j'ai vérifié, il marche. Il marche si bien que, le 19 janvier
dernier, le Conseil des ministres a autorisé -c'est ce que m'a dit le
député de Montmagny-L'Islet - 2 900 000 $ supplémentaires
pour accélérer le départ de ce projet. C'est un projet
extrêmement important pour les gens du comté de Montmagny-L'Islet
et qui, effectivement, démarrera dans les semaines qui viennent. Je n'ai
pas eu le temps de vérifier les autres allégations du chef de
l'Oppostion qui provoquaient un grand brouhaha parmi ses troupes; je n'en ai
vérifié qu'une et je peux dire avec certitude à cette
Assemblée que le chef de l'Opposition - je n'insisterai pas
là-dessus - a menti à cette Assemblée. Je laisserai
à d'autres le soin de poursuivre le débat s'ils le veulent, mais
je ne fais qu'observer qu'effectivement... Enfin, pour être plus
parlementaire, comme il l'a dit cet après-midi, je devrais plutôt
dire qu'il n'a pas dit la vérité à cette
Assemblée.
Depuis maintenant presque deux ans que je suis député
à l'Assemblée nationale, comme je m'y étais engagé
au moment de l'élection, j'ai insisté pour faire, à tous
les mois, une tournée de comté qui me mène dans un secteur
ou dans l'autre. Au cours de ces tournées mensuelles, je rencontre les
citoyens individuellement et je rencontre les conseils municipaux. Nous
discutons ensemble des dossiers qu'ils ont soumis au
gouvernement du Québec pour en assurer un meilleur suivi.
À la fin de ces journées de tournée, je tiens une
réunion publique, où les citoyens sont invités. Au cours
de ces rencontres, j'ai l'occasion de discuter avec ces citoyens de leurs
problèmes locaux et aussi des politiques que le gouvernement du
Québec imprime à l'ensemble de la collectivité
québécoise.
Au cours de ces rencontres, évidemment, il y a une période
d'échanges assez prolongée entre les citoyens qui sont dans la
salle et celui qui vous parle. Cela me permet donc à tous les mois
d'avoir une sonde réelle qui est celle des citoyens qui viennent
assister à ces rencontres et qui, eux, me font part de leurs
préoccupations qui, je présume, doivent être les
préoccupations aussi de la plupart des citoyens et des citoyennes du
Québec.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que parmi ces
préoccupations il y a celle de l'emploi et, par conséquent, celle
du chômage aussi, mais il y a eu depuis quelques mois une
préoccupation marquée à l'égard des
négociations entre le gouvernement et les secteurs public et parapublic.
Ces événements qui se sont succédé
particulièrement au cours des deux derniers mois ont été
marquants, éprouvants, souvent difficiles, non seulement pour ceux qui
les vivaient - ce qui est normal - que ce soit les gens du gouvernement ou les
gens des syndicats et les syndiqués touchés, c'était dur
pour eux, mais c'était dur aussi pour la population qui assistait
à ces débats et qui tantôt était rassurée,
tantôt était craintive et tantôt manifestait de
l'encouragement ou du désespoir à l'égard de ce qui allait
se passer dans cette société.
Je me suis attardé à ce problème parce que le
premier ministre l'a évoqué hier clairement dans son discours
inaugural. Il a l'intention ferme - il l'a annoncé, cela s'amorcera dans
les mois et dans les semaines qui viennent - de modifier le cadre de
négociation, c'est-à-dire la façon dont on s'y prend pour
arriver à des règlements avec le gouvernement et les secteurs
public et parapublic, c'est-à-dire l'ensemble des syndicats qui
composent le front commun.
Je me suis demandé si ce cadre de règlement qui nous
conduit aux négociations actuelles, qui nous conduit à tous les
trois ans à des affrontements déchirants pour la
société québécoise, si ce cadre de
négociation, si ces affrontements, si ces thèmes
d'agressivité étaient propres aux négociations entre le
gouvernement et les syndicats du front commun qui ont à négocier
ensemble. J'ai fait une petite étude sur la façon dont se
déroulent les négociations entre le front commun et le
gouvernement en parallèle avec la façon dont se déroulent
les négociations dans les centrales syndicales, parce que vous savez
qu'il y a dans les centrales syndicales des négociations aussi. Les gens
qui travaillent pour les centrales syndicales, ce sont des gens qui sont
syndiqués. Leurs patrons sont les chefs syndicaux.
Régulièrement, ils ont eux aussi, à peu près dans
le même cadre de négociation, à conclure des ententes et
à vivre des rondes de négociations avec leur patron syndical.
J'ai principalement analysé quelle était l'attitude, avec
ce même cadre de négociation, qui se développait chez les
syndiqués de la base à l'égard de leur patron syndical.
Est-ce que cette attitude, comme on la connaît dans les secteurs public
et parapublic, qui fait qu'après quelques mois de négociation, au
moment où la tension monte, où la chicane prend vraiment, cette
attitude de vouloir vraiment démontrer que l'État patron est
méprisant et autoritaire, est-ce qu'elle est propre aux
négociations dans les secteurs public et parapublic? Bien non, elle
n'est pas propre aux négociations dans les secteurs public et
parapublic.
Je vous donne un exemple. En 1980, les permanents de la CSN, qui sont
syndiqués, blâmaient la direction de la centrale syndicale CSN de
rechercher une plus grande autorité sur les salariés et
affirmaient que l'autoritarisme n'est pas une solution. Et là, on
parlait de l'autoritarisme des dirigeants de la centrale syndicale à
l'égard de leurs travailleurs.
Les permanents affirmaient que, comme toute grève, la leur
n'aurait jamais eu lieu s'ils n'avaient profondément ressenti un certain
degré de mépris à leur endroit, mépris qu'on leur
adressait selon eux. Mais ils étaient en conflit dans ce cadre qui
mène presque systématiquement aux affrontements et aux
déchirements même entre gens qui ont une même façon
de voir les choses ou qui devraient avoir une même façon de voir
les choses sur le plan syndical.
Notre grève, disaient encore les permanents de la CSN, est
inévitable parce que les demandes - on ne parlait pas d'offres
patronales, on parlait là aussi en 1980, à l'égard des
patrons de la CSN, de demandes patronales - traduisent un mépris et une
négation de ce que nous sommes le plus profondément, des
militants et des partenaires à part entière.
Nous avons vu également, lors du dernier conflit du front commun,
que dans sa publicité le front commun disait que les syndiqués
des secteurs public et parapublic avaient des droits et qu'ils voulaient que
ces droits soient respectés.
En 1980, Norbert Rodrigue disait ceci. Justifiant cette manière
de procéder, M. Norbert Rodrigue, qui était président de
la centrale, avait expliqué qu'elle permettrait aux
délégués de juger de la justesse du qualificatif de "pire
boss qu'ITT". C'est M. Norbert Rodrigue, entre autres, président de
la CSN, qui s'était fait traiter au moment de ce conflit de
travail avec ses propres employés de pire boss qu'ITT. Les dirigeants de
la CSN avaient été affublés de ce qualificatif depuis le
début du conflit. Ce mode de négociation, il avait mené
à cela aussi, à ce genre d'affrontement que nous venons de vivre
entre le gouvernement et les syndicats; il avait mené au même
genre d'affrontement entre la CSN et ses propres employés.
En 1977 les employés de bureau de la CEQ font une grève.
Ce n'est pas la première fois, disent les employés, que la CEQ ou
ses affiliés sont aux prises avec leurs employés. Ceux-ci
prétendant que M. Charbonneau et son état-major, lorsqu'ils ont
la direction du personnel, se comportent de la même façon, sinon
pire, que le patronat qu'ils dénoncent à longueur d'année.
Ce sont les syndiqués de la CEQ qui disent cela de leur patron syndical,
M. Charbonneau.
En 1976, autre grève à la CSN. On peut lire cet article
dans le Soleil du 2 décembre 1976: "Pendant que le syndicat des
employés-conseils dénoncent l'attitude dure et mesquine de
l'employeur, la CEQ employeur affiche un mutisme des plus complets en
dépit d'une invitation pressante que lui a faite son conseil
général de régler le litige" a lancé le
président du syndicat, M. Jules Johnson. Cela revient un peu à
ces thèmes qu'on a entendus tout au long de cette négociation
à l'effet que le gouvernement, comme, semble-t-il, la CEQ,
d'après le syndicat à cette époque, ne voulait pas
négocier.
Autre chose, autres thèmes qui reviennent
régulièrement, ceux des droits acquis. Au cours de la
présente ronde de négociations, le président de la CEQ, le
23 janvier 1983, lors du congrès spécial, déclarait ceci:
"Toutes ces luttes sont reliées car c'est partout que nos droits acquis
sont menacés et nos conditions de travail sont attaquées." Or,
que disaient les permanents de la CSN en 1980 à l'égard de leur
patron syndical? Ils disaient ceci: "Notre grève est inévitable
parce que les nombreuses demandes de la partie patronale
confédérale remettent en cause les acquis les plus importants de
notre convention collective et vont à l'encontre des principes
fondamentaux qui animent notre centrale depuis des décennies et que nous
défendons tous les jours."
En 1977, les employés de bureau de la CEQ disaient ceci:
"À Montréal, une secrétaire gréviste a bien voulu
faire savoir que les employés du bureau étaient en grève
depuis mercredi dernier parce qu'on tente de nous enlever nos droits acquis"
disait-elle. Donc, le même thème revient, même cadre de
négociation, même thème, même chicane, que ce soit
entre l'État employeur et les syndicats ou entre les syndicats et leurs
propres employés.
Autre thème intéressant, le cadre financier. Vous savez
qu'au cours de cette négociation le gouvernement n'a pas voulu
dépasser le cadre financier qu'il s'était fixé, compte
tenu des moyens dont il dispose. C'est le Dr Camille Laurin qui disait, le 10
février dernier: "Cette proposition ultime ne peut modifier
substantiellement les décrets adoptés par l'Assemblée
nationale parce que ceux-ci tiennent compte des ressources de la
collectivité et de la capacité de payer du gouvernement."
Les permanents de la CSN sont en grève en 1980. Que note-t-on
dans les journaux? "La CSN et ses fédérations ont
déposé hier une proposition salariale globale." Comme les mots se
ressemblent! "Cet ultime effort possible de la CSN tient compte, selon la
partie confédérale patronale, de la capacité de payer de
ses membres conformément au cadre de règlement établi lors
du dernier congrès de la centrale." "Le trésorier de la CSN, M.
Léopold Beaulieu, en présentant hier ses prévisions
budgétaires pour l'exercice financier 1980-1982, a déclaré
qu'il ne s'agissait pas d'imposer un décret, mais que la centrale
estimait le coût de la convention collective à signer à
environ 1 500 000 $ pour les deux prochaines années et qu'elle ne
pouvait excéder ce mandat."
Les permanents de la CSN, en 1980 toujours, dans une prise de position
sur le conflit en cours entre les salariés de la CSN et les élus
de la centrale: "L'exécutif du conseil central de Sherbrooke a
appuyé l'attitude du conseil confédéral dans son ensemble
mais estime que les propositions déjà offertes aux
salariés vont trop loin sur les questions monétaires, soit
au-delà de la capacité réelle de payer du mouvement
syndical."
