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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, June 12, 1984 - Vol. 27 N° 105

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle, ni de présentation de projets de loi.

Au dépôt de rapports de commission, M. le vice-président de la commission de l'agriculture.

Étude détaillée des projets de loi 73, 82 et 74

M. Dupré: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 8 juin 1984 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 73, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et diverses dispositions législatives. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

J'ai l'honneur, également, de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 6 juin 1984 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits marins. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 6 juin 1984 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Rapports déposés. M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail.

Étude détaillée des projets de loi 87 et 70

M. Fortier: En l'absence de Mme la Présidente, il me fait plaisir de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 7 juin dernier afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses. Le projet de loi a été adopté sans amendement.

Également, il me fait plaisir de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé également le 7 juin dernier afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 70, Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium du Canada, Ltée. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Rapports déposés. Dans le cas du projet de loi 87, on me signale que la motion de déférence avait été faite à la mauvaise commission. C'est en effet la commission de l'économie et du travail qui l'a étudié, mais, à l'origine, la motion de déférence avait été faite à la commission de l'aménagement et des équipements. J'imagine que la Chambre ne verra pas d'objection à ce que nous corrigions la motion de renvoi? Bien, adopté. M. le Président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Étude détaillée des projets de loi 76 et 86

M. Fallu: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 7 juin 1984 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 76, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les transports. Le projet de loi a été adopté sur division avec amendements.

Également, je dépose le rapport de la commission qui a siégé le 6 juin 1984 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 86 Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Ce projet de loi a été adopté sur division, avec amendements.

Le Président: Rapports déposés. Au dépôt de pétitions, M. le député d'Argenteuil.

Demande de pension des religieux enseignants sécularisés après 1965

M. Ryan: M. le Président, en conformité avec l'article 64 de nos règles de procédure, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assembée par huit cent trente-deux pétitionnaires membres et dirigeants du Comité provincial pour la défense des religieux enseignants sécularisés après 1965 agissant avec l'appui de nombreux corps politiques, sociaux et éducatifs, dont l'Assemblée des évêques du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, le Conseil du statut de la femme et de vingt-neuf mille neuf cent quatre-vingt-quatorze citoyens et citoyennes signataires d'une pétition analogue adressée aux autorités concernées et jointe à la présente pour en illustrer le sérieux et l'ampleur, invoquant

les faits suivants:

À savoir que les enseignants sécularisés depuis 1965 se sont vu enlever le droit qu'ils possédaient jusque là à une pension égale à celle de leurs collègues laïques sécularisés avant 1965 et que, malgré leurs nombreuses démarches, toutes les tentatives de règlement faites jusqu'à ce jour ont donné des résultats insatisfaisants, et concluant ainsi: 1° "À âge égal et à années de services égales, il doit y avoir égalité de droits en matière de retraite pour tous les enseignants sécularisés du Québec; et "2° Les enseignants sécularisés depuis 1965 affirment compter sur le sens de la justice qui doit animer les membres de l'Assemblée nationale pour obtenir, grâce à leur intervention active dans ce dossier, une réponse prochaine, équitable et satisfaisante à leurs justes revendications."

Le Président: Je rappelle à nos visiteurs, pour la forme, qu'il est interdit dans les tribunes de manifester quelque approbation ou quelque désapprobation. Ce qui nous mène à la période des questions des députés.

M. le député de Jean-Talon.

Questions et réponses orales

Le gouvernement du Parti québécois et l'option de souveraineté

Une voix: Comment ça va?

M. Rivest: Ma question s'adresse au ministre des "Affaires canadiennes". Peut-être que la meilleure question serait justement cela: cela va bien ce matin? Oui.

Une voix: Le chef des "nationaleux".

M. Rivest: Vendredi dernier, à l'Assemblée nationale, vous avez souligné le caractère profondément démocratique de la définition des orientations de votre formation politique. Ma question est la suivante: Dans le contexte de la crise économique qui a frappé de très nombreux travailleurs et de très nombreux Québécois, en particulier les jeunes, des difficultés au niveau des investissements et de la relance économique qui tarde à poindre, qu'est-ce que le ministre des "Affaires canadiennes" entend communiquer comme interprétation du congrès de la fin de semaine dernière à ses interlocuteurs canadiens avec qui il doit négocier de bonne foi pour améliorer la situation? D'ailleurs, M. le ministre, je vous rappelle qu'au moment de votre désignation comme ministre des "Affaires canadiennes" vous aviez souligné que les chicanes stériles et négatives, vous entendiez enfin les réduire à leur minimum. Je vous demande quelle crédibilité, aujourd'hui, vous aurez, lorsque vous allez vous adresser à un ministre du gouvernement canadien ou à ministre d'une autre province, pour essayer de développer des projets concrets pour les Québécois.

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, trois choses. D'abord, au niveau du préambule du député, je dirai que, s'il est exact que le Québec, comme la plupart des autres sociétés occidentales, a connu une période extrêmement difficile sur le plan économique, de la même façon, à mon avis, il est exact que nous ne pouvons envisager que l'avenir nous réserve au Québec, pas plus qu'ailleurs dans la plupart des sociétés occidentales, un paysage social et économique qui sera très différent. Il faudra que les sociétés, y compris la nôtre, prennent un certain nombre de moyens pour aménager cet avenir. C'est dans cette perspective d'un aménagement québécois des nouvelles réalités sociales et économiques qu'un parti auquel j'appartiens et auquel je suis fier d'appartenir a préparé substantiellement un programme et des perspectives sociales et économiques qui pourront continuer d'être approfondis, mais qui sont un cheminement extrêmement important.

Deuxièmement, je dirai qu'il est vrai que le Québec a connu ses difficultés et qu'on ne saurait en imputer l'existence au gouvernement. Il est aussi vrai qu'au moment de la reprise qui s'est fait connaître depuis quelques mois le Québec a mieux "performé" en termes relatifs sur le plan économique que le reste du Canada - il faut s'en souvenir - sous ce gouvernement dont on connaît l'orientation et l'option fondamentale à l'égard de la défense de l'idée force que nous formons un peuple qui, un jour, pourra s'assumer entièrement sur le plan politique.

Quant à nos interlocuteurs et la crédibilité qu'on rechercherait de celui qui vous parle ou de quelque représentant que ce soit du gouvernement du Québec avec, notamment, les autorités fédérales, je vous dirai que le problème de crédibilité ne repose pas, en ce moment, au niveau du gouvernement du Québec, il repose au niveau du Parti libéral fédéral qui est dans une course à la "chefferie" qui donne lieu à une semence complètement hystérique de pseudo-projets économiques sur notre territoire.

Le Président: M. le député de Jean-Talon. À l'ordre! À l'ordre!

M. Rivest: Le ministre des Relations internationales déclarait, hier soir, à la télévision que s'il était un temps où, à

l'intérieur du Parti québécois et du gouvernement, on pouvait penser que le Parti québécois, tout en étant autonomiste, pouvait être en quelque sorte une certaine Union Nationale moderne et adaptée, ce temps-là au lendemain du congrès était maintenant terminé, ce qui change, à mon avis, substantiellement...

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: ...les conditions. Alors, je voudrais demander au ministre si un ministre fédéral avec qui vous discutez, quand il parle à un ministre québécois, qui veut la fin du régime fédéral et qu'il y a en cause des projets de développement et des projets économiques créateurs d'emplois, que pensez-vous que le ministre fédéral va vouloir faire ou dire alors qu'il sait très bien que vous êtes contre le régime fédéral? C'est le problème fondamental dans lequel vous inscrivez le Québec pour le reste du mandat que vous avez à faire.

Le Président: M. le député. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, à l'égard de nos interlocuteurs fédéraux, je rappelle qu'il y en a la moitié dans une course à la "chefferie" et qui sont trop occupés pour s'asseoir assez longuement aux tables de négociation.

Deuxièmement, ce à quoi nous aspirons et pour quoi, en ce moment, nous devons nous battre constamment et déployer une énergie considérable ou exigeante, c'est de mettre fin aux incursions constantes de l'État fédéral dans la vie du Québec.

Troisièmement, ce que nous souhaitons, M. le Président, et ce qui, à mes yeux, reste souhaitable pour le peuple québécois, c'est de pouvoir un jour traiter d'égal à égal avec le reste du Canada.

M. Rivest: M. le Président.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je voudrais dire au ministre que ce que le congrès souhaite, ce n'est pas de traiter d'égal à égal, c'est l'indépendance du Québec. Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes est-il d'accord avec cela?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, la notion de souveraineté implique, par définition, l'égalité des interlocuteurs, quelle que soit leur dimension.

M. Rivest: M. le Président, question additionnelle.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Le ministre est-il au courant que son parti a maintenant complément abandonné l'idée d'association, d'où le vocable d'égal à égal?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Johnson (Anjou): Au contraire, M. le Président. Le député de Jean-Talon, qui a tendance à couper les coins un peu rond quand il cite, quand il évoque des textes, des discussions ou des déclarations, saura qu'au contraire le congrès de fin de semaine du Parti québécois n'a pas écarté totalement cette dimension. Cependant, comme j'ai eu l'occasion de lui répondre jeudi ou vendredi dernier, la question de l'association du Québec avec le reste du Canada ou d'une association économique avec les États-Unis n'est pas une affaire idéologique mais, de fait, est une affaire qui touche les intérêts du Québec. C'est à partir des intérêts du Québec que nous voulons déterminer le type d'association que nous ferons avec les autres.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, après avoir entendu le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes tourner autour du pot, comme c'est sa spécialité, puis-je demander au premier ministre, la stabilité politique étant un facteur important et essentiel au développement économique, si, après les décisions et orientations prises en fin de semaine, il écarte la possibilité ou l'opportunité d'aller au peuple, d'avoir des élections générales le plus tôt possible?

Le Président: M. le premier ministre. (10 h 20)

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président, pour la bonne et simple raison -j'enchaîne assez directement sur ce que vient de dire le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes -que, à mesure que se développe un plan de relance qu'on a bien mis au point et qu'on a fait démarrer laborieusement, à mesure qu'on constate que les efforts du gouvernement -c'est évidemment, d'abord, le dynamisme du

milieu lui-même qui a "performé" comme ça - qui sont en plein déploiement ont aidé quand même à ce qu'en 1983, le Québec se relève de la crise plus rapidement, au point de vue de l'emploi, surtout, que n'importe où au Canada, qu'actuellement, on prévoit, et en grande partie grâce aux politiques du gouvernement, qu'il va y avoir 38% d'augmentation d'investissement industriel, le plus stratégique de tous, alors qu'il y a une certaine baisse dans le reste du pays, je crois que ce n'est pas le moment de laisser le navire entre les mains d'un parti qui ne sait même pas s'il va avoir un programme ou pas, qui ne sait même pas quelle attitude prendre sur quoi que ce soit.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, maintenant que lui, le premier ministre, et son gouvernement savent exactement où ils veulent amener le Québec, n'est-il pas essentiel d'aller au peuple et de poser cette question le plus rapidement possible pour éviter justement l'instabilité politique qui est très néfaste au bien des citoyens du Québec, particulièrement à ceux qui sont privés d'emploi à l'heure actuelle?

Le Président! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): C'est comme si j'avais répondu à un sourd il y a un instant. C'est évident qu'il y a encore beaucoup de gens ici... Avez-vous vu les chiffres pour le reste du pays? Avez-vous vu les chiffres à propos des jeunes, par exemple, sur lesquels vous versez des larmes de crocodile, après avoir été ceux, dans votre gouvernement, qui ont décrété la discrimination à propos de l'âge, qui l'ont empirée pendant six ans, qui ne l'ont même pas indexée et qui n'ont jamais eu ni le courage, ni le bon sens de mettre au point les programmes de réinsertion qui étaient prévus dans votre décision?

Cela étant dit, il n'y a pas de cachette, ça fait quatorze ans, depuis la première élection - en fait, cela avait commencé avant, parce qu'il fallait s'entraîner - que le Parti libéral du Québec répète sans arrêt, entre les élections et pendant toutes les campagnes électorales, qu'un vote pour nous est un vote non pas pour la souveraineté, mais un vote pour le séparatisme, et on essaie de donner la couleur la plus sinistre possible à ce vote. Je ne vois pas de quoi se plaignent nos adversaires si on dit: Oui, positivement un vote pour nous serait un vote pour l'avenir du Québec dans le sens de vraiment lui donner toutes ses chances, c'est-à-dire la souveraineté.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président. Si j'ai bien compris le premier ministre, un vote pour un candidat péquiste c'est un vote pour la séparation du Québec, pour l'indépendance du Québec. Dans ces circonstances-là, n'est-il pas d'avis qu'on ne peut pas vivre des mois et des mois avec ce climat d'incertitude, d'insécurité et d'instabilité politique sans affecter le bien-être des citoyens du Québec, des Québécois et des Québécoises qui attendent d'avoir un véritable gouvernement en avant d'eux et un gouvernement qui va s'occuper de leurs intérêts?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de laisser le premier ministre répondre, puis-je inviter les députés, lorsque c'est le chef de l'Opposition qui a la parole, tout particulièrement, à respecter son droit de parole et, inversement, lorsque c'est le premier ministre, le chef du gouvernement, à respecter également son droit de parole?

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est vrai, il me semblait que c'était une sorte de cassette parce que je retrouvais à son meilleur - ou à son pire, comme on le voudra - le chef de l'Opposition dans ses discours électoraux. Cela étant dit, vous savez qu'il y a une tradition qui est qu'on doit rejoindre les chefs des autres partis. C'est normal, la courtoisie. D'abord, je dois dire que je ne sais pas, introuvable comme il l'est, si je pourrais rejoindre M. Bourassa dans un cas comme celui-là actuellement. De toute façon, j'aimerais mieux attendre que le chef libéral ait eu lui-même le sens démocratique au moins d'essayer d'entrer dans cette Chambre et d'y tenir son rôle, après quoi on pourra examiner la question ensemble.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rivest: M. le Président, question additionnelle au premier ministre. Si la décision du congrès est à ce point claire et qu'elle s'inscrit dans la continuité dans ce qui a été l'histoire du Parti québécois, est-ce que le premier ministre, au lieu de parler du chef du Parti libéral du Québec, ne pourrait pas simplement tenter de rejoindre ses ministres qui sont dissidents sur la question, soit le ministre des Affaires culturelles, le ministre des "Affaires canadiennes" et combien d'autres, et d'éliminer l'instabilité profonde de son gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, est-ce que nos amis libéraux ne devraient pas se préoccuper de leur côté - parce que chacun a ses problèmes - d'un certain flottement en ce qui concerne les élections fédérales? Il semble que dans la filiale rouge de la maison mère d'Ottawa il commence à y avoir des dissensions. J'entendais parler de certaines choses dans l'Ouest de Montréal en ce qui concerne l'appui aux conservateurs. Qu'est-ce qui vous prend?

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, je regrette de devoir répéter ma question au premier ministre. Je pense qu'il l'a mal saisie. Il y a, à l'intérieur du Conseil des ministres, des ministres qui se sont exprimés publiquement et qui émettent des réserves très sérieuses quant aux orientations du parti et du gouvernement. Est-ce que le premier ministre conçoit que cela ajoute au facteur souligné par le chef de l'Opposition, c'est-à-dire l'instabilité d'un gouvernement qui, maintenant, ne sait plus où il va?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): C'est vraiment parler de la paille dans l'oeil de l'autre quand on a la poutre dans le sien. Quand je regarde l'état de désarroi de la pensée -autant qu'on puisse appeler cela une pensée -quand je regarde le flottement complet hors de la Chambre comme celui à la Chambre, du Parti libéral du Québec sur des problèmes centraux, constitutionnels, post-scolaires etc. et que je regarde ce que cela promet au Québec, je pense qu'il faut laisser le temps à ce parti de devenir quelque chose d'à peu près convenable même simplement comme opposition.

M. Gratton: Est-ce que je pourrais demander au premier ministre, M. le Président, si on ne retrouve pas la vraie raison de son refus de déclencher des élections le plus tôt possible dans les propos du président du Conseil du trésor qui disait en fin de semaine: Connaissez-vous beaucoup de dindes qui souhaitent un Noël prématuré?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Avant de laisser le président du Conseil du trésor expliquer, s'il le peut, sa recette, je dois dire que je connais tout de même beaucoup de chasseurs qui vendent la peau de l'ours très vite, comme cela s'est déjà vu.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, le député de Gatineau est un pince-sans-rire un peu comme moi et si on utilise parfois des allégories en faisant référence à des animaux en politique pour mieux colorer ses propos, je vous dirai, en poursuivant sur les allégories, que j'aimerais bien mieux passer pour une dinde que de passer pour une couleuvre. Deuxièmement, une dinde est beaucoup plus propre, plus respectable, plus généreuse qu'une couleuvre. La dinde n'est peut-être pas le roi des animaux mais quand on ne l'aime plus, généralement on la préfère à la couleuvre qui est en face de nous. (10 h 30)

Le Président: Question principale, M. le député d'Argenteuil.

À l'ordre! À l'ordre! Entre les dindes et la couleuvre, il ne faudrait quand même pas confondre avec le poulailler. M. le député d'Argenteuil.

À l'ordre, M. le ministre de l'Agriculture. C'est tout simplement que, dans le concert de clameurs que j'entendais, votre voix est ressortie plus clairement.

M. le député d'Argenteuil, question principale.

La cause des religieux enseignants sécularisés après 1965

M. Ryan: M. le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du trésor que j'inviterais à revenir aux problèmes des êtres humains qui sont bien plus importants. Pour des raisons historiques qu'il serait trop long de rappeler, les religieux engagés dans l'enseignement au Québec ont oeuvré pendant très longtemps dans des conditions, au point de vue salarial, au point de vue accès à la retraite, qui étaient d'un extrême dénuement et pour lesquelles, nous leur devrons longtemps une dette de gratitude dont le Québec ne pourra jamais s'acquitter complètement.

Jusqu'à l'adoption de la loi 57, en 1965, l'enseignant religieux qui revenait à la vie laïque avait cependant accès au régime de retraite des enseignants et il avait le droit consacré par la loi de racheter ses années antérieures d'enseignement à des fins de retraite. La loi 57 de 1965 vint malheureusement abolir ce droit acquis. Depuis ce temps, les enseignants religieux revenus à la vie laïque se voient imposer des conditions de retraite inégales suivant qu'ils sont revenus à la vie laïque avant 1965 ou après 1965.

Devant l'échec des tentatives de solution qui ont été mises de l'avant par deux gouvernements successifs, en 1973 et en 1978, ces citoyens ont multiplié leurs interventions depuis quelques mois auprès des autorités concernées. Aujourd'hui, je voudrais demander au président du Conseil du trésor, à la lumière de la pétition que j'ai eu

l'honneur de déposer ce matin et pour l'information des nombreux représentants de ce groupe qui sont dans les galeries aujourd'hui, s'il est disposé à reconnaître au nom du gouvernement que ces personnes défendent une cause juste? Deuxièmement, est-il disposé à recommander au gouvernement d'agir afin que le droit acquis, qui a été enlevé à ces personnes en 1965, leur soit restauré dans les meilleurs délais?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, quant à la question fondamentale qui est posée par le député d'Argenteuil à savoir si ces personnes défendent une cause juste, je pense qu'on peut répondre affirmativement. En effet, elles défendent une cause juste, mais il faut bien comprendre quelles sont les origines de la situation actuelle. Comme le député d'Argenteuil l'a lui-même souligné, ce problème a été créé en 1965. Ni lui ni moi n'étions là à cette époque, mais je pense qu'il reconnaîtra que c'est le gouvernement de l'époque, le gouvernement dirigé par M. Lesage, qui a créé cette situation problématique aujourd'hui.

Il sait sans doute aussi que les coûts rattachés à quelque solution que ce soit à ce problème sont très élevés. Selon qu'on essaie de régler le problème des enseignants qui sont d'ex-religieux ou d'ex-religieuses, ou le problème de ceux qui oeuvrent dans le secteur des affaires sociales ou dans d'autres secteurs du gouvernement, de même que celui des religieux enseignant aujourd'hui, les coûts peuvent varier entre environ 350 000 000 $ et 1 500 000 000 $. C'est donc beaucoup d'argent qui serait engagé dans une solution globale de ce problème.

Récemment, j'ai eu l'occasion de rencontrer le président de la CEQ et le président du Regroupement des enseignants ex-religieux et ex-religieuses et nous avons convenu d'une chose. Dans un premier temps, on a convenu de bien s'entendre sur les données financières du problème. D'ores et déjà, nous sommes à travailler avec les gens de la Commission administrative des régimes de retraite, du secrétariat du Conseil du trésor et des représentants de la CEQ à bien cerner les coûts de toute solution à ce problème. En effet, il ne servirait à rien de discuter d'un problème et de solutions théoriques sans bien connaître les coûts qui y sont rattachés.

Enfin, on aura prochainement l'occasion de se revoir - je parle de la Centrale de l'enseignement du Québec et celui qui vous parle - pour faire le point, si on s'entend sur le plan actuariel et financier des coûts rattachés à cette solution et, dans un deuxième temps, pour envisager quelle pourrait être l'avenue de solution. Quant à moi, j'ai d'ores et déjà indiqué que le gouvernement avait déjà fait un premier pas en 1978, qu'il pourrait éventuellement être prêt à en faire un, mais j'ai également demandé à la Centrale de l'enseignement du Québec, au nom des enseignants qu'elle représente, tant les enseignants ex-religieux et ex-religieuses que les laïques, dans quelle mesure, quant à eux, si le gouvernement était prêt à faire un pas au nom de la collectivité en faisant appel à des ressources financières fournies par l'ensemble de la collectivité, la générosité des enseignants pourrait également s'exprimer de manière concrète en acceptant qu'une partie ou la totalité des coûts d'une solution soit imputée aux cotisants actuels du Régime de retraite des enseignants ou RREGOP.

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le président du Conseil du trésor, ayant invoqué l'exemple d'autres catégories de serviteurs de la communauté qui pourraient être entraînées dans la voie qui est demandée par les enseignants ex-religieux, est-il prêt à reconnaître que, de toutes les catégories qu'il a mentionnées, la catégorie des enseignants ex-religieux sécularisés après 1965 est la seule qui détenait en 1965 un droit acquis consacré par la loi et qui n'était pas, entre parenthèses, un privilège? Deuxièmement, pourrait-il nous donner une idée de l'ordre de grandeur - je sais que cela doit demeurer approximatif pour l'instant, mais quand même d'une solution qui impliquerait expressément les enseignants ex-religieux sécularisés après 1965, de manière que nous ne soyons pas perdus dans les catégories qui sont tout à fait hors de toute relation avec la réalité de ce problème-ci?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, comme je ne connais pas suffisamment tous les droits acquis qui auraient pu exister aux environs de 1965, je ne pourrais répondre à la question du député d'Argenteuil.

Effectivement, je reconnais une chose, c'est que, par la loi de 1965 - oui, c'est bien beau, de faire des signes de tête, mais qu'est-ce que vous voulez - le gouvernement libéral a modifié les règles du jeu et nous sommes aux prises, 20 ans plus tard, avec un problème que vous avez créé et on essaie de le corriger.

Quant aux coûts afférents à une solution portant uniquement sur le cas des enseignants et des enseignantes ex-religieux et ex-religieuses, cela dépend - je l'ai indiqué tantôt au député d'Argenteuil - de la nature de la solution qui serait apportée. Un ordre de grandeur d'à peu près

350 000 000 $ est la meilleure prévision qu'on puisse faire présentement, mais, encore une fois, il y a des travaux de raffinement, des analyses qui sont en train de se faire présentement sur ces questions.

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le président du Conseil du trésor est-il au courant que, dans une réponse qu'il me faisait l'an dernier à ce sujet, son prédécesseur, qui est actuellement ministre de l'Éducation, avait invoqué le cas des employés des anciennes sociétés privées d'hydroélectricité, nationalisées en 1964, et avait dit que s'il fallait régler le problème des ex-religieux, il faudrait également régler ce problème-là au coût approximatif de 200 000 000 $? Le ministre sait-il que, depuis ce temps, le cas des anciens employés des sociétés nationalisées a été effectivement réglé par voie de négociation collective au coût approximatif de 87 000 000 $? Le ministre est-il prêt à rechercher activement une solution suivant les mêmes principes qui ont présidé au règlement du cas des anciens employés des sociétés nationalisées?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, il ne fait aucun doute que je suis disposé à trouver une solution. Bien avant que le député d'Argenteuil ne pose la question, dans les premières semaines qui ont suivi mon arrivée au Conseil du trésor, comme mon prédécesseur avait déjà commencé à le faire, nous avons poursuivi des rencontres. Je le dis publiquement, j'étais heureux de voir que la CEQ s'intéressait à ce dossier, parce qu'il m'apparaît, s'il y a une volonté de partage de la part de la Centrale de l'enseignement du Québec, qu'il y aurait une possibilité de trouver une solution à ce problème. Je n'ai pas attendu à aujourd'hui pour commencer à travailler et à rechercher activement une solution. (10 h 40)

Quant à la situation des nationalisés d'Hydro-Québec, mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, qui connaît bien mieux que moi le dossier, pourrait certainement vous donner les résultats des travaux qui ont été faits à cet égard et la solution qui a été trouvée.

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais dispenser le ministre de l'Énergie et des Ressources de toute intervention parce que j'ai tous les textes de ces ententes qui ont été faites. S'il voulait les résumer toutes ce matin, ce serait très long. Je pense qu'on est d'accord sur le fait qu'il y a eu... Pardon? Le Président: Question.

M. Ryan: Non, mais ce n'était pas nécessaire parce que vous nous avez toujours dit qu'Hydro-Québec...

Le Président: Nous ne ferons pas de débat sur une question qui est déjà réglée.

Question complémentaire, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Question complémentaire à l'intention du ministre de l'Éducation. Le ministre de l'Éducation est-il prêt à s'engager à faire en sorte que les conditions qui président à la mise à la retraite anticipée soient assouplies et révisées de manière que l'accès des ex-religieux enseignants à une retraite décente, normale, dans les mêmes conditions que les autres, soit facilité au cours des prochaines années de manière que soit également favorisé le rajeunissement accéléré du personnel enseignant?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Bérubé: M. le Président, d'une part, nous avons effectivement mis en place toute une série, toute une gamme de mesures visant à permettre une mise à la retraite anticipée des enseignants plus âgés de manière à dégager des postes et à permettre donc de donner du travail à plus de nos enseignants mis en disponibilité présentement. D'autre part, une somme de 40 000 000 $ avait été prévue à cette fin lors de la discussion du printemps dernier et, à la suite des accords Désilets, nous avons retiré de ce montant de 40 000 000 $ environ 25 000 000 $ pour les attribuer à une amélioration des conditions de travail des enseignants. Ce qui a fait en sorte qu'il n'est resté que 15 000 000 $ à des fins proprement de mise à la retraite prématurée.

Or, une mise à la retraite prématurée coûte extrêmement cher. C'est le moyen le plus coûteux que nous ayons à notre disposition pour créer de l'emploi en un sens et, par conséquent, le nombre des enseignants pouvant profiter de ces mesures est limité. Il me paraît donc difficile dans ce contexte d'envisager un assouplissement généralisé de cette mesure puisque, de toute façon, elle répond, compte tenu du budget, relativement à un petit nombre de demandes.

Le Président: Question principale. M. le député de Mont-Royal.

L'affaire Sonamar-Desgagnés M. Ciaccia: M. le Président, ma

question s'adresse au ministre des Transports. Quand le gouvernement a injecté une somme de 375 000 $ dans Sonamar, c'était pour favoriser le développement d'une industrie de transporteurs maritimes québécois afin de permettre à ces derniers d'avoir accès à des contrats de plus grande importance. À l'origine, il avait été convenu que, pour avoir un équilibre, les actionnaires ne devaient pas avoir plus de 25% des actions. Cela incluait le gouvernement et le ministère des Transports.

Le groupe Desgagnés a effectivement pris 44% des parts de la société et domine le conseil d'administration. Cela a eu des conséquences négatives pour l'industrie. Par exemple, nous avons vu la semaine dernière que le groupe Desgagnés a préparé une soumission plus élevée pour Sonamar afin de se faire accorder un contrat au prix que Desgagnés le voulait. La compagnie Seleine, qui dirige une mine de sel aux Îles-de-la-Madeleine, avait accordé un contrat de 5 000 000 $ plus élevé à Sonamar. Desgagnés est l'administrateur de la compagnie Seleine de même que de la compagnie Sonamar. Le but de l'engagement était de mettre un navire québécois en chantier et ainsi favoriser la mise en chantier de navires québécois. Plus d'un an s'est écoulé et ce sont encore les navires de Desgagnés qui font le transport. Cette condition n'a donc pas été remplie.

Quelles sont les dispositions qu'entend prendre le ministre des Transports pour éviter qu'au cours de l'assemblée générale annuelle de Sonamar, qui doit se tenir aujourd'hui même, M. Yvon Desgagnés favorise de façon exclusive les navires de sa flotte personnelle et du groupe Desgagnés, étant donné la domination qu'il exerce sur Sonamar?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: Effectivement, il y a une rencontre ce matin des actionnaires de Sonamar. Je voudrais simplement rappeler que M. Desgagnés avait été nommé par le conseil d'administration responsable de la gestion de l'entreprise sur une base intérimaire; il a donc été nommé de façon intérimaire et cette question sera sûrement débattue ce matin, à l'assemblée générale des actionnaires. Dans le contexte où nous étions, dans lequel Sonamar a été créée, il y a plusieurs années, des blocs d'actionnaires étaient à égalité, chacun détenant, grosso modo, 25% des actions.

Une des choses à souhaiter serait que l'on revienne à une certaine parité entre les actionnaires de sorte que l'on puisse prendre des décisions négociées, mais sur lesquelles tout le monde s'entend, afin que l'avenir du transport maritime pour les Québécois puisse être vu dans un contexte d'harmonie et aussi de progrès.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Quelles sont les dispositions qu'entend prendre le ministre des Transports pour s'assurer que M. Yvon Desgagnés ne soit pas en conflit d'intérêts vis-à-vis de ses propres intérêts, de ses intérêts de gestionnaire de Sonamar et de ses intérêts de gérant de transport chez Seleine?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: Ce que je viens de dire indique la voie que nous entendons suivre: des décisions importantes d'orientation de l'entreprise Sonamar qui, je voudrais le souligner, est une entreprise privée dans laquelle le gouvernement n'a que 25% des actions, seront prises dans un esprit de progrès et de bonne entente plutôt que de confrontation.

Quant à nous, il est normal que l'on puisse discuter du rôle de M. Desgagnés comme responsable de l'administration et de la gestion de Sonamar; ce sera sûrement un point à l'ordre du jour de ce matin. Ce qui s'est passé lors du dépôt des offres de soumissions, il y a quelques semaines déjà... Cela devrait se faire dans un contexte où personne n'est en conflit d'intérêts; donc, M. Desgagnés ne devrait pas l'être. À ce moment-là, le conseil d'administration devrait être impliqué, si jamais quelqu'un est responsable de l'administration en même temps qu'il l'est aussi chez Sonamar.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Si le ministre vient d'admettre qu'il y avait conflit d'intérêts, serait-il prêt à retourner à l'étape des appels d'offres quant au contrat octroyé au groupe Desgagnés au détriment des autres actionnaires?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: J'ai dit, la semaine dernière, que le gouvernement a signé le contrat avec celui qui avait fait l'offre la plus basse. Il y avait aussi le groupe Logistec qui avait présenté une offre plus basse que Sonamar, mais plus élevée que la soumission conforme de M. Desgagnés. À l'heure actuelle, il faut constater que le gouvernement a donné le contrat à celui qui a présenté l'offre la plus basse. C'est un point.

Par ailleurs, que quelqu'un, chargé de

l'administration de Sonamar, fasse une soumission au nom de Sonamar et en fasse une en son nom propre, c'est une question qui doit être débattue au sein du conseil d'administration de Sonamar et elle sera sûrement évoquée d'abord au niveau de l'assemblée générale des actionnaires; les décisions là-dessus seront prises au niveau du conseil d'administration.

Le Président: M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Le ministre des Transports sait-il que l'un des navires de la flotte Desgagnés, qui doit être utilisé pour exécuter le contrat de la desserte du Nord québécois, a un équipage composé de marins n'ayant pas leur résidence au Québec? Le ministre a-t-il l'intention de permettre que ce contrat soit exécuté quand même, avec un équipage non québécois, alors que des milliers de professionnels, dans le milieu maritime québécois, sont en chômage et qu'il y a plusieurs navires inactifs? Le ministre a-t-il l'intention d'intervenir à ce sujet?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: Je n'ai pas vérifié la nationalité de tous les marins à bord des bateaux à l'heure actuelle. S'il y a des gens de l'extérieur qui peuvent nous aider, je pense qu'ils sont les bienvenus au Québec. La décision du gouvernement est prise par rapport aux appels d'offres et aux offres qui sont faites en soumissions et nous avons choisi la plus basse. Je pense qu'on s'en tient à cela.

Le Président: M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Le ministre est-il au courant que dans les contrats qui ont été signés pour desservir le Nord québécois, il y a une clause stipulant qu'on doit donner la préférence aux marins et aux personnes ayant leur résidence au Québec? Si le ministre n'est pas au courant de cette clause, j'aimerais qu'il nous dise à quoi il sert de mettre une clause semblable, s'il n'est pas prêt à faire les vérifications nécessaires pour la faire respecter.

Le Président: M. le ministre des Transports. (10 h 50)

M. Léonard: M. le Président, je pense qu'il s'agit d'une clause qu'on retrouve généralement, mais qui laisse aussi la liberté à ceux qui font des appels d'offres d'engager les gens qu'ils veulent dans le respect des lois et des règlements actuels du Québec.

Qu'il y ait une préférence, je pense que cela se comprend, mais cela laisse quand même une certaine liberté aux gens qui font des appels d'offres et à ceux qui administrent une entreprise d'engager les gens de leur choix.

Le Président: M. le député d'Ungava.

Les négociations avec les

autochtones au sujet du

droit de pêche au saumon

M. Lafrenière: On sait que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche négocie avec les autochtones au sujet des quotas de saumon. Aux dernières informations, il semblait que les négociations avec les autochtones soient dans une impasse. Est-ce que le ministre peut nous indiquer où sont rendues les négociations avec les autochtones pour ce qui est du droit de pêche au saumon?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: M. le Président, les négociations avec l'ensemble des bandes autochtones sont, depuis jeudi soir dernier, à toutes fins utiles, terminées. Il ne reste qu'à appliquer les ententes pouvant comporter certaines difficultés dans leur application. Les deux dernières bandes à avoir signé sont les Micmacs de Restigouche et les Montagnais de Natashquan.

En ce qui concerne Restigouche, nous nous sommes entendus sur un quota annuel qui vise la portion de pêche pour fins d'alimentation, ou à peu près. Les compensations que nous avons consenties, en contrepartie, touchent la création d'emplois et, plus particulièrement, le secteur du reboisement, où les autochtones pourront avoir une cinquantaine d'employés qui travailleront soit au reboisement, soit à d'autres projets propres à leur réserve.

Quant à Natashquan, c'est une expérience unique que nous vivrons cette année. Étant donné que le ministère des Travaux publics a procédé à l'expropriation des deux pourvoiries de Natashquan, à savoir Natashquan Safari et Pourchape, la bande indienne des Montagnais a accepté une expérience pilote de cogestion pour la gérance de Natashquan Safari avec mon ministère, de sorte que nous vivrons cette année une période d'initiation. On pourra même se permettre d'initier les autochtones à la gestion d'une pourvoirie proprement dite, en collaboration avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

J'ose espérer que cette année, dans l'ensemble du Québec, on n'aura aucun problème et qu'on pourra, de part et d'autre, autant les Blancs qui font de la pêche

sportive que les pêcheurs commerciaux et les autochtones... Toutes les catégories auront contribué à faire en sorte qu'on puisse travailler dans un même sens pour la sauvegarde de l'espèce. Que cela plaise ou non au député de Richmond, je pense que la population a le droit de le savoir.

Le Président: M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Est-ce que le ministre peut nous indiquer dans quelle mesure les ententes conclues avec les bandes autochtones respectent l'esprit de restriction imposé aux pêcheurs québécois pour la conservation du saumon?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: Mathématiquement parlant, je ne vous dirai pas que cela ne dépasse pas, à un endroit ou l'autre, de quelques centaines de livres. L'esprit des négociations a toujours été de demander aux autochtones le même effort qu'on demandait aux pêcheurs sportifs. Par exemple, pour les pêcheurs sportifs, là où on permettait quatre saumons par jour, ce sera trois; là où c'était trois, ce sera deux; là où c'était deux, ce sera un, en plus d'avoir une limite saisonnière qui est de sept, sauf à l'île d'Anticosti où elle sera de dix. Pour ce qui est de la pêche commerciale en Gaspésie, il n'y en a pas. Quelques programmes d'aménagement faunique seront offerts aux pêcheurs commerciaux de la Gaspésie cette année, en plus de la mise sur pied d'un programme de rachat d'équipement.

Pour ce qui est des autochtones, ils demandaient environ 30 000 livres par année. Nous avons réussi, à Restigouche, à signer une entente pour 15 390 livres, ce qui correspondait à la partie normalement reconnue pour fins d'alimentation et, à Natashquan également, 15 000 livres, avec un comité de surveillance pour la remontée, en ayant toujours derrière la tête qu'on a le pouvoir maintenant constant qu'on s'est donné avec la nouvelle réglementation de mettre fin en tout temps à tout type de pêche, parce que la gérance se fait par bassin et advenant que les géniteurs ne remontent pas au rythme normal, il se peut qu'en pleine saison, le ministre soit appelé à fermer toutes sortes de pêches dans n'importe lequel des bassins.

Présentement, au tout début, je peux vous dire qu'on a fermé douze rivières à saumon avant même l'ouverture. J'ose espérer en tout cas que le braconnage se fera sur une très faible échelle et que tout le monde collaborera à faire en sorte que cette année en soit une d'efforts maximaux pour une remontée maximale de géniteurs.

Le Président: M. le député de Duplessis, question complémentaire.

M. Perron: Question additionnelle, M. le Président. Dans le cas de la rivière Natashquan, est-ce que le ministre pourrait informer cette Chambre et la population, puisqu'il y a cogestion, de quelle façon se fera la répartition des emplois entre les Blancs et les Indiens?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: L'expérience pilote de cogestion que nous menons nous a amenés, en tant que ministère, à demander à la bande montagnaise de reconnaître l'embauche des Blancs, en particulier au niveau des guides et de la cuisine. On a soumis une annexe aux gens et l'objectif visé est à peu près de 50%-50% en termes d'embauche.

Je pense qu'il y a plus que cela à Natashquan. Je voudrais dire que, cette fois-ci, on a réussi à démystifier l'approche entre Blancs et autochtones. C'est que la bande de Natashquan, qui administrera conjointement, accepte que toute personne sans emploi à Natashquan puisse bénéficier également d'une pêche quotidienne et ce, sans paiement, dans la région ou dans la section de la rivière où la pêche, normalement, pour fins d'alimentation, était reconnue. Je pense que c'est un bon rapprochement entre les deux communautés et je suis fort heureux de cette entente.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une question additionnelle au ministre. Est-ce que le ministre négocie présentement avec les pêcheurs commerciaux de la Gaspésie en vue d'en arriver à une compensation qui, à mon sens, serait justifiée afin qu'on traite tout le monde sur le même pied?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: À deux reprises, jusqu'à maintenant, j'ai rencontré les pêcheurs commerciaux. On leur a demandé de nous présenter des projets qui serviraient de compensation, des projets où ils pourraient travailler à l'amélioration faunique. On a parlé de l'étang de Maria entre autres où on pourrait introduire des géniteurs, faire du reconditionnement de géniteurs dans l'étang de Maria. Dans un premier temps, on a été déçu d'avoir si peu de projets, si bien qu'on a demandé à nos employés du ministère de concevoir des projets avec eux et de mettre sur pied certains projets qui permettraient

précisément à certains de ces pêcheurs de pouvoir travailler et obtenir une certaine forme de compensation comme telle.

Cependant, l'approche que nous avons retenue, M. le Président, n'est pas de verser un chèque sans que rien ne se fasse. L'approche, c'est de payer pour un projet qui vise l'amélioration de l'aménagement faunique en guise de compensation. Je pense que nous y arriverons avec la collaboration des 49 pêcheurs commerciaux de la Gaspésie.

Le Président: La période de questions est terminée.

Aux motions sans préavis.

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Bédard: M. le Président, à partir de maintenant et jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures, à la salle 91, la commission du budget et de l'administration se réunira afin de procéder à l'étude détaillée des projets de loi privés suivants: 231, Loi concernant l'Oeuvre des vocations tardives; 202, Loi concernant la Compagnie du Trust Central et la Compagnie Crown Trust; 209, Loi concernant la Compagnie minière Gaspésie limitée et Sembec Inc; 211, Loi concernant l'Économie, Compagnie d'assurance sur la vie; 212, Loi modifiant la Loi reconnaissant les Assemblées de la Pentecôte du Canada comme corporation ecclésiastique dans la province de Québec.

Cette même commission du budget et de l'administration poursuivra ensuite ses travaux pour entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions législatives. (11 heures)

Conformément à l'article 121 de notre règlement, le ministre des Finances sera alors membre de la commission du budget et de l'administration pour la durée de l'étude de ce projet de loi détaillé. Ce sont les avis que nous avons à donner.

Le Président: Bien. Quant à moi, j'ai deux autres avis à donner. Immédiatement après les affaires courantes, la commission de la culture se réunira à la salle 80... Pardon? À la salle 80, immédiatement après les affaires courantes, la commission de la culture se réunira pour la vérification des engagements financiers dans le domaine de sa compétence. Ce soir, de 20 heures à 22 heures, à la salle 91, la commission du budget et de l'administration fera également la vérification d'engagements financiers dans le domaine de sa compétence.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: En vertu de l'article 86, j'aimerais soulever au leader du gouvernement deux questions ce matin qui portent sur la commission parlementaire de l'économie et du travail. Dans un premier temps, pourrait-il nous indiquer les dates auxquelles la commission parlementaire de l'économie et du travail se réunira pour entendre les parties directement concernées par le renouvellement du décret de l'industrie de la construction? Deuxièmement, est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous indiquer vers quelle date le ministre du Travail entend donner suite à l'engagement qu'il avait formulé lors de l'étude des crédits de son ministère en avril dernier pour que la commission puisse étudier et entendre les groupes concernés par la question du renouvellement du décret de l'industrie de la coiffure au Québec? C'est un engagement du ministre.

M. Bédard: Les dates ne sont pas fixées. Dès qu'elles le seront, nous en informerons le représentant de l'Opposition, M. le député de Portneuf, dans les meilleurs délais.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Vallières: Article 86, M. le Président; plusieurs questions écrites au feuilleton. Est-ce que le ministre peut nous donner son avis à savoir si on pourrait obtenir des réponses à ces questions avant l'ajournement de juin?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bédard: Je ferai toutes les représentations nécessaires auprès de mes collègues de manière que le plus de réponses possible soient données avant la fin de la session jusqu'à maintenant, c'est quand même dans un délai raisonnable que les réponses sont données. On comprendra que certaines des réponses demandent des recherches assez fouillées. Je verrai à faire en sorte que le plus de questions obtiennent réponse d'ici la fin de la session.

M. Charbornneau: M. le Président...

Le Président: M. le député de Verchères.

M. Charbornneau: Je voudrais demander le consentement des deux leaders puisque mercredi la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre doit entendre le fonds FCAC. On m'a dit qu'il y avait déjà trois commissions parlementaires et comme ce serait la quatrième qui siégerait il faut le consentement, semble-t-il, des membres. Je

pense qu'on serait mieux de régler cela aujourd'hui parce qu'on invite des gens. Si les gens arrivent et qu'on ne peut pas siéger, je pense...

Le Président: II s'agit de mercredi. Je conviens qu'il y a des gens qui sont invités. La façon normale de procéder en la matière c'est peut-être qu'il y ait des consultations en coulisses avec les représentants des deux groupes parlementaires. Si tel est l'accord des deux groupes parlementaires, de toute façon cela ne pose aucun problème, plutôt que de poser la question sur le parquet de la Chambre à brûle-pourpoint comme vous le faites. Encore que rien nous empêche de le faire.

M. Charbonneau: D'accord, je vais m'arranger avec les deux leaders.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Si vous permettiez, juste une remarque là-dessus. Je voudrais souhaiter que des deux côtés on écoute la requête qui a été faite, que les leaders puissent l'accueillir favorablement parce que la commission avait invité un groupe, le fonds de subventions pour la recherche, et ce serait dommage que l'activité ne puisse pas avoir lieu maintenant.

Le Président: Aux affaires du jour. En vertu des dispositions du règlement - c'est d'ailleurs inscrit au feuilleton aujourd'hui - il devrait normalement y avoir un débat restreint sur le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 1er juin 1984 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour les mois de février et mars 1984. En effet, la disposition du règlement, l'article 94 prévoit qu'il y a un débat d'une heure qui est prioritaire dans les quinze jours suivant le dépôt d'un rapport de commission. Puisqu'il n'y a pas d'exception prévue au règlement pour les engagements financiers, ils tombent donc sous la coupe de cet article. À la commission de l'Assemblée nationale nous avons convenu que cette disposition devrait être revue mais il faut le consentement de la Chambre pour que celle-ci ne s'applique pas et qu'il n'y ait donc pas, aujourd'hui, de débat sur ce rapport de commission en attendant que la commission de l'Assemblée nationale propose à l'Assemblée nationale des modifications au règlement. Y a-t-il consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président: Consentement, bien. Cela nous mène donc aux autres affaires inscrites au feuilleton, à l'adoption du principe du projet de loi 69, Loi modifiant la loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts.

La parole est au ministre du Revenu.

Projet de loi 69

Adoption du principe

M. Robert Dean

M. Dean: M. le Président, nous entreprenons ce matin le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts. Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un projet de loi de taille assez imposante; il s'agit de 160 pages et de 250 articles. C'est aussi un projet de loi complexe et détaillé mais qui, normalement, ne devrait pas susciter un long débat ni provoquer d'importantes controverses.

Le projet de loi 69 a pour objet l'harmonisation de certains aspects des régimes fiscaux fédéral et québécois. Le dépôt de ce projet de loi donne suite à la déclaration ministérielle du 17 décembre 1982 du ministre des Finances du Québec ainsi qu'à l'annexe 1 du discours sur le budget du 10 mai 1983 de ce dernier. Sans changer les orientations et principes fiscaux du gouvernement du Québec, nous tentons par ce projet de loi d'éviter l'apparition d'une jungle fiscale dont les contribuables feraient nécessairement les frais.

Ce projet de loi modifie donc la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts en y apportant des amendements semblables au projet de loi fédéral C-139 sanctionné le 30 mars 1983. En outre, M. le Président, ce projet de loi contient des mesures d'harmonisation annoncées dans la déclaration ministérielle du 17 décembre 1982 concernant les projets de loi fédéraux suivants: C-95 concernant le gain ou la perte en capital provenant de l'aliénation soit d'une chance de gagner un prix ou un pari, soit d'un droit de recevoir un montant en prix ou à titre de gain sur un pari; C-112 concernant l'exclusion du calcul du revenu de certains montants assujettis à la taxe prélevée en vertu de la Loi de l'impôt sur les revenus pétroliers et C-115 concernant le remplacement des expressions "allocation de formation professionnelle des adultes" et "Loi sur la formation professionnelle des adultes" par les expressions "allocation de formation" et "Loi nationale sur la formation".

Enfin, ce projet de loi apporte des modifications techniques pour corriger certaines dispositions actuelles de la Loi sur les impôts qui n'étaient pas tout à fait conformes aux énoncés de politique fiscale et la déclaration ministérielle du 3 mai 1984 du

ministre des Finances, M. Jacques Parizeau, notamment en ce qui concerne le régime d'épargne-actions. Il s'agit ici, M. le Président, de la seule contribution qu'on pourrait qualifier de strictement québécoise dans ce projet de loi. (11 h 10)

Le projet de loi 69 est un projet de loi hautement technique qui intéressera principalement les spécialistes de la fiscalité et qui facilitera le travail de ces derniers par une standardisation et une harmonisation de certains textes législatifs provinciaux et fédéraux en matière fiscale. Le projet de loi 69 porte, entre autres, sur les questions suivantes: les actions privilégiées à terme, les actions privilégiées à court terme et les obligations à intérêt conditionnel, l'étalement du revenu, les travaux en cours, les mines, le pétrole et le gaz, les intérêts courus sur les créances, les polices d'assurance ou les rentes, les titres de développement et obligations d'une petite entreprise, les filiales étrangères et les fiducies étrangères, les gains de capital, les règles à l'égard du décès du contribuable, les fusions et les liquidations de corporations, les corporations d'assurances sur la vie, les fiducies, les régimes sociaux, le régime d'épargne-actions, le revenu gagné au Québec par un non-résident et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts. Pour le contribuable québécois, cet exercice a pour but d'éviter dans la mesure du possible et dans le respect de nos orientations fiscales le dédoublement des dénominations pour un même objet, de favoriser la concordance des textes de même nature de façon que ce dernier puisse facilement passer d'un système à l'autre.

Nous sommes conscients que les contribuables ont à faire face à des lois fiscales complexes et nous avons à coeur, dans les objectifs d'humanisation des services qui sont les nôtres, de ne pas les compliquer davantage, mais, au contraire, de les simplifier dans la mesure du possible. C'est ce que nous tentons de faire par le projet de loi 69. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: M. le Président, le projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts, est une telle brique - comme le ministre l'a dit, c'est une brique de 160 pages et de 250 articles - et c'est quelque chose de tellement compliqué que, même si je suis avocat depuis 34 ans, je ne le comprends pas. J'ai dû faire appel à des experts en fiscalité pour me le faire expliquer. C'est un problème. On fait face à des lois de l'impôt - et je parle de la population en général - que personne ne comprend.

On peut dire que, oui, il y a des choses compliquées, comme le ministre l'a mentionné, des filiales de compagnies étrangères, des compagnies pétrolières, etc., mais il a aussi mentionné dans son discours les PME du Québec. Cela veut dire que les petits commerces aussi... Ce ne sont pas tous les petits commerces qui peuvent engager de gros fiscalistes pour leur faire comprendre la loi. Ici, on fait face à des lois qui sont tellement compliquées que ce sont seulement des fiscalistes ou des experts en taxation qui peuvent les comprendre. Parfois même, des comptables agréés ont besoin de la recherche d'experts dans certains domaines pour comprendre la loi. Je me demande s'il ne serait pas temps que le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa fassent quelque chose pour simplifier ces lois, pour que ce ne soient pas seulement des avocats, des fiscalistes et des comptables qui puissent les comprendre, mais pour que messieurs les contribuables les comprennent aussi. Personne ne s'oppose à payer des taxes raisonnables, mais on veut comprendre pourquoi et comment on les paie. Il n'y a personne qui peut comprendre les lois de l'impôt actuellement. C'est trop compliqué, c'est trop long et je me demande pourquoi on ne peut pas les simplifier. Depuis des années, on a essayé de simplifier les formules et on en est arrivé à les faire simplifier passablement mais, malgré cela, on ne les comprend pas. On nous dit de faire une soustraction de tel article et de tel article, de faire une addition de tel autre avec tel autre, mais on ne sait pas pourquoi c'est dans la loi. On ne comprend pas la loi. Pourquoi ne pas faire un effort, comme je l'ai dit, des deux côtés, pour simplifier davantage cette loi.

En passant, le Québec est la seule province qui ait sa propre loi sur l'impôt. Les neuf autres provinces n'ont pas leur propre loi sur l'impôt. Elles paient leur impôt directement au fédéral et le fédéral, à son tour, retourne une portion aux provinces. Ici, on remplit deux déclarations d'impôt. Cela est un peu historique. Je n'entrerai pas dans ce domaine, mais le fait est là; au Québec, nous avons une double imposition, par la loi fédérale et par la loi provinciale.

Le député de Lac-Saint-Jean dit qu'on aura la séparation, la souveraineté. C'est ce que je voulais demander au premier ministre aujourd'hui. Il fait tellement de distinction entre les mots "séparation" et "souveraineté" que je voudrais vraiment en connaître la différence. Pour être souverain, on se sépare. Si on se sépare, on est souverain. Je ne comprends pas qu'on recommence les jeux de mots.

Il y a une autre chose dans la loi ici que je trouve un peu curieuse comme

législateur et avocat et que je trouve même mauvaise. Le ministre dit que cette loi est en concordance avec la loi fédérale et avec certaines déclarations du ministre des Finances du Québec. Quand cela vient de la loi fédérale, comme pour toutes les lois fiscales, c'est rétroactif au discours sur le budget. C'est normal. On accepte cela. Les lois sur l'impôt sont normalement rétroactives à la date du discours sur le budget. Ce qui est curieux dans la présente loi, c'est qu'on a au moins des dizaines de paragraphes de dispositions qui sont rétroactives même à la date du discours sur le budget fédéral. Cela veut dire que le gouvernement du Québec fait une loi rétroactive sans raison. Peut-être qu'il a raison mais il est mauvais de faire des lois rétroactives, point. Les lois fiscales rétroactives à la date du discours sur le budget ou d'une déclaration ministérielle, cela va. C'est dans les coutumes ou dans les moeurs parlementaires. Mais faire des lois rétroactives de quelques années ou de quelques mois avant le discours sur le budget, je trouve que c'est de la mauvaise législation. À la commission parlementaire, je demanderai des explications au ministre pour me convaincre que c'est vraiment nécessaire. Concernant les autres aspects de cette loi, comme l'a dit le ministre, c'est tellement technique que nous allons vérifier cela auprès du ministre. Accompagné de mes fiscalistes, nous allons étudier les 250 articles de cette brique, de cette loi de 160 pages. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Roberval et adjoint parlementaire au ministre des Finances.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Comme ceux qui m'ont précédé l'ont souligné, il est évident qu'un projet de loi à caractère fiscal est toujours un peu aride. Le député de Saint-Louis peut bien dire qu'il n'y comprend rien, soit, mais je trouve cela un peu inquiétant par rapport au travail des parlementaires justement, ici, en cette Chambre, face à un projet de loi comme celui-là, dont l'application quotidienne influencera de façon quelconque la vie de nos concitoyens. Je pense que le député de Saint-Louis aurait dû, comme ses collègues, probablement mettre au travail les recherchistes du Parti libéral - on sait qu'il en a plusieurs - afin de gratter chacun des articles de ce projet de loi pour essayer de voir quelles en seront les implications sur la vie des citoyens.

De fait, la plupart des articles de ce projet de loi sont des ajustements de concordance avec certaines mesures fiscales fédérales annoncées dans le budget. Il aurait peut-être été intéressant qu'un des députés de l'Opposition puisse expliquer aux citoyens dans quelle mesure les annonces fédérales avaient changé des choses et de quelle manière il fallait que le gouvernement du Québec s'harmonise avec ces changements. (11 h 20)

M. Blank: Faites-le!

M. Gauthier: Le député de Saint-Louis me dit de le faire. Mais, certainement, je vais le faire! Certainement, je vais expliquer aux citoyens du Québec un aspect du projet de loi 69 qui apporte des modifications, celui concernant le régime d'épargne-actions. Malheureusement, dans le temps qui m'est imparti, je ne pourrai pas faire le tour du projet de loi; c'est dommage, j'aurais cru que mes collègues d'en face en auraient fait un peu plus.

Nous devrons revenir un peu en arrière pour expliquer aux gens que le ministre des Finances du Québec, mettant sur pieds, lors d'un récent budget, le régime d'éparge-actions, voulait permettre à l'ensemble des citoyens du Québec d'atteindre trois objectifs principaux.

D'abord, à ceux dont les revenus sont particulièrement élevés et dont on dit qu'ils paient trop d'impôt de façon générale, on voulait permettre, par une mesure qui pourrait être excellente, stimulante pour l'économie du Québec, de réduire quelque peu l'impôt à payer en investissant. Voilà un premier objectif du régime d'épargne-actions.

Un deuxième était de permettre aux sociétés d'accroître leur capital permanent. Quand on parle de développement économique, l'essentiel, la base de ce qu'il faut faire, c'est de permettre aux entreprises de bénéficier d'un capital permanent qui leur permette de se développer et de soutenir une croissance qui est parfois difficile lorsque l'on manque d'argent.

Le troisième objectif, et non le moindre, était d'accroître l'intérêt des Québécois et des Québécoises, des petits épargnants, pour le marché des valeurs mobilières en les incitant à devenir propriétaires de leurs entreprises. Voilà un troisième objectif poursuivi par le ministre des Finances.

Il s'est produit un certain nombre de choses depuis ce temps. Il y a eu, bien sûr, des entreprises qui ont scruté les mesures extraordinaires annoncées par le ministre des Finances, mesures qui ont d'ailleurs favorisé dans une très grande mesure l'implication des Québécoises et des Québécois, petits épargnants, dans l'achat d'actions et, selon l'objectif du ministre des Finances, dans l'acquisition d'entreprises. Le système financier étant, j'oserais dire, fort complexe, il existait, bien sûr, différents types d'actions et voilà que certains hommes d'affaires, dans la perspective de ne pas

perdre le contrôle de l'entreprise qu'ils dirigent et voulant bénéficier de l'apport de capitaux permanents que permet le régime d'épargne-actions, voulant garder une espèce de contrôle des décisions sur leur entreprise - dans certains cas, c'était peut-être louable - ont commencé à distinguer, de façon assez importante dans certains cas, les différents types d'actions offertes en vente. Plusieurs exemples ont été remarqués et il fallait apporter un correctif à cette situation, il fallait apporter certaines précisions par la loi 69.

Par exemple, certaines personnes favorables à ce système à actions différenciées disaient qu'il était impossible de financer une PME autrement qu'à l'aide du régime d'épargne-actions. Si le ministre des Finances empêchait de rendre admissible l'achat d'actions sans droit de vote, par exemple, ou d'actions avec droit de vote très limité dans certaines circonstances, les gens qui voulaient qu'on soutienne le système disaient qu'il était impossible pour les entreprises de se financer autrement que par le régime d'épargne-actions. On veut bien croire que cela a été la mesure du siècle dans le monde financier au Canada, mais, tout de même, il existe d'autres endroits au Canada où les entreprises se financent sans cela et réussissent à tenir le coup. Ce n'était donc pas un argument majeur de dire: Si vous excluez du régime d'épargne-actions les entreprises qui offrent au public des actions sans droit de vote, ou a droit de vote extrêmement limité, vous allez les empêcher de se financer, donc de se développer. C'est vrai que c'est un régime formidable. C'est vrai que c'est un outil puissant pour les entreprises du Québec qui veulent en profiter. Mais ce n'est pas le seul moyen pour ces entreprises de trouver des ressources financières.

La deuxième raison qu'on apporte, c'est que les fondateurs des entreprises risquent de perdre le contrôle s'ils ouvrent des émissions d'actions importantes, et qu'il est possible qu'ils perdent le contrôle de leur entreprise. Je pense qu'il est nécessaire pour un propriétaire d'entreprise qui détient le contrôle de son entreprise de garder en quelque sorte les rênes de cette compagnie. Mais imaginez le sort qui est fait à ceux ou celles, petits épargnants, qui veulent concourir à l'objectif du ministre des Finances de les rendre propriétaires, les constituer partie prenante à la gestion des entreprises. Que le propriétaire puisse bénéficier du capital apporté par ces investisseurs sans partager d'aucune façon ou à peu près pas son pouvoir, c'est assez anormal. Il nous semble qu'il faille, non pas seulement faire profiter les épargnants des avantages fiscaux, mais aussi leur permettre de profiter de ces investissements, non seulement dans le sens du rendement de l'investissement, mais leur donner la capacité de prendre des décisions dans l'entreprise. On veut garder au petit épargnant qui se fera attirer par les avantages fiscaux du régime la possibilité de contrôler d'une certaine façon l'entreprise dans laquelle il investit ses économies. Cela me semble tout à fait normal et c'est une protection qu'il m'apparaît essentiel de conserver.

Il y a eu certains abus flagrants du régime. Il y a eu des entreprises qui, voulant profiter du régime d'épargne-actions, voulant profiter du système, ont inventé une façon de faire quelque peu critiquable. C'est pour cela qu'aujourd'hui, le projet de loi 69 apporte des corrections ou des précisions devenues nécessaires. À titre d'exemple, l'ultime trouvaille: une entreprise dont les propriétaires du capital ont créé et acheté 5 000 000 d'actions privilégiées à 0,01 $ comportant chacune un droit de vote. Pour 50 000 $, les propriétaires actionnaires de base d'une entreprise avaient le contrôle total et complet de l'entreprise, alors qu'ils offraient sur le marché, sur une base de 6 $ l'action, des actions différenciées comportant un droit de vote seulement. C'était là une façon fort intelligente pour des hommes d'affaires voulant garder le contrôle de l'entreprise, mais fort peu équitable et fort peu compatible avec les objectifs du régime d'épargne-actions que de prendre le contrôle de l'entreprise pour 50 000 $ et de mettre en vente des actions qui coûtent 6 $ l'action, comportant un droit de vote moins important qu'une action de 0,01 $.

Il était facile de voir que de ne pas apporter les précisions requises, aurait été, de la part du ministre des Finances, et du ministre du Revenu qui parraine le projet de loi, un geste reprehensible, parce que l'un des objectifs du régime d'épargne-actions qui est de permettre aux Québécoises et aux Québécois, petits épargnants, de prendre le contrôle, de s'initier à la propriété des entreprises, de jouir de leur participation dans ces entreprises et non pas de confier tout bêtement leur capital sans aucun droit de regard, n'aurait pas été atteint. (11 h 30)

Lorsque le ministre des Finances a fait sa déclaration ministérielle le 3 mai 1984 concernant cet aspect particulier du régime d'épargne-actions, il disait qu'il avait dû considérer, d'une part, les arguments en faveur - parce que le système s'explique lorsqu'on l'utilise correctement - de l'admission au régime d'épargne-actions d'un certain nombre d'actions à droit de vote limité. Il avait considéré les arguments des uns, le système qui existe et qui n'est pas nécessairement mauvais en soi puisqu'il répond à des nécessités, à des obligations du monde financier.

D'autre part, il avait dû considérer les objectifs du régime qu'il avait mis en place,

ces objectifs étant de permettre aux Québécoises et aux Québécois de devenir des investisseurs et de profiter, d'une certaine façon, de la propriété des entreprises, de les intéresser à la gestion de ces entreprises. Il avait dû considérer également les points de vue de ces gens afin, par la suite, d'évaluer, comme c'est son rôle de ministre des Finances, l'importance des arguments des uns et l'importance des arguments des autres pour finir par préciser que les actions ordinaires ou privilégiées convertibles en actions ordinaires, émises par les corporations en voie de développement, seront admissibles selon certaines données. Mais, pour les actions ordinaires avec plein droit de vote, c'est-à-dire des actions comportant un nombre de droits de vote en toute circonstance, indépendamment du nombre d'actions possédées, qui ne doit pas être inférieur à celui des actions de toute autre catégorie, le ministre des Finances a choisi d'accorder, de rendre admissibles au régime d'épargne-actions les actions comportant un droit de vote normal, non pas un droit de vote réduit, un droit de vote qui empêche le citoyen de profiter pleinement, de gérer pleinement l'entreprise dans laquelle il investit son argent. C'est là un aspect du projet de loi 69 que je tenais à couvrir et qui comporte, je pense, pour chacun des citoyennes et citoyens une espèce de protection.

À tous ceux qui ne seraient pas satisfaits d'une telle orientation prise par le ministre des Finances et le ministre du Revenu dans le projet de loi 69, il reste toujours les mécanismes traditionnels de financement qui existent ailleurs dans les autres provinces au Canada, qui existaient au Québec avant que le ministre des Finances n'implante ce régime d'épargne-actions. Tous ceux et celles qui veulent profiter du régime d'épargne-actions sauront dorénavant qu'ils sont protégés. Toutes les entreprises qui voudront, par le programme d'épargne-actions, avoir cet apport de capital nécessaire au développement de leurs affaires et au soutien de leur croissance pourront en profiter, sachant cependant qu'elles devront consentir à ceux et à celles qui investissent dans l'entreprise une part du pouvoir, un droit de vote équivalent à ce qu'elles-mêmes possèdent.

M. le Président, c'est un projet de loi qui, pour un de ses aspects, est éminemment important pour les citoyens du Québec qui nous écoutent. C'est vrai que c'est technique, c'est vrai que la lecture article par article de ce projet de loi n'est guère inspirante pour autre chose que des fiscalistes experts ou des avocats spécialisés dans le domaine. Je pense que tout parlementaire qui se donne la peine de gratter un des aspects de ce projet de loi peut présenter à ses concitoyens, de façon vulgarisée, les intentions gouvernementales qui sont derrière ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, si j'interviens sur ce projet de loi, mes premiers mots seront pour dire mon accord avec le député de Saint-Louis une fois de plus sur certaines de ses remarques. Ce que nous allons adopter aujourd'hui comme loi fait écho à un projet de budget fédéral -écoutez bien la date - déposé en novembre 1981. Nous sommes en juin 1984, presque trois ans. C'est dire que le monde des comptables, le monde des entreprises, le monde de ceux qui ont à vivre les conséquences des lois fiscales a été en attente durant trois ans de l'adoption d'une loi définitive qui clarifie l'ensemble des lois fiscales du Québec en harmonisation avec celles du gouvernement fédéral. Si je souligne ce si long délai, presque trois ans avant cette harmonisation, il faut bien rappeler les événements. Le ministre des Finances, M. McEachen, il y a trois ans, a déposé un projet de budget fédéral qui a soulevé tellement de hauts cris dans l'ensemble du milieu des affaires, du milieu commercial, du milieu financier, qu'il a été obligé complètement de "tabletter" son projet de changement.

Déjà en février ou mars 1982, quelques mois après, M. McEachen, encore ministre des Finances, annonçait de multiples changements et de multiples comités d'étude sur plusieurs aspects contestés. Peu après, survenait la nomination d'un nouveau ministre des Finances, M. Lalonde, qui, en juin 1982 annonçait lui-même d'autres changements à la suite des changements annoncés par M. McEachen. À la suite de consultations durant l'été et à l'automne 1982, M. Lalonde, le nouveau ministre des Finances, annonçait encore là des choses définitives, mais d'autres projets d'étude sur des choses qui avaient été annoncées en novembre 1981. En somme, l'adoption... Quand on parle d'harmonie avec le fédéral...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je pense que vous pouvez y aller pour cinq minutes.

M. Marcoux: Ce que je voudrais dire, c'est que si on n'a jamais vu un tel cafouillis dans l'adoption d'un budget du gouvernement fédéral annoncé en 1981, amendé à de multiples reprises à la suite de la création de comités d'étude, à des avis d'experts du milieu financier, du milieu commercial, du milieu des affaires, on en a eu un bel exemple depuis trois ans. C'est ce qui explique que c'est seulement aujourd'hui

que nous avons étudié ce projet de loi visant à harmoniser les lois fiscales du Québec avec les lois fiscales du gouvernement fédéral qui ont été adoptées l'an dernier, mais annoncées très longtemps auparavant. Évidemment, ceci a certainement causé certaines difficultés au milieu de la comptabilité, au milieu des affaires, mais des difficultés relatives, dans le sens que le ministre des Finances, procédant très rapidement, contrairement a son vis-à-vis fédéral, avait déjà indiqué la volonté du gouvernement du Québec de s'harmoniser avec l'essentiel, presque l'ensemble du projet de budget ou du projet de loi fiscal du gouvernement fédéral.

Le problème, c'est qu'on ne pouvait pas s'harmoniser d'une façon définitive parce qu'on ne savait pas quel changement viendrait. Or, le gouvernement fédéral a annoncé à trois reprises des changements majeurs. Même que, la dernière fois, après l'adoption du projet de loi, le lendemain de l'adoption du projet de loi en 1983, le ministre fédéral des Finances annonçait 68 amendements au projet de loi qui venait d'être adopté. C'est pour dire qu'au niveau de la fiscalité au sein du gouvernement fédéral, on a nagé en pleine confusion durant les deux dernières années et demie. À partir du moment où cette confusion existait, il fallait que le gouvernement fédéral ait le temps de faire le ménage dans sa cour avant que nous puissions adopter une loi qui s'harmonise avec la dernière version définitive du gouvernement fédéral. C'est ce qui explique ce délai de trois ans ou presque avant que cette loi soit présentée à l'Assemblée nationale.

Je suis convaincu qu'elle sera adoptée d'ici la fin de nos travaux, d'ici la fin de cette session, parce que le milieu financier, le milieu de la comptabilité en général, a hâte de savoir de façon définitive, parce qu'il y a toujours des détails importants souvent pour le travail des milieux financiers, des milieux de la comptabilité dans l'application des lois fiscales. En ce sens, je suis convaincu que l'Opposition va concourir avec l'ensemble de mes collègues à l'adoption rapide de cette loi. C'est pourquoi mon discours sera très bref pour souhaiter que cette Assemblée nationale adopte en deuxième lecture dès aujourd'hui ce projet de loi. (11 h 40)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Au niveau du débat de l'adoption de principe d'un projet de loi comme celui-ci, qui modifie la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts, il faut retenir la complexité grandissante que les citoyens, contribuables et les entreprises ont devant eux à chaque modification de la Loi sur les impôts, à chaque discours sur le budget, à chaque déclaration ministérielle pour ajuster le tir. Je ne parle que du Québec parce qu'il se produit exactement la même chose mais en pire - cela a été illustré à certains égards par le député de Rimouski - la tâche a été cafouilleuse et compliquée au fédéral depuis trois ans. On voit ainsi des victimes extrêmement concrètes qui sont les citoyens, les entreprises, qui ne peuvent plus planifier. Qu'il s'agisse d'investissements, qu'il s'agisse d'un programme pour ajuster la structure corporative, qu'il s'agisse d'achat d'entreprise, qu'il s'agisse de transmission de l'entreprise à d'autres actionnaires, quand on veut élargir l'actionnariat, etc., les gens ont devant eux des projets de loi comme celui-ci - plus de 150 pages - qui nous arrivent à ce moment-ci, c'est presque inévitable.

Le ministre nous dit qu'il a fallu trois ans au fédéral pour se faire une idée; ici même, au cours de l'évolution que le ministère du Revenu doit suivre afin de s'ajuster sur le ministère fédéral, on n'a pas pu bouger avant l'adoption du projet de loi C-139 en mars 1983, il y a déjà quinze mois. Il est évident que si le projet final a été adopté en mars 1983, la session se terminant un peu avant la fête nationale, cela ne donnait pas le temps d'arriver avec un tel projet de loi. L'automne dernier, le gouvernement a été pris avec autre chose; il y a eu des ajustements additionnels, notamment au chapitre du régime d'épargne-actions dont le député de Roberval nous a entretenu. J'y reviendrai.

D'une présentation à l'autre, d'un examen à l'autre, d'une déclaration ministérielle à l'autre, la loi de l'impôt qui devrait n'avoir qu'une seule caractéristique, c'est-à-dire la clarté pour les entreprises et les contribuables, nage dans la plus parfaite confusion. Il y a des professionnels qui gagnent très bien leur vie à essayer d'interpréter les raisons pour lesquelles les virgules ou les points-virgules sont à un endroit ou à un autre dans les lois de l'impôt. On voit jusqu'à quel niveau - je ne dirais pas de ridicule car la loi de l'impôt n'est quand même pas ridicule - de complexité absurde les lois de l'impôt en sont venues. Cela retarde essentiellement le développement économique, comme je l'ai expliqué, des entreprises; c'est la même chose pour un individu qui essaie de planifier, dans la mesure où cela l'intéresse, le genre d'investissements qu'il veut faire. À titre d'exemple, s'il s'agit d'un courtier d'assurances ou de gens qui ont besoin de leur voiture pour voyager à l'occasion de leur travail, ils doivent toujours se demander comment la loi de l'impôt traitera les dépenses de voiture. On en arrive à la

situation où, au fédéral, ce n'est pas la même chose qu'à Québec.

Il y a une complexité grandissante qui doit faire l'objet d'une recherche obsessive de simplifier notre système fiscal de la part des ministères responsables de tout cela. Simplifier est une tâche; l'autre tâche est de refléter au moins la réalité et de s'assurer que les politiques gouvernementales sont conformes à la réalité qu'attendent le monde des affaires et les citoyens qui sont des contribuables. Je donne comme exemple de la difficulté à laquelle les contribuables ont eu à faire face le cafouillage - pas du gouvernement fédéral - du ministre des Finances avec son régime d'épargne-actions depuis plus d'un an. Le député de Roberval nous a expliqué qu'il fallait rendre le régime d'épargne-actions conforme aux attentes des contribuables, conforme à la politique du gouvernement, qu'il y avait des abus invraisemblables qui s'étaient manifestés dans le marché financier à l'occasion de l'adoption du régime d'épargne-actions depuis son adoption originale. Pourquoi parle-t-on du régime d'épargne-actions dans le projet de loi 69 qui est devant nous? C'est très clair. C'est dans les notes explicatives: "Le projet de loi apporte certaines modifications de nature technique ayant pour but de préciser ou de corriger certaines dispositions actuelles de la Loi sur. les impôts qui n'étaient pas tout à fait conformes aux énoncés de politique fiscale ayant servi de base à leur introduction, notamment en ce qui concerne le régime d'épargne-actions."

Qu'est-ce que cela veut dire, de façon claire? Cela veut dire que le ministre des Finances s'est levé ici en Chambre et a dit: Le régime d'épargne-actions va être modifié de telle façon. Ensuite, on a eu une loi, la loi 44, qui a été approuvée par le ministre des Finances, rédigée, oui, par les légistes ou les spécialistes du ministère du Revenu. C'est ainsi que cela se passe. On a éclairci cela en commission parlementaire et ensuite, cela retourne au ministre des Finances à qui on demande: Êtes-vous d'accord? Là, vous vous êtes levé en Chambre et avez dit: Le régime d'épargne-actions devrait être de telle façon. Le ministère du Revenu, fidèle à son mandat, a rédigé les amendements à la Loi de l'impôt. Il est retourné chez le ministre des Finances et lui a dit: C'est bien ce que vous vouliez? Le ministre des Finances lui a répondu: Certainement C'est ce que je vous ai demandé. C'est ce que j'ai dit dans mon discours sur le budget et dans mes déclarations ministérielles. C'est correct. On arrive ici en Chambre, fort de l'approbation de tout ce beau monde, comme quoi des dispositions extrêmement techniques que seuls des professionnels avertis qui font cela tous les jours et qui gagnent leur vie à faire cela peuvent comprendre. On adopte ce projet de loi, le projet de loi 44, pour s'apercevoir qu'il y avait des trous qui ont permis à des gens de se comporter d'une façon parfaitement conforme à la loi, mais qui était, selon ce qu'a prétendu le député de Roberval, une façon abusive de se servir du régime d'épargne-actions. On a donné, en vertu de la loi qui existait à la suite des déclarations du ministre des Finances, des façons de faire les choses ou des droits à des gens qui se sont prévalus de ces droits. Là, on a beau jeu de venir ici et de dire: Ces gens-là ont abusé de notre confiance. Ils ont fait ceci et ils ont fait cela.

La réalité des choses, c'est que dans le monde de l'entreprise, si la loi qui doit être interprétée très étroitement et restrictivement quand il s'agit d'une Loi sur les impôts, si elle permet de faire certaines choses, d'une part, y compris de s'assurer que les promoteurs et les propriétaires d'une entreprise en conservent le contrôle tout en élargissant la base de capital en faisant appel à l'épargne des gens qui veulent acheter des actions, si cela se passe, si cela est conforme à la loi, ce qui est important, c'est que dans chaque cas, conformément à ce que la Commission des valeurs mobilières demande, conformément à ce que la Bourse de Montréal demande, la divulgation totale et entière de la situation qui se présentait a été faite. Les gens qui achètent des actions à 6 $, alors que d'autres gens ont payé 0,01 $ et ont le même droit de vote, ils le savent, quand ils achètent une action. C'est la divulgation. C'est la vérité. C'est ce qui est important quand on regarde ce qui se passe sur le marché financier.

On ne peut pas accuser les gens de s'être prévalus des dispositions de la loi. Si la loi a été mal faite à cause du ministre des Finances ou pour d'autres raisons, ce n'est pas une raison pour se tourner de bord aujourd'hui et commencer à accuser tout le monde. La réalité des choses, c'est que les raisons pour lesquelles le régime d'épargne-actions a été adopté - c'est le ministre des Finances qui a dit cela - c'est pour retenir les sièges sociaux pour s'assurer que les gens qui paient trop d'impôts au Québec - et c'est vrai - trouvent un moyen de réduire leurs impôts et que les entreprises puissent avoir plus facilement accès à du financement public.

Aujourd'hui, on nous arrive avec une quatrième raison dont on n'a jamais entendu parler pour permettre aux Québécois et aux Québécoises d'avoir des actions dans des compagnies et de s'assurer, s'ils prennent des actions, qu'il n'y aura personne d'autre qui va les contrôler et que les promoteurs n'auront pas une meilleure situation. Les promoteurs et les propriétaires ont fondé cette entreprise. Ils veulent la faire grandir. Les gens veulent s'associer aux efforts de ces gens-là. Ce qui est divulgué, c'est qu'il y a des gens qui ont plus de droits de vote

que d'autres. On y va les yeux ouverts. C'est écrit noir sur blanc. La Commission des valeurs mobilières protège les gens qui investissent dans des actions.

Qu'on ne vienne pas nous dire aujourd'hui que les entreprises québécoises sont constituées de gens qui commettent des abus de confiance et des exagérations en se servant de la loi. La loi était mal faite. C'est clair. Ce n'est pas l'Opposition qui a fait la loi. C'est le ministre des Finances qui a déclaré quelque chose. Il a fait une demande à des légistes qui ont tenté, au meilleur de leur connaissance, de traduire dans la loi ce que le ministre des Finances voulait. Ils lui ont retourné le projet de loi et le ministre des Finances a dit: C'est parfait. C'était loin d'être parfait. C'est pour cette raison qu'on revient ici aujourd'hui et que le régime d'épargne-actions appelle des modifications. Donc, simplicité, d'une part. Donc, c'est une question de principe. Il faut vraiment essayer de retrouver la simplicité et la clarté dans nos lois sur l'impôt. (11 h 50)

Deuxièmement, le régime d'épargne-actions, notamment, est encore une illustration de la façon un petit peu rapide, un petit peu amateur avec laquelle le ministre des Finances veut intervenir dans le marché financier. Ce sont autant de choses qui devront être corrigées. Le problème de la simplicité ne me semble pas réglé par la loi 69. Le régime d'épargne-actions qui appelait des précisions va connaître ces précisions. On peut simplement souhaiter qu'on adopte cette loi le plus rapidement possible, parce que quinze mois et demi, c'est pas mal long.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre du Revenu, votre droit de réplique.

M. Robert Dean (réplique)

M. Dean: M. le Président, nous terminons le débat sur le principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts.

J'ai insisté dans mes remarques, et le député de Saint-Louis, à juste titre, l'a confirmé dans les siennes, sur le fait que cette loi fiscale, qui veut harmoniser nos lois fiscales québécoises aux lois fiscales fédérales amendées à la suite d'une série de discours du ministre des Finances du Canada, est complexe. Les deux parties sont d'accord là-dessus. Toutes les lois fiscales, malheureusement ou heureusement, sont complexes parce que ces lois doivent répondre aux problèmes sans cesse plus nombreux tant des citoyens et citoyennes que des entreprises. Lorsqu'il s'agit d'harmoniser deux lois fiscales complexes, je soutiens respectueusement que cela peut difficilement être une opération simple.

Les lois de concordance fiscale entre les lois québécoises et les lois fédérales font partie de notre vie législative dans notre régime fédéral depuis toujours, quel que soit le parti ou le gouvernement au pouvoir. Pour bien s'encourager, si on n'harmonisait pas les lois fiscales du Québec pour tenir compte des modifications aux lois fiscales d'Ottawa, cela deviendrait véritablement une jungle fiscale encore plus compliquée que chaque loi fiscale prise séparément. De toute façon, que les citoyens et citoyennes qui nous écoutent se rassurent. Lors de l'étude détaillée des 250 articles de ce projet de loi, les législateurs des deux côtés de la Chambre seront accompagnés et conseillés par des experts fiscalistes qui, d'ailleurs, ont déjà étudié en détail, de part et d'autre des deux formations politiques en cette Chambre, les stipulations de ce projet de loi. En passant, je ne peux que me permettre la réflexion suivante: Ne serait-il pas beaucoup plus facile si on n'avait qu'un système fiscal au Québec, contrôlé, proclamé et légiféré par le gouvernement du Québec, quel qu'il soit, pour les hommes, femmes et entreprises du Québec et selon les seules priorités du Québec?

Dans son intervention, le député de Saint-Louis a aussi souligné, toujours à juste titre, le fait que dans le présent projet de loi, en certains de ses articles, il y a des dates antérieures au discours sur le budget du ministre des Finances d'Ottawa ou des dates qu'il a prévues pour l'entrée en vigueur de ses lois. On revient à la date des changements apportés par le gouvernement fédéral rétroactivement avec notre loi d'harmonisation; cela fait partie de nos traditions, de nos habitudes. Comme l'a souligné le député de Saint-Louis, si on revient, dans certaines stipulations du projet de loi 69, à une date antérieure à l'annonce par le ministre fédéral des Finances, de ses propres amendements, c'est parce qu'il avait lui-même annoncé des dates rétroactives dans sa déclaration ministérielle. Je suis heureux de voir, par les signes de tête du député de Saint-Louis, qu'il est d'accord avec moi, ce qui facilitera, j'en suis certain, l'adoption éventuelle du présent projet de loi.

Avant de terminer, j'aimerais expliquer un peu plus en détail les éléments de ce projet de loi qui touchent le régime d'épargne-actions du Québec. Le régime d'épargne-actions du Québec est en application depuis l'année d'imposition 1979; c'est donc une innovation du présent gouvernement et de son ministre des Finances. Contrairement à d'autres régimes, comme les régimes enregistrés d'épargne-retraite, qui ne permettent que de différer l'impôt à une date ultérieure, le régime d'épargne-actions

permet aux particuliers de réaliser de réelles économies d'impôt.

Un contribuable particulier peut déduire de son revenu de 50% à 150% de la valeur des actions qu'il a acquises selon le type de corporation et l'année d'acquisition. Par l'établissement du régime d'épargne-actions, le gouvernement du Québec visait aussi à rendre disponible aux entreprises un capital susceptible de favoriser leur développement. À ce chapitre, le REA répond pleinement aux attentes puisque, en 1981, 33 530 particuliers ont investi 120 378 000 $ dans les entreprises québécoises.

Les chiffres pour 1982 montrent une très nette progression alors que près de 43 596 particuliers ont acheté pour 170 309 000 $ d'actions dans les entreprises québécoises. Le REA répond donc à l'objectif de la constitution de capital pour favoriser le développement d'entreprises et, de ce fait, stimuler notre économie et contribuer à la création d'emplois permanents et productifs. L'engouement des citoyens et citoyennes du Québec pour le régime d'épargne-actions n'a pas fini de se manifester et de s'amplifier. En 1983, le nombre d'investisseurs, hommes et femmes du Québec, a augmenté à 124 000; les comptes de placement détenus au nom de ces différents investisseurs ont augmenté à 140 000 par rapport à 65 000 en 1982 et le montant total de placement des Québécois et des Québécoises a atteint en 1983 le chiffre de 635 000 000 $, soit entre trois fois ou quatre fois plus qu'en 1982.

Le troisième objectif du gouvernement était la participation des citoyens du Québec à la gestion des entreprises par l'exercice du privilège de votation que confère la propriété des actions. À cet égard, l'expérience de l'application du régime d'épargne-actions a incité le ministre des Finances à apporter des correctifs à la Loi sur l'impôt, correctifs contenus dans le présent projet de loi. Ces modifications visent à favoriser l'achat par les particuliers d'actions comportant des privilèges maximaux en matière de droit de vote. Ainsi, le maximum de déductions prévu au REA s'appliquera désormais aux actions avec plein droit de vote. (12 heures)

Dans sa déclaration ministérielle du 3 mai 1984, le ministre des Finances a déclaré, et je cite: "Premièrement, les actions ordinaires, ou les actions privilégiées convertibles en actions ordinaires émises par des corporations en voie de développement, continueront à donner droit à une déduction égale à 150% de leur coût d'achat et, le cas échéant, à une subvention pouvant atteindre 410 000 $ pour les aider à défrayer les coûts d'entrée sur le marché, mais seulement à l'égard des actions ordinaires à plein droit de vote, c'est-à-dire aux actions comportant un nombre de droits de vote en toute circonstance, indépendamment du nombre d'actions possédé qui ne doit pas être inférieur à celui des actions de toute autre catégorie."

Je continue: "Deuxièmement, les actions ordinaires émises par des corporations qui ne sont pas des corporations en voie de développement, ni des corporations dont l'actif excède 1 000 000 000 $, continueront à donner droit à une déduction égale à 100% de leur coût d'achat, mais seulement à l'égard des actions ordinaires à plein droit de vote. "Troisièmement, les actions subalternes à droit de vote, c'est-à-dire les autres types d'actions votantes, ou les actions privilégiées convertibles en actions subalternes à droit de vote selon le cas, qui seront émises par les corporations en voie de développement, donneront droit dorénavant à leurs détenteurs à une déduction égale à 100% de leur coût d'achat alors que celles qui seront émises par des corporations qui ne sont pas des corporations en voie de développement, ni des corporations dont l'actif excède 1 000 000 000 $, donneront droit, quant à elles, à une déduction égale à 75% d'ici là."

Cette modification apportée par le projet de loi 69 au régime d'épargne-actions du Québec répond aux attentes des milieux intéressés. La Bourse, la Commission des valeurs mobilières, les courtiers en valeurs et les entreprises émettrices ont participé à la préparation de ces amendements. Ces amendements favorisent la participation des particuliers à la gestion des entreprises dans lesquelles ils investissent.

En terminant, j'espère - et j'en suis convaincu après l'unanimité manifestée par mes collègues de l'autre côté de la Chambre dans leurs interventions sur ce projet de loi - que nous allons rapidement procéder à l'adoption du principe du projet de loi 69, et passer, le plus rapidement possible, à son étude détaillée par les législateurs des deux côtés de la Chambre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Dois-je comprendre que le principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts est adopté?

M. Gratton: On ne peut rien vous cacher.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit envoyé à la commission de l'économie et du travail qui procédera à son étude détaillée. Je vous signale, à l'intérieur de cette proposition, que cette commission sera présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Gratton: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Blouin: M. le Président, nous allons maintenant parler d'aquaculture et de pêcheries commerciales. À cet égard, je vous demande d'appeler l'article 22) de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 48 Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est donc la reprise du débat sur l'adoption du projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives. La parole est au député de Rousseau, leader adjoint de l'Opposition - du pouvoir, excusez-moi.

M. Blouin: M. le Président, je cède donc la parole à M. le député de Nelligan.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, nous terminons un débat sur la loi 48 qui a commencé en novembre, soit il y a sept mois. Je vous suggère très respectueusement que si cette loi avait eu, comme l'affirme si souvent le ministre, l'assentiment de toute la population et du milieu des pêches, elle ne serait pas encore au feuilleton, sept mois après avoir été déposée en Chambre par le ministre. La raison pour laquelle ce débat a été tellement long, tellement acrimonieux parfois, a impliqué tellement de gens de notre côté du Parlement et ensuite du côté ministériel aussi, c'est que cette loi reflétait une situation de controverse dans le milieu. Le gens n'en sont pas satisfaits. Ils posent beaucoup de questions. Nous n'avons que reflété les pensées et les angoisses du milieu même.

Je regrette beaucoup ne pas avoir été en Chambre jeudi soir lorsque le ministre a fait son discours de troisième lecture concernant ce projet de loi parce qu'il a dit des choses qui sont tout à fait fausses. Par exemple, il a dit que notre parti ne s'intéressait pas au milieu de la pêche, qu'au cours d'un débat sur la loi 48 en troisième lecture, ni le chef de l'Opposition, ni le député de Saguenay qui est maintenant porte-parole en pêcheries, ni le député de Nelligan, n'avaient même pris la peine de venir assister au débat. En fait, la raison en est très simple. Lorsque la loi 48 a été appelée, il n'y a eu aucun préavis. C'est le gouvernement qui donne les préavis des projets de loi qui sont appelés. Le chef de l'Opposition avait des fonctions à remplir qui étaient établies depuis bien longtemps; le député de Saguenay était à Rimouski pour rencontrer des gens du milieu; encore une fois, c'était quelque chose qui avait été établi depuis assez longtemps. Moi-même, j'avais eu à aller voir des gens du commerce extérieur dans mon rôle de porte-parole du commerce extérieur, des gens des États-Unis qui nous avaient donné des rendez-vous.

Donc, que le ministre dise qu'on ne s'intéresse pas aux pêches et surtout de le dire pendant que nous ne sommes pas là pour pouvoir lui donner la réplique et qu'il fasse croire aux gens que le Parti libéral n'est pas présent dans ce milieu quand, depuis le dépôt de cette loi et depuis la dernière année et plus, nous avons multiplié nos rencontres et nos visites dans le secteur des pêches... Depuis qu'il a été nommé porte-parole du secteur des pêches, mon collège a été à plusieurs reprises dans la région des pêches. En l'espace de quelques heures, je sais que le ministre a fait des jeux de mots en pensant que cela allait faire rire la galerie des gens qui l'écoutaient, que le Parti libéral a la tradition d'aller aux Îles-de-la-Madeleine pendant la saison du homard.

En fait, la dernière fois que mon collègue et moi avons été ensemble aux Iles-de-la-Madeleine, le temps était infernal et la saison du homard n'était pas commencée. Ce dont je me souviens très clairement, c'est d'avoir rencontré des gens qui en avaient assez du ministre. Ils nous ont énuméré pendant presque une demi-journée, les préoccupations tout à fait profondes qui rejoignent celles des gens de la Basse-Côte-Nord et celles des gens de la Gaspésie; ils disent tous la même chose: Il est temps que ce ministre change, que les pêches soient données à quelqu'un de plus flexible, de plus humain et qui sait écouter et consulter.

Par exemple, le ministre a dit: Il était temps que le porte-parole des pêcheries change parce que celui qui était là n'était pas très crédible. Il a fait croire aux gens de la Gaspésie que concernant la loi 48, j'avais dit aux gens de la Gaspésie au cours d'une réunion qu'on allait délimiter des petits fonds marins, qu'on allait donner à chacun son petit territoire en mer, ce qui est faux.

Je vais me permettre de citer, par exemple, les paroles du ministre en commission parlementaire lorsqu'il parlait de cette même question lorsqu'il nous disait lui-même qu'il fallait faire exactement ce quise faisait en Corée. Je cite les paroles du ministre, M. Garon, en commission parlemen-

taire parlant de la loi 48 quand je lui demandais exactement ce qu'il allait faire au sujet de la répartition de ces fameux fonds marins qu'il va occuper maintenant sur la loi 48. Je cite M. Garon: "je vais vous dire une chose. Vous pouvez regarder cela ainsi, sauf que je suis allé voir les pêches en Corée. On pêche en Corée 2 800 000 tonnes de poisson. Il y a 600 000 tonnes d'élevage. Tout le territoire marin est quadrillé et attribué exactement comme du sol ou de la terre ferme." Ensuite, il me disait que c'est ce qu'on allait faire ici. On allait appliquer le genre de formule adoptée par les Coréens. On allait quadriller et on allait attribuer le territoire en le délimitant exactement comme s'il s'agissait du territoire terrestre.

Maintenant, il me dit que j'ai inventé ces choses. Pourtant c'est bien lui qui nous a dit cela. C'est bien lui qui a cité ces choses en commission parlementaire pour nous faire croire que, précisément, on diviserait les fonds marins en donnant cela aux pêcheurs et aux gens à qui le ministre attribuerait des permis lui-même. (12 h 10)

Il faudrait retourner un petit peu en arrière et faire un petit résumé de ce qu'est cette loi 48. Pour le gouvernement, la loi 48 vise à s'approprier les fonds marins dans un territoire qu'on ne connaît pas encore et qui, selon ce que le ministre nous a laissé entrevoir, pourrait s'étendre de la moitié de la baie des Chaleurs et tout le golfe Saint-Laurent jusqu'à l'est de I'Île d'Anticosti. Ces territoires marins jusqu'à présent, dans le milieu des pêches, sont de juridiction fédérale. Ils sont considérés comme des eaux internationales. Le ministre va dire: Nous assumons les fonds marins et quiconque dépose des engins de pêche, quiconque fixe des engins de pêche dans ces fonds marins, à l'est de l'île d'Anticosti jusqu'au large des Îles-de-la-Madeleine, jusqu'à la moitié de la baie des Chaleurs, du côté québécois, sera soumis à un double permis: un permis fédéral et un permis québécois.

Dans le territoire qu'il nous laisse entrevoir, il n'y a rien, qu'on sache, qui soit délimité par règlement. Le ministre, dans la loi 48, se donne des pouvoirs extraordinaires, des pouvoirs tellement exceptionnels que lui-même a reconnu qu'ils vont au-delà de tout pouvoir qu'un ministre s'est déjà donné dans une loi. Il a le droit de faire des permis, de défaire des permis, de délimiter des concessions de fonds marins, de les retirer s'il le veut. Il a le pouvoir de saisir, il a les pouvoirs d'expropriation et de confiscation. Il a des pouvoirs presque sans limite dans la loi, des pouvoirs discrétionnaires qui sont tellement exceptionnels que lui-même admettait que c'étaient des pouvoirs tout à fait extraordinaires. De plus, cette loi 48 prévoit une page entière de réglementation; douze articles de réglementation dont nous ne savons pas un traître mot. Nous n'avons aucune idée de ce que va être ce règlement. Plusieurs fois nous avons demandé en Chambre de déposer les brouillons de ces règlements pour qu'on puisse les lire, pour qu'on puisse savoir dans quelle aventure nous avançons. Le ministre a refusé. En fait, il nous disait que la raison pour laquelle on ne pouvait pas déposer la réglementation, on ne pouvait pas tenir une commission parlementaire que nous-mêmes et des centaines et des centaines d'intervenants, des associations, quelque chose comme seize associations demandions, parce que, c'était une affaire d'argent. Je cite le ministre: M. le Président, le député de Bonaventure, qui a une longue expérience, sait qu'on ne peut pas se comporter vis-à-vis d'un projet de loi comme s'il avait été adopté. Je ne peux pas, avec les fonctionnaires, commencer à fonctionner vis-à-vis des projets de règlement avec des consultations et dépenser de l'argent en vue d'un projet de loi qui n'a pas encore été adopté à l'Assemblée nationale.

Est-ce que c'est dépenser de l'argent inutilement que d'avoir une commission parlementaire? Est-ce que c'est dépenser de l'argent inutilement que de faire savoir aux contribuables, aux gens mêmes qui sont touchés par ce projet de loi, ce que ça va faire et ce que ça va dire à l'avance? Est-ce que c'est avoir dépensé de l'argent inutilement que d'avoir eu les commissions parlementaires sur la loi 57, sur la loi 40 et sur la loi 43 et les autres lois? Est-ce que c'est dépenser de l'argent inutilement que de faire venir des gens qui sont impliqués par ces projets de loi et de leur dire exactement où nous nous en allons?

En fait, toute l'opposition qui s'est faite autour de ce projet de loi, ce n'est pas une opposition du Parti libéral du Québec, c'est une opposition qui a exprimé les voeux du milieu. Que le ministre se dise qu'aucun projet de loi ne reste sur la tablette pendant sept mois si cette volonté de s'opposer n'est pas appuyée par une majorité de gens du milieu. Comment le ministre peut-il croire que nous serions crédibles si on s'était opposé avec tellement de vigueur, d'insistance à ce projet de loi pendant sept mois? Si, par exemple, tout le milieu était contre nous, on aurait commis le suicide. Pourtant, on a visité le milieu des pêches plusieurs fois depuis et chaque fois nous avons réalisé qu'on répondait à une anxiété, à une constatation profonde du milieu.

J'écoutais le ministre dans tous ses discours sur la loi 82 et encore l'autre jour sur la loi 48 nous parler de l'industrie de la pêche, du progrès immense qu'elle a connu grâce à lui. Il parle toujours de l'usine la plus moderne au monde qu'il va lancer à Newport. Il nous parle de ses nouveaux bateaux avec des douches. Il nous parle de la qualité du produit maintenant. Grâce à lui,

la qualité a décuplé, la qualité sera tellement meilleure, notre poisson va être encore une fois le meilleur au monde. Il nous parle de ses nouveaux inspecteurs qu'il nous a donnés avec les lois 49 et 36. L'autre jour, je l'entendais dire qu'on serait bientôt les premiers dans l'industrie du sucre et qu'on aurait la première usine du monde. J'ai vécu dans ce milieu du sucre, que je connais. Le ministre nous parlait de la rafinerie la plus moderne, quand dans les autres pays comme la France on ferme des raffineries, quand le processus du sucre est en train de se transformer - j'en sais quelque chose parce que j'ai de nombreux amis qui sont dans le domaine du sucre. Il fait rire le monde. Avec lui, tout est toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes; il ne peut jamais admettre qu'on a parfois quelque chose qui n'est pas aussi bon que les autres et qu'il faudrait l'améliorer. Mais non, l'usine de Newport sera l'usine la plus moderne du monde, la raffinerie de sucre sera la plus moderne du monde. On aura la meilleure qualité au monde, on aura les bateaux les plus modernes au monde. Tout est plus moderne, tout est mieux que partout ailleurs.

Pourtant, quelle est la réalité? La réalité est celle d'une incohérence totale dans le milieu des pêches, une incohérence totale des politiques au pied levé, des politiques au jour le jour, des contradictions fréquentes et continues. Le ministre nous dit qu'il faut que le milieu se prenne en main, il faut que le milieu lui-même fasse sa propre autonomie, il faut que les coopératives se prennent en main, il faut que le milieu décuple la qualité de ce produit qu'est la pêche et vive vraiment de ce produit. Pendant ce temps-là, le ministre faisait main basse sur ce qu'il y avait de valable dans le projet; il contrôle tout. On n'a jamais eu autant de lois, de réglementation. Lors de la petite expérience que j'ai eue dans le domaine des pêches comme porte-parole temporaire de cette industrie pour l'Opposition, j'ai vu la loi 30; j'ai vu la loi 23; j'ai vu la loi 49; j'ai vu la loi 48 et c'est maintenant les lois 82 et 74. C'est une loi après l'autre. Le ministre croit que le progrès veut dire produire des lois, produire de la paperasserie, produire des règlements.

Lorsqu'on cherche une politique cohérente dans tout cela... Comment tout cela se rattache-t-il? Quelle est la politique d'envergure? Tout cela est fait au pied levé; on dépose une loi à toutes les semaines et on dit qu'il y a de grands progrès. Si on dépose une loi sur la qualité, il y a donc de la qualité; si on dépose une loi sur la transformation, il y a donc de la transformation; si on dépose une loi sur les fonds marins, ce sera donc le grand progrès; cela décuplera la pêche. On va tout contrôler.

Il se plaint régulièrement des Pêcheries

Cartier, de l'implication du gouvernement fédéral dans les pêches. Que fait-il? Il fait exactement la même chose aux Îles-de-la-Madeleine. Madelipêche est devenue une grosse affaire, aussi grosse que les Pêcheries Cartier; il a investi des millions. Nous avons demandé au ministre de nous fournir les chiffres des sommes investies. Il nous répond que les chiffres ne sont pas encore prêts; il faut recalculer. Je sais pourquoi les chiffres ne sont pas encore prêts; parce qu'avec ces chiffres on va savoir combien de millions le ministre a engloutis. Nous avons des chiffres détaillés - selon tout ce qu'on a pu voir sans avoir les chiffres du ministre - qui nous disent qu'il s'agit d'environ 26 000 000 $. Si ce n'est pas vrai, M. le ministre, déposez vos chiffres; laissez-nous voir les chiffres. Pourquoi avez-vous tellement peur de nous laisser voir les chiffres?

Il nous parle de ces fameux bateaux modernes où il y a deux douches, où tous les gens sont tellement contents, où la pêche est salubre. Je vais lui rappeler les crédits du ministère où il a dit qu'il voulait dépenser 90 000 000 $ en cinq ans pour refaire l'industrie de la pêche. Lorsqu'on a vérifié les chiffres, ils étaient de 17 000 000 $ dépensés. Le fameux plan quinquennal de 90 000 000 $, il n'y aura pas le tiers de cette somme qui sera dépensé lorsque les cinq ans seront terminés. Ce n'est que des grands mots, des grandes promesses, des politiques de propagande.