Finalement, les centrales syndicales sont prises, elles aussi, avec des
cadres financiers qu'elles ne peuvent pas défoncer. En 1976, le syndicat
patron, lors de la grève des employés-conseils, des permanents de
la CEQ, disait ce qui suit. Je vous lis l'article du journal qui est
très bref: "Pendant que le syndicat des employés-conseils
dénonce l'attitude dure et mesquine de l'employeur, la centrale
réplique que les syndiqués présentent des demandes
incompatibles avec le budget autorisé par les membres. (20 h 20) "Le
conseil général nous a évidemment pressés de
régler le conflit, répond M. Simon Cliche, pour la partie
patronale, mais il nous a sommés de bien vouloir respecter le budget
établi, notamment en ce qui a trait aux prévisions pour les
dépenses imprévues et pour le remboursement de la dette. Tout ce
que nous avons à faire maintenant, ajoute-t-il, c'est de
reconsidérer les demandes et de voir comment elles peuvent se situer
dans le
cadre de notre budget. Nous avons, conclut-il, une responsabilité
envers nos membres." La CEQ non plus ne voulait pas que son syndicat de
permanents parte avec la caisse.
Finalement, un autre sujet dont on a entendu parler au cours de ces
négociations, le "bumping". Le Dr Camille Laurin déclarait ceci:
"Dans la convention collective ou le décret qui en tient lieu, c'est
d'abord le critère de la capacité qui sera appliqué,
c'est-à-dire que pour remplir un poste on va d'abord considérer
la formation que l'enseignant a reçue et le diplôme qu'il
possède. C'est donc la capacité de l'enseignant et ses
années d'expérience qui compteront d'abord pour combler le poste.
Ce n'est qu'après coup, à capacité égale, que le
critère de l'ancienneté viendra jouer. Même cadre de
négociation, même thème.
En 1980, la grève des permanents de la CSN: La CSN veut aussi
mettre fin au régime de "bumping" actuel qui fait que tout permanent
syndical peut occuper n'importe quelle fonction. La partie
confédérale exige donc qu'un conseiller syndical qui n'a jamais
rempli les tâches du poste affiché ou suivi de cours à la
CSN à cet effet ne doive pas obtenir ce poste automatiquement. Là
aussi on croyait que le "bumping" n'était pas acceptable et qu'il
fallait tenir compte des capacités des travailleurs de remplir les
postes qui leur étaient affectés.
C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que j'ai entendu le premier
ministre nous annoncer que, dorénavant, il y aura des efforts
extraordinaires de faits, de déployés pour que dans les semaines,
dans les mois qui viennent on s'entende sur un nouveau cadre de
négociation qui fera en sorte que tous ces affrontements, que nous
connaissons depuis maintenant quinze ans et qui se répètent comme
une triste mélopée à chaque trois ans, cessent enfin et
fassent place, dans un cadre renouvelé, à des attitudes
différentes de celles que nous avons connues jusqu'à maintenant
et qui ont mené à autant de culs-de-sac d'une fois à
l'autre.
Le gouvernement du Québec, lui, comment s'est-il comporté
dans ses négociations? A-t-il été un gouvernement qui a
négocié avec des principes auxquels il tenait ou s'il a
négocié un peu à la sauvette? Voyons voir. Dans toutes les
offres que le gouvernement a faites au front commun, il a toujours tenu compte
d'un principe sacré qui était celui de protéger les bas
salariés, de protéger les plus faibles salariés de
l'État, ceux qui gagnent 13 000 $, 14 000 $ - parce qu'il y en a -et 15
000 $ par année. Ceux-là n'ont pas été
affectés parce qu'on a demandé, d'autre part, à ceux qui
sont dans des échelles de salaires plus élevées, qui ne
sont pas millionnaires, c'est sûr, mais qui, quand même, se tirent
de la situation beaucoup mieux que ceux qui sont au bas de l'échelle et
qui gagnent 13 000 $, 14 000 $, 15 000 $ par année... Le gouvernement ne
les a pas touchés, ceux-là, par ses restrictions. Il a même
fait en sorte que leurs augmentations de salaires soient conservées et
qu'il n'y ait pas de récupération salariale dans leur cas.
Le gouvernement a tenu compte de ce principe de ne pas affecter, ou
d'affecter le moins possible ceux qui étaient en bas de l'échelle
salariale et, compte tenu de la conjoncture et de ce qu'elle impose au
gouvernement, de faire un effort supplémentaire dans leur cas, ce qui
est difficile, soit, mais nécessaire.
Il y a aussi un autre principe qui était à la base de
cette ronde de négociations. Le gouvernement et le Conseil des
députés avaient décidé, d'un accord unanime, que,
s'il fallait augmenter les impôts, s'il fallait augmenter le
déficit et s'il fallait augmenter les taxes, ce ne serait certainement
pas, dans la situation que nous vivons, pour aider ceux qui sont les mieux
protégés dans notre société. Si nous avons des
marges de manoeuvre à libérer, elles iront - et j'y reviendrai
tout à l'heure - à ceux qui, actuellement, en ont le plus besoin,
c'est-à-dire ceux qui n'ont pas de revenus ou presque pas, ceux qui ne
travaillent pas, ceux qui ont terminé leur assurance-chômage et
qui, comme le disait le chef de l'Opposition cet après-midi, sont
contraints de s'adresser aux bureaux d'aide sociale pour survivre au moment
où nous nous parlons. C'est à eux qu'iront ces marges de
manoeuvre. Cette position fondamentale est très simplement inscrite
à toutes les pages du programme politique du Parti
québécois car la philosophie même du programme du Parti
québécois est une philosophie sociale-démocrate. Or,
qu'est la social-démocratie, sinon que d'utiliser l'outil de
l'État pour aider ceux qui en ont le plus besoin et demander aux autres
de répartir la richesse avec ceux-là? C'est, je crois, ce que
nous avons fait.
J'écoutais le chef de l'Opposition - qui a sûrement
manqué des parties du discours du premier ministre hier - passer
très rapidement sur les moyens qu'a identifiés le premier
ministre hier, les moyens que le gouvernement utilisera pour aider
l'économie à se relever. Je les évoque très
rapidement. Ces moyens sont: l'accélération des investissements,
un programme spécial d'accélération comprenant les
éléments suivants: 100 000 000 $ dans le secteur des transports,
le transport en commun à Montréal, la piste expérimentale
de métro sur rail et la construction navale. Le chef de l'Opposition n'a
pas entendu cela hier. Il n'a pas entendu non plus qu'il y aurait 140 000 000 $
de plus dans l'épuration des eaux, surtout en dehors de l'île de
Montréal. Il n'a pas entendu qu'il y aurait
200 000 000 $ de plus d'investissements par Hydro-Québec, surtout
dans l'amélioration du réseau de distribution. Il n'entend pas
cela, le chef de l'Opposition. Cela ne l'intéresse pas.
Le premier ministre a aussi parlé abondamment, hier, du soutien
que le gouvernement allait donner aux exportations, car pour une
société comme la nôtre, sur le plan économique, il
faut absolument que notre économie débouche sur
l'extérieur. Nous sommes une nation de 6 000 000 d'habitants qui a donc,
par essence, une vocation exportatrice. C'est dans cette perspective que le
nouveau ministère du Commerce extérieur a été
créé et que le gouvernement consentira des efforts
considérables pour augmenter les exportations et, évidemment, la
production des biens au Québec dans les entreprises, ce qui aura pour
conséquence de multiplier le nombre d'emplois.
Le premier ministre a dit aussi qu'il y aura un programme triennal mis
en place. J'entendais le chef de l'Opposition cet après-midi dire:
Qu'est-ce qu'il y aura pour les agriculteurs? Il n'y aura rien pour les
agriculteurs. S'il avait écouté, il aurait su que le premier
ministre a parlé hier d'un programme triennal qui sera instauré
pour développer la production céréalière et
améliorer la qualité des fourrages. L'effort additionnel fait par
le gouvernement devrait amener des investissements annuels de près de 60
000 000 $, ce qui aura pour effet de créer plus de 2000 emplois. Le chef
de l'Opposition n'a pas parlé de cela. Il n'a pas parlé - je n'y
reviendrai pas, on en a parlé abondamment depuis des semaines - non plus
de l'important virage technologique que le gouvernement a inscrit dans le
message inaugural et qui se manifestera par des crédits
supplémentaires dans ce secteur aussi fondamental des technologies
nouvelles.
Le gouvernement a annoncé aussi hier dans le message inaugural
qu'il y aurait une poursuite de l'aide à la construction domicilaire
dont vivent tant et tant d'employés de la construction et
d'entrepreneurs au Québec. Le chef de l'Opposition n'a pas parlé
de cela; il n'a pas parlé de partage d'emplois et de retraite
anticipée. Il n'a pas parlé non plus de programme de soutien de
l'emploi. En effet, le gouvernement a décidé de poursuivre pour
un an encore le programme d'urgence à la PME et de fournir 25 000 000 $
pour assurer la survie de Pétromont et entreprendre d'ici peu la
réorganisation des activités de SIDBEC. Le chef de l'Opposition
n'a pas parlé de cela. Il n'a pas parlé non plus des programmes
de création d'emplois. L'enveloppe de ce programme sera portée
à 235 000 000 $ dont quelque 150 000 000 $ s'adresseront directement aux
jeunes. Le chef de l'Opposition a oublié cela aussi.
Il a oublié de parler de ce que le premier ministre a
évoqué hier, d'un secteur qui était mourant, qui
était en train de s'effondrer au Québec, celui du cinéma,
qui est un outil important de l'identité nationale et qui crée et
soutient des centaines d'emplois. Il y a des travailleurs
spécialisés au Québec qui peuvent faire dans ce domaine du
travail qui rivalise, en termes de qualité, avec n'importe quelle
société de production cinématographique au monde. Le
gouvernement s'impliquera dans ce dossier et il fera renaître cette
industrie pour lui permettre de maintenir les emplois qui y sont et aussi
d'imprimer notre identité nationale afin qu'elle puisse se promener un
peu partout. (20 h 30)
II y a une chose aussi dont le chef de l'Opposition n'a pas
parlé. Bien sûr, il n'en parle jamais, cela se comprend; je ne
reviendrai pas là-dessus. Il n'a pas parlé que le gouvernement
est obligé de manoeuvrer dans un système qu'il aime tant, dans un
système qu'il adore, qu'il adule. Ce système a fait en sorte que
le déficit fédéral que nous devons payer nous aussi, nous
qui sommes pris dans cette entité canadienne, que le déficit
fédéral atteindra un sommet de 30 000 000 000 $ cette
année; le tiers de son budget en déficit. Cela c'est une faillite
dont aurait dû parler le chef de l'Opposition. Cela nous affecte tous,
que nous le voulions ou non et que cela nous plaise ou non. Il aurait dû
parler aussi du jugement qu'ont porté les experts du Fonds
monétaire international l'automne dernier, sur ces dirigeants de ce beau
grand pays qu'est le Canada et qui ont fait en sorte que notre pays, selon le
jugement des experts du Fonds monétaire international, était le
pays le plus mal administré de l'univers. Ce n'est pas peu dire, le plus
mal administré. Il ne s'en trouve de plus mal administré nulle
part. Le gouvernement du Québec doit manoeuvrer dans ces politiques qui
sont les pires qu'on puisse imaginer. Cela n'existe pas ailleurs au monde. Le
gouvernement du Québec doit subir les contrecoups de ces politiques
complètement absurdes qui nous sont imposées.
Le chef de l'Opposition n'a pas parlé non plus - il n'en parle
pas - du rapport du commissaire aux langues officielles, M. Max Yalden, qui a
été rendu public hier et qui indique ceci: Malgré
l'enchâssement des droits linguistiques dans la constitution, la
situation des minorités francophones demeure très fragile et leur
anglicisation pourrait bientôt atteindre un point de non-retour.
Non-retour, cela veut dire que c'est fini. La première raison de cette
assimilation croissante, entre autres, est le manque d'écoles
françaises. Le chef de l'Opposition n'a pas parlé de cela. On
dirait que celui-ci ne réalise pas que nous sommes pris dans un
système qui nous a conduits à la faillite
financière et à la faillite économique et que nous
essayons tant bien que mal, avec les moyens dont nous disposons, de relever le
défi.