Il nous parlait de l'usine la plus moderne du monde qu'il construisait à Newport. Pendant ce temps, pendant qu'il construit une usine, la plus moderne du monde, en y mettant 15 000 000 $ - et ce sera plus, connaissant l'estimation tellement folichonne du ministre - il y a des gens sur la Basse-Côte-Nord qui attendent toujours le bon vouloir du ministre pour avoir une usine promise depuis 1980 à Natashquan, qu'il a promise à Blanc-Sablon depuis 1981. On a des écrits de son ministère, de l'adjoint parlementaire d'alors, Mme Denise Le Blanc-Bantey, qui disait qu'en 1980 il y avait déjà des crédits alloués pour l'usine de Natashquan. En 1984, ce n'est même pas encore commencé. On en est toujours au stade des discussions. (12 h 20)

Le ministre disait à Blanc-Sablon, en février 1981, qu'il y avait déjà des plans. Aujourd'hui, on attend toujours. Il y a quatorze communautés sur la Basse-Côte-Nord qui vivent seulement de la salaison des produits de pêche et qui demandent le transfert de quelques lopins de terre de la province pour pouvoir prendre avantage des 10 000 000 $ que le gouvernement fédéral donnera à ces associations pour créer des usines modernes de salaison afin de répondre aux exigences de la loi 36 du ministre, qui refuse ce transfert. Ces gens viennent ici le voir et ils ne peuvent même pas le voir. Il y

en a deux qui ont passé cinq jours à Québec à dépenser, dans de petits hôtels, de l'argent qu'ils n'avaient pas et qui m'ont dit: Nous gagnons 5000 $ à 6000 $ par année et le ministre ne veut pas nous voir.

Pendant ce temps, il fait des folies en dépensant 15 000 000 $ à Newport quand il y a déjà une usine presque neuve sur place. Il fait installer une usine juste à côté et il laisse là des familles - 2000 familles sur la Basse-Côte-Nord - qui vont bientôt mourir de faim parce qu'il ne veut rien faire là-bas. Le ministre rit. C'est cela. Mais eux, ils ne rient pas, ces gens-là. Je peux vous assurer qu'ils ne rient pas quand ils viennent nous voir. Ils ne plaisantent pas du tout. C'est ce qui manque en vous. C'est ce manque d'humanité. C'est ce manque de flexibilité. Vous croyez avoir toutes les réponses, que tout doit être plus moderne et le mieux du monde. Pendant ce temps, les gens là-bas subissent ce qu'il y a de pire au monde et vous ne faites rien pour cela. Tout ce que vous faites, c'est d'écrire des lettres qui disent: En 1980, on va faire une usine. En 1981, on va faire une usine. En 1982, on va faire votre usine. En 1983, on va faire votre usine. En 1984, on va faire votre usine. En 1985, on fera votre usine. Et tant que vous serez au pouvoir - et heureusement, ce ne sera pas pour longtemps - vous ferez toujours des usines, des châteaux en Espagne.

Vous avez adopté la loi 49, l'autre jour. Les gens des Îles-de-la-Madeleine - on ne l'a pas inventé - nous disent même: Avant, il y avait des pêcheurs côtiers qui ramenaient leurs prises. Maintenant, vos inspecteurs de la loi de la qualité sont tellement rigides qu'ils ne veulent pas accepter le moindre homard, par exemple, qui a une pince cassée... Tout cela allait en conserves avant. Cela ne peut plus aller en conserves. Vous dites: Oui. Mais ce sont des gens qui m'ont dit cela.

Une voix: Ce n'est pas vrai.

M. Lincoln: Ce n'est pas vrai? Oui, c'est vrai, c'est très vrai. Là, vous allez faire adopter la loi 82 sur la commercialisation forcée. Comment dire? S'il y a sept personnes qui s'associent, on va commercialiser; on va faire un office de commercialisation. Et si moi, dans ma science infuse, si moi, tellement intelligent, tellement malin, qui connais tout, je décide que d'autres personnes devraient se joindre à cela dans l'intérêt public - un intérêt public que vous décidez - à ce moment-là, on va imposer à d'autres de se joindre à l'office de commercialisation. C'est cela, la démocratie, sous le ministre des Pêcheries. C'est cela, la cohérence de vos politiques.

Je vais vous donner des exemples, si vous n'êtes pas convaincu. L'autre jour, vous nous donniez des chiffres sur le budget des pêcheries de cette année - lors de l'étude des crédits des pêcheries, qui fut une farce monumentale parce que vous avez refusé de nous donner quelque chiffre que ce soit - et vous nous disiez: Là, on a augmenté le budget des pêcheries. Maintenant, ce sera 40 000 000 $. Je vais donner 16 000 000 $, un quart du budget de 45 000 000 $, je vais donner presque le quart du budget pour la transformation, la rationalisation et la modernisation des usines, ce qui est un projet très louable. Il y aura environ 70 usines impliquées. Mais vous refusez de nous dire quelles seront ces usines et combien d'argent va être impliqué dans chaque usine. Ah non! c'est confidentiel. Pourquoi est-ce confidentiel? C'est l'argent des contribuables du Québec que vous mettez là-dedans. C'est confidentiel pour vous, parce que vous ne voulez pas nous le dire. Oui, vous ne voulez pas nous dire quels sont les amis du régime qui auront de meilleures subventions que d'autres. Ah oui! Voyons donc! Oui, c'est cela. S'il n'y a rien à cacher là-dedans, donnez-nous la liste. C'est l'argent des contribuables du Québec. C'est l'argent de leurs taxes. Ils dépensent 16 000 000 $. Ils ont envie de savoir pourquoi. Il n'y a aucune raison qui justifie cette confidentialité et ces cachotteries. Madelipêche... L'autre jour, je faisais l'étude des engagements financiers avec vous. Vous me parliez là encore de votre grande planification à l'avance et je vous disais: Bon! Qu'est-ce que vous allez faire avec 2 700 000 $? Là, nous ne savons pas si nous allons consacrer cette somme à la modernisation de l'usine en place à Cap-aux-Meules ou bien si on va faire une usine de crabe à Havre-Aubert. On le saura plus tard au cours de l'année. À ce moment-là, on va savoir où on dirigera l'argent. C'est cela, la grande planification à l'avance que vous faites.

Là, je vais relater aux gens qui nous écoutent et qui ne connaissent pas le secteur des pêches, un petit exemple pour montrer dans quel royaume de folie on vit. Je veux parler de General Motors. Tout le monde connaît cela. Les gens vont comprendre ce que c'est.

Dans la compagnie General Motors, il y a plusieurs divisions: il y a celle de Chevrolet, celle de Pontiac, celle de Buick, etc. Demain matin, dans une toute petite ville, où il y a déjà une usine de Chevrolet, la division de Pontiac, sans en parler à Chevrolet, sans en parler à General Motors, va venir installer une usine à 100 pieds de l'usine de Chevrolet pour faire le même produit, dans le même village. Pendant ce temps-là, quantité de villes auraient été enchantées de recevoir l'usine de Pontiac; quantité de villes auraient été enchantées de recevoir une usine qui fabrique un autre produit. Or, là, il y a deux usines qui vont fabriquer la même automobile, côte à côte,

sans en avoir parlé à General Motors.

Si cela arrivait demain matin, on dirait d'abord au président de la division de Pontiac qui a créé cette seconde usine sans en avoir parlé à General Motors: "Out!" Si cela arrivait comme cela, on dirait qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Les communications ne fonctionnent pas. C'est une affaire de fou. Comment peut-on avoir dans une même petite ville deux usines qui fabriquent la même chose côte à côte, quand il y en a déjà une qui fonctionne tout à fait correctement? C'est ce qui arrive à Newport.

Newport est une toute petite ville de la Gaspésie où il y a déjà une usine qui est en train d'être modernisée à des coûts de 500 000 $, 1 000 000 $. Apparemment, l'usine fonctionne très bien. Elle est modernisée selon la loi du ministre lui-même. Or, ce qui arrive, c'est qu'elle a été modernisée avec des fonds fédéraux. Donc, c'est de l'argent sale. C'est de l'argent empoisonné. Remarquez que c'est de l'argent que les citoyens du Québec ont versé dans une proportion de 25% par leurs taxes, mais c'est quand même de l'argent empoisonné et il ne faut pas toucher à cette usine. Qu'est-ce qu'on fait alors? On bâtit une usine neuve, la plus moderne du monde, pour un montant de 15 000 000 $, à côté; elles sont côte à côte. Nous allons avoir deux usines. Il y aura une surproduction de ces deux usines, le double de la capacité que les bateaux de pêche peuvent livrer. C'est ce qui arrive.

C'est General Motors qui construit deux usines dans le même village: Pontiac et Chevrolet côte à côte. Cela n'aurait aucun sens. Mais ici, au Québec, le ministre est très habile; il a fait construire une autre usine là où il y en avait déjà une. On est censé le féliciter. Il nous dit: Mais comment? Les gens du milieu, les gens de Newport sont enchantés de leur usine. Ils vont diriger leur usine. Mais pourquoi pas? Le chef de file s'appelle M. Lorenzo Albert. C'est le chef de file, le grand nouvel ami du ministre. Bien sûr, si j'étais M. Lorenzo Albert, j'aurais été aussi un grand ami du ministre. J'aurais été enchanté de mon usine. L'usine va coûter 15 000 000 $. De ces 15 000 000 $, combien M. Lorenzo Albert investira-t-il de sa poche?

Ah oui! Là, il faut savoir que l'implication du gouvernement du Québec est de 88% du coût. Le gouvernement du Québec va accorder une subvention directe de 50%. En fait, l'autre jour, lors de l'étude des engagements financiers, le ministre a déjà engagé un montant de 8 000 000 $ et plus dans l'usine de Newport. En plus, le gouvernement du Québec va prendre une autre petite part: le tiers de la mise. Donc, 88% de l'argent des contribuables du Québec va être investi là-dedans. Alors, si mes chiffres sont exacts, si on prend 15 000 000 $, le gouvernement du Québec investira lui-même un montant de 13 000 000 $.

Pour ma part, si, demain matin, je démarrais une petite affaire de 15 000 000 $ - ce n'est pas une petite affaire! C'est une "petite grosse" affaire - et que quelqu'un venait me dire que le gouvernement du Québec va m'appuyer pour un montant de 13 000 000 $ que je n'ai qu'à récupérer pour ma part d'environ 2 000 000 $, j'en serais enchanté. C'est ce qui est en train de se passer là-bas, à Newport. Le ministre est en train de financer ces gens-là pour qu'ils lui disent: Ah! M. le ministre, vous êtes fantastique! La loi 48 est formidable!

Quand nous allons les visiter là-bas, on voit qui est le chef de file qui amène des batteurs pour faire peur aux gens, qui amène une trentaine de batteurs pour nous faire peur, pour crier, pour dire les mêmes paroles que le ministre nous dit en Chambre et qui sont sans doute écrites par les fonctionnaires du ministre: c'est M. Lorenzo Albert. Il essaie de nous faire peur, mais il ne nous fait pas peur. Moi, je lui dis qu'il ne nous fait pas peur.

M. Lorenzo Albert est le même monsieur qui, en 1982 - il n'y a même pas deux ans de cela - disait au ministre, lui et son association de hauturiers, qui sont maintenant les grands amis du ministre, les plus grands "pals" du ministre: "Nous comprenons les tiraillements de M. Garon". C'était en 1982. Depuis lors, ils ont changé d'idée. Soudainement, ils ont changé d'idée à coups de petits millions de dollars. Ils disaient: "Nous comprenons les tiraillements de M. Garon dans son superministère: un budget de 400 000 000 $, dont 25 000 000 $ pour les pêches. On nous compare aux producteurs de carottes, de pommes, de fraises et de sirop d'érable". C'était le même M. Lorenzo Albert et son association qui vous le disaient, en 1982. Maintenant, vous êtes le roi; vous êtes formidable, maintenant, à petits coups de millions. (12 h 30)

Je me souviens du rapport de 1982, de février 1982 - ce n'est pas trop loin, il n'y a que deux ans - où on lisait: "Le seul plan issu du Québec, et qui a de fortes chances de réussir, consiste à gérer la stagnation." C'est ce qu'il vous disait et c'est la même chose que nous vous disons; seulement, c'était lui qui vous le disait, à ce moment-là. Il vous disait aussi: "Donc, la gestion de notre industrie est lamentable et le développement inexistant." La gestion de notre industrie est lamentable et le développement inexistant!

Soudain, les hauturiers, sous le leadership de M. Albert, ont maintenant découvert des qualités précieuses au ministre, des qualités secrètes qu'ils n'avaient pas

trouvées avant, dans tous les rapports qui ont été envoyés. Ils ont découvert que le ministre est un génie, je les comprends. Une association peut venir voir les libéraux pour leur dire: Le ministre est un type formidable! La loi 48 est merveilleuse! Je comprends, quand on a 13 000 000 $ pour les amis pendant que les pauvres gens de la Côte-Nord ne peuvent rien avoir et attendent une usine depuis cinq ans, je comprends qu'ils soient très contents! C'est une bonne façon d'avoir des amis, à petits coups de 13 000 000 $ et de 15 000 000 $ de l'argent des contribuables du Québec.

Je lisais, l'autre jour, une lettre adressée au chef de l'Opposition: "Je suis un citoyen de Newport. J'aimerais bien qu'une question soit posée à M. Garon: si c'est vraiment lui qui est le ministre des Pêches ou si c'est M. Lorenzo Albert." Moi aussi, je me le demande parfois. "Pour les gens de Newport et des environs, c'est bien M. Albert qui prend toutes les décisions. Il dit: "Un pêcheur qui veut un bateau neuf, c'est lui qui décide. Si tu as le malheur de pêcher pour les Pêcheries Cartier, la subvention n'est que de 35% au lieu de 50% comme pour les autres de n'importe quelle compagnie." Ce n'est pas moi qui le dis, M. le ministre, c'est quelqu'un qui nous écrit pour nous dire que les gens du milieu sont très anxieux. "Deuxièmement, leur usine ultra-moderne. C'est lui qui décide des employés a engager, que ce soit sur la construction ou pour travailler à la glace ou au poisson. Les employés sont déjà tous choisis. Si tu es le frère d'un pêcheur des Pêcheries Cartier ou un enfant, si tu es sur la liste noire... Ils ont séparé leur terrain par une clôture de cinq à six pieds." Etc.

M. le ministre, tout ce que vous avez fait là-bas, c'est semer la discorde parmi les gens. Tout ce qu'ils cherchent, c'est à gagner leur vie humblement, gagner leur vie de la façon la plus réaliste possible. Tout ce qu'ils cherchent, c'est un job, tout ce qu'ils cherchent, c'est une façon d'améliorer leur qualité de vie pendant que vous, vous gaspillez des millions pour faire de la petite politique comme vous le faites maintenant.

Cela ne vous gêne-t-il pas d'avoir fait des promesses comme vous en avez faites aux gens de la Basse-Côte-Nord? Je vous les ai lues l'autre jour, mais je vais les relire, au cas où vous n'auriez pas écouté. Je vais relire les promesses que vous faisiez aux gens de la Basse-Côte-Nord le 23 mai 1980 par le biais de votre adjointe parlementaire, Mme Denise Le Blanc-Bantey: "Je vous confirme sans aucune espèce d'équivoque -ce sont les promesses péquistes - que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation construira cette année une usine à Natashquan afin de répondre à l'augmentation des débarquements qu'a connus la région de Natashquan au cours des trois dernières années." Ils attendent toujours!

Je vous citais aussi, l'autre jour, des extraits de procès-verbaux des réunions que vous avez tenues à la Basse-Côte-Nord au sujet de Blanc-Sablon. C'était le 14 février 1981: "M. le ministre, quand pensez-vous commencer l'installation de l'usine de séchage à Blanc-Sablon? Nous travaillons maintenant sur le projet, il est au stade préliminaire. Je pense qu'il sera commencé dans les prochains mois." Les prochains mois, c'est encore en 1981, ce sont des mois qui ont duré bien longtemps, qui ont duré des années. "M. Garon, quels projets avez-vous pour Natashquan? Il y a un projet d'une usine de salaison qui devrait être prêt à annoncer lors de ma prochaine visite, en mars 1981." C'est le même projet que vous avez annoncé en 1981 et que, sans doute, vous allez annoncer d'année en année. Pourtant, à Newport, vous vous pétez les bretelles et vous nous parlez de votre usine la plus moderne du monde. Les 15 000 000 $ que vous allez enfouir là auraient permis la survie de tous ces gens de la Basse-Côte-Nord qui vont bientôt crever de faim, sans salaire et sans gagne-pain. Cela aurait permis de leur donner une usine de salaison, cela aurait permis de leur donner une usine à Natashquan et une usine à Blanc-Sablon. Ils attendent toujours la réalisation de promesses vieilles de quatre ans, bientôt cinq ans. Ce n'est pas étonnant.

Là, je vous cite à nouveau la lettre de ce monsieur qui nous écrivait et qu'il vous écrivait aussi. Je vais citer cette lettre, il faut que les gens l'entendent; ce n'est pas moi qui l'ai écrite. "Dans ce climat d'austérité que nous traversons, vous nous demandez de vous respecter alors que, par votre politique, vous nous confisquez pour 1 200 000 $ d'améliorations pour cette région tout à fait défavorisée. Peut-être qu'en complétant votre rapport d'impôt -cela s'adresse à vous - vous penserez à comparer vos revenus aux nôtres et, de ce fait, vous cesserez peut-être de promouvoir un idéal sans distinction, même quand cela se fait sur le dos des plus démunis."

C'est ce qu'on vous a dit depuis longtemps, que toute cette affaire de pêche est avant tout un problème humain. Lorsqu'on se croit infaillible, on croit avoir la science infuse, on croit avoir toutes les réponses, on croit prêcher ex cathedra... Même les papes commencent à se demander s'ils sont toujours infaillibles. Mais vous, vous êtes infaillible: vous avez toutes les réponses sur les usines, les bateaux, la constitution, les associations de pêcheurs, la commercialisation. C'est cela, le grand problème.

Je vais vous montrer quelque chose que vous allez peut-être aimer regarder, parce

que vous y êtes photographié et que vous aimez voir votre photo. Qu'est-ce qui est arrivé avec vous depuis les pêches? Voilà le "Smiling Minister" avec son sceptre d'empereur des pêches! Voilà le gouvernement du Québec, c'est lui! Le gouvernement du Québec, c'est moi! Mais oui, vous faites toutes vos volontés; vous gagnez toutes vos batailles. Voilà ce qui est arrivé: tout l'argent que vous avez enfoui dans les pêches. Tout ce qu'il y a en bleu, ce sont les subventions et les prêts, par l'intermédiaire du MAPAQ, la SDI - 7,4% dans Madelipêche - SOQUIA, la SDC, que le gouvernement du Québec possède maintenant à 100% et, possédait à ce moment-là, à 88%. Vous pouvez voir tout le tableau qui montre qu'à partir de Madelipêche... J'espère que les gens qui écoutent sauront que, pendant qu'on fait de la gloriole et que les péquistes applaudissent, les gens de Natashquan attendent leurs usines, les gens de Blanc-Sablon attendent leur usine, les gens de quatorze villages attendent leur usine. Ils n'ont pas de gagne-pain; ils gagnent 5000 $ ou 6000 $ annuellement. Nous, ici, on gagne 42 000 $ à l'Assemblée nationale et le ministre, dans Madelipêche seulement -selon nos chiffres qu'il conteste, naturellement, mais il ne veut pas produire ses propres chiffres - a englouti 26 000 000 $. J'espère que ces gens sauront toutes ces choses pendant qu'ils applaudissent.

Combien d'argent a été mis là-dedans? Vous possédez tout ce qui existe en termes de chalutiers. Vous avez saisi tout ce qu'il y a par l'intermédiaire de votre Société québécoise des pêches, la Société des pêches nordiques, la Société des pêches Newport. Ensuite, vous venez nous dire que les gens de Newport sont indépendants et autonomes. Comment voulez-vous qu'ils soient autonomes quand vous donnez des subventions à Newport du type dont je parlais tout à l'heure - 50% de subventions. Vous prenez, par le biais de la Société des pêches de Newport, 33 1/3% du capital-actions. Toutes ces sociétés sont sous le contrôle total du ministre.

Quand j'étais jeune, je me souviens que j'aimais beaucoup l'histoire et je lisais l'histoire napoléonienne. Napoléon nommait tous ses grands maréchaux; ils avaient des titres ronflants et avec raison, parce qu'eux les méritaient. Il y avait le duc d'Enghien, le prince de la Moskova, le roi de Naples. Si on était à l'ère napoléonienne, ce que vous auriez voulu être, c'est le roi du boeuf, le prince de la patate, le duc du sucre, l'empereur des mers, l'empereur tout court. Vous voulez tout accaparer. Vous ne serez pas content tant que vous n'aurez pas mis le grappin sur tout ce qui existe.

Pendant ce temps, je vous pose des questions que beaucoup de petites gens se posent. Par exemple, les gens se disent -oui, je sais, il nous reste du temps; j'ai droit à une heure. Cela vous fait mal, mais j'ai droit à une heure - M. le ministre, les gens se demandent: Quel est ce ministre qui parle ex cathedra comme s'il était le pape des pêches qui connaît toutes les réponses. Pourquoi n'a-t-il pas un peu plus de souplesse? Pourquoi n'a-t-il pas un peu plus d'humanité? Pourquoi ne nous consulte-t-il pas? Je lisais l'autre jour le discours que vous avez fait dans lequel vous qualifiez de "pétitions bidons" les pétitions que j'ai déposées en Chambre. Est-ce que vous avez le droit d'insulter les gens qui ont signé en bonne et due forme, avec toute la capacité qu'ils avaient d'être des gens honnêtes et intègres? Avez-vous le droit de juger de leur intégrité, d'appeler cela des pétitions bidons? Si c'était le cas - il y en a 700, je vais les produire... Pourquoi je ne l'ai pas fait? Parce que vous faites de l'intimidation. (12 h 40)

Une voix: Ha! Ha! Ha!

M. Lincoln: Ah! Ah! Ah! Mais c'est vrai. Je ne vous ai pas produit cette pétition, mais, si réellement votre cause était tellement mieux fondée que la nôtre, pourquoi n'avez-vous pas réussi à produire des pétitions? Le député de Gaspé, votre adjoint parlementaire, en a même sollicité, par lettres, des appuis à votre loi et il n'a reçu que trois ou quatre télégrammes de quelques petites municipalités qui avaient peur, mais personne n'a signé de pétition. Les 700 pétitions que nous avons eues, les 16 télégrammes d'appui sont venus de gens du milieu, des gens honnêtes et intègres, des gens qui se respectent et des gens qui vous disent: On a envie de se faire écouter. Tout ce que ces gens vous demandaient, c'était une commission parlementaire.

M. Garon: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre. Question de règlement en vertu de quel...

M. Garon: En vertu de l'article 55, paragraphe 8. Je pense que le député de Nelligan fait de la diffamation. On dit: "diffamer un député ou proférer des injures à l'encontre de ce dernier." Quand il dit que j'intimide le monde, vous savez que l'intimidation...

M. Gratton: Tout à l'heure, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous avez un droit de réplique. Vous avez la chance de l'utiliser. Deuxièmement, il est vrai qu'on n'a pas le droit d'imputer quelque motif que ce soit à des

personnes, mais cela suffit comme question de règlement. Il n'est pas nécessaire que vous en disiez davantage. Effectivement, je pense que le règlement doit s'appliquer. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Ce qui fait mal fait mal. Voilà le ministre, lui qui me dit que je dis des paroles insultantes à son égard. L'autre jour, il y a quelqu'un qui a été nommé lieutenant-gouverneur de la province de Québec. Je sais que, comme indépendantiste, vous n'êtes pas d'accord avec cela. Moi aussi, je me passerais très bien de la monarchie. Personnellement, cela ne me fait rien d'une manière ou d'une autre, mais on vit dans un système parlementaire où c'est comme cela. Il faut l'accepter.

Mais voilà ce que le ministre disait, en parlant d'une éventuelle contestation de la loi 48 devant les tribunaux - c'est la distinction même: la loi 48, ce n'est pas une loi qui va péter. C'est gracieux! Là, on saura que ce n'est pas une loi qui va péter. Il dit: "Après son adoption, elle pourra être sanctionnée par le lieutenant-gouverneur, notre spécialiste en défense et en F-18 construits à l'étranger". C'est gentil aussi.

L'autre jour, il ajoutait à cela: M. le Président, on m'envoie un petit papier. J'ai l'impression que j'induis les gens en erreur quand le lis cela, mais on me dit que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi, ce qui me surprendrait grandement, et qu'il en recommande l'étude à cette Assemblée. On sait très bien, par exemple, quand il est fait référence au président, que le président ne lit pas les projets de loi, que tout cela ce sont des formules parlementaires traditionnelles qui vont dans le système même.

Je donne cela comme exemple d'un ministre qui se croit réellement au-dessus de tout, qui se croit devenu tellement fort, tellement puissant qu'il peut se foutre du lieutenant-gouverneur. Il peut se foutre de celui-ci. Il peut dire si les gens envoient des pétitions, que ce sont des pétitions bidon. Puis, quand on lui dit qu'il intimide les gens, il nous dit: Non, ce n'est pas vrai. Vous m'insultez.

Je vais lui citer quelques petits exemples. Je rapporte encore le cas de Jean-Paul Paradis, un pêcheur qui a attendu un an et demi ou plus avant qu'une subvention de prêt déjà acceptée par les gens de votre ministère soit signée par vous. C'était sur votre pupitre et vous ne l'avez pas signée. L'autre jour, je voyais la saisie du ber de Saint-Joachim, puis je vois un pêcheur attendre son bateau. J'ai été là à ce moment pour constater ce qui s'est passé. Un pêcheur qui a manqué 10 000 $ de prise de poisson parce qu'il ne pouvait aller en mer parce que son bateau était encore sur le ber de Saint-Joachim, M. Jean-Clément

Vallée. Pourquoi? Parce que les gens de votre ministère avaient fait une saisie de ce fameux ber parce que les gens de l'association refusaient de signer un bail avec une nouvelle clause que vos fonctionnaires avaient mise dedans pour dire: D'un jour à l'autre, on peut annuler le bail. C'était le bail fait de façon ouverte avec les gens!

Je pourrais vous citer des cas qui nous ont été soumis. Un autre pêcheur à qui il a été dit: Si vous n'arrêtez pas de nous embêter avec votre affaire d'usine, votre prêt ne va pas être signé bientôt. Je peux vous citer des cas. Il y a beaucoup de cas semblables. Voilà pourquoi j'ai refusé de vous passer ces pétitions.

On vous a demandé une commission parlementaire. Là vous avez dit: On ne fait pas de commission parlementaire, cela coûte trop d'argent. On ne fait pas de choses avant le projet. On va consulter les gens après le projet de loi. Je vous demande ce qui s'est passé pour la loi 40 sur l'éducation. Qu'est-ce qui s'est passé pour la loi 57 sur les langues officielles? Qu'est-ce qui s'est passé pour le projet de loi 43, pour le projet de loi 38? Chaque fois qu'il n'y a pas eu de consultation adéquate, comme cela a été le cas pour le projet de loi 38, comme cela a été le cas pour le projet de loi 43, comme cela a été le cas pour beaucoup de projets de loi où il n'y a pas eu de consultation adéquate des contribuables et du peuple, qu'est-ce qui est arrivé? Cela vous a sauté à la face. Pour la loi 40, ce que la commission parlementaire a démontré, c'est que les gens n'en voulaient pas. La loi 40 a été remise à plus tard. Alors que vous allez adopter une loi avec des conséquences graves pour le Québec, vous avez le culot de ne même pas consulter des gens qui demandent à être consultés. C'est cela, un empereur. C'est cela, le roi des mers. C'est cela, le duc du sucre. Il faut imposer, il faut toujours dire: Vous avez toujours raison.

En fait, M. le ministre, ce qui arrive, c'est que vous et le ministre fédéral, vous êtes tous les deux pareils. Les deux sont têtus comme des mules, les deux ne veulent écouter personne et ils ne veulent pas s'écouter. C'est un dialogue de sourds. Là, je voyais l'article de votre grand ami, votre haut-parleur officiel, M. Florent Plante - on ne peut pas croire qu'il est de mauvaise foi qui disait: Les bouderies de Garon et de De Bané, les pêcheurs québécois en ont ras le bol. Et il donne plusieurs exemples de pêcheurs qui sont fatigués, qui sont tannés de toutes vos bagarres inutiles d'enfants d'école. Voyez. La confrontation du dossier des pêches: La CSN veut que cela cesse. Là encore, les gens ont demandé que la confrontation cesse. Là-bas, le Syndicat des pêcheries Cartier blâme le gouvernement. Je voyais un article le samedi 9 juin, dans Le

Soleil; là aussi, c'était Florent Plante: "De

Bané veut signer un traité de paix avec Garon." Là, il vous offre un traité de paix. Allez le rencontrer quelque part dans un territoire neutre, allez le rencontrer sur l'île d'Anticosti; comme cela, personne ne pourra dire que vous êtes allé à Ottawa et que lui est venu à Québec. Allez vous rencontrer dans un petit territoire neutre quelque part, à Saint-Pierre et Miquelon, personne ne perdra la face. Allez causer ensemble, allez vous parler. Comment est-ce que vous voulez que dans un territoire de pêche où le fédéral est le principal intervenant on ne puisse pas se parler?

En fait, le projet de loi 48, comme l'a dit le ministre Johnson des Affaires canadiennes, c'est un projet de premier ordre pour nous sur le plan politique, sur le plan intergouvernemental et sur le plan constitutionnel. Cela répond à ce que le ministre de l'Éducation d'alors, le Dr Laurin, disait dans un article de la Presse: C'est une étape pour nous vers l'indépendance. C'est ce que c'est: une étape vers l'indépendance. Tout ce que vous voulez, M. le ministre, c'est faire une autre étape vers l'indépendance. Avant tout, vous êtes souverainiste; après cela, vous êtes ministre de l'Agriculture et en dernier lieu, vous êtes ministre des Pêcheries quand il vous reste un peu de temps. Vous êtes toujours le ministre qui contrôle tout; cela reste tout le temps dans le décor.

Au lieu du projet de loi 48, il nous faut penser à un plan cohérent d'exploitation des ressources sous-exploitées, d'une deuxième transformation et d'une troisième transformation, à une politique de la flotte qui ne sera pas seulement de bâtir de nouvelles douches, mais de faire des bateaux qui vont aller dans la zone de 200 milles afin que les usines travaillent plus longtemps qu'une saison très restreinte de quelques mois. Il faudrait un système de renforcement des associations; il faudrait surtout de la consultation. Au sujet de la gestion, de la commercialisation et du marketing, il faudra sûrement une coopération totale et continue avec le gouvernement fédéral et les gouvernements des autres provinces parce qu'on ne peut pas pêcher en vase clos; les poissons bougent.

Surtout, M. le ministre, il faudra de votre part un peu plus d'humilité, un peu plus de souplesse, un peu plus de flexibilité, un peu plus de démocratie et d'humanité. Il faudra écouter les gens, s'occuper de leurs besoins. Il faudra penser qu'avant tout ces gens qui gagnent le plus bas salaire au Canada et dont beaucoup sont en chômage veulent vivre une vie respectable. C'est ce qu'on vous demande de faire.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au chef de l'Opposition, je vais demander une correction au leader adjoint du gouvernement.

Projet de loi 69

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Blouin: Juste quelques secondes, M. le Président, pour vous signaler que le projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts doit être déféré non pas à la commission de l'économie et du travail, mais à la commission du budget et de l'administration. (12 h 50)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Correction apportée.

M. le chef de l'Opposition.

Projet de loi 48

Reprise du débat sur l'adoption

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ce fameux projet de loi de novembre 1983 - nous sommes en 1984, sept mois plus tard - ce fameux projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives, est encore devant cette Chambre. Nous devons conclure, à ce moment-ci, alors que nous procédons à la dernière étape de ce projet de loi, que l'Opposition a fait son devoir. Je voudrais remercier d'une façon particulière celui qui était responsable, le porte-parole de notre côté, du projet de loi 48, le député de Nelligan que nous venons d'entendre, pour le magnifique travail de recherche, de consultation qu'il a fait au cours de tous ces mois.

Nous avons fait l'impossible pour essayer de convaincre le ministre et le gouvernement que ce projet de loi n'était pas dans l'intérêt des pêcheurs, des travailleurs d'usine, de tout le milieu qu'il va finalement affecter. Ce qui me trouble davantage lorsque je songe à ce ministre, à ce gouvernement, c'est qu'il semble que les autres membres de ce cabinet ne s'intéressent pas aux pêches, ne s'intéressent pas au sort fait à la population du territoire maritime. Autrement, il me semble que tout ce gouvernement, tous ces membres du Conseil des ministres, tous ces députés ministériels auraient pris connaissance de ce projet de loi, auraient écouté notre porte-parole, le député de Nelligan, et tous les autres députés libéraux qui, l'un après l'autre, ont essayé de convaincre le gouvernement que ce projet de loi était néfaste et qu'il ne constituait qu'un facteur parmi plusieurs de ces conflits interminables qui sont nourris -

les conflits de juridictions entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial -par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui, on le sait, est un indépendantiste avoué, qui n'a qu'une obsession, celle de faire l'indépendance du Québec et de faire en sorte que des projets de loi comme celui-ci servent, justement, des fins qui sont devenues chez lui une obsession, les fins de l'indépendance, comme on l'a vu, d'ailleurs, en fin de semaine, comme on l'a entendu, d'ailleurs, de la part de l'ancien ministre de l'Éducation qui disait que ce projet de loi était justement l'expression - une expression - de la stratégie qui avait été mise au point par le Comité sur la question nationale eh bien, on aurait pu s'attendre à autre chose.

M. le Président, ce qui me trouble encore, c'est de voir le peu d'intérêt que tous ces gens-là ont manifesté; ils ont la responsabilité d'avoir laissé le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation poursuivre son obsession. Surtout lorsque l'on met ensemble les projets de loi 48, 36, 82 et 49, tous ces projets de loi ont un dénominateur commun: premièrement, ils entretiennent des conflits entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial; deuxièmement, ils entretiennent ces conflits sur le dos des pêcheurs, des travailleurs d'usine et des gens du milieu.

Nous arrivons ainsi à la fin des sept mois pendant lesquels ce projet de loi a passé les diverses étapes. Ce projet de loi devait même franchir les dernières étapes en décembre et il est encore devant nous. C'est dire la résistance de l'Opposition et, en même temps, il faut admettre que le gouvernement n'a certainement pas, dans son ensemble, saisi les implications de ce projet de loi. Si le gouvernement les a saisies, c'est encore pire.

Qu'est-ce qui fait qu'au bout de sept mois, alors qu'il y a sept mois le ministre nous disait en parlant des règlements... Parce qu'il s'agit simplement d'une loi-cadre; tant qu'on ne connaîtra pas les règlements, on ne connaîtra pas toute la vérité. Or, le ministre a refusé systématiquement de déposer les règlements parce qu'ils n'étaient pas prêts. Ils n'étaient pas prêts en novembre, d'accord; mais en décembre, en janvier, en février, en mars, en avril, en mai et maintenant en juin, le ministre refuse toujours de faire connaître ses intentions en déposant les règlements.

Deuxièmement, nous lui avons demandé de donner au moins l'occasion au milieu de se faire entendre devant une commission parlementaire. Le ministre a continuellement refusé au milieu la possibilité de se faire entendre en commission parlementaire et cela, pendant sept mois consécutifs.

Ce projet de loi est dangereux à plus d'un point de vue. Nous avons dit, et combien de fois l'avons-nous répété, que ce projet de loi est une source de conflits, de tracasseries pour le pêcheur en particulier. Toute cette question d'avoir un double permis, un permis provincial et un permis fédéral, va causer des tracasseries inimaginables. Est-ce que le ministre veut intervenir à ce moment-ci?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Levesque (Bonaventure): Si le ministre avait au moins le désir d'aider les personnes concernées, il pourrait suivre l'exemple de son collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui, au bout de quelques heures de discussion avec son collègue, M. De Bané, son homologue fédéral, a réussi à arriver immédiatement à des ententes, tandis que le ministre actuel refuse les offres du ministre fédéral. Encore hier et aujourd'hui, je voyais dans les journaux que le ministre fédéral offrait une collaboration que le ministre actuel du Québec refuse et cela, sur le dos des pêcheurs.

Ce gouvernement a manqué continuellement à ses promesses, d'ailleurs. J'étais heureux de voir le député de Nelligan souligner toutes les promesses qui n'ont pas été tenues. On a manqué à ses promesses. Lorsque le ministre dit non, il n'a qu'à se rappeler que c'est ce gouvernement qui a annoncé un plan quinquennal de 200 000 000 $, il y a quelques années; on n'en a pas vu la couleur. Même le budget régulier et modeste n'a pas été utilisé par le ministre à cause, justement, des crédits périmés dont a parlé le député de Nelligan. Le ministre actuel a refusé de donner suite à toutes ses promesses sur la Basse-Côte-Nord, en particulier, tel que le député de Nelligan vient de le rappeler au ministre, que ce soit à Blanc-Sablon, que ce soit à Natashquan ou à la baie des Chaleurs.

Il est venu, à la veille des dernières élections, annoncer l'ouverture des chantiers maritimes; jamais cela ne s'est fait. Ce ministre a fait plus de promesses non tenues qu'on n'en connaît dans l'histoire du Québec. C'est sa spécialité de promettre: promettre des millions, promettre des installations, promettre quoi que ce soit. Mais il oublie une chose: lorsque l'on fait une promesse, on la tient. C'est comme cela que j'ai compris la politique.

Ce ministre, que nous avons devant nous, est un spécialiste des promesses non tenues. Il arrive maintenant avec une série de projets de loi: 48, 49, 82, 36. Avec tout cela réuni, il réussit en quelque sorte à nationaliser les pêches, à devenir lui-même celui qui dicte de A à Z ce qui se passe dans le secteur des pêches. Est-ce qu'il reste encore une usine libre? Est-ce qu'il restera

des pêcheurs ou des travailleurs d'usine qui auront une certaine liberté? Au contraire, cette série de projets de loi et de lois fera en sorte que le ministre aura tous les pouvoirs; pas n'importe quels pouvoirs, mais des pouvoirs excessifs, arbitraires, discrétionnaires, qui sont extrêmement dangereux en soi et qui, entre les mains de celui que j'ai en face de moi, deviennent absolument dictatoriaux et inacceptables. Nous avons devant nous une situation extrêmement dangereuse et explosive. Lorsque le ministre dit qu'il représente des gens...

M. le Président, je voudrais terminer mes dix minutes avant la suspension de 13 heures, avec la permission du ministre; il ne me reste que deux minutes.

Une voix: Deux minutes.

M. Levesque (Bonaventure): Oui, il me reste deux minutes, si vous voulez bien que je termine.

Une voix: D'accord.

M. Garon: M. le Président, vous voyez que je ne suis pas un dictateur, je vais donner deux minutes au député.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Garon: Je vais donner deux minutes au député.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous voyez la générosité du ministre: il est prêt à me donner deux minutes. Deux minutes! S'il donnait deux minutes aux pêcheurs et aux travailleurs d'usine pour les entendre, ce seraient deux minutes beaucoup mieux utilisées.

Des voix: Bravo!

M. Levesque (Bonaventure): Le ministre, pendant que je n'étais pas en Chambre, a dit que nous étions aux Îles-de-la-Madeleine. Oui, nous étions aux Îles-de-la-Madeleine, oui nous étions en consultation. Nous étions là, pas devant 75 personnes, comme le ministre l'a dit. Il disait exactement le contraire de la vérité, parce qu'aux Îles-de-la-Madeleine, lors du congrès du PQ récemment, il y avait à peine 27 personnes. Il y avait plus de 250 personnes présentes lorsque nous sommes allés, la semaine dernière, aux Îles-de-la-Madeleine. Et, en même temps, au cours de la journée, nous avons eu l'occasion de consulter. Nous avons consulté aux Îles-de-la-Madeleine, nous avons consulté sur la Côte-Nord, nous avons consulté en Gaspésie. Ce que nous retenons de ces consultations, c'est un blâme non équivoque au ministre que nous avons devant nous. Mais ces gens-là, évidemment, étant les plus défavorisés de notre société, ne peuvent se permettre vis-à-vis d'un ministre qui utilisera n'importe quel moyen pour leur tordre les bras ou leur clouer le bec... Ce ministre n'a aucun sens de la démocratie. Je le dis en pesant mes mots.

Nous avons devant nous un projet de loi inacceptable. Nous l'avons dit depuis le mois de novembre 1983. Nous arrivons aux dernières heures avant l'adoption de ce projet de loi et, encore une fois, nous n'avons pas les règlements qu'il nous faut; le ministre les cache. Nous n'avons pas une commission parlementaire; le ministre ne veut pas donner de son temps, du temps de cette Assemblée pour permettre d'entendre les intéressés. Nous avons un projet de loi que nous allons continuer de combattre, même dans ces dernières heures. Nous allons le combattre; c'est un projet de loi qui provient d'un ministre et d'un gouvernement qui, dans tous les sondages d'opinion, sont rejetés par la population du Québec. Vous n'avez pas le droit d'imposer de telles choses lorsque la population vous dit qu'elle ne vous croit plus, qu'elle n'a plus confiance en vous et qu'elle demande des élections afin de mettre fin à ce gouvernement et à ce régime totalitaire du ministre actuel de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux en disant que le député de Saguenay aura le droit de parole à la reprise de la séance. Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, si on me permettait de demander au leader adjoint du gouvernement de nous indiquer quel sera le menu de cet après-midi. Est-ce que je dois comprendre qu'on terminera l'étude du projet de loi 48? Qu'est-ce qui viendra ensuite?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous aborderons le projet de loi sur les heures d'affaires, le projet de loi 59.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Suspension de nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise de la séance à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous discuterons d'abord cet après-midi des ressources forestières du Québec et, à cet égard, je vous demande d'appeler l'article 7 de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 66 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Jolivet): II s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec. La parole est au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. le ministre.

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, avant d'entamer ce discours de deuxième lecture, on me prie de vous faire part du message suivant: L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Aujourd'hui, nous entreprenons une étape fort importante dans l'étude d'un projet de loi, puisqu'il s'agit de donner à une de nos sociétés d'État un capital-actions additionnel qui devrait lui permettre, au cours des années qui viennent, de connaître la croissance et de connaître son développement.

Nous avons pu, en commission parlementaire, mardi dernier, toute la journée et jusqu'à tard en soirée, entendre le président de REXFOR, M. Duchesneau, de même que ses principaux collaborateurs, ses vice-présidents, nous expliquer pourquoi il était nécessaire que le capital-actions de cette entreprise d'État soit augmenté. Le projet de loi 66 vise à autoriser le gouvernement à verser un capital-actions additionnel de 66 000 000 $ pour lui permettre de mener à terme quatre projets très précis.

Auparavant, M. le Président, je pense qu'il serait peut-être utile de situer exactement la place de cette société d'État, REXFOR, dans l'ensemble de l'industrie forestière au Québec, et je voudrais, si vous me le permettez, donner quelques chiffres. Je dirai, au départ, que cette société d'État est d'une taille modeste par rapport à d'autres entreprises du secteur privé ou encore à une entreprise comme la Société générale de financement qui, sauf erreur, cette année, va atteindre un chiffre d'affaires global de l'ordre de 1 000 000 000 $, la Société générale de financement ayant des activités à la fois dans les usines de fabrication et de production de pâtes et de papier journal et également des activités dans l'industrie du sciage et des produits forestiers. Mais REXFOR, à côté de la Société générale de financement, est une petite entreprise, en tout cas beaucoup plus modeste. Je vous donnerai comme chiffres qu'en 1983, par exemple, la part du groupe REXFOR et ses participations minoritaires représentaient 3,7% de l'ensemble des volumes de bois récoltés au Québec. Moins de 4% de la récolte de bois va à REXFOR, c'est-à-dire 1 250 000 mètres cubes sur un total de 34 000 000 de mètres cubes. Les emplois créés par l'activité de REXFOR constituent 4,5% de tous les effectifs québécois qui travaillaient dans ce secteur en 1983.

Je voudrais dire maintenant, M. le Président, au début de ce débat de deuxième lecture, que très souvent nous entendons le reproche à l'endroit d'une société d'État, que ce soit REXFOR ou autre mais très souvent le secteur privé nous dit que REXFOR fait une concurrence inappropriée, que sa place devrait être ailleurs. En certains cas, on va même jusqu'à dire que la concurrence est déloyale. Je crois que ces chiffres indiquent que la part de REXFOR dans l'ensemble de l'industrie forestière est minuscule.

Ce matin, en conférence de presse, à l'occasion du dépôt en public d'un document qui devrait servir de base à une consultation sur une prochaine politique forestière, j'avais l'occasion de donner quelques chiffres. L'ensemble de l'industrie de la forêt au Québec, c'est, bien sûr, énorme. Cela veut dire 260 000 emplois, directs ou indirects; cela veut dire une masse salariale de 1 300 000 000 $; cela touche 60 usines de pâtes et de papiers; cela touche également 1200 usines de transformation du bois dont la majorité sont dans le sciage. Le secteur forestier, dans son ensemble, contribue pour presque le quart de la valeur totale de nos exportations, 23% pour être précis, pour un volume d'exportations globales de 3 000 000 000 $.

M. le Président, quand on dit que dans ce secteur REXFOR représente moins de 5% des effectifs et représente aussi moins de 4% des volumes de bois, j'arrive mal à comprendre - peut-être que j'ai mal saisi le dossier - l'argumentation de ceux qui prétendraient que REXFOR, dans certaines de ses activités, nuit à l'entreprise privée alors que, précisément, lorsqu'on va aux états financiers de REXFOR - je les ai ici devant moi - on s'aperçoit - et j'ai le rapport annuel de 1982-1983, celui de 1983-1984 sera disponible très bientôt. On se rend vite compte, à la lecture des états financiers, que REXFOR, dans ses activités, tantôt agit seule et très souvent aussi agit en association avec l'entreprise privée, agit en partnership. Les exemples à cet égard sont nombreux. Je pense qu'il serait peut-

être utile de rappeler, par exemple, que la Scierie des Outardes, c'est un "partnership". Je crois que les rapports sont d'environ 60% pour REXFOR et 40% pour la compagnie QNS. C'est l'illustration très claire et très nette que REXFOR n'agit pas toujours seule.

On pourrait prendre le dossier Énerbois, également, qui est en partnership. Il y en a beaucoup d'autres. REXFOR agit dans un secteur très précis de notre économie. C'est une société d'État de taille modeste qui agit en partnership et agit seule également. Lorsque REXFOR agit seule, règle générale, c'est parce que son actionnaire qui est le gouvernement, que ce soit notre gouvernement du Parti québécois ou le gouvernement libéral ou le gouvernement de l'Union Nationale, comme auparavant, a le droit, de par la loi, de donner des mandats à REXFOR. On se rend compte, aujourd'hui, que dans beaucoup de cas où REXFOR a agi seule, c'est lorsqu'elle a reçu des mandats de son actionnaire.

Je le dis pour rassurer en quelque sorte l'entreprise privée qui voudrait se prémunir contre une concurrence que l'on ne souhaiterait pas: notre intention n'est pas de placer REXFOR de façon systématique en concurrence avec l'entreprise privée. Au contraire, nous allons continuer de privilégier la voix de l'association. J'ai un exemple qui me vient à l'esprit: Je pense aux problèmes que nous avions il y a quelques années dans la vallée de la Matapédia, par exemple. L'entreprise qui s'appelle aujourd'hui PanVal, qui produit des panneaux dans la vallée de la Matapédia et qui donne des centaines d'emplois à des travailleurs de cette région; ce qui fait que la forêt de la vallée de la Matapédia et de ce coin de pays est transformée sur place avec le maximum de valeur ajoutée, c'est parce que REXFOR s'est impliquée. REXFOR ne s'est pas impliquée seule. Elle s'est impliquée avec un partenaire. Vous allez me dire: C'est un partenaire du Québec, c'est un partenaire du Canada ou c'est un partenaire des États-Unis. Je vous dis: Non, M. le Président. Ce sont des Allemands d'Allemagne, de la République fédérale, qui sont venus au Québec et qui ont trouvé que nous avions ici une excellente politique sur le plan des tarifs hydroélectriques, parce que les tarifs étaient concurrentiels, qu'ils ont été satisfaits des garanties d'approvisionnement que nous accordions, qu'il y avait dans cette région de la Matapédia une main-d'oeuvre hautement qualifiée, que la ressource était sur place et que le ministère de l'Énergie et des Ressources - que de temps à autre on se plaît à appeler le ministère des Forêts, mais c'est le ministère de l'Énergie et des Ressources dont on parle - a garanti les approvisionnements, et les Allemands, la famille Kunz, ont trouvé chez nous un partenaire qui s'appelle REXFOR et qui est une société d'État. REXFOR n'a pas pris une position de contrôle dans les industries PanVal et ne l'a même pas exigé. C'est ce second exemple que je voudrais donner.

Aujourd'hui, en faisant l'examen du projet de loi 66, on se rend compte, premièrement, que c'est un projet de loi qui est très court. Je pense que ces projets de loi qui sont brefs, lorsqu'on touche aux affaires de l'économie, sont peut-être les meilleurs projets de loi. 66 000 000 $, c'est évident que c'est beaucoup d'argent. Ce que nos concitoyens qui nous écoutent et qui suivent les travaux de l'Assemblée nationale voudraient savoir, c'est ce que nous avons l'intention de demander à REXFOR de faire ou de mettre en route avec un capital-actions de 66 000 000 $ de plus. Avant de vous le dire, je voudrais peut-être souligner ce qui a scandalisé ce que j'appellerais l'Opposition libérale en face de nous.

On nous a dit en commission parlementaire la semaine dernière: Cela n'a aucun bon sens de venir à l'Assemblée nationale pour demander 66 000 000 $, parce que REXFOR n'a pas de plan de développement. On voudrait simplement savoir, nous, du côté libéral, avant de voter avec le gouvernement sur le projet de loi, où vous allez avec REXFOR, ce que vous avez l'intention de faire, quels sont les critères de rentabilité, quelles sont les exigences du gouvernement vis-à-vis de REXFOR dans un dossier comme celui-là. Je répéterais essentiellement ce que je disais la semaine dernière à l'Opposition: Je suis prêt, de mon siège ici, à faire un aveu et un aveu cuisant. C'est que REXFOR, effectivement, aujourd'hui le 12 juin 1984, n'a pas de plan de développement qui ait été approuvé par son actionnaire. Mais cela ne veut pas dire pour autant que REXFOR n'a pas son plan de développement. On retrouve cela dans ce projet de loi. Avec 66 000 000 $ de capital-actions en plus, REXFOR, dans quatre projets précis, a l'intention de rejoindre, de chercher et de retrouver des partenaires et d'investir dans l'économie du Québec 486 000 000 $ au total. C'est donc dire que des partenaires seront appelés à répondre à l'invitation de REXFOR s'ils y trouvent leurs intérêts, bien sûr, pour faire en sorte que dans la partie nord de la Gaspésie, qui a connu au fil des années sa part d'épreuves sur le plan économique et qui la connaît encore aujourd'hui, on puisse relever le défi et faire en sorte que l'industrie du sciage dans tout ce secteur de la région de la Gaspésie puisse se remettre en marche.