Cela ne réussit pas si mal puisque quand même, au moment
où le Canada est frappé par le chômage, le Québec a
29% des chômeurs de l'ensemble du Canada, alors qu'habituellement cette
proportion se situe aux alentours de 34% ou de 35%. Le chef de l'Opposition n'a
pas dit cela. Il n'a pas rappelé non plus que la proportion des
francophones à l'intérieur du Canada diminue sans cesse. Il a
oublié de dire qu'en 1759, le Canada était français
à 100%. Il a oublié de dire qu'en 1840, le Canada était
francophone à 50%. Nous avions perdu des plumes, mais nous étions
encore là. Lors de la Confédération, en 1867, les
francophones dans l'ensemble canadien représentaient 32% de la
population. Au moment où nous nous parlons, nous représentons un
peu plus de 25% de la population. C'est Statistique Canada qui prévoit
qu'en l'an 2000, nous serons aux environs de 20% de l'ensemble de la population
canadienne.
Que fait le gouvernement du "French power" pendant ce temps pour enrayer
ce problème que vivent les francophones au Canada, qui sont de plus en
plus noyés dans la communauté anglophone? Que fait-il? Il
décide qu'à partir de la prochaine élection
fédérale il y aura 17 députés de plus en Ontario et
4 de plus au Québec. C'est ce que décide le "French power"
pendant ce temps. Le chef de l'Opposition n'en parle pas. Le chef de
l'Opposition ne réalise pas que nous sommes pris dans ce système
qui a pour objectif de nous minoriser de plus en plus. Il ne réalise pas
non plus l'importance de la conclusion du discours inaugural du premier
ministre hier. Il ne réalise pas à quel point nous sommes aussi
capables que les autres et certainement plus que ceux qui administrent leur
pays de la façon la plus négative par rapport à tous les
pays du monde. Il ne réalise pas que nous sommes capables, mais
tôt ou tard, et plus tôt que plus tard, il devra le
réaliser, parce que, lors de la prochaine élection, nous allons
demander aux citoyens et citoyennes du Québec s'ils se croient capables
d'être aussi bons que les autres et de vivre en harmonie avec les autres.
Qu'ils fassent attention à la réponse que leur serviront les
citoyens et citoyennes du Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci M. le Président. En cette nouvelle
session, mes premières paroles seront d'abord pour féliciter
notre nouveau président. Je veux le rejoindre par votre personne, vous
qui occupez le siège dans le moment. Je voudrais l'assurer de mon
respect et de ma collaboration la plus entière pour que règne
toujours l'ordre dans cette enceinte. Je voudrais dire également un mot
d'appréciation à votre prédécesseur, M. le
député de Jonquière, pour son travail pendant le temps
où il fut au fauteuil.
M. le Président, cette intervention se situe dans le cadre du
débat sur le message inaugural de la quatrième session de la 32e
Législature. Cette session, qui s'est ouverte hier, fut sous le signe du
véritable sceau de ce gouvernement, à l'image de ce gouvernement
parfaitement à la dérive, ballotté par la crise
économique et par la crise qu'il a engendrée par son option,
chose qu'il réitère encore présentement, sous le signe de
la nervosité, de la morosité, de l'improvisation dramatique, de
l'autoritarisme et de l'arbitraire.
M. le Président, après sept ans, le maquillage se
défraîchit et l'astiquage tombe. Les rides se précisent.
J'écoutais hier ce discours inaugural d'environ 40 pages, rengaine
usée à la corde surtout lorsqu'on parle, comme le premier
ministre l'a fait chaque fois dans ses discours inauguraux, d'augmentation de
l'emploi, d'augmentation des investissements. À cause des politiques
néfastes du Parti québécois et à cause de son
option indépendantiste, de son obsession devrais-je dire, il a atteint
exactement le but contraire.
Vous me direz sans doute ou d'autres me diront: Oui, mais nous sommes
victimes d'une crise mondiale, d'une crise économique mondiale. Oui, une
crise économique mondiale, mais seconde crise ici au Québec qui
fait que nous avons 41% des pertes d'emplois du Canada, alors que nous
représentons 26% de la population.
Discours comportant également - je parlais d'improvisation - la
contradiction. J'entendais le premier ministre, hier, nous dire qu'il voulait
passer une loi pour obtenir la retraite anticipée à 60 ans. C'est
beau, on vient de passer une loi, il y a quelques mois à peine, je crois
que c'est en juin, pour abolir la retraite obligatoire à 65 ans. On a
fait part à ce moment au gouvernement des inconvénients que cela
comportait et également du fait que des emplois ne se libéraient
pas pour des jeunes très compétents, très qualifiés
qui attendaient pour prendre la place, pour faire valoir leur idéal,
leur ambition. Donc, contradiction.
Je pense que la principale marque de commerce de ce gouvernement, c'est
sans doute son autoritarisme qui devient de plus en plus grand. Il y a une
différence entre autorité et autoritarisme. L'autorité,
c'est le droit de commander, cela découle d'une puissance
légitime. Dans cette optique, le pouvoir, c'est un moyen vers
l'épanouissement de la société. Cela s'exerce dans
le respect des personnes et cela commande l'estime.
Quant à l'autoritarisme, dans ce cas, le pouvoir
représente un but, une fin en soi et non un moyen pour servir la
société. Quel est le caractère d'un autoritariste? Il
s'entête à la moindre occasion parce que toute opposition le
pousse devant sa propre faiblesse. Conséquence: cela donne lieu à
des abus, parce que l'autoritariste n'admet pas la contradiction. Donc, il
ressent le besoin de se faire obéir. De là, contrôles,
décrets, ordonnances, normes, soumission. (20 h 40)
Depuis quelques années, M. le Président, notre province,
notre Québec glisse vers l'autoritarisme de plus en plus. Nous le
sentons tous les jours. Nous sommes en train de passer d'une
société démocratique, d'une société de
consensus à une société de décrets, une
société d'autoritarisme. Rien n'est plus solide qu'une
société de consensus, mais rien n'est plus fragile qu'une
société de décrets.
En ce qui concerne l'agriculture, chose qui me préoccupe
particulièrement, j'ai été un peu estomaqué de voir
le faible menu qu'il y a dans ce discours inaugural. C'est tellement court que
je veux me permettre de citer tout ce qui touche l'agriculture dans le discours
inaugural de 40 pages; il y a 5 lignes à la page 14. "D'autre part, dans
le secteur vital de l'agro-alimentaire, un nouveau programme triennal
continuera à nous rapprocher de l'objectif d'autosuffisance agricole. Il
s'agira d'investissements de 60 000 000 $, amenant la création de plus
de 2000 emplois, qui démarreront cette année en vue d'intensifier
le développement de la production céréaiière et
l'amélioration des fourrages." C'est tout ce que l'on retrouve alors que
l'agriculture est en pleine crise.
Certes le secteur de la production céréaiière
traverse une crise très forte, mais les secteurs de l'élevage et
de l'érable traversent également des crises
considérables.
M. le Président, je crois que les agriculteurs du Québec
méritent mieux que cela. Tout cela est fait, je le répète,
sous le sceau de l'improvisation, du rapiéçage et du rachitisme
chronique.
Nous avons déjà connu des gouvernements qui ont fait de
grandes lois-cadres, qui ont donné à l'agriculture une grande
charte, des moyens de s'en sortir. Qu'il me suffise de vous rappeler le
gouvernement libéral, de 1970 à 1976. En 1974-1975, la part de
l'agriculture dans le budget total du Québec était de 2,5% alors
que présentement elle n'est que de 1,9%.
Nous avions à ce moment-là, à la tête de la
province, des hommes qui croyaient à l'agriculture, qui ne faisaient pas
que parler et donner des conférences de presse mais qui investissaient.
Et je voudrais rendre hommage à ces hommes-là: M. Toupin, M.
Garneau, M. Bourassa, des gens qui ont jeté les bases. Nous avons vu
ensuite les résultats que cela a donné.
Je vous le disais, M. le Président, l'agriculture a besoin d'une
véritable charte, d'une législation renouvelée, mise
à jour, dotée d'un financement adéquat. Je me permettrai
de redéfinir certains concepts qui, pour nous, sont à la base de
tout. Ce sont les grands principes.
Premier principe pour une agriculture bien développée,
respect des libertés individuelles, ce qui est tout à fait le
contraire de la notion du collectivisme que nous connaissons dans le
moment.
Deuxième principe, encouragement de l'entreprise privée,
incluant le secteur coopératif.
Troisième principe, notre agriculture doit être un
partenaire majeur et intégré à l'ensemble
économique canadien.
Quels objectifs doit poursuivre l'État face à
l'agriculture? Le premier, je dirais que c'est de rentabiliser l'agriculture,
pas seulement s'occuper de structures, de grosses patentes, d'augmenter la
production, les céréales, le boeuf, le sirop d'érable. Et,
quand les producteurs livrent la marchandise croyant que la planification avait
organisé les marchés, le déluge se produit et tout cela
part à l'eau. C'est ce qui est arrivé en 1977, 1978 et 1979 alors
que, inconsidérément, on a ouvert des crédits à la
production du porc, du boeuf, des céréales sans jeter les grandes
bases sur lesquelles elle devait reposer. Et ce qui devait arriver arriva. J'ai
ici un petit article du Journal de Québec du 26 janvier 1983: "Faillites
agricoles, augmentation de 265% au Québec". Ce sont de beaux records,
n'est-ce pas?
Première chose à faire, s'occuper de la
rentabilité. Oui, le ministre actuel s'est occupé de structures,
de grosses patentes, je le répète, mais il aurait dû
commencer par s'occuper de la rentabilité. Deuxièmement,
l'objectif de l'État doit être de fournir à la
société un niveau satisfaisant d'autosuffisance alimentaire. Je
dis bien de l'autosuffisance là où c'est physiquement
réalisable. On joue avec le concept de l'autosuffisance. C'est beau de
dire aux gens qu'on va investir pour atteindre l'autosuffisance, mais encore
faut-il que ce soit rentable. Je vous donne un exemple. Si nous nous disons que
nous sommes capables de produire nos propres bananes, nous allons faire des
serres chaudes et nous allons les produire, mais à quel coût?
C'est ce qu'il faut évaluer avant de se lancer dans une production. Il
faut commencer par planifier pour ne pas arriver avec une surproduction comme
c'est arrivé dans les secteurs du porc et du sirop d'érable,
à l'occasion de la campagne de 1979 dans Beauce-Sud, lors d'une
élection
partielle. Il y avait en jeu, bien sûr, ce qui est arrivé
à Montmagny, l'usine de méthanol. Cette manufacture était
sur des roulettes, elle suivait les comtés où il y avait des
élections partielles. Finalement, elle a abouti à Montmagny et je
souhaite de tout coeur que le projet se réalise.
Nous avions un territoire chez nous, le canton de Dorset. On disait: On
va planter 600 000 érables. J'ai moi-même reçu par la poste
une feuille d'inscription et on n'avait qu'à indiquer le nombre
d'érables qu'on voulait. Les subventions pour organiser la tubulure et
tout cela se faisait automatiquement. On leur disait: Ne croyez-vous pas que
vous pouvez trop augmenter la production? Il n'y a rien là, nous
répondait-on. Il y a l'Allemagne, le Japon et tout est placé
davance. Il n'y avait tellement rien là que les cultivateurs ont deux
récoltes qui ne sont pas payées, celle de 1981 et celle de 1982.
C'est une augmentation inconsidérée. Premièrement,
rentabilisons l'agriculture et, deuxièmement, fournissons à la
société un niveau satisfaisant d'autosuffisance.