Il y a six scieries qui sont visées par ce projet. Cela représente quand même 900 personnes qui seront maintenues au travail ou qui auront un emploi. C'est dans ce sens-là que nous allons investir dans l'industrie du sciage - on avait parlé au départ d'y mettre 26 000 000 $ - selon les derniers chiffres, si

on tient compte des probabilités d'intégrer dans la réorganisation du secteur du sciage en Gaspésie les activités qui, autrefois, étaient à Marsoui et à Mont-Logan, je pense qu'il va falloir y ajouter 5 000 000 $ ou 6 000 000 $. C'est donc 30 000 000 $ environ qui seront investis dans l'industrie du sciage en Gaspésie.

Deuxième chose, la Papeterie de Matane. Cela va exiger plusieurs centaines de millions de dollars. On parle aujourd'hui d'un investissement en capital de 330 000 000 $. Le projet de loi qui est devant nous va permettre à REXFOR d'apporter sa part de capitaux pour faire en sorte qu'avec des partenaires, la Papeterie de Matane puisse commencer le plus tôt possible.

J'ajoute également que dans le comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue il y a un projet de panneaux gaufrés. REXFOR y est intéressée. Elle est intéressée à discuter également avec des partenaires pour mettre ce projet en route. C'est ce projet de loi qui va permettre à REXFOR, nous l'espérons, le plus rapidement possible, de réaliser un investissement dans le Témiscamingue qui fera qu'à bon droit nous pourrons répondre aux attentes des citoyens du Témiscamingue qui se plaignent depuis fort longtemps et à juste titre d'ailleurs. (15 h 20)

Mon collègue, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, qui est avec moi, ici, je pense, sera d'accord. Il est très légitime que les gens du Témiscamingue veuillent donner une valeur ajoutée à une richesse naturelle de leur région; c'est aussi légitime de le faire au Témiscamingue que dans la vallée de la Matapédia ou dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou encore dans la Beauce ou en Mauricie, pour autant qu'on n'ira pas vers des scénarios de cloisonnements régionaux. Nous allons pousser pour que REXFOR maximise dans chacune des régions forestières du Québec les retombées économiques des investissements. C'est le troisième projet.

Le quatrième, c'est le projet de construction de l'usine MDF à Mont-Laurier. Là-dessus, je pense que l'Opposition libérale sera d'accord. Il faut absolument que dans ce secteur et dans ce coin du Québec, si j'ai bien compris les questions qui m'ont été posées, entre autres, par le leader parlementaire de l'Opposition, le député de Gatineau, qui est intéressé par le dossier, on souhaite que REXFOR s'implique dans un projet MDF. Jusqu'à présent, le député de Gatineau nous a dit: Jusque là, on est d'accord; mais au lieu d'être à Mont-Laurier, on voudrait que l'investissement aille à Maniwaki. Là, notre désaccord n'est plus sur le principe de l'intervention de REXFOR dans la mise en route du projet MDF. Notre désaccord n'est que sur le lieu, et cela change la discussion.

Pour ceux qui ont une carte géographique devant eux - je ne suis pas résident de cette région, mais j'ai eu l'occasion d'y aller à plusieurs reprises -lorsque vous êtes à Maniwaki, vous vous dirigez vers Grand-Remous et, de Grand-Remous, vous arrivez à Mont-Laurier. Il y a à peine une quarantaine de milles entre les deux endroits. Jamais je ne croirai que l'Opposition libérale va voter contre un projet de loi de développement régional comme celui-là pour 40 milles de distance; vous allez passer pour des chauvins. D'autant plus qu'en commission parlementaire, le président de REXFOR, M. Michel Duchesneau, a expliqué, en répondant aux questions du député de Gatineau, pourquoi REXFOR avait décidé, non pas de réaliser le projet de Mont-Laurier, mais de demander au ministère de l'Énergie et des Ressources qu'on lui garantisse pour six mois - cela s'est fait il y a quelques mois - des approvisionnements de bois. On a mis en réserve des approvisionnements de bois, nécessaires pour un projet MDF à Mont-Laurier. Autrement dit, si REXFOR et son ou ses partenaires en viennent à la conclusion que nous avons là un projet de développement économique intéressant, que les investissements qui seront consentis dans ce projet offriront un retour, c'est-à-dire une certaine rentabilité, que des emplois seront créés, que cela va être bon pour l'économie de la région de Mont-Laurier, je pense qu'on va être tous d'accord pour aller de l'avant. Si, par malheur, on arrivait à la conclusion que cet investissement qui est projeté actuellement n'est pas assis sur des bases de rentabilité, j'ai l'impression qu'on va mettre le frein. C'est comme cela que chacun des dossiers est analysé. Que ce soit pour REXFOR ou pour toute autre société d'État du gouvernement, nous tentons d'asseoir les projets d'investissements sur des projections, sur des pro forma, bien sûr, mais en étant moralement certains, en tout cas, que nous prenons des risques financiers assis sur une problématique de retour.

Je vous dirai à cet égard que, pendant deux ans dans le dossier de Maniwaki - je dirais même plus, notre idée de départ était, et c'était une des intentions très fermes de mon prédécesseur à ce ministère - nous avons envisagé de construire dans cette région du Québec un premier centre intégré de transformation et d'utilisation de la forêt, ce qui est devenu dans le jargon, un projet CITUF. Un projet CITUF, cela veut dire environ 400 000 000 $ ou 440 000 000 $ d'investissements et je n'ai jamais entendu le député de Gatineau se prononcer contre ce projet; au contraire, et il a raison d'être d'accord.

Sur le plan du principe, mon ami, le collègue de Gatineau et moi-même sommes d'accord quant à l'intervention de REXFOR

dans un projet MDF. Là où il y a un désaccord, semble-t-il, c'est sur le lieu. Mais c'est un peu compréhensible puisque le député de Gatineau, ici à l'Assemblée nationale, représente la population de Maniwaki. J'ai entendu des commentaires à la radio et à la télévision et j'en ai lus dans les journaux où on nous accusait, de ce côté-ci, de prendre des décisions qui étaient basées sur des considérations politiques et non pas sur des considérations d'ordre économique. Je répondrai à cela, M. le Président, d'une façon très simple.

Dans le dossier de Maniwaki, REXFOR était et est toujours intéressée. Encore faut-il que sa présence soit bienvenue, que sa présence soit souhaitée par les investisseurs de la région, par les intérêts du milieu. Or, il nous a été dit en commission parlementaire, de façon très claire et très nette, par le président de REXFOR, que cette dernière n'était pas bienvenue à Maniwaki, que la compagnie MacLaren n'était pas intéressée à faire des affaires avec REXFOR même si REXFOR se plaçait, au début des discussions, dans une position minoritaire. Toujours pour Maniwaki, c'est dommage que le résultat soit celui-là, mais la compagnie MacLaren était également intéressée à un projet MDF à Maniwaki. Elle a fait des études. Elle a dépensé plusieurs dizaines de milliers de dollars. J'ai rencontré la compagnie à plusieurs reprises. Elle a fait des vérifications de marché. Elle en est venue à la conclusion que faire un projet MDF à Maniwaki n'était pas intéressant pour son entreprise, pas plus à Mont-Laurier d'ailleurs et pas plus à Jonquière, à Rouyn ou ailleurs.

La compagnie MacLaren nous a dit: Nous travaillons dans le secteur du papier journal; nous travaillons dans le secteur des produits forestiers; or, dans l'état actuel des choses que nous pouvons lire d'un dossier d'investissements MDF, nous avons des craintes par rapport au marché; nous avons des craintes par rapport aux panneaux-particules; donc, nous avons des craintes par rapport à la concurrence et, en tout état de cause, en faisant un investissement dans ce genre de projet, nous aurions moins en termes de retour sur l'investissement que ce que nous pourrions espérer recevoir dans les activités que nous poursuivons, c'est-à-dire fabriquer du papier journal et faire tourner des moulins de sciage. La compagnie MacLaren m'a dit et elle l'a dit également à l'Opposition, elle l'a dit publiquement: C'est avec beaucoup de regret, mais, pour l'instant, nous renonçons à mettre en route un projet MDF, que ce soit pour Maniwaki, pour Mont-Laurier, pour le Témiscamingue ou n'importe où ailleurs. REXFOR est actuellement en discussion avec un partenaire. Les études sont en cours. Les études de faisabilité, les études de préfaisabilité sont déjà faites par les entreprises, et c'est le quatrième projet que nous voudrions voir se réaliser.

Maintenant, je pense qu'on pourrait admettre que ce genre de scénario d'investissement, règle générale, se fait dans le cadre d'un programme ou d'un plan qui a été arrêté, disséqué, ventilé et mis au point. Puis, on dit à une entreprise: C'est dans cette direction qu'on s'en va. Je sais que, tantôt, les libéraux viendront nous dire, dans leurs discours: REXFOR n'a pas de plan de développement; nous sommes donc contre ce projet de loi. M. le Président, nous ne sommes pas en train de refaire le monde avec ce projet de loi. (15 h 30)

Je disais tantôt que REXFOR a des activités très diversifiées dans l'économie d'énergie, dans la production d'énergie, dans l'industrie du sciage, dans l'industrie de production de panneaux. Lorsque REXFOR prend à son compte de relever l'industrie du sciage en Gaspésie, d'aller en quelque sorte prendre la relève de toutes les faillites de l'entreprise privée dans ce secteur, je n'arrive pas à comprendre, après toutes les tournées et tous les discours des libéraux qu'on a entendus, qu'ils vont se prononcer contre cette intervention.

M. le Président, il y a un fond de vérité dans l'argumentation du Parti libéral qui dit que REXFOR devrait avoir un plan de développement. Cela m'a intéressé et, en commission parlementaire l'autre jour, j'ai demandé au président de REXFOR, M. Duchesneau qui, je crois, est en poste à REXFOR depuis 1980: Est-ce que, M. le président, à votre connaissance, REXFOR a déjà eu un seul plan de développement depuis que cela existe? Vous allez penser que je vais répondre oui, M. le Président, mais la réponse est non. Pas un plan de développement au sens où REXFOR aurait planifié sur dix ans sa mission et qu'ensuite, sur cinq ans, on aurait dit: On fait tel projet, tel projet, tel projet.

Peut-être que c'est une mauvaise habitude. Je n'en suis pas convaincu parce que REXFOR est appelée à jouer au pompier. Par exemple, on n'a pas eu un grand préavis lorsque les entreprises de la Gaspésie comme Mont-Logan et Marsoui se sont écrasées dans des faillites.

J'hésite toujours à avancer dans ce genre de dossier mais je me dis: Je vais aller voir ce que nos prédécesseurs ont fait avant nous, ceux qui, aujourd'hui, nous expliquent en quelque sorte leur façon de voir les choses. Je me suis informé un petit peu et cela va vous intéresser sûrement, M. le Président. REXFOR oeuvre dans le domaine de la transformation du bois et dans celui aussi de la fabrication du bois d'oeuvre, entre autres choses. Je me suis dit: Puisque M. Bourassa ne vient pas nous parler ici à l'Assemblée nationale mais qu'il parle dans

les régions et qu'il critique le gouvernement parce que REXFOR n'a pas de plan de développement, parce que le député d'Outremont n'a encore rien critiqué de ce que nous avons fait dans REXFOR au nom de sa formation politique, c'est à relire dans nos annales politiques. En commission parlementaire la semaine dernière, le député d'Outremont a refusé de parler au nom de sa formation politique. Il a parlé en son nom personnel. Je vous dirai que les propos que je tiens aujourd'hui le sont à la fois en mon nom personnel, au nom de mon parti et au nom de notre gouvernement. Je vous dirai que nous avons l'intention d'aller de l'avant.

M. le député d'Outremont, vous devriez écouter attentivement ce que je vais vous dire. Jamais REXFOR n'a eu un plan de développement. Pourtant, les libéraux ont formé le gouvernement à deux, trois, quatre reprises même, depuis 20 ou 25 ans et REXFOR existait. Vous le savez, vous, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. On vous l'a sans doute raconté. Mais, M. le Président, dans le domaine de la transformation du bois, en 1973, sans plan de développement, à la demande de son actionnaire - c'est le gouvernement libéral -REXFOR a fourni une assistance financière et technique aux produits forestiers Tembec et sa filiale Tembois Inc. du Témiscamingue. Je dis: Très bien, M. le Président. Cela a été une bonne intervention. Cela ne veut pas dire qu'on a besoin d'avoir un plan de développement à n'en plus finir pour faire une intervention ponctuelle. C'était à la demande de l'actionnaire. En 1974, l'établissement à Rivière-du-Loup de la papeterie F.-F. Soucy qui installait une deuxième machine à papier en garantissant, de concert avec le gouvernement, l'approvisionnement en bois à cette entreprise et également une participation dans le capital de risque. C'était en 1974. Deuxième intervention. Pas de plan de développement.

Toujours dans le secteur de la transformation du bois, en 1974, à la demande de son actionnaire, REXFOR a contribué, avec une autre société d'État à l'établissement de l'usine de carton de Papiers Cascades Cabano Inc., où elle détient, encore aujourd'hui, une participation de 30%. Troisième intervention.

Dans le secteur de la fabrication du bois d'oeuvre, en 1975, trois interventions. La première: REXFOR a participé au redressement de la Scierie Taschereau dans le Nord-Ouest du Québec. REXFOR a pris, à la demande de son actionnaire en 1975, sous un gouvernement libéral, sur mandat du gouvernement, sur mandat donc de son actionnaire, la scierie Taschereau, qui était en faillite. REXFOR, sous notre gouvernement, l'a rentabilisée et l'a retournée ensuite à l'entreprise privée. C'est la quatrième intervention.

En 1975, à la demande également du gouvernement de l'époque, REXFOR est intervenue à Béarn au Témiscamingue pour empêcher une coopérative de faire faillite. Les scieries Béarn tournent encore. C'est la cinquième intervention.

En 1975, à la demande de son actionnaire, pour éviter une faillite, REXFOR s'est engagée dans l'entreprise Samoco à Sacré-Coeur. Soit dit en passant, Samoco, qui est devenue Produits forestiers Saguenay, avait été revendue par REXFOR à une entreprise privée et l'entreprise privée est encore en panne à Sacré-Coeur. L'entreprise n'est pas en faillite au sens où c'est un syndic qui administre les biens, mais je crois que des créanciers ont désigné un administrateur. Cette entreprise, Produits forestiers Saguenay, devrait, dans les prochaines semaines j'espère, connaître ce que j'appellerais un redémarrage. C'est la sixième intervention entre 1973 et 1975 que le gouvernement libéral fait avec REXFOR sans plan de développement. Je dis qu'à chacune de ces interventions le gouvernement a bien fait d'intervenir.

En 1976 - ce sera la septième intervention - sous le gouvernement libéral, REXFOR a pris la relève d'entrepreneurs québécois et a mis sur pied avec QNS le complexe de la scierie des Outardes, dont je parlais tantôt. REXFOR détient une partie du capital-actions. Plusieurs millions de dollars ont été consentis à cette entreprise encore tout récemment et par QNS et par REXFOR pour assurer la modernisation, l'expansion et les chances de croissance de cette entreprise. C'est la septième intervention de l'actionnaire avant nous, avant notre gouvernement.

Cela va peut-être vous surprendre, mais il y en a une huitième. En 1976, dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie - écoutez bien les endroits - à Grande-Vallée, Sainte-Anne-des-Monts, à Cap-Chat, la société a participé sur mandat du gouvernement à la relance d'une entreprise de sciage en difficulté.

À huit reprises, le gouvernement libéral a donné le mandat à une société d'État qui s'appelle REXFOR qui vit, existe et respire encore aujourd'hui, d'intervenir. Question: Est-ce que REXFOR avait, à cette époque, un plan de développement? La réponse est non. Je serais prêt à gager pas mal d'argent que, dans quelques minutes, les députés libéraux qui vont parler vont reprocher à notre gouvernement le fait que REXFOR... REXFOR a un plan de développement, mais un plan de développement qui n'a pas été approuvé par son actionnaire; donc, à toutes fins utiles, pour autant que l'actionnaire est concerné, REXFOR n'a pas de plan de développement. On va nous en faire le reproche? Je répondrai à l'Opposition que nous faisons mieux. Nous avons ici un projet

de loi, et les travaux que nous menons dans ce dossier depuis plusieurs semaines d'une façon particulière à l'Assemblée nationale... La semaine dernière, en commission parlementaire, nous avons commencé à 10 heures du matin jusqu'à 13 heures; ensuite après la période des questions jusqu'à 18 heures; nous avons repris ensuite en soirée à 20 heures jusqu'à 23 h 30, 23 h 45. Moi j'aurais été prêt à continuer mais l'Opposition a demandé un ajournement. (15 h 40)

Nous avons donné à l'Opposition, en faisant comparaître le président de REXFOR et ses vice-présidents. Je voudrais demander au député d'Outremont s'il sait combien de fois, avant 1984, à l'époque où M. Lesage était premier ministre libéral, à l'époque où M. Bourassa était premier ministre libéral, combien de fois le Parti libéral du Québec a demandé à REXFOR, à son président et à ses vice-présidents de venir en commission parlementaire expliquer aux élus de la population ce qu'ils faisaient, comme gestionnaires de cette société d'État, avec les fonds publics qu'on leur confiait. Je serais porté à vous dire peut-être... Mon Dieu! M. Lesage a été élu en 1960. Il a été réélu en 1962. Il a été défait en 1966. M. Bourassa a été élu en 1970. Il a été réélu en 1973. Il pensait se faire réélire en 1976 et il s'est fait battre. Cela fait treize ans et en treize ans, sur chacune des huit interventions que j'ai mentionnées tantôt et je ne les ai pas toutes mises sur la table...

Si vous vous rappelez, M. le Président, je vous ai donné seulement les interventions du dernier mandat de M. Bourassa. S'il fallait qu'on remonte à M. Lesage, on passerait la semaine. De 1973 à 1976 inclusivement, huit interventions. Combien de fois REXFOR est-elle venue répondre à des députés élus à l'Assemblée nationale aux questions légitimes que la population est en droit de poser? Sur douze ou treize ans de régimes libéraux, je serais tenté de répondre: Certainement très souvent. Mais la réponse, c'est non seulement très souvent, non seulement souvent, ni trois fois, ni cinq fois, ni une fois. La réponse, c'est jamais! Jamais REXFOR, comme société d'État n'a rendu de compte à qui que ce soit en commission parlementaire, à moins que mon service de recherche soit bien mal informé. Je sais que le service de recherche du Parti libéral a d'excellents cerveaux au travail, mais le problème, c'est qu'ils ne travaillent pas sur les bons dossiers. Je le leur dis en toute amitié.

Si le Parti libéral qui est devant nous et qui, tantôt, va nous faire des reproches, tantôt, va nous faire une critique ou encore, à moins que depuis les cinq ou six derniers jours, le député d'Outremont, après avoir consulté ses collègues, après avoir entendu le président de REXFOR et ses quatre ou cinq vice-présidents qui l'accompagnaient en soit venu à la conclusion que nous sommes aujourd'hui au travail sur un projet de loi qui a une portée économique... S'il y a quelqu'un qui nous casse les oreilles avec l'économie, c'est bien l'absent ancien nouveau chef du Parti libéral. On parle d'économie aujourd'hui. On parle de projets concrets d'investissements dans le développement économique de quatre régions du Québec. Si le député d'Outremont vient me dire: Cela ne nous intéresse pas parce que vous n'avez pas de plan de développement; cela ne nous intéresse pas parce qu'on n'a pas eu de réponses à toutes nos questions, mon Dieu! je ne comprends rien. Eux, quand ils étaient là, comme les Français diraient: Eux, quand ils étaient aux affaires, qu'ont-ils fait? Aucun plan de développement, aucune commission parlementaire et je les soupçonne même - je suis pas mal certain que je ne me tromperai pas - d'avoir décidé de faire les investissements d'abord et d'être venus ensuite à l'Assemblée nationale chercher de l'argent pour REXFOR. Cela s'est fait comme cela, presque à tout coup.

M. le Président, on a ici un plan législatif de développement dans le sens suivant. Nous disons aux membres de l'Assemblée nationale: Voici une société d'État, une société qu'on a massacrée passablement, parce que le comptable ou l'apprenti sorcier qui a fait l'exercice futile de déposer les tableaux 6, 6A, 6B, 6C, 6D et 6E en commission parlementaire, qui a refait les chiffres de REXFOR, en est venu à la conclusion - ce grand cerveau - que plutôt que d'avoir un bénéfice consolidé sur la période, REXFOR avait un déficit consolidé. Il a seulement enlevé du bilan financier de REXFOR les revenus de placement. Cela prend un libéral mal intentionné - j'allais dire vicieux, M. le Président - pour faire des choses semblables. Cela fait partie de ce que j'appellerais la campagne de dénigrement systématique du Parti libéral.

Quand le député d'Outremont est allé en Gaspésie, cela lui a fait du bien. Il a rencontré du monde qui avait les deux pieds sur la terre. À la période des questions, l'autre jour, quand il a fait une intervention, il a pris la précaution de nous dire, et j'en étais très heureux: J'ai une question à poser au ministre de l'Énergie et des Ressources. Cela fait déjà, mon Dieu! depuis 1981 je crois, que le député d'Outremont me pose des questions. Moi, je pensais l'autre jour que cela faisait depuis 1976. Voici ce qu'il dit le 31 mai 1984, à la période des questions, à la page 14 du journal des Débats: "Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Je lui dis dès maintenant..." Écoutez cela, cela vaut la peine. Ce n'est pas un député du Parti québécois qui parle, ce n'est pas un social-démocrate qui vous parle. C'est un libéral

qui pose une question. Qu'est-ce qu'il dit? "Je lui dis dès maintenant que je ne mets nullement en question la nécessité pour une société d'État comme REXFOR d'intervenir dans des régions en difficulté telle la Gaspésie".

Moi, je suis obligé d'applaudir à une affirmation comme celle-là et de dire au député d'Outremont que, s'il va dans le Témiscamingue, en compagnie de mon collègue...

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témis-

camingue): II ne viendra jamais.

M. Duhaime: II faudrait qu'il aille rencontrer la population. Quand il reviendrait, il dirait très certainement: "Je lui dis dès maintenant que je ne remets nullement en question la nécessité pour une société d'État comme REXFOR d'intervenir dans des régions en difficulté, tel le Témiscamingue." Je suis aussi convaincu que si le député d'Outremont acceptait l'invitation que lui fait mon collègue, qui est ministre de l'Éducation et député de Matane, de l'accompagner en tournée de comté ou en tournée régionale à Matane pour aller demander aux gens de Matane si oui ou non ils veulent la papeterie de Matane, il reviendrait m'en donner des nouvelles et quand il reviendrait de Matane et me poserait une question, je suis sûr que le député dirait dans son préambule: "Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Je lui dis dès maintenant que je ne remets nullement en question la nécessité pour une société d'État comme REXFOR d'intervenir dans des régions en difficulté, telle la région de Matane." Je suis certain de cela. J'espère que vous allez vous y rendre au plus vite.

Je suis certain également que si vous acceptez l'invitation de mon collègue, le député de Labelle, M. Léonard, qui est ministre des Transports, de l'accompagner à Mont-Laurier, vous allez aussi revenir en disant: "Je suis d'accord pour que REXFOR intervienne pour assurer le développement économique dans cette région."

Si c'est vrai, le député d'Outremont s'apprête à prononcer cet après-midi un des meilleurs discours de sa carrière. Il va être d'accord avec le projet de loi 66...

Des voix: C'est cela.

M. Duhaime: ...parce qu'il va être d'accord avec le développement de l'industrie du sciage en Gaspésie. Il va être d'accord avec l'implantation d'une papeterie à Matane. Il va être d'accord avec l'implantation d'une usine de panneaux gaufrés dans le Témiscamingue. Il va être d'accord aussi avec un projet MDF à Mont-Laurier. Là, vous allez rendre service au Parti libéral.

Pas comme l'autre jour en commission parlementaire.

Cela m'a scandalisé. J'en ai même parlé à ma femme. J'ai dit: Est-ce que c'est possible? Après ma journée de travail! Vous savez que la vie d'un député n'est pas toujours drôle. Je suis arrivé chez moi très tard. J'arrive de l'Assemblée nationale. Le député d'Outremont était là. J'ai dit: On a perdu notre temps toute la journée. Le député d'Outremont a parlé en son nom personnel. De deux choses l'une: Ou bien le Parti libéral a changé son critique en matière de forêts, ou bien le Parti libéral n'a rien à dire, ou bien il n'avait pas eu le temps de parler à Robert Bourassa. Un des trois. J'espère que le discours que nous allons entendre tantôt du député d'Outremont va être un discours où, quelque part, il va nous dire: Je parle aujourd'hui comme porte-parole officiel du Parti libéral du Québec. Ensuite, il va nous dire s'il est d'accord avec les objectifs du projet de loi. (15 h 50)

C'est une simple coïncidence que le projet de loi 66 comporte 66 000 000 $ d'investissements. Ces 66 000 000 $ ne sont que la part de REXFOR dans chacun de ces projets. De mémoire, je pense que l'ensemble de ce qui est attendu des partenaires éventuels de REXFOR dans chacun des quatre projets se chiffre à 190 000 000 $. Le total des investissements générés par ce projet de loi est de 486 000 000 $ en dollars d'aujourd'hui, ce qui veut dire qu'au moment de leur réalisation, on parle d'un demi-milliard de dollars.

Je suis certain que la préoccupation des libéraux, qui est une préoccupation de développement régional... Quand j'entends les discours du très éloquent et incomparable député de Maskinongé, quand je l'entends parler du développement économique de la région des Trois-Rivières, de la Mauricie, des Bois-Francs, de Drummond, qu'est-ce qu'il dit? Il faudrait que les gens s'impliquent, il faudrait que les investissements viennent, il ne faudrait pas que les sociétés d'État prennent la place de tout le monde. C'est exactement ce que l'on fait, on donne le mandat à REXFOR, on va lui donner les crédits, on va lui donner l'argent nécessaire et REXFOR sera en mesure de discuter avec des partenaires et d'enclencher des projets d'investissements créateurs d'emplois et de développement économique.

Une chose m'a amusé, l'autre jour, et il faut que je vous raconte cela. Le député d'Outremont nous a fait beaucoup de reproches en commission parlementaire et j'avoue que cela m'a chagriné. Il nous a dit: Vous auriez dû prendre exemple sur la Société générale de financement. Lorsqu'ils sont venus nous voir en 1980, ils avaient un plan de développement entre deux "couverts", ils nous ont expliqué cela et c'était

merveilleux.

Cela m'a chagriné parce que le député d'Outremont aurait dû ajouter que le ministre qui pilotait le projet de loi qui a donné à la Société générale de financement 118 000 000 $ pour lui permettre de prendre de l'expansion, c'est celui qui vous parle. Ce projet de loi avait été voté en décembre 1980 à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Nous avions, dans ce projet de loi, bien sûr, un plan de développement. Il y avait des intentions d'investissement, mais il y avait un bloc de plusieurs dizaines de millions - si mon souvenir est bon, je pense que c'est 60 000 000 $ ou 65 000 000 $ - pour faire des acquisitions. C'était inscrit: X millions, acquisitions futures.

L'Opposition nous a demandé à cette époque, en 1980: Quelles sont les entreprises que vous avez l'intention d'acheter? On a dit: On ne peut pas vous le dire, si on annonce cet après-midi que la Société générale de financement va acheter telle compagnie de papier, faire une OPA, une offre publique d'achat, ou encore une compagnie dans le secteur manufacturier, j'ai l'impression que les chiffres vont sauter un peu à la Bourse.

Les libéraux nous ont fait confiance, ils ont voté le projet de loi sans savoir quelles étaient la ou les entreprises que la Société générale de financement convoitait. Je vais vous le dire, aujourd'hui, il y en avait deux: Hawker-Siddeley et Domtar. C'est le projet de loi sur la Société générale de financement qui a permis, dans les années qui ont suivi, à la Société générale de financement de prendre une participation suffisamment élevée dans Domtar, avec aussi la participation de la Caisse de dépôt et placement dans cette entreprise, que le contrôle effectif de Domtar est resté entre les mains de Québécois.

Dans ce projet-ci, nous donnons plus de renseignements que dans le projet de 1980. Si on nous a fait des félicitations pour le projet de loi de 1980, sur la façon dont nous avons procédé, en en donnant davantage, il me semble qu'on mériterait davantage de félicitations. Dans le projet de loi, on dit: II y a quatre projets très précis qui sont identifiés. Je ne le sais pas, peut-être que le député d'Outremont a parlé à Robert Bourassa, je sais qu'ils sont en négociations, à l'heure actuelle. Est-ce que le député d'Outremont est en train de nous faire vivre ses dernières heures ici, comme parlementaire? Comme on le lirait dans Tintin: "mystère et boule de gomme". Mais tout le monde sait que cet homme que l'on recherche tant, à propos duquel circulent actuellement des avis de recherche et qui, ce matin, par la voix du leader de l'Opposition, par la voix du chef parlementaire de l'Opposition, réclamait au premier ministre des élections générales, devrait peut-être commencer par se présenter à une élection partielle.

M. Bourassa, je ne l'ai jamais connu; je ne le connais pas; je l'ai rencontré une fois ou deux. Je ne l'ai jamais vu non plus à l'Assemblée nationale. J'espère qu'on ne me privera pas trop longtemps de ce plaisir, M. le Président. J'ai hâte qu'il arrive, qu'il vienne nous voir, qu'il vienne nous expliquer... Le député d'Outremont parlant en son nom personnel, il est assez difficile de savoir ce que les libéraux pensent du projet de loi. Si M. Bourassa était là... Je ne le blâme pas de viser le comté d'Outremont; c'est un comté facile. C'est un comté facile, il a toujours été libéral. Le vôtre, peut-être, le comté d'Outremont; c'est un beau comté, il a un maire libéral - c'est-à-dire qu'il était libéral. Il a changé de parti, mais j'ai oublié son nom; je me demande si ce n'est pas le parti de...

Une voix: Judéo-chrétien.

M. Duhaime: Je ne me souviens pas... Le parti qu'avait fondé M. Choquette, cela avait duré un bon mois et demi. Il est retourné à la mairie d'Outremont. C'est un homme respectable, un ancien ministre de la Justice. Le seul reproche qu'on lui fait dans sa carrière, c'est la Loi sur les mesures de guerre.

Une voix: C'est cela.

M. Duhaime: Le comté d'Outremont, c'est un beau comté. Il me semble que M. Robert Bourassa, s'il était député, ferait bien cela. Il serait élu tellement fort que je me demande même si mon premier ministre présenterait un candidat. Ce qui veut dire qu'il viendrait vite. On pourrait commencer au mois de septembre ou octobre avec Robert Bourassa en face de nous, qui viendrait nous expliquer...

Une voix: Ses vues.

M. Duhaime: ...son point de vue, qui viendrait mettre à jour sans doute le petit livre rouge sur l'énergie - cela fait longtemps que je ne vous en ai pas parlé; ils ne l'ont pas mis à jour; il doit être dépassé, parce qu'il l'était déjà il y a cinq ans -concernant les forêts, les mines, le secteur manufacturier, la place des sociétés d'État dans l'économie. J'aimerais que le futur député d'Outremont, M. Bourassa, nous explique quelles sont ses vues sur REXFOR dans l'industrie de la forêt, comment il voit l'avenir. M. Bourassa est venu dans ma région il n'y a pas tellement longtemps et il a dit: Si cela continue, le Québec va être un pays du tiers monde. J'ai hâte qu'il arrive parce que je vais lui demander quelle va être notre ration de nourriture. S'il nous ménage un avenir aussi gai que celui du

dernier pays du tiers monde, cela doit être triste dans ce parti d'en face; cela doit être effrayant.

J'espère donc - et je terminerai là-dessus - que les communications à l'intérieur de la formation politique libérale ont été intenses, fructueuses, et que le Parti libéral du Québec va appuyer le désir légitime de la population de Matane, les désirs légitimes des populations de Grande-Vallée, de Marsoui, du mont Logan, de Saint-Léon-le-Grand, de Lac-au-Saumon, dans l'industrie du sciage; qu'il va appuyer aussi les désirs légitimes de la population du Témiscamingue pour une usine de panneaux; les désirs légitimes aussi de la population de Mont-Laurier. J'ajoute que celle de Maniwaki ne sera pas oubliée. Nous avons décidé pour Maniwaki, en attendant mieux, de continuer la construction de cette route. Je sais aussi que nous avons en main un projet de développement minier pour cette région. Il n'y aura pas de discrimination. Vous allez me dire: C'est facile, les mines ne se déplacent pas. C'est vrai. Mais nous allons le subventionner, même si c'est un comté libéral...

Une voix: Encore des promesses!

M. Duhaime: ...parce que la population de Maniwaki et la population de Gatineau ont le droit de vivre comme les autres...

Une voix: C'est cela.

M. Duhaime: ...et que notre gouvernement n'a jamais pénalisé personne à ce sujet. La preuve, c'est qu'on a perdu toutes nos élections partielles jusqu'à maintenant. Mais attendons le 18 juin. J'espère qu'on va casser la glace une fois.

Je vous dirai que j'espère que ce projet de loi n'est qu'un départ. J'espère que très bientôt nous reviendrons devant l'Assemblée nationale avec un autre projet de loi pour REXFOR, pour augmenter son capital-actions, pour augmenter sa force de frappe sur le plan économique, pour être en mesure de reprendre ce que j'appellerais des besoins vitaux, des besoins légitimes. (16 heures)

Vous savez, ces rouges-là, M. le Président, ils sont incompréhensibles. Ils proposent de créer de l'emploi. Ils proposent de créer de l'emploi pour les plus vieux, pour les plus jeunes, pour les hommes, pour les femmes, pour tout le monde. Êtes-vous capable de m'expliquer comment il se fait que, lorsque nous arrivons avec un projet de loi qui va commander 486 000 000 $ d'investissements dans quatre régions du Québec, le Parti libéral ne peut pas faire mieux que de nous envoyer un député, d'Outremont...

Une voix: Où il y a beaucoup de bois.

M. Duhaime: ...qui par surcroît parle en son nom personnel? Moi, M. le Président, je ne comprends pas. J'espère que je me suis trompé...

Une voix: II ne comprend rien.

M. Duhaime: ...et je suis prêt à m'excuser, M. le Président. Tout à l'heure, je vais rester ici, à l'Assemblée nationale, et je vais écouter avec mes deux oreilles le député d'Outremont. Je vais même prendre des notes et je vais le faire avec beaucoup d'attention. Si le député libéral vient nous rejoindre sur ce projet de loi, je vais les féliciter tous, parce que je sais qu'ils seront également félicités à Matane, en Gaspésie, à Saint-Léon-le-Grand, entre autres, à Lac-au-Saumon, à Grande-Vallée, dans le Témiscamingue, à Mont-Laurier, et entretenir aussi l'espoir...

Une voix: Maniwaki.

M. Duhaime: ...que Maniwaki se développe, parce que ce que les libéraux demandent, c'est que REXFOR investisse 50 000 000 $, 60 000 000 $ et 75 000 000 $ à Maniwaki. On est donc d'accord au moins sur une chose. Nous sommes d'accord des deux côtés sur le principe suivant: REXFOR - vous me corrigerez si je fais erreur - devrait investir dans un projet de MDF, quelque part. Nous disons: Mont-Laurier. Les libéraux disent: Ce devrait être Maniwaki. Je vous ai expliqué tantôt pourquoi ce ne pouvait pas, pour l'instant en tout cas, être Maniwaki. L'entreprise privée a dit non. Une société d'État, REXFOR, a dit: Nous, on était prêt à y aller; personne veut de nous autres; on est revenu chez nous. Il ne se fait pas de discrimination sur des bases politiques dans un dossier comme celui-là. Il s'agit de voir si l'investissement est sensé, s'il est raisonnable, s'il répond à un besoin, s'il répond à l'attente d'une population et s'il y a aussi à l'horizon un retour sur l'investissement.

Dans ce sens-là, je suis assuré et j'ai la conviction que, dans le dossier de l'industrie du sciage, nous pourrons commencer les investissements dans quelques semaines, dès cet été, aussitôt que les études de rentabilité et de faisabilité dans les trois autres projets auront été complétées et que nous aurons trouvé les partenaires que nous souhaitons retrouver dans chacun de ces trois dossiers. Nous irons de l'avant et ces 500 000 000 $ d'investissements qui seront réalisés dans quatre coins du pays seront -j'en suis convaincu - bienvenus chez la population, parce qu'ils sont grandement attendus. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant

d'accorder la parole au député d'Outremont, je veux apporter une correction à ce que j'ai dit au départ. J'ai tenu pour acquis qu'il y avait eu ajournement du débat sur le projet de loi 48, mais j'ai oublié de le faire entériner. Donc, il est inscrit au journal des Débats.

M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, vous avez entendu comme moi le ministre de l'Énergie et des Ressources traiter d'un sujet extrêmement grave alors que nous avons énormément de chômage dans toutes les régions du Québec, un chômage comme nous n'en avons jamais connu ici. Vous avez entendu comme moi le ministre de l'Énergie et des Ressources traiter de ce sujet d'une façon superficielle, avec des répétitions, des attaques personnelles contre moi-même et contre notre chef. Il ne faudrait pas être surpris - j'espère que nos collègues d'en face ne sont pas surpris - si, jour après jour, votre cote descend.

Vous devriez écouter un peu plus la population et savoir que ce genre de discours, M. le ministre, vous a fait perdre au moins un autre point ou deux points. Il ne faudrait pas être surpris si, mois après mois, votre cote descend et que la population vous rejette. Les gens ont des problèmes économiques. Les gens veulent réellement la création d'emplois. Ils sont fatigués de ce genre de discours de ministres et de députés fatigués sans aucune idée, qui n'apportent absolument rien dans le débat et auquel nous voulons apporter notre contribution. Les gens se posent des questions, M. le ministre, sur le rôle des sociétés d'État; les gens se posent des questions sur l'administration publique; les gens se posent des questions sur l'intensité des déficits que vous avez encourus depuis quatre ou cinq ans.

M. le Président, il ne faut pas se surprendre si c'est ainsi qu'agit le gouvernement qui nous dirige. Référons-nous à l'aveu même du vice-président du Parti québécois, M. Sylvain Simard, qui a dit: Les ministres ne sont plus intéressés à gouverner leur ministère; les ministres qui sont ici ne sont plus intéressés à gouverner. M. le Président, s'ils veulent avoir Robert Bourassa en Chambre, qu'ils déclarent des élections et il sera ici.

J'entendais le ministre dire: Mais, depuis tout ce temps et durant tout ce temps que vous avez été au pouvoir, comment y a-t-il eu de commissions parlementaires pour entendre REXFOR? Il faut savoir que c'est nous de l'Opposition qui avons demandé d'entendre REXFOR avant la discussion de principe du projet de loi. C'est nous qui avons demandé et qui avons négocié avec le ministre, qui a refusé d'ailleurs, parce que nous voulions entendre non seulement REXFOR; mais aussi les gens qui sont concernés par l'orientation de REXFOR. Nous voulions entendre également les gens du secteur privé qui se plaignent de REXFOR. Nous voulions entendre les gens des régions pour qu'ils puissent nous dire ici ce qu'ils attendent de REXFOR, ce qu'ils veulent, et pour nous permettre d'en redéfinir l'orientation.

Si, de 1970 à 1973, l'Opposition que vous dirigiez à ce moment n'a pas demandé à entendre REXFOR, ce n'est pas notre faute. Si l'Opposition qui existait du temps de Jean Lesage et auparavant n'a pas demandé à entendre REXFOR, ce n'est pas notre faute, M. le ministre. Nous, nous avons demandé à entendre REXFOR et nous avons joué notre rôle pour que la population soit écoutée et éclairée.

Le ministre nous dit: Bien sûr, faites-nous confiance. Tout ce que nous voulons, c'est un montant de 65 000 000 $ pour quatre ou cinq projets. Je ferai remarquer au ministre que, dans le projet de loi, il n'y a absolument rien qui dise que cet argent va être dépensé en Gaspésie, que cet argent va être dépensé à Matane, que cet argent va être dépensé à Mont-Laurier. Il n'y a absolument rien qui dise cela. S'il veut proposer un amendement en ce sens, je vais être le premier à m'en réjouir. Mais il n'y a absolument rien dans le projet de loi qui nous dit que ce montant de 65 000 000 $ sera dépensé là où il nous dit qu'il le serait.

Ce ministre n'a pas joué son rôle de contrôle vis-à-vis de REXFOR - et je le démontrerai tout à l'heure - dans le contrôle des dépenses et des budgets qu'on lui a accordés; ce même ministre depuis deux ou trois ans, ne fout absolument rien dans le dossier de la Société de cartographie, je l'ai évoqué à plusieurs reprises: budget de la Société de cartographie de l'ordre de 800 000 $ à 900 000 $, déficit de 500 000 $ à 600 000 $. J'ai posé des questions au ministre il y a un an. Il m'a dit: Oui, c'est à l'étude. J'ai posé des questions lors de l'étude des crédits il y a un mois ou un mois et demi. Il m'a dit: Oui, c'est encore à l'étude. Nous arrivons avec des recommandations. M. le Président, mais qu'est-ce que c'est que ce gouvernement? Mais c'est de la foutaise. Ces gens ne sont pas capables de contrôler la province. Pour eux, gouverner une province, ce n'est pas suffisant. Ils veulent avoir un pays. Gouverner un ministère de l'Énergie et des Ressources, cela n'est pas assez. Si on était indépendant, cela serait plus intéressant. En attendant, on s'ennuie dans tout cela. On n'est pas trop intéressé. On fait des discours de platitudes. On s'attaque à des individus au lieu de traiter des politiques dont nous devrions traiter, au lieu de discuter de la place des sociétés d'État dans l'économie

québécoise, au lieu de discuter du rôle de REXFOR à l'intérieur de l'industrie de la forêt. M. le Président, c'est cela le débat et c'est de cela que le ministre n'a pas voulu traiter alors qu'il aurait dû le faire.

M. le Président, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous avions demandé d'entendre non seulement REXFOR mais d'entendre également ceux qui se plaignent de REXFOR, ceux qui ont des plaintes à faire sur REXFOR. Ceci nous a été refusé. C'est malheureux, parce qu'il est difficile pour nous de faire la preuve de leurs allégations. Mais il reste quand même que c'était une chance que nous avons ratée puisque REXFOR n'est venue qu'une seule fois en commission parlementaire en 20 ans d'existence. Mais vous pouvez compter sur moi, cela ne se répétera plus. Si on a la chance de le lui demander à nouveau, REXFOR reviendra une autre fois. Mais il reste qu'on a manqué une chance précisément d'entendre tous ceux qui étaient intéressés par l'industrie de la forêt, l'industrie du bois, dans toutes les régions. (16 h 10)

Bien sûr, je sais pertinemment, pour avoir fait le tout de la province, que le nom de REXFOR ne dit peut-être pas grand-chose aux habitants de Montréal ou peut-être de Québec, mais c'est un nom qui est connu en région, que ce soit en Beauce, que ce soit en Gaspésie, que ce soit sur la Côte-Nord, que ce soit en Abitibi, que ce soit au Lac-Saint-Jean, au Témiscamingue, tous ceux qui sont en région connaissent REXFOR et s'inquiètent justement du sort qu'on lui réserve et de la place qu'elle va jouer dans le développement économique du Québec.

Nous savons tous que l'industrie du bois s'est développée considérablement depuis les 20 dernières années. D'ailleurs depuis même 30 ans, l'industrie canadienne et québécoise du sciage a connu une très forte expansion. Cette expansion s'est faite surtout par la demande domestique, construction de maisons, la demande qui s'est créée ici même au Québec, au Canada, mais surtout par la demande de bois à l'étranger et principalement aux États-Unis. Le taux de croissance moyen de l'industrie québécoise durant la période de 1973 à 1980 s'est situé à environ 6,5%. C'est un développement qui était assez fantastique. Ce qu'il faut savoir de cette expansion de l'industrie du bois, surtout dans le domaine des scieries, c'est qu'elle ne s'est pas faite principalement à cause de REXFOR, mais à cause des politiques forestières qui ont été mises de l'avant surtout par le gouvernement libéral de 1970 à 1976.

Auparavant, et même si la politique avait commencé quelque peu avant cela, il n'y avait pas de politique très claire à savoir que des approvisionnements en bois devaient être assurés aux scieries; comme celles-ci ne pouvaient pas compter sur des approvisionnements constants, continus, sur plusieurs années, c'était difficile pour elles de se développer. Comme on peut le constater par les statistiques de l'industrie du bois au Québec, et selon les calculs en mètres cubes de bois qui a été vendu, on réalise qu'en 1973, c'était 4 720 000 mètres cubes et qu'en 1977, c'était 6 136 000 mètres cubes. C'est donc une augmentation de près de 50% entre 1973 et 1977. Je crois que tous ceux, qui ont étudié cette expansion phénoménale qui a créé de l'emploi en région, se rendent compte que ceci était dû à des politiques forestières mises de l'avant en 1973 par le gouvernement de Robert Bourassa.

Il aurait fallu mettre à jour cette politique bien avant aujourd'hui. Depuis déjà trois ans que je suis en politique, je rencontre les gens dans les régions qui disent: II faudrait mettre à jour la politique forestière. À ma connaissance, à venir jusqu'à maintenant, le gouvernement a fait à peu près rien. Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il avait fait une conférence de presse. Comme je n'en ai pas pris connaissance, je ne peux la commenter. Je crois qu'il faisait allusion à ce qu'il nous a dit lors de l'étude des crédits à savoir qu'il déposerait un document qui serait non pas un énoncé de politique gouvernementale, mais qui serait plutôt un énoncé de faits, de statistiques permettant aux gens du milieu de s'exprimer. Avant que cet énoncé de politique devienne une politique gouvernementale, il se passera sûrement encore six mois, neuf mois ou même un an et je ne peux que dénoncer ce retard à susciter des politiques forestières qui auraient pu, justement, assurer la continuité du développement économique et celui de l'industrie de la forêt et surtout la création d'emplois en région.

Ces politiques ont un impact très important. En effet, dans l'industrie du bois en particulier il y avait 19 483 personnes qui travaillaient dans le secteur du bois en particulier et en 1980, 29 000. C'est donc dire encore là une augmentation de 50% dans la création d'emplois dans l'industrie du bois. Il ne faut pas croire qu'il sera facile de continuer ce rythme de croissance puisque l'industrie du bois déjà fait face à plusieurs impondérables et fait face à des difficultés nombreuses. On n'a qu'à faire référence à une décision qui a avorté par la suite, à savoir que le gouvernement des États-Unis désirait mettre - ou certaines personnes du gouvernement - des quotas ou des droits de douane sur le bois en provenance du Canada. On sait que ce genre de politique pourrait de nouveau être suggéré et pourrait créer des embarras certains à l'industrie du bois qui est si importante en région.

Je crois que lorsqu'on étudie une

société d'État comme REXFOR, il faut se poser des questions fondamentales parce que depuis la révolution tranquille, depuis 1960, il est vrai que les gouvernements libéraux de Jean Lesage ou de Robert Bourassa, les gouvernements de l'Union Nationale ont tous créé de nombreuses sociétés d'État. Je crois que cela était voulu par le milieu ou par les Québécois, parce qu'on croyait qu'il était nécessaire que les Québécois et les Canadiens français se donnent des outils pour faire le développement économique du Québec.

Je crois qu'après 20 ans de cette politique, il est tout à fait normal que nous nous posions maintenant des questions. Devons-nous continuer dans cette lancée? Croyons-nous que les sociétés d'État doivent jouer à l'avenir un rôle aussi important qu'elles l'ont fait dans le passé? Devons-nous garder les sociétés d'État qui sont déficitaires? Quel est le rôle du secteur privé? Quel est le rôle de l'administration gouvernementale? Vous avez sûrement entendu comme moi, M. le Président, le discours du ministre de l'Énergie et des Ressources, qui n'a pas du tout traité de ce genre de questions.

D'alleurs, dans un petit livre de Pierre Foumier de l'UQAM sur les sociétés d'État et les objectifs économiques du Québec, livre qui traite justement du rôle des sociétés d'État - c'est une publication ou un travail qui a été fait vers 1977 - on dit justement qu'il y a deux raisons fondamentales pour lesquelles les gouvernements québécois qui se sont succédé ont voulu créer de nombreuses sociétés d'État. Le premier objectif, bien sûr, était la transformation industrielle du Québec. On croyait et on voulait que l'État, par l'entremise des sociétés d'État, puisse changer fondamentalement l'industrie québécoise et la structure de l'industrie du Québec même.

Or une analyse des statistiques sur le nombre de personnes qui travaillent dans le secteur industriel et dans toutes les industries du Québec nous amène à constater que, de fait, les choses n'ont pas tellement changé. Les Québécois travaillent surtout dans les secteurs où ils prédominaient en 1960 ou en 1965.

Bien sûr, je serai le premier à avouer, étant ingénieur et ayant oeuvré dans le domaine de l'énergie, qu'il y a des sociétés d'État qui ont joué un rôle primordial. Que l'on pense surtout à Hydro-Québec, qui a permis à des bureaux de génie-conseil de se développer. Que l'on pense à SNC, à Lavalin et à d'autres qui ont eu des mandats d'Hydro-Québec qui leur ont permis de développer une expertise qui, à leur tour, leur a permis d'aller chercher des contrats à l'étranger. C'est donc dire que certaines sociétés d'État ont joué un rôle essentiel et que tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant n'a pas été négatif. Bien au contraire.

Mais il faut quand même constater que le désir avoué ou inavoué de changer fondamentalement la structure industrielle du Québec n'a pas été exaucé. Je me souviens moi-même, lorsque j'étais jeune ingénieur, qu'on croyait que SIDBEC deviendrait une deuxième Hydro-Québec ou une troisième Hydro-Québec. On se rend bien compte maintenant que cela n'a pas été le cas. Cet objectif - il faut l'avouer - nous amène sûrement à nous poser des questions quant au favoritisme qu'on a manifesté en voulant favoriser à tout prix les sociétés d'État au lieu de miser sur le secteur privé. Est-ce qu'un gouvernement québécois, quel qu'il soit, doit continuer dans cette direction?