Un troisième objectif que doit poursuivre l'État est de
protéger la ferme familiale. Je me permettrai de citer quelques lignes
d'un article paru dans La terre de chez nous du 17 mars 1983, la
dernière publication. "Au rythme où vont les choses, on ne
comptera plus au Québec, à la fin du siècle, que 7000
à 8000 fermes dans l'ensemble des productions." Il y en avait 150 000
vers 1950, il y en a près de 50 000 dans le moment et dans 17 ans, on
nous prédit qu'il en restera de 7000 à 8000. Les autres, que
vont-elles devenir? Je suis très préoccupé devant la
disparition éventuelle de nos fermes familiales. Dans cela,
l'État a un rôle à jouer. L'État doit d'abord
fournir une législation appropriée, et non pas du
rapiéçage, pour avoir une véritable planification. Cette
législation devrait nous permettre de gérer l'offre et nous
assurer des débouchés avant de commander une augmentation de
production.
Il faudra également ajuster la fiscalité. Notre
fiscalité est déficiente en agriculture, à tel point que
les transactions père-fils sont pratiquement devenues impossibles. Il
faut passer par voie de transfert graduel, par société ou
corporation, à cause des implications fiscales. Le fils qui
possède 20% de participation dans l'entreprise a droit à 20% de
la prime d'établissement, c'est-à-dire que sur 50 000 $ sans
intérêt pendant cinq ans, il a droit à 20%, ce qui fait 10
000 $. C'est tout à fait ridicule et inadéquat, sans compter la
taxe sur le capital qui a été imposée par ce gouvernement.
On me dit qu'en Ontario, la taxe sur le capital est de 50 $ pour une ferme;
ici, cela va jusqu'à 1500 $, 2000 $ ou 2500 $. Ce qui est traître,
c'est que même si la ferme ou l'entreprise ne fait pas de profit, elle ne
paie pas d'impôt sur le revenu, mais elle va payer quand même de
l'impôt sur le capital. (20 h 50)
II va falloir s'occuper de la fiscalité. Il va falloir
également donner un cadre mieux planifié à la femme
collaboratrice, offrir un financement adéquat. Je m'engage à
talonner le ministre parce qu'il a bien déclaré devant le dernier
congrès de l'UPA qu'il allait faire un sommet socio-économique
sur le crédit agricole et apporter tout un changement, une
révolution dans ce domaine. Ce n'est pas annoncé dans nos cinq
lignes rachitiques du discours inaugural. Il va falloir également
s'occuper de la relève.
En ce qui concerne l'environnement, vous savez que l'environnement
coûte cher à l'agriculture. J'ai le ministre devant moi, c'est le
temps, dans les courtes minutes que j'ai, de lui passer un message. Je crois
qu'il est encore plus informé que moi sans doute. Pourquoi faire couler
inconsidérément du béton alors que dans d'autres pays,
dans d'autres provinces, il y a d'autres formules moins dispendieuses qui
peuvent être trouvées?
C'est bien sûr que les agriculteurs sont les premiers à
désirer protéger l'environnement. Nous sommes d'accord avec ce
concept. Cela peut se faire avec d'autres solutions que le béton, et si
le béton est la norme essentielle, que le gouvernement remplisse la
promesse qu'il avait faite aux dernières élections et qu'il donne
les subventions appropriées, lui qui finance, dans le cas des
municipalités, de 75% à 90% et, dans le cas des entreprises,
également, les entreprises papetières. Pourquoi laisser les
agriculteurs sur le carreau? Vous savez que si on oblige une ferme à se
munir de fosses à purin, tout ce que vous voulez, c'est une affaire dans
le bas mot de 75 000 $, peut-être 100 000 $. Si cette ferme est
obligée d'emprunter, à un moment donné, dans les emprunts,
vous atteignez la ligne de flottaison et si vous dépassez la ligne de
flottaison, votre bateau n'ira pas bien. On s'aperçoit ici au
Québec de ce que cela fait.
Ensuite, je voudrais dire un mot de la forêt privée. Juste
dans la région que je représente, il y a 850 000 cordes de bois
en perdition si ce bois n'est pas absorbé bientôt. Le seul moyen
c'est que le gouvernement songe à restreindre, pas seulement songe, mais
restreigne les permis de coupe aux grandes compagnies papetières sur le
domaine public. Nous avons le domaine public qui fait concurrence au domaine
privé. Il va falloir que le gouvernement s'occupe de ce problème.
Il y a également le problème du dessèchement de
l'érable. En ce qui concerne les problèmes du dessèchement
de l'érable, j'attends que le comité que le gouvernement a mis
sur pied donne ses rapports. J'espère que les rapports vont arriver
avant que tous les érables soient morts. Il y a également le
domaine du support des inventaires de sirop d'érable. Là
le ministre va nous dire: Dans le domaine du sirop d'érable, vous avez
un plan conjoint qui sera voté. Les agriculteurs n'ont qu'à
l'adopter. Oui, c'est un outil, mais cela ne réglera pas le
problème du support des inventaires de sirop d'érable.
L'année passée, avant que la saison ne commence, il y
avait plus de sirop d'érable en inventaire que n'en procure une saison
normale. C'est une chose pour laquelle il va falloir que le gouvernement fasse
sa part. Quelle sera sa part? Qu'il fasse ce que fait le gouvernement
fédéral. Le gouvernement fédéral fournit 0,40 $ la
livre de sirop pendant un an sans intérêt pour aider à
supporter les inventaires. Je réclame du gouvernement du Québec
la même chose. Dans un document de l'UPA, Rapport des activités
1981-1982, je lis à la page 41: La crise nous fait donc réaliser
plus que jamais qu'il n'y a aucun substitut valable à des politiques de
mise en marché et de stabilisation des revenus visant à assurer
à l'agriculteur, dans l'immédiat, des prix qui couvrent les
coûts de production. M. le Président, si je me fie au discours
inaugural, je pense que nos agriculteurs vont être passablement
déçus.
Également, à côté de notre agriculture
industrielle, il faudrait commencer à voir ce qu'on pourrait faire avec
la multitude de lots en friche, vérifier s'il n'y aurait pas lieu de
revenir à une agriculture qui pourrait être dite de
subsistance.
Vous savez qu'il y a beaucoup de gens de nos villages qui
désireraient retourner vivre sur une de ces terres. Dans le moment, ils
en sont empêchés à cause du zonage agricole. Je crois que,
devant ces immensités de terres qui redeviennent en friche, on aurait
sans doute un moyen de les remettre en valeur. Bien des gens sont
refoulés dans le village, alors qu'ils seraient désireux de vivre
sur une ferme.
M. le Président, le PQ ne doit pas s'asseoir sur ses lauriers
dans le domaine de l'agriculture parce que, contrairement à ce qu'il
prétend, il n'a pas fait mer et monde. Je le disais tantôt, le
gouvernement précédent avait planté le pommier et, quand
le PQ est arrivé, le pommier donnait des pommes. Donc, si le pommier
n'avait pas été planté, le PQ n'aurait pas
distribué les pommes à gauche et à droite comme il le
fait.
Vous me permettrez de prendre quelques minutes pour traiter de
problèmes locaux. Je vous ai dit tout à l'heure que nous avions
un gouvernement qui souffrait d'autoritarisme. Nous en avons vu un exemple dans
la région puisque nous avions deux hôpitaux et le gouvernement a
émis un décret pour fusionner ces deux hôpitaux. Depuis ce
temps, on est en train de déchirer la Beauce, de déchirer la
population. J'avais déposé une motion, lors de la dernière
session, demandant un moratoire immédiat quant au partage des services -
on ne peut pas demander un moratoire quant à la fusion puisqu'elle est
déjà réalisée - afin de s'assurer que les fonds
publics soient employés à bon escient, que la qualité des
services soit maintenue, que les emplois soient protégés, que les
conditions favorables à l'établissement d'un consensus
nécessaire au succès de l'opération soient réunies
et que la volonté de la population soit respectée. Ce que je
réclame, c'est une solution beauceronne. Les Beaucerons sont capables,
eux qui ont construit ces institutions, de régler eux-mêmes le
problème, entre eux, le problème de la surpopulation dans un
centre et de la sous-utilisation dans un autre. Autoritarisme!
En ce qui concerne les MRC, vous me permettrez de dire un mot. Vous
savez, malgré les belles paroles du gouvernement, qu'il y a loin de la
coupe aux lèvres. Je vous cite un discours prononcé par
l'honorable Jacques Léonard à Saint-Joseph-de-Beauce le 28
août 1980. Quelques lignes seulement. J'aimerais bien tout citer, mais
vous comprenez qu'il y a des contingences de temps. Je cite: "J'ai aussi un
large sentiment de confiance, disait le ministre, parce que tout ce processus
auquel vous êtes en train de vous familiariser, nous l'avons voulu
très intimement démocratique." Que c'est beaul Un peu plus loin:
"Je l'ai toujours dit, on ne change pas la société par
décret et notre philosophie dans l'approche d'une grande concertation
entre tous ces agents, c'est ce que j'oserais appeler le jeu
démocratique dans la continuité."
Plus loin, je cite: "Ces choix de collaboration que vous allez faire
durant les mois qui viennent sont hautement démocratiques et, donc,
exigeants et contraignants en regard des gouvernements et des entreprises."
Plus loin: "Pas plus l'information que la consultation ne sera la chasse
gardée des fonctionnaires depuis Québec. S'ils peuvent vous
être d'une quelconque utilité, tant mieux, et c'est notre
volonté, mais les objectifs et les méthodes de sensibilisation
que vous utiliserez, ce seront vos choix à vous."
Qu'a-t-on fait après ces belles paroles? On a pris la
municipalité de Saint-Prosper qui avait demandé unanimement de se
joindre à la MRC Beauce-Sartigan, Saint-Georges-de-Beauce, paroisse
voisine, et on l'a intégrée à la municipalité
régionale de comté Les Etchemins, dans une toute autre
région. Les gens contestent avec la dernière énergie;
même chose pour Saint-Zacharie village et paroisse, dans une autre MRC de
mon comté, Saint-Robert-Bellarmin et trois municipalités de
Saint-Ludger. Je vous dis que si le ministre croit qu'il va faire courber
l'échine des Beaucerons, il ne réussira pas. Voici
maintenant que les procédures judiciaires commencent à
entrer. La nouvelle MRC Les Etchemins envoie une action à la
municipalité de Saint-Prosper, 3614,22 et pour sa quote-part. À
Saint-Prosper, on ne doit rien. On ne participera jamais, jamaisl Alors, des
actions. (21 heures)
Pour Saint-Zacharie, c'est encore pire, un jugement est rendu et, le 14
mars dernier, le camion de protection contre l'incendie fut saisi par huisser
et il sera vendu par huissier le 19 avril à 14 heures. Avez-vous
déjà vu une chose semblable? Est-ce qu'on peut parler de respect
de la population? Ces populations ont droit au respect; elles ont le droit
d'être traitées comme des gens libres, comme des gens
responsables. Je revendique pour eux la justice qu'on aurait dû toujours
leur donner.
Je vois que le temps fuit, M. le Président. Je dirai au
gouvernement, au ministre de ne pas penser être quitte avec ces
municipalités. Il vient à Saint-Prosper et dit: Cela va bien dans
toute la province, il n'y a qu'à Saint-Prosper que cela va mal. On va
à Acton Vale, c'est la même chose; à Laprairie, c'est la
même chose; dans l'Outaouais, c'est la même chose; dans le
Bas-du-Fleuve, c'est la même chose, partout.