M. le Président, il y avait un deuxième objectif, tel qu'en fait part M. Fournier, pour amener les gouvernements québécois de la révolution tranquille et d'après à susciter des sociétés d'État et à trouver des façons de s'incruster dans l'activité économique du Québec. C'était d'amener des Québécois et des Canadiens français dans le domaine des affaires. Je crois, pour ma part, que cet objectif a été réalisé. Qu'on regarde tous ceux de la garde montante, comme le dit si bien le ministre des Finances, qui maintenant ont leur mot à dire dans l'économie du Québec, qui ont fait leur preuve et qui, dans plusieurs sociétés du secteur privé... Qu'ils soient d'appartenance québécoise, d'appartenance nationale ou internationale, plusieurs Québécois ont fait leurs peuves et l'on peut dire que dans une très grande mesure cet objectif a été atteint.

Il reste, comme en fait foi un document du Conseil exécutif - j'ai ici un document du 3 novembre - que nous avons créé au cours des ans de nombreuses sociétés d'État. J'en ai un total ici de 277. Bien sûr, ce ne sont pas toutes des sociétés d'État qui oeuvrent dans le domaine économique, mais il y en a quelque 85 dans ce secteur. Je crois que lorsqu'on prend connaissance de l'importance des sociétés d'État dans notre économie et du rôle de l'État d'une façon générale, que ce soit par sa réglementation, par sa fiscalité, par tous les moyens qu'il a, par les politiques forestières en particulier dans le domaine du bois, on doit se poser des questions sur le rôle que l'on réserve à ces sociétés en général et sur le rôle que l'on doit réserver à REXFOR en particulier dans le domaine de l'industrie du bois.

Il y a bien des raisons à cela, mais il y en a une en particulier, c'est que l'État ne peut pas continuer à alimenter tout le développement économique du Québec. Je me réfère à une déclaration du premier ministre lors du discours inaugural, il y a de cela environ 18 mois ou deux ans: que le gouvernement se rend compte lui-même, même s'il avait une tendance sociale-démocrate, que s'il voulait créer des emplois, il fallait

favoriser le secteur privé.

Il y a des choix à faire dans la vie. Nous, de notre formation politique, croyons qu'il faut favoriser le secteur privé puisque c'est sûrement l'élément le plus dynamique face à la concurrence étrangère et qui nous permettra dans l'avenir de faire face à la concurrence qui nous vient non seulement des autres provinces mais aussi d'ailleurs; nous devons favoriser le secteur privé en priorité.

Y a-t-il quand même un rôle pour les sociétés d'État? Je l'ai dit à plusieurs reprises et, comme je parle au nom du Parti libéral du Québec cet après-midi, je le répète. D'ailleurs, je rappellerai au ministre que le manifeste du Parti libéral du Québec, qui a été adopté en congrès il y a un an, le dit d'une façon très claire: "Nous croyons qu'il y a un râle pour les sociétés d'État mais il faut que ce rôle soit canalisé". La question qui se pose, que le ministre n'a pas comprise, est celle-ci: Même s'il y a un rôle pour les sociétés d'État qu'il faut canaliser, il faut s'assurer qu'il y a des directives données par le gouvernement et que ce rôle soit canalisé de façon qu'il joue le rôle qu'on veut bien lui faire jouer.

J'évoquerai certaines statistiques. Nous avons ici en particulier le rôle des gouvernements dans l'économie du Québec. Vous verrez alors qu'en l960, l'Ontario et le Québec avaient à peu près le même pourcentage du produit intérieur brut pour les différents gouvernements - j'inclus là-dedans les gouvernements municipaux, fédéral et provincial - qui était de moins de 30%. Avec les années, surtout à partir des années soixante et d'une façon accélérée dans les années soixante-dix - et cela s'est poursuivi par la suite - le rôle des gouvernements s'est accru d'une façon considérable d'une façon telle qu'au moment où l'on se parle, l'on peut dire avec assurance que le pourcentage du produit intérieur brut, c'est-à-dire tout ce qui se fait dans le domaine économique, de tout ce qui est créé au Québec, est d'environ 50%. Les gouvernements municipaux, fédéral et provincial occupent 50% du produit intérieur brut, alors qu'en Ontario, ils n'occupent qu'environ 40%. On voit que cela a plafonné. L'Ontario a fait le correctif qu'on aurait dû faire à partir de 1976 alors que le gouvernement qui nous dirige a continué à favoriser une expansion du secteur public.

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'au Québec c'est 50% du produit intérieur brut qui est dépensé par les trois paliers de gouvernement. Mais il faut savoir aussi que ceci n'inclut pas les sociétés d'État. C'est donc dire qu'au Québec, environ 65% du produit intérieur brut est entre les mains des trois paliers de gouvernement et surtout entre les mains des gouvernements municipaux et provincial. Si on ajoute à cela les sociétés d'État, les trois paliers de gouvernement ont un rôle extrêmement large dans notre économie. C'est environ 65% qui sont entre les mains des trois paliers de gouvernement. C'est énorme.

Si l'on veut corriger les déficits budgétaires que nous avons, si nous voulons à l'avenir faire les correctifs qui s'imposent dans l'administration gouvernementale, il faut absolument se poser des questions à savoir si l'État va continuer à jouer le rôle qu'il a joué durant les 20 dernières années?

C'est cette question que j'ai posée en commission parlementaire. Je crois que c'est celle-là qu'il faut poser. Il faut, chaque fois que c'est possible, nous poser des questions sur la performance d'une société d'État en particulier, corriger notre tir si c'est nécessaire, rajuster l'orientation d'une société d'État. C'est pour ces raisons que nous avons demandé si REXFOR a un plan de développement.

Le ministre nous disait: Dans les années soixante-dix, il n'y avait pas de plan de développement. Sûrement. Et je le remercie d'avoir noté que les interventions qui avaient été approuvées par le gouvernement libéral à l'époque étaient de très bonnes interventions. Maintenant qu'on nous demande de voter 65 000 000 $, alors même que ce montant pourrait servir à toutes les sauces et, indépendamment de ce que pourra dire le ministre, pourra servir à toute autre chose que ce dont il nous a parlé cet après-midi, il faut quand même se poser des questions.

Je sais que le ministre a voulu être rassurant envers le secteur privé en disant: Ne vous inquiétez pas, nous n'avons pas l'intention d'entrer en concurrence avec le secteur privé. Je me dois de lui signaler, pour avoir été en Gaspésie et sur la Côte-Nord, en Abitibi et ailleurs, que les gens du secteur privé ne sont nullement rassurés; ils se posent justement des questions sur le genre d'interventions qui pourraient être faites par le gouvernement une fois le projet de loi adopté.

Il y a aussi d'autres raisons. La performance de REXFOR depuis 1977, entre autres n'a pas été ce qu'elle aurait dû être. Le ministre me critiquait tout à l'heure parce que, lors de la commission parlementaire, nous avons voulu séparer la performance de REXFOR qui venait de son propre fonctionnement et faire la différence avec les revenus qui proviennent de ses investissements dans des sociétés qu'elle ne contrôle pas. Il y a une bonne raison à cela: il faut juger de la performance d'une personne ou d'une compagnie sur ce qu'elle contrôle elle-même. Si vous me dites que REXFOR a 30% d'une compagnie qu'elle ne contrôle pas, je ne vais pas blâmer REXFOR nécessairement du déficit qu'elle pourrait engendrer indirectement à cause du déficit d'une société dans laquelle elle n'a pas de droit de gérance. Je crois cependant qu'il est

tout à fait pertinent de poser des questions sur la performance de REXFOR, sur les activités qu'elle dirige, qu'elle contrôle. C'est ce que nous avons évoqué en commission parlementaire et qui est résumé ici, sur ce tableau.

Vous voyez comme moi que, de 1977 à 1982, dans la colonne en bleu, les ventes de REXFOR ont augmenté considérablement. De fait, elles ont doublé de 1977 à 1982; elles sont donc de l'ordre de 50 000 000 $ au moment où nous nous parlons. La performance de REXFOR pour les activités qu'elle contrôle elle-même, c'est-à-dire les activités où elle a plus de 51% et qu'elle consolide dans son bilan financier, nous donne les résultats suivants: une perte sèche de 1 600 000 $ en 1977, un léger profit en 1978-1979, un profit de 1 400 000 $ en 1979-1980 et, ensuite, une perte de 4 300 000 $ en 1980-1981; de 11 900 000 $ en 1981-1982 et de 11 000 000 $ également en 1982-1983.

C'est donc dire que, durant cette période, REXFOR, dans les activités qu'elle contrôle, a subi un déficit de 27 000 000 $. Bien sûr, le ministre nous dit: Regardez au bas de la ligne du bilan financier de REXFOR. Si on déduit de cela les revenus qui proviennent de placements dans les sociétés qu'elle ne contrôle pas, elle fait un déficit cette année de 4 900 000 $ qui a été effacé d'une certaine façon, mais le ministre sera d'accord avec moi pour dire qu'il faut juger une personne, qu'il faut juger une société sur les activités qu'elle contrôle elle-même. C'est le résultat du contrôle de REXFOR sur les sociétés d'État et sur les filiales qu'elle contrôle elle-même.

Ce qui est plus grave, c'est que, durant ce même laps de temps, les frais de vente et les frais généraux de REXFOR n'ont pas été contrôlés. Quand on connaît la performance du ministre de l'Énergie dans le contrôle de la Société de cartographie, qui continue à faire des déficits incommensurables, on n'est pas surpris de constater que, de 1977 à 1982, les frais d'administration et de vente ont quadruplé et ont été augmentés par un facteur de 430% alors que le chiffre d'affaires n'a augmenté que du double.

Quand on parle de la performance de REXFOR, c'est de cela que nous parlons. C'est la question que nous posons au ministre de l'Énergie et des Ressources. Le ministre nous dit: Faites-nous confiance, votez 65 000 000 $, ce n'est pas beaucoup. Ce n'est que 65 000 000 $. Votez 65 000 000 $ et faites-nous confiance, vous allez voir ce qu'on va faire. Voyez, M. le Président, ce qui s'est fait avec l'argent des contribuables. Je crois qu'il est du devoir de l'Opposition de poser des questions au ministre et c'était notre devoir de poser des questions à REXFOR pour leur demander ce qu'ils font avec l'argent des contribuables. (16 h 30)

Comme je ne renie nullement le passé et comme je l'ai dit en commission parlementaire j'étais d'accord avec certaines interventions de REXFOR. Il reste que, dans certains cas, REXFOR a dû entreprendre des travaux qui étaient marginalement rentables et qui influencent sa performance. Dans d'autres cas, REXFOR a tenté d'acheter des sociétés telle Bellerive-Ka'n'enda. Elles ont été achetées, non par souci d'aider une région en particulier, mais pour ajouter à la panoplie d'expérience et de "know-how" qu'elle voulait avoir dans une région donnée. C'est précisément là, le problème. C'est une question que j'ai posée au ministre et au président de REXFOR en commission parlementaire et pour laquelle je n'ai pas eu de réponse. Est-ce que REXFOR est une société qui doit faire un profit, ou est-ce que REXFOR est une société comme la Société de développement industriel qui cherche à aider certaines sociétés lorsqu'on peut les aider et lorsqu'elles peuvent créer de l'emploi? Présentement, ces deux objectifs sont mêlés et on ne sait pas à quoi s'attendre.

Le ministre a dit, et c'est vrai: Nous avons posé des questions; nous avons demandé quel était le plan de développement. Quel est le niveau de rentabilité que vous voulez atteindre? Est-ce que votre rôle est uniquement d'aider les sociétés en difficulté ou s'il est de bâtir un empire? Même le président de REXFOR m'a avoué que c'était quelque peu confus et que, malheureusement, il ne pouvait pas me donner de réponse positive et définitive à ce sujet. ; Pourtant, le ministre des Terres et

Forêts en 1978, M. Bérubé, dans un article du Soleil du 22 août, disait ceci: "La société d'État REXFOR devra se comporter comme une entreprise privée et c'est dans cette optique que le gouvernement québécois a autorisé REXFOR à vendre l'usine de sciage Samoco de Sacré-Coeur. Nous voulons ramener, disait-il, nos sociétés d'État sur une base concurrentielle et, conséquemment, elles devront présenter en moyenne les mêmes coûts et le même niveau de rentabilité qu'on retrouve dans le secteur privé." Ou bien M. Bérubé, qui parlait au nom du gouvernement, savait de quoi il parlait et à ce moment-là, il * demandait à REXFOR de fonctionner sur les mêmes bases que les sociétés privées, ou bien l'objectif a changé.

J'ai demandé au président de REXFOR: Est-ce que vous avez reçu des directives, comme le permettait au gouvernement la nouvelle loi de 1979, de changer l'orientation de REXFOR? Il m'a répondu: Non, on n'a pas obtenu de directives spéciales. C'est la raison pour laquelle je disais qu'il est tout à fait normal, à ce moment-ci, de remettre

REXFOR en question, non pas parce que, personnellement, j'en veux aux dirigeants de REXFOR - ce sont des gens très aimables avec qui j'ai eu le plaisir de converser -mais parce que, si nous ici au Parlement, nous voulons jouer notre rôle, il faut absolument définir le rôle des sociétés d'État, voir si on ne pourrait pas privilégier davantage le secteur privé et s'assurer que si on donne des fonds provenant des contribuables à REXFOR, elle en fasse le meilleur usage possible. Comme je le disais, nous n'avons pas eu de réponse à ces questions et je crois que l'orientation qu'a donnée M. Bérubé, à la lumière des résultats de REXFOR, explique la contradiction dans laquelle nous sommes présentement.

Il est bien certain que tous les gouvernements jusqu'à maintenant ont voulu qu'il y ait de plus en plus de sociétés d'État. D'ailleurs, le Parti libéral - je le dis d'une façon toute candide - a été celui qui a créé plusieurs sociétés d'État. Mais nous ne sommes plus en 1960, ni en 1970, ni en 1976. Nous sommes en 1984. On constate que, même les gouvernements socialistes... Le gouvernement français par exemple, tout en étant très socialiste, préconise des politiques qui, dans une certaine mesure, vont briser le monopole de certaines sociétés d'État dans certains domaines - je rencontrais récemment un homme d'affaires qui m'en parlait - en particulier dans les hôpitaux, alors que toute la question de l'hôtellerie et de l'alimentation était gérée par des employés d'hôpitaux même, depuis un an ou deux, le gouvernement français a voulu, de façon à économiser des sous, que ce soit dorénavant le secteur privé qui assume ces responsabilités. Même un gouvernement socialiste comme le gouvernement français, devant la montée des déficits gouvernementaux, se pose des questions et cherche des solutions qui vont permettre un meilleur équilibre entre le secteur privé et le secteur public.

Il faut aussi constater que, jusqu'à maintenant, REXFOR avec cette performance financière, avait des liquidités et des avoirs largement supérieurs à tout ce que pouvait avoir le secteur privé. Si l'on compare précisément, comme je l'ai fait en commission parlementaire, l'avoir des actionnaires par rapport aux ventes, c'est-à-dire le montant que les actionnaires ont investi dans la compagnie divisé par le chiffre de vente, on s'aperçoit que REXFOR, avec 50 000 000 $ de ventes, a un facteur de 146%, c'est-à-dire qu'elle a un capital-actions d'environ 75 000 000 $ pour un chiffre de vente de 50 000 000 $. Même Normick-Perron, Donohue, Forex et toutes les autres sociétés ont un capital-actions beaucoup inférieur à leur chiffre de vente.

C'est donc dire que REXFOR a eu des avoirs du gouvernement qui étaient de beaucoup supérieurs à ceux que le secteur privé peut normalement avoir. Même si on déduit - d'ailleurs, ce tableau a été corrigé pour déduire, des avoirs et des bilans financiers de REXFOR les montants qui ont été avancés pour ITT et Tembois - les investissements qui ont été faits dans les compagnies associées, on s'aperçoit que ce ratio de l'avoir des actionnaires sur les ventes est de beaucoup supérieur à celui des sociétés privées, dans le secteur du bois en particulier. D'ailleurs, on le voit dans d'autres tableaux, par exemple celui du fonds de roulement. Pour ceux qui connaissent la comptabilité, le fonds de roulement c'est le ratio des actifs à court terme sur le passif à court terme. On s'aperçoit qu'à court terme, REXFOR a toujours eu un fonds de roulement très élevé, comparativement à l'industrie privée, et également des liquidités extrêmement élevées.

Année après année, REXFOR a toujours eu beaucoup de liquidité. C'est ce qui inquiète précisément les sociétés privées. Elles disent: Écoutez! Si, jusqu'à maintenant, REXFOR a pu, dans certains cas, être notre compétiteur avec des règles du jeu quelque peu différentes, si cette société a des liquidités considérables, quelle sera sa place dans le secteur du bois en particulier? C'est la raison pour laquelle on se pose des questions. C'est la raison pour laquelle il y a eu de nombreuses critiques. Vous avez lu comme moi les critiques sur Les panneaux de la Vallée, qui a été accusée de concurrence déloyale. Vous avez lu les critiques nous venant du Témiscamingue, et je cite: "REXFOR travaille par en-dessous. Plusieurs intervenants dénoncent la volonté monopolistique de REXFOR." C'est dans la Frontière du mercredi 11 avril. Dans le Journal du Témiscamingue, on dit: "Les volontés monopolistiques de REXFOR sont dénoncées."

M. le Président, je crois que REXFOR a un rôle ambigu et c'est la raison de toutes ces craintes et de toutes ces critiques. Si REXFOR avait continué à jouer un rôle d'aide au secteur privé, un rôle d'aide lorsqu'une société est en difficulté, et si REXFOR ne s'était pas permis d'acheter des sociétés pour augmenter son rôle monopolistique, je ne crois pas qu'on aurait eu droit à des critiques aussi féroces, je dirais, que celles que nous entendons lorsque nous rencontrons les gens du secteur privé qui oeuvrent dans le secteur du bois, dans le secteur du bois de sciage en particulier.

Je disais donc qu'une remise en question est nécessaire. Il est malheureux que nous ayons aujourd'hui à voter sur un projet de loi alors qu'il y a des besoins si grands en région et que nous devions faire confiance à un gouvernement qui ne sait pas où il va, qui ne s'est même pas posé de questions, qui nous dit: Faites-nous confiance.

Je crois que l'analyse financière et les quelques plaintes que j'ai évoquées nous permettent de constater que REXFOR n'a pas une bonne réputation en région, qu'il est vrai qu'elle a joué un rôle utile dans certains cas... Tembec en particulier a été certainement une intervention tout à fait légitime du gouvernement libéral de l'époque qui a permis précisément à une société de reprendre pied et à des gens des régions de reprendre confiance en eux-mêmes et de développer une industrie dans leur propre région. Ce sont les questions que les gens nous ont posées.

M. le Président, comme je l'évoquais en commission parlementaire, il est curieux tout de même, et le ministre le disait: Comment se fait-il que tout de même une société d'État relativement petite comme REXFOR suscite tellement de craintes dans différentes régions du Québec alors que la Société générale de financement, je dirais la section forestière de la Société générale de financement, ne semble pas préoccuper les gens du secteur privé?

Je l'évoquais en commission parlementaire à partir des états financiers de la Société générale de financement que nous venons de recevoir. On s'aperçoit que Donohue et Domtar ont collectivement des actifs de l'ordre de 2 000 000 000 $ et des ventes de 2 200 000 000 $. C'est donc beaucoup plus que les actifs de REXFOR qui ne sont que de 100 000 000 $. À tous les gens à qui j'ai parlé, ceux qui travaillent dans le secteur du bois en particulier, jamais on n'a contesté la façon dont travaillait Donohue et jamais on n'a contesté la façon dont travaillait Domtar. On dit: Ces gens respectent les règles du secteur privé. Même si certaines personnes du secteur privé n'aiment pas beaucoup les sociétés d'État et nous disent: Pour autant que les sociétés d'État respectent les règles du jeu, dans la même mesure nous sommes prêts à les accepter comme faisant partie précisément de notre économie.

Ce rôle ambigu de REXFOR, le rôle moitié-moitié, c'est-à-dire rôle voulant, dans une certaine mesure jouer le rôle de compétiteur du secteur privé et un autre rôle qui est une aide au secteur privé, M. le Président, il ne faut pas se le cacher: Si une société est en difficulté et si elle croit que REXFOR est son compétiteur, ces gens vont hésiter à aller se confier à une société qui pourrait les assimiler complètement, les acheter et en prendre le contrôle précisément pour augmenter son empire.

C'est ce que nous n'avions pas permis, je crois. C'est ce qu'a fait le gouvernement libéral de Robert Bourassa, de 1970 à 1976, même s'il avait permis des interventions ponctuelles comme celles qu'a évoquées le ministre de l'Énergie et des Ressources; ce sont tout de même des interventions qui ne permettaient pas une prise de contrôle total et qui allaient plutôt dans le sens de dire: On va aider les gens en région qui veulent se sortir du trou.

Cela pose toute la question de la mission de REXFOR. Quelle est-elle? Est-ce que REXFOR existe pour être en compétition avec le secteur privé? Est-ce qu'elle doit aider les entreprises en difficulté? Est-ce qu'elle doit prendre un contrôle majoritaire et absolu de ces sociétés une fois qu'elle a remis en route des sociétés qui étaient en difficulté? Est-ce qu'elle doit en garder le contrôle d'une façon indéfinie? C'est la confusion dans les rôles de REXFOR que nous avons évoqués. J'attendais que le ministre nous parle cet après-midi de la mission de REXFOR et qu'il nous dise qu'à la suite de ce projet de loi, il était pour mettre en branle un processus qui permettrait à tous les intervenants des régions de s'expliquer, un processus qui aurait permis éventuellement de préciser la mission de REXFOR. Malheureusement, il ne l'a pas fait. Pourtant, M. le Président, celui qui a le premier évoqué cette nécessité de préciser la mission de REXFOR, ce n'est pas moi. En toute humilité, cela a été le ministre des Terres et Forêts. Il faut d'ailleurs dire que M. Bérubé est respecté de ceux qui travaillent dans l'industrie du bois et que, malheureusement, depuis ce temps, les gens s'inquiètent de voir un ministre qui papillonne des mines à l'énergie, de l'énergie à la forêt et qui revient plus souvent à d'autres dossiers que celui du bois qui intéresse pourtant tellement de régions du Québec.

C'est la raison pour laquelle dans toutes les régions où je vais, les gens me disent: Il nous faut un ministère des Terres et Forêts séparé. Je comprends. Le ministre qui est devant nous n'a pas pris la peine de préciser la politique forestière ou de faire une mise à jour de la politique forestière que le gouvernement libéral avait définie en 1973 et qui aurait demandé d'ailleurs une mise à jour dès 1977 et dès 1978.

Le ministre a fait une conférence de presse - il faut bien le noter, c'est aujourd'hui le 12 juin 1984 - alors que la mise à jour aurait dû être faite en 1978 ou, au plus tard, en 1979. Nous sommes rendus en 1984, le 12 juin 1984 - il va falloir noter la date - alors que le ministre n'a même pas défini une politique gouvernementale dans le domaine de la forêt. Il a donné des statistiques, il a donné certaines orientations pour fins de discussion en espérant que, dans six mois ou dans neuf mois, le gouvernement puisse se donner une mise à jour de la politique forestière qui avait été définie si brillamment par le gouvernement Bourassa de 1973.

Comme je le disais, c'était M. Bérubé, le député de Matane, qui, lorsqu'il était

ministre des Terres et Forêts, avait dit exactement ce que j'ai dit en commission parlementaire. Je vais le citer. C'était un député de l'époque, M. Saint-Germain, qui lui posait la question à savoir: Comment on allait contrôler REXFOR? C'était au moment de l'adoption du projet de loi 97, la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec. Et M. Bérubé de dire ceci: "De plusieurs façons. D'une part, par des définitions claires de mandat, pour nos sociétés d'État. À titre d'exemple, nous prenons le cas de SIDBEC, où l'Assemblée nationale a donné comme mandat à SIDBEC l'implantation d'un complexe sidérurgique intégré. Une Assemblée nationale saine d'esprit devait savoir, à ce moment, qu'un tel complexe allait coûter plusieurs milliards de dollars. Et si telle était la volonté de l'État à l'époque, il fallait, dès le départ, consentir les sacrifices financiers nécessaires et réaliser ce complexe sidérurgique." Il revenait un peu plus tard sur cette nécessité de définir l'orientation des sociétés d'État. Il ajoutait ceci, et je le cite à la page B-1252 du 29 mars 1979: "Les premières discussions que nous avons eues avec l'ensemble des présidents de nos sociétés d'État ont toutes permis de conclure que la principale défaillance que perçoivent les présidents des sociétés d'État face au rôle et à l'interaction entre l'État et les sociétés d'État, c'est cette absence totale de volonté politique de la part d'un gouvernement vis-à-vis de leur mandat. Les présidents de sociétés d'État ont tous expliqué que s'ils ne savaient pas ce que le gouvernement attendait d'eux, ils étaient livrés à eux-mêmes et devaient, à ce moment-là, élaborer leurs propres politiques..."

Ce que nous a dit le ministre tout à l'heure, c'est tout à fait inacceptable. Le ministre nous dit: Oui, c'est bien vrai, après la loi de 1979, le ministre de l'époque a demandé que REXFOR ait un plan de développement. Je sais qu'en 1982, semble-t-il, cela a pris un certain temps à REXFOR. Elle a soumis un plan de développement au gouvernement. Voilà de cela cinq ans que la loi de 1979 a été adoptée. Voilà deux ans que REXFOR a soumis son plan de développement, qui aurait pu justement nous éclairer sur l'orientation que REXFOR veut prendre. Le gouvernement n'a pas encore trouvé le temps d'approuver le plan de développement de REXFOR et, durant la commission parlementaire, nous en étions rendus à faire des suppositions. M. Duchesneau, le président de REXFOR, nous disait: "Vous savez nous, ce que nous aimerions bien, c'est de n'avoir qu'une seule société d'État dans le domaine du bois, dans le domaine des pâtes et papiers, des scieries en difficulté. Nous aimerions rapatrier les actifs de Donohue dans REXFOR."

J'ai été surpris que le ministre ait dit: Oui, cela peut avoir un certain bon sens. J'ai la citation exacte ici. Je crois qu'il a dit -je le cite, pour être plus précis - "J'avoue honnêtement, sans être ni doctrinaire ni dogmatique, qu'il n'y a pas de mal en soi à ce qu'il y en ait deux qui oeuvrent dans ce secteur. Il n'y a pas de mal à ce qu'il y en ait même trois." - Pourquoi pas quatre, pourquoi pas cinq? Cela, il ne nous l'a pas dit. "Il n'y a pas de mal non plus à ce qu'on fasse l'intégration et qu'il n'y en ait qu'une seule."

Intégrer les actifs de Donohue dans REXFOR, c'est tout à fait farfelu. Il faut savoir que Donohue est une société publique, qui fait des profits, qui a des actions cotées en Bourse, qui a des actionnaires minoritaires et sûrement que la Commission des valeurs mobilières se serait opposée à ce qu'un société cotée en Bourse, qui fait de l'argent, soit mise entre les mains d'une société qui, elle, n'en fait pas, comme je l'ai évoqué tout à l'heure. Je ne comprends pas que le gouvernement prenne tant de temps pour répondre à des questions comme celle-là. Si c'est bien là une des données du plan de développement de REXFOR, je ne comprends pas que le ministre n'ait pas trouvé le temps encore de convaincre le cabinet des ministres qu'il devait donner une réponse claire à REXFOR qui veut, elle, chercher à transposer ou accaparer les actifs de Donohue dans REXFOR. Il me semble que, lorsqu'on vote 65 000 000 $ pour une société d'État telle que REXFOR, et qui va doubler le capital-actions de REXFOR, qui va passer de 58 000 000 $ à 125 000 000 $, le public, l'industrie privée qui travaille dans le secteur du bois, les contribuables qui vont payer cette augmentation de capital, sont en droit de connaître ce que le gouvernement pense sur l'orientation que REXFOR veut se donner. (16 h 50)

Si je reprends les mots du député de Matane, qui était, à ce moment-là, ministre des Terres et Forêts, il disait clairement ceci: "Lorsque le gouvernement ne donne pas l'orientation qu'il voudrait donner à une société d'État, c'est celle-ci qui se la donne." Cela, c'est le monde à l'envers. C'est ce que disait Sylvain Simard, celui qui était vice-président du Parti québécois à venir jusqu'à la semaine dernière: Les ministres ne sont plus intéressés à gouverner le Québec, ils ne prennent plus de décision, ils laissent les sociétés d'État décider par elles-mêmes, ils possèdent 100% de la compagnie mais en tant qu'actionnaires, non pas seulement majoritaires mais en totalité, ils ne sont pas intéressés à donner des directives précises, même après que REXFOR eut exprimé certains désirs dans son plan de développement. C'est cela qui est inacceptable, M. le Président.

Je crois que le débat sur REXFOR n'est pas terminé. Quant à nous, nous allons continuer notre réflexion, nous allons continuer à rencontrer les gens des différentes régions, à les écouter, à connaître leurs désirs et à susciter leurs commentaires pour nous permettre d'arriver avec une politique qui sera annoncée en temps et lieu.

Ce que j'aimerais dire aujourd'hui, c'est que je crois qu'une société d'État, qui ne reçoit pas de directive très claire de son gouvernement et qui ne sait pas où elle va, c'est "the blind leading the blind", comme dit l'expression anglaise. C'est un gouvernement qui ne sait pas où il va, une société d'État qui ne sait pas trop. Comme le dit le proverbe chinois, vous le connaissez M. le Président: Quand on ne sait pas où on s'en va, tous les chemins y mènent. C'est exactement l'orientation qu'a prise le gouvernement du Québec dans le dossier de REXFOR. Je trouve que ce proverbe chinois est tout à fait caractéristique de la politique du ministre de l'Énergie et des Ressources et du gouvernement qui nous dirige.

M. le Président, ce qui n'est pas pour nous rassurer, c'est que lorsque nous avons posé des questions... Je terminerai sur ce qui suit. Lorsque l'on prend note du chômage qui sévit en régions, je crois que je l'ai évoqué tout à l'heure, ce chômage est de beaucoup supérieur à celui qui existe à Montréal en particulier. Si je peux retrouver mes statistiques, je les ai ici, je pourrais vous les citer de façon plus précise. Alors qu'à Montréal - je vous donne des statistiques de mai 1984 - le chômage est de 12,6%, ce qui est très fort, on voit qu'en Gaspésie-Bas-Saint-Laurent c'est 22%; au Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est 19%; en Mauricie-Bois-Francs, c'est 14,7%; dans l'Outaouais, 17%; dans le Nord-Ouest québécois, 16,2%; sur la Côte-Nord, 16,5%.

Il est évident que les régions ont des besoins qui ne sont pas satisfaits. Il y a des gens dans les régions qui cherchent de l'emploi. Il est donc évident qu'un gouvernement libéral s'assurerait qu'une société d'État ait une orientation précise pour aider les gens des régions. Mais il faut encore que cette direction soit connue. Comme je le disais au début, l'Assemblée sera appelée à voter un budget de 65 000 000 $, le ministre nous dit qu'il fera telle et telle chose. Mais une fois que les montants d'argent sont votés, le gouvernement est tout à fait libre de faire ce qu'il veut. Sans connaître les orientations du gouvernement, nous serons perdus en conjonctures.

Comme bien sûr il n'y a pas tellement d'urgence, la seule qui existe présentement, c'est la réorganisation des scieries en Gaspésie, ce qui demandera uniquement 9 000 000 $ de capital-actions sur 65 000 000 $. Il n'y a pas d'urgence pour elle parce que la papeterie de Matane, cela fait trois ou quatre ans que vous travaillez là-dessus, M. le ministre, et il n'y a rien qui a abouti. Malheureusement pour les gens de Matane qui veulent cette papeterie, ils devront attendre. Ce n'est pas le fait de voter ce genre de capital-actions qui va leur donner la scierie la semaine prochaine. Mais il est vrai que, dans le cas de la Gaspésie, il y a un besoin de restructurer l'industrie du bois de sciage et c'est la seule urgence que je connaisse.

Nous allons voter pour ce projet de loi parce que nous croyons qu'il est nécessaire d'aider la Gaspésie et que le gouvernement n'aura pas le temps de dépenser les autres sommes d'argent. Nous aurons des élections très bientôt, je l'espère. Ce gouvernement, qui a déjà perdu trois ou quatre ans, pourra tenter d'aller chercher une papeterie à Matane. S'il continue avec la même efficacité qui a caractérisé ses actions jusqu'à maintenant, lorsque nous arriverons au pouvoir, nous serons encore libres des choix à faire dans l'avenir.

Étant donné, M. le Président, que les autres projets sont à peu près de même nature, que la conjoncture économique et que l'ardeur du gouvernement à développer l'économie du Québec, se fait plutôt au pas ralenti, je ne crois pas, malheureusement, que le gouvernement suscitera la création d'emplois et des investissements qui viendront très rapidement.

C'est donc dire - et ceci pour que ceux qui nous écoutent en soient assurés - que nous déplorons le manque d'orientation du gouvernement et de REXFOR. Nous déplorons que l'orientation et les définitions d'orientation ne soient pas données par le gouvernement, et c'est là son rôle.

Nous déplorons le fait que le gouvernement n'exige pas de REXFOR un contrôle plus strict des dépenses qui se font au niveau des frais généraux et des frais d'administration. Il est tout à fait inadmissible, pour ma part, que les ventes de REXFOR soient doublées alors que les dépenses d'administration et de vente soient quadruplées. C'est le monde à l'envers. Comment peut-on comprendre que les frais d'administration et de vente soient multipliées par 4,2 alors que le chiffre de vente est multiplié par 2? Si j'ai des recommandations à faire au gouvernement, ce serait de s'assurer qu'un contrôle plus efficace soit fait des frais généraux de REXFOR et que, lorsqu'il fait des interventions, il s'assure que personne du secteur ne soit brimé; qu'il s'assure que les sociétés privées qui peuvent exister dans d'autres régions du Québec ne pourront souffrir d'une intervention de l'État dans une région en particulier.

En ce qui concerne la Gaspésie, je ne

crois pas que ce soit le cas. Je crois que la Gaspésie a un chômage chronique et qu'il est nécessaire que le gouvernement intervienne. Bien sûr, nous avons posé des questions sur la qualité de l'intervention qui sera faite. Il faut savoir que le gouvernement qui avait annoncé que le projet démarrerait subito presto, est encore en train de se demander s'il va le faire.

Nous espérons qu'il le fasse, compte tenu du chômage chronique qui sévit en Gaspésie. Quand même, j'oserais espérer que dans le futur, le gouvernement prenne plus au sérieux l'administration publique, qu'il prenne plus au sérieux le développement économique du Québec, qu'il précise les orientations de REXFOR et qu'il évite, justement, que cet argent soit utilisé à des fins autres que celles d'assurer le développement économique du Québec. Ceci, en prenant en considération le rôle très important que doit jouer le secteur privé, qui est contrôlé, dois-je le rappeler, par les Québécois dans le domaine du bois de sciage, en particulier.

C'étaient les commentaires que je voulais faire. Vous avez compris que mon intervention se voulait dans le sens d'évoquer des questions fondamentales sur le rôle de l'État, sur le rôle des sociétés d'État en particulier. Nous avons posé ces questions parce qu'il semble que le gouvernement qui nous dirige soit à court d'idées et qu'il évite de se poser les questions qu'il devrait se poser, des questions que tout le monde se pose, sauf lui. (17 heures)

Nous déplorons le fait que le gouvernement n'ait pas jugé bon de donner une orientation précise à REXFOR qui permettrait de continuer dans une direction qui favorise certaines régions du Québec qui peuvent être en difficulté, tout en s'assurant que les entrepreneurs locaux, les entrepreneurs des régions reprennent la direction des entreprises lorsqu'ils le peuvent et que l'intervention de REXFOR devrait se dérouler, somme toute, dans le meilleur intérêt des entrepreneurs locaux des régions et non pas dans le sens de brimer les entrepreneurs locaux qui peuvent exister et qui existent d'ailleurs dans toutes les régions du Québec.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Jean-Paul Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Le projet de loi 66 que nous étudions en deuxième lecture nous permet, bien sûr, de pousser un peu plus la réflexion sur la société REXFOR. Pour avoir entendu et écouté attentivement le député d'Outremont, qui commençait lui-même son intervention, il y a une heure, en disant qu'il était fatigué d'entendre des ministres, des députés, placoter et être superficiels sur certains projets de loi, je vous avoue qu'il m'a fallu une heure pour comprendre que le Parti libéral finirait, après ses tergiversations, par voter pour le projet de loi.

Je veux relever, bien sûr, quelques affirmations du député d'Outremont qui nous dit, dans sa longue intervention qu'il aurait voulu entendre les compagnies forestières qui ont des critiques à apporter sur la société REXFOR. Je voudrais simplement lui dire qu'après la petite tournée qu'il a faite dans les régions, qui a permis justement d'alimenter certaines critiques publiques - je pense que cela a servi à cela - les accusations étaient déjà portées dans les journaux. C'est ainsi que nous avons appris dans le journal Les Affaires que la société Forex Leroy à Val d'Or accusait PanVal, etc. Donc les accusations étaient déjà connues publiquement. La commission parlementaire à cet effet-là a surtout servi à REXFOR à se défendre justement contre ces attaques-là. Là-dessus, le président de la société REXFOR nous a apporté en commission parlementaire des réponses intéressantes, détaillées également sur ces accusations.

Lorsque le directeur général d'une société de mon comté qui s'appelle Forex Leroy accuse REXFOR de faire du dumping, je vous avoue que je suis sensible à ces accusations, parce que moi non plus je ne voudrais pas qu'une société d'État vienne faire une mauvaise concurrence à d'autres sociétés privées qui existent, même s'il y a des capitaux de l'État aussi dans Forex Leroy. Nous avons appris finalement, avec les réponses de M. Duchesneau, que c'était plutôt l'inverse et qu'à l'occasion, cela pouvait même être Forex Leroy qui réduisait ses prix et qui venait faire du dumping ou en tout cas une mauvaise compétition à la compagnie . PanVal. Cela me permet aujourd'hui de dire justement que l'on ne peut pas non plus laisser des directeurs d'entreprises privées dire n'importe quoi sur les sociétés d'État telle REXFOR. Si REXFOR a tort, elle a tort bien sûr et cela me dérangerait beaucoup. Si ce sont les sociétés privées qui ont tort, à ce moment-là, on peut aussi utiliser cette commission parlementaire, comme on l'a fait, pour justement démontrer que REXFOR n'est vraiment pas un compétiteur malhonnête.

Encore là, il ne faudrait pas se méprendre non plus quand on voit, par exemple, le directeur général de la société Forex Leroy faire les manchettes dans les journaux même si l'Opposition, le Parti libéral a tendance à reprendre cela, à son compte comme étant de bons amis. Je pense qu'il y a des nuances à faire et cela ne permet pas... Quand M. Arcand, par exemple,

parle, il ne parle pas au nom de l'Abitibi-Témiscamingue. Il peut avoir certaines restrictions sur REXFOR, mais il y a d'autres intervenants en Abitibi-Témiscamingue. C'est ce que je disais, d'ailleurs, au député d'Outremont en commission parlementaire la semaine dernière. Il est allé faire une tournée en région, il a rencontré un certain nombre d'intervenants, je n'ai pas vu son agenda, mais j'ai l'impression qu'il est surtout allé voir des grosses sociétés, nos sociétés régionales, telle Normick, probablement Forex Leroy peut-être le Groupe Saucier également; et c'est normal, qu'à ce moment-là, il ait reçu des critiques de la part de ces sociétés.

Encore-là, je pense que REXFOR, en Abitibi peut-être moins, mais au Témiscamingue - mon collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue pourra vous en parler tantôt - la société REXFOR a fait plusieurs interventions qui ont été heureuses - M. le député d'Outremont, vous l'avez souligné vous-même tantôt - il y a quelques années, au niveau de Tembec; cela a été une intervention importante qui a permis d'empêcher que le Témiscamingue ferme à peu près complètement avec cette société importante.

Je voudrais relever aussi une autre affirmation. M. le député d'Outremont, en terminant son intervention, donnait des chiffres sur le chômage. Oui, d'accord, les investissements de REXFOR dans les régions peuvent aider à réduire le chômage. Je voudrais simplement lui indiquer que, comme il mentionnait les chiffres de l'Abitibi-Témiscamingue à 16,2% en mai 1984, en novembre 1976, on ne parlait pas de 16,2% mais on parlait de 26,5% de chômage en Abitibi-Témiscamingue. C'était sur la fin du règne du régime Bourassa. Chez nous, bien sûr, on veut encore le réduire. Quand on parle d'un taux de chômage de 16%, c'est pas mal moins effrayant que celui de 26% qu'on avait il y a huit ans.

On dit qu'avec ce projet de loi 66, on fait des dépenses de l'ordre de 66 000 000 $. Je voudrais resituer le contexte en disant que c'est dans l'objet du projet de loi, que ce projet de loi augmente le fonds social de REXFOR de 66 000 000 $. Ce n'est pas non plus un chèque qu'on vient de signer cet après-midi après l'acceptation du projet de loi, mais cela permet à REXFOR de pouvoir intervenir dans un certain nombre de dossiers qu'on a déjà mentionnés en commission et ici auparavant. Il y a quatre grands dossiers principaux - M. le ministre de l'Énergie et des Ressources en a aussi parlé - qui vont permettre des investissements d'environ 500 000 000 $ dans les régions forestières pour améliorer la vie des citoyens de ces régions.

À partir de toutes les interventions que REXFOR a faites depuis un certain nombre d'années - encore là, on a parlé des interventions qui avaient été faites sous le règne Bourassa en 1973-1976, M. le ministre a eu l'occasion de les identifier - il y en a eu huit de 1973 à 1976, sans plan de développement, comme cela, le gouvernement donnait des mandats particuliers à REXFOR pour récupérer dans certaines régions des industries forestières qui étaient en train de faire faillite ou qui étaient déjà en faillite.

Mais, après 1976, même sans plan de développement, REXFOR a quand même continué à y aller avec de bonnes interventions qui ont donné des résultats et qui ont créé des emplois dans les régions. Je vous en donne quelques-unes comme cela. En 1981 en particulier, quand REXFOR a fait l'acquisition de deux entreprises familiales: Placage de Bellerive et Ka'N'Enda, à Mont-Laurier, près d'où on s'apprête à faire un nouvel investissement bientôt. En 1981 toujours, la société a contribué au développement économique de la vallée de la Matapédia en s'associant avec un groupe allemand - le groupe dont on parlait - pour une usine de panneaux-particules et de meubles. En 1982, en Abitibi-Témiscamingue, avec la scierie Béarn, pour amorcer une diversification de ces activités et en prenant des participations de capital-actions dans deux entreprises soit Cèdre Fabre et Temfor au Témiscamingue toujours, qui sont de petites entreprises importantes dans notre région. Plus tard, cette année, REXFOR devenait propriétaire des entreprises Matabois, Limitée, de Matane. Ce sont encore des interventions qui se sont faites sans nécessairement avoir un plan de développement mais qui ont été heureuses dans le milieu des régions, qui ont permis de développer des régions. Je pourrais vous en donner d'autres, mais je pense que la liste est déjà assez longue, l'expérience prouve que ces investissements ont donné de bons résultats.

Quant à moi, M. le Président, même si la société REXFOR n'a pas de plan de développement, comme nous l'indiquait M. le député d'Outremont tantôt, on ne peut pas dire nécessairement que le gouvernement ou son actionnaire a approuvé un plan d'investissement. Mais, en lisant certains documents tantôt, je revenais sur la loi de REXFOR de 1979 où, dans les objets de la société, il y a quand même trois points importants qui précisent la mission ou le mandat de REXFOR. Je vous les lis rapidement: 1° "La société a pour objet de récupérer et d'exploiter toute agglomération de bois du domaine public que lui désigne le gouvernement et d'exécuter ou diriger les recherches nécessaires à ces fins." C'était le premier mandat de REXFOR, lors de sa

création, de récupérer du bois qui ne l'aurait pas été autrement. Deuxièmement, de "revaloriser par toute mesure sylvicole appropriée, de conserver et de protéger les forêts et les terrains à vocation forestière qui lui sont indiqués par le gouvernement". Finalement, un troisième mandat important, probablement le plus important, de "stimuler l'implantation et le développement de l'industrie forestière ainsi que la création d'emplois nouveaux. Je pense qu'avec cela, la société REXFOR a un mandat pour accomplir pas mal de travail dans les régions forestières du Québec." (17 h 10)

C'est ainsi qu'avec le projet de loi 66 que nous adopterons aujourd'hui... Je suis content d'apprendre que le Parti libéral votera pour, après avoir sûrement fait un certain nombre de discours; il votera pour, selon ce que nous a dit M. le député d'Outremont... J'ai peut-être mal compris. On verra. Il me fera plaisir de vous entendre, M. le député de Saguenay, à ce sujet, mais j'ai cru comprendre, aujourd'hui en particulier, que le député d'Outremont nous a affirmé très clairement qu'il parlait au nom de l'Opposition, alors qu'en commission, la semaine dernière, il nous a plutôt dit que, n'ayant pas eu le temps de consulter son chef - en tout cas, c'est ce que j'ai compris - il parlait en son nom personnel en commission parlementaire.

Cela nous a surpris, nous, le ministre et les autres députés de la commission. Mais je suis content d'apprendre au moins que, puisqu'il parlait au nom de l'Opposition aujourd'hui, et qu'il nous a dit, à la fin de son intervention d'une heure, qu'il voterait pour... j'ai cru comprendre que le message était passé et que le caucus serait unanime à ce sujet. Non? Il y aura des dissidents. Alors, tant pis si le Parti libéral ne veut pas faire l'unanimité autour d'un projet de loi économique comme celui-là.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, je me réjouis aujourd'hui d'avoir pu, en commission parlementaire, discuter avec REXFOR, ce qui ne s'était jamais produit auparavant d'ailleurs et, même sous les six dernières années du gouvernement Bourassa, où il y a eu des interventions de REXFOR, cela n'a jamais été discuté d'aucune façon en commission parlementaire. Mais on a eu l'occasion de poser des questions au président et au vice-président de la société REXFOR et d'avoir des réponses satisfaisantes.

Je souhaite, M. le Président, que l'adoption de ce projet de loi 66 permette, comme je le disais au début, des investissements importants qui créeront de nouveaux emplois dans nos régions forestières du Québec, même si aucun projet n'est prévu pour le moment dans la région de l'Abitibi ou de l'Abitibi-Est, plus particulièrement. Il y en a un au Témiscamingue, cependant et je souhaite que très prochainement, à la suite de nouvelles études - on fait continuellement des études sur l'utilisation du bois chez nous, sur le marché du bois, et il y en a actuellement en marche... D'ici à quelques mois, peut-être que certains groupes forestiers privés qui, à l'occasion, dénoncent Forex lorsqu'elle devient compétitrice, mais, lorsqu'ils ont besoin de liquidité, aiment bien pouvoir utiliser le capital de REXFOR, dans ce sens, je veux souhaiter M. le Président, cet après-midi qu'on revienne devant l'Assemblée nationale, d'ici à quelques mois, avec une demande additionnelle de capital-actions pour permettre d'autres investissements qui créeront d'autres emplois dans nos régions et, en particulier, à ce moment-là j'espère qu'il y en aura aussi pour le secteur de l'Abitibi ou de l'Abitibi-Est.

Encore là, M. le Président, je me réjouis toujours que REXFOR, la plupart du temps, intervienne, non pas seul, mais avec des partenaires. Dans ce sens-là, je pense qu'il vient plutôt, au lieu de concurrencer l'entreprise privée, combler un vide, un manque de liquidité pour certains projets que les sociétés privées ont en poche, mais pour lesquels elles n'ont pas toujours l'argent dans l'autre poche. Tant que REXFOR viendra combler un manque de liquidité ou d'argent pour investir dans de nouveaux projets, je pense qu'elle aura vraiment sa place. Quant à moi, il me fait plaisir de pouvoir participer et appuyer ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Pontiac.

M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. C'est certainement un plaisir et, je pense, un devoir de parler du projet de loi 66 au stade de cette deuxième lecture. Ce projet en soi, lorsqu'on lit les notes explicatives, ne semble pas très important, si je lis: "Ce projet de loi a pour objet d'augmenter de 65 250 000 $ le fonds social autorisé à REXFOR. L'augmentation du fonds social vise à accorder à REXFOR les ressources financières requises pour la réalisation de ses projets de développement de l'industrie forestière.

M. le Président, on a vu que le ministre responsable de cette société a passé presque tout son temps à critiquer le porte-parole officiel de l'Opposition ou notre chef, au lieu de tenter de nous convaincre, de nous démontrer qu'il a toute la confiance nécessaire en REXFOR. J'ai eu l'occasion d'être un des membres de la commission qui a entendu REXFOR la semaine dernière. Je dois dire qu'à la suite de cette commission, les questions que j'ai réussi à poser ne m'ont pas donné plus de confiance, si on regarde leur carte de route, leur performance. Par

exemple, le projet de la Papeterie de Matane, qui est promis depuis de nombreuses années: on a mis le blâme sur tout le monde pour le fait qu'aujourd'hui elle n'existe pas. Toutefois, lorsqu'on pose la question à REXFOR en lui demandant à quel endroit, sur le marché, on va écouler les produits de l'usine de Matane, si jamais elle voit le jour - je suis d'accord avec le ministre, parce que les gens de Matane veulent l'avoir; on l'a tellement promise à ces gens qu'il ne faudrait pas leur réserver le même sort qu'aux gens de Maniwaki - alors, en posant la question à M. Duchesneau, il a répondu: On n'a pas fait d'étude réelle à savoir quel sera l'effet sur le marché québécois ou chez les producteurs québécois de papier; on ne l'a pas fait. La seule raison qui pouvait justifier son existence ou la construction de cette usine, c'est qu'elle serait à la fine pointe de la technologie; on pourrait produire plus de papier.

Je me pose la question. C'est que l'étude du marché est bien importante. Il faut savoir... C'est bien beau de construire une usine, mais il faut savoir quelles seront les répercussions sur les usines existantes. On dit que déjà on avait considéré d'écouler notre produit sur le marché européen. Lorsqu'on parle de marché européen, cela nous ramène à un autre projet, l'usine Les panneaux de la Vallée. Je pense que les gens de la vallée sont bien heureux de l'avoir. Cela était basé sur une étude de marché: on devait écouler le produit sur le marché européen à 80%. Mais aujourd'hui, même M. Duchesneau nous a dit: Si ce n'avait été du marché extérieur, il est fort probable que l'usine n'aurait pas été construite dans la vallée, parce qu'on veut avoir l'usine le plus près possible des marchés.

Donc, M. le Président, si on s'est fié... Je pense que M. Duchesneau a même admis que REXFOR n'avait pas fait d'étude. On s'était fié strictement à leurs partenaires qui trouvaient que le marché était adéquat. Cela n'inspire pas tellement confiance aux gens qui sont prêts à investir de l'argent s'ils s'aperçoivent que les marchés qu'on s'attendait d'avoir ne sont pas là. J'aimerais voir le sort réservé à l'entreprise privée qui irait s'embarquer dans un tel projet et qui n'aurait pas l'aide financière de REXFOR pour tenter de se sortir du pétrin dans lequel elle se trouve. Je crois que cela ne m'a pas inspiré. Je dis: tant mieux si on peut développer des marchés pour écouler les produits et rendre l'usine Les panneaux de la Vallée rentable et créer de l'emploi. Je pense que le besoin y était. Mais est-ce qu'une décision prise par REXFOR nous inspire tellement confiance qu'on devrait leur donner carte blanche? Est-ce qu'on ne devrait pas questionner ses dirigeants sur son passé et s'assurer qu'elle a appris une leçon de ses erreurs afin de ne pas les répéter? Il semblerait... Si on fait des erreurs, on devrait être capable de les reconnaître et de s'assurer que si on s'embarque dans un autre projet, on ne les répétera pas. (17 h 20)

Il y a aussi, dans un des projets, l'usine de sciage de Grande-Vallée. Si on se souvient bien, il y a un an et demi déjà, les gens de Grande-Vallée, pour se faire entendre du gouvernement, ont été obligés malheureusement de prendre des moyens que nous ne recommandons pas mais il semble que la seule chose qui fasse bouger ce gouvernement c'est de descendre dans la rue et de démontrer qu'on est malheureux. Au moment de cette crise et au moment où on décidait d'un nouveau projet de scierie en Gaspésie, il y avait un fonctionnaire de REXFOR qui disait: nous avons commis une grosse erreur en 1977 lors de la relance de la scierie de Grande-Vallée. Il aurait mieux valu investir davantage et adapter l'usine au bois de sa forêt.

J'ai posé cette question à M. Duchesneau qui a admis qu'ils avaient fait une erreur. La seule justification qu'il pouvait donner pour cette erreur était les fonds disponibles. Je crois que si les gens étaient responsables et que s'il s'agissait de leur argent à dépenser,' ils auraient fait une analyse et ils auraient vu qu'ils étaient mieux de ne pas procéder. On a peut-être procédé pour des raisons politiques, pour calmer les gens, mais ce n'est sûrement pas un bon investissement. On a investi 1 000 000 $ pour s'apercevoir, après un an ou deux, qu'on était encore dans la même situation. J'ai même demandé si l'usine de Grande-Vallée aurait pu traverser la crise d'une meilleure façon si les travaux qui s'imposaient à ce moment-là avaient été faits. On m'a dit: oui, on aurait peut-être eu des difficultés mais non celles qu'on a connues.

Encore une fois, si REXFOR prend des décisions parce qu'on lui dit de le faire parce que c'est politiquement rentable, même si elle sait très bien que ce n'est pas la méthode de procéder et que cela ne donnera pas le rendement attendu, je pense que REXFOR aurait dû avoir le courage de ses convictions et dire au gouvernement: on est mieux de ne pas faire miroiter des promesses et des attentes à ces gens-là; on devrait retarder le projet, aller chercher les fonds nécessaires et faire les changements qui s'imposent. C'est une autre raison pour laquelle cela ne nous inspire pas vraiment confiance. On pourrait dire au ministre: oui, vous êtes fin, vous êtes joli, REXFOR est fine, REXFOR est jolie; on va vous laisser avoir tout l'argent que vous voulez et on va endosser un chèque en blanc. Je ne crois pas que ce soit notre rôle ici.

On est heureux d'avoir entendu les gens de REXFOR. Il y a longtemps, dans le domaine de la forêt, qu'on demande au

ministre ou à REXFOR de venir parce qu'il y a des problèmes. Ce ne sont pas seulement les problèmes qu'on soulève aujourd'hui, il y a de nombreux problèmes dans la gestion de la forêt au Québec. L'an dernier on posait la question au ministre de l'Énergie et des Ressources relativement au reboisement au Québec. On disait: le reboisement au Québec est environ 5% de ce qu'on coupe; en d'autres provinces, c'est 34%. Le ministre nous disait: ne vous en faites pas, tout le monde du milieu est heureux.

Toutefois, au mois de novembre 1983 -je ne sais pas s'ils ont eu une vision - on a décidé de faire cinq fois plus de reboisement. C'est ce qu'ils disent, c'est peut-être une autre promesse; des promesses, on est habitué d'en avoir. Qu'est-il survenu entre juin 1983 et novembre 1983? Le ministre nous a dit: non, on va très bien; il n'y a pas de problème dans le reboisement, tout le monde est heureux. Tout à coup, la grosse relance économique et on décide que c'est cinq fois plus. Qu'est-il arrivé? Est-ce qu'on a réalisé qu'on était déficitaire dans le reboisement? Est-ce qu'on a retardé pour des raisons politiques pour tenter de jeter de la poudre aux yeux des citoyens? Je pense que les citoyens en ont assez des promesses des ministres et de ce gouvernement.

M. le Président, j'aimerais parler du CITUF, un complexe forestier qui devait être à Maniwaki. Je dis "devait" parce que cela faisait partie de l'usine MDF dont le ministre vient de nous dire carrément qu'elle est maintenant rendue à Mont-Laurier. On a abordé ce problème et pour vous montrer que le ministre...

À un an d'intervalle, on obtient tous des réponses totalement différentes. Au moment de l'étude des crédits au mois de juin 1983, j'ai posé une question au ministre quant à l'échéancier pour la construction du complexe forestier du CITUF de Maniwaki. J'ai dit au ministre qu'en temps d'élection et en temps de référendum, on faisait ces promesses, et je lui ai demandé si on était obligé d'attendre encore à la prochaine élection générale pour que s'accomplisse la construction de ce complexe? Je lui ai posé la question quant à l'échéancier. Il nous a donné la réponse et je pense que cela vaut la peine de la lire: "M. Duhaime: Si on veut parler sérieusement du projet du CITUF, il va pouvoir démarrer dans la mesure où, dans cette région du Québec, nous pourrons trouver une entente cordiale entre les différents utilisateurs de la matière ligneuse. J'ai refusé, pour ma part, comme il m'arrive à l'occasion de refuser des demandes qui nous sont faites par des sociétés d'État, de donner le contrôle, c'est-à-dire une position majoritaire, à 51%, à REXFOR. Je veux limiter la participation de REXFOR à 50%, mais le problème que nous avons, c'est de trouver un porteur de ballon. Vous êtes de cette région, vous le savez, je ne sais pas si le monde est chicanier de naissance ou autrement dans ce coin-là, mais je n'ai jamais vu un enfer semblable pour asseoir des gens autour d'une table et essayer de faire une répartition équitable des approvisionnements sur un financement de ce projet. Pour être bien honnête avec vous, je ne me tromperais pas beaucoup en vous disant que mon sentiment, c'est que le dossier est en panne actuellement et il faudra, bien sûr, une volonté régionale pour que ce dossier pousse dans la bonne direction, et je compterais sur les bons efforts du député de Pontiac pour nous aider dans cette voie."

Comme vous le voyez, M. le Président, à ce moment-là - il y a un an - REXFOR ne pouvait pas participer pour plus de 50%, mais à ma surprise, pour l'usine de panneaux MBF qu'il y aura à Mont-Laurier, la participation de REXFOR est de 55%, un an après. Est-ce l'année ou est-ce l'endroit? Je crois que c'est peut-être l'endroit. Je ne voudrais pas prêter de mauvaise intention au ministre, mais on a appris, il y a un ou deux mois, que Mont-Laurier était l'endroit choisi pour l'usine de panneaux MBF.

Cela, c'est un ministre, mais, il y a à peine deux semaines, on a aussi annoncé une usine d'hydrogène dans le comté du ministre de l'Énergie et des Ressources. Était-ce un échange à ce moment-là? Est-ce qu'on a dit: Aide-moi et je t'aiderai? Gratte-moi le dos et je vais te le gratter plus tard.

Des voix: Ha! Ha!

M. Middlemiss: Je ne voudrais pas lui prêter de mauvaise intention, mais on peut se poser de sérieuses questions à ce sujet.

Une voix: Là, on voit clair.

M. Middlemiss: Oui. Pour revenir à cette usine, pourquoi l'usine sera-t-elle à Mont-Laurier? C'est parce qu'au mois de mars 1981 - ce sont les réponses qu'on nous donne - on a acheté l'usine de Bellerive-Ka'N'Enda. C'est REXFOR qui achète cela. Pourquoi l'a-t-on achetée? Cela ne faisait pas partie de sa mission telle quelle, mais c'était à vendre. On l'a achetée. Donc, on voulait apprendre beaucoup de choses dans un domaine où REXFOR n'avait pas beaucoup d'expertise, mais le hasard permet que, deux ou trois ans plus tard, parce qu'on est propriétaire de ces deux usines, on enlèvera l'usine de panneaux MBF de Maniwaki et on la déplacera à Mont-Laurier. On le justifie de cette façon. Parce qu'on est propriétaire des usines à Mont-Laurier, on va maintenant aller chercher ce qu'on avait promis à tour de bras. Je suis convaincu que mon collègue de Gatineau pourra vous donner énormément de détails sur la publicité qui a été faite

pendant deux ou trois ans au temps des élections concernant le complexe forestier à Maniwaki. Il pourra vous dire que ce n'est pas étonnant que les gens réagissent aujourd'hui quand on leur fait des promesses de ce genre et que, lorsque le moment propice arrive, on prend la décision, on met toutes ces choses de côté en tentant de prouver que l'achat d'une usine en 1981 sans raison justifie aujourd'hui que l'usine de panneaux MBF soit localisée à Mont-Laurier. (17 h 30)

On nous a aussi dit: Dans l'Outaouais, on a tenté de créer une société forestière. Ce sont les grosses compagnies qui ne veulent pas nous avoir là. D'accord. On va parler des sociétés de gestion de la forêt. On voulait en créer une. La condition première est que REXFOR aurait 51% des actions. On en parlait avec des gens qui ne sont pas des nouveaux venus dans ce domaine. On parle de compagnies comme la compagnie MacLaren, la Consolidated Bathurst, E.B. Eddy. Ce sont des gens qui travaillent la forêt depuis longtemps. On refusait que REXFOR récolte 51% des actions.

Parce que ces gens ont refusé, parce qu'ils avaient les capacités, les connaissances nécessaires pour faire bien fonctionner cette société, aujourd'hui REXFOR s'en détourne. On ne veut pas les avoir. Si on ne veut pas les avoir, elles s'en vont. C'est la seule justification. Toutefois, j'ai demandé à M. Duchesneau: Pourquoi vous êtes-vous opposés à ce que REXFOR fasse partie de cette société forestière? On retournait dans le passé. On a dit: Parce que la façon dont les grosses compagnies avaient le contrôle sur les forêts et que, malheureusement, les petites n'en avaient pas.

Mais c'est le problème du ministre. Cela fait longtemps qu'on demande au ministre une politique de gestion de la forêt. Pour lui, ce n'était pas tellement important. Ce n'est certainement pas un sujet important parce qu'il y a encore un an, j'avais l'occasion de demander au ministre à quel moment on aurait une nouvelle politique forestière au Québec.

Pour ne pas qu'on dise que je dis des choses que le ministre n'a pas dites, je lui posais cette question: "Est-ce que le ministre peut nous indiquer à quel moment il a l'intention de présenter un plan intégré de gestion de la forêt du Québec?" "M. Duhaime: Grande question. Environ dix ans d'ouvrage." Donc, au mois de juin l'an passé on parlait de dix ans et REXFOR, société dont est responsable le ministre, est concernée par le fait qu'il y a des grosses compagnies qui sont les seules partenaires dans une société forestière. Si le ministre veut rassurer REXFOR que les grosses compagnies ne reviendront pas à leurs mauvaises habitudes, c'est à lui de nous présenter une politique de gestion de la forêt et qu'on leur donne les conditions à remplir. Qu'on leur dise: Voici les conditions auxquelles vous devrez vous soumettre et, en retour, voici les droits que vous aurez. Donc, M. le ministre, si vous êtes intéressé à ce que REXFOR puisse être exclue de certaines sociétés forestières, organisez-vous pour avoir une politique de gestion de la forêt.

Je pourrais continuer là-dessus. Le ministre a dit: "Maintenant, votre question semblait théorique et ne retient pas pour l'instant toutes les énergies des effectifs du ministère. Il y a des gens qui font une réflexion, bien sûr. On verra ce que l'on peut faire". Donc, pour le ministre, une gestion de la forêt n'est pas importante. Pourtant, il y a d'autres provinces du Canada qui n'ont peut-être pas un rôle aussi important ou qui n'ont peut-être pas une forêt aussi importante que celle du Québec, mais ces gens ont aussi tenté de procéder de la façon qu'on procède aujourd'hui au Québec, et ils ont finalement trouvé un moyen. Après avoir fait une tentative dans ce sens, ils se sont aperçu que cela ne fonctionnait pas. Donc, je dis que pour intéresser les grosses compagnies, je crois qu'il devrait y avoir une politique forestière qui va établir exactement quels sont leurs droits et, en retour, ce que le gouvernement exigera de ces gens-là, mais qu'on établisse cette politique forestière.

Donc, en conclusion, je dois dire que même à la suite de cette commission de REXFOR, d'après les cas que je viens de citer, qu'on ne nous a certainement pas donné cette confiance dont le ministre parlait pour signer un chèque en blanc finalement sans avoir l'occasion de démontrer au moins que des changements s'imposent dans la société REXFOR. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet); M. le ministre de l'Éducation.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Une voix: Lui, c'est un bon ministre!

M. Bérubé: II est rare qu'on ait l'occasion d'entendre, venant de l'Opposition et à mon égard: Lui, c'est un bon ministre. Je tiens à le souligner, puisque je viens de l'entendre venant des banquettes de l'Opposition. Je ne mentionnerai pas le nom du député, de peur que l'Opposition ne lui fasse un mauvais parti.

J'ai eu à travailler pendant de nombreuses années avec la société REXFOR et j'ai appris, avec les années, à en apprécier l'extraordinaire utilité pour la société québécoise. J'ai pensé qu'il vaudrait

peut-être la peine d'abord de brosser un tableau de ce qu'a été REXFOR pour un grand nombre de ministres des Terres et Forêts de l'époque, de l'Énergie et des Ressources maintenant, de ce qu'a été REXFOR pour un grand nombre de nos concitoyens qui ont souvent fait face à des situations difficiles sur le plan économique.

REXFOR est née de ce qu'à un moment donné un gouvernement a senti que l'entreprise privée ne pouvait pas régler certains problèmes. Exemple: nous avions décidé, dans les années soixante, de construire le grand barrage de Manicouagan où, pour l'une des premières fois, des firmes d'ingénieurs-conseils de chez nous ont commencé à se faire la main sur des barrages de grande taille. À ce moment, on se rendait bien compte qu'en construisant le barrage, on inonderait toute la rivière et on créerait un gigantesque lac que l'on peut visiter aujourd'hui.

Qu'allait-on faire de tout ce bois qui allait se perdre? Est-ce qu'on allait laisser ces millions d'arbres périr sous l'eau - ce qui représentait un gaspillage d'argent - ou si on allait tenter de l'exploiter? Le gouvernement de l'époque, le gouvernement de l'Union Nationale, avait décidé de créer cette société de récupération forestière qui avait comme mandat d'aller sur les terrains qui allaient être inondés et de récupérer le maximum d'arbres, pour que l'on puisse soit les vendre à nos entreprises soit les exporter purement et simplement, afin que ce ne soit pas une perte totale pour la collectivité québécoise.

On aurait voulu amener une entreprise privée à faire ce travail. Cette entreprise y aurait vu à l'époque quantité de risques, quantité d'inconnus, aurait manqué d'intérêt. Et même si on s'était mis à deux mains pour essayer de la forcer à prendre une décision qui ne cadrait pas avec ses objectifs, en toute probabilité - et je me doute que c'est ce qui s'est produit à l'époque - on n'aurait pu avoir une entreprise capable de faire cette exploitation de récupération. On devait donc créer REXFOR, ce qui nous a permis de sauver des millions de mètres cubes de bois, d'exporter ce bois, de le vendre, de le transformer. Finalement, les Québécois en ont profité sur le plan économique à la fois à cause des emplois qui se sont créés en forêt à l'époque et aussi à cause des rentrées d'argent provenant de la vente du bois. On avait un problème, l'entreprise privée ne voulait pas le régler parce qu'elle n'y avait pas intérêt. L'État s'est doté de cette société de récupération forestière.

Subséquemment, REXFOR s'est davantage orientée vers l'expérimentation. Par exemple, il arrive que certaines de nos forêts soient des forêts mêlées, mélangées, où nous avons plusieurs essences, avec comme conséquence que vous aurez un exploitant qui va aller chercher le cèdre, un autre le merisier pour du déroulement, l'érable et, un autre, certaines espèces de résineux. Vous avez donc plusieurs exploitants forestiers, chacun avec son intérêt particulier. Celui qui fait du déroulage, par exemple, voudra du merisier; il n'est pas intéressé à faire toute la récolte. Donc, chacun allait à tour de rôle chercher l'arbre qui l'intéressait. Mais avec une conséquence, par contre: si vous laissez en arrière uniquement les essences d'arbre qui n'intéressent personne, les semences qui vont tomber chaque saison ou au printemps dans le sol, pour le fertiliser, seront des semences d'essences qui ne sont pas désirables. Et la forêt, tranquillement, va se dégrader. C'est ce que l'on a observé dans l'Outaouais, c'est ce que l'on a observé dans le Témiscamingue: notre forêt, parce qu'elle est exploitée par un grand nombre de petites entreprises, chacune allant chercher le bois qui l'intéresse, a tranquillement, progressivement, perdu de sa valeur commerciale et ne se régénère plus. Elle ne peut plus soutenir l'activité économique qu'elle soutenait autrefois. (17 h 40)

Il fallait donc penser en termes d'aménagement intégré et à nouveau - c'est à l'époque du gouvernement libéral qui nous a précédés - on a demandé à REXFOR de s'intéresser, dans le cas des Appalaches, par exemple, à faire une récolte intégrée; non seulement à faire une récolte intégrée, mais également de s'intéresser à l'aménagement de la forêt, parce que, contrairement à ce que les pays européens font depuis des années, ce que les États-Unis dans le sud ont commencé à faire à l'époque du "new deal", au Québec, on n'aménage pas nos forêts. On les coupe, on ne s'occupe pas de la régénération, on ne s'occupe pas de s'assurer que nos forêts vont se renouveler et qu'elles pourront soutenir, année après année, des générations successives de Québécois qui pourront vivre de la forêt. On récolte quand c'est à maturité, mais on ne s'occupe pas de savoir ce que nos enfants auront comme patrimoine forestier plus tard.

REXFOR a donc commencé à s'intéresser à l'aménagement forestier sous mandat du gouvernement, parce qu'on n'avait pas d'autre instrument que cette société. On aurait demandé à des entreprises privées de le faire; on se serait mis à quatre pattes ou à genoux devant elles, elles n'y avaient pas d'intérêt. Elles se contentaient d'exploiter directement la forêt, sans s'occuper de la régénération.

Aujourd'hui, évidemment, le ton change, parce qu'on constate que notre forêt ne soutient plus nos industries, qu'il fauts'éloigner de plus en plus de nos usines pour aller récolter le bois et là, cela coûte cher. Aujourd'hui, on regrette de ne pas avoir

aménagé il y a 30 ou 40 ans, mais il fallait commencer et on a donc demandé à REXFOR de le faire. Ce qui nous a, d'ailleurs, amenés à demander également à REXFOR d'expérimenter de nouvelles technologies. Utiliser d'énormes équipements, par exemple, pour écraser le bois impropre à la régénération pour pouvoir planter en arrière. C'est ainsi qu'on a demandé à REXFOR, à l'époque où j'étais ministre de l'Énergie et des Ressources, de se doter d'équipement moderne, d'expérimenter différentes technologies pour que se développe chez nous une expertise dans l'aménagement des forêts en utilisant des instruments un peu plus modernes. On aurait demandé cela à n'importe quelle entreprise privée au Québec et on aurait attendu puisque aucune ne voulait le faire. On a demandé à REXFOR et elle l'a fait. Aucune autre société au Québec ne s'est engagée dans une telle activité.

On a expérimenté autre chose. Par exemple, on constatait que, pour des raisons d'économie et de protection de l'environnement, il serait intéressant de récolter les écorces de nos scieries et de les faire brûler dans un fourneau, de produire de la vapeur grâce à une bouilloire et de vendre cette vapeur. C'est ainsi que REXFOR a commencé à s'intéresser aux énergies nouvelles et est membre participant de plain-pied à notre société Nouveler qui, avec Hydro-Québec, SOQUEM, la Société générale de financement, développent de nouvelles technologies dans ce domaine. REXFOR a innové en implantant une telle installation de fabrication de vapeur à Cabano même et elle vend la vapeur à l'usine de Cabano. C'est d'ailleurs une activité extrêmement rentable. Je pense que cet exemple a servi puisque, à Rivière-du-Loup, on a implanté une bouilloire suivant l'exemple que REXFOR avait donné.

REXFOR a d'abord, je pense, expérimenté pour le Québec. Elle est allée dans des sentiers où l'entreprise privée refusait de s'engager. REXFOR a été le fer de lance de l'innovation et a fait en sorte que, progressivement, les gens ont examiné ce qui se faisait et ont peut-être eu l'idée d'imiter. Je pense que c'est une des fonctions capitales de la société REXFOR.

Il faut dire que REXFOR a eu une autre vocation. En effet, développant une expertise en forêt, étant un mandataire du gouvernement, de l'État, à qui on pouvait confier des tâches, souvent quasi impossibles, on s'est mis à demander à REXFOR de se porter au secours d'entreprises en difficulté. Quand les coopératives de Béarn, de Taschereau, en Abitibi, étaient en réelle situation de faillite, que les travailleurs risquaient de perdre leur gagne-pain, que tout ce qu'ils avaient travaillé à bâtir, tout le risque qu'ils avaient pris à se doter d'usines pour transformer la ressource chez eux, tout cela risquait de se perdre, à ce moment-là, qui est venu donner un coup de main aux gens de Béarn, de Taschereau, pour reprendre leurs usines, pour leur permettre de rester participants, dans l'espoir que quand, effectivement, on retrouverait la rentabilité, ils puissent à nouveau redevenir propriétaires, ayant profité de l'expérience de REXFOR? D'ailleurs, on a observé la même chose à Sacré-Coeur, l'usine dont on parle depuis quelque temps dans les médias, où REXFOR s'était vu confier le mandat d'essayer de reprendre une usine qui avait été mal conçue, mal construite, ce qui avait fait en sorte qu'elle n'était pas rentable. Donc, beaucoup d'entreprises au Québec ont profité de REXFOR.

Dans mon comté, je me souviens qu'en pleine campagne électorale, en 1976, l'actuel député de Charlesbourg avait produit un décret gouvernemental mandatant REXFOR pour reprendre l'exploitation des usines de la Richardson, qui étaient en faillite depuis deux ans. Il n'y en a pas de solution quand on regarde Gaspé-Nord, de solution en termes d'emploi. Tout ce que nous pouvons espérer chez nous, c'est vivre soit de la mer, soit de la forêt. Lorsque vous avez un secteur comme le secteur de Gaspé-Nord où toutes les usines font faillite les unes après les autres, vous n'avez pas beaucoup d'entrepreneurs du secteur privé qui s'offrent pour aller les reprendre. Deux années, donc, où les usines étaient fermées. Je comprends l'actuel député de Charlesbourg, qui était député de Matane à l'époque, d'avoir fait pression sur le ministre de l'époque pour que REXFOR s'occupe de la Richardson. Donc, on a demandé beaucoup à REXFOR. On lui a demandé de prendre des usines que personne d'autre ne réussissait à faire fonctionner de façon rentable et on lui a demandé de les rendre rentables. Je ne vous dirais pas, M. le Président, qu'il s'agissait de faire des gros profits, mais c'est quand même intéressant de regarder le rapport des exercices financiers de la société REXFOR. Je ne dis pas que la société a fait beaucoup d'argent. Non. En 1979, les fonds générés par l'entreprise étaient d'environ 6 000 000 $. En 1980, elle a fait 11 000 000 $. Elle a fait 7 000 000 $ en 1981. Puis, est survenue la crise dans le secteur du sciage qui a fait qu'en 1982, cela a baissé à environ 700 000 $, et il y avait une perte d'environ 2 400 000 $ en 1983. Oui, M. le Président, elle a quand même fait certains revenus. Elle a généré des fonds de l'ordre de presque 20 000 000 $ ou 22 000 000 $ depuis 1979.

Pourtant, qu'est-ce qu'on leur a demandé? On leur a demandé de prendre des entreprises qui avaient fait faillite, où le secteur privé avait démontré qu'il n'était pas capable de les rentabiliser et REXFOR a réussi à dégager des profits. Ohl souvent, ce ne sont pas des gros profits car il y a eu

des missions quasi-impossibles. À Sacré-Coeur, pendant des années, REXFOR s'est escrimée à essayer de faire redémarrer cette usine. Il fallait transformer l'usine elle-même; on avait des problèmes d'approvisionnement en bois; on avait des problèmes de relations du travail; on avait des problèmes de gestion. C'est un cas où REXFOR a échoué et où j'avais dû demander, comme ministre de l'Énergie et des Ressources, de voir si on ne pourrait intéresser quelqu'un de l'entreprise privée à la reprendre.

Malheureusement, celui qui a repris l'exploitation, le groupe Lévesque de l'Ontario, a, lui aussi, avant de déclarer forfait, dû abandonner l'exploitation. Je dois dire cependant à sa décharge qu'il l'a reprise au moment où le marché du bois de sciage s'est littéralement effondré. Je pense bien qu'on ne peut pas tellement le blâmer de l'échec de son effort.

Donc, REXFOR a repris les usines qui étaient fermées; REXFOR a réussi à les rentabiliser. Mais également REXFOR s'est associée à la population pour démarrer de nouveaux projets. C'est ainsi que Cabano a vu le jour, c'est ainsi que Tembec a pu redémarrer. Il s'est donc développé chez REXFOR une expertise qui - et c'est spécial, M. le Président. Souvent, en économique, on est froid. On regarde les bilans et on s'occupe relativement peu des gens qui sont pris au milieu des faillites et qui risquent de tout perdre. REXFOR a développé cette conscience sociale qui a fait qu'elle n'a pas cherché à éviter ses responsabilités et elle a accepté effectivement de s'impliquer dans ce dossier qui était difficile. (17 h 50)

Je me souviens quand la Société d'exploitation de la Vallée, groupe de travailleurs érigés en coopérative, s'est trouvée en difficultés financières, c'est REXFOR qui a pris livraison de son bois et lui a permis de s'en sortir. Je me souviens aussi quand le député de Bonaventure est intervenu auprès de moi pour demander que REXFOR donne un coup de main dans le dossier de Québec Land pour que l'on puisse éventuellement vendre l'usine effectivement au groupe Blanchet.

REXFOR s'est impliquée dans Richardson à la demande même de l'ex-député de Matane. Subséquemment, nous avons demandé à REXFOR, dans la mesure du possible, une fois que l'entreprise était redémarrée, de chercher à se retirer, de ne pas tarir le dynamisme de l'entreprise privée de jouer un râle social, de redémarrer une entreprise et une fois qu'elle est consolidée, par exemple, de pouvoir la passer au secteur privé ou de rester partenaire. C'est ainsi que Québec Land a été cédé à des intérêts, que la Coopérative des Appalaches a pu prendre naissance et développer une partie de l'amé- nagement forestier que l'on réservait à REXFOR dans la forêt des Appalaches.

C'est ainsi qu'un groupe d'intérêts privés de travailleurs de la région de Cap-Chat et de Sainte-Anne-des-Monts a pu reprendre mont Logan. Donc, tranquillement, REXFOR a servi de bougie d'allumage pour faire démarrer des projets industriels. Ce n'est pas facile d'ailleurs, M. le Président. Cela demandait souvent beaucoup de désintéressement de la part de la société. Elle a développé entre-temps une expertise qui lui a permis de s'associer à la Québec North-Shore pour construire une usine, Les Outardes, superbe usine de sciage, une des plus belles au Québec du côté de Baie-Comeau et à Mont-Laurier tout récemment elle s'impliquait.

Peut-être que le projet le plus intéressant - c'est celui-là que traite finalement le projet de loi aujourd'hui - c'est ce projet d'exploitation un peu intégrée de la forêt de la Gaspésie. Le problème que nous avons en Gaspésie est très simple. Notre bois pousse dans les hauteurs. Il est donc court, il est trapu, il se prête mal au sciage, il a été durement attaqué par des épidémies d'insectes et, malheureusement, nous n'avons pas de grande industrie de sciage sur notre territoire qui pourrait bénéficier d'une économie d'échelle et être véritablement rentable. Ce qui fait que nos usines, les unes après les autres, ont périclité. Elles n'ont pas pu se moderniser et, éventuellement, elles ont dû abandonner la partie. Ce que REXFOR est à faire en ce moment c'est ceci: Reprenant une à une chacune de ses usines, en partant de Grande-Vallée, en passant par Marsoui, Sainte-Anne-des-Monts, Cap-Chat, Matane où elle est déjà propriétaire de Matabois, dans la vallée de la Matapédia, à Lac-au-Saumon, à Saint-Léon-le-Grand, REXFOR a récupéré des usines fermées qu'aucun entrepreneur du secteur privé ne voulait exploiter.

Deuxièmement, pour arriver à atteindre cette économie d'échelle, ce que REXFOR fait c'est construire un centre de transformation, de finition du bois de sciage venant de ces usines de préparation qu'elle va implanter tout le long de la côte. Pour la première fois, nous allons commencer à avoir un véritable volume important de bois transformé en un seul site, sur un port de mer, à des fins d'exportation, ce qui va donc permettre la rationalisation de l'exploitation du sciage et une rentabilisation. Ceci représente 1000 emplois dans notre région, de la vallée de la Matapédia jusqu'à Gaspé-Nord.

Il faut également intégrer en aval. C'est ce qui a amené REXFOR à prendre les copeaux, les résidus de ces scieries et à les transformer dans une première usine, une usine de 400 employés. C'est le projet du siècle dans la vallée de la Matapédia, l'usine

Les panneaux de la Vallée où on fabrique un produit qui. sert à la fabrication de meubles, de ces panneaux à particules, panneaux agglomérés; et nous restons toujours avec 200 000 tonnes de fibre qu'il nous faut transformer, éventuellement, en pâte, en papier de telle sorte que nous ayons une exploitation intégrée dans toute cette partie de la Gaspésie.

C'est un remarquable projet que REXFOR a conçu, car il va permettre à la fois d'investir des ressources importantes dans l'aménagement de nos forêts et d'intégrer l'exploitation industrielle autour de ces exploitations forestières dans une première transformation au niveau des scieries. De plus, les scieries pourront prendre le bois de nos cultivateurs, de telle sorte qu'on pourra en faire une première transformation. Les résidus de bois vont servir soit à la fabrication de panneaux de meubles, soit à la fabrication de pâtes. Voilà un projet qui peut représenter en termes d'emplois dans les usines, en forêt, en transport, 1000 emplois associés aux scieries; et, dans le domaine du panneau et du papier c'est près de 700 emplois. Déjà, il y en a 400 en place. Nous sommes à consolider les scieries, on en aura bientôt 1000 de plus et ce que j'espère, c'est que nous aurons également bientôt une papeterie.

Voilà ce qu'une société d'État qui a un objectif économique de rentabilité et aussi un objectif de défense de la société, de défense de nos travailleurs peut faire pour le développement économique du Québec. C'est la raison pour laquelle je voterai pour le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au député de Saguenay pour propablement demander de suspendre le débat jusqu'à 20 heures, je vais avertir les deux formations politiques qu'il y a une sanction de plusieurs projets de loi à la salle 103, de l'édifice Hôtel du Parlement, à 18 heures, soit dans quelques minutes.

M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Étant donné l'heure tardive et le long discours du ministre de l'Éducation, je demanderais la suspension des travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est adopté? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Alors M. le Président, nous allons effectivement suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 20 h 1)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît; Veuillez prendre place.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je comprends que c'est M. le député de Saguenay qui avait demandé l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nous allons reprendre le débat sur le principe du projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec. M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, M. le Président. Nous voilà rendus à la deuxième lecture de ce projet de loi. Après avoir suivi attentivement la commission parlementaire qui a eu lieu la semaine dernière et, aussi, après avoir écouté religieusement cet après-midi le discours du ministre de l'Énergie et des Ressources, ainsi que celui de l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources, il y a quand même quelques questions qu'on doit se poser, des questions fondamentales concernant le rôle de REXFOR vis-à-vis de la société québécoise et vis-à-vis de ces prémisses dans le projet de loi qui, il y a plusieurs années, avaient créé REXFOR. Faut-il les rappeler, M. le Président? on les retrouve très bien dans le rapport que REXFOR a soumis à la commission parlementaire, c'est-à-dire de récupérer et d'exploiter toute agglomération de domaine public.

REXFOR avait un rôle bien déterminé. Malheureusement, au cours des dernières années, avec des politiques provenant des ministres en titre, REXFOR a complètement délaissé le rôle qui lui avait été dévolu. Après avoir écouté attentivement le ministre de l'Énergie et des Ressources cet après-midi, on ne peut que constater une chose: il y a longtemps que le ministre aurait dû écouter REXFOR en commission parlementaire et il y a longtemps aussi qu'il aurait dû se rendre en région et regarder ce qui se passe. On l'a entendu nous donner la liste des réussites de son ministère, mais il a quand même oublié une chose. Il a quand même oublié là où cela a mal été, là où, à cause principalement des interventions de REXFOR et du ministre de l'Énergie et des Ressources, cela a tourné au désastre. Lorsque j'entendais le ministre de l'Éducation et député de Matane cet après-midi discuter du cas des produits forestiers à Sacré-Coeur, cela me faisait sourire. Parce que si j'avais

été producteur d'illusions ou de nuages, je l'aurais engagé immédiatement comme vendeur. Force est de constater que l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources vend bien sa salade, cependant, il n'y a plus d'acheteur pour sa salade. On n'a qu'à regarder ce qui se passe en région présentement et particulièrement dans le comté de Saguenay. Je profite de l'occasion peut-être pour rappeler au ministre de l'Énergie et des Ressources, qui brille par son absence, de regarder ce que lui-même est venu semer dans le comté de Saguenay. Je me réfère à la dernière campagne électorale. Le ministre est arrivé dans la région de Baie-Comeau pour rencontrer les travailleurs d'Hydro-Québec concernant Manic 5 puissance additionnelle.

Alors qu'il savait très bien que les budgets d'Hydro-Québec seraient transférés ailleurs, il venait promettre honteusement aux travailleurs d'Hydro-Québec que Manic 5 puissance additionnelle allait se continuer. Première promesse. Il a trompé 250 travailleurs. Même à des questions que j'ai posées en Chambre ici, il ne savait même pas que ces travailleurs existaient. Pourtant, pendant la campagne électorale, il est venu leur promettre un emploi garanti pour trois ans. Promesse du ministre de l'Énergie et des Ressources. Le plus drôle c'est que l'usine des produits forestiers était fermée pendant cette fameuse campagne électorale d'il y a à peine un an dans quelques jours.

Or, le ministre avait tellement peur d'affronter les travailleurs forestiers et les travailleurs d'usine qu'il avait délégué le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour venir promettre d'ailleurs, il était le parrain du comté de Saguenay et il a très bien réussi sa campagne électorale en faisant battre le Parti québécois. Il aurait envoyé un émissaire de première classe et il n'aurait pas mieux réussi. Donc, messieurs du Parti québécois, n'envoyez plus le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation dans les élections partielles car il vous fait un tort épouvantable. Gardez-le chez vous, c'est le mieux que vous puissiez faire - à une foule aussi nombreuse que 25 personnes que le gouvernement du Parti québécois rouvrirait immédiatement au mois de septembre 1983 les produits forestiers, que la vente était conclue, que tout allait très bien, que les travailleurs seraient retournés à leur emploi d'ici à quelques semaines.

Force est de constater que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation dans ce dossier ne savait pas de quoi il parlait. Cet après-midi, on écoutait l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources, le député de Matane: si je me mets dans la peau des travailleurs du secteur forestier qui ont écouté ce discours, une population de 400 travailleurs, ils devaient avoir envie de manger la télévision, de lui tordre le cou pour avoir dit des choses aussi insensées.

Il a sorti des statistiques: 15% de chômage en 1976, 13% en 1973. Il y a un record qu'il a oublié de mentionner: à Sacré-Coeur, présentement, il bat tous les records, c'est 100% de chômage. Jamais un gouvernement n'avait réussi, depuis que le Québec existe, à amoindrir une population de la façon dont l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources l'a fait. Comme solution, le ministre propose des petits programmes à la pige: on va vous donner la permission de vous livrer à des activités forestières sur un territoire québécois qui vous appartient si on le désire et si on pense que c'est rentable pour vous. Quand un ministre parle de cette façon à une population, déjà, il n'est plus digne d'être ministre.

Si on regarde la façon dont l'ancien ministre de l'Énergie et des Ressources a vendu la compagnie Samoco, qui était propriété à 100% du gouvernement du Québec via la société REXFOR, on constate qu'il l'a vendue pour un montant de 5 000 000 $ dont il n'a jamais, pour ainsi dire, encaissé un cent. Non seulement il a vendu la compagnie, mais il a vendu son chef de cabinet avec, et la population de Sacré-Coeur est prise aussi avec. Quand un ministre fait une vente de débarras, au moins, il devrait gaYder ses hommes dans son bureau.

Les Québécois et les Québécoises de Sacré-Coeur ne l'oublieront pas "celle-là", parce qu'ils sont aux prises avec un problème réel dont le ministre de l'Énergie et des Ressources se fout éperdument. Alors que REXFOR avait un rôle bien déterminé, c'est-à-dire aller dans un endroit où l'entreprise n'allait pas, ils ont fait le contraire. REXFOR, étant donné les difficultés des usines de sciage, s'est départie pour une bouchée de pain, pour moins de 30 deniers -si je me rappelle bien, c'est Judas qui avait vendu Notre-Seigneur à ce prix - d'une usine qui valait 15 000 000 $, dont elle n'a jamais reçu un cent, dont est propriétaire son créancier hypothécaire présentement et sur laquelle le ministre n'a même pas payé ses taxes. Dans deux jours, cette entreprise sera vendue sur la place publique par le conseil de comté, par la MRC, faute d'avoir payé ses taxes. Lorsque le gouvernement du Québec est vendu sur la place publique, c'est parce que les propriétaires ne valent pas cher. Le propriétaire actuel, c'est le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Je pense que depuis la fondation de REXFOR, celle-ci s'est drôlement éloignée de ses objectifs. Alors que cette société avait un rôle primordial à jouer parmi une population désespérée, elle a vendu pour une bouchée de pain, pour moins de 30 deniers, à des investisseurs qui ne sont même pas québécois, des investisseurs ontariens... Elle

n'a pas reçu un sou et elle est en faillite actuellement, faillite dans laquelle le gouvernement du Québec perdra, à cause du manque de consistance du ministre, à cause de son manque de prudence et de celui de l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources, une somme évaluée à 15 000 000 $. Lorsqu'on administre de cette façon et qu'on a le culot de venir à l'Assemblée nationale demander des crédits supplémentaires de l'ordre de 66 000 000 $, je pense qu'on n'a pas le visage à la bonne place.

Actuellement, si le ministre daignait se promener en région, particulièrement sur la rive sud et sur la Côte-Nord, je pense que les travailleurs forestiers de Nazaire Gagnon, les travailleurs forestiers des Produits forestiers du Saguenay remettraient à la bonne place le visage du ministre. Malheureusement, le ministre ne fait que de grands énoncés, de grands projets.

Le ministre parlait cet après-midi d'investissements de 500 000 000 $ au cours des prochaines années dans le domaine de la foresterie et il n'est même pas capable de payer des taxes de 150 000 $ à une usine qui appartient à plus de 50% au gouvernement du Québec et qui sera vendue sur la place publique. Je pense qu'un ministre qui agit de cette façon et qui a le culot de venir demander des crédits supplémentaires, c'est rire, d'abord de l'institution qui s'appelle l'Assemblée nationale; c'est rire aussi de l'institution des travailleurs d'usine, des travailleurs en forêt. Je pense que tant et aussi longtemps qu'il existera de ce côté de la Chambre des personnes qui s'élèveront contre les tractations que le ministre fait présentement... Je pense que la population a une grande hâte de voir, au sein d'un gouvernement du Québec, des personnes qui auront un sens des responsabilités beaucoup plus large et beaucoup plus profond vis-à-vis des travailleurs de la forêt.

Faut-il rappeler que nos forêts de la Côte-Nord sont en danger à 70% à cause de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, M. le Président? Faut-il rappeler que, si la société REXFOR avait eu un rôle à jouer concernant la protection, ce que le ministre n'a jamais voulu lui donner, un rôle à jouer concernant le reboisement, on ne serait pas pris dans une situation aussi dramatique? Lorsque je parle de 70% de la forêt, il y va d'environ 4000 emplois sur la Côte-Nord et ce sont des chiffres qui peuvent être vérifiés n'importe quand. REXFOR aurait eu un rôle prédominant à jouer dans ce domaine, mais elle a manqué le bateau. Qu'est-ce qu'elle a fait depuis les cinq dernières années concernant la protection de nos forêts? Qu'est-ce que REXFOR a fait au cours des cinq dernières années concernant le reboisement? Lorsqu'on met cela dans la balance des réalisations, on s'aperçoit que c'est très minime.

Je pense qu'une société d'État se doit avant tout à l'État. Elle doit, comme son rôle lui en a été donné au départ, suppléer l'entreprise privée lorsque cette dernière fait défaut. Contrairement à son rôle, surtout à cause des politiques gouvernementales à partir de 1976, REXFOR est devenue un compétiteur pour l'entreprise privée. Là où elle avait un rôle social à jouer, elle a abandonné ses responsabilités. Là où elle avait fait le redressement de certaines entreprises qui, normalement, auraient dû retourner à l'entreprise privée, elle est devenue un compétiteur régional, un compétiteur provincial. Je pense que c'est néfaste pour l'entreprise privée. On comprend très bien l'entreprise privée de ne pouvoir concurrencer l'État québécois. Que ce soit dans le domaine des pêcheries, que ce soit dans le domaine forestier ou autre, il est impossible de penser qu'une entreprise privée puisse concurrencer l'État. Or, le rôle de REXFOR aurait dû être un rôle de supplément, de pallier là où l'entreprise privée n'allait pas, particulièrement dans les régions éloignées comme la Côte-Nord, que j'ai le plaisir de représenter, la Côte-Sud, la Gaspésie. Pourtant, je me souviens qu'au printemps le premier ministre annonçait un programme de relance de 23 000 000 $. Les gens de la rive sud, les gens de Matane, les gens de la Gaspésie attendent encore ces millions. Promesse sur promesse. Dans ce domaine, les statistiques ne mentent pas: le gouvernement actuel est le premier dans les promesses. Je lui donne 100%. Dans le domaine des réalisations des promesses, zéro. M. le Président, il y a une différence de 100% entre la réalité et les promesses. Pourtant, ce sont d'excellents vendeurs. Je fais référence cet après-midi au ministre de l'Énergie et des Ressources qui, tout bonnement, faisait l'autocritique du chef du Parti libéral, M. Bourassa, du député d'Outremont qui, lui, a eu le courage de lui sortir les véritables statistiques, les véritables données, lui qui a eu le courage de demander cette commission parlementaire.

Cela a pris sept mois au ministre pour réagir, alors qu'il se vantait d'être le premier gouvernement à avoir convoqué REXFOR en commission parlementaire. Je comprends. Ce sont eux qui l'ont mis dans le trou. Ce n'est pas du temps du gouvernement libéral que c'était le temps de convoquer REXFOR. Tout allait très bien et REXFOR jouait son véritable rôle. Dès qu'on a eu le député de Matane comme ministre de l'Énergie et des Ressources, c'est là que REXFOR n'a pas joué son rôle. Les problèmes qu'on rencontre aujourd'hui au niveau des scieries, c'est sa faute. Il en est le principal responsable. S'il gère l'éducation de la même façon qu'il a géré le ministère de l'Énergie et des Ressources, nos enfants d'école ne sont pas sortis du bois

avec lui, c'est le cas de le dire.

M. le Président, une société comme REXFOR a un rôle déterminant à jouer vis-à-vis des Québécois en région éloignée. Il est naturel que REXFOR supplée à l'entreprise privée lorsqu'elle n'y va pas puisqu'elle a un rôle social à jouer également. Mais son rôle social lorsqu'elle met les clés sur les portes d'usines, lorsqu'elle vend à perte les biens de l'État ou lorsqu'elle néglige de faire son devoir de bon citoyen, c'est-à-dire de payer ses taxes pour éviter d'être vendue sur la place publique, il y a quelqu'un qui est responsable.

J'avais l'occasion de demander au président de REXFOR lors de la commission parlementaire si la vente des produits forestiers à une entreprise que les gens du Parti québécois appelaient "étrangère" puisqu'elle vient de l'Ontario, avait été une bonne vente. Il m'a répondu: Je ne connais pas le dossier. Je connais très mal le dossier; je n'étais pas là. Mais si le ministre a fait la vente, c'est parce que cela devait être une bonne vente. Cela me fait penser, à chaque automne, la majorité des grands magasins des villes et des campagnes font une vente pour les habits qu'ils n'ont pas vendus, c'est-à-dire qu'ils en donnent trois pour un, deux pour un. C'est le cas de l'usine des produits forestiers qui a été vendue sur la place publique par le ministre de l'Énergie et des Ressources pour moins de 30 deniers, une aubaine dont le gouvernement n'a même pas été capable de se débarrasser de l'hypothèque. Il n'a jamais reçu un sou et on est obligé de constater que dans deux jours le gouvernement du Québec sera vendu sur la place publique comme mauvais contribuable. C'est inacceptable. Quand un ministre a le front de revenir à l'Assemblée nationale pour proposer des crédits supplémentaires ou proposer un amendement, pour faire son petit projet de loi... il n'est pas épais, il n'a que quatre articles, mais il en dit long. Quand on n'est pas capable de gérer la première, on ne demande pas les trois autres. (20 h 20)

À une rencontre entre les syndicats des travailleurs affiliés à la CSN et les officiers du ministère de l'Énergie et des Ressources qui avait lieu il y a deux semaines, on donnait cette solution: Accréditez-vous à une petite société formée par l'ancien chef du cabinet du ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Marc Gilbert puisqu'il faut le nommer, qui a fondé une société qui s'appelle la Société d'exploitation des travailleurs - et de patronage - de Sacré-Coeur. Lorsqu'on connaît ce personnage et qu'on connaît ses infiltrations dans le ministère de l'Énergie et des Ressources, alors que le ministre demande que les négociations dans le moment demeurent secrètes et que ce personnage, l'ancien chef de cabinet de l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources se promène partout et annonce déjà les politiques du ministre avant que celui-ci ne les ait annoncées ici à l'Assemblée nationale, on peut se demander qui est le ministre de l'Énergie et des Ressources. Ce n'est pas de la démagogie. C'est une réalité quotidienne que les gens, les 400 travailleurs de l'ex-usine de Produits forestiers ont à vivre.

Lorsqu'on appelle une petite société d'exploitation de travailleurs pour retourner aux années 1925, je pense que les travailleurs de cette usine ne peuvent accepter une telle diminution au sens humain, au sens large comme travailleurs. Je pense que je ne suis pas plus syndicaliste que n'importe quel député ici en cette Chambre, mais il y a une chose qu'il faut respecter, le droit fondamental... M. le député, quand ce sera votre tour, vous aurez l'occasion de vous exprimer en toute liberté et on vous écoutera.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député, vous devez conclure.

M. Maltais: En conclusion, je pense comme le député d'Outremont et le député de Pontiac, qui l'ont si bien fait. Je pense que le ministre n'a pas prouvé, par son administration antérieure, qu'il mérite le projet de loi qu'il présente; il n'a pas prouvé que l'orientation qu'il veut donner à la société REXFOR sera avantageuse pour les Québécois et c'est pour cela qu'on votera contre ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Gilles Baril

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témis-

camingue): M. le Président, c'est un énorme plaisir d'intervenir en tant que député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et bien sûr, représentant d'une population qui vit essentiellement au Québec d'une richesse aussi fondamentale qu'on appelle la forêt. Tout d'abord, je suis content d'intervenir -et j'en profiterai tantôt pour reprendre les arguments du député de Saguenay et bien sûr, les arguments du député d'Outremont -concernant les activités de la société d'État REXFOR au Québec et tout particulièrement dans les régions de la Gaspésie, de Mont-Laurier et du Témiscamingue, un coin de pays que je représente dans cette Chambre.

En tout premier lieu, je voudrais mentionner que l'histoire économique forestière du Témiscamingue n'est pas nécessairement rose. Avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976, il faudrait mentionner que le Témiscamingue, sur le plan forestier, était voué aux intérêts

étrangers, était sous la domination de multinationales des États-Unis ou du Canada anglais, pour ne mentionner ici que la compagnie UOP, United Oil Products, une multinationale américaine qui développait à partir de ses bureaux de Washington la forêt témiscamienne et bien sûr, tout le monde aura connu sous le nom de CIP, la fameuse Compagnie internationale de papier qui a développé notre richesse pendant fort longtemps sans se soucier, comme son vis-à-vis ou sa voisine, c'est-à-dire United OU Products, de l'avenir de cette richesse qui est actuellement un secteur déterminant pour l'avenir économique du Témiscamingue.