Je parlais d'autoritarisme. "Les MRC, le bélier mécanique
a passé à plusieurs endroits." Une autre: "Saint-Prosper devra se
soumettre. Léonard." C'est une belle société
démocratique, n'est-ce pas? Or, je réclame justice pour ces
populations.
Je ne peux pas m'empêcher de dire un mot sur l'OCQ, que quelqu'un
qualifiait d'office du crime du Québec. J'ai toujours pensé que
le droit au travail était un droit fondamental, un droit
inaliénable, un droit qui devait être protégé. Le
travail est un élément de liberté, un
élément de dignité pour l'homme. Nos jeunes que l'on
presse en dessous de la cloche de verre, est-ce qu'on pense pouvoir contenir
ces énergies bien longtemps? C'est un véritable scandale! Que
fait le gouvernement actuel? D'abord, il a instauré en 1978 cette
fameuse carte de classification de l'OCQ. Il y a eu un jugement de rendu
à La Malbaie par l'honorable juge Pierre Côté. L'individu
était M. Gérard Larochelle, de Saint-Georges. Le juge dit que les
travailleurs de la construction qui détenaient leur certificat de
qualification avant octobre 1977, on doit les garder au travail et ne pas les
soumettre au décret. Qu'est-ce que le gouvernement a fait? Appel du
jugement immédiatement. Je voudrais vous citer un paragraphe de ce que
disait le juge Côté, pour vous montrer encore une fois cet esprit
d'autoritarisme du gouvernement: "M. Gérard Larochelle est un type de
Saint-Georges-de-Beauce qui vient travailler à plusieurs dizaines de
milles de sa résidence, à La Malbaie. Si c'était un type
de la Russie ou d'un pays étranger, je comprendrais que vous soyez
surpris et que vous puissiez poser certaines exigences, mais il s'agit d'un
travailleur québécois, dont la compétence n'est aucunement
mise en question, ce dernier détenant le certificat de qualification
depuis 1971. Il faudra que vous me fournissiez des arguments d'une
solidité à toute épreuve pour que je vous donne raison."
Il parlait au procureur de la poursuite.
Quand est-ce que le gouvernement se réveillera et abolira cet
odieux règlement? C'est la chose que nous réclamons.
Je voudrais vous dire un mot de l'état indécent du
réseau routier. Vous me faites signe que mon temps achève. Je
voudrais vous dire tout simplement que notre réseau routier est dans un
état inacceptable. Il ne cesse de se détériorer depuis
quelques années. On ne fournit même pas à l'entretenir. Que
dire de l'autoroute, M. le Président, ou des voies d'accès
à l'autoroute qui, semble-t-il, se feront attendre? Je voudrais
réclamer d'abord pour Saint-Georges qu'on accélère les
travaux et que le gouvernement aide pour réaliser le détour de la
127e rue. Il y a également les sorties nord, sud, ouest; la route 108
à Saint-Victor; à Saint-Martin, la côte Maheux;
Saint-Prosper; Saint-Gédéon; Sainte-Clothilde; Saint-Simon et
Notre-Dame-des-Pins; Saint-Benjamin; Saint-Honoré; le rang
Saint-Jean-Baptiste à Sainte-Aurélie; Courcelles, Saint-Ludger;
Saint-Zacharie. Il faudra que le gouvernement nous débloque 100 000 $
par année par municipalité juste pour reprendre le temps
perdu.
M. le Président, j'aurais aimé parler de notre jeunesse
que l'État semble mal aimer, mais je n'en ai pas le temps, j'y
reviendrai. Je voudrais terminer par cette phobie, cette obsession maladive du
gouvernement, l'indépendance. M. le Président, je termine sur ces
mots, je trouve que c'est un mépris envers la population. Le
gouvernement devrait respecter le choix, la décision du peuple le 20 mai
1980 et cesser de parler de l'indépendance.
Je termine par un mot de Louis Veuillot: "Un peuple est libre quand ses
intérêts sont servis, mais surtout quand son âme est
respectée." C'est loin de l'autoritarisme du PQ. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mercier, ministre des Communautés culturelles et
de l'Immigration.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, je voudrais profiter de cette
occasion qui m'est offerte pour offrir mes meilleurs voeux au nouveau
président et également rendre hommage à son
prédécesseur, le député de Jonquière,
qui
a toujours été au service des députés et
surtout de cette institution qui nous est si chère, le Parlement du
Québec, que nous avons à notre disposition depuis 1792 et dont on
célébrera bientôt le bicententaire.
Nous sommes - le discours inaugural le dit - déjà dans une
mutation. Je me souviens, il y a vingt ans, des livres paraissaient qui
s'intitulaient Horizon 1980. C'étaient des livres qui nous semblaient
décrire des univers que nous ne connaîtrions peut-être
jamais. Un de ces livres était écrit par M. François
Mitterrand, qui est maintenant président de la France, et qui
réfléchissait sur ce que serait l'avenir. Nous parlons
aujourd'hui de l'horizon 1990. Le discours inaugural parle au fond de l'horizon
2000.
Cet avenir, cette société globale vers laquelle nous nous
dirigeons nous oblige nous, francophones en Amérique du Nord, qui ne
comptons que pour 4% de l'ensemble des citoyens de ce vaste continent, le plus
puissant de la terre, au fond, le plus riche, éventuellement le plus
peuplé, cette situation nous oblige, nous, minorité
française dans ce continent le plus moderne au monde, à nous
poser quelques questions. En tant que ministre responsable de la Charte de la
langue française, il m'appartient à moi, ici ce soir, d'essayer
de comprendre et d'expliquer pourquoi nos attitudes ne sont pas tout à
fait les mêmes que celles des citoyens du Québec ou du Canada ou
du continent qui sont anglophones.
Comparons deux enfants nés le même jour dans le
comté de Mercier, l'un dans l'est de Mercier, que je représente
ici, rue Mentana, et l'autre, avenue du Parc; l'un est francophone, l'autre est
anglophone. Celui dont les parents parlent anglais n'aura pas à se poser
une seule fois de sa vie un certain nombre de questions. Il ne se demandera
jamais: Les satellites qui circulent dans le ciel parlent-ils ou parleront-ils
anglais? Ils parlent anglais, ils parleront anglais. Les banques de
données que les grands organismes internationaux et les gouvernements
les plus puissants de l'histoire de l'humanité sont en train de
constituer parleront-elles anglais? Oui, elles parleront anglais. Les
vidéocassettes sur lesquelles seront imprimés les oeuvres, les
cours, l'information la plus récente dans tous les domaines, même
ceux que nous ne connaissons pas encore, ces cassettes parleront-elles anglais?
Oui, elles parleront anglais. Le village global décrit par Marshall
McLuhan, décrit par M. François Mitterrand à
l'époque, le village global qui est à nos portes et qui donnera
l'accès instantané, à partir des cuisines ou des salons,
à l'information sous toutes ses formes, à l'éducation
permanente et à tout ce qui constitue l'héritage humain
parlera-t-il anglais, ce village global? Il parlera anglais.
(21 h 10)
Par ailleurs et d'autre part, à toutes ces questions le jeune
francophone du Québec né rue Mentana, dans le comté de
Mercier, à toutes ces questions cet enfant ne peut que répondre:
Peut-être parlera-t-il français. Et seulement peut-être, car
il n'en est pas sûr. C'est la raison pour laquelle cet enfant de la rue
Mentana, contrairement à cet enfant de Park Avenue, doit compter sur
quelqu'un quelque part pour prendre sa part, pour lui assurer à lui
aussi un libre accès à cette banque de l'esprit humain. Car dans
le cas des petites collectivités, comme le Québec en est une,
c'est l'État qui doit jouer ce rôle et intervenir.
Si nous des petites communautés, nous des petits pays laissions
aux individus seuls, isolés, le soin de voir eux-mêmes, sur la foi
du respect par les autres des droits individuels, le soin, dis-je, de se
connecter dans leur langue, le français, sur ce village
planétaire, ils seraient perdus, ils risqueraient de faire naufrage, eux
et leur collectivité, eux et leur culture, eux et leurs racines, eux et
leur passé, eux et tout ce qu'ils sont.
En fait, les droits individuels d'un citoyen anglophone du Québec
sont préservés par la protection collective qui vient des
États-Unis, de ce qu'on appelle l'empire américain. Cette
protection collective découle de l'importance des États-Unis et
de l'Amérique anglaise dans le monde. Cette responsabilité
collective donc est assumée par d'autres qui sont tout-puissants. Aussi
a-t-il largement le temps, le jeune Québécois anglophone, de
consacrer toutes ses énergies à défendre ses droits
individuels.
Le jeune Québécois francophone, qui n'a pas de "big
brother" pour s'occuper de lui, est traité avec une certaine ironie
parce qu'il se préoccupe moins des droits individuels. Sa
priorité c'est de se trouver un "mini-brother" quelque part qui ouvrira
au-dessus de sa tête un parapluie de protection culturelle et
linguistique pour ses frères, ses soeurs, ses parents et un jour ses
propres enfants.
C'est là ce qui distingue fondamentalement le niveau de l'action
de deux jeunes Québécois, de deux jeunes Nord-Américains,
leur réflexion face à l'avenir, l'un dans son français
maternel l'autre dans son anglais maternel.
Je me souviens ici qu'à plusieurs reprises un de nos
collègues, qui fut président comme vous et qui était
député de Laval à l'époque, M. Jean-Noël
Lavoie, que je peux nommer parce qu'il n'est plus ici, me disait en confidence:
Les Canadiens français, presque par définition, se
préoccupent plus des droits collectifs, comme si c'était un
défaut, comme si c'était un aveu d'une sorte d'ethnocentrisme,
d'une sorte d'obsession de la race, comme on le disait à
l'époque, alors qu'en fait il ne
s'agissait tout simplement que de la mise en commun des droits
individuels de chacun que personne autour de nous ne pouvait protéger
sinon nous-mêmes.
Mais pourquoi tenir tant à sa langue maternelle? Parce que tout
simplement on n'en parlera jamais une autre aussi bien, tout simplement parce
qu'on l'a apprise sur les genoux de son père ou de sa mère. Puis
ensuite dans la rue, dans les livres, à l'école, chez les
poètes, évidemment, chez les philosophes. Dans la vie
elle-même, et au Québec cette vie, tout le monde le sait,
apparaît dans une infinie diversité.
Il faut se battre pour sa langue sur ce continent parce que les Anglais
disent souvent "time is money". Nous disons au Québec "language is
money", "language means jobs". La langue cela signifie des emplois, cela
signifie des salaires, cela signifie des promotions, cela signifie la
capacité pour un citoyen de gravir tous les échelons de la
carrière qu'il s'est choisie et il doit pouvoir le faire dans sa langue,
dans son propre pays qui, pour l'instant, est une simple province.
Le Québec, donc, a décidé d'agir pour garantir les
droits de la collectivité française parce qu'il n'y a pas,
à 100 milles d'ici, à Rock-Island, par exemple, qui n'est pas de
votre comté, M. le Président, un éléphant
anglophone qui s'occuperait de protéger les droits collectifs de cette
population francophone. Faute de l'avoir, cet éléphant, c'est
à nous qu'il appartient de le faire et c'est ce que nous faisons. Nous
en sommes réduits à espérer que nos compatriotes
anglophones de toutes les régions du monde aussi qui sont venus ici, qui
ont choisi le Québec, comprennent cette préoccupation.
J'entendais il y a quelques minutes mon collègue, le
député de Beauce-Sud, que, par ailleurs, je respecte parce qu'il
parle toujours de ce qui se passe près de chez lui, dans son
comté, de ce qu'il observe, de ce qu'il voit, et ses propos ont toujours
une qualité d'observation de l'humanité. Je l'entendais parler
brièvement de l'indépendance et dire: Les Québécois
ont voté, en mai 1980. La question est réglée, n'en
parlons plus jamais.