Je dois vous dire que c'est sous le règne libéral tout particulièrement que ces deux multinationales ont véritablement, sans se soucier de l'avenir de cette richesse fondamentale, vidé les forêts témiscamiennes. Je voudrais vous mentionner que depuis 1976, avec une stratégie d'intervention extrêmement planifiée du gouvernement du Québec par l'entremise de REXFOR, nous avons vu au Témiscamingue et surtout par l'entremise de mon collègue, le député de Matane qui était alors ministre de l'Énergie et des Ressources, remettre pour la première fois cette richesse fondamentale, c'est-à-dire la forêt, aux mains de la population des Témiscamiens et des Témiscamiennes.

Je voudrais aussi vous mentionner que la société d'État REXFOR intervient chez nous depuis 1975 au niveau de près de quatre projets. Il y a, bien sûr, la scierie Béarn, la scierie Temfor à Ville-Marie qui attire plus particulièrement l'attention des parlementaires aujourd'hui concernant le projet de loi 66 et celle de Cèdre Fabre dans la municipalité de Fabre où REXFOR joue un rôle tout particulièrement important.

Je trouve malheureux que le député de Saguenay vote contre le projet de loi puisque voter contre le projet de loi, c'est voter contre la création d'emplois, parce que cela veut tout simplement dire au Témiscamingue, avec le projet de loi d'aujourd'hui - qui sera adopté, j'en suis convaincu - une injection de capitaux d'au-delà de 40 000 000 $, ce qui équivaudra à plus de 200 emplois permanents pour les familles du Témiscamingue, 200 emplois permanents pour les gens de Laurinville, de Ville-Marie, de Fabre, de Saint-Eugène et des municipalités du Témiscamingue. Et M. le député de Saguenay votera contre le projet de loi. Il votera contre la création d'une intervention économique qui va donner des emplois permanents, tout particulièrement à Mont-Laurier. Le député de Saguenay votera contre un projet de loi qui va intervenir sur le plan économique pour permettre une restructuration du développement forestier en Gaspésie.

Au-delà des tergiversations du député de Saguenay, je voudrais quand même amener cette Assemblée à réfléchir et à constater à la fois le véritable visage des libéraux. On se rappellera que M. Fortier, lors d'une récente apparition éclair, quasiment aussi rapide que sa venue... Il est venu le matin et il s'en est retourné le soir. Qui est-il allé voir au Témiscamingue, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue? Qui M. le député d'Outremont est-il allé voir dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue pour essayer de se donner un constat personnel ou politique de l'intervention économique de la société REXFOR en Abitibi-Témiscamingue? Qu'est-ce que le député d'Outremont a fait? Eh bien, naturellement, il ne pouvait pas résister à la tentation d'aller voir ses anciens fournisseurs de la caisse électorale du Parti libéral.

Le député d'Outremont n'est pas venu au Témiscamingue pour rencontrer les véritables intervenants socio-économiques qui auraient pu, au ras du sol, parler véritablement avec lui et analyser objectivement l'intervention de la société d'État REXFOR au Témiscamingue. Je parle ici de la Chambre de commerce du Témiscamingue. Je parle de la municipalité régionale de comté qui regroupe au-delà de 32 maires. Je parle aussi de la Corporation de développement économique du Témiscamingue. Je parle aussi de la Société de gestion et d'exploitation forestière du Témiscamingue. On retrouve là-dedans - il aurait intérêt à aller les voir - des membres de l'exécutif du Parti libéral du comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Ce sont des gars qui connaissent mauditement plus la forêt que M. Fortier. Mais non! On fait un constat de REXFOR à partir...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, à deux occasions, vous avez manqué à l'article 35, paragraphe 1, qui dit qu'on ne peut appeler un député autrement que par le nom de son comté. S'il vous plaît!

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue): M. le Président, je m'en excuse auprès du député d'Outremont. J'invitais le député d'Outremont justement à rencontrer ses confrères qui connaissent le développement économique et forestier du Témiscamingue et qui sont aptes à lui apporter une critique positive, objective sur l'intervention de REXFOR chez nous.

Naturellement, le député n'a pas trahi la tradition libérale, il est encore allé voir les mêmes intervenants, les gros, les profiteurs, ceux qui, déjà, comme le disait mon chef et député de Taillon en fin de semaine, sont tous empressés de s'abreuver à ce vase d'eau ou cette grande rivière qui pourrait certainement leur donner beaucoup de choses en retour. C'est malheureux parce que là où on aurait pu, de façon positive et

constructive, fournir une réflexion ou une analyse sur l'intervention de REXFOR, c'était bien au Témiscamingue. Encore là on voit le véritable visage des libéraux provinciaux du Québec.

Je voudrais reprendre les paroles du député d'Outremont qui, ce matin, à partir d'un article du "Témiscamien", disait que la population du Témiscamingue dénonçait la volonté monopolistique de REXFOR. Je voudrais dire à cette Chambre, premièrement, que ce n'est pas la population qui l'a dit. C'est un ancien et probablement futur candidat du Parti libéral dans Rouyn-Noranda-Témiscamingue, M. Pierre Bonin, qui a essayé de jouer les grands développeurs de l'entreprise privée à Belleterre. À défaut de savoir compter, après avoir volé la population, il a "sacré son camp"; il a commencé à dénoncer la société d'État REXFOR parce que, supposément, elle aurait constitué des obstacles à la mise en place de Scierie Belleterre qui a reçu tout l'appui économique, tout l'appui du côté des approvisionnements de la part du gouvernement du Québec pour faire démarrer cette usine qui donnera au-delà de 300 jobs. (20 h 30)

Encore là, sur ce problème du secteur forestier, le Parti libéral du Québec est demeuré silencieux, le Parti libéral du Québec a agi en "perron de porte" vis-à-vis de la maison mère d'Ottawa qui, elle, a instauré un moratoire dans le secteur du bois de sciage au Québec. Naturellement, je n'ai jamais vu le parti de l'Opposition, ici, en Chambre, se lever et dénoncer ce moratoire qui fait effectivement mal au développement économique forestier du Témiscamingue, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Gaspésie. On voit le véritable visage du Parti libéral du Québec, un visage qui défend les gros, un visage qui défend les profiteurs et un autre visage qui est véritablement soumis au diktat des libéraux fédéraux.

Deuxièmement, je voudrais reprendre un peu l'argumentation de fond de ce débat. Depuis tantôt, j'entends dire: REXFOR vient prendre la place de l'entreprise privée. Je veux vous dire une chose: au Témiscamingue, chaque fois qu'une compagnie faisait faillite, premièrement, les hommes d'affaires, pour la plupart membres de votre parti, venaient me voir à mon bureau pour me supplier afin que REXFOR intervienne pour faire fonctionner les usines. C'est la réalité des gens du Témiscamingue et je défie n'importe quel libéral de venir chez nous pour faire un débat public là-dessus; on verra quel sera le constat de la population. Encore là, on fera des petits voyages vites, rapides en Abitibi-Témiscamingue pour aller voir les anciens amis du pouvoir. C'est cela que l'on fait dans les régions au lieu d'essayer de faire des constats ou des analyses constructives sur le développement économique du Québec.

Autre phénomène. Je voudrais revenir à ce que je disais tantôt sur l'entreprise privée quant au développement économique du Témiscamingue et particulièrement en ce qui concerne l'intervention de REXFOR. J'écoutais le député de Saguenay parler des usines de Grande-Vallée et de Sacré-Coeur. Pourquoi M. Johnson ne demanderait-il pas à Power Corporation de prendre les usines de Sacré-Coeur et de Grande-Vallée en main? On ne les veut pas plus qu'il ne le faut. Les voulez-vous? Pourquoi l'entreprise privée n'y va-t-elle pas? Pourquoi l'entreprise privée ne va-t-elle pas à Calibois, dans le Témiscamingue? Si l'entreprise privée veut y aller, pas de problème;

La vraie raison, le vrai débat est que justement l'entreprise privée ne veut pas y aller. C'est pour cela que la population fait appel, dans les régions périphériques surtout, à cet instrument de développement qu'on appelle REXFOR et qui peut véritablement amener un objectif de création d'emplois maximal. Si on attend les grosses compagnies et les multinationales d'avant 1976, on va attendre longtemps. Le problème, c'est qu'au Témiscamingue, les gens ont décidé de grouiller; à défaut de voir le Parti libéral du Québec faire des propositions concrètes, ou peut-être faire des lobbys auprès de certains amis, les magnats de la finance, qui pourraient venir s'implanter au Témiscamingue et créer une usine de panneaux gaufrés, par exemple, à Ville-Marie en collaboration avec Tembec. Mais non, ce n'est pas ce qui se passe. On pète pas mal de broue sur l'entreprise privée, mais on ne fait pas grand-chose.

M. Daniel Johnson, le député de Vaudreuil-Soulanges, disait à Granby: On veut mettre la hache dans les sociétés d'État. M. Johnson, le député de Vaudreuil-Soulanges, a de grandes connaissances chez Power Corporation. Je l'incite fortement à inviter ses anciens "chums", ses anciens amis à venir faire un tour au Témiscamingue; on leur laissera toute la place voulue, justement...

M. Fortier: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont, un appel au règlement.

M. Fortier: Vous avez cité l'article du règlement qui ne permet pas à un député d'appeler un de ses collègues par son nom. Il faudrait bien que le député s'en souvienne. C'est vrai qu'il est un peu jeune, mais il faudrait quand même qu'il apprenne le règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Effectivement, il y a quelques minutes, j'ai rappelé le député à l'ordre. Je demanderais à chacun ici à cette Assemblée, de quelque

côté qu'il soit, de bien vouloir se rappeler l'article 35.

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témis- camingue): Merci au député d'Outre-mont pour ses leçons. Je voudrais quand même, moi aussi, lui donner les miennes et reprendre, précisément, les paroles du député de Vaudreuil-Soulanges qui dit qu'il veut mettre la hache dans les sociétés d'État. Je ne sais pas s'il veut donner une "égouine", une "buck saw", ou une "chain saw" à l'ensemble du caucus libéral pour qu'il vienne prendre la place de REXFOR au Témiscamingue, mais le problème, c'est que le contenu de l'article, comme l'ensemble des interventions, ne proposent rien en matière de remplacement. On dit l'entreprise privée, mais je ne veux pas commencer à réciter des chapelets chez nous et à attendre les investisseurs de l'extérieur, parce qu'ils ne viendront pas. La réalité, c'est qu'on n'a pas le temps d'attendre. Il faut développer, il faut développer Temfor comme on veut le faire avec le projet de loi 66 et injecter 40 000 000 $ en donnant 200 emplois permanents à Ville-Marie dans mon comté.

Je n'ai pas à attendre, je n'ai pas non plus à tirer des leçons hypocrites du Parti libéral du Québec qui se pense... et qui vient ici à la défense des régions. Encore là, M. le Président, on ne retrouve pas dans le programme du Parti libéral du Québec une véritable stratégie d'intervention dans le domaine de la forêt au Québec. Tout ce qu'on dit, c'est qu'on va mettre la hache partout. Pour remplacer par quoi? On va abolir la scierie Béarn, on va abolir Calibois on va abolir Cèdre Fabre, on va abolir Temfor? Pour les remplacer par quoi? C'est cela, la réalité du Parti libéral du Québec, et c'est ce qui anime ses députés, depuis trois ans, ici. Même en période difficile au Québec, on a tout critiqué; on a essayé de rapetisser tous les efforts gouvernementaux; on a essayé d'amenuiser les actions du gouvernement en période difficile. Le problème, c'est qu'on n'a jamais eu de proposition concrète de la part de ce parti. On n'en a pas eu dans le domaine des mines, ni dans le domaine de la forêt, ni pour les jeunes, ni pour l'agriculture. On n'en aura pas non plus en matière de développement régional.

Ce que je veux vous dire, encore une fois, c'est que le Parti libéral du Québec, vis-à-vis de ce projet de loi, a démontré son vrai visage. Je veux le rappeler aux gens du Témiscamingue. Rappelez-vous le temps où nos forêts étaient misérablement assassinées, exploitées par les multinationales de l'extérieur, jusqu'à l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976, le seul gouvernement qui s'est occupé de soutenir correctement, positivement, concrètement le développement économique forestier du Témiscamingue en rétrocédant les concesssions forestières, en remettant cette richesse fondamentale qu'est la forêt entre les mains des Témiscamiens et des Témisca-miennes.

L'autre phénomène, c'est, bien sûr, le véritable visage du Parti libéral du Québec qui vient se promener comme un éclair en région et qui, encore là, rencontre les ex-amis du pouvoir de M. Bourassa. C'est une réalité. Si le Parti libéral du Québec voulait faire un véritable débat sur l'intervention des sociétés d'État dans les différents coins du Québec, on viendrait et on prendrait le temps de rencontrer les vrais intervenants, les vrais développeurs de l'entreprise privée, les véritables intervenants socio-économiques, que ce soient les MRC, les chambres de commerce ou la population en général. Ce n'est pas cela que le Parti libéral du Québec a voulu faire. Ce qu'il a voulu faire, à la dernière minute, parce qu'il n'avait peut-être pas de choses à discuter en cette Chambre, c'est d'essayer de saisir au vol, par l'entremise du député d'Outremont... Pour les gens du Témiscamingue, je vous dis que cela a une grosse crédibilité dans le domaine quand le député d'Outremont se lève pour parler du développement de la forêt au Québec: il connaît bien celai C'est cela, le Parti libéral du Québec: ce sont les gars d'Outremont qui vont venir dire aux gars du Témiscamingue comment développer leurs forêts! C'est le député de Vaudreuil-Soulanges qui dit qu'il faut mettre la hache dans les sociétés d'État. (20 h 40)

Mais en conclusion, qu'est-ce que ce parti a à proposer aux Québécois et aux Québécoises? Je dirais que ce parti a quelque chose à proposer par rapport à la présence de son chef ici même en cette Chambre: rien. C'est vide. On n'a rien à dire. Tout ce qu'on a à dire, c'est que c'est l'entreprise privée qui devrait développer la forêt au Québec. Eh bien, M. le Président, tout ce que je constate, c'est que ce Parti libéral est précisément contre un développement économique qui donne 200 jobs dans mon comté, et c'est cela que je trouve répugnant. Je pense que la population du Témiscamingue, les Témiscamiens et les Témiscamiennes qui m'écoutent ce soir sauront juger ce parti qui ne croit pas aux régions, ce parti qui n'est pas un parti pour défendre les intérêts de la population des régions comme celle que je représente et pour laquelle, par mon droit de député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue en cette Assemblée, je vais continuer à me lever pour démontrer le véritable visage de ce Parti libéral du Québec qui est celui d'avant 1976, celui de l'absence de position vis-à-vis du développement des régions et, bien sûr, de soutien économique d'une région comme le

Témiscamingue que je représente. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député...

M. Fortier: M. le Président, le député de Charlesbourg devait être ici il y a un instant, mais peut-être qu'on peut passer à un député ministériel.

Le Vice-Président (M. Rancourt); Je reconnaîtrai celui qui se... M. le député de Bellechasse. Je m'excuse, c'est M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Jacques Le Blanc

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. Tout au cours de son existence, la société REXFOR a été mandatée par le ministère des Terres et Forêts d'abord, ensuite par celui de l'Énergie et des Ressources, pour intervenir au nom de i'État dans le domaine de l'exploitation forestière et de la transformation de l'une de nos ressources naturelles les plus importantes.

La Société de récupération et d'exploitation forestière du Québec a été créée en 1969, mais la loi n'entra en vigueur qu'en 1970 et son mandat correspondait en tous points à son nom, récupération et exploitation, avec la précision d'exercer son action sur les terrains du domaine public surtout où des quantités de bois étaient menacées de perdition. Depuis 1969, REXFOR a vu son mandat élargi et, dès 1971, on lui demandait de s'impliquer dans l'aménagement forestier par l'exécution de travaux sylvicoles.

En 1973, l'État lui assignait une responsabilité de développement dans le domaine forestier au Québec, faire des expériences, de nouvelles méthodes de coupe, en lisière, etc. L'élargissement progressif du mandat de la société REXFOR commandait que l'on augmente son capital pour le porter de 25 000 000 $ à 58 075 000 $ en 1977. Il n'a pas été modifié depuis, M. le Président, et je pense que cela justifie le dépôt du projet de loi d'aujourd'hui. Ce projet de loi que l'on discute présentement a pour objet de porter le fonds social de REXFOR à 125 000 000 $ en autorisant le ministère des Finances à souscrire 66 025 000 $ supplémentaires en capital-actions dans REXFOR.

Ces modifications au statut de cette société spécialisée dans le secteur forestier de l'économie québécoise ont été apportées -et je pense que personne ne met cela en doute - pour lui permettre de jouer pleinement son rôle en s'adaptant à l'évolution des méthodes d'exploitation et en s'adaptant également à la structure financière des entreprises oeuvrant dans la transformation des produits forestiers en s'y impliquant comme partenaire.

La présentation de ce projet de loi découle d'une logique évidente entre les intentions du gouvernement et les actions qu'il doit poser pour les concrétiser de façon pratique. Lorsque l'on donne le mandat à REXFOR de réaliser ou de participer à la réalisation de certains grands projets dans le domaine forestier, il faut lui en donner les moyens financiers. Que ce soit la tâche de réorganiser les activités de l'industrie du sciage dans le territoire forestier de la péninsule gaspésienne, dans le Bas-Saint-Laurent ou ailleurs dans le Québec, ou encore de participer à la réalisation de ce projet longuement discuté d'une papeterie à Matane ou par son action à travers ses filiales associées au secteur privé, s'intéresser à la transformation des dérivés du bois, REXFOR assume, à la mesure de ses moyens, les responsabilités qui sont siennes.

REXFOR a joué un rôle important dans le développement de l'industrie forestière et pas toujours d'une façon agréable puisqu'elle a dû, plus souvent qu'autrement et plus souvent qu'elle ne l'aurait voulu, agir comme sauveur d'industries en difficulté, comme partenaire dépanneur dans des régions où les investisseurs n'étaient pas pressés de risquer des investissements d'importance ou encore là où des industries avaient carrément fermé leurs portes faute de rentabilité. REXFOR allait et l'énumération a été faite par des orateurs précédents de ces endroits où REXFOR a dû prendre la relève pour sauver des jobs à ces endroits et faire une relance dans des municipalités où la seule activité économique était la forêt, l'exploitation forestière et la transformation dans les usines de sciage.

L'augmentation de capital-actions dont REXFOR a besoin lui permettra d'agir non seulement comme pompier ou sauveur de service, en étant une agence de messagerie pour transmettre aux entreprises, aux prises avec des problèmes de toute nature, des subventions gouvernementales, mais la principale mission de REXFOR doit être autant sa participation dans les entreprises de développement de l'industrie forestière du Québec, facteur important de création d'emplois.

Cette participation de REXFOR dans des entreprises en voie de développement, son implication dans de vieilles usines transformées pour se conformer à l'évolution de l'industrie et pour survivre... En commission parlementaire dernièrement, lorsque REXFOR est venue faire rapport pour la première fois au gouvernement de ses activités, on a rappelé cette participation de REXFOR dans l'entreprise F.-F. Soucy de Rivière-du-Loup où Bato avait investi de la machinerie nouvelle. Pour garantir cet

investissement, il fallait absolument - et l'entreprise privée ne pouvait le faire -garantir un approvisionnement de 100 000 cordes par année en provenance tant des terrains privés que du domaine public. REXFOR a dû assumer cette tâche et garantir, de ces 100 000 cordes de bois de pulpe, 25 000 cordes en provenance des forêts publiques du Bas-Saint-Laurent et de la côte du sud.

M. le Président, si j'en avais le temps, je pourrais allonger la liste de ces interventions de REXFOR dans le domaine privé et parler, dans ses quatorze années d'existence, de l'histoire de son action dans le domaine forestier. Je crois que tout le monde connaît les principales réalisations de cette société d'État, mais, ce qui est peut-être moins connu, c'est son implication dans ce que l'on pourrait considérer comme le début d'une exploitation rationnelle et beaucoup plus complète de la ressource forêt.

Dans le domaine de la recherche des énergies nouvelles, entre autres, REXFOR s'est engagée résolument par une participation financière dans la société Nouveler, qui est une société de la couronne, une société d'État québécoise. Cette société, en association avec Canertech, une société d'État fédérale, a formé la société Biosyn et c'est cette société qui construit actuellement l'usine expérimentale de Saint-Juste-de-Bretenières. À cet endroit, l'objectif de ce projet est de développer une technique de transformation des résidus des scieries, principalement le bran de scie et l'écorce, pour en faire un gaz de synthèse et, par la suite, du méthanol.

Aujourd'hui, cette usine ne peut peut-être pas prétendre à une concurrence, au moment où on se parle, avec l'essence que l'on emploie dans nos véhicules, mais ce qui se passe actuellement dans le golfe Persique peut nous amener à nous interroger sur ce que sera l'approvisionnement dans les années à venir. Ce n'est peut-être pas aussi loin qu'on peut le penser parce que, lorsqu'on parle d'approvisionnement énergétique dans le domaine de l'essence, on fait toujours référence à des approvisionnements épuisables. Ce qu'on pourra fabriquer d'énergie combustible avec nos résidus forestiers provient d'une source inépuisable et renouvelable. (20 h 50)

Je crois que la recherche que l'on fait dans ce domaine servira non seulement à l'utilisation plus complète de notre forêt, mais servira également à développer une technique qui, comme la technique qu'on a développée dans le domaine hydroélectrique, pourra aussi être exportée dans d'autres pays du monde. Nous devons admettre que nous avons jusqu'ici dans une très large mesure gaspillé notre ressource forestière. La tordeuse des bourgeons de l'épinette détruisant des milliers d'hectares de notre précieuse ressource, ajoutant ainsi aussi au passif du bilan, il est de toute nécessité que des sociétés comme REXFOR soient financièrement bien outillées pour poursuivre leur implication au nom de l'État dans le développement de l'exploitation de notre ressource forestière.

C'est cette perspective d'avenir qui doit nous préoccuper soit celle de récupérer dans son entier l'arbre que l'on coupe compte tenu des besoins que le Québec a en papier, en bois de sciage, mais également en énergie. Que l'on prône avec force que l'entreprise privée doit être la seule sur laquelle le Québec peut se fier pour prendre en charge tout ce domaine forestier, on a beau le faire, mais la réalité des dernières années nous donne une image fort différente dans ce domaine. La modernisation de nos papeteries ne s'est pas faite sans l'aide de l'État et ne se complétera pas sans son aide non plus.

En terminant, je suis convaincu que cette augmentation de capitaux réclamée et accordée par le projet de loi 66 à REXFOR est un geste positif qui lui permettra de continuer sa participation dans des entreprises provoquant ainsi l'investissement privé, la création d'emplois et une meilleure utilisation et une meilleure gestion de notre ressource forestière. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Transports.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: II me fait plaisir de participer à ce débat de deuxième lecture sur le projet de loi 66 concernant le rôle de REXFOR et l'augmentation de son capital-actions. Je voudrais, pour reprendre ce qui a été dit par des députés de l'Opposition notamment, traiter un peu de ce que fait REXFOR. Je voudrais simplement rappeler que la vitalité du secteur forestier et son importance chez nous dépend en bonne partie de la capacité concurrentielle de REXFOR. En particulier parce que nous exportons 70% de notre production forestière ailleurs, en dehors du Québec, vers le reste du Canada ou vers les États-Unis, notamment. C'est donc qu'il faut sans arrêt s'attaquer à des gains de productivité qui soient importants sur tous les plans si on veut rester dans le marché. Pour cela, il ne faut négliger aucun moyen, des moyens privés, mais aussi des moyens publics. Je pense que REXFOR se situe dans le contexte des moyens publics pour garder notre capacité concurrentielle sur le marché et en particulier pour l'exportation. Dans ce contexte, je voudrais reprendre simplement une conclusion du président de REXFOR en commission parlementaire dans les documents qu'il a

déposés, d'ailleurs, qu'une société telle que REXFOR est en mesure de fournir une contribution non négligeable et soutenue à la recherche qui est une condition des gains de productivité, à l'amélioration de la mise en valeur de la forêt, à l'innovation, dans les moyens de la transformer et dans les moyens susceptibles d'accroître les exportations de nos produits.

Dans ce rôle, la société REXFOR ne peut être réduite ou encore limitée à certaines fonctions. Elle ne peut être un distributeur de subventions. Ce n'est pas sa raison d'être. Elle ne peut non plus être limitée à une aide de dernier recours aux entreprises en difficulté ou à celui de la relance d'entreprises fermées. La collectivité a besoin de plus que cela. On ne peut pas non plus penser que REXFOR peut être activée par intervalles quand le besoin s'en fait sentir, comme l'interrupteur qui actionne l'éclairage d'un appartement, ou être toujours l'investisseur de dernier recours quand personne n'est intéressé. Que ce soit pour sa capacité de remplir des mandats gouvernementaux ou encore pour l'expertise qu'elle a développée autant comme entrepreneur forestier d'appoint que par son expérience acquise dans les milieux industriels où elle a oeuvré, REXFOR est nécessaire au développement du Québec. C'est une partenaire qui a permis la réalisation de certains projets un peu partout, mais qui demeure disponible en tant que suppléante, comme elle peut assumer des risques que d'autres ne peuvent pas assumer. C'est le rôle de REXFOR au Québec. Il y a des exigences à cela. Il faut que REXFOR soit une société solide, qu'elle soit souple aussi dans ses interventions, et l'entreprise privée doit aussi accepter qu'elle existe à côté des autres. Je pense que les deux sont complémentaires et c'est dans ce contexte que nous nous apprêtons à augmenter le capital-actions de REXFOR.

M. le Président, encore une fois, il me fait plaisir d'intervenir ici pour donner mon appui à cette augmentation du capital-actions de 59 000 000 $ à 125 000 000 $, soit 66 000 000 $ de plus comme capital. C'est donc, finalement, en termes de capital autorisé, un doublement du potentiel de REXFOR auquel nous assistons ou participons. Il s'agit du développement économique dont nous parlons. Il s'agit de la relance, et les immobilisations totales des investissements dont nous parlons se totalisent à 460 000 000 $, donc, à presque 500 000 000 $. Cela va créer quelque 1300 emplois directs et indirects et REXFOR va traiter 1 000 000 de mètres cubes de bois qui n'étaient pas traités jusqu'ici. Il s'agit d'un projet considérable auquel nous devons souscrire comme Québécois. Je suis heureux de le faire aussi pour une raison; c'est que l'un de ces projets touche une région de mon comté dans le nord.

Il y a, depuis fort longtemps, une entreprise de déroulage et de transformation de bois feuillu dans la région de Mont-Laurier. À l'origine, cette usine était installée sur les bords du lac Nominingue à Bellerive-sur-le-lac, mais elle a déménagé à Mont-Laurier et les propriétaires d'alors, dont le Dr Toussaint Lachapelle, l'ont développée graduellement au cours des années. Ils en ont fait la principale usine de transformation de Mont-Laurier. Ils l'ont améliorée. Ils ont multiplié les transformations et il faut dire que cette usine, pour certaines de ses composantes, transforme déjà quatre fois plus la matière qu'on ne le fait ailleurs; c'est-à-dire qu'au-delà du sciage et du déroulage, on fait jusqu'aux panneaux de porte que l'on expédie, que l'on vend et que l'on exporte pour une grande partie de la production. Il y avait déjà une intégration des fonctions faite à Mont-Laurier. C'était une usine, compte tenu d'un certain nombre de questions qui se posaient chez les anciens propriétaires, qui était à vendre depuis longtemps. J'ai donc eu à traiter de ce dossier comme député et à m'impliquer dans les transactions par lesquelles REXFOR est venue acquérir des usines de Mont-Laurier.

Il y a un certain nombre d'éléments qui jouaient en faveur de l'acquisition par REXFOR de ces usines qui étaient là en fonction. Par exemple, il y avait la qualité du bois dans la région. Il y avait cette centrale hydroélectrique qui est là depuis fort longtemps et qui alimente les usines de REXFOR ou de Bellerive-Ka'N'Enda à l'origine. Il y avait aussi l'effort que les citoyens de Mont-Laurier ont fait pour l'épuration des eaux de la ville. Donc, ils s'étaient donné un équipement qui pouvait amener chez eux des investissements majeurs et il y avait aussi cette intégration plus poussée des activités de l'usine. C'est dans ce contexte que REXFOR a acquis ces usines en bloc à Mont-Laurier et qu'elle a pensé, pour les rentabiliser, pour améliorer leur situation concurrentielle, à développer une autre usine en aval de cette production qui serait ce projet de panneaux MDF. (21 heures)

M. le Président, vous me permettrez simplement de donner une définition à l'aide d'un article de M. Michel Gauthier, du journal "Le Droit", de ce qu'est le panneau MDF, parce que beaucoup de gens peuvent se poser une question de cette nature. Je cite son article dans "le Droit" du 10 mai dernier: "Le panneau de MDF entre principalement dans la fabrication de meubles et de composantes de meubles, d'armoires de cuisine, de contre-plaqués. Sa haute qualité et l'uniformité de sa surface permettent de l'utiliser dans les finitions décoratives sans qu'il ne subisse de distorsion. Il accepte

mieux les vis que les autres panneaux, notamment celui de particules, et il est possible d'en façonner les coins sans qu'il ne soit nécessaire d'y appliquer un recouvrement. On retrouve aussi le MDF, entre autres, dans la parqueterie, les panneaux publicitaires, les jouets et les composantes de fenêtres". Voilà ce qu'est le panneau MDF qui se traduit aussi en français par panneau-fibres de densité moyenne.

L'augmentation du capital-actions de REXFOR, dont nous parlons, va permettre ce projet de fabrication du panneau MDF. REXFOR va pouvoir le faire par le biais de sa société filiale, Les produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda, qui va installer cette usine et à laquelle vont s'ajouter des partenaires potentiels qui ont déjà d'ailleurs manifesté leur intérêt à s'associer à la mise en oeuvre de cette usine. Elle aura une capacité annuelle de production de 132 000 140 mètres cubes de panneaux. On pense qu'elle va fonctionner pendant quelque 320 jours par année à raison de 24 heures par jour. Il y aura deux raffineurs qui seront nécessaires pour défibrer annuellement les 105 200 tonnes métriques-année de bois requises.

Ce que cette usine va utiliser, ce sont des bois de trituration feuillus. Qu'est-ce que sont des bois de trituration feuillus? Ce sont des bois qu'on ne peut pas utiliser pour faire des planches ou pour faire du déroulage. Donc, quasiment des bois de rebuts qu'on pourrait autrement laisser dans la forêt et qu'on va pouvoir apporter pour faire ces panneaux. Donc, de toute façon, des bois qui ne sont pas utilisés à l'heure actuelle. Nous allons utiliser un volume approximatif de ces bois de 50 000 tonnes, soit en copeaux, en sciures et en planures qui sont déjà disponibles dans la région. Évidemment, des bois de meilleure qualité pourront continuer à être transformés dans la région; ils seront sciés et déroulés.

Selon les études réalisées jusqu'à présent, c'est dans cette région de Mont-Laurier finalement où l'on a les possibilités forestières nécessaires à l'approvisionnement de l'ensemble du complexe. La possibilité de consolider les activités des différentes unités de production a constitué d'autre part un facteur prédominant dans la localisation du projet à Mont-Laurier. Tout en intégrant les besoins en matière ligneuse des usines de Bellerive-Ka'N'Enda avec ceux de l'usine MDF, on va consolider les 270 emplois actuels des entreprises Bellerive et Ka'N'Enda. On va ajouter en plus quelque 140 autres emplois dans l'usine qui va fabriquer le MDF. Donc, ce sont des emplois directs qui vont s'ajouter aux autres pour un investissement total d'environ 70 000 000 $.

Je pense qu'il s'agit là d'un investissement majeur. Mont-Laurier, par rapport à ce projet, ne manque pas d'attraits en ce qui concerne la localisation de l'usine par rapport au marché cible qu'elle va desservir. Selon les études de marché jusqu'à ce jour, les panneaux MDF vont être écoulés à plus de 70% dans les marchés de l'Est canadien, c'est-à-dire principalement au Québec et en Ontario, et le reste de la production devrait être vendu dans le Nord-Est ou le Nord-Centre des États-Unis.

L'industrie du meuble du Québec va donc profiter d'un produit de qualité à un prix relativement bas. Ce sont les projets de REXFOR. Sa position concurrentielle devrait s'en trouver grandement améliorée, particulièrement sur les marchés d'exportation. Pour souligner aussi un dernier facteur, cette usine sera la première usine de ce type au Canada, parce qu'elles existent surtout aux États-Unis présentement. Toute la consommation que nous en faisons à l'heure actuelle provient de la production américaine. Voilà des données techniques que je tenais à transmettre là-dessus.

Je voudrais simplement dire qu'au-delà de cela il y aura tous les emplois indirects qu'on va retrouver dans la réalisation de politiques de sylviculture du gouvernement et qui peuvent intéresser REXFOR en plus. Nous voulons favoriser une utilisation maximale des feuillus de la forêt de chez nous. Au moment où on se parle, REXFOR et ses partenaires sont à mettre la dernière main aux études et nous devrions avoir les conclusions définitives au début de l'automne.

Au-delà des emplois directs qui sont créés, je voudrais souligner en plus les impacts que cela a pu produire sur une région, comme cela va se produire pour d'autres régions du Québec. Par exemple, le bois qu'on va ajouter devra être bûché par des bûcherons ou coupé sur des boisés privés et même des terres d'agriculteurs, de producteurs agricoles. Je pense qu'il importe de souligner de tels facteurs pour des éléments de l'arbre qui restent sur le terrain au moment où on se parle et qui pourront être amenés à Mont-Laurier. Je dirais aussi qu'en termes de sous-traitance, une usine de cette nature intéresse particulièrement les gens de la région ou va en amener d'autres à s'installer pour fournir certains éléments de la production qui vont contribuer au produit fini, comme l'entretien des usines qui sont ajoutées au complexe présentement. Ce sont toutes des choses qui favorisent le développement économique d'une région.

Nous avons peut-être plus d'espoir -non seulement des espoirs, mais des assurances qu'il faudra manifester un de ces jours - que la ligne de chemin de fer Mont-Laurier - Sainte-Agathe - Saint-Jérôme devrait demeurer puisque l'on ajoute des capacités industrielles importantes et, compte tenu du transport dont nous aurons besoin, il est à considérer qu'il n'y a plus de raisons -et qu'il n'y en aura plus - pour lesquelles le

Canadien Pacifique se retirerait de cette région. Pour ce faire, j'inviterais des gens à se manifester lors des audiences de la Commission canadienne des transports, au début de juillet, dans la région.

Je voudrais souligner que ce projet arrive après des initiatives prises par le milieu pour favoriser son développement. Il y a eu, dans tout cela, la collaboration de REXFOR, sur laquelle je reviendrai, mais il y a eu aussi l'intérêt des gens qui ont travaillé à intéresser REXFOR, qui ont travaillé avec REXFOR pour concevoir ce projet. Je voudrais simplement souligner ce qui a été fait, en particulier par la municipalité régionale de comté d'Antoine-Labelle, par la ville de Mont-Laurier, et toutes les municipalités qui sont autour. Je voudrais aussi mentionner le travail qui a été fait par le CIDEL, le Comité intermunicipal de développement économique de la région de Labelle, qui a travaillé fort sur. ce dossier, ainsi que d'autres organismes, par exemple, les clubs Richelieu de la région et le club Richelieu de Mont-Laurier en particulier.

Dans ce dossier, nous avons là un des éléments dont le schéma d'aménagement que la MRC est en train de commencer va devoir tenir compte; je pense que c'est dans leur intérêt et avec leur intérêt qu'on va le faire. Lorsque l'on va planifier le développement de cette région, il est évident que l'on devra tenir compte de cet apport majeur d'une entreprise importante dans la région qui va aussi drainer des ressources naturelles, des richesses naturelles importantes. Je crois que c'est l'un des éléments majeurs qui interviennent dans la confection du schéma, du plan de développement de la région. (21 h 10)

Je dirai aussi que pour nos jeunes, c'est l'un des espoirs que nous avons de leur apporter du travail chez eux. Il faut mentionner que la région de Mont-Laurier a grandement souffert du chômage, notamment au cours de 1981 et que ce qui est amené ici va être au moins un espoir pour nos jeunes et va nous amener à les garder davantage dans la région.

C'est avec un esprit positif que nous avons envisagé ce projet, que nous avons travaillé à ce projet. C'est avec la collaboration de REXFOR et celle du ministère de l'Énergie et des Ressources qu'il a pu être rendu à terme. Je voudrais aussi dire simplement que le milieu est très heureux que, finalement, un tel projet puisse voir le jour puisque, évidemment, on statuera définitivement au mois de septembre ou octobre sur son avenir. Je voudrais simplement souhaiter que cette bonne collaboration continue. Je porte à ma boutonnière un macaron où il est dit "REXFOR en expansion, bienvenue dans la région de Mont-Laurier". Je voudrais que l'esprit avec lequel on aborde ce projet se continue, qu'il se continue même dans les difficultés parce qu'il n'y a pas de projet qui ne connaisse pas, à un moment ou l'autre, certaines difficultés. Je veux simplement souhaiter qu'il y ait les meilleures retombées économiques possible pour ce projet. Je pense bien aussi que c'est à l'avantage de la région de Mont-Laurier, de la région de Labelle de même qu'à l'avantage de l'ensemble des Québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Matapédia.

M. Léopold Marquis

M. Marquis: M. le Président, je crois qu'il aurait été difficile pour le député de Matapédia de laisser passer l'occasion d'intervenir dans l'étude du principe de ce projet de loi. Ceci, pour plusieurs raisons, ne serait-ce que pour défendre la société d'État en cause, puisqu'elle a été fondée vers 1961 alors que le député de Matapédia du temps était ministre des Terres et Forêts. Je pense qu'à ce moment-là, l'honorable Bona Arsenault, que nos amis de l'autre côté ont sûrement connu ou dont ils ont sûrement entendu parler, était ministre des Terres et Forêts alors c'était au cours de ses premières années comme député; ce furent ses meilleures, d'ailleurs. C'est à ce moment que REXFOR - avec pas tout à fait les mêmes mandats - a été fondée.

J'ai beaucoup d'autres raisons pour parler de cette demande d'augmentation d'actions que nous étudions. La société d'État REXFOR est propriétaire à 100% de deux scieries situées dans la vallée de la Matapédia, celle de Saint-Léon-le-Grand que plusieurs intervenants ont mentionnée et celle de Lac-au-Saumon. REXFOR est également actionnaire minoritaire de l'usine la plus moderne au Québec, ou même en Amérique du Nord, qu'on appelle Les panneaux de la Vallée, ou sous son sigle commercial PanVal, qui a été, à mon avis, injustement attaquée tout récemment dans le journal "Les Affaires"; je pourrai y revenir.

Une autre raison pour laquelle je désire intervenir dans ce projet de loi, c'est que, dans le projet de consolidation d'usines de sciage situées au nord de la Gaspésie et dans la vallée de la Matapédia, évidemment la majorité des scieries concernées sont dans le comté de Matane ou dans le comté de Gaspé et que l'usine centrale de préparation de bois sera située à Matane et que cela ne fait pas nécessairement l'affaire du député de Matapédia ni de la population de la vallée. Mais il vaut mieux, je pense, si on est réaliste dans les années que nous traversons, accepter qu'il y ait des usines qui

fonctionnent, par exemple à Saint-Léon-le-Grand et à Lac-au-Saumon dans mon comté, même si on doit transporter ce bois et le faire finir à Matane, que d'assister impuissants - parce que l'entreprise privée ne pourrait pas prendre la relève - à la fermeture définitive de Lac-au-Saumon, ce qui surviendrait nécessairement si REXFOR n'était pas là, et peut-être assister éventuellement, dès le premier mauvais coup du sort, à la fermeture de Saint-Léon-le-Grand. Cela prouve que la société d'État REXFOR a joué un rôle important dans la région, chez nous, et est appelée également à en jouer un dans l'avenir.

Puisque j'ai parlé de Saint-Léon et de Lac-au-Saumon, je vais vous expliquer ce qu'étaient ces usines avant que REXFOR s'en porte acquéreur. Lac-au-Saumon, c'est une municipalité d'environ 1000 habitants où il y a eu des scieries qui ont fonctionné depuis 100 et 125 ans. Il y a une couple d'années, il y avait une scierie qui fonctionnait un certain nombre de mois par année; une autre avait été construite et était administrée par un organisateur politique de l'ancien député, mais n'arrivait pas à fonctionner d'une façon régulière, de sorte que, lorsque est venu le moment où on devait assister à une fermeture prochaine, la société d'État REXFOR s'en est portée acquéreur pour la réorganiser et la remettre en marche. Cela n'a pas été nécessairement, jusqu'à présent, très heureux puisque cette usine, depuis deux ans, a fonctionné à peu près trois ou quatre mois. Mais avec le plan de relance qui a été proposé au début de cette année, je pense qu'on peut espérer que cette usine pourra être modernisée puisque, dans le plan de relance, il est prévu un montant de 800 000 $ pour la rénover et la remettre en marche.

C'est la même chose à Saint-Léon-le Grand. L'usine avait été construite il y a un certain nombre d'années, a fait faillite, a été reprise par un groupe d'industriels de la région, a connu, par la suite, des difficultés financières et a dû être rachetée par REXFOR afin de consolider les deux usines ensemble, Lac-au-Saumon et Saint-Léon, en vue de l'arrivée soit de la papeterie de la Matapédia, soit de la papeterie de Matane maintenant, et également pour fournir une certaine quantité de copeaux à l'usine Les panneaux de la Vallée, à Sayabec.

REXFOR s'est impliquée dans Les panneaux de la Vallée et j'aimerais vous expliquer un peu ce qu'est l'usine de PanVal, Les panneaux de la Vallée, qui, comme je l'ai mentionné antérieurement, a été critiquée dans le journal Les Affaires. C'est une usine qui a coûté de 70 000 00 $ à 75 000 000 $, parce qu'il y a eu des dépassements. C'est une usine qui avait prévu donner de l'emploi à 370 personnes, des emplois directs, dans la vallée de la

Matapédia. Pour vous donner le degré d'importance dans une région comme Sayabec où cette usine est construite, mentionnons qu'à Sayabec, depuis le départ d'une compagnie forestière il y a une quarantaine d'années, il n'y avait eu aucun projet industriel d'importance même secondaire et encore moins de grande importance dans cette région. Pendant 40 ans, tous les bons éléments qu'il y avait dans cette petite région de la vallée ont dû quitter Sayabec et les paroisses avoisinantes pour s'en aller dans des plus grands centres, sur la Côte-Nord, de sorte qu'il restait à peine 30 emplois industriels. Dans les autres sous-régions de la vallée, Causapscal et Amqui, il y avait quand même environ 300 emplois industriels, ce qui veut dire qu'à Sayabec, pour une population à peu près équivalente, il y avait dix fois moins d'emplois. Or, en décidant que l'usine de PanVal serait construite à Sayabec, cela ramenait les emplois industriels dans la vallée à peu près au même niveau entre les trois secteurs. Et 300 emplois et plus qui arrivent dans une région comme la vallée de la Matapédia, ce n'est pas à dédaigner, surtout que cette usine a été construite en pleine crise économique alors qu'il ne s'en construisait pas ailleurs, mais que plutôt il y en a eu des dizaines et des dizaines qui ont fermé. Et cette usine a pu se construire en pleine crise économique parce que REXFOR tout en étant actionnaire minoritaire, était présente dans le dossier. (21 h 20)

Lorsque les Allemands, les frères Kunz qui sont les investisseurs majoritaires avec 60% ont voulu emprunter de l'argent, il a fallu que REXFOR puisse leur garantir ces prêts. Même si les frères Kunz, en Allemagne ou en Europe, sont bien cotés, il reste qu'au Canada et au Québec, ils n'étaient pas connus au point de vue financier et il a fallu que REXFOR soit capable de garantir les prêts que les Kunz devaient fournir. Et si REXFOR n'avait pas été présente dans le dossier pour être capable de garantir ces prêts, il n'y aurait pas aujourd'hui d'usine de panneaux ni à Sayabec, ni ailleurs dans la vallée, ni ailleurs au Québec.

Lorsqu'on accuse, comme je l'ai entendu en commission parlementaire, REXFOR et qu'on la compare à la SGF ou à d'autres sociétés d'État, je voudrais rappeler une chose. Les représentants d'une autre société d'État qui étaient sur le dossier avant que REXFOR ne s'en occupe ont accompagné les Kunz dans leur voyage un peu partout pour regarder d'autres sites au Québec. Les Kunz, après avoir visité le Saguenay-Lac-Saint-Jean, après avoir visité l'Abitibi, après avoir visité le Nord-Ouest ou d'autres régions, sont retournés en Allemagne sans avoir décidé d'investir. Il a fallu que le ministre des Terres et Forêts du temps qu'on

a beau déprécier, le député de Matane, qui était titulaire, qui était responsable de la société REXFOR, il a fallu que la société d'État et le ministre mettent la main sur les Allemands, les amènent à leur bureau et leur proposent de venir s'installer dans la vallée de la Matapédia. C'est REXFOR qui a été capable de le faire sans enlever aucunement les mérites d'autres sociétés d'État.

Je le dis, ici même à l'Assemblée nationale, parce qu'en commission parlementaire, on a mis en concurrence d'autres sociétés d'État avec REXFOR en laissant supposer que REXFOR n'avait pas les capacités pour mener à bon terme des projets d'importance dans la transformation du bois.

Alors, M. le Président, je pense qu'on doit rendre hommage à la société d'État sans nécessairement reconnaître que tout ce qu'elle a fait a réussi et que tout a été fait à la perfection. Il n'y a pas de gens parfaits, il n'y a pas de sociétés ou de compagnies qui sont parfaites quand on s'occupe de transformation du bois ou d'autres domaines. Pourquoi exiger davantage de la société REXFOR que l'on exigerait d'autres sociétés d'État ou d'autres compagnies privées? Dans la région de Matapédia, si on commence à voir un peu de soleil au bout du tunnel, c'est qu'on espère encore beaucoup de la consolidation des usines de sciage avec l'usine de préparation de bois à Matane qui demandera 32 000 000 $ d'investissements de la part de REXFOR, si le gouvernement fédéral ne s'implique pas, comme c'est son habitude. Si REXFOR n'est pas là non plus pour réaliser la papeterie - cela me fait encore mal au coeur de dire la papeterie de Matane, mais la papeterie de la Matapédia est devenue la papeterie de Matane - je pense que les chances sont très minimes et que cela ne se réalisera sans doute jamais. Nous avons besoin, dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, d'une autre usine de pâtes et papiers pour écouler les copeaux, non seulement de la région de Gaspé et de Matane, mais également de la vallée de la Matapédia et d'une partie de Bonaventure.

Les gens de Bonaventure, en particulier, où il y a quatre ou cinq usines de sciage qui fonctionnent mal, aimeraient bien que REXFOR soit capable de se libérer et réussisse à réaliser tous les projets sur lesquels elle travaille ailleurs que là, et si REXFOR était capable d'aller dans le comté de Bonaventure, dans la baie des Chaleurs, pour donner un coup de main aux usines de sciage qui sont en difficulté.

M. le Président, vous comprendrez facilement que je suis pour l'adoption de ce projet de loi et que je suis confiant que lorsque nous aurons donné à la société d'État REXFOR les moyens financiers de réaliser les projets qu'elle a en tête et sur papier, dans les plans au sujet de la région chez nous, cette société sera également capable d'aller en Abitibi-Témiscamingue, elle sera capable d'aller à Mont-Laurier et aussi dans d'autres régions qui demandent instamment que cette société d'État fasse quelque chose pour eux parce que des usines qui fonctionnent plus ou moins bien, des usines qui ont besoin des compétences de REXFOR il y en a aussi à d'autres endroits au Québec. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Maskinongé et whip adjoint de l'Opposition.

M. Picotte: Merci. Tel que convenu avec le leader adjoint du gouvernement je vais demander l'ajournement de ce débat. Demain il y aura possibilité d'avoir un ou deux intervenants dans une même enveloppe de temps qui est de 20 à 22 minutes.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: Oui. C'est précisément le sens de l'entente qui est intervenue entre les leaders. Je vous demanderais d'appeler l'article 6) du feuilleton.

Projet de loi 59 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux (Réimpression), présenté par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. M. le ministre, vous avez la parole. Un instant. M. le leader adjoint.

M. Fréchette: Seulement pour faire une situation claire au niveau de l'entente qui est également intervenue quant à ce débat-ci. Je pense qu'il est convenu que le ministre fasse son intervention, le député de Laporte, par la suite et ce serait la fin de nos travaux pour ce soir.

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est cela. M. le whip. Donc, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: C'est à la fois avec plaisir et soulagement que je vous présente ce soir ce projet de Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Je dis avec plaisir parce que c'est à la demande de beaucoup d'intervenants au Québec. Au Québec, il faut savoir qu'il y a environ 50 000 établissements commerciaux

qui emploient 350 000 personnes environ. 50 000 établissements commerciaux dans le domaine du commerce en détail qui emploient 350 000 personnes, cela veut dire 17% à 18% des travailleurs et des travailleuses du Québec. Sur ces 350 000 personnes qui travaillent dans les commerces au détail au Québec, il y a une grande majorité de femmes. Règle générale, malheureusement, c'est beaucoup plus de gens qui travaillent au salaire minimum, ou à très bas salaire et aussi à temps partiel. C'est une masse salariale de 3 000 000 000 $ et on compte que les ventes totales du commerce en détail, cette année au Québec, seront d'environ 30 000 000 000 $. Il y a beaucoup d'argent, beaucoup de travailleurs et beaucoup d'établissements commerciaux.-Je pense que c'est dans ce sens que je dis que c'est avec plaisir qu'on peut apporter une loi qui permettra à la fois aux établissements commerciaux d'être un peu mieux ordonnés et de répondre à leur demande puisqu'il y a eu un consensus et un front commun en faveur de l'adoption de ce projet de loi.

Le front commun pour l'adoption du projet de loi regroupait, la semaine dernière, environ une cinquantaine d'associations et d'organismes à la fois de porte-parole des associations de consommateurs et de consommatrices, de syndicats affiliés, de travailleurs et de travailleuses, de même que d'associations de commerçants et des associations de commerce. C'est rare qu'on puisse voir un projet de loi qui présente un front commun et un consensus. C'est dans ce sens que je dis que je suis très heureux de présenter ce soir ce projet de loi et de répondre à la demande d'un grand nombre de personnes qui travaillent dans des commerces de détail de même que d'un grand nombre de propriétaires de commerces de détail puisque, comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a 50 000 établissements commerciaux, cela veut dire en moyenne sept personnes par établissement commercial de commerce de détail. C'est donc la grande majorité. Ce sont de petites et moyennes entreprises.