En tant que ministre des Communautés culturelles, des groupes
ethniques, en fait, je célèbre chaque semaine, sinon chaque
quinzaine, une fête de l'indépendance. Nous avons parlé
aujourd'hui de l'indépendance de la Grèce. Il m'arrive donc,
chaque fin de semaine ou presque, de célébrer avec des Slovaques,
des Croates, des Grecs, des Barbadiens, des Philippins, des Algériens,
des Indiens, des Hollandais, et j'en passe, la fête de leur accession, de
l'accession de leur pays à l'indépendance. Et ils
célèbrent ces cérémonies avec un enthousiasme, avec
une joie qui les fait même pleurer tellement ils sont heureux.
M. Doyon: ...
M. Godin: Nous célébrons effectivement, M. le
député de Louis-Hébert, l'indépendance du Canada,
ce qui prouve que les Canadiens ne sont pas si bêtes. Je me demande
pourquoi ce qui est bon pour eux serait mauvais pour nous, M. le
Président.
Ce qui me frappe, par ailleurs, M. le Président - et je vous
inciterais à dire au député de Louis-Hébert qu'il
aura tout le temps de parler quand son tour viendra...
Une voix: ...
M. Godin: Ce n'est pas mon problème, c'est celui du
président.
Ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est que ces
communautés sont restées attachées non seulement à
leur pays d'origine, mais également à des dates, à des
personnes qui marquent cette démarche qui n'est pas facile et qui s'est
faite, dans certaines circonstances, sur de très longues
périodes. C'est ainsi que la communauté grecque, par exemple, a
été sous la domination turque pendant quatre siècles. Ils
ont réussi, après quatre siècles, à secouer la
chape de plomb qui s'était abattue sur eux et à
récupérer leur souveraineté, ce qui leur a permis de
reprendre dans le monde une place qui leur était due et dont on avait
perdu toute trace parce que les Turcs les empêchaient de s'exprimer, M.
le Président, de se manifester tels qu'ils sont et tels qu'ils voulaient
être, librement, à la face du monde. (21 h 20)
Chaque fois que je participe à ces cérémonies, je
dis à toutes ces communautés culturelles: Je me joins à
vous et quel bel exemple à suivre! Les seuls qui n'applaudissent pas
quand je dis ces mots, ce sont les représentants du
fédéral. Ils ont réussi à faire croire à
certains Québécois, ces représentants du
fédéral, qu'un journaliste qualifiait récemment de
"gouvernement cancéreux à Ottawa"... J'ai eu pour eux
dernièrement des mots ambigus et, à la réflexion, je me
demande si tout cela ne s'apparentait pas un peu à une sorte
d'extrême-onction, à une sorte de distribution de fleurs aux
agonisants. Mais ma générosité, comme l'a dit le premier
ministre, a amené mon coeur à dire des choses qui
révèlent peut-être que tôt ou tard - et,
espérons-le, le plus tôt possible - ils sont condamnés
à disparaître de la carte de ceux qui manipulent les
Québécois, de ceux qui les comblent de cadeaux, de patronage de
toutes manières pour les empêcher de se libérer, par
conséquent, qui les achètent, qui font le grand "bargain" du non,
qui les achètent un par un, municipalité par municipalité,
maison des jeunes par maison des jeunes. Ils tentent de les acheter pour les
faire rester à l'intérieur d'un système dont tout le monde
sait qu'il est nuisible sur le fond au Québec.
II peut être acceptable à certains égards, dans
certains milieux, dans certaines circonstances, mais sur le fond, nous nous en
rendons compte maintenant, à la veille de ce XXIe siècle, si nous
ne sommes pas maîtres de notre destinée, nous sommes
condamnés tôt ou tard à en subir les conséquences,
celles-ci pouvant aller jusqu'à notre "louisianisation": notre
survivance en tant que personnes ou notre disparition en tant que groupe qui
aurait une culture, une langue par laquelle il s'exprime.
Que nous réserve donc l'avenir? Où en sera le
français demain? Il faut être conscient dès aujourd'hui
qu'au grand banquet de l'électronique, de la robotique, de la
télématique et de la bureautique qui s'amorce il n'y aura
peut-être pas de place pour tout le monde. En tant que minorité
ici, en Amérique du Nord, nous courons des risques, mais ces risques
s'accompagnent de la chance d'être dans une auberge familiale tout
près du grand hôtel américain. Il faut donc être
présent dès maintenant avec notre langue, notre culture, notre
imagination dans cet univers à venir qui sera câblé et
interconnecté auprès des grandes banques de données de
l'univers.
Il doit donc y avoir une place pour le français sur la banquette
du XXIe siècle. Qu'est-ce que les Québécoises et les
Québécois feront de cette place? Ce qui est en cause, c'est
d'abord et avant tout que nous ayons notre mot à dire, que notre
spécificité trouve à s'y manifester, à y
apparaître. Cette spécificité peut se permettre à
l'occasion de ressembler beaucoup aux autres, à tel point qu'on n'y
verrait point sa propre différence. Mais la tâche consistera, pour
l'instant, à préserver comme la chose la plus précieuse du
monde cette porte ouverte à toute éventualité, qu'elle
prenne la forme qu'elle voudra. Donc, la question n'est pas de savoir ce qu'on
fera de cette liberté, mais bien plutôt qu'on puisse y avoir
recours.
Enfin, et plus important encore, si les petites nations comme la
nôtre sont absentes de ce banquet futur, auquel le progrès nous
convie, c'est tout simplement l'humanité qui en sera appauvrie. Si
l'humanité est passée, il y a des siècles, par le
processus de la remise des pouvoirs aux citoyens par les rois et toujours
difficilement, l'histoire se répète aujourd'hui et il faut,
dès ce jour, prévoir un monde où l'égalité
des nations sera aussi importante que le principe de l'égalité
des citoyens le fut dans le passé. À l'échelle de la
planète, les citoyens, ce sont les nations et elles doivent être
égales. Ou nous aurons, par conséquent, une répartition
élitiste des pouvoirs, c'est-à-dire une répartition entre
les grandes puissances uniquement, auquel cas nous subirions le despotisme du
petit nombre des puissants sur les pouvoirs informatiques, ou nous aurons une
répartition démocratique de ces pouvoirs dans le respect des
souverainetés nationales, les petites comme les grandes, avec une place
pour chacune. Et c'est à cette tâche à laquelle il faut
convier aujourd'hui toutes les Québécoises et tous les
Québécois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. J'étais ici quand
le ministre a parlé, et j'espère que le ministre va rester ici
pendant que je parle, parce qu'on peut de temps en temps apprendre l'un de
l'autre. On est ici en réplique au message inaugural du premier
ministre. Je me rappelle, il y a deux ans, quand on a été
élu pour la première fois à Québec. Tout nouveau,
on a parlé de message inaugural et on disait: L'Opposition a le droit de
répondre. On peut parler de tous les sujets possibles. On m'a dit:
Qu'est-ce que tu vas dire en réponse au message inaugural? Cela veut
dire que c'est le PM qui parle. Cela veut dire quoi? PM, c'est le premier
ministre, c'est M. René Lévesque. J'avais encore un peu peur,
savez-vous, de M. René Lévesque. C'était après
l'élection de 1981. Donc, j'ai parlé de mon comté.
Maintenant, on est à Québec depuis deux ans. Je pense
qu'on devient vétéran assez rapidement ici. Hier, après
presque deux ans, j'écoutais le PM, j'écoutais son discours et je
me disais: Je pense que je suis bien capable de répondre à cela
parce que dans ce discours il n'y a rien, ce n'est pas sérieux, ce n'est
pas, disons, un espoir pour l'avenir de la population du Québec.
Je veux analyser maintenant ce message inaugural. M. le
Président, le premier ministre, hier, a dit: C'est le temps de parler de
Changement avec un grand C. Je suis d'accord avec cela. C'est le temps d'un
changement à la non-tolérance de la part du Parti
québécois, un changement à l'esprit non ouvert
vis-à-vis des autres. C'est le temps d'un changement à cela. Je
suis d'accord avec le premier ministre quand il parle de changement. Il faut un
changement à la guerre continuelle avec le fédéral. Vous
lisez les journaux comme moi, cette semaine, il y a une autre guerre concernant
la contribution du fédéral pour aider les programmes des
municipalités du Québec. Évidemment, une autre guerre
constitutionnelle. Ici on ne veut rien savoir de cela. Dans toutes les autres
provinces du Canada, cela marche à 100%. Cela crée de l'emploi.
Ici au Québec, à cause d'un conflit de juridictions, on n'accepte
pas. C'est le temps de changer cela.
C'est le temps d'un changement de gouvernement. Quand le premier
ministre dit: un Changement avec un grand C, je suis
d'accord pour changer le gouvernement du Parti québécois
une fois pour toutes, pour se débarrasser de cela.
Le premier ministre a dit, hier: C'est le temps de prendre les devants.
Là, j'ai ri parce que prendre les devants, c'est justement le titre de
notre manifeste libéral depuis un an. On a un manifeste qui
répond aux besoins des Québécois et des
Québécoises, bien étudié, bien
étoffé, bien travaillé. Mais là, il dit: C'est le
temps de prendre les devants. Quand j'ai regardé hier le premier
ministre et que j'ai vu ses troupes autour de lui, tous ses
députés et tous ses ministres, j'ai vu un groupe de gens
fatigués, des gens épuisés, des gens brûlés,
des gens déconnectés de la réalité,
déconnectés des priorités. Eux, ils ont perdu la confiance
de la population. Il n'y a pas de doute. On voit cela. Il n'y a plus rien, il
n'y a plus d'élan, il n'y a plus d'optimisme. Ils sont là pour
continuer, mais n'ont vraiment pas le goût et on en a la preuve à
la manière dont ils parlent.
Hier après-midi, le premier ministre a parlé d'une cure
d'amaigrissement. Depuis qu'ils sont au pouvoir, ils parlent de cet
amaigrissement. On n'a pas vu encore beaucoup d'exemples. Je vais donner
quelques exemples du gaspillage des fonds publics. Ils sont au pouvoir depuis
plus de six ans maintenant et on est encore dans un temps de gaspillage des
fonds. Savez-vous que le gouvernement du Parti québécois a
déboursé les sommes suivantes? Juste quelques exemples d'il y a
quelques mois: Dans la publicité, au ministère du Revenu, pour
préparer les nouvelles formules d'impôt, 800 000 $ à une
compagnie de New York, aux États-Unis, parce que, apparemment, on n'est
pas capable de le faire ici. On a retenu les services d'une compagnie de New
York pour 800 000 $ pour préparer une nouvelle formule d'impôt
avec un petit message disant: S'il vous plaît, remplissez votre formule.
Vous allez être contents de payer vos taxes. (21 h 30)
On a déboursé cette année, M. le Président,
dans le projet Archipel - Archipel est le projet qu'on étudie pour
savoir si, à Lachine, on va encore créer de l'énergie
hydroélectrique - 600 000 $ et, jusqu'à maintenant, 4 000 000 $.
Savez-vous qu'il existe un avis technique d'Hydro-Québec qui dit:
Arrêtez cela, parce qu'il n'y a rien là-dedans, pas d'avenir, mais
le gouvernement continue à débourser. Quand j'ai posé la
question suivante au président du Conseil du trésor, M.
Bérubé: Voulez-vous nous donner le total des sommes d'argent
déboursées? Il a dit: Je ne peux pas vous le donner, il faut le
demander en Chambre au ministre qui est en charge du projet. On l'a
demandé. C'est le député de Hull qui a posé la
question. On lui a répondu: Non, non, non, on ne peut pas donner cela
ici. Il faut l'obtenir aux engagements financiers. L'un refuse de
répondre et l'autre se cache en arrière du premier. La
réponse, on l'a finalement trouvée. Il s'agit de 4 000 000 $
à 5 000 000 $ investis jusqu'à maintenant. Résultat:
zéro.
La librairie Dussault. Il s'agit de quelques librairies qui se trouvent
dans de belles villes de la province de Québec. Cela ne marchait pas,
alors le gouvernement a pris une part dans la librairie Dussault. Comme dans
Asbestos et dans Quebecair où ils ont pris le contrôle, ils sont
allés dans la librairie Dussault. En juillet 1982, ils ont
prêté une somme de 950 000 $, disons 1 000 000 $. Au mois de
novembre 1982, cela ne marchait pas bien et on a décidé de vendre
les librairies Dussault, parce que c'est presque une faillite. On a
donné une subvention de 3 100 000 $. Total: 4 000 000 $ dans les
librairies Dussault. J'ai posé la question suivante: Qu'a-t-on obtenu
pour cela? Vous avez vendu. Combien avez-vous obtenu? J'attends la
réponse depuis trois ou quatre mois.
Il y a une subvention à la corporation du comité
organisateur des rencontres francophones du Québec pour une somme de 275
000 $. J'ai demandé au ministre ce que cela voulait dire, "rencontres
francophones du Québec". Nous sommes tous des francophones. Où se
rencontre-t-on? - Ah! je ne le sais pas. On va vérifier. Je pensais
qu'il s'agissait des francophones hors du Québec. Cela se comprend qu'en
dehors du Québec, au Manitoba, on leur donne un coup de main pour mener
leur bataille. Mais non! Ce sont les rencontres francophones du Québec.
Je n'ai pas encore eu de réponse, mais je sais que le montant qui a
été accordé est de 275 000 $.
On a donné au comité de négociation, en novembre
1982, une somme de 3 100 000 $. On sait qu'il n'y a pas eu de
négociation, parce qu'on a eu des décrets. Je ne parle pas du
secteur de l'enseignement. Ce sont d'autres secteurs public et parapublic; 3
100 000 $ et pas de négociation, rien, rien, parce qu'il y a eu des
décrets. Vous vous en souvenez, M. le Président? On a eu des
décrets haut comme cela, et le député de Laurier, on
voyait seulement sa main en haut, parce qu'elle était cachée par
60 000 pages de décrets: 3 100 000 $.
Le gouvernement a donné - écoutez bien cela, cela va vous
choquer - une subvention aux commissions scolaires pour couvrir les frais
d'intérêt en raison des délais dans le versement des
subventions. Donc, le gouvernement n'a pas payé à temps ses
subventions aux commissions scolaires. Les pauvres commissions scolaires ont
été obligées d'aller à la banque et de demander des
emprunts pour couvrir cela
temporairement. Qu'est-ce que cela a coûté? 903 000 $,
presque 1 000 000 $.
Une voix: C'est effrayant;
M- Polak: Je parle ici de 4 000 000 $, 5 000 000 $, 10 000 000 $,
seulement une petite carte. Excusez-moi, je tourne la carte. A Quebecair, on a
accordé, en novembre 1982, un prêt pour combler les besoins de
liquidité à court terme, parce que cela coûte cher, la
fierté dans l'air, les drapeaux du Québec sur les avions: 5 000
000 $ au mois de novembre. Il y en a un autre au mois de décembre de 4
000 000 $. La petite carte que j'ai ici indique 11 000 000 $, un petit exemple.
Le premier ministre parle d'une cure d'amaigrissement. Je n'ai jamais
mentionné cela. Ce n'est pas une cure d'amaigrissement. C'est une cure
pour tuer, pour en finir avec ce qu'on appelle le gaspillage des fonds publics.
Le premier ministre a dit hier que le gouvernement va donner un recours aux
contribuables contre le ministre du Revenu, parce qu'il y a des excès.
Mais je me rappelle très bien que le député de Hull
était à la commission sur les pourboires quand des serveuses sont
venues témoigner devant nous. Elles ont dit que le gouvernement est
allé chercher chez elles l'argent, voulant démontrer quels
étaient leurs pourboires pour une période remontant à il y
a dix ans. Ils ont dit: Madame, vous avez travaillé dans tel et tel
restaurant il y a dix ans, vous y étiez comme employée, vous avez
reçu des pourboires; montrez-nous ce que vous avez reçu. La
pauvre dame répond: Je ne me le rappelle plus; j'ai travaillé
là, qu'est-ce que je dois faire? Ahi le ministre a dit: Je calculerai
cela vite pour vous. Le restaurant a fait des recettes totales de tant, vous
étiez une des quatre serveuses, donc, vous payez 25% du total. Voici, je
vous cotise tant. Vous avez le fardeau de la preuve pour démontrer que
vous avez gagné moins que cela.
Nous étions là, le député de Hull a fait la
preuve de tous ces exemples - c'est un scandale - pour aller chercher, sur une
période rétroactive de dix ans, l'argent de la poche des pauvres
dames qui n'ont même pas gagné cet argent. C'est pour cela, pour
atténuer un peu la mauvaise impression parmi la population, qu'on dit
maintenant: On vous donne un recours spécial. Merci beaucoup, M. le
premier ministre, pour le recours spécial.
Le premier ministre a dit que c'était le temps de se concerter;
une belle expression du Parti québécois, se concerter. Il a
expliqué ce que cela voulait dire: travailler ensemble, vivre ensemble
dans l'harmonie, se comprendre l'un et l'autre. Dans tout ce discours inaugural
d'hier, pas un mot sur la loi 101. J'étais ici quand le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration a parlé juste avant
moi. Je sais que c'est un homme de bon coeur; sur le plan personnel, il est
correct, sauf que dans la collectivité du Parti québécois
il voit rouge. Quand ils sont dans la collectivité, ils ne peuvent plus
agir seuls; ils ont ces rêves et ils ne sont plus raisonnables, tous ceux
du parti deviennent - je ne veux pas dire "fous", c'est une accusation grave -
disons déraisonnables.
Il devrait savoir, parce qu'il représente tout de même un
comté de Montréal où il y a une minorité
substantielle, la population grecque de Montréal... Je me le rappelle,
je connais très bien son comté. Il doit savoir que les jeunes
partent. Dans tout le discours inaugural, comment se fait-il que le ministre
qui est ici - au moins il est poli, je l'ai écouté ce soir et il
m'écoute, il est ici, j'apprécie bien cela, c'est le seul
ministre qui m'écoute, je l'apprécie - n'ait pas influencé
son premier ministre pour dire: Voici, il y aura quelques adoucissements
à la loi 101; voici les choses à rectifier qui ne sont pas
correctes pour que tout le monde l'accepte.
Nous, du Parti libéral, sommes en faveur du principe de la loi
101. Nous n'avons rien contre cela, sauf quand cela doit nuire ou faire payer
les frais à une communauté qui n'était pas là dans
le temps. Je suis un nouveau Canadien, je n'étais pas ici quand les
injustices au Manitoba ont été commises; pourquoi dois-je payer
pour cela? Ce n'est pas correct. Je pense que le ministre comprend cela, mais
il n'a pas influencé son premier ministre pour dire un mot dans le
discours inaugural, pas un mot là-dessus.
I want to say something in English, Mr. Speaker. I think the Minister
should listen to this. We all know and he knows how many anglophone young
people and non-francophone young people of all races and backgrounds are
leaving the Province of Québec, because they no longer feel at home.
They are no longer happy here. We have deputies, MNAs here in Québec
whose children do not want to stay in the province because they have no
confidence, and I think it is a shame. I think it is too bad that a minister
who may be of good faith, because he is known as a smooth man, he comes to a
group of immigrants and he talks and they say: Well, he is not bad, I think we
can live with him. I say: Do not trust him, because if he is that good, how
come he cannot influence his boss to make some changes? He always promises but
nothing comes forth.
M. le Président, hier, le premier ministre a parlé de la
croissance de l'emploi. Il a dit que c'était important. Il faut avoir
une croissance de l'emploi et il faut avoir une croissance de l'investissement.
Une croissance de l'emploi; savez-vous de quelle manière? On a un
programme ici qui s'appelle Chantier-Québec. Soyons très
honnêtes. Ce n'est pas un programme de création d'emplois.
C'est un programme pour se débarrasser des jeunes. On crée un
programme, on donne du travail pendant 20 semaines et, ensuite, on les envoie
vite au fédéral pour 50 semaines. On dit: Merci, vous êtes
partis de chez nous, vous êtes maintenant à Ottawa. On a la preuve
de cela. (21 h 40)
Chaque mois, à la commission des engagements financiers où
on étudie toutes les subventions et les montants excédant 20 000
$ payés par le gouvernement. On trouve tous ces ministères. On
trouve évidemment le programme Chantier-Québec. Je pense que la
population a le droit de savoir ce que cela veut dire. Juste un exemple des
programmes. Il y en a des dizaines comme cela. Je vous donne un programme dans
le comté de Rouyn-Noranda, un comté péquiste. Que
font-ils? Ils donnent 30 000 $ à 5 jeunes pendant 20 semaines pour faire
quoi? Aménagement d'un ancien bateau de drave pour exposition. On a
trouvé un ancien bateau, on va travailler là-dessus pour
exposition. Aménagement du terrain, parce qu'il faut nettoyer le terrain
autour, il ne faut pas que ce soit trop croche, nettoyer les hangars, avec le
"broom", faire des tables et des bancs, recherche et cueillette de photos,
objets et meubles.
M. le Président, soyons honnêtes. On paie avec la bourse
publique, avec l'argent de tous les contribuables, de tous les
Québécois et les Québécoises qui travaillent, qui
paient leurs impôts. On donne une somme de 30 000 $ pour un projet. Entre
nous, c'est enfantin, c'est puéril - je pense que c'est le mot - cela
vaut zéro au point de vue de création d'emplois. Il n'y a rien
là. Cela ne donne pas la fierté aux jeunes qui n'ont pas
d'emploi, du tout, parce que ramasser un peu de sable autour de cela,
préparer une petite exposition de bateaux... Mais ce qui est important,
c'est qu'on donne 30 000 $ pendant 20 semaines au projet, et ensuite,
après 20 semaines, on dit: Vous, MM. les jeunes, on se débarrasse
de vous autres parce que vous allez à Ottawa. Pendant 50 semaines, le
fédéral va vous payer l'assurance-chômage.
M. le Président, pensez-vous que c'est un projet sérieux,
ce qu'on appelle Chantier-Québec, où on crée des emplois,
où on fait quelque chose pour donner la fierté aux jeunes de
reprendre le goût du travail? C'est ce qu'on appelle en anglais "stopgap
measure", c'était juste pour remplir le trou temporairement, puis on
l'envoie à Ottawa et, là, nous ne sommes plus responsables. C'est
un mépris de la jeunesse d'avoir un programme comme cela.
M. le Président, le premier ministre a parlé hier de la
croissance des investissements. Comment voulez-vous qu'il y ait une croissance
des investissements quand on a un climat de non-tolérance? M. le
Président, il y a deux ans, j'étais président d'une petite
chambre de commerce qui s'appelait Chambre de commerce Pays-Bas-Canada
(région de Québec), parce que nous sommes bien
Québécois. On a eu des demandes de la part des Pays-Bas pour
établir des compagnies, des manufactures. En fait, je me rappelle
très bien une compagnie qui voulait fabriquer des tapis. Elle a fait la
comparaison entre le Québec et l'Ontario. Je fais tout mon possible
parce que je suis un nouveau Québécois. Je lui ai écrit et
j'ai dit: Établissez-vous dans la province de Québec. On a besoin
de vous, il y a des subventions du gouvernement, s'il vous plaît,
établissez-vous ici, chez nous, pour créer des emplois pour les
Québécois. Elle a étudié cela et elle a
décidé d'aller en Ontario, parce qu'elle avait peur du climat
politique, elle avait peur de ne pas être bienvenue à cause du
facteur de non-tolérance, de la violence d'esprit. Vous n'êtes pas
comme nous, donc, vraiment, on ne vous accepte pas. C'est bizarre. Ce sont des
gens des Pays-Bas qui sont bien raisonnables, avec des oreilles ouvertes. Mais
en rencontrant des divergences, en s'informant, ils n'ont pas voulu
s'établir ici.