Je dis aussi avec satisfaction puisque ce projet de loi que nous avons devant nous, ce soir, a mérité, de la part de mes fonctionnaires, d'une façon particulière et de ma part aussi deux ans et demi d'efforts, de discussions, de rencontres, de négociations pour essayer d'en arriver au meilleur consensus possible et de faire en sorte que les gens se rejoignent à un endroit donné pour que finalement des intérêts qui étaient au départ complètement divergents puissent se réunir et dire qu'on accepte un tel projet de loi. (21 h 30)

Comme je le disais tout à l'heure lorsque vous avez des associations de travailleurs, de travailleuses, des associations de commerçants, d'une part et des associations représentant des consommateurs et des consommatrices d'autre part, vous avez vraiment fait le tour de tous ceux et celles qui peuvent tirer dans des directions opposées et différentes, mais qui, cette fois, à cause de ce projet de loi, ont fait un front commun en demandant au gouvernement du Québec d'adopter rapidement, avant la fin de la présente session, ce projet de loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

C'est important, ce projet de loi. Il y a des gens qui m'ont demandé pourquoi un projet de loi qui modifie une autre loi. D'abord, faisons un peu d'histoire. La Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux au Québec date de 1970; avant cela, il n'y a en avait pas.

En 1970, c'est le gouvernement de l'Union Nationale, avec M. Jean-Jacques Bertrand, à l'époque, qui a proposé ce projet de loi à la demande des municipalités, des intervenants du commerce en détail, donc des travailleurs et des travailleuses, d'une part, mais aussi des principaux intervenants dans le monde du commerce, les associations de commerçants, qui disaient qu'il fallait mettre un peu d'ordre dans ce qui existait en fait d'heures d'affaires dans le commerce au détail.

Ce qui existait à l'époque, c'était que chaque municipalité pouvait faire sa propre loi. Une municipalité comme Québec, en particulier, pouvait dire: Nous, on ferme nos magasins à 18 heures du soir; mais la municipalité voisine, celle de Sainte-Foy pouvait dire: Nous, on ferme nos magasins à 21 heures. Vous comprenez que tout le commerce pouvait partir de la municipalité de Québec, s'en aller vers Sainte-Foy ou vice versa. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, une municipalité comme Chicoutimi aurait pu dire: Nous, on ouvre jusqu'à 21 heures et l'autre: Moi, je ferme à 18 heures, puis, finalement, le commerce change de place, change de municipalité, surtout avec la facilité que les gens ont de se déplacer d'une municipalité à l'autre.

Dans ce sens-là, les intervenants ont demandé au gouvernement du Québec de l'époque, il y a une quinzaine d'années, d'avoir une loi pour réglementer les heures d'affaires à travers tout le Québec, pour que tout le monde vive selon les mêmes heures d'affaires et pour donner chance égale à tout le monde. Cette loi des heures d'affaires s'appliquait six jours par semaine, du lundi au samedi. Le dimanche était couvert par une autre loi sur les heures d'affaires, mais celle-là sous le régime fédéral qui s'appelait la Loi sur le dimanche, qui existe encore et qui date de 1907. Elle a donc déjà 75 ans maintenant et même un peu plus. C'est bien sûr que la loi qui s'appliquait en 1907 avec des amendes de 1 $ à 40 $ pour ceux qui

faisaient des infractions à la loi est désuète. Si vous dites aujourd'hui: Vous faites une infraction à la Loi sur le dimanche et que vous êtes condamné à 20 $ ou 40 $ ou 1 $ d'amende, c'était peut-être beaucoup 40 $ à l'époque, mais, aujourd'hui, vous savez ce que 40 $ représentent pour une entreprise, pour un commerce.

C'est enfin ce qui a fait qu'au cours des dernières années, certains gros commerces en particulier ont essayé de défier la Loi sur les heures d'affaires, mais surtout la Loi sur le dimanche, la loi fédérale. C'est nous du Québec qui avions à appliquer la loi fédérale. En appliquant la loi fédérale, nous faisions des poursuites devant la cour. Le gros commerçant, qui ouvrait toute la journée le dimanche, était condamné à 40 $ d'amende, c'était le maximum de la loi fédérale. Ceci a fait en sorte aussi qu'au cours des dernières années, il y a eu des commerces qui ont fonctionné illégalement le dimanche, alors que la grande majorité des commerçants, les autres commerces, voulaient fonctionner légalement, c'est-à-dire fermer le dimanche. Cela a donné un avantage à des gens qui vivaient dans l'illégalité. Bien sûr, pour eux, c'était de faire plus de ventes, parce qu'ils étaient les seuls ou à peu près, un faible pourcentage des établissements commerciaux ouvraient le dimanche, ils étaient les seuls, mais la loi a quand même été généralement respectée par à peu près 95% des commerçants du Québec, de sorte que chez nous, à cause de notre loi des heures d'affaires et de la Loi sur le dimanche, qui a été généralement respectée à 95%, il y a 68% des ventes au détail qui se font au Québec par des magasins indépendants, 68% de ce qui se vend dans l'alimentation et le commerce en détail, la lingerie, les meubles, la bijouterie, tout cela se fait par des commerçants indépendants, alors qu'en Ontario c'est un peu plus de 50%, tout près de 51%. Chez nous, il y a plus de PME, plus d'indépendants qui ont des commerces; en Ontario, avec une loi qui n'est pas comme la nôtre, il s'en faut, il y a beaucoup plus de grosses entreprises qui font commerce.

L'objectif du gouvernement du Québec, c'est de continuer à faire que les petites ou moyennes entreprises puissent profiter au maximum du commerce qui se fait au Québec, c'est-à-dire des 30 000 000 000 $ de ventes au détail que nous ferons au cours de l'année 1984.

M. le Président, c'est un peu rapidement l'histoire de ce qui existe et c'est justement parce que des gens n'ont pas voulu respecter la loi, ont voulu vivre dans l'illégalité que des associations de gens d'affaires, des associations de travailleurs, et même des associations de consommateurs et de consommatrices sont intervenues auprès du gouvernement, il y a au-delà de deux ans et nous ont dit: II faut absolument revoir la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, inclure le dimanche dans la loi provinciale et augmenter les amendes pour faire en sorte que tout le monde puisse vivre selon les mêmes lois; qu'il y ait une justice pour tout le monde.

Nous avons tenu dans le Québec une vaste consultation, qui nous a amenés à présenter ce projet de loi. Le projet de loi 59, qui est déposé en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale aujourd'hui, vient donc modifier l'ancienne Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Cette loi, qui était entrée en vigueur, comme je l'ai dit tout à l'heure, en 1970, est une des mesures gouvernementales qui ont contribué au développement des entreprises commerciales québécoises. Mais il semble maintenant nécessaire, après quatorze années d'expérience et d'évolution, de lui apporter des ajustements si l'on veut qu'elle puisse continuer à jouer un rôle utile.

Les modifications proposées par le projet de loi 59 tiennent compte des résultats d'une consultation générale faite au printemps 1983. Le projet de loi 59 a été l'objet d'une commission parlementaire tenue en février dernier. Ces récentes audiences ont permis de dégager des consensus et d'apporter quelques changements et ajustements au projet de loi 59. C'est pour cela qu'on a déposé, il y a une dizaine de jours, un nouveau projet de loi, réimprimé, qui tenait compte des ajustements et des changements qui nous ont été suggérés à l'occasion des audiences de la commission parlementaire.

Au départ, encore une fois comme je l'ai dit tout à l'heure, il y avait deux lois, la loi provinciale et la loi fédérale. La loi québécoise des heures d'affaires cherche à maintenir un équilibre optimal entre les trois groupes dont les intérêts sont touchés: les consommateurs, les commerçants et les employés de commerce. Le législateur veut ainsi assurer un service approprié aux consommateurs, la rentabilité des commerces et une concurrence équilibrée entre les petits et les gros commerçants, le droit des propriétaires de petits commerces et de leurs employés de participer à la société de loisirs, c'est-à-dire de travailler à des heures raisonnables.

La loi établit donc une durée quotidienne d'exploitation de commerce qui doit, d'une part, donner le temps aux consommateurs d'effectuer leurs emplettes et, d'autre part, assurer aux commerçants une exploitation plus rentable de leur entreprise. De plus, la fixation des heures-cadres a une incidence sur les heures de travail et, conséquemment, sur les conditions de travail des employés.

Je pense qu'il est important de

s'arrêter ici, parce qu'il y a des gens qui disent que si on ouvrait beaucoup plus d'heures, cela donnerait plus d'activité économique. Là-dessus, tous les intervenants ou en tout cas 90% des intervenants nous disent: II n'y aura pas plus d'activité économique, excepté qu'au lieu de vendre nos 30 000 000 000 $ sur 65 heures par semaine, si on les vend sur 80 ou 85 heures par semaine, c'est sûr qu'il y a des entreprises qui vont devoir rester ouvertes beaucoup plus longtemps; pour faire le même chiffre d'affaires, cela va coûter plus cher pour toutes sortes de raisons. Finalement, même les travailleurs vont y perdre parce que si on laisse la bride sur le cou à n'importe quel commerce pouvant intervenir à n'importe quelle heure, si véritablement on laissait trop d'heures ouvertes, les gros commerçants vont l'emporter, un peu comme en Ontario, et il y a beaucoup de petites ou de moyennes entreprises qui vont disparaître. C'est déjà très difficile pour un propriétaire de PME de devoir travailler 62 heures par semaine ou à peu près, à l'heure actuelle, selon les heures d'affaires; s'il fallait ouvrir à 80 heures, ce serait à peu près impossible pour lui d'avoir des heures raisonnables. Et s'il fallait ouvrir le dimanche la plupart des établissements commerciaux, cela veut dire que la plupart des propriétaires d'entreprises de PME - on a dit, tout à l'heure, que, en moyenne, c'est sept employés - devraient sacrifier leur vie de famille et devraient s'occuper de leur commerce le dimanche, ce qui ferait des chambardements majeurs dans la vie sociale des chefs d'entreprise et des travailleurs et des travailleuses.

Alors, la loi sur les heures d'ouverture comporte certaines mesures d'exception. Ainsi, elle ne s'applique pas aux établissements commerciaux, ni aux parties distinctes et cloisonnées de ceux-ci, où l'activité principale est la vente de produits d'usage courant, tels que l'essence, les produits pharmaceutiques, les journaux, le tabac et les denrées pour consommation sur place. De plus, pour accommoder les consommateurs et dans le but de favoriser les petits commerçants du secteur de l'alimentation, la loi permet à toute heure de la journée la vente de denrées alimentaires par des établissements dont le fonctionnement est assuré par un effectif total d'au plus trois personnes par période de 24 heures. Cela était dans l'ancienne loi, avec laquelle nous vivons présentement. La nouvelle loi permettra trois personnes en même temps dans l'établissement, c'est-à-dire que cela pourra augmenter le nombre d'employés, théoriquement jusqu'à huit ou neuf, mais, en pratique, ce sera cinq ou six employés, incluant le patron, qui pourront travailler dans le dépanneur. Mais au maximum, il ne pourra y en avoir plus de trois en même temps s'il y a deux "chiffres", comme on dit, une fois ce sera trois et une autre fois deux, le soir.

En cas d'infraction à cette loi, le législateur a prévu des amendes d'au plus 1000 $ - c'est l'ancienne loi - dans le cas des propriétaires ou du locateur de l'établissement et de 100 $ dans le cas d'un employé autre que le gérant. C'étaient les amendes maximales de la loi provinciale, la loi fédérale, c'était 40 $. Présentement, nous changeons les amendes pour les augmenter d'une façon considérale, ce qui fait en sorte qu'en cas d'infraction à la loi, ce sera 200 $ au minimum pouvant aller jusqu'à un maximum de 10 000 $ en cas de récidive pour s'assurer que tout le monde respecte la même loi. (21 h 40)

Au cours des années, la structure commerciale du Québec s'est développée de façon différente de celle des provinces avoisinantes. Dans les provinces maritimes, en raison de l'éloignement des producteurs de biens de consommation, le commerce au détail s'est principalement organisé autour de nombreux et importants commerces de gros et de détail.

En Ontario, en raison de la proximité des fabricants canadiens et des grands commerçants américains, le commerce de détail s'est structuré autour d'entreprises commerciales à succursales multiples.

Au Québec, une multitude de petits commerçants indépendants dans la plupart des secteurs d'activité se sont graduellement formés en groupements volontaires et coopératifs. Plusieurs de ces groupements sont devenus maintenant des entreprises commerciales aux chiffres d'affaires imposants.

Ce phénomène des regroupements allié à certaines mesures à caractère protectionniste, comme la Loi sur les heures d'affaires et la vente de bière et de vin chez les épiciers, ont permis aux commerçants indépendants de se développer en parallèle et en concurrence avec les grandes chaînes. Par contre, les progrès réalisés par les commerçants indépendants, particulièrement par ceux qui exploitaient les boutiques spécialisées, ont été ralentis à partir des années soixante par l'implantation des centres commerciaux un peu partout au Québec. Plusieurs barrières coupaient l'accès des indépendants aux locaux dans les centres commerciaux. L'une de ces barrières, et non la moindre, était la grande difficulté de rentabiliser l'investissement d'un commerce dans un centre commercial sans mettre en danger la mise de fonds déjà faite dans le premier commerce, situé au centre-ville celui-là.

La disparité des heures d'ouverture entre centres commerciaux de banlieue et de commerces des centres-villes défavorisait ces derniers. La Loi sur les heures d'affaires entrée en vigueur au début de 1970 est

venue corriger partiellement le déséquilibre concurrentiel en faveur des petits commerçants indépendants. De plus, en ce qui concerne les jours fériés et, par extension le dimanche, la Loi sur les heures d'affaires s'inscrit dans le même sens que les normes du travail et les dispositions de nombreuses conventions collectives qui reconnaissent le droit des employés d'avoir une vie familiale ou de loisir convenable. Ainsi, la Loi sur les heures d'affaires a une portée humaine et sociale en sus de jouer son rôle d'équilibre économique.

Les problèmes d'application de la loi et l'évolution du milieu commercial. À la suite du ralentissement économique que nous avons connu, particulièrement en 1982, plusieurs commerçants ont tenté de relancer leurs affaires en ouvrant illégalement leur commerce, particulièrement le dimanche. D'ailleurs, la très grande majorité des plaintes reçues au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme concernaient les infractions commises contre la Loi sur le dimanche, la loi fédérale. Les amendes -faibles - prévues par cette loi constituaient, selon les conclusions mêmes d'une commission d'étude fédérale, un permis - et je cite - "de violer la loi". Il s'avérait nécessaire dans l'intérêt même de l'ensemble des commerçants et à leur demande de réviser les mesures légales régissant les périodes d'ouverture. Quant à faire cette révision, aussi bien vérifier par la même occasion si les conditions qui avaient dicté la teneur de la loi étaient encore d'actualité. Certaines situations semblaient avoir changé non seulement du côté des commerçants et des employés de commerce, mais également du côté des consommateurs.

C'est ainsi qu'au début de 1983, il fut décidé de procéder à une vaste consultation auprès des organismes et personnes concernés par les heures d'ouverture des établissements commerciaux. Cette consultation publique et l'analyse des 172 mémoires qui en ont résulté ont permis d'effectuer les constats suivants: premièrement, la majorité des commerçants reconnaissent le bien-fondé d'une loi sur les heures d'affaires, mais se plaignent de nombreuses infractions commises le dimanche en contravention de la Loi fédérale. Les employés de commerce se sont très majoritairement déclaré favorables au maintien de la plupart des dispositions de la loi actuelle. Les consommateurs et consommatrices qui se sont exprimés ont émis l'opinion que les changements dans les structures familiales de même que l'augmentation du nombre des femmes au travail devaient amener sinon un bouleversement du moins un ajustement des heures d'ouverture des commerces de détail. La consultation générale nous avait aussi indiqué que même si les commerçants avaient recommandé majoritairement le maintien à peu de choses près des heures d'ouverture actuelles, plusieurs entreprises ou groupes d'entreprises importantes s'étaient carrément prononcés pour un élargissement du cadre des heures d'ouverture. Plusieurs secteurs favorables à une libéralisation totale avaient demandé d'être exclus de l'application de la loi. Il semblait tout à fait normal de vouloir apporter un élargissement à la loi en raison même de l'évolution de l'activité commerciale et des besoins des consommateurs et des consommatrices.

Le projet de loi 59 qui a été déposé en première lecture résultait de cette consultation générale et venait modifier la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Il proposait d'inclure notamment le dimanche, jusqu'à présent couvert par la loi fédérale en 1907, dans la liste des jours couverts par la loi québécoise. Également, il dispensait de l'application de la loi des catégories de commerces vendant des produits d'horticulture, des produits d'art, d'artisanat ou des antiquités, des piscines et accessoires nécessaires à leur fonctionnement et des monuments funéraires.

Enfin, ce projet de loi 59 prévoyait une augmentation du montant des amendes à imposer et permettait d'accélérer les procédures légales en facilitant la tâche des responsables de l'application de la loi. Le projet de loi 59 a été déposé au Conseil des ministres à la fin de décembre 1983. Celui-ci acceptait de soumettre le projet de loi à l'Assemblée nationale et recommandait la tenue d'une commission parlementaire sur ce projet de loi, avant sa présentation en deuxième lecture.

La commission parlementaire a reçu le dépôt de 40 mémoires. 37 organismes ou personnes se sont présentés aux audiences. Les audiences ont permis de constater qu'un fort consensus se dégagait en faveur de l'inclusion du dimanche dans la loi québécoise et de l'augmentation des amendes, afin que la loi soit appliquée avec plus de rigueur. L'augmentation des heures le samedi durant la semaine de Pâques ne ralliait pas les opinions, la préférence allant plutôt à l'addition d'une demi-heure les jeudi ou vendredi soir. Les opinions étaient partagées quant à l'ouverture ou à la fermeture des établissements les lendemains de Noël et du Jour de l'an.

Nonobstant les objections exprimées par des propriétaires de pharmacies ou de marchés publics, il semblait équitable de rendre universel le maximum de trois employés en tout temps pour exempter de la loi les établissements vendant des produits alimentaires. Des élargissements pourraient être consentis dans le cas des détaillants de produits horticoles et des coopératives en milieu scolaire.

La forme de l'article 5 est plus claire

dans le texte de la loi actuelle. Certains cas particuliers, comme l'exemption des expositions agricoles, les heures d'ouverture de la ville de Hull et des environs et la permission d'ouvrir le dimanche pour les commerces qui auraient été fermés le samedi pour des motifs religieux pourraient être traités par règlement ou par des dispenses occasionnelles, tel que prévu à l'article 5.1.

Quant aux marchés publics d'alimentation, le texte révisé du projet de loi, en ce qui concerne indirectement ou directement le commerce au détail des denrées alimentaires, contient les principales dispositions suivantes: le dimanche est maintenant inclus dans la loi québécoise et les amendes ont été substantiellement augmentées; la limite des trois employés aux 24 heures a été modifiée pour permettre désormais trois employés en tout temps, ce qui permet la rotation de personnel. Les pâtisseries et les confiseries continueront à ne pas être limitées quant au nombre d'employés. Par contre, si elles vendent en sus des produits alimentaires, elles devront se conformer à la règle de trois ou fermer hors les heures.

L'application quasi universelle de la règle de trois, alliée à des amendes beaucoup plus fortes pour les ouvertures illégales le soir en début de semaine et les dimanches, convaincra la plupart des commerçants oeuvrant présentement dans l'illégalité de se conformer à la loi, incluant ceux situés dans les marchés publics. À cette mesure additionnelle pour assurer le respect de la loi, nous avons ajouté une clause disant que, si un propriétaire d'immeuble laisse un commerçant locataire faire affaires dans l'illégalité, il sera, lui aussi, passible de poursuite et de condamnation.

Toutes ces mesures et modifications ont été incorporées au projet de loi 59 à la demande de commerçants oeuvrant dans la légalité. L'Association des détaillants en alimentation, de même que l'Association des petits détaillants du Québec, d'une manière plus particulière et avec une vigueur soutenue, nous ont formulé des suggestions spécifiques quant aux situations prévalant dans des pharmacies et dans les marchés publics.

Le projet de loi 59 modifié répond, à notre avis, à toutes les demandes formulées par l'Association des détaillants en alimentation et par l'Association des petits détaillants québécois pour faire cesser les ouvertures illégales, y compris celles commises régulièrement dans les marchés publics. Les propriétaires de marchés publics et les commerçants qui y oeuvrent ont allégué diverses raisons pour expliquer la situation d'illégalité de 20% des commerces qui y oeuvrent. Comme plusieurs commerçants ont commencé avec deux ou trois employés, mais ont dû augmenter leur nombre à cinq, six ou huit en raison de l'affluence particulièrement le dimanche, des promoteurs et des commerçants ont escompté que la loi du dimanche ne serait jamais appliquée avec rigueur. Il y avait aussi la grande faiblesse des amendes de la loi fédérale, de 1 $ à 40 $, et l'ignorance de la loi par plusieurs autres.

Pour certains, ces raisons sont des circonstances atténuantes. Pour le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, ces raisons peuvent expliquer les situations d'illégalité où se retrouvent les commerçants, mais elles ne peuvent certainement pas venir les excuser. Par contre, dans les marchés publics, se retrouve une situation qui nous semble particulière. C'est celle de l'interdépendance de commerces légaux et illégaux: 80% de légaux et 20% d'illégaux.

Les petits commerçants d'alimentation ont le droit d'y ouvrir leur commerce le dimanche avec trois employés ou moins. Or, il est certain qu'ils seraient affectés dans leur chiffre d'affaires si le marché public se retrouvait édenté de ses principaux commerces si ceux-ci, parce qu'illégaux, étaient fermés soudainement le dimanche. L'attrait du marché et, par voie de conséquence, les recettes des petits commerçants baisseraient considérablement pour un bout de temps, sans parler des pertes d'emplois pour les salariés qui y travaillent. (21 h 50)

De fait, ceux-ci n'ont rien à dire quant à la légalité ou à l'illégalité des commerces de leur patron. Ils comprendont difficilement que le projet de loi 59 vienne soudainement leur faire perdre des emplois occasionnels ou même permanents. Il faut aussi constater que déjà certains marchés publics et les commerçants qui s'y retrouvent connaissent des problèmes financiers. Au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, il ne nous paraît pas souhaitable que le projet de loi 59, modifié à la demande de commerçants, vienne créer des déboires à d'autres commerçants et à leurs employés, surtout si, après discussion avec les divers groupes d'hommes d'affaires concernés, un délai peut permettre de les éviter, du moins en partie.

Comme solution proposée, le texte de loi est sans équivoque. Il soumet les commerces d'alimentation dans les marchés publics aux mêmes règles que ceux situés n'importe où ailleurs. Il n'y aura pas d'exception pour les marchés publics. Là comme ailleurs s'appliquera la règle de trois, de sorte que les commerces non exemptés qui y oeuvrent le dimanche continueront d'être illégaux comme ils le sont présentement. Toutefois, par souci pour les petits commerçants oeuvrant légalement dans les marchés publics, qui seraient négativement affectés par la fermeture soudaine, le dimanche, des commerces

illégaux et par souci, également, pour les employés de commerces dans ces marchés publics, il est suggéré d'accorder, aux quelque 100 commerces non exemptés, donc illégaux, dans huit marchés publics de la région de Montréal et deux de la région de Québec, un délai pour se conformer à la loi, délai qui pourrait aller au maximum jusqu'au 31 décembre 1986. En d'autres termes, le délai serait progressif, c'est-à-dire qu'on pourrait demander, d'ici au 31 décembre de cette année, à tous ceux et celles qui ont plus de dix employés de s'y conformer; l'an prochain, ce serait de dix à cinq employés et, la dernière année, ce serait de cinq à trois. On pourrait y aller par étapes; les propriétaires de marchés publics pourraient investir leur argent sur une période de trois ans et, finalement, les 100 commerces illégaux qui sont dans les marché publics pourraient, avec le temps, devenir des commerces légaux.

Ces commerces non exemptés après enregistrement au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, avant le 1er septembre 1984, ne pourront augmenter leur superficie durant le délai prévu par la disposition transitoire inscrite au texte de la loi et devront diminuer le nombre de leurs employés progressivement sur une période de deux ans. Cette façon de procéder et surtout le délai accordé évitent que la loi ne mitraille aveuglément les commerçants oeuvrant légalement et veut atteindre les commerçants oeuvrant illégalement dans les marchés publics. C'est une mesure sélective d'autant plus raisonnable et plus humaine qu'elle épargne aussi les employés des commerces de ces marchés.

Certains ont suggéré que le projet de loi 59, en ce qui concerne le secteur alimentaire, remplace la règle de trois employés par une limite basée sur la superficie du magasin. On a même parlé de 5000 pieds carrés, s'appuyant sur une norme utilisée par l'Association des détaillants en alimentation, pour distinguer entre le commerçant de grande surface et le dépanneur à l'occasion du concours de l'épicier de l'année. Accepter 5000 pieds carrés reviendrait, à toutes fins utiles, à permettre à un très grand nombre de magasins d'alimentation d'ouvrir le soir et le dimanche. Généralement, un dépanneur occupe une base de 800 à 1200 pieds carrés, s'il fonctionne avec trois employés. Porter la limite à 5000 pieds carrés, c'est porter la limite du nombre d'employés à 20, 25 ou 30. C'est un changement trop grand et trop brusque qui bouleversera pour un bout de temps les structures du commerce d'alimentation.

Après consultation avec l'Association des détaillants en alimentation et l'Association des petits détaillants du Québec, il ne nous a pas semblé acceptable d'inscrire dans la loi cette nouvelle délimitation, cette suggestion de 5000 pieds carrés. L'Association des détaillants en alimentation et l'Association des petits détaillants du Québec nous ont fortement recommandé, encore une fois, de continuer avec trois employés au maximum sur le plancher, en même temps, pour permettre à tout le monde de fonctionner selon les mêmes normes.

Dans l'ensemble, la commission parlementaire et les négociations qui en ont découlé auront servi à dégager un bon nombre de consensus sur des modifications apportées au projet de loi 59. En particulier, tout le monde a été d'accord ou à peu près avec la fermeture le dimanche et avec l'augmentation des amendes. Il y a eu aussi certains consensus comme revenir à la forme utilisée dans l'article 5 de l'ancienne loi de façon à éviter de nouvelles définitions ou interprétations qui pourraient entraîner des litiges inutiles: permettre aux commerces de produits horticoles de vendre, en sus, de menus articles; permettre la vente, hors les heures permises, d'artisanat et d'oeuvres d'art uniquement si celles-ci sont produites par des auteurs québécois, ceci afin d'encourager les artisans et les artistes québécois, tout en astreignant aux heures d'ouverture la vente de tableaux et de souvenirs de tout acabit et de toute provenance, inclure dans la liste des établissements exemptés de la loi les coopératives en milieu scolaire, à la condition que celles-ci ne concurrencent pas de façon déloyale les commerces environnants qui doivent respecter les heures. Finalement, il y a aussi une certaine forme de consensus pour certaines régions frontalières du Québec, comme la région de l'Outaouais en particulier, ou pour les expositions agricoles, où on devrait permettre, pour une période donnée, d'allonger les heures d'ouverture dans une région donnée.

Concernant le cas particulier des pharmacies, nous avons reçu beaucoup d'opposition au fait que les pharmacies s'étaient nettement développées au-delà de l'esprit initial de la loi en ce qui concerne la vente des produits alimentaires. En effet, ces pharmacies qui, tout à fait légalement, selon l'ancienne loi avaient obtenu la permission de vendre des produits alimentaires en raison d'une situation de fait qui existait dans des villes et villages éloignés des grands centres se sont graduellement développées en super-dépanneurs, particulièrement dans les villes les plus importantes du Québec.

Des négociations que nous avons eues avec les principaux intéressés nous ont amenés à l'arrangement suivant: à l'avenir, les pharmacies devront se soumettre à la règle de trois employés si elles vendent des

produits alimentaires. Celles qui vendent actuellement des produits alimentaires avec plus de trois employés conserveront leurs droits acquis, mais ne pourront agrandir l'espace consacré aux produits alimentaires. Celles qui voudront vendre des produits alimentaires avec plus de trois employés devront ou se cloisonner ou fermer en dehors des heures. Quant aux pharmacies qui, tout à fait légalement, vendent des produits alimentaires, elles ont jusqu'au 1er septembre pour s'enregistrer afin que leurs droits acquis continuent au cours des années.

En ce qui concerne les marchés aux puces, il s'agit principalement de marchés aux puces situés dans des immeubles qui s'apparentent à des mini-centres commerciaux. Ceux-ci consistent en des locaux fermés, loués par des propriétaires immobiliers, un peu selon la formule de petits centres commerciaux. Ces marchés aux puces sont ouverts à longueur d'année. À cause du phénomène de l'interdépendance expliqué précédemment, il a été décidé de donner un délai qui pourra aller jusqu'au 31 janvier 1985, date à laquelle la plupart des baux auront pu être renégociés. Finalement, les marchés aux puces pourront continuer de faire ce qu'ils faisaient légalement autrefois, c'est-à-dire laisser vendre par des commerçants artisans des produits usagés. Pour ceux et celles qui ont commencé, au cours des dernières années, à vendre des produits neufs le dimanche, ils auront jusqu'au 31 janvier 1985 pour se conformer à la nouvelle loi.

Il y a des questions particulières qui nous sont venues des gens de ces marchés aux puces, par exemple les bouts de ligne. Quand la première chemise est-elle le début de la ligne et la deuxième, le bout de la ligne? Ce sont des questions qu'on doit se poser. C'est très difficile à reconnaître. On a convenu avec des représentants des marchés aux puces de former un comité auquel participeraient le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et les producteurs, les manufacturiers de vêtements du Québec, de même que les représentants des marchés aux puces pour pouvoir définir certaines lignes de produits qui seraient vraiment démodés et qui devraient être vendus dans ces marchés aux puces. Nous reconnaissons que certains produits québécois fabriqués dans des entreprises québécoises, dans le textile en particulier, après un an ou deux, sont démodés; ce sont des articles neufs, mais qui devraient être vendus comme des articles démodés. Dans ce sens-là, on va essayer, d'ici au 31 janvier 1985, avec les représentants des marchés aux puces, de trouver des formules très faciles et très simples qui permettraient d'écouler ces stocks d'inventaire d'entreprises québécoises, de manufacturiers québécois qui seraient démodés et qui devraient être écoulés par des marchés aux puces ou des établissements de ce genre.

Ces divers ajustements auront permis, nous l'espérons, d'éliminer un certain mécontentement qu'avait soulevé le projet de loi 59 auprès des petits commerçants de marchés aux puces et des marchés publics en général. Il y a aussi eu une question particulière à l'égard des gens de religion juive qui, eux, à cause de leur religion, ferment le vendredi soir et le samedi. La plupart - ce sont de petits commerçants qui nous en ont fait la demande - étaient forcés de fermer le dimanche selon la loi des heures d'affaires; c'était donc fermé environ deux jours et demi. J'ai convenu avec les représentants du Congrès juif canadien et avec le député de D'Arcy McGee de trouver des façons pour permettre à certaines personnes de religion juive qui ouvraient véritablement leur commerce cinq jours par semaine et qui devaient le fermer le vendredi soir et le samedi, par les diverses réglementations et les diverses exemptions que nous pouvons trouver dans la loi de répondre à la demande de ces petites entreprises, ces très petites entreprises, dans le fond, qui, pour des raisons religieuses, ne peuvent ouvrir le samedi. (22 heures)

Les nombreuses consultations effectuées auprès des divers intéressés par les heures d'ouverture des établissements commerciaux ont démontré le bien-fondé du principe même d'une loi sur les heures d'affaires. Le Conseil québécois du commerce de détail et la Chambre de commerce de la province de Québec l'ont, d'ailleurs, mentionné dans leurs mémoires. De leur côté, les employés de commerces se sont prononcés catégoriquement pour le maintien non seulement de la loi, mais aussi des pratiques actuelles d'ouverture, particulièrement en ce qui concerne le dimanche.

Avant de terminer, M. le Président, je voudrais dire que l'étude de ce projet de loi s'est faite par les parlementaires à l'Assemblée nationale des deux côtés de la Chambre d'une façon très objective. Comme je l'ai dit, d'ailleurs, à l'occasion de la commission parlementaire plusieurs députés à la fois du Parti québécois et du Parti libéral y ont participé - ce n'est pas un problème facile à résoudre, mais je pense que tous ceux et celles qui ont touché à ce projet de loi ont essayé de le faire d'une façon non partisane et ont essayé de répondre le mieux possible aux besoins et aux aspirations des chefs d'entreprise, des consommateurs et des consommatrices, des travailleurs et des travailleuses. Cela a été assez long pour en venir à un consensus à peu près général et à un front commun, mais je pense qu'on a essayé, des deux côtés de la Chambre, d'apporter les meilleures solutions et surtout

les meilleures idées possible pour répondre aux demandes de la grande majorité des citoyens du Québec.

Le projet de loi 59 et les modifications proposées que nous déposons en deuxième lecture aujourd'hui rallient, à notre avis, l'assentiment de la majorité des organismes et des personnes concernés par les heures d'ouverture des établissements commerciaux. Avec les améliorations à la Loi sur les heures d'affaires que nous proposons aujourd'hui, j'ose espérer que les PME du Québec qui ont, comme je le disais au départ, 68% du commerce au détail du Québec, que les 50 000 entreprises dans le domaine du commerce qui sont à peu près toutes des PME, puisqu'elles créent 350 000 emplois au Québec, seront satisfaites et qu'elles continueront à bien servir, d'abord au point de vue de la qualité des services, leurs clients, les consommateurs et les consommatrices et, d'autre part, qu'elles pourront aussi continuer à être profitables et à répondre aux demandes de leurs travailleurs et de leurs travailleuses qui veulent des heures de travail convenables. C'est la même chose pour les chefs d'entreprise qui demandent des heures de travail convenables et quelques heures le dimanche pour pouvoir profiter d'une vie de famille un peu normale.

Dans ce sens, je pense que le projet de loi 59 essaie de répondre à la majorité des demandes et de faire un consensus des organismes et des individus qui ont comparu devant la commission parlementaire, qui ont déposé des mémoires, qui ont travaillé ou qui nous ont fait des suggestions appropriées concernant l'amélioration de la Loi sur les heures d'affaires.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous revient avec un projet de loi réimprimé sur les heures d'affaires. Cela démontre à la fois qu'il s'était lancé un peu précipitamment dans sa réforme, somme toute assez sommaire, et aussi qu'il a su se montrer perméable à certaines critiques que plusieurs commerçants lui ont adressées. Dans son nouveau projet de loi, certaines modifications sont heureuses, alors que d'autres étonnent. Enfin, il faut déplorer, encore une fois, une assez faible préoccupation pour les consommateurs eux-mêmes. Le ministre n'aura pas réussi à faire l'unanimité autour de son projet de loi, même s'il a reculé sur plusieurs aspects et cherché à temporiser en introduisant des mesures transitoires sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure.

Parlons, d'abord, des améliorations. Globalement, le ministre s'est rapproché du statu quo, tout en maintenant une plus grande efficacité au niveau du contrôle et du respect des heures d'affaires. Dans ce sens, il satisfait plus de commerçants puisque, dans l'ensemble, c'est peut-être davantage l'incurie gouvernementale au plan des contrôles que les heures d'ouverture elles-mêmes qui a fait problème par le passé. Le ministre a ainsi laissé tomber l'espèce de ruée de magasinage qu'il espérait sans doute provoquer en permettant une prolongation des heures d'ouverture des magasins dans la semaine précédant Pâques. Or, à peu près personne ne le lui avait vraiment demandé. En se rapprochant donc du statu quo, il améliore son projet de loi. Si le ministre avait abordé ce sujet avec des objectifs bien précis en tête, en regard des divers intérêts qui s'opposent sur cette question des heures d'affaires, et s'il avait recherché d'abord un certain consensus à ce niveau en étayant les fondements de ses objectifs, il aurait semé moins de division entre groupes de commerçants, de travailleurs et de consommateurs. Le ministre s'interrogeait sur l'à-propos d'une déréglementation ou d'une libéralisation des heures d'affaires. Ce sont là des thèmes à la mode parce qu'on y voit un retour à une plus grande productivité, mais, en même temps, le ministre nous affirme qu'il faut protéger nos petits commerçants qui sont l'armature de notre commerce de détail. Finalement, le ministre ne sait pas où donner de la tête. Il nous émet cette position magnifique voulant que la libéralisation s'en vienne et disant qu'elle se fera "dans une étape ultérieure, et, si les conditions le permettent. On peut forcer un peu une évolution, mais on ne peut tout bousculer. Il faut être prudents, suivre l'évolution des mentalités".

Devant une phrase aussi révolutionnaire, je ne peux m'empêcher de faire le lien avec d'autres propos du ministre selon lesquels il entend cultiver chez les dirigeants de nos PME le goût du risque pour leur donner le goût de l'indépendance, alors que ce ministre, à l'instar de tous ses collègues, n'a qu'une idée fixe souverainiste, dont à peu près personne ne veut, alors que ce ministre n'a d'autre ambition que d'exclure les Québécois de leur propre pays.

C'est le même ministre qui, après avoir semé un peu plus la division, vient nous dire qu'il ne faut rien bousculer, qu'il faut être prudents, suivre l'évolution des mentalités. Mais c'est la mentalité même du ministre et de ses collègues qui se voit incapable d'évoluer. Le ministre avance et recule avec son projet de loi. Il est à l'image de tout le gouvernement et de son option avance-reculé.

L'Association des consommateurs du Canada et celle du Québec redoutaient qu'une libéralisation des heures d'affaires

trop importante ne se fasse sur le dos des consommateurs. On notait un sentiment partagé chez les consommateurs. L'enquête sur l'opinion publique démontrait que ceux habitant les villes étaient plus ouverts à une certaine libéralisation que ceux vivant en milieu rural. Si le ministre avait vraiment voulu suivre l'évolution des mentalités, il aurait pu chercher à donner plus de souplesse à son projet de loi. Le conseil provincial des employés de commerce s'est élevé contre l'ouverture des magasins le dimanche, car, selon lui, cela empirerait les conditions de travail d'employés déjà désavantagés par l'obligation de travailler le soir et jusqu'à six jours par semaine au salaire minimum.

M. Laberge, de la FTQ, estimait que le fait de permettre l'ouverture des magasins le dimanche allait entraîner des pertes d'emplois. Il priait le gouvernement de résister au lobbying des pharmacies et des grands marchés publics. La FTQ jugeait que, pouvant ouvrir leurs portes le dimanche, les pharmacies imposaient une concurrence déloyale aux magasins d'alimentation puisqu'elles vendaient maintenant bien plus que des médicaments. La FTQ soutenait des propos semblables au sujet des grands marchés publics.

Sans que l'on sache trop pourquoi, le ministre nous propose dans son projet de loi un système tout aussi contradictoire qu'arbitraire. Les pharmacies, travaillant avec plus de trois personnes, vendant des denrées alimentaires et des menus objets, à la date d'entrée en vigueur du projet de loi, ne seront pas tenues de réduire leur personnel à trois personnes ou de cloisonner la partie où s'effectue la vente des denrées alimentaires à la condition - c'est là l'arbitraire - qu'elles obtiennent une autorisation du ministre et que l'espace total réservé à la vente des denrées alimentaires ne soit pas augmenté. (22 h 10)

Mais, augmenté par rapport à quoi? Le projet de loi ne le dit pas. Augmenté par rapport à quelle époque? Le projet de loi n'en parle pas, non plus. Le ministre exige que la demande en ce sens lui parvienne avant le 1er septembre 1984. En termes clairs, cela veut dire que les pharmacies ont jusqu'à cette date pour développer leur service d'alimentation et cela, sans restriction quant aux superficies en cause. Le ministre a donc choisi d'exercer une sorte de discrimination en faveur d'établissements auxquels il consacre un avantage concurrentiel pour l'avenir.

Le résultat que l'on obtient est qu'à compter de maintenant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, seules les pharmacies auront le droit de vendre le dimanche des denrées alimentaires à partir de grandes surfaces alors que tous les autres, les marchés publics, les Provigo, les Métro-

Richelieu, les Steinberg devront fermer le dimanche. Allez donc comprendre la logique derrière tout cela! II faut croire que les grands marchés publics, en argumentant qu'ils satisfaisaient les besoins des consommateurs, qu'ils suscitaient des investissements faisant l'orgueil de certains députés et ministres péquistes qui n'ont pas hésité à aller présider l'ouverture des grands marchés publics, à lever la première pelletée de terre, qu'ils créaient par surcroît des emplois, n'ont pas su s'attirer les mêmes privilèges de notre bon ministre.

Pourquoi cette inéquité? Le ministre voulait-il se faire pardonner d'avoir laissé mettre en vente la bière dans les supermarchés et convaincre l'Association des détaillants en alimentation qu'il n'était pas nécessairement sourd? En fait, le ministre leur donne raison et laisse entendre aux grands marchés publics qu'ils auront, eux aussi, leurs passe-droits s'ils savent taire leurs récriminations et lui demander, en douce, un délai pouvant aller jusqu'au 31 décembre 1986 pour se conformer à la loi.

La proposition de ne permettre d'ouvrir le soir et le dimanche qu'aux commerces ayant moins de trois employés ne satisfait pas, non plus, les petits commerçants, les petits dépanneurs. L'Association des petits détaillants s'est opposée à ce système parce que les magasins à chaîne, tels les Provisoir, les Perrette et les Maisonnée, ont à leur service une armée d'employés qui ne sont jamais présents au magasin; ces gens s'occupent, entre autres, de comptabilité, de marketing, des achats et de l'empaquetage. Le ministre refuse de reconnaître la légitimité de ces craintes et s'en tient à sa formule de ne considérer que la présence de trois personnes sur le plancher de l'établissement comme critère d'évaluation de l'importance et de la force relative des commerces qui sont en concurrence.

On pourra effectivement se retrouver avec des établissements ayant des surfaces relativement importantes, dont la gestion dégagera des économies d'échelle et qui laisseront les entreprises de type artisanal non spécialisées avec un marché qui ira en se rétrécissant. Avec un peu d'imagination, le ministre aurait pu y aller de certains critères complémentaires, telles la localisation ou la surface de plancher, mais il redoutait sans doute de pousser à bout sa logique vascillante.

Encore là, il pourra toujours se rabattre sur le pouvoir qu'il s'est réservé de faire des exceptions jusqu'au 31 décembre 1986. D'une certaine façon, cela transforme son projet de loi en une vaste invitation à lui écrire des lettres, qu'il lira avec toute l'attention dont est capable un ministre dont le parti politique a de la difficulté à remplir sa caisse électorale, qui se prépare à aller en élection alors que la cote de popularité de

son gouvernement est désespérément basse.

Qu'adviendra-t-il de la légitimité des contrôles et des amendes qu'il impose par son projet de loi si tous et chacun peuvent requérir l'exemption du ministre qui ne fournit dans son projet de loi aucun des critères sur lesquels il fondera ses décisions? Si le ministre n'a d'autre ambition que de refiler la patate chaude au prochain gouvernement et de protéger entre-temps ses arrières, si lui aussi s'est transformé en chasseur d'irritants, qu'il demande à son chef de prendre la décision de déclencher des élections générales. Comme cela, le sort du plus important irritant que doivent subir les Québécois sera réglé.

J'ai souligné, dès ma première intervention à la commission parlementaire, que le gouvernement se lançait à l'aveuglette dans ce dossier. L'Opposition libérale croit profondément que cette question des heures d'ouverture aurait dû être abordée en coiffant l'initiative gouvernementale d'une grande préoccupation pour les consommateurs eux-mêmes. L'encadrement qu'il importe de donner aux heures d'ouverture aurait dû s'inspirer moins de l'allure des futurs chevaliers de l'indépendance ou de la déréglementation à tout prix que du souci d'offrir aux consommateurs une accessibilité adéquate aux établissements fournisseurs de biens et de services là et quand ils les recherchent.

Les besoins et les attitudes des consommateurs sont en constante mutation. Ils imposent ainsi leur désir de changement au secteur du commerce au détail. De profonds changements sociaux sont en cours et se traduisent par un impact majeur sur les attitudes face aux heures d'ouverture. En voici quelques-uns tirés des données de recensement de Statistique Canada. Près d'une femme mariée sur deux a actuellement un emploi. En 1981, 47% des femmes mariées étaient actives sur le marché du travail, comparativement à des proportions de 28% en 1971 et de seulement 14% en 1961. La proportion des familles monoparentales a augmenté. En 1981, la proportion de familles monoparentales était de 12,5% en comparaison à une proportion de 9,9% en 1971. La taille des ménages a diminué de façon significative passant de 4,2 personnes par ménage en 1961 à 2,9 personnes par ménage en 1981. Le revenu moyen du ménage a connu une augmentation réelle de 16,5% de 1971 à 1981. La proportion des 15 ans et plus ayant complété des études universitaires est passée de 2,9%, en 1961, à 7,1% en 1981.

Ces changements sociodémographiques ont contribué à modifier considérablement les comportements de l'ensemble des membres de la famille et ont donné naissance à de nouvelles tendances. Ainsi, le nombre des repas pris à l'extérieur du foyer a augmenté d'une façon importante. Plus d'un repas sur trois, en fait, deux sur cinq, est pris hors du foyer. Les membres de la famille ne se retrouvent plus à des heures fixes. Chacun a ses propres activités et son horaire particulier. En moyenne, les gens consacrent plus de temps aux activités sportives et culturelles. La demande pour les produits de luxe et plus personnalisés s'est accentuée. Du "walkman" aux abonnements Nautilus, en passant par les salons de bronzage et les chocolatines, les consommateurs ont adopté de nouveaux modes de consommation en changeant ainsi leur style de vie.

Ces nouvelles caractéristiques socio-économiques qui se modifient continuellement ont obligé le commerce de détail à se fragmenter afin de mieux répondre aux besoins nouveaux et aux horaires irréguliers des gens. Qu'on parle de dépanneurs, de pharmacies à escompte, de marchés aux puces ou de marchés publics, on s'aperçoit que les consommateurs ont démontré leur intérêt accru pour ces nouveaux types de commerces qui leur offrent une plus grande flexibilité et qui, par conséquent, s'adaptent mieux à leur nouveau style de vie.

Les pressions exercées sur les commerçants varient, toutefois, selon les secteurs et selon les régions. De façon générale, elles sont plus marquées dans les grandes agglomérations urbaines qui sont usuellement les premières à connaître les nouveaux types de commerces. Les différences sectorielles sont aussi importantes. On peut, sommairement, classer les commerces en deux grandes catégories pour les fins d'analyse: ceux qui vendent des biens de consommation régulière et habituelle, appelés des "convenience goods", et ceux qui vendent des biens achetés de manière plus délibérée et planifiée; on les appelle des "shopping goods" en anglais.

Les commerces vendant des produits et des services de consommation régulière et habituelle, soit avant tout l'alimentaire et des secteurs, telles les tabagies, les stations-service et, à un moindre degré, les pharmacies, se voient accorder une grande flexibilité. Par exemple, dans l'alimentaire, les exigences des consommateurs ont considérablement augmenté depuis dix ans et les nouvelles exigences sont exprimées dans leur choix quotidien. L'horaire de neuf à six, par exemple, du lundi au samedi, convient de moins en moins et la fréquentation des nouveaux types de commerces qui offrent des heures plus flexibles le démontre bien.

Les commerces de la seconde catégorie sont l'objet d'achats plus délibérés et planifiés dans le cadre des activités régulières des consommateurs. Le consommateur manifeste donc plus de souplesse, étant donné un processus décisionnel beaucoup plus long. Que ce soit pour acheter une automobile, des vêtements

ou des matériaux de construction, le consommateur consent à planifier ses achats en fonction des disponibilités des marchands. D'ailleurs, le fait que très peu de marchands aient trouvé profitable de déroger à la Loi sur les heures d'affaires témoigne du fait que les consommateurs ne manifestent pas des exigences aussi sévères dans leur besoin de flexibilité pour ces types de biens de consommation; sinon, ils auraient encouragé la transgression qui se serait multipliée. Dans certains secteurs tels l'automobile et les matériaux de construction, le consommateur s'accommode d'un horaire plus restreint que ne le permet même la loi actuelle.

Le ministre n'a pas voulu faire de consultations populaires, établir les consensus sur les besoins des consommateurs et penser son système en fonction de leurs besoins et de leur caractère évolutif, du cadre particulier dans lequel ils sont appelés à planifier leurs achats et des conventions sociales qu'ils souhaitent voir respectées. Le ministre a plutôt choisi la voie d'un certain paternalisme et se retrouve avec un système de privilèges.

On n'a qu'à consulter le projet de loi qu'on a devant nous, le projet de loi 59, pour voir combien il contient de clauses arbitraires. Je ne veux en citer que quelques-unes. Prenons, par exemple, la clause 5.2 qui dit qu'une pharmacie qui vend des denrées alimentaires et qui a plus de trois employés à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi n'est pas tenue de restreindre son personnel à trois personnes ou de cloisonner la partie où s'effectue la vente des denrées alimentaires à la condition qu'elle obtienne une autorisation du ministre. Voilà, M. le Président, une clause arbitraire comme on peut en trouver dans les projets de loi de ce gouvernement. La clause 5.3: "Le ministre peut autoriser des établissements commerciaux à exercer leurs activités pendant des périodes où ces activités sont interdites par la présente loi." Autre clause arbitraire. La clause 6 qui dit: "Le ministre peut, aux conditions qu'il détermine, accorder à un établissement commercial un délai pour se conformer aux dispositions de la présente loi. En aucun cas, ce délai ne peut excéder..." Est-ce le 31 décembre 1984? Non, M. le Président. Serait-ce le 31 décembre 1985? Non, M. le Président. C'est le 31 décembre 1986, soit bien après les prochaines élections et bien après qu'on aura changé de gouvernement. Voilà le genre de clauses discriminatoires qu'on retrouve dans ce projet de loi.

Le devoir est à reprendre à zéro. L'Opposition ne peut cautionner une approche genre rapiéçage avance-reculé. Le principe fondamental de ce projet de loi réside dans les décisions arbitraires du ministre jusqu'en 1986. L'Opposition n'a pas à lui donner bonne conscience. Elle ne peut qu'espérer que ces mécanismes de passe-droit seront utilisés avec le maximum de prudence et de discernement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je demande la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de suspension du débat est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint.

M. Fréchette: M. le Président, cela complète le menu dont il avait été question pour aujourd'hui. Je fais donc motion pour que la Chambre s'ajourne à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 25)

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