Deuxième point. Ils ont vérifié vite et ils ont vu
que ceux qui travaillent dans la gérance paieraient beaucoup plus en
impôt provincial qu'en Ontario parce que l'écart au point de vue
taxe était assez large pour les décider de ne pas
s'établir ici. Il y a un tas d'exemples comme cela.
M. le Président, je voudrais passer rapidement sur la
fragilité de notre économie dont le premier ministre a
parlé, les critères dans les plans de subvention aux PME. Vous
vous rappelez, cet après-midi, il y a eu l'affaire qu'on appelle "le
frère Biron". C'est bizarre. Il faut que je rappelle cela, tout de
même, parce que je n'accuse pas le ministre d'avoir quelque chose de pas
correct avec son frère mais je trouve bizarre qu'il ait dit publiquement
hier, dans sa conférence de presse, qu'un des cas où lui avait
décidé, contre l'opinion de la SDI, de donner une subvention
c'était - savez-vous pourquoi? -parce que c'était la 26e
entreprise de fabricants de meubles qui avait demandé la subvention. Les
25 autres l'avaient obtenue et il pensait que la 26e avait besoin de cela, que
ce n'était pas correct de ne pas la donner. Il a dit: J'ai
décidé de donner la même subvention à l'entreprise
no 26 parce que les 25 autres entreprises l'avaient obtenue. Cela, c'est grave.
Cela veut dire que, dans le Québec, on ne peut plus marcher sans
subvention. Toutes les compagnies doivent être subventionnées,
autrement cela ne marche pas. Cela ne tient pas debout.
Si une compagnie est capable de vivre
indépendamment sur le plan financier, faire son argent, elle
n'aura pas besoin d'une subvention de la part du gouvernement, cela veut dire
de la part de nous, les contribuables, c'est tous les Québécois
et Québécoises qui payent pour cela. Cela c'est grave.
M. le Président, le premier ministre a parlé hier de la
représentation officielle du Québec à l'étranger.
Il dit: On a besoin de cela. On a besoin de gens qui vendent nos produits. Dans
mon comté, la semaine dernière, j'ai reçu cela. Regardez
ce beau dépliant: Le Québec dans le monde. Regardez cela, M. le
Président, en cinq couleurs. Plus que jamais une
nécessité. Ce n'est pas possible. Combien cela coûte? Je
demandais à un imprimeur de Montréal, est-ce que c'est cher, ce
dépliant? Il a dit: Cela, c'est en cinq couleurs imprimées. C'est
bien beau. Qu'est-ce que cela fait? Cela, c'est pour promouvoir, cela vient du
ministère des Affaires intergouvernementales. Cela ne vient pas du
ministère du Commerce extérieur parce qu'ils sont des
concurrents. Pour la simple population qui veut savoir de qui cela vient, cela
vient de M. Morin, le ministre. Il explique la fierté
québécoise dans le monde. Voici le Québec dans le monde.
On a le flash partout. C'est comme une ligne aérienne, on va partout,
nous autres: Los Angeles, Hong-Kong, Japon, Buenos Aires, etc. Cela vient de
son ministère. Il ne parle pas du commerce extérieur, cela c'est
un autre ministre. Il ne parle pas non plus d'un autre ministre, qui s'appelle
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il y a trois ministres
qui se bataillent entre eux. Donc le ministre des Affaires
intergouvernementales a décidé de lancer ce feuillet pour nous
dire ce qui est disponible.
On a demandé, à la commission des engagements financiers,
combien coûte notre représentant du Québec au Mexique, par
exemple? Le ministre Bérubé, président du Conseil du
trésor, a répondu: Savez-vous, nos représentants de
Québec auront le droit de vivre de la même manière que les
ambassadeurs du Canada. On a dit: Cela coûte un peu moins cher, cela
devrait coûter moins cher parce que nous sommes tout de même une
petite province dans tout le Canada. Non, non, non, non, il faut respecter le
Québec. C'est leur manière d'agir, tandis que nous, nous n'avons
rien contre les représentations de l'extérieur, on demande une
rentabilité. On aimerait bien savoir, au lieu d'avoir la grande bataille
de la fierté, qui est le "boss" et qu'est-ce que ça rapporte
à la province de Québec.
Il ne me reste pas beaucoup de temps, M. le Président. Je me
rappelle qu'hier, pendant le discours du premier ministre, pas un
applaudissement des péquistes. Ils étaient tous ici. Mais quand
il a parlé du régime -les deux dernières pages de son
discours - là, il y avait des applaudissements. J'ai compté, cinq
fois ils ont éclaté, debout avec les larmes aux yeux parce qu'il
a parlé du régime. Qu'est-ce qu'il a dit? Je vais vous dire ce
qu'il a dit: II faut se permettre d'entrer, nous les Québécois,
"dans la grande foule des nations libres et modernes." Tout le monde debout
avec les larmes aux yeux. Ah! Savez-vous? "Les nations libres et modernes..."
(21 h 50)
J'écoutais ça et je me disais: Ce n'est pas possible.
"Nations libres et modernes!" Demandez à tous les Ukrainiens, les gens
des pays de l'Est de l'Europe qui sont ici. Le Canada, le Québec, ce
n'est pas une nation libre? Vous devriez être choqués par ce que
vous avez dit. Pour moi, M. le Président, c'est une insulte à la
population de parler comme ça, de dire que nous ne sommes pas une nation
libre et moderne. Demandez ça aux Noirs qui viennent de tous les coins
du monde, pour qui c'est possible d'entrer au Canada. Ils feront tout leur
possible pour entrer ici, légalement ou illégalement. Quand ils
arrivent à Mirabel ou à Dorval, ils sortent de l'avion, ils
tombent à terre et ils embrassent la terre du Québec parce qu'ils
sont bienvenus au Québec, qui fait partie du Canada. Vous avez la
scandaleuse attitude de dire: On veut avoir notre nation libre et moderne. S'il
vous plaît!
Hier, le premier ministre a dit: On veut parler de la question
nationale. Encore toute la gang debout avec les larmes aux yeux.
Deuxième fois! La question nationale!
Quand on les rencontre un par un, M. le Président, ils sont
corrects, ils sont gentils, ils sont normaux, ils sont humains, mais en masse,
en groupe, comme Parti québécois, quand quelque chose arrive ils
sont transformés je ne sais pas en quoi. C'est incroyable de voir
ça, je l'ai vu hier, je l'ai vécu et ça me fait peur.
La question nationale! Qu'est-ce qu'il a dit? Encore une
troisième fois, debout tout le monde. On veut réaffirmer son
intention de placer la question nationale... et il faut passer par
l'indépendance. Il a parlé d'indépendance. Une
quatrième fois, applaudissements, tout le monde debout.
Indépendance!
M. le Président, vous savez très bien que
l'indépendance est arrivée dans les pays de l'Ouest de l'Europe.
Cette semaine il y a un problème, ils sont indépendants mais ils
sont aussi interdépendants. Ils ont eu cette semaine une grande crise
monétaire, ils se sont mis ensemble, ils ont réglé
ça parce qu'ils ont réalisé très vite - je viens
d'un de ces pays de l'Europe de l'Ouest - qu'il faut se mettre ensemble et non
pas se diviser. Ils ont réglé le problème parce qu'ils
réalisent leur interdépendance. Pas ici, on ne veut rien savoir
de ça. Ici, de l'autre côté de la Chambre, le Parti
québécois retourne au
XV111 siècle. Pour eux c'est l'indépendance, la
liberté. Finalement, il faut vivre libre. Je me suis dit: Ce n'est pas
possible'. Mais je l'ai vu, je l'ai vécu et je suis choqué de
l'avoir vu.
Le premier ministre a dit: II faut que notre jeunesse - c'est grave, il
l'a dit -fasse "sauter le verrou pour que le Québec, sa jeunesse
surtout, puisse prendre enfin son avenir à pleine main." Mais dire:
"faire sauter le verrou", savez-vous que c'est presque inciter quelqu'un
à poser un geste de quasi-violence. "Faire sauter le verrou!"
Qu'est-ce qu'on veut faire? On construit le programme de 20 semaines au
provincial et envoyez vite à Ottawa pour 50 semaines. Que voulez-vous
faire? Vous allez faire le programme et on les gardera ici pendant 70 semaines
parce qu'on ne peut plus les envoyer à Ottawa, on les gardera ici pour
20 semaines et ensuite un autre programme et on paie pour dans le Québec
indépendant.
Quand j'ai entendu le premier ministre hier, j'ai pensé: Lui,
c'est un médecin qui a une drogue miraculeuse pour tous les maux du
Québec. Une drogue miraculeuse! Comment s'appelle cette drogue? Cela
s'appelle l'indépendance. S'il vous plaît, mesdames et messieurs
de la population du Québec, prenez cette drogue, l'indépendance,
et on va guérir tous les maux du Québec.
M. le Président, je voudrais terminer sur cela. Quand j'ai
entendu le Dr Lévesque, René Lévesque essayer de vendre
cette drogue, déjà ses commissaires, autour de lui, sursautaient
avec les larmes aux yeux, l'applaudissaient quatre ou cinq fois parce qu'ils
sont prêts, eux, à prendre cette drogue. Je me suis dit: Ce n'est
pas un docteur, c'est ce qu'on appelle en anglais un "witch doctor", c'est un
sorcier-guérisseur.
Une voix: Un charlatan!
M. Polak: C'est ce qu'il est parce qu'il essaie de vendre une
drogue alors que tout le monde sait très bien que ça ne marchera
jamais. Il essaie de vendre à la population, comme un vrai
sorcier-guérisseur, une drogue qui s'appelle l'indépendance du
Québec. Il ne sera pas capable de la vendre. Il n'a pas réussi
à le faire lors du référendum et il essaie de revenir
là-dessus. Les gens ont évolué, ils sont matures et nous,
la population, ne sommes pas prêts à acheter cette formule.
C'est malheureux que ce soit la seule fois où les
péquistes, de l'autre côté de la Chambre, l'ont applaudi.
Cinq fois de suite, je les ai comptées. Ils ne l'ont pas applaudi une
fois quand il a parlé du programme sur l'économie. Pas un seul
applaudissement, personne! Mais quand il a parlé de la drogue
miraculeuse qui s'appelle l'indépendance, ils l'ont applaudi cinq fois
de suite. Je trouve cela triste. Vraiment, je m'attendais à mieux que
cela.
En terminant, je vais citer la page 2 du discours inaugural du premier
ministre. Je cite M. René Lévesque, PM du Québec: "Bien
sûr, le changement est déjà là, partout,
irrésistible. On n'a qu'à ouvrir les yeux pour le constater."
Avec cela, je suis d'accord, mais je dois ajouter une chose: La population en a
assez du gouvernement du Parti québécois. Merci.
Des voix: Bravo! Excellent!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je demande l'ajournement du débat, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip du
gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, je fais motion pour que nous
ajournions nos travaux à mardi, 14 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos
travaux sont ajournés à mardi, 14 heures.
(Fin de la séance à 21 h 56)